La Tour au défie de l'écologie, une perspective insoutenable - Maxime Daviau

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imprimé en Janvier 2017_ à l’Ecole Nationale Supérieure de l’Architecture et du Paysage, de Bordeaux Auteur : Maxime Daviau, étudiant en Master 2 - Architecture Directeurs de mémoire : Ambal Julie & Guillot Xavier. la Tour, au défi de l’écologie, une perspective insoutenable. - Maxime Daviau

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SOMMAIRE AVANT PROPOS

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INTRODUCTION

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I. LA TOUR FACE À L’ENJEU ÉCOLOGIQUE ET ……….. DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

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A. Nouveaux défis pour l’architecture de très grande hauteur : la Tour …………

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B. Principal enjeu d’urbanisme vertical ………………………………………………

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C. Tours « durables » : l’efficience énergétique en point de mire …………………

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II. PENSER LA TOUR DURABLE : NOUVELLE GÉNÉRATION

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A. Solutions aux questions de densité, d’accès, de transport et d’énergies ……

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B. Singapour et la Tour durable : Le Principe du voisinage …………………………

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C. La Tour durable renaturée ……………………………………………………………

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D. La Tour aux nouveaux matériaux ……………………………………………………

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CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

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« Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! Faisons-nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la terre ! »1

1 Extrait du Livre de la Genèse, La Tour de Babel, chapitre 11, verset 4. la Tour, au défi de l’écologie, une perspective insoutenable. - Maxime Daviau

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AVANT PROPOS

A l’issu de mon mémoire de licence sur la verticalité et sa poétique, de nombreuses questions sont restées en suspens. A travers cet exercice, j’ai côtoyé l’architecture de grande hauteur sans jamais véritablement y consacrer d’analyse précise notamment à l’égard d’une ré-invention ou guérison possible des tours, à la question du défi pour une tour plus proche de la nature et de l’homme.

des cabanes, où notre créativité était en haleine et maintenait ainsi notre Bonheur de tous les jours, un espace naturel où nous rêvions laissant place à notre imagination. Et l’an dernier, lors de mon année d’échange universitaire à Bangkok, j’ai habité u n e t o u r, e t p l u s p r é c i s é m e n t u n « c o n d o m i n i u m 2 » , a u s s i a p p e l é « copropriété » parce que les propriétaires de chaque unité d'appartement sont aussi copropriétaire de l'immeuble qui les englobe (et du terrain commun). Surpris, je me suis rendu compte de l’ampleur du phénomène, qu’est celui de la sur-densification des villes, l’uniformisation pour le style international, la verticalisation des grandes métropoles du monde de plus en plus élevées avec des nouveaux modes de vie véhiculés par le virtuel et des nouvelles techniques et technologies, repoussant sans cesse les limites du possible.

Ma volonté initiale était d’aborder la question du futur de nos villes par le paysage et de son importance dans la production de notre environnement, de notre cadre de vie car il influence nos humeurs, nos idées, et surtout nos bonheurs. J’ai grandi confortablement dans un petit village bercé dans la Nature au sein de la Vallée de la Sèvre Nantaise, au coeur du bocage vendéen, proche du Puy du Fou, où l’étalement urbain est visible. Ici et là, le pavillonnaire a eu son heure de gloire et continue à envahir toujours un peu plus, petit à petit l’espace naturel des alentours du bocage vendéen. Celui dans lequel, enfants, nous jouions, nous imaginions

Trois références fortes m'ont amenées à réfléchir dans quel monde je souhaiterai vivre, premièrement, c'est un film documentaire qui

2 « à l’origine, un condominium est un type de logement typiquement américain, constitué d’appartements en copropriété, partagé donc en plusieurs

propriétaires. La morphologie de ce système est crée par l’assemblage d’unités de ce type, formant un ensemble bâti à coursives enroulées autour d’une cour avec commodités (piscine, jardin, etc.) C’est ce type d’organisation que l’on peut voir dans la célèbre série télévisée Melrose Place, montrant la vie de jeunes célibataires américains. Le condominium renvoie souvent à l’image que l’on se fait des expériences de vie communautaire californiens. », BIGNIER, G., Architecture et Écologie, Comment partagé le monde habité ?, 2ème Édition revue et argumentée, Editions

Eyrolles, 2015, (p:15). la Tour, au défi de l’écologie, une perspective insoutenable. - Maxime Daviau

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m'a fait violence, réalisé en 2008 par Nicolas Hulot et Jean-Albert Lièvre : Le syndrome du Titanic n’est pas un énième film écologique, il est selon Nicolas Hulot3 , « davantage un appel à la raison ». En effet, il ne se contente pas de montrer, à coup de belles images la diversité et la beauté de notre monde. Au contraire il dépeint plutôt les dérives et les incohérences de notre société : effets de la mondialisation, excès de la société de consommation et du système capitaliste, conséquences de l’urbanisation… Il souligne en outre que les catastrophes écologiques accentuent les inégalités et toucheront en premier les plus pauvres.

m’a boulversé, explicitant : « La course à la verticalité n’en finit plus : La Chine construit la plus haute tour du monde en 7 mois ! La Sky City Tower est une tour de grande hauteur dont la construction est projetée dans la ville de Changsha. Elle devrait mesurer 838 mètres de hauteur, soit 10 mètres de plus que la tour Burj Khalifa, actuellement la plus haute structure du monde à Dubaï. Le plus incroyable dans cette histoire ? le temps que va mettre les 11 000 ouvriers à monter ce skycraper : 7 mois (4 mois pour le pré-assembler, 3 mois pour le monter). Jusqu’où ce besoin de se rapprocher du ciel ira ? on s’arrête là ? non, un autre projet aussi fou s’érigeant au bord de la mer rouge devrait sortir de terre : la Kingdom Tower, sa hauteur annoncée : plus d’un kilomètre... » 6 .

Secondement c’est le travail photographique de Michael Wolf4 sur l’extrême densité architecturale d’Hong Kong. Nous pouvons alors nous questionner sur la place de l’Homme et de la Nature en ville mais surtout dans ces architectures de très grandes hauteurs : les tours. Avec une populations de sept millions d’habitants5 et une topographie accidentée, Hong Kong pose le problème de la très haute densité et d'une planification élaborée afin d’optimiser l'exploitation du sol, de maximiser les infrastructures et de définir les densités optimales. Le principe de densité verticale n'est pas à remettre en question puisqu'il économise le sol et réduit les trajets, les flux, mais avouons qu’un urbanisme moins dense, engendrant microclimat et cadre de vie spacieux serait clairement à envisager pour un espace de vie plus proche de la Nature et de l’Homme.

Après ces lectures et nombreuses autres et recherches à ce sujet, je débutai la formation en Master avec cette volonté pour mon mémoire : porter ma réflexion sur la verticalité urbaine, la Tour au défi de l’écologie, pour un avenir plus propre et plus respectueux de notre environnement et de l’humain. Dans l’espoir de faire moins pire que ce que les tours proposent actuellement, pour une Tour plus proche de la Nature et de l’homme. Où Force est de constater que nous arrivons peut-être à la limite d’une architecture trop éloignée de mon idéal personnel. Au premier regard, la verticalité architecturale comme je l’entends : La Tour; n’apparait pas écologique, c’est avant tout une logique de stratégie économique pour produire un maximum d’espace sur un minimum d’espace. La verticalité architecturale et urbaine est

Et enfin, c’est un ultime choc dans le journal Ouest-France, où un article du 27 mai 2013

AFP, Climat : "Osez". Nicolas Hulot lance un appel aux chefs d’Etat, www.humanite.fr, Octobre 2015, http://www.humanite.fr/climatosez-nicolas-hulot-lance-un-appel-aux-chefs-detat-586254 3

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WOLF Michael, série Life in Cities, Site internet de Michael Wolf : http://photomichaelwolf.com

Banque mondiale, Bureau du recensement des États-Unis : Population d’Hong Kong : 7,188 millions d’habitants, 2016, www.census.gov/popest/about/terms.html 5

6 Ouest France, La course à la verticalité n'en finit plus, https://www.ouestfrance-immo.com, source : psfk.com, 27 Mai 2013, https:// www.ouestfrance-immo.com/actualite-plus/divers/la-course-la-verticalite-nen-fini-plus-632.htm la Tour, au défi de l’écologie, une perspective insoutenable. - Maxime Daviau

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donc à premier abord une perspective insoutenable pour l’environnement et l’humain, alors incompatible avec l’écologie, faisant, elle, appelle à de très nombreuses disciplines souvent regroupées dans ce qu’il est convenu d’appeler les sciences de la Vie et de la Terre qui étudient les êtres vivants dans leur milieu et les interactions entre eux, les liens entre les humains, les plantes et les animaux; la vie tout simplement, c’est nous tous, c’est l’humanité, c’est l’animal qui se trouve chez vous, et les relations avec votre environnement proche. Il est devenu courant d'utiliser le terme «écologie» pour désigner une idéologie politique, ou pour l'environnementaliste, qui vise à la protection de la nature.

haute, suivant les enjeux du développement durable, s'appuyant sur une solide connaissance des rapports entre les êtres vivants et leur milieu. L’écologie et le développement durable sont donc étroitement liés puisque la pratique du développement durable s´appuie sur les connaissances théoriques de l’écologie suivant différents facteurs tels que l’éthique, les valeurs, le cycle et le recyclage, les flux, les énergies, le biodynamisme, le métabolisme, les matrices, la gouvernance, la prospective. Néanmoins cette étude s’est heurtée au caractère très inédit de son sujet. En effet, nous ne pourrons pas comprendre tous ces facteurs puisque le marché des tours « durables » dans le secteur de l’architecture et de l’immobilier étant encore naissant et très évolutif, certains cas étudiés sont très récents pour mesurer, en termes de données chiffrées, leur impact sur la population, l’environnement, etc. Il faudra donc attendre encore quelques mois, voire quelques années pour apprécier le véritable «apport» (s’il y a) de ces nouvelles architectures dans l’évolution des pratiques sociales et culturelles. Sachant bien qu’au fond de nous, nous savons pertinemment que ces constructions géantes ont leurs limites et que ces projets de tours restent une p e r s p e c t i v e i n s o u t e n a b l e p o u r n o t re environnement et l’humain, l’écartant de plus en plus de la Terre, de l’humus qui le raccorde aux valeurs primitives non négligeable, selon moi essentielles et aux importances primordiales pour le bien être de l’Homme. L’idée étant de comprendre pourquoi nous en sommes arriver là, et d’essayer quand même de proposer d’autres solutions, d’autres manières de faire des tours, pour faire moins pire, ou pour ne plus faire de tours comme nous les avons pensées dans le passé.

Or la Tour est une rentabilisation spatiale verticale à l’opposé d’une écologie qui amène à imaginer le plan horizontal par réflexe primitif. Certes la verticalité architecturale apparait tout sauf écologique, puisque la destruction d’un environnement à l’usage du profit pour la création d’une architecture empilée n’est pas écologique, car cet écosystème originel sur lequel nous nous installons disparait au profit de nouveaux espaces non naturels. Prenons donc conscience que la tour n’a rien de parfait et d’écologique et que son défi n’est pas de devenir écologique, mais simplement plus durable, moins pire que que les tours d’Hong Kong ou de Dubaï où l’Homme perds son estime de grandeur au profit d’une architecture et d’une image faussée de réussite. C’est alors que nous nous questionneront sur l’adéquation d’une tour de nouvelle génération, plus «durable» qu’«écologique», plus respectueuse du confort physique et spirituel de l’homme, s’il est possible ou non de retrouver une nouvelle forme d’écologie à partir de cette nouvelle construction verticale géante mais moins

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INTRODUCTION

Les plus grandes puissances économiques se sont succédées et ont chacune construit des chefs-d’œuvre architecturaux, à commencer par les États-Unis. Les tours font office d'indicateur de bonne santé économique : les volumes d'argent demandés sont tels qu'il faut faire appel à de riches investisseurs présents dans le pays qui souhaitent imposés leurs puissances. Cela demande d'autre part d'innover, d'avoir des ingénieurs compétents et d'attirer les architectes de renoms. Les premiers à avoir construit des tours de grandes hauteurs ont été les Américains. En effet, ils ont construit pour la première fois des bâtiments de plus de 10 étages grâce d'une part à l’ascenseur et grâce à l'utilisation de l'acier dans la structure des tours. Puis, petit à petit, les nouveaux pays émergents d'Asie et du Golfe ont commencés à construire des tours en étant cette fois confrontés à des problèmes sismiques et climatiques. Des pays tels que les Émirats Arabes Unis ou le Qatar sont devenus immensément riches grâce à l'exploitation du pétrole, mais cette ressource n'étant pas infinie, les dirigeants ont la volonté de marquer leur époque par des prouesses

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architecturales de très grandes hauteurs qui resteront à jamais dans l'histoire. Le gratte-ciel est donc devenu le symbole d'une entreprise, d'une ville ou d'un pays. Il est un signal du dynamisme envoyé sur la scène internationale avec des objectifs proche de ce que l'on pourrait appelé du marketing urbain. Assez logiquement, les pays développés possèdent des tours de grandes hauteurs en grandes quantités. La seule exception est l'Europe qui n'a pas choisi de participer à la course à la hauteur et qui n'aurait de toute façon pas pu rivaliser avec la Chine ou les États-Unis. Le continent africain est le seul à ne quasiment pas compter de gratte-ciel. Le fait que la Chine ait autant de gratte-ciel que les États-Unis montre que la Chine a rattrapé le "retard" qu'elle avait pris dans cette fameuse course. « Nous construisons à une hauteur qui rivalisera avec la tour de Babel. » 7

Le récit de la tour de Babel est la première manifestation de la volonté de l'Homme à

William Le Baron Jenney, cité par DUPRÉ, J., Gratte-ciel du monde, Cologne, Konemann, 2005, (p:127).

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vouloir ériger des tours. Mais le but de ce projet n'est pas de construire des tours dans le seul but de construire des tours puisque la portée du message va bien plus loin. En construisant une tour de grande hauteur, un peuple montre de manière ostentatoire sa supériorité technique, la construction faisant appelle à des savoirs que possèdent mathématiciens, ingénieurs et à d'autres corps de métiers "savants". Le besoin de construire haut a pour but de se rapprocher du ciel, qui représente pour beaucoup la grandeur et qui est considéré comme étant la demeure d'un dieu pour les monothéistes ou des dieux pour les polythéistes. Cette idée de se rapprocher des dieux est illustrée en

Égypte avec la construction des pyramides, qui servent à raccourcir le chemin pour le pharaon entre le sol des vivants et le ciel des divinités. Au Moyen-Âge, le développement des cathédrales de style gothique en Europe donne aux bâtiments religieux une hauteur jusque là inconnue, et les chrétiens peuvent dire que le plafond de leurs cathédrales représentent la voûte céleste, et Dieu se trouve juste au-dessus.

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Ce n'est qu'au XIXe siècle que l'idée de supériorité technique dépasse la simple volonté religieuse. La tour Eiffel illustre cette idée : l'acier, matériau nouveau, permet la construction du premier édifice de plus de 300 mètres de haut, hauteur jusque là inaccessible car on utilisait de la pierre pour la construction des édifices. Peu de temps après, les ouvrages d'arts de plus de 300 mètres furent remplacés par les premiers buildings, comme il en poussa et en pousse encore aux États-Unis.

repoussent chaque jours les ingénieurs du bâtiment. Aujourd'hui, avec des tours dépassant 800, 900, et bientôt 1000 mètres, l'Homme tend à réaliser son rêve de toucher l’inaccessible, le ciel, s’éloignant toujours un peu plus de l’humus, la Terre, l’humain, la Nature. N’y a t-il pas un autre rêve que l’on pourrait faire ? Le rêve d’une tour qui considère avant tout l’enjeu écologique et du développement durable de la planète. Une tour qui respecte son environnement proche, les hommes et leur vie, qui unit, et partage le sentiment de bienfaisance et de proximité avec la Nature et la Société.

Les tours incarnent une image de la modernité et sont l’un des puissants symboles du capitalisme. L’émergence de ce symbole naît de la rencontre d’une forme et d’une fonction. La tour est ainsi « une sorte de lien entre le réel (ce qu’ils sont, des bâtiments de haute taille) et un système de valeurs, basé sur la culture et l’idéologie d’une certaine partie de la population mondiale au XXe siècle »8 dit Godart, en 2001. À la fois sièges de sociétés transnationales (et des services qui leur sont associés) et images du capitalisme et du libéralisme, les tours sont comme dit Dumont « symbole et acteur technique de la mondialisation de l’économie. »9. Ce phénomène a son revers, ainsi que l’a montré le choix des Twin Towers, symbole de l’Amérique capitaliste et financière, comme cible des attentats du 11 septembre 2001.

En 2014, Frédéric Castaignède disait que « Chaque semaine dans le monde, un million de personnes supplémentaires s’installent en ville. À ce rythme, 70 % des êtres humains seront urbains en 2050. Mais à quoi ressemblera la ville de demain ? »10. Alors qu'en 1896, Louis Sullivan, l'un des précurseurs des premières tours exprimait déjà ceci en parlant de l'Architecture de très grande hauteur : « (…) Comment donnerons-nous à cet empilement stérile, à cet assemblage grossier, dur et brutal, et à cette austère et curieuse expression de conflits sans fin, la grâce de hautes formes de sensibilité et de culture, fondées néanmoins sur les passions les plus basses et les plus féroces ? Comment proclamerons-nous, depuis le sommet étourdissant de cet étrange faîte moderne, le paisible évangile du sentiment, de la beauté et le culte d’une vie supérieure ? » 11.

La volonté de puissance face à un rival, économique ou idéologique, motive la construction des tours, avec l'unique morale de faire mieux. Les limites à cette fièvre de la hauteur sont les forces physiques qui s'exercent sur les matériaux, des limites que

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GODART, F., La Ville en mouvement, Paris : Gallimard, coll., «Découvertes», 2001, (p:128).

DUMONT, M., « La mondialisation de l’urbain ». In Lévy J.,dir., L’Invention du monde. Une géographie de la mondialisation, Paris, Presses de Sciences Po, 2008, (p:161-183). 9

10 CASTAIGNÈDE, F., cité de l’extrait du Documentaire « Les Villes du Futur » : Série Documentaire de Frédéric Castaignède, JeanChristophe Ribot et Benoit Laborde, 2014, (3x52mn). 11 SULLIVAN, L., Form Follows Function, De la tour de bureaux artistiquement considérée, Collection Fac-similé, Editions B2, 2011.

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Nous voyons ainsi qu’à chaque époque ses interrogations émergent, l’architecture se présentant souvent comme la réponse à une stratification historique de besoins qui s’empilent au fur et à mesure des exigences des époques successives. Il est inutile d’insister ici sur la phase historique d’alerte écologique dans laquelle nous nous trouvons. La Tour, est au défi de l’écologie et du développement durable, vers de plus saines et intuitives relations entre les êtres vivants avec leur milieu, leur environnement local.

design» constituent de premières réponses, sans doutes partielles et imparfaites, au nouveau paradigme émergent, et traduisent de premières tentatives d’actualisation de la pratique architecturale. Cette Actualisation est un processus évolutif observé régulièrement dans l’histoire de l’architecture. On pense à l’éclectisme du XIXeme siècle, nourri de l’apport des sciences nouvelles qu’étaient l’archéologie et la biologie systématique, ou à l’apparition du mouvement moderne s’appuyant sur les nouvelles techniques de construction, sur les ruptures dans les arts plastiques (cubisme, futurisme,…) mais aussi l’hygiène de vie ou la statistique urbaine. Un nouveau paradigme devait donc faire émerger «naturellement» une nouvelle architecture. Sommes-nous, comme le jugeait Le Corbusier dans les débuts de l’architecture moderne, à la veille d’une «période de grands problèmes, période d’analyse, d’expérimentation, période aussi de grands bouleversements, période d’élaboration d’une nouvelle esthétique ? »13 .

Le constat est qu’aujourd’hui, face aux records de la hauteur, il est d'autres records à battre qui ont pris de plus en plus d'ampleur : ceux relatifs à l'impact environnemental de ces constructions géantes. Aujourd’hui, nous sommes 7,4 milliards d’humains et en 2030, 9 milliards d’humains dont la moitié vivront en zone urbaine12, voilà un constat qui exige des réponses environnementales et écologiques obligeant les villes à se réinventer. Des projets multiples à innovations architecturales, paysagères et urbanistiques apportent leurs pierres à l’édifice d’un nouveau monde urbain, que nous inventons déjà aujourd’hui, pour demain.

Depuis le début du XXeme siècle, les nouvelles technologies à la disposition des architectes ont révolutionné la conception des bâtiments : systèmes efficaces de chauffage et de rafraichissement, permettant de s’affranchir du climat, ascenseurs, systèmes de ventilation mécanique puis de climatisation (« l’air exact » de Le Corbusier), système d’éclairage artificiel. Il est ainsi progressivement devenu possible de s’abstraire totalement du contexte tel que le climat, les nuances du jour et de la nuit, les dimensions des bâtiments selon un modele dont l’archétype serait les «usines sans fenêtres» américaines de la Seconde Guerre mondiale, ou le junkspace de Rem Koolhaas, « (…) ce que la modernisation a construit (…),

Le contexte évolue en effet très rapidement. Si l’on s’en tient aux seules vingt dernières années, le basculement du centre du monde de l’Atlantique Nord à l’Asie, la certitude du changement climatique, l’épuisement à court ou moyen terme des mines (combustibles fossiles, métaux, terres rares), l’avénement des nano-technologies, l’achèvement de la transition démographique mondiale et le vieillissement des sociétés développées, ainsi que la crise de la biodiversité sont autant de bouleversements qui ne peuvent qu’influencer les démarches architecturales. Les prototypes d’architecture écologique ou d’«universal

" Population mondiale, données scientifiques, 2016, site internet www.populationmondiale.com consulté fin 2016, http:// 12 www.populationmondiale.com/#sthash.GHfEgxys.dpbs 13 CORBUSIER, L., Vers une architecture, G. Crès & Cies, 1923, (p:56).

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ce n’est pas l’architecture moderne mais le Junkspace. Le Junkspace est ce qui reste une fois que la modernisation a accompli son oeuvre ou, plus précisément, ce qui coagule pendant que la modernisation suit son cours : sa retombée. »14 . Dans le même temps, les progrès simultanés des techniques constructives et des outils de simulation n u m é r i q u e o n t re n d u p o s s i b l e s d e s géométries jusqu’alors improbables. Enfin, la financierisation de l’économie a fourni les outils d’une spéculation immobilière globale. Il est ainsi aujourd’hui possible de tout concevoir et de tout construire, y compris des pistes de ski en plein désert arabique.

un peu plus d’une trentaine d’années, l’urbanisation vertigineuse a renouvelé dans les villes autour du monde la pression foncière qui encouragea la construction des premiers gratte-ciels entre la fin du XIXe siècle le début du XXe. Dans un contexte sensiblement différent, caractérisé par l’étalement constant de la ville depuis plus d’un demi-siècle, les penseurs et les concepteurs de l’urbain posent l’hypothèse de la densification de la ville existante comme frein à la consommation frénétique de la surface planétaire. Mais la Tour est devenue source de polémique. Peutelle faire face aux défis soulevés par l’étalement urbain, notamment ceux qui concernent la diminution des impacts humains sur l’environnement ? Mais aussi, peut-elle contribuer à faire des villes plus habitables et notamment plus justes socialement ? Autrement dit, l’urbanisme et l’architecture verticale sont-ils à la hauteur des attentes de la «ville durable» capable d’articuler problématiques environnementales, économiques et sociales dans une temporalité longue ?

Théodore Monod, célèbre ethnologue nous explique : « Actuellement, dans notre civilisation technocratique, emballée, on en arrive à faire les choses, non pas tellement, parce que on les a jugées utiles à la suite d’une réflexion honnête et parfois longue mais uniquement parce-que on a le pouvoir matériel de les faire, et ça je crois que c’est quelque chose d’extrêmement grave au point de vue intellectuel. »15

Afin de dégager des éléments de réponse à cette vaste problématique, une première partie de ce mémoire cherche à montrer comment ont évolués les enjeux qui sont posés au gratte-ciel de première et deuxième génération. En parallèle, il essaye d ’ a p p ré h e n d e r c o m m e n t i n g é n i e u r s , architectes et urbanistes s’adaptent aux nouveaux enjeux soulevés par les préoccupations environnementales. Ceci, concernant principalement l’étalement urbain, la surconsommation énergétique et aussi la question de l’habitabilité et de la mixité sociale, en mettant l’accent sur les limites de leur action.

Cette quasi-disparition des limites du réel, illustrée en particulier par les projets architecturaux les plus médiatisés, se traduit par une architecture plus immorale, plus abstraite et focalisée sur sa dimension esthétique, s’éloignant de l'éthique et des vrais enjeux contemporains : développement durable, écologie . Elle rétrécit ainsi le champ culturel de l’architecte à celui de l’artiste ou du publicitaire, et occulte le changement de paradigme en cours, rendant d’autant plus difficile la transition pour une architecture plus proche de la nature et de l’homme. Explorer ainsi les voies d’un renouveau, voire même d’une re-fondation, d’une ré-invention est plus que nécessaire. Et justement, depuis

14 KOOLHAAS, R., Junkspace: repenser radicalement l'espace urbain, Manuels Payot, 2010. 15

MONOD, T., Et si l'aventure humaine devait échouer, Éditions Seghers, Paris, 1991

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L’analyse de la question de l’étalement urbain sera illustrée par des exemples provenant d’autour du globe. Celui de la problématique de l’efficacité énergétique des tours reposera s u r t ro i s p ro j e t s d i ff é re n t s d e t o u r s «durables» : la Tour de la Rivière des Perles de Gordon Gill, le projet de prospective Hypergreen de Jacques Ferrier et les tours «bioclimatiques» du pionnier de l’architecture «durable» : Ken Yeang.

réglementations environnementales. Puis nous terminerons cette deuxième partie par la relation retrouvée, réciproquement avec la nature par une interprétation de la verticalité «durable» «renaturée», à travers deux exemples concrets, la Bosco Verticale Tower de Stefano Boeri à Milan et les fermes verticales Sky-Greens de Singapour. Révélant l ’ e x p re s s i o n e t s u p p o r t d ’ u n e v i s i o n «har monieuse» des problématiques écologiques et sociétales contemporaines : Pour une Tour doit disante plus proche de la Nature et de l’homme.

À partir de cette comparaison, nous chercherons dans une deuxième partie, à proposer une lecture synthétique des solutions pour la tour «durable» nouvelle génération. Il s’agit donc de définir d’une part, les façons de concevoir durablement la densité, l’accès, le transport et l’énergie de telles constructions géantes, et mettre l’accent sur les éléments clés, afin de donner un aperçu du vaste réseau de paramètres qui entrent en ligne de compte dans l’interaction d’une tour urbaine avec son environnement et comment cela détermine le caractère durable d’une tour. On s’intéressera au cas de Singapour; cette cité-État située sur une petite île d’Asie du Sud-Est proche de la Malaisie, qui a fait de la pénurie foncière et de la croissance démographique, constatés sur la majeure partie de son territoire, les facteurs de la densification et de l'urbanisme vertical. Les règles de planification ont déterminé une relation centre/périphérie atypique et complexe, si bien que les récents efforts se sont concentrés sur un rééquilibrage des densités et des activités basé sur le principe fondamental du voisinage, favorisant ainsi la sociabilité des habitants au sein de tours intelligentes, connectées entre-elles et avec le réseau de transport urbain. Nous montrerons comment la Tour Pinacle@Duxton est devenue la résultante de nombreuses

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Enfin, l’on conclura sur les limites de la Tour «durable» et sa remise en question au défi de l’écologie. Le génie humain est certes sans relâche, tant mieux d’ailleurs car on en aura tellement besoin mais force est de constater que depuis un moment, nos actions ont échappés à nos intentions. Une intelligence sans objet qui est devenue au fil du temps une vulgaire puissance qui chaque jour nous dépasse et nous écrase un peu plus. La tour à la forme spectaculaire chargée de multiples strates de significations est devenue une métaphore complexe, celle « (…) du meilleur et du pire du XXe siècle » 16 En tant que futur architecte, il sera de mon devoir de prendre conscience du déclin de nos intentions en voulant construire toujours plus de tours plus hautes et partout autour du globe, on s’éloigne clairement du besoin réel de l’humain qui selon moi est clairement de se reconnecter avec l’humus : l’homme et la nature. Choisir, ne plus subir, être libre, enfin.

DUPRÉ, J., Gratte-ciel du monde, Cologne, Konemann, 2005, p:127

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1. LA TOUR FACE A L’ENJEU ÉCOLOGIQUE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE

Une évaluation préliminaire de l'impact des tours urbaines sur le milieu naturel conclurait que la faible occupation des sols et une densité potentiellement plus élevée en sont les avantages majeurs, une consommation d ' é n e rg i e p l u s f o r t e d e m e u r a n t l e u r inconvénient principal. Mais les concepts de densité et de consommation d'énergie sont relatifs et l'on se doit de les examiner dans le cadre d'une comparaison des tours avec leurs homologues de moyenne ou basse taille.

Depuis son apparition, la tour, à l’inverse de ce que l’on pourrait croire, a relativement peu évoluée en ce qui concerne les matériaux et les principes de construction. Il est nécessaire de rappeler quelques éléments caractéristiques des tours de première «génération» afin de montrer comment la tour contemporaine qualifiée de der nière «génération», et plus particulièrement la tour «durable», cherche à inverser la mauvaise réputation qui lui est accolée (couteuses et énergivores).

En y regardant de plus près, les tours ont bien évidemment d’autres impacts environnementaux positifs ou négatifs, mais le nombre de ces impacts et la façon qu'ils ont d’interagir constituent un sujet d'une grande complexité qu'il serait trop fastidieux de détailler, l’objet de cette première partie est de mettre l’accent sur l’évolution de la tour de la plus ancienne à la plus récente génération.

Pensée dans la diversité, la tour « durable » se présente comme figure de nouvelles pratiques architecturales, techniques, et urbanistiques respectueuses de l’environnement, viables économiquement et socialement plus juste. Comment caractériser l’évolution des enjeux sur la tour, et qu’est ce que cela montre sur l’unité et la diversité de la tour «durable» ?

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A. NOUVEAUX DÉFIS POUR L’ARCHITECTURE DE TRÈS GRANDE HAUTEUR : LA TOUR

De la première à la troisième génération, la tour a connue de nombreux défis relevés. Dans un premier temps, il y a eu le gratte-ciel de pierre et d’acier à Chicago suite aux tristes événements incendiés et un peu plus tard à New York dont l’Empire State Building en 1930 et le Chrysler Buildings qui cristallisent les caractéristiques de cette nouvelle architecture légère aux possibilités nombreuses. Ces premières tours ont été le fruit de la synthèse d’un ensemble de progrès techniques dont la structure métallique, en acier, mais aussi de l’emploi de l’énergie électrique dans le processus de construction. Des avancées technologiques comme l’ascenseur (E. Otis, 1850-1860), ainsi que la ventilation (W. Carrier, 1906), et bien sûr le téléphone (G. Bell, 1877).

der Rohe, et Lever House conçu par Gordon Bunshaft de l’agence Skidmore, Owings et Merrill, des tours par la suite imitées et déclinées par des centaines d’immeubles, de plus en plus hauts, jusqu'à nos jours. Le concept de fenêtre disparait totalement en laissant place à un habit de verre. Plus tard avec de plus en plus d’expériences acquises avec le temps, une relative plasticité des formes apparait. Certaines plus qu’improbables comme la tour ie. de R. Koolhass, est atteinte grâce aux alliages de métaux et à la mise en place du ciment coulé. La tour devient alors art, une oeuvre, un objet de design. Seulement l’Architecture de très grande hauteur devient rapidement source de polémique visant la transparence de son habit en verre faisant de cette deuxième génération de tour une génération de gaspillage de l’énergie et donc d’argent, car c’est un objet extrêmement énergivore, du processus de construction à son entretien quotidien.

Toutes ces inventions étant des conditions sine qua non à l’effet de «verticalisation», bien que les façades de cette première génération de tours soient assez vitrées, cela reste modeste, traduisant surtout l’élargissement de l’architecture courante et typique de l’époque. La fenêtre quant à elle, reste un élément caractéristique de la première génération de gratte-ciel, véhiculant une opacité assez limitée de cette architecture. Puis ce n’est qu’à partir de la fin des années 1950 que nait une deuxième génération de gratte-ciel entièrement transparent, fait d’acier et surtout de verre, ses deux principaux composants. De là est alors né en 1958, Seagram Building de Ludwig Mies van

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L’architecte Jacques Ferrier fait noter avec pertinence l’isolement de cet environnement artificialisé par rapport à l’extérieur. Ainsi, il synthétise de façon concise la substance de cette génération de tours, souvent mal vus :

aux Émirats arabes unis, à Dubaï. En plein désert au climat subtropical aride, où l’on atteint des moyennes de températures de 49°C. Du sable ardent a émergé la plus haute structure humaine jamais construite, la Burj Khalifa, inaugurée en 2010. Désormais la tour la plus haute du monde avec ses 828 mètres d’acier et de verre, ses 6ans de construction, et ses 163 étages, nous montre par dessus tout une aberration environnementale et économique, ainsi il ne faut pas s’étonner de la crise récente de la dette de Dubaï. Selon le journal Le Monde, « le conglomérat public Dubaï World doit environ 17,6 milliards d’euros, dont une partie importante correspond à la dette de sa filiale immobilière Nakheel (4 milliards d’euros). Premier promoteur immobilier privé au monde, Nakheel gère un portefeuille de plus de 30 milliards d’euros, et est à l’origine des îles en forme de palmiers et du monde qui ajoutent plus de 1 000 km de plages à Dubaï. » 19

« Je crois que la critique du gratte ciel (de deuxième génération) ne porte pas sur sa hauteur mais plutôt sur sa membrane diaphane qui doit envelopper un environnement bien contrôlé, (…), où l’on obtient grâce à la climatisation, une ambiance artificielle constante toute l’année : une prison de verre énergivore et qui ne peut pas s’ouvrir sur l’extérieur ! »17 En accord avec Thierry Paquot, le «philosophe de l’urbain», le vrai problème de la deuxième génération de tours est que les architectes n’ont toujours pas abandonné ces canons esthétiques et techniques. Il suffit de jeter un coup d’œil sur des projets assez récents pour apercevoir fréquemment ces permanences. Dans un contexte de «verticalisation» de nombreuses villes du monde, en plus de la course à la hauteur et au surdimensionnement, les problèmes de la tour grandissent eux aussi exponentiellement. Afin d’illustrer cela, la Jin Mao Tower (421 m, 1994-1999) à Shanghai, est une tour en verre qui fait référence à une pagode traditionnelle, coûte plus de 100 000 euros d’exploitation par jour. Par ailleurs, les plus de sept mille gratte-ciels de cette grande ville emblématique de la Chine contemporaine sont à l’origine de l’affaissement du sol à un rythme effréné18 . À quelques milliers de kilomètres au sudouest, c’est le plus grand chantier du monde :

FERRIER, J., « Pour une éco-tour », Dossier : Tours, Urbanisme n°354, mai-juin 2007, (p: 62-65), revue consultable sur le site : https://www.urbanisme.fr/tours/dossier-354. 17

18

JIAN, Z., « Petite Histoire de la Tour en Chine », Dossier : Tours, Urbanisme n°354, mai-juin 2007, (p:50-53).

AFP avec Le Monde, « Le groupe Nakheel boit la tasse au premier semestre », article du Monde du 9 Décembre 2012, http:// www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/12/09/le-groupe-nakheel-boit-la-tasse-au-premier-semestre_1277979_1101386.html 19

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On sera sûrement terrifié lorsque dans un f u t u r p ro c h e o n c o n n a î t r a l e s c o û t s d’exploitation de ces projets architecturaux, cette gigantesque machine à produire toujours plus d’architecture. Cette frénésie confirme que « l’exploit technique ne fait pas la qualité. »20 comme l’exprime l’architecte parisien Denis Valode. Penser qu'une pareille tour est en harmonie avec son environnement local est totalement irréaliste, puisque climatiser une tour de verres de plus de 800mètres de haut à une moyenne de 20°C et exposée à 49°C est un défi pour lequel nous devons renoncer, et admettre la gravité intellectuelle d'une telle conquête du ciel.

dans lequel la tour est un moyen. Dans le cadre d’un certain tournant de conscience écologique qui conduit à l’engouement idéologique pour le «développement durable» on parle de plus en plus de tours, d’urbanisme, d’architecture «durable». Ainsi, nous pensons qu’il est plus pertinent de parler d’enjeux d’architecture verticale «durable» pour aborder la question de l ’ e ff i c i e n c e é n e rg é t i q u e , e t d ’ e n j e u x d’urbanisme vertical «durable» pour traiter de la densification. Comment techniciens, architectes et urbanistes font-ils face à ces défis dans leur pratique et quelles en sont leurs limites ? Par ailleurs, peut-on parler d’une ou de plusieurs conceptions de la tour «durable» ? Ce sont ces interrogations qui vont nous entretenir par la suite.

Jusqu'à présent nous avons signalé comme enjeu central de la tour contemporaine l’efficience énergétique, mais qu’en est-il de l’étalement urbain ? Cette problématique plus large et complexe faisant appel à la densification de la ville existante, place la tour comme un enjeu crucial. L’étalement urbain se présente comme un vaste problème de cohérence urbaine

20

VALODE, D., « Des tours écologique », Dossier : Tours, Urbanisme n°354, mai-juin 2007, (p:73-74).

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B. PRINCIPAL ENJEU D’URBANISME VERTICAL

Parmi les enjeux de «durabilité» posés à la tour, l’étalement urbain est au centre des discours. Il sert largement d’argument partisan de la densification radicale de la ville. Pollution, mitage, déforestation, infrastructure et fragmentation urbaine, autant de problématiques que l’on retrouve comme conséquences liées à l’étalement de la ville. Si l´on préfère identifier cet ensemble de problématiques à une pensée plus urbanistique qu’architecturale, cela à plusieurs raisons; d’abord, il s’agit de l’échelle d’intervention. Si l’architecture concerne la forme et la structure de l’objet à réaliser, l’urbanisme en revanche pense et intervient à l’échelle d’ensemble spatiale, voire de territoires entiers. Il cherche à créer de la cohérence, de la lisibilité et de l’efficacité entre les différents morceaux et objets de la ville. De ce point de vue, la tour constitue un objet parmi d’autres. Un objet qui doit faire ville avec d’autres objets et dynamiques. Mais alors qu’est-ce que nous entendons alors par «urbanisme vertical»21 ?

L’urbanisme vertical cherche à créer les conditions de la densité, de la diversité et de l’intensité : autrement dit de l’urbanité. Entendons par là, « Le caractère proprement urbain d’un espace (…) tant un résultat du fonctionnement de l’organisation urbaine qu’un opérateur de l’organisation et de son fonctionnement. »22 Ainsi, ses principaux enjeux sont l’articulation et la gestion de la densité et de la pression foncière, de l’infrastructure, de l’espace public et du paysage urbain; du rapport à la ville et de la mobilité; du rapport au sol des tours et, bien sûr, des rapports avec l’environnement local. Entendu comme une approche générale, l’urbanisme vertical doit cependant s’adapter aux besoins et contraintes (surtout en termes de réglementation) de sociétés urbaines différentes. Revenons sur la question de la densification comme réponse à l’étalement urbain. Il est important de mentionner que, si l’urbanisme vertical devient le sujet courant de colloques internationaux et de réflexions sérieuses et partisanes; le débat sur la capacité de la tour à densifier la ville reste ouvert. L’argument selon lequel plus on construit en hauteur plus la densité des quartiers est élevée, fait l’objet de nombreuses critiques. De nombreux auteurs ont cherchés à montrer que l’habitat

Nous y voyons deux sens complémentaires. P re m i è re m e n t , c ’ e s t l a ré f l e x i o n , l a construction et la transformation de la ville afin de rattacher la tour à ce qui fait la vie de la Cité. Et Deuxièmement, en symbiose avec l’architecture, il s’agit de créer des noyaux de la vie de la Cité dans la tour en son coeur.

Cette terminologie devient courante et souvent l’étendard des partisans de la densification, plus ou moins radicale, de la ville. PANERAI, P., « L’urbanisme vertical en débat : Ajman Planning Conference », Dossier : Tours, Urbanisme n°354, mai-juin 2007, Dossier : Tours (p:75-76). 21

22

LUSSAULT, M., Dictionnaire de la Géographie et de l´espace des sociétés, Editions Bélin, 2003, (p:659-966).

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vertical ne crée pas forcement des coefficients d’occupation du sol plus élevés23 . En partie, cette opposition vient de la critique de l’architecture inspirée du fonctionnalisme Corbuséen qui prônait des emprises au sol faibles pour libérer l’espace de la parcelle. Par exemple, Claude Parent, architecte français, a affirmé que : « Libérer le sol est devenu faux. Occuper le sol au sens militaire devient la seul action vraie. »24

question. Il est aussi important de constater que les partisans concèdent aux opposants que l’urbanisme vertical ne pourra pas conduire à des villes plus compactes tant que la tour reste un objet énergivore et cela semble être proportionnel à la taille. Denis Valode s’interroge sur le caractère paradoxal de la tour : « On peut ainsi se demander si pour résoudre un problème, on n’est pas en train d’en poser un autre. » 26

Ainsi, les opposants de la verticalité pour la verticalité argumentent que la ville dense n’a pas forcement de grande hauteur mais surtout une épaisseur raisonnée qui encourage ainsi la mixité fonctionnelle. Christian Joubert, président du groupe immobilier Unibail à l’origine du projet de la Tour Phare à la Défense, représente bien avec cette citation l’argumentation des partisans des immeubles à grande hauteur : « (…) C’est un fait avéré que les tours permettent de densifier. Avec un pavillonnaire, on atteint une densité de 0,5, avec des maisons de ville : 1 maximum, avec des bâtiments de 8 niveaux, : 3 au maximum ; au dessus, il faut faire appel à des bâtiments de grande hauteur (…) seule la densité des villes permettra de sauvegarder des espaces naturels ou agricoles et de limiter le temps et l’énergie dépensés en transports. »25

En effet, si de nombreuses municipalités et d’autorités métropolitaines en Europe 27 et dans le reste du monde réfléchissent à la question de la densification comme une solution à l’étalement urbain, la réalité met en exergue les théories et les visions communes. On ne peut pas prétendre que Chicago ou New York, berceaux du gratte-ciel, ont été épargnées par ce processus urbain. La verticalité à Tokyo ne l’a pas empêché de devenir la ville la plus étalée du monde. À Shanghai, on compte le plus grand nombre de tours au monde (plus de 7000 en 2007)28, la municipalité a favorisé la construction de tours dans le centre-ville pendant les années 1990 en relogeant des centaines de ménages dans les nouvelles banlieues. Désormais, une partie importante des tours de logement restent vacantes. Résultat : « la ville se densifie en espace bâti, mais pas en habitants. » 29

On constate que la densification anime un débat partagé entre partisans et opposants. Plus particulièrement, parmi les partisans c’est surtout la hauteur de la tour qui est mise en

FOUCHIER, V., Les densités urbaines et le développement durable : le cas de l’Île-de-France et des villes nouvelles, Éditions du SGVN, décembre 1997. 23

PARENT Claude, cité par MANOLA, T., Construction d’un référentiel pré-opérationnel du développement durable, Parcours Environnement, Paysage et Territoire, Institut d’Urbanisme de Paris–Université Paris XII, 2006, (p:4). 24

25

JOUBERT, C., « Tour Phare à La Défense », Dossier : Tours, Urbanisme n°354, mai-juin 2007, (p:59-61).

26

VALODE, D., « Des tours écologique », Dossier : Tours, Urbanisme n°354, mai-juin 2007, (p:73-74).

27

MERLIN, P., « Paris les tours en question », Dossier : Tours, Urbanisme n°354, mai-juin 2007, (p: 56-58).

28

GRACE, L., et MALCOLM, W., The Political Economy : The Impact on Human Resources in East Asia, Routledge, 2008, (p:77).

29

JIAN, Z., « Petite Histoire de la Tour en Chine », Dossier : Tours, Urbanisme n°354, mai-juin 2007, (p:50-53).

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(2004) 32 : périurbanisation, gentrification et ségrégation, marquent le rythme de l’évolution des villes. Dépassée par l’ampleur du phénomène d’étalement urbain, l’architecture verticale «durable» est-elle capable de répondre aux problématiques inhérentes de la tour ?

De l’autre coté du Pacifique, la ville de Mexico qui a connu une forte croissance depuis les années 1950, n’a toujours pas réussi à inverser le processus d’étalement urbain malgré une politique volontariste de densification. Comme Mexico, Istanbul connait depuis une dizaine d’années une croissance verticale de ses quartiers péri-centraux caractérisée par des logiques fortement spéculatives. Son étalement se poursuit par le déplacement dans les périphéries de masses de populations modestes voire marginales, mais aussi, paradoxalement, par le développement d’enclaves résidentielles fermées, construites dans la forêt primaire, vrai poumon de la ville.

Les questions technique et environnementale à considérer lorsqu’on envisage un projet de tour et ses implications urbaines vont au-delà de l'utilisation du sol ou de l'énergie et englobent des sujets tels que les accès, les transports ou les défis de construction et les technologies. Bon nombre de ces questions sont à la fois tournées vers l'intérieur (la tour) et vers l'extérieur (le milieu environnant et le contexte urbain). La consommation d'énergie peut par exemple être influencée par divers facteurs, comme la constitution de la façade, l e s m é t h o d e s l o c a l e s d e p ro d u c t i o n d'énergie, de construction et d'entretien, les attentes du marché locatif international, les ombres portées des bâtiments alentour, pour n'en nommer que quelques-uns.

Enfin, pour conclure le tour du globe des limites de la densification, la ville de Sao Paolo, qui subit une « verticalisation » précoce depuis les années 1930 lui permettant de rester assez compacte, fait face à un étalement urbain volontariste depuis les années 1960-197030 . À l´instar de la brésilienne Nadia Somekh, historienne de l’architecture : « Une plus grande consommation de terrain réduit les possibilités de mixité sociale et favorise l’élitisme en termes d’occupation des immeubles. La convivialité qui s’était instaurée entre les immeubles et la ville disparaît peu à peu, remplacée par une anti-ville. »31 . L’ «anti-ville» décriée dans cette citation par Nadia Somekh n’est pas seulement celle du pavillonnaire et des «gated communities», c’est aussi une antiville verticale qui met fin à l’urbanité, au vivre ensemble.

Les interactions complexes qui en d’écoulent font de chaque tour un projet unique, qui trouve son propre équilibre entre les divers facteurs. Et avant même qu'un projet de tour trouve son élan, sa genèse subit l'action d'autres forces, de natures socio-économique, politique et esthétique; autrement dit, des forces qui continueront d’avoir une incidence tout au long du cycle de vie du projet. L’analyse qui suit décrit certaines des principales considérations techniques et environnementales associées au développement durable des tours.

Les limites de l’urbanisme vertical pour limiter l’étalement urbain font écho au paradigme de la « ville à trois vitesses » de Jacques Donzelot

30

GRACE, L., et MALCOLM, W., The Political Economy : The Impact on Human Resources in East Asia, Routledge, 2008, (p:77).

31

SOMEKH, N., « Verticalisation à Sao Paolo : La fin de l’urbanité », Urbanisme n°354, mai-juin 2007, Dossier : Tours (p:48-49).

DONZELOT, J., « La ville à trois vitesses : relégation, périurbanisation, gentrification », Esprit, 2004, http://www.esprit.presse.fr/ article/donzelot-jacques/la-ville-a-trois-vitesses-relegation-periurbanisation-gentrification-7903 32

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C. TOURS DURABLES : L’EFFICIENCE ÉNERGÉTIQUE EN POINT DE MIRE

Nous l’avons précédemment dit, la tour de la deuxième génération incarne l’idée même d’artificialité et pose deux défis majeurs pour la «durabilité» : l’efficacité énergétique au centre des préoccupations et la mixité fonctionnelle et sociale. Face aux limites de l’urbanisme vertical à réduire l’étalement urbain, la tour «durable» est-elle en mesure de résoudre quelque chose ? Que nous apprend à ce sujet l’analyse de trois approches différentes de la tour «durable» ?

matériaux révolutionnaires, afin de diminuer la consommation énergétique et aussi d’en produire pour devenir autosuffisante. Panneaux solaires, éoliennes, captation des précipitations et doubles peaux, deviennent la signature d’une «troisième génération» de tours. Depuis 2006, la Pearl River Tower de Gordon Gill, à Guangzhou, est un des multiples chantiers pharaoniques de la capitale manufacturière du sud chinois. Dans le contexte, depuis 2009, la Chine s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre entre 40% et 45 % par unité de PIB d’ici 2020 33. Ainsi, les 310 mètres de la «Perle des tours» s’érigent aux yeux du monde comme le symbole puissant de l’engagement entre le pays le plus pollueur du monde et l’environnement. Si l’on s’intéresse au «concept» de la tour, on découvre que cette dernière fait un cocktail de technologies environnementales34 : éoliennes intégrées au corps de la tour dont l’ergonomie accélère les courants du vent, des centaines de panneaux solaires et une deuxième peau créant un vide avec la première per mettant ainsi la circulation de courants d’air et donc de bénéficier de l’énergie géothermique. Enfin, l’objectif étant de rendre la tour autonome en utilisation et production d’énergie.

Le développement de la tour de deuxième génération (énergivore et couteuse) est de p l u s e n p l u s p ro b l é m a t i q u e a v e c l e surdimensionnement encouragé par une course «phallique» internationale. Depuis la fin des années 1970, début 1980, une troisième génération de tours voit le jour en se profilant au tout début dans la marginalité, et c’est avec l’émergence du mouvement environnementaliste mondial dans les années 1990 que démarre une course en parallèle, cette fois-ci à la tour soit disante «écologique». Alors que pour certains c’est la taille qui compte, pour d’autres, c’est la qualité qui l’emporte. Cette course à la tour «écologique» s’est rapidement emparée de la terminologie plus ambitieuse de «durabilité». À l’image des technologies qui ont rendu possible les skybuilding de première génération, la tour «durable» cherche quant à elle à intégrer toute sortes de dispositifs et

XINHUA, X., « China to cut 40 to 45% GDP unit carbon by 2020 », China Daily, 2009, consulté en 2016, http:// www.chinadaily.com.cn/china/2009-11/26/content_9058731.htm 33

34

PACQUOT, T., « Editorial », Dossier : Tours, Dossier : Tours, Urbanisme n°354, mai-juin 2007, (p: 39-40).

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La « Perle des tours » fait cependant l’objet de nombreuses critiques. Récemment, lors d’une projection-débat35 autour du film éponyme de 2009 réalisé par Guillaume Poyet36 , un ingénieur-expert d’EDF aux énergies renouvelables réfute catégoriquement les suppositions que cette tour pourrait devenir auto-suffisante. Il conclu que « (…) la Perle des Tours ne devrait pas produire plus de 5% de l’énergie qu’elle consomme. ». Cela équivaudrait donc plus ou moins à la proportion d’énergie nécessaire pour alimenter le fonctionnement du système de raccrochage de la tour au réseau électrique de la ville. Par ailleurs, les coûts énergétiques et plus largement environnementaux d’un chantier d’une telle ampleur sont entièrement négligés; la fin justifie-t-elle les moyens ? Idem pour les conditions de travail difficiles des masses ouvrières. En plus, et ce afin de pousser la contradiction à sa caricature extrême, la tour accueille le siège social de la Corporation Nationale du Tabac, groupe industriel certainement très sensible aux impacts environnementaux de son activité et à la santé humaine; nettoyage de conscience ?

architecte proposa une thèse innovante dès 1974. Le "green design" est alors une discipline très neuve et à l’époque où les immeubles se multiplient, le Malaisien réfléchit à un moyen de concilier verticalité et bioclimatique. Théoricien autant qu’architecte, il imagine des immeubles verts différents de ceux de ses collègues oubliant les gadgets en tous genres, Ken Yeang souhaite permettre l'équilibre entre organique et non organique. Il évoque que « l’écodesign, c’est bien plus que le photovoltaïque ou l’ingénierie ». 37 Être à l’écoute de la nature et d’en connaître les propriétés et les désirs est l’une de ses grandes priorités. « Je suis un écologiste en premier, un architecte en second ». Alors, il se met à rêver de tours faites de béton, d'acier et de verre, mais aussi d'humus, de buissons et d'eau, un écosystème où se développeraient une faune et une flore autonome. Il développe une réflexion théorico-pratique innovante qui se structure autour du néologisme biomimétisme.

Enfin, ce qui est certain, c’est que la «Perle d e s To u r s » i n c a r n e u n e v i s i o n environnementaliste assez légère dite de «marketing». Ainsi, peut-on parler d’une tour de « troisième génération » ou plutôt d’une tour de « deuxième génération bis » ?

Conceptualisé par Yeang, le bio-mimétisme fait de l’imitation des processus de la nature son principe central. Dans une optique appliquée, c’est « l’innovation inspirée de la nature ». Ainsi, le design bio-mimétique a pour objectif de générer une interaction qui favorise l’intégration des productions de la société urbaine dans les écosystèmes qui les environnent.

Pionnier ou plutôt inventeur de l’architecture dite «bioclimatique », l’Architecte malaisien Ken Yeang, invité dans près de 45 pays, a été décrit par "The Guardian" comme l’une des 50 personnalités qui pourraient sauver la planète. C’est à Cambridge, que le jeune

On identifie deux défis principaux : d’une part, la réduction de la dépendance aux énergies non-renouvelables avec comme but l’autosuffisance de l’objet architectural. D’autre part, la création d’«interfaces écologiques» par le biais de ponts et

35

COUTURE, J., « Projection-débat » au Festival image de ville, Archives départementales des Bouches du Rhône, 2010.

36

POYET, G., La Perle des Tours, Documentaire, France, série Construire propre, Saint Thomas Productions, (50 min), 2009.

TEXIER, M., « L’architecte malaisien qui a inventé l’immeuble bioclimatique », Le petit journal, Juillet 2013, consulté en fin 2016, www.lepetitjournal.com/kuala-lumpur.html 37

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passages souterrains «organiques» liant des paysages verticaux composés de coulées vertes, corridors et murs-vivants, de terrasses vertes, nouant les discontinuités entre l’environnement bâti et les écosystèmes environnants. Il est important de souligner que l’idée de verticalité durable préfère ici la tour de hauteur basse à forte densité au gratte-ciel. Enfin, de la conception biomimétique émerge une nouvelle esthétique verticale qui réveille l’imagination de par son organisation et ses textures visuelles.

bioclimatique du monde. A Singapour, la tour EDITT de Ken Yeang, haute de 26 étages, est autosuffisante en eau à 55%, grâce à un collecteur d'eau de pluie. Pour la bibliothèque nationale singapourienne, également pensée par l’architecte, des parasols de 6 mètres de haut gardent la fraîcheur dans le bâtiment pendant l'été, tandis que les façades est et ouest s'ouvrent au lever et au coucher du soleil pour laisser pénétrer la lumière naturelle et économiser de ce fait de l’électricité. En 30 ans d'exercice, Ken Yeang a dessiné près de 200 projets à caractère écologique de Tokyo à Dubaï en passant par Londres. Dans ces grandes villes impersonnelles, il ne perd jamais de vue le facteur humain : « Dans chacun des mes immeubles, je dessine beaucoup d’espaces de vie. C’est important de garder à l’esprit qu’on dessine des bâtiments pour des gens et non pour l’écologie. »

Dans ces véritables tours vivantes qui sembleraient toutes droites sorties d’un film de science-fiction, Ken et son équipe ne laissent rien au hasard puisque, chaque espèce végétale est scrupuleusement sélectionnée pour servir de nourriture ou de lieu de reproduction ou même de refuge à un certain type d’animaux. L’eau, le vent et la pluie ne sont plus, comme pour beaucoup de ses confrères architectes, des ennemis. Ken Yeang utilise véritablement les conditions de l’environnement pour donner vie aux tours. ll explique : « (…). Je mets beaucoup d’arbres dans mes immeubles. Souvent, on me dit que c’est un peu facile de faire un immeuble bioclimatique en ajoutant simplement des arbres. C’est plus compliqué que cela. Je créé en réalité tout un écosystème. »38

Dans ses écrits, l’architecte constate que, dans ces dernières années, les préoccupations environnementales ont vue naître une nouvelle génération d’architectes, d’ingénieurs et d’urbanistes. Il reproche à leur pratique d’être souvent complaisante vis-à-vis du design « vert », de se réduire facilement au rassemblement d’éco-gadgets et au respect des chartes donnant de systèmes de labellisation. Il argumente :

Très saluée à l'international, sa tour Mesiniaga à Subang Jaya pourrait constituer une sorte de catalogue de toutes les techniques bioclimatiques inventées jusque là puisque nous y retrouvons « des architectures végétales verticales inédites mais aussi un système actif intelligent pour économiser l’énergie. ». Sa façade unique permet par exemple une aération naturelle de la tour. Ce projet innovant, datant de 1992, est considéré comme le premier grand immeuble

« (…) l’application de ces technologies n’induit pas automatiquement une architecture écologique. Bien que ces technologies soient nécessaires pour la conception de systèmes de basse consommation, celles-ci doivent rester des moyens fonctionnels et non une finalité. » 39

YEANG, K., cité par TEXIER, M., « L’architecte malaisien qui a inventé l’immeuble bioclimatique », Le petit journal, Juillet 2013, consulté en fin 2016, www.lepetitjournal.com/kuala-lumpur.html 38

39

YEANG, K., Designing with Nature, Mc Graw-Hill, USA, 1995.

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Par ailleurs, le design écologique qu’il défend n’est pas exclusivement une question de basse consommation énergétique. Il défend la nécessité d’introduire ces mêmes technologies et principes aux processus de construction pour qu’elles puisse avoir un impact réel. Cela requiert aussi de combiner l’approche technologique avec toute une réflexion sur l’influence des conditions physiques, écologiques et climatiques du site d’implantation. En conséquence, cette vision de la tour « durable » se veut localisée, c’est à dire, contextuelle et non pas comme une solution standard comme le voudrait l’unique style international. Cette tour nouvelle génération postule pour de l’adaptation de l’environnement bâti, des processus de construction et plus largement de l’activité économique aux besoins et modes de fonctionnement des écosystèmes naturels.

encore de caractériser ces tours de troisième génération mais plutôt de deuxième génération bis. Tro i s i è m e e x e m p l e d ’ e s s a i d e t o u r s « d u r a b l e s » a v e c l e s p ro j e t s B e l l e Méditerranée, Concept Office et Hypergreen, Jacques Ferrier développe, en partenariat avec de grands industriels, une activité de recherche innovante. Jacques Ferrier est un Architecte français dont sa vision humaniste de la ville à venir trouve sa pleine expression avec le concept de la Ville Sensuelle. Le projet Hypergreen est à l’origine un projet pour une tour sans localisation précise. Celleci se rêve «cellule mère» d’une nouvelle génération de tours. Soutenu par le Groupe Lafarge, prestigieux groupe français, leader mondial des matériaux de construction au chiffre d'affaires de 15,8 milliards d’euros en 2009; ce projet est présenté comme un projet de recherche, de prospection et d’innovation, qui doit conduire au développement d’un nouveau concept d’architecture verticale «durable». Alchimie de technologies « vertes » véhiculant une image de gratte-ciel totalement nouvelle comme par exemple sa structure en béton conçue pour consommer moins de matière et devient primordiale pour le contrôle des températures intérieures en tant qu’enveloppe de la tour. Ainsi pour pouvoir développer ces caractéristiques, les dernières tendances en technologies de structures en béton ont été utilisées, particulièrement les nouveaux bétons de haute résistance pour mailles extérieures et les techniques de préfabrication les plus récentes; mais aussi puits canadiens, pompes à chaleur géothermiques, panneaux photovoltaïques, turbines à vent, captation des eaux pluviales, matériaux recyclables, etc.

En revanche, cette conception que l’on peut dire «adaptative» ne remet nullement en question les fondements du système é c o n o m i q u e d e p ro d u c t i o n , é l é m e n t structurel de la dégradation de l’environnement au risque de l’instrumentalisation. À titre d’exemple, le projet Spire Edge à Delhi a inspiré au constructeur de Spire World, un des plus grands promoteurs immobiliers de l’Inde le commentaire suivant : « Motivé par le désir de développer une grande infrastructure qui n’est pas juste verte en apparence mais qui permet de préserver, de protéger et de prospérer avec l’environnement; Spire World atteint ses impératifs commerciaux sans engager la prospérité de l’environnement. »40 Ou encore, la tour Menara Mesiniaga (1989) en Inde, conçue pour IBM Malaisie qui souhaitait un immeuble «vitrine» capable de lui forger une image d’engagement et d’écoresponsabilité et symbolisant son succès dans le marché des produits Hi-Tech. Difficile là 40

JOSALA, K., « Spire World », 2010, http://www.spireworld.in/site_flash/commercial.html

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En concevant par réflexion bioclimatique, les façades et la distribution intérieure des espaces en fonction du climat local, établissent une économie énergétique significative de 30% par rapport à une tour c o n v e n t i o n n e l l e ( o r i e n t a t i o n , s e r re s tempérées, ventilation naturelle contrôlée par une double peau en grille qui gère aussi l’ensoleillement) et d’un souci pour les coûts environnementaux du processus de construction. Ce concept se veut avant tout «générateur de vie collective et sociale»41 . La sensibilité pour la question de l’habitabilité et du rapport de la tour à l’homme se décline de plusieurs façons. Le concept Hypergreen, à la différence des deux projets précédents, défend lui, la multifonctionnalité (bureaux, commerces, logements, loisirs, espaces publics et semi-publics). Cet aspect est vu, d’une part, comme le moteur de l’intégration de la tour à vie de la Cité, de l’autre, il s’agirait de créer des noyaux de Cité dans les hauteurs. Multifonctionnalité et rapport au sol sont ainsi pour Jacques Ferrier deux conditions déterminantes pour que la tour génère une vie sociale et collective. Enfin, l’architecte souligne un aspect qui pourrait paraitre évident mais qui est souvent négligé : L’intégration de l’architecture verticale à la Cité passe par son ouverture. Pour Ferrier, le citoyen doit pouvoir profiter du principal attrait d’un gratte-ciel de 284 mètres, autrement dit, sa hauteur. En conséquence, il imagine des espaces communs ouverts en hauteur. Ce qui lui permet d’ouvrir la tour à l’extérieur, en symbolisant ainsi la fin de la «tour prison» de « deuxième génération », fermée sur elle-même. Cependant, les moyens pour générer de la mixité sociale (notamment dans l’habitat) mais aussi pour créer des espaces vraiment publics restent flous. Utopique ou pas, l’architecte maintient qu’« il y a des chances qu’une première tour

Hypergreen voit le jour dans quelques années à Shanghai. » 42 Ce sera l’occasion de mettre à l’épreuve le concept de tour plus «humanisée» et «durable». Enfin, quel bilan peut-on en tirer ? Du point de vue des réponses apportées aux problèmes d’étalement urbain et de surconsommation énergétique, cette mise en perspective de la tour «durable» a permis de signaler des échelles d’interventions distinctes (la ville, la tour), des débats cruciaux (hauteur des tours, densité, approches écologiques) mais aussi de nombreuses limites (inefficacité énergétique, banalisation des démarches «vertes», mise à mort de l’urbanité et constitution d’une anti-ville verticale. Par ailleurs, ce qui est tout à fait remarquable est le fait que l’objet architectural de grande hauteur mobilise des conceptions idylliques entre l’homme et son environnement et apporte ainsi un éclairage privilégié sur la diversité des approches environnementales contemporaines. Malgré que certains projets sont à critiquer, nous remarquons une évolution globale des pratiques visant les tours à plus de d’éco-responsabilités. L’analyse de la tour «durable» nous invite donc à interroger d’avantage ces caractéristiques, avec des solutions pour la tour durable aux questions de densité, d’accès, de transport et d’énergies. Aussi, il sera nécessaire d’interroger le rôle primordial des villes comme Singapour dans la conception de tours durables de nouvelle génération : plus connectée, intelligente et productive d’énergies et de sociabilité positive. Et enfin, en cette seconde partie, nous verrons comment la Tour « durable », au delà des aspects techniques d’efficience énergétique, participera aussi directement au futur de villes « renaturée » que découvriront les générations futures à venir.

FERRIER, J., « Pour une éco-tour », Dossier : Tours, Urbanisme n°354, mai-juin 2007, (p: 62-65), revue consultable sur le site : https://www.urbanisme.fr/tours/dossier-354 41

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FERRIER, J., cité par BORO E., High Density : Propositions pour le futur, Edition LINKS, 2011, (p:116).

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2. PENSER LA TOUR DURABLE : NOUVELLE GÉNÉRATION

Afin d’aider la compréhension des solutions qui s’expriment dans la tour «durable», nous allons premièrement révéler une lecture synthétique des multiples solutions posées pour la tour durable aux questions de densité, d’accès, de transport et d’énergies. L’objet de cette partie est donc de mettre l’accent sur les éléments clés, afin de donner un aperçu du vaste réseau de paramètres qui entre en ligne de compte dans l’interaction d’une tour u r b a i n e a v e c s o n e n v i ro n n e m e n t e t déterminent le caractère durable d’une tour.

réseau de transport urbain. Nous montrerons donc comment la Tour Pinacle@Duxton à Singapour est devenue la résultante de nombreuses réglementations environnementales. Enfin, c’est à partir de ce constat de sociabilité retrouvée au sein de la tour de nouvelle génération que l’on conclura par la relation retrouvée, réciproquement, avec la nature par une interprétation de la verticalité «durable» « renaturée », à travers deux exemples concrets, d’une part, la Bosco Verticale de Milan, à l’allure d’un square urbain Vertical; c’est une innovation de végétalisation de l’architecture de grande hauteur unique au monde puisque un hectare de végétaux a été planté sur deux tours milanaise. Et d’autre part, le projet en plein essor des fermes verticales Sky-Greens de Singapour; révélant une vision «harmonieuse» des problématiques écologiques et sociétales contemporaines, pour une source rentable d’alimentation local, proche des habitants de tours, c’est à dire à la verticale. Nous constaterons néanmoins les limites de certaines avancées décrite comme des solutions d’avenir.

Ensuite, on s’intéressera au cas de Singapour; cette cité-État située sur une petite île d’Asie du Sud-Est proche de la Malaisie, qui a fait de la pénurie foncière et de la croissance démographique constatés sur la majeure partie de son territoire, les facteurs de la densification et de l'urbanisme vertical. Les règles de planification ont déterminé une relation centre/périphérie stricte, atypique et complexe, si bien que les récents efforts se sont concentrés sur un rééquilibrage des densités et des activités basé sur le principe fondamental du voisinage, favorisant ainsi la sociabilité des habitants au sein de tours intelligentes, connectées entre-elles et avec le

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A. SOLUTIONS AUX QUESTIONS DE DENSITÉ, D’ACCÈS, DE TRANSPORT ET D’ÉNERGIES

Les questions techniques et environnementales à considérer lorsqu’on envisage un projet de tour et ses implications urbaines vont au-delà de l'utilisation du sol ou de l’énergie. Elles englobent des sujets tels que les accès, les transports, les défis de construction, les technologies, etc. Bon nombre de ces questions sont à la fois tournées vers l'intérieur (la tour) et vers l'extérieur (le contexte urbain).

voisinage sur la tour est également très intéressant et à considérer. Nous allons ici explorer l'intégration d'une tour dans un contexte urbain existant, plutôt qu'établir une comparaison avec l'intégration d'un bâtiment de faible hauteur sur la même parcelle. Partons de l’hypothèse que la parcelle se trouve dans une ville existante et, dans le cas de nouveaux développements, qu'un plan d'urbanisation préside aux projets individuels de tours. Quelque soit le cas de figure, la réussite de l'insertion de la tour dépendra en grande partie de la possibilité pour ses occupants de trouver des commodités de première nécessité à sa base. On peut tout naturellement supposer qu'implanter la tour d a n s u n t i s s u u r b a i n d e n s e ré g l e r a immédiatement ce point. Pourtant, rien n'est moins sûr, du fait que l'afflux soudain de population qui aura été généré par la tour peut se heurter à un quartier simplement déjà saturé, incapable de lui faire face. Et à l'inverse, si la tour est située dans une zone en développement, elle apparaît un peu isolée et déconnectée du contexte urbain. Cela peut se produire au cœur même d'une ville, lorsqu'une place disproportionnée entoure la tour et tend à |'iso|er, la rendant moins acceptable. La question de la densité demeure à long terme clairement essentielle et donc au cœur de la réussite d’un projet de tour « durable » du point de vue de son intégration et sa communication dans le tissu urbain.

Pour n'en nommer que quelques-uns, la consommation d'énergie peut par exemple être influencée par divers facteurs, comme la constitution de la façade, les méthodes locales de production d'énergie, de construction et d'entretien, les attentes du marché locatif international, les ombres portées des bâtiments alentour, etc. Les interactions complexes qui en découlent font de chaque tour un projet unique, qui trouve son propre équilibre entre les divers facteurs. Et avant même qu'un projet de tour trouve son élan, sa genèse subit l'action d'autres forces, de natures socio-économique, politique et esthétique. Des forces qui continueront d'avoir une incidence tout au long du cycle de vie du projet. L’analyse qui suit décrit certaines des principales considérations techniques et environnementales associées au développement des tours. Tout d’abord sur le concept de densité, nous pouvons dire qu’il est intimement lié à l'intégration urbaine, et plus particulièrement à l'impact de la tour sur son voisinage. Le concept inverse : l’éventuelle incidence du

Se pose aussi la questions des accès, et résoudre convenablement la question de l'accès à une tour n’est jamais chose aisée si

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l'on considère les différents flux de biens et personnes allant et venant. Une difficulté récurrente consiste à gérer les emplacements de l'entrée noble, pour les utilisateurs et les visiteurs, et de l'entrée de service, réservée aux activités logistiques qui découlent des opérations du bâtiment. Les changements d'élévation peuvent créer des obstacles supplémentaires à une circulation fluide. Assurer un accès piétons qui franchisse facilement les routes environnantes est un autre point fondamental de connectivité.

opérationnelle courante, permettant à tous les processus de la tour « durable » de bien fonctionner. Aussi les tours, et surtout les activités qu’elles contiennent « vont contribuer à structurer l’espace urbain non seulement par leur existence même, mais par celle des infrastructures essentielles à leur fonctionnement, notamment de transport. » 43 David Dodman questionne les pourcentages en précisant : « Les habitants des villes sont responsables de plus de 70% des émissions de CO2 dues à l'utilisation de combustibles fossiles, alors que les agglomérations n’occupent que 2% de la surface terrestre44. Pour autant, une urbanisation ordonnée peut être synonyme de réduction d’émissions de carbone si elle s’articu|e autour d’une gestion rigoureuse de la densité et de la disponibilité des modes de transport en commun. »45. Effectivement, les questions de transport sont de même essentielles. Afin de gagner l'adhésion des utilisateurs et, plus largement, de réussir son intégration au contexte urbain, la connectivité d'une tour avec les réseaux de transport public et les réseaux routiers se doit d'être sans faille. L'exemple classique de constructions de grande hauteur aux abords des gares ferroviaires est une illustration claire de la relation entre tours, transports publics et villes moins dépendantes de la voiture. À New York, il est courant que les promoteurs modernisent et agrandissent des stations de métro dans le cadre du développement d’une nouvelle génération de tour. Le Citigroup Center au coin de Lexington Avenue et 53rd Street en est un exemple concret.

La meilleure façon de garantir un accès efficace à une tour consiste généralement à fournir une quantité substantielle d'espace pour absorber les pics de population, que ce soit dans la base de la tour elle-même ou ses environs immédiats. Une autre méthode satisfaisante est d'établir une succession ordonnée d’espaces qui favorise l'orientation à la base de la tour permettent une vue claire des banques d'accueil, des ascenseurs et des rapports à la rue. Des solutions à plusieurs étages sont fréquemment utilisées, introduisant de grands escaliers ou escalators qui dissocient les populations et fournissent diverses étapes de contrôle. On trouve souvent dans le cas de groupements de tours ou de tours jumelles, des espaces publics généreux, couramment sous la forme d'un atrium. De tels espaces peuvent fonctionner comme des locaux de transition et d'orientation, c'est le cas pour la tour Cœur Défense à Paris et le World Financial Center à New York. L'accès peut avoir un impact puissant sur l’image car l'entrée participe considérablement au rang qu'occupe la tour vis-à-vis de ses concurrents immobiliers. De bons accès encouragent également l’efficacité

CROUZET, E., Le marché de bureau et les territoires métropolitains : vers un renforcement de la discrimination spatiale, Annales de géographie, n° 631, 2003, (p:260-278). 43

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UN-Habitat, Global Report on Human Settlements, Cities and Climate Change, Abridged Editions, 2011.

DODMAM, D., « Urban Density and Climate Change », in Analytical Review of the Interaction between Urban Growth Trends and Environmental Changes, New York (États-Unis), Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), 2009, pdf consulté en 2016 sur http://www.uncclearn.org/sites/default/files/inventory/unfpa14.pdf 45

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Les questions énergétiques ne font aucun doute, les tours consomment plus d'énergie par mètre carré que des bâtiments de plus faible hauteur. Ceci est dû à la taille et l'utilisation accrues des ascenseurs et des moteurs de pompes, ainsi qu'à une exposition plus importante aux éléments naturels qui découle d'une protection limitée ou inexistante de la part des bâtiments environnants.

entendu compensé par la nécessité actuelle d'accueillir une population en perpétuelle expansion vivant et travaillant en ville en minimisant l’utilisation du foncier et des transports. L'image globale d’une ville composée de bâtiments de faible hauteur, implantés sur de grandes étendues de terrain impliquant de nombreux moyens de transport individuels, doit donc être comparée à celle d'une ville plus compacte composée de tours et moins dépendante des transports individuels.

Des stratégies sont maintenant bien développées pour tenter de réduire la surconsommation d’énergie, en exploitant les qualités spécifiques des tours, comme une exposition optimisée à la lumière du jour et au vent, favorisant une ventilation naturelle. L’architecture bioclimatique aux façades dîtes «intelligentes» peut bénéficier ainsi de chauffage gratuit car elle se comporte comme un grand collecteur solaire. Aussi, l’étape suivante de conception consisterait logiquement à couvrir partiellement les tours avec des capteurs solaires pour tirer le meilleur parti des grandes surfaces exposées au soleil. Les enjeux climatiques ne se limitent pas seulement au soleil, le vent peut également devenir un facteur important. Dans les climats tempérés, plusieurs tours sont déjà conçues pour tirer parti des vents dominants. L'idée est alors de laisser l'énergie du vent fournir ventilation et refroidissement à la tour. Ceci demande, une fois de plus, une conception sophistiquée de la façade afin de tirer parti d'un vent puissant sans en subir les inconvénients à l'intérieur.

La comparaison de la région de Los Angeles avec la circonscription de Manhattan est de ce point de vue particulièrement intéressante. Selon une étude en fonction des données de recensement de 2000, « (…). la densité de Manhattan s’élève à environ 26 000 habitants par km2, alors que la densité de la région métropolitaine de Los Angeles est d’environ 2700 habitants par km2, soit près de neuf fois moins. À une échelle plus vaste, le ministère de I'Énergie américain indique que, pour 2008, la consommation d'énergie par habitant dans l'État de New York, à 205 millions de BTU (British Thermal Units), est parmi les plus basses de la nation en raison, en partie, de ses systèmes de transport de masse largement utilisés. » 46 Celle-ci précise également qu'avec une valeur de 229 millions de BTU, la consommation d'énergie par habitant en Californie est faible, partiellement grâce au climat tempéré. Mais il faut bien que la comparaison intègre les transports et donc qu'elle dépasse le cadre de la ville pour englober le territoire environnant. À ce sujet, toutes les données disponibles indiquent une efficacité énergétique plus grande pour l’État de New York. Malgré des conditions climatiques plus sévères, ce dernier consomme moins que la Californie, en raison de l’impact positif puissant des

Aujourd'hui, les ascenseurs peuvent même régénérer une partie de la puissance électrique qu'ils consomment. ll est cependant probable que les architectures de très grandes hauteurs seront toujours plus gourmandes en énergie que les bâtiments à faible hauteurs à cause des déplacements verticaux. Ce désavantage manifeste est bien 46

SEAL, M., A legacy of quality in the built environment, Fenwick, 2007, (p:123).

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transports publics et des logements plus petits.

Toutefois, à ce jour, Éric Firley précise « (…) qu’aucun de ces systèmes ne prend en compte la nature spécifique des tours par rapport aux bâtiments de faible hauteur. »47 Par exemple, il existe des systèmes qui ignorent la consommation d'énergie des ascenseurs (comme l’approche de la réglementation thermique française dite RT, dont le modèle de calcul sous-tend le label HQE). Ceci est compréhensible dans la mesure où les systèmes environnementaux se destinent au plus grand nombre et ont pour objectif d'établir des normes de base en termes de qualité de construction, des normes que les tours satisfont souvent haut la main du fait des nombreuses contraintes techniques liées à leur construction gigantesque. Mais les normes de construction évoluant rapidement, en réaction aux exigences environnementales croissantes, les tours perdront bientôt cet avantage. Elles auront donc besoin de voir leurs autres spécificités reconnues dans les futures normes environnementales pour rester acceptables au regard de ces réglementations.

Aussi, il est important de savoir qu’il existe plusieurs systèmes qui tentent de normaliser ou d'offrir un cadre d'évaluation de la durabilité dans les bâtiments. Les systèmes environnementaux les plus connus dans le monde sont les labels LEEDTM, créé aux ÉtatsUnis, et BREEAM, établi au Royaume-Uni. D'autres pays ont mis au point leurs propres systèmes, tels que le label français HQE, le suisse Minergie® ou l'australien Green Star. Tous ces systèmes ou normes ont tendance à classer les bâtiments au travers d'une grille de critères, allant de l'intégration dans le tissu urbain existant à la consommation d'énergie, de la qualité de l'espace intérieur à la facilité de maintenance des systèmes, des émissions de dioxyde de carbone à l'utilisation de ressources locales. De nombreuses discussions sont en cours pour déterminer quel système d'accréditation est plus normatif et quel autre tend à faire état d'objectifs environnementaux plutôt que de solutions privilégiées. Compte tenu de l’évolution très rapide de ces systèmes, il est presque impossible de déterminer lequel est le plus sûr dans le cas d'un projet générique de tour «durable».

Les évolutions les plus récentes commencent à aborder la nature unique de la construction des tours et de l'usage qu'il en est fait, généralement en créant un ensemble de paramètres dédiés. Par exemple, les normes de consommation énergétique dicteront pour les tours un seuil de consommation annuelle supérieur à celui des bâtiments de faible hauteur. Cette approche est actuellement à l'examen pour la réglementation française, où les bâtiments de faible hauteur seront essentiellement limités à 50 kWh/m2 par an, alors que les tours pourront être autorisées à un seuil plus élevé comme 100 kWh/m2 par an. 48 Cette orientation amène un certain réalisme dans un débat où l'absence de

Utiliser le système d'accréditation en vigueur dans le pays du projet est susceptible de fournir de bons résultats, la plupart des systèmes d'accréditation étant intimement liés à la culture locale de construction, de calculs de consommation d'énergie et généralement à l'approche locale d'améliorations environnementales. Certaines conditions minimales afin que les principes fondamentaux de la construction durable soient respectés requièrent par exemple, la quasi-totalité du double vitrage comme une condition préalable à l'accréditation. 47

FIRLEY, E., La Tour et la ville, Ed. Parenthèses, 2004, (p:239).

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TECHNIQUES ET ARCHITECTURE, « Tours en questions », n°471, Avril 2004.

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réglementation spécifique avait laissé des jugements moins rationnels et plus subjectifs se manifester. ll est encourageant de voir des systèmes environnementaux commencer à reconnaître la nature spécifique de la construction de tours, un fait déjà intégré dans un large éventail d'autres disciplines, allant de la sécurité des personnes à la structure, des ascenseurs à l'architecture.

démographique sur plusieurs continents. Puisque la population augmente et que la technologie permet une production agricole moins dépendante du pur travail manuel, des m i g r a t i o n s s e p ro d u i s e n t d e p u i s l e s campagnes vers les villes. Ainsi, la pression foncière augmente et les tours sont souvent adoptées comme un moyen de limiter l'extension urbaine. Si la notion de durabilité prend en compte la croissance de la population, alors les tours sont durables dans leur capacité à réduire l'utilisation foncière nécessaire au bâti. À court terme, cela signifie que « (…) les tours consomment certes plus, mais leur intégration urbaine engendre une économie d'énergie dans les transports, ce qui équilibre leur incidence environnementale globale. » 49

La multiplicité de labels, leurs rapides évolutions et leurs notations différentes créent aujourd'hui une confusion, qui peut parfois semer le doute sur l'ensemble des processus d'accréditation environnementale. Lorsque la sensibilisation à l'environnement ne sera plus perçue comme un phénomène de mode mais comme la norme et sera complètement intégrée; cette situation quelque peu confuse parviendra à maturité et se stabilisera, apportant la cohérence, la clarté et le retour sur expérience nécessaire. L'idée qu’une Iabellisation doit être temporaire, comme c'est le cas du label LEEDTM, est néanmoins intéressante car elle reconnaît la dégradation potentielle des performances dans le temps. Tout comme on contrôle les voitures pour déterminer si elles sont toujours opérationnelles, les tours « durables » seraient donc soumis à des inspections périodiques pour être en mesure de conserver leur légitimation grâce à la Iabellisation.

L'utilisation excessive du foncier pour des besoins d'aménagement urbain n'a aujourd'hui d'autre solution que la construction de nouvelles tours concentrées au cœur des villes, puisque les disponibilités foncières se réduisent et doivent donc être préservées. Ainsi, l'évaluation définitive quant à la durabilité d'une tour dépend clairement de la valeur des paramètres d'énergie et d'utilisation foncière. Les systèmes actuels d'accréditation environnementale tendent à accorder plus de poids aux dépenses énergétiques d'un bâtiment qu'à l'utilisation foncière, en raison de l'urgence actuelle de réduire l'empreinte environnementale de notre dépense énergétique.

Précédemment, nous avons donné un aperçu des considérations environnementales encadrant l'intégration de tours en milieu urbain, que cela concerne les aspects pratiques constructifs ou les aspects plus théoriques des outils d’évaluation disponibles. La multitude de facteurs qui influencent la question de la durabilité des tours ne devrait pas masquer les raisons premières qui motivent leur construction : une urbanisation accrue couplée à une hausse de la croissance

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Nous verrons dans la partie suivante qu’à Singapour, par exemple, la préoccupation environnementale remonte à la fin des années soixante lorsque l’industrialisation intense était corrélée à la volonté de créer une ville verte. La multitudes de codes de la construction permettent donc de faire évoluer la Tour « durable » à sa possible ré-invention.

FIRLEY, E., La Tour et la ville, Ed. Parenthèses, 2004, (p:239).

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B. SINGAPOUR ET LA TOUR DURABLE : LE PRINCIPE DU VOISINAGE

Singapour; cette cité-État située sur une petite île d’Asie du Sud-Est proche de la Malaisie, a fait de la pénurie foncière et de la croissance démographique, constatés sur la majeure partie de son territoire, les facteurs de la densification et de l'urbanisme vertical. Les règles de planification ont déterminées une relation centre/périphérie atypique et complexe, si bien que les récents efforts se sont concentrés sur un rééquilibrage des densités et des activités basé sur le principe fondamental du voisinage.

comité du Logement, créé en 1947, puis par le conseil en charge de la construction des logements (HDB), en 1960. La création de ce dernier Conseil signa un tournant dans la planification urbaine à Singapour. En effet, sur les conseils des Nations unies, la cité-État opte pour le modèle de conurbation ou mégalopole, structurée par des autoroutes facilitant le transport des marchandises et un système de transports collectifs sur rails (assuré par la société Mass Rapid Transport (MRT) 50 : l'objectif était de répartir à long terme la population sur l'ensemble de l’île. L'habitat vertical se développa ainsi fortement, malgré le scepticisme d'architectes, urbanistes et économistes attachés à des solutions alternatives tout aussi aptes, selon eux, à rentabiliser le sol. Ils considéraient que la séparation entre l’habitat confiné en périphérie, et le quartier d’affaires dans le centre n'était pas une méthode efficiente d'utilisation de l'espace. Le Housing Development Board 51 fut ainsi a l'origine de plus de 230 000 logements, répartis sur une couronne périphérique de villes nouvelles édictée par le Concept Plan de 1971. La propriété foncière était alors perçue comme catalyseur du « sentiment nationaliste ». Le Concept Plan fonda ses directives sur des projections démographiques sur vingt ans, et en fonction, rationna et exploita les ressources foncières.

En 1819, le Royaume-Uni colonisait l'île de Singapour, maintenant la planification du territoire à l'état rudimentaire. Après trois années d'une croissance urbaine rapide, la nécessité d'un plan d’urbanisme s'imposa, afin d'encadrer et de structurer pareil développement aléatoire. Le Jackson Plan de 1822 fut le premier plan découpant le sol selon une grille régulière singularisant les différentes ethnies. S’appuyant sur ces lignes directrices, Singapour put prospérer jusqu'au siècle suivant, avant que la Seconde Guerre mondiale et l'occupation japonaise entre 1941 et 1945 ne mette un terme à l'épanouissement de l'île. Après la guerre, fut mis en œuvre un programme de reconstruction de logements destiné à pallier durablement la crise de l’habitat, supprimer les taudis et réinstaller la population. Le programme fut coordonné et dirigé par le

Conçu dans les années 1980 et inauguré en 1987, le MRT à Singapour est le second métro construit en Asie. ParisSingapoure.com, Histoire et Image de la Ville, 2015, consulté en 2016, http://paris-singapore.com/mrt-le-metro-de-singapour/histoire/ metro/a/image/de/la/ville. 50

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HDB Site Officiel, consulté fin 2016, http://www.hdb.gov.sg/cs/infoweb/homepage

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Exclue de la Fédération malaisienne en 1965, Singapour dut se tourner vers le commerce international et les secteurs industriels et tertiaires attractifs, avec pour répercussion le transfert des fortes densités du centre vers des zones périphériques jusque-là peu construites. La priorité donnée à la verticalisation mena à la multiplication de grands ensembles périurbains jusqu'à la fin des années quatre-vingt. Ces complexes immobiliers furent développés par trois compagnies, premièrement, le conseil en charge de la construction des logemems dit HDB, deuxièmement, la Jurong Town Corporation, dans les zones industrielles de Jurong et Segawang, et enfin troisièmement, la Housing and Urban Development Company, logements dédiés aux familles a faibles revenus. En 1982, une fusion fit du HDB, l’unique fournisseur de logement public.52

exigèrent entre autres, l'extension du principe de coefficient d'occupation du sol (FAR) sur l'ensemble de l’île, sur la base d'un découpage en cinq régions subdivisées en 55 aires de développement dotées d'un plan détaillé, le Development Guide Plan (DGP). Sept ans plus tard, l'ensemble des DGP étaient élaborés signant une densification accrue. Chaque aire d'environ 150 000 habitants fut partagée en secteurs dotés chacun d'un centre commercial. Les principes directeurs des DGP furent inclus dans le Satutory Master Plan de 1998 servant de guide aux propriétaires fonciers et promoteurs immobiliers quant à l'exploitation des terrains, le Statutory Master Plan détaille l'aménagement urbain sur dix à quinze ans, règle le zonage, le coefficient d'occupation du sol, fixe la limite des hauteurs par parcelle et, enfin, délimite les aires protégées et les réserves naturelles.

La rénovation du centre ville fut exécutée selon le principe de la tabula rasa. L'accueil d’activités tertiaires, la spéculation immobilière et l'intense exploitation du sol (basée sur un système de coefficient d'occupation du sol), imposeront la création d'une autorité directrice indépendante du HDB, en charge de la réhabilitation : la Direction du redéveloppement urbain (URA)53 voit le jour en 1974. En découlèrent deux paradigmes dominant la planification urbaine : les unités de voisinage et les superstructures. De nombreuse réalisations de grande échelle remplacèrent dés lors les immeubles résidentiels existants, encouragées par la nouvelle loi favorisant la construction d’immeubles privés et notamment des condominiums. l’URA, qui devint en 1989 l'organisme national d'urbanisme, qui décida en 1991 de la révision du Concept Plan. Les recommandations nouvellement formulées

La révision en 2001 du Concept Plan avait pour objectif de hisser Singapour au rang de ville mondiale durant les quarante années à venir. Sa dernière révision en 2009 est entrée en application en 2011. Le plan se prononce en faveur d'une densification des logements dans les secteurs déjà développés (Bukit Merah, Bedok) et incite à la construction de tours résidentielles de 30 étages ou plus, à la création d'espaces verts, a l'amélioration du transport ferroviaire et au renforcement de l'identité architecturale singapourienne. Mises à part les tours à financement privé, il existe différents types de logement social dont la taille et la composition sont déterminées par des standards de conception avec un faible degré de variation (public, semi-public, appartements d'une à cinq chambres). En 2004, la Building and

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CHEW YIT LIN, M., Construction, Technology for Tall Buildings, Singapour, Singapore University Press, 2000, (p:34).

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Singapore Urban Redevelopment Authority, Master Plan, 2008, site officiel consulté fin 2016, www.ura.gov.sg

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Construction Authority, BCA54, qui définit les améliorations utiles à la conception architecturale; avec des promoteurs privés ont produit ensemble le rapport d'étude intitulé The Buildable Solutions for High-rise Residential Development, un ensemble de solutions pour la construction de tours « durables ».

forment deux terrasses suspendues d’un demi kilomètre chacune, agrémentées de terrains de jeux, de jardins de ciel, d’un gymnase et d’une piste de jogging, une caractéristique unique pour le logement public à Singapour. D'autres installations au coeur des tours incluent un centre alimentaire, un espace de remise en forme et d’autres installations sportives et récréatives comme un terrain de basket-ball, sept magasins dont un dépanneur, une aire de restauration, deux centres de comités résidentiels, un centre d’éducation, une pharmacie et cabinet de médecin, un centre de garde d’enfants, un parking souterrain.

De plus, le Master Plan 2010 énonce des directives qui touchent à la structure globale du bâtiment (par exemple l'accroche au sol ou l’aménagement de passerelles piétonnes) ainsi qu'à son organisation interne. Si l'implantation de la tour est susceptible d'offrir une vision panoramique sur la ville, l’URA peut imposer au promoteur de ménager des espaces d'observation publics. D'autre part, le programme Architecture & Urban Design Excellence55 lancé par I'URA est un travail de recherche sur l'amélioration des qualités constructives.

En tant que projet de logement public, The Pinnacle@Duxton aborde les questions de sécurité, et de rapport coût-efficacité, et fait preuve de sensibilité à la relation entre la vie à haute densité et l'échelle humaine, en fournissant des espaces divers, créatifs et inhabituels pour l'interaction communautaire. « Exploitant ainsi la durabilité inhérente du modèle de logements hauts de gamme à haute densité, le Pinnacle@Duxton crée une communauté diversifiable et accessible et fournit un modèle d'urbanisme durable, connecté, pratique et compact. » 57

Au fil du temps jusqu’à aujourd'hui, Singapour est devenu le pays le plus dense de la planète, avec une population toujours croissante. Pour résoudre le problème, tout en préservant une certaine qualité de vie, il a fallu trouver des solutions radicales et très originales pour des tours « durables » plus autonomes en fonctionnmeent. C’est le cas d’ARC Studio Architecture+Urbanism56 qui ont imaginé en 2005 le plus grand ensemble d’habitation public du monde : le complexe de logement Pinacle@Duxton avec ses sept bâtiments de 156m chacun constituant les logements sociaux HDB regroupant 7000 habitants pour 1848 appartements. Reliés aux 26e et 56e étages (l’équivalent de 7 tours Montparnasse) par des passerelles et qui 54

Singapore Building and Construction Authority, consulté fin 2016, www.bca.gov.sg

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LAI, L., a Strategic Design Guide, Singapore City, Hong Kong University Press, 2005.

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ARC STUDIO, Agence d’Architecture, Site officiel de l’agence, consulté en 2016, http://arcstudio.com.sg/web/arc.htm

LYNN E. H., WOON C., RAMDAS K., Changing Landscapes of Singapore : Old Tensions, New Discoveries, Nus Press Singapore, 2013. 57

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Avec plus de 7000 personnes vivant dans le complexe du Pinnacle@Duxton, la densité y est trois fois supérieure à celle des immeubles traditionnels singapouriens, mais cela ne se voit pas, il n’y a jamais de foule puisque le but de ces immeubles auto-suffisants, est de limiter les déplacements en ville, car « la circulation et notamment les transports individuels est le cauchemar de Singapour. La ville a adoptée la politique la plus contraignante en matière d’automobile car dans cette cité-état, les propriétaires de voitures sont les plus taxés au monde »58 , et donc circuler en voiture est devenu un luxe que le monde ne peut pas se permettre de payer. Ville laboratoire, Singapour mène donc des expériences dans tous les domaines, elles peuvent tous nous concerner, dans un futur bien plus proche qu’imaginé.

verte » souhaitée par Singapour, tirant le meilleur parti du climat tropical de la région. Ses façades végétalisées, ses jardins suspendus, et ses balcons généreux semblent traiter le paysage comme un matériau de construction à part entière. Leur plus récent projet étant celui de l'hôtel Oasia en 2015, de WOHA conçu comme une tour verte vivante au centre-ville, dans le quartier central des affaires à l’est de Singapour. Cette tour verdoyante « vivante », détruit le gratte-ciel hermétique, scellé et typique pour offrir une image nouvelle d’une tour « durable » tropicale de 190 mètres de haut avec quatre terrasses de ciel, chacune traitée comme une véranda urbaine ouverte. WOHA a choisi une façade distinctive de couleurs chaudes pour permettre au bâtiment de se démarquer et composée d’un revêtement à maille d’aluminium qui a permis l'intégration de 21 espèces de plantes et fleurs grimpantes. La hauteur permet à la tour de sculpter ses propres espaces intérieurs et des vues au lieu de s'appuyer sur des vues extérieures. Les ouvertures de la structure favorisent la ventilation croisée pour garder des zones ouvertes fraîches. De cette façon, les zones de loisirs, comme la piscine utilise le flux d'air naturel pour climatiser l’intérieur. En plus des 21 espèces de lianes végétales se fondant avec la façade rouge, 33 autres espèces de plantes et d'arbres ont été sélectionnées, soit un total de 54 espèces de plantes et d'arbres pour améliorer la biodiversité du centre-ville attirant ainsi les oiseaux et les animaux et compense le manque de verdure dans l'architecture environnante. C’est donc une mosaïque de verdure qui se forme, reprenant progressivement la façade de la tour nouvelle génération surmontée d'une couronne tropicale au lieu d'un toit plat.

Singapour cherche à réduire la consommation d'énergie des bâtiments en s’appuyant sur un code de la performance thermique (Code on Envelope Thermal Performance for Buildings). Afin de limiter tout transfert thermique, le code exige des concepteurs qu'ils observent les normes de protection de la façade (Envelope Thermal Performance, ETP), prescrites par la division en charge du contrôle de la construction. La valeur de l’ETP, prenant pour modèle la valeur de transfert thermique définie par l’American Society of Heating, Refrigerating and Air-Conditioning Engineers, est le calcul du taux moyen de transfert thermique des murs du bâtiment en fonction des ombres portées et de l'intensité de la radiation solaire.59 Autre exemples singapouriens de tours « durables » avec les différentes réalisations de l’agence WHOA, comme celle de la tour Newton Suites en 2007, s’élevant à 36 étages, inscrite très littéralement dans la « logique

Cité du documentaire Un Œil sur la planète, Singapour, les secrets de la réussite, Documentaire France 2, (1h25), diffusé le 12 Octobre 2015, https://www.youtube.com/watch?v=QOdGRs9U2LY 58

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CHEW YIT LIN, M., Construction, Technology for Tall Buildings, Singapour, Singapore University Press, 2000, (p:35).

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Cet exemple nous montre à quel point Singapour relève des défis de tailles avec leurs nombreuses normes et objectifs. Le plan vert de 1992, The Singapore Green Plan, à l'initiative du ministère de l'Environnement, fut le premier jalon de la gestion conjointe du développement durable et de l'évolution urbaine. Le ministère, rebaptisé Ministère de l’Environnement et des ressources en eau (MEWR), décida de la révision du plan en 1999, donnant lieu en 2002 à la création de l'actuel Singapare Green Plan 201260 dont les mises à jour sont régulières pour une efficience optimale. Sa mise en application est supervisée par un comité de coordination et six comités d’experts spécifiques. Les objectifs du plan vert couvrent la qualité de l'air (contrôle de la pollution), la gestion de l'eau (approvisionnement et consommation), la création d'espaces verts, la réduction et le recyclage des déchets ainsi que l'hygiène et les questions sanitaires.

Pour conclure, nous remarquons avec évidence la préoccupation environnementale à Singapour qui remonte depuis la fin des années soixante lorsque l’industrialisation intense était corrélée à la volonté de créer une ville « verte ». Le rationnement des ressources foncières et le contrôle de la pollution favorisèrent un tel dessin tout en accompagnant l'activité économique. Une multitudes de plan et systèmes de contrôles environnementaux ont permis à Singapour de se hisser comme laboratoire du futur car dans cette cité-état, le défi est de taille, il faut faire vivre un maximum de gens sur un minimum d’espace. Accueillant le plus grand ensemble d’habitation public du monde, Singapour nous fait preuve à travers la Pinnacle@Duxton, d’efforts mis en oeuvre sur un rééquilibrage des densités et des activités basé sur le principe fondamental du voisinage, de sensibilité à la relation entre la vie à haute densité et l'échelle humaine en fournissant des espaces divers, créatifs et inhabituels pour l'interaction communautaire. Encore pourrait-on aller encore plus loin en offrant plus de Nature pour une tour «durable» «renaturée» comme le propose les projets de l’agence WOHA, influant directement au coeur de la ville, des retombées positives sur le climat urbain, sur le retour de la biodiversité, comme sur le bien-être des habitants, mais surtout en réponse au problématiques écologiques et sociétales contemporaines.

En 2005, la BCA créé le BCA Green Mark Scheme61, qui est un certificat inspiré des normes internationales dont les promoteurs, p ro p r i é t a i re s f o n c i e r s e t o rg a n i s m e s gouvernementaux doivent faire la demande. Un des quatre niveaux de certification est ensuite attribué en fonction de cinq critères suivants : (1&2) La consommation des énergies et de l'eau, (3) protection de l'environnement, (4) qualité de l'environnement intérieur, (5) innovations écologiques. En 2008, le Comité interministériel pour le développement durable nouvellement créé a porté les objectifs environnementaux à l'horizon 2030 avec le plan Sustainable Singapore Blueprint, actuellement appliqué dans le secteur en développement de Marina Bay.

Mais force est de constater que ces dernières tours de dernière génération se légitimant durables et respectueuses de l’environnement sont élaborées en béton, et que dans le béton, il y a du sable, et que ce sable ne provient pas de Singapour ni même du désert où il se trouve en abondance mais des fonds

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MEWR, Singapore Green Plan, 2012, consulté en 2016, www.mewr.gov.sg

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BCA Green Mark Scheme, consulté en fin 2016, https://www.bca.gov.sg/GreenMark/green_mark_buildings.html

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sous marins puisque celui du désert est inutilisable car il est trop rond, le meilleur sable pour le BTP reste celui du fond des océans, celui des plages. Et son extraction à outrance empêche la ressource de se renouveler, érodant les littoraux qui ne sont plus protégés des tempêtes. Sous l'effet du boom de la construction dans le monde, les besoins en sable sont de plus en plus énormes. La ressource manque, ce qui conduit à l'explosion des trafics. Un défi environnemental majeur que soulève Richard Hiault dans une enquête éclairante du journal Les Échos en 2016 : « les besoins en sable sont devenus énormes. Il en faut 200 tonnes pour construire une maison, 30.000 tonnes pour faire un km d'autoroute. La guerre du sable déséquilibre la planète. (…) Ces quatre dernières années, la Chine, par exemple, a utilisé autant de sable que les États-Unis en un siècle ! (…) Le corollaire, c'est l'explosion des trafics. La moitié du sable utilisé au Maroc vient de l'extraction illégale du sable côtier. Là-bas, des plages entières ont disparues, même chose en Indonésie, où ce sont carrément une vingtaine de petites îles qui ont été rayées de la carte sous l'effet de la frénésie immobilière de Singapour. Et que dire des projets pharaoniques à Dubaï, qui vient de faire venir 650 millions de tonnes de sable d’Australie, pour construire deux îles artificielles ? »62

Hiault dans cette enquête plus qu’intéressante délégitime complètement Singapour dans ses perspective de paysages urbains verticaux durables en précisant que « …des îles entières ont même disparu en Asie. La frénésie d'achat de sable de Singapour, qui n'a cessé d'étendre son territoire - la surface de l'île a augmenté de 20% en l'espace de quarante ans -, provoque des tensions. Son agrandissement s'est fait au détriment d'une vingtaine d'îles indonésiennes disparues de la surface du globe avant que Jakarta n'interdise, au début des années 2000, l'exportation de sable. Résultat : «Avant l'interdiction d'exportation de l'Indonésie, mais aussi de la Thaïlande et de la Malaisie, le prix de la tonne de sable dans la région était voisin de 3 dollars. Il est monté jusqu'à 190 dollars», témoigne Pascal Peduzzi. Aujourd'hui, Singapour continuerait d'importer illégalement du sable du Cambodge et du Vietnam. Et le trafic au travers de dealers et de sociétés fictives se poursuivrait. » Nous devons prendre conscience qu’en construisant toujours plus de tours de béton autour du globe, on détruit clairement la nature, on s’éloigne du besoin réel vital de l’humain qui est de s’en rapprocher, de se reconnecter avec la nature. La partie suivante nous montre comment architectes, botanistes et producteurs de végétaux tentent de bricoler ce qu’ils peuvent en essayant de se reconnecter avec la nature sur une tour d’acier et de béton pour une tour « renaturée ».

Ainsi, nous pouvons réellement, remettre en question le rôle de Singapour dans la création de tours soit disantes « durables ». Richard

HIAULT, R., « La Guerre mondiale du sable est déclarée », Enquête publiée le 24 Février 2016 dans les Échos, consulté en fin 2016, http://www.lesechos.fr/24/02/2016/LesEchos/22136-044-ECH_la-guerre-mondiale-du-sable-est-declaree.htm# 62

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C. LA TOUR « RENATURÉE »

Il s’agira dans cette partie de découvrir comment l’architecture de grande hauteur de nouvelle génération : La Tour « durable » comme nous l’avons caractérisée précédemment, peut prétendre à se « renaturée » en plus des performances énergétiques et sociales et donc tendre vers une végétalisation intelligente de son architecture/enveloppe pour un potentiel de biodiversité en son sein, se réconciliant avec les hommes pour un nouveau paysage acceptable et de bien-être car oui, «(…) la présence et le contact avec la nature sont facteurs déterminants de bien-être global, de santé physique, psychique et sociale. (…) Les végétaux favorisent le développement de liens sociaux et permettent de réduire la violence et la criminalité.»63 La Nature en ville, a multiples bénéfices. Et pourtant, L'aménagement de nos villes, jusqu’à une époque récente n’a laissé que peu de place à la nature, hormis quelques belles exceptions. Réseaux routiers macadamisés et densité des constructions ont fortement imperméabilisés les sols, n’octroyant que quelques îlots de nature non reliés entre eux. Malgré ce constat, la nature continue de s’adapter. La nature de la nature trouve toujours une forme de résistance par l’adaptation à un milieu réputé hostile, principe même de l’évolution. Il ne s’agit pas ici de considérer avec bienveillance la situation que l’homme urbain a créée en 63

développant excessivement son habitat, mais de mesurer et d’observer la nature qui se perpétue au cœur de cet environnement. L’urbanisation qui dégrade ou détruit les habitats naturels est aujourd’hui considérée comme une des cinq menaces principales pesant sur la biodiversité. Les effectifs des populations d’espèces ont ainsi diminué de 52% entre 1970 et 201064. À Singapour par exemple, la relation simple, presque instinctive, aux territoires et aux espaces naturels ne subsistait plus il y a quelques années, alors qu’une rivière ou un fleuve étaient autrefois sources de vie et gages de richesses et de développement : comme il a été, le choix même d’un site pour fonder une ville dépendant étroitement de la géographie, topographie, présence d’un cours d’eau, d’une forêt riche en bois et en gibier, etc. Cette notion de proximité est oubliée, et le milieu naturel qui préexistait à la ville est souvent imperceptible. Sous nos pieds, la nature existe, résiste et s’adapte en ville, souvent devenue refuge pour les plantes, insectes, oiseaux et animaux autochtones, puisque « 20% des espèces d’oiseaux vivent désormais en ville. » 65 Les espaces verts peuvent jouer un rôle clé pour atténuer les canicules, d’une part grâce à l’évapotranspiration des plantes, d’autre part

GALAND G., La ville renaturée: réconcilier l'espace urbain et la biodiversité, Éditions de La Martinière, 2015.

WWF, rapport Planète Vivante, 2014, http://www.wwf.fr/vous_informer/rapports_pdf_a_telecharger/planete_vivante/?3420/rapportplanete-vivante-2014 64

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CONNIFF R., Urban Nature : How to Foster Biodiversity in World’s Cities, Yale Environnement 360, 2014

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parce qu’ils créent des zones d’ombre et des courants d’air. A proximité des espaces verts (moins de 200 mètres), les températures de la ville sont moindres de 1°C à 2°C, ce qui peut faire baisser de 8o % la mortalité en cas de grosses chaleurs66 . C’est pour cette raison que des villes comme Chicago s’engagent dans une démarche de végétalisation des murs et toits des immeubles. Au sein du groupe Descartes réuni autour du projet du Grand Paris, le groupe d’étude de l’atmosphère météorologique a simulé l’impact, d’ici 2030, d’une augmentation de 30% de la surface boisée en Île-de-France, du remplacement des céréales par du maraîchage dans un rayon d’environ 50 kilomètres autour de la capitale, et de la création de retenues d’eau étendues. Ce scénario pourrait faire chuter la température nocturne de 2°C dans Paris intra-muros lors des épisodes caniculaires.67

1990, un grand nombre de maladies en forte augmentation, comme les pathologies cardiovasculaires, le diabète, la dépression. Plusieurs facteurs seraient en cause : rythme de vie, alimentation, virtualisation, manque de contact avec le végétal, la nature. Le contact avec la nature sont des facteurs déterminants de bien-être global, de santé physique, psychique et sociale. Au-delà de cette proximité, les bienfaits sur la santé physique, mentale et sociale se ressentent avant tout par un contact avec le monde végétal associé à la pratique d’une activité physique. Au Japon, on observe aussi que les usagers d’espaces verts urbains ont une longévité accrue. Dans le même sens, deux études épidémiologiques menées aux Pays-Bas révèlent que les habitants des quartiers pourvus d’espaces verts ont moins de problèmes de santé. L’immersion dans le vert contribuerait à un meilleur système immunitaire, autant dire que de bénéfices. » 68

Autre effet bénéfique des espaces verts sur l’environnement urbain, la diminution des microparticules dans l’air, émises notamment par les pots d’échappement. En recueillant les microparticules sur leurs feuilles, les végétaux réduisent leur taux d’un tiers; belles perspectives lorsque l’on sait que 20 millions d’Européens souffrent d’affections respiratoires induites par la pollution aérienne.

Aussi, les changements climatiques accentueront l’intensité des pluies, générant la saturation des réseaux et leur débordement, donc des crues et inondations. Or la végétalisation de la ville peut apporter une réponse à la gestion de l’eau. Le maintien de la perméabilité des sols et la rétention de l’eau par les toits et murs végétalisés minimisent et régulent le déversement des eaux pluviales dans les réseaux, limitent leur ruissellement jusque dans les cours d’eau et favorisent l’évaporation : les toitures végétalisées assurent l’évaporation de 30% à 60% des précipitations annuelles en moyenne 69. Il est également possible de

Ce sont aujourd’hui autant de défis à relever pour les aménageurs de l’espace, tous liés à une quête du bien-être en ville, qu’il s’agisse du plaisir d’habiter près d’un espace naturel ou simplement de préserver la santé des citadins. « On observe depuis les années

WWF, rapport Planète Vivante, 2014, http://www.wwf.fr/vous_informer/rapports_pdf_a_telecharger/planete_vivante/?3420/rapportplanete-vivante-2014 66

WWF, rapport Planète Vivante, 2014, http://www.wwf.fr/vous_informer/rapports_pdf_a_telecharger/planete_vivante/?3420/rapportplanete-vivante-2014 67

cité du DOCSIDE, NATUROPOLIS, La révolution verte, Les grands défis de l’urbanisme au XXIème siècle, Les Villes de Demain, 4 films de 1h30 chacun, Paris - New York - Rio - Tokyo, + Collection documentaire produites par Docside, pour Arte France, ZED, diffusés en 2013, consulté en fin 2016. 68

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GALAND, G., La ville renaturée: réconcilier l'espace urbain et la biodiversité, Éditions de La Martinière, 2015.

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végétaliser les parkings en utilisant des revêtements semi-perméables pour la voirie. Même les eaux usées peuvent être traitées par l’eau et les plantes plutôt que par des stations d’épuration, etc..

l’architecture de grande hauteur unique au monde. Les architectes ne travaillent plus seuls mais a v e c d e s é q u i p e s p l u r i d i s c i p l i n a i re s comprenant des énergéticiens. Au final, l'architecture des tours est en train de se réinventer non seulement avec des matériaux estampillés « développement durable » mais surtout avec de nouvelles formes pour obtenir des tours « renaturés ». Le projet immobilier Bosco verticale, inauguré en octobre 2015 marque une réelle réconciliation entre ville et nature. Une première mondiale en terme d’écologie urbaine puisque c’est plus de 700 essences d’arbres et de buissons, soit l’équivalent d’un hectare de forêt qui contribueront à produire de l’oxygène et à épurer l’air en fixant les particules polluantes milanaises. Cet assemblage naturel autour des logements contribuera à réduire la facture énergétique de 30 %, une prouesse en ces temps de crise. Les arbres et les plantes sont installés sur des balcons et dans des bacs à terreau de 5 mètres cube. Un système d’irrigation est automatisé et alimenté par les eaux usagées de la climatisation. En outre, les énergies photovoltaïque et géothermique sont présentes. Une forêt où l’espèce animale risque aussi bien d’y trouver son compte, puisque l’architecte ayant travaillé main dans la main avec des botanistes assure que « (…) les oiseaux, les chauve-souris, autre insectes et invertébrés devraient avoir de quoi se nourrir et se loger au milieu des 21000 plantes. Et pour pallier aux parasites et autres pucerons, un lâchage de 1200 coccinelles et autres papillons a été réalisé. »73

Dans le cas de notre étude sur la tour « durable » nouvelle génération, tout cela nous montre qu’il est devenu urgent d’envisager une architecture verticale qui intègre la nécessité de vivre en phase avec la nature. Depuis le premier mur végétalisé du biologiste et botaniste Patrick Blanc70, en 1986, les projets se sont multipliés. Actuellement, plusieurs projets internationaux symbolisent la tendance favorable à l’architecture « renaturée ». C’est notamment le cas du complexe horticole et botanique architectural Bosco Verticale, érigée à Milan en Italie. Sur ces deux grands immeubles de 80 et 120m de haut croissent autant d’arbres que dans une forêt de 10 000 mètres carrés soit un hectare. Ainsi, une oasis verte naît au beau milieu de Milan. Associées au photovoltaïque, ce complexe per met d’atteindre l’autonomie énergétique et diminue l’effet d’îlot de chaleur. Imaginée par l’Architecte Stefano Boeri, les Tours Bosco Verticale71 montre la volonté des architectes contemporains de faire évoluer l’urbanisation sans trop impacter l’espace foncier. Par ailleurs, des études démontrent que les espaces verts améliorent la créativité et diminuent le stress car ils ont un effet apaisant sur la vue et l’odorat72 . Ainsi la Bosco Verticale à l’allure d’un square urbain Vertical est une innovation de végétalisation de

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BLANC, Patrick, paysagiste, site officiel consulté en 2016, http://www.murvegetalpatrickblanc.com

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MELL I., Global Green Infrastructure, Lessons for successful policy-making, Investment, Routledge, 2016, (p:49)

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GALAND G., La ville renaturée: réconcilier l'espace urbain et la biodiversité, Éditions de La Martinière, 2015.

BOERI, S., cité par CARMAY, D., « Deux forêts verticales », tiré d'un extrait de l’article de presse publié sur le site d’urbanisme : urbanattitude.fr, le 11 février 2015 : http://urbanattitude.fr/forets-verticales-milan/ 73

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Faire face à l’étalement urbain et à la pollution atmosphérique, le défi relevé par Stefano Boeri est respectable car les 5 millions de milanais font partie des européens les plus touchés par la pollution. Avec un espace vert ne représentant que 4 % de sa superficie, Milan se dote d’un poumon vert qui atténuera la pollution urbaine. Cette forêt accrochée aux deux tours produira un microclimat et diminuera aussi les nuisances sonores. Un projet évalué à 2 milliards d’euros dont le surcoût lié à l’intégration des arbres dans le bâti ne représente que 5 % de l’ensemble du prix de la construction. Le prix des appartements qui oscillent autour des 3000 euros le mètre carré, reste conforme aux tarifs du marché local. Après cinq années de travaux, l’inauguration du projet immobilier Bosco verticale a eu lieu en octobre 2015 et l’architecte milanais Stefano Boerie, explique pourquoi l’architecture urbaine doit s’adapter aux défis écologiques : « la croissance des g r a n d s d é s a s t re s e n v i ro n n e m e n t a u x , imparable, l’urbanisation extensive de la planète, la destruction de vastes ressources naturelles (végétales et animales), en d’autres termes, un risque réel, nous pousse à nous occuper non seulement des principes, des valeurs, des besoins de notre espèce, mais aussi de les placer dans une plus large vision de l’avenir de notre planète. »74

pratiquée aujourd’hui, bien trop néfaste pour notre environnement en raison de l’usage de pesticides, avec pour conséquences le déclin des pollinisateurs, la pollution des nappes phréatiques, la disparition des bocages favorables à la biodiversité, l’émission importante de gaz à effet de serre. En outre, les scandales alimentaires survenus au cours des dernières décennies ont fait émerger la nécessité de se réapproprier les moyens de productions, d’une part, et l’aspiration à un retour à la nature d’autre part. Cultiver son petit jardin sur de petites surfaces, allant à l’encontre du modèle productiviste pour une consommation personnelle ou la vente à proximité s’avère présenter de très nombreux avantages sociétales et environnementaux. Dans le film Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent, Charles Hervé-Gruyer explique qu’« en faisant tout à la main sur un tout petit territoire, on peut produire autant qu’avec un tracteur sur un territoire dix fois plus grand. ». Il nous prouve donc par son expérience en Normandie que le rendement en optant pour la permaculture est réel. Dans un tout autre contexte mais une productivité semblable, les fermes verticales de Sky Greens à Singapour présente une réelle alternative à l’importation de produits issus de l’agriculture intensive. Avec une superficie de 710 km carrés et une population de 5 millions d’habitants, Singapour est une ville surpeuplée. Avec la plupart des terres de l'île utilisées pour le développement urbain, les terres agricoles restantes sont à peine suffisantes pour nourrir la population croissante. En conséquence, plus de 90% de la consommation alimentaire de Singapour est satisfaite par des importations en provenance de plus de 30 pays. Cette dépendance vis-à-vis du monde extérieur

Aussi, pourrions nous nous questionner sur les bienfaits d’une végétalisation verticale et les effets sa productivité généreuse pour nourrir une population urbaine locale, comme nous le voyons avec la productivité de la permaculture des fermes verticales de Sky Greens à Singapour. Car l’un des défis majeurs pour l’humanité est aussi celui de nourrir une population mondiale croissante et qui vivra de plus en plus en ville. Il lui faudra aussi rompre avec l’agriculture intensive bien trop éloignée des villes et telle qu’elle

BOERIE Stefano cité par CARMAY, D., « Deux forêts verticales », tiré d'un extrait de l’article de presse publié sur le site d’urbanisme : urbanattitude.fr, le 11 février 2015 : http://urbanattitude.fr/forets-verticales-milan/ 74

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rend le pays très vulnérable aux turbulences de l'offre et des prix alimentaires.75 La seule façon de sortir de ce problème est de maximiser l'utilisation des terres pour la production alimentaire.

d'air et d'irrigation pour toutes les plantes. Il s'agit du premier système vertical hydraulique à faible teneur en carbone au monde à cultiver verticalement les végétaux sous les tropiques, ce qui donne un rendement significatif et utilise moins d'eau, d'énergie et de ressources naturelles pour créer une ferme urbaine durable. Le système de rotation n'a pas besoin d'un générateur électrique. Il est alimenté par un unique système de poulie à eau assistée par la gravité qui utilise seulement un litre d'eau, recueilli dans un réservoir d'eau de pluie alimenté en tête. Cette méthode possède également une empreinte carbone très faible car l'énergie nécessaire pour alimenter un cadre A est l'équivalent de l'éclairage d'une seule ampoule de 60 watts. L'eau alimentant les cadres est recyclée et filtrée avant de retourner aux usines. Tous les déchets organiques de la ferme sont compostés et ré u t i l i s é s p o u r l e s f u t u re s t e r re s d e production.

Pour l'île de Singapour, où l'immobilier est à un prix élevé et les taux fonciers sont exceptionnellement élevés, la seule option v i a b l e e s t d e p ro d u i re à l a v e r t i c a l rentabilisant la productivité et ainsi rendre l'île plus autonome en nourriture. Le créateur de ce concept, Jack Ng, avec l'aide de l'Autorité Agroalimentaire et Vétérinaire (AVA), a créé l'une des premières fermes commerciales verticales du monde. Cette ferme verticale produit une tonne de légumes tous les deux jours et est cinq à dix fois plus productive qu'une ferme régulière normale. Jack Ng, directeur général de DJ Engineering, a créé une société, Sky Greens, pour produire et vendre des légumes puis exporter sa technologie vers d'autres pays. Cette idée lui est venue pendant la crise financière de 2009, où il explique que « les prix des aliments ont augmenté en raison des perturbations de l'offre à l'étranger, donc j'ai eu l'idée de croître plus de Nourriture ici, au dessus de chez moi, sur les tours. »76

Ainsi, ce système agricole génère des rendements très élevés, sûrs, hautement qualifiés, frais et parait-il, délicieux. De grandes variétés de légumes tropicaux sont cultivés, comme le chou chinois, les épinards, la laitue, le xia-bai-cai, le bayam, le kang kong, le nai-bai, et autres variétés asiatiques.

Il lui a fallu deux ans pour développer l’idée du système d'agriculture verticale, appelé A Go-Gro Technologie. Les légumes sont produits dans des modules en forme de A, chacune de six mètres de hauteur. Ces modules sont rapides à installer et faciles à entretenir. Ils se compose de 22 à 26 niveaux d'auges de culture, qui tournent autour du cadre central en aluminium à un taux de 1 mm par seconde pour assurer une distribution uniforme de la lumière du soleil, un bon débit 75

Au fur et à mesure que la ferme se développe, Sky Greens a l'intention de cultiver davantage de légumes. Jack Ng veut construire plus de 2 000 tours dans les prochaines années. Il a également l'intention de vendre cette technologie à d'autres pays. S k y G re e n s a d o p t e l a p ro x i m i t é d u consommateur réduisant potentiellement les coûts de transport, les émissions de dioxyde de carbone et le risque de détérioration. Un

REVKIN, A., Global Warming : Understanding the Forecast, ch. in Asia, New York, Abbeville Press, 1992.

NG, J., cité par KRISHNAMURTHY, R., « Vertical farming : Singapore’s solution to feed local urban population », Article de presse disponible sur http://permaculturenews.org, 2014, consulté en 2016, http://permaculturenews.org/2014/07/25/vertical-farmingsingapores-solution-feed-local-urban-population/ 76

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employé affirme « (…) nous ne pouvons pas compter totalement sur les importations. Nous sommes un pays peu étendu et devons donc pouvoir maximiser l'utilisation de nos terres dans le domaine de la production alimentaire. La production locale sert de tampon contre les graves perturbations de l'approvisionnement alimentaire.»77 Penser la Tour durable nouvelle génération, c’est aussi et surtout penser « local ». La tour qui s’inscrit comme le symbole paradoxal de l’artificialisation de la vie humaine, «prison de verre énergivores et qui ne peut pas s’ouvrir sur l’extérieur»78 devient le symbole d’une redéfinition des rapports homme-nature se cherchant plus respectueux, harmonieux, voire mimétiques des processus de la nature.

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Cité du DOCSIDE Arte, de GUTIERREZ, R., et ARCE, D., Les Fermes verticales, Documentaire Arte, 2015.

FERRIER, J., « Pour une éco-tour », Dossier : Tours, Urbanisme n°354, mai-juin 2007, (p: 62-65), revue consultable sur le site : https://www.urbanisme.fr/tours/dossier-354. 78

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C. LA TOUR AUX NOUVEAUX MATÉRIAUX

Il est légitime alors de se demander si dans un futur proche, nous verrons émerger des Tours «durables» incluant ce genre de technologies aux résultats plus que positifs. Des tours « durables » connectées et intelligentes favorisant le lien social et l’efficience énergétique, toutes capables de présenter une vraie alternative à la tour de deuxième génération « d o m i n a n t e » « monofonctionnelle » et « énergivore », faîte d’acier et de béton, pour de nouvelles formes et fonctions plus proche de la Nature et de l’Homme, moins hautes, et réalisées avec des matériaux respectueux de l’environnement comme par exemple la terre, où l’on sait depuis longtemps construire assez haut comme au Yémen, valorisant les compétences et savoirs faire locales.

concevoir des milieux urbains plus respectueux des équilibres écologiques. Cependant, il est difficile d’envisager ce type de construction dans les grandes mégalopoles du monde car contraint par « (…) l’absence de filières de matériaux de construction traditionnels, à base de terre crue par exemple, ajoutée à l’indisponibilité des matières premières dans les centres urbains (difficulté d’acheminement) augmentent les coûts et la complexité des projets et surtout s’ajoute le déficit d’image des matériaux traditionnels, associés à tort à la pauvreté, et le fait que la main d’œuvre locale ne soit plus formée pour ce type de construction. Les pratiques, et parfois même les modes de rémunération des professionnels de la construction, favorisent des logiques court-termistes d’optimisation des coûts de la seule construction par rapport à la durée de vie du bâtiment. » 79

La construction de la ville de Shibām illustre la logique vertueuse de complémentarité entre les espaces et les activités qui les structurent. La terre déposée par l’irrigation des champs aux alentours de la ville est utilisée pour entretenir et rénover d’anciennes constructions. Les artisans achètent cette terre aux agriculteurs locaux, créant ainsi un cycle économique vertueux par la mise en place d’une filière courte et écologique. Le recours aux ressources disponibles limite de fait le transport de matériaux et de main-d’œuvre, d’où la diminution des impacts carbone des chantiers. Les matériaux utilisés sont recyclables ou biodégradables et ainsi la tour de terre recèle donc par son approche et ses techniques, de réels enseignements pour

Les enseignements apportés donc par ces méthodes de construction vernaculaire méritent d’être étudiés, sélectionnés et réintégrés dans les projets d’aujourd’hui, mais pas à l’identique. Aussi, le bois est une possibilité acceptable de matériau pour la tour « durable ». L’exemple de Bordeaux qui se voit accueillir d’ici 2020 dans le quartier de la gare Saint Jean Belcier, deux tours (Hypérion et Silva) de logements d’environ 50 mètres de haut en structure primaire bois, et qui s’inscrit dans la stratégie de structuration de la filière bois

DEMANGE, F., pour Nomadéis, cité par Goudenhooft Chloé dans l’article : « L’architecture vernaculaire pour un développement urbain durable », Le Moniteur, publié le 24 Août 2012, http://www.lemoniteur.fr/article/l-architecture-vernaculaire-pour-undeveloppement-urbain-durable-18887607 79

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locale menée par Bordeaux-Euratlantique. L’ambition étant de générer des retombées économiques dans la filière de bois construction et de créer des emplois dans la grande région Aquitaine Poitou Charentes Limousin notamment. Ainsi le facteur local est pris en compte. Ces deux tours se veulent d’ailleurs pilote du nouveau label « Bâtiment bas carbone », parrainé par le climatologue Jean Jouzel. Ce label se veut une préfiguration de la prochaine réglementation énergétique des bâtiments qui s’intéressera à l’empreinte carbone de l’édifice tout au long de sa vie.

1 400 m3 de bois massif utilisés, le bâtiment stockera mille tonnes de carbone, soit l’équivalent des émissions de CO2 générées par les besoins en chauffage de ses appartements pendant dix-sept ans. 80 Le bois présente en effet l’avantage de stocker le carbone plutôt que d’en émettre. « C’est là un apport majeur de cette technologie. » relève Canddie Magdelenat, chargée du programme Villes durables à WWF. « Sur les chantiers plus traditionnels, la phase de construction, très énergivore, reste vraiment à améliorer. Cette technologie CLT a en outre le mérite d’utiliser très peu de colles, et donc de limiter les émissions de polluants tels que les composés organiques volatiles (COV). Le bois CLT, est encore très peu développé en France, mais c’est une technologie aprouvée par les Canadiens notamment qui l’utilisent depuis longtemps. »

Epais et très résistants, les panneaux de bois viendront constituer les murs porteurs, les planchers et les éléments de couverture de l’édifice. Seuls les fondations, le rez-dechaussée, les cages d’escaliers et d’ascenseurs seront encore en béton. Biosourcé et recyclable, le matériau Cross Laminated Timber, CLT, arrive en kit sur le chantier sous forme de panneaux prédécoupés à la bonne mesure, qu’il suffit d’assembler générant moins de rotation de camions, mais aussi moins de déchet, moins de poussières et nécessite moins d’eau. La très bonne isolation qu’assure la structure en bois massif permettra aussi de réduire significativement les besoins énergétiques des logements. Et globalement, grâce aux

La Construction bois prends de la hauteur même si en Europe, Londres, Milan et Treet en Norvège comptent déjà chacune une tour en bois, les réalisations restent encore trop rares pendant que la course effrénée à la hauteur des tours de béton de plus de 300 mètres de haut que la Chine, et bien d’autres pays continuent chaque jour de concevoir pour un futur bien plus proche qu’imaginé.

EECKHOUT, Laetitia Van, « Deux tours en bois vont se dresser dans le ciel de Bordeaux », article consultable dans la revue le Monde, du 16 mars 2016, http://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2016/03/16/deux-tours-en-bois-vont-se-dresser-dans-le-ciel-debordeaux_4884187_4811534.html 80

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CONCLUSION

Einstein disait que « notre époque se caractérise par la profusion des moyens et la confusion des intentions. »81 Nous avons les moyens, ils nous reste simplement à préciser les intentions.

débats qui se sont posés pour la tour, puis nous en avons signalés les limites, mise à mort de l’urbanité, ségrégation et constitution d’une anti-ville, inefficacité énergétique, banalisation et délégitimation des démarches « vertes ». La technologie et les nouvelles inventions essaye quand même de proposer d’autres solutions, d’autres manières de faire des tours, pour faire moins pire, ou pour ne plus faire de tours comme nous les avons pensées dans le passé, c’est à dire énergivores. La transition est en marche mais force est de constater que nous ne pouvons pas tout résoudre par les intentions et encore moins par la technologie. Alain Musset, nous rappelle dans son essai de géofiction que « les paysages urbains de Coruscant, sont à la fois extraordinaires et inquiétants car ils reflètent toutes les ambiguïtés d’une civilisation raffinée et décadente, d’une société tournée vers la science et la technologie mais qui a perdu une partie de son âme en jouant avec des forces qui la dépassent »82. Sommes nous allés top loin, trop haut ? L’analyse critique de la tour «durable» a donc permis de nuancer les discours qui font son apologie face au

Les Tours «durables» nouvelles générations évoquées précédemment dans ce mémoire ne sont pas capables de présenter une vraie alternative à la tour de deuxième génération, pour des formes et des fonctions plus proche de la Nature et de l’Homme. Ces constructions géantes ont bien évidemment leurs limites et ces projets de tours restent une perspective insoutenable pour notre environnement et l’humain, l’écartant de plus en plus de la notion d’écologie, de la Terre, de l’humus qui le raccorde aux valeurs primitives non négligeable, selon moi, essentielles pour l’Homme. La mise en perspective des trois générations de tours nous a permis d’observer et de comprendre pourquoi nous en sommes arriver là, grâce à des exemples concrets, des conceptions multiples de la tour «durable». Nous avons identifiés les principaux enjeux et

EINSTEIN, A., cité par BOURG, D., et PAPAUX, A., Vers une société sobre et désirable, Presses universitaires de France, Paris, 2015, (p:130) 81

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MUSSET, A., De New York à Coruscant, essai de géofiction, Presses universitaires de France, Paris, 2005, (p:189).

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traitement des problématiques socioenvironnementales des villes contemporaines.

faire, et ça je crois que c’est quelque chose d’extrêmement grave au point de vue intellectuel » 84

Malgré leur intégration urbaine qui engendre une économie d'énergie dans les transports, ce qui équilibre leur incidence environnementale globale, la tour consomme et consommera toujours plus. Et aussi radical soit-il, la tour « durable » nouvelle génération n’existe pas, et les solutions actuelles posées pour la rendre plus écologique ne lui permettra pas pour autant d’acquérir cette nomination tant désirée. La tour n’est pas écologique et ne le sera jamais. La Tour, est une perspective insoutenable, « (…) une métaphore complexe, celle du meilleur et du pire du XXe siècle. En tout état de cause, illustrant une ère culturelle qui valorise la gloire et le standing, elle révèlera toujours de fantasmes, elle sera toujours effroyablement coûteuse, elle sera toujours « plus » (…) »83 insoutenable.

En tant que futur architecte, il est de mon devoir de prendre conscience qu’en construisant toujours plus de tours autour du globe, on s’éloigne réellement des besoins primordiaux de l’humain qui est selon moi de se reconnecter avec la nature et de vivre en harmonie avec elle. Je ne crois pas à la compétition d’architecture de grande hauteur internationale qui viserait à se définir écologique alors que les modes de fabrication et de pensées qui ont engendrées ces projets sont d’orde économiques, de communication, de marketing, de marchandises. J’estime l’humain valoir mieux que cela. « Nous vivons la fin d’un monde qui a eu ses vertus mais dont les remèdes d’hier sont devenus progressivement les poisons d’aujourd’hui. »85 Il me semble que nous sommes arrivés au bout, nous avons étés trop haut, trop loin.

Alors comment la tour continuera-t-elle à se développer ? Conclure un tel sujet m’amène à ouvrir des portes mais aussi à fermer certains rêves de grandeur. Car oui, le génie humain est sans relâche, et tant mieux d’ailleurs car on en aura tellement besoin, mais là, force est de constater que depuis un moment nos actions ont échappés à nos intentions. Une intelligence sans objets qui est devenue au fil du temps une vulgaire puissance qui chaque jour nous dépasse et nous écrase un peu plus.

Je crois cependant à la réinvention de la ville par la nature, par des architectures moins hautes et plus humaines, à l’esthétisme plus locales, plus respectueuses de la culture et de sa beauté, qui provoquent le sentiment de liberté, de grandeur par la multiplicité et simplicité des espaces publics, gratuits, partagés, créatifs qu’elles proposent, où le rêve laisse place à l’imaginaire. Pourrons-nous accepter d’ajourner et même d’oublier quelques rêves de grandeur et de conquête ? Pourrons-nous tolérer de se priver de quelques opportunités et facilités, de trop de choix, de trop de « plus » comme dit Judith Dupré, trop de superficialité, pour apprécier à nouveau le goût de l’essentiel ? Nous, parfois qui avons tout et que rien ne

Théodore Monod, évoque très simplement qu’ « Actuellement, dans notre civilisation technocratique, emballée , on en arrive à faire les choses, non pas tellement, parce que on les a jugées utiles à la suite d’une réflexion honnête et parfois longue, mais uniquement parce-que on a le pouvoir matériel de les 83

DUPRÉ, J., Gratte-ciel du monde, Cologne, Konemann, 2005, (p:127)

84

MONOD, T., Et si l'aventure humaine devait échouer, Éditions Seghers, Paris, 1991.

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BOURG, D., et PAPAUX, A., Vers une société sobre et désirable, Presses universitaires de France, Paris, 2015, (p:130)

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satisfait alors que ceux qui ont peu se satisfont de Tout.

Choisir, ne plus subir. Être libre, enfin. N’oublions pas, la société est aussi notre oeuvre et indispensable sera d’abord la révolution de l’esprit, des Esprits. Chacun doit incarner, accompagner, exiger même le changement qu’il veut voir naître. Apporter sa petite musique intime pour faire danser le monde. Les problèmes actuels ne peuvent être résolus par les sceptiques ou les cyniques, dont l’horizon se limite à ce qui est visible à leurs yeux. Il nous faut des hommes qui rêvent à des choses inédites, et qui se disent : Pourquoi pas ? Toute conscience qui s’éveille a déjà gagnée, les problèmes ne peuvent être résolus par les modes de pensées qui les ont engendrés.

Horrifiant ou fascinant, que sur Terre, puisse exister la plus haute structure du monde, une machine architecturale exposée chaque jour à plus de 49°C, climatisée à 20°C ? Chacun doit incarner, accompagner, exiger même le changement qu’il veut voir naître dans ce monde. Ce défi de taille est à questionner, quand nous savons tous au fond de nous que non loin de cette structure géante, se trouve la misère, un peuple qui désire l’essentiel. L’excès est toxique, et anti-nature il sera. Estce-que cela vaut la peine de dépenser autant d’énergie pour la symbolique de faire des tours plutôt que financer des projets plus humains, efficaces et rapide sur du court termes, répondant à de réels besoins actuels, concrets et mesurables ? Embarqué par cette société d’abondance, je sais que je ne sais pas grand chose. D’ailleurs, j’envie ceux qui y voit clair dans cette obscurité et cette confusion. Moi je suis traversé de doutes, sur l’avenir, les remèdes, mais surtout sur la manière de les rendre désirables, incontournables. Quels échos, les mots qui me taraudent, changements climatiques, biodiversité, mutation, transition énergétique, peuvent-ils avoir dans l’oreille d’un chômeur, et a fortiori dans celle de celui qui a faim… ?

La Terre est une grande oasis perdue dans l’immensité de l’espace. L’homme est grand sous la contrainte, immense, dès qu’il est humble. Ce mémoire m’a posé énormément de questions, tant sur la condition humaine que sur les questions d’architecture. Ce qui est certain, c’est que je peux dire aujourd’hui que je crois à la sobriété heureuse, elle peut nous permettre de réussir là où nous avons échoués jusqu’ici. Je crois à la solidarité dans l’espace et dans le temps, à la réduction en matériel, que nous remplaceront non en virtuel, mais en relationnel, en humain pour nous relier, à la nature aussi. Je crois que nous devons nous affranchir de la compétition, mettre en commun nos différences, fusionner nos singularités en une unité supérieure. De la plus belle menace, faire la plus belle occasion, et se concentrer sur l’essentiel, quitte à suspendre, voire à renoncer à quelques rêves de grandeur ou de puissance. Des limites que l’on fixe ensemble pour ne pas épuiser mais des limites aussi pour s’appuyer et ne plus se perdre. C’est à ce prix que nous pourront replacer le mot civilisation dans une matrice soutenable de tendresse, de douceur et de beauté qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Je veux taire mes illusions et garder mes rêves.

La crise écologique ne peut en aucun cas se résoudre sur le dos de la pauvreté, et les moyens pour y faire face doivent permettent simultanément de remédier aux deux fléaux. l’urgence, la gravité, la complexité des crises et des menaces nous obligent à une mutation radicale, en revisitant notre imaginaire jusqu’aux frontières de l’utopie. Préserver, partager, renoncer parfois, recycler et réduire aussi, car seul l’excès est toxique. Nous qui sommes inapte à la limite, Pouvons-nous enfin la désirer, la supplier même, accepter l’idée même d'une décroissance sélective ?

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MÉMOIRE réalisé en 2016-2017.

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BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES

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imprimé en Janvier 2017_ à l’Ecole Nationale Supérieure de l’Architecture et du Paysage, de Bordeaux Auteur : Maxime Daviau, étudiant en Master 2 - Architecture Directeurs de mémoire : Ambal Julie & Guillot Xavier.

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Les penseurs et les concepteurs de l’urbain posent l’hypothèse de la densification verticale de la ville existante comme frein à la consommation frénétique de la surface planétaire. Mais la Tour est devenue source de polémique. Peut-elle faire face aux défis soulevés par l’étalement urbain, notamment ceux qui concernent la diminution des impacts humains sur l’environnement ? Mais aussi, peut-elle contribuer à faire des villes plus habitables et notamment plus justes socialement ? Peut-elle être à la hauteur des attentes de la «ville durable» capable d’articuler problématiques environnementales, économiques et sociales dans une temporalité longue ? Quelle perspective pour la Tour « durable »nouvelle génération ?

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