Le renouveau de l'éclectisme thermal - Gabrielle Laurent

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Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

LAURENT Gabrielle Mémoire de Master Parcours IAT Xavier GUILLOT – Julie AMBAL

Janvier 2016 ensapBx



Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

LAURENT Gabrielle ensapBx Xavier GUILLOT – Julie AMBAL

10 janvier 2016



Mes remerciements vont : à Madame PUYO et à Madame PIC pour le temps qu’elles m’ont consacrée lors des visites des thermes d’Argelès-Gazost et de Luz-Saint-Sauveur, à la Société d’Études des Sept Vallées, et en particulier à Madame FRIGOUT et à Monsieur NININ-BARUS, pour leur accueil chaleureux et le partage de leurs connaissances, à mes proches qui m’ont soutenue tout au long de la rédaction de ce mémoire.



SOMMAIRE

Introduction

5

1. Santé économique et impacts du thermalisme

9

1.1. Un secteur économique en déclin et en retard

9

La naissance et l’instauration du thermalisme

9

Le déclin économique et la rigidité médicale 1.2. Une organisation spatiale au service de l’activité thermale

10 13

L’activité thermale, élément déclencheur d’urbanisation

13

La station thermale idéale d’Argelès-Gazost

16

La création du quartier thermal de Luz-Saint-Sauveur

19

La colonisation du fond de vallée aux Eaux-Bonnes

23

1.3. Des aménagements urbains complémentaires au thermalisme

25

L’ouverture des stations vers l’extérieur

25

Une organisation centrée autour du « complexe thermal »

28

1.4. Un développement économique à l’échelle nationale

32

La commercialisation du thermalisme

32

Le réseau thermal à l’échelle nationale

36

La route thermale des Pyrénées

37

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

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SOMMAIRE

2. Construction identitaire et renaissance éclectique

47

2.1 L’éclectisme comme représentation du thermalisme

47

La construction de l’image du thermalisme

47

Un glissement progressif vers l’éclectisme

51

2.2 De la théorisation programmatique au fonctionnalisme médical

55

Théorisation et construction intellectuelle d’une identité

55

Rationalisation et simplification des fonctions thermales

56

Argelès-Gazost, mélange de classicisme et de régionalisme

59

Eaux-Bonnes et Luz-Saint-Sauveur, une souple rigueur

63

2.3. La nécessité de rompre avec une image figée Un réseau thermal à réactiver

71

Les trois axes de la diversification

73

2.4. Un second souffle par un retour à l’éclectisme 2

71

76

Pastiche et exotisme pour Argelès-Gazost

76

Réhabilitation et lignes contemporaines à Luz-Saint-Sauveur

82

Palimpseste et high-tech aux Eaux-Bonnes

87

Conclusion

93

Annexes

96

Iconographie complémentaire

97

1. Argelès-Gazost

97

2. Eaux-Bonnes

103

3. Luz-Saint-Sauveur

106

Mémoire Master - Parcours IAT 10 janvier 2016


SOMMAIRE Grille d’analyse

114

Entretien Argelès-Gazost

116

Entretien Société d’Études des Sept Vallées

121

Entretien Luz-Saint-Sauveur

123

Bibliographie

127

Webographie

129

3ii

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes



Introduction Ce mémoire traite des établissements thermaux, et plus particulièrement dans les Pyrénées. Il s’intéresse à la fois à l’aspect historique et contemporain, confrontant ces deux aspects pour en faire apparaître les ressemblances et les différences, les permanences et les innovations. Ayant grandi à Pau, les Pyrénées ont été mon terrain de jeux d’enfance où mes parents m’emmenaient randonner en famille pendant les weekends et les vacances. J’ai donc eu l’occasion de traverser, parfois de m’arrêter, dans ces stations thermales, mais je ne me suis jamais intéressée de près à leur particularité architecturale. Pourtant, j’ai toujours été surprise de les voir là, avec leur architecture insolite, un peu magique, mélange de classicisme et d’éclectisme, venue tout droit des villes balnéaires, à un endroit où je ne pensais trouver que des cabanes de bergers et des troupeaux de bétail.

C’est cette curiosité architecturale, cette « anomalie » d’enfance, que j’ai choisi d’étudier, afin de comprendre pourquoi et comment elle est venue s’installer au fond des vallées pyrénéennes, comment elle continue à nous fasciner et à nous attirer aujourd’hui. C’est aussi l’envie de savoir ce qui se cache derrière les façades des établissements de thermes, dont je ne connais que l’extérieur, et l’impression que l’histoire s’est figée en ces lieux et qu’il me suffirait de pousser la porte pour rencontrer des dames habillées de robes à corsets et des messieurs en queue-de-pie. Cela n’existe certainement plus que dans mon imagination, mais l’attrait historique des villes thermales a également été une des causes du choix de ce sujet de mémoire et son étude me paraît importante pour comprendre le fonctionnement d’aujourd’hui. Il ne faut pas oublier que derrière les fastes d’une société qui s’affichent sous ses plus beaux atours dans les stations thermales, le soin médical, associé aux bienfaits de l’aérisme réputé des Pyrénées, est la raison qui fait venir les malades des quatre coins de la France. C’est la fameuse cure thermale, celle qui s’étend sur plusieurs semaines, voire des mois, et qui comprend bains, douches au jet, ablutions, fumigations, promenades au grand air et exercices quotidiens. Mais la recherche de la guérison est loin d’être la seule raison qui amène la population à faire le déplacement. Le thermalisme n’est pas une activité qui se pratique de façon unique, mais s’entoure de multiples autres animations touchant à la culture, au commerce, au sport… L’impact du thermalisme sur l’économie locale est primordial pour les stations thermales, et ce d’autant plus que la majorité des établissements thermaux est situé dans des communes de faible taille dont la principale ressource est le thermalisme. Aujourd’hui, la cure thermale continue d’exister, et si sa forme a changé, les principes qui la régissent restent les mêmes. Mais un constat d’importance est à faire, qui consiste à souligner que le thermalisme n’est plus autant plébiscité qu’au XIXème siècle et qu’il doit, depuis quelques années déjà, faire face à une société moins encline à passer ses congés Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

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INTRODUCTION à se soigner et qui préfère le divertissement facile aux contraintes de la cure. Face à ces changements de mentalité, le thermalisme a dû se remettre, en partie, en question et choisir de nouvelles orientations, tel que le thermoludisme et les médecines douces. En effet, les médecines douces sont aujourd’hui en vogue et le thermalisme se promeut comme une bonne solution de traitement de substitution. Mais le thermalisme profite aussi des habitudes d’une société qui fait la part belle aux loisirs et donne du temps à ses citoyens pour prendre soin de leur corps et de leur apparence. Le thermalisme se diversifie et cela lui confère un statut ambigu, appartenant à la fois au monde de la médecine et à celui des loisirs. Il est un service essentiel et un (ré)confort accessoire, nécessité et superflu. Le renouveau du thermalisme amène donc à penser le renouveau de l’économie locale, en particulier celle liée au tourisme, qui est très dépendante de la vivacité de l’activité thermale. Quel est l’impact de la diversification du secteur thermal sur l’économie locale ? À quelles échelles cela influence-t-il ? Quel est le rôle de l’architecture dans ce renouvellement du thermalisme ?

6

J’ai entrepris mes recherches par deux entrées qui sont l’histoire et le tourisme. La première m’a permis de mieux situer les stations thermales pyrénéennes dans l’histoire du thermalisme français, alors que la seconde a mis en relief que l’aspect économique du tourisme thermal joue un rôle important dans le maintien de ce type de loisirs. Il apparaît qu’une modernisation est nécessaire, tant sur le plan des espaces d’accueil que sur celui des activités, pour maintenir à un niveau d’efficience ce secteur d’activité qui a tendance à s’essouffler. En effet, le thermalisme à visée médicale est une pratique saisonnière courte (de la fin du mois d’avril au mois d’octobre), ce qui ne contribue pas à en faire un secteur d’activité rentable sur l’année. On assiste donc à un effet de renouvellement des bâtiments thermaux qui doit traduire, par des réorganisations intérieures mais aussi par la naissance d’extensions et de nouveaux centres (selon les préconisations du Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie1), les nouvelles aspirations du thermalisme. Ce renouvellement doit participer à la recrudescence des cures par la diversification des offres de soins ainsi que par la promotion de nouveaux espaces de bien-être (spas, jacuzzis…).

Ce mémoire a pour ambition d’éclairer cet aspect. Je m’interroge sur la nature de ces nouveaux aménagements, intérieurs et extérieurs, sur la manière dont ils participent à redorer l’image du thermalisme. De même, je me questionne sur la place de l’architecture comme vecteur de promotion au sein de la sphère thermale. Sphère qui tend à se ramifier en intégrant derrière le vocable de thermalisme à la fois la médecine thermale et le thermoludisme. À l’origine, le thermalisme est « l’ensemble des traitements exclusivement médicaux qui utilisent l’eau minérale et ses dérivés (gaz, boue, …), neutre de toute bactérie et n’ayant subi aucun traitement de désinfection, caractérisée par sa teneur en minéraux, son degré de radioactivité

1

MOISSET, Philippe, Conseil National du Tourisme, Section des politiques territoriales et du

développement durable , Synthèse : La diversification des activités des stations thermales, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, session 2011, p. 8.

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INTRODUCTION et sa chaleur spontanée »2. Aujourd’hui, on constate que le sens du mot lui-même se diversifie et s’adapte aux nouveaux modes de vie des curistes.

Pour étudier ces transformations et leurs impacts, et pour des raisons pratiques, le domaine d’étude de cas pratiques a été réduit à la partie occidentale des Pyrénées, comprise entre les vallées d’Aspe et de Luchon. Ce périmètre d’étude trouve sa cohérence dans un passé commun autour de la construction de la Route Thermale des Pyrénées et la promotion faite grâce à cette infrastructure du thermalisme pyrénéen. Une dizaine de villes thermales s’offrent ainsi à l’étude, que l’on cite en suivant (par ordre de localisation de l’ouest vers l’est) : Lurbe-Saint-Christau, Eaux-Chaudes, Eaux-Bonnes, Argelès-Gazost, Cauterets, Luz-SaintSauveur, Barèges, Bagnères-de-Bigorre et Bagnères-de-Luchon. Cette première sélection d’échelle permettra d’obtenir une vue d’ensemble du sujet par une approche plutôt historique. On ne perdra pas de vue cependant de resituer ces exemples dans l’histoire du thermalisme français. Des cas d’études plus précis seront abordés, qui mettront en parallèle les exemples pyrénéens d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes.

D’un point de vue méthodologique, j’ai eu recours à plusieurs outils. D’abord, bien évidemment, les ressources bibliographiques et webographiques qui ont permis d’enrichir ma connaissance initiale du sujet, notamment sur la construction historique des thermes. Il me faut cependant signaler que je n’ai pas pu avoir un accès direct à de nombreux ouvrages, ceux-ci étant relativement anciens ou épuisés, mais j’ai eu connaissance d’une partie de leur contenu au travers d’autres lectures les citant. Dans mes recherches bibliographiques, je cite en particulier les ouvrages dirigés par Lise Grenier3 qui sont riches en renseignements sur l’aspect historique du thermalisme français et pyrénéen. J’ai trouvé peu d’ouvrages récents, la plupart datent d’une vingtaine d’années environ, mais il faut souligner que le thermalisme est un sujet qui redevient à la mode et que de nombreux articles ou dossiers sont récemment parus dans la presse spécialisée. De même, la presse locale (physique et informatique) a tendance à s’emparer du sujet pour couvrir l’actualité des constructions et extensions des établissements thermaux du département ou de la région. J’ai également sollicité les archives et les établissements thermaux eux-mêmes pour obtenir des informations sur le sujet. Des documents graphiques (plans, coupes, gravures…) sont accessibles au public aux archives départementales des Hautes Pyrénées à Tarbes et certains documents techniques sont encore directement conservés dans les établissements thermaux. J’ai notamment pu consulter des plans et coupes historiques pour la construction des centres thermaux d’Argelès-Gazost et Luz-Saint-Sauveur. Les personnels des thermes d’Argelès-Gazost et de Luz-Saint-Sauveur ont eu l’amabilité de m’accorder de leur temps afin de pouvoir échanger sur leur lieu de travail et leur manière de le vivre et de parcourir au 2

THOULUMAS, Bruno, Le thermalisme au XXIè siècle : quelles stratégies pour le futur ?, Press Therm

Climat, 2014, p. 31. 3

GRENIER, Lise (sous la direction de), Villes d’eau en France, Institut français d’architecture et éditions

Fernand HAZAN, Paris, 1984 et Le Voyage au Pyrénées ou la Route thermale, Randonnées Pyrénéennes, Institut Français d’Architecture, Tarbes, octobre 1987

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

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INTRODUCTION quotidien. Pour préparer ces entretiens j’ai préalablement rédigé une grille d’analyse4 dont le but est double : faciliter le dialogue avec les personnes interrogées et construire des critères neutres et sans jugement de valeur pour comparer les deux cas d’études sélectionnés. Les critères de cette grille porte sur la situation géographique et l’accessibilité, l’insertion dans le site, les aménagements urbains et l’organisation spatiale des thermes en fonction de leurs offres.

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Le mémoire s’organise en deux parties. La première permettra de reconstituer l’histoire du thermalisme français. On abordera l’aspect économique du secteur thermal à la fois pour luimême et pour les liens qu’il entretient avec d’autres secteurs. On verra que le thermalisme est loin d’être un secteur isolé économiquement parlant et que son échelle d’influence dépasse largement les murs de l’établissement thermal : il a un impact sur les aménagements des stations thermales mais aussi sur le développement des infrastructures routières et ferroviaires sur tout le pays. La seconde partie se concentrera plus sur l’établissement thermal en lui-même. On retracera comment les ingénieurs et les architectes ont participé à la construction identitaire du thermalisme, par la promotion d’exemples idéaux et de traités théoriques. On pourra ainsi se rendre compte que les beaux jours des établissements thermaux ont lieu alors que l’éclectisme architectural bat son plein. C’est en effet une écriture qui correspond bien à l’esprit d’insouciance de la noblesse du XIXème siècle. On parlera également de l’impact limitatif de la médicalisation du thermalisme quand celui-ci sera reconnu comme thérapie par la Sécurité Sociale. Enfin, on verra que l’architecture tient une place non-négligeable dans le renouveau du thermalisme ; c’est un outil à part entière de communication de la nouvelle image thermale.

4

voir annexe : grille d’analyse, p.

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1. Santé économique et impacts du thermalisme La fréquentation et les modes de vie liés au thermalisme changent selon les périodes historiques. Le thermalisme est en effet une pratique soumise à la pensée et au regard de la société à un moment donné, et fait donc l’objet de modes ou de rejets. De tous temps le thermalisme est un secteur qui a dû s’adapter aux mœurs sociétales. Après une grande période faste au XIXème siècle, le XXème siècle a fait le constat d’un essoufflement de l’activité thermale qui doit faire face à une population moins encline à passer ses vacances en cure. On tentera d’en comprendre les raisons en retraçant les grandes lignes historiques du thermalisme en France. Pour cela, on ne s’attachera pas uniquement aux activités internes à l’établissement thermal, mais aussi à ce qui a trait au thermalisme aux échelles régionales et nationales. Même si l’imaginaire thermal pousse à faire de ce secteur une activité à part, hors du temps quotidien, la réalité économique tend plutôt à l’ancrer dans un réseau à plusieurs niveaux.

1.1. Un secteur économique en déclin et en retard

La naissance et l’instauration du thermalisme Les premières traces de l’existence du thermalisme en France nous proviennent du XVIème siècle5. On ne dispose que de peu d’informations concernant cette période, mais il est certain qu’elle n’entretient que de liens lointains avec les thermes antiques de l’Empire romain : quelques fontaines et bassins à ciel ouvert accessibles à tous, même aux plus pauvres d’un côté ; les citoyens disposant d’un peu de moyens financiers, avaient la possibilité de louer une baignoire chez un particulier, ainsi que le gîte et le couvert6. Pas de fastes, pas d’excès, les bains sont avant tout utiles et utilitaires. Les personnes qui sont amenées à les fréquenter le font dans l’espoir de trouver, si ce n’est une guérison, au moins un soulagement à leurs maux. Il s’agit souvent d’une solution de dernier recours, lorsque les autres aspects de la médecine courante n’ont pu leur apporter des réponses satisfaisantes Car il faut souligner que se baigner ou boire de l’eau au goût marqué, par le souffre par exemple, ne constitue pas

5

GRENIER, Lise, « Les villes de la Santé », in Villes d’eau en France, Institut français d’architecture et

éditions Fernand HAZAN, Paris, 1984, p. 15. 6

Ibid., p. 63.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

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1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME vraiment une partie de plaisirs7. On assiste à un essor du thermalisme lors de la période du Romantisme (fin du XVIIIème siècle et XIXème siècle)8. La cause de ce soudain intérêt est double et revient en partie aux intellectuels de cette période qui vont changer la vision de la cure thermale. Jusque là cantonné aux bassins publics et aux baignoires privées, le périmètre du thermalisme s’agrandit pour s’étendre à l’échelle du paysage et s’enrichit de nouvelles activités. Si la cure thermale en elle-même garde ses aspects négatifs car exigeante et fastidieuse, elle se pare de nouveaux atours bien plus attrayants tels que bals, concerts, expositions et jeux d’argent qui génèrent autant d’établissements prestigieux et d’hôtels de luxe. Parfois, c’est l’établissement thermal lui-même qui accueille ces activités connexes, ce qui souligne la connivence qui existait entre ces différents secteurs. Parallèlement, sous l’influence des Romantiques, la montagne, considérée jusque-là comme mystérieuse et dangereuse, devient un nouveau terrain de jeu. Il devient nécessaire de la connaître, la découvrir, la parcourir. Dès lors, elle participe au thermalisme, car elle vient distraire le malade du « supplice »9 que peuvent représenter les trois semaines de cure. Le thermalisme français profitera de cet état de grâce et vivra ses plus beaux jours de la fin du XIXème siècle jusqu’à l’Entre-deux-guerres. Il faut cependant noter que cette forme du thermalisme se fonde sur des loisirs que seuls les plus riches de la société peuvent s’offrir ; la clientèle est donc majoritairement issue de l’aristocratie. Certaines stations françaises, telles que Vichy, Aix-les-Bains, Bagnères-de-Luchon ou Cauterets, se forgent une telle renommée qu’elles attirent également de riches étrangers en quête de dépaysement. 10 Le déclin économique et la rigidité médicale C’est la crise de 1929 qui met fin à la sélection des curistes fondée sur l’unique critère de la fortune10. La population se diversifie pour accueillir la haute bourgeoisie, mais aussi des personnes issues des classes moyennes. À nouveau curiste, nouvelle forme d’hébergement. A côté des grands hôtels luxueux, des hôtels moins impressionnants et moins onéreux font leur apparition. Pour les moins fortunés, de petits logements meublés sont construits11. En 1950, les villes thermales changent de catégorie : de lieux de villégiature où tous 7

PEYRUSSE, Louis, « Villes d’eaux, patrimoine en devenir », Midi-Pyrénées Patrimoine, hiver

2013/2014, n° 36, p. 35. 8

Mouvement littéraire et culturel euopéen qui apparaît à la fin du XVIIIème siècle et qui touche tous les

domaines des arts. Il fait primer le sentiment sur la raison et privilégie les thèmes de la nature et de l’amour. 9

PEYRUSSE, Louis, « Villes d’eaux, patrimoine en devenir », Midi-Pyrénées Patrimoine, hiver

2013/2014, n° 36, p. 35. 10

MOISSET, Philippe, Conseil National du Tourisme, Section des politiques territoriales et du

développement durable, La diversification des activités des stations thermales, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, session 2011, p. 11. 11

Ibid., p. 12.

Mémoire Master - Parcours IAT 10 janvier 2016


1.1. UN SECTEUR ÉCONOMIQUE EN DÉCLIN ET EN RETARD les excès sont permis, elles deviennent lieux de thérapie. Le thermalisme est en effet officiellement reconnue comme une thérapie et entre donc dans le domaine de la Sécurité Sociale. Dorénavant, les Français peuvent bénéficier d’une thérapie dont la prise en charge financière des soins revient à l’Assurance maladie12. La clientèle fréquentant les thermes s’en trouve davantage diversifiée, ne faisant plus de distinction dans les classes sociales et les revenus. Ce changement va considérablement augmenter la fréquentation car, d’une part, de nouveaux curistes ont accès aux stations thermales, et d’autre part, les anciens curistes, que l’on dira libres car vivant la cure comme une thérapie choisie, s’accompagnant d’un ensemble de loisirs et pouvant la financer sur leurs propres deniers, se déplacent eux aussi dans la catégorie des assurés sociaux, et ce malgré leur aisance financière. Cette croissance voit passer le nombre de curistes de 250 000 en 1950 à plus de 600 000 en 1988. De 1988 à 1993, on note une période de stagnation, de nouveau suivi par un déclin de fréquentation, qui diffère dans son impact selon les années et les régions, jusqu’en 2009. Il y a plusieurs raisons à ce phénomène dont l’absence de réaction des acteurs du thermalisme face à l’évolution des modes de vie des curistes ; l’offre thermale et les aspirations des curistes n’étant plus en phase, la population se désintéresse d’une activité devenue vétuste. Un « léger rebond, constaté depuis 2010, est lié à la prise de conscience progressive des professionnels que le secteur doit s’adapter aux évolutions médicales et sociétales, en diversifiant son offre, en démontrant l’efficacité thérapeutique des soins de cure et en travaillant conjointement avec les collectivité locales sur l’offre touristique associée » 13. Une enquête Xerfi14 réalisée en novembre 2013, semble confirmer cette reprise. Une des conséquences de cette médicalisation du thermalisme est sa spécialisation conduisant à exclure tous les autres aspects de la vie thermale. Les divertissements et loisirs, déjà mis à mal par les thérapeutes du début du XXème siècle qui y voient une sorte d’avilissement de la médecine, sont nettement dissociés, voire volontairement ignorés. Il s’en suit un désaveu pour le thermalisme de la part des curistes libres. Ces vingt dernières années, la fréquentation des établissements thermaux était en baisse, mais ce phénomène semble ralentir15. On peut imputer ce fait à la disparition de certaines maladies, le peu de place qu’occupe la crénothérapie16 dans l’enseignement de la médecine, l’apparition de nouveaux produits médicamenteux plus efficaces que le thermalisme17. Les progrès du développement pharmaceutique contribuent en effet à la chute du thermalisme18. 12

Ibid., p. 12.

13

THOULUMAS, Bruno, Le thermalisme au XXIè siècle : quelles stratégies pour le futur ?, Press Therm

Climat, 2014, p. 32 et 34. 14

Etude Xerfi700 (novembre 2013) : « Thermalisme et thalassothérapie ».

15

MOISSET, Philippe, Conseil National du Tourisme, Section des politiques territoriales et du

développement durable, La diversification des activités des stations thermales, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, session 2011, p. 13. 16

Utilisation thérapeutique des eaux thermales et minérales sur leur lieu d’émergence.

17

MOISSET, Philippe, Conseil National du Tourisme, Section des politiques territoriales et du

développement durable, La diversification des activités des stations thermales, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, session 2011, p. 13. 18

PEYRUSSE, Louis, « Villes d’eaux, patrimoine en devenir », Midi-Pyrénées Patrimoine, hiver

2013/2014, n° 36, p. 35.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

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1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME Ces innovations influencent le comportement des potentiels curistes19 : pourquoi perdre trois semaines de congés aux thermes lorsque quelques pilules avalées au début d’un repas font le même effet20 ? Et ce sentiment est renforcé par l’évolution de la législation sur les arrêts de travail pour cause de cure thermale. En effet, « un arrêt de travail n’est plus considéré comme un arrêt maladie, s’il est prescrit pour une cure thermale (le patient ne peut pas bénéficier d’indemnité journalière, sauf si ses revenus se trouvent en deçà d’un certain plafond fixé par la Sécurité sociale) ». De plus, « en cas d’arrêt de travail prescrit, le salarié ne peut plus, depuis 1987, imposer à son employeur la date de son départ en cure »21. On peut encore citer : la remise en cause de l’efficacité des cures, la non-évolution de l’offre thérapeutique vers des domaines plus porteurs, la difficulté à renouveler la clientèle (effet de génération), l’inadéquation entre l’offre touristique proposée par la station thermale et la population fréquentant l’établissement thermal, le manque de dynamisme de l’exploitant thermal dans la communication ou la qualité et la typologie de l’hébergement proposé au sein de la station22.

12

Sur le plan de l’offre, le passage vers l’Assurance Maladie a assagi le thermalisme. Les soins proposés au sein des établissements thermaux s’uniformisent et ce n’est que récemment que chaque station tente de se distinguer de ses semblables en affichant une des spécialités thérapeutiques23. L’absence de rêve et d’attrait a joué en défaveur des établissements thermaux. De ce fait, la plupart des curistes actuels sont là de leur plein gré car convaincus de l’efficacité des traitements mis en place et sont très souvent leur propre prescripteur, sollicitant leur médecin pour bénéficier des avantages de la Sécurité Sociale24. Si ces dernières années ont vu un regain d’intérêt pour la pratique thermale, c’est en partie dû à l’engouement du public pour les médecines douces et naturelles (opposées à la fabrication artificielle et en laboratoire des médicaments). Pour ce qui est des thérapies des maladies graves, la cure est souvent perçue comme un substitut aux traitements lourds et onéreux, pouvant en outre être mal supportés25. La vente des produits dérivés, qui existait depuis le début, est quant à elle fortement confirmée comme essentielle pour l’économie du thermalisme, tout comme la pratique des jeux de hasard dans les casinos. Mais c’est loin d’être le cas de toutes les animations culturelles satellitaires. 19

MOISSET, Philippe, Conseil National du Tourisme, Section des politiques territoriales et du

développement durable, La diversification des activités des stations thermales, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, session 2011, p. 13. 20

CRAPLET, Michel, « La médecine thermale : du plaisir à la cure », in Villes d’eau en France, Institut

français d’architecture et éditions Fernand HAZAN, Paris, 1984, p. 196. 21

THOULUMAS, Bruno, Le thermalisme au XXIè siècle : quelles stratégies pour le futur ?, Press Therm

Climat, 2014, p. 34-35. 22

Ibid., p. 34-35.

23

MOISSET, Philippe, Conseil National du Tourisme, Section des politiques territoriales et du

développement durable, La diversification des activités des stations thermales, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, session 2011, p. 13. 24

voir annexes, entretien avec Mme Puyo, p. 116.

25

PEYRUSSE, Louis, « Villes d’eaux, patrimoine en devenir », Midi-Pyrénées Patrimoine, hiver

2013/2014, n° 36, p. 35.

Mémoire Master - Parcours IAT 10 janvier 2016


1.2. UNE ORGANISATION SPATIALE AU SERVICE DE L’ACTIVITÉ THERMALE En s’épurant de l’intérieur, le thermalisme n’a pas toujours su maintenir à l’extérieur de ses murs les animations touristiques qui lui été complémentaires. Si elles n’ont pas totalement disparues, c’est qu’elles font partie du paysage des thermes et n’en peuvent être dissociées dans l’imaginaire du monde thermal.

Ainsi que l’on vient de le voir, et ce que les professionnels du monde thermal ont compris depuis une dizaine d’années, le thermalisme est plus qu’une simple thérapie. Il s’entoure d’une sphère d’activités visant à distraire le curiste et dont l’établissement thermal est le centre. Ce fait là n’est pas nouveau, mais s’est en fait peu à peu perdu depuis la moitié du XXème siècle. Cette disparition peut être imputée pour partie à la mise sous tutelle du thermalisme par l’Assurance Maladie. Cette sphère d’activités rayonnant autour des thermes a un impact tant sur l’urbanisme des villes thermale que sur leur développement économique. À l’échelle locale, on note l’apparition des notions comme la station thermale ou le complexe thermal, mais on constate également un développement urbain. Ce dernier s’observe à plusieurs échelles : celle du quartier thermal, celle de la ville thermale et celles beaucoup plus larges qui rayonnent sur l’ensemble du territoire français.

1.2. Une organisation spatiale au service de l’activité thermale 13ii L’activité thermale, élément déclencheur d’urbanisation Ville thermale, ville d’eau. C’est écrit dans l’intitulé même du lieu, l’existence de la ville thermale est inévitablement liée à la présence d’une source, appelée aussi un griffon. C’est à proximité de ce griffon que se développent les premières installations qui doivent permettre l’utilisation de l’eau, sous forme de boisson ou de bains. Ces premiers bâtiments, qui préexistent avant la seconde moitié du XVIIIème siècle, sont de facture plutôt rudimentaire et généralement organisés autour d’une fontaine ou d’un bassin qui récupère l’eau de la source. Les exemples les plus anciens dont on a connaissance remontent au XVIème siècle, tel le plan de Balaruc de 157926 qui montre des bassins à l’air libre reliés par deux chemins à une ville. Un autre plan de 1696 présente, à Forges-les-Eaux, une première esquisse de ce qui plus tard deviendra la promenade, un espace extérieur qui joue un rôle à part entière dans la pratique du thermalisme en facilitant l’ingestion de l’eau par l’organisme. Ces deux exemples sont la propriété de congrégations religieuses qui en ont aussi la charge27.

26

GRENIER, Lise, « Les villes de la Santé », in Villes d’eau en France, Institut français d’architecture et

éditions Fernand HAZAN, Paris, 1984, p. 15. 27

Ibid., p. 15.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes


1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME

Ballaruc-les-Bains, les bassins à ciel ouvert sont situés en marge du bourg ; plan de 1579, GRENIER

14

Forges-les-eaux,

les

bassins

enclos sont situés à côté d’un espace de détente ; plan de 1696, Bibliothèque Nationale de France

Mémoire Master - Parcours IAT 10 janvier 2016


1.2. UNE ORGANISATION SPATIALE AU SERVICE DE L’ACTIVITÉ THERMALE Les premières étapes d’urbanisation volontaire ont lieu à la fin du XVIIIème. On observe deux types de développement possibles : dans le premier cas, l’exploitation de la source devient l’activité principale de la ville et cette dernière s’organise entièrement à partir d’elle ; dans le second cas, l’exploitation de la source n’est qu’un secteur d’activité parmi d’autres et un quartier spécifique se développe souvent autour des thermes qui peuvent être situés à l’intérieur ou à l’extérieur de la ville. Lorsque le quartier est à l’extérieur de la ville, l’accès et les relations avec cette dernière sont de véritables enjeux, notamment économiques. L’observation et l’Histoire montrent que la plupart du temps les sources se situent à l’extérieur des bourgs et leur accès est rarement une chose aisée. Pour donner à l’exploitation de la source un caractère rentable, il est donc important d’aménager le territoire et le tissu urbain de proximité. La création et l’élaboration de la ville thermale sont fortement liées aux mutations que subissent les établissements thermaux. Nicolas Meynen28 structure ce développement selon quatre phases successives, dont la durée varie selon les localités. En premier vient l’élément déclencheur de la ville thermale, c’est à dire la construction de l’établissement thermal à proximité de la ou des sources. L’édifice thermal est alors le point d’orgue de la ville, l’organisation spatiale regroupant aussi bien des fonctions médicales que d’autres activités plus mondaines (salles de bal, musées, bibliothèques…). La deuxième phase est suscitée justement par le rejet de ces activités mondaines dans des bâtiments extérieurs aux thermes et pousse à la création d’un site autour des thermes. L’établissement thermal perd alors son rôle prépondérant et ne devient qu’une des composantes parmi d’autres du quartier thermal en construction. La troisième phase voit la structuration dans sa forme définitive du complexe thermal (constité de l’établissement thermal, du casino, d’un grand hôtel autour du parc thermal), ébauché dès la phase précédente avec l’édification du casino à l’extérieur de l’établissement thermal. Ce n’est pas seulement l’apparition du complexe thermal, mais aussi celle de la ville-parc qui se met en place avec de nouvelles allées et promenades. Tous ces nouveaux espaces extérieurs étant mis à contribution pour mettre en relation les différents bâtiments « dans un désordre savamment agencé »29. Cette idée de nouveaux cheminements se poursuit dans la quatrième et dernière phase qui est le rattachement avec le bourg existant. En effet, le nouveau quartier thermal s’étant développé autour des sources, il n’est souvent pas en contact direct avec la ville d’origine. La jonction se fait alors par le biais de nouvelles avenues et de places, le parc thermal peut aussi servir de transition. Il est à noter que les villes de basse altitude ont plus de facilités à organiser cette suture que les villes plus hautes, car les contraintes géographiques y sont moindres (topographie plus douce notamment). C’est le cas de villes telles que Bagnères-de-Luchon, Bagnères-de-Bigorre ou ArgelèsGazost. Dans ces villes là, l’aménagement urbain se fait selon un modèle concentrique de préférence, car il permet la cohabitation des curistes, concentrés dans le quartier thermal, et du reste de la population, rejetée en périphérie. Les stations d’altitude (Luz-Saint-Sauveur, Barèges, les Eaux-Bonnes) sont elles souvent contraintes à un développement linéaire, le long d’une rue principale. À Luz-Saint-Sauveur, 28

MEYNEN, Nicolas, « Urbanisme, Quand les thermes font la ville », Midi-Pyrénées Patrimoine, hiver

2013/2014, n° 36, p. 46. 29

Ibid., p. 46.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

15ii


1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME l’étroitesse topographique est telle que le quartier thermal est complètement détaché du village et ne comporte qu’une rue unique, bordée de part et d’autre de « maisons étroites, bâties en surplomb de la vallée ou bien adossées au rocher » et « où se concentrent en « séquences »les hôtels et les édifices publics »30.

16

Le premier exemple d’aménagement urbain pour une ville thermale et son exploitation à lieu à Bagnères-de-Luchon en 1765. Ces premiers travaux d’infrastructures sont à l’initiative de l’intendant de Gascogne-Béarn, Antoine Mégret, baron d’Étigny31. Pour arriver à ses fins, l’intendant exproprie tous les terrains situés sur le tracé de la voie qui devra relier le bourg à l’établissement des bains. Celle-ci fait 600 mètres de long et 30 mètres de large. Avec ses dimensions et ses quatre rangées de tilleuls qui la bordent (deux rangées de part et d’autre), elle s’apparente aux promenades qui sont construites à l’emplacement des « anciens remparts, le long des quais ou aux abords immédiats des villes comme certains cours »32. C’est le long de cette voie que sont construits tous les hôtels particuliers et les villas jusqu’en 1870. L’intendant Lachapelle poursuit les travaux en traçant deux nouvelles voies partant du centre, l’une vers l’Est, l’autre vers l’Ouest. Une place est créée dans le bourg à l’endroit où les trois voies se rejoignent. À son autre extrémité, la voie dessinée par le baron d’Étigny se termine sur le bâtiment des bains, inscrit au centre d’une place circulaire, intégrant le parc thermal. Plus tard, un nouvel établissement sera édifié le long de la roche dégageant la perspective directement sur la montagne. Si la première fonction de cette nouvelle voie est utilitaire, elle assure aussi le rôle de promenade et participe au processus d’embellissement et à l’hygiène de la ville. L’exemple de la création des infrastructures de Bagnères-de-Luchon est la première connue qui anticipe sur la formation spontanée de la ville thermale et vient la (pré)définir dans sa croissance33.

La station thermale idéale d’Argelès-Gazost C’est le cas de la station d’Argelès-Gazost. À l’origine, Argelès est composée de deux seigneuries distinctes, Ourout et Vieuzac, qui entretiennent des relations commerciales. En effet, l’espace vide qui sépare les deux communautés sert de lieu de marché. Les deux seigneuries finissent par se réunir, sans doute durant le XVème siècle. À la fin du XIXème siècle, les deux parties du village n’en font plus qu’une et sont organisées autour d’un place centrale où se déroule toujours le marché. La société est inégalitaire, composée surtout de professions agricoles et artisanales. Avant d’être une station thermale, Argelès profite déjà d’un climat généreux. En effet, le village se situe en bordure d’une large vallée ensoleillée et protégée par les hauts versants qui l’encadrent de part et d’autre. Les bienfaits du climatisme argelésien sont déjà connus 30

Ibid., p. 50.

31

GRENIER, Lise, « Les villes de la Santé », in Villes d’eau en France, Institut français d’architecture et

éditions Fernand HAZAN, Paris, 1984, p. 15. 32

Ibid., p. 16.

33

Ibid., p. 16.

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1.2. UNE ORGANISATION SPATIALE AU SERVICE DE L’ACTIVITÉ THERMALE

Bagnères-de-Luchon, le cours d’Étigny relie le bourg ancien à l’établissement thermal situé au niveau du griffon et qui consititue le point d’attraction de la ville ; plan de Bagnères-de-Luchon en 1785.

17ii

Bagnères-de-Luchon, la fin du cours d’Étigny ouvre sur la montagne, tout en soulignant l’établissement thermal situé sur la droite et le parc thermal sur la gauche; extrait du Plan Général de la Ville de Bagnères de Luchon, de ses Thermes, de ses Promenades et son Périmètre, par M. Castex architecte, en 1882 (?).

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes


1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME dans toute la France34. Argelès, qui n’est aujourd’hui que la partie haute de la ville, se serre contre le relief, le long de rues étroites. De part et d’autres, formant une façade continue, s’étagent des maisons aux jardins en terrasse, avec « côté rue, (…) le caractère de l’architecture locale du XVIIIème siècle : façades principales ordonnancées, sobres, aux encadrements de pierre, façades arrières tournées vers la vallée avec galeries en bois sur plusieurs niveaux »35. Au centre du bourg se trouvent trois places qui regroupent les trois monuments publics de la ville : la mairie, l’église et le champ du Foirail36. L’ensemble se tient un peu en hauteur au carrefour de la vallée d’Azun et domine la plaine où coule le gave de Pau. C’est là, à une douzaine de kilomètres en aval, que se trouve le village de Gazost. Dans la plaine agricole, le village de Gazost, possédait quelques sources avec son propre établissement. Entre 1882 et 1884, Hector Sassère, avocat parisien mais originaire de la ville, crée la Société Thermale des Pyrénées, qu’il préside, rachète les sources et fait fermer les thermes existants37. Puis il fait aménager un réseau de conduites en fonte pour acheminer les eaux d’une des sources de Gazost, nommée la Grande Source jusqu’à Argelès. Il négocie avec la municipalité pour obtenir les terrains agricoles situés en contrebas du bourg existant38 entre deux routes historiques, le chemin du comté à l’est et le chemin des moulins à l’ouest. L’arrangement exige le rachat, par d’Hector Sassère à la commune, des voies et des ponts compris sur les terrains et qui étaient jusque-là à la charge de la municipalité39.

18

Le projet de la Société Thermale des Pyrénées est très ambitieux, et l’Histoire montrera qu’il l’était trop. Il prévoit un ensemble thermal d’une envergure telle qu’il devra attirer une clientèle venue de toute la France, mais aussi étrangère, en profitant de la renommée internationale de la station voisine de Cauterets. Ce souhait démesuré s’explique par le fait qu’Hector Sassère était marié avec la fille du notaire de Napoléon, ce qui lui permettait, sans être proche de la cour, de la fréquenter40. L’avocat commence à bâtir le quartier thermal selon « un schéma très strict : le parc circulaire s’inscrit dans un long triangle percé de rues ombragées menant aux édifices publics, à des placettes dont une est également circulaire. »41 Ce développement selon un modèle concentrique, dont l’exemple le plus célèbre en France est celui de la station de Vichy, est possible car la ville se situe à basse altitude (412 mètres au point le plus bas ; 600 mètres au point le plus haut) et en bordure de plaine. Nicolas Meynen le décrit ainsi : « le quartier thermal 34

voir annexes, entretien avec Mme FRIGOUT et Mr NININ-BARUS, p.122.

35

de BARROS, François, sous la direction de GRENIER, Lise, Le Voyage aux Pyrénées ou la Route

thermale, Institut français d’architecture et éditions Randonnées Pyrénéennes, Tarbes, octobre 1987, p.88. 36

Ibid., p.88.

37

JARRASSÉ, Dominique, «Argelès-Gazost », in Villes d’eaux en France, Institut français d’architecture

et éditions Fernand HAZAN, Paris, décembre 1984, p. 282 38

de BARROS, François, sous la direction de GRENIER, Lise, Le Voyage aux Pyrénées ou la Route

thermale, Institut français d’architecture et éditions Randonnées Pyrénéennes, Tarbes, octobre 1987, p.88. 39

voir annexes, entretien avec Mme FRIGOUT et Mr NININ-BARUS, p.122

40

Ibid., p. 58.

41

JARRASSÉ, Dominique, «Argelès-Gazost », in Villes d’eaux en France, Institut français d’architecture

et éditions Fernand HAZAN, Paris, décembre 1984, p. 282

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1.2. UNE ORGANISATION SPATIALE AU SERVICE DE L’ACTIVITÉ THERMALE situé en contrebas de la vieille ville (et relié à elle par une ruelle pittoresque accédant à la place de l’église) est établi " idéalement " autour d’un parc circulaire parcouru, selon le modèle haussmannien, par de larges allées en courbes où sont implantés les bâtiment selon la trilogie " Thermes (1884-1885) – Grand Hôtel (1900) – Casino (1938) ". Partant de ce noyau, la plan d’urbanisation prend une forme en étoile »42. François de Barros ajoute que « depuis la gare de chemin de fer, une avenue bordée de platanes aboutit à une place circulaire qui marque l’entrée monumentale du parc. »43 Autour du bâtiment, de 1890 à 1930, le quartier se remplit petit à petit d’hôtels et de villas44. La Société Thermale des Pyrénées, déjà propriétaire de l’établissement thermal, en possède plusieurs : le Grand Hôtel du Parc et d’Angleterre, sans doute aussi l’Hôtel des Thermes (construit en 1898) et plusieurs villas ouvertes à la location pour les curistes durant la saison thermale. Les premières villas, construites en 1898, sont au nombre de huit et se situent sur la première frange périphérique du parc thermal. Outre les deux hôtels détenus par la Société Thermale des Pyrénées, plusieurs autres s’élèvent dans les environs des thermes : l’hôtel Beauséjour, l’hôtel de France… Les styles des villas sont très variés : style chalet, troubadour, mauresque, etc. La villa Isaby a été conçue par l’architecte bordelais Monginoux, dans le style troubadour. La villa Rose-Marie a un pignon à redents, emprunt qui vient sans doute de l’architecture vernaculaire locale45. Au début du XXème siècle, le quartier s’enrichit d’un casino, d’un Grand Hôtel du Parc et d’Angleterre et d’un Institut Thérapeutique Physique46. Le casino actuel n’est pas celui bâti à l’origine. Le premier était situé dans le parc (à la place de l’actuel boulodrome) et était fait de bois. Il brûle une première fois en 1901, il fut reconstruit avant d’être à nouveau incendié quelques semaines plus tard47. Le casino est transféré en 1937 dans le bâtiment de l’Institut Thérapeutique Physique, situé lui aussi dans le parc, que la ville vient de racheter. Cet édifice a été dessiné par l’architecte Jean Escougnou en 1903 qui est, comme sa propre villa, construite dans le style paquebot48.

La création du quartier thermal de Luz-Saint-Sauveur Le quartier thermal de Luz-Saint-Sauveur forme un quartier bien distinct dans la commune. Il se situe en hauteur, surplombant la ville, sur un versant abrupt, souligné par l’étroitesse 42

MEYNEN, Nicolas, « Urbanisme, Quand les thermes font la ville », Midi-Pyrénées Patrimoine, hiver

2013/2014, n° 36, p. 50. 43

de BARROS, François, sous la direction de GRENIER, Lise, Le Voyage aux Pyrénées ou la Route

thermale, Institut français d’architecture et éditions Randonnées Pyrénéennes, Tarbes, octobre 1987, p.88. 44

JARRASSÉ, Dominique, «Argelès-Gazost », in Villes d’eaux en France, Institut français d’architecture

et éditions Fernand HAZAN, Paris, décembre 1984, p. 282 45

voir annexes, entretien avec Mme FRIGOUT et Mr NININ-BARUS, p.122

46

JARRASSÉ, Dominique, «Argelès-Gazost », in Villes d’eaux en France, Institut français d’architecture

et éditions Fernand HAZAN, Paris, décembre 1984, p. 282 47

VISCOS, « Incendie du casino d’Argelès », Journal de Cauterets, 15/08/1901 ; source : Société

d’Études des Sept Vallées. 48

voir annexes, entretien avec Mme FRIGOUT et Mr NININ-BARUS, p. 122.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

19ii


1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME

20

Mémoire Master - Parcours IAT 10 janvier 2016


1.2. UNE ORGANISATION SPATIALE AU SERVICE DE L’ACTIVITÉ THERMALE

21ii

page précédente en haut : plan d’Argelès-Gazost ; le quartier thermal, qui peut se déployer dans la plaine

0

100

300m

agricole, vient créer une nouvelle centralité au bourg. page précédente en bas : plan des Eaux-Bonnes : l’étroitesse des vallées ne permet pas la création d’un

établissement thermal

quartier thermal à part entière, le développement se faisant alors selon l’axe des fonds de vallée. ci-dessus : plan de Luz-Saint-Sauveur ;

casino grand hôtel

le quartier thermal, détaché du bourg, est contraint par le fort dénivelé à épouser la courbe de niveau.

parc thermal

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes


1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME de la route bordée d’un côté par un parapet ouvrant sur un précipice et de l’autre par la roche taillée dans le flanc de la montagne. L’entrée dans le quartier change peu de choses à cette disposition, la route se transforme en une rue encadrée d’une seule et unique rangée d’immeubles de part et d’autre. Vue depuis le versant opposé, la station affiche un visage plus paisible, « celle d’un front de belles façades colorées, posé comme un balcon sur une seule ligne épousant les courbes de la montagne ». Ici, la contrainte géographique a induit l’organisation urbaine49.

22

L’organisation spatiale de la station est dictée par le relief. L’entrée du quartier est marquée par la colonne dédiée à la duchesse du Berry. La rue est marquée par des séquences architecturales faites d’hôtels et d’édifices publics, rythmant les deux côtés de la rue. Les uns sont collés contre la roche, les autres ouvrent au-dessus du vide au moyen de galerie. « Une succession d’hôtels élève un front de façades de belle composition : des ouvertures importantes et rapprochées s’ordonnent sur plusieurs niveaux, des colonnettes de marbre supportent les balcons aux ferronneries décorées ; les portes cintrées courent horizontalement et alternent avec la ligne droite des corniches ouvragées ; des consoles sculptées soutiennent les nombreux balcons dessinant une frise que rappelle l’étage d’attique »50. La maison de l’Horloge, avec sa volumétrie élancée qui domine la rue, marque la fin d’une séquence et en ouvre une autre où la rue est un peu plus large et dans laquelle s’insère l’établissement thermal. À son endroit le plus large, la rue accueille une esplanade, de laquelle on peut descendre par des escaliers à double révolution pour atteindre le jardin anglais dont la présence ne fut possible qu’à renforts de travaux de terrassement et de soutènement. Le quartier se termine par le pont Napoléon, pont éponyme de celui qui le commanda à seule fin d’embellir la station. Un jardin anglais de forme allongée est installé en contrebas du quartier. Il ne communique pas directement avec l’établissement thermal, mais n’en est quand même pas très éloigné. Au contraire du casino qui est lui situé dans le village dans le creux du vallon. Les éléments indispensables d’une station thermale sont donc bien présents, mais la contrainte du relief n’a pas permis de les rassembler dans une cohérence spatiale. Jusqu’à la Révolution, la renommée et la fréquentation de la station restent locales. Il n’y a pas encore d’établissement thermal à proprement parlé, seulement cinq maisons qui loue au total treize baignoires alimentées par l’eau d’une même source. C’est durant la Restauration que Luz-Saint-Sauveur devient à la mode, grâce à la venue des duchesses d’Angoulême et du Berry en 1823 et 1828. Elles entraînent dans leur sillage « toute une société d’aristocrates, de militaires et de diplomates ». La commune fit construire deux colonnes à leur mémoire. C’est à la même époque que naît l’établissement thermal, qui n’aura de cesse de s’agrandir. À la suite de l’établissement thermal, la station s’agrandit. Il s’agit surtout de grands hôtels, la configuration du site ne laissant que peu de place à des villas, consommatrices de terrain. Des lieux de distractions apparaissent aussi comme un vauxhall ou le pavillon de l’Horloge. Il existait aussi un second établissement thermal, de statut privé, situé un peu au-dessus du 49

BARROS (de), François, « Saint-sauveur », Le Voyage au Pyrénées ou la Route thermale,

Randonnées Pyrénéennes, Institut Français d’Architecture, Tarbes, octobre 1987, p.104. 50

Ibid., p.106.

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1.2. UNE ORGANISATION SPATIALE AU SERVICE DE L’ACTIVITÉ THERMALE quartier, dont il ne subsiste aujourd’hui que la buvette. La station profite de la bienveillance impériale de Napoléon III et de son épouse Eugénie envers le thermalisme. Ils commandent des travaux d’embellissement qui touchent l’église du village, la chapelle Saint-Pierre, y font édifier le pont Napoléon. La station de Luz-SaintSauveur est un des terrains de jeux favoris de l’Empereur pour tester ses idées en matière politique d’équipement51. Le peu d’espaces urbains publics de la station est compensé par les possibilités de promenades dans la montagne aux alentours. De nombreuses promenades son aménagées qui permettent aux curistes de profiter des paysages variés qui entourent à peu de distance la quartier thermal : gave, gorges, rochers, forêts… Elles partent dans toutes les directions, aussi bien au-dessus qu’en dessous de la station, depuis l’entrée du quartier ou à partir du pont Napoléon. La promenade Eugénie qui démarre à la culée du pont, permet de descendre en dessous de l’ouvrage d’art pour en admirer tout à la fois, l’esthétique et la prouesse technique. Le jardin anglais s’étire en contrebas de l’esplanade et descend en pente douce jusqu’à l’église. On peut également descendre par des petites allées en lacets jusqu’au gave en fond de vallée. De là, on peut rejoindre la rive opposée en empruntant le pont de Gontaut52.

La colonisation du fond de vallée aux Eaux-Bonnes Les prémices du thermalisme aux Eaux-Bonnes apparaissent avec le besoin de soigner les soldats béarnais blessés à la bataille de Pavie sous François Ier. Les sources de la vallée sont alors connues sous l’appellation des Eaux d’Arquebusades (du nom de l’arme qui blessa les soldats). Un premier bourg du nom de Bonnes se crée autour du griffon, dépendant alors de la commune d’Aas53. Les sources connaissent un premier essor durant la seconde moitié du XVIIIème siècle, grâce à la médiatisation que fait le médecin-inspecteur Théophile de Bordeu sur les bienfaits de la cure aux Eaux-Bonnes pour les maladies de poitrine. Mais c’est véritablement les différents décrets de Napoléon Ier sur le développement des stations thermales (réforme administrative en particulier) qui va profiter aux Eaux-Bonnes. La station se dote de nouveaux équipements dont notamment la construction d’une route praticable en voiture en 1800. La station s’accroît aussi avec de nouveaux bâtiments tels que la maison du Gouvernement, l’église et le vauxhall. La reconstruction de l’établissement thermal par l’architecte départemental Jean Latapie est terminée en 1837. Mais ce n’est qu’une étape, les thermes n’auront de cesse de s’agrandir au fur et à mesure que la notoriété de la station augmente. Cette expansion n’est pas uniquement réservée à l’établissement thermal, c’est tout le bourg qui s’étend, devenant une véritable petite ville ; si on ne compte que vingt maisons en 1835, on en recense une cinquantaine cinq ans plus tard. L’architecture de ces nouveaux immeubles se compose de façades de 51

Ibid., p.104, 107 et 108.

52

Ibid., p. 108.

53

MIGNOT, Marie-Pascale, « Les Eaux-Bonnes », in Le Voyage au Pyrénées ou la Route thermale,

Randonnées Pyrénéennes, Institut Français d’Architecture, Tarbes, octobre 1987, p. 78.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

23ii


1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME représentation, avec des séquences rythmées. Il s’agit plus d’une esthétique de grande ville, destinée aux « nobles étrangers » venus en cure, que d’une architecture régionaliste, même si le recul géographique impose d’utiliser des matériaux locaux54. L’urbanisation de la station se fait selon deux axes à partir de l’établissement des bains : l’un se dirige en direction de Laruns, l’autre vers Aas. Le premier quartier thermal n’a pas vraiment le choix de son implantation car la vallée est étroite et les versants abrupts. C’est donc le long de ces deux voies que viennent s’implanter les premiers hébergements. L’organisation urbaine des Eaux-Bonnes rappelle l’ordonnancement haussmannien, mais cela est contrebalancé par une organisation urbaine qui puise clairement son inspiration dans les cités-jardins d’outreManche.

24

Le Second Empire, et l’attention portée par l’Impératrice Eugénie à la station où elle descendait en famille dans son enfance, apportent ses heures de gloire aux Eaux-Bonnes. Sous l’influence impériale, on crée un jardin anglais et plusieurs promenades. La plupart de ces promenades ont été commanditées et financées par des mécènes privés, ensuite cédées gracieusement à la commune qui doit se charger de l’entretien au long terme. On en compte encore huit aujourd’hui. Chacune d’entre elles développe un caractère propre, jouant sur des variations de tracés, ornementations végétales, petits équipements (bancs, kiosques…), mises en scène pittoresques telles que des cascades, points de vues ouvrant sur la station, etc. L’impératrice fait même intervenir son jardinier personnel pour embellir le jardin anglais. La station se dote d’une nouvelle église en 1884 et le casino ouvre ses portes l’année suivante55. La création du jardin anglais, lieu de promenade par excellence aux Eaux-Bonnes va créer une centralité à la station et c’est logiquement que les nouvelles constructions vont s’implanter tout autour, dont notamment l’Hôtel des Princes. Ce dernier est le plus grand édifice de la ville, plus grand même que l’établissement thermal. Il s’agit du plus prestigieux hôtel de la station, qui accueillit l’Impératrice et sa cour en 1861. Cet hôtel, d’architecture néo-classique, bien qu’adossé contre la roche, a toutefois su ménagé une piscine et un court de tennis dans l’interstice à l’arrière du bâtiment56. L’ordonnance des façades de ces nouveaux bâtiments contraste avec l’architecture plus simples du premier quartier thermal : les baies sont plus grandes, les immeubles se haussent d’un étage, les entrées se monumentalisent sur double hauteur ou avec des marquises, les couleurs font leur apparition dans les enduits extérieurs57. Les proportions, compositions et éléments de modénature des immeubles confèrent un aspect très urbain à la station pyrénéenne. Mais les caractéristiques des matériaux locaux, de la pierre et du marbre dur, obligent à une simplicité dans le traitement, sobriété qui vient aussi sans doute de l’influence de l’architecture locale béarnaise. « Ici, pas de sculptures, de chapiteaux ou de cariatides omniprésents dans les immeubles parisiens du Second Empire », mais « des lignes 54

Ibid., p. 78 et 80.

55

Ibid., p. 78, 80, 83 et 87.

56

Wikipédia, Eaux-Bonnes, 2015, https://fr.wikipedia.org/wiki/Eaux-Bonnes

57

MIGNOT, Marie-Pascale, « Les Eaux-Bonnes », in Le Voyage au Pyrénées ou la Route thermale,

Randonnées Pyrénéennes, Institut Français d’Architecture, Tarbes, octobre 1987, p. 81.

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1.3. DES AMÉNAGEMENTS URBAINS COMPLÉMENTAIRES AU THERMALISME simples, des encadrements lisses et un vocabulaire mesuré de bandeaux et de frontons ». Le vocabulaire prédomine, et l’austérité du marbre et des ardoises est atténuée par l’utilisation de couleurs dans les enduits58. On recense quelques villas en périphérie de la station, d’aspect anglo-normandes, mais ce n’est pas la typologie architecturale qui prédomine aux Eaux-Bonnes car la commune ne dispose pas de ressources foncières importantes. Il est donc plus courant d’observer des hôtels ou des immeubles de logements dans la station. L’architecture du casino dénote de l’ensemble de la station. Le soubassement est en pierre avec un parement cyclopéen et des bossages aux encadrements et harpages d’angle. Le corps de bâtiment en lui-même joue avec la brique, naturelle ou vernissée noire, et des enduits clairs qui viennent créer des motifs sur tout la surface des façades. Cette dernière a une volumétrie complexe qui mêle tourelle, pavillons d’angles, rotondes et arcades en enfilade59. La présence d’une activité thermale a donc évidemment une influence directe sur l’aménagement du territoire, en ce qu’elle centre l’organisation urbaine sur les thermes, si ce n’est de l’ensemble de la station pour les plus petites d’entre elles, d’au moins le quartier tout entier. Mais cette attraction des aménagements autour l’établissement thermal est à la fois plus complexe et moins perceptible. En effet, il est l’élément déclencheur à la création de toute une économie complémentaire aux activités thermales, qui peut se lire dans la présence d’équipements satellitaires aux thermes.

25ii

1.3. Des aménagements urbains complémentaires au thermalisme

L’ouverture des stations vers l’extérieur L’idée de la perspective et de la mise en scène de l’établissement des thermes prend de plus en plus d’ampleur dans les années 1820-182560. Sous l’impulsion des Romantiques, l’échelle d’intervention change : d’urbaine, la relation devient paysagère ; c’est l’environnement dans son ensemble et à grande échelle qui doit être pris en compte. L’établissement thermal devient un objet au milieu d’un site. C’est entre 1850 et 1900 que l’organisation urbaine de la ville d’eau se fixe, et c’est celle que l’on peut encore observer in situ aujourd’hui. À Bagnères-de-Luchon, les dirigeants successifs n’ont cessé d’embellir la ville depuis l’intervention initiale de l’intendant d’Étigny. Jusqu’au Second Empire, la ville se dote de 58

Wikipédia, Eaux-Bonnes, 2015, https://fr.wikipedia.org/wiki/Eaux-Bonnes

59

Ibid.

60

GRENIER, Lise, « Les villes de santé », in Villes d’eaux en France, Institut français d’architecture et

éditions Fernand HAZAN, Paris, 1984, p. 21.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes


1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME nouvelles allées, de places, de jardins, de plantations… Mais l’apparition et la diffusion du mouvement romantique vont changer le regard porté sur la montagne et donc son rapport avec la ville. La curiosité et le désir de nouveautés prennent l’avantage sur le danger et l’inconnu. Il est maintenant acquis qu’un séjour aux thermes n’est pas complet s’il ne comprend quelques excursions, de différents degrés de difficultés, pour aller découvrir les paysages, découvrir les vallées et conquérir un ou deux sommets. Et c’est autant de temps occupé face à l’ennui qui s’insère entre les moments réellement dédiés à la cure qui prennent, on s’en compte, finalement peu de temps61. S’impose donc la nécessité d’aménager les alentours des thermes et de leurs sources en fonction de points de vue privilégiés. La ville thermale s’organise le long de nouveaux espaces publics, places, avenues, promenades et parc, qui permettent de joindre les points forts : les thermes, le casino et les grands hôtels. Ces nouveaux aménagements jouent à la fois d’introversion et d’extraversion ; introversion de la ville sur elle-même qui canalise et retient ses visiteurs en son sein par le biais d’une offre de loisirs colossale ; extraversion car les promenades apportent de nouveaux points de vue sur les montagnes environnantes et chacun est libre de poursuivre une exploration plus poussée en louant un cheval ou les services de porteurs de chaises62.

26

Mais il ne suffit pas de comprendre la montagne, il faut aussi la maîtriser. Maîtrise qui s’effectue par l’insertion de nouveaux espaces publics à double vocation : admirer le paysage et le mimer. Ainsi des zones plus ou moins artificielles de nature entrent dans la ville, à l’image du jardin planté et du parc anglais situés en face du portique des thermes de Bagnères-deLuchon. Il faut remarquer que si ce portique sert de déambulatoire, il est aussi une « transition entre le bâti et le planté »63. En effet, la jonction entre les thermes et les allées d’Étigny se fait grâce à un jardin urbain, de forme carré, appelé la promenade des Quinconces et planté de catalpas et de tulipiers. Il se prolonge par un parc pittoresque qui reconstitue à échelle miniature des scènes inspirées directement de la nature environnante : lacs, cascades, petits bosquets… De là, le curiste peut s’aventurer encore un peu plus dans la montagne par des chemins aménagés que le docteur Ernest Lambron nous décrit dans sa Notice historique et médicale sur Bagnères de Luchon (Paris, 1852) : « " les sentiers du Bosquet " ou jardin anglais planté de tous les arbres verts les plus rares de la montagne. Il a été dessiné par M. Boileau pour conduire sans fatigue, et au milieu du plus frais des ombrages, jusqu’à la " fontaine d’Amour ", rendez-vous charmant, où l’on fait des déjeuners délicieux, et d’où la vue domine tout Luchon et sa vallée »64. La pratique de la marche le long de ces nouvelles promenades fait partie intégrante de la cure, car favorisant l’ingestion de l’eau thermale, et sera nommée la cure de terrain. Si, à Bagnères-de-Luchon, les embellissements paysagers sont le fait de la mairie, ce n’est pas le cas de toutes les stations thermales. Aux Eaux-Bonnes, en vallée d’Ossau, les différentes promenades et la réalisation des points de vue (point d’où il est possible d’embrasser d’un 61

PEYRUSSE, Louis, « Villes d’eaux, patrimoine en devenir », Midi-Pyrénées Patrimoine, hiver

2013/2014, n° 36, p. 35. 62

CHADEFAUD, Michel, «La route thermale et les développement touristique des Pyrénées, in Le

Voyage aux Pyrénées ou la route thermale, Institut français d’architecture et Randonnée Pyrénéenne, Tarbes, 1987, p. 186. 63

Ibid., p. 22.

64

Ibid., p. 22 et 23.

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1.3. DES AMÉNAGEMENTS URBAINS COMPLÉMENTAIRES AU THERMALISME

plan des Eaux-Bonnes, Marie-pascale MIGNOT, 1987 ; l’ensemble des promenades forme un réseau centré autour du complexe thermal.

plan de Luz-Saint-Sauveur, Marion GILLIOT, 1987 ; les promenades s’adaptent au relief pour offrir de nouveaux points de vue sur la station.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

27ii


1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME seul coup d’œil l’ensemble de la station) ont pu être édifiées grâce aux dons généreux de fidèles et riches curistes. De 1855 à 1862, l’impératrice Eugénie, curiste assidue de la station depuis 1840, ordonne (grâce au pouvoir que lui confère sa qualité d’impératrice) la création de plusieurs promenades, dont la promenade, éponyme, de l’Impératrice longue de trois kilomètres. Elle commande également un hospice et un plan d’urbanisme pour l’embellissement de la station65. Il faut noter que ces aménagements inventent un nouveau rapport au corps en même temps qu’un art de vivre en société, composé de divertissements et de réjouissances66. En effet, la mise en place de cette organisation urbaine correspond aussi à la période où la morale médicale rejette toutes les activités sans lien direct avec les soins. Loisirs et distractions doivent trouver refuge dans de nouveaux édifices. La ville se dote donc d’équipements : hôtel de ville, église, théâtre, salons de thé ou cercles de lecture…

Une organisation centrée autour du « complexe thermal »

28

Mais il n’y qu’un seul élément incontournable dans une station thermale, c’est la réunion dans un territoire assez restreint de l’établissement thermal, du parc thermal, du casino et d’un grand hôtel67. Cet ensemble, parfois appelé « complexe thermal », est en fait un ensemble d’équipements agencés autour d’un espace public68. L’architecture de ces édifices se démarque des constructions vernaculaires par leur échelle disproportionnée (en grandeur) et par une composition souvent classique et toujours imposante. Tous ces nouveaux édifices prêtent énormément d’attention à la relation entre espaces intérieurs et extérieurs. Les procédés spatiaux qui assurent cette transition sont nombreux et divers, devant faire preuve d’originalité et de richesse. On trouve ainsi des marquises, des vérandas, des galeries, des jardins d’hiver, des cours plantées, des passages surmontés de verrières…69 Dans les années 1880, la plupart des parcs thermaux se privatisent et s’entourent de clôtures car ils deviennent soit la propriété de sociétés privées, soit ces dernières en récupèrent la gestion. Le parc devient alors un objet fini, source de financement comme cela est décrit dans la Gazette des Eaux du 15 septembre 1881, citant le cas de Vernet-les-Bains : « La ville thermale forme un domaine entièrement clos qui va se perdre jusque dans les montagnes qui ferment la vallée. Elle se compose d’un parc avec sa pièce d’eau et sa cascade, le tout très gracieusement dessiné, d’un casino, d’un établissement thermal, d’une quinzaine de villas disséminées dans le parc et destinées à être louées en entier ou par parties aux baigneurs 65

Ibid., p. 22 et 23.

66

PEYRUSSE, Louis, « Villes d’eaux, patrimoine en devenir », Midi-Pyrénées Patrimoine, hiver

2013/2014, n° 36, p. 35. 67

THOULUMAS, Bruno, Le thermalisme au XXIè siècle : quelles stratégies pour le futur ?, Press Therm

Climat, 2014, p. 32. 68

GRENIER, Lise, « Les villes de santé », in Villes d’eaux en France, Institut français d’architecture et

éditions Fernand HAZAN, Paris, 1984, p. 30. 69

Ibid., p. 38.

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1.3. DES AMÉNAGEMENTS URBAINS COMPLÉMENTAIRES AU THERMALISME qui viennent s’installer avec leur famille, de cinq ou six grands hôtels, d’un jardin d’hiver merveilleux, d’une vacherie pour la cure du petit lait, d’un gymnase pour les enfants »70. Autour du complexe thermal ainsi formé, tout un ensemble de constructions vient graviter, notamment l’offre d’hébergement, sous forme d’hôtels ou de villas, des commerces et des espaces de loisirs. On trouve une hiérarchie dans les types de constructions, où la proximité à l’établissement thermal n’est pas sans lien avec les ressources financières du curiste71. En périphérie du parc thermal, on trouve les commerces, les hôtels de moindre catégorie, les chalets et villas, ouverts à la location pour les curistes aisés et les logements meublés. Ces grandes maisons s’alignent le long des grandes avenues plantées ou dans les parcs72. Enfin, encore plus loin, la ville « permanente », celle du quotidien, qui ne vit pas de la cure thermale et se pratique en toutes saisons73. Elle regroupe les maisons des habitants originaires du bourg dont le tracé n’a pas reçu l’attention des intendants, en particulier dans en régions montagneuses où les rues et les habitations se sont adaptées au relief. Si la ville tisse de fortes relations avec son quartier thermal, notamment d’un point de vue économique, le bourg historique continue à se développer de manière indépendante par l’ajout de secteurs industriels ou de zones pavillonnaires. Cette agglomération de biens et de services se fait évidemment sur plusieurs décennies et peut ainsi s’étendre sur un territoire de plusieurs kilomètres autour de la station. Cet espace généré par la présence d’un établissement thermal et qui met en synergie des acteurs très différents mais tous dépendants de la vitalité du thermalisme, est appelé « territoire thermal ». La diversification des établissements thermaux n’est donc pas une découverte du début du XXIème siècle74. En effet, le fait est déjà ancré dans le territoire depuis plusieurs siècles. Parallèlement à la volonté de faciliter l’accès pour attirer les curistes, à l’envie d’embellir pour les allécher et les fidéliser et à la nécessité de supplanter la concurrence des autres villes thermales en les subjuguant, il faut ajouter une nouvelle motivation à dessiner et à réorganiser la ville thermale. En 1856, une loi impose un périmètre de protection autour des sources75. Cette loi est à la fois une mesure de protection pour la qualité de l’eau exploitée, afin d’en éviter la pollution, et un prétexte à aménager la ville et en particulier l’environnement immédiat de l’établissement thermal. L’organisation urbaine de la ville, et en particulier du quartier thermal, est en fait composée 70

Ibid., p. 37.

71

THOULUMAS, Bruno, Le thermalisme au XXIè siècle : quelles stratégies pour le futur ?, Press Therm

Climat, 2014, p. 32. 72

GRENIER, Lise, « Les villes de santé », in Villes d’eaux en France, Institut français d’architecture et

éditions Fernand HAZAN, Paris, 1984, p. 37. 73

MOISSET, Philippe, Conseil National du Tourisme, Section des politiques territoriales et du

développement durable , La diversification des activités des stations thermales, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, session 2011, p. 11. 74

THOULUMAS, Bruno, Le thermalisme au XXIè siècle : quelles stratégies pour le futur ?, Press Therm

Climat, 2014, p. 32. 75

GRENIER, Lise, « Les villes de santé », in Villes d’eaux en France, Institut français d’architecture et

éditions Fernand HAZAN, Paris, 1984, p. 24.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

29ii


1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME

30

plan d’Argelès-Gazost, Marion Gilliot, CAUE, 1987 ; la création d’un quartier entièrement neuf sur un terrain vierge a permis de dessiner le complexe thermal selon un plan idéal.. 0

50

150m

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1.3. DES AMÉNAGEMENTS URBAINS COMPLÉMENTAIRES AU THERMALISME

31ii

plan d’Argelès-Gazost, d’après André NOGARO, SESV, 2007 ; autour du complexe thermal, des hébergements urbanisent la plaine dans un mouvement concentrique.

avant 1960 après 1960 0

100

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

300m


1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME d’un ensemble de parcours paysagers qui permettent de se rendre de son logement aux lieux de soins, puis de déambuler agréablement jusqu’aux espaces de loisirs. Nicolas Meynen la résume ainsi : « chaque ensemble thermal transforme la petite ville de sources en ville d’eaux disposant à la montagne d’une large gamme d’activités urbaines. L’idée maîtresse des concepteurs est d’élaborer un paysage urbain harmonieux et sédatif qui réponde aux exigences médicales et privilégie les espaces de rencontre et de plaisirs »76. Les bâtisseurs des villes thermales sont souvent des spécialistes : architectes, ingénieurs, géologues, médecins et hygiénistes. L’idée est d’appréhender la ville dans sa totalité et de lui conférer une unité. Cette harmonie se traduit par l’architecture du bâti et une organisation urbaine rigoureuse et fonctionnelle, créant ainsi une ville nouvelle dont le centre d’impulsion est l’établissement thermal. Mais si l’unité de la ville thermale ne fait aucun doute, on constate parfois une rupture avec le bourg existant et les quartiers périphériques qui vivent indépendamment de la pratique thermale. Les dispositions urbaines historiques peuvent alors représenter un frein au développement de nouveaux secteurs d’activité77. L’avantage des stations thermales de montagnes est les faibles proportions de démolitions et d’excroissances massives de leur périphérie, conservant de ce fait leur tempérament intact. Cela se révèle aujourd’hui un atout, puisque l’essor des pratiques thermoludiques a repris à son compte l’imaginaire de villégiature de la vie thermale78.

32

Outre son impact direct sur l’organisation du territoire local, les traces du thermalisme peuvent aussi se lire sur des territoires beaucoup plus grands. L’impact économique aux échelles régionale et nationale montre le but assumé d’attirer une clientèle venue de la France entière et surtout de Paris, voire du monde entier et en particulier de l’Europe pour les plus grandes stations thermales. On assiste à un développement routier et ferroviaire qui colonise l’ensemble du pays.

1.4. Un développement économique à l’échelle nationale

La commercialisation du thermalisme Le thermalisme fait partie de la villégiature qui est le fait de prendre des vacances pendant la belle saison à la campagne, à la montagne ou à la mer79. Bernard Toulier propose d’associer 76

MEYNEN, Nicolas, « Urbanisme, Quand les thermes font la ville », Midi-Pyrénées Patrimoine, hiver

2013/2014, n° 36, p. 45. 77 78

Ibid., p. 46 et 55. MEYNEN, Nicolas, « Urbanisme, Quand les thermes font la ville », Midi-Pyrénées Patrimoine, hiver

2013/2014, n° 36, p. 55. 79

Dictionnaire Larousse, Villégiature, 2015, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/

villégiature/82003?q=villégiature#81036

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1.4. UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE À L’ÉCHELLE NATIONALE à la villégiature le sens de la définition donné au tourisme par Alphonse Daudet dans son livre Tartarin sur les Alpes (1885) : « le tourisme est un ensemble de relations et de faits constitués par le déplacement et le séjour de personnes hors de leur lieu de domicile, en tant que ce séjour et ce déplacement ne sont pas motivés par une action lucrative quelconque »80. Les villes thermales sont donc par certains aspects comparables aux villes balnéaires ou climatiques. Pour ce qui concerne en particulier le développement des infrastructures, en vue d’acheminer les clients, toutes les villes de villégiature développent les mêmes stratégies. Souvent même, cela se fait en symbiose, un axe de transport desservant plusieurs stations. Comme on a pu le voir, l’impact du thermalisme s’étend au-delà de l’établissement thermal. La présence d’une activité thermale a des conséquences sur l’organisation urbaine. Mais cela dépasse aussi le cadre urbain et l’on peut constater des répercussions aux échelles départementales, régionales et nationales. Les développements induits par le thermalisme à ces grandes échelles montrent le poids social, mais aussi économique, du thermalisme qui s’inscrit dans des logiques de concurrence entre les stations au niveau national, parfois même international pour les stations les plus importantes. Les motivations qui pousse au développement sur l’ensemble du territoire national sont les mêmes que celle que l’on peut observer à l’échelle locale. Le but est d’attirer les curistes vers les stations thermales en leur proposant, non seulement les soins thermaux, mais aussi toute une panoplie d’activités de loisirs, de culture, de réjouissances sociales autour du lieu de cure et durant toute la période de la cure. Mais l’effet inverse est aussi à constater, on tend à exporter le thermalisme vers les grandes villes, avec par exemple la commercialisation des eaux minérales ou de produits dérivées. On assiste à la construction d’un système économique basé sur les loisirs regroupant « trois branches d’activités qui peuvent parfois s’associer en réseaux financiers complexes (…). La branche des voyages s’étend aux compagnies de transports. La branche immobilière organise et gère les séjours temporaires dans les hôtels, les palaces, les villas et les lotissements privés. Enfin, diverses sociétés spécialisées exploitent les produits commerciaux de consommation à but thérapeutique ou de loisirs »81. En 1850, sur les 200 stations thermales recensées en France, on compte 75 stations qui concentrent leur développement économique à la commercialisation de l’eau minérale comme boisson, que ce soit directement sur place ou par des structures d’exportation du produit, quand les 125 autres préfèrent miser sur les bains et les cures avec un nombre d’établissements thermaux s’élevant à 170. Plus d’un siècle après, en 1970, le nombre de sources exploitées est passé à 1370 pour 350 établissements thermaux qui se trouvent implantés sur environ 150 stations thermales. La plupart de ces stations se trouvent dans les massifs de montagnes des Alpes, du Massif Central, des Vosges et des Pyrénées. L’ensemble de la clientèle de toutes les stations représente un total de 375 000 curistes, auxquels il faut rajouter les accompagnateurs, ce qui monte le nombre à 700 000 personnes concernées par le thermalisme. Plus récemment, en 2001, on ne dénombrait, plus que 105 stations thermales et qui accueillaient presque 550 000 curistes. À l’échelle du tourisme français, cela représente 5% du flux touristique.

80

TOULIER, Bernard, « Les réseaux de villégiature en France », In Situ, 2004, p.2.

81

Ibid., p.8.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

33ii


1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME C’est au début du XIXème siècle que l’on assiste à la commercialisation progressive du thermalisme. Cela se traduit notamment par l’exploitation systématique des eaux minérales pendant le Premier Empire82. « L’exploitation des sources et ensuite la reconnaissance des communes érigées en stations hydrominérales ou climatiques font l’objet d’un abondante législation pour bénéficier de cette nouvelle richesse économique et tirer de substantielles recettes : taxes de séjour, taxes sur les jeux,… »83. Au-delà donc des acteurs directs (exploitants, propriétaires...), le thermalisme suscite l’intérêt d’autres acteurs notamment celle les municipalités. Construire et pérenniser la renommée d’une station est un enjeu primordial pour le développement économique des établissements thermaux. C’est l’objectif visé par les stations lorsqu’elles accueillent des personnes éminentes et de grande influence dans la société. Par exemple, les venues de Napoléon III et de son épouse l’impératrice Eugénie dans les stations thermales des Pyrénées, ne sont pas étrangères à l’essor dont ces stations ont pu bénéficier les années suivantes. Mais la plupart du temps, les stations doivent se contenter des personnalités locales, composées majoritairement par la noblesse d’épée, les parlementaires et les magistrats84.

34

Les retombées qui découlent de cette publicité dépassent les limites de la station et touchent un plus vaste territoire et dans plusieurs secteurs d’activité (infrastructures, modèles de gouvernance et instances de contrôle, etc.). En effet, et pour continuer l’exemple impérial, Napoléon III va faire du thermalisme « un champ d’essai exemplaire pour ses projets urbains. La mise en place de cette politique est contrôlée par la commission des eaux minérales qu’il met en place en 1854, composée notamment d’un médecin-inspecteur, d’un inspecteur en chef des mines et d’un architecte inspecteur des établissements sanitaires et thermaux de l’État, chargés de contrôler ce réseau de stations thermales et des premières stations balnéaires ».85 Petit à petit, les stations thermales deviennent des terrains d’investissement entre différentes sphères d’influence et de pouvoir, que cela soient celles qui émergent de l’initiative de personnages locaux voulant profiter des ressources de leur territoire, celles d’industriels de plus grande envergure qui investissent dans le thermalisme ou celles relative à la gouvernance et au contrôle imposées par l’État. « Chaque station thermale est ainsi un enjeu de pouvoir entre les propriétaires des eaux, le médecin-inspecteur qui en règlemente l’administration et les autres médecins qui veulent garder leur liberté de prescrire. »86 Chacun de ces acteurs veut profiter de la nouvelle manne financière que représente le thermalisme, mais ils vont également largement contribuer et alimenter la pérennité de cette source. Ainsi, « la notoriété du médecin crée la station et développe sa renommée. Le médecin crée le besoin, découvre les sources, " fabrique " le produit approprié au traitement des maladies et impose ensuite 82

Ibid., p.3 et 9.

83

Ibid., p.3.

84

CHADEFAUD, Michel, « La route thermale est le développement touristique des Pyrénées », in Le

Voyage au Pyrénées ou la Route thermale, Randonnées Pyrénéennes, Institut Français d’Architecture, Tarbes, octobre 1987 p.187. 85

TOULIER, Bernard, « Les réseaux de villégiature en France », In Situ, 2004, p.3.

86

Ibid., p.3.

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1.4. UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE À L’ÉCHELLE NATIONALE à ses patients les stations les plus appropriées à leurs pathologies. De nombreux traités médicaux sont des monographies écrites par des médecins locaux. La scientificité affichée par les auteurs cache mal l’intérêt de ces derniers – à la fois agent et relais de la propagande et même parfois aussi directement actionnaires »87. Afin d’intéresser la maximum de curistes potentiels, ces textes sont traduits en langue, étrangères; en anglais et en espagnol pour ce qui concerne le cas des stations pyrénéennes88. La concurrence locale qui s’installe entre les différents acteurs du thermalisme dans le but d’en faire un secteur économiquement rentable, va entrainer l’apparition d’une concurrence entre les stations thermales. À l’image de la ville industrielle, les villes de villégiature vont développer la qualité de leurs services pour faire face à la concurrence et gagner en compétitivité afin de se démarquer des autres et augmenter leur puissance d’attractivité, leur capacité à capter des curistes-clients89. L’émergence de l’économie thermale va s’inscrire à la fois dans l’espace, dans le temps, et va structurer le territoire. Les nouvelles agglomérations autour des stations thermales vont se développer selon la nature de leurs activités et leur degré d’accessibilité. « Elles répondent à un logique de gestion de flux des déplacements, selon les diversités et les complémentarités de la chaîne des transports, du lieu d’origine à la destination, en comptant sur les nœuds de transbordement. Le point de convergence entre ces différentes stations et les réseaux qui les relient est la création d’un maillage du territoire pour l’occupation d’espaces vierges consacrés à des activités originales, non directement productives, à l’opposé de la ville industrielle : lieux d’un autre mode de vie, hors des contraintes de la ville conventionnelle et traditionnelle. Les stations se développent selon des logiques de création de bassins ou en chaînes, continues ou discontinues, selon leur pouvoir d’attraction et le jeu de la concurrence. Elles s’agglomérèrent autour de pôles structurants dont les tentacules s’étendent parfois en chapelets autour de stations-satellites. »90 Mais si les stations thermales entrent dans un réseau, il est important de garder à l’esprit que ces villes restent des lieux à part, ce que Michel Chadefaud rassemble sous le concept de «distinction spatiale». Il s’agit de lieux choisis parce qu’ils ont un caractère spécial, parce qu’ils « recèlent quelque chose de tout à fait réel, bien qu’impalpable »91. Au-delà de l’activité thermale, c’est aussi tout le secteur touristique qui va profiter de cet engouement pour la cure thermale. Dans les régions montagneuses où le thermalisme est implanté, telles que les Pyrénées, les Alpes ou le Massif Central, les sports d’hiver vont aussi voir leur développement favorisé par la mise en place d’un réseau de connections efficace, dès les années 193092. 87

Ibid., p.3.

88

CHADEFAUD, Michel, « La route thermale est le développement touristique des Pyrénées », in Le

Voyage au Pyrénées ou la Route thermale, Randonnées Pyrénéennes, Institut Français d’Architecture, Tarbes, octobre 1987 p.186. 89

TOULIER, Bernard, « Les réseaux de villégiature en France », In Situ, 2004, p.35

90

Ibid., p.9.

91

CAZALIS, Gérard, « Patrimoine thermal dans les Pyrénées occidentales, station thermale et

développement local », in Villes d’eaux des Pyrénées occidentales, Patrimoine et devenir, Institut d’Études du Massif Central, coll. « Thermalisme et Civilisation », Aurillac, 1996, p. 120-121. 92

CHADEFAUD, Michel, « La route thermale est le développement touristique des Pyrénées », in Le

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

35ii


1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME Le réseau thermal à l’échelle nationale Les stratégies thermales à ces échelles plus grandes sont notamment observables dans la mise en place d’infrastructures d’envergure pour faciliter la venue des curistes : amélioration du confort de voyage, de la rapidité du trajet, modernisation des moyens de transport. Ainsi, « le réseau de villégiature s’étend sur tout le territoire dans un espace relié par des mailles constituées par des voies de communication transportant des personnes. Chaque ville de villégiature ne représente pas seulement une unité autonome, un centre avec sa périphérie, mais une zone de condensation spécifique autour de points de croisement, les " échangeurs " des voies de communication. Séjourner en villégiature ne désigne pas le lieu statique de la « résidence », mais un espace dynamique d’échange, de circulation et de communication. Le nomade en villégiature, l’" étranger " à la station, est un " abonné " à ces points nodaux de l’espace-réseau, " branché " sur un réseau de services de santé, de confort et de loisirs ».93 Tous les réseaux de transports sont concernés par l’influence des villes de villégiature. Les transports maritimes (notamment pour les stations balnéaires), routiers, ferroviaires et aériens (pour les plus grandes stations), se développent. On assiste à une progression au sein même de chaque réseau, mais aussi à la mise en connexion de ces réseaux entre eux dans le but spécifique de rallier les villes thermales, balnéaires et climatiques. Cette mise en connexion « réorganise l’espace : {elle} " ordonne " les nouveaux espaces urbains selon les flux migratoires et l’accessibilité de ces stations aux nouvelles infrastructures.

36

Il faut cependant attendre la seconde moitié du XVIIIème siècle pour que l’exploitation des flux de voyageurs à destination des stations thermales ou balnéaires soit rentable. Pour atteindre cet objectif, plusieurs stratégies sont mises en place par les compagnies de transports. La période de saison estivale (qui correspond à la période des cures) est particulièrement propice au développement des voyages spécifiquement organisés pour les curistes à destination des villes thermales. Ainsi, « à partir de Paris, des trains spéciaux sont affrétés (…). Le Sud-Express, composé de wagons-lits, de salons et de restaurants, rejoint les stations balnéaires de la Côte d’Argent et les stations thermales des Pyrénées selon une fréquence tri-hebdomadaire. À partir de 1910, il est en correspondance avec le Pyrénées-Côte d’Argent-Express. On trouve un Londres-Paris-Vichy ou le Themal-Express à destination de Vichy, pour atteindre au plus les près les stations de Châtel-Guyon, Royat, La Bourboule et Le Mont-Dore »94. Le développement ferroviaire en lien avec l’essor de la villégiature illustre bien la réalité de source de financement que ces nouveaux secteurs que sont balnéaire, thermalisme et climatisme représentent. L’exemple de la Compagnie du Midi, fondée par les frères Pereire sous le Second Empire et qui perdure jusqu’au début du XXème siècle, montre le lien étroit et durable qui existe entre ces deux secteurs : opérations immobilières, initiatives tarifaires, affrètement de trains de plaisirs. Dès l’entre-deux-guerres, les services d’autocars prennent le relais du train pour desservir les stations les plus enclavées. Voyage au Pyrénées ou la Route thermale, Randonnées Pyrénéennes, Institut Français d’Architecture, Tarbes, octobre 1987 p.199. 93

TOULIER, Bernard, « Les réseaux de villégiature en France », In Situ, 2004, p.2.

94

Ibid., p.10.

Mémoire Master - Parcours IAT 10 janvier 2016


1.4. UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE À L’ÉCHELLE NATIONALE La diffusion de la traction électrique favorise les trajets urbains et permet également à de nouveaux quartiers plus éloignés de l’établissement de cures de voir le jour. C’est le cas de la ligne Pierrefite-Cauterets-Luz qui prolonge la voie Midi-Lourdes-Pierrefite, qui assure un accès facilité aux stations thermales de Cauterets et Luz-Saint-Sauveur. Enfin, l’implantation de funiculaires est signe de la victoire sur le relief et favorise grandement les stations situées au cœur des massifs montagneux. Grâce au funiculaire, les bains de Cauterets, situés en fond de vallée, sont mis en relation avec ceux de la Raillère, permettant ainsi de « gravir » 200 mètres de dénivelé en seulement 6 minutes. Les sports de montagne profitent aussi fortement de ce nouveau moyen de transport et deviennent de véritables loisirs faciles d’accès associés au temps de la cure.

La route thermale des Pyrénées Le Second Empire est aussi le temps du développement des infrastructures routières au bénéfice des station de villégiature, en particulier ce que l’on a appelé les routes thermales. Ce type de routes permettent de mettre en relation plusieurs stations thermales les unes avec les autres. L’amélioration du réseau routier est l’opportunité de mettre en place des services d’autocars là où le train n’est pas présent. Ce sont généralement les compagnies de chemin de fer qui se saisissent de l’occasion car elles peuvent mettre en place des relais vers des stations enclavées, en cohérence avec les terminus et les horaires des trains. C’est dans ce contexte qu’est créée en 1913 la route thermale d’Auvergne dont le service d’autocars de la compagnie Paris-Lyon-Marseille dessert les villes de Vichy à Châtel-Guyon en passant pas ClermontFerrand, Royat, le Mont-Dore et La Bourboule. Cependant, malgré la complémentarité entre le rail et la route, l’automobile commence à supplanter le train pendant l’entre-deux-guerres et cet état de fait ne s’inversera pas dans les années qui suivent95.

Derrière les routes thermales se cachent d’autres intérêts, notamment commerciaux. Ou plutôt, des intérêts commerciaux initient, préalablement à la route thermale, des amorces de projet à l’échelle locale, parfois départementale, qui trouvent leur concrétisation globale et effective dans la construction de la route thermale. Parfois, il s’agit aussi tout simplement de rendre plus viable une chaussée ou chemin96. Les relations commerciales sont au centre des préoccupations, tant dans un but de développement économique vers l’extérieur de la région que dans un souci d’approvisionnement en denrées en tous genres pour les vallées coupées du reste du territoire pendant la saison hivernale. « Bien avant les " routes thermales ", les relations directes entre les vallées pyrénéennes {…} préoccupent les élus, particulièrement ceux des Hautes-Pyrénées, département le plus enclavé. »97 95

Ibid., p. 10 et 11.

96

PINON, Pierre, « L’épopée d’une infrastructure », in Le Voyage au Pyrénées ou la Route thermale,

Randonnées Pyrénéennes, Institut Français d’Architecture, Tarbes, octobre 1987, p.27. 97

Ibid., p. 28.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

37ii


1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME

38

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1.4. UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE À L’ÉCHELLE NATIONALE

39ii

0

100

300km

extrait de la carte de La France Thermale, Touristique et Climatique de 1929 ; les réseaux de transports terrestres se déploient depuis Paris vers les stations thermales dont les noms sont écrits en toutes lettres, même pour les moins influentes. On note également l’attention portée au régionalisme avec les noms des provinces (Gascogne, Quercy, Périgord...), élément porteur du tourisme, alors que les limites admnistratives départementales n’apparaissent pas.

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1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME Les autorités militaires sont peut-être les plus difficile à convaincre de l’utilité des ces projets. En effet, là où les acteurs d’État ou économiques voient un accès facilité de la France vers l’Espagne, l’armée comprend un accès facilité de l’Espagne vers la France à une époque où les relations avec nos voisins hispaniques n’ont pas toujours été au beau fixe. « Si, en plus, on rend possible – par une route transversale – à une armée ennemie de pénétrer la chaîne des Pyrénées par une vallée, puis de déboucher par une autre dans le plat pays, la résistance ne tiendra plus qu’au rapport des forces en présence, sans rien plus attendre des défenses naturelles »98. L’adhésion des forces militaires est obtenue par la possibilité de détruire les ouvrages de la route thermale pour arrêter la progression de l’ennemi si le besoin s’en fait sentir. Dans les Pyrénées, la réalisation de ces premières routes est au début confiée à deux ingénieurs « ordinaires » R.-F. Siret et P.-CH.-N. Lefranc sous la responsabilité de l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées des Hautes-Pyrénées Moisset. Les travaux comprennent la création de nombreux murs de soutènement et de ponts pour venir à bout des pièges de la montagne. Outre les difficultés techniques auxquelles doivent faire face les ingénieurs, il existe un autre obstacle à contourner. Il s’agit de la peur qu’inspire la montagne, milieu alors peu connu. Des témoignages nous sont parvenus qui révèle l’étonnement de la (re-) découverte des Pyrénées au fur et à mesure que l’urbanisation progresse. Ainsi, le mémoire de l’officier du Génie Thierry rapporte : « Quoy que les montagnes paroissent très affreuses et inhabitables, elles sont néanmoins peuplées de quantités de villages et maisons escartées, n’y ayant pas une coline qui ne soit habitée… »99.

40

Des travaux sont engagés sur plusieurs fronts simultanément, tant pour des créations de nouvelles sections routières que pour reprendre et améliorer l’état du réseau existant. On peut citer quatre grands chantiers qui sont la route n° 21 de Paris à Barèges en lien avec Cauterets et Luz-Saint-Sauveur, la route n° 134 bis de Pau aux Eaux-Bonnes, la route n° 129 de La-Croix-de-Tramezaygues à Bagnères-de-Luchon, la route de Bayonne à Perpignan par Pau et Tarbes (préexistante à la route thermale)100.

Dans les Pyrénées, sur ordre de Napoléon III, et sous la responsabilité des intendants, une route thermale est construite selon un axe Est-Ouest, reliant la ville de Bagnères-de Luchon située dans la vallée de Luchon, à la station de Lurbe-Saint-Christau en vallée d’Aspe. Cette route représente un défi contre le relief qui relie une dizaine de stations thermales en passant par plusieurs cols de haute altitude101. Il s’agit d’un « réseau intérieur à la chaîne et longitudinal, c’est-à-dire de directions est-ouest, qui reliera les vallées transversales et leurs établissements thermaux en franchissant les cols élevés qui les unissent. À l’image de vallées parallèles, isolées, auxquelles on ne peut accéder que depuis la plaine et qui forment pour le voyageur autant de culs-de-sac, cette décision substitue celle d’un parcours libre, affranchi des contraintes du relief, permettant de saisir le versant français des Pyrénées dans 98

Ibid., p.30.

99

Ibid., p.27.

100

Ibid., p.27.

101

TOULIER, Bernard, « Les réseaux de villégiature en France », In Situ, 2004, p.11.

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1.4. UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE À L’ÉCHELLE NATIONALE sa totalité. »102 Mais avant l’intervention de l’Empereur, des essais de désenclavement avaient déjà été entrepris. Durant la seconde moitié du XVIIIème siècle, l’intendant d’Étigny fait une première tentative pour développer le réseau routier pyrénéen, mais il faut attendre le Premier Empire, pour que soient réellement engagés des travaux d’ampleur. C’est sans doute pendant les années 1807 et 1808 que les travaux furent les plus importants et productifs103. C’est à la fin de l’été 1859 que l’Empereur Napoléon III, alors en cure aux thermes de Luz-Saint-Sauveur, décide d’engager les travaux de la future route thermale des Pyrénées. À l’origine, l’Empereur ne souhaite faire aménager qu’une simple promenade au départ des thermes de Saint-Sauveur. Mais au fil de la discussion avec les ingénieurs, le projet prend de l’ampleur et se transforme jusqu’à devenir un projet d’échelle territoriale. Deux ingénieurs sont chargés de matérialiser les souhaits de l’Empereur. Il s’agit de ClaudeVictor Celler, qui supervise l’ensemble du projet et Eugène-François Bruniquel, qui concentre ses efforts sur la réalisation du pont Napoléon à Luz-Saint-Sauveur, véritable défi face au relief pyrénéen, enjambant l’étroite vallée au-dessus d’un gave ronflant 60 mètres plus bas. L’idée du pont Napoléon relève plus d’un caprice de l’Empereur que d’une nécessité quelconque. En effet, ce pont tel que voulu par Napoléon III ne débouche sur aucune route sur le versant opposé, et nécessitera donc la création d’un nouvelle chaussée qui le raccorde à Gavarnie104. « Comme dans un défi, l’inutilité du pont Napoléon est marquée par la hardiesse de l’ouvrage et le soin architectural apporté à son dessin. »105 On se trouve ici à l’opposé de l’état d’esprit qui entoure la route thermale. En effet, « si le pont Napoléon n’est qu’un embellissement ponctuel, le Route thermale complètera le réseau des routes récemment réalisées qui toutes assuraient (à l’exception de la route de Perpignan à Bayonne, par Tarbes et Pau) des liaisons entre les Pyrénées et le Bassin Aquitain. »106 C’est donc Celler, qui est chargé d’étudier la faisabilité d’un tel projet, tant sur le plan technique que financier. Une dépêche ministérielle précise ainsi le but recherché d’une telle étude : évaluer les « dépenses à faire pour terminer ou ouvrir toutes ces routes et les mettre en état de bonne viabilité »107. L’ingénieur remet son projet en 1860 dont la cohérence repose sur la création ou la reprise de six routes et qui se raccordent aussi sur des sections routières déjà existantes. La route n°1 (67 kilomètres) relie de Bagnères-de-Luchon à Bagnères-deBigorre ; la route n°2 (24 kilomètres)va de Bagnères-de-Bigorre à Barèges en passant par le col du Tourmalet ; la route n°3 (10,7 kilomètres) met en relation Bagnères-de-Luchon avec 102

LE NAIL, Jean-François, « La politique et les montagnards… préhistoire de la Route thermale », in Le

Voyage au Pyrénées ou la Route thermale, Randonnées Pyrénéennes, Institut Français d’Architecture, Tarbes, octobre 1987, p.12. 103

PINON, Pierre, « L’épopée d’une infrastructure », in Le Voyage au Pyrénées ou la Route thermale,

Randonnées Pyrénéennes, Institut Français d’Architecture, Tarbes, octobre 1987, p.27. 104

Ibid., p.26, 27 et 34.

105

Ibid., p.38.

106

PINON, Pierre, « L’épopée d’une infrastructure », in Le Voyage au Pyrénées ou la Route thermale,

Randonnées Pyrénéennes, Institut Français d’Architecture, Tarbes, octobre 1987, p.26-27. 107

Ibid., p.35-36.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

41ii


1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME

42

0

25

50

100km

Tracé de la route thermale des Pyrénées : la mise en relation des routes existantes au fond des vallées par de nouvelles traversant les cols a permis connecter entre elles les stations pyrénéennes occidentales.

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1.4. UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE À L’ÉCHELLE NATIONALE

43ii

tracé de Celler réalisé

station thermale

tracé de Celler non-réalisé

ville / village

jonction existante

route

Le renouveau de l’éclectisme thermal Étude d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes


1. SANTÉ ÉCONOMIQUE ET IMPACTS DU THERMALISME le col du Tourmalet, qui relie les deux premières routes ; la route n°4 d’Argelès-Gazost aux Eaux-Bonnes par le col du Soulor est longue de 36 kilomètres ; la route n°5 (22 kilomètres) se déploie de Pont-Neuf (à la sortie de Lourdes) à Bagnères-de-Bigorre ; enfin, la route n°6 joint Arudy à Escot par 24 kilomètres. Les routes n°3 et 5 ne seront pas retenues. L’ingéniosité du projet de Celler réside dans le système d’économie qu’il met en place pour rendre la route thermale réalisable. Afin de réduire le budget, il admet que les routes de montagne ne sont pas des routes comme les autres et qu’elles nécessitent des adaptations particulières. Ainsi, on trouve des chaussées dont la largeur est réduite à 3 mètres, des ouvrages d’art construits à l’économie de moyens et des pentes de 15 centimètres par mètre.

44

La route thermale a pour ambition de relier les sites des stations entre elles, mais il faut noter que les stations proprement dites ne sont exactement situées sur le tracé de cette route. En plus donc des travaux de la route thermale, d’autres s’ajoutent pour venir desservir et relier les stations à ce nouvel axe incontournable au développement économique et touristique du thermalisme pyrénéen. Les villes des Eaux-Chaudes et des Eaux-Bonnes sont particulièrement enclavées et nécessitent en conséquence des travaux importants. Pourtant peu éloignées de Laruns, elles en sont cependant séparées par des resserrements étroits et à pic de la vallée, pourtant le seul itinéraire permettant l’accès aux stations. L’ingénieur ordinaire Voisin dessine un nouveau tracé, parallèle à une promenade piétonne existante mais à un niveau inférieur, qui s’élève au-dessus du ruisseau à flanc du versant ; le projet est approuvé le 16 juillet 1860. La section de route pour les Eaux-Chaudes située après la bifurcation pour les Eaux-Bonnes passe obligatoirement par le défilé du Hourat, passage particulièrement étroit et abrupt. Dès 1841, des travaux avaient été entrepris par l’ingénieur ordinaire Hénard pour établir un nouveau tracé approuvé en 1848. Le chantier commence l’année suivante et dure une année entière, enregistrant plusieurs accidents de travail faisant plusieurs blessés et six morts108.

L’image du thermalisme dépasse largement le cadre des façades fastueuses des établissements thermaux. Et si celles-ci sont la mémoire d’une activité florissante et aristocratique fluctuante au gré des modes, on a pu constater que le thermalisme a vécu des heures moins glorieuses durant la seconde moitié du XXème siècle. Sans détruire ce qui est l’essentiel, à savoir les soins thermaux, la médicalisation de 1950 a figé le secteur dans une image stricte et hygiéniste. Et ce fait a eu un impact à toutes les échelles, qui étaient pourtant fortement sollicitées par le thermalisme, le laissant peu à peu s’isoler des réseaux économiques et culturels. La prise de conscience de cet isolement est maintenant chose faite depuis une vingtaine d’années. Les acteurs thermaux tentent de mettre en place des stratégies pour recréer des connections avec d’autres secteurs économiques, notamment avec celui du tourisme. 108

Ibid., p.28, 36 et 38.

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1.4. UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE À L’ÉCHELLE NATIONALE La sphère touristique semble en effet être une bonne porte d’entrée pour redynamiser le thermalisme, car les potentiels nouveaux curistes veulent avant tout dépenser leur temps libre dans du « ludique rapide ». Sans rompre avec la cure thermale de trois semaines qui est nécessaire pour certaines maladies, il faut réinventer un thermalisme qui adopte les nouveaux comportements sociétaux. Ces deux facettes prennent des noms différents : le premier est la médecine thermale, le second le thermoludisme. Le thermalisme devient alors un terme générique pour parler des activités (soins, bien-être…) liées à l’eau thermale.

45ii

Le renouveau de l’éclectisme thermal Étude d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes



2. Construction identitaire et renaissance éclectique Cette différenciation sémiologique entre médecine thermale et thermoludisme ne s’applique pas seulement aux activités thermales, mais s’expriment également dans l’espace. De nouvelles architectures font leur apparition qui veulent incarner ce renouveau, car l’image architecturale datée et l’organisation spatiale stricte (médicale) participe à la défaveur du thermalisme. Afin de mieux comprendre ce renouvellement architectural, on s’attachera à retracer les différentes phases de la construction des établissements thermaux. Cela nous permettra de cerner comment s’est construite l’identité thermale, et avec quels outils. De la même manière, on analysera les établissements thermaux d’Argelès-Gazost, de LuzSaint-Sauveur et des Eaux-Bonnes pour montrer les stratégies spatiales mises en place par ces trois stations.

2.1 L’éclectisme comme représentation du thermalisme 47ii La construction de l’image du thermalisme La création de l’identité de l’établissement des bains ne s’est pas faite du jour au lendemain. Jean Nayrolles nous fait bien remarquer que si la pratique des bains est déjà une habitude dès les XVème et XVIème siècles, la question de l’édifice s’est posée bien plus tard : « Du Moyen-Âge jusqu’au Siècle des lumières, seuls les plus démunis se baignaient dans les piscines des établissements hospitaliers, généralement à ciel ouvert, tandis que les malades les plus aisés suivaient leur cure dans les hôtelleries des villes d’eaux qui n’offraient que quelques baignoires à leur clientèle. »109 On a peu d’informations au sujet de ces bains, qu’ils soient publics ou privés, mais il ne semble pas y avoir alors une idée commune, d’une ville à l’autre, de ce que doit être un lieu à vocation thermale. Il faut attendre le XVIIIème siècle pour que l’édifice abritant les bains thermaux fasse l’objet d’une réflexion organisée en France.110

109

NAYROLLES, Jean, « Les thermes des Pyrénées, Références antiques et rêve de modernité», Midi-

Pyrénées Patrimoine, hiver 2013/2014, n° 36, p. 36. 110

JARRASSÉ, Dominique, « Les thermes », in Villes d’eaux en France, Institut français d’architecture et

éditions Fernand HAZAN, Paris, 1984, p. 53 et NAYROLLES, Jean, « Les thermes des Pyrénées, Références antiques et rêve de modernité», Midi-Pyrénées Patrimoine, hiver 2013/2014, n° 36, p. 36.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes


2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE L’établissement thermal de Luxeuil-les-Bains, construit entre 1762 et 1768, est considéré comme le plus ancien de France111. Les plans ont été conçus par l’ingénieur des Ponts et Chaussées Jean Querret. « Les thermes de Luxeuil sont tout à fait caractéristiques de l’architecture des ingénieurs dans les dernières décennies de l’Ancien Régime : une architecture simple et efficace, un peu massive d’apparence, car économe, voire dépourvue d’ornements, mais bien proportionnée et probe, plus soucieuse enfin de la qualité du bâti que de la virtuosité du style. »112 Les premiers établissements thermaux des Pyrénées sont aussi l’œuvre d’ingénieurs des Ponts et Chaussées. Ainsi les thermes de Bagnères-de-Luchon sont commandés en 1782 (mais inachevés en 1785) par l’intendant de la généralité d’Auch, Pierre-Charles Fournier de la Chapelle, au sous-ingénieur de l’arrondissement de Montréjeau, François-Maurice Le Bourgeois. On y retrouve les mêmes signes d’austérité employés à Luxeuil-les-Bains. Il n’est pas encore question d’une référence à l’Antiquité, le projet étant plus apparenté à l’architecture hospitalière de l’époque : « Grand corps de bâtiment à galerie ouverte au rezde-chaussée sur les deux façades et pavillons saillants aux extrémités »113. On retrouve le même rejet de la référence antique dans la deuxième version de l’établissement, appelé les Bains de la Reine, construit de 1805 à 1815 (et incendié en 1841). Cette fois-ci, l’architecture use plutôt du vocabulaire palladien qui transparaît bien au niveau du dessin du plan et des façades : une cour carrée au centre pour distribuer l’ensemble des parties , des façades couronnées de balustrades dissimulant les toits à faible pente ou une galerie ouverte à l’étage, semblable à une loggia114.

48

Au XVIIIème siècle, l’établissement thermal fait l’objet d’études, comme beaucoup d’autres édifices publics. Il s’agit de cerner les caractéristiques inhérentes du bâtiment afin de pouvoir le classer et le théoriser. L’architecture de l’établissement thermal devient codifiée selon un type, un modèle idéal. Sous l’influence des théoriciens et notamment l’architecte et théoricien Jacques-François Blondel (1705-1774), auteur de traités et de plusieurs articles sur l’architecture dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, l’établissement thermal se voit 111

NAYROLLES, Jean, « Les thermes des Pyrénées, Références antiques et rêve de modernité», Midi-

Pyrénées Patrimoine, hiver 2013/2014, n° 36, p. 38. 112

Ibid., p. 38.

113

Ibid., p. 38.

114

Ibid., p. 40.

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2.1 L’ÉCLECTISME COMME REPRÉSENTATION DU THERMALISME page

précédente

:

Bagnères-de-

Luchon, façade de l’établissement thermal

dessiné

par

Lachapelle

de 1782 ; les volumes, comme la composition, dégagent un aspect massif et répétitif.

Bagnères-de-Luchon, plan et façades des Bains de la Reine de 1805 ; le plan carré centré et le dessin des façades sont une référence directe à l’architecture palladienne.

49ii

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes


2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE donc affecter de grands traits de caractère, parmi lesquels on peut en retenir deux essentiels. Le premier objectif du nouveau type et de permettre aux citoyens de reconnaitre au premier coup d’œil que l’établissement thermal est un édifice public. Le deuxième trait de caractère du type est de lui conférer une esthétique thermale qui le distingue dans la ville et renseigne sur les activités qu’il abrite. Quatremère de Quincy (1755-1849), architecte et vif partisan du néo-classicisme, les résume en recommandant une architecture qui rende « sensible par les formes matérielles et de faire comprendre les qualités et les propriétés inhérentes à sa destination. »115

50

La question de l’esthétique architecturale fait l’objet de débats et de modes. Au XIXème siècle, on voit s’affronter deux écoles qui, si elles se retrouvent sur la référence à l’Antiquité, s’opposent sur la manière de la mettre en œuvre. La première aspire à faire de l’établissement des bains un véritable monument, qui valorise et glorifie le thermalisme. Antoine-François Lomet (1759-1826), ingénieurs des Ponts et Chaussées, parle de « monuments d’une composition simple, naïve, mais commode et convenablement appropriée à leur usage, il faut que leur disposition soit savante et leur construction indestructible. Il faut enfin que leur style soit pur comme l’intention qui les indique, et qu’ils aient le caractère de grandeur qu’inspire le gouvernement qui les ordonne »116 On doit souligner le fait que Lomet est ingénieur des Ponts et Chaussées et, à ce titre et comme beaucoup de ces pairs, insiste sur la commodité des lieux, manquante à leurs yeux dans les projets que réalisent les architectes. La seconde école est celle dont fait partie Claude-Nicolas Ledoux lorsqu’il imagine son projet de bains pour la ville idéale de Chaux. Il refuse l’ornementation arguant que « la décoration d’un édifice destiné à la guérison des maladies contagieuses doit être courbée sous l’humiliation d’un emploi avili par l’opinion publique »117, au profit d’un jeu de masses et de proportions. On voit ici s’opposer les deux visions des thermes qui se sont succèderont : celle qui accueillent à la fois le monde médical et celui des réjouissances de la bonne société ; et celles qui ne fait que soigner. La référence à l’Antiquité est une solution qui fait l’unanimité des architectes au cours du XIXème siècle, car c’est la première période historique à avoir inventé le type de l’établissement thermal. En effet, lors de leurs voyages, les architectes ne se lassent pas d’admirer les ruines des anciens thermes romains et grecs. Ils n’ont de cesse de redessiner et de reconstituer sur le papier ces bâtiments. Ce phénomène est d’autant plus fort que soutenu par l’École des Beaux-Arts qui encourage les voyages à Rome et soumet périodiquement le sujet dans les programmes des concours. Malgré le consentement sur la référence antique, la construction des thermes en France ne fut pas simple. En effet, la transposition directe était impossible, car si les activités pratiquées aux différentes époques se ressemblent, les proportions et les programmes ont peu de choses en commun118. Ainsi « la distribution des thermes anciens reposait sur un parcours à travers des 115

JARRASSÉ, Dominique, « Les thermes », in Villes d’eaux en France, Institut français d’architecture et

éditions Fernand HAZAN, Paris, 1984, p. 53. 116

Ibid., p. 54.

117

Ibid., p. 54.

118

Ibid., p. 54-56.

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2.1 L’ÉCLECTISME COMME REPRÉSENTATION DU THERMALISME salles à diverses températures, des salles d’exercice, des portiques menant à des palestres et à des bibliothèques. Rien de tel dans les thermes modernes, en France du moins, mais des cabinets avec des baignoires, de petites piscines et des salons.119 » La référence à l’Antiquité ne sera donc effective qu’au niveau des façades et des halls : colonnes en saillies, statues, voûtes à caissons, baies thermales (fenêtre semi-circulaire comportant deux meneaux), etc. Dans les Pyrénées, c’est avec Pierre d’Artigala, ancien conducteur des Ponts et Chaussées à Bordeaux avant d’obtenir le poste d’architecte départemental et des établissements thermaux des Hautes-Pyrénées, que la référence à l’Antiquité romaine est introduite dans l’architecture thermale120. L’apparition d’espaces dédiés aux loisirs à l’intérieur de thermes influe sur l’architecture du bâtiment : la période antique devient une source d’inspiration incontournable pour les architectes. Ainsi, on relève ainsi des portiques à colonnes et des colonnes d’ordre dorique ou toscan à Luz-Saint-Sauveur, tandis qu’à Cauterets fronton et triples arcades s’exposent.

Un glissement progressif vers l’éclectisme Au milieu du XIXème siècle, l’architecte départemental Edmond Chambert est sollicité pour concevoir les thermes de Bagnères-de-Luchon. Avant de dessiner une première esquisse, Chambert décide, en 1846, d’aller étudier d’autres établissements thermaux de renommée internationale. Cette attitude en-soi n’a rien d’exceptionnel à l’époque où les voyages d’études, et notamment ceux menés par les Grands Prix de Rome, font partie intégrante de la conception architecturale. Mais là où Chambert se distingue, c’est en choisissant de voyager en Suisse, en Allemagne et dans l’est de la France, plutôt qu’en l’Italie ou en Grèce. Il justifie son choix par le fait que les thermes romains déjà étudiés maintes fois n’ont plus rien à apporter de nouveau, et que c’est dans les constructions récentes qu’il peut trouver des solutions innovantes pour marier les contraintes médicales et de villégiature. C’est à partir de ce raisonnement qu’il conçoit les nouveaux thermes, utilisant la référence antique pour la monumentalité et la modernité de bon sens pour les espaces médicaux. « La référence à l’architecture thermale de l’Antiquité se concentre surtout dans le grand hall d’entrée, son système d’éclairage par des fenêtres hautes, dites fenêtres thermales, et son riche décor polychrome […]. Du côté du fonctionnalisme moderne, le traitement en deux blocs de quatre pavillons très individualisés renvoie plutôt à l’architecture hospitalière et asilaire contemporaine. »121 L’éclectisme entamée à Bagnères-de-Luchon se propage et devient la nouvelle mode architecturale pour les établissements thermaux. C’est en effet le constat que l’on peut faire lorsque l’on regarde les thermes d’Argelès-Gazost. Hector Sassère, par l’entremise de sa Société Thermale des Pyrénées, fait bâtir pendant les années 1884 et 1885, le nouvel établissement thermal, au pied du village d’Argelès. Bien que l’avocat fasse appel à un architecte, ce-dernier reste dans l’ombre du commanditaire qui prend 119

Ibid., p. 56

120

NAYROLLES, Jean, « Les thermes des Pyrénées, Références antiques et rêve de modernité», Midi-

Pyrénées Patrimoine, hiver 2013/2014, n° 36, p. 40. 121

Ibid., p. 40-42.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

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2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE part de manière importante à la conception. Néanmoins le résultat est loin d’être un échec. Jean Nayrolles en fait une description plutôt éloquente : « l’animation des élévations par le jeu des assises alternées de galets et de briques, l’utilisation des marbres de couleur, les espaces fortement articulés et les saillies vigoureuses des motifs décoratifs font de cet édifice un petit chef-d’œuvre d’architecture éclectique. »122 À l’intérieur, les murs sont recouverts de marbres colorés. Un « hall spacieux mène à une buvette logée comme un sanctuaire, dans une niche à colonnettes »123. L’établissement s’inspire également des galeries à colonnades et des vastes espaces voûtés mis en place pour la première fois à Bagnères-de-Luchon, par l’architecte départemental Edmond Chambert (1811-1881) entre 1848 et 1857. Ainsi, « la grande salle oblongue, éclairée par des fenêtres thermales ouvertes dans les reins de la voûte, se retrouve dans les thermes d’Argelès-Gazost »124. Par manque de moyens, la Société Thermale des Pyrénées ayant fait faillite en 1885, seule l’aile nord fut réalisée. Cette faillite est une honte pour l’avocat qui doit vendre tous ses biens et décide se réfugier sur ses terres à Tilhos125. La ruine de Sassère entrainera la réunion des deux villages en un seul : Argelès-Gazost. Par la suite, deux autres sociétés reprendront successivement la gestion de l’affaire, mais l’entreprise ne trouve une stabilité que lorsque la commune se porte acquéreur en 1924126. En effet, après la Première Guerre Mondiale, la ville d’Argelès-Gazost est classée station hydrominérale et la commune tente de reconquérir tous les attributs du thermalisme à son propre compte. Elle crée pour cela une chambre d’industrie thermale qui reçoit les allées entourant le parc suite à un don d’Adrien Hébrard en 1924 et rachète l’établissement thermal en 1935, le Grand Hôtel, l’Hôtel du Parc et d’Angleterre et le casino en 1935, l’Institut Thérapeutique Physique en 1938-1939 (depuis transformé en casino). Le parc devra attendre 1941 avant d’être à son tour acquis par la commune127. 52

Si l’éclectisme s’impose afin de mieux répondre au programme des fonctions thermales, aucun architecte ne perd alors de vue l’idée que l’édifice doit garder un caractère d’exceptionnalité. Dans les Pyrénées, « cette quête de la monumentalité est atteinte dans les thermes de Salies-du-Salat »128 construit par l’architecte départemental Joseph Tillet, ou une architecture néoégyptienne côtoie des styles pharaonique, néogrec et néo-Art déco. Le tout usant avec intelligence des progrès techniques constructifs, à l’image du berceau de la voûte ouvert à son zénith grâce à l’emploi du béton129. 122

Ibid., p. 42.

123

JARRASSÉ, Dominique, « Argelès-Gazost », in Villes d’eaux en France, Institut français

d’architecture et éditions Fernand HAZAN, Paris, 1984, p. 282. 124

NAYROLLES, Jean, « Les thermes des Pyrénées, Références antiques et rêve de modernité», Midi-

Pyrénées Patrimoine, hiver 2013/2014, n° 36, p. 42. 125

voir annexes, entretien avec Mme FRIGOUT et Mr NININ-BARUS, p. 122.

126

JARRASSÉ, Dominique, « Argelès-Gazost », in Villes d’eaux en France, Institut français

d’architecture et éditions Fernand HAZAN, Paris, 1984, p. 282, et voir annexes, entretien avec Mme FRIGOUT et Mr NININ-BARUS, p. 122. 127

Ibid., p. 282

128

NAYROLLES, Jean, « Les thermes des Pyrénées, Références antiques et rêve de modernité», Midi-

Pyrénées Patrimoine, hiver 2013/2014, n° 36, p. 42. 129

Ibid., p. 42.

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2.1 L’ÉCLECTISME COMME REPRÉSENTATION DU THERMALISME

ci-dessus : Salies-du-Salat, façade arrière, photographie de Charly ; le choix des matériaux comme celui des couleurs et des motifs crée une résonnance au monde de l’Égypte.

ci-contre : Salies-du-Salat, galeire intérieure, photographie de VOGT André-Charles ; ce n’est pas les matériaux ou les décors qui font le luxe intérieur des thermes, mais son ingéniosité constructive qui permet d’obtenir de la lumière en quantité et en qualité.

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2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE Les médecins ont eux une toute autre conception de ce qui fait l’établissement thermal. C’est avant tout un bâtiment qui soit à même de satisfaire sa fonction première, c’est à dire exploiter la source d’eau minérale et accueillir les malades. La Société royale de Médecine le définit ainsi : « Un bâtiment de bains publics exige une construction particulière, propre à assurer et faciliter les services des eaux ; et la partie agréable de la décoration doit toujours y être subordonnée par la partie utile, qui exige la proximité de la source, un bonne exposition, un abord facile, une distribution intérieure commode ; (…) l’utilité des chutes d’eau pour les douches font désirer que le Bâtiment soit plus bas que la source de plusieurs pieds ; il est nécessaire qu’on puisse aborder aisément en voiture, ou en chaise à porteurs, pour y être déposé à couvert et qu’on y trouve des cabinets séparés, indépendants, propres, bien éclairés, d’une étendue suffisante, dans lesquels l’air se renouvelle aisément et la vapeur thermale s’évapore avec facilité. »130 Il y a donc un grand fossé avec la pensée des architectes, qui sont tellement envoûtés par les thermes anciens qu’ils en deviennent parfois ignorants du programme des thermes modernes131, et la position du corps médical dont la conception hygiéniste et fonctionnaliste ne varie, pour ainsi dire, pas selon les périodes historiques.

54

Pour résumer ce qu’est historiquement l’établissement thermal, on citera à nouveau Jean Nayrolles : « Le rêve d’une architecture thermale, à la fois moderne et héritière des modèles anciens les plus prestigieux, a pris corps sans démesure. Et, sans tomber dans l’académisme de la reconstitution archéologique, ce type si singulier au sein de la grande typologie architecturale du XIXème siècle a fait perdurer un classicisme de bon aloi qui, dans d’autres secteurs de la création, eut plus de mal à survivre. Le siècle de l’industrie, qui changeait l’eau en vapeur pour transformer le monde, a su créer son contraire dans les stations thermales où l’on s’en venait prendre les eaux pour se retirer quelques temps du règne des échanges et de la transformation. Le classicisme thermal, comme tout classicisme, devait donc se déployer loin des affairements modernes pour suggérer un temps sans secousses et un espace amical. Assurément, cette suggestion n’a rien perdu de sa pertinence. »132

On se rend compte qu’à partir du moment où le thermalisme devient une mode nationale, les ingénieurs des Ponts et Chaussée dans un premier temps, puis les architectes, cherchent à donner une image homogène aux établissements thermaux sur l’ensemble du territoire français. La référence à l’Antique fait d’abord le consentement de tous car c’est la recommandation esthétique architecturale qui doit s’appliquer à tout grand bâtiment public. De plus, les liens (bien que lointains) avec les premiers thermes romains et grecs poussent à s’approprier la référence. Enfin, c’est un langage qui est jugé cohérent avec les fonctions qui sont abritées à l’intérieur des thermes. Dans un second temps, c’est le langage éclectique qui investit les espaces thermaux. Cette écriture est en correspondance avec l’idée de loisirs et de plaisirs qui gravitent dans la sphère thermale. On peut aussi y voir une compensation à la rigueur des soins par une expérience 130

GRENIER, Lise, « Les villes de santé », in Villes d’eaux en France, Institut français d’architecture et

éditions Fernand HAZAN, Paris, 1984, p. 58-59. 131

Ibid., p. 57

132

NAYROLLES, Jean, « Les thermes des Pyrénées, Références antiques et rêve de modernité», Midi-

Pyrénées Patrimoine, hiver 2013/2014, n° 36, p. 42.

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2.2 DE LA THÉORISATION PROGRAMMATIQUE AU FONCTIONNALISME MÉDICAL spatiale qui sort de l’ordinaire. À partir de 1950, lorsque la Sécurité Sociale prend en charge les soins dispensés dans les établissements thermaux133, cela n’impacte pas l’architecture générale des thermes. Par contre, les établissements thermaux se retrouvent soumis, comme tous les autres édifices relevant du Ministère de la Santé, à des normes et des conditions d’hygiène extrêmement surveillées. il s’agit souvent d’une succession constante de petits travaux d’entretien134 et qui normalise petit à petit les établissements thermaux.

2.2 De la théorisation programmatique au fonctionnalisme médical

Théorisation et construction intellectuelle d’une identité Au Moyen-Âge, les espaces dédiés au thermalisme sont de deux sortes car il semble y avoir une confusions entre bains publics, sans autre but de santé que celui de se laver, et bains thermaux qui sont eux strictement dédiés aux plaisirs de l’eau. Ceci vient du fait que les bénéfices des eaux des griffons ne sont connus que de manière empirique et se transmettent par le bouche-à-oreille. Les études scientifiques avec analyses en laboratoires viendront plus tard. Le programme des bains primitifs rassemble donc deux catégories de bains : publics et thermaux. Cette double fonctionnalité engendre deux catégories d’espaces : « Les premiers appelaient plutôt des piscines et quelques baignoires, les seconds des cabinets, des douches et des salles spécialisées pour les soins.135 » Mais, le programme des établissements thermaux ne se réduit pas qu’aux seuls espaces dédiées aux soins. En effet, durant toute leur histoire, les thermes n’auront de cesse d’aller et de venir entre espace de soins et lieu de divertissement, de calibrer la proportion de l’un par rapport à l’autre, selon les modes et les différents courants de pensée successifs136. Dans son Précis des leçons d’architecture, Jean-Nicolas-Louis Durand (1760-1834) préconise qu’« outre les différents objets relatifs aux bains, il faudrait faire entrer dans la composition générale d’un tel établissement des corps destinées à l’habitation, un temple, une salle de spectacle, des salles de bal, de concert, de jeu, des cuisines, des écuries, des remises et autres accessoires »137, le tout prolongé par des portiques servant à la promenade. L’ensemble 133

MOISSET, Philippe, Conseil National du Tourisme, Section des politiques territoriales et du

développement durable , La diversification des activités des stations thermales, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, session 2011, p. 12. 134

voir annexes, entretien avec Mme Puyo, p. 116.

135

GRENIER, Lise, « Les villes de santé », in Villes d’eaux en France, Institut français d’architecture et

éditions Fernand HAZAN, Paris, 1984, p. 57. 136

Ibid., p. 67

137

Ibid., p. 57-58

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

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2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE était construit avec somptuosité et magnificence. Dans les Pyrénées, c’est avec les interventions de Pierre d’Artigala que l’onpeut voir apparaître la mixité de programme au sein de l’établissement thermal. Comprenant que la vie de cure se pare d’atours plus festifs que la simple médicamentation, il introduit un musée d’Histoire naturelle et des Beaux-Arts dans les Grands Thermes de Bagnères-de-Bigorre138. On retrouve dans le seul établissement thermal ce qui sera ensuite les ingrédients indispensables à la ville thermale. Le regroupement des toutes les fonctions vitales nécessaires au bon déroulement du séjour des curistes dans un seul bâtiment est présent dès les origines. Ainsi les premières cabanes de bains offraient à la fois l’accès à une baignoire, le gîte et le couvert, mais avec plus de rusticité et moins de fastes car souvent réduits dans une ou deux pièces. Les hôpitaux thermaux militaires ne dérogeront pas à cette règle, pouvant fonctionner pratiquement de manière autarcique. Cette organisation perdure jusqu’en 1850, surtout dans les stations thermales montagnardes139. L’exemple des Eaux-Chaudes est représentatif de cette partition des différentes fonctions par niveaux : « en sous-sol, des piscines et des douches ; au rezde-chaussée, des bains, des promenoirs, un hall et des salles d’attente ; à l’entre-sol, des logements pour les baigneurs et le régisseur ; au 1er étage, des salons et des salles publiques pour le bal, le billard, le logement du fermier et un appartement pour le préfet ; au 2nd, un logement pour le médecin et des chambres à louer. »140 Quant aux Grands Thermes de Bagnères-de-Bigorre, avec leur musée d’Histoire Naturelle et des Beaux-Arts, ils faisaient concurrence aux autres établissements de jeux et de divertissements de la ville. La promenade, intérieure et extérieure, et les loisirs font alors partie intégrante du programme de soins. 56 Rationalisation et simplification des fonctions thermales La première fonction à s’extraire du bâtiment des thermes est celle du logement, car souvent insuffisante dans sa capacité à accueillir les curistes. Si les espaces de festivités demeurent plus longtemps au sein de l’établissement thermal, ils n’en finissent pas moins par en être expulsés au nom de la bienséance et de la médicalisation durant la seconde moitié du XIXème siècle. De cette dispersion naîtra la ville d’eaux, et l’établissement des thermes deviendra seulement un des éléments constitutifs du complexe thermal. C’est aussi à cette période que les architectes changent de référence historique : les thermes deviennent éclectiques et acquièrent, du fait de leur programme complexe et de la multiplication des espaces spécialisés, « une configuration diffuse, labyrinthique, hétéroclite »141. L’organisation intérieure de l’établissement thermal est basée sur le temps ; le temps de l’attente, de la flânerie ou le temps chronométré, disciplinaire, dédié aux soins. Le premier se déroule dans les longues galeries, sous les portiques ou dans le vestibule. Ce dernier, qui à l’origine 138

NAYROLLES, Jean, « Les thermes des Pyrénées, Références antiques et rêve de modernité», Midi-

Pyrénées Patrimoine, hiver 2013/2014, n° 36, p. 40. 139

Ibid., p. 63

140

Ibid., p. 65

141

Ibid., p. 65

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2.2 DE LA THÉORISATION PROGRAMMATIQUE AU FONCTIONNALISME MÉDICAL n’accueillait pas cette fonction, vit sa surface s’agrandir jusqu’à être connectée avec un « hall des pas perdus » au XIXème siècle.142 Le problème des flux des personnes est plus complexe car il doit permettre à tous les curistes de suivre leur parcours de soins, tout en respectant les règles morales de la société. Il est en effet dans la bienséance de séparer, non seulement les hommes des femmes, mais aussi les pauvres des riches, voire les religieux des laïcs. Ces barrières existent depuis longtemps, puisque au XVIIème siècle, à Bourbon-l’Archambault, « le bassin extérieur était réservé aux pauvres alors que le bâtiment lui-même est partagé en trois parties : pour les hommes, les femmes et les Capucins. »143 Quand il n’y a pas d’espaces spécifiques pour un ordre religieux, la séparation des sexes impose souvent dans les compositions deux piscines, disposées de façon symétriques au centre du projet. Une autre contrainte influe sur la morphologie intérieure du bâtiment, c’est la géographie du site. D’une part, c’est la proximité à la source qui est déterminante, mais c’est aussi le fait de devoir se placer, préférentiellement, en dessous de celle-ci pour obtenir un débit suffisant à la sortie des canalisations. Cette notion de site est d’autant plus forte en milieu montagneux car les reliefs et la présence de roches dures sont des obstacles qu’il faut prendre en compte à l’édification, mais aussi pour les futures extensions. Dans le même temps, l’existence d’un fort dénivelé peut également se révéler être un atout avec lequel il possible de jouer afin d’acheminer l’eau avec suffisamment de pression à l’intérieur des différents espaces des thermes. Si le réseau de tuyaux et de canalisation est parfois valorisé et montré à la vue de tous dans certaines stations, les espaces de chaufferies et de buanderies sont dissimulés. Le réseau d’adduction d’eau et sa distribution sont des questions prédominantes dans l’organisation des thermes, car elles mettent aux défis les ingénieurs et il n’existe alors que peu de réponses techniques compétentes. On observe donc souvent le même schéma organisationnel général. Ainsi, On trouve souvent une pièce d’eau regroupant une piscine et plusieurs petits bains autour, au centre de l’établissement et desservit par un unique réseau144. Une série de cabinets individuels sont disposés aux alentours, souvent dans des ailes du bâtiment ou à des niveaux différents du bassin principal. Le passage du thermalisme dans le giron de la Sécurité Sociale, radicalise encore un peu plus l’organisation spatiale intérieure. Les espaces se doivent avant tout d’être pratiques et hygiéniques. Les bassins collectifs disparaissent au profit de cabines individuelles qui intègrent des machines de plus en plus spécialisées. Si les espaces de rencontres collectifs demeurent et gardent un certain attrait esthétique, les espaces individuels sont quant à eux avant tout dédiés à l’efficacité médicale. L’exemple de l’établissement thermal d’ArgelèsGazost est représentatif de ce phénomène.

142

Ibid., p. 66-67

143

Ibid., p. 69

144

Ibid., p. 58 et 67

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2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE Bourbon-l’Archambault, lithographie XIXème siècle ; l’intérieur des thermes fait la distinction entre hommes, femmes et religieux, mais il y a une différenciation encore plus marquée qui est celle des pauvres, priés de se baigner à l’extérieur dans un grand bassin public.

58

0

10

30m

Argelès-Gazost, plan de l’établissement thermal, GCAU, 2010 : entourée en orange, la partie du bâtiment dédié à la médecine thermale avec en grisé, l’édifice d’origine de 1889.

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2.2 DE LA THÉORISATION PROGRAMMATIQUE AU FONCTIONNALISME MÉDICAL Argelès-Gazost, mélange de classicisme et de régionalisme L’établissement d’Argelès-Gazost est représentatif de cette normalisation des espaces. Construit tardivement, à la fin du XIXème sicècle (1889), le bâtiment est dès son origine édifié dans le langage éclectique. La grande façade longiligne en rez-de-chaussée illustre bien la grande liberté d’écriture architecturale que le commanditaire, l’avocat parisien Hector Sassère, souhaite pour faire de son établissement un exemplaire unique. L’effet recherché est la richesse du décor et l’éblouissement. Pour autant, à l’extérieur, ce n’est pas tant la noblesse des matériaux utilisés qui impressionne, mais la capacité à ordonnancer et mélanger les doctrines architecturales enseignées à Paris et les savoir-faire locaux. De façon simplifiée, l’académisme se lit dans la mise en volume et l’agencement des différents éléments, tandis que le régionalisme ressort dans les matériaux et la modénature. L’entrée, rythmée sur trois portes égales, est surmontée d’un fronton triangulaire qui coiffe une baie demi-circulaire et elle-même divisé en trois. De part et d’autre, un pavillon encadre l’entrée et on retrouve ces-mêmes pavillons à l’extrémité des deux ailes nord et sud. Des grandes baies thermales scandent la façade sur toute sa longueur, tandis qu’une corniche la souligne par le dessus. Au-dessus d’un soubassement en pierre qui permet de compenser la pente du terrain, les parties structurelles de la façade sont bâties sur une alternance de cette même pierre et de brique, alors que les parties de remplissage font se succéder briques et galets des gaves. Ces-derniers auraient fort bien pu ne servir qu’au remplissage de la maçonnerie et être enduits par la suite, mais ils ont été volontairement placés en façade, leur appareillage en opus piscatum (en arêtes de poisson) typique de cette région des Pyrénées participe au décor de l’ensemble. Ce mariage de deux sources d’inspiration confère à l’établissement d’Argelès-Gazost une apparence unique ; on pourrait presque croire à un air d’exotisme avec ces variations de couleurs et cet agencement improbable. Ce qui représentait l’édifice dans sa globalité n’est aujourd’hui plus qu’une partie de l’édifice : l’aile nord. Elle n’a été que peu retouchée depuis sa création. À l’intérieur, on note régulièrement de petits travaux de mises aux normes successifs, par souci de modernité alors (et toujours) gage de la qualité des services proposés, mais aussi imposés notamment suite à la reconnaissance du thermalisme comme thérapie médicale par la Sécurité Sociale. Les principales transformations interviennent avec les travaux de 2010-2011, au moment de la construction de l’extension thermoludique. Le plan en est alors légèrement modifié, y apportant un confort supplémentaire tant pour les patients que pour les intervenant médicaux. Derrière la façade monumentale, l’intérieur reste à la hauteur des aspirations de son premier propriétaire, l’avocat Hector Sassère. Même si l’ensemble du projet imaginé ne fut pas réalisé, ce qui l’a été propose des espaces généreux où le souci de l’esthétique s’exprime, la plupart des murs étant recouverts de marbres colorés. Du projet initial a été construit le grand hall d’accueil, la galerie qui longe la façade principale, les espaces pour les cabines des bains et les soins personnalisés et une grande pièce en rotonde qui fait encore la renommée d’Argelès-Gazost aujourd’hui. Les espaces s’enchaînent avec fluidité et sont ponctués de petits jardins clos, ceux-ci ayant évidemment un rôle pittoresque pour palier aux aspects désagréables de la cure, mais aussi une fonction plus Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

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2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE

Argelès-Gazost, façade principale de l’établissement thermal, carte postale ancienne, Cie Alsacienne des Arts Photomécaniques : les matériaux utilisés font ressortir l’aspect régionaliste tandis que la composition (en proportion et en volume) reste classique.

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Argelès-Gazost, photographie du grand hall ; tandis que l’extérieur mélange matériaux « nobles » (pierre) et matériaux « pauvres » (galets du gave et brique), l’intérieur se veut exclusivement luxueux, tant par la présence importante de marbre que dans la lumière généreuse.

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2.2 DE LA THÉORISATION PROGRAMMATIQUE AU FONCTIONNALISME MÉDICAL

Argelès-Gazost, photographie du solarium ; cet un espace contemporain qui veut rappeler les grandes verrières des thermes du XIXème siècle est desservi par l’absence de protection solaire qui entraine une surchauffe, son temps d’utilisation en est alors réduit au minimum réglementaire.

Argelès-Gazost, photographie du couloir des nouvelles cabines de 2010-2011 ; l’aspect règlementaire hospitalier a pris le pas sur l’architecture thermale,la raison domine le plaisir.

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2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE utilitaire qui consiste à amener de la lumière à l’intérieur de l’épaisseur du bâtiment145. Le « hall spacieux mène à une buvette logée comme un sanctuaire, dans une niche à colonnettes »146. Sans être surchargés, les murs sont couverts d’éléments architecturaux tels que pilastres, corniches, frontons, chapiteaux… réalisés en stuc blanc et qui se combinent entre eux. Le tout est rehaussé par la couleur du marbre à certains endroits des pilastres et dont le sol est entièrement recouvert. Le hall a perdu son rôle initial d’accueil, mais a été aménagé en un espace d’attente pour les personnes accompagnant les curistes le temps de leurs soins. Pour certaines occasions, ses dimensions généreuses permettent de l’utiliser comme une salle de réception, notamment en début de saison pour accueillir les curistes, mais il est aussi à la disposition d’organismes extérieurs qui souhaiteraient le louer147.

62

Sur la gauche, la galerie s’inspire de celle à colonnades et des vastes espaces voûtés mis en place pour la première fois à Bagnères-de-Luchon, par l’architecte départemental Edmond Chambert (1811-1881) entre 1848 et 1857. Ainsi, « la grande salle oblongue, éclairée par des fenêtres thermales ouvertes dans les reins de la voûte, se retrouve dans les thermes d’Argelès-Gazost »148. Outre son rôle dans la déambulation et le repos des curistes (les fenêtres de la façade donnent à voir sur le parc thermal), la galerie a une place importante dans la mise en relation des différents espaces de soins, qu’ils soient collectifs ou individuels. On trouve ainsi de petites pièces où se logent des baignoires distribuées par une galerie secondaire et plus sombre, mais aussi des pièces de plus grande taille, qui pour des raisons évidentes d’intimité sont recloisonnées à mi hauteur afin de recréer des box individuels, tous agencés selon le même modèle. La première tranche des travaux de 2010-2011, a modifié les espaces arrières de cette partie du bâtiment, pour y apporter plus de confort et augmenter la capacité d’accueil de l’établissement. Ajout majeur à signaler, le solarium prend place dans une dent creuse de la façade sud historique. C’est une grande pièce commune dédiée au repos, surmontée d’une verrière. La façade sud est elle aussi entièrement vitrée, à laquelle des dispositifs d’occultation ont été rajoutés pour maitriser l’ensoleillement en été ; en effet, même si les soins thérapeutiques n’ont lieu que le matin, une telle exposition peut rapidement entrainer une surchauffe de l’atmosphère intérieure dès les premières heures du jour à la belle saison. Malgré cette précaution, les grands espaces vitrés génèrent une surchauffe en été, selon le personnel149 À l’arrière du hall et des salles de soins de l’édifice historique, un nouvel espace a été installé, qui a les mêmes fonctions de desserte que la galerie de devant, mais qui dans sa forme et son aspect esthétique s’apparente plus à un couloir d’hôpital qu’à une galerie. Derrière encore, on trouve une salle pour le personnel et des espaces de services tels qu’une 145

voir annexes, entretien avec Mme PUYO, p. 116.

146

JARRASSÉ, Dominique, «Argelès-Gazost », in Villes d’eaux en France, Institut français d’architecture

et éditions Fernand HAZAN, Paris, décembre 1984, p. 282. 147

voir annexes, entretien avec Mme PUYO, p. 166.

148

NAYROLLES, Jean, « Les thermes des Pyrénées, Références antiques et rêve de modernité», Midi-

Pyrénées Patrimoine, hiver 2013/2014, n° 36, p. 42. 149

voir annexes, entretien avec Mme PUYO, p. 116.

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2.2 DE LA THÉORISATION PROGRAMMATIQUE AU FONCTIONNALISME MÉDICAL buanderie, eux aussi construit lors des travaux de 2010-2011. Au même niveau, dans la même épaisseur, on trouve ce qui fut le logement de fonction du technicien des thermes, sur deux niveaux, et qui sert aujourd’hui de réserves et à la conservation des archives administratives. L’espace des soins ORL (oto-rhino-laryngologie) tient une place particulière dans l’organisation spatiale, mise en exergue par l’espace qu’elle produit. Il s’agit d’une haute rotonde couverte par une coupole. Le volume en est souligné par la fontaine située en son centre, desservie par un réseau de tuyaux redoublant la forme de la coupole. Il y a là un réel jeu sur les volumes où ce qui pourrait être considéré comme uniquement utilitaire et contraignant, la tuyauterie, devient un prétexte à magnifier l’espace ; on sort ici des codes sévères du classicisme. Au niveau du plan, la rotonde se trouve légèrement dans l’angle du grand hall au fond, et fait l’articulation avec la salle des pédiluves, qui donne elle-même accès à l’arrière des thermes. Enfin, un dernier ensemble de salles abritant les cabines de douches aux jets, des cabines de massage et une infirmerie viennent compléter l’offre thermale et thérapeutique d’ArgelèsGazost. Mais, pour être exact, il faut préciser que ce dernier espace a été construit en 2010 et fait en réalité partie de la nouvelle aile sud du bâtiment. Au devant des ces pièces, se trouve un espace en bout de couloir sans fonction particulière déterminée. Son principale atout est de permettre l’accès à l’aile sud et au centre thermoludique (qui contient l’accueil actuel) sans avoir à (re-)passer par les espaces de soins. En effet, la disposition historique des différentes pièces les rend dépendantes les unes des autres150.

Eaux-Bonnes et Luz-Saint-Sauveur, une souple rigueur Conçu plus tôt que l’établissement d’Argelès-Gazost, ceux de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes datent du début du XIXème siècle. Le langage éclectique est beaucoup moins présent car la majeur partie des édifices étaient déjà bâti quand il fait se manifeste dans l’architecture thermale. Cependant, on note quand même l’apparition d’une certaine liberté de formes dans les extensions anciennes de ces établissements.

Aux Eaux-Bonnes, l’édifice d’origine de 1837 est situé contre la roche et dans la pente, obligeant à en aménager le pourtour extérieur afin de faciliter l’accès par des rampes. Pas d’esplanade à l’avant de l’édifice, le village étant trop étroit pour ce genre de démonstration. Un double escalier droit permet d’atteindre le niveau du hall. On entre ainsi par « l’amont » de la pente, puis on se déplace vers les espaces situés « en aval » et en profondeur vers la falaise. L’établissement est organisé autour d’un grand hall central en forme de T couché. Les trois branches du T forment plusieurs sous-espaces avec des ambiances qui varient et conduisent à une progression de l’espace public et collectif vers des zones plus personnelles dédiées aux soins. La périphérie du hall est doublée sur le côté sud d’une succession d’espaces 150

Ibid., p.116.

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2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE individualisés pour les soins, tels que des cabines. Au fur et à mesure des travaux et extensions qu’a subi le bâtiment, celui-ci s’est allongé vers l’aval. Il s’organise le long d’une galerie qui ouvre côté roche sur des salles de fumigation avec des box et de l’autre sur deux piscines collectives où sont déjà dispensées des activités parallèles au thermalisme (aquagym par exemple). Cette galerie était, à un moment donnée de la vie de l’édifice, située en façade, en retrait du bâtiment d’accueil. Elle a été par la suite intégrée et intériorisée avec la dernière extension placée devant, en quelque sorte elle a été ingérée par le bâtiment lui-même. Le bâtiment d’origine et ses deux principales extensions se lisent clairement, chacune d’elle ayant sa propre écriture qui s’affirme sans nier la précédente.

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Cet enchaînement d’étapes de construction est bien lisible sur les façades. Les premiers éléments affichent un classicisme sévère. On note une différenciation des étages par la typologie des baies : de grandes baies arrondies à l’étage du hall ouvrent sur une façade enduite tandis que de petites ouvertures plus rectangulaires s’intègrent à l’étage inférieur dont le revêtement en pierre des Pyrénées apparente marque la fonction de soubassement. L’entrée est marquée par trois doubles portes, surmontées de trois grandes baies ; l’ensemble est coiffé d’un fronton triangulaire. Sur la façade latérale, on aperçoit en toiture des lucarnes en chien-assis qui sont un emprunt direct à l’architecture des constructions locales. Sur les parties ultérieures on remarque un nouveau langage dans le dessin des baies. Cellesci sont devenues absolument rectangulaires et ne sont plus vitrées de la même manière. Les subdivisions des vantaux se remplissent de petits carreaux de verre ou bien même par des pavés de verre translucides. Le dessin reste malgré tout assez sage, la pierre local ne permettant pas de faire des folies en matière de sculpture. On se rend compte également que l’aspect esthétique occupe une place importante, car certaines dégradations de la façade permettent de se rendre compte que les modénatures en pierre ne sont que du placage. L’essentiel n’est donc pas la réalité constructive mais bien dans l’image que l’on souhaite donner du thermalisme, image qui emprunte ses codes au régionalisme mais les applique selon les références intellectuelles de l’aristocratie. La partie la plus récente, dont la façade a été complètement modifiée par les récents travaux de l’extension thermoludique, date du XXème siècle. Elle est résolument moderne avec une grande structure métallique qui supporte un verrière aux carreaux miroir depuis l’extérieur mais permettant d’admirer la vue depuis l’intérieur. Cette verrière tranche aussi par son choix de couleur rouge foncé, seule note de couleur un peu franche, qui tranche du gris de la pierre et de l’enduit jaune pâle. Pas de folie architecturale pour l’établissement historique des Eaux-Bonnes, mais on constate toutefois dans la sagesse apparente, une accumulation de sources d’inspiration, une sorte de palimpseste discret de l’architecture thermale.

L’établissement thermal de Luz-Saint-Sauveur, situé dans une vallée étroite, doit faire face à la forte contrainte du relief. Construit en 1830 par l’architecte Pierre Artigala, il n’offre qu’une petite façade sur la rue, marquée par un portique. De part et d’autre, l’établissement thermal est encadré par des hôtels bâtis au XVIIème, de deux ou trois niveaux. L’entrée des thermes s’incline, tout comme les autres édifices de la station, devant la contrainte géographique du Mémoire Master - Parcours IAT 10 janvier 2016


2.2 DE LA THÉORISATION PROGRAMMATIQUE AU FONCTIONNALISME MÉDICAL

0

10

30m

Eaux-Bonnes, plan du rez-de-chaussée, d’après BET NECS ; les trois grandes phases de construction de l’établissement thermal se lisent en plan par une manière différente d’appréhender l’organisation spatiale. Dans l’édifice d’origine (au sud), tous les espaces sont organisés autour du hall d’accueil ; la première extension (au nord contre la roche, en gris foncé) propose une distribution en dents de peigne à partir d’une galerie en façade ; enfin, l’extension la plus récente n’est en fait qu’un seul grand espace où les bassins forment les subdivisions par leurs différences de prestations.

Eaux-Bonnes, photographie de la façade principale ; les dfférentes périodes de constructions se juxtaposent sans réelle transition apparente, mais laissent clairement transparaître la grande variété de soins proposés. Ici, la diversité architecturale est en quelque sorte égale à la diversité thérapeutique.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

65ii


2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE

Luz-Saint-Sauveur, photographie de la façade principale ; dans la continuité du portique dessiné par Pierre d’Artigala vers 1830, l’établissement thermal se poursuit au rez-de-chaussée et en dessous des anciens hôtels situés dans le prolongment de la rue.

66

Luz-Saint-Sauveur, photographie du hall ; passé le portique d’entrée, c’est la vue sur le paysage qui saisit et participe à la perception d’un espace généreux malgré la contrainte d’un site resserré.

Mémoire Master - Parcours IAT 10 janvier 2016


2.2 DE LA THÉORISATION PROGRAMMATIQUE AU FONCTIONNALISME MÉDICAL site151.En effet, l’essentiel de l’édifice se situe en contrebas, dans des niveaux inférieurs à la fois gagnés sur la roche et en surplomb au-dessus du vide. Derrière le portique à colonnes dont la référence à l’Antique ne fait aucun doute, on débouche dans un grand hall où le motif du portique se poursuit jusqu’à une grande verrière dominant la vallée et offrant un panorama resplendissant152. Mais si la vue imprenable sur la montagne est un atout, cette configuration ne permet pas, ou très peu de réaménagements et l’établissement ne dispose que de peu de ressources d’espace supplémentaire pour une extension153. Mais déjà à l’époque, le peu de terrain disponible pousse à l’économie d’espace. Ainsi, Pierre Artigala use d’artifices et déroge aux règles strictes du classicisme pour utiliser la contrainte du relief. Il vient loger des cabines individuelles (accessibles depuis l’intérieur uniquement) dans l’intervalle créé entre les colonnes et la porte d’entrée et séparées de quelques marches qui permettent d’atteindre le niveau légèrement inférieur du hall. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un geste éclectique, mais cette liberté d’aménagement, due à un désir de rentabiliser le foncier, amène à singulariser l’établissement thermal de Luz-Saint Sauveur. Pour les mêmes raisons, des bassins de stockage de l’eau sont logés sous la chaussée en devant du portique. Le portique ne sert aujourd’hui plus d’entrée principale, ni même secondaire ; sans être condamné, il reste fermé. Il ouvre sur un grand hall rectangulaire qui se projette dans le vide via une immense verrière qui va du sol au plafond. Outre l’effet spectaculaire, cet artifice permet de faire paraître encore plus grand le hall dans sa dimension la plus contrainte entre la falaise et le vide. Cette verrière a été entièrement refaite lors des travaux de 2003-2004. Il s’agit d’une réfection à l’identique du point de vue esthétique mais qui techniquement apporte le confort d’une meilleure isolation. Il est à noter que lors de certains évènements publics ou privés (location de salle) ayant lieu dans le grand hall (réceptions, théâtre…), l’entrée se fait par le portique ; ce qui se conçoit dans la mesure où les autres espaces de l’établissement thermal ne sont pas sollicités. Sur les trois autres côtés, le hall est bordé de cabines individuelles, éclairées par un puits de lumière zénithale mais aveugles de toutes vues puisque situées dans le relief de la montagne. Au niveau du sous-sol, l’architecte est venu en loger quelques autres, toujours en aveugle dans le relief, mais insère surtout des espaces d’ampleur plus collective (avec des postes de fumigation par exemple) qui eux profitent d’un positionnement en façade. Un siècle plus tard, en 1930, l’architecte Macary est chargé d’une extension. Il conçoit deux étages en sous-sol, dans un prolongement par le nord de l’établissement. Il équipe les thermes de nouvelles cabines, alignées en dents de peigne de part et d’autre d’un long couloir. Malgré le siècle qui les sépare, il est aujourd’hui difficile de distinguer les deux parties de bâtiment depuis l’intérieur (si ce n’est au niveau de la jonction), car tous les espaces ont depuis été remis aux normes médicales, ce qui a eu tendance à unifier les univers. On ne peut s’empêcher de faire la comparaison avec ces longs couloirs d’hôpitaux, même s’il faut relever la reprise par endroit du langage thermal, comme le plafond en arc surbaissé ou le

151

BARROS (de), François, « Saint-sauveur », Le Voyage au Pyrénées ou la Route thermale,

Randonnées Pyrénéennes, Institut Français d’Architecture, Tarbes, octobre 1987, p.107. 152

Ibid., p.107.

153

voir annexes, entretien avec Mme PIC, p. 124.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

67ii


2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE

68 Luz-Saint-Sauveur, plan du rez-de-chaussée (aujourd’hui dénommé rez-de-parc 2) conçu par Pierre d’Artigala vers 1830 et relevé par Macary en 1930, Archives Départementales des Hautes-Pyrénées : l’escalier, le hall et la verrière forment l’axe principal de l’édifice et ont été dessinés avec une maîtrise des formes, alors que les autres pièces (salon, cabines, distribution), réparties autour, s’accomodent de ce que le site veut bien leur laisser de place (pièces aveugles, biais, décrochés...). Au centre du hall, une trémie permettait d’éclairer l’étage inférieur.

0

12,5

25m

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2.2 DE LA THÉORISATION PROGRAMMATIQUE AU FONCTIONNALISME MÉDICAL

Luz-Saint-Sauveur, coupe conçue par Pierre d’Artigala vers 1830 et relevé par Macary en 1930, Archives Départementales des Hautes-Pyrénées : l’architecte joue avec la contrainte du site en glissant des cabines individuelles dans la portique mais en maintenant l’effet d’importance dû à la double hauteur qui se poursuit dans le hall pour se projeter dans le vide à travers la verrière toute hauteur. À droite du plan, les structures souterraines symbolisent les bassins de stockage situés sous la chaussée (que l’on peut lire également en haut du plan de rez-de-chaussée).

69ii

Luz-Saint-Sauveur, coupe dessinée par

Macary

en

Départementales Pyrénées :

ne

1930,

Archives

des

Hautes-

pouvant

s’étendre

sur les côtés au niveau de la rue, l’extension

de

l’établissement

se

fait par en-dessous avec le rajout de deux niveaux inférieurs dans le prolongement du

sous-sol et en

réutilisant l’escalier de 1830. 0

12,5

25m

page précédente en bas : Luz-Saint-Sauveur, plan du sous-sol (aujourd’hui dénommé rez-de-parc 1) conçu par Pierre d’Artigala vers 1830 et relevé par Macary en 1930, Archives Départementales des Hautes-Pyrénées : le peu de profondeur du site a conduit à un dessin en longueur desservi par un seul couloir et qui oblige à faire le choix de pièces aveugles.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes


2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE sol et les plinthes en marbre154. En effet, l’aménagement intérieur actuel de la partie thermal de l’établissement date de 1995, mais reste assez proche de ce qu’a pu être l’organisation spatiale d’origine. S’ils ont été modernisés pour le besoins des soins thérapeutiques, les espaces conservent leurs dimensions et leurs emplacements initiaux. Sans atteindre l’effet couloir d’hôpital, la normalisation des cabines de soins tend à uniformiser les espaces dans une ressemblance qui fait perdre ses repères. C’est notamment le cas au niveau des couloirs de Macary, même s’il faut relever la conservation par endroit du langage thermal, comme le plafond en arc surbaissée ou le sol et les plinthes en marbre. Si dans la plupart des cabines individuelles construites à l’origine on trouve un puits de lumière naturelle zénithal, ce qui n’est pas le cas des cabines créées en Macary. Dans les cabines n’ayant pas de puits de jour zénithal, un travail avec les lumières artificielles a été mené pour générer une ambiance sereine qui compense le fort sentiment d’enfermement (couleurs des lumières, commutateur d’intensité, etc…)155.

70

Les établissements thermaux, comme tous les grands édifices à caractère public, fait l’objet d’une théorisation. Le but recherché est la diffusion « en province » des courants d’idées à la mode qui devrait amener la maîtrise de la « production » des établissements thermaux. Mais les architectes ne sont les seuls à vouloir contrôler l’organisation des thermes. Les médecins aussi s’expriment sur le sujet mais, et c’est logique, leur point de vue se concentre avant tout sur les fonctionnalités des espaces dans la distribution des soins et sur l’état d’hygiène des lieux qui est loi d’être toujours irréprochable. La reconnaissance du thermalisme comme étant thérapie à part entière par la Sécurité Sociale en 1950. Cela donne au ministère de la Santé un droit de regard sur ce qui se passe à l’intérieur des thermes et qui n’hésite pas éditer des normes qu’il faut appliquer. C’est en quelque sorte la victoire des médecins sur les architectes. Mais comme on l’a déjà vu, le thermalisme est aujourd’hui à un tournant de ce qui le fait exister : ses activités propres et sa relation aux autres secteurs. Les acteurs thermaux s’organisent autour de nouvelles stratégies pour renouveler l’image du thermalisme, et cela en réinventant autant en matière d’offres de services et de clientèle qu’en matière d’espace.

154

voir annexes, iconographie complémentaire, p. 97.

155

voir annexes, entretien avec Mme PIC, p. 124.

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2.3. LA NÉCESSITÉ DE ROMPRE AVEC UNE IMAGE FIGÉE

2.3. La nécessité de rompre avec une image figée

Un réseau thermal à réactiver La question du renouvellement des cures thermales est essentielle pour permettre à ce secteur de survivre, à plus forte raison quand on sait que 71% des établissements thermaux sont situés dans des communes de moins de 5000 habitants dont l’économie est majoritairement dépendante de la vivacité de l’activité thermale156. En effet, les établissements thermaux génèrent environ 9 500 emplois directs, dont 70% sont saisonniers. On le sait, la cure thermale fonctionne par saison, de mars-avril à fin octobre. Certaines stations thermales de montagne réemploient donc du personnel saisonnier travaillant dans les stations de skis en hiver ; l’économie thermale est donc parfois complémentaire à d’autres secteurs d’activités locaux. Pour ce qui est des médecins thermaux, eux aussi soumis à la saisonnalité des cures, sur 700 médecins thermaux recensés, la plupart dispose d’un cabinet privé indépendant de leur emploi au sein d’un établissement thermal, mais ils sont tous spécialisés dans la discipline de la médecine thermale. Mais le secteur thermal engendre surtout plus de 40 000 emplois indirects et dépendants du thermalisme, ce qui est loin d’être négligeable. Le premier secteur où l’on recense le plus de ces emplois est celui de l’hébergement et de la restauration, avec un peu plus de 55 000 emplois induits. Cela s’explique par le fait qu’il s’agisse d’un secteur qui touche autant les curistes que leurs accompagnateurs. En suivant, on trouve les casinos, les activités sportives, la découverte culturelle notamment régionale, les commerces en tous genres (avec notamment les boutiques de souvenirs). Il s’avère donc que le renouvellement de l’activité thermale dépasse largement les murs des établissements thermaux et est primordiale pour l’économie locale des communes qui les accueillent. Les établissement thermaux doivent faire face à différents types de coûts, difficilement compressibles : le personnel, le matériel, l’énergie et les locaux. Pour ce dernier cas, la plupart du temps, « les murs de l’établissement thermal appartiennent à la commune : si l’exploitant est privé, celui-ci verse un loyer à la municipalité dans le cadre d’un contrat d’affermage »157. Le renouveau du thermalisme ne passe donc pas tant par une réorganisation budgétaire interne que sur l’innovation et l’attractivité des stations thermales. Les marqueurs les plus visibles de la mise en route de la diversification des activités thermales sont l’émergence de nouveaux centres thermoludiques ou les extensions du même type réalisés au sein d’un établissement thermal déjà existant. Mais il est important de ne pas rester focalisé sur les nouvelles gammes émergentes et de renouveler le thermalisme sous toutes ses formes. En effet, on estime que pour 71% des établissements thermaux, 90% de l’activité est généré par les cures conventionnées d’une durée obligatoire de 18

156

THOULUMAS, Bruno, Le thermalisme au XXIè siècle : quelles stratégies pour le futur ?, Press Therm

Climat, 2014, p. 30. 157

Ibid., p. 35.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

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2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE jours et prescrite par un médecin158. Si les centres thermoludiques sont la partie émergée de l’iceberg, la partie immergée est loin d’être négligeable et doit elle aussi faire l’objet d’un renouvellement. De plus, actuellement, la moyenne d’âge des curistes se situe aux alentours de 63 ans. Or, le vieillissement de la population, associé à l’allongement de l’espérance de vie, sont de véritables sujets à prendre en compte par le thermalisme. En effet le « baby-boom » de l’après-guerre vient gonfler le nombre de personnes de la génération actuelle des plus de 60 ans. Selon une enquête réalisée par l’Insee en octobre 2010, cette génération va s’accroître de 8 millions de personnes en 25 ans, soit une augmentation de plus de 60%. Ces personnes sont les plus susceptibles d’être intéressées par des cures thermales, car elles disposent du temps nécessaire à la cure (3 semaines)159. Cela passe par un dépoussiérage de l’image du thermalisme. D’un point de vue médical, depuis plusieurs années, l’Afreth (Association française pour la recherche thermale) a réalisé plusieurs travaux dans le cadre du Service médical rendu (SMR) visant à démontrer scientifiquement les bienfaits des cures thermales. Ainsi, il est admis que le thermalisme permet « d’atténuer les effets de la maladie, mais la plupart du temps sans la guérir »160. Mais la cure thermale ne s’envisage plus seulement pour les soins, mais aussi, et surtout, pour le confort qui entoure les moments médicalisés. Le type d’hébergement est devenu un critère sérieux dans le choix de la destination du curiste. Outre les cures, les établissements thermaux proposent donc de l’hébergement, sous forme d’hôtels ou, comme cela se fait de plus en plus, des résidences de tourisme. Certains établissements (faisant souvent partie d’une chaîne thermale) possèdent des logements au sein même de leur établissement, permettant ainsi à leurs curistes d’aller de leur chambre aux salles de soins en peignoir. 72 Enfin, une des spécificités du thermalisme conventionné est qu’il oblige le curiste et son accompagnant à demeurer sur le même site trois semaines durant. Cette présence contrainte représente une source de capital pour l’économie locale, pour peu que l’offre touristique ait été pensée en collaboration et en complément de l’activité thermale. De plus, la plupart des curistes viennent accompagnés pour la durée de leur cure. La présence de ces accompagnants est non-négligeable pour la commune et ses environs, car ils représentent des consommateurs potentiels présents pendant trois semaines durant sur le territoire161. L’aménagement d’une offre d’activités diverses en périphérie du centre thermal et pensé en complément de la cure est donc incontournable pour séduire la clientèle, en particulier les accompagnants. Mais ceux-ci ne sont pas les seuls à pouvoir profiter de ces occupations complémentaires. Tous les profils de curistes « sont demandeurs d’une offre plus globale attractive en activités, en complément de leur traitement de médecine thermale. Pour les nouveaux curistes, outre le complément thérapeutique, le choix d’une station est lié à l’offre touristique associée »162. 158

Ibid., p. 30.

159

Ibid., p. 33.

160

Ibid., p. 35.

161

Ibid., p. 30, 36 et 41.

162

Ibid., p. 33.

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2.3. LA NÉCESSITÉ DE ROMPRE AVEC UNE IMAGE FIGÉE Mais qui sont ces nouveaux curistes ? Il s’agit d’une clientèle plus jeune et plus aisée que les professionnels du monde thermal cherchent à capter en proposant des cures plus courtes (en moyenne 3 jours) mais non conventionnées, « afin de ne pas " consommer " 3 semaines de congés payés en cure. Les thématiques abordées par ce type de cures sont aussi orientées en fonction des préoccupations de cette tranche de la population, comme le traitement de l’obésité ou l’accompagnement du sevrage tabagique »163. Cette nouvelle clientèle est aussi plus encline à mélanger les plaisirs et donc à consommer des biens et des services proposés en annexe de la cure. Cela constitue même souvent le premier critère de choix d’une station pour ce profil de curistes.

Les trois axes de la diversification L’établissement thermal ne peut donc pas poursuivre ses activités seul dans son coin. Il lui faut s’intégrer dans une dynamique en réseau, à l’échelle de la station et de la région, voire plus dans un périmètre plus large. Ce constat amène les exploitants thermaux à opérer une triple diversification. La première est strictement interne, il s’agit de penser de nouvelles prestations pour la médecine thermale, en plus du maintien de celles qui sont déjà proposées ; la deuxième peut être soit interne, soit externe à l’établissement, ce sont les espaces thermoludiques qui peuvent intégrés aux établissements thermaux existants ou exister de leur côté ; enfin la troisième diversification est, elle, complètement externe, c’est la création d’un réseau d’activités complémentaires à l’activité thermale, et notamment l’offre en hébergement. La diversification thermale se fait selon les trois axes médecine thermale – thermoludisme – tourisme/hébergement164.

L’exemple de la station de Barbotan-les-Thermes dans le Gers, montre la mise en place de cette stratégie de nouveaux positionnements. L’établissement thermal appartient à la Chaîne Thermale du Soleil (CTS), premier groupe privé en France. Cet information n’est pas anodine car chaque établissement de la chaîne profite de la renommée des autres, de mutualisation de moyens pour l’achat de nouveau matériel et possède une force de médiatisation plus importante ; à l’inverse, il peut aussi parfois souffrir d’une mauvaise publicité lié à la chaîne. Un établissement « indépendant », s’il ne dispose pas déjà d’une reconnaissance publique, aura plus de difficulté à se faire connaître sur la scène nationale du thermalisme français, mais il pourra jouer d’une plus grande liberté dans ses choix de réorientation économique et pourra également développer une identité unique liée à sa région et à son histoire. Pour donner un ordre d’idée, en 2014, on compte 105 établissements thermaux répartis sur 89 stations thermales ; 85% d’entre eux sont de statut privé et 15% sont publics. Certains établissements privés font partie d’un groupe thermal dont la Chaîne Thermale du Soleil (20 établissements) et Valvital (11 établissements) sont les plus importants165. Dans le même mouvement d’utiliser la force collective pour se positionner, certains 163

Ibid., p. 33.

164

Ibid., p. 39.

165

Ibid., p. 33.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

73ii


2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE

INE C E ÉD M Médecine générale Culture Bien-être Hématologie

Sport Thermoludisme

Psychiatrie

...

Écotourisme

ISME UR TO

Chirurgie

Restauration

Médecine thermale Hébergement

...

74

TH

ERM

A LIS M E

Le thermalisme se diversifie et se complexifie selon trois grands axes (médecine thermale, thermloludisme et tourisme-hébergement) qui le font appartenir en même temps au monde de la médecine et à celui du tourisme. Il renoue ainsi avec une offre d’activités à multiples facettes qu’il possédait aux XVIIIème et XIXème siècles.

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2.3. LA NÉCESSITÉ DE ROMPRE AVEC UNE IMAGE FIGÉE établissements adhèrent à des réseaux internationaux, notamment européens. Il s’agit de proposer des itinéraires qui relient entre eux différents établissements thermaux et de développer des coopérations entre eux. Ce volet est encore en cours de construction et devrait prendre de l’ampleur dans les années à venir166. L’établissement thermal de Barbotan-les-Thermes après avoir subi une baisse de fréquentation, a vu ses activités reprendre à partir de 2010, et plus significativement depuis 2013. Ce redémarrage est à imputer à plusieurs actions mises en place à la même période. L’établissement, outre ses espaces médicaux dédiés à la rhumatologie et à la phlébologie, possédait déjà un spa thermal. Pour compléter sa gamme d’offres, l’exploitant a investi à la fois dans la médecine thermale, dans la modernisation du spa thermal et dans l’hébergement. En médecine thermale, l’établissement propose de nouvelles formules de cures, conventionnées ou non, sur des temporalités multiples ce qui permet de s’adresser à un plus grand public167. L’investissement majeur un espace Veinotour® qui consiste en un parcours aquatique complet qui permet au patient de diminuer la stagnation de sang dans les veines et d’améliorer la circulation sanguine, en déplaçant dans un bassin animé de contre-courants, et d’atelier thérapeutique (massage des jambes et de la voûte plantaire, gymnastique, vélo aquatique, puits d’eau froide…). Détail non négligeable de cet espace est qu’il est en quelque sorte convertissable. En effet, les mêmes bassins qui servent le matin aux soins médicaux, sont ouverts l’après-midi au public comme espace thermoludique168, en complément du spa thermal. Enfin, l’établissement a ouvert un hôtel-restaurant 4 étoiles qui fait partie de l’association Relais & Châteaux169. Il y a la volonté très claire d’afficher un service de haute qualité, qui est l’image que souhaite diffuser le nouvel établissement thermal. Mais le renouveau de Barbotan-les-Thermes passe aussi par la concertation avec les pouvoirs publics et les acteurs locaux. En effet, l’activité thermale représente 22 000 curistes par ans, ce qui équivaut à environ 400 000 nuitées, pour une commune de 1 600 habitant à l’année. On l’a vu la nouvelle clientèle thermale n’est plus simplement curiste, mais curistetouriste. Il y a donc un échange de satisfaction réciproque entre curistes-touristes en dehors de l’établissement thermal et les acteurs économiques locaux, dans de nombreux secteurs : culture, restauration, sport, nature… Ainsi, pendant la haute saison thermale (de début avril à fin octobre), la station dispose d’une capacité d’hébergement de 3 500 lits qui sont occupés en totalité et sans discontinuité durant toute la période170. Face à cette réussite économique, la station de Barbotan-les-Thermes ne s’endort pas pour 166

La Médecine Thermale, Idées reçues sur la médecine thermale, La Médecine Thermale, 2015, http://

www.medecinethermale.fr/espace-medecins/idees-recues 167

THOULUMAS, Bruno, Le thermalisme au XXIè siècle : quelles stratégies pour le futur ?, Press Therm

Climat, 2014, p. 38. 168

Blog Thermal, Espace Veinotour®, La Chaîne Thermale du Soleil, 2012, http://www.blogthermal.

com/2680-thermes-de-barbotan-nouvel-espace-veinotourr 169

THOULUMAS, Bruno, Le thermalisme au XXIè siècle : quelles stratégies pour le futur ?, Press Therm

Climat, 2014, p. 38. 170

Ibid., p. 38.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

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2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE autant sur ses lauriers et continue à investir pour rester attractive. Ainsi, il est prévu pour 2016, deux nouveaux Programme d’Éducation Thérapeutique du Patient supplémentaire pour la fibromyalgie qui nécessitent l’installation de nouveaux espaces dédiés. L’espace Veinotour® sera entièrement rénové pour être modernisé. Enfin l’espace Vitalité et Forme complète sa palette d’activité avec des séances de Qi Gong et Taï Chi, fitness, renforcement musculaire, etc171… Pour se dégager d’une image qui ne joue pas toujours en leur faveur, les exploitants thermaux, sans rejeter la médecine thermale, renouvellent leurs gammes d’activités, visent une nouvelle clientèle plus jeune en recherche de bien-être sans être pour autant malade. Ils se réouvrent aussi vers l’extérieur, retissent des liens économiques avec les secteurs culturels, sportifs, de la restauration et de l’hôtellerie… Le thermalisme est en train de reconquérir ce que la médicalisation lui avait ôté, à savoir son esprit du plaisir de l’eau. Cela nécessite la création ou la réappropriation d’un vocabulaire et d’une politique de communication pour médiatiser ce renouveau. L’architecture fait partie intégrante de ce nouveau vocabulaire de communication développé par les professionnels du thermalisme, elle participe à dépoussiérer l’image du thermalisme, ramène du rêve, se doit d’être ludique à l’image des nouvelles offres. L’architecture est une forme de publicité au service du thermalisme.

2.4. Un second souffle par un retour à l’éclectisme 76 Pastiche et exotisme pour Argelès-Gazost En 2010, la municipalité d’Argelès-Gazost engage des travaux de rénovation et d’extension de l’établissement thermal. Ce n’est pas un choix dû au hasard ou à une envie personnelle comme put le faire Hector Sassère en 1885. Comme tous les établissements thermaux de France, Argelès-Gazost doit faire face à une diminution de la fréquentation des thermes. Cet état de fait s’explique par la convergence et l’accumulation de plusieurs éléments. On ne reviendra pas en détail sur les raisons de cet affaiblissement, mais on citera toutefois l’impact de la médicalisation stricte des thermes dans l’imaginaire des gens et la difficulté croissante des curistes à consacrer trois semaines de leurs congés à la cure. En résumé, le thermalisme perd en attractivité et pour palier à ce phénomène, la plupart des établissements thermaux optent, à la fin du XIXème siècle, début du XXème, pour l’agrandissement leur gamme de services, ce qui se traduit spatialement par des réaménagements et la construction de nouvelles extensions. Argelès-Gazost ne fait pas exception à la règle. La commune fait le choix d’une extension thermoludique qui viendra complémenter par des 171

Chaîne Thermale du Soleil, Barbotan les Thermes, Chaîne Thermale du Soleil, 2015, http://www.

chainethermale.fr/barbotan-les-thermes.html

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2.4. UN SECOND SOUFFLE PAR UN RETOUR À L’ÉCLECTISME services relatifs aux loisirs et à l’agrément, l’offre médicale d’ors et déjà présente. Un premier concours est lancé au début de l’année 2006 mais aucune proposition ne sera retenue. Un second concours est donc proposé à la fin de cette même année172 et c’est l’architecte JeanPaul Pagnoux de l’agence G.C.A.U. (Groupe Coopérative Architecture et Urbanisme) qui le remporte. Il est à noter que lors du concours, la municipalité impose aux participants l’idée que le centre thermoludique n’est pas une adjonction indépendante de l’établissement mais bien au contraire une suite de nouveaux espaces liés au bâtiment existant. Cela se traduit par la construction de l’aile sud et l’obligation de produire une façade sur le parc, identique et symétrique à l’aile nord, et tant pis si cela n’est qu’une façade (au sens figuré) et qu’elle n’entretient que des liens lointains avec les nouveaux espaces qu’elle abrite dans son dos. La nouvelle extension prend le nom de Jardin des Bains. Ce nom est le reflet des ambiances intérieures qui s’inspirent « des jardins du monde »173. L’ensemble des nouveaux bassins (espace enfants, parcours de marches, bains parfumés ou musicaux, hammams, etc…) s’organise autour de deux espaces forts la Forêt d’Émeraude et la Ziggourat, dans un esprit inspiré de la Mésopotamie. Ces noms sont évocateurs de la stratégie mise en place par l’administration de l’établissement pour étoffer sa gamme d’offres : plutôt que d’insister sur les nouveaux soins proposés, elle met en avant un image, elle vend du rêve pour attirer les potentiels futurs clients. Cela est important car le thermoludisme, à l’image du thermalisme mais de manière encore plus exacerbée, n’envisage pas les soins sans un aspect de loisirs et de bien-être, c’est là le fondement même du thermoludisme. Et pourtant les espaces de l’extension thermoludique, sans être particulièrement exceptionnels, ne sont pas inintéressants du point de vue architectural (l’ensemble représente quand même 1600m2)174. Ainsi le bassin de la Forêt d’Émeraude est abrité par une grande coupole en bois tandis que celles recouvrant la Ziggourat sont construites en briques, sans doute dans le but de faire plus « authentique ». Il faut alors admettre que le thermoludisme ne prête que peu d’attention à son lieu d’implantation et à son patrimoine local. C’est en cela que l’on peut affirmer que le thermoludisme répond à des logiques de marketing commercial ; il faut attirer le client, quitte à créer une nouvelle identité si les qualités déjà existantes ne sont pas suffisamment vendeuses, et dans le but de se démarquer sur le marché des loisirs de bien-être. La création de la nouvelle aile permet également de libérer le grand hall central de ses fonctions d’accueil qui sont transférer dans un nouvel espace d’accueil créé tout de suite à droite de celui-ci, en façade. L’accueil ouvre sur des vestiaires et des douches modernes et aux normes. Les espaces partagés entre thermalisme et thermoludisme s’arrêtent là. Les pièces d’eau sont différenciées et ne communiquent pas, seuls les aspects administratif et utilitaire sont mutualisés. Même l’eau qui coule dans les bassins ne provient pas du même forage, celui du Jardin des Bains est situé sous le parc thermal, à quelques mètres de l’établissement.

172

Mairie d’Argelès Gazost, Bulletin Municipal d’Argelès-Gazost, décembre 2006, n°18, p.15.

173

http://www.argeles-infos.com/IMG/pdf/Notice_explicative_centrethermoag.pdf

174

Mairie d’Argelès Gazost, Bulletin Municipal d’Argelès-Gazost, décembre 2007, n°19, p.15.

Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

77ii


2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE

78

0

10

30m

Argelès-Gazost, plan de l’établissement thermal par GCAU en 2010 ; entouré en orange, la partie thermoludique de l’édifice. La comparaison du plan et de la façade (ci-dessous) montre clairement le souhait d’une façade de représentation pastichée des dessins d’origine, tandis que les espaces thermoludiques n’entretiennent de parenté spatiale que dans la reprise des formes circulaires des buvettes et de la coupole de fumigations.

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2.4. UN SECOND SOUFFLE PAR UN RETOUR À L’ÉCLECTISME Argelès-Gazost,

coupes

de

l’établissement

thermal par GCAU en 2010 ; le dessin des coupes montre la volonté de créer un univers totalement différent de celui des cures : les volumes sont généreux en double hauteur et qui s’éloignent de la forme rectangulaire, et l’extension ne propose que des espaces collectifs.

0

40m

ci-dessous : Argelès-Gazost, façade principale de l’établissement thermal par GCAU en 2010 ; si l’on devait faire abstraction de la coupole de l’espace thermoludique qui émerge en arrière-plan, il ne serait pas possible de différencier l’aile de 1885 de celle construite en 2011. Le pastiche a sans doute était imposée par le municipalité lors du concours car on le retrouve dans les planches des autres candidats.

0

10

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20m

79ii


2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE

Argelès-Gazost, photographie de la serre tropicale de la forêt d’Émeraude par Le Jardin des Bains, 2015 : vue des bassins sous la coupole dont les murs sont recouverts de pierre avec des statues d’inspiration aztèque et

80

surmontés de bois exotique brut.

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2.4. UN SECOND SOUFFLE PAR UN RETOUR À L’ÉCLECTISME

Argelès-Gazost, photographie de la façade principale, 2014 : c’est la façade noble de l’établissement, mélangeant matériaux nobles et locaux.

81ii

Argelès-Gazost, photographie de la façade arrière, 2014 : c’est avant tout une façade utilitaire (parking, livraison) qui ne reçoit pas le même entretien que la façade d’accueil. Si on note la reprise du vocabulaire de la façade principale sur le corps central de 1889, les espaces modernes, sans être pauvres, restent très simples.

page précédente en bas : Argelès-Gazost, photographie de la ziggourat par Le Jardin des Bains, 2015 : autour d’un bassin central froid, quatre espaces de bains (chaud, musical, parfumé et hammam) s’offrent aux nouveaux curistes dans un décor de statues et mosaïques.

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2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE Réhabilitation et lignes contemporaines à Luz-Saint-Sauveur

L’établissement thermal de Luz-Saint-Sauveur s’est fortement modernisé avec l’extension thermoludique de 2003-2004, mais Mme Pic explique que la modernisation est surtout un travail sur la durée qui se fait au fur et à mesure, plutôt qu’une succession occasionnelle d’opérations de grande envergure. Cela est particulièrement vrai du point de vue thérapeutique qui nécessite d’être toujours à la pointe en matière de soins et de machines. On peut citer par exemple que l’établissement a investit dans la thalaxion175 en 2009, ce qui représente matériellement l’achat de nouvelles machines et l’aménagement de deux cabines existantes. Cet investissement lui a valu le prix de l’innovation en 2010. De même, le secteur d’oto-rhino-pharyngologie, a fait l’objet d’une rénovation intérieure il y a moins de dix ans176. Mais, la création d’une extension thermoludique a une portée plus grande qu’un simple maintien à niveau des exigences de services. En effet, elle intervient dans le renouvellement de l’image du thermalisme, pour un renouveau économique du secteur. Cela nécessite plus qu’un entretien régulier, mais plutôt de repenser l’ensemble de la structure thermale.

82

À Luz-Saint-Sauveur, la question d’une extension thermoludique pose immédiatement la question de la disponibilité du foncier. Rappelons-le, le quartier thermal de Luz-Saint-Sauveur est très contraint par le relief et il n’y a pas de foncier vierge aux alentours du bâtiment. L’extension de l’établissement thermal a été rendue possible par le rachat et le rénovation intérieure totale des hôtels attenants au bâtiment thermal d’origine. L’établissement thermal est donc maintenant composé de deux parties : les thermes anciens issu du bâtiment d’origine du XIXème siècle qui abrite les soins thermaux, et l’accueil et l’espace thermoludique bâtis en 2003-2005. Les trois immeubles rachetés ont été réunis et communiquent entre eux avec seulement deux escaliers de part et d’autre de l’ensemble ainsi formé pour monter dans les étages et accéder aux logements. Architecturalement, le rez-de-chaussée, occupé par les espaces administratifs des thermes, a accès aux cages d’escaliers des immeubles. Les employés de l’établissement thermal et les locataires des immeubles pourraient donc se rencontrer, mais il n’y a aucune raison (logistique ou d’intérêt) pour que cela se réalise. À la suite des immeubles, on rencontre un patio. Ce patio est rotule entre les espaces thermal et thermoludique (situé sous les immeubles) mais aussi visuel sur les hébergements. Cela n’est pas sans rappeler les thermes anciens pour qui la multiplicité des fonctions était partie intégrante du programme. Les travaux entrepris pour aménager l’accueil et l’espace thermoludique au sein de l’établissement thermal n’ont pas eu d’impact sur les façades qui restent celle des thermes 175

Machine de « drainage en eau thermale optimisé grâce à un système de jets programmables en

température et en puissance les long du membre atteint et sur l’ensemble du système ganglionnaire », fasicule de présentation Les thermes de Luz-Saint-Sauveur, Phlébologie-lymphologie ORL (voies respiratoires Gynécologie, les thermes de Luz-Saint-Sauveur, éditions Jours des Arts, 2015. 176

voir annexes, entretien avec Mme PIC, p. 124.

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2.4. UN SECOND SOUFFLE PAR UN RETOUR À L’ÉCLECTISME d’origine et des immeubles réaménagés, côté rue comme côté paysage. Seul élément, mais non des moindres, qui a été changé est le pignon du dernier hôtel réhabilité. La façade à colombage a été entièrement modifiée pour être remplacée par une grande structure métallique qui supporte une verrière (dont la moitié basse est miroir). Le dessin reprend le langage éclectique en intégrant des éléments de modénature en pierre (plaquée) facilement identifiables, tels que les deux côtés supérieurs d’un fronton triangulaire, une corniche interrompue en son centre par un fronton en demi-cercle. Cette façade est importante puisqu’il s’agit de la nouvelle entrée de l’établissement thermal ; elle est la nouvelle image du thermalisme luzéen. La reprise des ces immeubles n’était cependant pas suffisante pour accueillir l’ensemble du programme thermoludique et de nouveaux espaces ont été créées dans le prolongement des étages inférieurs des thermes du XIXème siècle. Les façades côté rue affichent clairement la distinction des thermes et des immeubles, mais brouillent la lecture entre l’espace d’accueil et les hébergements compris dans les mêmes immeubles. Côté paysage, on retrouve la même confusion accueil-hébergement, mais l’espace thermoludique se distingue fort bien des thermes par son architecture à l’esthétique contemporaine assumée. De l’intérieur l’établissement, l’accueil, les thermes et l’espace thermoludique communiquent sans heurts, mais il n’est pas autorisé au public d’entrer dans les hébergements. On ne doit y accéder que depuis la rue par les portes d’origine des immeubles. Le seul lien entretenu entre établissement thermal et hébergements est donc visuel au niveau du patio intérieur. Finalement, l’ensemble des espaces ne forme une unité que du point de vue administratif. Ainsi, le rez-de-chaussée concerne les bureaux administratifs, l’accueil, les vestiaires et le coin spa-beauté. Au-dessus, deux étages et un niveau de combles sont occupés par les hébergements. En-dessous, les deux niveaux inférieurs comprennent les deux espaces thermal et thermoludique. Il est intéressant de noter que ces deux niveaux sont appelés rez-deparc 1 et 2. Or, ces espaces n’ouvrent sur rien sinon le vide et il n’y pas à proprement parler de parc thermal à Luz-Saint-Sauveur si ce n’est à assimiler les montagnes à ce parc imaginaire ! On notera donc l’utilisation d’un champ lexical erroné mais qui entretient l’imaginaire thermal des patients et clients (et qui fait bien mieux rêver que sous-sol 1 et sous-sol 2). Toujours du point de vue administratif, l’établissement thermal est propriétaire de la vingtaine de logements situés dans ces anciens hôtels. Par contre, la gestion de ces hébergements est confiée à un centre de réservation dépendant de l’office de tourisme de Luz-Saint-Sauveur177.

Les travaux de l’extension thermoludique 2003-2005 ont été réalisés par l’architecte Michel Authié. L’extension thermoludique est finalement la seule partie de l’édifice qui est entièrement créée en 2003-2005. Elle prend place dans le prolongement des étages inférieurs de la partie thermale en rez-de-parc 1 et 2. La partie thermoludique dessinée par M. Authié, comprend plusieurs bassins : un hammam, un sauna, un bain froid et un bain romain. À ces bassins se rajoute une grande salle de gym dont le mur de façade est entièrement vitré de manière à ouvrir sur le paysage de la vallée, 177

Ibid., p.124.

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83ii


2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE

Luz-Saint-Sauveur, photographie ancienne de l’Hôtel de la Source, début XXème siècle : ancienne façade à colombage, aujourd’hui détruite et remplacée par l’entrée des thermes.

84

Luz-Saint-Sauveur, photographie de l’établissement thermal, 2015 : vue de l’entrée actuelle des thermes et de la façade face au vide. On peut discerner les différentes parties de l’établissement avec devant en bas l’arrondi de l’espace thermoludique de 2005, surmonté par les anciens hôtels du XIXème siècle convertis en hébergement de location et au fond le pignon du salon situé sur le côté du grand hall construit en 1830.

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2.4. UN SECOND SOUFFLE PAR UN RETOUR À L’ÉCLECTISME

Luz-Saint-Sauveur, photographie de l’extension thermoludique, 2015 : vue du bassin principal qui ouvre au fond en enfilade sur d’autres bassins et hammams.

85ii

Luz-Saint-Sauveur, photographie de l’extension thermoludique, 2015 : vue du bassin romain tourné vers le paysage, depuis l’entrée du hammam.

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2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE

86

ci-dessus : Luz-Saint-Sauveur, plan du rez-dechaussée, Luzéa, 2015 : les rez-de-chaussée des trois hôtels ont été connectés pour accueillir l’administration de l’établissement thermal. Encerclées en orange, deux entrées des hôtel ont été conservées et continuent de desservir les logements situés dans les étages.

ci-contre : Luz-Saint-Sauveur, plan du rez-de-parc 2, Luzéa, 2015 : situé en dessous de l’administration, l’espace thermoludique (en gris clair) est en fait sur un niveau légèrement inférieur au grand hal. Ce-dernier qui représentait le rez-de-chaussée à l’origine a perdu cette fonction ( et noblesse) avec le déplacement de l’entrée. En gris foncé, le patio qui relie les trois 0

12,5

25m

catégories d’espaces entre eux : médecine thermale, thermoludisme et hébergement (par lien visuel).

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2.4. UN SECOND SOUFFLE PAR UN RETOUR À L’ÉCLECTISME tandis que le mur opposé est lui recouvert de miroirs. La présence des miroirs a évidemment une visée pédagogique pour la gymnastique, mais fait également le jeu de l’architecte qui donne à voir une perception de l’espace plus grand qu’il n’est réellement par la réflexion du paysage. L’ensemble de l’espace thermoludique se veut résolument contemporain et sobre. Pas de références exotiques ou de démonstration constructive auquel la disposition du terrain ne se prêterait de toutes façons pas. Les matériaux et les couleurs sont simples du carrelage blanc pour le sol, des murs aux teintes claires. L’espace se caractérise plutôt par ses multiples liens visuels qu’entretiennent tous les bassins entre eux. On peut en fait parler d’un seul espace dont les divisions seraient plus suggérées que construites : demi-cloisons, œil-debœuf, glissement d’un espace vers un autre… On note un renvoi aux thermes romains dans la forme d’un bassin par-ici, dans une reprise moderne d’un atrium par-là, mais il s’agit plus de clins-d’œil que d’un véritable pastiche. L’attractivité de l’espace thermoludique de LuzSaint-Sauveur tient aussi dans ce qu’il reproduit dans un langage contemporain l’équivalent de la grande verrière du hall, mais qui cette fois-ci permet de profiter du paysage tout en se baignant. On note la présence d’une gamme d’offres assez large qui reprend les classiques du bien-être aqualudique. L’offre thermoludique est complétée par un espace spa et beauté qui se trouve déconnecté des espaces thermaux ou thermoludiques puisque situé en rez-dechaussée et directement accessible depuis l’accueil. De fait, il fonctionne indépendamment du reste de l’établissement. Les travaux de 2003-2005 ont aussi permis de rajouter une petite piscine comprenant un parcours de marche. Cette-dernière est remplie avec de l’eau thermale, ce qui n’est pas le cas de tous les autres bassins collectifs de l’espace thermoludique remplis avec de l’ « eau de ville » retraitée pour les besoins des normes d’hygiène178.

Palimpseste et high-tech aux Eaux-Bonnes Le projet d’extension de l’établissement thermal des Eaux-Bonnes est l’exemple le plus récent que l’on étudiera. À tel point qu’il devait être terminé, avec plus d’un an de retard, pour décembre 2015 avec une ouverture des locaux prévue pour la saison thermale 2016. Cependant, les documents diffusés par le groupe Valvital et la presse permettent de se rendre compte du choix démonstratif fait pour le renouvellement de ces thermes. Le projet, à l’issue d’un concours achevé le 25 janvier 2013, est celui de l’architecte toulousain Luc Demolombe. Cet architecte n’en est pas à son coup d’essai pour ce qui concerne les édifices thermaux ou aqualudiques. En effet, il est notamment déjà l’auteur des Thermes de Cransac (Aveyron, 2002), du centre thermoludique Aquensis (Bagnères-de-Bigorre, Hautes-Pyrénées, 2003), du centre « Tourisme-Santé » de Montbrun-les-Bains (Drôme, 2005), du centre thermal et thermoludique de Chaudes-Aigues (Cantal, 2006), des Grands Bains de Monêtier-les-Bains (Hautes-Alpes, 2007), et du centre Aquatique à Agde (Hérault, 2011). 178

Ibid., p. 124.

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87ii


2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE

Eaux-Bonnes, perspective 3D de la façade principale, Luc Demolombe Architecte : l’extension thermoludique remplace l’extension précédente et se déploie également au-dessus du corps de bâtiment arrière. Elle vient s’orner d’une bulle qui se détache complètement de l’unité volumétrique du reste de l’établissement.

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Eaux-Bonnes, perspective 3D de l’intérieur de la Bulle, Luc Demolombe Architecte : la Bulle accueille un bassin qui semble suspendu et qui offre un panorama à 360° sur le paysage.

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2.4. UN SECOND SOUFFLE PAR UN RETOUR À L’ÉCLECTISME

Eaux-Bonnes, perspective 3D de l’intérieur de la Bulle, Luc Demolombe Architecte : sous le bassin surélevé, une autre piscine si’insère qui devrait servir à la fois à la médecine thermale et au thermoludisme dans des temporalités différentes. À gauche, l’ancienne façade abritant la galerie est intégré au nouveau design de l’établissement thermal.

Eaux-Bonnes,

perspective

89ii

3D

de l’intérieur de la Bulle, Luc Demolombe Architecte : la Bulle fait appel à des matériaux de haute technologie (EFTE) car elle doit résister aux conditions climatiques de montagne (notamment poids de la neige en hiver), mais c’est aussi l’occasion de mettre en pratique des principes climatiques architecturaux pour transformer la contrainte d’effet de serre en un atout énergétique.

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2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉCLECTIQUE Il a également participé en 2009 au concours pour l’extension thermoludique d’ArgelèsGazost. On peut noter qu’il apporte une idée intéressante pour la façade sur le parc, où tout en reproduisant une nouvelle aile Sud en symétrique de l’existante, il propose de jouer sur la nature des matériaux afin d’éviter le pastiche pur. Il recommandait notamment, plutôt qu’une alternance de pierre et de brique, une alternance calquée sur les mêmes rythmes et dynamiques mais avec différentes essences de bois179. Le bois est un matériau qu’affectionne particulièrement l’architecte. On le retrouve comme matériau principal dans tous ses projets aqualudiques ; il a notamment reçu le prix national de la construction bois pour le Centre Aquatique à Agde en 2015180. Il ne déroge pas à cette prédilection pour le bois aux Eaux-Bonnes.

90

Le projet consiste en la réfection de l’espace thermal existant, auquel s’ajoute une nouvelle extension thermoludique. Contigüe au futur volume de l’établissement thermal, la Maison Pommé a aussi été intégrée au projet. Hormis sa façade datant de 1810 et classée aux Monuments Historiques, le reste de l’édifice a été démoli et réaménagé pour accueillir des hébergements dédiés aux curistes et les locaux techniques des thermes181. En plus des 630m2 des anciens thermes rénovés, le nouvel espace thermoludique, augmentera la surface de 1200m2 182. Il accueillera trois bassins aqua thermaux (105m2, 85 m² et 40 m²), un vaporarium, des baignoires bouillonnantes, des banquettes bouillonnantes, des jacuzzis, une rivière à contre-courant, un bassin enfant de 25 m² et un espace douche ludique (douche ying-yang). Il y aura également un hammam, un sauna et une grotte musicale avec des lits d’eau et un espace détente. De plus une zone de soins corporels et esthétiques à la personne complète la nouvelle gamme d’activité. Le tout ouvre sur une terrasse-solarium-belvédère, espace de détente extérieur et intérieur dans la Bulle183. Cet espace s’installe pour partie à l’avant et en surélévation des espaces dédiés à la médecine thermale. De ce fait, ce qui avait été la façade des thermes à un moment donné des multiples extensions du bâtiment, est intériorisée et devient un mur intérieur, décor des nouveaux bassins thermoludiques. On a ici un exemple de combinaison entre l’image du passé historique thermal et celle contemporaine du thermoludisme qui se veut à la mode et dynamisante. On peut y voir une expression du changement que vit actuellement le thermalisme, où l’image de la médecine thermale devenue désuète et parfois non-rentable, sans être totalement occultée, est repoussée en second plan. 179

voir annexes, iconographie complémentaire, p. 97.

180

DEMOLOMBE, Luc, Portfolio, Ordre des Architectes, 2015, http://portfolios.architectes.org/portfolios/

luc-demolombe-architecte-1/?p=projets 181

PresseLib, Aux Eaux-Bonnes, les thermes font peau neuve avec une haute ambition, PresseLib, avril

2014, http://presselib.com/blog/les-thermes-font-peau-neuve-avec-haute-ambition/ 182

SEPA Pyrénées-Adour, Rénovation des thermes et construction d’un complexe spa-thermal, SEPA

Pyrénées-Adour, 2013, http://www.sepadour.fr/nos-realisations/construction/item/104-eaux-bonnes-rénovationdes-thermes-et-construction-dun-complexe-spa-thermal 183

Office de Tourisme de Gourette-Eaux-Bonnes, La Bulle, un nouveau complexe thermal… en

apesanteur, Office de Tourisme de Gourette-Eaux-Bonnes, 2015, http://www.gourette.com/fr/buller/spathermal/

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2.4. UN SECOND SOUFFLE PAR UN RETOUR À L’ÉCLECTISME Le point phare du projet est la Bulle. Il s’agit en quelque sorte d’une protubérance de la façade de l’édifice en forme de sphère. Elle est construite sur une structure bois et recouverte d’Éthylène Tétra Fluoro Éthylène (EFTE), « matériau translucide et autonettoyant, résistant autant à la chaleur qu’à la pression {…} qui a fait ses preuves tant au stade olympique de Munich, qu’à la piscine également olympique de Pékin »184. Il est aussi capable « de récupérer de la chaleur et de la lumière, en offrant une surface {…} importante »185, ce qui confère au projet un souci environnemental. Mais l’intérêt central de cette bulle de 19 mètres de diamètre est la vue à 360° sur la montagne et sur la station qu’elle offre aux curistes, car à l’intérieur est installé un bassin. Et 360° est à peine une exagération puisque le fond du bassin lui-même est en partie translucide et offre à voir un autre bassin situé juste en-dessous. À cette bulle, répond une autre bulle située dans une fontaine dans le jardin anglais en contrebas (au moins sur les perspectives de l’architecte)186. Est-ce là juste un geste gratuit d’esthétisme ou la volonté d’affirmer que le thermalisme n’est pas confiné à l’intérieur de quatre murs ? Pour réaliser cette bulle, l’agence d’architecture a été assistée par un bureau d’études techniques, Grontmij (devenue Otéis depuis). Ce bureau d’études techniques est chargé de « la valorisation énergétique de l’eau thermale. Il s’agit de récupérer la chaleur en deux points : sur les eaux thermales brutes avant distribution aux soins, et sur les eaux thermales usées. »187 Une autre mission de Grontmij était d’étudier les résistances aux séismes de la nouvelle structure, mais également de l’ancienne puisque modifiée par les travaux188.

91ii Le thermalisme se pare de nouveaux atours dont l’architecture est une des composantes. La création d’espaces thermoludiques permet de remettre à la mode l’esthétique thermal qui devait rattraper un retard après s’être figé en 1950. Comme au XVIIIème siècle ou au XIXème siècle, les établissements thermaux s’approprient à la fois le langage architectural à la mode, mais va aussi rechercher d’autres références plus exotiques. En réalité, il n’y plus une architecture thermale qui ferait l’unanimité de tous, mais une multiplicité d’écritures. À l’instar de ce que l’éclectisme au XIXème siècle avait autorisé une plus grande liberté de références, on peut penser que le thermalisme français a acquis le droit de prendre n’importe quelle forme du moment qu’elle promet du ludique et du bien-être. Mais dans tous les cas, ce renouvellement architectural n’est pas cohérent s’il ne se 184

PresseLib, Aux Eaux-Bonnes, les thermes font peau neuve avec une haute ambition, PresseLib, avril

2014, http://presselib.com/blog/les-thermes-font-peau-neuve-avec-haute-ambition/ 185

GRONTMIJ, « Grontmij BEFS partenaire de la commune d’Eaux- Bonnes (64) dans le cadre de la

restructuration de leur établissement aqua-thermal » in Communiqué de Presse, septembre 2013, p. 1-2. 186

voir annexes, iconographie complémentaire, p. 97.

187

Ibid., p. 1-2.

188

NECS, Centre aquathermal des Eaux-Bonnes (64), NECS, 2014, http://necs.fr/Étude-et-conseil/

seisme-risque-normal/11/2014-12-23/diagnostic-sismique-et-renforcement-d-un-batiment-a-risque-normal/

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2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET RENAISSANCE ÉLCLECTIQUE couple pas avec un renouvellement des activités thermales qui se rendent complémentaires à d’autres activités déjà présentes sur le territoire. Le thermalisme fait partie prenante d’une gamme d’activités de loisirs (sport de montagne par exemple), à l’image du thermalisme « historique ». Cet assemblage est notamment facilité par le fait que le thermoludisme n’est pas lié à une saison comme le thermalisme mais fonctionne toute l’année. Ce fait se lit plus facilement avec les établissement thermaux qui font partie intégrante d’une chaîne thermale où le fonctionnement même de ce type de société est basé en partie sur des offres à la demande et pour une autre partie sur des séjours tout compris.

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Conclusion Le regard historique sur le thermalisme français nous a permis de se rendre compte que, dès ses origines, le thermalisme n’est pas un secteur figé ou qui existe en parallèle des autres. Il s’agit au contraire d’un secteur qui ne doit sa réussite que parce sachant s’adapter aux mœurs d’une société qui évolue. De même, on a vu que le thermalisme du XVIIIème siècle est plus que de simples bains et gargarismes, mais plutôt un ensemble de d’activités qui mélange les soins et les loisirs, ces derniers n’étant pas moins importants que les premiers. L’implantation d’un établissement thermal dans une ville était souvent un élément déclencheur pour aménager la ville. Ceci autant pour mieux correspondre à l’image d’une station thermale où le délassement et la promenade tiennent une place importante, que pour des raisons purement économiques dans le but d’inciter les curistes à consommer des loisirs ou tout simplement pour les acheminer jusqu’à la station. Du point de vue architectural, l’établissement thermal cherche à se construire une identité propre, qui le rend reconnaissable parmi les autres édifices de la station. Des traités d’architecture théorise les caractéristiques de ce que doit être un bâtiment thermal, promouvant dans un premier temps la référence à l’Antique, puis glissant progressivement vers l’éclectisme qui permet plus de libertés dans le jeu de l’écriture architecturale. Cela correspond mieux à l’état d’esprit des aristocrates qui viennent en cure où une certaine insouciance prédomine. En 1950, le thermalisme acquiert le statut de thérapie et est pris en charge par la Sécurité Sociale. Cette promotion dans le domaine de la médecine, va avoir une incidence nonnégligeable sur les établissements thermaux puisqu’ils vont être soumis à des règles de santé et de normes d’hygiène strictes. Sans détruire les espaces préexistants, ceux-ci vont se normaliser et se figer jusqu’à la fin du XXème siècle. C’est à cette époque que le constat du déclin du secteur thermal ne peut plus être évité. Les acteurs thermaux prennent alors conscience de l’existence d’un décalage entre ce que propose les exploitants thermaux et les aspirations de la population française aussi bien en terme d’activités que de cadre. Les Français ne sont plus prêts à « gâcher » trois semaines de leurs congés payés pour une cure thérapeutique, même si cela coïncide avec une plus forte présence des médecines douces et naturelles. Ils sont certes demandeurs de bien-être et sont d’accord pour consacrer du temps à leur corps et à relaxer leur esprit, mais cela se doit d’être ludique et non-chronophage. Il est alors temps de repenser ce qu’est le thermalisme ; on parle de diversification thermale. Le thermalisme se divise en deux grandes catégories qui sont la médecine thermale à but thérapeutique (et remboursée par l’Assurance Maladie) d’une part et le thermoludisme ludique à la demande d’autre part. La diversification se fait selon un triple axe qui comprend le renouvellement des soins thermaux, l’intégration d’activités thermoludiques et la création de Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes

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CONCLUSION liens avec d’autres secteurs notamment le tourisme avec l’hébergement en première place. Tandis que la médecine investit dans des appareils technologiques de pointe et oriente sa communication sur le bien-vieillir, le thermoludisme vise lui une clientèle plus jeune et familiale. Cela nécessite d’inventer de nouveaux espaces mieux adapter à ces nouvelles demandes. On assiste à la création soit de centres thermoludiques indépendants, soit d’extensions qui font partie intégrante de thermes déjà existants. Pour changer l’image du thermalisme dans les esprits, il faut communiquer. Et c’est ce que font les exploitants thermaux : tous les médias sont sollicités pour promouvoir cette nouvelle image. C’est dans cette dynamique que s’inscrit l’architecture des nouveaux espaces thermoludiques : à nouvelle gamme d’offres, nouvelle esthétique. À visiter les établissements thermaux, on se rend vite compte que les acteurs du thermalisme cultivent la différence. L’unicité d’un établissement thermal dans son expérience spatiale est en effet gage de compétitivité. On recherche alors à construire quelque chose de différents pour chaque espace thermoludique. Dans ce but, toutes les sources d’inspiration et références sont possibles que cela relève du régionalisme, du pastiche historique, ou au contraire du high-tech. Toutes les postures semblent permises comme se fut le cas au XIXème siècle avec l’éclectisme. En fait, on peut affirmer qu’il s’agit-là d’éclectisme, mais c’est un éclectisme contemporain qui se fabrique avec les références d’aujourd’hui, avec une société consommatrice de tout et mondialisée.

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Pour redonner leurs lettres de noblesse aux établissements thermaux, les acteurs qui œuvrent au renouveau thermal réactualisent l’éclectisme architectural qui avait participé à la magnificence du thermalisme. La première impression qui se dégage des nouveaux bâtiments thermoludiques, ou des extensions qui s’intègrent aux établissements existants, est qu’ils n’entretiennent pas de liens de parenté d’un point de vue architectural. Ici, on se trouve projeté dans un univers mésopotamien, surchargé de décors, et stimulant tous les sens ; là c’est la sobriété contemporaine où les espaces s’enchaînent et s’interpénètrent, et qui incite à la suspension de la vie active par la projection dans le paysage ; là enfin, c’est l’affirmation de l’architecture high-tech où tout est misé sur la recherche d’une expérience d’osmose parfaite entre bien-être thermal et nature. Mais peut-être est-ce là, la clef du renouveau thermal. C’est dans la liberté des sources d’inspiration architecturales que réside la force du thermoludisme. Ce nouveau secteur émergent, qui se cherche encore, peut trouver sa force dans cette liberté qui lui permet de répondre aux nouveaux modes de vie de notre société. Car il n’existe plus un mode de vie prédominant, comme se pouvait être le cas aux XVIIIème et XIXème siècle où les mœurs de la classe aristocratique prévalaient sur celles des autres. Aujourd’hui, c’est à une multitude de modes de vie et d’idéaux que doit faire face le thermalisme. C’est pour cela que l’on assiste à un dédoublement du thermalisme entre médecine thermale et thermoludisme. Car s’il est important de développer l’aspect ludique pour retrouver les plaisirs de l’eau, la partie médicale reste légitime. Même si mise à mal par la crise que rencontre la Sécurité Sociale, la médecine thermale a fait ses preuves et restent une solution thérapeutique pertinente. À ce titre, la présence d’espaces médicalisés dans les établissements thermaux est plus que justifiée, même si l’on peut regretter que les impératifs en matière d’hygiène et de praticité fonctionnelle imposés par le Ministère de la Santé, prennent le pas sur les ambiances et le Mémoire Master - Parcours IAT 10 janvier 2016


CONCLUSION confort architectural. Si le thermalisme veut redorer son blason, il doit donc parier sur d’autres stratégies, et la diversification de ses activités en fait partie. Il s’agit d’adapter les valeurs du thermalisme aux comportements actuels de la société, et la tendance en cours la porte sur les loisirs et le bien-être. Le thermoludisme est la concrétisation de la rencontre entre cet effet de mode et le thermalisme. Mais, comme on l’écrit, il s’agit d’un effet de mode, et rien n’est plus éphémère qu’une mode. Aujourd’hui, les acteurs du monde thermal investissent des millions pour actualiser leurs établissements thermaux, mais que se passera-t-il lorsque dans dix, vingt, trente ans, la mode changera pour de nouvelles valeurs ? Il serait donc intéressant de s’interroger sur les capacités d’évolution et d’adaptation des nouveaux espaces thermaux. L’éclectisme thermal, qui refait actuellement son apparition, a sans doute un rôle à jouer car sa richesse et la liberté qu’il apporte permettrait de répondre à la diffusion de nouveaux modèles thermaux. La recherche de nouvelles expériences en matière de thermalisme n’est cependant peutêtre pas que positive. En effet, aujourd’hui le poids culturel qui entoure les plaisirs de l’eau reste important. Ainsi, on ne prend pas les eaux de la même manière en France, dans les pays scandinaves, au Moyen-Orient ou au Japon. À vouloir à tout prix détenir la nouvelle expérience thermale, les exploitants ne risquent-ils pas de banaliser et d’appauvrir ce qui fait la richesse du thermalisme, à savoir sa diversité ? Il apparaît important de se poser la question de l’identité thermale française. Il serait intéressant d’en comprendre les caractéristiques et de s’interroger sur leurs possibles transpositions contemporaines, tant dans les activités que dans leur formalisation spatiale. 95ii

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Annexes


Iconographie complémentaire 1. Argelès-Gazost

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Cadaste napoléonien, 1827, Archives Départementales des Hautes-Pyrénées : l’ancien bourg est resserré sur le bas du versant, cerné à son pied par la rivière desservant les moulins. Entre celui-ci et la gave, s’étend une plaine agricole alluviale ; c’est sur ces terrains vierges de construction que s’installera le quartier thermal.

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ICONOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

Photographie ancienne, début XXème siècle, SESV : le bourg avec les prémices du quartier thermal. On lit bien le cercle du complexe thermal qui donne l’impulsion à l’urbanisation des villas autour.

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Photographie ancienne, début XXème siècle, SESV : vue du parc thermal où les plantations d’origine n’ont pas encore pris l’ampleur qu’on leur connaît aujourd’hui ; à l’arrière le grand hôtel.

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ICONOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE ci-contre : photographie, 2014 : vue de la galerie de l’aile nord réalisée en 1885, avec ses grandes baies thermales qui ouvrent sur le parc.

ci-dessous : photographie, 2014 : vue intérieure du pavillon d’angle de l’aile nord, la redivision de l’espace par des box individuels fait perdre son ampleur à la pièce.

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ICONOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

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ci-dessus : photographie, 2014 : vue intérieure de la coupole des fumigations où le système de tuyauterie reprend et souligne la volumétrie de l’espace. ci-contre : photographie, 2014 : charpente de la coupole de la forêt d’Émeraude dans l’extension thermoludique, seul élément architectural qui réinterprête les formes du bâtiment de 1885. page suivante en haut : photographie, 2014 : vue du Jardin des Bains qui intégre des sculptures aztèques pour dépayser les curistes. page suivante en bas : photographie, 2014 : les murs de la forêt d’Émeraude sont recouvert en hauteur de bois exotique qui participe à l’invitation au voyage. Les écartements entre chaque baguette servent aussi à l’acoustique de l’espace (pièges à sons qui diminuent la réverbération), car l’eau et la pierre sont des matériaux réfléchissants et la forme de la coupole renvoie les sons vers le bas.

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ICONOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

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ICONOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

102 Photographie , 2014 : reprise en briques vernissées de dessins incas sur les murs de la ziggourat.

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ICONOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

2. Eaux-Bonnes

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Photographie , 2015, Valvital : vue du chantier qui devrait être terminé pour la saison 2016. Même si la Bulle n’a pas tout à fait la même transparence que sur les simulations, la réalisation reste fidèle à l’idée initiale de l’architecte Luc Demolombe.

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ICONOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

Perspective 3D, Luc Demolombe Architecte, 2014 : vue de nuit de la façade principale, la Bulle est toujours l’élément phare de l’établissement thermal.

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Perspective 3D, Luc Demolombe Architecte, 2014 : vue depuis la terrasse, la Bullle de l’établissement fait écho à une autre bulle placée dans un bassin au centre du jardin anglais en contrebas.

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ICONOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

Perspective 3D, Luc Demolombe Architecte, 2014 : vue depuis l’arrière du bassin surélevé qui va se projeter dans le paysage à l’intérieur de la Bulle.

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Perspective 3D, Luc Demolombe Architecte, 2014 : vue la structure en bois de la Bulle et du bassin ; ici, la structure sert de décor et fait l’ambiance des espaces thermoludiques.

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ICONOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

3. Luz-Saint-Sauveur

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Photographie ancienne, début XXème siècle, SESV : vue du portique d’entrée, seul signal depuis la rue de la présence d’un établissement thermal.

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ICONOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

ci-dessus : photographie ancienne, début XXème siècle, SESV : vue du hall d’entrée et de la trémie d’éclairage.

ci-contre : photographie, 2014 : vue du hall transformé en salon, les progrès de l’éclairage électrique pour le confort des ambiances aux étages inférieurs ayant permis la suppression de la trémie.

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ICONOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

Photographie ancienne, début XXème siècle, SESV : vue du hall et de la verrière en fond de plan.

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Photographie, 2015 : la verrière a été reconstruite avec les mêmes motifs qu’à l’origine, mais avec les matériaux d’aujourd’hui, ce qui assure un meilleur confort thermique au hall tout en préservant la vue.

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ICONOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

Photographie, 2015 : vue des hôtels réhabilités dont le pignon a été entièrement redessiné pour correspondre à la nouvelle image du thermalisme d’aujourd’hui.

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Photographie, 2015 : la salle de fumigations en rez-de-parc 2 est éclairée naturellement puisque située en façade, tandis que le premier plan ne doit son éclairage qu’à l’électricité, suite à la suppression de la trémie.

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ICONOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

Photographie, 2015 : les cabines de 1830 ont été refaites lors des derniers travaux dans le respect des enduits d’origine et en intégrant des mosaïques d’inspiration Antique mais de facture contemporaine.

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Photographie, 2015 : ouverture zénithale d’une cabine individuelle conçue par Pierre d’Artigala au XIXème siècle.

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ICONOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

111 Photographies, 2015 : vues des trois couloirs en sous-sol desservant les cabines en dents de peigne. Sans être parfaitement identiques, la blancheur des murs et des plafonds, ainsi que leur longueur, tendent à les rendre similaires.

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ICONOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

Photographie, 2015 : dans l’espace thermoludique, vue du bassin principal avec de grandes baies qui ouvre sur le versant opposé.

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ICONOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

Photographie, 2015 : le mur de miroirs de la salle de gymnastique agrandit la perception de l’espace et double le paysage.

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page précédente en bas : photographie, 2015: vue du bassin dit romain pour son eau froide mais aussi pour sa forme qui rappelle celle d’un atrium d’une villa romaine.

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Grille d’analyse Situation géographique Situation de la ville dans la vallée : - amont, aval - paysage ouvert, encaissement Accès qui desservent la ville - nombre et nature: routier, ferroviaire, autre

Organisation urbaine Stratégie de développement urbain mise en place (historique) : - concentrique ou linéaire 114

Réseau et connexion des espaces publics - nombre et nature : avenues, places, promenade - apparition : dates et intervenants Localisation de l’établissement dans la ville : - centre ou périphérie - distance au quartier thermal - relation du complexe thermal Nature de la connexion avec l’espace public - nature cet espace : avenue, place, promenade - procédés de mise en scène : point de vue, alignements

Relation au site Prise en compte de la montagne : - connexion depuis la ville : physiques et visuelles - orientation du bâtiment - points de vue particuliers Mémoire Master - Parcours IAT 10 janvier 2016


GRILLE D’ANALYSE

Établissement thermal Projet initial : - commande : quand, par qui, quelles demandes - date de construction et par qui - programme et offre thérapeutique, mixité fonctionnelle Evolution du programme, extensions : - quelles motivations, demandeurs - commande : quand, par qui, quelles demandes - critères concours : fonctionnalité, esthétisme, budgétaire - exigences relation bâtiment existant, relation au paysage - programme : offre thérapeutique, mixité fonctionnelle (loisirs, boutique) - choix et critères de sélection du lauréat - date de construction et par qui - part d’intervention de l’architecte : contraintes, libertés, moment de sollicitation - autres intervenants et leurs rôles Organisation spatiale - un ou des corps de bâtiment - place des espaces des circulation dans le plan - existence de lieux de passage obligatoires - proportion et lien espaces de circulation et espaces de soins - caractéristiques des espaces de circulation - caractéristiques des espaces de soins - lien espaces de circulation et espaces de repos - liens entre espaces cures médicales et espaces thermoludiques - espaces séparés ou partagés - présence ou absence de perméabilité entre les deux - nature de la séparation : physique (par l’absence de passage), règlementaire, temporelle Organisation statutaire : - propriétaire du bâti - gestionnaire de l’activité - frais d’entretien Fréquentation : - public des cures conventionnées - public du thermoludisme

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Entretien avec Madame Marine PUYO, chargée de communication et commercialisation, lundi 21 avril 2014, aux thermes d’Argelès-Gazost.

L’entretien s’est déroulé tout au long de la visite du bâtiment.

Fonctionnement C’est la commune qui est à le fois propriétaire et gestionnaire de l’établissement thermal d’Argelès-Gazost. Depuis le mois de mars, suite aux élections municipales, un nouveau conseil vient prendre la place d’une équipe présente depuis 20 ans à la mairie et investie dans le développement thermal de la ville. Avant les travaux de 2010-2011, à l’emplacement du Jardin des Bains, il y avait les serres 116 communales pour les espaces verts de la ville. Et à la place de la salle du personnel, du nouveau couloir avec les cabines de bains et de ce qui est actuellement le parking, il y avait des ateliers communaux. Les thermes et l’espace thermoludique sont deux activités bien distinctes mais réunies au sein d’un même établissement, avec une même direction et un même personnel (mais deux comptabilités séparées). Cela engendre d’ailleurs une certaine confusion dans l’esprit des gens, en particulier pour les non-curistes pour qui cure signifie spas, jacuzzis ou hammam. Certains ne se doutent même pas de la présence de cures thermales dans l’édifice, ne le découvrant qu’au moment d’y entrer. En réalité, il s’agit vraiment de deux entités entre lesquelles la perméabilité est mince : seuls quelques cours d’aquagym (pour le lymphœdème) et d’aqua-tapis (pour la phlébologie) sont organisés pour les curistes dans le grand bassin de la Forêt d’Émeraude. En dehors de cela, les curistes se voient offrir des avantages financiers pour l’entrée au Jardin des Bains, mais il n’existe pas de forfait permettant de disposer à la fois des bienfaits du thermalisme et de ceux du thermoludisme. L’espace thermal reçoit les personnes faisant l’objet d’une prescription médicale et dont la cure, longue de trois semaines, est prise en charge par la Sécurité Sociale. Elle accueille également des personnes souhaitant bénéficier des bienfaits du thermalisme mais hors du cadre médical, On ne parle plus alors de cures mais de séjour bien-être. Cette formule est de loin la moins usitée et la moins rentable pour l’établissement ; elle concerne essentiellement des Mémoire Master - Parcours IAT 10 janvier 2016


ENTRETIEN personnes déjà venues en cure auparavant et qui souhaitent quelques soins supplémentaires sans les contraintes, notamment celle de la durée. Madame Puyo confirme la tendance actuelle des cures « auto prescrites ». Il faut entendre par cette expression le fait que, souvent, ce sont les curistes qui incitent leur médecin à leur prescrire ce type de soins. On suppose que la mode des médecines douces et des thérapies alternatives jouent en faveur de cette démarche. En effet, les médecins ne prennent pas, ou peu l’initiative de prescrire les cures thermales comme moyen de thérapie. Afin des les inciter à aller vers ce type de soins, les thermes d’Argelès-Gazost font régulièrement du démarchage auprès des médecins pour leur montrer les résultats positifs qu’ils obtiennent, mais parfois tout simplement pour faire connaître un type de médecine aux professionnels de la santé eux-mêmes. Les thermes construits en 1884-1885 (corps central et aile nord) à la demande de l’avocat Hector Sassère à Argelès étaient alimentés avec l’eau de la source de Gazost, située à une douzaine de kilomètres. La conduite permettant d’amener l’eau avaient été faite en fonte. Ces canalisations sont aujourd’hui toujours en place. Cet état des faits ne répond pas aux normes actuelles mais est cependant toléré par le Ministère des Affaires Sociales et de la Santé. À cela, il faut rajouter qu’il n’existe pas de plans ou de tracés renseignant sur la localisation exactes du passage des tuyaux dans le territoire. Le contrôle de la qualité de l’eau se fait donc au niveau du forage et à l’arrivée dans les thermes. L’espace thermoludique n’utilise pas d’eau thermale ; une eau thermale ayant des qualités et des bienfaits pour la santé reconnus par le Ministère des Affaires Sociales et de la Santé suite à des analyses. Le forage d’eau minérale alimentant le Jardin des Bains se situe sous le parc thermal. 117 Le nom « Jardin des Bains » engage l’établissement à végétaliser les espaces thermoludiques. Cet engagement est une façon de se démarquer sur le marché, d’apporter une touche d’originalité susceptible de leur amener de la clientèle. Il se révèle cependant difficile à tenir, la chaleur et le taux de chlore dans l’air ayant raison de la bonne santé des plantes… Le taux de renouvellement desdites plantes est d’ailleurs fort élevé. Le bassin principal, dénommé la Forêt d’Émeraude, est accessible à tous sans limite d’âge. Par ce fait, Argelès-Gazost se démarque et affirme la dimension familiale de son établissement puisqu’il est le seul du département à offrir cette liberté aux parents d’enfants en bas-âge. L’espace thermoludique et l’Institut de soins sont ouverts tous les jours durant l’année sauf trois semaines pour l’entretien, notamment des bassins. Les thermes n’ouvrent que sept mois pour la saison des cures. Aujourd’hui, trois années après l’ouverture du Jardin des Bains, celui-ci n’est toujours rentable par rapport aux frais engagés pour sa construction. Plus étonnant, Madame Puyo affirme que ce sont les gains générés par l’espace thermal qui permettent de faire fonctionner l’ensemble de l’établissement, et cette tendance ne semble pas devoir se contredire dans les prochaines années. En termes chiffrés, un curiste rapporte environ 500 euros à l’établissement quand Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes


ENTRETIEN un touriste n’en représente qu’une vingtaine. Les motivations ayant conduit à construire un espace thermoludique ne semblent alors pas avoir été de compenser le déficit des thermes, comme pouvait le laissait suggérer la lecture du rapport du Conseil National de Tourisme. Si Madame Puyo confirme bien une baisse de fréquentation des thermes durant quinze ans, les deux dernières années ont vu une augmentation majeure du nombre de curistes (+ 10% en 2013). Une des raisons avancées pour expliquer ce phénomène est la spécialité d’ArgelèsGazost de traiter les lymphœdèmes. L’Institut de soins ne propose que des thérapies de relaxation car, au moment de son ouverture, les autres établissements de soins du corps de la commune ont émis une protestation. Celle-ci repose sur le fait que l’Institut de soins, faisant partie de l’établissement thermal, appartient à la commune, ils y voient une forme de concurrence déloyale qui pourrait conduire à la perte du marché au profit du nouvel Institut. En accord avec la mairie, ils conservent une exclusivité sur les prestations de beauté. Le parc thermal fait actuellement l’objet d’une étude et de travaux de restauration dans le respect de son esprit d’origine, notamment diminution de la largeur de certaines allées. La commune vient de faire construire un nouveau bassin placé en face des thermes. À partir d’un certain point de vue, il sert de miroir naturel à la façade, aujourd’hui complète, de l’établissement thermal. Le casino actuel, situé dans le parc thermal, est installé dans le bâtiment de l’ancien Institut Thérapeutique Physique, le premier casino, construit en bois ayant brûlé lors d’un incendie en 1901. 118 Organisation générale Le bâtiment se compose d’un corps principal central accueillant le grand hall. De part et d’autre partent deux grandes ailes nord et sud, dont les façades donnant sur le parc sont identiques. La partie centrale et l’aile nord sont d’origine et n’ont jamais été retouchées, si ce n’est pour les entretenir et les mettre aux normes. De manière assez schématique, l’aile nord est occupée par les activités thermales, l’aile sud par le Jardin des Bains (l’espace thermoludique) et l’Institut de soins. Les ailes ayant la même épaisseur que le corps central (voire plus épais), il y a régulièrement des jardins clos, redessinés il y a quelques années, et dont l’utilité n’a pas d’autre fin que d’apporter de la lumière puisque n’accueillant aucune autre fonction. À l’avant, les thermes ouvrent sur le parc thermal. Le parvis extérieur a été réaménagé lors des travaux de 2010-2011. Le double sens de la rue encerclant le parc a été réduit à un sens unique, l’espace gagné étant mis au profit de l’établissement thermal pour créer un parvis. Le nouvel aménagement donne la préférence aux piétons, même si la rue reste passante.

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ENTRETIEN

Corps central Le grand hall, situé dans le corps central du bâtiment, en face de la porte d’entrée, n’a pas de lien particulier avec l’une ou l’autre partie de l’établissement (thermale ou thermoludique) ; à la limite il sert de salle d’attente pour les personnes accompagnants les curistes. Pour les thermes, il sert à l’occasion pour les pots d’accueil des curistes, sinon il est à la disposition d’activités extérieures, telles que réceptions ou conférences. À l’arrière du hall, mais pas en relation directe, il y a un ancien logement de fonction sur deux niveaux, qui était occupé par le technicien des thermes. Aujourd’hui cette espace sert de réserves et à la conservation des archives.

Aile nord L’espace thermal se compose d’un ensemble de pièces dédiées aux soins dont l’usage varie du collectif à l’individuel. On trouve ainsi un gradient allant de grande pièces collectives (salle de repos) à des galeries, réduites à des couloirs par endroit, ouvrant sur des box individuels à droite et à gauche, en passant par des salles de grandes dimensions mais recloisonnées à mi-hauteur pour donner de l’intimité aux différents patients. La galerie abritée derrière la façade du parc sert à la fois à la circulation en donnant accès aux différents espaces médicaux et à l’espace d’attente entre deux soins. Elle est très 119 lumineuse et ouvre des vues sur le parc thermal. La salle de repos est récente. Elle a été ajoutée à la partie thermale au début de la construction du Jardin des Bains, en 2010. En effet, une tranche opérationnelle était dédiée à la rénovation et de la création d’une salle pour le personnel et de cette salle de repos. La salle de repos est en accès libre aux curistes. Il s’agit d’une grande pièce couverte d’une verrière, où ils viennent passer une vingtaine de minutes, allongés sur des chaises longues les uns à côtés des autres, à la fin de leurs soins de préférence. La verrière, non protégée, apporte une chaleur confortable à la mi-saison, mais en été, le personnel reconnaît une surchauffe jugée désagréable. L’espace d’enveloppements abrite les soins prodigués, comme son nom l’indique, par enveloppement de compresses d’eau thermale froide sur les bras et les jambes des patients. Il s’agit d’une pièce à usage collectif, mais chaque chaise longue est séparée de sa voisine par une cloison montant à mi-hauteur des murs, formant une série de petits box. Une galerie perpendiculaire à la façade, donne accès sur ses côtés à des cabines de bains individuelles pour les soins par immersion (avec ou sans jets, avec ou sans bulles). À son autre extrémité, un couloir partant à la perpendiculaire offre les mêmes types de soins. Ce couloir fait partie de l’extension de 2010 afin d’agrandir la capacité d’accueil. L’espace des soins ORL (oto-rhino-laryngologie) est une haute pièce circulaire surmontée Le renouveau de l’éclectisme thermal Études d’Argelès-Gazost, de Luz-Saint-Sauveur et des Eaux-Bonnes


ENTRETIEN d’une coupole. Au centre, il y a une fontaine cernée d’un réseau de tuyaux formant une deuxième coupole à celle-ci. Plusieurs postes de soins sont disposés en cercle. C’est ici que les thermes accueil le plus d’enfants pour les maladies des voies respiratoires. Malgré les bons résultats obtenus, le constat est qu’il y a de moins en moins d’enfants curistes : cinquante enfants par saison il y a quelques années pour cinq maintenant. La rotonde ORL ouvre sur les pédiluves (soins des pieds par immersion) qui se trouve être une grande salle rectangulaire dans laquelle sont alignées des postes de soins continus. Une dernière pièce, construite elle aussi en 2010, accueille des cabines de douches au jet et des compartiments de massage. Les cabines sont alignées de part et d’autre de la pièce. Avec les bains, massages et douches font l’objet de rendez-vous ; les autres soins (enveloppements et repos) sont en accès libre aux curistes. En réalité, cette pièce fait, géographiquement parlant, partie de l’aile sud de l’établissement, car se trouvant dans l’alignement des vestiaires. Entre cette pièce et les vestiaires, il y a un espace intermédiaire, où avant l’extension de 2010-2011, il y avait les vestiaires et les douches. Hormis un angle recloisonné pour faire une pièce d’infirmerie, l’usage n’est pas réellement déterminé, si ce n’est qu’il permet un passage rapide vers les autres unités de soins et sans pour cela devoir repasser par la salle de repos. En effet, la disposition de la plupart des salles et des galeries font qu’elles sont dépendantes les unes des autres.

Aile sud 120

L’aile sud n’est pas d’origine. C’est une extension construite en 2010-2011 par l’architecte Jean-Paul Pagnoux (G.C.A.U.), à la demande de la commune pour y accueillir un espace thermoludique et un Institut de soins. Le tracé de la façade et le dessin de la façade sur le parc thermal ont été réalisés selon les plans d’origine et sont à l’identique de l’aile nord. Il ne s’agit pourtant que d’esthétisme à l’image des demis galets placés dans l’enduit extérieur pour reproduire le motif du parement. Seul l’aspect neuf des toits et des gouttières trahissent la récente construction. Le retour du corps de bâtiment fait aussi l’objet d’un respect du style architectural d’origine, mais de manière moins stricte. Par contre, l’arrière du bâtiment est libre de toutes contraintes. Les extérieurs de la Forêt d’Émeraude et de la Ziggourat sont recouverts de feuilles métalliques. Tout de suite à droite de l’entrée principale de l’établissement se trouve l’espace d’accueil. Avec les vestiaires et les douches, ils constituent les seuls espaces communs aux espaces thermaux et thermoludiques. C’est ainsi que des vestiaires, il faut choisir d’aller soit à gauche pour le thermalisme, soit à droite pour le thermoludique, les allers et retours entre les deux, bien que physiquement possibles, ne sont pas autorisés. Dans le prolongement du pédiluve séparant les vestiaires, un espace de repos avec quelques fauteuils précède l’entrée au bassin principal. Il n’est jamais utilisé comme tel, ne servant que de passage.

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ENTRETIEN Pour accéder au bassin principal, appelé Forêt d’Émeraude, il faut passer un porche en pierre. De là, on accède une salle circulaire, chapeautée par une coupole placée à grande hauteur. Au centre, le bassin est unique mais composés de sous espaces qui proposent diverses manières de profiter de l’eau : jets, bulles, bouillonnement, etc. Les murs sont recouverts jusqu’à mi-hauteur d’un parement qui imite de gros blocs de pierre. En réalité, ils sont constitués de poudre de marbre et de ciment, poussant l’illusion jusqu’à y avoir dessiné de faux fossiles. La Forêt d’Émeraude ouvre à l’extérieur sur une terrasse qui est elle-même en léger surplomb au-dessus d’un terrain vierge. Ce terrain est la propriété de voisins qui ne souhaitent pas le vendre. S’il advenait que ce terrain fut mis à la vente dans le futur, il est très probable que la mairie s’en porterait acquéreur pour y faire construire un bassin extérieur, élément qui est jugé manquant à l’établissement aujourd’hui. À gauche de la Forêt d’Émeraude se trouve la Ziggourat, interdit au moins de 10 ans. Un bassin circulaire rempli d’eau froide est placé au centre. Chaque angle est occupé par de petits sous espaces qui recloisonnent l’ensemble : un bassin parfumé, un bassin musical (la musique étant diffusée sous l’eau), un hammam et des bains turcs. Le parement en brique des murs et les références mésopotamiennes sont un vrai choix esthétique et une manière de se démarquer des autres centres thermoludiques de la région, qui renvoie plus souvent au Maroc et utilisent du bois. Les sculptures sont en pierre massive et pèse chacune quelques quatre tonnes, ce qui, à en croire Madame Puyo, n’en a pas facilité la mise en œuvre au moment de la construction. Des mosaïques couvrent une partie des murs ; les motifs mésopotamiens sont inspirés d’œuvres du musée du Louvre. Si la décoration du sol et des murs est totalement maîtrisée, celle du plafond est par contre simpliste et utilitaire. 121 La question d’un éventuel manque de budget pour la finition est évoquée, mais Madame Puyo ne peut ni confirmer, ni infirmer cette hypothèse, car elle ne travaillait pas encore pour l’établissement à l’époque des travaux. Le parcours de marche (interdit au moins de 10 ans) se trouve entre la Ziggourat et la Forêt d’Émeraude. Il s’agit d’une succession de pédiluves, dont la profondeur et la température de l’eau sont variables, ainsi que les reliefs et matériaux des sols. Ce type de parcours s’inspire des travaux du docteur allemand Sebastian Kneipp sur les bienfaits de l’eau froide. Ce circuit, sans faire partie officiellement des soins thermaux, est pourtant recommandé aux curistes souffrant de phlébologie. L’Institut de soins occupe l’extrémité de la l’aile sud ; l’accès depuis l’accueil se fait en longeant les vestiaires. Il se compose d’un petit accueil ouvrant sur un ensemble de petites pièces où les patients reçoivent leurs soins (massage, relaxation). Construit en même temps que le Jardin des Bains et par le même architecte, il est cependant resté vide jusqu’en 2013 année où l’intérieur est aménagé par l’architecte Bouvier. Il ouvre cette même année. Il fonctionne avec deux praticiennes.

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Entretien avec Madame Nicole FRIGOUT et Monsieur Jean-Pierre NININ-BARUS, vendredi 02 mai 2014, à la Société d’Études des Sept Vallées.

Histoire d’Argelès À l’origine, Argelès est composée de deux seigneuries distinctes, Ourout et Vieuzac, qui entretiennent des relations commerciales. En effet, l’espace vide qui sépare les deux communautés sert de lieu de marché. Les deux seigneuries finissent par se réunir, sans doute durant le XVème siècle. À la fin du XIXème siècle, les deux parties du village n’en font plus qu’une et sont organisées autour d’un place centrale où se déroule toujours le marché. La société est inégalitaire, composée surtout de professions agricoles et artisanales. Avant d’être une station thermale, Argelès profitait déjà d’un climat généreux. En effet, le 122 village se situe en bordure d’une large vallée ensoleillée et protégée par les hauts versants qui l’encadrent de part et d’autre. Le climatisme d’Argelès était déjà connu dans toute la France. Hector Sassère, avocat parisien mais issu d’une famille argelésienne, est à l’origine du projet thermal à Argelès et crée pour cela la Société Thermale des Pyrénées avec plusieurs autres actionnaires. L’ambition du projet est trop grande pour la société, qui finit par manquer de fonds et fait faillite. Cette faillite est une honte pour l’avocat qui doit vendre tous ses biens et décide se réfugier sur ses terres à Tilhos. Deux autres sociétés reprendront successivement la gestion de l’affaire, mais l’entreprise ne trouve une stabilité que lorsque la commune se porte acquéreur en 1924. Le quartier thermal se construit en contrebas du village, entre deux routes historiques : le chemin du comte et l’actuelle route nationale 21. Le projet, à la mode, est très ambitieux. Il souhaite avoir un caractère parisien, c’est à dire avoir une envergure telle qu’il devra attirer une clientèle venue de toute la France, mais aussi étrangère, en profitant de la renommée internationale de la station voisine de Cauterets. Ce souhait démesuré s’explique par le fait qu’Hector Sassère était marié avec la fille du notaire de Napoléon, ce qui lui permettait, sans être proche de la cour, de la fréquenter. Une autre volonté du projet est de créer des emplois pour les Argelésiens. Pour pouvoir installer le futur quartier thermal sur les terres agricoles en contrebas du bourg d’Argelès, Hector Sassère négocie avec la commune et rachète les voies et les ponts qui Mémoire Master - Parcours IAT 10 janvier 2016


ENTRETIEN passent sur le terrain. Il faut savoir qu’à l’époque l’entretien des voies était à la charge de la commune, et donc financé avec les impôts levés aux habitants. Si le thermalisme ne s’envisage pas sans ses attributs de loisirs et de réjouissance, c’est d’une part parce que la cure n’est pas toujours agréable et peut être vécue comme une souffrance, et d’autre part la cure n’occupe qu’une petite partie du temps des patients et génère donc de l’ennui qu’il faut occuper et que la clientèle est composée pour la majorité de riches familles qui profitent de leurs rentes et ont l’habitude de l’oisiveté. La Société Thermale des Pyrénées possède l’établissement des bains, le Grand Hôtel du Parc et d’Angleterre, sans doute aussi l’Hôtel des Thermes (construit en 1898) et plusieurs villas ouvertes à la location pour les curistes durant la saison thermale. Les premières villas, construites en 1898, sont au nombre de huit et se situent sur la première frange périphérique du parc thermal. Outre les deux hôtels détenus par la Société Thermale des Pyrénées, plusieurs autres s’élèvent dans les environs des thermes : l’hôtel Beauséjour, l’hôtel de France… Les styles des villas sont très variés : style chalet, troubadour, mauresque, etc. La villa Isaby a été conçue par l’architecte bordelais Monginoux, dans le style troubadour. La villa RoseMarie a un pignon à redents, emprunt qui vient sans doute de l’architecture vernaculaire locale. La villa Escougnou, du nom de son propriétaire et architecte, est construite dans le style paquebot. Le casino actuel n’est pas celui bâti à l’origine. Le premier était situé dans le parc (à la place de l’actuel boulodrome) et était fait de bois. Il brûle une première fois en 1901, il fut reconstruit 123 avant d’être à nouveau incendié quelques semaines plus tard189. Le casino est transféré en 1937 dans le bâtiment de l’Institut Thérapeutique Physique, situé lui aussi dans le parc, que la ville vient de racheter. Cet édifice a été dessiné par Jean Escougnou en 1903 dans le style paquebot. L’expansion du quartier thermal se fait progressivement des années 1880 jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, sur le périmètre défini par Hector Sassère. À partir de cette date-là, les extensions se font plus en aval, du côté du lycée climatique. L’architecture de galets de l’établissement thermal est originaire du nord de Tarbes. Le marbre utilisé dans les espaces intérieurs, se retrouvent dans certaines villas (villa des Bambous, place Édouard VII), ce qui laisse supposer, si ce n’est la preuve d’un même architecte, tout au moins une reprise d’un code esthétique synonyme de richesse.

189

VISCOS, « Incendie du casino d’Argelès », Journal de Cauterets, 15/08/1901 ; source : Société

d’Études des Sept Vallées.

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Entretien Entretien avec Mme Maryse PIC, professeur de gymnastique et remplaçante de la directrice en son absence le 22 avril 2015, aux thermes de Luz-Saint-Sauveur L’entretien s’est déroulé tout au long de la visite du bâtiment

Fonctionnement Le quartier thermal est détaché du reste du bourg, sur un versant fortement contraint par le relief. Le relief abrupt a conduit à la construction d’un quartier-rue, avec une seule épaisseur de bâti de part et d’autre de la chaussée. Cette disposition n’a pas permis l’intégration d’un parc thermal, l’établissement thermal ouvre donc directement sur la rue d’un côté et sur le vide de l’autre. 124

L’établissement thermal doit faire face à la forte contrainte du relief. Le choix de l’implantation qui encastre pour partie le bâtiment dans la roche face au vide permet une ouverture sur le paysage exceptionnelle. Les espaces intérieurs profitent de cette vue, mais entretiennent aussi une relation visuelle entre eux. Mais si la vue imprenable sur la montagne est un atout, cette configuration ne permet pas, ou très peu de réaménagements et l’établissement ne dispose que de peu de ressources d’espace supplémentaire pour une extension. L’établissement thermal s’est fortement modernisé avec l’extension thermoludique de 2003-2004, mais Mme Pic explique que la modernisation est surtout un travail sur la durée qui se fait au fur et à mesure, plutôt qu’une succession occasionnelle d’opérations de grande envergure. On peut citer par exemple que l’établissement a investi dans la thalaxion190 en 2009, ce qui représente matériellement l’achat de nouvelles machines et l’aménagement de deux cabines existantes. Cet investissement lui a valu le prix de l’innovation en 2010. De même, le secteur d’oto-rhino-pharyngologie, a fait l’objet d’une rénovation il y a moins de dix ans. 190

machine de « drainage en eau thermale optimisée grâce à un système de jets programmables en

température et en puissance le long du membre atteint et sur l’ensemble du système ganglionnaire », fasicule de présentation « Les thermes de Luz-Saint-Sauveur, Phlébologie-lymphologie ORL (voies respiratoires Gynécologie », les thermes de Luz-Saint-Sauveur, éditions Jours des Arts, 2015.

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ENTRETIEN L’eau thermale venue de la source coule directement aux robinets de l’établissement sans avoir été retraitée. Une petite piscine comprenant un parcours de marche est remplie avec de l’eau thermale, ce qui n’est pas le cas de tous les autres bassins de l’espace thermoludique remplis avec de l’ « eau de ville » retraitée pour les besoins des normes d’hygiène. L’établissement thermal est propriétaire d’une vingtaine de logements. La gestion de ces hébergements est confiée à centre de réservation dépendant de l’office de tourisme de LuzSaint-Sauveur.

Organisation générale (accueil) L’organisation générale du bâtiment comprend deux parties qui se distingue par leur période de construction : les thermes anciens issu du bâtiment d’origine du XIXème siècle qui abrite les soins thermaux, et l’accueil et l’espace thermoludique bâtis en 2003-2005. L’extension de l’établissement thermal a été rendue possible par le rachat et le rénovation intérieure totale d’immeubles attenants au bâtiment thermal d’origine, puisque rappelons-le, le quartier thermal de Luz-Saint-Sauveur est très contraint par le relief et il n’y a pas de foncier vierge aux alentours du bâtiment. Les deux étages inférieurs sont identiques dans leur partie d’origine. Les trois immeubles rachetés ont été réunis et communiquent entre eux avec seulement deux escaliers de part et d’autre de l’ensemble ainsi formé pour monter dans les étages et accéder aux logements. Architecturalement, le rez-de-chaussée, occupé par les espaces 125 administratifs des thermes, a accès aux cages d’escaliers des immeubles. Les employés de l’établissement thermal et les locataires des immeubles pourraient donc se rencontrer, mais il n’y a aucune raison (logistique ou d’intérêt) pour que cela se réalise. À la suite des immeubles, on rencontre un patio. Ce patio est rotule entre les espaces thermal et thermoludique (situé sous les immeubles) mais aussi visuel sur les hébergements. Cela n’est pas sans rappeler les thermes anciens pour qui la multiplicité des fonctions était partie intégrante du programme. Les travaux entrepris pour aménager l’accueil et l’espace thermoludique au sein de l’établissement thermal n’ont pas eu d’impact sur les façades qui restent celle des thermes d’origine et des immeubles réaménagés, côté rue comme côté paysage. La reprise des ces immeubles n’était cependant pas suffisante pour accueillir l’ensemble du programme thermoludique et de nouveaux espaces ont été créé dans le prolongement des étages inférieurs des thermes. Les façades côté rue affichent clairement la distinction des thermes et des immeubles, mais brouillent la lecture entre l’espace d’accueil et les hébergements compris dans les mêmes immeubles. Côté paysage, on retrouve la même confusion accueilhébergement, mais l’espace thermoludique se distingue fort bien des thermes par son architecture à l’esthétique contemporaine assumée.

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ENTRETIEN De l’intérieur l’établissement, l’accueil, les thermes et l’espace thermoludique communiquent sans heurts, mais il est impossible pour le public d’entrer dans les hébergements. Ceux-ci ne sont accessibles que depuis la rue par les portes d’origines des immeubles. Le seul lien entretenu entre établissement thermal et hébergements est donc visuel au niveau du patio intérieur. Finalement, l’ensemble des espaces ne forme une unité que du point de vue administratif. Ainsi, le rez-de-chaussée concerne les bureaux administratifs, l’accueil, les vestiaires et le coin spa-beauté. Au-dessus, deux étages et un niveau de combles sont occupés par les hébergements. En-dessous, les deux niveaux inférieurs comprennent les deux espaces thermal et thermoludique. Il est intéressant de noter que ces deux niveaux sont appelés rezde-parc 1 et 2. Or ces espaces n’ouvrent sur rien, sinon le vide et il n’y pas à proprement parler de parc thermal à Luz-Saint-Sauveur si ce n’est le jardin à l’anglaise qui se trouve en contrabas à côté de l’établissement thermal. On notera donc l’utilisation d’un champ lexical erroné mais qui entretient l’imaginaire thermal des patients et clients (et qui fait bien mieux rêver que sous-sol 1 et sous-sol 2).

Bâtiment du XIXème siècle L’aménagement intérieur actuel de la partie thermale de l’établissement date de 1995. La grande verrière de ce qui fut le hall d’entrée de l’établissement a été entièrement refaite 126 lors des travaux de 2003-2004. Il s’agit d’une réfection à l’identique du point de vue esthétique mais qui techniquement apporte le confort d’une meilleure isolation. Les enduits intérieurs ont été refaits dans le respect du cadre historique du bâtiment en reprenant des techniques anciennes de pigmentation. Le portique d’origine ne sert aujourd’hui plus d’entrée principale, ni même secondaire ; sans être condamné, il reste fermé. Lors de certains évènements ayant lieu dans le grand hall (réceptions, théâtre…), l’entrée se fait par le portique ; ce qui se conçoit dans la mesure où les autres espaces de l’établissement thermal ne sont pas sollicités. Dans la plupart des cabines individuelles construites à l’origine on trouve un puits de lumière naturelle zénithal, ce qui n’est pas le cas des cabines créées en 1995. Dans les cabines n’ayant pas de puits de jour zénithal, un travail avec les lumières artificielles a été mené pour générer une ambiance sereine qui compense le fort sentiment d’enfermement (couleurs des lumières, commutateur d’intensité, etc…).

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ENTRETIEN Extension de 2003-2004

Les travaux de l’extension thermoludique et des rénovations de 2003-2005 ont été réalisés par l’architecte Michel Authié, décédé en 2012. L’extension thermoludique est finalement la seule partie de l’édifice qui est entièrement créée en 2003-2005. Elle prend place dans le prolongement des étages inférieurs de la partie thermale en rez-de-parc 1 et 2. La partie thermoludique dessinée par M. Authié, comprend plusieurs bassins : un hammam, un sauna, un bain froid et un bain romain. À ces bassins se rajoute une grande salle de gym dont le mur de façade est entièrement vitré de manière à ouvrir sur le paysage de la vallée, tandis que le mur opposé est lui recouvert de miroirs. La présence des miroirs a évidemment une visée pédagogique pour la gymnastique, mais fait également le jeu de l’architecte qui donne à voir une perception de l’espace plus grand qu’il n’est réellement par la réflexion du paysage. On note la présence d’une gamme d’offres assez large qui reprend les classiques du bien-être aqualudique. L’offre thermoludique est complétée par un espace spa et beauté qui se trouve déconnecté des espaces thermaux ou thermoludiques puisque situé en rez-de-chaussée et directement accessible depuis l’accueil. De fait, il fonctionne indépendamment du reste de l’établissement. L’infirmerie, aménagée lors des travaux de 2003-2005, se situe en contrebas mais profite d’une position en façade sur le vide. 127

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Bibliographie

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Stations thermales BÈZE, Pierre, Barèges, Pays Toy et Pic du Midi, A. Sutton, Saint-Cyr-sur-Loire, 2004. FLURIN, René, Histoire de Cauterets des origines à nos jours, éditions Créer, 2006. PAGNOUX, Jean-Paul, Construction d’un centre thermoludique en complément des thermes d’Argelès-Gazost, Notice explicative, GCAU, 2011, http://www.argeles-infos.com/IMG/pdf/ Notice_explicative_centrethermoag.pdf VISCOS, « Incendie du casino d’Argelès », in Journal de Cauterets, 15/08/1901 ; source : Société d’Études des Sept Vallées. WERNER, Michel, « Sources et thermes de Gazost au XIXè siècle », Lavedan et Pays toy, 1981, n° 13, p. 121-134 ; source : Société d’Études des Sept Vallées. WERNER, Michel, « Thermalisme et climatisme dans les Pyrénées Françaises », in Catalogue exposition musée pyrénéen, 1984 ; source : Société d’Études des Sept Vallées. Anonyme, Station Thermale d’Argelès-Gazost, saison 1892 ; source : Société d’Études des 129 Sept Vallées.

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Depuis une vingtaine d’années, le thermalisme français est en train de vivre un tournant, tant dans ses offres de soins que dans son aspect architectural. Ayant fait le constat d’un déclin du secteur d’activité, les spécialistes du monde thermal ont engagé le thermalisme dans une diversification de ses activités, afin de mieux s’adapter aux nouvelles attentes des curistes. En fait, il est désormais admis qu’il y a plusieurs profils de curistes, et on peut donc supposer en conséquences qu’il existe plusieurs manières de prendre les eaux. Au travers de trois cas d’études (Argelès-Gazost, Luz-Saint-Sauveur et EauxBonnes), ce mémoire tente de retracer comment s’installe cette diversification au sein des établissements thermaux et ce que cela implique en termes d’architecture. Une approche historique, complétée par des données économiques, permet de montrer que le thermalisme est un secteur en perpétuelle évolution, qui sait s’adapter aux modes et aux contraintes. Véritable outil de communication, l’éclectisme apporte un vocabulaire architectural qui permet une grande liberté d’expression, propice aux changements. Déjà promu au XIXème par les architectes thermaux, l’éclectisme refait son apparition dans l’écriture des nouveaux espaces thermoludiques et sert à construire la nouvelle image du thermalisme français.


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