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L’événement urbain festif : vecteur possible de développement urbain

Par l’événement , comment changer l’impact et l’image extérieure d’une ville ?

Marina GARNIER

Résumé : L’article décrit trois exemples d’évènements qui ont lieu directement dans la rue. Deux évènements de théâtres de rue à Chalon-sur-Saône et à Aurillac et un évènement de l’image à Vevey en Suisse romande. La culture et l’art servirait dans certaines politiques locales de levier à l’image que la ville pourrait avoir à l’extérieur. Dans un contexte où la compétition entre les villes est de plus en plus importante, nous aborderons ici un facteur pouvant améliorer l’image d’une ville et participer à son développement.

Article de mémoire dans le cadre du parcours IAT Professeurs soutenants : Xavier Guillot, Julie Ambal Janvier 2017 à l’école d’Architecture et de Paysage de Talence (33) 1


L’événement urbain festif : vecteur possible du développement urbain Par l’événement urbain, comment changer l’impact et l’image extérieure d’une ville ? Ces derniers temps les méthodes de fabrication de la ville ont fortement évolué dans le sens où l’urbanisme fonctionnel des années 1970 est de plus en plus révolu et la conception du projet urbain tend aujourd’hui vers une mixité des fonctionnalités ( logements, commerces, loisirs …) et une redéfinition ou revalorisation des centres urbains maintenant de moins en moins utilisé à cause de l’étalement urbain. Il faut réussir à maintenir la population dans une même ville en offrant de l’emploi, des services, des loisirs à chacun. Ce qui tend vers une compétition de plus en plus forte des villes entre elles. L’urbanisme et le succès des villes aujourd’hui est marqué par l’image que ces villes renvoient. Plus cette image est bonne, plus l’attraction des investisseurs croît et donc offrira ce que la population désire, permettant en parallèle un développement économique croissant. L’image d’une ville se répercute sur l’image que nous pouvons donner de nous-même, aux autres. Comme le mentionne si bien Chantal andré (1), c’est plus une comparaison social qui opère ici. Si nous habitons dans une ville comme Bordeaux, il suffit de considérer des quartiers différents comme le quartier de la Victoire et Cours de la Marne ou celui des Allées Tourny par exemple. L’image que nous allons dégager pour les autres ne sera pas la même. « Nous ne pouvons nous voir que parce que l’autre nous voit et nous parle de nous. C’est donc par une identification à l’image des autres sur soi que nous pouvons avoir une image de nous-même (2) ». Autant que l’homme a besoin de s’affirmer dans la société par l’intermédiaire de son habitat, il a aussi envie de développer un sentiment d’appartenance à sa ville,son quartier ... Sentiment difficile à établir lorsque le quartier n’est vu que comme une étape dans ses choix résidentiels parce que celui-ci est mal perçu dès le départ. Donc sans la pensée parfois erronée et l’image que la population aura d’un lieu précis, cette compétition incessante entre les villes n’aurait pas forcément lieu. Mais il existe aussi des facteurs d’usage dans cette mise en image de la ville que les acteurs travaillent tout les jours pour la rendre attractive. Pour reprendre l’exemple de Bordeaux, dans les allées Tourny considérées comme le plein centre historique de Bordeaux, y réside une dynamique d’usage de la ville qui n’est pas la même que celle de la place de la Victoire. Les événements axés sur le plaisir (marché de Noël, cirque, foire aux plaisirs …) foisonnent dans le vieux centre. Pourtant la place de la victoire est réputée pour ses nombreux bars et quelques événements mais garde toujours cette image de quartier « chaud », où le deal de drogue est toujours un peu présent. Il existe aussi de nombreuses enseignes tenus par des arabes, noirs, chinois … contribuant à la stigmatisation de cette zone. Les événements proposés sont souvent axés sur la revendication ou les réalités auxquelles la ville est confrontée comme par exemple la pauvreté (place des manifestations, rendez-vous des associations comme don du sang, resto du Coeur …). C’est aussi une place de rassemblement pour des manifestants contre des lois politiques. Ce serait dans le caractère même de l’événement, ou plus largement dans l’usage que nous pouvons faire d’un espace que l’image mentale d’un quartier, d’une ville pourrait changer. Et c’est dans le changement d’idée reçue au sujet d’un lieu que les évènements prennent toute leur importance. Le caractère festif, éphémère et magique d’un festival, et surtout le changement spatial des rues, peuvent provoquer chez les festivalier et les habitants un chamboulement de l’image mentale du lieu. Cette science de l’image renvoyée, émise et reçue, de nombreux députés et acteurs de la ville se la sont appropriés pour essayer de développer leur ville. La nouvelle logique urbaine est « d’exporter » la ville vers l’extérieur de celle-ci et d’essayer « d’importer » (1) des habitants extérieurs pour qu’ils s’aperçoivent

(1) ANDRE, Chantal, « Changer l’image d’une ville », Politique et management public, 1987/ 5, num.4 p: 51-64. URL :http://www.persee.fr/doc/pomap_0758-1726_1987_num_5_4_1977 (2) ENRIQUEZ, Eugène, « Imaginaire social refoulement et répression dans les organisations », Connexions, 1983, p68.

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vraiment de l’état de la ville et outrepasser leurs préjugés. C’est dans cet optique là que l’événement urbain prend toute son importance dans la redéfinition de l’image urbaine d’une ville. Si vers les années 1980-1990, chaque villes voulaient créer son petit festival dans le but de développer la culture et l’art, désormais les festivals deviennent une véritable stratégie économique et urbaine. Aujourd’hui en transformant les rues pendants un week-end lors d’un festival, ils publient une image de ville festive et contribue à une évolution positive de la symbolique de vivre ensemble. C’est le cas d’Aurillac qui tente de redynamiser son territoire grâce à son festival internationale du théâtre dans la rue. Ou encore Châlons-sur-Saône qui, par l’art du théâtre de rue in et off, offre à ses habitants et aux festivaliers un panel culturel de professionnels du théâtre représantant la « crème de la crème théatrâle ». Quant à Vevey, en Suisse francophone, elle s’accapare le terme de « ville d’image » avec son festival sur la photographie au sein même des rues historiques. Avec le changement de mode de fabrication de la ville d’aujourd’hui et la montée en puissance du participatif dans les projets urbains, comment l’événement urbain en lui-même peut il favoriser le développement d’une ville et son rayonnement à l’échelle régionale voir même national ou international ?

Nouvelle logique urbaine en faveur d’un retentissement plus important des villes : L’événement en soi est une action éphémère qui marque un fait d’une importance particulière (1). Le simple fait de marquer une action dans le temps vise en quelques sortes à la sacraliser. Les festivals contribueraient alors à donner de l’importance à une discipline comme l’art théâtrale, le chant, la musique, la danse dans un espace donné qui serait généralement celui de la rue (ou des alentours). Et donc indirectement de redonner une importance particulière aux lieux qu’ils mettent en valeur. C’est dans cette logique là que certains acteurs politiques des villes s’immiscent et par les festivals annuels qu’ils proposent, arrivent à redonner une nouvelle image des lieux et à mettre en valeur leur ville. Si nous prenons le cas d’Aurillac, ville de 30 000 habitants confrontée à des difficultés économiques du fait de sa situation géographique isolée (environ à une heure de la première autoroute) et de sa météo particulière, l’arrivée du festival en 1986 fût tout d’abord un tremplin en matière d’innovation urbaine. Une ville qui ouvre ses portes au spectacle de rue, c’était une première (la cérémonie de remise des clés de la ville aux intermittents augmente cette symbolique) ! Puis au fil du temps le festival est devenu de plus en plus populaire accueillant aujourd’hui entre cent mille et cent vingt-cinq mille festivaliers en quatre jours (plus de trois fois la population d’Aurillac). Avec également aussi une multiplication de l’offre scénique avec environ six cent compagnies de passage et une vingtaine invitée officiellement, son volume a quadruplé depuis le début de l’aventure et aujourd’hui accueille des compagnies internationales élevant cet événement au rang de Festival Internationale des Arts de la Rue. Ceci est dû au succès du festival qui devient aujourd’hui une véritable institution d’une importance économique que le maire René Souchon et le député à la culture et adjoint au maire Yvon Bec ne cesse de défendre pour le bon développement d’Aurillac. Cependant l’évolution démographique au cours de ces vingt dernières années a stagné encrant la population au paysage Aurillacois. Plus du quart de la population Aurillacaise est agée de plus de 50 ans et le nombre de décès est supérieur au nombre de naissances, e qui est symptomatique d’une population assez âgée où la part des jeunes actifs est faible (15 % de la population totale seulement), (2) . La politique de la ville se démène pour essayer d’attirer les jeunes actifs afin de renverser la tendance.

(1) Définition du dictionnaire Larousse. (2) Données démographique de l’Internaute / URL http://www.linternaute.com/ville/aurillac/ville-15014/demographie

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L’avant festival est médiatisé pour mettre en haleine le spectateur. Plusieurs mois auparavant des chaînes nationales ou régionales comme France 3 parlent d’Aurillac. Au sein même de la ville, les sites internet, les billetteries sont ouverts six mois à l’avance (la publicité pour l’édition 2017 est déjà lancée). C’est une véritable science de la publication, de mise en avant de la ville qui se met en place autour de ce festival. Ces publications sont à l’apogée les jours du festival. Certaines chaînes en font leur une du jour … Les acteurs politiques de la ville vont se servent de ce retentissement médiatique pour promouvoir Aurillac comme une ville festive, culturel et joyeuse. Dans le cas de « Châlon dans la rue » qui se situe à Châlon sur Sâone dans la région BourgogneFranche-Comté, les campagnes publicitaires sont comparables. Mais c’est dans l’offre que ce festival de théâtre de rue se différencie. En effet si l’offre est beaucoup plus vaste et libre à Aurillac, la sélection est de mise à Châlon sur Saône. Donnant ainsi à ce festival l’image d’une fête pour les professionnels de cette art davantage que comme une manifestation pour tous (même si l’offre reste très hétéroclite). Cependant le cadre urbain n’est pas forcément le même que celui d’Aurillac. Châlon sur Saône reste tout de même l’une des plus grandes villes de la région Bourgogne après Dijon ou Belfort mais avant Auxerre. Et cette ville propose une offre artistique déjà conséquente (théâtre L’espace des arts, le Musée de la photographie Niepce où il est né, un conservatoire …). Donc l’ajout d’un festival ici n’est pas le seul moyen d’ouverture culturelle de la ville (à contrario d’Aurillac). Les fondateurs de Châlon dans la rue, Pierre Layac et Jacques Quentin (qui ont depuis cédé leur place à Pedro Garcia) prônaient la qualité artistique des compagnies théâtrales de tel sorte que ce festival est reconnu comme le « must » du théâtre urbain. C’est peut être pour éviter le conflit avec la ville d’Aurillac en ne prenant pas le risque de faire de la concurrence ou pour avoir une marge de différenciation avec le festival Eclat. La politique culturelle de Châlon ne repose pas seulement sur le festival en lui-même mais sur une multitude de pôles culturels autour du théâtre ancré dans la ville. Le festival serait donc un moyen de faire sortir l’art des pôles culturels et le médiatiser afin de l’exposer au grand public. Le besoin de renouvellement de population de la ville n’est pas le même qu’à Aurillac (20% de la population se situent dans la tranche 1530 ans). Ainsi le festival s’inscrit dans une continuité des musées, des théâtres … de façon à populariser la culture et permettre d’éveiller la curiosité de la population active. Du côté de Vevey, petite ville de Suisse du canton de Vaud, la ville a opté pour une stratégie de médiation par la culture en proposant un festival de l’image. Véritable jeu de mot entre ville d’image et jeu d’image dans la ville, c’est un festival de la photographie où, durant trois semaines des images sont exposées dans la ville. Mais certaines expositions jouent avec le spectateur en proposant de mettre en scène le passant, la ville et l’artiste ou l’œuvre d’art. Le but était de se démarquer des deux cents autres festivals de photographie d’Europe qui proposent seulement des festivals muséifiés sans réelles connexions avec le grand public (1). La création du label « Vevey, ville d’image » a aussi permis de publicisé le concept de festival de plein air photographique afin de projeter la ville au-delà de la décroissance subie à cause de la désindustrialisation. Effectivement dans les années 1980, la ville de Vevey voit son chômage exploser suite à la faillite des ateliers de construction industrielle du financier Werner.K Rey. Les autorités de l’époque décident de se tourner vers l’image grâce au patrimoine déjà présent afin de relancer l’économie. Là encore l’usage d’un secteur inédit participe au renouvellement économique de la ville et ici au changement d’image qu’elle véhicule.

(1) Interview du directeur Stefano Stoll dans le journal « 24 heures » par SENFF Boris, Rubrique culture, arts visuels/ 10 sept. 2016, URL : http://www.24heures.ch/culture/arts-visuels/Vevey-s-immerge-dans-le-bain-visuel-avec-le-Festival-Images/story/14654145 .

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La durée du festival ne se limite pas au week-end théâtrale que propose Châlon et Aurillac. Mais c’est la nature de l’événement qui fait que ce type de festival doit être ancrée dans un temps qui est tout autre que la pièce de théâtre formant un happening qui fait revivre l’espace public. Ici l’image est un révélateur (1) de cet espace où l’artiste montre le lieu d’une autre manière et sur la durée. Ou permet un usage différent par une installation interactive de l’habitant dans cet espace. Les chemins habituels sont bouleversées en proposant à l’art d’arriver directement aux yeux du passants plutôt qu’il aille chercher l’art lui même. C’est donc une démocratisation de l’image qui opère ici rendant Vevey, la première ville réalisant une biennale de l’image au cœur même des rues. La ville de Vevey, dès 1998, a créée ce label pour faire référence aux différentes sociétés de communication et d’image déjà présentes. Dès les premières éditions, ce fut un réel succès pour la ville, la rendant populaire l’élevant au premier rang national de l’art photographique et avec une reconnaissance internationale. Pour une ville de 17000 habitants, l’enjeu est très important. Cependant, aujourd’hui, son emplacement en Suisse est plutôt stratégique. Aux abords du lac Léman, cette ville en surplomb de la montagne offre un panorama presque idyllique entre Lausanne et Montreux. La ville existe et compte, grâce à ce label, étendre sa couverture culturelle au-delà de Montreux et ses nombreux festivals et Lausanne. De plus, nous pouvons observer une croissance positive de l’évolution démographique de Vevey où environ un foyer sur deux ne sont pas Suisse. Donc la ville garde quand même un attrait non négligeable qui élève ce festival non pas au rang de seul moyen d’expansion médiatique de la ville, mais par une plus valu à cette ville (2) .

Mise en place d’une ville de rêves et rêvée. Cependant, même si dans le choix des artistes, les deux festivals de théâtre sont différents, dans le fond, les stratégies se ressemblent. Il en est de même pour celui de Vevey à un degré différent cependant. Il s’agit de transformer la ville le temps du festival pour redynamiser les rues et redonner une autre image à des espaces parfois oubliés, rejetés par la population. Par exemple à Aurillac durant ces quatre jours de festival, l’automobiliste n’a pas accès aux rues et laisse le piéton libre dans sa ville. Ce changement d’usage de la ville, va transformer les habitudes des spectateurs (3). Le temps de la fête contribue à la modification des habitudes, des habitants procurant un sentiment de plaisir et donnant l’impression d’être en vacances, en pause, au beau milieu du quotidien. Souvent les festivaliers partent pendant un week-end pour s’évader dans des rues que nous empruntons quotidiennement. Donc le festival que ce soit à Aurillac ou à Châlon sur Saône, va utiliser ces espaces urbains, les transformer pour en faire un espace incongru et susciter la curiosité, l’émotion ici par le théâtre, les rires, les pleurs... Les espaces urbains vont provoquer chez l’habitant, ou le festivaliers des émotions qui en temps normal ne seraient pas ressenties.

(1) STOLL, Stefano, Propos du site officiel« Images Vevey », Photographie en immersion, 6 sept 2016 . URL :http://www.images.ch/fr/photographie-en-immersion/ (2) Données du site officiel de Vevey « vevey.ch », Rubrique Directions, Administration générale (AG), Office de la population (OP), Populations Veveysanne en chiffres/ URL : http://www.vevey.ch/N701/population-veveysanne-en-chiffres.html . (3) LALLEMANT, Emmanuelle, «Événements en ville, événement de ville : vers de nouvelle ritualités urbaines » , La ville dans tous les sens, 2007/num.32 p: 26-38. URL :https://communicationorganisation.revues.org/275

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Selon un témoignage d’une festivalière d’Aurillac, c’est la proximité des festivaliers et la recherche du vivre ensemble, bien plus que la programmation artistique qui suscite son intérêt dans ce genre d’événement. La proximité de chacun, rassemblé dans un même espace pour une même cause, provoquerait des rencontres inattendues et un semblant de vivre ensemble qui n’aurait pas lieu en temps normal où chacun vivrait sa vie quotidienne sans faire attention aux autres (1). Et c’est peut être cela qui ferait tout le succès de ce genre d’événements urbains festifs. Dans ce temps donné où « l’impossible » est permis, les habitants, les différentes classes sociales, tous les âges se rencontrent et les différenciations n’apparaissent plus car la fête et l’art retiennent toute l’attention de chacun. « La rue, les cours, les places, tout est bon pour cette rencontre des hommes en dehors de leurs conditions et du rôle qu’ils jouent dans une société organisée » (2). Le temps d’une fête, nous oublions tout. Ce qui est légèrement différent dans le cadre du festival de Vevey. Si la déambulation est rythmée et programmée par les différents spectacle de rue d’Aurillac et de Châlons sur Saône, une certaine forme de liberté est de mise à Vevey. En effet, comme nous l’avons signalé plus haut, le festival de Vevey dure trois semaines ; il n’est pas concentré sur une programmation intense de trois jours. De plus c’est une biennale, donc rééditée toute les années paires. Mais, illustrant le concept de ville d’image, les années impaires sont réservées au grand prix de l’image qui est un prix très réputé dans le domaine de la photographie. Le cycle sur deux ans renforce l’importance du festival l’élevant au rang de rendez-vous immanquable. De plus le concours met en haleine le spectateur sur l’année suivante et permet de le médiatiser encore plus. Cependant la ville s’en voit transformer lors du festival. Il est vrai que l’aspect temporel et unique du moment ensemble pourrait paraître effacé, notamment l’idée de partager ensemble un moment unique. Mais l’accent est porté ici sur le changement des lieux par l’ajout d’une image. Le support étant différent, il va de soi que le festival s’avère différent. Le choix des artistes pour exposer leur photo se fait avant tout en fonction du lieu de l’exposition. La ville devient alors un véritable musée, support artistique et base d’expérience mené in situ avec ou par des habitants. L’art propose en tant que tel et sans besoin d’un acteur présent sur place, une manière de voir, de se représenter la ville par l’image. Là est toute la différence du festival de Vevey : il propose une ou plusieurs autres façons de voir la ville sans qu’aucun artiste ne viennent contribuer à ce changement. Juste en insufflant les prémices d’une idée, les artistes laissent libres les habitants, les passants à réfléchir eux-même sur leur ville. Cette liberté n’est pas forcément présente dans les deux autre cas et laisse libre champs à la réflexion et à l’imaginaire de la ville. De cette réflexion se dégage peut-être aussi une certaine envie d’aller plus loin. Et c’est aussi cela l’enjeu de ce festival. C’est à dire, essayer de créer une connexion avec l’art visuel et ramener la population à en découvrir plus sur l’art en allant voir ce qui se passe dans les musées, lieu de la ville où ils n’ont pas forcément habitude d’aller. Pendant ce festival, nous pouvons compter plus de cent mille visiteurs supplémentaire qui ont regardé les expositions intérieures dont cinquante mille simplement dans la salle principal de la Salle Del Castillo, point de départ du festival. Cette ville apparaît alors comme un milieu où nous pourrions voir, sentir, vivre des quelque chose d’unique et qui sortirait du « train-train » quotidien. Une ville où les habitants échangeraient sans faire attention aux facteurs qui pourraient déranger (contrastes entre classes sociales, convictions politiques …), où nous pourrions voir des œuvres, de l’art dans la rue sans franchir le pas de porte d’une galerie d’art. Par la médiatisation de cette ville de rêve, les festivals célèbrent la ville, le bien être des habitants au moment du festival. Or les festivals ne durent qu’un temps précis et il arrive souvent qu’après ce ne soit plus la même vision qui s’en dégage.

(1) BOUSQUET, Marie, «Le Festivals internationale de théâtre de rue est t’il facteur d’attractivité pour la ville d’Aurillac » , Nouvelle attractivité des territoires et engagement des acteurs, 21 sept. 2006/p: 75-83. (2) Fêtes et civilisations, Actes Sud, Paris, 1991, p. 49.

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Les festivals urbains festifs sont-ils un réel succès pour le développement de la ville ? Dans les deux cas présentés précédemment, l’après festival laisse un sentiment mitigé au sein de la population. Chaque année, les deux événements français remportent un réel succès, compte tenu de la popularité grandissante de chacune des villes. Mais ces derniers temps, cette popularité participe aussi à la colère de certains habitants, voire des festivaliers eux-mêmes, qui dénoncent une trop grande difficulté à suivre le festival en raison de la trop forte affluence. Et aussi l’arrivée d’un type de festivaliers peu aimé dans les villes concernées : marginaux, punk à chiens ou jeunes perdus. La ville se transforme certes mais les plaintes des riverains et habitants se font entendre de plus en plus. « Le festival d’Aurillac est crade et dépravé » (1). Les « cadavres » des soirées se font sentir dans les rues d’Aurillac notamment car l’offre scénique est énorme et la question se pose quant à la possibilité d’accueil de la ville elle-même. C’est aussi pour ce phénomène que la sélection des troupes théâtrales est de mise à Châlons-sur-Saône. De nombreuses associations comme la Croix-Rouge, Accent Jeune à Aurillac (qui accueille des jeunes en proposant un petit déjeuner renforçant), se mettent en place pour prévenir contre ce phénomène de prise de substances illicites générale lors des festivals. Toutes ces associations sont visible sur le site officiel du festival. Notons la différence avec le site de Châlons dans la rue aucune mention n’est faite de ce genre d’associations. C’est peut être en limitant le nombre de troupes et de festivaliers que l’on limiterait ce genre de phénomènes. Festival international de théâtre de rue d’Aurillac et Hervé Vidal Comité Régional de Développement Touristique d’Auvergne

Vevey n’a pas vraiment ce soucis de surpopulation grâce notamment a sa durée plutôt étalée. Le choix d’aller voir le « festival » est beaucoup plus large que s’il se concentrait sur un week-end, limitant de fait ces phénomènes d’attroupement. De plus, il existe des événements pendant les trois semaines pour éviter la lassitude des touristes et susciter l’envie d’y retourner ou de participer. Chaque jour le festival est ponctué de vernissages, de performances ou d’ateliers pour enfants afin d’attirer une population diversifiée. Nous pourrions penser que ce festival suscite l’ennui de par sa durée, mais la communauté Veveysanne met tout en place pour que les visiteur y trouvent leur compte au moins une journée dans les trois semaines. C’est alors la durée d’un événement qui marquerait une différence notable la vision mentale que la ville peut émettre. A Châlons-sur-Saône et à Aurillac, le week end intense provoque un tel chamboulement de la ville que le festival pourrait avoir un effet, contraire au désir des politiques urbaines. Le pire serait les rumeurs que pourraient émettre les festivaliers. Ceci pourrait complêtement éteindre la popularité du festival quand nous savons que les spectateurs sont surtout des habitués et que les nouveaux se laissent tenter par les rumeurs. Cependant, c’est cette courte durée que le festivalier recherche. Dans la définition même d’un événement, c’est le sentiment de participer à quelque chose d’exceptionnel qui entretient cet engouement. Un rendez-vous annuel, où toutes les populations sont les bienvenues, générant un nouvel espace pour les habitants. Un espace d’échange, d’art, de partage et de culture. Ce caractère non habituel des événements de Châlons-sur-Saône et d’Aurillac sortant les espaces urbains et donc les habitants de l’ordinaire n’est pas forcément présent à Vevey.

(1) Témoignage disponible sur http://www.lille43000.com/index.php/joomla-fr/en-santiags/284-le-festival-d-aurillac-est-crade-et-deprave .

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En effet, les habitants ne cessent pas leurs habitudes pour profiter du temps de pause que peut leur offrir le festival d’images. Ce temps est réduit et parfois même entrecoupé pour revenir à la vie normale. Ce qui ne permet pas forcément ces rencontres fortuites que nous pouvons faire autour d’une œuvre ou d’une pièce. C’est dans les propositions de transformation des espaces que tout se joue ici. Par exemple l’entreprise Nestlé est un bâtiment très imposant et marquant de la ville. Pour l’édition de 2016, Renate Buser avec « Avenue Nestlé » a marqué bon nombre d’habitants avec son image comme si elle montrait l’intérieur de l’entreprise. Une image qui étonne quand nous passons devant mais qui ne forme pas de souvenirs mémorables que nous pourrions raconter plus tard. Car la vue de cette oeuvre est réalisée dans le cadre du quotidien, sans détachement de la vie de tout les jours.

Vevey Festival image 2016, biennale des arts visuels «Avenue Nestlé 55» de Renate Buser photo de MICHEL Céline

Bénéfices que peuvent en retirer les villes L’usage de l’événement comme moteur d’une nouvelle urbanité est une méthode très complexe à organiser et longue à mettre en œuvre pour voir les bénéfices que peut en retirer la ville. Il est vrai qu’à Aurillac, lors de ce week-end, les médias se ruent sur l’évènement, les restaurants, hôtels et magasins voient leur chiffre exploser. L’économie de la ville est relancé pendant ce festival (le chiffre d’affaire s’élève à deux millions d’euros pour la ville) (1) ,et offre une nouvelle dynamique. Le festival a permis la création de quelques emplois à temps pleins et à l’association Éclat de créer Le Parapluie ou la Maison des Tronquières lieu de résidence permanente des artistes de rue.

(1) «Etude sur l’impact économique du festival d’Aurillac » réalisé par la commune d’Aurillac/ URL http://pro.auvergne-tourisme.info/docs/475-1-etude-sur-l-impact-economique-du-festival-d-aurillac.pdf

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C’est par la culture et l’art que la ville d’Aurillac essaye d’exister et de se forger une nouvelle image. La ville, comme le souligne les nombreux avis donnés par des habitants, manque énormément de diversité d’emplois et d’universités et souffre d’un enclavement très problématique pour l’habitant ainsi que pour les entreprises. (1) Ce facteur éloigne les jeunes qui veulent faire des études supérieures, et donc limite de ce fait le potentiel de jeunes actifs ainsi que l’emploi et l’ancrage de la population à Aurillac. La venue du festival redynamise la ville à court terme. Il est vrai que le festival tend à s’ancrer dans la ville par de nouvelles infrastructures, équipements, et donc à se pérenniser, cela ne suffit cependant pas à redynamiser tout les facteurs de la ville où ses courbes démographiques par exemple n’évoluent pas franchement. Mais dans l’ensemble, ce festival est vue comme un véritable élan artistique, médiatique et culturel pour la ville. Le festival de Châlon-sur-Saône se voit de plus en plus menacé économiquement. Même si la recette profite à celle-ci (entre trois millions et cinq millions d’euros gagnés pendant le festival) (2) le nouveau maire Gilles Platret décide d’année en année d’abaisser l’enveloppe pour l’Abattoir, Centre Nationale des Arts de Rue (CNAR) qui organise le festival et assure la qualité des spectacles présentés. (3) De nombreux riverains sont mécontents et des associations se créent pour tenter d’arrêter les coupes de subventions. Car les commerçants de Châlons-sur-Saône sont très contents et voit leur chiffre d’affaire exploser lors du festival. (4) Les touristes reviennent souvent profiter du beau cadre de Châlons-sur-Saône alors qu’ils étaient venus pour le festival. Châlon dans la rue est donc un excellent moyen d’attirer de la population dans la ville et faire valoir le patrimoine de la ville . Ce festival participe donc à l’export d’une bonne image de Châlons-sur-Saône dans la métropole, voire même à l’étranger. Dans le cas de Vevey le système est un peu différent. La fondation Vevey, ville d’images a été créée pour mettre en valeur les entreprises de l’image déjà présentes sur la Riviera Vaudoise et aider les plus jeunes à se développer pour en faire un véritable concept de ville d’image. Le marketing culturel était lancé avant même de créer le festival contrairement à Aurillac ou Châlons-sur-Saône. La fondation alterne entre la biennale, le concours qui rapporte environ quarante milles CHF et l’exposition pérenne. Dans les fonds récoltés, la source provient surtout du canton à hauteur de 275 000 CHF (environ 255 000 euros ) et 245 000 CHF de la mairie (environ 230 000 euros) et après de donateurs privés (sponsor …).

(1) Témoignages disponibles sur le site http://www.journaldunet.com/management/ville/ville/temoignage/173/aurillac.shtml (2) Propos tiré d’un article de France 3 Bourgogne par SICAUD éric, «Chalon-sur-Saône : le «pôle art de la rue» signe son contrat d’objectifs» publié le 20 dèc 2013 / URL: http://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne/2013/12/20/chalon-sur-saone-le-pole-arts-de-la-rue-signe-son-contrat-d-objectifs-381753.html (3) Propos tiré d’un article de France 3 Bourgogne par MARTY Patricia, «Châlon-sur-Saône : les Arts de la rue sont en danger» publié le 7 avril 2016/ URL: http://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne/saone-et-loire/chalon-sursaone/chalon-sur-saone-les-arts-de-la-rue-sont-en-danger-970277.html (4) Témoignage tiré d’un article de châlon-info.com par M.B «Pour la Chokolaterie, l’impact de Chalon dans la rue se poursuit après le festival» publié le 25 Juil 2016 / URL: http://info-chalon.com/articles/chalon-dans-larue/2016/07/25/23726/pour-la-chokolateri-l-impact-de-chalon-dans-la-rue-se-poursuit-apres-le-festival/

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Cependant selon un article l’avenir du festival est aussi un peu en danger car le directeur artistique de la fondation ne réitéra peut être pas dans deux ans (1). En Suisse les droits du travail sont différents de ceux en France et les conditions à ce poste pour la gestion du festival ne sont pas faciles. Sans compter les fonds qui sont très faible par rapport à l’ampleur du festival et à ses frais. La commune de Vevey mise seulement sur le retentissement grandissant de ce festival à l’international ainsi que la programmation qui se doit d’être passionnante et assez longue pour pousser les touristes à consommer et à dormir sur place. La fréquentation des hôtels dans la période du festival augmente et profite à l’économie locale.

Si les festivals peuvent être des solutions de redynamisation à court terme d’une ville qui peine à se développer pour différentes raisons ou qui aspirerait à plus d’attractivité,elle ne peut se contenter de miser que sur un coup médiatique. Il faut que les politiques urbaines se préoccupent aussi des vrais problèmes de la ville. « Toute politique ne visant qu’à développer la façade sans trop se préoccuper du décalage avec la réalité serait suicidaire à long terme (2) » ( citation p.58 ibid p. 1 ). Nous pourrions dire que les festivals aident à la transition économique que les villes moyennes étudiées traversent ici mais ils se présentent seulement comme un moyen d’amélioration et ne peuvent être considérés comme la solution définitive. D’autant plus que le retentissement direct sur la qualité de vie des habitants dans ces villes n’est pas forcément évidente à admettre. Les festivals ne travailleraient alors peut-être que sur l’image de la ville et non sur la qualité de vie de ses habitants ? Même si l’offre culturelle et de divertissement est très importante voir essentielle pour une ville, les dynamiques de l’urbanité ne repose pas seulement sur une vie culturelle épanouis.

(1) Article de DERVEY Chantal disponible sur le site officiel de vevey.ch / URL : http://www.vevey.ch/data/dataimages/ Upload/071014_24h_avenirImages.pdf (2) Citation p.58 IBID p.1

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Bibliographie Livres: ANDRE, Chantal, « Changer l’image d’une ville », Politique et management public, 1987/ 5, num.4 p: 51-64. ENRIQUEZ, Eugène, « Imaginaire social refoulement et répression dans les organisations », Connexions, 1983, p68 LALLEMANT, Emmanuelle, «Événements en ville, événement de ville : vers de nouvelle ritualités urbaines » , La ville dans tous les sens, 2007/num.32 p: 26-38. BOUSQUET, Marie, «Le Festivals internationale de théâtre de rue est t’il facteur d’attractivité pour la ville d’Aurillac » , Nouvelle attractivité des territoires et engagement des acteurs, 21 sept. 2006/p: 75-83. Fêtes et civilisations, Actes Sud, Paris, 1991, p. 49.

Sites internet: Données démographique de l’Internaute Interview du directeur Stefano Stoll dans le journal « 24 heures » par SENFF Boris, Rubrique culture, arts visuels/ 10 sept. 2016, URL : http://www.24heures.ch/culture/arts-visuels/Vevey-s-immerge-dans-le-bain-visuel-avec-le-Festival-Images/story/14654145 . Données du site officiel de Vevey « vevey.ch », Rubrique Directions, Administration générale (AG), Office de la population (OP), Populations Veveysanne en chiffres/ URL : http://www.vevey.ch/N701/population-veveysanne-en-chiffres.html .

Interviews: STOLL, Stefano, Propos du site officiel« Images Vevey », Photographie en immersion, 6 sept 2016 . URL :http://www.images.ch/fr/photographie-en-immersion/ Témoignage disponible sur http://www.lille43000.com/index.php/joomla-fr/en-santiags/284-le-festival-d-aurillacest-crade-et-deprave . Témoignages disponibles sur le site http://www.journaldunet.com/management/ville/ville/temoignage/173/aurillac. shtml

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Articles de presse: Propos tiré d’un article de France 3 Bourgogne par SICAUD éric, «Chalon-sur-Saône : le «pôle art de la rue» signe son contrat d’objectifs» publié le 20 dèc 2013 / URL: http://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne/2013/12/20/chalonsur-saone-le-pole-arts-de-la-rue-signe-son-contrat-d-objectifs-381753.html Propos tiré d’un article de France 3 Bourgogne par MARTY Patricia, «Châlon-sur-Saône : les Arts de la rue sont en danger» publié le 7 avril 2016/ URL: http://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne/saone-et-loire/chalon-sur-saone/ chalon-sur-saone-les-arts-de-la-rue-sont-en-danger-970277.html Témoignage tiré d’un article de châlon-info.com par M.B «Pour la Chokolaterie, l’impact de Chalon dans la rue se poursuit après le festival» publié le 25 Juil 2016 / URL: http://info-chalon.com/articles/chalon-dans-la-rue/2016/07/25/23726/ pour-la-chokolateri-l-impact-de-chalon-dans-la-rue-se-poursuit-apres-le-festival/ Article de DERVEY Chantal disponible sur le site officiel de vevey.ch / URL : http://www.vevey.ch/data/dataimages/ Upload/071014_24h_avenirImages.pdf

Étude «Etude sur l’impact économique du festival d’Aurillac » réalisé par la commune d’Aurillac/ URL http://pro.auvergne-tourisme.info/docs/475-1-etude-sur-l-impact-economique-du-festival-d-aurillac.pdf

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