L'architecte se ré-invente aujourd'hui - Eugénie Leproux

Page 1

l’architecte se réinvente aujourd’hui. Un décalage entre représentation et réalité du métier

MEMOIRE MASTER ENSAPBX ENCADRANTS : Julie AMBAL, Xavier Guillot JANVIER 2017

LEPROUX Eugénie



l’architecte se réinvente aujourd’hui. Un décalage entre représentation et réalité du métier

LEPROUX Eugénie

MEMOIRE MASTER - ENSAPBX - ENCADRANTS : Julie AMBAL, Xavier Guillot - JANVIER 2017



sommaire. avant propos. introduction. 01. Le métier d’architecte, des représentations plurielles.

p.13

01.01. Un personnage caricaturé

p.14

01.02. Une vision réductrice des pratiques

p.26

02. Le métier « des architectes », une réalité univoque.

p.33

02.01. Facteurs exogènes à la mutation

p.34

02.02. Crise interne à la profession 02.03. Se réinventer pour lutter

P.44

02.04. Bruit du Frigo, un véritable hybride

p.58

03. Réduire le décalage entre la représentation et la réalité.

P.52

p.65

03.01. Des organismes de pilotage qui donnent l’impulsion

p.66

03.02. Des aboutissements locaux concrets

p.74

03.03. Enseigner et préparer aux métiers de l’architecte

p80

conclusion.

p.87

bibliographie.

p.91

annexes.

p.95



avant propos. Au moment de choisir une orientation à l’âge de 18 ans, j’ai fais le choix de rentrer en école d’architecture, car j’avais l’envie de devenir « architecte ». Mon attrait pour les belles maisons, mon goût pour imaginer autre chose dans un espace, ma sensibilité à une décoration soignée, et mon impression de rationalité ont été les raisons qui m’ont poussée à prendre cette décision d’orientation. Ni mon père, ni ma mère n’est architecte, mes grands parents le sont encore moins. Personne ne connaissait ce domaine dans lequel je m’apprêtais à me lancer ou du moins pas tellement plus que ce que le grand public peut parfois s’imaginer. J’avais depuis toujours baigné dans un univers où mon entourage vacillait entre des études de droit, d’économie ou encore de médecine. Je me suis donc fié à ce que je croyais être le métier, à ce que j’imaginais apprendre et devenir. Je me suis imaginé à quoi pouvaient bien ressembler les études, aux compétences et connaissances que j’allais acquérir, aux traits de ma personnalité que j’allais pouvoir mettre au service de ma formation, à la femme que j’allais devenir. Les études d’architecture m’apparaissaient si séduisantes et en corrélation parfaite avec la jeune adulte que j’étais. J’ignorais tout sur la réalité de ce métier, je ne savais rien. Mes quatre premières années d’architecture ont complètement contredit mes conceptions autant qu’elles ont pu faire évoluer mon jugement sur la profession.

J’ai découvert ce que je n’imaginais même pas. Je me trouve aujourd’hui à un moment de mon parcours où je touche du doigt le monde du travail, et où je ne suis pas sûre de vouloir être architecte. Et d’ailleurs, un grand nombre d’étudiants partagent ce sentiment de doute, ou même sont assurés de ne pas vouloir exercer le métier. Pourtant tout le monde semble trouver cela normal de passer cinq années de sa vie à être formé pour devenir architecte pour affirmer ne plus vouloir l’être. En tant qu’étudiante en fin de cursus, je souhaiterais mettre en lumière et comprendre pourquoi tant d’étudiants se retrouvent face à cette forme de désillusion devant le métier d’architecte. Loin de toute prétention et consciente de ne pouvoir répondre à l’ensemble des interrogations posées, cette problématique s’est finalement imposée d’elle-même, désireuse de mieux comprendre et d’appréhender le monde

« Si je devais écrire un livre pour communiquer ce que je pense déjà,avant d’avoir commencé à écrire, je n’aurais jamais le courage de l’entreprendre. Je ne l’écris que parce que je ne sais pas encore exactement quoi penser de cette chose que je voudrais tant penser. (...) Je suis un expérimentateur en ce sens que j’écris pour me changer moi-même et ne plus penser la même chose qu’auparavant » Michel Foucault, Dits et écrits, 1978 7|



introduction. Au cours des siècles, la figure de l’architecte n’a cessée d’évoluer. Le terme d’ «architecte», est composé du préfixe archi, « chef de » et du suffixe tekton « charpentier » : l’architecte se définit initialement comme le bâtisseur.

« qui fust sage artiste et se demostra vray architecteur et deviseur certain et prudent ordeneur, lorsque les belles fondations fist faire en maintes places, notables édifices beaulx et nobles tant d’églises que de chasteaulx et austres bastiments à Paris et ailleurs. » ² Le mot apparaît en France au XIVème siècle à travers un ouvrage de Christine de Pisan parlant de l’architecte1 du roi Charles V. Nommé comme «architecte» au début de l’ouvrage, il est ensuite cité comme «le maçon» ou «maître de maçonnerie» ou encore «le maître d’œuvres de maçonnerie». Par conséquent, aucune reconnaissance du titre d’architecte comme acteur central dans l’acte de concevoir n’est encore établie. Il faut attendre le XVème siècle en Europe pour voir émerger les 1 Nommé Raymond du Temple 2 DE PISAN Christine, Le livre des fais et bonnes meurs du Sage Roy Charles V 3 SBERBER Dan, The modularity of thought and the epidemiology of representations , 1994

premiers signes de prise de position pour la création du statut d’architecte, ceci à travers un évènement particulier : la réalisation de la Cathédrale de Florence par Bruneschelli. On attribue alors un rôle clé à l’architecte dans le processus de construction : celui qui conçoit c’est celui qui décide, amenant à une autonomisation progressive de la conception. Cela marque le début d’un nouveau modèle de la profession, celui de l’architecte moderne. Depuis, les définitions de l’architecte se multiplient. En effet, la profession ne cesse d’évoluer en même temps que le monde. Ainsi, nombreuses sont les représentations collectives de ce métier en perpétuelle mutation.

Il est inéluctable que les êtres humains construisent des représentations mentales quand ils sont confrontés à une situation, à un discours, à une image, à un film, ou encore à une profession. Même s’ils ont très peu de connaissances de la situation, du domaine décrit par le texte ou l’image, ils construisent tout de même une représentation, ils interprètent. Face à une notion nouvelle, l’humain n’est pas neutre. Il produit des représentations naïves, des interprétations, dont certaines vont être des obstacles à la bonne compréhension de l’objet concerné. Ces représentations doivent leur force au fait qu’elles sont partagées par un grand nombre et non au fait qu’elles sont vraies3. Associé au nom du sociologue Émile Durkheim (1858-1917), le concept de «représentation collective» désigne, des façons communes de perception et de connaissance bien distinctes des représentations individuelles, qui 9|


recèlent « un savoir qui dépasse celui de l’individu moyen »1. Les « représentations des professions » sont une « construction mentale relative à un objet (…), un ensemble organisé d’informations, de connaissances, d’idées, d’attributs concernant cet objet2». Ces représentations peuvent être vraies ou fausses, mais quelle que soit leur justesse, elles fondent l’interprétation individuelle du monde. Le rôle de l’architecte est bien reconnu par le public. Néanmoins, ses représentations dans l’imaginaire collectif sont multiples et parfois réductrices de ce qu’il est vraiment aujourd’hui. Si au cours des deux siècles derniers l’architecte a connu une certaine stabilité, des facteurs historiques, économiques et sociaux lui demandent maintenant de s’adapter davantage au marché. Dans le contexte de crise actuelle, de l’acte de construire notamment, le culte du «chef d’orchestre» architecte se retrouve face à de nouvelles contraintes auxquelles la profession doit faire face. Cette désillusion, cette prise de conscience de la vacuité d’une forme irréelle avec laquelle les architectes ont vécu jusque-là tombe soudain face à des évidences nouvelles. Certains fondements séculaires de la profession sont remis en cause. Le « malaise » installé de la profession d’architecte n’a fait que s’accentuer. Le dernier rapport de l’Ordre des architectes est unanime et plutôt alarmant, mettant en lumière la crise traversée par la profession. Le grand public, hors du champ d’apprentissage et d’exercice de l’architecture semble encore loin de s’apercevoir de cette réalité du métier qui a bien changé depuis plusieurs années. Ce mémoire est le fruit de matériaux de na1

DURKHEIM Emile, Les Formes élémentaires de la vie religieuse, 1912

2

DANVERS Francis, S’orienter dans la vie : une valeur suprême?: Dictionnaire de sciences humaines, 2009

10 |

tures variées assemblés au fil des différentes hypothèses et sous-problématiques posées. Comme un réservoir de témoignages, de données et de réflexions, ce travail fait dialoguer et confronte des sources multiples. Les analyses sont basées à la fois sur des études théoriques sur le sujet, des études critiques, mon expérience personnelle en tant qu’étudiante en école d’architecture, sur des entretiens avec le « grand public » et les questionnaires administrés aux étudiants d’écoles d’architectures françaises. Il s’agira de comprendre en quoi les représentations collectives ne sont plus en adéquation avec les métiers d’architectes ; de mettre en lumière le décalage existant entre les représentations que l’on peut se faire sur le métier d’architecte et la réalité de la pratique actuelle. Ainsi, dans un premier temps je m’ emploierai à montrer les perceptions communes d’individus non-architectes, ici qualifiées de perceptions « grand public », avec la préocupation suivante : en quoi la représentation du métier de l’architecte dans l’imaginaire collectif n’est plus à jour par rapport à la réalité du métier ? Puis, dans une seconde partie, je présenterai ce que signifie véritablement être architecte aujourd’hui. Quels sont les nouveaux enjeux auquels les architectes sont confrontés ? Quels sont les facteurs qui l’ont poussé à se réinventer ces dernières années ? Quant est-il des nouvelles formes de pratiques que les architectes ont développé en réaction aux mutations sociétales contemporaines ? Enfin, dans une dernière partie je mettrai en avant les leviers engagés afin de réduire le décalage entre l’opinion du grand public et ratique réelle du métier. Seront soulignées les initiatives politiques mises en place, qui ont pour but de proposer au grand public une lecture plus juste de l’étendue du métier d’architecte. Nous présenterons également, les


nombreuses concrétisations locales qui ont vocation d’informer les citoyens des préoccupations actuelles des architectes. Il apparaît ainsi nécessaire de se saisir de moyens d’actions efficaces au sein du champ d’apprentissage de l’architecture afin de limiter la désillusion pour les étudiants au moment du passage entre l’école et la réalité.

11 |



01. Le métier d’architecte, des représentations plurielles. Même si l’intérêt pour le métier d’architecte a évolué, et bien qu’ils concoivent notre cadre de vie quotidien, ils restent encore trop souvent mal compris. En effet, les représentations du grand public sur le métier d'architecte sont plurielles et se basent parfois sur desidées obsolètes à la fois en tant que professionnel de l’acte de bâtir mais également en terme de pratiques au quotidien. La vision que les personnes hors du champ d’exercice et d’apprentissage de l’architecture ou même des étudiants en architecture peuvent avoir sur les architectes, sont souvent caricaturales ou réductrices de l’ensemble des compétences qui composent le métier. La profession éveille de nombreuses représentations dans l’imaginaire collectif, tant au niveau de son statut social et de son pouvoir dans la société que par son style vestimentaire, ces compétences techniques, sa force d’innovation et d’imagination, et sa pratique quotidienne. A partir d’entretiens qualitatifs éffectués auprès de treize personnes entre vingt et soixante ans, et de questionnaires diffusés sur Internet auprès des étudiants en école d’architecture (licence et master), il s’agira de dresser les différents portraits de l’architecte présents dans l’imaginaire collectif.

13 |


01.01. Un personnage caricaturé.

Quand on nous dit « médecin », ne pensons nous pas à un homme ou une femme en blouse blanche avec un stéthoscope autour du cou ? Le mot « avocat » quant à lui renvoit à un être charismatique en toge appelé à la barre pour plaider dans une affaire criminelle. Les représentations des professions sont multiples, et parfois caricaturales et stéréotypées. C’est le cas également pour le métier d’architecte. Il est question ici de présenter les différents profils ressortis des entretiens effectués auprès d’un échantillon de treize personnes non architectes. Nous entendrons par là des individus de tout âge n’ayant aucun lien professionnel ou universitaire avec le métier d’architecte. A première vue, l’architecte semble être un métier admiré par le grand public, qui nourrit beaucoup de fantasmes dans l’imaginaire collectif. Tout d’abord, la profession d’architecte endosse un premier à priori, celui du statut social. En effet, un grand nombre de répondants ont mis en avant l’idée qu’être architecte était un « métier d’intellectuels », et le moyen d’appartenir à un cercle privilégié. Nombreux d’entre nous, étudiants en école d’architecture ont déjà entendu:

« Tu vas devenir architecte ? Ah quand même ! » 14 |

C’est comme si le passé était totalement ancré dans les représentations, au même titre, encore une fois, que l’on perçoit un médecin ou un avocat comme des métiers d’élites. Usagers de la ville ou de leurs constructions, nous dépendons toutes et tous, avec plus ou moins de bonheur, des architectes. Car, « belles ou laides », objets d’admiration ou de détestation, adaptées ou non à nos besoins, leurs réalisations sont souvent construites pour longtemps. Le métier d’architecte est ainsi perçu comme une profession prestigieuse. Bâtir un bâtiment, qui sera visible par tout le monde dans la ville, conçu par rapport aux besoins , utilisé  et parcouru par une partie de la population ; tout cela place l'architecte sur un piédestal, en véritable vedette dans la société. Devenir architecte, c'est donc proposer une réponse « palpable » aux envies des Hommes.

Des architectes, j’en connaissais très peu avant de rentrer à l'école d'architecture. Quelques uns dans mon entourage, et de toute évidence les grands noms de l’architecture : Jean Nouvel, Zaha Hadid, Franck Lloyd Wright, Mies Van der Rohe, Le Corbusier... En quelque sorte les « starchitectes » comme les nomme Philippe Trétiack dans son ouvrage, Faut-il pendre les architectes1. Selon l’auteur, 1 TETRIACK Philippe, Faut-il pendre les architectes?, Ed Seuil, 2001


Garry COOPER dans Le Rebelle, King Vidor, 1949

The Belly of an Architect, Peter GREENAWAY, 1987

15 |


« ils équivalent aux top models dont les magazines plébiscitent les silhouettes, autre forme d’architecture plastique ». Ces « top models » de l’architecture sont riches, puissants, affichent souvent un look très singulier. Vêtus de noir, ils posent dans les plus belles revues d’architecture ou encore en première page du «Figaro» ou des magazines spécialisés de décoration. On parle alors des architectes du « starsystem ».

Le « star system » en architecture est un phénomène qui a toujours existé. Seulement aujourd’hui, l’architecte fait de plus en plus partie de notre culture. L’architecte est à la fois sur nos écrans, mais aussi imprimé à l’encre sur du papier journal. Bien évidemment, pas n’importe quel architecte. Ce dernier semble alors être devenu un véritable objet de communication médiatisé. Quand Valéry Didelon nous dit que « l’architecture devient un contenu plutôt qu’un contenant, une pure information promotionnelle et auto-référentielle dont la fiabilité pose de plus en plus de problème 1», il suffirait de remplacer le premier mot (architecture) par « architecte » pour comprendre l’ampleur médiatique que l’architecte revêt au prés du grand public. Jacques Herzog dit que « dans l’avenir, seul l’architecte-star aura une place sur le marché2». Les médias semblent alors faire la promotion de ces stars en les élevant au rang de héros qui font et défont les modes du moment. En effet, sur un échantillon de treize individus interrogés, hors du champ d’apprentissage ou d’exercice de l’architecture, dix répondent « Le Corbusier » à la question « citez moi un architecte connu ». Cependant, la plupart ne connaît absolument rien sur qui il est : ni

Jacques HERZOG and Pierre DE MEURON. Photo courtesy Herzog & de Meuron

l’époque dans laquelle il a exercé, ni une de ses réalisations. Une étudiante en médecine me dit : « L’époque ? Aucune idée, je dirais il y a plus de 100 ans. Il a fait des meubles non ? » ou encore, une femme me dit : « je ne sais pas ce qu’il a fait, je sais juste qu’il est connu ». Certains d’entre les interrogés ont répondu qu’ils connaissaient un bâtiment par exemple La fondation Louis Vuitton mais «ne (se) rappelle(nt) plus du nom de l’archi3». Une femme de cinquante-trois ans me disait lors de mes entretiens, « je n’connais pas d’archis en particulier, mais les seules images que j’ai sont celles des magazines, avec souvent des hommes ou des couples à la mode qui ont construit un restau ou un hôtel branchouille4 »

1 DIDELON Valérie, « L’architecture crève l’écran », Critiquat n°5, mars 2010

3

2 ALLENSPACH Christoph, « Faut il avoir peur du star system», Polyrama n°116, 2002

4 BRANCHOUILLE, terme familier, relatif à une personne branchée

16 |

ARCHI, diminutif du mot «architecte»


Architecture: Jean Nouvel, la vraie nature de l’archi star Extrait du journal numérique Le Parisien, décembre 2014

Rem Koolhass, architecte de la démesure et insaisissable star Extrait du journal numérique Télérama, décembre 2014

17 |


Ce statut social s’accompagne étonnamment d’une représentation physique. L’architecte est vu comme un homme branché, « in », « dans le vent »1. L’architecte tente par tous les moyens d’asseoir son statut, et son pantalon n’a pas intérêt à être mal coupé. C’est la vision servie par les revues d’architectures et les magazines d’actualités. Dans cette profession, une dizaine d’architectes crèvent l’écran devant la majorité qui peine à faire de la figuration. Les premiers équivalent aux tops models dans le mannequinat, et les autres travaillent dans l’ombre. Et c’est l’image de ces « superstars » qu’un grand nombre de gens du « grand public » retient. Il est étonnant de voir que l’architecte est dans 90% des entretiens qualitatifs auprès du grand public (femmes et hommes confondus), perçu comme un homme à lunettes autour de la cinquantaine. L’image du visage de Le Corbusier habillé par la Maison Bonnet avec ses emblématiques lunettes rondes a de toute évidence marqué les esprits. Aujourd’hui, d’ailleurs, on se penchera plus vers des montures Lunor, sans fioritures pour un look intellectuel « normcore2» ou « néo-bobo3». Ces archis stars ont toujours eu le besoin de s’exhiber dans des vêtements singuliers. Aujourd’hui, seuls les codes ont changé, mais l’idée reste la même. On adopte un look spécifique pour revendiquer son appartenance à un groupe spécifique. Finalement ce noir que revêtissent fièrement

LE CORBUSIER

les architectes du star system apparaît comme une double couleur qui parle de la schizophrénie qui les habite.

NOIR

1

Diverses expressions signifiant «à la mode»

2 NORMCORE, est un style vestimentaire, une esthétique de la normalité, un refus apparent de la mode au nom d’un retour à l’âge pré-adolescent où le vêtement n’était pas encore un enjeu social. 3 NÉO-BOBO, est un dérivé du terme bobo, contraction de bourgeois-bohème, qui désigne un sociostyle, c’est à dire une tentative de caractériser un groupe social selon les valeurs que ses membres partagent. Camille Peugny donne en 2010 cette définition « une personne qui a des revenus sans qu’ils soient faramineux, plutôt diplômée, qui profite des opportunités culturelles et vote à gauche» 4 TETRIACK Philippe, Faut-il pendre les architectes?, Ed Seuil, 2001

18 |

« Le leur confère une dignité d’ecclésiastique, matinée de rébellion anarchiste »4


Mark ZUCKERBERG, adepte du style «normcore»

19 |


Odile Decq, Riciotti, Herzog, Einman, Fuksas, Nouvel, Koolhaas, Zaha Hadid, Ando, Gehry, Shigeru Ban, Kuma et j’en passe, portent tous du noir et nous disent pourquoi.

« Je ne porte pas de NOIR »1 Peter Einsenman

« Je porte du NOIR parce que chez les fous tout est blanc »1 Odile Decq

« Parce que je m’aime »1 Rudy Ricciotti

« Je ne peux pas penser quoi que ce soit concernant le NOIR - peut être parce que1 tant d’architectes en portent ? » Jacques Herzog

« Je me demande aussi pourquoi tout le monde porte du NOIR. En ce moment j’essaye de porter des couleurs vives, mais aujourd’hui je suis en NOIR par accident.1 Quel dommage! » Toyo Ito

« Parce qu’on aime tous les All Blacks! »1 Jakob Mac

1

RAU Cordula, Why do architects wear black?, Ed Springer Verlag GmbH, 2008


Nuances de noir

21 |


L’architecte que j’allais devenir, dans mon imaginaire était celui qui concevrait de l’architecture « moderne » et « nouvelle » : des grands musées, des aéroports, des belles « villas d’architectes ». L’architecte m’apparaissait comme un homme capable d’imaginer des nouvelles formes étranges, avec des matériaux nouveaux, en rupture avec l’architecture « ancienne » et « classique ». Une partie du grand public a plus à l’idée l’architecte qui construit du neuf avec des formes nouvelles en rupture avec ce qu’il a pu être construit auparavant :

avec les formes du passé, qui ne propose que des choses nouvelles. Il est difficile pour l’extérieur de la profession d’apercevoir de l’architecture dans des choses plus simples à mettre en œuvre que des gros édifices. L’architecte est alors perçu comme un professionnel novateur de la construction.

« Pour être architecte faut être innovant, avoir une grande imagination pour pourvoir proposer quelque chose qui n’a jamais été vu nulle part »

Mais ce terme de « moderne » ne semble pas très clair dans la pensée collective. Que signifie cette dénomination ? Par rapport à quoi est ce « moderne », à quelle époque fait on référence quand on parle de « moderne » ? La construction de la cathédrale de Notre Dame de Paris s’est étendue sur plus de deux siècles et de ce fait, elle est loin d’être d’une uniformité totale. Personne (si ce ne sont les spécialistes), ne semble interloqué par les mélanges entre le style gothique primitif et le gothique rayonnant. En effet, on a une impression d’unité à la fois concernant l’extérieur de l’édifice et son implantation urbaine, mais surtout pour l’intérieur du bâtiment. Le moderne en architecture est souvent jugé d’emblée comme «moins bien» que l’architecture ancienne. C’est comme si il était, pour

A la question « qu’est ce qu’un architecte ? », 80% des répondants des entretiens qualitatifs affirment que l’architecte est un homme qui construit des grands bâtiments. Et il semble difficile de réaliser que l’architecte puisse intervenir sur un bâtiment sans pour autant concevoir une forme novatrice. L’architecte s’affiche « Je m’intéresse pas trop à alors comme un construcl’archi, parce que je préfère « L’architecte est une sorte teur qui interpelle. On se le classique et souvent c’est trop moderne pour moi » me d’oratoire de la puissance demande le pourquoi du comment de la forme de dit un médecin de 50 ans au moyen des formes. » la Fondation Louis Vuitlors de mes entretiens. ton (Fig.1) , ou encore du Friedrich Nietzsche (1844 – 1900) Centre Pompidou (Fig.2) . « Les architectes auArtiste, écrivain,Philosophe Pourquoi à cet endroit là jourd’hui, faut aimer ! Je ? « Je trouve ça bizarre comprends pas pourquoi ils de mettre dans le bois de Boulogne un musée cherchent à faire toujours plus original ! Je sais aussi bizarre » F.B. me parlant de la Fondation pas à des moments je trouve que ça s’intègre Louis Vuitton de Franck Gehry. pas bien, que ça jure avec l’ancien »

« Pour moi un architecte il doit penser tout le temps des choses nouvelles ! En gros, il doit faire des bâtiments avec des formes originales et que personne d’autre n’a imaginé » L’architecte apparaît ainsi comme un individu aux créations impressionnantes et remarquables . Il est souvent difficile pour le grand public d’imaginer que l’architecte puisse intervenir sur des échelles plus réduites et surtout de manière plus discrète. En effet, l’architecte est pour un grand nombre un Homme en rupture 22 |


Fig.2 Centre Georges-Pompidou réalisé par Renzo Piano et Richard Rogers (1977) source; Pinterest

Fig.1 Vue de la façade est du bâtiment de la Fondation Louis Vuitton en novembre 2013 (Image © Fondation Louis Vuitton / Louis-Marie Dauzat – 2013)

23 |


une grande partie du public, difficile de percevoir sa valeur patrimoniale, et donc à ce titre être digne d’être mise en valeur et préservée. Mlle B. me dit « J’aime pas trop l’architecture moderne, c’est souvent trop froid et sans âme »

A partir des entretiens qualitatifs effectués, il apparît que l’architecte est un « savant », à l’esprit rationnel et logique. L’architecte est doté de savoirs et maîtrise les procédés scientifiques et techniques qui interviennent directement dans la conception et la réalisation de ses édifices : résistance des matériaux, procédés de fabrication et d’assemblage des éléments constructifs par exemple. En effet, il est apte à concevoir un bâtiment solide composé de matériaux capables de résister aux forces (le poids, le vent, les intempéries etc.). Ainsi, l’architecte est quelqu’un doté de compétences scientifiques, il sait résoudre des calculs de physicien afin d’affirmer la résistance de son bâtiment. Son projet se construit dans un cadre réaliste et rationnel. Dans la contrainte, il apporte sa touche personnelle et délivre toute son imagination. Par les différents outils qui sont à sa portée, il réalise des documents scientifiques et complexes, il comprend les règles de physique, et pousse ses calculs mathématiques au plus haut point afin de réaliser ses idées.

Santiago Calatrava, Modèle de structures pliables, ETH, Zurich, Suisse, 1981

Au moment d’évoquer mes souhaits de parcours universitaire, mes professeurs n’ont cessé de me dire que je ne pourrai pas rentrer en école d’architecture car je n’avais pas choisi une fillière scientifique. Qui d’entre nous, étudiants en architecture, n’a jamais entendu «  en archi, il y a beaucoup de maths et de physique non ?  » ou encore « tu dois venir de S1 pour rentrer en archi non ?  » Mes entretiens qualitatifs auprès du grand pu-

blic font ressortir un élément intéressant. En effet, sur un échantillon 15 personnes interrogées, à la question « L’architecte serait selon vous plus un artiste ou un scientifique ? », onze répondent « scientifique » et quatre « artiste ». Il est intéressant de noter que les étudiants en architecture, quant à eux, répondent à la majorité « artiste 2» préférant sûrement être associé au profil de l’architecte créateur que celui de l’ingénieur dans ses calculs. Ainsi, ceux qui perçoivent l’architecte comme un artiste le voient comme un grand dessinateur. Doué de ses doigts, et à l’imaginaire débordant, il déroule des grandes feuilles de papier calque sur sa table en bois, tel un peintre qui préparerait son plan de travail. En quelques coups de crayon, on lit parfaitement ce qu’il imagine dans sa tête. Il a cette maîtrise du crayon qui lui permet de faire pas-

1 S, diminutif qui définit la filière scientifique au lycée d’enseignement général

2 questionnaires diffusés via Internet auprès d’étudiants en écoles d’architecture françaises

24 |


ser son message et ses idées les plus folles, de projeter en trois dimensions et à plusieurs échelles ses envies plurielles. Depuis toujours, il a ça dans la peau, son crayon est l’outil révélateur de ses idées. Son imagination est débordante, ses sources d’inspirations inépuisables, il ne cherche pas à copier, il invente, il innove, il pousse ses réflexions spatiales au maximum en cherchant à atteindre un objet singulier voire même jamais imaginé.

Ainsi, le métier d’architecte éveille de nombreuses images dans les pensées collectives. Parfois basées sur des images héritées du passé, d’autres sur une minorité qui constitue les architectes, les pensées collectives présentent de toute évidence un intérêt afin de mieux comprendre où il en est aujourd’hui dans l’esprit de la société. Ces représentions ne se limitent pas à l’image que peut renvoyer l’architecte, mais s’appliquent, également, aux pratiques quotidiennes imaginées pour l’architecte.

NIEMEYER Oscar, Croquis résidence présidentielle imaginée par l’architecte, Brasilia

25 |


01.02. Une vision réductrice des pratiques.

Dans le cadre de ces représentations stéréotypées d’architecture, nous pouvons parvenir à montrer des idéaux de pratiques de l’architecte. D’après les entretiens réalisés auprès du grand public, il en ressort une idée que l’architecte, de par son savoir technique passe le plus clair de son temps sur les chantiers. En tant qu’homme apte à bâtir, il sait superviser son équipe pluridisciplinaire sur le lieu du construction. Il devrait vérifier que tout se passe comme il le souhaite et l’a dessiné, que les fondations soient solides, que les réseaux d’électricité soient posés au bon endroit, que le béton ait bien été coulé, les fenêtres équivalentes à celles demandées etc. « Quand tu me dis architecte, je pense à un homme BCBG mais sachant s’adapter avec une paire de botte dans la boue sur son chantier » me dit un jeune homme négociant en vin. Les questionnaires ont permis de montrer que sur treize personnes interrogées, plus de 50% cite comme premier lieu de travail de l’architecte, « le chantier ». Pour la plupart des personnes interrogées, un architecte ne peut pas exercer sa profession sans aller sur les chantiers. Mais il apparaît que l’architecte n’est pas simplement un « inspecteur », il est gage de confiance. Il est « l’interlocuteur unique ». C’est lui qui fait le lien entre le client et les entreprises de bâtiment. Il entretient des relations courantes avec tous les intervenants du chantier, tels que les entreprises de construc26 |

tion, les différents prestataires et l’administration locale. De plus, il assiste à toutes les réunions de chantier, assure le respect des délais et des plannings et vérifie la qualité du travail, si les volontés et les règles établies au préalable ont été respectées:

La vie d’un architecte, c’est d’être sur le chantier, c’est même d’être en rapport direct avec les ouvriers, c’est même d’être soi-même entrepreneur, c’est ça la vraie vie d’un architecte.1

L’architecte n’est pas un homme cantonné à son travail d’agence. C’est seulement depuis le milieu du vingtième siècle que les architectes se sont préoccupés exclusivement d’être des architectes. Dans le passé, lorsque vous étudiez aux Beaux-Arts, par exemple, vous pouviez être architecte, mais aussi artiste, scénographe, éditeur, écrivain… Vous pouviez partager, échanger et profiter d’une grande transversalité totalement acceptée dans votre activité. De nos jours, chacun doit rester dans une case. Si vous sortez du cadre, certains vous regarderont et diront « Pourquoi êtes-vous en train de faire cela ? » Désormais, beaucoup de personnes se tournent vers l’architecture. Les artistes, par exemple, proposent parfois des bâtiments. Pourquoi les architectes ne pourraient-ils pas se tourner vers d’autres disci1 POUILLON Fernand, Mon ambition, Editions du Linteau, 2011


Figure de l’architecture française, Paul Chemetov construit un ensemble de logements à Saint-Pierre-des-Corps. © Antonin Sabot/ LeMonde.fr

27 |


plines ? Au quotidien, je fais de l’architecture, de l’urbanisme, j’étudie l’histoire de l’art, je touche à la photographie. Et demain, pourquoi pas la mode ou la politique ?

Mes entretiens effectués en novembre 2016 auprès de personnes sans rapport universitaire ou professionnel avec le métier d’architecte, montrent que pour la majorité des interrogés, un architecte travaille en agence et effectue essentiellement des plans de bâtiments. Plusieurs entretiens ont même mis en évidence l’idée de l’architecte qui dessine tous ses documents à la main ! Evidemment, ça n’est plus le cas des professionnels de la construction qui ont entièrement intégré l’outil informatique. Selon les répondants, l’architecte, dans sa pratique quotidienne dessine des documents techniques pour les chantiers, fais des croquis et des maquettes, le tout dans une ambiance très décontractée, en écoutant FIP1 dans un open space. Nous noterons que la notion de spatialité est revenue plusieurs fois dans les entretiens. En effet, il est difficile pour les répondants d’imaginer des petits bureaux individuels cloisonnés. Il y a en effet, l’image d’un grand espace modulable où chacun peut venir dessiner sur un coin de feuille, gribouiller un croquis, agrémenter les maquettes avec des nouvelles idées, de manière collective.

Le travail de maquette est très souvent associé à la pratique de l’architecte. En effet, en tant qu’étudiant, quand on dit que l’on est en école d’architecture, les gens nous imaginent systématiquement en train de coller des bouts de cartons de manière minutieuse et appliquée. Quand on dit, « je dois rendre un projet », l’idée de ce dernier est souvent associée à la conception d’une maquette détaillée. 1 FIP chaîne radio éclectique et de jazz diffusée par Radio France

28 |

« J’imagine tout à fait le ptit étudiant dans son appart’2 en train de galérer3 avec sa maquette » H.P. Effectivement, la maquette est un outil qui permet de développer nos idées au travers d’un support supplémentaire à celui de la conception en deux dimensions (plans, coupes etc.). La maquette est essentielle afin de visualiser les échelles données au projet et comprendre son interaction et son lien avec le site environnant. Cependant, avec le développement de l’informatique, la maquette a parfois disparu du socle de conception. En effet, elle a parfois été oubliée au profit de celle numérique (logiciels de conception en trois dimensions). Autrement dit, pour de nombreuses agences, la maquette est un outil esthétique simplement réalisé à la fin du projet afin de « séduire » un peu plus le client au moment du rendu final. De plus, cette conception de maquettes est parfois externalisée auprès de structures spécialisées. Elle n’est pas forcément réalisée à la main comme beaucoup peuvent le croire. Même chez les étudiants, la révolution numérique a entraîné un recul du travail à la main privilégiant la fraiseuse, la graveuse laser voire même l’imprimante en trois dimensions. En outre, il est important de noter que la maquette à la main n’a pas disparu et que quelques agences conservent cette démarche tout au long du projet.

On parle beaucoup de l’architecte artiste mais le grand public oublie peut être la fameuse idée de « l’architecte autocadien4 » que de 2

APPART: Diminutif de appartement

3

GALERER: Avoir des difficultés

4 AUTOCAD: AutoCAD est un logiciel de dessin assisté par ordinateur (DAO) créé en décembre 1982 par Autodesk.


Maquette La Défense New Tower, Norman Foster (Paris)

Intérieure de l’Agence d’architectes ARCHIS

29 |


nombreux élèves en architecture, quant à eux, n’oublient pas et redoutent. En effet sur trois cent vingt et un élèves issus des écoles d’ architecture (licence et master) ayant répondu aux questionnaires diffusés en novembre 2016, environ 25% redoute le fait de passer le plus clair de leur temps sur les logiciels de dessin en deux et trois dimensions. Pour eux, être architecte, c’est travailler tout seul derrière son ordinateur des journées voire des nuits entières. Cette vision peut paraître réductrice de toutes les orientations possibles qui s’offrent à lui. Quand on pense à l’architecte, pourquoi pensons-nous forcément au travail en agence ? Les pratiques sont vastes et de plus en plus élargies. Ce qui est intéressant à noter est surtout que cette vision de l’architecte dans une agence n’est pas seulement celle du grand public mais surtout d’une grande majorité de futurs architectes. Autrement dit, les étudiants, censés s’être éloignés des stéréotypes et des représentations parfois hâtives liées à leur formation, sont finalement les premiers susceptibles d’avoir des idées réductrices sur la pratique des architectes.

« Être charette », soit être « overbooké, sous l’eau, débordé, full1» apparaît souvent comme l’expression résumant les années à l’école d’architecture et la pratique professionnelle réelle. Difficile de comprendre pour le grand public pourquoi beaucoup d’architectes et étudiants sont tant en retard ! « Tu devrais t’y prendre en avance cette fois ci ? », phrase qu’une grande partie des étudiants a du entendre de la part de son entourage. Effectivement, cette expression qui date du XIX ème siècle proviendrait des architectes. On dit qu’à cette époque là, aux Beaux-Arts, un homme passait dans les couloirs pour récupérer les résultats des concours d’architecture, traînant derrière lui une charette où s’entas1

30 |

expressions qui signifient le fait d’être surmené

saient les plans des étudiants. Certains d’entre eux, finissaient malheureusement leurs projets sur la charette même, essayant jusqu’à la dernière minute de gagner du temps supplémentaire. Mais encore une fois, la charette n’est pas une « fin en soi » et est complètement inévitable. La charette ne résume pas le métier de l’architecte et n’est pas représentative de tous les métiers des architectes.


Caricatures de la ÂŤ charette Âť en architecture http://paulinka-blog.blogspot.fr/2009/11/charette.html

31 |


Premiers stades de l'embryogenèse ; divisions successives par mitose de la cellule Ĺ“uf


02. Le métier « des architectes », une réalité univoque. La bonne image sociale dont bénéficient les architectes et dont la majorité de la profession se déclare satisfaite ne suffit pas à faire oublier la frustration que bon nombre de professionnels éprouvent à l’égard du métier. Perçue largement comme une profession prestigieuse et sécuritaire financièrement, il est important de comprendre que cette image masque une réalité tout autre. On est bien loin de l’image idéalisée de l’architecte Franck Gehry et de la fondation Louis Vuitton. La réalité ne se limite pas aux créateurs-stars, libérés de toute contrainte.

sociale, politique et structurelle, le métier d’architecte réagit alors et tente de faire face à cette situation en réinventant la profession. Ainsi, il s’agira ici de mieux comprendre les bouleversements que connaissent depuis plusieurs années les architectes, et de mettre en lumière les nouvelles pratiques en réaction à cette crise à différentes échelles.

Alors qu’est ce qu’être architecte d’aujourd’hui ? Difficile de donner une définition claire de ce professionnel en 2016. Depuis plusieurs années, le métier d’architecte subit de nombreuses mutations et pour cause, le monde qui l’entoure ne cesse de se transformer. Baisse des commandes publiques, concurrence et préférence des grandes signatures, possible suppression du caractère obligatoire du concours comme mode de dévolution de la commande publique, crise du secteur du bâtiment, effritement du salariat… Dans une conjoncture certes difficile pour tous les acteurs de la construction, les architectes souffrent aussi. Les facteurs de crise internes à la profession viennent s’ajouter en plus des difficultés extérieures. Le métier est en pleine crise identitaire et de légitimité. Elle semble depuis plusieurs années vouloir redéfinir ses « contours », autrement dit affirmer son rôle, sa fonction, ses moyens d’actions, sa place politique etc. En réaction à cette crise à la fois économique, 33 |


02.01. Facteurs exogènes de mutation

Être architecte, c’est interagir avec le monde qui nous entoure. C’est comprendre la société, observer comment elle vit et se déplace. Mais c’est aussi composer avec les données naturelles, économiques, politiques d’un territoire. Ainsi, être architecte c’est s’adapter aux enjeux du monde qui ne cessent d’évoluer et de changer.

Dans un monde tant mondialisé, où « l’échange [est] généralisé entre les différentes parties de la planète, l’espace mondial étant alors l’espace de transaction de l’humanité1», l’architecte a du mal a trouver sa nouvelle place. Paul Otlet définit la mondialisation comme : « une extension du champ d’activité des agents économiques, conduisant à la mise en place d’un marché mondial unifié2». En effet, la mondialisation est un phénomène étendu et bien réel qui permet la création de valeurs communes dans le monde entier mais aussi de se constituer un patrimoine commun mondial. Cependant, ce phénomène présente de nombreux effets néfastes d’un point de vue économique, social et environnemental, auxquels les architectes doivent faire face.

Pierre KROLL, Penser globalement, agir localement

Tout d’abord, les conséquences désastreuses sont visibles sur l’écologie mondiale avec cette surexploitation industrielle et économique. C’est alors une prise de conscience globale qui va émerger dans les sociétés afin de mieux gérer la Planète Terre avec l’apparition d’une forme de gouvernance écologique mondiale

«Penser globalement, agir localement», 1 DOLLFUS Olivier, « La mondialisation », Presses de Sciences Po, 2001, p.8-9 2 OTLET Paul, Les problèmes internationaux et la guerre, les conditions et les facteurs de la vie internationale, Genève, 1916, p. 337, cité par Vincent Capdepuy, «Au prisme des mots», Cybergeo : European Journal of Geography, Épistémologie, Histoire de la Géographie, Didactique, document 576, mis en ligne le 20 décembre 2011

34 |

c’est ce que nous dit René Dubos 3. Ainsi, agir de manière locale, c’est intervenir sur les zones de forte exploitations, les villes. En effet, ces 3 DUBOS René, Discours lors du Premier sommet sur l’environnement en 1972


par rapport à ces exigences. L’architecte doit alors ajouter des contraintes écologiques et energétiques aux attentes économiques et sociales dejà existantes. Il apparaît logique qu’il devrait s’entourer d’autant plus d’une équipe pluridisciplinaire afin de répondre au mieux à la complexité de la commande.

dernières sont les sources les plus importantes de pollution avec 70% des émissions de gaz à effet de serre. Agir sur les villes, c’est alors agir sur les modes de transports, de construction, d’habitat, d’énergie, les services etc.. Et c’est bien face à toutes ces questions énergétiques et écologiques que les architectes doivent donner des réponses. Avec 46% des consommations d’énergie et 25% des émissions totales de gaz à effet de serre1, le secteur du bâtiment inquiète et préoccupe. La construction écoresponsble est ainsi devenue indiscutable pour les acteurs de la construction. L’architecte fait alors face à de nouvelles normes, nouvelles attentes, nouvelles contraintes et doit essayer de se positionner 1 BOVET Philippe - SIDLER Olivier, Bâtiments performants - Des constructeurs relèvent le défi du réchauffement climatique en France, Ed Terre Vivante - Collection Tous pour la planète. Institut NegaWatt.

Mais faut-il encore que cette dernière soit présente. La diminution de la commande met en cause la viabilité économique de la profession. En effet, les métiers de « l’acte de bâtir » suivent les mouvements de l’activité économique. Il n’y a pas que les entreprises de travaux publics qui sont touchées de plein fouet par les économies sur les budgets publics : les architectes en souffrent aussi. « En 2014, une agence d’architecte a mis la clé sous la porte tous les mois », confie Frédéric Skarbek, président de l’ordre des architectes de la région Centre. Tous n’en meurent pas mais tous sont touchés, quelle que soit la taille de l’agence. Bien sûr, en première ligne, les gros cabinets pour lesquels la commande publique est essentielle.

Entre une commande publique et privée en baisse, des coûts de construction en augmentation, des honoraires de plus en plus faibles, les maîtres d’œuvre ont de plus en plus de mal à se positionner. L’ étude publiée par l’Ordre des Architectes, dont les données sont issues de la Mutuelle des Architectes de France (MAF) montre que la crise a bien freiné la croissance de l’activité des architectes. En effet, alors 35 |


que le taux de pénétration dans le marché de la construction affichait une progression annuelle depuis l’année 2000 jusqu’à 2008, dès 2009, il entame une régression. Cette diminution s’explique en premier lieu par la chute de la construction neuve qui représente la majorité de l’activité des architectes.

« [...] Dans ce contexte économique en stagnation, le changement des rapports de force entre acteurs et la parcellisation des tâches se traduisent par une exacerbation de la concurrence qui contribue à transformer les partenaires en rivaux. » Yves Dauge ²

Concernant la construction de maisons individuelles, qui n’est pas à négliger, les architectes ont peu d’emprise sur le marché. On peut expliquer cela par le seuil de 170m² qui a un réel impact sur le rôle de la profession. Effectivement, les constructions sous ce seuil reviennent aux promoteurs et constructeurs, les prix étant souvent moins élevés. De plus, la clientèle privée se trouve fortement en régression le pouvoir d’achat étant en baisse, la RT2012 1 augmentant le coût des études pour 1 RT 2012, réglementation thermique qui fixe une consommation moyenne d’énergie primaire de 50 kWh/m².an. Et ce relativement aux 5 usages les plus importants que sont le chauffage, la climatisation, la production d’eau chaude sanitaire, l’éclairage, et les auxiliaires électriques tels pompe et ventilateurs.

36 |

le client et le coût de la construction alors que le budget, lui, n’a pas augmenté.

Cette baisse générale de la commande s’accompagne d’ une externalisation importante des compétences. Autrement dit, la complexification du processus de construction et la crise du bâtiment ont conduit les agences d’architecture et de maîtrise d’œuvre à externaliser « un grand nombre de missions, ce qui a entraîné une multiplication des métiers et parfois effacé les frontières qui les séparent2». Effectivement, les métiers de la maîtrise d’œuvre travaillant sur les mêmes phases du processus de construction se sont multipliées: paysagistes, urbanistes, architectes d’intérieur... Il apparaît alors difficile pour les architectes de se positionner quant à leur champ d’action et leurs missions. « La diversification des pratiques professionnelles des architectes est le pendant du morcellement de leur activité principale3». Ils interviennent de façon plus fragmentée dans le projet architectural, mais aussi de façon plus diversifiée. Leur champ d’action s’élargit continuellement à de nouveaux secteurs suivant notamment l’évolution des nouvelles technologies.

De plus, une augmentation de la mise en concurrence des acteurs et une baisse significative de la qualité des conditions de travail (rémunérations, heures de travail, sous effectif etc.) ont fragilisé la profession. Le métier d’architecte est considéré par tous comme étant instable financièrement car aléatoire. Ceci étant essentiellement dû à l’aspect

2 DAUGE Yves, Rapport d’information fait au nom de la commission des Affaires culturelles sur les métiers 3 TAPIE Guy, « Professions et pratiques, la redistribution des activités des architectes », in Métiers, Cahiers de la Recherche Architecturale et urbaine, éd. du Patrimoine, Paris, nov. 1999.


Fig.1 Satisfaction concernant la situation professionnelle des architectes source: Ordre des architectes, Observatoire de la profession d’architecte, 2014

Fig.2 Le niveau de rémunération personnelle en 2013 avant impôt source: Ordre des architectes, Observatoire de la profession d’architecte, 2014

Fig.3 Le nombre de salariés au sein des agences source: Ordre des architectes, Observatoire de la profession d’architecte, 2014

37 |


irrégulier des demandes et du marché. Au-delà de ce manque de stabilité financière, il apparaît de manière générale que les rémunérations ne sont pas adaptées aux contraintes et responsabilités qui incombent aux architectes indépendants (fig. 1 p.33). Effectivement, Le Conseil national de l’Ordre des architectes publie dans son « quatrième observatoire de la profession », enquête menée par l’Institut de sondage IFOP qui fait part de l’état actuel de la profession. Nous pouvons observer dans les précédents graphiques une baisse du revenu moyen qui s’élève à 33 234 euros, soit une diminution nette par rapport à 2011 où il se situait à 34 299 euros. (fig. 2 p.33)

Ainsi, la situation des architectes salariés s’est précarisée et l’ampleur des structures le montre bien (fig.3 p.33). Selon l’Observatoire 2014 de l’Ordre des Architectes, plus d’un architecte individuel ou associé sur deux (53%) n’a pas de salarié. Ce pourcentage est en augmentation depuis les années précédentes et s’explique encore une fois par la baisse de la commande qui rend parfois impossible le maintien d’une grande structure. Ainsi, ce contexte de crise ne favorise en rien l’embauche dans les petites structures si ce n’est parfois l’emploi d’architectes individuels sur une petite période de projet. On assiste alors à une nouvelle forme d’embauche parfois « de dernière minute » en fonction du besoin sur un projet où un soutien supplémentaire est nécessaire.

Enfin, la crise de la profession s’est accompagnée d’une uniformisation des compétences au sein des agences d’architecture laissant peu de chances aux agences de se différencier les unes des autres et faire face à cette concurrence importante. De plus, cette dernière vient s’accentuer par le fait que les villes sont de plus en plus en compétition les unes avec les autres, cherchant alors à attirer les grands ar-

chitectes de renommée internationale. De ce fait, les agences locales restent dans l’ombre. Les grands concours étant ouverts à l’international, la concurrence ne se limite donc plus aux agences d’architecture sur le territoire local. Comme leurs concurrentes nationales ou internationales, les villes veulent avoir leur bâtiment « signé » Portzamparc, Nouvel, Piano... Ainsi, paradoxalement, on assiste à des modes de construction des villes homogènes et mondialisés.

Ainsi, cette crise générale remodèle et fragilise les métiers de la maîtrise d’œuvre mais il est important de rappeler qu’elle a tout de même permis de repenser notre manière de concevoir l’architecture, l’habitat, l’urbanisme et les modes de déplacement. Les architectes doivent se concentrer sur les valeurs écologiques fondamentales de l’architecture d’aujourd’hui. Bien évidemment cette vision écoresponsable n’est pas nouvelle. Cela fait bien longtemps que de nombreux architectes ont intégré cette « valeur » dans leur conception architecturale et/ou urbaine. Cette approche, certes déjà ancrée depuis plusieurs années dans le processus de conception de nombreuses agences, est devenue inévitable et surtout obligatoire par la loi. En effet, les architectes qui produisent de nos jours de « l’architecture-objet » doivent se confronter à ces mêmes enjeux. Cela demande un changement dans leur manière de concevoir, un effort important de contextualisation et d’innovation énergétique. Il ne s’agit plus de faire de l’architecture en déprise avec le réel comme peuvent le faire les « archis-stars », mais de concevoir en ayant conscience et en intégrant toutes les données du projet, qu’elles soient économiques, sociales et écologiques. Il faut que les architectes réfléchissent à comment bâtir et imposer leurs compétences sur le marché. En effet, dans le défi écoresponsable, les architectes « penseurs » ont parfois laissé leur place aux ingénieurs. Si l’architecture de pen-


Le dessin informatique en trois dimensions, un outil indispensable @D.R.( en bas ), Passerelle de La Roche sur Yon, France, 2009 ( en haut )

Les nouvelles technologies au service de l’architecture @D.R.

39 |


sée est nécessaire, il faut qu’elle soit accompagnée d’une forme concrète et réalisée afin de redonner à l’architecte un rôle majeur dans l’acte de bâtir par le contrôle de la maîtrise d’oeuvre.

L’évolution de notre monde a permis le développement de nouvelles technologies au profit des architectes. En effet, l’arrivée de l’ordinateur a entièrement modifié la profession. Il s’agit alors de repenser entièrement l’organisation du travail au sein des agences, de faciliter la communication entre les différents corps de métier, d’apporter des nouveaux supports de représentation etc. Les nouvelles technologies sont aujourd’hui un outil indispensable aux métiers de la construction. L’informatique c’est pouvoir dessiner en deux ou trois dimensions, pouvoir effacer, annuler, recommencer, ajouter, supprimer. Mais c’est aussi concevoir en trois dimensions, faciliter la compréhension du projet pour les clients, visualiser en temps réel les échelles du projet, la matérialité etc. L’ordinateur, c’est également communiquer avec les différents acteurs du projet, envoyer les documents de projets, corriger, accélérer le processus de projet, d’organisation... Il convient cependant de mettre en avant que la profession n’a jamais été aussi fragile que depuis que les nouvelles technologies se sont développées et ont atteint les métiers de la maîtrise d’ouvrage et d’œuvre. La nouvelle technologie est vendue comme l’assurance d’une hausse de la productivité au sein des agences, d’une augmentation de la qualité des bâtiments et à une cérébralisation de l’exécution des chantiers. Mais ces nouvelles technologies sont elles alors si productives que cela ? Effectivement, l’informatique donne accès à toutes les possibilités, explorer sans limite toutes les formes imaginables, les couleurs, les matériaux etc. Cette sur enchère de posssibles nous rend plus indécis, nous fait se po40 |

ser plus de questions, nous fait chercher des compromis esthétiques et constructifs selon la volonté de projet. Pour de nombreux architectes de la génération « à la main », l’outil informatique, bien qu’il soit rapide et innovant pour le métier d’architecte est à manier avec précaution et un certain recul afin de ne pas le laisser réfléchir à notre place. Un bon projet est un projet pensé, dessiné, et non pas simplement limité à un paramétrage scientifique. Outre les différentes positions quant à l’outil informatique, il est indéniable que ce dernier a profondément transformé les modes d’exercice des architectes en agence. L’architecte, professionnel en mutation permanente par rapport au nouveau monde, souffre, parfois, également de normes toujours plus exigeantes et qui compliquent le processus de création.

« Les normes? Elles m’inquiètent et me font souffrir. Elles sont le dernier ersatz de l’impérialisme anglo-saxon, [...]


[...] un véritable complot contre l’intelligence et la démocratie » 1 Le domaine de la construction souffre d’un trop-plein de normes et de réglementations et rendent la construction toujours plus complexe. Les demandes du marché exigent des architectes de produire des bâtiment de plus en plus performants, permettant de plus en plus d’usages, de qualité énergétique et acoustique, et aussi de pouvoir accueillir toutes les populations. Cela nécéssite de nombreuses réglementations spécifiques et la profession se retrouve face à un empilement de normes afin de répondre à cette complexité croissante des bâtiments (normes techniques, urbaines, architecturales etc.) . Il convient alors d’accepter cette réglementation et de l’appréhender comme une donnée du projet. Il est évident

que nombreuses d’entre elles sont inévitables et utiles pour concevoir et construire (normes de mesurage - isolation thermique et acoustique par exemple-) en prenant en compte les normes de produits (normes EN en Europe ou ISO à l’échelle mondiale). Cependant toutes ces normes et réglementations entraînent une augmentation des coûts de construction qui semblerait incompatibles avec le marché. De plus, de nombreux professionnels de la construction perçoivent ces normes comme abusives et comme des obstacles à la création. Effectivement, cette « overdose » de contraintes vient parfois contraindre l’architecture et l’ingénierie. Enfin, pour de nombreux maîtres d’œuvre et d’ouvrage, les normes ne sont pas assez à jour par rapport à l’évolution des modes de vie ou des innovations. Nombreux d’entre eux pensent qu’une baisse des réglementations sur les bâtiments, par exemple, permettrait de réduire la spécialisation de ces derniers afin de permettre un changement d’usage plus rapide.

1 RICCIOTTI Rudy, Conférence Batilux, Monaco, 2011 Batilux Monaco réunit depuis plusieurs éditions des architectes de renommée mondiale sur les problématiques actuelles du monde de la construction, dont celle de développement durable, dans l’ensemble de ses composantes : environnementales, sociales et économiques

41 |


« Chacune d’elle a sa lisibilité, son utilité, plus ou moins fondamentale d’ailleurs, mais l’empilement sans hiérarchisation n’a pas de sens, pas de lisibilité et peut devenir contre-productif. » 1 Par conséquent, les métiers de la construction soulèvent le débat des normes et réglementations depuis plusieurs années. Entre légitimité et excès, elles s’inscrivent tout de même aujourd’hui dans toutes les phases de conception et de construction. Elles apparaissent comme des éléments indispensables à une bonne cohérence d’un projet. Cependant, il semblerait qu’elles entraînent également de nombreux effets néfastes sur les édifications architecturales et urbaines et qu’elles mériteraient parfois d’être nuancées afin de laisser plus de place à la création et l’innovation ainsi qu’à l’anticipation d’un changement d’usage. De nombreux professionnels de la construction voient l’idée de dérogations sous contrôle intelligent comme un moyen d’éviter certains désavantages de ces réglementations. Ainsi, la complexité du métier d’architecte semble être la conséquence d’une pluralité de facteurs tant économiques, réglementaires, structurels qu’environnementaux. Les professionnels de l’acte de bâtir, notamment les architectes, doivent aujourd’hui faire face à ces données qui ont diamétralement transformé leur pratique professionnelle. Le 1 MAUGARD Alain, ingénieur français président de Qualibat (Qualibat est un organisme français de qualification et de certification des entreprises du bâtiment. Il a pour mission d’apporter aux clients et maîtres d’ouvrages des éléments d’appréciation sur les compétences professionnelles et les capacités des entreprises exerçant une activité dans le domaine de la Construction)

42 |

nouveau monde a permis aux architectes de profiter de nombreuses innovations et d’un élargissement important de leur champs d’action dans le paysage architectural et urbain. Mais cette transformation et évolution du monde dont ils sont dépendants a également apporté de nombreuses exigences supplémentaires qui bouleversent aujourd’hui leur manière de concevoir. Il se doivent d’intégrer l’évolution des modes de construction, de vie des habitants, ainsi qu’être en accord avec la prise de conscience écologique mondiale. De toute évidence ces transformations de notre « nouveau monde » ont entraîné la mutation du métier, à la fois multiplié et sous divisé les champs d’actions des professionnels de la construction, donnant aujourd’hui une nouvelle définition au métier d’architecte, bien loin de ce qu’il a pu être il y a quelques décennies.



02.02. Crise interne de la profession

« Comment décrire une profession qui n’existe plus dans sa réalité active et dont il ne demeure que le masque ? » 1 Dans le contexte de crise économique, les architectes se retrouvent face à des évidences nouvelles et qui remettent en cause certains de leurs fondements identitaires ancrés depuis des siècles. L’architecte s’est heurté a de nouvelles données et contraintes économiques, sociales, environnementales, techniques et politiques. Qu’est ce qui définit vraiment aujourd’hui l’architecte ? Quelle est son expertise ?

Afin de progresser, une profession a besoin d’affirmer son identité, ses missions, son rôle, son statut, ses expertises, sa position hiérarchique voire politique etc. Et c’est ce qui porte préjudice dans un premier temps à la profession d’architecte. Il est intéressant de rappeler que cette dernière a toujours insisté sur sa position d’exception entre créateur et concepteur, ce qui lui a valu des conflits d’intérêts et un statut ambigu rendant flou son véritable rôle dans la société. En effet, être architecte ne se limite pas seulement à construire des bâtiments, c’est bien plus. C’est comprendre et échanger des 1 PARENT Claude, Architecte, Un homme et son métier, Ed Robert Laffont, ++1980

44 |

connaissances mais également des savoirs faire. Elle semble avoir du mal à comprendre sa position hiérarchique, son pouvoir politique et les expertises qui lui incombent. Il existe une confusion dans les discours et travaux des architectes entre l’idée de création et de conception. Cette confusion participe alors à son illégitimité auprès des autres acteurs de la construction, ainsi que dans la société. Ces deux facettes de l’identité de l’architecte sont indispensables dans leur travail mais valorisées de différentes manières dans leur pratique professionnelle. La création est plus de l’ordre de l’idée, de l’imaginaire et d’un petit côté « magique ». La conception fait appel à la confrontation à la réalité, à la rationalisation. C’est cette notion qui décrit le mieux l’expertise de l’architecte. Pourtant elle est de plus en plus attribuée à d’autres acteurs de la maîtrise d’œuvre à cause de la complexification d’une expertise qui rend parfois l’architecte incompétent sur certaines phases du projet. De plus, la compétition entre les agences d’architecture, et la difficulté à remporter un concours pousse les architectes à la « séduction » avec une mise en avant de leur côté créatif au détriment parfois de leur savoirs faire techniques. Cependant, même si l’imaginaire et l’aspect créatif sont des éléments fondateurs et singuliers au métier d’architecte, ils ne peuvent plus aujourd’hui être les seuls aspects de leur expertise architecturale.


MUNCH Edvard, peintre, Le Cri, 1893

45 |


On assiste à une crise de légitimité de la part des architectes comme s’ils souhaitaient réaffirmer auprès de la société et des acteurs de la construction leur utilité sociale en mettant en avant leur expertise et leur discours. Il est difficile pour la profession de sortir de son ambiguïté. Entre ego, défense d’un statut social et d’une expertise singulière, les architectes ont du mal à savoir qui ils sont. Quand on les désigne « artistes », ils crient qu’ils ne se limitent pas à cela, quand on les qualifie de « scientifiques », ils revendiquent leur créativité. C’est comme si parfois ils ne supportaient pas d’ être « mis dans des cases ». C’est d’ailleurs ce que nous avons pu remarquer lors des questionnaires auprès des étudiants en école d’architecture. A la question « Lequel de ces profils imagines tu le plus quand on te dit un/une architecte ? » ( fig1. ), les réponses ont été très surprenantes. Le but de cette interrogation n’était, de toute évidence, pas de réduire l’architecte à un profil unique. L’idée est simplement de récolter des premières intuitions au même titre que l’on peut imaginer un boucher avec une moustache, ou encore un médecin en blouse blanche. Il a été surprenant de voir à quel point il était impensable pour une partie des interrogés d’être attribué à un profil type, et ils l’ont ressenti comme une vraie discrimination.

« Je ne peux pas répondre à cette question, parce qu’on est tous différents. Je suis certaine que ton voisin ou ta voisine à l’école d’archi est très différent(e) de toi ou de moi » F.C. « L’architecte n’a pas de genre » J.M.

46 |

Fig1. « Lequel de ces profils imagines tu le plus quand on te dit « un/une architecte? », Questionnaire diffusé sur Facebook auprès de étudiants d’architecture en France, novembre-décembre 2016

« J’ai toujours trouvé ca ridicule ce fantasme ultra égocentrique de l’architecte par les archis eux mêmes » L.R. « On est tous différents en architecture, on s’en fout d’être un homme ou une femme. Je ne vois pas en quoi le genre a sa place dans ton questionnaire » T.J.


« Pourquoi adresser ce questionnaire à des élèves de master? Nous sommes, je pense, complètement out par rapport aux stéréotypes de notre profession non? » J.P. Sur 200 répondants hommes et femmes confondus en master, au moins 40% répondent l’option 3 pour les architectes de sexe masculin, et plus de 50% l’option 1 pour l’architecte de sexe féminin. Une image de l’architecte est encore bien ancrée même pour des élèves en architecture. Ces questionnaires ont fait ressortir une certaine forme de ténacité des étudiants ne voulant pas être associés à un « type » d’architecte, revendiquant leur différence et leur liberté. Il paraîtrait également que cette revendication de « non appartenance » à un profil bien définit se retrouve chez les architectes professionels. Avec la mutation du métier, passé de « l’architecte » aux « architectes », « on se demande s’il y a toujours une identité, un noyau dur, permettant d’identifier et de classifier l’architecte 1». Pourtant on remarque, en parallèle à cette protestation de différence, un véritable repli des architectes sur le statut et la position symbolique du métier : la création. Et en tant que créateur, ils sont uniques et irremplaçables dans le processus de construction. C’est comme si pour une partie de la profession il était difficile d’envisager le fait que l’architecte ne suffisait plus à lui seul. En revanche, l’architecte est depuis des années, un maillon de la chaîne de construction composée d’une pluralité d’acteurs qui ne cesse de s’élargir. Dans une période plus récente, on note tout de même un ressenti commun dans la profession du besoin de pluridisciplinarité. Cependant, les démarches de projet s’avèrent encore trop éclatées, ce qui apparaît comme un vrai frein

1 CHADOIN Olivier, Être architecte, les vertus de l’indétermination :de la sociologie d’une profession à la sociologie du travail professionnel, Ed. Presses universitaires de Limoges, 384p.

au remodelage de la profession.

On remarque également que la profession se rattache toujours à la commande publique qui lui a valu son identité « emblématique » en réalisant des projets de grande envergure dans les villes du monde entier. Cependant, la conjoncture économique actuelle n’a pas laissé d’autre choix que celui de se réorienter et d’investir d’autres marchés. La part de la commande privée sur le total de la commande (privée et publique) a presque doublé en moins de dix ans2, rendant cette dernière prédominante dans l’activité des architectes. « Elle représente 60 % des travaux qui leur sont commandés, alors que la commande d’équipements publics n’atteindrait plus que 25 à 30 % de l’ensemble3». Néanmoins, d’après le dernier rapport de l’Ordre des Architectes4, nous pouvons remarquer une baisse de la commande privée et pour cause la dégradation de la construction de logements en France. De plus, l’architecte travaille de plus en plus sur des bâtiments non-résidentiels car une grande partie du résidentiel est construit sans architectes (loi de 1977 inscrite dans le code de l’urbanisme avec la règle des 170m² de surface) . De plus, depuis la fin des années 90, les architectes pénètrent de plus en plus le domaine de la réhabilitation même si de nombreux acteurs tentent de se l’accaparer (BET 5 par exemple) . Ce nouveau champ d’action investi par la profession soulève de nombreuses questions quant à la véritable place de l’architecte. En effet, l’architecte s’est fait connaître à travers la construction neuve, qu’en est il de la dimension créative de l’architecte ?

2

Chiffres donnés par la MAIF

3

COUDURIER E., TAPIE Guy, op. cité p. 131.

4

Observatoire de la profession d’architecte 2014 p.17

5

BET, Bureau d’Études Techniques

47 |


D’après l’ouvrage du sociologue Olivier Chadoin1, cette perte peut être rééquilibrée par deux choses principales : « un projet à dimension patrimoniale et symbolique conséquentes et par une échelle d’intervention significative». Nous pouvons remarquer que les architectes construisent un discours symbolique en dénigrant les termes « réhabilitation » ou « rénovation » même si ils ont la volonté d’intégrer ce type de marché, afin de se démarquer de leur concurrents.

« Avec l’usage de termes demi-savants il s’agit finalement de transfigurer une commande banale en exercice de création culturelle » 6 Aujourd’hui, les architectes se confrontent à plusieurs marchés. La crise économique et interne à la profession ont poussé les architectes à s’ouvrir vers d’autres marchés, a investir de nouvelles « niches ». Nous constatons également que les exigences envers les architectes se sont accentuées. Effectivement, avec la multiplication des métiers dans la maîtrise d’œuvre, de nombreux acteurs travaillent sur les mêmes étapes de conception. L’architecte doit avant tout répondre aux exigences d’une clientèle (personne physique ou morale) qui a évoluée. En effet, les clients du services public se sont multipliés : en plus des collectivités locales et les élus, la profession est confrontée à des instances officielles comme des ministères par exemple (Le minis1 CHADOIN Olivier, Être architecte, les vertus de l’indétermination, 2004, p 320

48 |

tère de la Culture et de la Communication...). Ces clients sont de plus en plus investis dans les différentes phases de conception et de construction du projet. Ainsi, il est demandé à l’architecte de respecter les délais et les coûts fixés, de livrer un projet de qualité, de proposer un chiffrage précis, ainsi que de maintenir une coordination efficace entre les différents acteurs présents pour le projet. Dans ce cadre, ces nombreuses exigences engendrent une « division » du travail plus précise afin de répondre de manière appliquée et cohérente aux différentes missions. Apparaît alors de nouvelles formes d’expertise, comme par exemple la AMO2. En conséquent, cela entraîne une perte de certaines expertises de l’architecte, et accroît la pression sur ces derniers. De plus, si la maîtrise d’ouvrage nécessite une aide c’est car elle est face à de nouvelles exigences juridiques et techniques qu’elle ne maîtrise pas en globalité. Les architectes se retrouvent aujourd’hui à travailler avec d’autres professions qui se sont formées avec l’externalisation des fonctions, telles que les BET fluides3 et BET structures4 qui disposent de compétences techniques plus développées. Ainsi, l’augmentation des différentes exigences entraîne la formation d’équipes pluridisciplinaires de projet avec des acteurs complètement différents qui doivent être néanmoins capables de travailler ensemble. Cela conduit à un morcellement du processus de production gérée par un système de pilotage et une coordination qualifiée.

2

AMO, Assistance à la Maitrise d’Ouvrage

3 BET FLUIDE ( Bureau d’Études Techniques ) réalise la conception technique des lots plomberie, chauffage, ventilation et climatisation, etc. Il dessine les plans du dossier de consultation des entreprises et écrit le ou les CCTP correspondants 4 BET STRUCTURE, réalise la conception d’ouvrages structurels, qu’il s’agisse d’ouvrages en béton armé, en structure métallique, en structure bois ou en structure mixte. De manière restrictive, un BET structure peut être spécialisé dans l’un ou l’autre de ces types de structures.


ARCHITECTE

Conception

Coordination

Technique

Chantier: MOE+Entreprises

Programmation

Analyse contexte

Esthétique + usages

Esquisse, APS: Acteurs MOE

ARCHITECTE D’INTERIEUR

OPC Ordonnancement, Pilotage et Coordination

BET Structure, fluide, acoustique,...

PAYSAGISTE

AMOE Programmiste

AMOE HQE, Environnement,...

Missions pour lesquelles l’architecte maintient encore une certaine autonomie

Morcellement des métiers de la maîtrise d’oeuvre

49 |


Ce phénomène de différenciation est le résultat d’une prise de conscience à la fois de la maîtrise d’œuvre mais également d’ouvrage, chacune consciente du besoin de rassembler les compétences afin de répondre plus précisément aux différentes demandes d’un projet. L’instabilité de la profession trouve également ses explications au sein même de ce qu’elle est. Si pendant plusieurs siècles l’expertise de l’architecte était à peu près claire, aujourd’hui elle a du mal à affirmer son utilité sociale. Elle semble souffrir d’un manque de « définition » de ses actions et ses limites tout en s’efforçant de défendre son rôle de « concepteur-artiste ». De plus, la complexification des processus de projet a entraîné la multiplication des métiers de la maîtrise d’œuvre, divisant et ajoutant des nouvelles missions dans le déroulé de construction. Ainsi, il apparaît encore plus difficile pour les architectes de trouver une place au sein de la chaîne des acteurs de la conception du projet. De ce fait, elle tente de se trouver des niches afin d’exister et investir de nouveaux marchés et délaissent des activités qui faisaient sa connaissance publique. En conséquence, le métier semble faire face à ses difficultés, et s’affiche comme prête à reconnaître un besoin de changement dans sa pratique et son expertise afin de rebondir et de faire évoluer la profession dans son temps.

50 |


Sortir du lot et faire la diÊrence


02.03. Se réinventer pour lutter.

La crise a stimulé les architectes maître d’œuvre et les ont fait réfléchir sur leur propre situation professionnelle. Les difficultés économiques et la crise interne à la profession ont engendrés une clarification de la part des architectes sur leur position architecturale, leur vision de la conception et leur rôle dans l’interdisciplinarité professionnelle de la construction. Cette prise de conscience s’est traduite par le développement de nouvelles pratiques. Le panel de champ d’action des architectes s’est donc élargi que ce soit au sein de la maîtrise d’ouvrage, des politiques patrimoniales ou de la planification urbaine. Les architectes ont du se réinventer afin de faire face aux mutations du monde qui les entourent. Afin d’assurer une durabilité de la profession, le métier d’architecte s’est transformé, devenant ainsi « les métiers d’architectes ». La société ne semble pas avoir pris en compte entièrement ce bouleversement dans la profession, mais aujourd’hui cette dernière ne se limite plus à la pratique traditionnelle au sein d’une agence.

Les NTIC1 ont révolutionné le monde de l’architecture. En effet, entre dessin en deux et trois dimensions assisté par ordinateur, création d’images de synthèse, mise en page informatisée, impression rapide et précise, retouches d’images, les nouvelles technologies ont enva1 NTIC, Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication

52 |

hi les agences d’architecture mais surtout ont été créatrices d’emplois pour les architectes. Effectivement, de nombreux architectes ont profité de ce tournant dans la pratique architecturale pour se perfectionner dans les outils d’informatiques et proposer leurs services à d’autres agences (ventes d’image de synthèse en 3D, proposition de formations informatiques etc.) ou encore dans les domaines de la publicité, du graphisme et de l’illustration. Mais ce qui a révolutionné par dessus tout le domaine de la construction, c’est le BIM2. « Il s’agit d’une base de données standardisée, unique et partagée, capable de contenir toutes les informations techniques de l’ouvrage bâti, depuis la conception jusqu’à l’exploitation. »3 Cette maquette numérique permet de communiquer plus simplement sur un projet, et de retrouver, sur une plateforme unique tous les éléments qui constituent un projet (les documents administratifs, le chiffrage, les données techniques, esthétiques, architecturales etc.) La modélisation du bâtiment est alors poussée bien plus loin qu’elle ne l’était avant sur les logiciels déjà existants de 2D et 3D. Le BIM permet donc de fournir à tous les acteurs du projet un modèle commun à tous qui contient à la fois la géométrie du bâtiment mais également toutes les caractéristiques de ce dernier. Chaque corps de métier peut alors échanger, analyser, modifier sur ce support collectif. Le BIM s’affiche comme un outil révolution2 BIM, Building Information Modeling qui se traduit par Modélisation des Informations (ou données) du Bâtiment. 3 Source: Mediaconstruct


Coût moins élevé COÛT

QUALITÉ Communication Modèle unique Détection

BIM

DÉLAI 50% plus rapide Avantages du BIM

ci dessus: © Lili L’Archi - « Je sais faire du BIM ! »

DURABILITÉ Analyse Simulations

53 |


naire pour le domaine de l’architecture, et nombreux sont les architectes qui l’ont compris et peuvent prétendre à devenir chef de projet BIM, ou encore proposer au sein des entreprises ou cabinets d’architecture des formations à un coût souvent important. Par conséquent le BIM est un outil qui va devenir incontournable afin de « faciliter » le travail des architectes et la communication avec tous les acteurs participant aux phases de conception du projet. De plus, cette maquette numérique a totalement transformé les processus de conception en les modernisant entièrement. Concevoir avec le numérique, c’est mettre en place des nouveaux modes de travail, de nouvelles manières de voir et concevoir le projet. La conception devient alors beaucoup plus collective avec des acteurs bien plus investis et participatifs.

De plus, ces dernières années ont été marquées par une multitude de nouveaux métiers qui sont apparus. C’est le résultat de la complexification et de la multiplication des missions dans le domaine de la construction. De ce fait, un grand nombre d’architectes cherche à se spécialiser afin de se donner plus de chances d’investir des marchés ainsi que pour diversifier leur expertise. On assiste alors à des spécialisations dans les domaines liés à l’architecture tels que: l’urbanisme, le paysagisme, la scénographie, l’infographie etc. Egalement, la segmentation des activités provoque la naissance de nouvelles missions telles que la programmation, le conseil, la médiation ou encore la coordination et le contrôle. Les activités de conseil par exemple, sont de plus en plus importantes dans les activités du métier et témoignent d’un élargissement du panel des champs d’action des architectes. On peut expliquer cette multiplication des métiers par la croissance accrue de la concurrence qui demande alors aux architectes une augmentation de leurs compétences. De plus, 54 |

se spécialiser en plus de sa formation d’architecte permet de faire face à un nouveau marché avec souvent un peu moins de concurrence. De surcroît, afin de répondre plus facilement aux nouvelles contraintes des différents projets, la profession d’architecte est en train de mettre en place des nouvelles stratégies organisationnelles et structurelles. Ils sont, de plus en plus, dans une démarche de mise en réseau, et s’associent à d’autres professionnels afin de diversifier leurs expertises et pourvoir atteindre de nouveaux marchés. Se regrouper, unir ses forces, est une des formes de réaction de la part de la profession. En effet, les architectes ressentent avec la crise économique, et la multiplication des missions dans la chaîne de construction, la nécessité d’associer leurs compétences à d’autres. Pour certains, le regroupement des agences serait le moyen d’avoir une structure plus importante, et de ce fait une crédibilité plus importante sur les différents marchés de la construction. Ainsi, il serait plus simple pour ces « entreprises » plus conséquentes de décrocher un projet, ou encore, de pouvoir candidater à des concours de plus grande envergure. Il est difficile pour les architectes de se développer, d’innover, d’inventer tous seuls dans leur coin. Comment rivaliser face à des grandes entreprises de BTP, et des maîtres d’ouvrages publics ou privés au chiffre d’affaire « x » fois plus élevé. Les agences de la nouvelle génération sont donc de plus en plus des regroupements et associations. Ces derniers permettent aux agences de gagner en force, en capital et d’avoir un poids plus conséquent face aux « grands » maîtres d’ouvrages qui profitent parfois de la faiblesse de la majorité des agences. Se regrouper signifie partager le pouvoir et les responsabilités. Par conséquent, les patrons doivent être capable d’inclure dans les décisions les employés les plus à même d’assumer cette responsabilité afin d’éviter qu’ils


55 |


ne fuient vers la concurrence mais également pour la durabilité de l’agence. De nos jours ces deux phénomènes sont les explications de la multitude d’agences existantes ainsi que de la perte des savoirs faire (avec la fermeture des agences de renommée à la mort du « patron créateur » ) . Il faut transmettre l’architecture pour ne pas la laisser finir dans des vieux cartons d’archives. Se rassembler serait la possibilité de se reconcentrer sur l’essentiel du projet, sans être « pollué » par une comptabilité mal faite et un compte en banque presque vide. Cette idée fait l’objet de nombreux débats avec des architectes qui souhaitent justement éviter de tomber dans l’esprit de la « grosse boîte d’architecture », celle qui fait de l’argent et qui lésigne un peu sur la qualité! Néanmoins , une première forme de regroupement fait son apparition depuis la fin des années 90, avec une nouvelle manière de « faire de l’architecture ». On parle alors des collectifs d’architecture. Ces derniers mettent en avant des nouvelles façons de pratiquer la profession à travers des démarches alternatives à la conception traditionnelle du projet d’architecture ou d’urbanisme. Ces collectifs interviennent dans le cadre de projets à petite échelle afin de permettre la participation des habitants. Ces regroupements proches des populations, allient participation démocratique et médiation de projet. A travers cette méthodologie naissante d’expérimentation à échelle 1, une nouvelle forme de socialisation de l’activité des architectes semble être mise 56 |

en oeuvre. Se rassembler avec d’autres professionnels, c’est aussi « sortir des cases », ouvrir les champs d’activité d’une structure d’architecture, se diversifier. Et l’avenir du monde pousse à cela tant dans le monde du travail que dans le système universitaire où les disciplines ne cessent de se croiser.



02.04 Bruit du frigo: un véritable hybride

Bruit du frigo, est un collectif installé à Bordeaux depuis plus de quinze ans. Il se décrit comme « un hybride entre bureau d’étude urbain, collectif de création et structure d’éducation populaire. » Depuis de nombreuses années, ce collectif se consacre à la ville avec un grand V et à l’appropriation des lieux par les habitants. Fabrique d’imaginaire urbain, il se situe à la croisée entre l’architecture, l’éducation ainsi que la démarche culturelle et artistique. Il a pour but de sensibiliser et mobiliser les citoyens sur le thème de la vile. À travers des démarches participatives, artistiques et culturelles, l ’équipe propose une nouvelle manière d’imaginer et de fabriquer un nouveau cadre de vie. Il se compose d’une équipe pluridisciplinaire: architectes, vidéastes, sociologues, professeurs universitaires et artistes. Sa multitude de profils permet à ce collectif d’aborder à plusieurs échelles et avec une pluralité de points de vue la question architecturale et urbaine. Cette association composite bordelaise travaille pour les villes et les collectivités autour de démarches artistiques et participatives qui cherchent à impliquer les citoyens dans la définition et la fabrication de leur cadre de vie. Il intervient sur différents territoires urbains et dans des directions variées. De plus, il cherche à se réconcilier avec l’idée d’une démocratie locale et la transformation de cadres urbains déterminés.

58 |

Bruit du frigo, fort de proposition, cherche à initier des projets, à s’intéresser à des sujets sur des territoires précis, travaille avec les populations puis, dans un deuxième temps, essaye d’y impliquer les partenaires publics. En effet, on constate qu’aujourd’hui, les collectivités sont de plus en plus sensibles à ce genre d’accompagnement urbain et cherchent à les intégrer dans le processus de fabrication de la ville. De plus, ils souhaitent insérer ce genre de compétences au côté des maîtres d’oeuvres traditionnels: architectes, urbanistes, paysagistes. En terme de financement, ces initiatives sont soutenues par le biais de subventions publiques sur des projets choisis par l’Etat, ou à l’issue d’une réponse à des appels d’offre. Le projet du collectif Bruit du frigo est né en 1977 d’une rupture avec la formation d’architecture, et plus précisément l’école d’architecture de Bordeaux. En effet, les fondateurs du collectif, Yvan Detraz et Gabi Farage estiment qu’il y a un décalage trop important entre ce qui est enseigné du métier et ce qu’il en est vraiment dans la réalité.

«La question du commanditaire « à qui se destine l’acte architectural et urbain » procédait d’une modélisation »1 1 FARAGE Gabi, architecte plasticien, cofondateur de Bruit du frigo et de la fabrique artistique Pola


ci dessous: « Le Ring » Bataille urbaine, un corps à corps d’idées percutantes Bordeaux (33) — 28 juin au 26 juillet 2013

ci dessus: « Le Tube», Le Parc dont vous êtes le héros Estacade – Cenon — Mars 2016

Refuge périurbain: « Le Prisme» Lou Andréa Lassalle Plan d’eau de La Blanche, Ambarès-et-Lagrave (33) — octobre 2016

59 |


Les deux hommes renoncent à dessiner et faire des plans pour les autres. De plus, le message véhiculé par l’école de pluridisciplinarité, d’adaptation et de communication avec les autres professions ne leur semblait pas vraiment appliqué dans la pratique. Ce qui les intéressait plus que tout c’était de détourner des formes dans l’espace, des fonctions et imaginer de nouveaux usages ludiques, formels voire même illicites. Pour eux, faire un projet, c’est partager avec les différents acteurs .

« J’ai pris la décision de descendre dans la rue et de travailler avec les gens, d’observer comment ils s’appropriaient l’espace et le détournaient.»1 1

De plus, l’idée n’est pas de faire de l’architecture gratuitement pour faire de l’architecture, mais de penser l’espace habité. Le point de départ est toujours le territoire de projet. Il s’agit de comprendre comment il fonctionne, par qui il est parcouru, de quelle manière il est pratiqué et ce qu’on y fait . A partir de ces questions, des ateliers sont mis en place afin d’échanger les premières propositions, les ressentis. Chacun développe l’axe qu’il souhaite puis choisit une part du projet collectif sur lequel il souhaite plus s’investir. Bruit du frigo s’appuie alors sur la concertation de proximité afin de développer tous ses projets. Le collectif fait alors preuve d’un engagement dans les transformations de l’espace public. Le but de chacune de ses actions et de comprendre les besoins et les rêves inavoués de 1 « Le Frigo ne ronronne pas », Entretien avec Gabi Farage Propos recueillis par Valérie de Saint-Do

60 |

Fig.1 LIEUX POSSIBLES / Ville créative et développement désirable Affiche épisode 2 - Le jardin des remparts Bruit du frigo

chacun. Les projets sont possibles grâce à l’aide des « complices » comme les nomme Gabi Farage. Les réflexions sont ainsi ouvertes à tous: habitants, promeneurs, enfants, familles, professionnels... Bruit du frigo maîtrise son territoire. Parcouru des dizaines de fois en voiture, radeau, scooter, à pied ou encore à vélo, leur exploration urbaine est sans fin. Le projet « Lieux possibles » en est un exemple parlant (Fig.1 et 2). Entre le printemps 2010 et le printemps 2012, Bruit du frigo a imaginé un projet en cinq épisodes sur cinq lieux de l’agglomération bordelaise : le slogan,

« Ville créative et développement désirable »


Bruit du frigo propose à travers cette intervention une installation révélant le potentiel poétique du territoire concerné en proposant de nouveaux usages et contribue, de ce fait, à enrichir l’espace public en y créant des espaces collectifs attrayants. Bruit du frigo a observé puis agencé les potentiels dégagés de cette exploration collective. Les constructions du Cabanon vertical (Fig.2) offre en journée la possibilité de pratiquer librement les installations et proposent en soirée des expériences insolites : banquet bordelais composé par Jean Pierre Xiradakis du fameux restaurant bordelais La Tupina et nuit d’hôtel en caravane. Bruit du frigo semble alors avoir donné l’impulsion, générer un élan chez les nouveaux jardiniers du quartier pour faire exister dans le temps et réveiller ce site privilégié en plein centre historique de Bordeaux

Fig.2 LIEUX POSSIBLES / Ville créative et développement désirable Le Cabanon Vertical - Le jardin des remparts (2010) Bruit du frigo

Le principe de ce projet est de redécouvrir ou découvrir un espace de la ville considéré comme banal ou même inaccessible pour proposer un nouvel usage qui sera temporaire. Par exemple, dans l’épisode 2 du jardin des remparts, îlot calme et verdoyant en plein quartier des Capucins, le jardin se dévoile pour quelques jours et offre aux usagers des chaises longues pour se détendre et profiter de la fraîcheur de l’espace. Une équipe d’habitants, d’associations et d’artistes ont investi le territoire en créant un mobilier en bois sur mesure qui serpente dans la longueur de la parcelle comme un chemin sous les arbres. Le matin, le jardin est réservé aux associations et se transforme en salon de thé tous les après-midi.

Le collectif bordelais met également en place des « ateliers d’urbanisme utopique »1. Ces derniers se présentent sous la forme de petites séances de consultations urbaines collectives. L’objectif de ces micro-séminaires, est d’offrir la possibilité aux habitants de formuler sous forme d’image ou de texte un aménagement d’un espace public qu’ils souhaiteraient ou qu’ils auraient imaginé. Toute idée est autorisée, qu’elle soit viable ou totalement fantasmée. L’idée est de collecter tous les « matériaux sensoriels » imaginables et de les archiver afin de pouvoir les reconsulter et les transmettre, par exemple, aux élus afin de démontrer l’envie forte de la part d’un échantillon de « complices ».

La pratique du métier d’architecte pour le collectif Bruit du frigo se retrouve bien dans la 1 LES ATELIERS D’URBANISME UTOPIQUE. Projet Bruit du frigo à Bordeaux puis Mazière en Gâtine et Paris 20éme. Projets réalisés en 2006, 2009 et 2010.

61 |


construction. Même si cette dernière est pour la plupart du temps que pour quelques mois, elle offre la possibilité de mettre en avant un espace délaissé, offrant alors une expérience insolite à ses usagers. Bruit du frigo conçoit en totalité les installations qu’elle met en place sur ses différentes interventions avec l’aide de son réseau d’artisans constitués depuis plusieurs années. Par exemple, les « bains de plantes » qui ont été installés le long de la Garonne, (Fig.1) ou encore « une plage à la campagne » imaginée en 2010 à Beaudésert. (Fig.2) La présence humaine dans tous ces projets est une des données dominantes. Que les gens soient acteurs ou spectateurs, ils sont nécessaires à l’évolution du projet. Les personnes concernées deviennent alors support de projet, un véritable matériau pour la création, à eux de créer leur cadre de vie. Une fois le projet terminé, c’est bien cette matière humaine qui le fait perdurer et le fait vivre. Enfin, ce qui rend le travail de Bruit du frigo particulièrement singulier est son rapport au site. Ce dernier est mesuré, fin et discret. Il n’est pas question de détruire l’existant, mais de le transformer, de le réinventer et de porter un nouveau regard sur lui par le biais de nouvelles installations temporaires urbaines et architecturales. Le collectif vient s’accoler, se greffer, répondre à un élément déjà existant de manière temporaire et prend en compte toutes les données du site. Il s’agit alors d’analyser ce dernier, de le com62 |

prendre, de l’observer, d’en cerner ses limites, ses accès, ses pratiques afin d’intervenir de manière cohérente, réelle et surtout à échelle humaine.

Ainsi, le collectif bordelais Bruit du Frigo s’affiche comme une nouvelle manière de penser l’architecture et l’urbanisme. Il s’inscrit de toute évidence dans un contexte complexifié du métier d’architecte. Son approche sensible et collective forme une réponse cohérente à la réinvention du métier d’architecte. Il a su comprendre les nouveaux enjeux que sont la pluridisciplinarité et la participation humaine. On compte de nombreux collectifs qui tentent d’expérimenter des pratiques alternatives dans le domaine architectural et urbain: Bellastock, Les Saprophytes, Cochenko, le Collectif Fil etc. Optimistes et engagés, ces jeunes collectifs proposent également de renouer le contact et la communication avec leurs voisins. Ainsi, ces nombreuses initiatives explorent l’idée une nouvelle place pour l’architecte dans la fabrique architecturale et urbaine.


Fig.1 Lieux possibles 1 Ville créative et développement désirable Bordeaux (33) — Juin 2008

Fig.2 Lieux Possibles 2 / épisode #1 La Plage, mirage à Beaudésert Été 2010

63 |



03. Réduire le décalage entre représentation et réalité. Une enquête téléphonique a été réalisée en juillet 2011, à l’occasion du lancement de la nouvelle formule d’AMC1 auprès du grand public (un représentatif de neuf cent personnes de la population française âgée de plus de 18 ans) fait ressortir que 73 % des Français estiment que l’architecture est une discipline compliquée à cerner. En effet, tant le grand public que les architectes mettent en avant le problème de communication de la profession.

« Le manque de culture architecturale en France est flagrant » 2 Il apparaît comme indéniable que la profession souffre d’un manque de communication. Le grand public a tendance à se raccrocher à une définition obsolète et la profession, qui s’est réinventée et diversifiée depuis plusieurs décennies, peine à se faire entendre par la société. C’est dans ce cadre là et dans le contexte de crise que de nombreux acteurs s’attachent à promouvoir le métier d’architecte, le protéger et le faire connaître aux yeux de tous. Cela passe alors par l’information, le système éducatif, et la découverte de l’architecture. Entre organismes publics, L’Ordre des architectes, les Maisons de l’Architecture, centres d’architecture, les ministères et les écoles d’architecture, tous travaillent dans l’idée de

rendre compte de l’utilité de l’architecture, de son évolution, et de ses pratiques. Ces nombreuses initiatives permettent d’établir un état des lieux de la profession, de sensibiliser le grand public et de diffuser la culture architecturale et urbaine par le biais de différents supports de communication: presse, conférences, expositions, débats, rencontres etc. Communiquer sur le métier d’architecture permet aux professionnels de la construction d’être mieux connu par le grand public et les décideurs ainsi que de présenter toutes les formes d’exercices qui composent les architectes. De plus, offrir une meilleure compréhension du métier à tous aide à réduire le décalage entre les représentations de que l’on peut se faire du métier et l’actuelle pratique.

1 AMC, Architecture Mouvement Continuité, est un magazine spécialisé dans l’actualité architecturale française et dans une moindre mesure internationale, publié en France par le Groupe Moniteur. 2 MANIÈRE Marie-Françoise, présidente de l’UNSFA (Union Nationale des Syndicats Français d’Architectes)

65 |


03.01. Des organismes de pilotage qui donnent l’impulsion

Les architectes se sont réinventés ! Leurs pratiques ont évoluées, les processus de construction se sont complexifiés, et les acteurs de la chaîne de l’acte de bâtir se sont multipliés. Ainsi, la visibilité des architectes est rendue difficile par ces nombreux changements. De plus, le métier d’architecte relève du «mystère» pour une partie du grand public. Les architectes peinent à faire entendre aux spectateurs de la ville leur utilité sociale alors qu’ils ont pour missions d’assurer le bien être de tous et la fabrication de cadres de vie de qualité. Pour tous ces professionnels, l’Ordre des architectes constitue un premier outil fédérateur de leur patrimoine commun composé de valeurs et de principes. Fondé en France à la suite d’un projet de Jean Zay1 en 1945 et présidé aujourd’hui par Catherine Jacquot , L’Ordre a pour objectif de défendre la profession, de veiller à la protection de son titre, de garantir le respect des règles déontologiques, de s’occuper de l’organisation de l’enseignement et de représenter la profession auprès des pouvoirs publics et des instances internatonales.

Fig.1 Logo de l’Ordre des Architectes

L’Ordre des architectes agit pour réaffir mer le rôle essentiel des architectes dans la fabrication de la ville pour un urbanis me rénové et écologique, dans la cons truction neuve et dans la réhabilitation vers une transition qui place la sobriété énergétique au cœur d’un nouveau mode de vie2 Un architecte doit détenir la HMONP3 pour pouvoir appartenir à l’Ordre. Cette inscription sur le tableau de l’Ordre des architectes de sa région l’engage à respecter le code des devoirs professionnels des architectes, règles qui défi-

1 ZAY Jean (1904-1944), avocat et homme politique français, ministre de l’Education nationale et des Beaux- Arts en 1936.

66 |

2 JACQUOT Catherine, présidente du Conseil national Extrait de l’Observatoire 2014 de l’Ordre des Architecte, 3 propre

HMONP, habilitation à la maîtrise d’oeuvre en son nom


Fig.2 Diriez vous que vous avez globalement une très bonne, assez bonne, assez mauvaise ou une très mauvaise opinion de l’Ordre des architectes?

source: Observatoire 2014 de la profession d’architecte Conseil National de l’Ordre des architectes

nissent ses missions, son statut et ses devoirs. De plus, son inscription lui transmet l’accès à son titre d’architecte ainsi que le droit d’exercer son métier sur tout le territoire national. En contre partie, les architectes versent une cotisation annuelle fixée par le Conseil National de l’Ordre. L’Ordre des architectes est à l’initiative de nombreuses concrétisations locales comme par exemple, les Maisons de l’architecture qui accueillent nombres d’expositions et de conférences autour des pratiques et réalisations des architectes. Selon l’Observatoire 2014 de la profession, l’image de l’Ordre est majoritairement positive pour les architectes avec plus d’un sur deux ayant une bonne opinion (Fig.1) . Cette der-

nière est tirée par les femmes et les salariés. De plus, les professionnels qui ont une bonne opinion du CNOA1 exercent souvent dans des structures importantes aux budgets conséquents. Cependant, il est important de constater que certains d’entre eux trouvent que le CNOA est quelques fois trop à côté des réalités, et qu’il n’est pas assez présent dans l’arbitrage des conflits. Certains mêmes affirment que l’Ordre n’a aucune incidence sur leur vie professionnelle. D’une manière générale, il est intéressant d’observer que parmi les architectes ayant une mauvaise, voire une très mauvaise image de l’Ordre, se retrouvent les professionnels décla1

CNOA, Conseil National de l’Ordre des architectes

67 |


rant s’y adresser pour des raisons techniques, obligatoires (démarches d’inscription et de cotisation par exemple). À l’inverse, parmi les architectes ayant une bonne opinion de leur représentation, une plus grande partie déclare consulter l’Ordre pour des raisons d’aide technique ou juridique, de formation, etc. (Fig.3). Une majorité des professionnels se montre satisfaite de ses contacts avec l’Ordre qui semble remplir les missions qu’il s’était fixées en terme de déontologie et de communication auprès des architectes. (Fig.4 et 5) Cependant, dans le détail, il semblerait que les architectes ne soient pas satisfaits par une pluralité d’objectifs censés être exécutées comme par exemple la défense de la profession. Effectivement, les architectes attendent du CNOA qu’ils véhiculent une bonne image du métier à la fois au niveau du grand public mais aussi auprès des pouvoirs publics. Le Conseil National de l’Ordre des architectes s’affiche comme un élément de pilotage majeur de la profession d’architecte. A l’aide de différents outils, il contribue au renforcement des compétences des professionnels (formation), s’attache à défendre ses valeurs et son identité, et expose au grand public et aux acteurs nationaux et internationaux les nouvelles préoccupations et exigences du métier.

68 |


Fig.3 Votre (vos) contact(s) avec le Conseil national ou votre Conseil régional avait pour objet d’aborder un sujet en rapport avec… ? (Plusieurs réponses possibles)

Fig.4 Diriez-vous que ce contact avec le Conseil national ou votre Conseil régional…

Fig.5 Pour chacun des qualificatifs suivants, diriez-vous qu’il s’applique plutôt bien ou plutôt mal à l’Ordre des architectes ?

source: Observatoire 2014 de la profession d’architecte Conseil National de l’Ordre des architectes

69 |


L’Etat central joue un rôle pilote dans la diffusion des enjeux liés à l’architecture. En effet, le Ministre de la culture et de la communication est responsable de la politique de l’architecture. A ce titre, elle favorise la création architecturale et veille à la promotion de la qualité architecturale et paysagère dans les espaces naturels et bâtis. On peut citer à ce propos la création de labels comme le Label Patrimoine, « Villes et Pays d’art et d’histoire » qui

qualifie des territoires, communes ou regroupements de communes qui, conscients des enjeux que représente l’appropriation de leur architecture et de leur patrimoine par les habitants, s’en gagent dans une démarche active de connaissance, de conservation, de médiation et de soutien à la création et à la qualité architecturale et du cadre de vie1.

Si la sensibilisation concrète à l’architecture se réalise dans divers initiatives locales et dans des structures plus ou moins indépendantes, ce qui attire notre attention ici est la dynamique impulsée par les pouvoirs publics. La ministre Audrey Azoulay déclarait lors de sa prise de fonction vouloir « rendre la culture accessible à tous », et dans cet esprit, un effort particulier est donné en matière d’architecture. Le ministère prend ainsi en charge toutes les structures dédiées à ces enjeux de sensibilisation. Par exemple, le pavillon français de la Biennale internationale d’architecture de Venise participe à cet effort en mettant en lumière les projets jugés « ordinaires » situés en France et qui pourtant forment notre espace du quotidien. De plus, la loi du 7 juillet 2016 qui concerne 1 Site officiel du Ministère de la Culture et de la Communication http://www.culturecommunication.gouv.fr/Aides-demarches/ Protections-labels-et-appellations/Label-Ville-et-Pays-d-art-etd-histoire

70 |

Logo actuel du label « villes et pays d’art et d’histoire » (depuis 2015).

la liberté de la création, l’architecture et le patrimoine, s’engage a offrir une architecture qualitative sur tout le territoire national. Elle garantit également de remettre en avant les architectes dans les démarches créatives de notre environnement de proximité. La Stratégie nationale pour l’architecture mise en place par Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication a pour objectif de donner une nouvelle impulsion a une politique qui a été pendant plusieurs années réduite à l’exceptionnel. De plus, cette stratégie vise à soutenir la profession d’architecte qui a été brutalement touché par la crise financière et du bâtiment. Ainsi il s’agit de rouvrir les perspectives du métier tant admiré à l’échelle nationale et internationale pour ses réalisations qui font aujourd’hui la fierté et la force de notre pays. Les architectes doivent se rapprocher des domaines connexes qui sont la construction et le cadre de vie. La Stratégie nationale pour l’architecture vise a continuer


Bruno Levy/Le Moniteur - Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication.

de donner a chacun le droit de vivre dans un cadre de vie meilleur ou dans un habitat transfiguré, car il a été dessiné, imaginé et conçu par les architectes. Ce plan d’actions lancé par le Ministère est de toute évidence lié à d’autres structures gouvernementales comme par exemple avec l’Assemblée Nationale qui a voté le projet de loi de la liberté de création à l’architecture et au patrimoine. Selon Fleur Pellerin, « le rayonnement de l’architecture et sa réussite culturelle et technique reposent sur le trépied de l’enseignement, de la recherche et des métiers et les écoles d’architecture en sont l’épicentre ». Enfin, ce programme souhaite aider à la visibilité de des architectes afin qu’ils continuent à se réinventer, à donner du sens aux lieux dans lesquels nous vivons, à transformer notre quotidien et à l’embellir. Ainsi, la ministre de la culture et de la communication affirme vouloir accentuer les missions des Conseils d’architecture, d’urbanisme et de

l’environnement (CAUE), abaisser le seuil du recours obligatoire à 150 m2, ou encore simplifier le processus pour obtenir les permis de construire. De plus, elle insiste sur le fait de réaffirmer aux yeux de tous l’intérêt social et la qualité constructive dont font preuve les architectes Le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine prévoit alors la possibilité, à titre expérimental, de déroger, de façon temporaire et encadrée, pour des équipements publics, à certaines règles en vigueur, comme par exemple l’accessibilité.1 Le Conseil de l’ordre des architectes (Cnoa), soutient cette initiative et s’engage à mettre en œuvre ces mesures. « La mise en œuvre de la Stratégie est possible, mais né1 « Stratégie nationale pour l’architecture : 30 mesures, 6 axes » C.L., le 20/10/2015

71 |


cessite une mission interministérielle pour un suivi permanent. Il ne faudrait pas s’arrêter en si bon chemin », plaide Catherine Jacquot, présidente de l’Ordre, qui espère avoir été entendue par la ministre… C’est également dans ce cadre de volonté de sensibiliser et développer la connaissance de l’architecture par le grand public et l’ensemble des acteurs publics et privés de la construction, que les Journées nationales de l’architecture ont été mises en place. Elles ont pour objectif de rassembler autour d’événements festifs et pédagogiques les petits et les grands. Cette volonté de promouvoir l’architecture au niveau national permet de créer des conditions propices au développement à l’affirmation des nouvelles pratiques professionnelles des architectes. Ce rôle moteur des politiques publiques et des représentants de l’Etat permet de donner un cadre général et de créer un nouvel espace aux architectes dans la société et les mentalités. Il est intéressant pour nous de noter que le déploiement d’initiatives concrètes s’articulent avec une prise de conscience des pouvoirs publics. Effectivement, ces derniers pouvant donner leur légitimité aux projets concrétisés à l’échelle locale.

72 |


73 |


03.02. Des aboutissements locaux concrets

L’architecture et la ville nous concernent tous, et c’est pourquoi il paraît important qu’il existe des lieux où les professionnels qui font l’architecture et la ville et ceux qui l’habitent puissent se rencontrer, echanger et faire connaître leur travail. Les Maisons de l’Architecture ont vocation à faire la promotion auprès de tous les acteurs de la ville et au grand public, des questionnements relatifs à l’architecture et l’urbanisme. À travers des programmes qui privilégient la réflexion et les échanges, ces structures s’attachent à mettre en lumière les professions concernées par la question urbaine et architecturale, d’exposer leurs pratiques et leurs réalisations. Habitants, élus, architectes, promoteurs publics et privés, entrepreneurs, industriels, financiers, tous sont requis dans la formation de nos villes, tous sont donc invités à s’investir et à prendre posses sion de ce lieu qui devrait être le leur, le lieu de toutes les rencontres qui ne se font pas ailleurs ; car c’est le propre de la ville, objet de nos recherches, et c’est là l’origine de ses richesses. 1 Les Maisons de l’architecture sont principalement dirigées par des architectes et font preuve d’une grande liberté dans leurs actions. Les membres qui les composent mettent en place une programmation culturelle et des outils de diffusion pour une ouverture vers tous 1 Extrait du texte fondateur de la Maison de l’architecture de Toulouse, janvier 2000

74 |

les publics. Le Réseau des Maisons de l’architecture a été constitué en 2004 pour partager les expériences, les savoir-faire de chacune et pour transmettre, auprès de tous les publics, une meilleure connaissance de l’architecture contemporaine. 2 Issues d’une envie commune de la part des architectes, les trente quatre Maisons de l’architecture françaises occupent une place majeure dans la médiation de l’architecture et de l’urbanisme. Situées aux quatre coins de la France, elles outiennent de manière dynamique et vivante la culture architecturale. Le 308 à Bordeaux, apparaît parmi elles comme une structure au rayonnement important. En effet, avec sa programmation riche en évènements, visites commentées, conférences et débats, sa fréquentation ne cesse de croître. Il regroupe quatre structures complémentaires : – La Maison de l’architecture d’Aquitaine – Le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes d’Aquitaine – Le Centre de Formation des Architectes d’Aquitaine – Architecture & Commande publique Cette ancienne usine est un lieu pour se ras2 Site officiel de l’Ordre des architectes http://www.architectes.org/le-reseau-des-maisons-de-l-architecture


ci dessous: Promouvoir l’architecture, un objectif commun aux Maisons de l’architecture

ci dessus: «Log o du réseau des maisons de l’archietcture

Portes ouvertes de la Maison de l’architecture de Midi-Pyrénées (juin 2016) source: site officiel de la Maison de l’architecture de Midi-Pyrénées

75 |


sembler, s’informer, échanger, former et exposer. De plus, un journal est publié cinq fois dans l’année, apparaissant comme une véritable vitrine des actualités des architectes mais également un support d’échanges entre spécialistes, apprentis, et novices en architecture. De surcroît, ils organisent des sessions de portes ouvertes afin de « démystifier » la profession et lutter contre le manque de communication qui fait souffrir la profession. L’objectif de cet évènement est de faire oublier au grand public les préjugés qu’il peut avoir sur la profession, et lui offrir la possibilité de découvrir leurs productions ainsi que leurs préoccupations du moment. De manière ludique, esthétique, ou encore par le biais de rencontres avec des professionnels, le 308 permet de rendre accessible au plus grand nombre les savoir-faire des architectes et des acteurs de la ville.

La Maison de l’architecture d’île de France, par exemple, présente, elle aussi, les mêmes objectifs. Véritable lieu culturel autour des questions de la fabrication de la ville, elle s’attache à promouvoir le plaisir de l’architecture. Elle s’inscrit parfaitement dans les actualités de la région et propose une visibilité sur les grandes opérations métropolitaines et les nouveaux quartiers urbains. Cependant, avec la création de la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris, elle a décidé de se concentrer sur les problématiques hors de Paris intra-muros. La Cité de l’architecture et du patrimoine, installée dans le Palais de Chaillot, Place du Trocadéro en plein centre de la capitale, apparaît comme le plus grand centre d’architecture du monde. Il est placé sous la tutelle du Ministère de la Culture et de la Communication, et s’engage également à assumer la promotion architecturale et urbaine en proposant une visibilité sur les réalisations emblématiques nationales et internationales. (Fig.1 et 2) 76 |

308-Maison de l’Architecture (doc. Maison de l’Architecture)

Ce lieu incontournable de l’architecture est une référence pour les professionnels et les étudiants de l’acte de construire. Il est évident que ces différentes démarches sont bénéfiques pour la culture architecturale des français. Sa visibilité internationale fait de cet espace une référence afin d’avoir un aperçu global de ce qu’est l’architecture aujourd’hui. « Elle se situe ainsi au croisement de la création, de l’innovation technologique et de la responsabilité sociale des acteurs de la Ville »1 De plus, les expositions temporaires qu’elle propose mettent en lumière sur des pratiques architecturales diverses actuelles ou anciennes. La Direction des publics propose, quant à elle, des activités pour les petits et les grands afin 1 https://www.franceculture.fr/conferences/cite-de-larchitecture-et-du-patrimoine


Fig.1 Reproduction à l’échelle 1 d’un appartement de la Cité Radieuse de Le Corbusier Salle d’exposition permanente Cité d’architecture et du patrimoine

Fig.2 Maquettes exposées de projets architecturaux et urbains emblématiques Salle d’exposition permanente Cité d’architecture et du patrimoine

77 |


d’offrir un nouveau point de vue sur ce qu’est l’architecture. Par le biais de rencontres, de visites autonomes et des chantiers afin de sensbiliser aux différentes démarches artistiques, constructives et techniques. A Bordeaux, c’est en 1981, que le centre d’architecture naît. Arc en rêve mène également, des missions de médiation, de sensibilisation à l’architecture, et de promotion d’un cadre de vie meilleur. Situé, dans le centre historique de la ville, il fait figure d’outil essentiel à la métropole bordelaise en terme de savoirs et de découvertes. Les plus grands architectes du monde ont contribué à cette réussite fondée par Francine Fort et Michel Jacques. Le centre d’architecture a produit un grand nombre d’exposition, de conférences et d’activités en tout genre pour tous les publics.

Ainsi ces nombreuses démarches de promotion de l’architecture rendent compte des différentes pratiques des architectes et enrichissent la culture du grand public. En complément à ces initiatives, les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) viennent compléter à l’échelle départementale les actions de promotion urbaine. Dans un esprit de pluridisciplinarité, ils se composent d’architectes, d’urbanistes, de sociologues, de documentalistes etc. Ils assurent des missions de services publics pour la promotion de la qualité et culture architecturale. Les CAUE proposent en plus d’actions concrètes d’information et de promotion, des prestations ayant pour visée d’ accompagner et de conseiller, à la fois les maîtres d’ouvrage dans leur relation avec la maîtrise d’oeuvre, mais aussi les personnes désireuses de construire. Effectivement, les CAUE fournissent gratuitement des informations et orientations techniques pour les professionnels publics et privés ansi que pour les 78 |

particuliers. De plus, ces organismes contribuent à la formation et au perfectionnement des professionnels de la construction. En effet, ils mettent en place des formations à destination des élus qui visent à mieux comprendre leurs territoires avec leurs mutations. Des journées thématiques de réflexion et de travail sont également mises en place pour les différents acteurs de la construction.

Ces organismes publics encouragés par le Ministère de la culture et de la communication permettent aujourd’hui d’offrir une meilleure visibilité aux architectes. En effet, ces derniers se différencient de plus en plus avec les mutations que la profession subit et le public ne semble pas le comprendre réelement. Ainsi, le communiquer sous différentes formes est un moyen pour les architectes d’être reconnus dans la société, d’être mieux compris, et de pouvoir montrer leur utilité sociale. Ces organismes participent donc à lutter contre les stéréotypes qui peuvent peser sur la profession et rendre plus accessible un métier qui semble difficile à cerner.


ci dessus: Affiche pour les Journées nationales de l’architecture ci dessous: logo de la Fédération Nationale des CAUE

Vue de l’exposition « Constellations » : réfléxions sur les différentes formes d’habitat dans le monde Rodolphe Escher Centre d’architecture de Bordeaux

79 |


03.03. Enseigner et préparer au métier « des architectes »

La crise interne de la profession d’architecte engendre une remise en question de l’enseignement des Écoles Supérieures d’Architectures Françaises (ENSA) qui sembleraient en décalage avec la réalité du métier. Comment enseigner une discipline qui est en constante mutation, face à une augmentation des exigences, et une multiplication des enjeux?

« Nous nous devons, en tant qu’enseignants, en tant que chercheurs et en tant que praticiens de l’architecture, de fixer les objectifs d’évolution théoriques et pratiques de notre discipline à moyens et à longs termes(…) »1 Enseigner signifie selon le dictionnaire Larousse « faire apprendre une science, un art, une discipline à quelqu’un, à un groupe, le lui expliquer en lui donnant des cours, des leçons ». Dans le cas de la formation en architecture, elle transmet à des étudiants des connaissances architecturales, urbaines, sociologiques, historiques etc. Elle s’appuie sur des explications théoriques. Mais cette théorie ne

1 LOIRET Paul Emmanuel, architecte, Article « Quel projet pour l’architecture de demain ? », d’A, 14.10.14

80 |

Théorie de l’architecture Christof Thoenes, avril 2003

se base t-elle pas quelque fois sur des doctrines dépassées et plus adaptées aux « métiers d’architectes » ? C’est alors dans le cadre de l’atelier de projet que la théorie trouve ou pas toute sa cohérence. Cependant la théorie apparaît parfois comme inadaptée à la réalité. Ne serait-il pas le moment de réinventer un nouveau support afin de promouvoir la qualité architecturale actuelle et les nouvelles stratégies ? Les questionnaires diffusés auprès des élèves de master en école d’architecture font ressortir de manière nette l’inadéquation existante


Fig.1 Penses tu que les études d’architecture reflètent la pratique réelle du métier d’architecte? ( échantillon de 211 personnes en master au sein d’une école d’architecture française) 95 (45%)

100

50

54 (25.6%)

48 (22.7%)

13 (6,2%) 1 (0.5%) 0 1

2

entre la formation de l’enseignement supérieur et la réalité du métier (Fig.1). En effet, quelle que soit l’école d’architecture où ces répondants ont suivi leur formation, il semblerait que l’image véhiculée par celles-ci relève plus d’une représentation symbolique de l’architecte créateur, en tant que concepteur inspiré, libre et indépendant, qui n’est plus en phase avec la réelle pratique professionnelle. L’existence de cette contradiction entre formation et pratique conduit à deux constats. D’une part, cela crée une désillusion chez les nouveaux praticiens, lors du passage dans le monde professionnel, du fait de l’impossibilité de se référer à cette image peut être trop idyllique de l’architecte. Il ne s’agit pas de tirer des conclusions générales sur l’enseignement de l’architecture, les formations étant très différentes les unes par rapport aux autres, mais de mettre en évidence un sentiment général basé sur les questionnaires diffusés auprès des étudiants en école d’architecture ainsi que mon expérience

3

4

5

personnelle. Dans le cas de l’ENSAPBX1, l’image de l’artiste libéré de contraintes est encore très communiquée et se ressent dans l’enseignement. Nous, étudiants, ne pouvons pas prétendre connaître l’architecture parce que nous savons faire des belles images. En effet, développer sa créativité et maîtriser les outils de représentation est un avantage pour notre futur professionnel, mais il faut être apte à sortir de « l’architecture image », de « l’architecture produit » et se rapprocher de la réalité contextuelle et constructive. D’autre part, cette inadéquation mène également à un déficit de compétences, car la formation est ressentie comme ne préparant pas suffisamment à assumer la fonction d‘architecte. En effet, avec la complexification de la profes1 ENSAPBX, École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux

81 |


sion, la multiplication des missions, et l’apparition de nouveaux métiers dans « l’acte de construire », la formation universitaire apparaît parfois comme réductrice des pratiques professionnelles envisageables. Effectivement, en tant qu’étudiante à l’école d’architecture de Bordeaux, il m’apparaîtrait intéressant de pousser un peu plus loin la présentation des différentes formes de pratiques qui s’offriront à nous à la sortie de l’école. Je fais partie de ces étudiants qui ont souhaité profiter des deux années de master pour découvrir de nouvelles formes de pratiquer l’architecture. C’est ainsi l’objet du master IAT, « Intelligence et Architecture du Territoire » que j’ai intégré à la fin de mes années de licence. Ce dernier propose un enseignement pluridisciplinaire en « partenariat » avec les étudiants de l’Institut des Sciences Politiques de Bordeaux. L’idée de cette formation est de nous faire travailler ensemble autour d’une commande publique réelle. L’enjeu est donc de nous familiariser avec une forme de projet réel, en prenant en considération les délais qui s’imposent, les exigences, les attentes des commanditaires, ainsi que de nous faire partager l’expérience du travail au sein d’une équipe pluridisciplinaire. Travailler avec d’autres professions, d’autres corps de métiers, c’est ce qui nous attend dans le monde du travail, peu importe la forme de pratique vers laquelle nous nous orienterons. Ainsi, le découvrir pendant l’apprentissage apparaît comme un premier contact avec la réalité des métiers de l’architecture. Dans l’époque où nous vivons, les architectes ne peuvent plus créer en « autarcie » et sans contact avec les autres. De nombreuses expertises que l’architecte ne détient pas, sont réalisées par d’autres acteurs. Ainsi, savoir travailler avec d’autres en partageant les connaissances semble être une compétence primordiale pour exercer les métiers d’architectes. De plus, se confronter à une vraie commande publique avant de devenir praticien apporte une vraie richesse. 82 |

Imaginer un site pour un projet, prétexter un programme pour comprendre la spatialité, limiter les contraintes, cela est valable pour les premières années d’architecture. Effectivement, en tant que jeune étudiant le but n’est pas d’avoir tout compris les premières semaines et d’être capable de concevoir avec la contrainte, mais plutôt d’appréhender l’espace, la lumière et l’échelle des éléments qui composent le projet. L’atelier de projet au cours des premières années vise également à libérer la créativité des étudiants, à les laisser imaginer, expérimenter. Cette première étape est de toute évidence capitale dans les débuts d’un architecte. Cependant, il est important de sortir de l’école en étant conscient des réalités qui pèsent sur nos projets futurs. La contrainte est une des données principales à prendre en compte dans les phases de conception et de construction. C’est avec la contrainte que l’on crée quelque chose de cohérent. C’est avec la contrainte que l’on trouve le moyen de s’exprimer, d’être libre. Sans contrainte, il n’y a pas de liberté. De plus, la contrainte peut être vecteur d’idées, de création et d’innovation.

On remarque tout de même que l’enseignement a évolué avec l’intégration de la notion de développement durable au sein des projets. La prise en charge de la donnée environnementale permet aux étudiants de se rapprocher des questionnements auxquels ils seront forcément confrontés. Le « monde » de l’architecture semble avoir pris en compte cette nouvelle donnée tant dans l’enseignement que dans la pratique professionnelle. Effectivement le domaine « Développement durable » au sein du cursus de master à l’école d’architecture de Bordeaux en est une illustration parlante. Ce dernier propose une formation poussée sur l’aspect technique de l’architecture. De ce fait, un partenariat est engagé avec l’école d’ingénieurs d’Anglet. Autour d’un projet collectif,


Fig.2 ThÊories et simulation des polymères. Institut Charles Sadron


ils complètent leurs connaissances afin de proposer un projet final rationnel prenant en compte la dimension environnementale. Ainsi, l’école d’architecture de Bordeaux semble avoir intégrer l’idée de pluridisciplinarité dans l’enseignement en proposant des parcours alternatifs à la voie traditionnelle. Nous pourrions tout de même imaginer une multitude d’autres croisements de disciplines: étudiants des Beaux Arts, en école de design, d’économie, génie civil etc.

Certains architectes proposent également d’aller plus loin dans l’idée de réduire l’écart entre ce qui est enseigné dans les études supérieures et le monde professionnel en imaginant un parcours sur le modèle de l’alternance depuis les premières années d’architecture. Il permettrait ainsi de s’immiscer, en parallèle des études, dans la réalité professionnelle en intégrant des agences ou en accompagnant des acteurs de la conception dans leur pratique de tous les jours.

« L’alternance dans l’apprentissage de l’architecture me paraît fondamentale »1

1 Réponse d’une étudiante en master 2 à l’École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux au questionnaire administré en novembre 2016

84 |

Ce type de cursus à la croisée entre la théorie et la pratique permettrait aux étudiants d’élargir leurs connaissances et compétences ainsi que d’avoir plus de recul sur leur métier futur. Les étudiants d’architecture ont tout de même la possibilité de se « frotter » au monde professionnel à travers les stages qu’ils effectuent tout au long de leur cursus. Ces expériences professionnelles qui agrémentent la formation d’architecte sont cruciales. Celles ci permettent de mettre en application réelle les connaissances et compétences acquises grâce à l’enseignement. De plus, elles permettent de découvrir les différentes pratiques du métier d’architecte afin d’affiner son choix au moment de choisir une orientation professionnelle. Cependant, il semblerait pour beaucoup d’étudiants de master en architecture ( questionnaires diffusés en novembre 2016 ) que ces immersions professionnelles déclenchent une sorte de frustration et désillusion chez les étudiants qui engendreraient une remise en question de leur volonté post études. Cette observation est évidemment à nuancer et ne concerne en aucun cas la totalité des élèves d’architecture, mais s’appuie sur les réponses des interrogés ainsi que mon expérience professionnelle en tant qu’étudiante.


85 |


Brno del Zou


conclusion. Après avoir exploré les représentations multiples qui émanent de l’imagination collective du grand public et des étudiants en architecture, différents profils et pratiques semblent apparaître. Parfois caricaturales et réductrices, ces images ancrées dans la pensée collective apparaissent comme des clés de compréhension qui peuvent expliquer pourquoi le métier d’architecte est souvent mal compris. En effet, ces représentations ne semblent pas être en corrélation avec la réalité des métiers de l’architecte bien qu’elles ne soient pas totalement éronnées, simplement plus adaptées à la situation actuelle. Elles sont cependant révélatrices d’un manque de connaissance des missions globales de l’architecte. En effet, brutalement touchés par les crises externes (économiques, sociales...), et internes à la profession, le métier fait face à de nombreux bouleversements qui viennent perturber son équilibre. Entre la crise financière et de la construction, le développement des nouvelles technologies, l’exigence environnementale et la fragilisation du salariat, les architectes se retrouvent face à de nouvelles exigences avec lesquelles ils doivent composer. De plus, la crise interne à cette dernière qui se traduit par une difficulté à affirmer son identité et ce qu’elle est devenue, est un véritable obstacle au déploiement de la profession. Cette « crise de légitimité1» engendre une séparation progressive des expertises de l’architecte: la technique est attribuée aux BET, la gestion au BIM etc.

Les architectes explorent depuis plusieurs décennies de nouvelles pistes afin de lutter contre les difficultés ainsi que dans l’idée d’intégrer les nouvelles données qui viennent se greffer à leur profession.

1 RAYNAUD Dominique, La « crise invisible » des architectes dans les Trente Glorieuses, Éditeur : Société française d’histoire urbaine, 2009

2 KOOLHAAS Rem, Propos recueillit dans l’article : DIDELON Valéry, « Fucking the architecture » ?, article d’A 150, p15-,novembre 2005.

« La situation économique actuelle – soit la capitulation mondiale face au capitalisme – ironiquement offre aux architectes une nouvelle vélocité et de nouvelles trajectoires. » 2 Rem Koolhass Ainsi, de nombreuses initiatives ont vu le jour, traduisant une réelle prise de conscience de la part des professionnels de l’acte de bâtir. Effectivement, le métier de l’architecte s’est transformé devenant alors « les métiers » de l’architecte. Parler d’un architecte ne peut plus se réduire à celui qui conçoit un bâtiment au sein d’une agence. Des métiers en amont du projet se sont développés (la programmation, le montage de projet...), ceux au sein même de la conception se sont multipliés (les architectes d’intérieur, la décoration, l’urbanisme etc.) et enfin les architectes qui s’orientent vers de nouveaux do-

87 |


maines (immobilier, le stylisme etc.). Dans la pratique même de la création, nous sommes aujourd’hui face à de nouvelles méthodes de travail qui tendent, par exemple, vers la participation des citoyens, la médiation auprès de publics variés, la pluridisciplinarité avec la création de collectifs composés de multiples profils etc. Cette dernière s’affiche comme une solution majeure face aux difficultés du métier d’architecte. En effet, dans une société où les disciplines se croisent, où la mobilité professionnelle est une situation à prévoir, et où la communication entre tous est rendue de plus en plus simple grâce aux réseaux de communication, la pluridisciplinarité se montre comme une idée primordiale pour faire « renaître » les architectes. Mais cette création d’une pluralité de métiers est elle la conséquence d’une perte de légitimité, ou un choix de la part des professionnels de se diversifier ? En cas de volonté personnelle, cela ne risque t-il pas de vider la profession de ses architectes au profit d’autres secteurs professionnels et dans un même temps de continuer à réduire la légitimité de l’architecte dans la maîtrise d’oeuvre et dans la société ? Il est vrai que l’architecte détient une image sociale plutôt gratifiante mais son rôle semble avoir été mis à mal avec les années, notamment auprès des maîtres d’ouvrages. Il est intéressant de noter que les architectes ne semblent pas être les seuls à avoir ouvert les yeux sur leur situation. En effet, ces dernières années, les pouvoirs publics se mobilisent afin de venir en aide à cette profession au travail pas assez reconnu dans sa globalité. Il est rassurant, pour nous étudiants en architecture, de sentir que les difficultés que nous allons rencontrer dans notre futur ont été intégrées par les puissances publiques, et de constater les concrétisations locales qui ont

88 |

pour visée de nous aider à avoir une meilleure visibilité dans la société. De plus cette prise de conscience à différentes échelles se traduit au sein de l’enseignement. En effet, je crois en l’idée que l’enseignement est une véritable clé pour aborder de manière un peu plus sereine notre avenir. Augmenter la pluridisciplinarité au sein même du cursus, comme le fait l’ENSAPBX avec les projets collectifs avec des étudiants de sciences politiques et d’école d’ingénieurs, multiplier les expériences professionnelles tout au long du parcours universitaire, préparer un peu plus les élèves aux réalités du métier, permettrait de réduire la frustration ou la désillusion qui peut exister au moment du passage entre l’école et la vie professionnelle. Il m’apparaît comme primordiale de valoriser amplement la diversité des métiers et des pratiques qui s’offrent à nous dans notre futur d’architectes. Il est important que l’enseignement s’éloigne de la pratique connue de l’architecte en tant que profession libérale qui travaille au sein d’une agence pour des projets publics et privés. Il faut montrer aux élèves qu’ils peuvent avec leur diplôme d’architecte travailler hors du champ d’architecture en proposant des nouveaux enseignements, des rencontres avec des professionnels etc. L’avenir des architectes nous paraît difficile à lire. Au vu de ce travail effectué, nous espérons que le métier d’architecte jouira d’une meilleure visibilité dans la société afin qu’il soit perçu dans sa globalité et dans toute son utilité. Avec la multiplications des métiers de l’architecte , ce dernier tend sûrement vers une transformation de son appellation qui proviendrait de sa spécialisation. On pourrait tout à fait imaginer un architecte BIM, un architecte-immobilier, un architecte-programmiste, un architecte-médiateur etc. L’avenir de la profession ne va cesser de ques-


tionner les acteurs de la maîtrise d’œuvre et d’ouvrage, les pouvoirs publics et les étudiants. Il serait pertinent que ces derniers soient mieux informés de la situation à laquelle ils vont être confrontés pour pouvoir anticiper une spécialisation, ou un projet, ou encore développer des idées afin de composer avec les données de leur monde. Nous pourrions par exemple imaginer mettre au service d’autres domaines tels que l’hotellerie, la mode ou encore l’immobilier, nos compétences d’architecte, à savoir notre vision singulière de l’espace, et notre sensibilité à l’esthétisme.

89 |



bibliographie. ouvrages

- CHADOIN Olivier, Etre architecte : Les vertus de l’indétermination. Une sociologie du travail professionnel, éd. PULIM, 2013, 383 p. (coll. « Sociologie et sciences sociales ») - CHAMPY Florent, Nouvelle théorie sociologique des professions , éd. Presses Universitaires de France PUF, février 2011, 328 p. - RAU Cordula, Why do architects wear black?, éd. Springer Verlag GmbH, 2008 - PARENT Claude, Architecte (L’) bouffon social, éd. Casterman, octobre 1982, 179 p. - RAYNAUD Dominique, « La « crise invisible « des architectes dans les Trente Glorieuses », Histoire urbaine, 2/2009 (n° 25), p. 127-145. url : http://www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2009-2-page-127.htm - RENZO Piano, La désobéissance de l’architecte, éd. Arlea, mars 2009, 180 p. - RICCOTTI Rudy, L’architecture est un sport de combat, éd. Textuel, mars 2013, 112 p. - TAPIE Guy, Les architectes: mutations d’une profession, éd. L’Harmattan, 2000, 314 p. - TRETIACK, Philippe, Faut- il pendre les architectes ? , éd. Seuil, 2001, 208 pages

91 |


articles de périodiques

- ALLENSPACH, Christoph, « Faut il avoir peur du star system», Polyrama, 2002, n°116, - BIAU, Véronique, « Sociologie des architectes », Urbanisme, Mars 1997, n°293, pp. 61-63. - BIAU, Véronique, « Stratégies de positionnement et trajectoires d’architectes ? », Sociétés contemporaines, 1998, N°29, p7-25 - DE MONTLIBERTSEM, Christian, « Les Architectes. Métamorphose d’une profession libérale » Par Raymonde Moulin et alii. , Revue française de sociologie, 1974, 15-4 - DIDELON, Valéry, « Les architectes ont-ils encore quelque chose à dire ? », Critiquat, mars 2011, n°7 - DIDELON, Valéry, « L’architecture crève l’écran », Critiquat, mars 2010, n°5 - DIDELON, Valéry, « A quoi sert le star system ? » D’A, 2004, n°138 - DIDELON Valéry, « Fucking the architecture » ?, D’A, novembre 2005, n°150, p15 - GHORRA-GOBIN, Cynthia, « L’architecte, la façade et le piéton », Le Débat 2009/3, n° 155 - LOIRET, Paul Emmanuel, architecte, Article « Quel projet pour l’architecture de demain ? », D’A, octobre 2014 - PORADASEM, Sabine, « Imaginer l’espace et spatialiser l’imaginaire. Nouvelles technologies de visualisation en conception architecturale », Réseaux , 1993, n°61 - TAPIE Guy, « Professions et pratiques, la redistribution des activités des architectes », Cahiers de la Recherche Architecturale et urbaine, novembre 1999, n°2-3, p. 65-74 - « Le monde des architectes », Courrier hebdomadaire du CRISP 1968/33, n°421, 22 pages - « Espaces et sociétés », Sociologies et architecture, 2010/2, n° 142, 160 pages

92 |


sites internet

- http://labeilleetlarchitecte.wordpress.com/2015/03/18/un-metier-des-professions-etre-architecte/ - http://www.metropolitiques.eu/Profession-architecte.html - https://www.senat.fr/rap/r04-064/r04-0643.html - http://www.metropolitiques.eu/Distinction-et-conformisme-des.html - https://www.cairn.info/revue-communications-2008-1-page-113.htm - http://www.mediarchi.fr/de-quelle-architecture-est-il-question/ - http://www.architectes.org/sites/default/files/atoms/files/archigraphie-light_1.pdf - http://www.persee.fr/doc/socco_1150-1944_1998_num_29_1_1839 - http://www.cnrs.fr/Cnrspresse/n373a5.htm - https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=ESP_156_0197 - https://www.franceculture.fr/conferences/cite-de-larchitecture-et-du-patrimoine - Site officiel de l’Ordre des architectes http://www.architectes.org/le-reseau-des-maisons-de-l-architecture - http://www.culturecommunication.gouv.fr/Aides-demarches/Protections-labels-et-appellations/LabelVille-et-Pays-d-art-et-d-histoire

93 |



annexes

annexe 1 : Entretiens auprès du grand public 13 entretiens octobre - novembre 2016

annexe 2 : Questionnaires diffusés sur Internet auprès d’étudiants en école d’architecture française (LICENCE et MASTER) 321 réponses novembre - décembre 2016

95 |


annexe 1 : Entretiens auprès du grand public 13 entretiens - HUGO P. - Étudiant à L’institut des Études Politiques - 24 ans Qu’est ce qu’un architecte? Un personnage spécifique, rare. Quelqu’un qui dessine des bâtiments et supervise leur construction (bâtiments publics, villas, entreprises) Plus artiste ou scientifique? Scientifique Plus homme ou femme? Homme Quelle représentation physique te fais tu de l’architecte? Je m’imagine quelqu’un qui se ballade avec un rapporteur et qui fait des mathématiques! Un homme précis et rigoureux qui supervise des grands projets. Il porte des lunettes rondes, un long manteau noir et un chapeau! Enfin moi, je le vois comme ça! Il est plutôt austère. C’est un intellectuel chic mais pas bling bling, 40-45 ans j’dirais, personnage mystérieux, élégant avec une touche extravagante. J’l’imagine aussi se ballader toujours avec sa serviette remplie de plans. Plus riche ou pauvre? Riche Quelles sont les tâches qu’il effectue dans sa pratique quotidienne? Je l’vois travailler en équipe. C’est un homme qui médite le projet, qui travaille dans son agence ou sur les chantiers. Il dessine surtout des plans pour des maisons privées par exemple et fait beaucoup de maquettes. Il travaille beaucoup avec la puissance publique: les palais, les tribunaux, les routes. Il répond à des appels d’offre aussi j’crois! Pourrais tu me citer des architectes connus? Juste le Corbu, Niemeyer et Gustave Eiffel

96 |


- VIRGINIE L. - Infirmière - 53 ans Qu’est ce qu’un architecte? C’est quelqu’un qui sait bâtir des maisons, quelqu’un qui travaille sur des projets pour faire evoluer l’habitat et l’urbanisme. Il fait des plans, répond à des propositions pour des concours, des études de matériaux, des recherches de concepts nouveaux pour faire progresser le paysage urbain, améliorer le confort de vie et mieux organiser la ville Un architecte est aussi un urbaniste mais l’urbaniste pratique au sein des services municipaux mais pas en agence. L’architecte c’est vraiment un expert sur les questions de la ville, c’est comme un ingénieur parce qu’il a des connaissances techniques pour construire, mais il apporte de l’innovation, il est à la mode, c’est un créateur. Après ils font surtout du moderne, avec des matériaux modernes comme le bois, le verre et le béton, et pas mal de couleurs... Plus artiste ou scientifique? Pas artiste, plutôt un créatif, un homme complet! Plus scientifique du coup! Plus homme ou femme? Homme je crois! Quelle représentation physique te fais tu de l’architecte? Un homme, la quarantaine comme ceux qu’on voit dans les journaux, bien dans ses baskets, détendu, aps de costard cravate, père de famille, plutôt riche, travailleur, moderne, un peu bobo ou un couple moderne! Je le vois bien travailler dans son agence avec des chaises design, des grandes tables en bois, des grands espaces, pas des petits bureaux étriqués. Après pour les archis en eux mêmes, j’imagine plus l’architecte comme ceux des magazines de déco, ceux qui font des super rénovations hyper à la mode! Plus riche ou pauvre? Riche! Parce que ça coûte cher de prendre un archi! Moi j’ai toujours essayé de me débrouiller sans. A vrai dire, je ne sais pas vraiment le pourcentage que prend un architecte! Quelles sont les tâches qu’il effectue dans sa pratique quotidienne? Voir des clients sur les chantiers, coordonner les différents corps de métiers, tenir les délais et les cahier des charges. 97 |


Pourrais tu citer des architectes connus? Jean Nouvel qui d’ailleurs n’est pas tellement l’architecte comme je me l’imagine, Le Corbusier avec bâtiments avec des formes répétitives,des cases empilées, mais je ne sais pas pourquoi il est si connu. Je connais Starck, la piscine de Roubaix aussi, et la Villa Noailles que j’ai visité qui pour moi, esthétiquement n’a aucun intérêt. J’imagine que c’était révolutionnaire pour l’époque avec tous les niveaux, les terrasses, la piscine intérieur, les espaces qui varient en superficie, en hauteur, lalumière. Et puis, y’a une certaine mise en valeur de la nature avec les vues par les fenêtres, Les matériaux devaient être révolutionnaires aussi pour l’époque, le verre, le métal, et d’ailleurs c’est toujours a la mode aujourd’hui. Après je trouve que c’est un peu froid, y’a vraiment zéro décoration.

- QUENTIN F. - Étudiant en école de commerce - 23 ans Qu’est ce qu’un architecte? Pour moi, un architecte c’est quelqu’un qui conceptualise des idées de design (extérieures ou intérieures) de particuliers ou professionnels. C’est quelqu’un qui propose ses idées suite à un brief architectural et qui par sa maîtrise de la géométrie dans l’espace trouve des solutions Quelqu’un d’un peu « perché » quoi! Plus artiste ou scientifique? Il peut être plus artiste que scientifique, quoi que! Plus homme ou femme? Homme Quelle représentation physique te fais tu de l’architecte? J’imagine un homme, la cinquantaine, plutôt bien habillé,élégant, en noir. Ah oui et avec des lunettes aussi! Plus riche ou pauvre? Riche Quelles sont les tâches qu’il effectue dans sa pratique quotidienne? Il fait des plans et des maquettes à son agence et il dessine beaucoup aussi. Il va sur les chantiers pour voir si tout est ok! Pourrais tu me citer des architectes connus? Le Corbusier, après je sais pas trop, là ca me vient pas!

- APOLLINE L. - Étudiante en médecine - 20 ans Qu’est ce qu’un architecte? Quelqu’un qui conçoit la construction des bâtiments et l’aménagement des espaces (quais, parcs) et aussi les maisons. Pour moi, il a une vision plus fonctionnelle qu’esthétique mais il cherche quand 98 |


même a faire quelque chose d’harmonieux et il y ajoute sa touche personnelle.

Plus artiste ou scientifique? Scientifique

Plus homme ou femme? Des hommes plutôt, et plutôt vieux! Quelle représentation physique te fais tu de l’architecte? J’imagine un homme avec des lunettes bizarres, les cheveux gris et avec des chemises amples, ou peut être plutôt quelqu’un comme Woody Allen! Plus riche ou pauvre? Riche Quelles sont les tâches qu’il effectue dans sa pratique quotidienne? Du design je pense! Je crois qu’il y a des gens qui proposent des projets, et là il y a un concours d’archi. Ça je pense que ça représente beaucoup du boulot de l’architecte. Du coup, là ils réfléchissent ensemble et ils montent un projet cohérent en faisant des recherches en intégrant tous les problèmes de plomberie, d’électricité et tout... Ils font des plans aussi, et après ils font la maquette, mais ca c’est tout à la fin! Ils bossent sur Autocad aussi! Après je pense qu’il y a des cabinets spécialisés: ceux qui font des gros bâtiments, des plus petits. L’architecte il choisit la bâtisse, comme les murs, les escaliers etc. Pourrais tu me citer des architectes connus? Je connais juste Le Corbusier, pour ses meubles, mais je sais pas de quand ca date tout ca! Je dirais 20e siècle mais je crois qu’en plus il est même pas considéré comme un architecte. Après l’archi’ de la Fondation Louis Vuitton j’crois qu’il est très connu.

- CAMILLE R. - Dentiste - 33 ans Qu’est ce qu’un architecte? Heu.. quelqu’un qui fait des plans de bâtiments, construit des ponts et j’crois qui s’occupe de la conception des routes et tout. Pour moi, c’est quelqu’un qui est fort en physique pour pouvoir savoir quel matériau utiliser plutôt qu’un autre, où mettre tel ou tel mur. Après aussi c’est quelqu’un qui doit être créatif et artistique. Il a des notions en histoire de l’art, il sait faire un peu de graphisme et tout. Plus artiste ou scientifique? Artiste! Plus homme ou femme? Homme, désolée ! Vraiment, quand on me dit archi je pense tout de suite à un homme

99 |


Quelle représentation physique te fais tu de l’architecte? J’imagine bien un mec chic mais décontracté, un peu sobre genre en noir. Ou sinon un père de famille, genre 50 ans, les cheveux un peu gris avec des lunettes ! Ou sinon, un jeune qui vit dans le Marais, un peu hipster tu vois ? Plus riche ou pauvre? Ça dépend de l’endroit où il travaille, pour qui il travaille. S’il est bon, s’il à le bon réseau... mais on m’avait dit qu’il y en avait de plus en plus du coup c’est un peu la guerre . Quelles sont les tâches qu’il effectue dans sa pratique quotidienne? Il travaille pour des particuliers ( construction maison/ appart) Pour des collectivités ( immeubles...) Musées Pourrais tu me citer des architectes connus? Le Corbusier sinon... non j’en sais rien, si tu me dis des noms oui mais comme ça j’en ai aucun d’autre qui me vient

- PiERRE ALEXIS G. - Commerce - 28 ans Qu’est ce qu’un architecte? Il étudie les projets avec les clients, il imagine et conçoit. Il travaille en équipe et il manage les équipes sur les chantiers. C’est un leader, il doit être capable de manager tout le monde, il est créatif et s’adapte vite façe à des problèmes. Plus artiste ou scientifique? Scientifique j’dirais!

Plus homme ou femme? Homme, genre la quarantaine avec un bon train de vie Quelle représentation physique te fais tu de l’architecte? Déjà j’limagine bien avec pas mal de charisme, un mec qui a la « tchatche » et hyper dynamique. Après en terme de style, je vois bien un mec chic mais pas non plus en costard cravate, sobre mais sérieux en même temps! J’le vois bien avec des ptites lunettes aussi! Plus riche ou pauvre? Plutôt riche du coup! Quelles sont les tâches qu’il effectue dans sa pratique quotidienne? Bah il fait des plans dans son agence avec toute son équipe, il dessine des bâtiments, il fait des maquettes aussi j’crois. Après on m’a dit qu’ils faisaient pas mal d’ordi. Et puis après une fois qu’il a dessiné tout, il va surveiller ses chantiers! 100 |


Pourrais tu citer des architectes connus? Gaudi et Le Corbusier, mais juste de nom Le Corbusier. Après si j’cherchais un peu j’pourrais retrouver un bâtiment qu’il a fait, mais là ca me vient pas. Je sais juste que c’était y’a 100 ans en gros, un peu plus peut être.

- MARC SIMON B. - Négociant en vin - 27 ans Qu’est ce qu’un architecte? Pour moi, un architecte c’est une personne qui a des compétences générales en bâtiment, en décoration, en environnement, en écologie, en physique, en mécanique des flux etc... Il doit être capable de concevoir un meuble, un immeuble et de le restaurer tout en s’adaptant à la demande, à son époque, et à l’environnement... Sur le plan social, il fait partie de ces artistes avec la tête sur les épaules qui gagne bien sa vie, genre 5000 euros par mois ! Plus artiste ou scientifique? Plus scientifique j’dirais! Plus homme ou femme? Les deux franchement ! Quelle représentation physique te fais tu de l’architecte? En rénovation, décoration, j’imagine une femme de 30-50 ans du genre jeune maman dynamique et en construction, un homme, droit dans ses pompes, BCBG mais qui sait s’adapter en mettant une paire de bottes dans la boue Plus riche ou pauvre? Plus riche que pauvre! Quelles sont les tâches qu’il effectue dans sa pratique quotidienne? Pour moi il travaille dans sa propre agence qui répond à des appels d’offre publics ou privés. Il intervient en amont et en aval sur les chantiers. Il peut même avoir une mission de gestion de chantier et de contôleur des travaux finis! Pourrais tu citer des architectes connus? J’connais Starck parce qu’il a fait des chais à vin, après sinon... Le Corbusier aussi!

- LEA A. - Étudiante en marketing - 24 ans Qu’est ce qu’un architecte? Pour moi c’est un homme qui dessine des maisons et des immeubles. Plus artiste ou scientifique? Bah... il a un certain côté scientifique pour les mesures mais il est assez imaginatif pour être fort de 101 |


nouvelles propositions en permanence. Il doit aussi savoir gérer un budget et ne pas trop se laisse remporter par ses propres désirs! Et aussi c’est la main qui dessine l’idée du client.

Plus homme ou femme? Homme Quelle représentation physique te fais tu de l’architecte? Moi j’l’imagine entre 30 et 35 ans, habillé très tendance, qui voyage beaucoup pour trouver de l’inspiration Plus riche ou pauvre? Riche! Quelles sont les tâches qu’il effectue dans sa pratique quotidienne? Il vérifie que tout va bien sur ses chantiers, et puis sinon il dessine à son agence les plans pour les bâtiments qu’il a imaginé. Il travaille avec son équipe aussi, ils font des réunions avec chacu qui donne ses idées dans l’open space! Pourrais tu citer des architectes connus? A part Le Corbusier, pas vraiment!

- GÉRALDINE F. - Avocate - 29 ans Qu’est ce qu’un architecte? Celui qui élabore les plans de constructions des bâtiments. C’est un homme qui a des compétences en géométrie dans l’espace, il doit avoir beaucoup d’imagination aussi! Plus artiste ou scientifique? On peut le considérer comme un artiste il laisse libre court à son imagination. Mais aussi comme un scientifique parce qu’il y a beaucoup de règles et de lois à respecter pour construire quelque chose. Plus homme ou femme? Homme! Quelle représentation physique te fais tu de l’architecte? J’vois un homme déjà, avec les cheveux gris et des lunettes! Quelles sont les tâches qu’il effectue dans sa pratique quotidienne? Il travaille dans son agence sur les plans des bâtiments qu’il a imaginé avec son équipe, il fait aussi des réunions de chantier pour s’assurer qu’il n’y a pas de problème et que les ouvriers ont fait exactement ce qu’il avait décidé. Après, j’pense qu’il fait aussi des réunions avec les gens qui travaillent pour lui pour répartir le travail Pourrais tu citer des architectes connus? Le Corbusier pour ses meubles dans années 70-80. Après j’crois qu’ il est mort y’a pas longtemps 102 |


je crois, genre en 90. J’connais Starck aussi, je crois qu’il l’est architecte avant d’être designer. Par exemple je connais le bateau qu’il a fait pour Steve Jobb.

- AGATHE L. - Éducation - 26 ans Qu’est ce qu’un architecte? C’est celui qui imagine et dessine un espace à construire, reconstruire ou rénover Il décide du découpage de l’espace, des matériaux utilisés, en fonction de son budget de la réalité du terrain et de l’environnement. Il travaille surtout en agence, mais peut aussi exercer dans des entreprises, ou des collectivités ou des municipalités. Plus artiste ou scientifique? Plus scientifique! Plus homme ou femme? Homme Quelle représentation physique te fais tu de l’architecte? Je dirai homme, plutôt 50 ans, assez scientifique, avec un look de géomètre! Ou sinon un jeune bobo! Plus riche ou pauvre? J’dirais riche même si je sais que la profession a du mal à s’en sortir! Quelles sont les tâches qu’il effectue dans sa pratique quotidienne? L’archi fait pas mal de modélisation sur l’ordi, et après il gère les relations avec les maîtres d’ouvrage et d’oeuvre. Il manage son équipe aussi! Pourrais tu citer des architectes connus? Le Corbusier avec le module et la Cité Radieuse dans les années 50. Gaudi aussi, et Jean Nouvel.

- CLÉMENCE D. - Chargée d’études marketing - 32 ans Qu’est ce qu’un architecte? C’est quelqu’un qui voit le potentiel d’un intérieur ou d’un extérieur pour le rénover et satisfaire le client. C’est une personne qui a du goût, de l’imagination et les compétences pour rénover, il est apte à dire si le projet est faisable, réalisable. Pour un extérieur par exemple il sait prendre en considération les contraintes législatives et les contraintes budgétaires à respecter pour le projet. Pour moi, l’archi il est créatif, il sait dessiner, il a des connaissances complètes en histoire de l’art. Il doit être rigoureux, précis et organisé. J’le vois comem quelqu’un de persévérant et réactif! Plus artiste ou scientifique? Artiste!

103 |


Plus homme ou femme? Les deux! Quelle représentation physique te fais tu de l’architecte? J’ai une vision très stéréotypée de l’architecte, un homme ou une femme, peu importe, assez branché, qui connaît les dernières tendances, ouvert d’esprit et curieux. Je vois un style bobo, branché mais à la fois simple et cool.! Plus riche ou pauvre? Plus riche que pauvre, après je sais que c’est quand même bien la galère! Quelles sont les tâches qu’il effectue dans sa pratique quotidienne? Il demande les envies et les souhaits du client particulier ou professionnel. Il examine si le projet est réalisable en fonction de la législation. Il fait des plans pour les artisans avec les différentes mesures. Pourrais tu citer des architectes connus? Gaudi avec la Sagrada Familia et le Parc Guell. Je connais aussi Le Corbusier avec la chaise qui prend la forme du corps, mais je connais pas le nom. Y’a Frank LLoyd Wight aussi qui a fait le Musée Guggenheim et Norman Foster, le Viaduc de Millau.

- ADRIEN L. - Avocat - 28 ans Qu’est ce qu’un architecte? Celui qui construit des bâtiments. Il travaille dans son agence, ou sur les chantiers ou même à la mairie je crois! Plus artiste ou scientifique? Scientifique! Plus homme ou femme? Homme Quelle représentation physique te fais tu de l’architecte? Un homme de 50 ans, plutôt une bonne situation financière, avec des lunettes, un type de bonne famille! Quelles sont les tâches qu’il effectue dans sa pratique quotidienne? Il fait des plans, des coupes, des maquettes, et surtout de l’ordinateur! Pourrais tu citer des architectes connus? Aucun!

104 |


- VALENTIN P. - Huissier - 42 ans Qu’est ce qu’un architecte? Quelqu’un qui dessine des plans d’une maison et qui respecte les règles de droit et de construction, et puis, c’est un homme qui donne une identité à une ville ou à un quartier, à une rue Il construit des bâtiments comme des musées, des châteaux, des centres d’éducation, des collèges Il travaille à la fois pour le public et le privé. Le privé c’est plus pour les maisons. Plus artiste ou scientifique? Scientifique! Plus homme ou femme? Homme Quelle représentation physique te fais tu de l’architecte? J’imagine un peu Jean Pierre Coffe du genre bon vivant, qui a le goût des bonnes choses, qui est proche de la nature. Je vois un homme avec une chemise pas rentrée dans le pantalon, des lunettes rondes, plutôt vieux, 40 ans, avec une barbe blanche, ouvert, qui a des qualités d adaptation, attentif Plus riche ou pauvre? J’le vois plutôt en galère financière mais avec un rythme de vie plus élevé que ce qu’il gagne Quelles sont les tâches qu’il effectue dans sa pratique quotidienne? Il prépare des projets, répond à des appels d’offre, propose son idée, il dessine des plans, maquettes 3D avec archicad ou en carton. Il créé des dossiers avec tous les intervenants, genre les artisants , ca c’est pour le public. Il gère la relation client avec quelqu’un qui veut faire des travaux, par exemple il essaye de comprendre ses attentes et propose en fonction des idées Il travaille toute la nuit à l’agence ou chez lui dans une ambiance décontractée avec de la musique classique, autour d’un verre ou d’une cigarette dans l’open space. Pourrais tu citer des architectes connus? Le Corbusier avec la pyramide du Louvre non? et ce qu’il a fait au Brésil dans les années 80 Après je connais Haussmann avec le style Haussmanien à Paris et dans les grandes villes de France

105 |


annexe 2 : Questionnaire diffusé sur Internet auprès d’étudiants en architecture (LICENCE et MASTER) 321 réponses 01.identité 01.01. Sexe homme femme 01.02. Niveau d’étude master 1 master2 01.03. Quel master as tu choisi ? Pour quelles raisons ?

02. le métier de l’architecte 02.01. Quelle définition donnerais tu au métier d’architecte ? 02.02. Quelle représentation physique te fais tu de l’architecte ? 02.03. Lequels de ces profils imagines tu le plus quand on te dit « un architecte » ? Lequels de ces profils imagines tu le plus quand on te dit « une architecte » ? 02.04. Quelles sont selon toi les qualités requises pour être architecte ? 02.05. Un architecte est pour toi plus: un artiste ? un scientifique ? 02.06. Selon toi, dans quels types de structures un architecte peut il travailler ? 02.07. Quel est ton architecte préféré ?

106 |


03. tes études 03.01. Pourquoi as tu choisi de rentrer en école d’architecture ? 03.02. Dans quel but final as tu choisi de faire des études d’architecture ? 03.03. Voudrais tu faire autre choses qu’être architecte à la fin de tes études ? Je ne sais pas encore Non Oui 03.04. Ton envie après l’école a t-elle changé depuis le début de tes études ? Oui Non Autre Pour quelles raisons ? 03.05. Es tu confiant(e) face à ton futur métier d’architecte ? Oui Non 03.06. Qu’est ce qu’il te fait le plus peur dans le métier d’architecte ? la rémunération les heures de travail l’informatique la difficulté du travail demandé la monotonie du travail l’attente d’un niveau technique confirmé (détails de construction etc.) travailler en groupe travailler seul manquer d’imagination autre

107 |


03.07. Penses tu que les études d’architecture reflètent la pratique réelle du métier d’architecte ? 1 - 2 - 3 - 4 - 5 ( Pas du tout - Totalement) Pour quelles raisons? 03.08. Ta vision sur le métier d’architecte a-t-elle évolué par rapport à avant ton entrée en école d’architecture? 03.09. Selon toi, quelles sont les possibilités de métiers qui s’offrent à toi à la suite d’une école d’architecture ? 03.10. Avais tu imaginé pouvoir faire autre chose que «travailler en agence» avant d’intégrer l’école d’architecture ? 03.11. Si tu pouvais choisir, quel architecte serais tu ? Je monterais ma propre agence Je monterais un collectif pluridisciplinaire J’intégrerais une grande agence connue d’architecture française ou internationale Je concevrais des grands édifices : musées, aéroports, stades... Je concevrais des logements sociaux Je ne ferais que de l’architecture pour le secteur privé (maisons individuelles, villas, appartements, restaurants etc.) J’integrerais une administration publique (collectivité locale, mairie etc.) Je ne ferais que de la maîtrise d’ouvrage Je travaillerais dans des entreprises de construction dans le montage de projet Je ferais des petits projets d’architecture d’intérieure et de décoration Je ne ferais que de la réhablitation et des interventions sur du patrimoine ancier Autre 3.11. As tu l’impression que ton entourage comprend tes études oui non - Qu’est ce que ton entourage pense alors de tes études et du métier d’architecte ? 3.12. Comptes tu faire ta HMO ? oui, tout de suite après mon PFE non pas maintenant je ne sais pas Pour quelles raisons?

108 |


Réponses aux questionnaires diffusés auprès d’étudiants en licence et master en école d’architecture française Avec 321 répondants et dans un soucis d’écologie, nous ne présenterons ici que les réponses des 211 élèves de master 1 et 2. Nous nous limiterons à cinq réponses pour les questions qui demandent une rédaction. La suite de l’étude est consultable sur le support numérique fourni ou à l’adresse suivante : - Master: https://docs.google.com/forms/d/1m8tyU0Hc9jQ8NkJwB42N_PsQfw80hBQ5HrSHb0SVrGU/ edit?usp=sharing - Première année de licence: https://docs.google.com/forms/d/1A8vZ9WwGBmMI2VIHXW9q_7AjyYvc_hz_ARoAuvJIWWo/ edit?usp=sharing - Deuxième et troisième année de licence https://docs.google.com/forms/d/19XdoYAZHIliwTsfIc6Ie8tiyB1veTAWsVaBsC2QeAS8/edit?usp=sharing

109 |


01.identité 01.01. Sexe

01.02. Niveau d’étude

01.03. Quel master as tu choisi ? a. IAT b. IAT c. Patrimoine d. Patrimoine e. Patrimoine

Pour quelles raisons ? a. Pour son ouverture sur le métier d’architecte, pour son aspect concret, et les réflexions qu’il engage sur la métropole b. parce que le prof est cool c. Poursuite des études après le diplôme d. pour mieux connaitre les dispositifs environnementaux + plus de techniques e. Le double cursus avec sc po


02. le métier de l’architecte 02.01. Quelle définition donnerais tu au métier d’architecte ? a. Concepteur d’espaces b. Acteur du territoire qui apporte des réponses sociales, une idée d’habiter et de vivre à travers la construction d’espaces c. Personne qui imagine et dessine les besoins des gens, et réalise leurs envies d. transmetteur d’émotions à travers l’espace e. Penseur et faiseur 02.02. Quelle représentation physique te fais tu de l’architecte ? a. Homme, grand, style vestimentaire sobre, lunettes à grosse monture, plutôt riche bobo b. Pas de style particulier, je pense que chacun doit rester comme il est le mieux. c. rentre dans un espace élouvant c est comme rentrer sous la jupe d’une femme d. Homme, col roulé noir et lunette ronde. Pauvre et sans vie sociale e. un grand homme chauve habillé en noir 02.03. Lequels de ces profils imagines tu le plus quand on te dit « un architecte » ? Lequels de ces profils imagines tu le plus quand on te dit « une architecte » ?

02.04. Quelles sont selon toi les qualités requises pour être architecte ? a. L’écoute b. être capable d’exprimer des idées fortes avec des gestes simples compréhensibles par tous c. Travailleur d. Admettre que l’on ne sait pas tout et savoir s’entourer des personnes compétentes e. Cultivé, curieux, technicien, artiste


02.05. Un architecte est pour toi plus:

02.06. Selon toi, dans quels types de structures un architecte peut il travailler ? a. Partout b. Partout c. partout d. partout e. partout 02.07. Quel est ton architecte préféré ? a. Siza b. Patrick Bouchain c. Patrick Bouchain d. Patrick Bouchain e. Peter Zumthor

03. tes études 03.01. Pourquoi as tu choisi de rentrer en école d’architecture ? a. Pour devenir architecte b. Pour devenir architecte c. Pour devenir architecte d. Par hasard e. Par hasard 03.02. Dans quel but final as tu choisi de faire des études d’architecture ? a. Devenir architecte b. Devenir architecte c. Devenir architecte d. Devenir architecte e. Devenir architecte


03.03. Voudrais tu faire autre choses qu’être architecte à la fin de tes études ?

03.04. Ton envie après l’école a t-elle changé depuis le début de tes études ?

Pour quelles raisons ? a. La réalité économique b. Je me rends compte que les compétences que l’on acquiert ne se limite pas aux métiers d’architecte c. Je fais ces études par choix et dans un but réfléchi d. parce que j’ai grandi, que je me suis rendue compte des réalités du métier, et que mes volontés personnelles ont évolué. e. non

03.05. Es tu confiant(e) face à ton futur métier d’architecte ?


03.06. Qu’est ce qu’il te fait le plus peur dans le métier d’architecte ? La rémunération : Les heures de travail: L’informatique: La difficulté du travail demandé: La monotonie du travail: L’attente d’un niveau technique confirmé (détails de construction etc.): Travailler en groupe: Travailler seul: Manquer d’imagination: Autre:

91 (43.1%) 100 (47.4%) 67 (31.8%) 36 (17.1%) 44 (20.9%) 71 (33.6%) 13 (6.2%) 32 (15.2%) 53 (25.1%) 66 (31.3%)

03.07. Penses tu que les études d’architecture reflètent la pratique réelle du métier d’architecte ? 1 - 2 - 3 - 4 - 5 ( Pas du tout - Totalement)

Pour quelles raisons? a. En sortant de l’école on sera pas capable de construire seul b. Nous ne connaissons absolument pas la réalité de ce qu’est un chantier alors qu’elle fait partie prenante du métier c. Je considère les études d’architecture comme un passage obligé pour apprendre et comprendre ou on est aujourd’hui et ce qui a été fait hier. Les etudes doivent nous donne un bagage culturel qu’on a pas le temps d’apprendre dans le milieu professionnel d. si notre métier consistait à faire des choses aussi libres, ça se saurait ! e. Peu de confrontation aux réalités économiques et techniques

114 |


03.08. Ta vision sur le métier d’architecte a-t-elle évolué par rapport à avant ton entrée en école d’architecture?

03.09. Selon toi, quelles sont les possibilités de métiers qui s’offrent à toi à la suite d’une école d’architecture ? a. Programmiste, Decorateur, ingénieur, constructeur de meubles.. b. tout les metiers liés à la création c. Pour le moment mis à part l’étranger, je ne vois pas d. architecte, architecte d’intéreur, artiste,designer, graphiste,chercheur, e. Architecte, désigner, urbaniste, créateur de mobilier,

03.10. Avais tu imaginé pouvoir faire autre chose que «travailler en agence» avant d’intégrer l’école d’architecture ? NON OUI AUTRE

115 |


03.11. Si tu pouvais choisir, quel architecte serais tu ? Je monterais ma propre agence: Je monterais un collectif pluridisciplinaire: J’intégrerais une grande agence connue d’architecture française ou internationale: Je concevrais des grands édifices : musées, aéroports, stades...: Je concevrais des logements sociaux: Je ne ferais que de l’architecture pour le secteur privé (maisons individuelles, villas, appartements, restaurants etc.) : J’intégrerais une administration publique (collectivité locale, mairie etc.): Je ne ferais que de la maîtrise d’ouvrage: Je travaillerais dans des entreprises de construction dans le montage de projet: Je ferais des petits projets d’architecture d’intérieure et de décoration: Je ne ferais que de la réhablitation et des interventions sur du patrimoine ancien: Autre:

70 (32.2%) 122 (57.8%) 26 (12.3%) 24 (11.4%) 54 (25.6%) 30 (14.2%) 33 (15.6%) 9 (4.3%) 18 (8.5%) 33 (15.6%) 54 (25.6%) 54 (25.6%)

3.11. As tu l’impression que ton entourage comprend tes études ?

Qu’est ce que ton entourage pense alors de tes études et du métier d’architecte ? a. Mère architecte d’intérieur b. Même si je leur explique ca reste flou, ils ne visualisent pas je pense le contenu exacte des etudes c. Parce qu’on parle et depuis 5 ans ils commencent à comprendre ... Cependant les enjeux architecturaux leur échapperont toujours. d. Il a compris que je ne gagnerai sûrement pas tant d’argent que ça, et que la complexité pour trouver du travail existe e. C’est beaucoup de travail !

116 |


3.12. Comptes tu faire ta HMO

Pour quelles raisons? a. Pour poursuivre mes études en iep b. Ca dépend si je trouve une agence, je suis pas pressée ça ne me dérange pas de travailler avant avant de la faire au contraire c. Pour rester dans le rythme d. être débarrassée et libre de mes choix ! e. Comme ça, c’est fait !

117 |



remerciements. Ce mémoire n’aurait pu voir le jour sans le soutien et la participation de diverses personnes. Dans le cadre de ce mémoire de Master 2 en architecture, je souhaite remercier le cadre enseignant: Julie Ambal et Xavier Guillot. Je remercie également tous ceux qui ont participé à mes entretiens et répondu à mon questionnaire, sans qui ce mémoire n’aurait pas été possible. Merci à mon PC, Juliette T., Louise D. , Anthony A. , Hugo P. , ainsi qu’à ma famille.

119 |


l’architecte se réinvente aujourd’hui. Un décalage entre représentation et réalité du métier


l’architecte se réinvente aujourd’hui. Un décalage entre représentation et réalité du métier

Vêtu d’un grand manteau noir, chaussé de lunettes rondes, doté d’un regard acéré et un air décidé, l’architecte évoque de multiples fantasmes. Dans un contexte de crise à plusieurs échelles, la profession d’architecte se retrouve face à de nouvelles responsabilités et exigences. Elle a subi de nombreuses mutations qui, aujourd’hui, témoignent d’une réelle réinvention du métier. Cette prise de conscience de la part des architectes a fait émerger de nouvelles formes de pratiques professionnelles qui certifient, en ce jour, du passage du métier d’architecte aux « métiers d’architecte ». Ainsi, comment faire évoluer les représentations collectives, parfois caricaturales à présent en décalage avec l’évolution de la profession ? De nombreux leviers ont été activés afin de réduire l’écart entre l’être représenté et la réalité de ce qu’il est véritablement. Ces derniers, viennent en soutien à une profession insuffisamment perçue dans sa globalité, par le biais de nombreuses initiatives qui tendent à offrir une meilleure lecture de ses nombreuses préoccupations et réalisations. Ces actions visent à redonner une place centrale aux architectes dans la construction de notre cadre de vie, une impulsion nouvelle afin qu’elle ne cesse de s’épanouir et espèrent offrir à ces derniers une légitimité intangible.

MEMOIRE MASTER 2 - ENCADRANTS: Julie AMBAL, Xavier GUILLOT - JANVIER 2017


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.