Des opportunités architecturales colorées par les installations urbaines- Célia Gomez

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Célia Gomez

Mémoire master 2 // Domaine IAT // ENSAPBX // juin 2016 Enseignants: Xavier Guillot et Julie Ambal


Avant-propos

Introduction

Cheminement vers l’installation

Les installations urbaines, Pourquoi en parler?

p5

p6

Partie 1

Les installations urbaines, peut on parler d’architecture?

Partie 2

Les installations urbaines, que sont-elles?

partie 3

Les installations urbaines, Processus et enjeux.

conclusion

Quelles opportunitĂŠs architecturales?

remerciements bibliographie annexes : tableaux comparatifs et entretiens

p60

p72 p74 p78


Sommaire

01 Une conception partagée

p12

03 Les installations et l’art

p22

02 Des architectes particuliers

p16

04 Les commanditaires

p24

la co-conception L’architecte investigateur Les usagers.

Mise à jour des architectes Qui sont les concepteurs des installations? Mutualiser pour exister Des architectes métropolitains Ratio des installations

01 Le rejet du mouvement moderne

Ratio des commanditaires L’architecte-commanditaire L’implication nouvelle des élus L’architecte médiateur.

25 p28

Esthétiques Idéologies Temporalités

02 Des similitudes avec l’architecture expérimentale

La Team Ten «L’architecte chef d’orchestre» Yona Friedman «Le pédagogue Organisateur» Lucien Kroll: «L’architecte Homéopathique» Patrick Bouchain: L’architecte constructeur

L’art de faire ensemble L’architecte-artiste Pourquoi construire?

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03 à la recherche des installations p34 Les délaissés urbains

04 Critères d’installations p30

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Les matériaux de réemploi. Exemple de Bellastock Le recyclage urbain: Exemple d’Assemble Les Saprophytes et l’upcycling l’urbain Moderniser «Le droit à la ville»: l’exemple du Collectif ETC

p36

43 44

01 Récits d’installations: des typologies pour des enjeux Les installations militantes Les installations communautaires Les installations laboratoires Les installations patrimoniales Les installations programmatrices

p47

02 Histoire d’installations: L’Autobarrio Sancris

Histoire du territoire avant projet Présentation des acteurs Processus de projet Retours d’expérience après 3 ans

p52

59


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Quelles nouvelles pratiques architecturales montrent les installations urbaines ?

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Avant-propos

Cheminement vers L’installation. «Qu’est ce qu’une installation urbaine?

Pourquoi les architectes questionnaient la nécessité de leur profession?» sont autant de questions que je me posais car je ne percevais en réalité que la partie émergée de l’iceberg, celle où une multitude de personnes se réunissent autour d’une table en bois avec des idéologies sur l’écologie, la sociologie, la politique. Je ne voyais pas les subtilités de leur conception, les questions qu’elles peuvent soulever. Ce mémoire a été une découverte personnelle et optimiste sur la liberté qu’ouvrait la profession architecturale. Un cheminement indirect et involontaire m’a amenée à m’intéresser à ce sujet. Suite à une année universitaire à Bangkok, l’idée de parler des installations m’est venue après avoir vécu en compagnie de ces objets éphémères et ambulants dans mon quotidien thaïlandais. Ces microconstructions, fragiles et maniables avaient la force d’apporter une atmosphère familiale, humaine dans cette mégalopole trépidante. Cette découverte m’a rendu curieuse des installations, me questionnant sur leurs existences dans notre contexte européen actuel. En choisissant le domaine d’étude IAT

(Intelligence de l’Architecture et du Territoire) comme thème d’étude au master d’architecture, d’autres expériences ont complété mes interrogations. Ce master m’a attirée car il s’agit d’une recherche nouvelle sur nos manières de concevoir dès les études, en travaillant notamment en partenariat avec les étudiants de sciences politiques de Bordeaux et privilégiant des réflexions actuelles sur les programmes architecturaux rédigés par différents commanditaires. J’ai alors compris que les installations urbaines étaient très proches de ces interrogations portant sur la manière de concevoir, le rôle de l’architecte et les enjeux de l’objet spatial. Par conséquent, ce mémoire est la combinaison de ces deux curiosités, personnelles et professionnelles qui tente d’éclairer nos possibilités d’actions dans le métier d’architecte. Ma démarche dans ce mémoire n’est pas de prouver que cette nouvelle image de l’architecte est celle à suivre, elle est plutôt celle d’ouvrir des opportunités à travers une démarche investigatrice basée sur des approches à partir de récits d’expériences et d’entretiens où les théories viennent compléter partiellement les pratiques.


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Introduction

Les installations urbaines,

Pourquoi en Parler? Qu’est ce qu’une installation urbaine? Pourquoi les choisir pour expliquer les nouvelles pratiques architecturales? Quelles méthodes de travail?

Fig1 :Semaine digitale #5, Bordeaux / Exposition Metavilla - Flux urbains et numériques, installation urbaine et immersive par Caroline Corba. © Caroline Corba.


Quelles nouvelles pratiques architecturales montrent les installations urbaines ?

Le métier d’architecte est en mutation, c’est ce qu’on peut conclure d’après quelques livres d’historiens, de philosophes ou de sociologues spécialisés sur la profession. Cette mutation peut être vue comme péjorative comme le décrit Bernard Marrey, philosophe, dans son livre «Architecte, du maître de l’œuvre au disagneur»1 où les compétences professionnelles telles que le dessin déclinent en faveur d’alliances avec le pouvoir public. Selon lui, l’architecte passe d’un maître compétent à un fournisseur de dessin pour un permis de construire. D’un point de vue quantitatif, Olivier Chadoin, sociologue, souligne l’abandon d’une «identité architecturale» pour développer une «multipositionnalité» de l’architecte. Cette affirmation est exploitée dans son œuvre «Être architecte. Les vertus de l’indétermination. De la sociologie d’une profession à la sociologie du travail professionnel.»2 à travers des données chiffrées réparties en plusieurs thématiques comme la fréquence de travail, les spécialités constructives, les sexes, les rémunérations ou la considération de l’architecte

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face aux publics ou aux clients. D’un point de vue historique, on pourrait citer le travail de Judith Le Maire qui analyse le rapport entre l’architecte, l’objet architectural, le contexte et les citoyens lors de la conception architecturale dans son essai «Liens, biens, lieux communs.»3. Ce dernier établi trois figures de l’architecte: «le maître démurge» qui détient le savoir, conçoit seul et sans démontrer ces réflexions, «le maître paternaliste» qui n’échange pas non plus avec d’autres acteurs mais qui consent à dispenser son savoir de manière organisée et régulée et «le maître contextuel» qui interprète le contexte et échange de manière différée, notamment au travers des médias ou des cours architecturaux. A la suite de ces réflexions et en tant que future architecte, je cherche à apporter un point de vue concret, basé sur une construction matérielle afin de comprendre les conséquences d’une éventuelle mutation de la profession sur la production spatiale. Ainsi, ma réflexion sur le métier d’architecte est mise en lumière au travers d’une forme spatiale spécifique: les installations urbaines.

1 MARREY, Bernard, Architecte, du maître de l’œuvre au disagneur, Paris, Éditions du Linteau, 2013, p166 2 CHADOIN, Olivier, Être architecte. Les vertus de l’indétermination. De la sociologie d’une profession à la sociologie du travail professionnel, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2013, p384

3 Le MAIRE, Judith, Liens, biens, lieux communs. Bruxelles, Edition de Bruxelles, 2014


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Définition des installations urbaines La notion d’installation urbaine peut se comprendre différemment. Dans ce mémoire, je ciblerais celles construites à l’échelle 1:1, formelles et conçues en partie par des architectes-urbanistes. En effet, le terme d’installation peut avoir plusieurs connotations. On pourrait les définir comme installations artistiques mais leur analyse présenterait un autre sujet en soi qui ne questionnerait pas nécessairement les pratiques architecturales. Ainsi, les installations artistiques dans lesquelles l’artiste œuvre pour poser des questions ou faire réagir la population ne seront pas analysées dans ce mémoire. Par exemple, le travail de l’artiste Caroline Corbal4 caractérisée comme une «œuvre lieu» projetée dans un lieu spécifique de Bordeaux est intéressant puisqu’il questionne les interactions entre l’individu et le collectif, le local et le global mais l’objet appartient à la volonté de l’artiste et non à un usager particulier. On pourrait également décrire les installations comme informelles qui se définissent comme des 4 ZILIO Marion, «METAVILLA : du lieu au lien, vers une éthique du devenir-monde». Branded Magazine, Décembre/Février 15/16, n°13, p 23-33

actions de citoyens sur l’espace public qui peut aller d’un adossement sur une rambarde jusqu’à une installation commerciale. Ces installations, expliquées notamment par Jean Noël Blanc dans «La fabrique du lieu : les installations urbaines»5, ne sont pas dessinées, voulues et ne transforment pas l’espace spatialement, elles ne rentrent donc pas dans la question de la pratique architecturale. Comme dit précédemment, le travail de ce mémoire se focalisera seulement sur les installations urbaines réalisées en présence d’architectes ou d’urbanistes. Par conséquent, celles créées seulement par des initiatives collectives et non architecturales comme celle du quartier des poètes raconté dans le film «nous trois sinon rien»6 ne seront pas décrite dans ce mémoire. 5 BLANC, Jean-Noël, La fabrique du lieu (installations urbaines), Saint Étienne, Publications de l’Université de Saint Étienne, 2004. 6 Nous trois sinon rien, Kheiron, avec Kheiron, Leïla Bekhti, Gérard Darmon, France, 2015, Comédie dramatique, 124min

Le choix des installations comme référence aux nouvelles pratiques architecturales Choisir les installations urbaines comme reflet d’une nouvelle pratique architecturale peut être critiqué. Certains pourraient dire que les installations ne font pas partie de l’architecture puisqu’elles ne recherchent pas de spatialités et n’ont pas de concept formel. Ensuite, par une absence d’ingéniosité, de recherche constructive et de savoir-faire, elles devraient être sujet aux critiques de la part des maîtres d’ouvrages. Quant aux historiens, ils peuvent percevoir l’absence d’une culture intellectuelle à l’élaboration du projet, non teintée de références architecturales construite. Enfin, les citoyens hors de ce processus pourraient ne pas les prendre au sérieux, les caractériser comme «bobo», n’existant que pour une image positive. Pourtant, il y a de nombreuses raisons à être plus curieux sur l’existence des installations. En premier lieu, c’est un phénomène récent qui prolifère depuis ces dix dernières années en Europe.

Il est difficile pour les architectes d’avoir leurs places dans un contexte économique fragile, néanmoins, la demande d’installations augmentent de façon exponentielle, sollicitant une nouvelle expertise à la profession. Certes nous verrons que des prémices sont visibles à partir des années 1990 notamment, mais leurs reconnaissances et leurs légitimités se distinguent clairement dans les années 2010. De plus, les installations telles que décrites auparavant sont un phénomène européen. Elles s’imprègnent de notre culture leur ajoutant une force qui déploie des problèmes et des solutions contextualisées. Enfin c’est un phénomène qui se veut discret. Cependant, on remarque qu’il est facilement critiqué ce qui veut dire que les installations urbaines ne sont pas ce que nous attendons de l’architecture. Elles ouvrent néanmoins d’autres portes à nos pratiques conceptuelles.


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Problématique Comment les installations urbaines européennes questionnent elles la profession architecturale au cours de ces dix dernières années?

Méthodes de travail Plusieurs outils complémentaires ont été nécessaires pour répondre à cette question car les installations urbaines en tant que telles n’ont jamais fait l’objet d’écrits spécifiques. Toutefois une étude bibliographique est nécessaire à leur compréhension par le biais de théories et de débats sur la profession, l’écologie urbaine, la co-conception ou encore la place des citoyens dans le pouvoir urbain. Par leur apport en sémantique et analytique, cette recherche est la base de la réflexion qui enrichie la vision sur les installations urbaines à travers des questions globales. De manière complémentaire, un travail comparatif personnel a permis d’inverser cette vision par des questions endogènes aux installations telles que leurs implantations, leurs récits, leurs esthétiques, leurs commanditaires et leurs finalités (annexes 01 et 02). Les sites internet des architectes ont été les outils de recherche majoritaires pour obtenir deux résultats: un tableau permettant de distinguer des typologies d’installations sous plusieurs thématiques et les données chiffrées apportant un regard scientifique à

cette recherche. Une fois les installations entièrement définies, l’étape suivante est celle de l’entretien consistant à interroger trois architectes issus de groupes différents. Ainsi, Yvan Detraz du Bruit du Frigo, Paul Chanterau de Bellastock et Maxence Blot du Collectif ETC ont apporté un point de vue plus critique, plus concret et personnel à cette démarche et ont apporté des enseignements supplémentaires sur des processus, des retours d’expériences des installations ainsi que sur leurs manières de fonctionner au sein de leurs groupes. Leur témoignage m’a permis d’expliquer le rapport entre les installations et le métier d’architecte. La dernière méthode alimentant cette étude est ma participation au cœur de ces fonctionnements à travers un stage personnel de trois mois au sein d’une agence madrilène, celle de Enorme Architectes (anciennement PKMN). Le stage met en pratique ces réflexions, les rendent concrètes et permettent de comprendre tous les enjeux et les limites de cette manière de procéder.

PLan Afin de comprendre ce nouveau genre d’architectes à travers les installations, trois étapes sont nécessaires. La première partie se focalise sur les installations dans leur contexte général, en questionnant leur rapport à l’architecture. Par conséquent, plusieurs notions seront abordées: la manière de concevoir, les spécificités de leurs architectes et leurs proximités avec d’autres disciplines. La deuxième étape est de comprendre les caractéristiques de ces évènements spatiaux selon leurs influences architecturales, leurs implantations géographiques et leurs rapports avec leurs concepteurs. Ces deux étapes ouvrent sur les récits

d’interventions développant les enjeux urbains à travers une typologie d’installations. En complément, une histoire plus précise sera présentée à travers le projet Autobarrio Sancris situé à Madrid, utilisé comme un exemple précis d’un processus d’installation. Ayant ainsi pris du recul, les retours d’expériences permettront de conclure sur ce sujet, ouvrant sur des figures architecturales caractérisées par des actions. Tout au long de ce mémoire, des extraits, sur des sujets annexes comme la philosophie, l’économie ou la science, appuieront les propos énoncés. Les installations urbaines ouvrent des portes à la profession, mais questionnent elles seulement l’architecture ?


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Partie 1

Les installations urbaines,

Peut-on parler D’architecture ? Qui conçoit les installations urbaines? Des objets artistiques ou des structures habitables? Qui désire leurs existences?

Fig 2: Une installation artistique, «la façade habitée», © Collectif ETC


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La première réflexion qui émerge des installations urbaines est de savoir si elles font réellement partie de l’architecture. Cette question n’est pas évidente, en effet, si l’on regarde dans les sites architecturaux tels que «archdaily»7 ou «archilovers»8, les installations urbaines étudiées sont rarement présentées et se cachent parmi celles construites pour devenir des équipements, des refuges ou des micro-habitats. En revanche, elles apparaissent parmi les magasines les plus récents comme le groupe Assemble9 et Collectif ETC10 dans Architecture d’Aujourd’hui en novembre 2015 dans le cadre d’une réflexion sur les innovations architecturales mondiales. Aujourd’hui, on parle de collectifs, de participation, de nouvelle gouvernance et les installations urbaines en sont une représentation. Les doutes sur l’appartenance des installations à l’architecture résultent de leurs rapports à l’environnement extérieur. Afin de comprendre ces doutes, il faut analyser plusieurs éléments: le premier est le rapport des installations avec leurs concepteurs. Habituellement un objet architectural est conçu par un architecte mais la conception des installations varie. D’abord parce qu’elles ne sont pas entièrement conçues par des architectes: elles mettent à profit 7

ARCHDAILY, http://www.archdaily.com/, (consulté le 20/02/2016)

8 ARCHILOVERS, http://www.archilovers.com/ (consulté le 20/02/2016) 9 KOFLER Andreas, «Réappropriation citoyenne», Archirecture d’aujourd’hui, novembre 2015, n°409, p57 10 AAu, «Tactiques marseillaises», Archirecture d’aujourd’hui, novembre 2015, n°409, p63.

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plusieurs acteurs qu’ils soient professionnels ou non. Ensuite parce que leur identité architecturale diffère administrativement et dans leur organisation. Le second élément qui remet en cause la place des installations parmi les éléments architecturaux est leur proximité avec le domaine de l’art. En effet, les prémisses de ces microarchitectures dans chacun des groupes d’architectes sont plus artistiques, c’est à dire qu’elles ne sont pas habitables. Toutefois, il est primordial de comprendre pourquoi les groupes d’architectes ont commencé par cette forme artistique. Enfin, la démarche pour initier les installations est particulière. Contrairement aux projets habituels, elles ne sont pas à l’initiative d’une commande directe sauf dans des cas plus récents. S’intéresser aux commanditaires permet de comprendre pourquoi elles sont critiquables, car ils ne sont pas nécessaires à leurs existences. Cette démarche est tout l’enjeu de ces objets, donnant une image nouvelle à ces architectes, un rapport plus proche avec les autres acteurs et un outil politique évident pour les élus. De part leur processus de conception spécifique et les particularités de leurs concepteurs, ainsi que part leur association au domaine artistique et le besoin qu’elles nécessitent, les installations ont un rapport nuancé avec l’architecture qui engendreront une curiosité à les regarder plus en détails.


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une conception partagée La première spécificité des installations s’illustre dans la conceptualisation où l’architecte, au lieu d’être le maître du jeu, devient un participant parmi tant d’autres. Ce partage de la conception est connu sous le nom de co-conception, une notion utilisée en France ces dernières années dans diverses disciplines également lorsqu’il est question d’installation. Cette notion suggère une mise à distance de l’architecte au sein de la conception. Elle permet toutefois de dégager une facette de l’architecte inconnue jusqu’à ce jour, celle de l’architecte investigateur, qui cherche à fonder cette équipe de créateur selon des critères appropriées au cahier des charges.

Or, si la co-conception concernait simplement les professionnels, elle serait moins critiquée. Les réticences face à ce processus seraient liées à l’intervention des usagers en tant qu’acteurs essentiels à la mise en place du projet. L’apparition de ce phénomène explique aussi un changement dans l’approche du destinataire, passant d’un «client» à un «usager». En effet, le client possède le projet, il cherchera alors à l’adapter à ces besoins personnels alors que l’usager ne possède pas, il partage et utilise le projet collectivement. Cette première étape vise alors à approcher le processus initial des installations urbaines: celui de concevoir autrement.

La co-conception La co-conception correspond à partager des savoirs autour d’une création dont l’utilisateur final intervient dans le processus. Les étapes de la coconception ne suivent pas les règles prédéfinies puisque le processus varie selon le projet désiré. Un exemple clair de la co-conception: celui d’internet où de nombreux sites sont créés grâce aux utilisateurs comme des forums, des blogs ou Wikipédia, une encyclopédie libre de partage des savoirs. La complexité du réseau d’acteurs, la gestion de la mise en commun des compétences, et la négociation des intérêts individuels sont des axes de lectures de la co-conception qui influencent la manière de procéder. La méthode antérieure: la sectorisation est devenue trop compliquée à mettre en œuvre car les projets, quelque soit le thème, sont devenus trop complexes pour être sous la responsabilité d’un seul acteur. La co-conception questionne le processus de création. En architecture, elle a pour objectif de faire face aux mutations urbaines contemporaines. En 1964 déjà, Christopher Alexander partage l’idée qu’il n’y a pas une unique manière de réaliser un projet dans «de la synthèse de la forme»11. En tant que mathématicien, il appréhende un projet comme la résolution d’une équation; en divisant l’approche du projet sous diverses thématiques. Chaque thématique a une réponse simple, et leur assemblage conclut à une forme finale, plus complexe mais 11 ALEXANDER, Christopher, Notes on the Synthesis of Form, Cambridge, Harvard University Press, 1964 (traduction française : De la synthèse de la forme, Paris, Dunod, 1971).

adaptée aux enjeux du contexte, des usages, des normes et de l’esthétique. On pourrait simplifier cette approche comme étant un réseau où la résolution de chaque variable isolé créé une solution globale en les assemblant. Mais cette intervention est limitée car trop déterministe. Elle est le résultat d’événements et de phénomènes suite au principe de causalité. L’avantage de la co-conception est de permettre l’innovation. En 1954, l’économiste autrichien Joseph Schumpeter définissait l’innovation comme le résultat de «l’exécution de combinaisons nouvelles entre les inventions de la science et la technologie, l’inspiration des créateurs, les stratégies des financiers, et les désirs des clients»12. L’innovation est donc due aux acteurs qui interviennent dans le processus. En architecture, elle peut être bloquée par le non partage de savoirs lorsque l’architecte est le seul maître des décisions sur la conception. La mise en œuvre d’un projet est devenue complexe, sa réalisation nécessite le regard de plusieurs protagonistes afin d’apporter différents outils de compréhension et une meilleure analyse. De plus l’échange d’idée constitue un environnement favorable à sa conception. Les installations urbaines sont issues de la co-conception entre des architectes et des acteurs territoriaux, changeant selon les enjeux du programme. Toutefois, la notion de co-conception 12 SCHUMPETER, Joseph, Histoire de l’analyse économique [1954], 2 vol, Paris, Gallimard, 2004.


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économie

La consommation collective, © Image: www.silviarobertelli.it

La consommation collective

«La consommation collaborative s’appuie sur un modèle économique fondé sur le partage, l’échange, la vente ou la location de produits et services qui favorisent l’accès plutôt que la propriété. On peut alors distinguer trois modalités de consommation collaborative. Tout d’abord celle des produits et services: les individus sont de plus en plus axés sur l’usage à mesure que leur propension à posséder diminue. Zipcar permet à ses usagers l’accès à un véhicule partagé

à chaque fois qu’ils en ont besoin. Puis celle des marchés de redistribution qui consistent à créer des environnements où les individus peuvent se rencontrer et échanger des biens. C’est le principe des puces des marchés d’occasion. (...) Enfin, celle des styles de vie collaborative qui mettent en relation des individus dans la perspective d’échanger des biens intangibles comme l’espace, les compétences ou simplement les centres d’intérêts»

HEILBRUNN, Benoît, «partager plutôt que posséder». Etudes,revue de culture contemporaine, mars 2016, n°4225 p43

n’est pas à confondre avec celle de participation: « Nous on déteste le terme de participatif, on le dit jamais, par contre on fait du collaboratif, chacun vient avec ces expertises pour apporter au projet.»13 La notion de participation n’est pas acceptée par cet architecte car celle-ci les place comme animateur 13 CHANTERAU, Paul, Co-fondateur de l’association Bellastock. Interviewé le 5/12/2015/

de projet où, comme un enseignant, l’architecte dicte des problèmes et des solutions et les usagers participent par leurs accords ou désaccords sans remettre en question les propos: ils ne se sentent ni responsables ni concernés par le projet. En revanche, Paul Chanterau parle de «création de support» pour initier des liens entre les acteurs, comme une plateforme de médiation. Dans son optique, tout le monde est égaux.


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Fig 3 : La co-conception sous forme de chantier ouvert, 2013, Place Dormoy, Bordeaux © ETC

Fig 4: Table ronde lors d’un chantier ouvert «Place au changement», Saint-Etienne © ETC


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Comme la co-conception partage les intérêts de plusieurs acteurs, elle suppose alors un environnement conflictuel. C’est pourquoi, la co-conception va de paire avec un autre terme: la négociation14. La négociation est à mettre en place avant et pendant la conception du projet afin de trouver un accord commun sur le projet par un système de compromis. Comme un contrat informel entre acteurs, la négociation permet d’éviter les conflits une fois le projet réalisé.

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Philosophie L’existentialisme «Ainsi je suis responsable pour moi-même et pour tous, et je crée une certaine image de l’homme que je choisis; en me choisissant, je choisis l’homme» SARTRE, Jean-Paul, L’existentialisme est un humanisme. Paris, Gallimard, 1996

14 TERRIN, Jean-Jacques, Le projet du projet : concevoir la ville contemporaine, Marseille, Édition Parenthèses, 2014.

L’architecte Investigateur Dans la démarche de co-conception des installations urbaines, l’architecte semble avoir un rôle spécifique, celui d’investigateur. Avant que le processus ne démarre, les architectes recherchent les acteurs qui trouveraient un avantage à collaborer. Le type d’acteurs et le moment de leurs interventions sont décisifs dans le projet. Les types d’acteurs les plus fréquents sont des architectes d’autres groupes, des membres d’association dans le domaine de l’art, du design

ou du graphisme mais ils peuvent également être sociologues, élus, habitants, promoteurs, entrepreneurs ou encore électriciens. Par exemple, les électriciens du projet «ta tata en tutu sous la douche sonore» ont été importants dans la conception du projet du collectif ETC en permettant la mise en place du circuit sonore et lumineux malgré la contrainte contextuelle du projet, situé sous un pont.

Les usagers L’architecte, en partageant la conception avec d’autres disciplines se décharge de son pouvoir dans la prise en charge unique de la conception. Cette dernière se partage selon les compétences mais aussi selon les phases du projet. L’idée est de concevoir en mélangeant les acteurs en amont et en aval. D’autres acteurs entrent en jeu comme les entreprises privées, les élus et surtout les usagers. En temps normal, l’architecte a une relation avec un « client » se différenciant d’un «usager» car la réponse est adaptée à ces besoins personnel et non aux besoins généraux. En effet, l’usager ne désigne pas seulement le citoyen ou l’habitant, il désigne tous les utilisateurs de l’espace qu’ils soient commerçants, habitants, touristes ou employés de services. Selon Jean-Jacques Terrin, «il se distingue

des autres acteurs qui gravitent autour des projets architecturaux et urbains par le fait qu’il est le seul à disposer d’une connaissance locale issue de sa pratique quotidienne»15. Mobiliser «l’usager » dans les pratiques de conception est alors utile afin de comprendre son expérience du site et sa façon de la critiquer. Au duo maitrise d’ouvrage et maitrise d’œuvre s’ajoute alors la «maîtrise d’usage» permettant de rajouter les usagers aux processus mais sans pour autant qu’ils le réalisent car ils respectent le rôle du concepteur. Ils donnent alors leur vision du projet en transmettant une image mentale du lieu. 15 TERRIN, Jean-Jacques, Le projet du projet : concevoir la ville contemporaine, Marseille, Édition Parenthèses, 2014.


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Des architectes particuliers En plus d’une conception partagée par plusieurs disciplines, les architectes sont eux-même vus comme «différents». En effet, ils ne font pas partie du stéréotype dans lequel l’architecte est le maître du dessin technique et de la construction. La deuxième étape pour comprendre les installations consiste alors à s’intéresser à ses architectes. Dans cette optique, il est nécessaire de restituer les caractéristiques actuelles de l’architecte en général à travers des écrits récents. Une fois cette présentation effectuée, il

est important de s’intéresser plus précisément aux spécificités des architectes des installations à travers les organisations structurelles des groupes d’architectes, leurs proximités géographiques par rapport aux installations et le ratio des installations dans leur travail. Cette réflexion est ponctuée de cartes et diagrammes réalisés à partir de recherches personnelles tirées de leurs sites internet, les données sont par conséquent un ordre d’idées et de compréhension plutôt qu’un regard scientifique.

Mise à jour des Architectes De manière globale, le métier d’architecte est plus diversifié qu’auparavant en terme de diplôme, d’organisation et d’influences. En effet, on peut distinguer plusieurs groupes d’architectes multidisciplinaires. On peut retrouver facilement des diplômés «colorés» comme des architectes-sociologues, architectesurbanistes ou encore architectes-historiens.16 Cette pluridisciplinarité peut se comprendre à travers des commandes plus complexes. L’architecture n’est donc plus une discipline bien définie, le terme devient plus flou. En revanche, la multiplication des diplômes n’est pas l’unique solution. L’autre solution face aux problèmes de la commande est le regroupement des disciplines au sein d’une même agence. Ainsi, il n’est pas rare de trouver des agences qui rassemblent architectes, graphistes, sociologues, urbanistes ou paysagistes. Cette autre possibilité est la conséquence d’une envie de se réunir pour avoir des projets qui correspondent au mieux au contexte. La diversité des disciplines induit évidemment une organisation différente, qui ne serait plus verticale allant d’un directeur jusqu’aux employés mais plutôt horizontale avec une équipe et une même hiérarchie. Dans ce cas, la tournure conceptuelle prend inévitablement le pas sur l’idée de co-conception telle qu’elle a été décrite précédemment. Enfin, l’architecte est aussi teinté par des expériences internationales, qui enrichissent ses idées de projets et apportent de nouvelles influences. Les influences peuvent provenir des médias

qui facilitent l’accès à l’information des projets qui se situent dans le monde entier. Selon Cédric Liber, maître directeur de l’ESA, lors d’une conversation avec Racine Achille dans Architecture d’Aujourd’hui, les influences ressortant dans les écoles aujourd’hui sont principalement des références venant de l’Asie, notamment du Japon17. Les étudiants valorisent par exemple le travail de Junya Ishigami ou Sanaa qui fait ressortir une architecture légère, s’adaptant à son contexte urbain et environnemental. Aussi, les influences peuvent provenir des partenariats entre les écoles. Les relations internationales s’élargissent, ce qui ouvrent aux architectes français non seulement un large panel de références mais aussi une capacité à travailler dans des contextes culturellement, politiquement et géographiquement différents. L’architecture devient plus diversifiée et favorise l’innovation.

16 TERRIN, Jean-Jacques, Le projet du projet : concevoir la ville contemporaine, Marseille, Édition Parenthèses, 2014..

17 RACINE, Achille, « A quoi pense la jeune génération?», Architecture d’aujourd’hui, juin 2014, n°401, p64-73.

Ainsi, les architectes actuels sont des personnes qui s’ouvrent à de nouvelles possibilités afin d’innover, que ce soit dans les compétences, les relations professionnelles ou les lieux d’influences. Les architectes des installations s’inscrivent dans ce contexte, ils ont néanmoins des spécificités qui interrogent sur leurs positions vis-à-vis du métier, renvoyant aux rapports ambigus entre installations et architecture.


Quelles nouvelles pratiques architecturales montrent les installations urbaines ?

Économie La culture de l’artisanat «La plupart des marques ne se contentent plus de vendre des produits ou des services mais de fournir des expériences dans lesquelles l’individu est véritablement actif. Qu’il s’agisse de fabriquer sa poupée chez American Girlplace ou son ours en peluche chez Buildabear Workshop ou en encore à préparer sont repas sous le regard bienveillant d’un chef à l’Atelier des chefs, les frontières des sphères de la production et de la consommation sont de plus en plus poreuses» «On peut légitimement penser que cette forme de réappropriation est également le signe de la généralisation d’une culture artisanale au sens où la définit Richard Sennett, à savoir comme un «élan humain élémentaire et durable, le désir de bien faire son travail en soi (et qui) va bien plus loin que le travail manuel qualifié» Richard Sennett, Ce que sait la main, La culture de l’artisanat, AlbinMichel, 2010, p20

Qui sont les concepteurs des installations? Il est compliqué de définir les constructeurs des installations car leurs situations peuvent être très différentes selon leurs expériences. Majoritairement, en France, ce sont des architectes diplômés, ayant réalisés leurs HMOP mais qui ne sont toutefois pas inscrits à l’ordre des architectes. Ce dernier point est la raison pour laquelle leurs pratiques sont critiquées puisque ils ne sont pas reconnus. Selon le CAUE d’Île de France, l’ordre des architectes est « un organisme à caractère associatif, indépendant mais reconnu par les pouvoirs publics, qui a pour fonction de régir une profession libérale »18. On peut alors en conclure que ces architectes ne sont pas reconnus par les pouvoirs publics en tant que profession libérale. Ce sont pourtant des constructeurs, mais sous une autre forme administrative. Ils exercent leur profession de différente manière. Administrativement, ils sont enregistrés comme étant des ONG, associations ou organisation informelle. Parmi ces trois catégories, nombre d’entre eux sont des associations, ou fonctionnent comme une association. Dans les groupes d’architectes étudiés, Bellastock, Collectif ETC et le Bruit du Frigo sont des associations alors que Enorme est une 18 CAUE, ABCdaire du particulier, Ordre de l’architecte. Disponible sur http://www.urcaue-idf.archi.fr/abcdaire/imprimer.php?fiche=269. (Consulté le 05/03/2016)

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agence. À noter qu’association n’est pas forcément synonyme d’absence de salariés, par exemple, Bellastock compte 8 salariés et le Collectif ETC 9. Pour comprendre l’identité de ces groupes d’architectes, il est intéressant de voir l’image qu’ils renvoient. Aux yeux du pouvoir public, ce ne sont pas des architectes mais des «spécialistes de la concertation», c’est-à-dire des organisateurs ou animateurs qui cherchent à impliquer d’autres acteurs dans le projet. Les revues de presse les différencient des autres groupes d’architectes en les désignant comme des «collectifs»19, mais cette notion s’applique à toutes les disciplines aujourd’hui la rendant plus compliquée à comprendre. En effet, selon le dictionnaire, un collectif «représente plusieurs individus considérés comme formant un ensemble caractérisé par des traits, des comportements communs». Par conséquent, à la différence de l’agence d’architecture, un collectif regroupe plusieurs corps de métiers et de compétences pour réaliser un projet. Or, nombre d’entre eux comptent des membres uni-disciplinaires comme le Collectif ETC, Bellastock ou Enorme. Ainsi, les désigner comme collectifs n’est pas justifié. Leur travail avec les autres disciplines s’organise plutôt dans la conception d’un projet, de manière éphémère, en faisant appel à différents acteurs. Enfin, les groupes d’architectes ne se définissent pas comme des collectifs mais comme des architectes, ce n’est seulement pas le type d’architecture qu’on a l’habitude de voir. Paul Chanterau de Bellastock le souligne clairement: « On créé un nouveau métier, qui est clairement le métier d’architecte mais qui n’est pas l’architecte maître d’œuvre. Nous sommes concepteurs mais aussi médiateur car on est beaucoup sur le terrain en travaillant dans le processus, dans le mouvement perpétuel »20 Tout comme Maxence Blot du collectif ETC : « On se définit en tant qu’architecte : l’architecture ce n’est pas que des tours à des millions d’euros, ça peut être de petites choses, de petits projets. On part de l’humain et on dessine ensemble un projet cohérent dans l’espace auquel il se trouve ».21 19 MACAIRE, Elise, « Collectifs d’architectes, Expérimenter la coproduction de l’architecture », Lieux communs 17, 2015. p165 20 CHANTERAU, Paul, Co-fondateur de l’association Bellastock. Interviewé le 5/12/2015/ Annexe 4 21 BLOT Maxence. Co-fondateur de l’association Collectif ETC. Interviewé le 16/12/2015 . Annexe 5


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Célia Gomez

Cette catégorie d’architecte est une nouvelle alternative à la profession saturée par un nombre de plus en plus important de diplômes depuis les années 1975 suite à la configuration de l’école de l’architecte sous le cadre Licence-Master-Doctorat ne provoquant plus une école « d’élites » mais une école accessible. L’augmentation du nombre d’étudiants passant d’une trentaine par promotion à une centaine va influencer les méthodes de travail et privilégier le travail collectif au travail individuel. Face à ce nombre croissant d’architectes, l’apparition de ces associations n’est pas anodine: « Nous avons créé l’association pour faire ce que l’école ne permet pas et ce que l’agence n’offre pas tout de suite aux jeunes diplômés 22». Cette citation de Bellastock prouve que leur travail est un moyen supplémentaire d’exercer le métier en faisant face aux problèmes de l’offre et de la demande en architecture.

Statistique Les associations en france «15 millions de bénévoles œuvrent , en France, au sein de 1.1 million d’associations qui, par ailleurs, emploient 1.9 million de salarié (à temps plein ou partiel)» DROIT, Roger-Pol, «La solidarité retisse nos liens», Cles, octobre, novembre 2015, n°97, p92

22 MACAIRE, Elise, « Collectifs d’architectes, Expérimenter la coproduction de l’architecture », Lieux communs 17, 2015. p165

Mutualiser pour exister Comme les associations ne sont pas reconnues en tant qu’architecte, réaliser des projets à fortes envergures est impossible. Par conséquent on pourrait croire que leurs revenus mensuels sont faibles. Or tous les organismes étudiés arrivent à vivre de ce travail et s’agrandissent comme Bellastock qui va passer de 8 salariés à 10 en 2016. En opposition à ce phénomène il est observé que les agences d’architecture ont plus de difficulté à s’étendre. Face au contexte de crise, ces organismes trouvent des solutions grâce au rassemblement et de l’entraide. Le Collectif ETC est un bon exemple d’entraide et de développement collectif (Fig 6). Etant une association de type collégial, il n’y a aucun représentant mais toutes les personnes ont un poste responsable. Devenu une association salariale après le « Détour de France» en 2011, les employés sont obligés de trouver un système efficace de travail pour chercher de l’argent. Par conséquent, ils ont décidé de vivre dans un même logement à Marseille, qui est aussi leurs bureaux, et de mutualiser tout ce qui était possible. Ainsi, l’association finance le logement, la nourriture et le transport, offre des « PAC culture » par personnes d’environ 50-100 euros ainsi qu’un salaire de 750 euros par mois dans les premiers mois qui était renforcé par l’apport du RSA23. 23 BLOT Maxence. Co-fondateur de l’association Collectif ETC. Interviewé le 16/12/2015 . Annexe 5

L’association fonctionne parce que ses membres se connaissent depuis les études et ont décidé de travailler ensemble, et se font donc entièrement confiance. Aujourd’hui, même si les employés ne vivent plus ensemble, l’association évolue et la rémunération des membres est plus importante, passant à 900 euros par mois. Le partage d’un bâtiment par d’autres groupes d’architectes représente bien l’esprit de collectivité. Par exemple, le groupe de Bellastock a son bureau dans l’école d’architecture de Belleville, Le Bruit du Frigo loue une pièce dans la cité numérique de Bordeaux avec d’autres architectes, et Enorme loue un grand appartement madrilène avec 3 autres agences d’architectes, un journaliste et des graphistes (Fig 5). Cet esprit de partage permet de développer des conversations et d’offrir des possibilités de projets communs plutôt que concurrentiels. La notion de confiance est très importante dans ce type d’organisation. La plupart du temps, ces liens d’amitié et de confiance, créés lors du cursus scolaire, permettent de développer plus aisément une structure après leur diplôme. Dans chacun des groupes étudiés, tous sont partis de cette envie de travailler ensemble plutôt que d’accumuler des expériences personnelles dans le but de créer sa propre agence. Ces liens expliquent l’absence de hiérarchisation au sein de la communauté. Ce sont tous des concepteurs égaux qui se répartissent


Quelles nouvelles pratiques architecturales montrent les installations urbaines ?

des fonctions. Leur travail est plus diversifié puisque chacun peut faire une partie administrative, conceptuelle, constructive ou communicative. Ces associations arrivent donc à vivre financièrement de leur travail en étant maîtres de ce qu’elles réalisent. Ils peuvent aujourd’hui se permettre de choisir leurs projets d’un point de vue créatif plutôt que financier. Cette organisation basée sur la confiance permet aussi d’élargir les possibilités de projets: tant que le projet correspond aux réflexions globales du groupe, les disciplines peuvent varier au sein de l’association.

Fig 5 : L’équipe de Enorme aujourd’hui, les 3 co-fondateurs (de gauche à droite): Carmelo Rodriguez, Rocio Piña et David Perez Garcia. Image personnelle le 11/05/2016

Fig 6 : L’équipe de collectif ETC, 12 co-fondateurs (aujourd’hui plus que neuf) avec une vingtaine de coopérateurs. ©Collectif ETC Image:http://www.collectifetc.com/qui-sommes-nous/

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Célia Gomez

Assemble

Mexico

Saprophytes

Bellastock

Venezuela Chine Bruit du frigo

Collectif ETC Enorme

Carte représentative des lieux d’ancrage des architectes et localisation de leurs installations en Europe. Réalisée à partir de recherches personnelles.

Des architectes Métropolitains L’influence des groupes d’architectes rayonne en Europe et à l’international. En effet, on peut voir sur la carte ci-dessus que les groupes d’architectes sont ancrés en métropole mais on eu des projets en Europe et dans le monde. Il est à noter qu’il existe un lien entre les installations et leurs situations géographiques. En effet, celles implantées en dehors du point d’ancrage des architectes sont des installations issues de festivals ou de workshop, elles sont éphémères et commandées par des artistes majoritairement. Ces interventions interpellent la population de façon ludique et événementielle. En revanche, les projets dans les métropoles où les architectes ont «pris racine»24 sont plutôt des commandes publiques 24 DARRIEUS, Margaux, « Collectifs d’architectes », Le moniteur d’architecture, avril 2014, n°232, p.63-72.

ou entrepris par les architectes eux-mêmes, leur territorialité influe le projet sur le long terme. La proximité entre les architectes et les installations est importante pour mener à bien le projet. Une implantation locale sur un territoire permet de faire évoluer le projet de manière incrémentale et aussi de légitimer le groupe d’architectes avec les autres acteurs, créant ainsi un réseau de confiance dans le territoire. Les architectes sont conscients de ce rapport entre le temps et la proximité de l’architecte comme l’indique l’association les saprophytes: Le travail in situ ne doit pas uniquement se faire pendant l’événement. Nous devons également être présents pour faire un bilan de nos interventions, analyser leurs effets pour alimenter le diagnostic du site. C’est dans l’action


21

Quelles nouvelles pratiques architecturales montrent les installations urbaines ?

que nous faisons de la programmation25 Une implantation locale donne ainsi accès à des projets de plus long terme et une meilleure notoriété. Ces «architectes de proximité» rendent le projet plus humain et plus proche de son environnement. Cette volonté de rapprochement est alors une autre spécificité de ces architectes qui privilégient le local et la petite échelle à celle du global et du projet monumental. Les installations, minimes en taille correspondent ainsi au territoire dans lequel elles agissent. 25

22% 22% 22% 22%

Arts urbains

Collectif EtC

Installations

50% 50% 50% 50%

34 installations / 72 projets

18% Etudes 18% 18% urbaines 18%

10% 10% 10% 10% Scénographies

Ibid n°24

Ratio des installations

35% 35% 35% 35%

Les architectes des installations ont une Installations

manière de concevoir et d’organiser spécifiques. A cela s’ajoute leur position face aux projets et leurs proximités avec la réalisation. toutefois, il est à noter que les installations ne sont pas l’unique travail de ces groupes d’architectes, mais elles restent majoritaires par rapport aux autres thématiques. Comme le montre les graphiques ci-contre, les projets d’installations représentent une importante partie des projets. on pourrait citer comme travail complémentaire une panoplie de productions qui sont essentiellement immatérielles. Elles peuvent découler de recherches, d’études territoriales ou d’interventions artistiques. Les autres projets sont très différents selon l’association ou l’agence d’architectes et certains sont par ailleurs propre à une agence particulière. Par exemple, la recherche sur les matériaux de démolition est spécifique à Bellastock, les randonnées urbaines et les refuges urbains sont propres aux Bruits du Frigo et Enorme réalise aussi du mobilier intérieur et des supports d’expositions modulables et flexibles. Parmi ces groupes étudiés, il n’y a que le Collectif EtC qui revendique les installations comme la production qui le caractérise le plus dans leurs processus de travail. Les chiffres montrent que le Collectif ETC produit deux fois plus d’installations que ses confrères. on peut ainsi dire que les installations ne sont pas une spécialité architecturale propre à une association et qui ne finance pas les revenus des architectes, elles se complètent et s’enrichissent avec d’autres projets.

Centre culturel

21% 21% 21% 21%

50% Bruit du Frigo 50% 50%

50% 14 installations /

12% 12% 12% Refuges péri-ur48 projets 12% bains 12% 12% 2% 12% 10% 12% 2% Art Urbain 2% 8% 10% 10% 2% 8% 8% 10% 8%

Projets utopiques

Ateliers, workshop 20% 20% 20% 20%

Bellastock

Design à partir de matériaux de récupération

11 installations /

Installations (sous Actlab et les festivals)

14 projets 80% 80% 80% 80%

Aménagement urbain 10%

Signalétique 10% 10%

Diagrammes sur l’emprise des installations au sein des groupes d’architectes. Réalisés à partir de recherches personnelles.

Randonnées urbaines

10%

5% 5% 5% 5%

Enorme

14% Installations 14% 14% 14%

10 installations / 40% 40% 40% Mobiliers 40%

intérieurs mobiles

10% 10% 10% Expositions 10%

90 projets

16% 16% 16% 16% Rénovations


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Célia Gomez

Les installations et l’art Une conception collective, des architectes non reconnus par les pouvoirs publics, un temps de travail non majoritaire à leurs conceptions: ces affirmations créées des doutes sur la place des installations dans le monde architectural. En effet, elles ne sont pas reconnues à l’origine comme architecturales mais artistiques. Cette caractéristique

les rendent différentes esthétiquement des projets architecturaux construits, elle ajoute néanmoins un discours plus militants sur leurs processus de création. Ce militantisme est d’ailleurs à l’origine de leurs apparitions en France, provocant un effet boule de neige, amplifiant le nombre d’architectes utilisant le processus des installations.

L’art de faire ensemble En France, les installations naissent dans les années 90 lors du changement de tutelle du métier d’architecture passant du Ministère de l’équipement au Ministère de la Culture et de la Communication. Dans ce contexte de changements, les étudiants en architecture voient une occasion pour tenter d’améliorer l’école, selon eux pas assez ouverte aux autres disciplines et manquant d’enseignements sur la pratique constructive. Parmi ces étudiants, on pourrait citer Yvan Detraz et Gabi Farage, les futurs co-fondateurs bordelais du Bruit du Frigo, qui profitent de cette brèche pour débattre sur le sens du métier de l’architecte. Pour discuter, ils construisent des «bricoles» caractérisées comme des structures en bois à destination de barbecues ou de tables pour boire un café dans l’idée de créer des espaces de rassemblement dans l’école. Comme un «mini 1968», des manifestations sont organisées, les horaires de cours sont chamboulés : «ça a été un moment où l’on s’est posé beaucoup de questions puisque l’on avait beaucoup de temps» ajoute Yvan Detraz du Bruit du Frigo. Ces phénomènes ne sont pas seulement spécifiques à l’école de Bordeaux, plusieurs étudiants ressentent au même moment la nécessité d’agir pour changer les modes de fonctionnements de l’école, on pourrait aussi citer Robins des villes de Lyon. Le début des installations en France est ainsi marqué par la formation «d’équipes» d’étudiants qui se réunissent pour agir sur les possibilités que peuvent ouvrir la profession architecturale. Cette élaboration d’équipe de travail au sein du cadre scolaire a été la première étape pour tous les groupes d’architectes des installations interrogés.

Par exemple, les membres du collectif ETC se sont rencontrés à l’école de Strasbourg parmi trois promotions différentes: On avait envi de faire autre chose par nous même avec des choses assez rapides, peu onéreuses. On faisait partie des «vilains petits canard», on n’était pas aimé du corps enseignant car on était dans une école un peu trop scolaire basé sur l’ingénierie. 26 Maxence Blot- Collectif ETC L’association Bellastock a commencé à l’école d’architecture de Belleville à Paris par l’initiative d’étudiants désireux de créer un rassemblement sous forme de festival pour pouvoir expérimenter des systèmes de constructions hors de l’école. Enfin, l’agence Enorme (anciennement PKMN), s’est formée à la suite d’un concours gagné par un groupe d’amis, tous jeunes étudiants en architecture ayant seulement la vingtaine. Pour résumer, il n’y avait pas d’objectifs de créer une installation, mais plutôt une volonté de se rassembler, d’expérimenter et d’agir. Ensuite, ces équipes de travail ont découvert qu’elles pouvaient communiquer avec la population en agissant sur les espaces publics. Les habitants étaient attirés et intrigués par cette nouvelle démarche de modifier leur espace quotidien. L’installation est alors devenue artistique et extérieure à l’école. La machine est en marche, les actions artistiques se déploient pour répondre à des envies d’actions, de processus et du «faire ensemble».

26 BLOT Maxence. Co-fondateur de l’association Collectif ETC. Interviewé le 16/12/2015 . Annexe 5


Quelles nouvelles pratiques architecturales montrent les installations urbaines ?

23

L’architecte-artiste Les premières installations avaient des connotations artistiques. Elles étaient présentes de manière légère sur l’espace urbain afin de faire réagir ses habitants sur leur environnement. Encore aujourd’hui, l’art est souvent utilisé dans les associations d’architectes. En effet, l’élaboration de son processus est plus facile à mettre en place qu’un projet architectural car il n’est pas nécessaire d’avoir des connaissances particulières à sa fabrication, démocratisant ainsi l’approche à sa conception. Le Bruit du Frigo saisit cet avantage pour ajouter une pédagogie portant sur la compréhension urbaine pour les jeunes âgés de 10 et 18 ans. Sous le nom «d’Ateliers pédagogiques»27, les jeunes participent aux développement de nouvelles idées sous plusieurs thématiques: architecture, urbanisme, paysage, arts, comportements... se déclinant sous différentes approches: l’espace public, la vie de quartier, la ville en chantier, l’habitat, les espaces en attentes... Ce processus se formalise à travers l’art par le biais de performances, d’installations ou de projections. Cet exemple illustre la capacité de ce domaine à toucher d’autres acteurs instantanément. L’art permet aux citoyens d’agir de manière simple sur leurs espaces urbains et permet aux architectes de comprendre le territoire à travers ses habitants. Ces actions peuvent être des démarches désintéressées, non basées sur la pédagogie directe comme c’est le cas pour le projet artistique «Légendes Urbaines28» du Collectif ETC sur la place d’Austerlitz à Strasbourg. Suite à la commande de l’association Démocratie Créative à des interventionnistes urbain pour détourner des panneaux d’affichage mis à disposition par les services municipaux en supports publicitaires, le Collectif ETC choisit de se réapproprier une photo aérienne de la ville. Les membres de 27 Bruit du Frigo, disponible sur http://www.bruitdufrigo.com/index. php?id=53

Fig 7 : Projet «Légendes Urbaines», 2010, Place d’Austerlitz, Strasbourg © Collectif ETC.

l’association aident les passants à se repérer et à raconter une expérience singulière sur ce territoire. Les habitants l’écrivent ensuite sur une languette de couleur et la colle créant une mosaïque d’histoires où le vert est une anecdote, le bleu une rencontre, l’orange l’art urbain, le rose un amour sauvage et jaune pour le bon plan (Fig 7) Le collectif a recueillit en une demi journée 200 messages personnels. Dans ces exemples, aucuns projets ne sont construits: l’art est utilisé comme moyen de sensibiliser les habitants à leur milieu urbain où l’architecte est aussi un artiste, avide d’agir spontanément sur un territoire.

28 Collectif ETC, disponible sur: http://www.collectifetc.com/realisation/legende-urbaine/

Pourquoi construire? Le problème des installations artistiques s’identifie par l’objectif des habitants de s’engager, destinés à poser des questions sans risquer à proposer des réponses spatiales. Construire les installations comme une entité architecturale montre plusieurs avantages: être «habitables» par les habitants du

quartier, être des supports de communication plus importants car leurs conceptions nécessitent plus de recherches et de temps et enfin être médiatisées plus facilement parce que leurs démarches sont plus originales,singulières et prend plus de risques dans leurs processus.


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Célia Gomez

Les commanditaires Les commanditaires sont la dernière spécificité des installations rendant perplexe leurs appartenances au monde architectural. La recherche sur les sites internet des architectes est primordiale pour comprendre l’importance des commanditaires et leurs objectifs. Ainsi, cette partie s’intéresse aux

commanditaires en définissant leurs ratio, leurs raisons et leurs apparitions dans le temps. Cette recherche remarque un élément singulier dans l’indépendance de l’existence des installations face aux commanditaires.

Ratio des commanditaires Les clients sont très différents; il y a plusieurs profils. Le plus commun c’est les collectivités: soit en appel d’offres soit en commande directe par la mise en place d’un processus de participation sur un projet urbain, ou on travaillait tout seul et après on restituait nos conclusions et ils faisaient ce qu’ils voulaient, bon c’est un peu hasardeux. Et de plus en plus c’est un processus intégré, on travaille avec la maitrise d’œuvre, des concepteurs: paysagistes et urbanistes, sur des appels d’offres où nos compétences sont demandées, ou en tout cas la notre est demandée ce qui est une nouveauté aujourd’hui, depuis 3 ans maintenant. Yvan Detraz, Le Bruit du Frigo29 Sur les 19 installations étudiées, la moitié des 29 DETRAZ, Yvan. Co-fondateur de l’association Le Bruit du Frigo. Interviewé le 01/12/2015. Annexe 3

commanditaires sont des élus. Démonstratifs d’une réelle volonté politique, ces chiffres montrent que le développement des installations expérimentales se réalise grâce aux institutions politiques. En revanche, ces commandes sont récentes expliquant la montée croissante du nombre d’installations urbaines ces dernières années. Les autres commanditaires des installations sont dans un processus culturel ou artistique à l’occasion de festivals, de centre d’arts, de biennales. Les architectes saisissent ces opportunités pour accentuer le travail sur l’éphémère en lien avec l’espace public, à valoriser la pédagogie ou à expérimenter de nouveaux systèmes d’innovations. Mais le plus intrigant, c’est lorsque les architectes sont eux-même à l’origine de la démarche. Cette dernière subtilité critique la nécessité des installations puisque personne ne les demande et questionne toutefois la raison des architectes d’être initiateur du processus.

L’architecte-commanditaire

La démarche devient politique lorsque les architectes sont aussi les commanditaires. Ils deviennent acteurs en cherchant un territoire, des collaborateurs, des programmes, des enjeux et un temps d’action. Au départ, cette initiative est apparue sous forme de contrainte : certains architectes ont mis en place des projets par leurs propres moyens parce qu’ils n’avaient pas de clients. Par la suite, cette contrainte est devenu un avantage. Être commanditaire permet plus de libertés dans la réalisation du projet en trouvant des financements, des intervenants d’autres disciplines et des partenariats privés. L’objectif est de finaliser un projet avec un message, une expérience particulière pour faire réagir d’autres acteurs tels que des élus ou des usagers. L’architecte-commanditaire montre aux usagers qu’il est possible de devenir acteur et incite les institutions à agir sur un territoire. L’architecte peut ainsi devenir un initiateur, enclenchant un rouage basé sur des interrogations sur l’urbanisme.

De nombreux projets sont issus de cette démarche. Par exemple, la constitution d’un dossier par l’association Bellastock a permis de démontrer que le projet d’écoquartier de Saint-Denis établi par les promoteurs n’était pas complet. Ce dossier a abouti au projet Actlab qui a permis de rechercher les informations manquantes sur les matériaux de réemploi en utilisant des procédés innovants et en expérimentant des systèmes structurels. Un autre exemple représentatif est le projet du Collectif ETC, en collaboration avec les habitants de Belsunce, dénonçant le projet SOLEAM. En effet, ce projet avait pour but de construire des nouveaux logements sur la place Louise Michel sans prendre en compte l’existant. En réalisant «Belsunce Tropical», l’association a démontré que la place était un lieu approprié par sa population, amenant à des modifications dans le projet initial. Enfin, en 2003, le Bruit du Frigo a mis en place «le jardin de ta sœur», une des premières expériences comme installation, permettant ainsi la création d’autres associations.


Quelles nouvelles pratiques architecturales montrent les installations urbaines ?

30% Institutions publiques

* trouver de nouveaux usages * Avoir les avis de la population avant ou après projet

50%

Quels commanditaires pour quelles raisons?

20%

Diagramme représentant les commanditaires des installations et les raisons de leurs démarches Réalisée à partir de recherches personnelles.

25

Architectes

* Exprimer une opinion * Militer contre un projet en cours

Autres associations disciplinaires

* Co-concevoir lors d’un évènement festif * Partager des expériences sous une même thématique.

L’implication nouvelle des élus Une fois que les architectes ont prouvé la légitimité de leur travail, la mise en place des installations a commencé à intéresser les politiciens. En effet, commander un processus de co-conception sur une question urbaine implique la participation des citoyens donnant une image positive d’unité, d’actions, et «de vivre-ensemble» à la commune. De plus, les installations permettent de donner vie à des lieux non attractifs aux investisseurs privés et publics, tout en aillant un faible investissement financier (les projets ont un coût d’environ 1000 euros en général).Depuis deux ou trois ans, les collectivités sont de plus en plus nombreuses à commander ces processus. Cela permet aux architectes de faire des choix éthiques. Ils choisissent leur partenariat en privilégiant un travail participatif et complémentaire plutôt qu’une exposition purement médiatique. Le choix peut être difficile à distinguer désir médiatique et désir réel car ils correspondent plus à la motivation

des élus qu’à l’orientation politique. Des alliances ont fonctionné et ont abouti à d’autres réflexions comme c’est le cas entre Bellastock et le maire de saint Denis qui ont travaillé sur Actlab et réfléchissent maintenant à d’autres projets communaux. Ces alliances renforcent l’idée d’architecte-métropolitain plutôt qu’architecte-national car la confiance entre acteurs dans le travail est primordiale. Il est à noter que les élus des petites collectivités sont plus ouverts à ce type de démarches que les élus métropolitains. D’une part, parce que l’expérimentation à petite échelle est plus aisée et d’autre part car les élus ont déjà une proximité avec les associations locales. En revanche, les élus métropolitains ont un rôle plus important et plus risqué dans les commandes, c’est pourquoi ils font appel à des groupes d’architectes ayant une notoriété affirmée.

L’architecte médiateur Cette alliance entre hommes politiques et architectes n’est pas nouvelle. Des alliances de ce type sont observées dans le mouvement moderne. Une évolution du lien architecte-politicien est visible. L’architecte intervient désormais un tant que médiateur, c’est à dire que l’architecte n’est pas seulement lié avec les personnes «d’en haut»,

il est aussi lié avec ceux «d’en bas». Il devient un intermédiaire entre les dirigeants et les citoyens lors du processus de création. Cette nouvelle figure s’ajoute à celle du concepteur spatial apportant une présence plus impliquée de l’architecte dans la politique.


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Célia Gomez

Partie 2

Les installations urbaines,

Que sont-elles? Quelles influences architecturales? Où se situent-t-elles? Sont elles le reflet de leurs architectes ?

Fig 8 Unité de diffusion fongique 2014, domaine de Chamarande,Essonne © Les Saprophytes


Quelles nouvelles pratiques architecturales montrent les installations urbaines ?

L’appartenance des installations dans le monde architectural est mitigée car elles sont conçues par des architectes qui ne sont pas reconnus par les pouvoirs publics, que ces architectes ne sont pas leur unique concepteur, qu’elles ont de très fortes influences artistiques et ne sont pas obligatoirement des commandes. Toutefois, cet éloignement du monde architectural permet de le colorer. En effet, au lieu de critiquer ces nouveaux éléments qui ponctuent nos espaces urbains, je préfère voir un avenir optimiste pour le métier d’architecte. Suite à cette première partie servant à caractériser les notions qui entourent la conception des installations, cette deuxième partie détermine plus dans la pratique les innovations qu’elles génèrent. En partant du postulat que les installations soient architecturales, la première phase est de caractériser les rejets et les influences architecturales française. Cela permettra de démontrer que ce phénomène est une suite logique de l’histoire de

27

l’architecture initiée notamment dans les années 1970. En effet les installations ont des influences contrastées entre rejet du mouvement moderne et intérêt porté aux architectes expérimentaux tels que la Team Ten, Yona Friedman, Lucien Kroll et Patrick Bouchain. Nous verrons alors que les installations sont le résultat de ces réflexions. Elles créent ainsi l’hypothèse d’un nouveau mouvement architectural définissable notamment par leurs similitudes de conception et leurs stratégies d’action. Pour vérifier cette hypothèse, une recherche sur les installations est réalisée faisant ressortir une idée: les installations sont attirées par des lieux délaissés, non attractifs à l’investissement. Cette découverte ouvre une brèche sur les caractéristiques des installations rendant curieux sur ses autres critères. à travers les associations qui les conçoivent, on se rendra vite compte que leurs points commun est de tourner autour de la notion d’économie de moyens.


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Célia Gomez

Le rejet du mouvement moderne Les installations se situent entre deux prises de positions par rapport à l’histoire architecturale: une qui est en opposition à l’architecture moderne des années 1970 vouée au rationalisme et à la planification, l’autre est similaire aux idées des

architectes Patrick Bouchain et Lucien Kroll mais aussi celles de Yona Friedman et de Cédric Price, aussi architectes qui déployaient déjà après les années 1968 une réflexion sur les processus.

Esthétiques C’est une vraie trame de fond : on modifie le rôle de notre profession par rapport à la société et on invente d’autres façons de penser la ville. On peut faire différemment que les « Ginko»30 qui dépensent des millions sur des territoires, on a fait les mêmes bêtises dans les années 70 et là on refait pareil. Certes il y a besoin de logements mais on peut se dire sur tous les espaces publics créés en France, on en prend seulement deux et on verra dans 10-15 ans comment ça marche et quels sont les bienfaits de ce processus. Yvan Detraz31 Cette citation de Yvan Detraz du Bruit du Frigo développe particulièrement une rancœur contre l’époque moderne qui visait à apporter le plus de logements quantitativement à moindre prix durant la reconstruction d’après guerre. Durant cette période, la construction rapide d’une grande quantité de logement en utilisant un schéma de 30 L’architecte fais ici référence à l’écoquartier «Ginko» conçu par les urbanistes Christian Devillier et Olivier Brochet en 2010. La clôture de l’opération est prévue pour 2020. Pour plus d’informations, voir «Ginko, le premier écoquartier de Bordeaux», disponible sur http://www.bordeaux2030.fr/ bordeaux-demain/ginko 31 DETRAZ, Yvan. Co-fondateur de l’association Le Bruit du Frigo. Interviewé le 01/12/2015. Annexe 3

sectorisation était favorisée car décrite comme efficace. Néanmoins, ce processus défavorise une logique identitaire et une connection avec les lieux existants en plus d’une ségrégation humaine. Les installations s’opposent à la philosophie rationaliste à travers trois points: la finalité formelle, l’idéologie et le rapport entre la conception et le temps. Premièrement, les installations se différencient des idées modernes par leurs principes formels. Ceux des installations sont inexistants : même si ces objets ont une esthétique commune, ils l’obtiennent par dépit selon les prix et non pour une finalité esthétique. Quant au mouvement moderne, les architectes concevaient leurs bâtiments sous des principes formels basés sous les idées des cinq principes érigés par Le Corbusier: 1. Les pilotis, 2. Le toit terrasse, 3.Le Libre, 4 La façade libre, 5 La fenêtre en longueur ou la fenêtre bandeau32. Le modernisme prône l’universalisme, un langage commun pour toutes les cultures alors que les architectes des installations prônent les différences où le conflit apporte plus d’innovations esthétiques. Ils préfèrent créer de manière plus libre, non doctrinale en laissant l’humain générer un projet commun. 32 1923.

LE CORBUSIER, Vers une architecture. Paris, Flammarion,

Idéologies La place de l’homme «lambda» dans le projet ouvre sur le deuxième désaccord entre l’esprit moderniste et l’esprit des installations. Il repose sur deux idéologies distinctives: «l’humanitude» contre «l’expertise»33. L’humanitude, une notion inventée par Lucien Kroll désigne un architecte qui s’ouvre 33 KROLL Lucien, « Techniques contre humanisme », in R. D’ARIENZO/C.YOUNES ; Pour une écologie des milieux habités, recycler l’urbain, Italie, Métis Presses vuesDensembleEssais, 2014.

à d’autres groupes qui ne sont pas en architecture et qui n’ont pas forcément de compétences dans la maitrise d’ouvrage (que nous avons définis plus tôt par la «co-conception») alors que l’expertise désigne une personne qualifiée par des diplômes. L’expertise est critiquée car les décisions conceptuelles d’un projet reviennent à un nombre restreint de personnes choisis par leurs diplômes. La prise de décision peut se faire à distance, sans prendre en compte les


Quelles nouvelles pratiques architecturales montrent les installations urbaines ?

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Politique «L’urgence nuit à la démocratie» avis des autres disciplines car «ce ne sont pas leurs métiers». Dans ce cas les débats sont seulement entre architectes.

Temporalités Enfin, les installations s’opposent à l’architecture moderne à travers la temporalité. En effet, elles se conçoivent rapidement sans être finis dans l’idée d’être évolutives plutôt que révolutionnaires: c’est «l’incrémentalisme», alors que la temporalité du modernisme est rationaliste. Le rationalisme consiste à hiérarchiser les étapes du projet pour que leur mise en œuvre soit logique, coordonnée par des acteurs spécifiques à chaque étape. En général, la temporalité est linéaire: les architectes répondent à une commande ou un concours, créent un projet et réalisent un permis de construire qui doit être accepté par les élus. Ensuite, le projet se réalise par un maître d’œuvre, qui n’a pas pris connaissance du projet antérieurement et qui est accompagné par l’architecte ponctuellement. Une fois le projet terminé, libre court à l’usager de se l’approprier. En opposition, les architectes des installations travaillent de façon incrémentaliste c’est à dire qu’ils travaillent au fur et à mesure. Le processus temporel est perturbé: la commande peut provenir des usagers ou des architectes, la conception est

«Le progrès technologique, comme le capitalisme, entraîne des processus d’aliénation. Dans l’urgence, l’individu ne fait que réagir à une menace ou à une injonction; une dimension essentielle de sa liberté lui est retirée: la faculté de prendre l’initiative. L’urgence nuit également à l’exercice de la démocratie. Les citoyens, soumis à la norme de l’immédiateté, n’ont plus la psychique pour réfléchir à la chose publique, qu’ils laissent aux politiques, eux-mêmes débordés et piégés par le courttermisme!» CHARTIER, Claire, entretien Christophe Bouton «L’urgence nuit à la démocratie»., p49

partagée, ainsi que la mise en œuvre. Le projet est évolutif, il n’y a pas de finalité définie.34 Néanmoins, la temporalité des installations n’est pas définie comme un cycle mais plutôt comme une spirale. En effet, on ne revient pas au point de départ mais on engendre de nouveaux processus en adaptant les installations aux besoins de la population. Ces architectes ne se définissent pas comme étant en opposition avec l’architecture moderne. Cette contradiction se fait naturellement, elle n’est pas recherchée. Au lieu de ce rejet, les installations se situent plutôt dans la continuité de deux sujets de réflexions architecturales: une sur le thème de processus de la participation dont Lucien Kroll et Patrick Bouchain sont les deux références et une sur le thème de la ville malléable où l’architecture est perçue comme système dont la Team Ten et Yona Friedman sont les pionniers de la démarche dans les années post 1968.

34 SHERRER, Franck, Villes, territoires, réversibilités, Colloque de Cérisy, (4-10 septembre 2010). Paris, Hermann, 2013.

Fig 9 mage du mouvement moderne. Projet de le Corbusier pour Paris. Paris © Le Corbusier


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Célia Gomez

Des similitudes avec l’architecture expérimentale Ces nouvelles pratiques architecturales basées sur la réflexion d’un processus partagé et l’expérimentation ne sont pas nouvelles. Elles sont inscrites à la suite de tentatives expérimentales d’une série d’architectes depuis les années 1968. Au cours de ces années, le métier d’architecte change plusieurs fois de facettes, notamment expliqué dans l’ouvrage Liens, biens, lieux communs35 où Judith Le Maire classifie le rôle de l’architecte suivant les époques et les courants architecturaux du XXème siècle. Cette partie s’intéressera notamment sur la ressemblance de sa description de l’architecte des années 60 avec celle que nous étudions dans ce mémoire. C’est pourquoi le texte qui va suivre sera un reflet des recherches de Judith Le Maire en faisant ressortir les grandes lignes des facettes de l’architecte qui ont influencés les concepteurs des installations. Se poursuivra ensuite la description de deux autres influences -plus récentes- que sont celles de Lucien Kroll et Patrick Bouchain. Déployés sous plusieurs

Fig 10 : Tunis Medina, 1959. Sectional perspectives of the Ville Spatiale above the Medina © Yona Friedman, courtesy Marianne Homiridis

thématiques, nous verrons que ces architectes sont les déclencheurs de «l’architecture de la diversité» par le biais de la co-conception.

35 Le MAIRE, Judith, Liens, biens, lieux communs. Bruxelles, Edition de Bruxelles, 2014

La Team Ten: «L’architecte chef d’orchestre» Le manifeste de Doorn écrit par le groupe d’architecte Team Ten (Jaap Bakema, George Candilis, Rolf Gutmann,Peter Smithson, Aldo van Eyck, Bill and Gill Howell, Alison Smithson, John Voelcker et Shadrach Woods) en 1954 pose les bases des nouvelles réflexions architecturales. Ce groupe n’est pas un mouvement architectural mais s’oppose à l’architecture moderne. Leur idéologie est une architecture qui interagit avec son environnement, qu’il soit territorial ou social, tel que ce qui est écrit dans la première phrase de leur manifeste: «Il est inutile de considérer la maison comme une partie d’une communauté en raison de l’interaction de celles-ci sur les autres»36. 36 TEAM TEN, «The Doorn manifesto». MIT Press second edition 1974 (first edition 1968).

La Team Ten rejette considère les interactions sociales comme nécessaires à la conception. L’architecte est organisateur d’une gestion collective décrit comme «architecte chef d’orchestre» selon Judith Le Maire. Dans cette notion, l’architecte apporte une structure dans laquelle les usagers peuvent apporter une expression singulière. Une autre manière de concevoir voit le jour, où l’architecture n’est pas contextuelle mais devient la somme d’actions individuelles. Les architectes qui découlent de cette pensée sont notamment Cédric Price du groupe Archigram et Yona Friedman, un partisan de l’architecture mobile. Leurs productions sont utopiques, dessinées et non réalisées, mais elles proposent toutefois un nuage sémantique qui sera repris dans le cadre des installations tel que la flexibilité, le processus et la participation.


Quelles nouvelles pratiques architecturales montrent les installations urbaines ?

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Yona Friedman: «Le Pédagogue Organisateur» Yona Friedman introduit en 1957 la notion «d’apprentissage» pour que l’habitant soit acteur du processus. L’architecte n’est plus un chef d’orchestre car il se met en retrait, il devient un organisateur par la création d’une structure mouvante dans laquelle les actions de la population vont interagir. La méthode consiste à disposer une méga structure, simple et compréhensible par tous afin de laisser la liberté aux habitants d’exprimer leurs désirs. Le temps est une dimension importante car l’esthétique évolue en fonction de celui-ci. Selon lui, « c’est l’objet libérateur qui est la finalité»37 car le projet stimule les sens des personnes et illustre l’éventail des choix laissés par les habitants. Yona Friedman a mis en avant ce mécanisme dans le projet Flatwriter en 1970 (Fig 11), regroupant des possibilités spatiales plutôt qu’une création architecturale. Dans cet esprit, la participation des usagers est une nécessité pour que le processus fonctionne. Par conséquent, l’architecte n’est plus le seul maître du projet. Yona Friedman continue encore aujourd’hui à développer des mécanismes et écrire des théories sur la mobilité. Il s’insère dans la pensée des installations, il a d’ailleurs était le parrain du festival de Bellastock en 2015.

Fig 11 : The FLATWRITER’s repertoire of choices, 1970. In Towards a Scientific Architecture

37 MUSEE D’ART CONTEMPORAIN LYON, Archive «Yona Friedman, une production récente», février 2007, disponible sur http://www.mac-lyon. com/mac/sections/fr/expositions/2007/yona_friedman__une_1/en_savoir_plus. (Consultée le 25/03/2016)


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Célia Gomez

Fig 12 : Projet «La Mémé» © Photo L. Kroll

LucieN Kroll: «L’architecte homéopathique.»

à la suite de ces architectes «visionnaires»38, il y a ceux qui mettent en pratique ces expériences. Parmi eux, il y a Lucien Kroll, un architecte Bruxellois né en 1927. À la différence de ces prédécesseurs, il met à jour le phénomène de participation en l’intégrant en amont du projet et non après sa construction. La Mémé (Fig 12) est l’exemple qui va lui attribuer les mérites de Patrick Bouchain comme «architecte de la diversité, du désaccord, de la démocratie»39. La méthode de conception est inventée par Lucien Kroll à travers la «vicinitude»: un outil de projet visant à gérer des relations et les liens. La Mémé est un logement qui regroupe diverses formes d’habitations décidées par ces futurs occupants. Cet habitat symbolise une architecture polyphonique où l’esthétique de la construction appartient aux participants sous une 38 DONADA, Julien. Les visionnaires, une autre histoire de l’architecture. Petit à petit production, France, 2013, Documentaire, 71min 39 LORIERS, Marie-Christine, «Kroll, une expo habitée». D’A D’Architecture, novembre 2013, n°222, p6-13

«coordination modulaire» ou «d’industrialisation ouverte».40 C’est alors que Lucien Kroll se considère comme «un architecte homéopathique»: à l’image d’un médecin analysant les symptômes et procurant des traitements, il (l’architecte) analyse les problèmes du terrain et trouve des solutions compatibles.41 La notion «d’architecte homéopathique» ajoute une autre spécialité à celle du «pédagogue organisateur»: celle du travail sur des missions concrètes, sur un territoire spécifique en réfléchissant sur la complexité de voisinage42.

40 Le MAIRE, Judith, Liens, biens, lieux communs. Bruxelles, Edition de Bruxelles, 2014 p184 41 ROULET, Sophie, «Kroll, architecte du désaccord». Architecture intérieure, CREE, juin, juillet, août 2013, n°231/362, p38-40 42 NIEMANN, Sebastian, «Entretien : Lucien Kroll ou l’architecte sans maître». Architecture d’aujourd’hui, janvier-février 2007, n°368, p92-99.


Quelles nouvelles pratiques architecturales montrent les installations urbaines ?

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Patrick Bouchain: L’architecte Constructeur Issus de l’agence Construire, la plupart des projets de Patrick Bouchain ont en commun de «se déployer sur des failles, des ambiguïtés exploitables, de nature constructive, administrative, sociale ou culturelle»43. Le projet comprend des éléments que le commanditaire ne pouvait en aucun cas envisager. L’architecte propose de nouveaux programmes issus de son expérience sur le terrain avec les usagers existants. La particularité de Patrick Bouchain est d’envisager le chantier comme un lieu de conception et de lien social où l’architecture est fédératrice de communication. Le chantier est le lieu d’expérimentation, il permet de questionner sur les usages, de procurer du travail, et de le réaliser en équipe. C’est pourquoi, l’ambition de cet «architecte constructeur» est de trouver la «noblesse» de l’artisanat. Le travail avec les artisans est donc important, Patrick Bouchain privilégie les relations non seulement avec les habitants mais aussi les professionnels créant un climat de bonne entente sur la co-conception. Même si le projet a une esthétique finale construite, le processus est au centre de la réflexion sur un temps donné non arrêté, c’est à dire que le bâtiment n’est jamais fini.44 Le projet Métavilla (Mets-ta-vie-là) construit lors de l’exposition universelle de Milan de 2006 en partenariat avec le groupe d’architectes EXYZT est 43 2012

BOUCHAIN Patrick, Histoire de construire, Vérone, Actes Sud,

44

Ibid n°43

un exemple de ce processus. Le concept du projet démarre par une faille juridique indiquant qu’il n’est pas impossible de vivre sur un lieu d’exposition. Du 22 août au 27 novembre, sans interruptions, l’installation est habitée que se soit par des visiteurs ou ses créateurs. Ceci démontre l’émergence d’une nouvelle façon d’habiter.. Ce projet est perçu comme «une ouverture des possibles par ces futurs professionnels de la maîtrise d’œuvre.» car il démontre que la construction ouverte au public et l’événement architectural peuvent être outils à sensibiliser la ville45. 45 DARRIEUS, Margaux, « Collectifs d’architectes », Le moniteur d’architecture, avril 2014, n°232, p.63-72.

Fig 13 : Académie nationale contemporaine des arts du cirque Annie Fratellini par Patrick Bouchain. © Cyril Weiner

Ainsi, les membres de la Team Ten découvrent l’importance des interactions sans proposer de processus, Yona Friedman met au point un processus sans le rendre concret, Lucien Kroll fait participer les habitants sans prendre en compte le moment de la construction et Patrick Bouchain met au cœur de la réflexion le travail sur chantier.

A l’instar de ces architectes, les concepteurs d’installations questionnent le processus à travers l’expérimentation et la participation. Cependant, les démarches ne sont pas ancrées à un seul architecte, mais à plusieurs permettant de désigner que les installations sont inscrites dans un mouvement.


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Célia Gomez

À la recherche des installations Les influences et les rejets architecturaux montrent bien que les installations sont des systèmes accrochés au monde architectural. En généralisant le processus, les installations s’inscrivent dans un mouvement architectural. En effet, à la différence de ses prédécesseurs, le processus n’est pas propre à un architecte ou un groupe d’architectes mais à plusieurs, développant la démarche sur plusieurs territoires. s’intéresser plus précisément à ces territoires permet de comprendre ce phénomène métropolitain. Par conséquent, ce chapitre se focalise sur la localisation des installations en Europe et en métropole. L’exemple de la métropole parisienne servira d’illustration.

Collectif EtC, elles sont majoritairement réunies dans les métropoles. Deux raisons sont dues à ce phénomène: les métropoles sont le port d’attache des architectes concernés et se sont les lieux où se concentre la population, donnant plus de force aux regards des processus.

Les délaissés urbains. si on se focalise un peu plus sur la situation géographique de ces installations, on peut distinguer un autre rapport entre ces systèmes et le territoire. A première vue, on peut se dire qu’elles sont omniprésentes, dans les métropoles comme dans

A l’échelle européenne, comme le montre la carte si dessous, les installations sont fortement présentes en Europe de l’ouest. Elles sont présentes essentiellement dans les métropoles. En effet, à part un faible nombre d’installations isolées notamment dû au projet «Détour de France»46 du

citoyenne de la ville». Ces rencontres ont vu naître une vingtaine de projets, aux problématiques et aux enjeux très divers» dans COLLECTIF ETC. Détour de France, Une école buissonnière. Rennes, Hypervilles, 2015.

londres Dunkerque

46 «De septembre 2011 à août 2012, nous sommes partis sur les routes de France, à vélo, pour aller à la rencontre des acteurs identifiés comme appartenant à, ce que l’on avait nommé à l’époque, «la fabrique

lille

1

Paris

Millemont

Strasbourg

Chamarande

2 2

1

1

Rennes

1

Reims

4

Bezons

1

18

2

Nantes

3

Darcy 1

Busséol

Bordeaux 10

Carbonne

montpellier 1

madrid

Situation des installations en Europe. Réalisée à partir de recherches personnelles.

Valence

1

1

1

Saint-Etienne

Vitrolles

1 1 7

marseille


35

Quelles nouvelles pratiques architecturales montrent les installations urbaines ? Gennevilliers

Aubervilliers

Bruit du Frigo

YA+K

Grésilab

Gennevilliers

island

Aubervilliers

Ile Saint Denis

Collège Philippe d’Aulnay

île Seine-Saint-Denis

la Passerelle, Sanchez, micro-folies, Cuisines folies Bellastock

Pont de la Concorde

Collège Philippe Aulnay

Gérard Situ

Champs sur Marne

Collectif ETC

Jouy en Josas

Le petit Ivry

Pont de la Concorde

Ta tata en tutu sous la douche sonore Collectif ETC

Le petit Ivry

le Kimo YA+K

Jouy en Josas

le Brochet Collectif ETC

Passage Volta

Base Rack YA+K

Passage Volta Champs sur Marne

Pimp my descartes Bellastock

Situation des installations dans la métropole de Paris. Réalisée à partir de recherches personnelles.

les villes provinciales En périphérie, en centre ville, sur un mur, sur une place, dans une rue; par leur facilité de mise en place, les installations peuvent s’implanter partout. néanmoins, on peut trouver un point commun à leurs implantations urbaines. Elles sont situées dans la grande majorité des cas sur des délaissés urbains. Ces «délaissés» ne sont pas des friches urbaines, dont Emmanuel Rey définit en trois points: avoir une dimension de plus de 5000m2, être vacante d’au moins un an et avoir une nature et de qualité très diverse47. Ces délaissés ne sont pas de grande taille. Ils sont issus du passage de la ville fordiste à celle post industrielle où la planification urbaine laisse de coté des territoires dans son projet. Ils deviennent des territoires en mutation dans l’attente d’une prochaine planification urbaine ou ils ne suscitent pas d’intérêt pour de futurs investissements. En bref, ces nouveaux vides (secchi 1989) sont des «oublis» politiques de taille aléatoire48. Ensuite, comme ces espaces sont publics, ils ne sont pas vacants. En revanche, tout comme les friches, ils sont aussi de nature et de qualités 47 REY Emmanuel, « Régénération des friches urbaines : entre enjeux stratégiques et complexités opérationnelles ». in. D’ARIENZO/C. YOUNES ; Pour une écologie des milieux habités, recycler l’urbain, Italie, Métis Presses vuesDensembleEssais, 2014. 48

SECCHI, B. Un progetto per l’urbanista, Turin, Einaudi, 1989.

diverses, ils offrent un potentiel de choix puisque ils se situent dans un espace urbain -une notion large de sens en terme d’espace-. on passe d’une définition formelle à une définition informelle. En effet, l’économiste et écrivain italien Guido viale reprendra la définition d’espace public comme la « somme des bâtiments et des rues d’une ville». L’espace urbain est une notion beaucoup plus floue, elle est décrite comme «l’ensemble des choses et des vies qu’elle contient».49 s’installer dans un délaissé urbain est alors compliqué, parce que l’emprise des citoyens sur ces espaces est importante. Prendre en compte la culture est primordiale pour saisir de nouveaux usages. Les délaissés urbains sont souvent liés à des mutations urbaines, ils seront à un moment ou un autre jugé intéressant à l’investissement. L’enjeu de ces lieux est alors de leur donner une utilité à travers un programme spécifique en vue de saisir l’opportunité de la mutation pour définir de manière plus adaptée des usages complémentaires et/ou supplémentaires à l’existant.

49 VIALE, Guido, « La seconde vie des choses. ». In R. D’ARIENZO/C.YOUNES ; Pour une écologie des milieux habités, recycler l’urbain, Italie, Métis Presses vuesDensembleEssais, 2014.


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Célia Gomez

Critères d’installations Il a été montré précédemment que l’implantation des installations est un phénomène qui prolifère dans nos délaissés urbains, se développant ainsi par un effet de contamination. Nous verrons dans cette partie que chacun des groupes architecturaux exploitent la notion d’économie de moyen. Ces installations deviennent innovatrices dans le concept qu’elles proposent tout en restant en lien avec ses créateurs. Ainsi, quatre associations seront prises comme exemple pour expliquer une des caractéristiques en prenant parti de choisir les associations qui revendiquent ces thématiques. Cette approche est accompagnée par des notions théoriques appuyant ces démarches.

Les matériaux de réemploi: exemple de Bellastock Les matériaux des installations ne sont pas choisis pour définir une esthétique particulière. Les constructions sont souvent réalisées en bois, fournis par des scieries locales, avec d’autres éléments tels que de la peinture. Les matériaux sont essentiellement choisis pour leurs praticités, notamment dans leur mise en place et leur démantèlement. Les matériaux lourds comme le béton, la brique ou la pierre sont alors inexploités, sauf si ils sont réemployés après la destruction d’un autre bâtiment. On pourrait parler plutôt de «bricolage» au lieu de construction. En effet, le concept intéressant dans l’utilisation de ce type de matériaux est leur moyen d’assemblage, non pas leur caractéristique individuelle.

Philosophie

Fig 14 : Atelier Actlab, 2016, Site entrepôt du Printemps, île-Saint Denis. ©Bellastock

La définition du bricolage selon Levy-Strauss dans «La pensée sauvage» parle de bricoleurs qui n’ont pas le choix de leurs matériaux, ils s’arrangent avec «les moyens du bord». Il est alors possible de dire que même les populations les moins «instruites» peuvent réaliser des projets. Le projet est «le résultat contingent de toutes les occasions qui se sont présentées», c’est pourquoi le bricoleur doit stocker les matériaux en vue de les utiliser par la suite50. Le bricoleur, en opposition avec l’ingénieur, ne travaille pas avec de la matière première conçue et procurée 50 1990.

LÉVI-STRAUSS, Claude. La pensée sauvage. Paris, Pocket,

«L’ existence précède l’essence»

«Lorsqu’on considère un objet fabriqué, comme par exemple un livre ou un coupe-papier, cet objet a été fabriqué par un artisan qui s’est inspiré d’un concept ; il s’est référé au concept de coupe-papier, et également à une technique de production préalable qui fait parti du concept, et qui est au fond une recette. Ainsi, le coupe papier est à la fois un objet qui se produit d’une certaine manière et qui, d’autre part, à une utilité définie, et on ne peut pas supposer un homme qui produirait un coupe-papier sans savoir à quoi l’objet va servir. Nous dirons donc que, pour le coupe-papier, l’essence - c’est à dire l’ensemble des recettes et des qualités qui permettent de le produire et de le définir- précède l’existence ; et ainsi la présence, en face de moi, de tel coupe-papier ou de tel livre est déterminée. Nous avons donc là une vision technique du monde, dans laquelle on peut dire que la production précède l’existence.» SARTRE, Jean-Paul, L’existentialisme est un humanisme. Paris, Gallimard, 1996, p26


Quelles nouvelles pratiques architecturales montrent les installations urbaines ?

pour son projet. Le bricolage est la manière de recycler et de détourner l’utilisation première des matériaux. Cette démarche permet d’utiliser les surplus de production dans un environnement local puisque le concepteur s’arrange dans le projet pour se servir de matériaux laissés à l’abandon. Mais certaines associations d’architectures ont constaté qu’une quantité non négligeable de déchets était produite lors de l’enlèvement d’installations éphémères. Selon Xavier Bonnaud, architecte de l’agence Mesostudio, le recyclage « cherche à tirer parti, au-delà de leur premier cycle d’existence, de la matière ou des agencements qui les constituent, lesquels redeviennent alors à nouveau matière et agencements pour de nouveaux usages.»51. C’est pourquoi Bellastock travaille sur le réemploi, en créant un assemblage d’installations à partir de matériaux de démantèlement dans un atelier nommé Actlab, situé sur l’Île Saint Denis (Fig 14). Le recyclage est une notion clairement définie, elle est aujourd’hui ancré dans notre quotidien. Mais cette notion n’était pas primordiale à l’époque moderne. En effet, l’architecture moderne semblait 51 BONNAUD, Xavier, « En quoi la pensée du recyclage peut-elle enrichir nos imaginaires urbains ?». in R. D’ARIENZO/C.YOUNES ; Pour une écologie des milieux habités, recycler l’urbain, Italie, Métis Presses vuesDensembleEssais, 2014.

37

arrivée de nulle part, faisant «tabula rasa» du contexte en se proclamant comme une architecture nouvelle apportant la solution miracle aux problèmes sociaux. Cette rationalité s’inscrit alors dans un temps linéaire où les matériaux ont un début et une fin, marquant une esthétique valorisant des matériaux lourds pour produire efficacement et économiquement. Or, dans une Europe valorisant le patrimoine et l’héritage, détruire peut sembler dérisoire. Transformer est préférable à la destruction. Aujourd’hui la volonté de produire réside en une temporalité cyclique, inspirant la légèreté et la sensibilité. On passe alors d’une éthique artificielle à une éthique naturelle où la société désire un retour aux sources, à la maîtrise de son environnement, moins complexes et plus humaines. Recycler met à l’œuvre de nombreuses démarches dans la gestion de nos déchets, et les installations s’en inspirent pour reprendre les délaissés matériels tels que portes, palettes ou pneus. « On ne considère pas les matériaux issus de la déconstruction comme des déchets mais comme des ressources » Paul Chanterau, Bellastock. Cette association d’architectes met ses installations au service d’une recherche plus globale sur le réemploi des matériaux, notamment en utilisant ceux issus des démolitions de bâtiments. Ils partent d’un constat simple: les différentes activités de construction, de réhabilitation et de démolition


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Célia Gomez

française produise 73% des déchets du secteur du BTP, soit 260 millions de tonnes par an. Afin de réduire cette quantité de déchet, ils essayent de sensibiliser les constructeurs à réutiliser les matériaux. Pour cela, le groupe organise différents «formats d’actions»: festival annuel d’architecture expérimentale, laboratoire d’expérimentation au cœur d’un chantier, workshops avec des étudiants, chantiers ouverts, ateliers avec des scolaires…52 Dans leur logique de création, les installations servent ici à sensibiliser l’architecture à son impact environnemental. En effet, le collectif tente de changer la représentation de la matière par le public. Normalement vue comme un stock ou une surface, Bellastock tente de montrer la matière en mouvement, comme une ressource réutilisable. Afin d’approfondir cette démarche, un levier d’action est mis en place pour expérimenter cette volonté de réemploi. Sous le nom « d’Actlab »,

le collectif a créé un lieu de collecte des matériaux de démolition afin de les recycler. Ce nouveau système de marché de réemploi tente de répondre aux exigences sociales et écologiques actuelles. Il propose des solutions pour que les constructeurs utilisent et valorisent les stocks des démolisseurs voisins. Un nouveau métier est alors proposé : celui d’expert en matériaux recyclable. Ces matériaux de recyclage obtiennent ainsi une seconde vie. Ils sont transformés le moins possible et réutilisés localement. C’est alors que l’histoire de leurs installations sont racontées à travers des matériaux et non des processus comme leur projet « la passerelle », dont la construction intégrale en matériaux de récupérations diagnostiquées sans plomb ni amiante est le plus mis en valeur. C’est ainsi que l’esthétique des installations passe au seconde plan. Dans ce cas, la matérialité sert à créer du sens par le fond et non la forme.

52 BELLASTOCK, architecture expérimentale, http://www.bellastock. com/. (consulté le 07/11/2015)

Le recyclage urbain: Exemple d’ASSEMBLE Dans cette logique de seconde vie des matériaux, la mise en place des installations permet un renouveau urbain à travers deux logiques différentes: le recyclage urbain et l’upcycling urbain. Ces deux termes peuvent sembler similaires, mais les définitions sont différentes. Recycler l’urbain reprend les idées de recyclage mais à plus grande échelle. Cette idée émerge dans les années 1980 sous l’élan du développement durable. La volonté est de créer de nouveaux cercles vertueux; le sens des espaces délaissés doit changer pour leur assurer une autre rentabilité. Modifier le cycle de vie de ces espaces, c’est y intégrer d’autres valeurs, qu’elles soient écologiques, sociales ou symboliques. Ces délaissés sont comme des «pépites», ils sont situés dans la métropole, ont une valeur financière faible malgré leurs emplacements et ils ne demandent pas de constituer un dossier administratif imposant. Vouloir s’y installer, c’est montrer leurs potentialités. Faire un projet fixe dans ces emplacements n’a pas de sens, parce que les politiques, après avoir compris le potentiel de ces lieux, pourront les modifier à leurs profits. Les espaces délaissés deviennent alors des zones en transition. Le défi des designers est alors de formuler une proposition flexible, afin de décrire les usages potentiellement appropriés. Kevin Lynch propose à ces espaces un zoning temporel,

« suggérant la conception de structures composées par «deux ordres de parties : la première de longue durée et l’autre facilement substituable». Comme l’urbain a toujours un cycle de vie, proposer des éléments flexibles va à l’encontre de ce phénomène. En effet, lorsque l’usage du bâtiment n’est plus adapté aux usagers , il est facile de les modifier. Kant définit le «beau» comme désintéressé, Roberto d’Arienzo se sert de cette réflexion pour dire que le «beau» est inapproprié, dépossédé53. En cela les espaces n’appartiendraient plus à un système financier mais à un système d’usages, de culture. Les installations sont alors un début de cette dépossession du monde, elles rentrent dans une volonté de satisfaire les usages actuels. Elles représentent des transitions temporelles et spatiales. Les espaces délaissés deviennent alors prêt pour une renaissance. ASSEMBLE architectes est une agence londonienne de 18 membres qui déploie cette idée dans un grand nombre de ses installations. « The Cineroleum » en est un parfait exemple (Fig15). Situé à Clerkenwell Road, le projet est de transformer une station essence abandonnée la journée en un cinéma 53 D’ARIENZO Roberto, « Liminalité : des restes urbains inévitables, ambigus, précieux », in. D’ARIENZO/C.YOUNES ; Pour une écologie des milieux habités, recycler l’urbain, Italie, Métis Presses vuesDensembleEssais, 2014.


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nocturne. Fabriqué en matériaux de récupérations, ou donnés, ce cinéma est le résultat d’un travail des mains de 100 volontaires. La structure originelle reste identique, les architectes détournent la fonction initiale du lieu en y insérant un nouvel usage. Ainsi rien n’est détruit, tout est transformé.

Fig 15 : The Cineroleum, avant et après intervention, Clerkenwell road. ©Assemble

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Les saprophytes et l’Upcycling l’urbain L’upcycling l’urbain est un terme qui pourrait se confondre avec recycler mais il est d’une logique différente. Signifiant «remettre en cycle», cette notion vise à valoriser un objet plutôt que de le transformer. L’upcycling correspond davantage à une logique d’ajout, l’usage initial est laissé tel quel et on le complète par d’autres usages entièrement différents, afin de faire vivre le lieu dans des temporalités différentes. Didier Rebois et Mathias Rellot prennent l’exemple de la mosaïque pour illustrer ce propos en le décrivant comme «un artisanat qui réutilise les débris de vases brisés pour les recomposer en surfaces multicolores», c’est alors que le matériau est valorisé. À l’inverse du recyclage, l’upcycling se définit comme simple et accessible. En effet, transformer un produit revient à le déplacer de son lieu d’origine en le reconstruisant d’une manière différente. La manipulation de la matière demande ainsi des savoirs-faire et a un coût important. De plus, Didier Rebois et Mathias Rellot ajoutent que souvent recycler ramène à down cycler, c’est-à-dire que l’objet perd de sa valeur initiale. L’upcylcing est une pratique qui ajoute de la valeur à un délaissé que l’on pensait vide de sens, ou vide de ressource. Dans l’univers du design et de la mode ce système se met facilement en place sous le nom de scrab design. Les déchets industriels sont repris, et leurs propriétés, comme la transparence ou l’élasticité, sont étudiées afin de comprendre ce qu’on peut générer. De nouveaux produits sont alors créés à partir de ces déchets: des pièces uniques faites en bâche de camions ou des lampes avec des cordes de rideaux. En architecture, l’exemple le plus courant est la réutilisation des containers. Ces objets, issus de la mondialisation, sont repris pour créer des usages nouveaux comme des habitats,des magasins ou des bureaux. L’usage initial des containers est simple, ils servent à transporter à l’international, de façon rentable, des marchandises. Désormais, après revalorisation, ils sont utilisés comme espace de vie. Selon Didier Rebois et Mathias Rellot, l’upcycling urbain se définit comme « Ce dont on hérite, non plus comme patrimoine uniquement à préserver, mais comme territoire d’obsolescence d’usages, espaces à transformer en quelque sorte, par ajout d’une valeur nouvelle dont la capacité à se générer soit structurante»54. 54 ROBOIS Didier, ROLLOT Mathias, « Upcycler l’urbain : quelles opportunités en jeu ?, in R. D’ARIENZO/C.YOUNES ; Pour une écologie des milieux habités, recycler l’urbain, Italie, Métis Presses vuesDensembleEssais, 2014.

L’exemple urbain est celui de la high line de New York, où une partie du réseau ferroviaire est valorisée en tant que parc hors sol. Les installations s’inscrivent dans cette réflexion d’upcycling, en valorisant les espaces interstitiels par l’apport d’une structure habitable. Les Saprophytes, une association lilloise, valorisent les délaissés au lieu de les transformer. Cette association ajoute aux lieux urbains sousutilisés une thématique supplémentaire: l’agriculture urbaine. Ces lieux urbains ne fonctionnent pas, alors pourquoi ne pas en faire des espaces ruraux ? Le nom de cette association révèle l’ambition de ces membres, en effet, «un organisme est dit saprophyte s’il est capable de se nourrir de matière organique en décomposition».55 Cet organisme se situe alors dans un lieu qui se meurt, mais il se nourrit de cette substance pour se régénérer. Les Saprophytes essaient d’améliorer les espaces urbains délaissés, comme des toits, des caves ou des rues, en y implantant des installations multifonctionnelles. Selon eux, les installations sont des «objets urbains surprenants qui vont à la rencontre des habitants des villes pour interroger les usages et le sens des espaces publics». Par exemple, ces architectes implantent des champignons dans les caves des HLM, ou amènent des chèvres dans les villes (Fig 16) afin de faire vivre ces lieux abandonnés tout en sensibilisant sa population. Upcycler l’urbain, c’est rendre productif les lieux ordinaires, changeant les modes de vies urbains à long terme. Les installations remettent alors en question les lieux urbains délaissés par la mondialisation. Cette idée peut être abordée par deux réflexions complémentaires : 1. Profiter de ces abandons pour créer quelque chose de plus adapté à nos besoins. 2. Garder notre héritage (bon ou mauvais) en le valorisant par d’autres usages. Les installations et les délaissés sont complémentaires. En effet, les délaissés n’attirent pas les personnalités politiques à y investir des moyens, à l’inverse ce sont des lieux propices à l’expérimentation et à l’implantation des installations. Les installations permettent alors de nouveaux 55 LES SAPROPHYTES, http://www.les-saprophytes.org/index. php?cat=cham. (Consulté le 10/11/2015)


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Métier Chargé de mission économie circulaire.

«Qu’il œuvre dans les domaines du «cradle to cradle» ou de l’upcycling», cet expert vise à redonner une seconde vie à nos déchets. Matériaux, filières de recyclage et écoconception n’ont pas de secret pour lui» BOUVAIS, Walter «Les emplois de demain» Terraeco hors série, hiver 2014-2015, p90

usages et peuvent accélérer le renouvellement de ces espaces56. Elles deviennent des moyens de valorisation de ces lieux : les propriétaires y trouvent un avantage en sécurisant le site à moindre coûts et en ayant une maintenance du terrain dans l’espoir de faire augmenter la future valeur foncière du terrain. De leurs cotés, les installations ont pour avantage de faire parler d’autres acteurs de l’espace public, et surtout d’expérimenter de nouveaux processus. Ces délaissés urbains ont un rôle innovant dans le processus des installations, car ils sont liés à des usagers particuliers. 56 ANDRES Lauren, « L’intérim, le temporaire et la veille comme enjeux d’une ville réversible et éminemment mutable. in SHERRER, Franck, Villes, territoires, réversibilités, Colloque de Cérisy, (4-10 septembre 2010). Paris, Hermann, 2013, p56

Fig 16 : The Place to bêêê, 2013, Dunkerque. © Les Saprophytes


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Moderniser «Le droit à la ville»: l’exemple du collectif etc En temps normal, les usagers sont des citoyens qui n’ont aucun pouvoir dans la prise de décisions. Grâce aux installations, les architectes montrent avant tout que la population « lambda » peut prendre des décisions sur leurs espaces, être acteurs : « Il y a des associations qui se sont montées après notre passage, nous leur avons seulement montré que c’était possible, nous avons seulement créé des conditions pour dire que c’est à eux de faire.»57 Rendre les futurs usagers acteurs du projet, en aval de celui-ci, permet une appropriation plus facile. Cette initiative démontre également que les décisions peuvent venir «d’en bas». Cette manière de faire participer les usagers permet d’amener de la douceur en architecture. Malgré la complexité de gestion du projet, le résultat découle d’un partage et de choix communs de la conception. Faire participer les habitants locaux introduit une volonté du retour de l’architecture vernaculaire face à l’architecture mondiale. Les installations sont alors créées par des citoyens. Politiques, elles montrent un retour du «droit à la ville» d’Henri Lefèvre58. Datant des années 1968, cet essai est une démarche politique : les idées font référence à une structure marxiste qui ne voulait pas se limiter à interpréter le monde mais souhaitait le transformer. Le travail d’Henri Lefebvre va au-delà de la sociologie, il est l’un des pionniers de la réflexion sur l’urbanisme. «Le droit à la ville» annonce déjà l’éclatement et la fin de la ville historique au profit d’une nouvelle réalité, celle de l’urbain. Il met en avant l’idée selon laquelle les inégalités ne sont pas seulement sociales mais également spatiales. L’industrialisation et le fonctionnalisme ont provoqués une sectorisation. Cette expansion urbaine rapide ne prenait pas en compte les connections et mobilités entraînant la prolifération de logements périphériques comme les HLM et quartiers pavillonnaires. Par leurs faibles coûts, ces logements attirent les populations les moins aisées, les éloignant du centre ville et ainsi du lieu où sont prises toutes les décisions urbaines59. 57 DETRAZ, Yvan. Co-fondateur de l’association Le Bruit du Frigo. Interviewé le 01/12/2015. Annexe 3 58 LEFEBVRE, Henri, Le droit à la ville, Saint-Amand, Points, 1968. 59 COSTES, Laurence, Henri Lefebvre, Le droit à la ville, Paris, Ellipses,

L’ouvrage «Le droit à la ville» a également entraîné une remise en question des architectes et urbanistes les incitant à mélanger leur discipline avec d’autres comme l’anthropologie, l’économie politique, la sociologie. Ainsi, une volonté de coopérer entre ces différents acteurs se crée dans un but commun; celui de privilégier les usagers et leurs lieux d’habitation. Aujourd’hui, que reste-t-il de l’influence d’Henri Lefebvre sur le processus de création? Comme on l’a vu, il est question d’une volonté commune, mais cette vision est différente de celle des années 1960-1970. A l’époque, les besoins des usagers étaient étudiés de façon globale, à l’aide de statistique, de données objectives. Mais il n’y avait pas de relations réelles entre habitants et architectes, laissant l’architecte seul maître des décisions. Avec les collectifs, le rapport est plus humain. Ils ne considèrent plus les usagers comme une base de donnée, mais comme des individus. La connaissance des besoins sur les usagers ne se fait plus extérieurement, par des chiffres et des données, elle se fait aussi sur le terrain. Ils tentent alors de donner aux usagers non plus le «droit à la ville» mais le «droit à l’urbain» en les impliquant dans la conception de leur espaces de vie.60 Devenant acteurs de leurs espaces, un lien social est créé entre les habitants et les architectes. Une vision nouvelle apparait: les architectes ne sont plus considérés comme des intellectuels travaillant cloisonnés dans leurs agences, mais comme des «artisans» qui mettent en pratique une conception plus humaine de l’espace. En contre partie, les habitants ne sont plus vus comme des « sujets», mais comme des êtres vivants qui peuvent aussi avoir une vision de l’espace via leurs expériences quotidiennes. Tous les architectes étudiés pratiquent cette méthode. Elle est explicitée clairement dans chacun des sites internet comme un fait essentiel de leur conception. Le Collectif ETC est sans doute l’une des associations qui la met plus en avant : La manière de faire la ville aujourd’hui en France suit essentiellement une logique verticale et hiérarchique faisant intervenir les différents acteurs de l’aménagement urbain 2009. 60 BOLLON, Patrice, « Pour un nouveau "droit à la ville"», Architecture d’aujourd’hui, janvier/février 2012, n°387, p110-117.


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Société «Partager plutôt que posséder» dans des temps et des espaces déterminés et figés. Nous pensons que les différents usagers de la ville (habitants et professionnels) peuvent tous être acteurs de leur aménagement à des échelles très variées. Nous souhaitons nous immiscer dans cette structure verticale en mettant en place un réseau souple d’interactions artistiques et sociales, de rencontres et de débats. Nos projets se veulent optimistes, ouverts et sont orientés vers le public spontané de la ville. Leur particularité commune est d’agir dans l’espace public en intégrant la population locale dans leur processus créatif. Extrait du site du Collectif ETC.61 Mais dans l’espace urbain, réaliser des structures imposantes en présence d’usager est délicat. Les installations tirent alors partie de cette situation. En effet, dispositifs légers et construits, leurs processus de mise en œuvre est plus simple à réaliser. De plus, la démarche d’implanter des installations est aujourd’hui reconnue. Par exemple, le collectif ETC a remporté le Palmarès des Jeunes Urbanistes en 2012 avec le « Détour de France » sur la « fabrique citoyenne de la ville ». Les installations ne sont pas définies par leurs matérialités mais par leurs histoires. Elles se situent dans des lieux en mutation et sont présentes à court termes démontrant que ces lieux urbains peuvent appartenir à plusieurs personnes. Le chantier devient alors un prétexte de rassemblement, de communication et permet de discuter sur les alternatives d’avenir. Bellastock utilise le chantier pour expérimenter en créant des festivals chaque année avec environ 1000 participants volontaires sur le terrain mais comme le dit Paul Chanterau, membre de Bellastock: Le but n’est pas d’avoir le plus de monde sur le chantier, c’est comment ce chantier vient alimenter un projet urbain, un projet d’architecture. Ceci nous emmène dans un processus, qui créé des prototypes dans des tests d’usages, et c’est de savoir comment la boucle devient une spirale. 61 COLLECTIF ETC, http://www.collectifetc.com/, (consulté le 10/10/2015)

« La digitalisation fulgurante de l’économie et de la société ouvre la voie à des réseaux et des modes alternatifs d’acquisition et de consommation qui se développent à coté de la propriété. Plutôt que d’acheter ou de posséder des biens, les individus préfèrent souvent payer pour une expérience leur permettant d’avoir recours à ces biens de façons temporaire ou ponctuelle» p41 HEILBRUNN, Benoît, «partager plutôt que posséder». Études,revue de culture contemporaine, mars 2016, n°4225 p41-49

Paul Chanterau, Bellastock62 Le travail sur le chantier prône le «faire» comme une réflexion à la conception63. Les architectes des installations sont en accord sur cette idée de partager la conception de l’urbain, de répartir du pouvoir, de critiquer ce qui va se réaliser sur l’espace public, de rendre l’urbain démocratique et de rechercher des processus, non des formes. Une installation va alors se différencier d’une autre par le sens que ses concepteurs ont voulu lui insuffler. 62 CHANTERAU, Paul, Co-fondateur de l’association Bellastock. Interviewé le 5/12/2015/ 63 PICOUT, Laurie, « Le chantier comme condition », Architecture d’aujourd’hui, juin 2014, n°401, p73-75


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Partie 3

Les installations urbaines,

processus et enjeux Quels récits ? Quels enjeux? Une installation ou des installations architecturales?

Fig 17 : Autobarrio Sancris, 2016, San Cristobal, Madrid. Image personnelle.


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Les installations sont architecturales et se distinguent par l’apport de nouvelles nuances à la profession, exploitées dans les modes de conceptions et les notions exploitées. Cette partie a montré que les installations sont à la suite d’influences architecturales expérimentales, et se différencient par leurs réalisations globales, créant un mouvement architectural non seulement basé sur la participation mais aussi sur une recherche d’économie de moyens. Mais la propagation et la banalisation de ce phénomène enclenchent des conséquences sur la signification des installations. En les distinguant de ces architectes, on se rend compte que les installations racontent une autre histoire. Les installations sont elles toutes identiques? Pour le savoir, il suffit de regarder les installations sous un autre angle, en oubliant leurs concepteurs

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et en se consacrant plus particulièrement à leurs récits. Deux types de récits y seront présentés. Le premier exploite les récits courts à travers des typologies d’installations dont leurs existences racontent des enjeux et des questions spécifiques aux territoires. Une série de thématique y sera présentée, réalisée suite à une réflexion globale sur les installations étudiées (voir annexes n°1) Le deuxième récit est plus détaillé, il raconte l’histoire de l’installation Autobarrio Sancris situé à Madrid et dirigé par Basurama, en collaboration avec le collectif ETC et BioMistura. Cette histoire décrit le territoire, le processus et ma visite sur les lieux trois ans après sa création. Elle permet d’émettre l’hypothèse que ces installations, même si elles ne sont qu’éphémères, continuent à vivre après la fin du processus.


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Récits d’installations: des typologies pour des enjeux Après avoir vu les volontés communes des installations dans leur démarche globale, on peut voir que leurs différenciations proposent aussi d’autres enjeux pour questionner la ville. à travers ces installations, quatre thématiques ressortent: les

installations militantes, les installations laboratoires, les installations communautaires et les installations patrimoniales. Ces thématiques sont le résultat de choix personnel suite à un travail de recherche à partir des sites des architectes.

Les installations militantes

Les installations militantes contredisent les volontés institutionnelles, elles montrent que les décisions « bottom up » peuvent être importantes, et qu’elles ne doivent pas être oubliées dans les futurs projets. Le rôle de commanditaire est joué, dans la plupart des cas, par les architectes eux mêmes. Ils profitent ainsi de la dynamique communautaire des associations pour accroître la crédibilité du projet. C’est le cas du projet «Belsunce Tropical» du collectif ETC. Situé à Marseille, ce projet est placé sur un espace non qualifié officiellement. En effet, une communauté d’origine algérienne utilise ces lieux, et va même lui donner un nom, officieusement Louise Michel. Ce nom est symbolique puisque la personne Louise Michel est une figure parisienne de la révolte de 1871. En effet, après la défaite napoléonienne contre l’armée allemande, le peuple refuse de se rendre. Ils prennent alors possession de la ville de Paris, appelé alors «la commune», et auto-gèrent celle-ci par des moyens démocratiques. Louise Michel a été la figure de proue qui a mené le mouvement, donnant ainsi à la place de Marseille une symbolique politique. Aujourd’hui, les habitants du quartier de Belsunce réitèrent ce fait historique. Ils dénoncent le projet de rénovation de cette place par la ville, en partenariat avec l’entreprise SOLEAM, en prenant possession du lieu.64 Le Collectif ETC profite alors de la dynamique des habitants pour financer (budget entre 500 et 1000 euros) et réaliser un projet afin de démontrer aux futurs constructeurs l’importance que tient cette place dans le cœur des habitants. 64 COLLECTIF ETC, http://www.collectifetc.com/, (consulté le 10/10/2015)

Cette manifestation est possible, mais pendant un laps de temps précis: ils peuvent seulement s’installer sur la place avant le début des travaux. L’aménagement est accepté par les pouvoirs publics car c’est un projet de transition, qui est réversible et qui a une connotation onirique. Ce laps de temps est très important pour les installations, c’est un moment donné qui laisse la liberté aux usagers de posséder leurs lieux de vies et de s’exprimer. Durant seulement une semaine, du 3 au 8 novembre 2014, l’association créée une installation sur une partie de la place Belsunce avec l’aide de l’association d’architectes Bureaux de l’Envers et le graphiste Pierre Tandille. Le Collectif ETC décrit leur processus à travers trois réflexions. La première est celle de la construction qui consiste à réaliser la structure porteuse sur le mur aveugle et à y insérer des structures annexes qui amèneront des programmes différents. Le groupe d’architecte définit les règles de base : les hauteurs, largeurs et système structurel alors que la longueur, le choix des matériaux sont le résultat des choix des habitants. Le programme est choisi par les équipes sur place. La notion de flexibilité est ainsi traduite par la conception d’une base par les architectes, s’adaptant selon le choix des habitants. La deuxième réflexion est graphique, menée par Pierre Tandille, elle joue sur des formes colorées représentant l’image de Louise Michel afin de renforcer l’identité révolutionnaire du lieu. La dernière réflexion, menée par le Bureau de l’Envers, questionne plus largement l’avenir des délaissés urbains du quartier à travers des montages photographiques.


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Fig 18 : Belsunce Tropiical, 2014, Belsunce, Marseille. © ETC

L’exemple de «Belsunce Tropical» définit ce qu’est une installation militante car elle a été créée non pour montrer les usages possibles sur un lieu, mais pour contredire un projet qui va se créer sans prêter attention aux besoins des usagers. Plus généralement, le fait de choisir les usages d’un lieu est militant, ceux-ci peuvent changer sans cesse selon les besoins sociétaires et les grands projets urbains. Ainsi, comme le dit Maxence Blot du Collectif ETC, ils permettent « de partir de l’existant, des envies, des gens qui sont motivés pour utiliser un projet à faire émerger des idées au lieu de subir les projets « des gens d’en haut » qui décide sans aller sur le terrain»65. Les installations militantes sont réalisées pour faire émerger des questions, montrer aux populations qu’ils peuvent aussi agir. Pour atteindre ce but, l’événement est souvent utilisé afin d’exposer un lieu public et d’inviter la population à y donner vie. C’est le cas de «The Ring» conçu par le Bruit du Frigo au quartier Benauge, Parc Pinçon à Bordeaux. « LE RING est un dispositif qui amène au travers d’un récit, à la réflexion et au dialogue pour imaginer un lieu à partager. Un espace de parole publique, un lieu pour remuer ses méninges et inventer de manière participative un aménagement pérenne pour 65 BLOT Maxence. Co-fondateur de l’association Collectif ETC. Interviewé le 16/12/2015 . Annexe 5

Fig 18 bis: Processus du projet Belsunce Tropical 2014, Belsunce, Marseille. © ETC

le parc Pinçon.»66 Pendant le mois de juillet 2013, l’installation est un lieu invitant des artistes, habitants et architectes à s’affronter et débattre à travers des activités liées à l’art et au sport. L’installation passe alors d’un objet à un évènement, qui utilise le matériel pour créer des échanges et des rencontres. Ces évènements permettent de «métamorphoser » la ville en modifiant les usages à travers le temps67. Les installations sont alors des dispositifs légers qui égayent le quotidien de la population locale et rend l’espace plus humain. 66 BRUIT DU FRIGO, Disponible sur http://www.bruitdufrigo.com/ index.php?id=187 67 GWIAZDZINSKI, Luc. «De l’hypothèse de réversibilité, à la ville malléable et augmentée: vers un néo-situationnisme» . in SHERRER, Franck, Villes, territoires, réversibilités, Colloque de Cérisy, (4-10 septembre 2010). Paris, Hermann, 2013


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Les installations Communautaires Les installations communautaires sont commandées par des associations, dans le but de les faire vivre en attirant la curiosité des gens. Les associations permettent de les maintenir et de les dynamiser à travers des évènements organisés. C’est le cas de la place Dormoy de Bordeaux conçu par le Collectif ETC lors du «Détour de France » de 2011. La place est construite à partir de matériaux neufs, produits par la scierie de Bordeaux, mais également à l’aide de matériaux de récupération, comme des palettes. Ce projet, nommé «café sur place» est une commande de l’association Yakafaucon afin de découvrir la place qu’ils occupent dans le paysage urbain. La structure réalisée se déploie en partant du futur café associatif, suivant trois séquences successives : la terrasse du café, la plate forme fixe liant le café à la place, et les modules mobiles de la place. La partie fixe intègre les propositions de la concertation tandis que la partie mobile, composée des modules, a été conçue au fur et à mesure du chantier pour permettre d’intégrer les idées des participants. Ces séquences viennent être complétées par une série de bacs paysagers, alignés de part et d’autre de la structure. 68 Le projet suit alors les envies de l’association selon leurs besoins, l’occupation des espaces varie au cours de la journée.

Au lieu de servir une unique association, les installations peuvent être utilisées par plusieurs. Le collectif ETC à travers le projet «Parlement Populaire Mobile» dit «PaPoMo» a réalisé une installation destinée à toute personne désirant débattre d’un sujet, sur un espace public (Fig 19). Ainsi émergent de nouvelles idées et l’espace public retrouve son sens acropolien, d’un lieu démocratique appartenant aux citoyens. Aidé par les graphistes Adrien Zammit et Pierre Tandille, le Collectif ETC conçoit et stocke cet objet dans la friche de Belle de Mai située à Marseille qui peut être commandé par la suite par les associations marseillaises pour s’installer dans n’importe quel espace public et débattre. Tel un manifeste, l’équipe d’architecte décrit l’objet comme Un outil au service de ces groupes qui se réunissent, qui débattent, et qui sont animés par le désir de reprendre en mains leurs conditions d’existence. Pour tous ceux qui sont dans des démarches pacifistes, inclusives, généreuses et optimistes. Pour tous ceux qui souhaitent le faire dans l’espace public : sortir des cercles confidentiels de réflexion, dépasser un entre soi parfois rassurant, souvent inquiétant. Pour que la parole, les idées et les expériences, circulent, publiquement, librement.69 Il est intéressant de noter que le PaPoMo a été utilisé récemment pour l’événement «Nuit debout» à Marseille, démontrant la proximité entre l’objet et les besoins fédérateurs actuels.

68 COLLECTIF ETC, http://www.collectifetc.com/, (consulté le 10/10/2015)

69 COLLECTIF ETC, http://www.collectifetc.com/, (consulté le 10/10/2015)

Fig 19 : The PaPoMo, 2015, Friche Belle de Mai, Marseille. © ETC


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Energie «Prenons en main notre destin énergétique» «Nous vivons un moment de basculement. Un nouveau modèle énergétique émerge à coté du vieux modèle centralisé obsédé par la rente, bâti sur l’offre et trusté par quelques géants qui se partagent le business. A contrario, ce nouveau modèle est décentralisé, construit sur les besoins, calé sur les citoyens et les acteurs locaux des coopératives, des PME, des villes et des régions.» «Le choix citoyen en lieu et place des intérêts des grands groupes; la démocratie plutôt que le profit; le partage plutôt que la rente ; la convivialité plutôt que la menace nucléaire» PIRO Patrick, «Prenons en main notre destin énergétique!»

Les installations laboratoires

Les installations laboratoires ne démontrent pas le pouvoir des associations et habitants de quartiers, elles sont utilisées pour une recherche, plus scientifique, sur une manière de concevoir l’urbain. L’installation-laboratoire vise à générer de nouvelles productions, en faisant un point de rencontres pour les personnes pratiquant l’expérience. Avec le projet « Unité de diffusion fongique», les Saprophytes utilisent l’installation pour générer des productions de champignons dans le domaine de Chamarande, dans l’Essonne. Se découlant de mai à septembre 2014, elle a pour objectif de servir à « inoculer la forêt du domaine de Chamarande, invitant les visiteurs à partir à la cueillette.»70. Cette activité a pour objectif de diffuser la méthode de production pour faire connaître cette région Fig 20 : Unité de diffusion fongique 2014, domaine de Chamarande,Essonne par d’autres personnes. Elle se réalise en quatre © Les Saprophytes étapes: les visiteurs viennent en forêt et cueillent l’ADEME et l’autre est purement expérimentale, en les champignons, ils les mangent et partent avec créant des installations dans leur zone «Actlab». le surplus dans d’autres lieux. L’installation sert à Plusieurs installations sont développées : «la incuber d’autres champignons pour régénérer le Passerelle», «les jardins d’Actlab», «made in système et faire découvrir aux visiteurs la manière Vitrolles» afin de montrer que le réemploi n’est pas d’introduire la propagation des champignons (de seulement lié à sa matérialité même, mais aussi avec ceux-ci) (Fig 8 et 20). son système constructif. Les deux parties, théories Le collectif Bellastock utilise aussi le système et pratiques, communiquent entre elles et partagent de laboratoire pour soulever des questions liées aux leurs savoirs pour amener une recherche plus globale matériaux de réemploi. Leur démarche se divise sur le recyclage et l’upcycling de ces matériaux. La en deux parties. L’une consiste à effectuer des plupart de ces installations sont dans « Actlab », et recherches administratives en collaboration avec font partie d’un complexe global lui même construit à partir de matériaux recyclés. Toutes ces installations sont construites avec le soutien et l’aide d’autres 70 LES SAPROPHYTES, http://www.les-saprophytes.org/index.php?professionnels. cat=cham. (Consulté le 10/11/2015)


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Les installations patrimoniales Les installations patrimoniales interrogent sur la place du patrimoine et de l’usage dans l’espace public. Elles montrent l’importance de l’héritage mais démontrent que le plus important reste la vie dans les espaces publics et pas seulement leur admiration. «Chamarande les bains» de le Bruit du Frigo, interroge cette notion de patrimoine lors de l’été 2013 dans le cadre de l’exposition «milieux» dans l’Essonne (Fig 20). Le domaine de Chamarande est connu comme un lieu de villégiature pour la noblesse, venant en vacances pour profiter des eaux territoriales. La création d’une installation en bois ponctuée de baignoire dans ce jardin public a pour objectif de rappeler aux habitants et aux visiteurs que le domaine n’est pas seulement un lieu figé. Son utilisation évolue, il n’est plus un lieu destiné seulement à la contemplation et à la préservation d’un héritage, il est aussi un jardin public voué à vivre dans son époque et faire profiter la population actuelle de ses charmes. L’agence Enorme réalise des installations liant l’usager avec son environnement patrimonial de manière ludique. Dans la ville de Guimaraes, au Portugal, leur projet «Guimaraes Big Bench» est de rendre plus attractif une église gothique du XIVème siècle. Le projet se déploie en deux mouvements: le premier est une imitation d’un contrefort de l’église, et le deuxième la transformation de cette structure

en un banc. Cette installation met alors en valeur le patrimoine mais le déjoue en le transformant en un espace utile. Avec le projet « ta tata en tutu sous la douche sonore» le Collectif ETC joue la carte de l’humour pour amener de la vie dans un quartier historique. Situé sous le pont de la Concorde à Paris, ce dispositif facilement démontable en fonction des crues permet de créer des liens à travers une activité peu commune sous un pont. Le projet consiste à installer un miroir, une scène et un dispositif diffusée continuellement et les usagers peuvent devenir acteur en branchant leurs téléphones ou baladeurs, et ainsi changer la musique diffusée. Une installation simple, qui monopolise tout l’espace piéton, mais qui créée des multiples d’usages. Le dessous du pont devient une véritable scène, des ambiances se crééent : un cours de fitness, une soirée, ou simplement un lieu de détente. L’installation transforme un espace sombre et lugubre en un lieu convivial. Une programmation originale est souvent utilisée dans la mise en place des installations afin de créer la surprise, et provoquer un souvenir marquant du lieu tout en signalant aux passants qu’un lieu n’est pas figé dans le temps, il peut devenir autre chose selon l’appropriation que l’on s’en fait.

Les installations programmatrices Pour finir, il y a les installations qui permettent de nouveaux usages à l’espace urbain. Cette forme d’installation propose alors des usages à contre courant de l’image que renvoie le lieu, mais qui a l’avantage de fortement le dynamiser. Nous avons déjà observé, notamment avec le «Cineroleum», que Assemble architecte réalise beaucoup de projets qui vont dans cette direction. Enorme propose aussi de nouveaux programmes à l’espace public. Par exemple, cette équipe d’architectes créé «Urban spa» en mettant à disposition de tous une piscine collective à l’entrée

du parc Urueta (Fig 21). Cet objet devient alors identitaire car surprenant dans son usage. Autre exemple de la même agence, non réalisé cette fois ci, un « bâtiment/ espace public », en déployant dans cette maquette tous les espaces extérieurs sur un même lieu : la terrasse, la place… C’est alors qu’une multitude d’enjeux ressortent de l’envie de créer une installation. Ces installations, toutes différentes, s’adaptent selon le contexte et proposent des expériences afin d’améliorer l’urbain.


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Fig 20 : Projet Chamarande les bains, 2013, domaine de Chamarande, Essonne © Le Bruit du Frigo

Fig 21 : Projet Urban Spa, Parque Urueta, colonia Obrera. Chihuahua, México. © Enorme Studio

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Histoire d’installations L’autobarrio sancris Cette histoire d’installation se déroule en Espagne, à Madrid. Basurama est l’agence d’architecte qui est en charge de la mise en place de ce projet. Le processus de réalisation et la durée de celui-ci est longue et discontinue. En effet elle s’étale de janvier 2012 à mai 2014. C’est en visitant cet endroit le samedi 23 avril 2016 que j’ai voulu parler un peu plus de ce projet. Comme toutes les histoires, cette partie débutera par un schéma narratif en remettant le lieu dans son contexte et en présentant les acteurs

Histoire du territoire avant projet

San Cristobal se situe dans le district de Villaverde à plus de 8km du centre-ville de Madrid. Le quartier se créé dans les années 1960. L’idée était de construire une nouvelle zone résidentielle où la population ouvrière serait proche de son lieu de travail, les zones industrielles de Villaverde et de Getafe. Ce projet est à l’initiative de trois promoteurs immobiliers espagnol : El Organismo de Poblabos Dirigos, Norah S.A et RENFE. Le résultat est qu’en 1985 on compte plus de 4000 logements répartis dans 127 bâtiments. Cette rapide expansion a engendré une détérioration prématurée des bâtiments aboutissant à la démolition de 200 logements71. Pourtant au début du projet rien ne laissait présager cette dégradation. En effet, cet emplacement de 42 hectares jouit d’un excellent emplacement géographique et d’un marché de caractère favorisant l’identité et la cohésion sociale du quartier. Aujourd’hui, la population de ce quartier se constitue essentiellement d’ouvriers métallurgiques, de familles de ferronniers, d’ouvriers du bâtiment et de fonctionnaires. Se rajoutent à ces personnes des familles nombreuses et des «expulsés» du centre ville. 71 PEREZ QUINTANA, Vicente. San Cristobal de Los Angeles, experienca singular de revitalizacion de un barrio de la periferia madrilena. p13-15

majeurs de ce projet. Ces écrits sont inspirés d’un recueil réalisé par une association présente dans ce quartier, «La Unidad de San Cristobal».Ensuite le processus du projet y sera développé en s’appuyant sur les sites internet des trois groupes d’architectes ayant participé à ce projet. Et enfin, je parlerais de mon expérience personnelle lors de la visite de ce site en avril 2016 lors de la journée du livre, en décrivant mes observations, mes sensations et mes entretiens informels avec les personnes présentes sur le lieu.

De plus, l’identité du quartier est définie comme hétéroclite, il rassemble plus de cinquante nationalités différentes. En 2011, la population étrangère de ce quartier représentait 39,8% de la population totale. Pour résumer, le quartier de San Cristobal a réussi à attirer rapidement une population variée grâce à ces logements attractifs financièrement et à sa proximité avec le centre ville. Néanmoins, les problèmes généralement rencontrés dans les quartiers périphériques des métropoles sont également présents. En effet, les bâtiments se détériorent rapidement. Afin d’insuffler une dynamique positive à ce quartier, un programme nommé ARI (Aréa de Rehabilitacion Integral) est débuté en 1999. Ce projet, d’un budget de 17 649 900 euro, financé par des promoteurs immobiliers et des aides publiques, a pour but la reconstruction de ce quartier. La rénovation se déroule en trois étapes distinctes géographiquement et chronologiquement avec comme objectif de réhabiliter 4313 logements. L’avancement des travaux en 2011 est le suivant; 1000 logements ont été réhabilités et 200 restructurés. Ce qui représente un pourcentage de rénovation des habitations de 21%.


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Fig 22 : Vue générique de San Cristobal de Los Angeles, photo personnelle, 2016

Présentation des acteurs L’apparition de ces problèmes n’est pas un phénomène récent. En effet déjà en 1975, soit seulement 15 ans après la création du quartier, des habitants s’associent sous le nom de «La Unidad de San Cristobal» pour dénoncer la présence de fissures sur le bâtiment. Ils sensibilisent ainsi le pouvoir public afin de ne pas être délaissé lors des futurs plans de rénovations urbaines. Encore aujourd’hui, cette association lutte pour la réhabilitation et la construction d’équipements collectifs au sein du quartier. Voyant que la situation ne s’améliore pas, elle organise des manifestations afin d’avoir un impact plus important. Le 17 octobre 2004, avec le slogan «No somos el Bronx» («nous ne sommes pas le Bronx») elle signale que le quartier n’a pas seulement des problèmes liés à la délinquance. Le 28 septembre 2007, une autre manifestation a lieu pour affirmer qu’une cohabitation pacifique et positive est possible «Por una convivencia pacifica y positiva entre todos». Cette multiplicité d’action soulevant les vrais problèmes de ce quartier a incité les membres de l’association à lancer le projet Autobarrio Sancris en 201272.

d’investigations, de production et de gestion culturelle»73, c’est à dire qu’ils ne créent pas des projets spatiaux essentiellement. Ils enclenchent des processus à travers des évènements, ils organisent ainsi de nombreux workshop, installations artistiques, programmes de gestions, articles et ont réalisé plus de 100 projets dans le monde. Leur base est à Madrid mais ont aussi un bureau à Sao Paulo et Bilbao74. Les collaborateurs participants à la conception de ce projet commencent avec le collectif d’artistes BoaMistura, suivi par l’association d’architectes française Collectif ETC. BoaMistura est une équipe multidisciplinaire, basé à Madrid depuis 2001, avec notamment des compétences dans le street art. Amis, cette équipe travaille sur les espaces publics avec la population du quartier en proposant des peintures murales colorés75. Quant au Collectif ETC que nous avons rencontré à plusieurs reprises dans ce mémoire, est une association d’architectes basée à Marseille, venu aider à la conception de ce projet, leur temps de présence y est de deux semaines.

Pour organiser le projet, l’association fait appel à l’agence madrilène Basurama, En Espagne, Ils sont connus pour leurs nombreuses démarches participatives. Ils se décrivent comme une «agence

73 DIAZ DE QUIJANO, Fernando. Basurama, arte y reflexion con desperdicios (12/04/2013) dans C el Cultural. Disponible sur http://www. elcultural.com/videos/video/1039/DINAMIZADORES/Basurama_arte_y_reflexion_con_desperdicios (Consultée le 30/04/2016) 74 BASURAMA, http://basurama.org/basurama/ (consulté le 01/04/2016)

72 PEREZ QUINTANA, Vicente. San Cristobal de Los Angeles, experienca singular de revitalizacion de un barrio de la periferia madrilena. p43

75 BOAMISTURA, http://www.boamistura.com/index.html (consultée le 25/04/2016)


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Processus du projet

Le processus du projet est basé sur un principe de co-conception, géré par Basurama, le divisant en quatre étapes: Une phase d’investigation où le groupe d’architecte et les associations locales font l’état des lieux des ressources dans le territoire. Cette étape permet de coordonner les ressources existantes, qu’elles soient matérielles ou humaines, afin de constituer la base du projet.76 La phase de design avec l’approche de Basurama (Fig 25), des habitants, des associations et des collaborateurs pour la conception du projet situé sous un pont délaissé. Puis succède la phase de construction et d’habilitation, avec les mêmes acteurs, qui élaborent le projet en deux jours. Et enfin la phase d’autogestion et des usages quotidiens où les concepteurs disparaissent pour laisser la liberté aux habitants de vivre dans leurs espaces. La troisième phase du processus est elle même répartie en trois phases. La première intervention est organisée par un collectif d’artistes BoaMistura peignant avec l’aide des habitants lors de Week-ends festifs la fresque «Barrio de colores» (Quartier de couleurs) sur le mur du fond puis le sous-fond du pont et des piles le soutenant. Les lignes picturales épousent les lignes structurales de l’édifice en y apportant un mélange de couleur représentant la diversité sociale du quartier. La conception et la réalisation sont réalisées en équipe avec les habitants du quartier en une semaine.77 Le Collectif ETC entre dans la seconde étape avec les associations locales et Basurama afin de créer les installations. Après trois jours de discussions, les équipes retiennent deux espaces distincts: un espace scénique près de la fresque et un espace de jeux au centre. L’architecture de l’installation s’inspire d’un imaginaire «apaches» comme une allégorie à la métisation du quartier (Fig 23). Elle devient une ré-interprétation avec un jeu coloré de typologies triangulaires rappelant les dessins «apaches» sur les piles du pont. Ces triangles se construisent à partir de 16 dimensions 76 DIAZ DE QUIJANO, Fernando. Basurama, arte y reflexion con desperdicios (12/04/2013) dans C el Cultural. Disponible sur http://www. elcultural.com/videos/video/1039/DINAMIZADORES/Basurama_arte_y_reflexion_con_desperdicios (Consultée le 30/04/2016) 77 BOAMISTURA, http://www.boamistura.com/index.html (consultée le 25/04/2016)

Fig 23 : Recherches lignes graphiques par BioMIstura, © BioMistura, 2012.

différentes en fonction des madriers disponibles (provenant par ailleurs des déchets du chantier de Herzog et de Meuron d’un complexe bancaire dans la banlieue de Madrid). Ces dimensions constituent la base de la structure, assemblée ensuite selon les goûts des habitants. Ainsi, chaque triangle est unique dans sa composition. (Fig 24) Après 10 jours de construction, 80 modules sont construits, les réalisateurs procèdent désormais à un assemblage dans la même logique triangulaire autour d’un totem-tipi, en y ajoutant des tables, chaises et espaces de jeux.

Fig 24 : Schéma des structures triangulaires, 2013, © ETC.


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Fig 25 : Schéma explicatif de l’organisation du processus par Basurama, 2012, © Basurama..

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Espace de jeux Fig 26 : Vue d’ensemble du projet Autobarrio Sancris,2016, San Cristobal, Madrid. Photo personnelle,


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Espace scĂŠnique

Espace de ventes

Table pour enfants


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Retours d’expérience après 3 ans Aujourd’hui qu’est devenue cette installation? Trois ans après sa construction, j’ai voulu voir ce que pouvait générer ces processus de création. Dans la matinée du samedi 23 avril 2016, journée Fig 27 : Affiches de l’événement, 2016 photo personnelle, de la fête du livre, je me suis rendue dans ce lieu. Ma démarche était d’observer quel était le niveau d’appropriation de cet espace par la population. Au départ, il a été difficile de trouver l’emplacement du projet puisqu’il n’est pas indiqué et se situe sous un pont, un lieu difficilement repérable dans une ville. C’est la vue d’une foule, au loin, qui a attiré mon attention: à ma grande surprise, en contraste avec le reste du quartier, cet emplacement grouillait de monde. J’ai pu constater, à cette occasion, que le lieu était vivant, coloré et collectif. Pour cet évènement, chaque habitant lisait deux minutes du livre Don Quijote sur l’espace scénique. De tout âge, tout sexe, seul ou en groupe, toutes les communautés ont utilisé cet espace afin de prendre la parole et ainsi partager un moment de la culture espagnole à travers ce célèbre ouvrage écrit par Cervantes. En face de l’espace de lecture, des stands de ventes de livres accompagnent l’événement. Ces ouvrages sont proposés à des prix très attractifs, aux alentours de 3 euros. Les vendeurs sont des jeunes entrepreneurs qui saisissent cette occasion pour se faire connaître. L’association «La Unidad de San Cristobal» est également présente. Leur stand consiste à expliquer leurs démarches afin d’embellir le quartier. De plus, un ouvrage gratuit rassemblant leurs idées est proposé à la population renforçant ainsi leur engagement. Par le biais d’activités simples et peu onéreuses, la population prend possession du projet, le transformant en véritable place urbaine, avec des activités commerçantes, des jeux pour enfants et un espace scénique. Tout l’espace est utilisé, il est ainsi difficile de se rappeler que l’on se trouve sous un pont.

Fig 28 : Espace de jeux, 2016, photo personnelle.


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Fig 29 Stands commerçants et leurs marchandises, 2016, photo personnelle,

Fig 30 : L’espace scénique et son public, 2016, photo personnelle,

Fig 31 : Exemples d’habitants lisant l’ouvrage sur l’espace scénique, 2016, photo personnelle,

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Conclusion

Les installations urbaines,

Quelles opportunités architecturales? Que raconte les retours d’expériences? Quelles figures architecturales nécessitent les installations?

Fig 32 : Ta tata en tutu sous la douche sonore, 2014, Pont de la Concorde, Paris. © ETC


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Les installations interrogent le métier d’architecte à travers son existence, son processus et ses interactions. Certes ces interactions peuvent éloigner l’objet de l’architecture car rien n’est sectorisé dans la manière de concevoir mais c’est cette communication avec l’extérieur qui rendent les installations innovantes. La première partie nous a alors démontré ce rapport entre les installations et l’architecture. Leurs proximités avec les autres disciplines de la conception, leurs limites infime avec le domaine de l’art et l’absence d’expertise rendent la catégorisation des installations floues comme des semi-architectures colorées de compétences multidisciplinaires. Nous avons alors vu dans la seconde partie que leurs apparitions ne sont pas anodines. Elles sont basées sur de nouvelles manières de concevoir, régies par les interactions entre les différents acteurs. Cette nouvelle forme de conception est initiée par une démarche spontanée puis menée par des actions rapides, réelles et construites, sur le territoire dont il est question. En ayant mis en parallèle les installations avec leurs concepteurs, nous avons aussi vu que les installations interrogent l’architecture à travers de nouveaux concept généraux. Les concepteurs s’intéressent aux lieux que les citoyens veulent préserver. Ils se focalisent également sur les éléments abandonnés par les pouvoirs publics ou les déchets matériels. Cette vision négative des abandons est devenue désormais positive car ces sites sont devenus plus fertiles à l’expérimentation. En parallèle du développement exponentiel des installations, qui répondent aux problèmes de notre société européenne, un nouveau regard sur celles-ci s’envisage. La troisième partie a ainsi croisé leurs processus afin de définir des typologies, se distinguant plus par leurs questions face au territoire plutôt que les réponses proposées. Qu’elles soient éphémères ou pérennes, les installations reflètent alors une envie de création spontanée et collective plutôt qu’une envie matérielle finale. Il est alors intéressant de remarquer la force que génère ces processus sur le long terme avec notamment le projet

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de l’Autobarrio Sancris. Ce projet, d’un coût minime, a transformé un lieu anodin en une vraie place de village avec un grand nombre d’activité proposé de manière citoyenne. Cette visite éclaire alors une dernière interrogation sur les installations, celle des retours d’expériences. Lors des récits sur les processus de co-conception, la temporalité est à court terme, mais signifie-t-il pour autant que la vie des installations ne se prolongent pas à plus long terme? Pour conclure ce mémoire, nous verrons que plusieurs opportunités à la conception architecturale sont ouvertes grâce à ce processus. à plus long terme, les installations dévoilent trois figures de l’architecte qui peuvent se compléter entre elles. La première se formule autour de «l’architecte médiateur» qui consiste à devenir un intermédiaire entre les élus et les citoyens, entre les professionnels privés et publics et entre les entrepreneurs et les constructeurs. La position de l’architecte est au cœur des échanges et le rend indispensable dans la communication autour d’un projet. La seconde facette met en lumière d’autres acteurs souvent délaissés dans la réflexion urbaine: les usagers. L’architecte devient «un spécialiste de la concertation» qui ouvre le métier à partager ces savoirs et à répondre à des besoins réels et actuels des habitants. Cet aspect renvoi à la notion d’éducateur où l’architecte sensibilise et interagit avec les citoyens sur leurs espaces quotidiens démontrant qu’ils peuvent eux-mêmes devenir acteurs de leur territoire. Dans cette optique, l’espace urbain devient un lieu d’échanges qui ne demande qu’à évoluer de manière incrémentale offrant des possibilités de réajustement plus fréquente. La dernière facette est alors l’architectechercheur qui profite de ces mutations urbaines lentes et nombreuses pour expérimenter de nouvelles possibilités dans la manière de concevoir, de construire et de vivre l’urbain. Cette dernière figure développe la notion de système où l’expérience devient un système qui peut se répéter.


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L’architecte médiateur Plus qu’un concepteur, l’architecte devient un médiateur qui provoque les interactions entre les acteurs de disciplines différentes. Dans les projets étudiés précédemment, nous avons vu une multitude de disciplines intervenir dans la conception d’un projet: artistes, sociologues, graphistes, électriciens... Sur le long terme, il est important de signaler que cette méthode de conception a permis la création de nouveaux partenariats et ainsi de créer plus

d’innovations. Mais la médiation peut être délicate en terme d’organisation. Il peut être difficile de planifier des rencontres entre les différents acteurs à cause de leurs agendas chargés. Enfin, certains acteurs, comme les politiciens est à questionner plus en détails. En effet, il se peut que la coopération entre la politique et l’architecture puisse aboutir à des projets adaptés, mais elle peut être aussi une limite à la durabilité et à l’évolution du processus.

Créer de nouveaux Partenariats À travers la co-conception et les processus à long terme, les installations ont provoqué des partenariats inattendus. Ces collaborations s’exploitent à travers différents modes de rendus, qui ne se repère pas nécessairement dans une production spatiale. Les partenariats intègrent des acteurs d’ordre privé où l’entreprise trouve ses intérêts dans les expérimentations pour élaborer des recherches en vue d’innover. C’est notamment le cas de Bellastock qui collabore avec l’Ademe qui finance leurs recherches sur les matériaux issus des démolitions. Leur partenariat se fait sous forme de rapport où le groupe d’architectes rassemble les données scientifiques issues des résultats des expériences constructives. Les installations nourrissent ce rapport car elles sont à l’initiative des expériences et le rapport nourrit les installations en découvrant de nouvelles recherches à expérimenter. En contrepartie, l’implication de l’Ademe dans ces recherches donne de la légitimité au travail de ces architectes ainsi

Partenariats

qu’un poids financier. «L’important est de ne pas se fermer et aller discuter avec ces gens là (en parlant de Bouygue), car ce sont eux qui font la ville. On essaye de rentrer dans ces gros projets, même si on ne représente qu’une goutte d’eau.»78 Les partenariats privés permettent aux associations d’intégrer des processus dans des projets plus importants, notamment ceux dirigés par les promoteurs dans l’idée de créer des projets à la fois quantitatifs et qualitatifs. Les entreprises privées commencent à s’intégrer dans le processus, et peuvent même en devenir commanditaire comme c’est le cas pour le projet «BIGRE! La maison des chantiers» du Collectif ETC dans la ZAC du centre ville de Biganos. L’association intervient dans le projet issu d’un appel à concours par l’aménageur Aquitanis en 2015. Ce projet devient un lieu d’interface accueillant les habitants et associations aux débats du projet à travers une installation évolutive. 78 BLOT Maxence. Co-fondateur de l’association Collectif ETC. Interviewé le 16/12/2015 . Annexe 5

«Du Biogaz pour les chocolats»

Dans le Béarn, des agriculteurs installent une unité de méthanisation à l’aide d’un financement citoyen. L’énergie produite alimentera l’usine Lindt voisine. «Ce projet présente un triple intérêt : le traitement des déchets agricoles, l’épandage des résidus de fermentation (digestats) comme amendement des sols et la vente d’énergie verte en substitution de gaz naturel, d’où un bénéfice pour le climat. 250000 euros, dont 30% apportés par EPI ‘Energie partagée investissement), additionné de 585000 euros de prêts en comptes courants d’associés, 1.7 millions d’euros apportés par l’Ademe, le département et la Région, saluant le caractère novateur de l’initiative. JADOT Yannick, «du biogaz pour les chocolats» Politis hors série, novembre-décembre 2015, n°63, 33-34


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Les institutions: un frein à la conception Cependant, les retours d’expériences nous montrent clairement une limite commune à la médiation à travers le rôle des institutions dans la création. Dans l’article «Nous voulons faire bouger le modèle» du Magasine Trait Urbain, le collectif ETC témoigne d’une «inertie» de la part des institutions concernant la conception des espaces publics contrairement aux habitants et aux associations. Le côté positif de cette inertie est la remise en question de la légitimité des pouvoirs publics. Elle démontre que les décisions peuvent être dirigées par les usagers79. Or cette inertie peut devenir une contrainte pour pratiquer l’incrémentalisme des installations. 79 DELACORNE, Basile, «ETC Nous voulons faire bouger le modèle». Trait Urbains, novembre 2015, n°78, p34-37.

Fig 33 : Plan d’interventions des architectes dans le projet Vitrolles 2013, © ETC

En effet, les élus politiques sont les premiers commanditaires des installations, mais ce sont aussi ceux qui arrêtent le processus. Plusieurs cas se sont présentés dans les retours d’expériences. Le premier cas est le projet de Vitrolles, où plusieurs des groupes d’architectes sont intervenus dans le cadre du projet de ville «Vitrolles-Echangeur» écrit par Gabi Farage du Bruit du Frigo (Fig 33). Durant deux mois, en juin et juillet 2013, Bellastock, le collectif ETC, EXYZT et les Saprophytes conçoivent des installations sous le projet commun« Made in Vitrolles». Le projet est lancé par la Mairie dans l’espoir de fédérer services municipaux, habitants, associations et artistes. Ainsi, le collectif ETC propose le projet «le Manège» sur le rond point à coté de la gare routière.


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Cette installation marque la porte d’entrée de la ville tout en créant un espace chaleureux et accueillant au milieu de la circulation dense80. Bellastock, quant à lui élabore 4 structures «recherches-actions» servant de mobilier urbain conçu par 150 étudiants et jeunes professionnels des métiers de la création avec des matériaux locaux réemployés81. Plus immatériel, les Saprophytes communiquent avec les Vitriolais afin de comprendre l’imaginaire urbain de la ville dans le désir «d’expérimenter la possible mutation du centre urbain à un centre ville»82. Enfin, EXYZT créé le projet «Oasis», un espace public où il est possible de se rafraîchir grâce à des équipements aquatiques. Le principe du projet Vitrolles part d’une bonne volonté, en créant plusieurs processus pour dynamiser la ville à travers différents groupes d’architectes travaillant de manière coordonnée. Or, le projet n’a aucune répercussion sur le long terme, selon Paul Chanterau de Bellastock, «Vitrolles est un échec car la ville n’a pas suivit derrière». En effet, ces architectes proposent des projets qui n’ont pas de précédent pour argumenter les effets finaux. Pour que l’expérimentation soit accomplie, elle nécessite une réelle dynamique de la part des services de la ville. « Mais influer la volonté au partenaire est vraiment compliqué, surtout si c’est à grande distance. C’est là que c’est hyper fragile, on fait des écarts d’échelles, entre éphémère et durable, mais qui n’est pas encore intégré dans la pensée de ceux d’en face. »83 D’autres projets comme Vitrolles ont été arrêtés à cause des institutions, parfois de manière inexpliquée comme ce fut le cas avec le projet de Grésilab proposé par «le Bruit du Frigo» dans la commune de Gennevilliers en 2014. Ce projet était une installation mobile et les habitants avaient la possibilité d’exprimer leurs pensées sur les espaces publics récemment réalisés par la commune. Les architectes étaient sur le point de restituer une exposition avec des débats sur le devenir des espaces publics et une publication qui était chez l’imprimeur lorsque les institutions publiques ont décidé de censurer le projet. Datant de 2014, Grésilab était au moment des élections municipales, arrêtant ainsi ce processus. 80 COLLECTIF ETC, DIsponible sur http://www.collectifetc.com/realisation/le-manege/ 81 BELLASTOCK, Disponible sur http://www.bellastock.com/realisations/made-in-vitrolles/ 82 LES SAPROPHYTES, Disponible sur http://www.les-saprophytes. org/index.php?cat=vitrol 83 CHANTERAU, Paul, Co-fondateur de l’association Bellastock. Interviewé le 5/12/2015/

Voila c’est la limite de l’exercice, en projet les gens sont à fond avec nous même si au départ c’est une commande politique, mais le maire est passé à autre chose, plein de raisons injustifiables en plus, des peurs irrationnelles parce qu’être sur le terrain avec des habitants c’est quelque chose de très compliqué à gérer pour eux. » Déclare Yvan Detraz du Bruit du Frigo84. Le travail de l’architecte médiateur peut alors s’avérer compliqué. Il nécessite de clairement identifier les différents acteurs. Ceux qui veulent participer à la conception d’un projet communautaire et ceux qui veulent participer pour améliorer l’image de la ville.« On le sent quand les personnes veulent que l’image, des fois on se plante comme à Reims dans le quartier croix rouge»85. Maxence Blot du Collectif ETC explique ce phénomène à travers son expérience à Reims avec le projet «Et si on essayait pour voir?» en juin 2013. Cette installation préfigure et accompagne un nouvel équipement culturel dans le quartier Croix Rouge86. Situé à coté de la ligne de tramway, le projet se voulait fédérateur sur le thème de la musique. La mairie, appartenant à un partie politique de gauche, était active et voulait de la communication entre ses habitants. Des associations étaient aussi impliquées dans la démarche avec des jeunes «de bas d’immeuble» qui venaient aussi participer dans les interventions. Le projet était alors sous une bonne dynamique jusqu’à ce que la mairie change de politique et devienne une mairie de droite, choisissant d’arrêter le processus car le budget était jugé trop important à l’intervention, préférant investir dans des caméras de sécurité. « C’est triste, car le projet est vraiment dépendant des politiques, on avait réussi à faire plein de choses, mais ça s’est balayé un très peu de temps.»87 Ainsi, les raisons telles que le changement de mandat, période électorales, «peurs injustifiées», peuvent empêcher le développement des processus sur du long terme. Ces échecs mettent en avant le fait que la co-conception est importante pour mener à bien le projet mais que la démarche est trop dépendante du système politique. 84 DETRAZ, Yvan. Co-fondateur de l’association Le Bruit du Frigo. Interviewé le 01/12/2015. Annexe 3 85 BLOT Maxence. Co-fondateur de l’association Collectif ETC. Interviewé le 16/12/2015 . Annexe 5 86 COLLECTIF ETC, Disponible sur : http://www.collectifetc.com/ realisation/croix-rouge-sequipe-_-et-si-on-essayait-pour-voir/ 87

Ibid n°85


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L’équilibre de la médiation est par ailleurs la clef pour ne pas tomber dans «le faire-valoir» comme explique le témoignage d’Alice Frémeaux, architecteurbaniste ayant co-conçue avec le Collectif ETC sur le projet «La place du Géant» à Saint Étienne88. Selon elle, pour éviter que le rôle d’activation tombe dans l’anecdotique, les collectifs doivent être ancrés sur le territoire d’interventions pour jouer sur les relations de confiance avec les acteurs locaux. La proximité des architectes et leurs médiations sur le long terme apparaissent alors comme des solutions possibles face aux imprévus politiques.

Fig 34 : Photo «Le banquet», plateforme commune 2013, © ETC

88 DARRIEUS, Margaux, « Collectifs d’architectes », Le moniteur d’architecture, avril 2014, n°232, p.63-72.

Fig 35 : Photo «Le manège», 2013, © ETC.

Sciences «Les médicaments de demain seront faits sur mesure»

Fig 36 : Photo «festival made in Vitrolles» de Bellastock, 2013 © ETC

«En rapprochant les disciplines, en croisant ce que l’on connait du génome, du microbiome, les données de capteurs et des objets connectés, on va aboutir à une médecine préventive et à des traitements dépersonnalisés d’ici dix à quinze ans. Les médicaments de demain seront faits sur mesure. «J’ai co-fondé Hello Tomorro Challenge Paris justement pour favoriser l’interdisciplinarité, inspirer et promouvoir les jeunes qui veulent transformer des technologies en produits pour apporter des solutions aux enjeux majeurs du XXIème siècle. SCHERRER Matthieu, entretien Xaver Duportet «Les médicaments de demain seront faits sur mesure» L’express, 20 au 26 janvier 2016, n°3368 p19-20 et p4p19-20 Fig 37 : Photo «L’Oasis» de EXYZT, 2013, © ETC


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Spécialistes de la concertation Pour compléter les compétences de «l’architecte médiateur», la notion de «spécialistes de la concertation» est un terme employé pour désigner les architectes qui perçoivent les usagers comme le cœur du processus. Cette notion est une nouvelle

figure officielle du métier d’architecte, dont les installations en sont la représentation. L’opportunité qui émerge de cette figure est celle de sensibiliser la population à devenir acteurs de projet.

Un terme officiel

Sensibiliser à devenir acteur

«Il y a désormais une nouvelle ligne dans le cahier des charges, et ça grâce au travail acharné de personnes comme ceux du Bruit du Frigo, qui obligent dans certains projets à faire appel aux «spécialistes de la concertation»» Maxence Blot- Collectif ETC89 Cette notion peut faire interférer deux prises de position: d’une part les architectes peuvent la considérer comme péjorative vu qu’ils sont plus reconnus comme animateur qu’architecte, d’autre part, ils peuvent la considérer comme une ouverture en tant que concepteur-pédagogue. La simple mention de ces termes dans un cahier des charges légitime ces processus en reconnaissant que la concertation favorise un changement urbain positif et permettant des processus sur du plus long terme. La ZAC de Biganos dont nous avons parlé dans les pages précédentes appelle le Collectif ETC en tant que «spécialiste de la concertation». L’installation évolue en fonction du projet urbain, permettant la création d’un lieu d’information et de débat pour les habitants. Ici, l’installation ne s’oppose pas au projet des promoteurs, elle le suit afin de permettre une meilleure appropriation entre l’usager et le bâtiment . 89 BLOT Maxence. Co-fondateur de l’association Collectif ETC. Interviewé le 16/12/2015 . Annexe 5

Fig 38: : «Café sur place», 2013, place Dormoy, Bordeaux © ETC.

«Dans ces projets là il y a deux objectifs parallèles, le premier c’est de répondre aux besoins pragmatiques, d’identifier des besoins sur un territoire et de trouver des solutions, et puis l’autre c’est de tisser du lien sur le territoire où on intervient, de créer des conditions pour que les gens se disent que c’est possible de monter des actions collectives» Yvan Detraz Cet objectif touche les installations à court terme et éphémères, qui disparaissent quelques jours après leurs conception. Que deviennent les espaces et les acteurs du processus lorsque le groupe d’architectes n’est plus là? Plusieurs possibilités optimistes ressortent des retours d’expériences des installations. De manière générale, le processus continue et se développe grâce à la création ou à la légitimation d’une association d’habitants de quartiers. Ces groupes sont importants dans le maintien des installations et sont surtout porteurs de nouvelles commandes aboutissant à des projets durables sur


Quelles nouvelles pratiques architecturales montrent les installations urbaines ?

leurs espaces de vie. Une installation peut alors être pérenne grâce à une association comme la place Dormoy à Bordeaux ou l’installation ‘La Plage» à Mérignac. Concernant le premier exemple, le projet «Café sur place» réalisé par le Collectif ETC lors du «Détour de France» existe encore aujourd’hui sur la place de Bordeaux. Cette installation était initialement prévue pour une durée de 6 mois, elle est toujours présente 3 ans plus tard. L’histoire de départ a commencé par l’association d’habitants Yakafaucon qui se questionne sur ses pouvoirs dans son environnement urbain. Elle a ainsi conçu avec le groupe d’architecte cette installation dans l’espace public qui évolue selon les activités du café «au petit grain»: point d’ancrage de l’association. Aujourd’hui, l’installation est toujours présente, certes en mauvais état car elle n’a pas été prévu pour durer aussi longtemps mais les membres de l’association la répare et la maintienne pour qu’elle continue à accompagner leurs activités. Lors de l’entretien, Maxence Blot signale que ce projet est souvent critiqué car le sens n’est toujours pas visible. En effet, l’installation est présente sur une place peu connue et peut sembler banale et morose lorsque le café est fermé. Mais c’est ce point qui est intéressant: «café sur place» et Yakafaucon sont dépendantes. Le projet est vivant seulement en semaine lorsque le café est ouvert. Elle devient alors un évènement à la ville qui s’anime avec les activités du quartier, elle appartient à ses habitants. De plus, l’association après avoir vu qu’il était possible de devenir acteur, tente désormais de

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devenir plus importante. Elle essaye désormais de trouver une place plus importante dans la conception de la place. En effet, lors de grands projets urbains traversant cette place, tel que Re-Centres90 et Euratlantique, Yakafaucon intervient pour démontrer l’impact positif de son installation sur le quartier. D’autres installations urbaines sont encore présentes aujourd’hui alors que leurs conceptions étaient prévues pour quelques mois. Elles peuvent faire office de place de village comme le projet «La Plage» du Bruit du Frigo : « C’est devenu la place du village, le projet évolue d’années en années par l’ambition des collectifs d’habitants ». Yvan Detraz Elles peuvent aussi générer d’autres activités comme «Pimp my Descartes» de Bellastock au sein du campus Descartes à Marne la Vallée, un processus qui réuni des associations pour être maître des usages du lieu. Par l’intermédiaire de réunions puis d’un chantier, l’installation a attiré plusieurs étudiants qui ont proposé des usages comme une scène ou un bar. L’installation, après deux ans, existe toujours et génère d’autres processus pour développer ce projet. « [...] nous allons travailler avec les écoles pour la transformation de cet espace par des workshops avec plusieurs disciplines scolaires: urbanistes, architectes, designers… Mais travailler avec des écoles c’est super lourd, administrativement. Être dans une association c’est super efficace, on est contre des grosses machines, avec des calendriers différents, une notion de temporalité différente. » Paul Chanterau Ces retours d’expériences prouvent l’utilité des «spécialistes de la concertation». Ils ne sont plus amenés à seulement réaliser des projets spatiaux. Ils mettent en place des installations sur mesure comprenant ainsi les besoins locaux. Le résultat de ces concertations et compréhensions se traduit par la possession du projet par les citoyens devenant ainsi acteurs et concepteurs et permettant une évolution temporelle de celui-ci.

90 Bordeaux 2030, Disiponible sur: http://www.bordeaux2030.fr/ bordeaux-demain/recentres/sainte-croix-dormoy


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L’architecte Expérimental ouvrier La dernière figure éclairée par les retours d’installations est «l’architecte expérimental ouvrier». Cette figure se distingue des deux précédentes par son éloignement avec les processus de conception. Elle est plutôt à la suite des influences architecturales basées sur l’expérience. Elle se caractérise par la concrétisation de systèmes architecturaux par l’élaboration de concepts qui peuvent se répéter selon les besoins des territoires.

Créer des systèmes La dernière ouverture à la conception est la création de systèmes. Comme il a été déjà dit, ce n’est pas la finalité de l’objet qui est importante mais les processus utilisés à sa mise en place. Le processus de cette expérience met en forme les idées utopiques de Yona Friedman et de la Team Ten: l’architecte est un concepteur de mécanismes plutôt que d’objet et un mécanisme peut s’adapter à plusieurs situation, être flexible. On peut faire l’analogie entre les idées de ces concepteurs et celles des années 1970. Yona Friedman a d’ailleurs été le parrain du festival de Bellastock en 2015. Selon lui, « La conception de la mobilité ce n’est pas de construire des caravanes, c’est comment un espace est capable de s’adapter à l’évolution de la vie de ces habitants. » propos recueillis par Paul Chanterau. Par conséquent, les installations créent un système urbain, adaptable selon les besoins de la population. Ces systèmes sont alors des concepts qui peuvent s’adapter à plusieurs situations. Deux exemples de mécanismes appuient ces propos, un à l’échelle nationale et l’autre à l’échelle internationale. Le premier exemple est le «Papomo» du Collectif ETC à Marseille. Ce projet mobile déjà expliqué précédemment a pour objectif d’être associatif et permet une expression dans des lieux publics. Cette idée s’est formalisée en un amphithéâtre en kit stocké dans la Belle de Mai de Marseille. Dernièrement, la ville de Lyon a demandé au collectif ETC d’exporter ce projet dans leur ville pour pouvoir l’utiliser comme dans la ville de Marseille. Le groupe d’architectes a alors préféré

Sciences « Des «systèmes» de villes

Assistés par l’Institut des systèmes complexes de Paris, les chercheurs du laboratoire Géographie cités ont modélisé l’émergence de ces systèmes de villes. «On voit des processus d’auto organisation se mettre en place à partir de villes interconnectées s’échangeant des personnes, des biens, des informations...», décrit la géographe Denise Pumain, auteure d’une théorie de l’évolution des villes. Plutôt que des galaxies, les cités formeraient des écosystèmes, des réseaux dans lesquels des villes spécialisées (dans l’extraction minière, la production d’acier...) côtoient de grandes villes généralistes et interagissent avec elles. Y compris sur de longues distances, comme entre Paris et les grandes villes d’Europe, d’Amérique, du Japon, du Maghreb.... Sur le long terme, cette dynamique interurbaine, domine tous les autres facteurs de croissance. «La complémentarité naturelle entre les villes montre la nécessite de préserver leur diversité économique et sociale, avertit Denise Pumain. Il ne faudrait surtout pas chercher à faire converger toutes les aires urbaines vers un même modèle.»» NOUYRIGAT, Vincent, «Réinventer la ville». science & vie, mai 2015 n)1172 p55

envoyer les plans du projets plutôt que de l’exporter matériellement. Le message de ces architectes est de dire que l’objet ne leur appartient pas, ils sont désintéressés de la forme et de l’exclusivité du concept. Au contraire, ils préfèrent multiplier le processus pour démocratiser l’usage de l’architecture et pouvoir utiliser ce kit autant que possible. Le deuxième exemple est l’exportation dans plusieurs pays du festival mis en place par Bellastock. Il est intéressant alors que le nom de Bellastock qui représente le groupe d’architectes devienne le nom du festival. Cette propagation a commencé avec des étudiants français en Erasmus au Danemark qui ont reproduit ce concept au cours de l’été 2011. Depuis quelques années, le processus se reproduit, notamment en Espagne avec Madstock, mais aussi en Turquie, en Grèce, en Chine, au Canada, au Mexique et au Chili. Dans ces projets, l’architecte n’est pas un concepteur d’espace, mais un concepteur d’idées vouées à se propager. L’ampleur du projet ne se distingue pas par ses prouesses techniques, constructives et spatiales mais par sa capacité à propager un réseau d’idées.


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Fig 39 : © Bellastock - Mexico 2012 - Istanbul 2013 - Santiago 2014 Santiago 2014 - Madrid 2014 - Athènes 2014

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Fig 40 Partie de l’affiche du film «Demain», un film documentaire mettant en avant des récits provenant des initiatives citoyennes réalisé par Mélanie Laurent et Cyril Dion. Année de sortie; 2015.


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Un phénomène propre à L’architecture? Les installations urbaines n’ont pas l’ambition de remplacer les autres projets existants ni de devenir nécessaires dans chacune des associations ou agences architecturales. Elles servent plutôt à compléter ce système en rayonnant à une échelle locale. Le résultat de leurs multiplications est la création d’un écosystème par le biais d’un réseau complexe. Elles mettent en valeur un lieu délaissé d’un quartier et l’intègrent, par l’intermédiaire des concepteurs, en tissant des liens entre les acteurs impliqués (entrepreneur, promoteur, usagers, artistes, élus…) l’insérant dans un réseau qui soit à l’échelle locale jusqu’à une échelle métropolitaine. Les installations urbaines sont alors des solutions optimistes face aux délaissés urbains et aux ségrégations sociales en sensibilisant la population à changer ces espaces plutôt que de les fuir ou de les subir. Au cours de ce mémoire, des vignettes se sont glissées en parallèle de l’analyse. Interdisciplinaires, elles démontrent que ces principes de conceptions, de processus et d’idées ne sont pas spécifiques à l’architecture. Tout comme l’agriculture qui peut être urbaine, l’économie qui peut être décentralisée, la politique qui peut être associative; l’architecture peut être dépossédée de son architecte. C’est ainsi que les installations ne montrent pas seulement un changement dans le métier de l’architecte, mais un changement d’état d’esprit général. Elles participent à cette volonté du retour vers le local, à la recherche de circuits courts, à la solidarité et à l’expérimentation.


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Remerciements Un mémoire, c’est des heures de recherches, d’écrits, de questions et de doutes. Je tiens ainsi à remercier mon directeur de mémoire Xavier Guillot pour son enthousiasme et sa curiosité devant ces écrits et Julie Ambal pour cette organisation sans faille. Merci à Yvan Detraz, Maxence Blot et Paul Chanterau pour ces discussions autour de cafés. Vous m’avez démontré par votre accessibilité, votre simplicité, votre optimisme et votre modestie qu’il y a d’autres avenir à l’architecture. Je remercie aussi Anais Turquetil et Alexia Barritault pour leurs commentaires et leurs critiques depuis le début de cette expérience. Un grand merci à Tiffany Gomez, Vincent Santacru et Isalynne Gennaro pour avoir eu le courage d’améliorer la syntaxe et l’orthographe. Por fin, gracias a David Perez, Rocio Piña y Carmelo Rogriguez de Enorme studio para este practicas donde he aprendido mucho con muchas feliz y risas.


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Ouvrages: ALEXANDER, Christopher, Notes on the Synthesis of Form, Cambridge, Harvard University Press, 1964 (traduction française : De la synthèse de la forme, Paris, Dunod, 1971). ANDRES Lauren, « L’intérim, le temporaire et la veille comme enjeux d’une ville réversible et éminemment mutable. in SHERRER, Franck, Villes, territoires, réversibilités, Colloque de Cérisy, (4-10 septembre 2010). Paris, Hermann, 2013, p56 BLANC, Jean-Noël, La fabrique du lieu (installations urbaines), Saint Étienne, Publications de l’Université de Saint Étienne, 2004. BOLLON, Patrice, « Pour un nouveau "droit à la ville"», Architecture d’aujourd’hui, janvier/février 2012, n°387, p110-117. BONNAUD, Xavier, « En quoi la pensée du recyclage peut-elle enrichir nos imaginaires urbains ? ». in R. D’ARIENZO/C.YOUNES ; Pour une écologie des milieux habités, recycler l’urbain, Italie, Métis Presses vuesDensembleEssais, 2014. BOUCHAIN Patrick, Histoire de construire, Vérone, Actes Sud, 2012 COLLECTIF ETC. Détour de France, Une école buissonnière. Rennes, Hypervilles, 2015. COSTES, Laurence, Henri Lefebvre, Le droit à la ville, Paris, Ellipses, 2009. CHADOIN, Olivier, Être architecte. Les vertus de l’indétermination. De la sociologie d’une profession à la sociologie du travail professionnel, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2013, p384 D’ARIENZO Roberto, « Liminalité : des restes urbains inévitables, ambigus, précieux », in. D’ARIENZO/C. YOUNES ; Pour une écologie des milieux habités, recycler l’urbain, Italie, Métis Presses vuesDensembleEssais, 2014. GWIAZDZINSKI, Luc. «De l’hypothèse de réversibilité, à la ville malléable et augmentée: vers un néo-situationnisme» . in SHERRER, Franck, Villes,

territoires, réversibilités, Colloque de Cérisy, (4-10 septembre 2010). Paris, Hermann, 2013 KROLL Lucien, « Techniques contre humanisme », in R. D’ARIENZO/C.YOUNES ; Pour une écologie des milieux habités, recycler l’urbain, Italie, Métis Presses vuesDensembleEssais, 2014. LE CORBUSIER, Vers une architecture. Paris, Flammarion, 1923. LEFEBVRE, Henri, Le droit à la ville, Saint-Amand, Points, 1968. LE MAIRE, Judith, Lieux, biens, liens communs. Bruxelles, Editions de l’université de Bruxellles, 2014. LÉVI-STRAUSS, Claude. La pensée sauvage. Paris, Pocket, 1990. Le MAIRE, Judith, Liens, biens, lieux communs. Bruxelles, Edition de Bruxelles, 2014 MARREY, Bernard, Architecte, du maître de l’œuvre au disagneur, Paris, Éditions du Linteau, 2013, p166 PEREZ QUINTANA, Vicente. San Cristobal de Los Angeles, experienca singular de revitalizacion de un barrio de la periferia madrilena. p13-15 REY Emmanuel, « Régénération des friches urbaines : entre enjeux stratégiques et complexités opérationnelles ». in. D’ARIENZO/C.YOUNES ; Pour une écologie des milieux habités, recycler l’urbain, Italie, Métis Presses vuesDensembleEssais, 2014. ROBOIS Didier, ROLLOT Mathias, « Upcycler l’urbain : quelles opportunités en jeu ?, in R. D’ARIENZO/C. YOUNES ; Pour une écologie des milieux habités, recycler l’urbain, Italie, Métis Presses vuesDensembleEssais, 2014. SECCHI, B. Un progetto per l’urbanista, Turin, Einaudi, 1989. SCHUMPETER, Joseph, Histoire de l’analyse économique [1954], 2 vol, Paris, Gallimard, 2004. SHERRER, Franck, Villes, territoires, réversibilités, Colloque de Cérisy, (4-10 septembre 2010). Paris, Hermann, 2013.


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Bibliographie TEAM TEN, «The Doorn manifesto». MIT Press second edition 1974 (first edition 1968). TERRIN, Jean-Jacques, Le projet du projet : concevoir la ville contemporaine, Marseille, Edition Parenthèses, 2014. VIALE, Guido, « La seconde vie des choses. ». In R. D’ARIENZO/C.YOUNES ; Pour une écologie des milieux habités, recycler l’urbain, Italie, Métis Presses vuesDensembleEssais, 2014.

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janvier-février 2007, n°368 p66-68 KOFLER Andreas, «Ré appropriation citoyenne», Archirecture d’aujourd’hui, novembre 2015, n°409, p57 PICOUT, Laurie, « Le chantier comme condition », Architecture d’aujourd’hui, juin 2014, n°401, p73-75 RACINE, Achille, « A quoi pense la jeune génération ? », Architecture d’aujourd’hui, juin 2014, n°401, p64-73. ROULET, Sophie, «Kroll, architecte du désaccord». Architecture intérieure, CREE, juin, juillet, août 2013, n°231/362, p38-40 ZILIO Marion, «METAVILLA : du lieu au lien, vers une éthique du devenir-monde». Branded Magazine, Décembre/Février 15/16, n°13, p 23-33

Sites internet : ARCHDAILY, http://www.archdaily.com/, (consulté le 20/02/2016) ARCHILOVERS, http://www.archilovers.com/ (consulté le 20/02/2016) ATELIER D’ARCHITECTURE AUTOGEREE, Urbantactics. Http://www.urbantactics.org/homef.html (consulté le 26/10/2015) ASSEMBLE, Assemble. http://assemblestudio. co.uk/?page_id=48 (consulté le 30/10/2015) BUSQUET, Grégory, « L’espace politique chez Henri Lefebvre : l’idéologie et l’utopie ». http://www.jssj. org/wp-content/uploads/2013/09/JSSJ5-3-fr1.pdf (consulté le 25/10/2015). BASURAMA, http://basurama.org/basurama/ (consultée le 01/04/2016) BOAMISTURA, http://www.boamistura.com/index. html (consultée le 25/04/2016) CAUE, ABCdaire du particulier, Ordre de l’architecte. Disponible sur http://www.urcaue-idf.archi. fr/abcdaire/imprimer.php?fiche=269. (Consulté le 05/03/2016)


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CHARDRONNET, Ewen, « Collectif Exyst : douze ans de machines à habiter ». http://www.makery. info/2015/03/03/collectif-exyzt-douze-ans-de-machines-a-habiter/ (consulté le 26/10/2015)

Bibliographies des vignettes.

BOUVAIS, Walter «Les emplois de demain» Terraeco COLLECTIF ETC, http://www.collectifetc.com/, hors série, hiver 2014-2015, p90 (consulté le 10/10/2015) CHARTIER, Claire, entretien Christophe Bouton BELLASTOCK, architecture expérimentale, http:// «L’urgence nuit à la démocratie».L’express, 20 au 26 www.bellastock.com/. (consulté le 07/11/2015) janvier 2016, n°3368 p49 LES SAPROPHYTES, http://www.les-saprophytes. DROIT, Roger-Pol. «La solidarité retisse nos liens», org/index.php?cat=cham. (Consulté le 10/11/2015) Clés, octobre, novembre 2015, n°97, p92 LE BRUIT DU FRIGO, http://www.bruitdufrigo.com/. HEILBRUNN, Benoît, «partager plutôt que possé(consulté le 05/12/22015) der». Études, Revue de culture contemporaine, mars 2016, n°4225 p41-49

VIdéo:

NOUYRIGAT, Vincent, «Réinventer la ville». science & vie, mai 2015 n°1172 p55

DIAZ DE QUIJANO, Fernando. Basurama, arte y reflexion con desperdicios (12/04/2013) dans C el JADOT Yannick, «du biogaz pour les chocolats» PoCultural. Disponible sur http://www.elcultural.com/ litis hors série, novembre-décembre 2015, n°63, 33videos/video/1039/DINAMIZADORES/Basurama_ 34 arte_y_reflexion_con_desperdicios (Consultée le 30/04/2016) PORTEVIN, Catherine, «Richard Sennett «La coopération est l’art de vivre dans le désaccord»». PhilosoDONADA, Julien. Les visionnaires, une autre histoire phie magazine. mars 2015 n°87 p70-75 de l’architecture. Petit à petit production, France, 2013, Documentaire, 71min SARTRE, Jean-Paul. L’existentialisme est un humanisme. Paris, Gallimard, 1996 DARMON, Gérard. Nous trois sinon rien, avec Kheiron, Leïla Bekhti, France, 2015, Comédie dramaSENNETT, Richard. Ce que sait la main, La culture tique, 124min de l’artisanat, AlbinMichel, 2010, p20

Entretiens:

SCHERRER, Matthieu, entretien Xaver Duportet «Les médicaments de demain seront faits sur meBLOT Maxence. Co-fondateur de l’association Col- sure» L’express, 20 au 26 janvier 2016, n°3368 p1920 lectif ETC. Interviewé le 16/12/2015 CHANTERAU, Paul, Co-fondateur de l’association Bellastock. Interviewé le 5/12/2015/ DETRAZ, Yvan. Co-fondateur de l’association Le Bruit du Frigo. Interviewé le 01/12/2015.


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Le Papomo

Collectif ETC

Belsunce Tropical

Gérard Situ Ta tata en tutu sous la douche sonore

Commanditaire

Situation géographique

Collectif ETC

Structure mobile, stocCréé en septembre 2015 kée à la Belle de Mai de Temps indéterminé d’utilisation: Marseille selon la commande Quartier Belsunce, 3 au 8 Novembre 2014 Marseille

Collectif ETC

Conseil général de l’île de Saint Denis avec le dispositif INSitu APUR Arteva

École Phillipe d’Aulnay, Paris

1 an. 2013-2014

Sous le pont de la Concorde, Paris

9 au 14 décembre 2013 et 21 au 26 avril 2014

Grand hall du bâtiment Tertre, Université de Nantes

7 au 18 avril 2014

Place Dormoy, Bordeaux

2 au 14 avril 2012

association du quartier de San Cristobal

San Cristobal de Los Angles, Madrid

L’année 2013. Le collectif ETC intervient 2 semaines

Commune Saint Denis

Écoquartier fluvial de l’île Saint Denis.

4 ans (de 2012 à 2015) Avant le projet de la ZAC

Ville de Strasbourg

Parvis de la médiathèque Malraux. Strasbourg.

7-14 décembre : analyse des ressources disponible sur le territoire 2 au 6 mars2015: workshops

Bellastock

Bruyère sur Oise

13 au 16 mai 2012

Invité par Louise Hochet, Yoven Chromé et QuenHall vivant, hall tin Bodi (plasticienne, utile designer et graphiste de Art Vivant Art Utile) Place Dormoy Association Yakafaucon dans le cadre du «Détour de France» autobarrio Sancris

Bellastock

ActLab

Le Shadock, hors des murs. Festival «Ville en un souffle»

Durée du processus


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Annexe 01 Tableau comparatif: collectif ETC // bellastock

Structure de l’installation Acteurs dans la mise Enjeu principal en œuvre

Et après?

Amphithéâtre en bois, peint de différentes couleurs.

Graphistes Formes Vives+ Pierre Tandille

Utilisation d’une structure pour organiser des débats dans l’espace public

Utilisé par les associations de Marseille. Système demandé par les autres villes

Structure modulaire en bois supplée par des éléments programmatiques accompagnés par des photos et des pièces graphiques

Bureau de l’Envers + Graphiste Pierre Tandille

Montrer à la société Soleam que mettre un immeuble d’habitation est contre l’utilisation actuelle de la place

Structure paysagère (herbe + sable) qui entoure une structure en bois Murs en miroirs séparés par un sol en parquet flottant

Classe de 5e + Paysagistes Scénographe + électricien + graphistes + bureau de contrôle ICE + artistes

Change le projet de Soleam. La ville fait à nouveau appel aux collectif ETC pour d’autres expériences de ce genre. Débattre sur la conception Se termine après l’année par l’implication des enfants scolaire Proposer de nouveaux usages

Assemblage de mobiliers dans TU (Théâtre Universitaire), des modules différents qui sont FUN (Festival Universitaire mobiles selon les usages du Nantes) hall.

Questionner les usages sur différentes temporalités dans le cadre d’une future rénovation

Structure en bois séquencées: terrasse de café / plateforme fixe liant le café à la place

Association Yakafoucon Paysagiste Friche and Cheap

Deux installations: une scénique et l’autre comme espace de jeux, avec du bois récupérés des chantiers aux alentours Réutilisation de matériaux de la friche pour faire une architecture de stockage à grande échelle.

Artistes BioMistra et Basurama dans la gestion principale du chantier.

L’association s’interroge sur son rôle dans l’espace public. Engager un processus sur l’espace public. Créer un espace pour l’association de voisins, voulant réagir sur son quartier.

Dôme importé de Bellastock Création de mobiliers divers par les bénévoles.

Architectural Visuel Exciters Institut National des Sciences appliquées 1300 participants 1300 participants + écoles d’architectures

Plusieurs installations gonflables

D’autre professionnel participe et s’informe dans ce chantier ouvert.

Structure enlevée pour le chantier de la rénovation.

Devait durer 6 mois, mais le projet se rénove depuis 3 ans. L’installation existe encore aujourd’hui. Les installations existent encore aujourd’hui. Le lieu est devenu comme une place de ville. Laboratoire manifeste sur le Donne de la légitimité réemploi à l’association par une recherche scientifique sur les matériaux de déconstructions Réalisation mobilier sur la place avec des matériaux de réemploi

Travail sur les interconnections entre les participants

Structure réutilisée pour des workshops


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Le Bruit du Frigo

The Ring

Grésilab

Chamarande les bains Guinguette Shunfeng

Assemble

Les Saprophytes

L’urgence de la sieste

The place to bêêêe

Unité de diffusion fongique The Cineroleum

Enorme

Urban Spa

Las 3 Marias HYpertube

Commanditaire

Situation géographique

Durée du processus

Bruit du Frigo

Quartier Benauge, Bordeaux

Été 2013 Du 28 juin au 26 juillet

Ville de Gennevilliers

Quartier de Grésilab

4 jours 29 mai au 1er juin 2013

Domaine Chamarande Chamarande, Essonne

26 mai au 30 septembre 2013

Consulat de France de Shunde Canton et de la ville de Parc Shufeng Shunde

2011

Association «les Moyens du Bords» et le Comités de chômeurs du pays de Morlais. Fructôse, dans le cadre de Dunkerque, capitale régionale de la culture.

Le jardin solidaire à Morlaix

1 mois mai 2012

Môle 1 de Dunkerque

2 mois mai-juin 2013

Les Saprophytes

Quartier Fives à Lille

Depuis 2014

Assemble

Clerkenwell road

6 semaines 2010

ISAD [Instituto Superior de Arquitectura de Chihuahua]

Parque Urueta, colonia Obrera. Chihuahua, México.

1 mois 2015

Comission presidential Pinto Salinas. Caracas, 1 mois del Moviento por la Venezuela. juillet 2014 Paz y la Vida Cultural Actions for Te- Tetuán. Madrid 2013-2014 tuán District Cityscape Quality Improvement


Quelles nouvelles pratiques architecturales montrent les installations urbaines ?

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Annexe 02

Tableau comparatif: Le bruit du frigo, les saprophytes, assemble, enorme studio Structure de l’installation

Acteurs dans la mise Enjeu principal en œuvre

Ring en bois

Association les fauvismes Parc Pinçon

Projet d’activation urbaine en Pas de suite. Projet resvue de concevoir collectivement sort des problématique un aménagement pérenne mais expérience annulé

5 structures mobiles avec des programmes spécifiques de couleurs rouges

Habitants

Projet pour association dans le Liste hiérarchisée de but de savoir comment les habi- choses à modifier + tants voient le projet déjà réalisé exposition mais censuré par les élus

Espace de baignoire en miroir du bassin intérieur

Questionne sur ce qui fait patrimoine

Installation inspirée de guinguette, lieux de loisirs

Galerie d’art de Deyn Ping Pong center for performance art

Mobiliers en bois qui ponctuent le parc;

Usagers du parc dans l’éla- Signaler les points de vue intéboration d’une signalétique ressants et caractéristiques du jardin : paysage, détails...

Enclos mobiles en bois où les chèvres peuvent se déplacer librement tout en restant en groupe. Installation intérieure qui sert de laboratoire à la production de pleurotes

Question et espace public à travers d’autres cultures

Et après?

Création d’un véritable projet mais abandonné avec le changement de mandat Festival utilise encore l’installation

Mettre les chèvres dans l’espace public pour créer un élément pertubateur dans la vision du parcours de l’urbain. Habitants et associations fivoises

Créé un système d’autoproduction et d’échange de savoir faire autour de l’agriculture urbaine

Matériaux recyclés ou industriels

100 volontaires 16 artistes et designer

Proposer de nouveaux usages dans un espace «mort» par la dynamique habitante.

Bassin aquatique circulaire entouré d’une structure en bois et des échafaudages métalliques Modules triangulaire métalliques qui créés un typographies artificielles

Usagers + Avec Mexicain designer duo Memela, local architects Juan Castillo and Miguel Heredia and designer Miguel García. Agence Oficina Ludica

Créer une installation de quartier à coté du parc en collaboration avec les gens du quartier.

Agence Taller de Casqueria + représentants politique et habitants.

Créer un espace public en commun pour les habitants et par les habitants de la communauté. Devenir un nouveau lieu de rendez-vous pour les habitants du quartier.

Existe toujours. Les habitants l’ont amélioré avec terrains de sports. Interdit d’accès, jugé dangereux.


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01 // Pourquoi avoir eu l’idée de créer un collectif ? Alors…. C’était pas dit qu’on allait créer un collectif déjà. Tout à démarrer quand on était à l’école de Bordeaux, euh… Il y a eu à un moment donné un contexte favorable, une sorte de prise de conscience, que les choses, pour nous en tout cas, n’allait pas dans l’enseignement, dans la pédagogie. On était en 1995 un peu près. C’était une année où il y a eu des grèves dans toutes les écoles, par rapport aux changements de ministères. Du coup on a souhaité saisir ce moment pour penser les fondements de l’école, les projets pédagogiques. Il y a eu des difficultés, ce n’était pas du tout envisagé par le ministère. Çà a durer deux mois, sans cours. Çà a été un moment ou on s’est posé beaucoup de questions, puisqu’on avait du temps. Puis c’était un peu notre mai 68 à nous, il y a avait déjà quand même des choses qui nous creusaient dans la tête quand on est rentré dans l’école. Pas tout de suite, mais ça nous ai venus très rapidement. Des choses n’allaient pas, parmi ces choses là on ne comprenait pas pourquoi on était aussi peu en contact avec l’extérieur. Surtout peu de contact avec les usagers, les habitudes, bien sûr on allait prendre des relevés, des photos, mais on n’avait pas plus de liens. Mais est qu’on ne pourrait pas imaginer des actions ou faire un atelier sur site pour comprendre?, mais on nous disait « non ce n’est pas possible ce n’est pas comme ça qu’on travail, ils n’ont pas forcément grand-chose à dire c’est nous les professionnels, pas eux ». Nous on ne mettait pas les mots qu’on parle aujourd’hui hein, on ne parlait pas de coproduction, de participation de maître de usages, on ne pensait pas que ça pouvait exister.

02 // Il y a alors eu une évolution entre l’état d’esprit de vos débuts avec celles d’aujourd’hui? Tout à radicalement changer, à l’école ce qui nous manquait c’était la fabrication, le faire qui existait pourtant dans les écoles avant. Il y avait aussi le coté pluridisciplinaire, à Bordeaux on était avec des paysagistes avec qui il ne passait rien, ce qui est pitoyable. On cherchait un petit peu à travailler avec des géographes, des ingénieurs. Il y avait un tas de questions qui a fait qu’on s’est dis que ce n’est plus architecte. Il y a d’autres manières de travailler l’architecture, en dehors de la maitrise d’œuvre classique, à travailler dans un bureau pour un client avec un programme qu’on lui donne etc. Il y a peut être des terrains à investir, à l’interface avec des politiques, du technique, des terrains concepteur ; est qu’on peut investir ces interstices, ou selon nous on faisait le constat de coopération, de dialogues pour travailler ensemble, alors pas tellement avec les techniques hein,. Du coup on a commencé dans un paysage ou rien n’existait ou on savait que des choses étaient menés dans 6070 mais qui n’existait plus, qu’il y avait quelques structures en France sur processus participatif dans les espaces urbains mais c’était extrêmement rare, en tout cas ici ça n’existait pas. On s’est dit on vas essayer de construire un projet, associatif, en dehors de l’école.

03 //Vous avez commencé alors commencé l’expérience en tant qu’étudiant ? Oui, troisième année et on essayait de trouver des endroits de projets. En gros au début on travailler dans les ateliers, places publiques, on invitait des gens à prendre le café, c’était assez simple hein mais on avait besoin de ça. Très vite on s’est rendu compte qu’il y avait un vrai potentiel de travail, une vrai nécessité sociale puis un vrai désir public populaire de se dire «voilà ça nous intéresse la vie de notre quartier de notre ville».

04 // Quelles sont vos influences ? Plus artistes, à la bibliothèque à Bordeaux on regardait plus les travaux d’artistes. Ça se voit dans notre pratiques. L’École de Chicago.. des choses nous a influencé mais voila...


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Annexe 03

Entretien avec Yvan Detraz // bruit du frigo // 01.12.2015 // 11h // à la cité numérique de bordeaux. Il n’y a pas de méthode de travail, les clients sont très différents; plusieurs profils. Le plus commun c’est les collectivités soit en appel d’offres soit commande direct par la mise en place processus de participation sur un projet urbain, soit on travaillait tous seul et après on restitue nos conclusion et font ce qui veulent. Bon c’est un peu hasardeux. Et de plus en plus c’est un processus intégré, on travail avec la maitrise d’œuvre, concepteurs, paysagistes, urbaniste, sur des appels d’offres ou des compétences sont demandés, ou en tout cas la notre est demandé ce qui est une nouveauté aujourd’hui, depuis 3 ans. Donc ça premier type sur processus participatif. Ensuite il y a le cas où l’on est demandé par un processus culturel, artistique, comme le cas de centre d’arts, de biennale sur les questions urbaines, artistiques. Sur des sujets de travailler une installation éphémère, une œuvre en lien avec l’espace public, qui fait appel à l’usage aux visiteurs qui veut venir.

05 // Et dans d’autres cas c’est vous le commanditaire. Pourquoi ? Une partie de nos projets sont de notre initiative et ça dès le départ, parce qu’on avait tout simplement pas de clients. On a toujours gardé ça car c’est pour nous un vrai terrain d’expérimentation parce qu’on fait ce qu’on veut, enfin on travail sur un terrain particulier avec un sujet, un partenaire particulier, on va définir un projet, l’écrire nous même, chercher des financements.

06 // Pourquoi la commune est-elle commanditaire ? On fait ça a Bordeaux, après pas mal d’année quand on s’est fait connaitre. Après coup on nous disait que notre travail était super qu’ils avait des lignes de crédits pour nous. Fallait écrire des projets, répondre aux subventions. Aujourd’hui, c’est compliqué de faire un aménagement de projets, d’espace urbain sans impliquer une concertation. Après il y a tout et n’importe quoi. Impliquer la population ça peut être créer une réunion et puis basta. Les gens sont des spectateurs et n’ont pas leur mots à dire jusqu’au processus de coproduction. Aujourd’hui le panel est extrêmement large, le panel des habitants est extrêmement ouvert. Mais c’est vrai qu’il n’y a plus de projet urbain ou il n’y a pas d’implication des citoyens d’une manière ou d’une autre. Nous on est clair avec eux dès le début, on leur dit «c’est un travail prospectif, des choses sortirons ou pas», l’important c’est aussi le process. Dans ces projets là il y a deux objectifs parallèles, le premier c’est de répondre aux besoins pragmatiques, d’identifier des besoins sur un territoire et de trouver des solutions, et puis l’autre c’est de tisser du liens sur le territoire qu’on intervient, de créer des conditions pour que les gens se disent bien tiens et si on bossait ensemble, et si on essayait de monter des actions collectives. Avec nous ou sans nous, sans nous d’ailleurs c’est d’autant mieux. Il y a des associations qui se sont montées, des collectifs d’habitants. Nous on a initié les gens, on leur a seulement montrer que c’était possible, voila créer des conditions pour dire que c’est à nous de faire. On essaye de répondre à ces deux objectifs.

07 // Quels sont les obstacles rencontrés au cours des processus? Des obstacles il y en a plein, il y a des endroits c’est très difficile de créer des liens avec des gens. S’il n’y a pas de groupes associatifs existants, de gens locaux, de professionnels, c’est quand même très compliqué. Nous on travail jamais seul sur un territoire, en tout cas on essaye de repérer qui agit, des structures qui peuvent nous aider, parce qu’ils connaissent le territoire, ils savent qui peut nous aider et le plus souvent trouvent des partenaires de projets qui financent. C’est pas tout le temps là, on peut arriver dans des contextes où il n’y a pas cette association, de mobilisation, on rame là, on galère, c’est très compliqué. Il y a aussi parfois l’inertie des villes, même si elles font appel à nous, parfois c’est très compliqué


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et du politique qui peut changer à tout moment, d’autant plus quand on est en période électorale, là c’est complètement irrationnel. Voila, 2014 par exemple, là tous nos projets se sont envolés à cause de ça.

08 // Quelles sont les finalités des installations? L’installation n’est pas une fin en soi, c’est juste un outil pour créer une attraction, une attention sur un territoire un temps donné c’est-à-dire que si on veut impliquer une population dans une démarche collective, nous on peut faire ça dans une réunion, mais c’est assez stérile, ce n’est pas stimulant, on évite. Être dans une salle, ce n’est pas possible quoi, donc du coup on créer des formes, mais des formes c’est dans l’espace public. Donc du coup la forme elle-même c’est un objet de curiosité, le chantier est un temps de médiation, d’informations, sur qui on est, ce qu’on fait etc. On n’a pas besoin d’affiches, de flayers… Pour nous c’est un outil, un levier, après il n’y a pas un schéma figé, il y a des installations qu’on enlève après, d’autres qu’on laisse un an, deux ans et on se dit tiens on va vraiment essayer de la laisser, de la mettre en œuvre pour qu’elle soit durable. Ça c’est déjà fait pas sur des installations en soi mais sur des occupations d’espaces. Le jardins de ta sœur à Bordeaux, le jardins des remparts, on a enlever le truc mais ça reste ouvert, oui il y en a eu plein.

09 // Il y a eu des retours des personnes? Installations fait moins parler parce qu’on les enlèvent, mais ça laisse place à autre chose. Pour Chamarande les bains, l’installation devait rester un an, mais elle est restée l’été suivant, puis trois années de suite, puis en faite la population voulait une véritable installation pérennes avec de vrais équipements, avec un circuit d’alimentation d’eau, un projet global mais il y a eu un changement de politique et tout est tombé à l’eau. Pour Grésilab, le dispositif mobile a été conçu pour deux choses, le premier pour réunir les gens mais aussi pour à posteriori, les associations du quartier. Avec de quoi ils avaient besoin pour l’espace public, un goûter avec les enfants, enfin peut importe, on a dessiné en fonction aussi de ça puis après, qu’est ce que ça a donné enfaîte rien parce que c’était en 2014 et il y a eu les élections, on était sur le point de restituer une exposition avec des débats sur le devenir des espaces publics et une publication qui était chez l’imprimeur, et ils ont décidé de tout censurer, donc pas de suite. Alors on a balancé les affiches en téléchargement aux gens pour qu’il y est accès. Voila c’est la limite de l’exercice, en projet les gens sont à fond avec nous, même si c’est une commande politique hein, au départ c’est une commande politique mais le maire est passé à autre chose, il a eu trop peur, je ne sais pas, plein de raisons injustifiable en plus, des peurs irrationnels parce qu’être sur le terrain avec des habitants c’est quelques choses de très compliqué à gérer pour eux. La commande était une évaluation sur un quartier qui a été rénové, il ne s’agit pas de faire une concertation pour faire un projet mais plutôt pour voir maintenant comment ça vit. Grésilab était une approche de finition, sur l’aménagement à la marge pour finir un aménagement tout neuf. On a donné un panel d’idées à la mairie, hiérarchisé, c’était à elle de décider si il y avait des choses à faire ou pas. Les gens était content de l’aménagement, juste petite modification à la marge, pas de coût énorme, c’était que du positif mais ils ont paniqué. The Ring était pour travailler sur la théorie de l’aménagement, une demande de Juppé. C’est une réflexion globale sur le parc « j’aimerais bien que vous continuez à travailler sur le lien social avec les habitants, sur les projets » « Le ring » est un aménagement co-imaginé avec les gens, mais ça c’est mal passé car le service d’espace vert ne voulait pas de nous, ils ont fait semblant puis ils ont finis par nous éjecter. On était allé jusqu’à l’esquisse d’un aménagement de 200 m2, avec de l’espace public pour le quartier. On disait à la mairie que ce n’est pas un jardin botanique, c’est un vrai lieu social à s’approprier, pour vivre les lieux, mais ce n’est pas leur approche, ils veulent faire du vert quoi, de l’esthétique. On


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leur a dit de penser à l’usage, mais pour l’instant rien n’a était fait, ils veulent aménager le devant de l’école mais ça ne va pas plus loin. Mais c’est une catastrophe, on est resté deux ans avec les habitants pour sortir un projet mais qui n’a pas été réalisé. C’est compliqué à monter. A Paris les jardins existent depuis 2009, marche super bien. Le jardins de ta sœur donne lieu à un vrai projet avec collectif d’habitants. Et Meriadeck, c’est devenu place du village. Évolue d’années en années.

10 // Pour les projet à étranger, comme celui réalisé en Chine, comment est réalisé le processus? En Chine c’était très compliqué, c’était sur la question de l’espace public demandé par le consulat. Beaucoup de problèmes car beaucoup d’interdictions politiques, notamment pour mettre des baignoires. On a essayé de trouver des connections entre la culture locale et des usages français comme des concerts. Mais c’était très compliqué pour eux de sortir de leur cadre traditionnel. Mais ce qu’on a appris récemment c’est qu’on a initié un festival, mais qui existe toujours. Ils font le festival sous une autre forme. L’objectif est de mobiliser les gens autour d’un système, de la question de l’espace public. C’est très bien qu’on est déjà à la troisième génération des collectifs, c’est bien qu’on est ouvert des portes. On a des contacts avec tout le monde. Ce n’est pas le même travail, d’autre mise sur le coté social, d’autres événementiel, d’autres participatifs mais le fond commun est de penser sur le processus. Très peu de collectifs travaillent longtemps sur le terrain, les saprophytes travaillent longtemps sur un territoire, compliqué à mettre en œuvre longtemps. C’est une vraie lame de fond: on modifie le rôle de notre profession, par rapport à la société, et on invente d’autres façons de penser la ville, on peut faire différemment que les « Ginko » qui dépensent des millions sur des territoires, mais ce n’est pas faisable, on a fait les mêmes conneries dans les années 70 et là on refait pareil. Certes il y a besoin de logements mais on peut se dire sur tous les espaces publics créés en France, on peut dire qu’on en prend seulement deux et on verra dans 1015ans comment ça marche et quels sont les bienfaits de ce processus. J’aimerais bien travailler à plus grande échelle, mais on est tellement anecdotique en tant qu’acteurs que ça marche pas, par exemple travailler sur le territoire nord atlantique, il y a des appels d’offres sur concertations, mais nous en tant que collectif on se ferait complètement piégé, anecdotique, ne servant que d’animateur, d’image, on est trop petit. On maitrise beaucoup plus sur échelle plus petite, qui marche après par contamination.


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01 // Comment a commencé Bellastock? On essaye de comprendre comment un événement viens interroger des territoires et va mettre en perspective le devenir des délaissés. Ça a commencé en 2010 festival sur ancienne carrière. Au début c’était une opportunité, après fait c’était des réflexions. 600 personnes pour créer un parc, ça n’a pas marché mais on voit le potentiel. Puis il y a eu l’évolution des festivals, voit le potentiel de créer ensemble par négociation, de prendre du pouvoir. Mais festivals donne beaucoup de déchets, que faire de ces déchets ? L’expérience est devenue un support de workshop avec déchets, pour épuiser les déchets. 2012 : Le challenge a été de se dire: on doit arrivé à ne plus produire de déchets, donc on créé un festival avec des déchets comme ressources. Trouve friche industrielle sur île saint Denis nommée les entrepôts de Printemps, commencé à réemployer un bout de ce territoire, considéré comme déchet mais eux l’ont vu comme une ressources. 4 Prestataires : matériaux des participants avec que des déchets, avec grosse boites de traitements de déchets : Veolia , Paprec, Dubrac et identifié avec eux ce qu’il gère comme déchet, ce qu’ils peuvent en faire comme matériaux. Ils classent leurs matériaux, et détourne les matériaux, à la place de le mettre à la benne, passe par le site pour le déposer et le reprend après, durant 5 jours. Détourne quinzaine de bennes, les entreprises y voient leurs intérêts car c’est valorisant pour eux, de leurs métiers. Après ça ne coûtait pas grand-chose pour eux. Dans le festival les participants se servaient de ce qu’il voulait et après il devait remettre dans les bennes pour que les entreprises puissent les récupérer dans la bonne filière. La ville éphémère était construite par ces matériaux. Puis projet il y a eu l’éco quartier qui commençait dans cet endroit là, avec des débuts de plans et surtout des manifestes un peu politique, genre une charte. On s’est rendu compte qu’il y avait des trucs qu’ils n’étaient pas en mesure de la faire, notamment c’était écrit : « dans l’éco quartier on va réemployer au moins trois matériaux issus de déconstruction des entrepôts du printemps »et ça ils n’avaient aucuns outils opérationnels à mettre en place. Du coup on propose de monter un lieu pour rendre opérationnel cet outil de développement des matériaux. Les deux points majeurs qu’on a identifié était le réemploi et accompagné l’évolution de la transformation de ces matériaux du quartier. Du coup on a créé actlab : un laboratoire manifeste de réemploi. Il s’est créé en début 2013 avec une convention, rapide. On a une zone pour expérimenter des matériaux de démolition pour en faire des prototypes et les réinsérer dans l’espace public. Processus de vie d’un bâtiment devrait être très proche d’un processus de vie d’un paysage. C’est un processus qu’on livre, pas un bâtiment. Ça nous a donner des notions un peu abstraite, mais qui nous a donner envi de voir d’une autre manière. Regarder le cycle de vie d’un bâtiment. 2014 : Double festival un en France et un en Chine sur l’eau. Pu avoir une comparaison de deux événements identiques mais qui ne sont pas passé du tout de la manière, qui demandait déjà des matériaux différents puisque l’on travail avec des matériaux locaux. Yona Friedman était le parrain du festival 2015 Sa vision des choses est très intéressante, selon lui « la conception de la mobilité ce n’est pas de construire des caravanes, c’est comment un espace est capable de s’adapter à l’évolution de la vie de ces habitants. » Ce processus est un outil de recherche/actions, la thématique devient prétexte à identifier et connaitre en plus des compétences pour l’association. C’est des connaissances partagées le plus possible, on capitalise tout, on fait des bilans de publications, on diffuse le plus possible, pour revoir un peu la culture architecturale. En faisant des choses il y a des questions qui sont apparus, on a fait le processus à l’envers de ce qu’on apprend à l’école d’habitude tu te pose des questions puis tu fais et nous on fait des trucs et ça fait émerger des questions.


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Annexe 04

Entretien avec paul chanterau // bellastock // 5.12.2015 // 14h // à l’école d’architecture de belleville. Parallèlement à ça en 2013, on a crée Actlab. Actlab professionnalise la profession. Devient salariés. Donne des compétences sérieuses à l’association. Fait des chantiers collectifs dans l’espace public. Projet Vitrolles, 150 à construire des installations dans l’espace public. Pas mal d’années de festivals, développent des compétences : organiser un chantier collectif. Capable de coordonner compétence de chantier. Avec Actlab, on récupère des échantillons de démolitions de chantier et on teste des procédés techniques, travaillant avec des gens différents pour travailler sur la recherche. C’est financé par la commune et l’Ademe pour la recherche sur la mise en place du réemploi dans le BTP. On fait donc des produits prototypes et des carnets de recherches. C’est un travail en deux axes: le réemploi et l’accompagnement culturel de chantier : les deux communiquent et se nourrissent. On accueil de plus en plus des professionnel : entreprises, Bouygues, archi, maître d’ouvrage, voient tous une nouvelle bulle économique, puis élus, institutionnel. Travail est de mettre des dispositifs pour rassembler et se rencontrer les uns aux autres. Se mélangent de manière informelle, de manière atypique, dans un chantier. La commande d’Actlab est une prestation sur la filière du réemploi. Il y a 6 secteurs activités : l’expertise du réemploi. Regarde avant démolition les éléments qui peuvent être gardé. Conserve des éléments pour réutiliser. Passe par la phase de stockage. Actlab c’est une architecture de stock. Il sera finis quand il n’y aura plus rien. A coté on fait aussi des recherches pour l’ADEME et des stratégies urbaines qui cherchent à savoir comment accompagner l’aménagement d’espaces, en agissant avant par installations. Créer une dynamique, mobilise des acteurs locaux. On fait aussi de la formation et de la sensibilisation: pédagogie au delà partenariat avec les écoles d’archi, travail avec enfants, et avec des professionnels. Enfin on fait de la production/construction : gestion opération chantier et production « de jeunes talents », donne des projets à des adhérents de l’asso, accompagné par salarié, sur réemploi. Né dans la construction du festival. On créé nouveau métier, clairement métier d’architecte, mais pas architecte maître œuvre, concepteur, médiateur, beaucoup dans la médiation, beaucoup sur le terrain. Puis comprendre, de travailler dans le processus, dans le mouvement perpétuel.

02 // Comment marche le processus de médiation? En travail en amont, on mobilise les acteurs du territoire, soit avant soit pendant soit après. L’installation temporaire est prétexte pour quelque chose d’autre derrière. C’est un prétexte pour créer une dynamique. Ce n’est pas une démarche seulement avec les habitants, qui ne sont pas forcément intéressés, plutôt avec les associations, les institutionnels, les entreprises. Première opération: se fait connaitre dans les locaux. « On va faire ça ». Fait ce qu’ils disent, attirent d’autres dynamique, procure des usages, sert à des gens plus ou moins indirectement. Par exemple, Pimp my descartes est un projet dans un processus installation urbaine. Réunis associations pour maître d’usage d’un lieu. Il y avait pas mal de réunion, sur le terrain. On a créé un chantier qui attire, plusieurs étudiants proposent usages : une scène, un bar… On leur explique qu’un espace public doit servir à d’autres usages, simples et adaptables. On créé un cahier des charges avec les associations, qui s’impliquent dans le processus. Aujourd’hui l’installation et encore en place, nous allons travaillé avec les écoles pour la transformation de cet espace par des workshops avec plusieurs disciplines scolaire : urbanistes, architectes, designers… Mais bosser avec des écoles c’est super lourds, administrativement. Etre dans une association c’est super efficace, on est contre des grosses machines, avec des calendriers différents, une notion de temporalité différentes. On a la volonté d’aller plus loin. L’objectif est de réfléchir, pas faire de l’animation. Le but n’est pas d’avoir le plus de monde sur le chantier, c’est comment ce chantier vient alimenter un projet urbain, un projet d’architecture. Ceci nous emmène dans un processus, qui créer des prototypes dans des tests d’usages, et c’est de savoir comment la boucle devient une spirale, comment créer des outils


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pour que le projet ne soit pas une ligne mais qu’il puisse se réemployer. Nous on déteste le terme de participatif, on le dit jamais, par contre on fait du collaboratif, chacun vient avec ces expertises pour apporter au projet. On ne va pas chercher un habitant et lui dire «vas y on te passe une visseuse et tu nous aide». Le problème est que ce schéma de durabilité n’est pas intégré dès le départ dans nos commanditaires. On se rend compte que la filière du réemploi ça marche depuis deux ans, dès qu’on a prouvé la valeur économique, ça c’est développé, on voit plus de gens intéressé qui font de plus en plus confiance. Notre travail est de globaliser tout le projet et de le faire comprendre, surtout économiquement, pour pouvoir travailler sur le durable. Quand la commande est de faire du participatif, on nous envoi pour faire passer la pilule, tout est déjà acter et on nous envoi faire de l’animation. Aujourd’hui dans les aménageurs, plus personne ne sait faire de la concertation, les réunions de chantier c’est ennuyeux, il y a un mec qui dit on va faire une rue, un espace public, et l’autre ben moi j’aime bien faire sécher mes vêtements sur le balcon, les médias de discussion entre les gens sont hyper mauvais et le faussé est large. Nous on essaye de créer des supports pour créer des liens entre tout le monde, on est une plate forme de médiation. On a l’impression d’être à la croisée du bottum up et de l’Up down et de simplement faire passer les problématiques simples pour une meilleure compréhension. Le chantier est prétexte pour rassembler et tester. L’architecte est alors à mi chemin entre science et la culture pour le bienfait social mais c’est compliqué à équilibrer. On s’est rendu compte depuis pas longtemps que l’économie du projet est fondamentale lorsqu’on parle aux institutions. Cela marche sur la connaissance ; le prix de la démolition peut être plus cher lorsqu’on détruit morceaux par morceaux et pas tous d’un coup, mais si c’est bien fait on peut ne pas racheter des matériaux et avoir un projet beaucoup plus économique. Faut voir le projet dans la globalité. On arrive scientifiquement à avoir le projet moins cher, mais au lieu de s’arrêter la on fait pour le même prix une démarche aussi culturelle pour un projet plus riche. Vitrolles est un échec car la ville n’a pas suivit derrière. Le projet est un premier pas, dès que le festival est passé il a été vu comme une réussite, par rapport au financement et à l’usage mais les services de la ville n’ont pas suivit. On joue sur des trucs où il y a pas de modèles, il faut vraiment que de l’autre coté il y a une réel dynamique. Mais influer la volonté au partenaire est vraiment compliqué, surtout si c’est à grande distance. C’est là que c’est hyper fragile, mais c’est parce qu’on est dans des trucs pas établie. On fait des écarts d’échelles, entre éphémère et durable, mais qui n’est pas encore intégré dans la pensée de ceux d’en face. La question est dans le récit, on créé des récits et non des projets. Des collectifs et asso ont directement émergé de Bellastock, d’autres sont passés. C’est un gros travail à mobiliser tout le monde pour valoriser ce travail qu’on voit comme architecte mais qui n’est pas considéré en tant qu’architecte car on n’est pas inscrit à l’ordre. La on va faire une réunion avec eux pour montrer qu’architecte ce n’est pas forcément être maître d’ouvrage il y a plein de manière de pratiquer l’architecture.


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01 // Comment à commencé le Collectif ETC? On s’est rencontré à l’école de strasbourg de trois promo différentes. On avait envi de faire autre chose par nous même, avec des choses assez rapide, peu onéreuses. On avait du mal avec le contexte scolaire. On a commencé avec deux/trois projets dans les espaces publics, on se rend compte que c’est très visible et que les personnes ont vite apportés des outils, des choses…. On était les vilains petits canard, pas aimé du corps enseignant. On était dans une école un peu scolaire, dans l’ingénierie. On était 20/30 au début, puis l’association a commencé à 12 personnes. On a commencé en tant que collectif après le workshop du parking. On a tous fais HMO et du travail en agence pour se rendre compte de ce qu’on ne veut pas faire. On est dans un fonctionnement horizontal, 9 salariés avec des stagiaires, l’association est basée à Marseille. On est tous chef de projet sur différents projets. On travail avec un maximum de gens autre qu’architectes. Des collaborateurs dans la création: paysagiste, graphiste, cinéaste… Des fois des sociologue: ça dépend du budget, du projet…

02// Comment se met en place le processus de co-conception? C’est compliqué selon les projets, c’est déjà compliqué entre nous. On réfléchis au projet en amont. Au début c’était des réunions à 12, ou tous les choix devaient être validés par tous le monde, c’était assez long. Au fil du temps, on a développé des outils en interne pour aller plus vite: un chef de projet qui avance et rencontre nos commanditaires, montre le projet collectif. On fais la conception ensemble et on présente seul. Puis on a laissé une marge de manœuvre au gens dans la conception, aux associations… Pour laisser les gens s’impliquer dans le projet. Donne patchworks étrange, mais c’est un processus très intéressant. On se définit en tant qu’architectes, mais dans un contexte social/économique. être architecte ce n’est pas que des tours à des millions d’euros: ça peut être des petites choses, des petits projets. On pars de l’humain et on dessine ensemble un projet cohérent dans l’espace auquel il se trouve. On a de très faible budget, des temporalités très variable. On accepte des appels d’offres, on travail avec des ZAC et à coté ça peu être un peu militant avec des associations. Par exemple, pour ZAC biganos, la ville est à 2h30 en train. Le maire refuse des promoteurs Parisien, il fait appel à des aménageurs par appel à projet: Aquitanis l’obtient. Et l’aménageur fait ensuite un appel à la maitrise d’œuvre, on a gagné en tant que «spécialiste de la concertation». On est dans le monde de la maitrise d’œuvre et du monde associatif, tiraillé dans deux monde. On est catalogué dans les spécialistes de la concertation, dans une ligne dans le cahier des charges. Et tout grâce notamment au travail du Bruit du Frigo… qui se bat pour avoir une marge de manœuvre dans ce genre de projet. On nous sollicite pas mal sur des appels d’offres, on en choisit parmi eux, ceux qui nous semble le plus pertinent. Là c’est 2pm qui a gagné l’appel d’offre, on est un peu sur la même ligne, c’est eux qui nous ont appelé. On a fait maison du projet plus plus, qui marche pour les habitants et pour les promoteurs, qui sera gardé, pérennisé par la mairie pour les associations. ça nous intéresse de venir gratter la maitrise d’œuvre, de raconter un autre discours, on voit que les lignes commencent à bouger en France, que les politiques commencent à s’intéresser à ce genre de travail, de terrain, les professionnels aussi, et peut être un jours l’ordre des architectes nous reconnaitra comme architectes.

03 // Les usages changent constamment selon les grands projets créés... Pourquoi s’interesser aux usages en sachant que ceux-ci sont voués à muter? C’est du militantisme: on part d’en bas pour aller en haut. On est contre les gens d’en haut qui


Quelles nouvelles pratiques architecturales montrent les installations urbaines ?

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Annexe 05

Entretien avec Maxence Blot // collectif ETc // 16.12.2015 // 10h // à place du palais décident des projets sans aller sur le terrain, qui décide et dessine dans leurs bureaux sans aucune notions de ce qui se passe vraiment. Je préfère dire qu’on part de ce qu’il y a, qu’on part des envies, des gens qui sont motivés pour utiliser un projet pour faire émerger des idées. L’installation est là pour tester des choses, pour prouver des choses qu’il faut ou qu’il ne faut pas faire. Des fois on sait qu’on provoque des décisions même si ce n’est pas une finalité, comme Belsunce Tropical. Soleam dit qu’il va construire quelque chose, nous on viens sans commande, on construit quelque chose de très simple. Soleam se rend compte qu’il faut bien mettre des espaces publics dedans. Il y a eu des petits problèmes: la police a appelé mais sans venir. On s’intéresse aux usages d’en bas pour que les politiques changent d’avis car c’est eux qui ont la décision finale, on tente de diluer un peu leurs pouvoirs. Ils ont un poste qui ont du pouvoir mais ils doivent accepter de le partager avec les autres.

04 // Avez vous eu des retours d’expériences des processus réalisés ? C’est notre point noir : le suivi de projet. ça se passe bien mais on doit partir sur d’autres projet, on a du mal à revenir, à faire une analyse sur ce qui a marché ou pas. Pour le Papomo, c’est utilisé à Marseille. ça a été aussi une autoproduction à la friche Belle de Mai. On a communiqué sur le fait que les associations peuvent utiliser le Papomo. Lyon nous l’a demandé dernièrement, on envoi les plans pour en construire un autre. On répète le système,on s’en fou de la paternité de l’œuvre, on veut que les autres reproduisent ce qu’on fait.

05 // Quel est votre rapport avec les politiques publiques? Si les politiques publiques font un travail mauvais, on marche par opposition. On a envi que les politiques publiques changent et deviennent plus proche du terrain, qu’ils s’inspirent par ce que font les citoyens. Si les élus font les choix pr le peuple et qu’il y a de la démocratie fais par le peuple, qui n’est pas figée, en mouvement ou qu’il se passe quelque chose. On milite pour ce genre de ville. Espagne a un groupe politique qui milite pour ça, qui émerge. S’exposer sur l’espace public montre aux gens qu’ils ont un pouvoir de décisions, car les personnes «lambda» sont fatalistes dans la politique, ne se sentent plus concernés, encore moins dans l’architecture et l’urbanisme car c’est quelque chose qui ne les touchent pas. Ils ont l’impression que c’est réservé aux experts et aux spécialistes, donc c’est aussi un gros travail de pédagogie de médiations. L’espace public est aussi un espace politique, il faut apprendre aux gens qu’il faut agir en faisant des choses. En construisant un banc on change des choses aussi, en prônant le faire on parle après de ce qu’on a fait. Sur le chantier, on communique beaucoup pour faire venir du monde. On fait appel avant aux associations car c’est des groupes dynamiques, c’est des relais. S’adresse à des personnes potentiellement motivable rapidement. Mais on est tout même content maintenant quand les commanditaires sont des privés comme Bouygues. Il est important de ne pas se fermer et aller discuter avec ces gens là, car c’est eux qui font la ville. ça fait un ou deux ans qu’on participe aux forums pour faire comprendre que notre travail peut être intéressant pour eux aussi. On essaye de rentrer dans des gros projets, même si c’est une goutte d’eau dans ce genre de projet, on essaye de faire de la pédagogie avec ces gens la.

06 // Comment s’organise votre travail au sein de l’association? arrivez vous à vivre de ce travail? Alors nous on est dans une association de type collégiale, il n’y a pas de président mais tous les gens ont un poste responsable. Tout le monde est salarié après le Détour de France, cela implique


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Célia Gomez

d’avoir plus de projet et chercher de l’argent. Au départ, on gagnait 750 euros par mois plus le complément du RSA, mais au départ on vivait ensemble. C’est l’association qui paye le bureau, le logement, la bouffe, le transport, au début on avit des pacs culture et pacs voyage (environ 50-100 par mois). Le fais de mutualiser tout ce qui est possible faisait économiser et on arrive bien à vivre grâce à ça. Il a eu des coups dur, comme en 2014 où il y a eu un grand coup municipal, on a eu 6 mois difficile. Aujourd’hui on gagne 900 euros, on mutualise les bureaux. Les bureaux ne font plus logements car on commence tous à avoir une famille. On a seulement 2 voitures pour tout le monde. On a de la chance, être en groupe permet de faire beaucoup de choses par la confiance. On ne roule pas sur l’or, mais on voyage tout le temps, on fais ce qu’on aime, on n’accepte pas de projets pour l’argent et pour l’instant ça marche.

07 // Il y a t-il des préférences dans les commandes? On marche beaucoup par commandes directes, on ne fais pas de demandes de subventions, on n’a pas d’administrateurs. On est jamais mandataire car on n’est pas inscrit dans l’ordre. C’est toujours différent, ça dépend des personnes, des villes, en politiques publique c’est assez variable. Avec la maîtrise d’œuvre ça se passe bien. On commence à travailler pour des privés, on voulait faire des maisons, mais c’était en Auvergne donc c’est compliqué pour faire un suivi de chantier. Mais on essaye de faire des commandes privés par des meubles. On fait aussi des choses annexes comme hypervilles, un projet à part fait avec d’autres collectifs. On a une boite annexe en design. L’espace public c’est bien, mais on veut toucher à autres choses, on veut tester d’autre choses.

08 // Tu te vois travailler dans le Collectif ETC toute ta vie? Non, je veux rester dedans. Si quelque chose t’intéresse , tu peux porter le projet tout seul. On dois montrer que le projet est dans la démarche du collectif, mais il y a toujours du débat, et ça permet d’avoir un réseaux.

09 // Pourquoi avoir choisi le nom de «Collectif ETC» ? C’est un mot galvodé, utilisé à tord et à travers. Nous on voyait ça comme une équipe. On s’est fais rattrapé par le nom qu’on essaye maintenant de définir.

10 // Quels sont environ les budgets des installations? ça dépend des projet, pour PaPoMo et Belsunce, c’est 500-1000 euros. Le bois, les vices, on achète en scieries et après on récupère. Ça permet de faire du réseau des lieux de récupération à Marseille. Le problème est que les matériaux recyclés ont une esthétique médiocre, ils ne sont appréciés de tout le monde et ne durent pas longtemps. Nous, nous ne sommes pas fondamentaliste du recyclage, on le fais quand il y a besoin. Si il y a possibilité de trouver des matériaux de recyclage dans le coin ok: Biganos est un projet réalisé qu’avec des matériaux recyclés, mais ça allait aussi avec le discours. Pour la place Dormoy, c’est une structure de matériaux neufs d’une scierie à Bordeaux . Le projet est porté par l’association, le projet devait rester 6 mois mais encore là on essaye de le garder en vie. Les habitants le lasure, le répare, le repeigne. Aujourd’hui on essaye de refaire la place, l’association essaye de s’impliquer à refaire cette place qui va être construite par la ville. L’installation est très critiquée, car quand c’est fermé on ne la voit pas forcément. Sans la dynamique ça ne vaut rien. C’est de l’ordre de l’événementiel dans le quotidien, on est appelé animateur de rue. Mais ça nous convient si on arrive à attirer des gens autour d’une table…


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On sent quand les personnes veulent que l’image et vendre ça après. Des fois on se plante. A Reims, au quartier croix rouge, c’était difficile. On est intervenu sur un projet en cours à coté du tramway sur le thème de la musique qui se voulait rassembleur. C’était la mairie de gauche, qui voulait faire plein de choses, qui voulait de la communication, ils servaient à préparer le terrain, mais c’était porté par les associations, les «jeunes du bas de l’immeuble» étaient impliqués aussi là dedans… Il y avait toute une dynamique intéressante. On a fais deux trois interventions, on embauché des jeunes dont tout le monde avait peur, mais ils étaient content, venaient participer. Et puis il y a eu un changement de mairie et tout a arrêté. La mairie de droite a vu tout le budget qui passait là dedans, et ils ont mis le budget dans la sécurité par des caméras de sécurité. C’est triste, car vraiment dépendant des politiques. On avait réussi à faire plein de choses, mais on s’est fait balayer.

11 // Une dernière question, vous étiez étudiant à Strasbourg, pourquoi vous êtes vous implantés à Marseille? On s’est implanté à Marseille pour avoir des projets qui durent sur le temps long. On devient une association locale qui accompagne. Marseille est ville inversée, il y a pleins d’associations au cœur de Marseille, les riches sont autour. Il fait beau, tout le monde est dehors, donc les personnes sont très curieuse.


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