Quels fondement au projet participatif,
L’urbanisme durable
Merceur Charline
Le temps où la ville était réservée aux seuls urbanistes et architectes est révolu. Grâce à Internet et aux réseaux sociaux, elle s’invente désormais en cocréation avec les citoyens. Le réseaux social Carticipe en est un parfait exemple puisqu’il a permis à la ville de Laval de mettre directement a contribution les citoyens dans l’aménagement de leur ville. Le principe est simple : un fonds de carte Google interactif permet à chacun de soumettre des propositions et de réagir à celles déjà exprimées en ligne en matière de mobilité, d’espaces verts, de construction ou de services. Cette volonté d’impliquer ceux-là même qui pratiquent la ville quotidiennement dans son processus de conception est en passe de devenir un procédé incontournable. En effet, les acteurs de la ville cherchent à proposer des solutions urbaines adaptées à leur environnement direct en se distinguant de ce qui a déjà été fait. Je souhaite ici explorer les discours et les fondements de l’urbanisme participatif. Pour cela, je vais m’appuyer sur une approche chronologique et historique du processus de conception urbaine tout en m’attachant à deux exemple de la métropole bordelaise: les quartier GINKO et BRAZZA. Ainsi, je vais tout d’abord mettre en avant les doctrines historiques en m’appuyant sur le travail de Françoise Choay. Dans un second temps, je vais aborder la nouvelle façon d’appréhender le rapport à l’urbain et à son environnement en vue des préoccupations grandissantes en terme d’environnement et de développement durable. Cela va entrainer une véritable mutation de la pensée urbanistique encore en questionnement aujourd’hui: le projet participatif. 1.
Les modèles historiques Lorsque nous parlons d’urbanisme et de planification urbaine en France, les principales doctrines et théories du XXe siècle ont été consignées par Françoise Choay. En effet, dans Urbanisme, utopies et réalités, cette auteure regroupe les écrits et théories de l’urbanisme de nombreux auteurs. Elle y soutient une thèse paradoxale selon laquelle l’urbanisme du XXeme siècle qui se veut être une réponse nouvelle à des problèmes nouveaux se révèle être la reprise et la répétition d’idéologie du siècle précédent. Dans son texte, Françoise Choay utilise le terme de « pré-urbanisme » dans lequel elle regroupe des penseurs tels que Owen, Morris, Cabet, Marx et Engels qui , au XIXe siècle réagissent à la croissance de la population urbaine provoquée par l’industrialisation des villes. La modification des moyens de productions et de transport à rendu les anciens cadres obsolètes. Les penseurs pré-urbanistes partent donc du constat d’un désordre à rectifier et c’est ce qui les diférencie des urbanistes. Selon Françoise Choay, deux critères distinguent l’urbanisme du pré-urbanisme. Tout d’abord, les urbaniste sont des spécialistes de l’organisation et de la projection spatiale, comme les architectes par exemple, d’autre part, ils ont développé les pensées pour les mettre en application. Au travers de son texte, on discerne ainsi trois modèles théorisés par les pré-urbanistes et développé par les urbanistes: le culturaliste, le progressiste et le naturaliste. Ce dernier sera laissé de côté par la suite. Ces deux modèles principaux se distinguent de par leur interaction avec le passé. Il prends son fondement dans les grandes références historique et une certaine nostalgie. Cette vision de « la ville future » est dans la continuité des pré-urbanistes. En effet, les limites de la ville sont définie de manière précise par une ceinture verte. La rue devient un élément fondamental est forme les lignes directrices qui regroupe les lieux de passages et de rencontres. Il s’agit ici d’un concept culturel et non matérialiste où les relation interpersonnelles sont favorisées. 2.
De l’autre, le progressisme met la modernité au centre de sa réflexion. Ce mouvement fût théorisé par les Congrès Internationaux d’Architecture Moderne (CIAM) en 1928 pour être ensuite concrétisé par la Charte d’Athènes en 1933 qui en devient la doctrine au travers de Le Corbusier, Garnier ou encore Gropius. La ville du XXeme siècle doit selon eux suivre la révolution industrielle que ce soit par la généralisation de nouveaux matériaux (acier, béton) mais également au travers de la standardisation et la rationalisation des formes. Contrairement au culturalisme, la rue est reléguée pour laissé place à la monumentalité au service de l’automobile.
Une mutation de la pensée
urbanistique nécessaire
Ces deux modèles ont été largement repris et réinterprété tout au long du XXeme siècle, toute fois, le XXIeme siècle a été confronté à une mutation profonde de la société et des villes qui a remis en question la façon de concevoir le projet urbain. En effet, Jean-Jacques Terrin nous expose la triple crise économique, énergétique et environnementale comme étant au centre des préoccupations mais le processus de conception urbaine n’a pas fondamentalement changé. En outre, depuis cet ouvrage chaque nouveau mouvement urbain ou nouvel aménagement aspire à être rattaché a un de ces modèles historique. Nous devons cependant prendre en compte une nouvelle façon d’appréhender le rapport à l’urbain et à son environnement.
Caricature publiée dans GRAD-s.fr
Depuis quelques années, certains auteurs ou praticiens proposent alors des écrits, des essais, sur la ville durable, le plus important est encore la Charte d’Aalborg (1994) oui la Charte d’Aalborg +10 (2004). Ce texte fût élaboré lors qu’une conférence dirigée par la Commission Européenne et avec l’associations de plusieurs villes. Ce texte propose une définition de la ville durable, des critères qui la caractérisent et la distinguent des modèles historiques mis en avant par Françoise Choay. En outre, l’urbanisme durable a la volonté d’assurer une gestion économe de l’espace, de favoriser la cohésion sociale et un évolution équilibrée de la structure de la population et d’articuler le développement de l’urbanisation autour de nouveaux enjeux de mobilité. Le facteur environnement est évidemment aux centre de cette réflexion avec pour principaux objectifs la valorisation et la préservation de l’environnement ainsi que la prise en compte des risques et la limitation des nuisances tout en promouvant une économie soutenable.
Au travers de cette remise en question des modèles de la ville « moderne », l’urbanisme durable décline la problématique globale du développement durable à une échelle locale. Dans ce processus, les quartiers sont souvent considéré comme étant « la bonne échelle pour réinventer la ville » (Emilianoff, 2000). Ainsi, les projet d’« éco-quartiers » deviennent une des principales contribution à la fabrique de la ville durable. Un éco-quartier se définit alors comme « un projet d’aménagement urbain qui respecte les principes du développement durable tout en s’adaptant aux caractéristiques de son territoire. » GINKO est en ce sens le premier éco-quartier bordelais d’envergure. Il se trouve dans le prolongement des quais de Bassin à Flot jusqu’aux Lacs. L’enjeu ici est de requalifier l’articulation stratégique que crée ce nouveau quartier avec Les Aubiers et Bassin à Flot. Le plan d’urbanisme, couvrant 32,6 Ha, a été conçu par Christian Devillers et Olivier Brochet. Il comporte un ensemble de logements ainsi que de nouveaux équipements. Un nouveau centre commercial de prés de 29 000m² vient également dynamiser le site.
Photographie du quatier GINKO par le Figaro Immobilier, le 05/08/15
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En effet, la notion d’urbanisme durable remet en question la répartition des compétences entre la commune et la communauté urbaine. Ainsi, le territoire de l’urbanisme durable dépasse celui de la commune ce qui induit une multiplicité des acteurs intervenant dans le projet urbain.
En outre, il a pour vocation de favoriser la mixité à la fois fonctionnelle, sociale et architecturale afin de répondre à l’évolution des usages dans la ville. Cela se fait par le biais d’une architecture bioclimatique, un quartier à faible consommation énergétique ainsi qu’un cadre naturel «exceptionnel» par la mise en avant d’une cité jardin. Par ailleurs, la mobilité et la proximité du centre ville est également un des grands enjeux de ce projet. Le prolongement de la ligne C du tramway favorise l’émergence de la ville de proximité. Enfin, la richesse de cet éco-quartier tient par son traitement paysager qui profite d’une implantation au bord du Lac et du parc. Ainsi, les concepteurs ont eu une réelle volonté de travailler les vues et les cadrages sur l’eau par des transversale qui parcourent le site.
Le projet de vie au coeur de
du projet urbain
Comme l’ont expliqué Claire Carriou et Olivier Ratouis dans Quels modèles pour l’urbanisme durable?, cette nouvelle approche du projet urbain se détache de bien des façons des modèles progressistes ou culturalistes. Par ailleurs, la mutation du système de gouvernance implique une modification profonde de la pensée du projet urbain. 4.
Nous somme donc face à une complexification du processus de projet. C’est d’ailleurs ce que met en avant Maryne Buffat et François Meunier au travers de leur texte sur La programmation urbaine, entre projet politique et projet urbain. Ils déterminent ici le projet urbain comme étant un processus organisé autour de trois composantes: la programmation, la conception et la réalisation. Ainsi, la programmation, qu’ils définissent comme étant « un ensemble d’actions rationnelles, de méthodes de résolution des problèmes qui définissent des besoins et des contraintes afin de déboucher sur un cahier des charges », devient l’élément essentiel de ce processus. L’urbanisme durable replace l’usager au coeur du projet urbain afin de proposer des solutions adaptées à l’environnement quotidien des personne qui pratiquent le territoire. Le travail de ces auteurs se croise avec celui de Jodelle Zetlaoui-Léger qu’ils citent dans leur texte. En outre, ses recherches portent sur l’implication de différents acteurs et maîtres d’ouvrage dans un processus participatif. Pourtant, ceci n’est pas une idée neuve dans notre pays, en 1983 déjà, le rapport Dubedout, texte fondateur de la politique de la ville, affirmait que « rien ne se ferait sans la participation active des habitants ».
Représentation du futur quartier Brazza par Bordavenir.fr, le 01/03/12
Pour illustrer ce concept à l’échelle bordelaise, prenons l’exemple du quartier de Brazza. Il se situe sur la rive droite de la métropole, à la débouchée du pont Chaban-Delmas. Il s’agit ici d’un aménagement de 53 Ha par l’architecte Youssef Tohmé. Il a souhaité mettre en place les caractéristiques propres à l’éco-quartier : des transports en site propre afin de favorisée la mobilité douce, des bâtiments disposant d’une bonne qualité énergétique, une véritable vie de quartier loin de la cité dortoir pour prendre en compte la dimension sociale du développement durable. Ici, le logement et le paysage au centre du projet afin de créer un pendant au Bordeaux minéral.
En effet, la mise en place d’un projet participatif est ici établi notamment avec les habitants, actuels ou futurs. Ainsi, 4 500 logements en volumes capables vont être créé laissant ainsi au futur habitant la possibilité de s’approprier leur logement en effectuant eux même les dernier travaux afin de créer leur « chez-soit ». Il s’agit de logements livrés « à finir », où tout l’aménagement intérieur est laissé au soin du propriétaire.
Brazza serait-il un éco-quartier?
On pourrait utiliser ce terme, mais Alain JUPPÉ préfère parler de « projet singulier » pour ne pas employer cette expression à la mode qui perd de fait un peu de sa substance. Les concepteurs avaient toutefois une réelle volonté de dépasser ce concept d’éco-quartier comme celui mis en place à GINKO cité précédemment. Croquis des Volumes Capables par bordeaux2030.fr
5.
Cela permet à l’acheteur de terminer son logement au fur et à mesure de ses besoins et de ses moyens. La prise en compte des besoins des artisans locaux a été également insérée dans l’intégralité du processus. En effet, ces « logements capables » sus-cités doivent permettre aux habitations et au travail de cohabiter. On doit retrouver, dans un même espace, des habitations, des parkings, des ateliers pour les artisans et des commerces. Pour répondre à la question de l’insertion dans le quartier, il était important aux yeux des concepteurs d’impliquer les artisans afin que celui-ci ne devienne pas une cité dortoir. Ainsi, Yossef Tohmé a pu établir une esquisse du programme répondant aux différentes revendications.
Multiplicité des intervenants qui nourissent le projet urbain
Vers un affranchissement de la conception collaborative Un tel engagement des différentes parties permettrait alors, selon M. Buffat et F. Meunier une meilleure concordance des besoins et des solutions apportées. C’est ce que défends également Jean-Jacques Terrin dans son livre Le projet du projet, concevoir le ville contemporaine tout en différenciant le projet participatif du collaboratif. Ansi, le premier aboutirait à la construction d’une « vision » d’un projet avec les futurs usagers. « L’objectif est est de réunir les différentes parties prenantes impliquées dans le cycle de vie du projet et de débattre sur un certains nombres de concepts possibles ». Ce sont les expérience quotidiennes des usagers qui sont ici mise en valeur et qui contribuent à la perception du projet. Quant à lui, le second permettrait d’anticiper les éventuelle sources de conflit lors de l’élaboration du projet urbain. En effet, afin de consolider l’équipe de projet, la collaboration consisterait en une gestion interactive des données et en la transmission des connaissances. 6.
Terrin affirme que cette circulation des savoirs et des savoir-faire d’un acteur vers un autre, mais également d’un projet à l’autre, constituerait une source importante d’innovation. Le processus collaboratif est aujourd’hui essentiellement mis en place au sein d’entreprises industrielles ou de services. Elles mettent en place un système de management et de structures de partage de données. Il reste donc encore un pas important à franchir pour apporter une telle dimension au coeur des processus de conception. Dans son ouvrage, Jean-Jacques Terrin tente de déterminer finalement une ébauche qu’il décrit lui même comme étant « imparfaite et incomplète » d’un scénario « idéal ». Il s’agirait celui lui « d’un ensemble de démarches qui sont somme toute couramment mise en oeuvre dans de nombreux secteur et qui, […] dans leur adoption globale constituerait un facteur d’innovation non négligeable ». Il est donc temps de penser le projet du projet.
Bibliographie
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Webographie http://www.ecoquartier-ginko.fr, dernière visite le 14 Décembre 2016 http://www.bordavenir.fr, dernière visite le 29 Décembre 2016 http://www.bordeaux2030.fr, dernière visite le 14 Décembre 2016
Quels fondement au projet participatif,
L’urbanisme durable Au sein de cet article, j’explore les discours et les fondements de l’urbanisme participatif. Pour cela, je m’appuie sur une approche chronologique et historique du processus de conception urbaine au travers du travail de Françoise Choay. Le XXIe siècle connait une triple crise économique, énergétique et environnementale qui pousse alors à une nouvelle appréhension du rapport à l’urbain et à son environnement. Le développement durable se place alors au coeur des préoccupations et va entrainer une véritable mutation de la pensée urbanistique encore en questionnement aujourd’hui: le projet participatif. Pour illustrer mes propos j’ai présenté les cas de deux quartiers bordelais: GINKO et BRAZZA.