Histoire maritime et fluviale des Pays de la Loire

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Avant-propos

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Valoriser et transmettre l’histoire maritime des Pays de la Loire Alain Gerbault, pionnier de la transat et du tour du monde en solitaire dans l’entre-deux-guerres ; Olivier de Kersauson, navigateur, chroniqueur et écrivain ; Marin-Marie, peintre de la Marine, navigateur et écrivain ; Abel Dupetit-Thouars, navigateur, explorateur, artisan du rattachement de la Polynésie à la France au début du xixe siècle ; François Athanase Charette, officier de marine aux côtés de La Fayette lors de la guerre d’Amérique, avant de devenir une figure des guerres de Vendée ; Jacques Cassard, corsaire au début du xviiie siècle. Le savons-nous ? Ils sont tous ligériens, originaires de Mayenne, de Sarthe ou du Maine-et-Loire, de Vendée ou de Loire-Atlantique. Ils sont la mémoire d’une histoire maritime commune aux habitants de notre région mais que nous connaissons mal. C’est pourquoi ce patrimoine reçu en héritage, la Région des Pays de la Loire a voulu le cultiver, le valoriser et le transmettre à travers une « histoire maritime régionale » grand public, illustrée et diffusable au plus grand nombre. Autour des grands moments de notre histoire et de ses figures emblématiques, sur l’ensemble des territoires et au fil de la Loire et de ses affluents, cet ouvrage brosse à grands traits notre histoire industrielle, navale, nautique ou agroalimentaire, celle des trafics fluviaux et portuaires et des routes maritimes, du commerce triangulaire, de l’acclimatation botanique, mais aussi l’histoire de la pêche, de l’aquaculture et de la saliculture, la naissance du tourisme balnéaire avec l’arrivée du chemin de fer, sans oublier l’histoire des villes ni celle des îles. Cette incroyable richesse de l’histoire maritime de notre région est au cœur de l’identité ligérienne. Une identité profondément ancrée dans les territoires et qui constitue un moteur de développement pour notre avenir. Car pour rester ouverte sur le monde la Région doit rester ouverte sur elle-même. Je tiens à remercier les artisans de cette publication, l’auteur Jean-François Henry et Loïck Peyron qui a généreusement accepté d’en rédiger la préface. Très bonne lecture à tous ! Christelle Morançais Présidente de la Région Pays de la Loire



Préface

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Si votre plus beau voyage est celui que vous n’avez pas encore fait, alors je vous invite à plonger dans cette histoire maritime des Pays de la Loire. C’est une histoire de femmes et d’hommes enracinés dans leur territoire, un héritage, un lien entre le passé, le présent et l’avenir… car j’ai toujours pensé que les hommes ont été attirés par la mer et par tout ce qu’elle pourrait leur apporter : la découverte de nouvelles terres, les échanges avec des peuples inconnus, le commerce, le dépassement de soi… Et c’est au fond ce qui me définit : un héritage familial avec mon père capitaine de la marine marchande et mon oncle navigateur. Une histoire de famille avec mes frères et sœurs, où l’enfant rêveur que j’étais au Pouliguen ou à La Baule est devenu un navigateur solitaire. Mes premières traversées de l’Atlantique, à dix-huit ans, m’ont rapproché de ces marins d’autrefois avec qui j’ai partagé les bonheurs et les inquiétudes de la navigation en haute mer : la peur, l’aube, la fatigue, le bonheur, le rêve, la liberté… Car s’éloigner de tout rapproche un peu de l’essentiel. Ce que Björn Larsson, dans La Sagesse de la mer, nous rappelle : « Nous n’avons qu’une seule vie, ce qui la rend infiniment précieuse et nous impose le devoir moral d’en déguster chaque minute. » La succession des courses comme le Vendée Globe, la Transat anglaise ou la Route du Rhum, les victoires avec des voiliers constamment innovants, accompagnent le développement des industries nautiques, propulsent la France et notre région au premier plan de la navigation de plaisance. Patrons pêcheurs, officiers de marine, plaisanciers, amateurs de courses et de croisières en famille, concepteurs de bateaux, laboratoires de recherches, charpentiers de marine, coureurs au large… Ce livre est l’histoire des quêtes, des défis individuels ou collectifs de ceux qui ont la mer pour horizon, en ouvrant le champ de l’anthropologie maritime au plus grand nombre. Je remercie sincèrement l’auteur et les promoteurs de ce livre pour le voyage qu’ils nous offrent. Loïck Peyron



Sommaire

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Des tracés aux contours incertains — 11 À l’aube de l’Antiquité — 19 Christianisation et invasions venues de la mer — 27 La conquête du littoral au Moyen Âge — 39 L’apogée des xviie et xviiie siècles — 51 Les grandes mutations du xixe siècle — 71 Continuités et ruptures au xxe siècle — 109 Les nouveaux défis de la croissance bleue — 151 La mer, toujours ! — 168

Table des matières — 170 Bibliographie — 172 Crédits — 173 Remerciements — 176


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Des tracés aux contours incertains Le littoral des Pays de la Loire fait alterner des paysages variés : longues plages de sable fin, falaises escarpées, grandes étendues de terre gagnées sur la mer. L’évolution du littoral Le littoral de la région s’étend sur deux départements, la LoireAtlantique et la Vendée, et va de l’estuaire de la Vilaine aux côtes de la Charente. Long d’un peu plus de 350 kilomètres, il présente de façon presque équivalente trois aspects : les côtes rocheuses de la presqu’île du Croisic et de la pointe Saint-Gildas ; la côte sauvage de l’île d’Yeu, de la corniche vendéenne et de la falaise de Bourgenay ; les côtes sablonneuses de La Baule et Saint-Brevin-les-Pins en LoireAtlantique, de Notre-Dame-de-Monts, Saint-Jean-de-Monts et des Sables-d’Olonne en Vendée. Enfin, le littoral se caractérise aussi par de grandes étendues de terre gagnées sur la mer au sud de la Loire, le Marais breton-vendéen, le marais de Monts et le Marais poitevin. Le contour de ce trait de côte a beaucoup évolué au cours des âges, en fonction du niveau de la mer et des phases d’érosion et de sédimentation. Aux différentes périodes géologiques, le niveau de la mer a souvent fluctué. Il y a environ 20 000 ans, l’Europe du Nord était recouverte d’une immense calotte glaciaire. Le niveau de la mer était inférieur de 120 mètres à ce qu’il est aujourd’hui, et le littoral se situait à 150 kilomètres au large

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La Pointe du Payré dans le sud de la Vendée, Talmont-Saint-Hilaire. © Photo : Francis Leroy.

Les falaises calcaires de Jard-sur-Mer, dans le sud de la Vendée. © Photo : Francis Leroy.

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La conquête du 39 littoral au Moyen Âge La « fureur des Normands » est enfin apaisée au xie siècle. La population reprend peu à peu son souffle dans un pays en partie ruiné. Le pouvoir central est considérablement affaibli et les territoires sont morcelés en de multiples seigneuries. Les paysans se regroupent autour des mottes castrales surmontées de donjons en bois et entourées de palissades. Puis, progressivement, la côte se hérisse de châteaux de pierre – au Croisic et à Guérande, sur les îles de Noirmoutier et d’Yeu, sur la côte du Bas-Poitou, à Beauvoir, Riez, Brem et Talmont, à Olonne et Moricq – qui ont une double mission, la surveillance maritime et la défense du littoral. C’est le début de la féodalité.

L’essor des abbayes Cette époque est marquée par une intense vie religieuse. Dès le siècle, les îles notamment avaient vu s’implanter un monachisme de type celtique, influencé par les moines irlandais, mais les invasions vikings lui avaient porté un coup sévère. Les efforts conjugués des seigneurs et des évêques suscitent désormais un vaste mouvement de restauration et de fondation d’abbayes, sous l’obédience des Bénédictins. Le Bas-Poitou est alors sous l’autorité des ducs d’Aquitaine, qui sont aussi comtes d’Auvergne. Guillaume le Pieux fonde en 909 la célèbre abbaye bénédictine de Cluny, dont le rayonnement se fait sentir un peu partout en Europe et notamment dans la région.

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Plusieurs salines des marais salants de Guérande datent du Haut Moyen Âge. © M. Gross / Région Pays de la Loire.

Très proche du littoral, Guérande fait partie des rares villes de France qui ont conservé l’intégralité de leurs murailles. Construites au Moyen Âge, elles assuraient la défense non seulement de la cité mais aussi de la région, très convoitée pour son sel. © Photo : Ludovic Failler / Région Pays de la Loire / Ouest Médias.


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La guerre sur les côtes Pendant plusieurs siècles, l’Ouest de la France est le théâtre de guerres incessantes. Aux xiie et xiiie siècles, les Plantagenêt étendent leurs possessions de la Normandie jusqu’à l’Aquitaine. Au xive siècle, la guerre de Succession déchire la Bretagne entre les partisans de Jean de Montfort, soutenu par les Anglais, et ceux de Charles de Blois, protégé par la France. Enfin, aux xive et xve siècles, pendant la guerre de Cent Ans, l’Anjou et le Poitou sont des régions particulièrement convoitées. Durant toute cette période, les côtes bretonnes et poitevines furent la cible d’incursions menées par des Espagnols et des Anglais, avec notamment l’attaque du Croisic, des îles de Bouin et Noirmoutier. L’île d’Yeu, prise en 1355 par Robert Knolles, est restée occupée par les Anglais pendant trente-sept ans. Elle fut reprise par Olivier V de Clisson.

Le château de Ranrouët est situé sur la commune d’Herbignac, au nord de la Grande-Brière. Il fut construit par les Rieux d’Assérac au xiiie siècle. Ses abords ont été fortifiés au xvie siècle par un réseau étoilé de bastions. Il fut démantelé au xviie siècle, sous Louis XIII. © Photo : château de Ranrouët.


Jeanne de Belleville, la femme pirate Olivier IV de Clisson, accusé d’avoir soutenu Jean de Montfort contre Charles de Blois lors de la guerre de Succession de Bretagne, est décapité à Paris. Sa veuve, Jeanne de Belleville, est condamnée au bannissement et à la confiscation de ses biens. Elle décide alors de venger son mari, fait armer deux navires et mène une guerre de piraterie contre les bateaux français. Après neuf mois de course, elle est vaincue mais réussit à se réfugier en Angleterre. Son fils Olivier V, bien qu’élevé à la cour d’Angleterre, finit par prendre le parti français et devient connétable du royaume de France.

D’un port à l’autre… La guerre de Cent Ans fait de terribles ravages dans la région. Certes, le duché de Bretagne, resté neutre, demeure en retrait du conflit qui oppose les royaumes de France et d’Angleterre, mais les côtes ne sont pas épargnées par les raids ennemis. Deux rois ont porté une attention toute particulière à deux ports.

Richard Cœur de Lion et Talmont Le fils d’Aliénor d’Aquitaine, Richard Cœur de Lion, roi d’Angleterre­ mais aussi duc de Normandie et d’Aquitaine, comte du Poitou, du Maine et d’Anjou, passe plus de temps dans les forêts poitevines que dans les manoirs anglais. C’est du port de Talmont que Richard et ses compagnons d’armes, La Rochejaquelein, La Roche-Saint-André, Chabot, etc., s’embarquent pour la croisade. À son retour, s’inspirant des forteresses de Palestine, le roi fait renforcer les murailles du château qui domine le port de Talmont.

Louis XI et Les Sables-d’Olonne La mer, au fil des ans, a envasé le port de Talmont, qui perd progressivement son rayonnement commercial : Philippe de Commynes, sénéchal du Poitou, conseiller très proche du roi Louis XI, lui suggère de développer le port des Sables-d’Olonne, fondé par Savary de Mauléon au xiiie siècle. Par ordonnance du 10 novembre 1472, le roi fait entourer la ville de murailles et lui accorde des privilèges qui assurent son développement commercial. C’est dans le port d’Olonne que François Rabelais, qui fut moine à l’abbaye de Maillezais, choisit de faire débarquer la « Grant Jument » de Gargantua, « une jument offerte à Grandgousier par Fayoles, quart roi de Numidie. La plus énorme et la plus grande que fut oncques vue. » Il fallut trois caraques et un brigantin pour la transporter jusqu’au port d’Olonne en Talmondais.

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Portrait d’Olivier V de Clisson, par Simon Vouet (musée Dobrée). Gisant de Richard Cœur de Lion, Abbaye royale de Fontevraud. © Photo : Patrice Giraud, Bernard Renoux / Région Pays de la Loire, Inventaire général.

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La Loire et la construction des châteaux et cathédrales Le tuffeau est une pierre calcaire à grain fin vieille de 90 millions d’années, qui s’est formée à partir d’alluvions sédimentaires cristallisées ; on le rencontre dans le val de Loire, notamment dans la région de Saumur. Dès le xie siècle, ce matériau est utilisé pour construire les principaux édifices de la région. La pierre est extraite de carrières souterraines à proximité de la Loire et de ses affluents. Elle est ensuite taillée en moellons réguliers, mis à sécher sur les quais. Acheminé facilement par voie fluviale sur de puissantes gabares, le tuffeau devient le matériau par excellence des constructions du val de Loire, des châteaux et des sanctuaires de Saumur jusqu’à Nantes. Cette pierre tendre a notamment permis aux artistes de sculpter la façade de style gothique flamboyant de la cathédrale de Nantes, mais les injures du temps et la violence des hommes ont souvent eu raison de la fragilité de ce matériau magnifique. Enfin, certaines carrières sont utilisées comme habitations troglodytiques.

À Montsoreau, les blocs de tuffeau taillés pour les constructions attendent d’être chargés sur une gabare. Carte postale de 1892. ©  Archives départementales de Maine-et-Loire. © Région Pays de la Loire, Inventaire général.

Le sanctuaire de l’île de Béhuard La navigation peut être une aventure périlleuse. Une embarcation sur laquelle avait pris place le dauphin Louis, futur Louis XI, fils du roi Charles VII et de Marie d’Anjou, fit ainsi naufrage sur la Charente. Il invoqua la Vierge de Béhuard, vénérée en Anjou, et échappa miraculeusement à la noyade. En remerciement, il fit reconstruire la chapelle de la Vierge sur l’île de Béhuard. Le roi revint en 1470, et invoqua la Vierge pour obtenir la naissance d’un fils et assurer ainsi sa descendance. Son vœu fut exaucé. Notre-Dame de Béhuard, ancien lieu de pèlerinage des bateliers de la Loire, est un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco.

Voûtes de la nef de la cathédrale de Nantes. La cathédrale Saint-Pierreet-Saint-Paul est de style gothique flamboyant. Commencée au xve siècle, sa construction s’est étalée sur cinq siècles. La cathédrale repose sur le granit armoricain ; ses piliers et ses voûtes ont été taillés dans le tuffeau du val de Loire. © Photo : Denis Pillet / Région Pays de la Loire, Inventaire général.

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Sanctuaire de l’île de Béhuard.


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Continuités et 109 ruptures au xxe siècle Ce nouveau siècle fait alterner les heures sombres et les espoirs d’un ciel dégagé. Ces ruptures prennent le visage des guerres qui visent les installations portuaires, des mutations industrielles qui obligent les chantiers navals de Nantes à tourner définitivement la longue page de leur histoire, des nouvelles techniques de pêche et des exigences européennes… L’espoir s’incarne dans l’essor des chantiers de Saint-Nazaire, dans le développement du tourisme… Sur la frontière maritime : la guerre encore et toujours LA GRANDE GUERRE Depuis les descentes des Vikings jusqu’aux attaques des corsaires britanniques, la façade atlantique est une frontière maritime qui a toujours vécu dans la crainte des flottes ennemies. Lors de la déclaration de la Première Guerre mondiale, les côtes se croient à l’abri, loin des champs de bataille, mais quand, en 1917, les Allemands décident de lancer leurs terribles U-boots pour faire une « guerre à outrance », la région se trouve au cœur de la guerre sous-marine. Les Allemands veulent en effet empêcher les Alliés d’accueillir les navires, venus des colonies ou des pays du Nouveau Monde, qui apportent des renforts en troupes et en matériel.

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Le paquebot Normandie sur sa cale de lancement. © Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme Écomusée. Fonds Chantiers de l’Atlantique.

Vue d’un transport de troupes américaines dans l’entrée sud. Photographe inconnu. © Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme Écomusée.


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Vue aérienne des chantiers Dubigeon de Nantes, été 1963. Dans le bas de la photo, le Hadar en armement et sur la cale no 2 l’Etrog, deux cargos pour la compagnie Zim Israël. Plus loin, le cargo frigorifique Karukera. On remarquera dans le lointain les îles non aménagées où se dresse aujourd’hui l’hôtel de Région. © Région Pays de la Loire, Inventaire général.

Le Maria Polivanova, un chalutier conserveur construit pour l’URSS, le jour de son lancement le 5 avril 1965 sur la cale no 3. Sur l’autre cale, son sistership l’Anatolii Khaline, qui sera lancé l’année suivante. © Renseignements communiqués par Dorian Cougot de la Maison des Hommes et des techniques, Nantes. Région Pays de la Loire, Inventaire général.

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Le Normandie et la salle à manger première classe décorée par Pierre Patout et Henri Pacon.


SAINT-NAZAIRE Saint-Nazaire s’oriente résolument vers les liaisons transatlantiques et se spécialise dans la construction de grands paquebots pour la Compagnie Générale Transatlantique et sa French Line. L’Île-deFrance en 1927, Le Champlain en 1932 puis le célèbre Normandie, en 1935, font la renommée des chantiers nazairiens. Ces magnifiques navires sont de véritables ambassadeurs de la culture française. Ils proposent aux passagers le confort de leurs cabines et la majesté de leurs salons. Les artistes décorateurs déploient toutes les facettes de leur talent pour faire de ces navires de véritables palaces. Les chefs cuisiniers proposent à leurs convives des dîners de gala dignes des plus grandes tables. Le Normandie, paquebot de légende Le Normandie, long de 313 mètres, est lors de son lancement le plus grand paquebot du monde. Il peut accueillir 1 850 passagers et 1 345 membres d’équipage. Les aménagements de ce géant des mers associent toutes sortes de matériaux précieux : cristal, céramique, verre gravé, marbre et bois exotiques… Ils mettent en relief le talent de grands artistes comme le maître verrier René Lalique, le ferronnier d’art Raymond Subes ou le sculpteur et orfèvre Maurice Daurat… Les peintres Mathurin Méheut et Jean Bouchaud, de Nantes, participent à la décoration des salons. Pendant les quelques jours que dure la traversée, les passagers peuvent jouer au tennis, nager dans la piscine ou participer aux nombreux jeux installés sur les ponts : jeu de palet, course de chevaux de bois, tir aux pigeons d’argile… Le soir, place aux cocktails, à la piste de danse et aux spectacles. Lors de son voyage inaugural, Normandie remporte le trophée du « Ruban bleu », qui récompense la traversée la plus rapide de l’Atlantique Nord. En 1941, il est réquisitionné par les Américains sous le nom d’USS Lafayette pour le transport de troupes ; il sombre le 9 février 1942 dans le port de New York, victime d’un incendie.

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Les nouveaux défis de la croissance bleue La mer a modelé une part fondamentale de l’histoire de la région des Pays de la Loire ; elle demeure essentielle pour son avenir et se conjugue désormais au futur. En effet, la mer contribue plus que jamais à rapprocher les hommes, en leur permettant notamment de transporter des marchandises d’un continent à l’autre. Elle renferme par ailleurs des richesses encore insoupçonnées pour l’alimentation, l’énergie… Enfin, elle offre des stations balnéaires pour une population de plus en plus nombreuse, en quête de repos et de détente. Mais la mer, si convoitée, reste un espace fragile qu’il faut protéger. C’est pourquoi l’avenir de la région devra conjuguer, dans un même élan, le développement équilibré des activités humaines – construction navale, pêche et activités aquacoles, stations balnéaires – et la préservation harmonieuse des nombreuses zones fluviales et littorales, riches d’une biodiversité foisonnante. Tels sont les enjeux de cette croissance bleue.

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Le port du Bec à Port du Bec à Beauvoir-sur-Mer (Vendée). © Photo : Francis Leroy.

La digue de Bouin (Vendée). © Photo : Francis Leroy.

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LA PÊCHE ET LES MILIEUX AQUACOLES La région Pays de la Loire est la deuxième région française pour la pêche professionnelle maritime en ce qui concerne la valeur des ventes, derrière la Bretagne. Même si le nombre des bateaux de pêche est en diminution, la pêche reste une activité dynamique avec une flotte de 360 bateaux employant 1 200 marins pêcheurs. Les principaux ports sont La Turballe, Le Croisic, L’Herbaudière, Port-Joinville, Croix-de-Vie et Les Sables-d’Olonne. Cette activité est confrontée à des difficultés liées à la raréfaction du poisson : elle doit donc respecter les quotas de pêche pour préserver la ressource. L’aquaculture, qui concerne principalement les huîtres et les moules, est pratiquée sur la frange côtière de la baie de Bourgneuf-enRetz et dans la région de L’Aiguillon-sur-Mer. Les Pays de la Loire sont le premier site d’élevage français de coques, une activité développée dans les années 1980 dans le traict du Croisic, en Loire-Atlantique. Une grande partie de la production de la quinzaine d’entreprises de la filière est exportée vers l’Espagne.

Ostréiculture dans le port du Bonhomme à la Guérinière, sur l’île de Noirmoutier.

Écloserie de turbots à l’Épine, sur l’île de Noirmoutier.

© Photo : M. Gross / Région Pays

© Pierre-Bernard Fourny / Région Pays

de la Loire.

de la Loire.

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La région de Guérande, l’île de Noirmoutier et la baie de Bourgneuf-en-Retz ont renoué avec une tradition ancienne en produisant la « fleur de sel », appréciée de tous les grands chefs.



La mer, toujours ! 168 Au centre de l’« Arc atlantique », le littoral des Pays de la Loire est un trait d’union entre l’Armorique et l’Aquitaine, entre les îles Britanniques et la péninsule Ibérique. Les falaises granitiques s’évanouissent progressivement au sud de la Loire, et les longues plages de sable fin annoncent le littoral aquitain. Depuis les temps les plus reculés, la mer et les cours d’eau, fleuves ou rivières, attirent les hommes et provoquent rencontres et échanges. Certes, les techniques ont considérablement évolué au fil des siècles, depuis les barques monoxyles de la préhistoire, découvertes dans les profondeurs de la Brière, jusqu’aux grands paquebots sortis du ventre des chantiers de Saint-Nazaire ou aux étonnants hydrofoils caressant les flots. Mais la passion des habitants des Pays de la Loire pour l’océan et ses lointains horizons demeure la même… Cette passion s’enracine le long d’un fleuve majestueux, royal, indomptable et fougueux, la Loire. Pendant des siècles, malgré ses accès d’humeur, le fleuve a laissé des milliers de gabares et de chalands butiner sur ses rives. Et c’est vers l’océan que ces bateaux se sont tournés, pour redistribuer à leur retour les précieuses marchandises sorties des cales de puissants vaisseaux, le sucre, le café, le rhum, qui fleuraient bon les Isles lointaines… Trait d’union entre les hommes, le littoral fut aussi frontière maritime où s’affrontèrent des flottes ennemies. La région fut le théâtre de conflits et de drames, combats navals, torpillages et bombardements. Et la mer, souvent cruelle, s’est mêlée au tumulte en provoquant des tempêtes et de terribles naufrages. Au cours des siècles, les hommes et les femmes se sont donc sans cesse adaptés à ce monde en perpétuel mouvement. Il leur a fallu composer avec un littoral en évolution. La mer qui s’enfonçait profondément dans les terres s’est retirée, laissant des zones de marais ; le cours de la Loire s’est progressivement comblé, empêchant les navires d’accéder au port de Nantes. Ces modifications auraient pu décourager les énergies : elles les ont au contraire stimulées. Saint-Nazaire prit le relais de Nantes pour la construction navale ; le développement des stations balnéaires et l’essor des ports de plaisance ont compensé le déclin de la flottille de pêche. Aujourd’hui comme hier, les défis sont là. La mer est plus que jamais un réel potentiel d’avenir et le littoral des Pays de la Loire est une chance pour la région. Une nouvelle fois, il faut composer avec l’océan, qui ici recule, là continue de déposer ses alluvions… Il faut protéger l’équilibre fragile des écosystèmes, maîtriser des techniques innovantes pour construire et perpétuer la passion de l’aventure, sans cesse en quête de nouveaux projets et de vastes horizons.

La pointe de Penchâteau vue depuis le balcon d’une villa de La Baule. © Région Pays de la Loire, Inventaire général.


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