Le rapport au fleuve dans le projet urbain. Le cas de la ZAC Garonne-Eiffel - Manon Lestage

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Le rapport au fleuve dans le projet urbain Le cas de la ZAC Garonne Eiffel

Manon Lestage

Mémoire de master, Séminaire Repenser la Métropolisation, Julie Ambal, Delphine Willis et Xavier Guillot, Janvier 2017, ENSAPBx

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Le rapport au fleuve dans le projet urbain Le cas de la ZAC Garonne Eiffel Manon Lestage Julie Ambal, Delphine Willis et Xavier Guillot, Janvier 2017, ENSAPBx


2 - Remerciements


REMERCIEMENTS Mes remerciements vont à toutes les personnes ayant contribué à l’élaboration de ce Mémoire de Master. Je tiens tout d’abord à remercier les enseignants du séminaire Repenser la métropolisation, Julie Ambal, Delphine Willis et Xavier Guillot pour m’avoir encadré et orienté durant cette année de recherches. Merci pour l’apport de vos connaissances et vos conseils. Je tiens également à remercier Élise Rambaud et Manon Chanal pour leur aide précieuse dans la recherche de contact. Enfin, au terme de ces remerciements, je souhaite témoigner toute ma gratitude à ma famille pour m’avoir supportée et soutenue durant toute la période du mémoire. Et je n’oublie pas de remercier les personnes qui ont accepté de lire pour me corriger autant que possible.

Remerciements - 3


Acronymes

CCCT CNRS COS CRUAPE CU CUB DCE DLE DOCOB DPF DUP ENS EPA EPCI LGV LOF OIN PAB PADD PAE PAPI PAZ PLU POS PGRI PPRI PPU SAGE SCoT SDAGE SDAU SDE SEM SHON SMEAG TLE VNF ZAC ZUP

4 - Acronymes

Cahiers des Charges de Cessions de Terrains Centre National de la Recherche Scientifique Coefficient d’Occupation des Sols Cahier de Recommandations Urbaines, Architecturales, Paysagères et Environnementales Code de l’Urbanisme Communauté Urbaine de Bordeaux Directive Cadre européenne sur l’Eau Dossier Loi sur l’Eau Documents d’objectifs Domaine Public Fluvial Déclaration d’Utilité Publique Espaces Naturels Sensibles, le Schéma Régional de Cohérence écologique Établissement Public d’Aménagement Établissement Public de Coopération Intercommunale Ligne à Grande Vitesse Loi d’Orientation Foncière Opération d’Intérêt Nationale Port Autonome de Bordeaux Plan d’Aménagement et de Développement Durable Plan d‘Aménagement d’Ensemble Programmes d’Actions de Prévention contre les Inondations Plan d’Aménagement de Zone Plan Local d’urbanisme Plan d’occupation des sols Plan de gestion des risques inondation Plan de Préventions des Risques Inondations Projet Pilote Urbain Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux Schéma de Cohérence Territoriale Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux Schémas Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme Schéma Directeur d’Entretien coordonné du lit et des berges de la Garonne Société d’Économie Mixte Surface Hors Ouvrage Net Syndicat Mixte d’Études et d’Aménagement de la Garonne Taxe Locale d’Équipement Voies Navigables de France Zone d’aménagement Concerté Zones à Urbaniser en Priorité


Acronymes - 5


Glossaire

Berge : Partie située en bordure d’un cours d’eau, en pente douce ou abrupte, elle peut être naturelle, aménagée ou artificielle. Démarche environnementale : Raisonnement et manière d’agir qui cherchent à prévenir, maîtriser et contrôler son impact afin d’être respectueuse de l’environnement. Digue : Ouvrage de protection composé de terre lorsqu’il est artificiel, de galets ou de sable lorsqu’il est naturelle. Cet obstacle construit parallèlement au lit mineur d’un cours d’eau, prévoit le risque de submersion des territoires situées en contre bas. Écologisation : Processus par lequel les considérations environnementales sont intégrées dans les pratiques professionnelles par les politiques publiques et les organisations. Embellissement : Mise en œuvre d’un aménagement dans le seul but de rendre plus esthétique un espace. Ce phénomène est souvent synonyme de végétalisation des rues. Environnement : L’ensemble des éléments naturels ou artificiels qui entoure un individu. L’environnement contient aussi bien les milieux naturels, qu’artificiels, il contient l’air, l’eau, le sol, les ressources naturelles, la faune, la flore, les écosystèmes, les êtres humains etc. Fleuve : Cours d’eau important par son débit et sa longueur qui se déverse dans l’océan ou dans la mer Flurbanisation : Cette expression utilisée par l’historien Bernard Le Sueur est l’analogie de la redécouverte de la campagne. Elle caractérise le phénomène de retour vers le fleuve par les populations en milieu urbain. Nature : L’ensemble des choses qui constituent le monde physique et qui n’a pas été altérer par l’action de l’homme, à savoir l’eau, le relief, le sol, le climat, la végétation etc. OIN : Opération d’urbanisme caractérisée par un intérêt majeur qui l’implique dans une stratégie nationale menée par l’État. Paysagement : Action d’aménager un espace de façon à signifier un paysage naturel Paysager : Relatif au paysage Projet urbain : Outil de planification qui peut s’établir à l’échelle territoriale et sur un long terme Rives : Bande de terre qui borde une étendue d’eau. Dans le cas de Bordeaux, l’appellation «rive droite» et «rive gauche» ne caractérise pas uniquement une bande de terre, mais un secteur ou un quartier en fonction de son implantation vis à vis du fleuve. Quais : Voies aménagées en bordure de fleuve et destinées à empêcher son débordement.

6 - Glossaire


Territoire : Étendue délimitée par des frontières et des limites et présentant une spécificité. Waterfront : En français «front d’eau». Ce terme désigne tout aménagement situé en bord d’eau tirant profit de la valeur immobilière ou foncière du lieu dans le but de requalifier l’image de la ville. La multiplication des projets de reconversion des villes portuaires postindustrielles a engendré l’apparition de plusieurs expressions, telles que : waterfront attitude, waterfront reconversion, waterfront revitalisation ZAC : Procédure d’aménagement fréquemment utilisée pour mettre en œuvre des opérations publiques.

Glossaire - 7


Remerciements

3

Acronymes

4

Glossaire

6 8

Sommaire

Introduction CHAPITRE I: L’aménagement des berges et rives fluviales au cœur du projet urbain

16

PARTIE 1 : La revalorisation des berges, un phénomène généralisé

18

1.1. Le tournant des années 1970 : de l’altération à la gestion des cours d’eau

19

1.2 Le concept de « flurbanisation »

22

1.3 Vers une tendance généralisée de la « Waterfront attitude »

27

PARTIE 2 : La reconquête des berges de la rive droite, un enjeu majeur de l’aménagement urbain bordelais

32

2.1 L’évolution du rapport à la Garonne

32

2.2 La Garonne, un patrimoine naturel

39

2.3. Reconquérir les quais, une priorité politique affirmée

41

PARTIE 3 : La ZAC, un outil d’aménagement prisé

8 - Sommaire

10

46

3.3 De la ZUP à la ZAC

46

3.2 Un mode d’action spécifique

49

3.3. Multiplication des enjeux

52


SOMMAIRE CHAPITRE II : Étude des pratiques à l’œuvre dans la ZAC Garonne-Eiffel

56

PARTIE 1 : Garonne-Eiffel, un «territoire d’avenir ouvert sur la Garonne»

58

1.1. Un projet d’aménagement de grande ampleur

58

1.2 L’organisation du projet Garonne-Eiffel sous forme de ZAC

61

1.3 Un rapport à l’eau et au fleuve revendiqué

66

PARTIE 2 : Un aménagement lié à la présence du fleuve urbain

72

2.1 Différents rapports aux fleuves

72

2.2 Un nouveau type d’espace public lié à la volonté de nature

78

2.3. Une gestion du risque au cœur de l’aménagement

81

PARTIE 3 : Les outils mis en place

88

3.3 Les études préalables

88

3.2 Des préoccupations tendances devenues incontournables

90

3.3 Un travail de conception avant tout

93

CONCLUSION

98

Bibliographie

100 106 108

Iconographie Annexes

Sommaire - 9


1. BORDES-PAGÈS, Elisabeth, «Le «fleuve», berges et rives, territoires de projets communaux», IAU-IDF, n°629, août 2013. URL : https://www.iau-idf. fr/fileadmin/NewEtudes/ Etude_1010/NR629_web. pdf 2. DIRECTION GÉNÉRALE DE L’URBANISME, DE L’HABITAT ET DE LA CONSTRUCTION, Le fleuve dans la ville. La valorisation des berges en milieu urbain, Paris : La Défense, 2006, 118p.

3. GIP Seine-Aval. Pourquoi des activités industrielles se sont-elles installées en bord de Seine ? In GIP Seine-Aval Groupement d’Intérêt Publique [en ligne]. URL : http://www. seine-aval.fr/question/ fiche-sites-industriels/ 4. PAJOT, Guillaume, «Quand la ville puise son souffle dans le fleuve», La Croix, 15 juillet 2010. URL : https://www.la-croix.com/ Actualite/France/Quandla-ville-puise-son-souffledans-le-fleuve-_NG_-201007-16-603846

10 - Introduction

Selon une enquête menée en 2010 par l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de l’Île de France, 75% des 245 communes riveraines de la Seine ayant participé au sondage, menaient un projet relatif aux berges ou aux rives de fleuve au moment de l’étude1. Ce taux significatif témoigne de l’importance aujourd’hui attribuée à la place du fleuve dans l’aménagement et les politiques urbaines des villes. La revalorisation des berges est un phénomène international. Ce mouvement généralisé débute aux États Unis dans les années 1960, devient source d’inspiration et s’exporte en Europe dès les années 19802. Ainsi la métropole Nantaise débute une phase de reconquête du fleuve à travers le grand projet urbain de l’Île de Nantes en 19992, tandis que les quais de Bordeaux font l’objet d’un grand projet d’aménagement dans les années 2000. Face à l’ampleur de ce phénomène, il nous faut comprendre comment le fleuve a su revêtir une telle importance au sein de la ville. L’intérêt des villes pour les fleuves ne date pas d’hier. Et pour preuve, de nombreuses métropoles ont privilégié cet élément naturel pour leur implantation, citons le cas de Tokyo avec le fleuve Sumida, de Londres avec la Tamise ou encore de Paris avec la Seine. Jusqu’à l’ère industrielle, les facteurs liés au caractère économique, politique et social expliquent les raisons de cette attraction qu’ils opèrent. Entre le Vème et le XVème siècle, les populations entrevoient à travers les sites fluviales, tous les composants nécessaires à leur installation. La proximité avec l’eau et l’implantation sur un point haut permettent aux ports et aux villages de bénéficier d’une vue sur la vallée et l’envahisseur. Cet élément est considéré comme une ceinture de protection, mais également comme une ressource non négligeable en eau domestique. Il permet à la fois de se nourrir, de voyager, d’effectuer des échanges de biens et de marchandises avec les villes avoisinantes et de fournir des espaces de loisirs et de convivialités aux riverains. Le développement des villes s’est alors effectué avec celui du fleuve, ce dernier façonnant leur identité. Pourtant, à partir du XIXème siècle, l’homme se détache progressivement de ses cours d’eau. Bons nombres d’industries étant dépendantes du fonctionnement estuarien3, l’aménagement de territoires industriels en bord de fleuve amorce ce phénomène d’éloignement. Du fait des contraintes d’inondabilité qui le caractérise, la ville tourne peu à peu le dos à ce fleuve indomptable et relègue les nuisances urbaines à ces rives devenues inaccessibles. A partir des années 1950, la désindustrialisation a pour effet d’accentuer cette marginalisation. Et pour cause, la pollution de l’eau et la présence de friches industrielles ne rendent pas ces lieux plus fréquentables4. Dans un contexte généralisé de l’urbain, où la ville est récemment devenue le mode d’habiter principal des populations humaines, les effets de la crise environnementale contemporaine se montrent de plus en plus perceptibles. Les modes de pensées et de faire sont progressivement remis en question. Depuis les années 1980, la sensibilisation aux enjeux environnementaux et le désir de repenser la relation entre l’homme et la nature engendrent une préoccupation écologique et environnementale. Principalement en raison de la montée de ces inquiétudes vis à vis du milieu naturel, ainsi que de la recherche d’un cadre de vie plus sain,


INTRODUCTION la nature semble recouvrer une place de plus en plus importante en ville. En effet l’article «La ville des défenseurs de la nature : vers une réconciliation ?», paru dans Natures Sciences et Sociétés, témoigne d’un revirement de la pensée collective. La ville, après avoir été dénigrée pour son impact destructeur sur l’environnement, regagne finalement peu à peu le respect des organisations environnementales. Cela s’explique, dans un premier temps, par la prise de conscience que la ville renferme une faune et une flore digne d’intérêt, mais également par l’idée que la ville constitue, elle-même, un acteur pour la préservation des milieux naturels5. C’est dans ce contexte qu’un regain d’intérêt pour le fleuve urbain fait son apparition dans les années 1980. S’en suit des discours critiques sur l’aménagement orchestré jusqu’alors : la pollution des eaux, la baisse de la biodiversité et l’artificialisation des paysages fluviaux étant les trois principaux arguments recensés6. Ainsi, la considération pour les enjeux environnementaux, la rareté des terrains urbanisables et les objectifs d’utilisation économe et équilibrée de l’espace7 engendrent une modification de la politique publique de la ville. Les projets d’aménagement de fronts d’eaux se voient multipliés dans le but d’amorcer leur requalification et leur valorisation. N’était-ce pas seulement un prétexte dont les villes s’emparent afin de redorer leur image ? Devant l’ampleur du phénomène, certains craignent que les aménagements en bord de fleuve ne relèvent uniquement du « gadget commercial». Cet effet de mode a même été nommé, on parle alors de «Waterfront Attitude» ou encore de «flurbanisation8». Dès lors, le phénomène de métropolisation accentue ce besoin propre à la ville qui est de posséder une vitrine politique, afin de créer et de promouvoir son attractivité. Peut-on toujours voir des préoccupations environnementales dans les volontés de reconquête fluviale ? Bordeaux, grande métropole traversée par la Garonne, ne déroge pas à ce désir d’un «retour vers le fleuve». Énoncée dès le début des années 1980, la réhabilitation du fleuve ne débute qu’à partir des années 1995 avec le premier projet urbain engagé sous la municipalité d’Alain Juppé. L’ambition du maire est de lier les deux rives et de travailler avec la rive droite jusqu’alors abandonnée par les politiques publiques. L’aménagement des quais de la rive gauche menée par le paysagiste Michel Corajoud devient l’opération phare de la transformation de Bordeaux. Une fois ses objectifs atteints, le premier projet urbain cède sa place au deuxième volet en 2009. «2030 Vers le Grand Bordeaux : pour une métropole durable» annonce la création de l’arc de développement durable et poursuit la reconquête fluviale avec le lancement de nombreux projets sur la rive droite tels que les futurs quartiers de Brazza, Bastide-Niel, Garonne-Eiffel ou encore l’aménagement de dix kilomètres de berges. Pour quel paysage fluvial ? La métropole bordelaise parle d’une «promenade autour d’un fleuve redevenu vivant9».

5. SALOMON CAVIN, Joëlle, RUEGG, Jean, CARRON, Catherine, « La ville des défenseurs de la nature : vers une réconciliation ? », Natures Sciences Sociétés, Vol. 18, n°2, 2010, pp. 113-121. URL : https://www.cairn.info/ revue-natures-sciencessocietes-2010-2-page-113. htm 6. CNRS (Centre Nationale de la Recherche Scientifique). L’aménagement des cours d’eau [en ligne]. URL : http://www.cnrs. fr/cw/dossiers/doseau/ decouv/degradation/14_ amenagement.htm 7. Objectifs de la loi SRU (Solidarité Renouvellement Urbain) 8. Op. Cit. PAJOT

9. BORDEAUX. Projet urbain 2030 : vers le Grand Bordeaux [en ligne]. URL : http://www.bordeaux.fr/ p82114

Introduction - 11


FIG 1 : Implantation de l’OIN Bordeaux Euratlantique

10. BORDEAUX 2030. Bordeaux demain [en ligne]. URL : http:// w w w. b o rd e a u x 2 0 3 0 . f r / bordeaux-demain-1

12 - Introduction

À travers ces différentes opérations d’aménagement, l’objectif de la ville est de densifier et de valoriser cette rive droite pour qu’elle puisse faire partie intégrante du cœur historique10. À Bordeaux, le fleuve semble être un outil prisé dans la reconversion de quartiers délaissés. Quelle(s) potentialité(s) d’aménagement des rives de la Garonne pour préserver et valoriser ces lieux ? Cette réhabilitation du site fluvial bordelais s’insère dans un projet métropolitain global. Avec l’arrivée de la Ligne à Grande Vitesse à Bordeaux, le rayonnement de la ville se veut à l’échelle Européenne. La métropole millionnaire est actuellement en pleine mutation. Son ambition est construire une ville durable. Actuellement, elle œuvre pour le projet «55000 hectares pour la nature» dont l’objectif est d’exploiter les ressources naturelles aussi bien pour ses fonctions sociales, économiques qu’environnementales. Alors, comment le fleuve est-il appréhendé dans les projets d’aménagements à l’heure de la transition écologique ? De quelle(s) manière(s) les préoccupations environnementales liées à la relation ville-fleuve se matérialiserontt-elles dans les projets urbains ?


La problématique du développement durable constitue la base du récit métropolitain qui s’est établi autour de la reconversion de la rive droite. Le renouvellement de ce territoire s’effectue progressivement par des projets et des réflexions liés à la thématique de l’environnement et de ses enjeux. La rive droite c’est la «rive de nature», c’est le «poumon vert» de la ville grâce à une transformation amorcée par la réhabilitation de la place Stalingrad, l’aménagement des berges par le paysagiste Michel Desvignes avec la création du Parc des Angéliques ou encore du jardin botanique. Parmi les pionniers de ce renouveau, la ZAC Garonne Eiffel s’insère dans cette volonté en jouant la carte de la «ville jardin11». Cette opération d’aménagement est la quatrième mise en œuvre sur la rive droite. Actuellement en cours de construction, cette ZAC inscrit dans l’Opération d’Intérêt National (OIN) Euratlantique, a pour ambition la reconquête du fleuve et de ses rives, la densification du cœur d’agglomération et la développement d’un quartier d’affaires à vocation européenne tout en conservant et développant les activités économiques existantes12. La particularité de ce projet urbain réside dans son implantation sur le bord de la Garonne, dans un territoire inondable et anciennement marécageux. Protégée par le réseau européen Natura 2000, la Garonne est un élément naturel qui a subit les répercussions d’actions anthropiques bien souvent négatives pour son bon-fonctionnement. Alors quels sont les outils et les procédures instaurés par les acteurs pour une prise en compte des enjeux environnementaux liés au fleuve et à l’eau dans le processus de conception du projet urbain ?

11. DELNESTE, Yannick, « Garonne-Eiffel, les premiers jalons », Sud Ouest, 2 mars 2013

12. Op. Cit. DIRECTION DE LA COMMUNICATION DE LA CUB

FIG 2 : Périmètre du projet de la ZAC Garonne Eiffel

Introduction - 13


Le cas d’études de ce mémoire est volontairement en cours de construction car ce n’est pas le paysage construit, ni encore les répercussions des aménagements qui nous intéressent, mais bien le processus de conception. L’idée est donc de se focaliser sur la façon dont les aménageurs et les acteurs de la fabrique de la ville conçoivent un rapport avec le fleuve et l’eau dans un contexte lié à la métropolisation. Ce travail a donc pour principal objectif de comprendre la manière dont les rapports au fleuve et à l’eau sont abordés et traités dans le projet urbain. Il s’agit donc d’analyser les différents outils mobilisés au sein du processus de conception en interrogeant les manières de faire. Pour se faire, il a été question de mener une double analyse. Tout d’abord une étude sur le fleuve et la Zone d’Aménagement Concerté a été mené afin de révéler leurs caractéristiques et leurs enjeux au regard des politiques de la ville et de l’aménagement urbain notamment. Cette première démarche a permis d’établir une grille d’analyse pour le cas d’étude. Ensuite une recherche a été mené sur le projet Garonne Eiffel à partir des éléments déduits de la première analyse. La confrontation entre différents documents (relevant de la maîtrise d’ouvrage, de la maîtrise d’œuvre et de la réglementation) ont permis de distinguer les différents modes d’actions et outils mobilisés en fonction des acteurs. Au vu de la méthode de recherche, le mémoire comporte deux grands chapitres. Le premier chapitre s’attarde sur les éléments fondamentaux concernant le thème et le contexte de l’étude. Dans une première partie il s’agira d’analyser le fleuve, en le définissant selon les enjeux et les problématiques qu’il sous-tend, en abordant son rapport aux villes selon les époques et posera la question des dérives occasionnées par une reproduction systématique d’un modèle. La seconde partie quant à elle étudiera le projet urbain de Bordeaux au regard du fleuve. Notamment en retraçant l’évolution du rapport entre la ville et son fleuve au cours de l’histoire afin de comprendre le cheminement du retour de Bordeaux vers la Garonne et de saisir la place du fleuve au sein du contexte et des enjeux de la ville. La troisième partie permettra de saisir tous les composants de l’outil ZAC en la définissant au regard de la loi, de son histoire et de ses objectifs, en distinguant les étapes de son élaboration et les possibilités qu’il permet dans l’aménagement de la ville. Le deuxième chapitre sera dédié à l’analyse de la ZAC Garonne Eiffel et des pratiques mises en œuvre. La première partie de ce chapitre tentera de dresser un portrait du cas d’étude, en expliquant dans quel contexte il s’implante et sous quelle forme, et de distinguer les objectifs du projet de ZAC quant à la Garonne. La seconde partie mettra en évidence la prise en compte du fleuve dans l’aménagement de la ZAC en définissant les différents rapports au fleuve et à l’eau,

14 - Introduction


les nouveaux types d’espaces crées et la manière de répondre à la contrainte de l’inondation de façon à mettre en exergue les outils et les modes d’actions mis en place. La dernière partie sera l’occasion d’interroger les intérêts et la pertinence des outils de planification du projet urbain au regard de l’aménagement du fleuve, notamment à travers les études préalables, le travail de médiation et de conception mis en place pour notre cas d’étude

Introduction - 15


16 -


CHAPITRE I

L’aménagement des berges et rives fluviales au cœur du projet urbain - 17


I.I Le tournant des années 1970 : de l’altération à la gestion des cours d’eau Dans cette partie il s’agira d’analyser l’évolution de la relation qui lie le fleuve à la ville au cours de ces dernières décennies, en terme de perceptions mais également de répercussions dans la prise en compte des fleuves. Le contexte actuel étant marqué par la montée des préoccupations environnementales, le constat est celui d’une concentration de l’essentiel des enjeux et des impacts environnementaux au sein des villes. Cette récente prise de conscience n’est pas sans lien avec un regain d’intérêt pour les berges et les rives fluviales. Alors de quelles manières les politiques publiques liées à la gestion des cours d’eau ontelles évolué au regard de l’émergence des préoccupations environnementales ? L’émergence des sensibilités écologiques et environnementales Avec l’apparition des premières conséquences du développement à marche forcé des années 1960, un intérêt grandissant pour les questions environnementales engendrent réflexions et débats autour du sujet. Du fait de leurs médiatisations, une prise de conscience collective s’installe progressivement. Après n’avoir juré que par la société industrielle, après avoir consommé sans compter, les modes de faire et les pensées sont remis en question et pour cause, les constats sont alarmants.

12. LÉVY, Jacques, EMELIANOFF, Cyria, «Environnement», EspacesTemps.net, 15 juillet 2014. URL : https:// www.espacestemps.net/ articles/environnement/

13. DORIER-APPRILL, Elisabeth, Ville et environnement, Editions Sedes, 2006, 512 p.

14. Op. Cit. CNRS

Ce n’est qu’en 1972, lors de la première conférence des Nations Unies sur l’Environnement tenue à Stockholm, que les questions écologiques sont, pour la première fois, placées au rang de préoccupations internationales. Lors de cette conférence, le terme « environnement » émerge alors tel qu’on le connaît aujourd’hui ; d’après Jacques Lévy et Cyria Emelianoff, il se diffuse « en acquérant une connotation écologiste, qui renvoie à l’impact négatif des activités humaines sur les réalités biophysiques12». Les pays industrialisés sont alors directement concernés du fait du progrès technique qui, tel qu’il a été mis en œuvre au cours de la révolution industrielle, engendre des effets sur l’environnement et sur la consommation des ressources naturelles. D’autant plus que cette dégradation croissante opéré par l’homme n’est aujourd’hui toujours pas maîtrisée et menace les générations futures qui devront alors faire face à des dommages irréversibles. La perception d’une raréfaction des milieux et des ressources naturelles est à l’origine d’une remise en question des actions anthropiques, responsables de certaines conséquences sur la qualité du sol, de l’eau, de l’air, sur la préservation de l’environnement, de la faune et de la flore, pour ne citer que les exemples principaux. Le fleuve urbain n’échappe pas à ce constat : les milieux aquatiques, les berges et rives de fleuves ont également été remaniés par la main de l’homme et touchés par l’urbanisation croissante au cours de ces dernières décennies. Ainsi d’après Elisabeth Dorier-Apprill, « Les écosystèmes locaux (littoral, fleuves et rivières, déchets urbains, qualité de l’air), régionaux [...] sont directement affectés par l’empreinte écologique que la ville fait peser sur son environnement13». Dragage, canalisation, endiguement, recalibrage, barrage et modification des cours d’eaux sont autant d’aménagements qui ont été réalisés bien souvent sans prendre en compte les fonctionnements hydrauliques et écologique des systèmes fluviaux14. L’article «L’aménagement des cours d’eau», réalisé par le CNRS, insiste sur les conséquences que peuvent avoir de telles transformations, à savoir une diminution de la diversité naturelle des habitats et des espèces présentes qui

18 - La revalorisation des berges, un phénomène généralisé


PARTIE I

La revalorisation des berges, un phénomène généralisé serait engendrée par la modification des composantes physiques des cours d’eau (pente, profondeur, vitesse du courant, forme des berges etc.). Au delà de l’aménagement excessif des cours d’eaux, est également décriée la présence de friches portuaires, de voies rapides et d’automobiles en bordures de rives qui se fait au détriment d’une présence humaine et démontre un certain manque d’intérêts pour ces fleuves et leurs rives, devenues des zones de non-lieux dans les années 1990. La manifestation des problématiques écologiques s’accompagne alors d’une multitude de décisions environnementales politiques, sociales, administratives et même locales. Dans une logique de préservation, de gestion et de protection des milieux, de nombreux rassemblements et rencontres politiques se mettent en place depuis les années 1970. Citons par exemple la création du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) en 1972, le deuxième Sommet de la Terre, qui introduit l’Agenda 2115 en 1992 et démontre un engagement international pour l’environnement, ou encore le Grenelle de l’Environnement au niveau national qui a lieu en 2007. De ces réunions s’établit progressivement un ensemble de conventions et de lois portant principalement sur les thèmes des bâtiments et de l’habitat, des transports, de l’énergie, de la santé, de l’agriculture et de la biodiversité. Ces engagements témoignent d’un véritable tournant dans la prise de conscience internationale en matière environnementale et amorcent une nouvelle façon de penser et de planifier la ville.

15. L’Agenda 21 est un plan d’action pour le 21ème siècle ayant pour but la mise en place d’un développement durable au niveau mondial. Il concerne l’action économique, le développement social et la protection de l’environnement. Les Agenda 21 locaux en sont des déclinaisons au niveau des villes et des collectivités locales. http:// www.agenda21france.org

En effet, l’évolution des pensées écologiques et environnementales, la constitution de textes et de lois ravivent, depuis les années 1970, les débats et les réflexions portant sur le rapport entre l’environnement et la ville. Le développement durable s’invite alors comme un impératif de l’aménagement urbain et de la gestion de la ville de «demain». Progressivement, des termes tels que «ville durable», «écologie urbaine» ou encore «développement urbain durable» émergent. Parallèlement, la montée des préoccupations pour la préservation de la nature et du paysage combinée à celle de voir s’améliorer les conditions écologiques, esthétiques et sociales des milieux abîmés engendre un retour vers le fleuve à partir des années 1990. Une relation ville / fleuve en constante évolution Ce regain d’intérêt pour le développement du fleuve et de ses rives a pour effet de raviver la relation existante entre la ville et son fleuve. Pour autant, cette relation n’a pas toujours était aussi simple. Au cours des siècles, les villes assistent simultanément à l’imbrication des fleuves à leur urbanisation, à leur exclusion, puis tout récemment, au renouvellement des aménagements en bord de fleuve. Ce rapport complexe et ces changements incessant s’expliquent notamment par l’exposition des zones urbaines aux aléas tels que celui de l’inondation, de la montée des eaux ou encore du débordement du fleuve. « La symbolique de l’eau et ses mythes fondateurs – l’eau pure et purifiante, mais aussi violente et dangereuse, le cycle de l’eau comme source de vie et de mort – relèvent d’une dichotomie attirance-répulsion que l’on peut observer au fil des siècles et à travers

CHAPITRE I, PARTIE 1 - 19


16. DIRECTION GÉNÉRALE DE L’URBANISME, DE L’HABITAT ET DE LA CONSTRUCTION, Le fleuve dans la ville. La valorisation des berges en milieu urbain, Paris : La défense, 2006, p.16.

17. SCARWELL, HelgaJane, SCHMITT, Guillaume, SALVADOR, Pierre-Gil, «Chapitre 2. Villes et inondations dans le SudOuest de la France, de l’époque moderne au milieu du XXe siècle» in ANTOINE, Jean-Marc, DESAILLY, Bertrand, Urbanisme et inondation : outils de réconciliation et de valorisation, Villeneuve d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion, 2014, p. 39

18. ANTOINE, Jean Marc, GAZELLE, François, «Entre nature et aménagement, quels sont les rapports entre une ville et un fleuve ? Toulouse et la Garonne ou les vicissitudes d’une proximité», Les Cafés géographiques de Toulouse, 24 octobre 2001. URL : http://cafe-geo.net/ wp-content/uploads/CRGaronne-24.10.01.pdf

19. SCARWELL, HelgaJane, LAGANIER, Richard, «Chapitre 1 : Les excès hydrologiques : processus, rythmes et impacts anthropiques» in : Risque d’inondation et aménagement durable des territoires, Villeneuve d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion, 2004, pp. 21 - 53

des cultures très différentes. Les eaux du fleuve étaient considérées simultanément comme bénéfiques et maléfiques, porteuses de trafic et d’activités économiques et génératrices d’inondations16». Les auteurs de l’ouvrage «Urbanisme et inondation : outils de réconciliation et de valorisation» vont plus loin dans le développement, selon eux cette relation ambiguë s’explique car : «d’une part le site fluvial et le cours d’eau sont pourvoyeurs d’aménités et de ressources que les sociétés n’ont pas manqué de mettre à profit : eau potable et eau entrant dans les processus de production artisanaux et industriels, énergie hydraulique, navigation et flottage, bioressources fluviales, ressources sédimentaires, sites guéables et défensifs… ; d’autre part, l’écosystème fluvial et son fonctionnement ont pu se révéler très préjudiciables pour les populations riveraines au cours de l’Histoire : crues et étiages sévères, géomorphodynamique du lit mineur, diffusion de pollution diverse etc17». Ainsi les rapports entre les villes et leurs fleuves n’ont cessés d’être incertains, et le fleuve urbain, d’être perçu comme dangereux du fait du caractère imprévisible et dangereux de ses crues. Ce milieu physique, mouvant est devenu aux yeux des hommes une contrainte naturelle dont il fallait se protéger. Les aménagements des cours d’eaux résultent de la volonté propre à l’homme qui est d’apprivoiser les fleuves. Les villes se sont vues dotées de quais, les éloignant toujours plus de leurs fleuves, privilégiant un contact purement visuel à un contact direct avec l’eau. L’évolution des aménagements des berges de la Garonne au niveau de la ville de Toulouse est un exemple qui illustre parfaitement la relation complexe qui a pu caractériser les fleuves au cours des siècles. Trois contextes urbains la déterminent19 : jusqu’au début du XXème siècle la ville est ouverte sur la Garonne, les riverains habitent le fleuve, exploitent les ressources fluviales, communiquent, échangent et aménagent le fleuve de manière à combiner l’utile et le beau au XVIIIème siècle, notamment avec la généralisation de l’endiguement, qui protège contre les crues et favorise le commerce. Dans la même période, une série d’inondation frappe la ville : en 1875, la plus importante fait 200 morts. La ville va alors tourner le dos à la Garonne de manière progressive en cherchant à la dompter et à l’artificialiser de manière définitive. Enfin, la protection et la réappropriation des berges et des rives s’amorcent à partir des années 1980. Les villes occidentales étant passées à des stades approximativement similaires en terme développement, ce schéma là précisément, pourrait être transposé à d’autres fleuves urbains. D’après les recherches d’Helga-Jane Scarwell et de Richard Laganier sur le risque d’inondation, l’urbanisation occasionnerait ses propres risques19. En effet, l’aménagement des bords de fleuves engendre l’imperméabilité des sols, les métropoles sont donc épargnées tandis que les villes en amont subissent les répercussions des moindres interventions. Alors comment faire aujourd’hui pour prendre en compte l’eau qui vient du fleuve ? Helga-Jane Scarwell, Guillaume Schmitt et Pierre-Gil Salvador notent tout de même une évolution concernant les rapports entre l’urbanisation et les inondations au cours de ces dernières décennies. Selon leurs études, on serait passé «[...] de l’illusion de la maîtrise totale des risques, au cours des Trente Glorieuses, à la prise en compte et même à la valorisation des zones inondables dans l’aménagement urbain». Effectivement, un changement en matière de protection contre les crues se fait ressentir du fait d’une incitation à une meilleure maîtrise de l’urbanisation des zones inondables dans les politiques publiques ainsi qu’à une limitation de l’exposition aux risques des personnes et des biens. Cela se matérialise par la mise en place des plans de prévention des risques d’inondation (PPRI). Dès lors, la relation entre les villes et

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les fleuves a pris un nouveau tournant depuis les années 1990. Ce retournement de situation s’explique notamment par une évolution du regard porté sur les cours d’eau qui va alors engendrer la volonté généralisée d’une gestion durable de cet élément naturel. Les prémisses d’une gestion durable des cours d’eau Ainsi, cette modification de la perception des cours qui se développe dès la fin du XXème siècle, s’expliquerait par le développement des politiques de l’environnement et le souci de la qualité de vie. Selon le géographe Stéphane Ghiotti, à partir des années 1970-1980, les politiques de gestion de l’eau reconnaissent l’eau comme un milieu et non plus comme une ressource seulement. Ce changement du regard porté sur cet élément naturel proviendrait « du fait des progrès des connaissances scientifiques (concept d’hydrosystème), des revendications sociales autour de la qualité de la vie ainsi que des logiques politiques à l’œuvre (structuration du courant écologiste)20». D’autre part, suite à la prise de conscience de l’état de dégradation des milieux aquatiques, de la qualité des eaux et de la réduction de la quantité des ressources, les politiques publiques, les organisations, voire les pratiques professionnelles tentent progressivement d’intégrer l’environnement dans leurs processus. Alors comment ce phénomène d’«écologisation» permet-il une valorisation des milieux aquatiques dans les politiques publiques ? Tout d’abord, les atteintes portées à l’environnement en général conduisent à mettre en œuvre des dispositifs de gestion et de préservation des espaces naturels, et en particulier des milieux aquatiques. La politique publique de l’eau se développe en France depuis 1964, date à laquelle la première loi sur l’eau apparaît, de même que des réflexions soutenues par l’agence de l’eau sur les problématiques liées à la répartition de la ressource en eau entre les différents usages, à la lutte contre la pollution ainsi qu’au bon fonctionnement des milieux aquatiques21. Parallèlement, la gestion territoriale de l’eau va connaître une évolution significative. Après avoir été centralisés avec le concept de bassin hydrographique qui dénote un découpage politique, les grands fleuves français font l’objet d’un découpage naturel qui permettra de délimiter six grands bassinsversants comme territoires administratifs de référence afin de faciliter la gestion de l’eau et de ses usages. La reconnaissance institutionnelle et législative de ces bassins se fait tout d’abord à l’échelle nationale avec la première loi sur l’eau de 1964, puis à l’échelle locale suite à la loi du 3 janvier 1992. Enfin, vient l’échelle européenne en 2000 avec la Directive Cadre Européenne (DCE).

20. GHIOTTI, Stéphane, « Les Territoires de l’eau et la décentralisation. La gouvernance de bassin versant ou les limites d’une évidence », Développement durable et territoires, Dossier 6, 2006. URL : http:// journals.openedition.org/

21. La politique de l’eau en France (ONEMA) 2012, 8’5 mn

Par ailleurs, l’intérêt grandissant du public pour l’écologie et la réappropriation des cours d’eau se reflètent dans la nouvelle loi sur l’eau du 3 janvier 1992 qui prodigue à l’eau un nouveau statut. L’eau devient un patrimoine commun et partagé qu’il faut alors protéger et transmettre. Cette loi instaure également deux outils de planification dédiés à la gestion de la ressource : les SDAGE et les SAGE. Les Schémas Directeur d’Aménagement et de Gestion de l’Eau (SDAGE) sont élaborés à l’échelle des grands bassins-versants français par les comités de bassin et programment toutes les actions à mettre en œuvre (préservation des zones humides, maintien des rivières en bon état de fonctionner etc.). Les Schémas d’Aménagement et de Gestion de l’Eau (SAGE) sont, quant à eux, une déclinaison du SDAGE à une échelle locale, pour permettre une gestion au plus près des consommateurs et des usagers. Techniciens, élus et usagers sont alors associés afin de proposer des mesures plus précises et surtout adaptées aux

CHAPITRE I, PARTIE 1 - 21


conditions locales.

22. DIRECTION GÉNÉRALE DE L’URBANISME, DE L’HABITAT ET DE LA CONSTRUCTION, Le fleuve dans la ville. La valorisation des berges en milieu urbain, Paris : La défense, 2006, p.23

23. CEPRI, Centre Européen de Prévention du Risque d’Inondation. Les plans fleuves. In CEPRI [en ligne]. URL : http:// www.cepri.net/les-plansfleuves.htmlCEPRI, Centre Européen de Prévention du Risque d’Inondation, [en ligne], http://www.cepri. net/les-plans-fleuves.html

24.Op. Cit. ONEMA

Simultanément à ces évolutions en terme de politiques de l’eau, les collectivités locales entreprennent de nombreuses actions de requalification des berges, et ça, conjointement avec d’autres partenaires tels que les Voies Navigables de France (VNF), établissement public chargées de la gestion du domaine public fluvial ou les Agences de l’eau, établissements publics du ministère chargé du développement durable. Les nouvelles politiques de l’eau tendent alors à mieux prendre en compte le fonctionnement naturel des cours d’eau à travers la mise en place de nouvelles pratiques donnant lieu à la préservation et la valorisation de ce patrimoine naturel. Parmi elles, «la création de zones humides, de prairies inondables et de bassins de retenue, la réhabilitation ou la «renaturation» des berges, permettant la régulation de l’étiage et des crues, l’épuration naturelle de l’eau et le maintien de la vie aquatique [...]22», dénotent les prémisses d’une gestion durable des cours d’eau. Ainsi à l’échelle communale se développe également une évolution des politiques écologiques et environnementales, notamment à travers la prise en compte du risque lié à l’eau et à la dégradation des ressources naturelles. Les métropoles se dotent alors de «schémas d’aménagement des berges», destinés à mettre en place un plan d’action pour la revitalisation des fleuves, tels que le «Grand Projet Loire trame verte» à Orléans et le projet «Rives de Loire» à Nantes. Apparaissent également les «plans fleuves», davantage consacrés à la prévention des risques d’inondation, ils sont instaurés par le Ministre de l’Environnement Michel Barnier en 1994, dans le but d’une «inscription globale de la politique du fleuve dans une démarche d’aménagement du territoire23». Ces documents d’urbanisme sont conduits dans le cadre d’un partenariat avec l’ensemble des acteurs de l’eau du territoire, des collectivités territoriales, des services de l’État, des usagers etc., citons par exemple le «Plan Bleu» de l’agglomération lyonnaise ou encore le «Plan Garonne» à Bordeaux . Ainsi les préoccupations environnementales émergentes ont permis le développement de nouvelles politiques en matière de gestion, de préservation de cours d’eau. La prise en compte du risque lié à l’eau et la dégradation de la ressource sont autant de facteurs qui ont permis en même tant que la montée de l’écologie urbaine de faire de l’eau un cadre réglementaire privilégié. Selon l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA), «La politique publique de l’eau en France est aujourd’hui menée dans un cadre européen où développement et environnement se combinent avec un objectif ambitieux. La reconquête du bon état des eaux est autant un révélateur que la conséquence d’une prise de conscience collective des menaces qui pèsent sur la ressource en eau24». Quelles qu’en soient les raisons, aujourd’hui, de nombreux exemples prouvent une évolution des politiques publiques quant à la prise en compte de l’eau et des fleuves. Alors comment ces nouvelles mesures se traduisent-elles à l’échelle de l’aménagement des villes ?

1.2 Le concept de « flurbanisation » Les villes fluviales, après avoir pris conscience de la nécessité d’une gestion réfléchie des cours d’eau, redécouvrent les intérêts de cet élément naturel à l’échelle de leur développement. Depuis les années 1990, les projets d’aménagement des berges se multiplient. Le fleuve, après avoir été délaissé par les politiques publiques, est de nouveau investi par des lieux de promenades,

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d’événements ou de détente. Pour qualifier ce phénomène, l’historien Bernard Le Sueur utilise l’analogie de la redécouverte de la campagne et développe le concept de «flurbanisation25». Selon lui, «Le mouvement est tout à fait comparable à celui qui avait poussé les urbains à quitter les villes pour revenir vers les campagnes durant les Trente-Glorieuse26.» Après avoir considéré le fleuve comme un patrimoine naturel à préserver, l’idée que les berges constituent un bien commun et soient vecteur de développement engendre une volonté d’aménagement de la part des politiques publiques. «Cette appropriation (ou réappropriation) des fleuves, rivières et canaux entraîne l’élaboration de nouveaux compromis sociaux, la réalisation d’aménagements spécifiques et le lancement d’actions touristiques, culturelles ou sportives répondant aux nouvelles attentes sociales» explique Bernard Le Sueur dans son ouvrage. C’est dans ce contexte que ce phénomène de retour vers le fleuve se développe progressivement à l’échelle internationale. Afin de comprendre l’évolution des rapports entre les villes et leurs fleuves en termes de réflexion et d’aménagement, il est nécessaire de retracer l’expansion de la reconquête fluviale.

25. Voir Glossaire 26. D’après le compte rendu de la journée d’études du Lyon 9-10 novembre 2001 de Bernard Le Sueur «Les nouveaux lieux communs du patrimoine fluvial : protection et valorisation, enjeux culturels et économiques», cité dans OUEST-FRANCE, Les navigations intérieures de Bernard Le Sueur, Ouest-France, 12 août 2013. URL : https://www. ouest-france.fr/pays-dela-loire/nantes-44000/lesnavigations-interieures-debernard-le-sueur-714892

Les différentes étapes de la «flurbanisation» Ce mouvement généralisé débute aux États-Unis à la fin des années 1950 dans un contexte «d’après-guerre» également marqué par le déclin de l’industrie. Les villes ont alors des priorités, telles que leur développement économique ou encore démographique, qui nécessitent une revalorisation de leur image. L’apparition d’opérations de “waterfront reconversion” ou de “waterfront revitalisation” sont ainsi engagées dans les ports nord-américains. Ce retour vers les zones portuaires se caractérise alors par trois phases bien distinctes résultant des changements de conjoncture économique et de l’approche des aménageurs et des décideurs : À partir des années 1950, la disparition progressive de l’activité maritime engendre la multiplication d’espaces délaissés en bord de fleuve. Dans un premier temps, les friches industrielles sont considérées comme un désagrément avant d’être finalement perçues comme une opportunité foncière du fait des vastes emprises qu’elles constituent. Les villes fluviales se retrouvent alors confrontées à un enjeu urbain important. Selon les recherches de la Direction Générale de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction, la création de nouvelles fonctions urbaines en bords de fleuve devait permettre de «lutter contre la désertification et la dégradation du cœur des villes27». Ces espaces délaissés représentent également une alternative à l’étalement urbain, ils permettent de faciliter la circulation ou encore d’édifier des équipements publics28. L’intérêt pour les fronts d’eau abandonnés va alors se matérialiser, tout d’abord, par une urbanisation excessive dû à l’implantation de bretelles autoroutières sur les rives. Ces opérations d’aménagements, dont le but premier été de désengorger le centre ville, vont avoir comme conséquence l’isolement du fleuve par rapport au reste de la ville, comme ce fut le cas à New York ou à San Francisco.

27. DIRECTION GÉNÉRALE DE L’URBANISME, DE L’HABITAT ET DE LA CONSTRUCTION, Le fleuve dans la ville. La valorisation des berges en milieu urbain, Paris : La défense, 2006, p.23 28.Op. Cit. RODRIGUESMALTA

La désindustrialisation qui survient après le second choc pétrolier de 1979 amplifie les phénomènes de délocalisation des activités et des installations portuaires et d’exclusion. L’utilisation purement fonctionnelle du front d’eau est alors décriée et la volonté de créer des centres exceptionnels se généralise dans les années 1970-1980. Selon les études de Maria Gravari-Barbas, en effet : «Ces projets devaient assurer la transition d’un espace industriel et portuaire vers le tertiaire ; le développement économique des villes industrielles et portuaires du

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29. Op. BARAS,

Cit.

GRAVARI-

29. BOUBACHA, Emmanuel, DAVOULT, Denis, GUEGUEN Eric, Ville et port, Paris, Les Éditions Villes & Territoires, 1997, 151p. 30. HENRY, Magali, «Villes portuaires en mutation. Les nouvelles relations ville-port à Marseile dans le cadre du programme de renouvellement urbain Euroméditerranée», Université de Lausanne, 2006, 141p. URL : https:// doc.rero.ch/record/6114/ files/HENRY_memoire.pdf 31. VERMEERSCH, Laurent, La ville américaine et ses paysages portuaires entre fonction et symbole, Paris, l’Harmattan, col. Géographie et cultures, 1998, 206 p. Thèse sur l’étude de huit villes portuaires : Baltimore, Boston, La NouvelleOrléans, San Diego, et San Francisco aux Etats-Unis, Toronto et Montréal au Canada.

32. Voir glossaire 33. D’après le sociologue et chercheur à l’école d’architecture de Versailles, Claude Prelorenzo dans l’article : LERAY, Christophe, «Reconversion portuaire : «un port, ce n’est parc», Cyberarchi, 3 octobre 2004. URL : http://www. cyberarchi.com/article/ reconversion-portuaireun-port-ce-n-est-pas-unparc-03-11-2004-3576 34. GRAVARI, Maria, «La mer retrouvée : Baltimore et autres reconquêtes de fronts d’eau urbains», Nouvelle Thèse sous la direction de J. Bastié et de B. Dézer, Université Paris IV, Sorbonne, Paris, 1991, 893p.

frostbelt américain étant essentiellement basé sur les affaires, les congrès et le tourisme urbain29.» L’édification de centres commerciaux, de quartiers d’affaires, d’équipements culturels ou d’hôtels de luxe en bord de fleuve attire la population, mais ne participe pas pour autant au désenclavement de ces lieux qui restent fortement coupés du reste de la ville. Le quartier du Fisherman’s Wharf à San Francisco est en cela, un bon exemple des dérives que peut engendrer un tel urbanisme. Dans ce cas là, l’espace fluviale est soumis à la gentrification par l’unique présence de touristes qui a pour conséquence d’amplifier la rupture qui s’opère avec le reste de la ville. Ainsi à partir des années 1990, la volonté d’aménager les bords de fleuve tout en retrouvant une relation avec la ville se généralise. Le morcellement de la ville par la création de quartiers isolés est abandonné au profit d’un urbanisme qui s’efforce à retrouver une relation entre la ville et le fleuve. En effet selon l’ouvrage «Ville & Port», désormais «les grandes lignes du réaménagement sont basées sur un refus des constructions nouvelles à forte densité et une priorité donnée aux espaces publics notamment aux équipements sportifs, récréatifs, culturels, avec une grande part de conservation des héritages industriels et maritimes29.» Les expressions françaises telles que «renouvellement urbain» ou «régénération urbano-portuaire» remplacent alors celles désignant uniquement la revitalisation des fronts d’eau30. Parallèlement, le terme de «maritimisation» se développe et caractérise la volonté des villes qui est de conserver ou de faire renaître la vocation maritime des lieux à reconvertir, quelle soit fonctionnelle, préservation ou environnementale31. Une démarche états-unienne qui prend de l’ampleur Selon plusieurs auteurs (Bonillo, 1992, Chaline, 1994 et Rodrigues-Malta, 1997), ils existent plusieurs générations de waterfronts32. Les villes portuaires de Baltimore et de Boston constituent de véritables pionnierès en matière de reconversion portuaire. Elles marquent la première vague de waterfront dans les années 1950 et sont représentatives du mouvement qui sera transposé sur de nombreuses villes américaines telles que San Francisco, La Nouvelle-Orléans (sur le Mississipi) ou encore Montréal (sur le Saint-Laurent). Cette première impulsion vise la reconquête d’une centralité perdue et valorise l’aspect touristique de même que le développement économique. À Baltimore, la reconversion du port s’est imposée lorsque ce dernier est devenu totalement obsolète car situé trop loin de la mer et ses installations industrielles inutilisables33. Ainsi, dès les années 1950 une opération de reconquête du centre ville est envisagée dans le but de retrouver le dynamisme économique du Central Business District. Le plan de reconversion qui concerne les 100 ha de friches que constituaient alors le vieux port, Inner Harbor, est mis à exécution à partir de 1954. L’implantation d’un Festival Market, grand centre commercial qui met en place les principes du fun-shopping, destine davantage cet aménagement aux touristes et aux hommes d’affaires qu’à la population locale34. Selon les recherches de Maria Gravari, les Festival Market Places constituent la plus caractéristique des «figures urbaines» qui ont vu le jour sur les zones portuaires. «Celui-ci matérialise en effet, d’une manière saisissante, la reconquête d’un espace réputé hostile et marginal et sa transformation en nouveau lieu de référence, ouvert aux populations urbaines et aux touristes35». Ainsi à Baltimore, le processus de développement des attractions touristiques et ludiques localisé autour de l’Inner Harbor a été consolidé par la construction de la Harborplace36 qui a su leur donner un sens. Alliant boutiques

35. Op. Cit. BOUBACHA

24 - La revalorisation des berges, un phénomène généralisé


spécialisées, restauration rapide, activités ludiques, culturelles et représentations, la Festival Market Place est un «produit» touristique et urbain qui a su faire ses preuves dans les villes portuaires de l’Amérique du Nord. Ce concept et le projet qui en découlent sont du à la collaboration du promoteur Rouse avec les architectes Thompson. Cette équipe devient une figure emblématique dans l’aménagement des fronts d’eau. Le promoteur, souvent avec les mêmes architectes intervient alors dans le redéveloppement des zones portuaires de San Francisco, de New York et de la Nouvelle-Orléans. Ce nouveau modèle de réaménagement des fronts d’eau basé sur un nouvel usage du site est amorcé par la ville de Baltimore, va progressivement se diffuser en Amérique du Nord. A Boston, le secteur d’Union Wharf, fait l’objet d’un projet de reconversion dès 1956 avec le plan des 40 ha qui passe à la phase opérationnelle à partir de 196137. Le même schéma se répète alors à Boston, mais également dans les autres villes portuaires qui suivent cet exemple. Le caractère attractif des fronts d’eau permet de répondre à l’objectif principal de cette reconversion portuaire qui est «de redynamiser les centres-villes, de rehausser l’image de la ville et d’offrir des activités susceptibles d’attirer de nouveaux flux (tourisme, congrès,...)38». Ce mouvement généralisé va être qualifié de “waterfront revitalisation”, et après s’être progressivement diffusé en Amérique du Nord, il s’exporte au delà du continent Américain en étant considéré comme un modèle de réaménagement portuaire. Projets généralisés en Europe et en France

36. La Harborplace est le Festival Market Place créé en 1980 dans le cadre du réaménagement de l’Inner Harbor de Baltimore.

37. CHALINE, Claude, «La reconversion des espaces fluvio-portuaires dans les grandes métropoles», Annales de géographie, n°544, 1988, p. 699 38. DIRECTION DE L’ A M É N A G E M E N T FONCIER ET DE L’URBANISME, «Ville et Port», Centre de Documentation de l’urbanisme, 1997, p. 19. URL : http://www.cdu. urbanisme.equipement. gouv.fr/IMG/pdf/ville_et_ port_cle05e12d.pdf

Ainsi à partir des années 1970-1980, la deuxième vague de waterfronts fait son apparition en Europe, mais aussi en Australie à Sydney et à Brisbane. Le mouvement se développe alors dans les grands ports européens, d’abord britanniques (Londres, Liverpool) puis continentaux (Rotterdam, Amsterdam, Anvers, Gênes, Bilbao, Barcelone). En Europe occidentale, ce sont les villes portuaires britanniques qui initient le phénomène de flurbanisation et qui concrétisent les plus grandes reconversions. Londres constitue alors le modèle de référence avec les London Docklands qui instaurent une nouvelle forme de réaménagement des fronts d’eau39. Selon Claude Chaline : «La fermeture des docks du port de Londes, qui commence en 19671969 (East India, St Katharine, London docks), crée des conditions favorables à la réceptivité de modèles innovants, afin de réutiliser des espaces jouxtant pratiquement la City40.» En effet, le bassin portuaire londonien figure parmi les plus grand port du monde. Ce bassin comprend les Dockslands, une immense zone désaffectée aux porte de la City qui fait suite à la désindustrialisation et la délocalisation des activités maritimes entraînant l’exode l’une partie de la population. Plus de 2000 hectares de friches industrialo-portuaires situées sur les bords de la Tamise en aval du Tower Bridge font alors l’objet d’une regénération urbaine. Ce n’est qu’en 1981, après plusieurs tentatives d’aménagement, que fut mis en place un établissement public d’aménagement par le gouvernement, la London Docklands Development Corporation (LDDC), ancré dans une politique destinée à régénérer tous les territoires urbains en voie de délaissement. La génération des docklands de Londres n’est pas planifiée, aucun plan guide n’est établi, mais selon Rachel Rodrigues-Malta, elle poursuit tout de même un double objectif, concernant «tout autant la requalification physique de vastes territoires que la reconversion de la base économique locale41.» Cette reconversion se développe également selon trois axes majeurs développés dans les recherches

39. Op. Cit. HENRY, p.19

40. Op. Cit. CHALINE

40. Op. Cit. RODRIGUESMALTA

CHAPITRE I, PARTIE 1 - 25


41. PERRINE, Michon, «L’opération de régénération des Docklands : entre patrimonialisation et invention d’un nouveau paysage urbain», Revue Géographique de l’Est, vol. 48, 2008. URL : http:// journals.openedition.org/ rge/1104 42. Op. Cit. PRELORENZO

43. Ibid

44. AGENCE D’URBANISME DE CAEN NORMANDIE MÉTROPOLE, «Le VieuxPort de Montréal», Aucame, Avril 2008, 4p.URL : http://www.aucame.fr/ web/publications/etudes/ fichiers/Fiche_Montreal.pdf

45. AGENCE D’URBANISME DE CAEN NORMANDIE MÉTROPOLE, «A l’interface Ville-Mer, quelles reconversions pour les anciens sites portuaires. 11 exemples internationaux», Avril 2008, 22p.URL : h t t p : / / w w w. a u c a m e . fr/web/publications/ etudes/fichiers/Etude%20 waterfronts.pdf

de Claude Chaline : la création d’une enterprise zone destinée aux activités industrielles légères, la création d’une seconde City (Canary Wharf) et la réalisation de lotissements résidentiels haut-de-gamme. Les reconversions des ports britanniques témoignent d’une attention particulière portée au patrimoine portuaire, notamment grâce à la conservation et la réhabilitation de quelques éléments symboliques de l’ancienne zone portuaire de Londres. Toutefois selon Perrine Michon, une nouvelle urbanité découle de ce type d’aménagement et constitue une «rupture majeure dans la manière de faire la ville41». Une réflexion que nous aborderons dans une prochaine partie. Ainsi ce modèle de régénération urbaine constitue l’un des exemples les plus étudiés et les plus controversés. Beaucoup cherchent ainsi les raisons qui ont permis un développement économique et une urbanisation aussi importante au vu du contexte initial42, tandis que de nombreux ports européens s’engagent dans un processus de désaffectation en s’inspirant du modèle Londonien. Néanmoins dans l’Europe continentale, les projets de reconquête portuaire suivent peu les «extravagances urbaines» caractéristiques des opérations d’aménagements américaines. Avec la montée de la prise de conscience environnementale et des préoccupations de conservation du patrimoine, un troisième modèle de reconversion se manifeste, celui de la reconversion citoyenne43, notamment avec l’aménagement du Vieux-Port de Montréal. Les réflexions sur l’avenir de ce site portuaire débutent à partir des années 1975, néanmoins toutes les études seront rejetées par la population qui se mobilisera afin que l’aménagement portuaire fasse l’objet d’une concertation public44. La finalité dans ce processus de conception n’est autre que la restitution d’une relation entre les habitants avec le fleuve et leur ancien port. La reconversion du Vieux-Port de Montréal constitue en cela une nouvelle manière de faire la ville qui se concrétisera avec l’aménagement d’un parc linéaire le long du fleuve Saint-Laurent. Enfin, le dernier modèle révélé par l’étude sur la ville portuaire menée par Claude Prelorenzo, serait typiquement français. Apparu dans les années 1990, il s’apparenterait à une «recomposition urbaine». Les termes d’urbanisme prospectif ou d’urbanisme raisonné qualifient alors ce nouveau type d’aménagement dont l’ambition est «d’attirer de nouvelles activités économiques tout en essayant de respecter les préoccupations sociales, culturelles et environnementales45». L’idée principale étant que l’aménagement du front d’eau puisse participer au renouvellement urbain de la ville et permettre de ranimer les liens entre la ville et le fleuve. Parmi les villes portuaires représentatives de ce modèle, citons Marseille avec le projet Euro-Méditerranée dont l’objectif était de créer une nouvelle articulation entre l’espace portuaire et la ville, Le Havre avec le projet Le Havre 2000, ou encore Dunkerque avec le Projet Neptune. Les différentes reconversions portuaires qui se sont succédées au cours des trente dernières années, témoignent ainsi de l’intérêt que portent les villes à leurs fronts d’eaux. Ces nombreux exemples mettent également en évidence les potentialités qui s’en dégagent, que ce soit en terme de développement économique, d’aménagement ou encore de revitalisation urbaine. D’autre part, le changement de paradigme qui semble s’effectuer depuis les années 1990, témoigne d’un véritable attachement pour la relation de la ville avec son port et plus largement, avec son fleuve et dévoile l’existence d’une multitude de façon de faire. Pour autant, la régénération des sites portuaires s’est, pour beaucoup

26 - La revalorisation des berges, un phénomène généralisé


de villes, réduite à la retranscription d’un modèle pré-construit. Pour qualifier ce phénomène, Rachek Rodrigues-Malta utilise alors l’expression significative Waterfront attitude dans son ouvrage «Une vitrine métropolitaine sur les quais. Villes portuaires au sud de l’Europe».

I.3. Vers une tendance généralisée de la «Waterfront attitude» Comme nous avons pu le voir précédemment, une réintégration de la dimension fluviale s’élabore dans le cadre d’une recomposition urbaine depuis les années 1980. En 1987, lors d’un colloque consacré à « la ville et le fleuve46», Jean Labasse expliquait alors que l’époque était à « la réhabilitation contemporaine des fleuves ». D’après ce même auteur, «(...) un renversement de la perspective semble s’esquisser depuis quelques années. L’écologie, le souci de l’environnement et de la qualité de vie, la recherche d’une nouvelle convivialité sont autant de facteurs qui expliquent les tentatives nombreuses de réhabilitation des fleuves à l’intérieur des villes47.» Ainsi la reconquête des fleuves en milieu urbain s’établit avec l’évolution des perceptions du cours d’eau : nous sommes passés d’une vision d’un espace à risques, à la volonté d’une préservation et d’une gestion de la ressource, à la reconnaissance d’un patrimoine porteur de valeurs paysagères et de qualité de vie. Pour autant, les vagues successives de waterfronts que nous avons étudié dans la partie précédente, nous démontrent que cette aversion pour les zones portuaires ne s’explique pas uniquement par la montée des préoccupations écologiques. Alors quelles peuvent être les dérives occasionnées par la Waterfront attitude ? Et en quoi le dernier modèle de reconversion portuaire est-il une figure d’une nouvelle prise en compte environnementale et paysagère ?

46. 112ÈME CONGRÈS NATIONAL DES SOCIÉTÉS SAVANTES, La ville et le fleuve, colloque, Lyon, 2125 avril 1987, Édition du C.T.H.S, 1989 47. LABASSE, Jean, « Réflexion d’un géographe sur le couple ville-fleuve » in La ville et le fleuve : colloque tenu dans le cadre du 112e Congrès national des sociétés savantes, Lyon, 21-25 avril, Éditions du C.T.H.S, 1989

Du fleuve délaissé au fleuve re-convoité Au cours des parties précédentes, les diverses raisons qui ont engendré une rupture au niveau des relations entre la ville et son fleuve ont pu être abordées. Bien qu’elles soient différentes en fonction du contexte des villes, on remarque toutefois une tendance générale dans les villes industrielles du fait de leur développement similaire. Les mêmes phases liées à la révolution industrielle, à la crise économique, à la désindustrialisation ou encore à la multiplication de friches portuaires sur les fronts d’eaux se sont alors développées dans les villes portuaires. Ainsi, une multitude de facteurs entraîne un rejet de l’espace fluvial au cours des époques. Avec la révolution industrielle, le fleuve urbain est délaissé, mis à l’écart du reste de la ville. La séparation qui s’opère entre le fleuve et la ville est autant physique que visuelle avec l’installation d’usines portuaires et industrielles qui limitent considérablement l’accès aux rives. Après avoir été au cœur du développement urbain, le fleuve est alors uniquement perçu comme un lieu fonctionnel. La réorganisation des installations portuaires et la désindustrialisation entraîne par la suite le déclin des ports fluviaux urbains. Finalement, ce mouvement qui aurait pu engendrer un retour de la population locale sur les rives et les berges fluviales, amplifie, au contraire le phénomène décrit précédemment. Les vastes espaces portuaires laissent place à des zones abandonnées. Dans les années 1970, l’aménagement de réseaux routiers sur les rives, comprenant notamment des voies rapides, accentue d’autant plus cette séparation entre les villes et leurs fleuves. Le fleuve urbain, en plus d’être devenu inaccessible au cours des dernières décennies va également revêtir une image négative. Le fleuve ainsi délaissé va être de nouveau convoité en France à partir

CHAPITRE I, PARTIE 1 - 27


48. L’utilisation du préfixe «re» est présent dans la plupart des ouvrages abordant le sujet de la reconquête fluviale, citons par exemple : GERARDOT, Claire, « Les élus lyonnais et leurs fleuves : une reconquête en question », Géocarrefour, Vol. 79/1, 2004. URL : http:// journals.openedition.org/ geocarrefour/567 ; Op. Cit. PRELORENZO 49. Op. Cit. GERARDOT

49. Ibid

51. Op. Cit. PRELORENZO

des années 1980. Comme nous l’avions vu précédemment, de nombreuses villes portuaires planifient des projets de reconquêtes fluviales. L’emploi du préfixe «re» devient une véritable constante dans la qualification des projets : reconversion, reconstruction, requalification, renaissance, recomposition, reconstruction, renouvellement, reconstituer un contact urbain avec le littoral sont autant de termes et d’expressions qui désignent les projets d’aménagements fluviaux48. L’utilisation de ce préfixe exprime le désir qui émane de la société d’un retour vers le fleuve, il s’agit de retrouver la relation qui existait autrefois entre la ville et son cours d’eau. Cette volonté d’une «reconquête s’explique également par tous les bienfaits qui caractérisent le fleuve urbain. Dans son étude sur la reconquête du fleuve Lyonnais, Claire Gérardot explique que «Longtemps confiné presque exclusivement dans ses aspects de bien individualisable, soumis à la logique de gestion privée et source de richesses matérielles - productions agricoles, industrielles, trafic - susceptibles de procurer des profits immédiats, (le fleuve) devient source de richesses immatérielles et de satisfactions biologiques ou esthétiques et, en tant que tel, doit participer au bien-être des citadins (...)49». Ce nouveau lieu de vie devient le sujet principal de nombreux auteurs et acteurs (politiques de la ville, promoteurs, agences immobilières, architectes, sociologues) tandis que les habitants retrouvent peu à peu des usages autour du fleuve en ville. « Des fronts fluviaux sont restaurés, des ports de plaisances et des stades nautiques sont créés, des promenades se substituent parfois aux autoroutes riveraines50». Le fleuve est reconvoité et le waterfront est devenu en quelque sorte une tendance, une recette miracle51. Les dérives engendrées par la Waterfront attitude Pour autant, les projet de reconversions portuaires qui nous sont tout droit venus des États-Unis, ont tout aussi bien été loué que décriés, du fait de plusieurs facteurs. La critique la plus évidente et la plus importante qui a été faite à ce type d’aménagement concerne tout d’abord la planification spatiale et programmatique qui est à l’origine d’une rupture avec le contexte initial.

52. Op. Cit. DIRECTION DE L’AMÉNAGEMENT FONCIER ET DE L’URBANISME 53. Op. Cit. CHALINE p.697

53. Voir Chapitre I, Partie I, 1.2

«Dans la plupart des cas, il apparaît que les schémas de réaffectation totale et irréversible des espaces portuaires délaissés pour d’autres usages ne font pas l’unanimité, car ils sont souvent en rupture avec la vocation maritime du site à laquelle les villes portuaires européennes sont intimement liées52». Claudine Chaline développe cet argument dans son étude sur la reconversion des espaces portuaires : «Sur un plan strictement soci-économique, de tels espaces ont pu signifier emplois, rentabilité du capital, par contre, en terme de paysage, de morphologie urbaine, la conséquence évidente fut de couper durablement les villes de leur front fluvial ou maritime52». Selon l’Aucame, cette rupture dont il est question serait dû à l’absence de réflexion quant à la liaison entre la ville et les nouvelles centralités créées : «Ces waterfronts deviennent rarement des espaces organiques de la ville et font le plus souvent office de parc d’attraction. Ces waterfronts peuvent être de véritables échecs lorsque les villes oublient de travailler l’intégration du Festival Market Place avec le milieu urbain». Le dernier modèle de reconversion portuaire révélé par Claude Prelorenzo et amorcé en France dès les années 198054, témoigne de la volonté de palier à cette rupture et à ce manque de liant entre la ville et le fleuve. Les nouveaux projets d’aménagements de bords d’eaux visent ainsi une recomposition urbaine par l’articulation de la ville au fleuve tel que le projet Euro-Méditérranée à Marseille.

28 - La revalorisation des berges, un phénomène généralisé


Le choix programmatique est également une donnée importante dans la restructuration de ces espaces. Les projets de reconversion portuaire ou de reconquête fluviale privilégient les domaines de la plaisance, du tourisme, des loisirs et du tertiaire, pourtant selon Claude Prelorenzo, «cette tentation du tourisme et du loisir peut se révéler être une fausse bonne idée». Dans l’article «Reconversion portuaire : «un port, ce n’est pas un parc», le sociologue affirme qu’«une autre évolution des installations existante peut être envisagée» et explique : «De fait, des villes portuaires rechignent aujourd’hui à ‘laisser partir’ leurs installations car elles réalisent que l’option tourisme n’est pas forcément la plus pertinente et estiment, à juste titre, qu’il serait plus économique d’utiliser ce qui existe.» En effet, cela pose la question de la durabilité des aménagements récents sur les bords d’eau. Actuellement, de nombreux projets sont en cours, en passant par le ré-aménagement de quais, l’installation de quartier d’affaires ou l’aménagement de nouveaux quartiers de logements52, on peut alors se demander quelle sera la pérennité de tels aménagements ? D’autre part, Claude Prelorenzo aborde également une nouvelle «attitude gouvernementale» qui s’expliquerait par l’émergence d’une société de plus en plus «hydrophile» : «les maires veulent des bassins, de l’eau, des lacs, des fronts de mer, etc. Cette attirance de l’eau, nouvelle pour l’homme à l’échelle de l’humanité, fait pression sur les installations anciennes des ports pour libérer du foncier53». Cette nouvelle tendance n’est pas anodine est s’instaure dans la même lignée que le mouvement lié au waterfront puis celle d’une nature en ville. La reconquête fluviale, dès lors qu’elle s’est amorcée dans les villes portuaires de l’Amérique du Nord, a été transposée à l’échelle internationale. Aujourd’hui, les collectivités locales semblent se saisir de ce modèle de projet d’aménagement dans l’optique de redorer l’image de leur ville, de permettre un développement économique ou encore de permettre une recomposition urbaine. De nombreux projets fleurissent alors le long des rives et berges fluviales avec des slogans en tout genre. Ainsi le projet Rives de Saône à Lyon part à la «reconquête des fleuves» tout en cherchant à «réintroduire la nature en ville54», tandis ce que celui de Brazza propose de «vivre avec la nature55». Selon les recherches de Da Cunha, de Mathieu et de Guermond, ces termes « (...) sont maintenant fréquemment utilisés pour désigner à la fois des intentions et des idéaux qui relèvent de l’utopie politique et des pratiques d’aménagement et d’urbanisme qui se veulent innovantes56». Ces solutions toutes faites qui caractérisent aujourd’hui l’urbanisme du 21ème siècle, posent notamment la question de l’instrumentalisation et des abus de langage ; deux problématiques décriées par Hélène Reiner, Thierry Brenac et Frédérique Hernandez dans un dictionnaire critique57 écrit dans le but de mettre à en garde contre les faux semblants et la «novlangue» de la «ville mobile, verte et sure». Les trois auteurs invitent à une compréhension plus fine de l’action publique urbaine à travers la critique de plusieurs termes et expressions à succès de la fabrique de cette nouvelle forme d’urbanité. Par ailleurs, l’étude précédente sur les différentes reconversions portuaires qui se sont amorcées depuis les années 1950 aux Etats-Unis58 remet sérieusement en question l’idée que ce regain d’intérêt pour l’aménagement des bords de fleuve proviendrait de la prise de conscience des valeurs environnementales. En effet d’après Sophie Bonnin, le réaménagement des fleuves et de ses berges ne résulteraient pas seulement de la montée des préoccupations «pour la préservation de la nature et du paysage», ou encore «de la montée d’un désir de voir s’améliorer les conditions écologiques, esthétiques et sociales de ces milieux très abîmés», mais davantage du fait de leur valeurs économiques. En effet, dans

52. Citons le projet d’Euratlantique à Bordeaux que nous développerons dans une prochaine partie. 53. Op. Cit. PRELORENZO

54. RIVES DE SAÔNE. Le Projet. In Rives de Saône [en ligne]. URL : http:// www.lesrivesdesaone.com/ le-projet/ 55. Plaquette de présentation du Quartier Brazza consultable sur : http://www.bordeauxmetropole.fr/Grandsprojets/Grands-projetsurbains/Brazza. Bordeaux Métropole, «Quartier Bordeaux Brazza. Urbanisme en Liberté», 2017, p. 27 56. Voir les ouvrage : MATHIEU, N, GUERMOND, Y. , La ville durable : du politique au scientifique, Coll. Indisciplines, Paris, INRA Éditions, 2005, 285 p. ; DA CUNHA, A., KNOEPFEL P., LERESCHE J.-P., NAHRATH S., Enjeux du développement urbain durable : transformations urbaines, gestion des ressources et gouvernance, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2005, 470 p. 57. REINER, Hélène, BRENAC, Thierry, HERNANDEZ, Frédérique, Nouvelles idéologies urbaines. Dictionnaire critique de la ville mobile, verte et sûre, Rennes : Presses universitaires de Rennes, coll. « Espace et Territoires », 2013, 178p. 58. Voir Chapitre I, Partie I, 1.2

CHAPITRE I, PARTIE 1 - 29


59. BONIN, Sophie, « Fleuves en ville : enjeux écologiques et projets urbains », Strates, 13, 2007. URL : http:// journals.openedition.org/ strates/5963#

60. Op. Cit. PAJOT

61. Ibid

son article, Sophie Bonnin relève trois facteurs qui confirment cette hypothèse : la «patrimonialisation» des espaces industriels qui engendrent la réhabilitation ou même la conservation de certains bâtiments, les friches comme espace foncier accessible et urbanisable, et enfin, la mise en place de nouvelles réglementations liées à l’inondation qui expliquerait le besoin de repenser ses espaces. Néanmoins elle en conclut que l’évolution des pensées en matière de l’aménagement des sites fluviaux, engendre une reconnaissance de leurs valeurs et de leurs potentiels écologiques et environnementaux59. Pour finir, l’aménagement des bords d’eau soulève également la question d’une «nature agrément » au service de l’aménagement urbain afin de répondre à une envie de nature exprimée par la population. Ainsi la reconquête fluviale s’apparente dans plusieurs cas à la reconquête d’une marge urbaine à l’aide d’un aménagement paysager afin de changer l’image d’un quartier ou encore d’une ville. Les projets fluviaux permettent ainsi de dessiner «l’image d’une ville innovante et dynamique», mais aussi d’être «les nouvelles vitrines des politiques de la ville60». Ainsi le fleuve peut être perçu comme un outil marketing support de valorisation immobilière ou encore comme un «gadget commercial» au service de la réhabilitation ce qui inquiète le sociologue Claude Prelorenzo qui s’inquiète d’une «Perte de la mémoire des lieux au bénéfice d’une ville ludique, plus amusante que réellement utile61». Un nouveau territoire urbain

62. Op. Cit. GERARDOT

63. CHARLIER, J., MALEZIEUX, J., Les stratégies alternatives de redéveloppement portuaire en Europe occidentale, Le Havre : AIVP, 1994, 96 p.

64. BAFFICO, Stéphanie, «Baltimore, une saga portuaire», Urbanités, 13 novembre 2014. URL : http://www.revue-urbanites.fr/4-baltimore-unesaga-portuaire/

Pour autant, le fleuve peut être perçu comme un véritable outil d’urbanisme. Lorsqu’il s’inscrit dans un projet urbain global, il détient alors un rôle dans le renouveau de la pensée urbaine, lié à l’écologie, la démarche environnementale et paysagère, mais également à la qualité de vie et d’autres facteurs. En effet selon Claire Gerardot, les fleuves deviendraient les réceptacles des enjeux urbains montants, «(...) les objectifs de «reconquête» des fleuves viennent en fait se greffer sur d’autres, préexistants, la valeur protéiforme potentielle du fleuve urbain pouvant prendre corps dans tous les aspects de la vie urbaine : patrimonial (mise en valeur du patrimoine naturel et culturel lié à la présence des fleuves), social (amélioration des usages récréatifs des fleuves et de leurs berges, recherche d’une nouvelle convivialité autour de l’eau), économique (réflexion sur une nouvelle économie du fleuve), écologique, morphologique et urbanistique (continuités longitudinales et transversales à renforcer, développement urbain en liaison intime avec ses fleuves), esthétique62…». Face aux constats et aux critiques élaborées envers les reconversions portuaires des années 1970, des types de reconversion plus nuancés apparaissent : «(...) certaines fonctions portuaires sont maintenues ou créées (passagers, croisières, batellerie, tertiaire portuaire,...) afin d’être intégrées dans le fonctionnement urbain63». Les villes ne cherchent plus uniquement à recomposer un espace délaissé ou à créer une centralité de toutes pièces. Dorénavant l’objectif principal est de redynamiser et de redéfinir les relations entre la ville et son fleuve. Ainsi depuis 2003, un nouveau plan d’aménagement a été élaboré pour le port de Baltimore qui, après avoir constitué un modèle à l’échelle mondiale, déplore le manque de connexion entre la ville et son fleuve. Les objectifs sont clairs : le nouveau Master Plan doit conserver l’esprit de celui de 1965 tout en renouant des liens étroits entre le port et la baie de Chesapeake. L’ambition de ce projet étant de devenir un «modèle de réaménagement portuaire durable aux Etats-Unis aux XXème siècle64».

30 - La revalorisation des berges, un phénomène généralisé


Avec les nouvelles notions d’urbanisme qui émergent à cette époque, les réflexions sur l’aménagement de la ville se portent sur le recyclage urbain et la mise en valeur de la ville existante. D’abord interprétés comme la matérialisation d’un déclin socio-économique, les vides urbains et friches industrielles sont considérés comme des opportunités foncières qui peuvent être mises à profit pour lutter contre l’étalement urbain en requalifiant le tissu existant. L’urbanisme d’extension est alors remplacé par un urbanisme de conservation qui fait appel à l’histoire et à la mémoire locale65. Ainsi la montée des préoccupations va faire émerger de nouveaux objectifs urbains tels que la question du cadre de vie, de l’interrelation entre l’homme et son milieu naturel, mais aussi celle du recyclage urbain et de la mise en valeur de l’existant. Ces nouvelles approches ont permis une évolution des projets de reconquête fluviale, tant sur le caractère spatial que programmatique. Cela conduit également les villes à s’interroger sur leur identité, sur les moyens de la révéler et de la reconstruire. De nouvelles manières de concevoir le projet urbain se dessinent. «Aujourd’hui les contraintes environnementales ont cédé la place à des qualités paysagères que les riverains revendiquent en termes de cadre de vie66».

65. ATENOR Group, «Aménagement urbain. Quand le fleuve dope la ville», Divercity, Avril 2011, pp. 32-37. URL : http:// www.atenor.be/file/1728/ download

66. SALLES, Sylvie, « Contraintes environnementales et opportunités paysagères : Nancy « rives de Meurthe », Espaces et sociétés, n° 146, 2011, p. 53-69. URL : https://www.cairn.info/ revue-espaces-et-societes2011-3-page-53.htm

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2.I. L’évolution du rapport à la Garonne La renommée du port de Bordeaux n’est plus à faire. Surnommé «le Port de la Lune» de part son implantation sur la Garonne, il a su faire ses preuves au cours du temps. Autrefois loué grâce à ses retombées économiques et son influence en terme de lieu de commerce international, il est aujourd’hui inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco pour sa valeur universelle et en tant qu’héritage de 2000 ans d’échanges. Pour autant, la Garonne comme tout fleuve urbain, a été délaissée puis convoitée au cours du temps. Ainsi plusieurs périodes se sont succédées. La ville a pendant longtemps été irrigué par les échanges fluviaux avant de connaître l’incontestable déclin de son port et la nécessité de s’accommoder de la disparition de ses activités portuaires. Aujourd’hui, un nouveau lien entre les Bordelais et la Garonne se profile. Des liens étroits et familiers 67. BORDEAUX. Bordeaux, porte océane (1715-1793) [en ligne]. URL : http://www. bordeaux.fr/pgPresStand8. psml?_nfpb=true&_pageLa bel=pgPresStand8&classo fcontent=presentationStan dard&id=7097

68. Ibid

Au cours de l’histoire, la ville de Bordeaux s’est structurée autour de son fleuve. Que ce soit du point de vue économique ou urbain, la Garonne a joué un rôle primordial dans le rayonnement de cette ville. L’activité portuaire constituait en effet le vecteur essentiel du dynamisme économique. Véritable «porte sur l’Atlantique» ou «porte océane67», la croissance et la renommée de Bordeaux n’est pas sans lien avec l’exportation de ses vins, de ses productions locales ou encore l’importation de marchandises et autres échanges internationaux qui fait de Bordeaux «la place commerciale de premier ordre» au XVIIIème siècle. Un siècle plus tard, les constructions navales liées au développement industriel accompagne également cet essor économique68. L’activité portuaire domine à Bordeaux, mais d’autres potentialités sont exploitées. Ainsi jusqu’au XIXème siècle, les Bordelais et la Garonne interagissaient fréquemment, le fleuve faisant alors l’objet de quatre usages principaux : l’usage domestique, artisanal et industriel, commercial et récréatif. En terme de développement urbain, Bordeaux s’est édifiée en lien avec son fleuve. La mise en scène de l’interface entre la ville et la Garonne en est une preuve. Large de cinq mètres, cette dernière sépare la ville en deux moitié bien distinctes et constitue une des raisons pour laquelle les deux rives de Bordeaux n’ont pas connu le même développement. En effet, l’histoire urbaine de la rive gauche remonte à l’Antiquité tandis que celle de la rive droite date du XIXème siècle. Pendant des siècles, Bordeaux se développe uniquement sur la rive gauche, se souciant peu des marécages et des terres agricoles de la rive droite. La communication entre les deux rives n’en était pas amoindrie pour autant, bien que la ville de Bordeaux se soit développée pendant plusieurs siècle sans avoir de pont.

69. VIS LE FLEUVE. Une découverte de la Garonne en milieu urbain [en ligne]. URL : http://vislefleuve. sudouest.fr/#escale/5

L’absence de pont n’était pas vécue comme un handicap à Bordeaux. La Garonne n’était pas perçue comme un obstacle ou une frontière infranchissable, mais au contraire comme une «ligne de contact», un «trait d’union69». En effet, des relations transversales s’établissaient de manière permanente avec l’aide de passeurs et de bateaux et pendant 2000 ans, les Bordelais ont vécu avec leur fleuve. Il faut attendre 1808, date à laquelle Napoléon Ier décide la construction du Pont de Pierre afin de faciliter le passage des ses troupes vers l’Espagne, pour qu’un lien physique s’établisse entre les deux rives. La question du franchissement devient alors crucial, de même que celle de son emplacement qui conditionne ensuite le développement urbain.

32 - La reconquête des berges de la rive droite, un enjeu majeur de l’aménagement urbain bordelais


PARTIE 2

La reconquête des berges de la rive droite, un enjeu majeur de l’aménagement urbain bordelais

FIG 3 : Cartographie de la plaine rive droite au moment de la percée de l’Avenue Thiers

Ainsi, la construction du Pont de Pierre engendrera par la suite la percée de l’Avenue Thiers et l’urbanisation de la rive droite. Urbanisation qui s’étalera ainsi progressivement sur l’ancienne île de Queyries, zone marécageuse et inondable qui sera asséchée au XIXème siècle. Ainsi d’après Cédric Lavigne, docteur en histoire, ancien chercheur au CNRS et consultant en archéo-géographie : «Tout l’enjeu actuel de l’aménagement est de tenir compte de ces caractéristiques, de cette mémoire, de l’héritage des lieux pour proposer un aménagement qui va s’inscrire dans la plus grande durabilité possible pour l’avenir70».

70. Reliefs et failles des coteaux bordelais 2 : De nombreuses failles géologiques sous Bordeaux, (Sur les rives des sciences), 2014, CapSciences, O2 Radio, 17’11 mn

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Une Garonne isolée

71. BERGES DE MAINE, RIVES NOUVELLES, Déplacement sur les quais de Bordeaux, 29 mai 2010, p.3 URL : http://www. angers.fr/fileadmin/plugin/ tx_dcddownloads/La_ reconquete_des_quais_a_ Bordeaux.pdf

72. Op. Cit. Vis ton fleuve

Ce n’est qu’à partir du XIXème que des évolutions importantes vont être réalisées aux abords du fleuve. Dans un premier temps, les quais sont divisés en trois parties : le trottoir, une chaussée pavée et des terres pleins destinés. Sur ces terres-pleins vont s’emmagasiner marchandises, bureaux, magasins et abris destinés à l’exploitation du port. L’accumulation de ces installations deviendront progressivement les raisons qui pousseront les bordelais à tourner le dos à leur fleuve. En effet, le port devient de plus en plus encombré du fait de la présence des vois ferrées, des gares maritimes, des installations portuaires et des entrepôts. D’autant plus que la surface des hangars ne cessent de s’agrandir au fil des années pour finalement occuper la moitié de la largeur du terre plein, passant alors de 20m2 en 1830 à 3500m2 en 1963. Le fleuve est alors caché derrière des installations portuaires qui font office de barrières visuelles. En 1927, les barrières deviennent physiques. En effet, les quais du port devenu autonome de l’espace urbain sont alors définitivement séparées du reste de la ville avec la mise en place de grilles71. Dans la seconde partie du XXème siècle les liens entre la ville et le fleuve évoluent, les connexions sont définitivement interrompues. D’après l’historien Didier Coquillas, c’est au cours de cette période que les bordelais vont réellement tourner le dos à la Garonne. En effet, la ville de Bordeaux se détache de son fleuve, les ports sont désaffectés du fait du déclin de son rôle économique. Déclin qui résulterait d’une réorganisation des installations portuaires, car le port de Bordeaux n’a eu de cesse de bouger : jusqu’au Xème siècle le port historique se trouvait sur la Devèze, à l’intérieur des remparts, au XVIème siècle il s’établit sur la rive gauche ce qui lui vaut le nom de Port de la Lune, avant de gagner la river droite à la fin du XIXème. Finalement, c’est sur la commune de Bassens qu’il va s’installer dans les années 1920. La Garonne est peu à peu délaissée. La disparition des baignades et des pratiques ludiques dans le fleuve du fait de la pollution s’accompagne de la réduction considérable du nombre de bateaux qui transite dans le port. Dans les années 1960, l’abandon de Bordeaux pour son fleuve va s’accentuer suite à l’irruption massive des automobiles en bordure de fleuve. La création de voies et l’aménagement de nombreux parking le long de la rive gauche condamnent l’accès des quais aux bordelais. La ville est coupée du fleuve et ce dernier perd toute attractivité. La Garonne devient alors une frontière, ce qu’elle n’avait jamais été auparavant. Dans un web documentaire de Laurent Philton, Didier Coquillas partage un paradoxe intéressant : «À partir du moment où on a eu les ponts, on a commencé à avoir un comportement curieux qui a été cet éloignement du rivage72.» En effet, c’est au cours du XXème que s’établissent la majorité des ponts bordelais : avec le pont routier Saint Jean en 1965, le pont d’Aquitaine en 1967, le pont d’Arcins en 1990, et tout récemment, le pont Chacques Chaban Delmas, inauguré en 2013. Ce besoin de ponts témoigne de cette nécessité de plus en plus importante qui est de franchir la Garonne d’une manière différente. D’autre projet de ponts restent à venir tel que le pont Simone-Veil et montrent qu’aujourd’hui, la Garonne est devenue un fleuve à franchir.

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FIG 4 : Les quais rive gauche de Bordeaux pendant la période industrielle, 1950 FIG 5 : Les quais rive gauche de Bordeaux après la désindustrialisation, 1992

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FIG 6 : Les quais de la rive gauche, un lieu impraticable avant les aménagements en 2002 FIG 7 : Un nouvel usage du bord de fleuve avec la création d’un miroir d’eau en 2009

36 - La reconquête des berges de la rive droite, un enjeu majeur de l’aménagement urbain bordelais


Le temps des retrouvailles En 1997, les grilles qui réduisaient l’accès des bordelais à la Garonne sont enlevées. Certains hangars sont supprimés, d’autres sont reconvertis comme les quais des Marques. Ces premiers changements amorcent la reconquête des quais et des berges de la rive gauche. Progressivement la population bordelaise se rapproche et redécouvre son fleuve. Au début des années 1980, les quais font l’objet d’un «grand projet urbanistique» sous la municipalité de Jacques Chaban-Delmas73. La construction d’une façade moderne sur la rive droite face à la façade du XVIIIe siècle rive gauche et la création d’un nouveau franchissement de la Garonne au droit de la place des Quinconces sont proposées, mais ne font pas l’unanimité. En effet, le référendum organisé à cette occasion par le journal du Sud-Ouest a démontré à la fois le désaccord des bordelais pour cette proposition d’aménagement et son intérêt pour le devenir du fleuve. Ainsi, la métropole bordelaise s’inscrit dans le mouvement généralisé de la reconquête fluviale. En juin 2000 se met en place «le Plan Garonne74», un schéma d’orientation pour la reconquête des territoires fluviaux sur la période 2000-2006 qui sera détaillé dans la prochaine partie. La réappropriation, le rétablissement du lien ville-fleuve, l’intégration de la composante environnementale, le développement de nouveaux usages et la restauration des façades sur quais constituent les objectifs principaux d’une reconquête urbaine du fleuve. Les opérations prévues par le Plan Garonne comprennent ainsi une halte nautique, la réalisation de cheminements, une continuité paysagère, une réflexion sur l’accessibilité et une mise en lumière75.

73. Guillaume Pierre, « Bordeaux et son fleuve depuis 25 ans », actes du colloque La ville et le fleuve, 11e congrès national des sociétés savantes, Lyon 1987, Éditions du CTHS, Paris, 1989, p. 423-428.

74. OCCITANIE, Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du logement, «Plan Garonne», [en ligne], URL : http://www. occitanie.developpementd u r a b l e . g o u v. f r / p l a n garonne-r5927.html 75. BORDEAUX, Un schéma d’aménagement pour le fleuve [en ligne], URL : plan garonne bordeaux

Entre 2000 et 2008, la réhabilitation des quais de la rive gauche et des lieux emblématiques tels que le miroir d’eau (avec le fontainier Jean-Max Llorca et l’architecte Pierre Gangnet) et la Place de la Bourse entrepris par Michel Corajoud devient un projet phare du Plan Garonne et connaît un succès immédiat. Cet aménagement sur 4,5km de long comprend l’implantation du tramway en bordure de quais et le réaménagement de l’espace portuaire. Traversant le fleuve par le Pont de Pierre et le Pont Jacques Chaban-Delmas, la promenade des deux rives permet à la fois de faire évoluer la perception que les bordelais pouvaient avoir des quais, mais aussi de réintégrer certains usages. Promenades, vélos, jogging, skateparc sont autant d’activités qui se développent sur les quais. Des événements sont également mis en place avec des concerts, des représentations, la fête du fleuve ou encore la Biennale d’Agora. Suite à ses évolutions, Bordeaux, Port de la Lune est inscrit le 28 juin 2007 à Christchurch en Nouvelle-Zélande, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) sur la liste du «patrimoine mondial au titre d’ensemble urbain exceptionnel76». L’Unesco reconnaît ainsi son «rôle historique en tant que centre d’échanges d’influences sur plus de 2000 ans», son «rôle de capitale d’une région vinicole de renommée mondiale» et «l’importance de son port dans le commerce régional et international77». L’inscription de 1810 hectares bordelais par l’Unesco et la reconnaissance au Port de la Lune une valeur universelle exceptionnelle ont engendrée une certaine impulsion à la ville de Bordeaux qui, aujourd’hui, est en proie à de nombreux projet de réaménagement.

76. BORDEAUX, Bordeaux, patrimoine mondial de l’Unesco [en ligne]. URL : http://www.bordeaux.fr/ p63765 77. UNESCO, Bordeaux, Port de la Lune [en ligne], URL : http://whc.unesco. org/fr/list/1256/

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2.2. La Garonne, un patrimoine naturel

77. SMEAG, «L’écosystème de la Garonne», URL : http://www.smeag. fr/lecosysteme-de-lagaronne.html

La Garonne est considérée comme un site remarquable de part sa faune, sa flore, mais également grâce au patrimoine qu’elle représente. La variété de nature présente sur les berges du fleuve participe par sa biodiversité très riche au maintien des rives et à l’épuration des eaux77. Pour toutes ces raisons, la Garonne est un espace naturel reconnu pour sa qualité et sa fragilité par le réseau Natura 2000. De plus, le fleuve fait l’objet d’une réglementation et de conseils d’entretien de manière à ce que sa mise en valeur ou son aménagement ne génère pas des dommages imprévus et irréversibles. Le statut de la Garonne

78. SMEAG/BIOTOPE, «Site Natura 2000 FR7200700 «La Garonne» en Aquitaine, Documents d’objectifs, Janvier 2014, p.96

79. SMEAG, «Cadre d’intervention aux travaux d’entretien sur la Garonne», URL : http://lupi.online.fr

La Garonne est un fleuve domanial qui, à ce titre, est soumis au régime général de droit public. En effet, d’après le document d’objectifs (DOCOB) élaboré par le Syndicat Mixte d’Études et d’Aménagement de la Garonne (SMEAG) : «La Garonne fait partie du Domaine Public Fluvial (DPF) et à ce titre, l’Etat est propriétaire du lit dans la limite définie par le « plenissimum flumen » (qui correspond aux limites des plus hautes eaux s’écoulant en débit de plein bord avant débordements). Par conséquent, l’État est dans l’obligation d’assurer l’entretien du lit et des berges dans la limite de ce qui est nécessaire pour maintenir la capacité naturelle d’écoulement du cours d’eau et de ces dépendances78. L’ensemble des missions inhérentes au Domaine Public Fluvial à savoir, l’entretien, l’exploitation, le développement, la valorisation et l’aménagement des canaux et rivières navigables du DPF sont assurés par les Voies Navigables de France (VNF). Cet établissement public à caractère administratif est chargé de gérer la quasi totalité du réseau de la Garonne navigable au sein ou à proximité du site Natura 2000. Pour autant VNF n’intervient pas sur la partie située en amont du Pont François Mitterrand à Bordeaux. Sur la Garonne navigable du Pont d’Arcins au Bec d’Ambès, la gestion de la Garonne est transférée par l’État au Port Autonome de Bordeaux (PAB). En ce qui concerne la réalisation d’aménagement sur le lit ou les berges du fleuve, quelques soient les travaux (aménagement d’accès dans la berge, établissement de ponton flottant, d’appontement, de cale de mise à l’eau des embarcations, d’abris divers, etc.), ces derniers doivent faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès des services de l’état, aussi bien dans le cas d’un maître d’ouvrage public ou privé. Des modalités d’occupations du sol ou prescription sur les conditions techniques de réalisation des travaux seront alors élaborées en conséquence79. Par ailleurs, la prise en charge de l’entretien du fleuve sur le domaine public fluvial peut faire l’objet d’un transfert de gestion. Cette procédure sous-entend un changement de gestionnaire, mais nullement un transfert de propriété. Elle peut s’opérer soit entre services de l’État, soit entre l’État et une collectivité territoriale, soit entre un établissement public de l’État et une collectivité territoriale. Pour ce qui est de la mise en œuvre des travaux de restauration et d’aménagements (autres qu’entretien) et de travaux de protection contre les inondations supérieur nécessitent une étude d’impact. En effet, des procédures réglementaires sont établies notamment par la Loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature (articles L.122-1 à L.122-3 du Code de l’environnement) qui stipule que :

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«Les travaux et projets d’aménagements, entrepris par une collectivité publique, ou qui nécessitent une autorisation ou une décision d’approbation doivent respecter les préoccupations d’environnement.» «Les études préalables à la réalisation d’aménagements, ouvrages ou travaux pouvant porter atteinte au milieu naturel doivent comporter une étude d’impact permettant d’en apprécier les conséquences.» «Lorsque les conséquences prévisibles sont d’importance limitée, il n’est exigé qu’une notice d’impact indiquant les incidences éventuelles du projet sur l’environnement, ainsi que les conditions dans lesquelles l’opération satisfait aux préoccupations d’environnement.» Les outils de gestion et de planification De nombreux outils de gestion, de planification et d’entretiens sont mis en œuvre et compilent programmes d’actions, schémas directeur ou encore simples préventions et conseils afin de favoriser un aménagement coordonné et durable de la Garonne. Parmi eux, le Schéma Directeur d’Aménagement et de gestion des Eaux (SDAGE) Adour-Garonne 2010-2015, le SAGE Garonne ou encore Agenda Garonne, le contrat de projet Etat Région (2007-2013), le Plan Garonne, le Schéma Directeur d’Entretien coordonné du lit et des berges de la Garonne (SDE), le Plan de Préventions des Risques Inondations (PPRI), les Programmes d’Actions de Prévention contre les Inondations (PAPI), le Schéma de Cohérence Territoriale, le Plan Local d’Urbanisme (PLU), les Espaces Naturels Sensibles (ENS), le Schéma Régional de Cohérence Écologique80. Il ne s’agit pas de tous les détailler, mais d’aborder au minima les outils qui possèdent un rôle majeur au niveau de l’aménagement et de la préservation des berges et des rives de la Garonne. Mise en œuvre par l’ensemble des acteurs de l’eau, le Schéma Directeur d’Aménagement et de gestion des Eaux (SDAGE) Adour- Garonne, définit les priorités de la politique de l’eau à l’échelle du bassin Adour-Garonne et répond à l’obligation de résultat de la Directive cadre européenne (DCE) sur l’eau pour atteindre le bon état des cours d’eau. Cet outil de planification donne un cadre à toutes les interventions de l’état, de ses établissements publics et des collectivités territoriales81 sur trois cycles de gestion de six ans82. Parmi ses objectifs, trois axes prioritaires ont été déterminés : réduire les pollutions diffuses, restaurer le fonctionnement de tous les milieux aquatiques, maintenir des débits suffisants dans les cours d’eau en période d’étiage en prenant en compte le changement climatique83. A l’échelle de la Garonne, le Schéma Directeur d’Entretien coordonné du lit et des berges de la Garonne (SDE) est l’outil de gestion réalisé en 2002 par le Sméag en partenariat avec l’Agence de l’eau Adour-Garonne, les services de l’État et les Directions régionales de l’environnement d’Aquitaine et de MidiPyrénées. Document de référence, d’orientation et de programmation à l’échelle de la Garonne, le SDE est un véritable guide destiné aux maîtres d’ouvrages locaux qui souhaiteraient établir une programmation de travaux de restauration et d’entretien des berges de la Garonne. En effet, il dresse un état des lieux du lit et des berges du fleuve ainsi qu’une analyse prospective et des types d’actions à mettre en œuvre pour restaurer ou entretenir ce milieu physique sur une durée de dix ans84.

80. SMEAG/BIOTOPE, «Site Natura 2000 FR7200700 «La Garonne» en Aquitaine, Documents d’objectifs, Janvier 2014, pp.104-110

81. L’Agence de l’Eau Adour-Garonne, «Le SDAGE 2016-2021 : un nouvel élan pour l’eau», 6 janvier 2016. URL : http:// www.eau-adour-garonne. fr/fr/quelle-politique-del-eau-en-adour-garonne/ un-cadre-le-sdage/ sdage-pdm-2016-2021/ sdage-pour-les-annees2016-a-2021.html 82. L’Agence de l’Eau Adour-Garonne, «Un cadre : Le Schéma Directeurs d’Aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et son Programme de Mesures (PDM)», 20 janvier 2016. URL : http://www. eau-adour-garonne.fr/fr/ quelle-politique-de-l-eaue n - a d o u r- g a r o n n e / u n cadre-le-sdage.html 83. Op. Cit. SMEAG/BIOTOPE, p.104

84. SMEAG, «Schéma Directeur d’Entretien Coordonné du lit et des berges de la Garonne», URL : http://lupi.online.fr

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84. SMEAG, «Le Sméag», URL : http://lupi.online.fr 85. CEPRI, «Les plans fleuves», URL : http://www. cepri.net/les-plans-fleuves. html

Enfin, le Sméag, Syndicat Mixte d’Études et d’Aménagement de la Garonne, a pour mission de coordonner un aménagement durable du fleuve. Auteur du SDE, le Smég a également participé avec l’État à l’élaboration du Plan Garonne en raison de sa connaissance du territoire. Cet outil de programmation financière constitue «un cadre de cohérence et un ensemble de mesures pour les dix prochaines années à l’échelle globale du fleuve84» et permet la mise en place d’un projet «préservant l’environnement général du fleuve tout en exploitant ses potentialités85». Quatre axes majeurs sont développés autour du fleuve : la population, le développement économique, les milieux aquatiques et les paysages. De l’étroit de la Réole au Bec d’Ambès

86. SMEAG/BIOTOPE, «Site Natura 2000 FR7200700 «La Garonne» en Aquitaine, Documents d’objectifs, Janvier 2014, p.26 87. Ibid

88. SMEAG, «Planche 17 - La Zone 4 - Diagnostic», URL : http://lupi.online.fr

Concentrons-nous maintenant sur la partie qui nous intéresse dans le cadre de ce mémoire, à savoir l’agglomération bordelaise. Comme expliqué précédemment, la Garonne (lit mineur, berges, et portions de lit majeur en MidiPyrénees) est inscrite au réseau Natura 2000. Selon le document de synthèse de Natura 2000 : «L’agglomération bordelaise constitue une sous-unité à part entière. Elle se caractérise par la disparition des zones naturelles et cultivées au profit des zones artificialisées : zones industrielles, habitations, voieries86.» Pour autant, le Coteau de Floirac, de Cenon et de Lormont font l’objet d’un ZNIEFF de type I87 qui justifie une patrimonialité élevée et qu’il est intéressant de relever. Dans le cadre de ses recherches, le Sméag a établi un diagnostic sur le site compris entre l’étroit de La Réole (limite départementale 47/33) et le Bec d’Ambès (confluence Dordogne) intitulé la «Zone 4»88. Cette étude concentre des informations liées au contexte réglementaire, hydraulique, géomorphologique, écologique et socio-économique de la Garonne située au niveau de l’agglomération bordelaise. Parmi ces données, on retiendra que le principal aspect réglementaire de la gestion de la Garonne est constitué par son caractère navigable et que les deux préoccupations majeures de cette zone sont la protection contre les inondations et les érosions de berges. D’après ce même document, cette zone comprise dans l’agglomération bordelaise aurait plusieurs vocations. Sa vocation principale serait celle d’une «transition écologique», du fait du corridor biologique qu’elle constitue et du besoin d’assurer la continuité entre l’amont et l’aval du fleuve. Une vocation «paysagère» est également soulevée dans l’idée d’apporter une nouvelle perception de ce milieu aux riverains par sa mise en valeur. Pour finir, la vocation «milieu naturel tampon» se matérialise par l’idée d’un tampon entre le fleuve et la plaine qui permettrait de limiter l’impact des activités humaines en lits mineurs et majeurs.

40 - La reconquête des berges de la rive droite, un enjeu majeur de l’aménagement urbain bordelais


2.3 Reconquérir les quais, une priorité politique affirmée Ainsi la Garonne fait l’objet de nombreuses études et d’actions destinées à permettre sa valorisation de même que sa préservation. De nombreux documents liés à sa gestion et à sa planification voient le jour. Comment cela se traduit-il en terme d’aménagement ? Quelle est la politique de la ville de Bordeaux au regard de son fleuve ? La volonté d’une reconquête fluviale La volonté d’une reconquêtre fluviale est esquissée à partir des années 1980 sous la mandature de Jacques Chaban-Delmas. En effet jusqu’aux années 1995, les deux rives font l’objet de nombreuses études. S’enchaînent alors le projet Bastide de Ricardo Bofill, les réflexions du Cercle de la Rivière, le concours d’idées international d’Arc en Rêve et le projet des Deux Rives de Dominique Perrault89. Le premier projet visait à «redynamiser» les berges de la rive droite et sera confié à Ricardo Bofill. En 1988, l’architecte propose alors un plan pour le développement d’un quartier en face des Quinconces s’établissant sur les principes d’une «ville-miroir». Le nouveau bâtit imaginé sur la rive droite représente le reflet du front bâti du XVIIIème de la rive gauche. Les mêmes tracés historiques sont ainsi reproduit sur l’autre rive. Cependant la composition néo-classique, la présence d’esplanades et de rotondes ne font pas l’unanimité et ce projet sera finalement abandonné90. Dans le cadre du Projet Pilote Urbain (PPU) « Bordeaux les Deux Rives », Dominique Perrault, alors architecte-conseil de la ville propose un projet modeste, mais jugé plus cohérent. Son parti pris est totalement différent de Ricardo Bofill, au lieu de transposer une rive sur l’autre, il propose une rupture de style entre les deux rives. Sur la rive gauche, le traitement très minéral des quais fait face à une rive «végétale91». Une opposition qui n’est pas sans accentuer la «puissance séparatrice de la Garonne» selon l’A’Urba92. Ce projet est présenté en 1996 par la Mairie de Bordeaux et s’échelonnera de 1997 à 2001 suite à l’appel d’offres lancé par la Commission Européenne. L’objectif principal de ce projet était d’impulser une «dynamique urbaine en vue de transformer le paysage des deux rives de la Garonne et d’améliorer la qualité de vie des bordelais93». La mise au propre des quais avant aménagement, la mise en lumière du pont de pierre et les premières éditions de la Fête du Vin et de la Fête du Fleuve feront parties des opérations réalisées en lien avec la volonté affirmée d’une reconquête fluviale. Finalement le premier projet urbain et la reconquête fluviale seront amorcées sous l’autorité d’Alain Juppé. Le projet dessiné par Dominique Perrault sera dissocié par la nouvelle municipalité en 1997. L’aménagement des quais de la rive gauche sera confié à Michel Corajoud tandis ce que la rive droite accueille le projet ZAC Coeur de Bastide.`

89. GODIER, Patrice, MAZEL, Caroline, «Projet des quais jardinets», POPSU, PAVE, ENSAP, Bordeaux, 11p. URL : http://www.popsu.archi.fr/sites/default/ files/nodes/document/685/ files/projetquaisrivegauchegodiermazel.pdf

90. LAFON, Cathy, «En 1987, Bofill imaginait une rive droite taille XXL», SudOuest, 12 août 2017 91. FELIX, Frédéric, «Bordeaux - La Bastide A la conquête de la rive droite», Le Moniteur n°5109, 26 octobre 2001. URL : https:// www.lemoniteur.fr/articles/ bordeaux-la-bastide-ala-conquete-de-la-rivedroite-306667 92. A’Urba, Les silhouettes de la Plaine rive droite» janvier 2013, p. 83. URL : http://www.aurba.org/wpcontent/uploads/2013/08/ Silhouettes_plaine_rive_ droite_2013.pdf 93. BORDEAUX, «Du PPU au PUI», URL : http://www. bordeaux.fr/p5763/duppu-au-pui

Enfin, en 2010, le projet du Parc aux Angéliques coordonné par le paysagiste Michel Desvignes s’inscrit également dans cette même volonté. Ces différents projets qui se sont développés au cours de la dernière décennie de part et d’autre de la Garonne constituent une étape importante dans la reconquête fluviale et dans l’aménagement de la rive droite. Le PPU a également joué un rôle de levier pour les différents projets urbains qui s’élaborent aujourd’hui. Progressivement, la rive droite s’intègre au développement de la métropole bordelaise. Alors quelles évolutions aujourd’hui pour la plaine de la rive droite ?

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«Osez Bordeaux 2030»

94. DIRECTION GÉNÉRALE DE L’AMÉNAGEMENT VILLE DE BORDEAUX, «2030, Vers le grand Bordeaux. Du croissant de lune à la pleine lune», Le Haillan, 2013, p.30 95. BORDEAUX 2030, «Bordeaux demain». URL : http://www.bordeaux2030. fr/bordeaux-demain-1 96. BORDEAUX 2030, «Le fleuve au centre». URL : http://www.bordeaux2030. fr/bordeaux-cartes/fleuveau-centre

97. Ibid

Selon l’ouvrage «2030, Vers le grand Bordeaux. Du croissant de lune à la pleine lune» publié par la Ville de Bordeaux : «Bordeaux a changé, mais pas son paysage. (...) Les formes construites épousent toujours la plaine bordelaise et la courbe de la Garonne et restent dominées par les coteaux. Les édifices religieux, les bâtiments publics et les grands ensembles d’habitat social demeurent comme les quelques formes émergentes de la plaine bordelaise94». Le projet urbain lancé en 1995 par Alain Juppé vise principalement à renouveler l’image de la ville et à réveiller « la belle endormie ». Trois objectifs essentiels sont dégagés : «réduire la fracture de la mobilité grâce au tramway, rendre à Bordeaux tout son lustre en remettant en valeur son patrimoine et aménager les quais en vue de la création d’un nouvel arc de développement durable de Bordeaux nord / sud95». Le dernier axe relevé a pour but de rendre les berges accessibles aux Bordelais notamment pour les loisirs et la détente96. Ainsi le projet comprend cinq séquences d’aménagement : le quai Sainte Croix et le Parc Saint Michel avec la création d’un parc paysager et de loisirs urbains, le Quai de la Douane et la Place de la bourse avec l’intégration d’activités liées au fleuve telles que la culture le tourisme et les commerces, le Quai Louis XVIII et la Prairie des Girondins avec le prolongement de l’Esplanade des Quinconces sur le fleuve, le Quai des Chartrons avec l’insertion d’activités liées au tourisme, au commerce et aux loisirs en plus de la réhabilitation du hangar 14, et pour finir le Quai de Bacalan avec l’incorporation d’activités tertiaires, commerciales et culturelles. Toute la qualité du projet urbain était de parvenir à réconcilier les riverains avec la Garonne en leur redonnant accès à ses rives et en les invitant à se réapproprier les quais. Par ailleurs, le deuxième défi explicité par la métropole consistait à «relier les deux rives pour que la Garonne ne soit plus perçue comme une barrière97». Pour y parvenir, le pont Jacques Chaban-Delmas inauguré en 2016 et situé au Nord de l’agglomération, rattache aujourd’hui le quai de Bacalan au quai de Brazza. Tandis que le pont Simone Veil, actuellement en cours de construction, s’établira en 2020 dans le prolongement du boulevard Jean-Jacques Bosc et permettra de relier le nouveau projet d’aménagement de Bordeaux Euratlantique situé sur la commune de Floirac, aux communes de Bordeaux et de Bègles. Les trois objectifs définis par le premier projet urbain en 2009, un second projet urbain prend la relève avec comme nouvelle ambition celle de la mise en œuvre de «l’arc de développement durable», afin de répondre aux principes d’une métropole durable. Ainsi plusieurs projets sont engagés dès 2013. Parmi eux : Les Aubiers, Ginko, les Bassins à flot, Brazza, Niel, Benauge, Garonne-Eiffel, Saint Jean- Belcier; Bordeaux [Re]Centres et le Grand Parc se développent autour des nouveaux axes engendrés par la création de ponts, mais également autour du fleuve avec l’aménagement de ses berges et de ses rives.

97. Direction Générale de l’Aménagement Ville de Bordeaux, «Un projet urbain pour la Benauge», Le Haillan, 2011, p.3

D’après Alain Juppé97, l’enjeu de demain pour le projet urbain 2030, est véritablement celui du rééquilibrage entre les deux rives, avec la nécessité de densifier et de valoriser la rive droite de manière à ce qu’elle fasse partie intégrante du cœur de ville.

42 - La reconquête des berges de la rive droite, un enjeu majeur de l’aménagement urbain bordelais


FIG 8 : Le projet Bastide de Ricardo Bofill, 1988 FIG 9 : Le projet des Deux Rives de Dominique Perrault, 1996

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Pour une prise en compte ou une mise en scène du fleuve ? De plus en plus de projets urbains se développent autour de la Garonne, tandis que la politique de la ville semble tout mettre en œuvre pour replacer ce fleuve urbain au centre de la vie bordelaise. Comme nous avons pu le voir précédemment, cette reconquête fluviale passe par un renouvellement de la question du franchissement notamment avec la volonté de plus en plus prononcée de relier les deux rives, que ce soit par des ponts ou la mise en place de navette, ainsi qu’une réinsertion de multiples usages en bord d’eau avec l’aménagement des quais. Le cadre de vie des bordelais en est ainsi amélioré et une nouvelle relation avec leur fleuve leur est désormais possible.

98. BORDEAUX. Un schéma d’aménagement pour le fleuve [en ligne]. URL : http://www.bordeaux. fr/pgPresStand8.psml?_ nfpb=true&_pageLabel=p gPresStand8&classofconte nt=presentationStandard& id=83175

99. Ibid

100. Gaël Barreau, naturaliste à Terre et Océan, spécialiste des espèces et des écosystèmes partage ses connaissances sur la biodiversité des berges de la Garonne. Vis ton fleuve, «Les berges à découvrir», URL : http://vislefleuve. sudouest.fr/#escale/5

L’évolution des usages en bord de Garonne et la volonté politique d’accueillir de grands événements en bord de fleuve se traduit par le Schéma Directeur de la Vie du Fleuve, un document de planification des aménagements liés au fleuve initié des 2012 par la ville de Bordeaux98. Ce document a été réalisé par la Mairie de Bordeaux, en collaboration avec la CUB, le Grand Port de Bordeaux, les services d’État concernés par l’environnement et la vie maritime, les professionnels du tourisme fluvial, Bordeaux Euratlantique etc. Il s’agit d’un plan guide qui répertorie tous les projets (existants, en cours de réalisation et futurs). Les contraintes d’ordre géographiques et environnementales sont alors à prendre en compte (PLU, la protection des sites Natura 2000 et le Plan de Prévention des Risques d’Inondation). Dans les politiques d’aménagement, le fleuve est perçu comme un patrimoine remarquable. Est-il également perçu comme un patrimoine naturel et vivant ? Rappelons un des axes fondateur du Projet Pilote Urbain qui était de «transformer le paysage des deux rives de la Garonne». Cela soulève une question liée aux raisons de cette mise en valeur des rives de Garonne. L’aménagement du fleuve augmente considérablement le cadre de vie, mais également l’image de la ville. Les souhaits du maire Alain Juppé était d’accueillir de grands évènements autour de la Garonne et de redonner au port sa vocation maritime99. Bien entendu les raisons relèvent de questions économiques, sociales et politiques. Qu’en estil des questions environnementales ? Aujourd’hui les objectifs du projet urbain de Bordeaux 2030 semblent avoir évolués pour intégrer les enjeux écologiques, en effet il s’agit dorénavant d’«aménager les quais en vue de la création d’un nouvel arc de développement durable de Bordeaux nord / sud.». Le fleuve fait l’objet de nombreux projets qui cherchent à le mettre en valeur et à le valoriser. Ces aménagements ne valorisent-ils pas l’image du fleuve au détriment de ses caractéristiques physiques ? Les aménagements qui sont réalisés dans le but de sa mise en valeur ne sont-ils pas la cause de sa dégradation ? «Autrefois on était sur une zone portuaire, avec une occupation plutôt industrielle. Contrairement à la rive gauche, les berges de la rive droite étaient en pente douce, on assiste alors à une renaturation aux endroits où les berges étaient délaissées, végétation, vase, espèces s’est installées en une dizaine d’année100.» De manière à tenir les riverains à l’écart des inondations, d’importants travaux ont été réalisés (digues, systèmes d’évacuation, clapets de sécurité...). Cette artificialisation des lits et des berges de la Garonne engendre des conséquences telle que la perte de biodiversité ou encore l’augmentation du ruissellement. Si les risques d’inondations ont considérablement diminué, les débordements ne sont pas inexistants pour autant. Lors de forts coefficient de marées, la Garonne sort de

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son lit au niveau du pont de pierre, du Quai des marques, mais également du Quai Deschamps, Queyries et Brazza. Sachant que la rive droite est un ancien marais, quels types d’aménagements seraient envisageables pour une construction raisonnée ? Selon l’A’Urba, l’aménagement des quais de la rive gauche dans le cadre du projet urbain instauré en 1995 serait la réalisation la plus significative de la reconquête fluviale amorcée sur l’agglomération bordelaise101. Et pour cause, «les quais constituent un des espaces les plus emblématiques de l’agglomération par l’ampleur et la qualité du paysage urbain qu’ils constituent (4,5 km en bord de fleuve) et par le patrimoine architectural qu’ils représentent102». Avec la construction de nouveaux quartiers en bords de fleuve et la réhabilitation des berges, quels aménagements et quel paysage fluvial mettre en œuvre pour une prises en compte des enjeux environnementaux et écologiques ?

101. A’Urba, « Les silhouettes de la Plaine rive droite», janvier 2013, 83p. URL : http://www. a u r b a . o rg / w p - c o n t e n t / uploads/2013/08/Silhouettes_plaine_rive_ droite_2013.pdf 102. GODIER, Patrice, MAZEL, Caroline, «Projet des quais jardinets», POPSU, PAVE, ENSAP, Bordeaux, p. 2. URL : http://www.popsu. archi.fr/sites/default/files/ nodes/document/685/files/ projetquaisrivegauchegodiermazel.pdf

FIG 10 : Le projet urbain «Bordeaux 2030»

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103. Op. Cit. RODRIGUESMALTA

103. Ibid

«En Europe du Sud, les opérations attestent au contraire d’une préférence pour une formulation d’ensemble conduite dans une démarche dite de «projet urbain103» constate l’auteur Rachel Rodrigues Malta dans son étude sur les villes portuaires. Désireuses d’amorcer le renouvellement de leur aménagement urbain, elles sont nombreuses à recourir à cette procédure, à l’instar de Bordeaux ces dernières décennies. D’après ce même auteur : «Le projet urbain, mot-clef de l’urbanisme européen contemporain, fonctionne désormais comme un «passe», apte à déverrouiller les situations urbaines les plus délicates. Il désigne des opérations très disparates, allant de la composition urbaine (projet de forme) à une action politique concertée pour un redéveloppement socio-économique s’appuyant sur une opération urbaine d’envergure104.» C’est dans ce cadre que sont mises en place les Zones d’Aménagements Concertées (ZAC) par les collectivités publiques souhaitant piloter des opérations s’inscrivant dans la durée. 3.1. De la ZUP à la ZAC Techniquement, la ZAC est une procédure, initiée par une personne publique, en vue de la réalisation de constructions de toute nature. Elle permet de produire du foncier prêt à bâtir notamment grâce à différentes actions telles que la réorganisation du parcellaire, la viabilisation des terrains, l’aménagement et l’équipement de la zone. Si aujourd’hui, la ZAC est un des outils les plus prisé des acteurs de l’aménagement de la ville, ça n’a pas toujours été le cas. Alors que représente la ZAC et quelles ont été les différentes étapes de sa mise en place ? Qu’est ce qu’une ZAC ? La Zone d’Aménagement concertée est un outil à la disposition des communes pour mener à bien des opérations d’aménagement. Selon l’article L.311.1 du Code de l’Urbanisme : «Les zones d’aménagement concertés sont les zones à l’intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d’intervenir pour réaliser ou faire réaliser l’aménagement et l’équipement des terrains, notamment de ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés.» L’article R. 311-1 insiste sur le fait que l’initiative de la ZAC repose toujours sur celle d’une personne publique, pour autant sa réalisation peut se voir confiée à un aménageur privé : «L’initiative de création d’une zone d’aménagement concerté peut être prise par l’État, une collectivité territoriale ou par un établissement public ayant vocation, de par la loi ou ses statuts, à réaliser ou à faire réaliser l’objet de la zone». Le même article cité précédemment précise que les ZAC «ont pour objet l’aménagement et l’équipement de terrains bâtis ou non bâtis notamment en vue de la réalisation : de constructions à usage d’habitation, de commerces, d’industries, de services ; d’installations et d’équipements collectifs publics ou privés». Il s’agit donc d’une opération d’aménagement et d’équipement public d’intérêt général, réalisée à l’initiative d’une collectivité publique. Par ailleurs, sa réalisation nécessite le plus souvent l’acquisition des terrains par l’aménageur. Par la suite ou pendant l’aménagement de la zone, les terrains seront vendus pour l’installation d’équipements ou de constructions publics et/ou privés.

46 - La ZAC, un outil d’aménagement prisé


PARTIE 3

La ZAC, un outil d’aménagement prisé En ce qui concerne les décisions et les acteurs, le code de l’urbanisme stipule que : «Le périmètre et le programme de la zone d’aménagement concerté sont approuvés par délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale. Sont toute fois créées par le préfet, après avis du conseil municipal de la ou des communes concernées ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent, les zones d’aménagement concerté réalisées à l’initiative de l’État, des régions, des départements ou de leurs établissements publics et concessionnaires et les zones d’aménagement concerté situées, en tout ou partie, à l’intérieur d’un périmètre d’opération d’intérêt national.» Enfin, la Zone d’Aménagement Concerté représente une alternative à celle du lotissement : celui-ci est normalement d’initiative privée, alors que la ZAC, comme nous l’avons vu précédemment, découle de la volonté d’agir d’une collectivité publique. La ZAC est un outil d’aménagement, alors que le lotissement est un outil de découpage foncier et le plan d‘aménagement d’ensemble (PAE) une procédure destinée à mettre en place des infrastructures en faisant participer les futurs constructeurs aux aménagements. Contexte législatif et technique Suite à l’expérience des Zones à Urbaniser en Priorité (ZUP), une meilleure coordination va être recherchée entre la politique de la construction et du logement et celle des transports. C’est dans cette optique que, le 30 décembre 1967, la Loi d’Orientation Foncière (LOF) n°67-1253 est votée. Elle instaure plusieurs documents d’urbanisme qui constituent, aujourd’hui, la base de l’urbanisme français : les schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme (SDAU), les plans d’occupation des sols (POS), la taxe locale d’équipement (TLE, portant sur la construction et la reconstruction de tous les bâtiments) pour lutter contre la spéculation en faisant participer toutes les constructions aux dépenses d’équipement de la collectivité, le coefficient d’occupation des sols (COS), et les zones d’aménagement concerté (ZAC) dont le document est constitué par un plan d’aménagement de zone (PAZ) faisant exception au POS, la taxe locale d’équipement . Ainsi face à la réticence à l’égard des ZUP, les ZAC sont mises à l’œuvre à partir de 1970. D’après un article de la Revue Foncière, la ZAC était perçue comme «un outil contractuel, (...), pour organiser l’urbanisation nouvelle et conditionner l’ouverture de droits à bâtir supplémentaires à la réalisation des travaux d’aménagement nécessaires104». Cet outil d’aménagement, en plus de venir faciliter la concertation entre les collectivités publiques et les promoteurs privés, permet d’alléger les procédures et par la même facilite la fabrique de la ville.

104. COMBY, Joseph, «Retour sur la loi d’orientation foncière de 1967 et ses déconvenues», Etudes foncières, n°77, p.5. URL : http://www.combyfoncier.com/LOF.pdf

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Au préalable, de la même manière que les ZUP, les premières ZAC n’avaient pas pour obligation de respecter les documents de planification urbaine. Avec la loi n°76-1285 du 31 décembre 1976, cette dérogation est révolue et les règles d’urbanisme dans le secteur couvert par la ZAC pouvaient être : soit l’application du règlement d’urbanisme de la commune, le plan d’occupation des sols, soit constituées par un document d’urbanisme spécifique, le plan d’aménagement de zone. Depuis la loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain (loi SRU) du 13 décembre 2000, la possibilité de doter les nouvelles ZAC d’un PAZ. Leurs règles d’urbanisme sont désormais incluses dans le Plan Local d’Urbanisme afin de mieux intégrer celles-ci aux caractéristiques urbaines de la ville. La loi du 18 juillet 1985 a également apporté des modifications importantes aux articles L. 311-1 du Code l’Urbanisme de manière à développer les moyens d’actions des communes dotées d’un POS ou d’un PLU approuvé : «Lorsqu’un plan d’occupation des sols a été rendu public ou approuvé dans des communes, parties de communes ou ensemble de communes, des zones d’aménagement concertées ne peuvent être créées qu’à l’intérieur des zones urbaines ou des zones d’urbanisation future délimitées par ce plan.» Un outil modifié en conséquence Suite aux destructions massives de la seconde guerre mondiale, la France a fait face au mouvement d’exode rural et à l’accentuation de la crise du logement. L’urbanisme d’après-guerre a été marqué par des objectifs bien précis : la reconstruction, la nécessité d’améliorer les conditions de l’habitat et de reconstituer le parc de logement français. La création des Zones à Urbaniser en Priorité en 1958 répond au besoin de rattraper le retard accumulé en matière de logement dans les années 1960 et à la volonté d’une politique de densification verticale. Ces constructions, tout en permettant de répondre au besoin massif de logements, offrent les infrastructures nécessaires au dynamisme local avec l’édification d’équipements publics (écoles, commerces, administrations et services). 105. GERARD, Patrick, Pratique du droit de l’urbanisme. Urbanisme réglementaire, individuel et opérationnel, Eyrolles, 2013, p. 245

106. Cours théorique «Histoire de l’architecture» enseigné au semestre 8 à l’ENSAPBx par Chantal Callais

Cependant ce type de planification urbaine a été vivement critiqué pour son caractère «dirigiste105». La standardisation des techniques de production selon les modèles du fonctionnalisme, la construction de quartiers dévolus à l’utilisation de l’automobile et leur démesure, l’homogénéité architecturale et urbaine ainsi que la ségrégation sociale engendrée entraînent le remplacement de cette procédure d’aménagement sera par celle de la ZAC en 1967. La ZAC constitue un outil privilégié de l’urbanisme opérationnel. Destinée à diminuer le contrôle étatique sur les opérations d’aménagement urbain, de même que l’uniformisation des aménagements, elle se distingue de la ZUP par plusieurs aspects. Premièrement, aménagement et construction sont nettement dissociés dans le cadre de la ZAC, ensuite contrairement à celui de la ZUP, le programme de la ZAC est diversifié et enfin, la ZAC doit être approuvée par arrêté préfectoral. Le principe d’une déclaration d’utilité publique (DUP) ouvrant droit à l’expropriation est maintenu dans le cas de la ZAC, mais celle-ci n’intervient qu’après enquête publique106.

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3.2 Un mode d’action spécifique La ZAC est un outil qui permet de construire la ville sur la ville grâce à une procédure souple en offrant aux collectivités un cadre juridique, financier et technique adapté à la réalisation d’une opération d’aménagement de l’espace. Dans cette partie, davantage technique, il s’agira de comprendre ce qui caractérise cet outil d’aménagement et de déterminer ses objectifs au vue de la fabrique de la ville. Nous aborderons également son champ d’application et les différentes étapes nécessaires à sa réalisation de manière à bien saisir tout le processus de fabrication. Caractéristiques et objectifs de la ZAC La ZAC est un outil efficace dans le pilotage et la réalisation d’opérations d’aménagement. Grâce à la procédure de modification du PLU dorénavant compris dans le Code de l’Urbanisme (article L.12313), la ZAC peut être plus précise dans ses caractéristiques et offre ainsi à la collectivité qui en a pris l’initiative, la possibilité d’établir un projet parfaitement adapté aux objectifs souhaités ainsi qu’au site et à l’environnement existant. Par ailleurs, elle lui permet de maîtriser avec précision le programme d’urbanisation et notamment le contenu puisqu’il lui est alors possible de développer des programmes alternatifs. La densité, la forme et la typologie des logements, l’emplacement, l’envergure et le traitement des espaces publics peuvent également être précisés par la mise en place d’une ZAC107. La collectivité, lorsqu’elle est compétente en matière de POS, détient également les décisions relatives à la mise en œuvre de la ZAC telles que la création, la réalisation et l’achèvement - que nous développerons dans une prochaine partie -, si la commune ou la communauté de communes ne font pas l’objet d’un POS, ce droit revient au préfet.

107. SERVICES DE L’ÉTAT, dans le département du Rhône, «La Zone d’Aménagement Concerté (ZAC)», septembre 2013, URL : http://www. rhone.gouv.fr/Politiquespubliques/Amenagementdu-territoire-urbanismeconstruction-logement/ Urbanisme/La-zone-damenagement-concerteZAC

Contrairement à la procédure de ZUP, la procédure de ZAC met en œuvre une négociation entre un grand nombre d’acteurs. Les acteurs publics comprennent l’État, les collectivités territoriales, l’ Établissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) aussi bien que des acteurs privés telle que la Société d’économie mixte (SEM). En effet, l’aménagement et l’équipement peuvent être conduis soit par la personne publique qui a pris l’initiative de la zone (régie directe), soit confiés à un EPCI ou à une SEM (convention publique d’aménagement), soit confiés à une personne privée ou une SEM. Ainsi une des caractéristiques importantes de la ZAC repose sur le fait qu’elle soit particulièrement adaptée aux projets d’aménagement urbain complexes (nombreux propriétaires fonciers et programmes diversifiés voir alternatif) et qu’elle puisse mettre en œuvre des projets d’une certaine envergure. De plus, la ZAC est un outil d’aménagement qui s’inscrit sur le long terme, soit sur une durée de 5 à 10 ans. Cependant la gestation peut être encore plus longue et peut s’étendre sur une quinzaine voir une vingtaine d’années108. Cette caractéristique pose alors la question de l’évolution d’un projet urbain à l’échelle du quartier sur une longue période au vue de l’évolution de la ville et de sa fabrique, en terme de mode, de faire et de penser.

108. SABARLY, Colette, «ZAC, un outil à double tranchant», Le particulier immobilier n°224, Octobre 2006. URL : http:// leparticulier.lefigaro.fr/ jcms/c_49835/zac-un-outila-double-tranchant

Pour ce qui est de la finalité de cet outil d’aménagement, d’après l’article L. 300-1 du Code de l’Urbanisme, la ZAC a pour objet de « mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l’habitat, d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs

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et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, de lutter contre l’insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels». Ainsi la ZAC est une zone qui bénéficie d’un statut d’exception et celui-ci doit être justifié au regard de divers critères : l’amélioration du niveau de service dans une aire urbaine élargie, la mise en place de nouvelles infrastructures, la redistribution des plus-values foncières (à travers la péréquation des charges foncières), la dynamisation du marché immobilier, la qualité architecturale et paysagère... Champ d’application et modes de réalisation En ce qui concerne les champs d’application, les travaux de la ZAC ne pourront être engagées que si le PLU le permet. Ainsi pour les communes disposant d’un PLU ou d’un document d’urbanisme, la ZAC peut être créée sur la totalité du territoire, à savoir sur les Zones Urbaines (U) et Zones à Urbaniser (AU). Dans ce cas là, deux situations doivent être distinguées : lorsque la commune a déjà défini dans son PLU les conditions d’aménagement du secteur, à travers le règlement et le cas échéant les orientations d’aménagement, elle crée la ZAC en respectant les trois étapes (concertation préalable, création, réalisation). Aucune autre procédure n’est nécessaire, en effet l’article L. 123-3 du code de l’urbanisme a été modifié pour prendre en compte le fait que le PLU s’appliquera dans les ZAC. Ainsi, il prévoit que, dans les ZAC, le PLU peut préciser : la localisation et les caractéristiques des espaces publics à conserver, à modifier ou à créer ; la localisation prévue pour les principaux ouvrages publics, les installations d’intérêt général et les espaces verts ; la surface de plancher développée hors œuvre nette dont la construction est autorisée dans chaque îlot, en fonction de la nature et de la destination des bâtiments. Par contre, lorsque le PLU ne permet pas la réalisation de la ZAC, la commune doit alors changer ou adapter les règles du document d’urbanisme. Ceci passera le plus souvent par une simple modification dès lors que le projet d’aménagement sera cohérent avec le Plan d’Aménagement et de Développement Durable (PADD). Dans ce cas-là, la révision ou la modification du PLU peut avoir lieu lors du Conseil Municipal approuvant le dossier de réalisation. Néanmoins, les deux procédures peuvent être menées conjointement ou en plusieurs étapes (article L.123-13 du CU).

109. SERVICES DE L’ÉTAT, dans le département du Rhône, «La ZAC en régie directe», septembre 2013, URL : http://www. rhone.gouv.fr/Politiquespubliques/Amenagementdu-territoire-urbanismeconstruction-logement/ Urbanisme/La-zone-damenagement-concerteZAC/ZAC-en-regie-directe

Pour ce qui est des communes n’ayant pas de document d’urbanisme à leur disposition, la ZAC doit être instituée dans les zones déjà urbanisées, sachant qu’une ZAC peut être créée sans continuité spatiale. En effet, selon l’article L 311-1 du Code de l’Urbanisme explique que dans les Zones Urbaines des POS ou PLU, une même ZAC peut être amorcée sur plusieurs emplacement territorialement distincts et donc non contigus. Cette formule de ZAC, dite «multi-site», permet d’intégrer dans un même programme dont il sera fait un seul et unique bilan des actions territorialement dispersées. Par ailleurs, il existe deux modes de réalisations distinctes109. L’aménagement est dit «direct» lorsqu’il est réalisé en régie directe, par la collectivité territoriale, assistée par un mandataire. Dans le cadre d’une concession d’aménagement, le terme d’aménagement « délégué » est employé. La poursuite de l’opération est alors confiée à un aménageur public ou privé qui a pour mission l’acquisition des terrains, la réalisation des travaux, la commercialisation et éventuellement la réalisation des études.

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La mise en œuvre La mise en œuvre de la ZAC repose sur plusieurs étapes : l’étude et la concertation du public préalable, la création de la ZAC et la réalisation. Dans un premier temps, une étude préalable doit être réalisée par la collectivité publique étant à l’initiative du projet en raison des enjeux urbains, économiques et politiques. Cette étude aide à définir les besoins et les objectifs du projet, elle permet également d’avoir une meilleur connaissance des différentes contraintes existantes. Parmi les thématiques qui sont abordées lors de cette analyse, figurent la démographie, l’économie, les composantes paysages et architecturales, les caractéristiques du site, l’environnement et la mobilité. Ainsi la réalisation de l’étude porte plus particulièrement sur la définition du contenu du projet, sur le choix d’un site, sur l’insertion du projet dans son environnement naturel et urbain, ainsi qu’une étude sécurité publique110. Suite à ça, la rédaction d’un diagnostic sera à la fois destiné à l’autorité qui prendra la décision sur l’opportunité du projet et support de l’opération d’aménagement. Parallèlement à cette étude, le projet doit faire l’objet d’une concertation préalable à l’opération d’aménagement, conformément à l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme. Selon les termes de la jurisprudence, la procédure de concertation doit «intervenir avant que le projet soit arrêté dans sa nature et ses options essentielles et que soient pris les actes conduisant à la réalisation effective de l’opération, notamment la maîtrise d’œuvre111». Dans le cadre de cette concertation, la personne publique ayant pris l’initiative de la ZAC doit annoncer son intention de réaliser une opération d’aménagement dans un secteur donné et y associer ainsi le public très en amont, dès la phase d’études. Aucune durée n’est imposée par le Code de l’Urbanisme, néanmoins, celui-ci précise que la concertation doit s’effectuer «pendant toute la durée de l’élaboration du projet». Ainsi la collectivité public doit délibérer sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d’une concertation associant les habitants, les associations locales et autres personnes concernées112, aussi longtemps que le dossier de réalisation ne sera pas approuvé par la délibération. Suite à cette première étape, la création de la ZAC peut être amorcée. Tout d’abord, le périmètre de l’opération, les grandes lignes du programme prévisionnel et analyse de la faisabilité du projet sont définis par la commune. Ainsi, la personne publique prenant l’initiative de la ZAC doit constituer un dossier de création comportant, d’après l’article R. 311-2 du Code de l’Urbanisme : un rapport de présentation, indiquant l’objet et la justification de l’opération, constitué d’une description de l’état du site et de son environnement et énonçant les raisons pour lesquelles le projet faisant l’objet du dossier de création a été retenu ; un plan de situation ; un plan de délimitation du périmètre de la zone (des périmètres, s’il s’agit d’une ZAC «multi-sites» ; le mode de réalisation choisi (la régie, le mandat, la convention d’aménagement publique ou privé) ; le régime de la zone au regard de la taxe locale d’équipement ; une étude d’impact conformément à l’article R. 122-5 du Code de l’Environnement de manière à apprécier les effets du projet sur l’environnement. La décision de création de la ZAC, est prise : soit par le conseil municipal ou par l’organe délibérant de l’EPCI (art. L311-1 du CU) ; soit par le préfet, pour les ZAC créées à l’initiative de l’État, d’une Région, d’un Département ou de leurs établissements publics et les ZAC créées dans le périmètre d’une opération d’intérêt national.

110. BERVAS, Estelle, LEMEE, Guy, «La création d’une zone d’aménagement concerté (ZAC)», Journal des Maires, mars 2005, pp. 55-56. URL : http://www.inventaires.fr/ base/travail/bin1_74_1.pdf

111. Conseil d’Etat, 6 mai 1996, Association Aquitaine Alternatives, req. n° 121915, Rec., p. 144, Dr. Adm. 1996, n° 446, note Lamorlette ; CJEG 1997. 9, concl. Piveteau ; RFDA 1997, 711, concl. Piveteau.

112. Selon l’article L.103-2 du Code de l’Urbanisme : «Font l’objet d’une concertation associant, pendant toute la durée de l’élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées : (...) La création d’une zone d’aménagement concerté ;»

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Enfin la dernière étape se traduit par l’élaboration et l’approbation d’un dossier de réalisation. D’après l’article R. 311-7 du Code de l’Urbanisme, la personne publique qui a pris l’initiative de la création de la zone constitue ensuite un dossier de réalisation approuvé, sauf lorsqu’il s’agit de l’État, par son organe délibérant. Ce dossier de réalisation doit comprendre et définir : le projet de programme des équipements publics et constructions à réaliser dans la zone ; les modalités prévisionnelles de financement de l’opération d’aménagement, échelonnées dans le temps ; les modifications à apporter éventuellement à l’étude d’impact (dossier loi sur l’eau...) ; le cahier des charges des cessions de terrains. D’après l’article L 311-6), cette dernière pièce doit indiquer le nombre de mètres carrés de surface hors œuvre nette dont la construction est autorisée sur la parcelle cédée ainsi que les prescriptions techniques, urbanistiques, architecturales, paysagères et environnementales. Pour finir, ce dossier est présenté au conseil municipal de commune, si l’initiative de la ZAC n’est pas communale. Au delà de trois mois après la réception par le maire du dossier de création, l’avis est considéré comme favorable (R. 311-5 du CU). Il s’en suit un acte de création de la ZAC, l’acte qui approuve le dossier de réalisation et celui qui approuve le programme des équipements publics font l’objet de mesures de publicité et d’information, d’après l’article R. 311-5 et R. 311-9 du Code l’Urbanisme. 3.3 Une multiplication des enjeux

113. Centre de Documentation de l’Urbanisme, «La composition urbaine. Note et essai bibliographique.», Ministère de l’Equipement, du Logement, du Transport et du Tourisme, octobre 1996, p.22. URL : http:// w w w. c d u . u r b a n i s m e . equipement.gouv.fr/IMG/ pdf/composition_urbaine_ cle013737.pdf 114. Direction Générale de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction «La Zone d’Aménagement Concerté (ZAC)», Certu, Les outils de l’action foncière, août 2006, Fiche n°10 URL : http://www. rhone. g o u v. f r / co n t e n t / download/4726/27988/file/ ZAC_cle011e34.pdf

115. Op. Cit. Centre de Documentation de l’Urbanisme, p.18

Maintenant que le contexte historique, législatif et technique de cet outil d’aménagement ont été détaillés, il est intéressant d’étudier les enjeux qui le caractérisent au regard de la fabrication de la ville. La ZAC, est une procédure de plus en plus prisée, il s’agira d’expliciter, dans cette partie, les raisons de cette engouement, mais également d’aborder les limites et les défaillances dont elle peut faire preuve. Tout cela dans le but de comprendre les intérêts de la Zone d’Aménagement Concertée dans son rapport au fleuve ? Un cadre privilégié pour construire la ville La forme urbaine est connue pour sa complexité. Si l’outil ZAC prend appui sur des opportunités foncières, il induit de fait une réflexion programmatique poussée et devient, à partir des années 1980, le cadre privilégié pour développer des intentions de composition urbaine. En effet d’après l’ouvrage «La composition urbaine» publié par le Centre de Documentation d’Urbanisme, cet outil, de même que le POS, «comportent les éléments permettant de transcrire un projet de composition urbaine, lui- même né d’une réflexion indispensable sur le projet urbain : des principes d’alignement, de gabarit, de distance aux limites séparatives, voire un plan de masse coté en trois dimensions113... ». La ZAC est un outil prisé par les aménageurs de la ville pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce qu’il permet une maîtrise de l’aménagement par la collectivité publique. Ensuite, comme nous l’avons vu précédemment, cet outil d’urbanisme opérationnel est adapté pour les opérations complexes et de grandes ampleurs étant donné qu’il permet le découpage ou le regroupement de parcelles, la viabilisation des terrains et la création de surface de plancher (SHON)114. Ainsi, la ZAC permet de constituer le cadre général d’une opération d’envergure permettant d’accueillir diverses opérations ponctuelles. Aujourd’hui les villes privilégient certains lieux d’interventions, tels que le centre ville avec la volonté d’une requalification de l’espace public, les grands ensembles et les zones inexploitées115. Véritable outil de renouvellement et de planification urbaine, la

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ZAC permet à l’inverse du lotissement de créer des nouveaux quartiers de toutes pièces, avec toutes les composantes que cela suppose, de nouvelles parcelles de terrain à bâtir, ou pour traiter des îlots à démolir et à réorganiser. Un de ses enjeux concerne alors la requalification de lieux stratégiques. En effet, elle est adaptée pour engager facilement de nouvelles urbanisations, restructurer fortement des zones sous-utilisées ou en friches, des emprises SNCF, EDF, des entrepôts désaffectés ou tout simplement des territoires qui occupent parfois des superficies considérables et qui nécessitent des aménagements très importants. Toutes ces opérations sont rendues possibles notamment car elle conduit à une réflexion sur les équipements nécessaires et facilite le financement en permettant de substituer au régime de la Taxe d’Aménagement, un régime de participation contractuellement établi. Les contributions demandées à l’aménageur sont limitées au coût des équipements publics à réaliser pour répondre aux besoins des futurs habitants des constructions de la zone ( art. L. 311-4). Par ailleurs, la possession des terrains n’est pas un préalable obligatoire à la création de la ZAC à la différence du lotissement ou du permis de construire. L’acquisition des terrains peut se faire, par voie amiable, par voie de préemption ou d’expropriation, par la personne publique ou l’aménageur bénéficiant d’une concession d’aménagement. Enfin, les impacts économiques sont importants, notamment grâce la création d’emplois ou encore de nouveaux équipements culturels, sportifs etc. Cet outil d’aménagement est apprécié de part sa temporalité. Comme nous l’avons vu précédemment116, la ZAC s’inscrit sur le long terme. Cette caractéristique peut être perçue comme une contrainte, néanmoins cela signifie également qu’il est possible de faire évoluer l’opération dans le temps. Enfin, elle est caractérisée par le partenariat entre public/privé, par la mixité des fonctions et la participation de la population ; l’idée que cette procédure soit la résultante de l’implication d’un grand nombre d’acteurs est également un point positif. Ainsi, l’outil ZAC est relativement souple : les grandes lignes sont données, mais les objectifs ne sont pas clairement définis, tout comme il n’existe aucun seuil en terme de superficie ou de coût117. Ces caractéristiques laissent un champ d’action plus ou moins libre aux collectivités qui peuvent alors les déterminer au cas par cas, dans l’acte créant la zone. Voilà ce que l’on peut retirer du code de l’urbanisme, des articles et autres sources d’informations liées aux Zones d’Aménagements Concertées et à leurs caractéristiques, leurs mises en œuvres, leurs intérêts dans la fabrique de la ville. Qu’en est-il du point de vue des acteurs de l’aménagement, des architectes ?

116. Voir Chapitre 1, Partie 3.2

117. La Gazette, «Fiche n° 4. Le droit de l’urbanisme : les ZAC et les ZAD», août 2008. URL : http://www. lagazettedescommunes. com/71857/fiche-n°-4-ledroit-de-lurbanisme-leszac-et-les-zad/

Les limites de l’aménagement par zone Au tournant des années 1980, un certain nombre d’architectes, dont notamment Bernard Huet, revendiquent le fait que le sujet de toute intervention urbanistique est d’abord la forme de la ville. Ils dénoncent le mode de fabrication des plans d’aménagement de zone comme de simples plans de masse formés d’objets répondant à des programmes auquel ils opposent une démarche conceptuelle spécifique, fondée sur la prise en compte du temps de la stratification urbaine. Selon ce même architecte, le projet urbain doit produire du temps et de la continuité, de la régularité, du contexte à travers les tracés, les découpages, établir la forme des espaces publics, fournir un contexte à l’architecture118. Ainsi durant les années 1990 et jusqu’à l’apparition de la Loi Solidarité et Renouvellement Urbain, la ZAC est vivement critiquée et de nombreuses procédures sont stoppées

118. EDELMANN Frédéric, «Débat: un entretien avec Bernard Huet. Le hasard et la nécessité sont la loi du projet urbain» Le monde. 23 nov. 1993, 2p.

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119. GERARD, Patrick, «Pratique du droit de l’urbanisme. Urbanisme réglementaire, individuel et opérationnel.», Eyrolles, 2013, p. 245

120. Op. Cit. RODRIGUESMALTA

121. Centre de Documentation de l’Urbanisme, «La composition urbaine. Note et essai bibliographique.», Ministère de l’Equipement, du Logement, du Transport et du Tourisme, octobre 1996, p.23. URL : http:// w w w. c d u . u r b a n i s m e . equipement.gouv.fr/IMG/ pdf/composition_urbaine_ cle013737.pdf 122. DELALEU, Alice, « Nouvelles ZAC ou chronique d’un fiasco 2.0. » Chroniques d’architecture, 24 octobre 2017. URL : https://chroniquesarchitecture.com/ nouvelles-zac-fiasco-2-0annonce/>

notamment à cause de difficultés financières119. Son inscription dans la procédure du PLU a eu pour effet de rendre les méthodes plus souples et appréciées. Pour autant d’après l’auteur Rodrigues-Malta Rachel : «Si la flexibilité constitue désormais une qualité de la planification quasi unanimement reconnue par les professionnels de l’urbain, elle n’en comporte par moins certaines limites (...) : un temps d’actions mal maîtrisé, des objectifs affaiblis par les événements et au final, une perte de visibilité des transformations et de crédibilité dans le «renouvellement» annoncé120.» La ZAC est alors considérée comme un outil de projet performant, toutefois un certain nombre de critiques persiste, notamment par rapport aux effets de limites et à « l’urbanisme de morceaux de ville » qu’elles génèrent potentiellement. Le zonage est une méthode qui ne fait pas l’unanimité. Selon Christian Devillers : «l’urbanisme de zoning exclut de sa représentation l’espace public et les réseaux. L’espace n’est figuré que comme foncier et les réseaux qui déterminent si fortement l’espace de la ville moderne sont occultés.» Bernard Reichen explique que le zonage même s’il a été un outil extraordinaire pour gérer l’urgence n’a plus de raison d’être, pour autant il déclare que «nous ne sommes pas sortis des logiques partielles. Le zonage se nourrit d’ailleurs toujours du principe de l’urgence. Mais à l’urgence des besoins, on a substitué l’urgence des logiques financières». En contrepartie, il propose ce qu’il appelle «un urbanisme de valorisation» : «Ne pas chercher une image urbaine qui soit définitive, figée, moderne, mais redémarrer à partir d’éléments fondamentaux comme la topographie et la géographie pour préparer des développements futurs.» Aujourd’hui, la décomposition de la ville par typologies (activités, services, loisirs, logements etc.) est toujours effective, pour autant une véritable volonté de mixité fonctionnelle se lit dans les projets de ZAC. Christian Devilliers explique néanmoins que la ville se construit à partir de « réseaux », qui suivent eux-mêmes une logique de « secteurs et non de lieu », ainsi l’architecte déplore le fait que « la logique de réseaux l’emporte sur celle de l’urbain121… ». En effet, la réflexion en terme de fabrique de la ville se fait davantage à l’échelle de la division du sol induite par l’aménageur, qu’à l’échelle des logiques urbaines, ce qui accentue cette effet « morceaux de villes ». Malgré les critiques qui leurs sont faites, les ZAC sont de plus en plus nombreuses sur le territoire français. C’est ce phénomène notamment, que dénonce la journaliste Alice Delalleu122 dans l’article militant «Nouvelles ZAC ou chronique d’un fiasco 2.0». Le caractère indispensable de celle-ci, qui se multiplie dans chaque grande métropole désireuse d’entamer un renouvellement urbain et qui engendre par la même occasion des «micro-quartiers». A cela s’ajoute la constatation d’une certaine uniformisation et standardisation des projets, de même que l’apparition d’une publicité et d’un vocabulaire spécifique. Les représentations visuelles des futurs quartiers, la renommée des architectes et la nécessité de se doter d’une architecture dénoncent également cette société de consommation, dite de «spectacle». Société qui, par ailleurs, ne semblent pas tenir compte des expériences passées, ni même des critiques qui leur ont été faites au vue de la persistance des aménageurs à vouloir reproduire le même schéma (Confluence, Bassins à flots, Île de Nantes). Alice Delaleu explique bien ce phénomène : «Le “package” englobe bien souvent un fleuve (du moins un cours d’eau) et une gare, signée AREP, avec ses voies à grande vitesse pour relier la capitale de Région à la Capitale. C’est donc sans rougir que chacun de ces nouveaux quartiers fait appel aux «Marc» des ponts, comprenez Barani ou Mimram, pour dessiner un bel

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ouvrage d’art pour faire cohabiter les vélos, les trains et les voitures123.» Ce n’est pas sans nous rappeler la Waterfront attitude des années 1970124. Perspectives de l’outil ZAC

123. Ibid 124. Voir Chapitre 1, Partie 1.3

Ainsi, les limites tout comme les atouts de cet outil d’aménagement sont multiples. Quoi qu’il en soit l’intérêt que lui porte les acteurs de la fabrique de la ville est indéniable. Le Rhin, la Garonne, la Saône, le Rhône, la Seine... Aujourd’hui les fleuves français sont véritablement au cœur du projet urbain et font l’objet d’innombrables projets de ZAC. Pour autant, placer le fleuve au centre d’un renouvellement urbain est un raisonnement intéressant du fait de son caractère structurant. «L’observation de la scène internationale en matière de recomposition urbano-portuaine permet de remarquer un contraste étonnant entre les projets composites à gestion fragmentaire et les actions unitaires raisonnées à l’échelle des vieux bassins voire à l’échelle de la ville portuaire125.»

125. Op. Cit. RODRIGUESMALTA

Aujourd’hui les politiques publiques inscrivent leurs action dans une logique importante du fait par exemple du schéma directeur du fleuve ou du Plan Garonne en ce qui concerne Bordeaux, ainsi les projets ne peuvent plus se restreindre aux limites administratives d’un quartier ou de la seule ville- centre. Les collectivités doivent élargir leurs champs d’actions traditionnels et agir à l’échelle de l’agglomération. Le fleuve s’insère donc dans les dynamiques de restructuration engagées par les agglomérations dans le but de répondre aux enjeux du territoire concerné. De ce fait les projets de ZAC qui en découlent doivent être complémentaires et former un véritable réseau de manière à faire partie intégrante de la ville. La restructuration des modes de transports des villes entamant ce type de procédure en est un des signes. Citons par exemple Bordeaux ou encore Strasbourg qui ont remodelé leurs réseaux de déplacement avec l’aménagement de leurs berges. Cette volonté de reconquérir les rives et berges de fleuves impliquent donc de mener une réflexion globale, mais également de travailler avec de nombreux acteurs. Une concertation entre les communes concernées est indispensable de manière à mener les études et de planifier les opérations. L’ouvrage «Le fleuve dans la ville. La valorisation des berges en milieu urbain» explique alors : «L’axe du fleuve structure non seulement un territoire, il privilégie aussi de nouvelles coopérations intercommunales autour d’un projet commun et partagé126». En ce sens, Jean-Pierre Buffi, architecte en chef de la ZAC Rive Gauche de Bercy, reconnaît dans l’article «ZAC, une outil à double tranchant», que la réussite de ce projet est due à une «convergence entre tous les acteurs : architectes, Sem, élus, promoteurs (...)127». Entre la pluralité des caractéristiques propre à la ZAC, il est alors difficile de trouver l’équilibre nécessaire. Mais comme le fait remarquer Christian Devillers, le projet urbain ne constitue pas «une solution mais une amélioration, un mode pour composer la ville».

126. DIRECTION GÉNÉRALE DE L’URBANISME, DE L’HABITAT ET DE LA CONSTRUCTION, Le fleuve dans la ville. La valorisation des berges en milieu urbain, Paris : La défense, 2006, p.3

127. Op. Cit. SABARLY

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56 -


CHAPITRE 2

Étude des pratiques à l’œuvre dans la ZAC Garonne Eiffel - 57


1.1 Un projet d’aménagement de grande ampleur Garonne Eiffel se développe sur la plaine rive droite au niveau du quai de Souys. De manière à saisir les logiques physiques, historiques ou encore économiques du lieu dans lequel elle s’implante, une briève contextualisation du territoire est nécessaire. Afin de comprendre les enjeux de ce projet d’aménagement, plusieurs questions se posent : de quelle manière l’urbanisation de la rive droite s’est-elle développée au regard des caractéristiques physiques de ce milieu ? Aujourd’hui justement, ce territoire est en pleine mutation. Alors dans quel contexte et dans quel cadre s’insèrent la ZAC Garonne Eiffel ? Deux rives dissemblables

128. Op. Cit. VIS LE FLEUVE 129. Reliefs et failles des coteaux bordelais 3 : Géologie : L’origine de la rive droite de Bordeaux, (Sur les rives des sciences), 2014, Cap-Sciences, O2 Radio, 17’11 mn 130. Par le terme hybride, Cédric Lavigne entend un aménagement attentif et respectueux des réalités physiques et des logiques du milieu ; soit la manière dont les sociétés vont établir une «couture» entre les réalités topographiques, celles du sol et de l’eau.

131. Le Belvédère, futur quartier de la rive droite à Bordeaux (Bordeaux_Euratlantique) 2015, BordeauxEuratlantique,9,51 mn. URL : https://youtu.be/km4BiMV398

La rive droite bordelaise se distingue de la rive gauche par de nombreux caractères. Sur le plan géologique tout d’abord du fait de sa composition, du «nonaménagement» de ses berges (présence d’une pente douce, et accroissement de l’effet de renaturation128), mais également du fait d’une différence de 70 mètres d’altitudes entre elles deux129. Toutes ces caractéristiques physiques sont donc les raisons pour lesquelles, cette plaine rive droite située sous le niveau d’eau, est davantage sujette aux inondations. Elles sont également les raisons de son urbanisation tardive. Le docteur en histoire, ancien chercheur au CNRS et consultant en archéo-géographie, Cédric Lavigne explique en effet que cette plaine était un espace totalement agricole et «hybride130» jusqu’au XIXème siècle : la zone de cuvette était organisée par un parcellaire de drainage, tout comme le quai de Brazza qui faisait l’objet d’un parcellaire en grande lanière. De plus, à partir du percement de l’avenue Thiers, deux logiques d’aménagements contradictoires vont se développer avec l’urbanisation de cette rive : une logique d’hybridation et une logique de rupture. L’implantation des réseaux de voies ferrées en est le témoignage puisque la création de talus de cinq mètres de hauts environ va engendrer la découpe de l’ancien marais intérieur et donc du chemin de l’eau ce qui a aujourd’hui des répercussions sur l’inondation et le ruissellement. Sur cette rive droite, à partir de la création de l’avenue Thiers, les vignobles et les marais seront alors remplacés par des activités industrielles, ferroviaires et portuaires au nord et par des équipements publics et des quartiers d’habitat au sud. Son patrimoine sera à la fois viticole, industriel, ferroviaire, architectural et végétal. Dans ce territoire composé de jardins, de friches humides, (entrepôts, anciens abattoirs, anciennes voies de chemins de fers), certains lieux deviennent iconiques, tels que la caserne de la Benauge, la passerelle Eiffel, la halle Fayat, les demeures Cazenave et Camelle, l’école Franc Sanson etc. Toutefois, « La rive droite ça a longtemps été la « mal-aimée » de Bordeaux expliquait Stéphan de Faÿ131, directeur général de l’EPA Bordeaux-Euratlantique, dans la vidéo de présentation du projet Garonne-Eiffel. En effet, le paysage de cette partie de Bordeaux est pendant longtemps caractérisé par sa forte identité ouvrière de même que les zones industrielles et commerciales, les usines, les garages et les stations service, les commerces de proximité. La rive droite est alors connue pour être un lieu convivial à l’image d’un petit village, mais toutefois délaissé de la rive gauche et des bordelais qui considèrent, pour la plus part, ce lieu comme impopulaire. Ce clivage entre la rive gauche et la rive droite de la Garonne s’estompe néanmoins depuis le début des années 2000, notamment grâce à l’arrivé du Tramway et aux nombreux projets qui se mettent en place et qui témoignent de sa mutation. Tout d’abord avec le projet urbain d’Alain Juppé en 1996 dont l’objectif principal était la réintégration de la Rive droite. Puis aujourd’hui avec la réalisation du parc aux

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PARTIE I

Garonne Eiffel, un «territoire d’avenir ouvert sur la Garonne» Angéliques sur le quai des Queyries et du quai de Brazza par le paysagiste Michel Desvignes, la livraison du pont Bacalan-Bastide, la création d’un tiers lieu innovant à Darwin. Et pour finir avec la mise en œuvre de différents projets en cours de réalisation tels que le quartier Brazza et le quartier bastide, le prolongement du parc aux Angéliques sur le quai Deschamps, et l’intégration de la rive droite au périmètre Euratlantique. La métropole millionnaire En mars 2009, le maire de Bordeaux, Alain Juppé annonçait avec la publication de l’ouvrage «2030 Vers le Grand Bordeaux : pour une métropole durable», le deuxième projet urbain de la ville avec la présentation de l’arc de développement durable, celle de l’Opération d’Intérêt National (OIN) et l’annonce de l’arrivée de la ligne à grande vitesse (LGV)132. Avec ce nouveau projet urbain, la métropole bordelaise témoignait de sa volonté de s’inscrire à l’échelle européenne et de gagner 100 000 habitants supplémentaires d’ici 2030. Avec le prolongement de la LGV Paris-Bordeaux et la mise en place des lignes telles que Bordeaux-Tours (2016), Bordeaux-Toulouse (2020) et Bordeaux-Bilbao, le flux de passagers et la population bordelaise allaient connaître une augmentation sans précédent. En 2017, Stéphan De Faÿ explique ainsi que neuf millions de voyageurs transitent par la gare de Bordeaux et que ce chiffre doublerait avec l’arrivée du TGV, de même qu’il y a entre 3 500 et 10 000 nouveaux habitants chaque année sur la métropole. L’arrivée de la LGV a donc engendrée la volonté d’un projet urbain et constitue le point de départ du projet Bordeaux-Euratlantique : «C’est une opération d’état et qui est faite parce que le TGV arrive. Les collectivités territoriales et l’état, ensembles, ne voulaient pas que le TGV arrive sans que cela ne transforme la ville.»133 D’après le Projet de Protocole de Partenariat relatif à BordeauxEuratlantique, en effet, ce nouvelle essor de la gare permettra à la métropole d’avoir en sa possession de nouveaux atouts et de renforcer son attractivité134. Au vu des enjeux du territoire bordelais, une réflexion sur le devenir du quartier de la Gare Saint-Jean était essentielle afin de déterminer la meilleure façon de tirer profit de son potentiel urbain. Ainsi à l’issue de la mission de préfiguration de 2009, s’en est suivie la décision de promouvoir le projet urbain Garonne Eiffel au rang d’Opération d’Intérêt National (OIN) par l’Etat, de même que la création d’un Établissement Public d’Aménagement (EPA) entre les communes concernées, la CUB (Communauté urbaine de Bordeaux), le Conseil régional d’Aquitaine, le Conseil général de la Gironde et l’État. Ainsi, le décret du 5 novembre 2009 met en place l’un des plus gros programme d’aménagement urbain engagé en France en dehors de la région parisienne. Bordeaux-Euratlantique intègre alors le projet urbain «Bordeaux 2030» avec son implantation sur les trois communes de Bordeaux (386 ha répartis sur les deux rives de la Garonne), Bègles (217 ha) et de Floirac (135 ha) et le périmètre

132. Direction Générale de l’Aménagement Ville de Bordeaux, 2030, Vers le grand Bordeaux. Du croissant de lune à la pleine lune, Le Haillan, 2013, p.12

133. Op. Cit. Bordeaux_ Euratlantique, 2015 134. EPA BORDEAUXEURATLANTIQUE, Projet de protocole de partenariat 2010-2024, version 8, 20 avril 2010, p.3 URL : https:// www.google.com/url?sa=t &rct=j&q=&esrc=s&source =web&cd=4&cad=rja&ua ct=8&ved=0ahUKEwj7lKzd h9fYAhWBShQKHWKGBH 4QFgg8MAM&url=http%3 A%2F%2Fwww.bordeauxmetropole.fr%2Fcontent% 2Fdownload%2F17109%2Ff ile_pdf%2FP0C8C.pdf&usg =AOvVaw1vtIK5RfpfzlbkH9 dw18UW

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135. Selon l’article R. 121-41 du Code de l’urbanisme 136. B I A R D , Joël, «Opérations d’Intérêt National (OIN) : Opérations pour le capital multinational», Économie et Politique, janvier-février 2010, pp.17-19. URL : http:// www.pcf.fr/sites/default/ files/ecopo_2010_01-02_ operations_dinteret_ national_oin_operations_ pour_le_capital_ multinational_joel_ biard_16_2.pdf

défini de près de 738 hectares devient l’objet d’une OIN à la demande des élus et en partenariat avec l’État135. En effet, les lois de décentralisation de 1983 ont permis aux communes d’acquérir des compétences en matière d’urbanisme, néanmoins l’OIN prodigue à l’État la possibilité de retrouver un rôle dans les décisions et les orientations en matière d’activités économiques, d’urbanisme, de logement et de transports sur les territoires considérés comme prioritaires136. Par la suite, le décret du 22 mars 2010 met en place l’EPA de Bordeaux-Euratlantique, une structure opérationnelle réalisant des opérations d’aménagement sous l’autorité de l’État, «afin de procéder à toute opération de nature à favoriser l’aménagement, le renouvellement urbain, le développement économique et le développement durable des espaces compris à l’intérieur du périmètre de l’OIN137».

137. D ’ a p r è s l’enquête publique unique préalable à la Déclaration d’Utilité Publique et à l’autorisation au titre de la Loi sur l’Eau du 20 février 2017 au 24 mars 2017 relative à la ZAC GaronneEiffel : PÉJOUX, Georgette, PAULIN, Charly, MORIZOT, Hugues, «Enquête publique ZAC Garonne Eiffel rapport », 2017, 67p. URL : http://www. gironde.gouv.fr/content/ download/34026/240486/ file/Zac%20Garonn%20 Eiff%20rapport%20 unique%201%20_ définitif%20.pdf

FIG 11 : L’Opération d’Intérêt National (OIN) s’implante dans un contexte à échelle européen

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Bordeaux-Euratlantique, un projet à rayonnement européen Les acteurs de l’OIN Bordeaux-Euratlantique, à savoir, l’État, la région Aquitaine, la CUB, l’EPA et les communes concernés par le projet, Bordeaux, Bègles et Floirac ont établi un protocole de partenariat le 5 juillet 2010 dans lequel les différents projets urbains sont identifiés. Ce protocole a été mené dans le but de déterminer la programmation générale, les missions de chacun et de définir les enjeux du projet. Deux objectifs principaux se dégagent de ce projet : la création d’un pôle tertiaire d’envergure nationale et internationale, afin de participer au rayonnement européen de la ville et la création d’une nouvelle centralité avec l’apport d’une offre de logements importante, de manière à densifier le cœur de la ville. L’objectif premier s’explique par le site qui est jugé être «un territoire stratégique pour le positionnement européen de la métropole bordelaise»138, car il constitue une porte d’entrée sur Bordeaux et donc pour l’EPA Euratlantique : un lieu «vecteur essentiel de l’image et une de ses vitrines139.» D’autre part, le développement du projet Bordeaux-Euratlantique a pour volonté la création d’une nouvelle centralité pour plusieurs raisons : celle d’une densification du cœur d’îlot pour une réduction de l’étalement urbain, de l’instauration d’une continuité urbaine par le développement des transports notamment, d’une reconquête des friches, d’une attention à la mixité sociale et fonctionnelle de même qu’à la concertation des projets et de la prise en compte de l’identité du site, et pour finir, de l’invention d’un «rapport nouveau de la ville au fleuve : maîtrise des risques, aménités multipliées, rétablissement du rapport direct perdu du fait de la présence d’infrastructures infranchissables140...» Par ailleurs, au vu des enjeux actuels liés au changement climatique et à la raréfaction des ressources, les différents acteurs de Bordeaux-Euratlantique, expriment dans le Projet de Protocole de Partenariat, leur volonté de mener des réflexions, des expérimentations et des innovations dans le domaine de la ville durable. Tout d’abord avec l’inscription de ce projet d’aménagement dans la démarche EcoCités, mais également avec la réalisation de cahiers de prescriptions environnementales dans les cahiers des charges de cessions de terrains (CCCT), la mise en place d’un processus d’évaluation et des orientations du Grenelle de l’environnement.

138. Op. Cit. BORDEAUX EURATLANTIQUE, p.9

139. Ibid, p.10

140. Ibid, p.10-11

Bordeaux-Euratlantique se divise alors en plusieurs projets urbains situés sur quatre secteurs géographiques : Saint-Jean Belcier, Bègles-Faisceau, BèglesGaronne et Garonne-Eiffel. 1.2 L’organisation du projet Garonne-Eiffel sous forme de ZAC Le projet d’aménagement Garonne-Eiffel intègre donc une réflexion qui se veut globale et à l’échelle de la métropole bordelaise. Il s’instaure dans un contexte et un cadre spécifique relatif au projet Bordeaux-Euratlantique. Pour autant la ZAC détient ses propres enjeux du fait de son implantation en bord de fleuve dans un quartier décousu par les infrastructures routières et la présence de friches. Alors quels sont les objectifs définis par les acteurs de ce projet d’aménagement au vu des enjeux du territoire ? Comment ce projet de Zone d’Aménagement Concertée s’organise-t-il dans l’EPA Euratlantique ? Dans cette partie, il s’agira d’étudier le territoire, la programmation, les objectifs avant d’aborder les jeux d’acteurs qui caractérisent ce projet.

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FIG 12 : Périmètre du projet de la ZAC Garonne Eiffel

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Un territoire délaissé, enclavé et mutable L’arrêté préfectoral du 14 mars 2016 initié par l’EPA Bordeaux Euratlantique, met en place le projet d’aménagement Garonne-Eiffel à travers la procédure de ZAC. Ancré sur la rive droite, cet opération fait face à la ZAC Saint Jean Belcier et s’étend sur un périmètre d’environ 128 ha, dont 81 ha sur Bordeaux et 47 sur Floirac. Comme énoncée précédemment, ce territoire se situe à l’entrée de la métropole bordelaise sur la rive droite, bordé à l’ouest par la Garonne et à l’est par les Coteaux, il se trouve dans une plaine caractérisée par une topographie très plane et basse par rapport au niveau de l’eau. Le site présente un linéaire de deux kilomètres de façade sur la Garonne ainsi qu’une proximité avec le centre historique de Bordeaux, notamment grâce à une connexion à la rive gauche qui s’établit par trois ponts et une passerelle, le pont Saint-Jean, le pont de Pierre et par le récent pont Jacques Chaban Delmas. Actuellement, ce territoire de projet est une zone en grande partie délaissée du fait du déclin des activités ferroviaires et industrielles de la rive droite dès la moitié du XXème. Des friches, des zones d’activités éparpillées et des zones d’habitat isolés composent aujourd’hui le paysage de ce quartier. L’emprise du tracé ferroviaire, qu’il fasse partie d’une friche ou du réseau ferroviaire de même que l’existence d’un parcellaire organisé sur des grandes emprises, accentue la déstructuration de ce secteur et notamment de la trame viaire. Ainsi la présence des voies du réseau ferroviaire et du boulevard Joliot Curie traversent d’est en ouest le secteur et le divisent en deux grandes entités : le quartier Deschamps et le quartier Souys. Ces zones éparses et abandonnées présentent ainsi de fortes potentialités en terme de renouvellement urbain. Comme l’explique le dossier de création de la ZAC, une analyse de l’occupation foncière, de la structuration urbaine et de la possible mutabilité de ce site ont permis de définir le périmètre du projet GaronneEiffel. En effet un travail de recensement des «terrains mutables» a été réalisé par l’EPA et a permis d’identifier les espaces fonciers potentiellement évolutif, à savoir 94 hectares qui sont composés de trois types d’espaces différents : «les emprises foncières non occupées et maîtrisées par les institutions publiques, les bailleurs sociaux ou par la SNCF (...) ; les terrains qui sont majoritairement constitués de grandes emprises foncières occupées par des activités non compatibles avec le devenir de ce territoire et qui par conséquent sont amenés à muter à plus ou moins long terme, des sites très contraints par les risques d’inondations141». Au vu de cette potentialité foncière, les acteurs de cette opération d’aménagement ont envisagé une programmation sur 966 000 m² comprenant des bureaux, des logements, des commerces, des hôtels, des locaux d’activités, des espaces verts et des équipements publics. D’autre part, l’organisation du projet prévoit de divisée la ZAC Garonne Eiffel en cinq quartiers : le quartier Deschamps, le quartier Eiffel, bordés par la Garonne et traversés par les voies ferroviaires ce dernier est destiné à devenir un parc, le quartier Souys –Richelieu, le quartier Souys-Combes qui présente le plus de risque d’inondation et enfin le quartier Cité Guillot/Touratte.

141. Bordeaux Euratlantique, Dossier de création de la Zac Garonne Eiffel, 23 novembre 2014, p.15

Un secteur à requalifier Un projet d’une si grande ampleur entraînera nécessairement une mutation profonde du territoire, que ce soit sur le plan économique, immobilier

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142. Direction Générale de l’Aménagement Ville de Bordeaux, 2030, Vers le grand Bordeaux. Du croissant de lune à la pleine lune, Le Haillan, 2013, p.195

143. BORDEAUX 2030, Garonne-Eiffel [en ligne]. URL : http:// w w w. b o rd e a u x 2 0 3 0 . fr/bordeaux-demain/ garonne-eiffel

144. BORDEAUX EURATLANTIQUE, Dossier de création de la Zac Garonne Eiffel, 23 novembre 2014, p.15

ou encore paysager. Garonne-Eiffel est considérée comme une véritable porte d’entrée sur la ville de Bordeaux, l’arrivé du TGV et la volonté de propulser la métropole sur le devant de la scène internationale. Ce projet permettra à la fois d’apporter les équipements et les logements nécessaires au développement de la ville, mais également de «redorer» cette zone restée jusqu’à présent délaissée par la métropole bordelaise. L’embellissement de la ville se fera-t-il au détriment du site et de ses enjeux ? Le projet Garonne-Eiffel est jugé comme «stratégique», faisant office d’un «trait d’union» entre les deux rives142. Son ambition première est celle de reconquérir la Garonne et de requalifier la rive droite. Les autres objectifs sont de : « [...] composer le pendant du quartier d’affaires de la gare sur la rive droite et articuler les deux rives autour du pont Jean-Jacques Bosc par le biais d’un transport en commun dédié ; conforter pour partie les activités économiques existantes et insuffler mixité et diversité dans le pôle tertiaire à venir ; atténuer les effets de coupures occasionnées par les infrastructures routières et ferroviaires existantes ; créer une dynamique de connexions entre les quartiers existants et composer une véritable armature urbaine ; mettre en valeur le grand paysage en dégageant les vues vers la Garonne et les coteaux en créant un maillage d’espaces verts et s’articuler autour du parc aux Angéliques, projet phare de paysage.»143 De manière plus spécifique, les opérations concernent notamment : «le prolongement du centre d’affaire développé autour de la gare Saint-Jean dans le cadre de la ZAC Garonne-Eiffel ; la production d’une offre importante de logements diversifiés afin d’attirer les habitants vers le cœur d’agglomération ; la requalification des quais Deschamps et de la Souys en boulevard urbain, la reconfiguration de la tête de pont Saint-Jean en belvédère et la programmation d’espaces verts structurant ce territoire entre Garonne et côteaux144». Ainsi pour la collectivité publique, Garonne-Eiffel représente une opportunité foncière non négligeable afin de répondre aux besoins actuels de la métropole, de même que son emplacement spécifique entre le fleuve et les coteaux lui confère des atouts favorables à la constitution d’un cadre de vie appréciable. Les jeux d’acteurs, les jeux politiques et les jeux réglementaires Du fait de son implantation dans un projet relativement vaste, la ZAC Garonne-Eiffel est dirigée par une multitude d’acteurs. Parmi eux, l’État, Bordeaux Métropole, la commune de Floirac mais également la maîtrise d’ouvrage, assurée par EPA Bordeaux Euratlantique, la maîtrise d’œuvre qui comprend l’équipe mandataire TVK Architectes Urbanistes, les paysagistes Cribier + Ecoutin ainsi que les bureaux d’études Ingerop (BET TCE), Tribu (BET HQE) et Sémaphores pour la programmation urbaine tandis que Nexity, Altarea Cogedim et Pitch Promotion représentent les bailleurs sociaux du projet. Avec la création du périmètre OIN, les jeux d’acteurs sont différents du fait de l’implication de l’État dans les procédures d’aménagement. En effet seul un décret en Conseil d’État peut créer ou supprimer une OIN. D’autre part, dans une opération d’intérêt national, l’instruction, la délivrance des autorisations d’utilisation des sols et en particulier les permis de construire redeviennent des compétences de l’État. De même que la décision de la création d’une zone d’aménagement concerté au sein d’une OIN est prise par le préfet non par la commune, seule la rédaction du document d’urbanisme reste une compétence communale. En ce sens l’EPA Bordeaux Euratlantique se substitue à Bordeaux

64 - Garonne-Eiffel, un «territoire d’avenir ouvert sur la Garonne»


FIG 14 : Programmation des quartiers

FIG 13 : Cartographie de l’implantation des programmes

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Métropole puisqu’il acquiert le rôle du maître d’ouvrage des études urbaines et des espaces publics de Garonne-Eiffel et devient l’outil de mise en œuvre ainsi que le garant de sa qualité.

145. Op. Cit. BIARD

146. HUGRON, JeanPhilippe, «Projet urbain ‘Garonne Eiffel’ Bordeaux - Floirac de l’EPA Bordeaux Euratlantique», Le courrier de l’architecte, 2010, URL : http://www. lecourrierdelarchitecte. com/expoconcours_863 147. Ibid

Cet organisme constitue également l’interlocuteur entre l’État et la métropole de Bordeaux. Selon l’article «Opérations d’Intérêt National (OIN) : Opérations pour le capital multinational» publié dans le journal Économie et Politique, la création d’une OIN permettrait un pilotage plus simple et direct, notamment grâce à la hiérarchisation des compétences et de leurs organisations, et à «une contractualisation entre les différents acteurs à la fois sur le contenu des projets, la répartition des rôles, des maîtrises d’ouvrage et d’œuvre, des financements145.» En effet le 8 décembre 2014, la réalisation de la ZAC GaronneEiffel a fait l’objet d’un Protocole entre Bordeaux Métropole et l’EPA témoignant du contrat de partenariat qui s’instaure entre les deux parties et permettant de définir le rôle, les objectifs et les conditions de réalisation des équipements pour chacun d’entre eux. Aussi l’EPA, ayant la compétence en matière d’aménagement, assure la conduite générale des travaux jusqu’à leur achèvement. Pendant leur réalisation, la métropole ne peut émettre des observations qu’à l’EPA avant la réception des ouvrages. Elle conserve néanmoins un droit de regard sur les réunions de chantiers, sur les pièces contractuelles et autres documents relatifs à l’exécution des travaux, de même que pour les avants-projets et projets qui doivent être soumis pour accord à la métropole. Elle possède alors un délai de deux mois à compter de leur réception pour formuler des observations écrites. Dans le cas où aucune formulation n’aura été faite, son avis sera jugée favorable aux avants-projets et projets D’autre part, en ce qui concerne l’aménagement de l’opération, le secteur Garonne-Eiffel fait successivement l’objet d’un concours d’urbanisme. En novembre 2010, le lancement d’un avis à appel public permet de retenir 5 équipes le 8 avril 2011, à savoir 51N4E, l’agence DPA Dominique Perrault, mateoarquitectura (Josep LLuis Mateo), Studio Associato Bernardo Secchi & Paula Viganò et l’Agence TVK. Selon l’article paru dans le Courrier de l’Architecte, c’est cette dernière équipe qui est choisie en 2011 par les membres du jury pour faire l’objet d’un «accordcadre» avec l’EPA sur une durée de 9 ans146. L’agence Trévelo & Viger-Kohler a été retenue pour sa réponse architecturale respectueuse des orientations du cahier des charges, témoignant d’une étude fine du territoire et de sa volonté de raviver la présence de la «nature»147. 1.3 Un rapport à l’eau et au fleuve revendiqué

148. BOSREDON Mickaël, « Le projet Garonne-Eiffel à la conquête de la rive droite de Bordeaux », 20 minutes, 6 février 2012. URL : http://www.20minutes. fr/bordeaux/87425020120206-projet-garonneeiffel-conquete-rive-droitebordeaux

A travers les communiqués, les articles et autres médias, l’agence d’architecture mandataire du projet Garonne-Eiffel et l’EPA Bordeaux Euratlantique, affirment une stratégie d’aménagement liée à la «rencontre entre la nature et l’infrastructure148». La volonté d’une reconquête des berges est également au cœur des discours, de même que l’utilisation de l’eau dans l’usage du quartier. Le rapport à la Garonne et à l’eau est ainsi clairement revendiqué par les acteurs de cette opération d’aménagement. S’agit-il d’une lubie des aménageurs ou d’une véritable problématique ? Comment les enjeux environnementaux sont-ils incorporés à l’élaboration du projet ? L’analyse des documents destinés aux publics (dossier de présentation, articles, etc.) ainsi que celle des documents destinés à la mise en œuvre (dossier de création et de réalisation de ZAC, enquête publique, impact environnemental, etc.) permettra de saisir les démarches défendues par le projet.

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Une dualité entre nature et infrastructure Le nom de ce projet d’aménagement, Garonne-Eiffel pose très rapidement la question du rapport au fleuve dans son élaboration et suscite des attentes importantes en terme de réponse urbaine et architecturale. Un article du Sud-Ouest explique que les responsables de cette opération et notamment Philippe Courtoir le directeur général, cherchaient « un nom à la fois local et qui parle bien, un nom porteur qui s’adresse à des investisseurs ou promoteurs à l’échelle nationale et internationale150». Avec le nom Garonne-Eiffel, leur intention était de mettre en exergue les caractéristiques emblématiques du lieu à savoir son fleuve et la passerelle Eiffel. Pour l’agence d’architecture TVK, cette appellation permet également de signifier sa particularité. Elle explique ce choix ambitieux par la présence d’une dualité entre la nature et les infrastructures sur le site et la volonté des architectes de l’intégrer dans le projet d’aménagement151. Dans leur discours, le terme «Garonne» symbolise la «nature» présente sur le territoire tandis que «Eiffel» représente l’infrastructure. Le fleuve et les coteaux sont considérés comme des limites physiques qui seront prochainement mêlés aux équipements, car comme l’explique l’EPA Bordeaux-Euratlantique : «Infrastructure et Nature composent le couple structurel du territoire Garonne Eiffel. L’infrastructure existe, la nature uniquement en limite : la Garonne, les coteaux boisés152.» et leur stratégie est de «confier à la nature la transformation de l’infrastructure». L’organisme d’aménagement évoque alors un «vaste paysage coulant» afin de relier les berges de la Garonne aux coteaux de Floirac dans l’optique de créer un dialogue entre les deux rives. Cette stratégie semble alors justifier la création d’une multitude de parcs au sein du territoire : «La cohabitation avec les infrastructures de reconquête du fleuve étant l’axe majeur de ce projet, des parcs importants seront aménagés le long des voies ferrés et sur les quais153.» Pour l’agence TVK en effet, la relation entre les infrastructures et cette nature sera rendu possible par la mise en place d’un «réseau d’espaces ouverts plantés».

150. VIGNAUD, Jean-Paul, « Le nouveau quartier portera le nom d’Eiffel », Sud-Ouest, 21 septembre 2011

151. TRÉVELO Pierre Alain, VIGER-KOHLER Antoine, «Garonne Eiffel ou la combinaison nature / infrastructure», Bordeaux, Chroniques Métropolitaines, Dominique Carré, 2013 152. BORDEAUXEURATLANTIQUE, Garonne-Eiffel Bordeaux Floirac [en ligne]. URL : h t t p : / / w w w. b o r d e a u x euratlantique.fr/projets/ garonne-eiffel-bordeauxfloirac/

153. Op. Cit. DIRECTION DE LA COMMUNICATION DE LA CUB

FIG 15 : Représentation de la «nature» présente (bleu et vert) et la «nature» à créer (rose et gris)

CHAPITRE I, PARTIE 1 - 67


154. BOUTEFEU, Emmanuel, « La nature en ville : des enjeux paysagers et sociaux », Géoconfluences, 28 avril 2017. URL : http:// geoconfluences.ens-lyon. fr/doc/transv/paysage/ PaysageViv.htm

155. DELNESTE, Yannick, «Elle a fait de l’eau l’alliée du quartier» , Sud Ouest, le 21 octobre 2015

156. Voir Chapitre I, Partie 3.2 157. BORDEAUX EURATLANTIQUE, Dossier de création de la ZAC Garonne-Eiffel, Conseil d’administration, 23 novembre 2014, p. 24 158. Selon l’article 2 de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992, « on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année ». Les zones humides sont des lieux productifs abritant une importante biodiversité. 159. Op. Cit. BORDEAUX EURATLANTIQUE, p.24

A travers cette stratégie d’aménagement, Garonne-Eiffel semble convoquer l’image de «l’architecture verte» destinée à ramener «la nature en ville». Que se cache-t-il derrière ce discours ? Des principes mêlant artifices et urbanités dans le but de convenir aux riverains en «quête de verdure154» ou bien une véritable prise en compte des milieux physiques dans l’aménagement de la ville ? La Garonne semble être perçue comme un élément physique qu’il faut étirer au sein du quartier pour y incorporer une certaine nature et y apporter une qualité de vie. L’utilisation du fleuve est-elle uniquement envisagée dans la mise en scène d’un cadre de vie ou dans sa création ? Pour l’agence d’architecture mandataire du projet, l’ouverture du site sur la Garonne représente «un événement métropolitain primordial à Bordeaux», alors de quelle façon les acteurs du projet s’emparent-ils de cette spécificité ? Une analyse du milieu physique relatif au fleuve Le discours de la maîtrise d’ouvrage met l’accent sur la présence de la Garonne, des coteaux boisés et de l’apport d’espaces naturels comme éléments déclencheurs d’un processus de transformation et de valorisation de l’existant. Les référents liés aux milieux naturels sont fortement convoqués dans la stratégie d’aménagement du projet. Cela soulève la question de la prise en compte des enjeux environnementaux qui les caractérisent dans l’étude et l’élaboration du projet. En effet, la présence d’un fleuve n’est pas anodin, l’article «Elle a fait de l’eau l’alliée du quartier» publié dans Sud-Ouest, révèle que «108 des 128 hectares du secteur Garonne-Eiffel sont en zone inondable avec des seuils de précaution (crue centennale) et des critères relevés depuis Xynthia155.» Comme nous l’avons vu précédemment, un rapport de présentation contenu dans le dossier de création de la ZAC, doit énoncer une description de l’état du site et de son environnement156. Dans le dossier de création de la ZAC Garonne-Eiffel, une analyse de l’environnement et de l’état initial du site est ainsi menée à travers différentes catégories : les milieux physiques (sol, eau, énergie) ; la nature (faune, flore, milieux naturels) ; le patrimoine et les paysages ; le contexte humain (mobilité, emploi, logements, santé). Du fait de la proximité avec la Garonne, l’étude révèle une attention particulière au risque d’inondation, à la gestion des eaux et à la conservation de sa qualité. Le site a fait l’objet d’études hydrauliques dans le but d’avoir une meilleure connaissance des risques présents et de pouvoir aménager le territoire de manière cohérente notamment grâce à la définition des zones inconstructibles et celles constructibles sous condition et l’élaboration du PPRI. Par ailleurs, le document de création de la ZAC reconnaît l’appartenance de la Garonne et de ses berges au réseau européen Natura 2000, et donc, l’enjeu d’une gestion de l’eau et de sa qualité. Les fonctions liées aux milieux naturels de bord de Garonne sont également répertoriées dans l’étude : «épuration des eaux, zone tampon en cas de crue, développement de la biodiversité, intérêt paysager (...) habitat potentiel pour l’Angélique des estuaires, espèces végétales protégée en France157 (...)». La présence de zones humides158 sur le site, dont 6 215 m2 sur les berges de la Garonne est également évoquée et témoigne de l’importance d’une conservation et d’un préservation des berges, notamment pour le rôle hydraulique des zones humides : «rétention des eaux, épuration, recharge des nappes d’eau souterraine, alimentation des cours d’eau, ...»159. Dans le rapport de présentation, la Garonne est également décrit comme un élément paysager qu’il faut mettre en valeur.

68 - Garonne-Eiffel, un «territoire d’avenir ouvert sur la Garonne»


FIG 16 : nature »

« Une rive de

FIG 17 : Représentation de la « dualité entre infrastructure et nature » exprimée par l’Agence TVK

CHAPITRE I, PARTIE 1 - 69


Des objectifs engendrés par le rapport au fleuve

160. Op. Cit. BORDEAUX EURATLANTIQUE, p.2

160. Ibid, p.19

Dans ce même rapport de présentation, l’analyse de l’environnement du site est suivie par une explication du projet notamment «au regard des dispositions d’urbanisme en vigueur» et de l’explication des raisons de ce choix «au regard de l’insertion du projet dans l’environnement urbain et naturel»160. Ces deux données nous intéressent tout particulièrement, car elles permettent d’étudier la manière dont le projet Garonne-Eiffel s’empare des enjeux écologiques pour mettre en place des stratégies et des principes d’aménagement liés au rapport au fleuve et à l’eau. L’objectif premier a déjà été abordé précédemment, il s’agit «d’ouvrir le territoire, de part et d’autre, vers ces deux grands éléments du paysage (fleuve et coteaux) en préservant et en mettant en valeur les perspectives existantes dans le cadre du réaménagement des rues orientées vers eux, et en créant de nouvelles échappées visuelles et paysagères», mais également en offrant une «façade de deux kilomètres sur Garonne160.» De cette façon, le rapport au fleuve est purement visuel. Le deuxième objectif découle de la volonté de construire le projet avec son fleuve et ses contraintes. Pour se faire, la conception des quartiers intègrent les contraintes d’inondabilité à l’aide d’un réseau d’espaces ayant des fonctions hydrauliques. On peut y voir un rapport lié à l’agencement et à l’organisation. L’enjeu ici, est clairement d’établir un lien entre le quartier et la Garonne de manière à ce qu’il puisse y avoir une «cohabitation» entre l’eau et la vie urbaine. Les objectifs proposent également de mettre en place un parc urbain le long de la voie ferrée en lien avec la Garonne et de faire des quais des espaces publics qualitatifs. Le rapport au fleuve est alors lié aux usages puisque la programmation du projet prévoit d’aménager des lieux pour la promenade, la contemplation, les jeux, le sport et les déplacements doux. Enfin, l’analyse des différents objectifs permette également de définir un rapport paysagé qui s’exprime par la volonté d’établir un «embellissement paysager» puisque le «paysagement» des berges est prévu sur les quais de Souys et Deschamps.

70 - Garonne-Eiffel, un «territoire d’avenir ouvert sur la Garonne»


FIG 18 : La construction de continuité visuelle et d’une façade de 2 km sur le fleuve

CHAPITRE I, PARTIE 1 - 71


2.1 Différents rapports aux fleuves Dans la partie précédente, nous avons pu distinguer les différents rapports aux fleuves et à l’eau qui sont mis en exergue par les objectifs du projet GaronneEiffel. Il s’agit maintenant d’étudier les rapports visuels, usagers et paysagers de manière spécifique, afin de comprendre leur définition, leur mise en œuvre et leurs répercussions en terme d’aménagement et de cadre de vie. 161. Op. Cit. BOSREDON

Visuel

163. Voir l’entretien avec Agathe Laveille en annexe

Le rapport visuel est surement celui qui est convoqué en premier lorsque le sujet de la reconquête du fleuve bordelais est abordé. Comme l’explique Agathe Lavielle, architecte missionnée pour Garonne-Eiffel, «(...) la plus grande façade de la ZAC est le long de la Garonne» et ce n’est pas moins de 2,5 km de rives le long de ce fleuve161. Le dossier de création de la ZAC stipule qu’«une des principales caractéristiques du projet urbain Garonne-Eiffel» est la volonté d’offrir cette façade, ainsi que de nouveaux quartiers qui mettent en avant la Garonne. En terme d’aménagement, ce rapport visuel est imaginé par l’implantation de rues, de parcs et de jardins orientées et la création de nouvelles «échappées visuelles et paysagères» en direction du fleuve afin de favoriser la contemplation. Dans les faits, on s’aperçoit que cette organisation du parcellaire se concrétise uniquement dans trois quartiers de Garonne-Eiffel. Du fait de sa proximité avec la Garonne et avec à la façade XVIIIème de la rive gauche inscrite au patrimoine de l’Unesco, le quartier Deschamps fait l’objet d’un agencement particulier. La morphologie de ces îlots reprend celle de lanières s’ouvrant sur le fleuve. Le quartier Souys Combes quant à lui, est caractérisé par la structure des espaces verts qui engendre des continuités visuelles sur le fleuve. Enfin dans le quartier Eiffel, l’espace public majeur du projet «le Belvédère» se démarque par son implantation en bord de fleuve. Selon la notice finale de TVK, c’est «un espace généreux situé plein sud, descendant et s’ouvrant vers la Garonne, offrant une vue remarquable sur la rive historique162.»

164. PROVENZANO, Elsa, «Bordeaux: Un ancien terrain vague transformé en jardin au bord du fleuve», 20 minutes, 11 octobre 2015. URL : h t t p : / / w w w. 2 0 m i n u t e s . fr/bordeaux/170643520151011-bordeauxancien-terrain-vaguetransforme-jardin-bordfleuve

Le rapport visuel est loin d’être le rapport dominant dans cette opération d’aménagement. Agathe Lavielle remarque que : «Finalement on est assez coupé de la Garonne (...) par rapport à l’autre côté où il ont complètement ouvert les quais et où on a une vrai vue sur le fleuve. (...) lorsque l’on est le long du parc (...) on perçoit la Garonne, mais il y a une vrai barrière végétale et physique163.» Dans l’entretien, elle explique que les berges de la Garonne sont protégées et situées en dehors du périmètre du projet. Le bord sensible caractérisé par la digue et la végétation ne peut donc pas faire l’objet d’une action. Les perspectives et ouvertures visuelles sur le fleuve depuis Garonne-Eiffel sont rendues possible selon l’implantation et le volume de la végétation présentes sur les berges. Par contre, lorsque l’on se trouve en bord de fleuve, le panorama est mis en valeur, car comme l’explique le paysagiste Patrick Ecoutin : « Le parc est tourné vers la Garonne et certains bancs ont été installés pour permettre d’admirer des points de vue sur le pont de pierre, sur Saint Michel etc.164»

162. TVK + CRIBIER & ECOUTIN + INGÉROP + ALPHAVILLE, «Le projet urbain «Garonne-Eiffel» ou l’alliance entre nature et infrastructure», adaptation du plan guide, mars 2013, p. 29

72 - Un aménagement lié à la présence du fleuve urbain


PARTIE 2

Un aménagement lié à la présence du fleuve urbain

FIG 19 : Une vue privilégiée depuis le secteur Eiffel FIG 20 : Des quartiers mis à distance du fleuve

CHAPITRE I, PARTIE 2 - 73


FIG 21 : Nouvelle centralité autour de la Garonne avec la création du Belvédère

FIG 22 : La promenade des berges amène de nouveaux usages en bord de Garonne

74 - Un aménagement lié à la présence du fleuve urbain


Usagé Cette contemplation de la rive gauche est facilitée par l’aménagement des berges de Garonne Eiffel dans la continuité du parc aux Angéliques. Ce parc urbain qui s’étend sur le quai des Queyries jusqu’au quai de Brazza, prévoit de conquérir le bord du fleuve jusqu’au quai Deschamps. A terme, le pont ChabanDelmas et le pont de Pierre seront reliés, de même que le parc aux Angéliques et la promenade de Corajoud, afin de former une boucle entre les deux rives de Bordeaux161. Sur une surface de 2,53 ha, l’aménagement sur le quai Deschamps d’espaces verts, d’alternances de séquences ouvertes et intimes, d’une pergola longue de 600 mètres, de pistes cyclables et de parcours mettra la déambulation et la promenade au centre des usages du bord de Garonne162. Les mêmes types d’usages se retrouveront dans le parc Eiffel, implanté au centre de l’opération entre la Garonne et les coteaux, dans le jardin Deschamps, situé entre le boulevard Joliot Curie et la Garonne, et dans le jardin des Etangs, déployé perpendiculairement au quai et jusqu’à l’étang des carrières qui propose également des activités liées à la pêche et à l’observation. Patrick Ecoutin explique qu’il s’agit également d’associer différents usages, notamment avec le sport, la lecture et le pique-nique163. Le parcours Eymet regroupera des jardins ouvriers ainsi que des équipements sportifs et éducatifs tandis que le parcours Deschamps permettra de relier des équipements commerciaux, sportifs et cultuels et des jardins de quartier. Par ailleurs, les documents de conception nous démontrent que d’autres activités vont être incorporées dans ce secteur, notamment avec l’implantation d’un skate parc et d’un parvis permettant la mise en place d’événements temporaires et l’apport d’animations164. L’agence TVK a en effet pour ambition de donner à ce site un rôle particulier : «La portée métropolitaine et la qualité du paysage que présente Garonne Eiffel, exigeront de prendre en compte les possibilités d’événementiel et d’exceptionnel pour les habitants dans certains lieux comme les quais ou le parc Eiffel165.» Paysager Comme nous avons pu le voir, du fait du classement du lit, des berges et des rives de Garonne au réseau européen Natura 2000, un parc en lanière a été imaginé le long des quais. Le temps de l’aménagement des Festival Market place166 dans le cadre d’une reconquête fluviale est désormais révolu. Aujourd’hui le rapport au fleuve et à l’eau fait davantage l’objet d’interventions paysagères. D’après le dossier de création de la ZAC, l’apport d’un système paysager en bord de Garonne trouvait sa place dans la volonté d’«offrir aux quartiers de Garonne Eiffel et à l’ensemble des habitants de la Métropole un parc d’une grande qualité paysagère aménagé comme un lieu contemplatif et récréatif167». Les termes «d’aménagement de paysagement des berges168» ou encore d’un «embellissement paysager169» sont alors employés pour désigner le travail entrepris sur les quais de la Garonne. Pour la maîtrise d’ouvrage de l’EPA Bordeaux-Euratlantique, ce travail découle d’une combinaison entre la présence du végétal et l’intégration de nouvelles pratiques urbaines. Le parc est alors agencé en lanière parallèlement à la rive, sa profondeur est variable et il y a une alternance entre les espaces végétalisés et les espaces d’animations.

161. BORDEAUX, Le parc aux Angéliques [en ligne]. URL : http://www.bordeaux. fr/p51020&src=sp 162. Op. Cit. DELNESTE

163. Ibid 164. BORDEAUXEURATLANTIQUE, «Protocole portant sur les modalités de réalisation des études et travaux pour les aménagements paysagers de la séquence Deschamps du Parc aux Angéliques», p. 429. URL : http://www. bordeaux.fr/images/ebx/fr/ CM/6792/8/acteCM/41972/ pieceJointeSpec/99691/ file/PV_00021271_D.pdf 165. Op. Cit. TVK + CRIBIER & ECOUTIN + INGÉROP + ALPHAVILLE, p. 25

166. Voir Chapitre I, Partie I.3 167. Op. Cit. PÉJOUX, PAULIN, MORIZOT, 2017 168. Op. Cit. BORDEAUX EURATLANTIQUE, Protocole sur les aménagements paysagers du quartier Deschamps 169. Op. Cit. BORDEAUX EURATLANTIQUE, 2014, P. 25

CHAPITRE I, PARTIE 2 - 75


FIG 23 : Le «paysagement» ou «embellissement» des berges

76 - Un aménagement lié à la présence du fleuve urbain


FIG 24 : Mise en valeur de la vue sur la rive droite

CHAPITRE I, PARTIE 2 - 77


170. TVK + CRIBIER & ECOUTIN + INGÉROP , Présentation du parc aux Angéliques secteur Deschamps, Bordeaux Euratlantique, Ville de Bordeaux, janvier 2013, p.25. URL : http://www. bordeaux.fr/images/ebx/fr/ CM/6792/8/acteCM/41972/ pieceJointeSpec/99691/ file/PV_00021271_D.pdf

Une attention particulière est menée avec l’implantation d’une pergola relativement simple dans sa mise en œuvre afin de mettre en avant la végétation et créer ainsi des jeux d’ombres et de lumières tout en permettant des perspectives sur l’extérieur. Ce travail de filtre se retrouve également dans la recherche de points de vues sur le fleuve. La présence de pontons, de ponts et de quais minéraux dans le parc engendre des ouvertures, tandis qu’un jeux de cadrage sur la rive opposée se fait à travers un travail de composition avec la végétation170. L’analyse des différents rapports au fleuve et à l’eau qui sont élaborés dans la conception de Garonne-Eiffel témoigne d’une évolution dans les projets de reconquêtes fluviales. Les approches et les mises en œuvre sont en opposition avec les réaménagements antérieurs. Après avoir pratiqué une urbanisation excessive, les villes cherchent à mettre en valeur leur fleuve urbain d’une autre manière, ce faisant, elles mettent en place de nouveaux types d’espace public. 2.2 Un nouveau type d’espace public lié à la volonté de «nature»

171. Voir Chapitre I, Partie I.3

Dans une partie précédente171, nous avons vu que les projets de reconquête fluviale soulèvent de plus en plus la question d’une « nature agrément » au service de l’aménagement urbain. Le fleuve peut-être perçu comme un outil marketing support de valorisation immobilière ou encore de vitrine politique à travers l’image qu’il renvoie de la ville. Garonne-Eiffel ne semble pas déroger à la règle et propose une «rive nature» sur la rive droite. Quelle est la signification de cette «nature» au sein de ce projet d’aménagement ? Nous avons pu voir que Claude Prelorenzo s’inquiétait d’une «Perte de la mémoire des lieux au bénéfice d’une ville ludique, plus amusante que réellement utile». Alors est-ce que la «nature» présente dans le projet Garonne-Eiffel trouve une quelconque utilité ? Quelles sont ses caractéristiques au vu des enjeux environnementaux ? La controverse d’une «nature» par le fleuve

172. BORDEAUXEURATLANTIQUE, Garonne-Eiffel Bordeaux Floirac [en ligne]. URL : h t t p : / / w w w. b o r d e a u x euratlantique.fr/projets/ garonne-eiffel-bordeauxfloirac/

173. Op. Cit. BONIN

«La principale ambition du projet est de réaliser une nouvelle « nature », un paysage intégrant les espaces publics, desservant les quartiers et transformant la réalité des infrastructures routières et ferroviaires.»172 La Garonne est synonyme de nature urbaine dans ce projet d’aménagement, une «nature» qui s’étale du fleuve jusqu’aux coteaux. Cela pose la question du fleuve comme image de la nature en ville, car la nature ne concerne par uniquement la faune et la flore, mais englobe tout un ensemble de phénomènes naturels et de systèmes tels que l’environnement biophysique, les milieux terrestres, aquatiques, l’atmosphère, le sol, le substrat géologique etc. La nature représente donc tout ce qui nous entoure, en dehors de ce qui a été modifié par la main de l’homme. La revendication d’une rive de nature questionne alors les valeurs transmisses par ce projet de reconquête fluviale. Alors entre écologie, symbolique et esthétique, quelle est la nature convoquée au sein de Garonne-Eiffel ? Sophie Bonin développe deux significations à cette idée de fleuve comme nature : « (...) le fleuve comme système écologique, ressources matérielles, fonctionnelles ; et le fleuve (la nature) comme ressources immatérielles, esthétiques, sur une échelle qui va du simple décor à la relation vécue173». Cette définition oppose très clairement le terme d’écologie à celui de nature. D’après les premières analyses sur le cas d’étude, le fleuve est davantage perçu comme une nature dans le sens où son aménagement doit occasionner un nouveau regard sur la rive droite. En effet, la maîtrise d’ouvrage souligne dans le dossier de création

78 - Un aménagement lié à la présence du fleuve urbain


de la ZAC que : «La réappropriation des quais de la Garonne représente un enjeu d’amélioration de l’existant important174.» Ainsi cet «embellissement» des berges est destiné à promouvoir Bordeaux et à encourager les habitants et aménageurs pour qu’ils investissent : «Le jardin n’est pas qu’un espace planté qui s’admire, se pratique ou se traverse ; c’est aussi un objet urbain qui se voit et concourt à l’image de la ville175.» Pour autant, la Garonne pourrait également être entrevue comme une ressource matérielle. En effet, l’océanographe, Marc Lafosse explique comment l’énergie du fleuve pourrait être valorisée à l’aide d’hydroliennes, des appareils qui capteraient les courants marins176. Les analyses menées dans le cadre de l’élaboration du dossier de création de ZAC laissent entrevoir cette possibilité au sein du projet, notamment pour couvrir l’ensemble des besoins en chaleur et en froid et la production locale d’une partie de l’électricité. Néanmoins le peu de solution de stockage ainsi que le peu de recul par rapport aux performances énergétiques et aux impacts environnementales de cette nouvelle filière semble freiner cette éventualité.

174. BORDEAUX EURATLANTIQUE, Dossier de création de la ZAC Garonne-Eiffel, Conseil d’administration, 23 novembre 2014, p. 25 175. Op. Cit. TVK CRIBIER & ECOUTIN INGEROP, 2013, p.11 176. Marc Lafosse, océanographe, partage ses connaissances sur les courants, la topographie du fleuve et notamment sur les énergies qui pourraient être produites. Vis ton fleuve, «Les berges à découvrir», URL : http:// vislefleuve.sudouest. fr/#escale/5

Le système paysager comme atout pour l’aménagement du projet Garonne Eiffel Le système paysager imaginé par l’agence TVK permet à la fois de proposer une transformation de la ville au regard des besoins d’une image vertueuse de l’urbanisation, mais également de mettre l’environnement au centre du projet en tenant compte des dimensions matérielles et immatérielles du risque d’inondation. L’association de divers corps de métier (paysagistes, ingénieurs et architectes) a permis de complexifier et d’intégrer le travail du sol et de végétalisation à une échelle plus importante. L’armature paysagère devient une ressource fonctionnelle : «Ce parc permettra une gestion naturelle des nuisances sonores liées aux infrastructures, sera une solution naturelle pour le stockage des eaux en cas d’inondation et un site dédié à la dépollution des sols durant les travaux, le tout dans une logique de gestion durable177.» Le travail sur les espaces verts découle d’une réflexion liée au cheminement et au stockage des eaux liée à la pluie et aux inondations, tandis qu’un travail sur la topographie permet de mettre à distance certaines voies de ce risque d’inondabilité. L’intervention paysagère permet en ce sens de réduire l’exposition à la montée des eaux de ces quartiers et de rendre constructible des secteurs inconstructibles jusqu’alors. Ce travail du sol permet également de répondre à d’autres problématiques, par exemple la réflexion autour du parcours de l’eau associée à la prise en compte des vents et au système de plantation participe à la réduction de l’îlot de chaleur et la configuration du parc Eiffel, aide à la diminution des nuisances sonores dues aux activités ferroviaires. Pour Sylvie Salles, ce type de réflexion témoigne d’une évolution de la «relation paysage-environnement» dans les projets de collectivités territoriales. En effet, il démontre un renouvellement des champs d’action avec une prise en compte du risque davantage sensible et liée aux contraintes environnementales, que technique178. Le paysage serait-il un outil de renouveau de la pensée urbaine et des méthodes de travail sur l’urbain, et notamment au travers de la politique de retour vers le fleuve ? Dans l’ouvrage «Penser la ville par le paysage», François Delarue explique que la discipline du paysage est de plus en plus au cœur du projet urbain, d’après lui elle offre de nouvelles possibilités d’interventions spatiales, que ce soit à l’échelle de l’agglomération ou de l’espace public179. C’est une approche

177. BORDEAUXEURATLANTIQUE, Garonne-Eiffel Bordeaux Floirac [en ligne]. URL : h t t p : / / w w w. b o r d e a u x euratlantique.fr/projets/ garonne-eiffel-bordeauxfloirac/

178. Op. Cit. SALLES

179. MASBOUNGI, Ariella, Penser la ville par le paysage, Paris, éd. Projet urbain, éditions de la Villette, 2002, p.6

CHAPITRE I, PARTIE 2 - 79


FIG 25 : Plan des interventions paysagères et notamment du parc Eiffel au centre de la ZAC

FIG 26 : Représentation d’une «Coulée verte»

80 - Un aménagement lié à la présence du fleuve urbain


qui permet de repenser l’urbanisme par une plus grande liberté par rapport aux modèles historiques de la ville, qui enrichit les exigences et qui invite à rechercher des cohérences territoriales à grande échelle et à prôner la durabilité des choix. La critique des interventions paysagères sur les fleuves urbains D’après Sylvie Salles, l’évolution de la relation paysage-environnement fait face à des préoccupations cherchant à concilier qualité du cadre de vie et rentabilité de l’aménagement180. En effet, l’ensemble de l’opération Garonne-Eiffel s’appuie sur le grand paysage pour construire la ville : les coteaux et le fleuve représentent des aménités paysagères mobilisées par le projet afin de revendiquer son engagement pour l’environnement et un cadre de vie de qualité. Pour autant, les démarches au sein du projet sont divergentes. Tandis que la stratégie mise en place dans la lutte contre les inondations s’appuie sur le paysage pour trouver des réponses écologiques et durables à l’aménagement du site ; la stratégie de la métropole bordelaise mobilise le paysage pour modifier les perceptions et promouvoir son activité territoriale. L’intervention paysagère est alors réduite à «un vaste paysage coulant des coteaux de Floirac vers les berges de la Garonne181» lorsqu’il s’agit de le médiatiser. Du point de vue de la maîtrise d’ouvrage, le fleuve, les berges, les arbres et tout autres éléments naturels semblent représenter des outils à privilégier pour participer à «l’embellissement» et au «paysagement» de la ville. Ces deux termes employés dans la médiatisation du projet Garonne-Eiffel traduisent une conception de l’intervention paysagère comme relevant uniquement du traitement symbolique des éléments paysagers. Le végétal est alors perçu comme un élément de décor, de même que le fleuve et les berges qui sont souvent conçus comme «des « paysages » à modeler (...) au service du cadre de vie182». Loin d’être des gadgets, les éléments naturels s’articulent entre eux et composent la structure d’un territoire. Dans la disciple du paysage «la relation qu’entretiennent les objets entre eux est plus importante que les objets eux-mêmes183.» Le projet de paysage est alors destiné «à mettre en relation fonctionnement du vivant et logique symbolique, mais pas en les réduisant l’une à l’autre, puisque, comme le dit Michel Corajoud, « être dans le paysage, c’est faire partie d’une étendue, d’un milieu où le système des interrelations est extrêmement puissant.»184.» Ainsi le paysage est vecteur d’articulation.

180. Op. Cit. SALLES p.15

181. BORDEAUXEURATLANTIQUE, Garonne-Eiffel Bordeaux Floirac [en ligne]. URL : h t t p : / / w w w. b o r d e a u x euratlantique.fr/projets/ garonne-eiffel-bordeauxfloirac/

182. Op. Cit. GERARDOT 183. Op. Cit. MASBOUNGI, p.61

184. Michel Corajourd cité par Sylvie Salles, 1995 (Op. Cit. SALLES)

Dans notre cas d’étude, cette interrelation peut notamment se lire dans la volonté de la maîtrise d’œuvre d‘un croisement entre aménité des berges et prise en charge des inondations par des réalisations hybridant techniques paysagistes et hydrauliques. Peut-on également considérer une combinaison de l’approche urbaine et environnementale dans ce genre d’action ? Jusqu’où va cette évolution dans l’aménagement des berges ? Peut-on voir une montée des préoccupations environnementales à travers les pratiques urbaines liées à l’esthétisation de la reconquête fluviale ? 2.3 Une gestion du risque au cœur de l’aménagement L’ensemble du secteur de la ZAC Garonne-Eiffel est impacté par le risque d’inondation. Selon la réglementation actuelle, les hauteurs de seuils pour les constructions nouvelles, le coefficient d’emprise au sol ou encore l’équilibre entre déblais et remblais doivent faire l’objet d’études afin de ne pas engendrer de répercussions négatives sur le territoire185. Le système paysager mis en place

185. Op. Cit. TVK CRIBIER & ECOUTIN + INGEROP, + ALPHAVILLE, 2013, p.29

CHAPITRE I, PARTIE 2 - 81


FIG 27 : Schémas des hauteurs des eaux en temps de crues et de forte pluviométrie sur le site

82 - Un aménagement lié à la présence du fleuve urbain


FIG 28: La forte présence de l’eau au sein du site

CHAPITRE I, PARTIE 2 - 83


dans ce projet d’aménagement permet à la fois d’apporter des solutions à la gestion de l’eau d’inondation et de respecter les prescriptions imposées par les réglementations. Alors de quelle manière la gestion de l’eau a-t-elle influencé la forme urbaine de la ZAC ? Au vu des dispositifs mis en place et du traitement des berges, peut-on voir une évolution dans la prise en compte du risque ? 186. D’après le cahier de recommandations urbaines, architecturales, paysagères et environnementales (CRUAPE) du projet Garonne-Eiffel, «Recommandations urbaines, architecturales, paysagères et environnementales, 187. Op. Cit. PÉJOUX, PAULIN, MORIZOT, 2017

188. Toutes ces informations relatives au principe de transparence hydraulique mis en place proviennent de l’entretien avec Agathe Lavielle, membre de l’équipe de l’agence d’architecture TVK, du DLE et CRUAPE du projet Garonne-Eiffel,

Un travail de «transparence et d’opacité hydraulique186» Dans le projet Garonne-Eiffel, la composition des îlots et des quartiers résulte du cheminement de l’eau en cas de crue, de tempêtes ou de fortes pluies. En effet la configuration des espaces publics et privés tend à réduire l’exposition des lieux au risque d’inondation, grâce à une gestion de l’eau effectuée par un travail sur la topographie permettant la création de zones de stockage et d’écoulement des eaux187 L’aménagement de ce nouveau quartier dépend alors de deux principes fondateurs : un travail d’équilibre entre les volumes pleins dits «zone d’opacité» (non inondable) et les volumes vides dits «zones de transparence» (inondable) ainsi que le respect de la côte de seuil imposée par l’état de référence188. Le site est donc aménagé sans prendre en compte la présence de la digue pour pouvoir prévenir sa rupture. Les zones d’opacités constituent des obstacles au cheminement de l’eau. Elles se manifestent soit par la présence d’un bâtiment ayant des façades opaques et continues, soit par celle de «remblai» formé par un mouvements du sol, ou des aménagements, formant un « remblai ». Les zones de transparences quant à elles, permettent de libérer des zones ou l’eau peut s’écouler librement. Sont considérés comme volumes vides, le mobilier urbain, les constructions en encorbellement, sur pilotis ou sur vide sanitaire ainsi que les aménagements extérieurs dont le niveau fini est inférieur au niveau d’eau atteint lors d’une inondation. «Cette transparence hydraulique appliquée aux bâtiments augmente la surface d’espaces extérieurs participant au développement de la biodiversité, à la régulation thermique ainsi qu’à la gestion des eaux pluviales.» Dans les parcs publics, des bassins à ciel ouvert permettront la rétention des eaux pluviales et la gestion des crues de la Garonne. Du fait de leurs dimensionnements important, une mutualisation de ces espaces permettrait également d’offrir une capacité de stockage pour les eaux pluviales issues des futurs îlots privés. Ce qu’il faut retenir de cette anecdote c’est l’idée que le travail du territoire est transversal et peut venir apporter des solutions à d’autres problématiques. Le deuxième principe déterminant l’agencement et l’organisation des espaces est la côte de seuil de protection. Celle-ci se caractérise par des seuils de niveau supérieurs à ceux d’un site non inondable. Ce dispositif est adapté en fonction des attributs de chaque quartier et gène un «double» rez-de-chaussée. Le rez-de-chaussé «hydraulique» permet l’écoulement de l’eau sous l’emprise d’un édifice (stationnement, extension du jardin ou espace supplémentaire d’un logement mais non habitable), tandis que le rez-de-chaussé «habité» se situe au dessus de la côte de seuil et peut-être habité. La forme et la situation urbaine d’un quartier sont donc liées à son rapport au fleuve et à l’écoulement des eaux en son secteur.

84 - Un aménagement lié à la présence du fleuve urbain


FIG 29 : Transparence et opacité mis en oeuvre à la fois par des aménagements paysagers et la construction de bâtit.

FIG 30 : Temporalité d’une inondation sur le site

CHAPITRE I, PARTIE 2 - 85


Complémentarité entre topographie et gestion de l’eau Dans les aménagements extérieurs, le principe de transparence hydraulique engendre la création de déblais, de remblais et de nivellement important. Au sein des espaces publics en effet, la mise en place de grands espaces de rétention d’eau et de continuités hydrauliques permet de contenir les eaux dans les secteurs appropriés et destinés à cette fonction. Cela se caractérise par des aménagements réalisés en creux notamment dans le parc Eiffel et le jardins des Étangs ; des ouvrages de liaisons avec l’aménagement de noues le long de certaines voies, de cheminements piétons ou entre deux espaces publics ; des espaces contraints en termes de nivellement. Spatialement, les fonctions attribuées aux espaces pourrait se lire à travers le modelage du terrain. Sur le Parc-Eiffel, zone de stockage, une grande noue centrale permet de répartir les eaux sur l’ensemble de cet espace public tandis que des espaces en creux sont aménagés en bordure de cette noue et des merlons à l’extrémité du parc. Dans cette même réflexion sur le nivellement, la conception de voiries légèrement surélevées perpendiculairement aux quais permet de faciliter la circulation (des secours notamment) en cas de crue. 186. Op. Cit. TVK CRIBIER & ECOUTIN + INGEROP, + ALPHAVILLE, 2013, p.29

Comme nous l’avons abordé précédemment, le travail du sol peut revêtir des fonctions différentes, la maîtrise d’œuvre parle de «fonctions servantes186» en ce qui concerne le parc car son traitement permet, en plus de la gestion des risques d’inondation, le traitement des terres polluées, la mise à distance des activités ferroviaires ainsi que des nuisances sonores ou encore l’organisation des lieux entre eux, avec travail sur la transition entre les espaces publics et privés par exemple. Lien entre système hydraulique et bord de fleuve

187. Op. Cit. BORDEAUX EURATLANTIQUE, Protocole sur les aménagements paysagers du quartier Deschamps

188. Bordeaux Euratlantique, Ingérop, «Projet Urbain ZAC Garonne-Eiffel. Dossier d’autorisation Loi sur l’Eau, au titre des articles L.2141 à L.214-6 du Code de l’Environnement», juillet 2016, pp.79-81.

Tandis que le quartier Garonne-Eiffel subit de lourde transformation, le lit et les berges de fleuve sont exceptés de toute modification, car comme le rappelle Agathe Lavielle, le bord sensible des berges est protégé et se trouve donc en dehors du périmètre de la ZAC. En effet, la maîtrise d’ouvrage ne peut pas effectuer de travaux, la restauration des ouvrages de protection est une compétence qui relève de Bordeaux Métropole. Dans tous les cas, «ni la zone de ripisylve, ni la voirie ne sont intégrées dans le périmètre d’intervention187.», cette réglementation Natura 2000 permet de préserver l’espace naturel des berges dont la solidité et la protection dépend de la strate végétale qui la compose. Ainsi, seuls les aménagements de type espaces publics peuvent être envisagés par l’EPA Bordeaux Euratlantique le long de la Garonne et chaque opération fait l’objet d’une demande d’autorisation spécifique au titre de la loi sur l’eau. Actuellement, une digue permet de contenir l’eau de la Garonne dans son lit en dehors des temps de fortes crues. Le dossier d’autorisation de la loi sur l’eau (DLE) stipulait néanmoins la nécessité d’une consolidation de l’ouvrage d’endiguement suite à des études de danger. Effectivement, si la digue restait en l’état, une grande partie du secteur Souys serait déclarée inconstructible. Bordeaux Métropole a donc menée un dossier de «confortement spécifique188» rendu possible grâce au «transfert de gestion à la ville des terrains sous gestion du port autonome situé sur la rive droite de Bordeaux en vue de la création d’un parc animé afin de poursuivre la reconquête des berges déjà amorcée par la ZAC Coeur de Bastide»189. Ce procès-verbal a permis la mise en parallèle les travaux

86 - Un aménagement lié à la présence du fleuve urbain


d’aménagements liés aux berges avec ceux de l’opération du nouveau quartier qui, sans consolidation de la digue, ne pourraient voir le jour190. Par ailleurs, la Circulaire du 27/07/11 relative à la prise en compte du risque de submersion marine dans les plans de prévention des risques naturels littoraux, il est rappelé que : «Dans le cadre de l’élaboration du projet de PPR, le principe qui doit guider l’action est qu’une zone protégée par une digue reste une zone inondable191.» Cette remarque est intéressante car, dans l’élaboration du Plan de Prévention du Risque, cette décision de partir du principe qu’aucun ouvrage ne peut être infaillible permet de mettre en place des aléas de références et donc, de prévenir du risque en cas de rupture de digue. Dans Garonne-Eiffel au contraire, l’aménagement lui-même relève de «l’aléas de référence» dans le sens où il permettrait de se substituer au rôle de l’ouvrage d’endiguement. En cas de rupture de digue, l’eau s’écoule dans le territoire et suit son cheminement prévue par les zones de stockage et d’écoulement de sorte que le quartier ne subisse pas de dégradations. Les répercussions de ce système hydraulique peuvent s’imaginer à une échelle plus importante puisqu’il pourrait permettre aux villes situées en amont du fleuve, d’être préservée de l’urbanisation excessive des bords fluviaux dans les métropole192. Ainsi, les principes suivis par Garonne-Eiffel en terme d’aménagement s’inscrivent dans le respect du fonctionnement hydraulique du territoire. En ce sens, la ZAC propose une stratégie globale conduisant à réinterroger en profondeur la manière dont le territoire réagit aux phénomènes d’inondations.

189. Selon le procès-verbal signé le 29 décembre 2006 par la Métropole de Bordeaux et le Port Autonome, consultable à cette adresse : http://www. bordeaux.fr/images/ebx/fr/ CM/6792/8/acteCM/41972/ pieceJointeSpec/99691/ file/PV_00021271_D.pdfXA 190. DELNESTE, Yannick, « Urgence sur la digue clé », Sud-Ouest, 30 novembre 2013. URL : http://www. sudouest.fr/2013/11/30/ u r g e n c e - s u r- l a - d i g u e cle-1244565-3228.php 191. AIDA, Ministère de la transition écologique et solidaire, «Circulaire du 27/07/11 relative à la prise en compte du risque de submersion marine dans les plans de prévention des risques naturels littoraux», 25 août 2011. URL : https:// aida.ineris.fr/consultation_ document/6925

192. Rappelons que les ouvrages d’endiguement protègent les métropoles du risque d’inondation mais rendent les villes situées en amont plus vulnérable aux crues.

CHAPITRE I, PARTIE 2 - 87


3.1. Les études préalables Les études archéo-géologiques

193. LAVIGNE, Cédric, « L’ a r c h é o g é o g r a p h i e , une expertise au service des politiques publiques d’aménagement ; l’exemple de la rive droite de Bordeaux.» Jeudis du LAREP. Versailles, 23 mai 2013 [en ligne]. URL : http:// w w w. e c o l e - p a y s a g e . f r / media/seminaire_larep_fr/ UPL1114006160528719009_ CR_Jeudi_130523_Cedric_ Lavigne.pdf 194. Ibid

195. Ibid

196. Cédric Lavigne, expertises a rc h é o g é o g r a p h i q u e s . Projet Bègles Garonne [en ligne]. URL : http:// archeogeographie.com/ index.php/references/bxeur 197. Reliefs et failles des coteaux bordelais 3 : Géologie : L’origine de la rive droite de Bordeaux, (Sur les rives des sciences), 2014, Cap-Sciences, O2 Radio, 17’11 mn

198. Les recherches concernent les données en ligne de l’archéogéologue Cédric Lavigne, le dossier de la création de la ZAC, le CRUAPE, l’adaptation du plan guide du projet, le dossier d’autorisation de la loi sur l’eau et les documents de présentation de Garonne-Eiffel par l’agence TVK et Bordeaux Euratlantique.

Précédemment, une analyse non exhaustive de la transformation de Bordeaux et de sa rive droite au cours de l’histoire nous a permis de saisir les logiques et les enjeux actuels de ce territoire, et surtout, de pouvoir les contextualiser au vu de modifications intervenues dans le passé. Selon Gérard Chouquer, l’héritage et la mémoire seraient très peu interrogés dans l’expertise d’un site alors que ces données permettraient «une lecture des formes et une compréhension des dynamiques193». En effet, l’analyse d’un site peut-être jugée insuffisante si elle se cantonne à des constats liés aux milieux physiques, naturels et au patrimoine de la ville actuelle uniquement. La rubrique «Environnement/État initiale du site» intégrée au dossier de création de la ZAC Garonne-Eiffel démontre ce manque d’information et d’analyse sur la morphologie du secteur. Comme l’explique l’archéo-géographe Cédric Lavigne : «Le présent est héritage du passé» et «les milieux actuels sont le produit hérité de constructions anciennes, physiques et historiques, dont la durabilité avait été mal évaluée jusqu’alors194.». Le besoin d’étudier la morphogenèse d’un territoire pour pouvoir initier un aménagement durable et respectueux des milieux semble nécessaire. Une analyse archéo-géographique permet d’avoir une connaissance plus approfondie sur le territoire. Selon Cédric Lavigne cet outil amène à interroger le bien-fondé de nos actes grâce à un allé-retour entre le passé et le présent. Une expertise archéogéographique menée sur l’Adour a ainsi permis de dénoncer une urbanisation en décalage avec le contexte, donnant lieu à une modification des prescriptions au niveau des PLUs195. En 2014, l’EPA Bordeaux Euratlantique a engagé une expertise sur le quartier du Grand Port afin : «de disposer de clefs de lecture permettant de comprendre la logique et l’organisation passée et actuelle de la planimétrie du quartier du Grand port ; d’offrir à la maîtrise d’œuvre des matériaux mobilisables dans le cadre de l’élaboration du projet urbain ; de pouvoir dialoguer autrement avec les habitants dans une démarche de co-élaboration des projets196.» ainsi que de «recréer un rapport au fleuve». Une volonté d’inscrire le projet dans une démarche durable et de faire évoluer les outils mobilisés dans la conception du projet urbain découle de cette demande d’expertise. Est-ce que l’opération d’aménagement Garonne-Eiffel s’instaure dans cette même approche ? Du fait de son implantation sur une zone inondable et anciennement marécageuse, le projet présente des caractéristiques singulières. Pour Cédric Lavigne, tout l’enjeu de ce projet reposait sur ses spécificités et leurs prises en comptes afin de proposer une aménagement durable197. Pour autant, aucune expertise n’est consultable ou abordée dans les documents de son élaboration198 . Les analyses du territoire mis en œuvre pour la conception du nouveau quartier relève davantage de la technicité. Les études hydrauliques Durant les études préliminaires, des analyses hydrauliques ont été engagés par différents acteurs, et pour différentes raisons, témoignant de leurs importances pour le développement du projet. Ainsi, tandis que l’EPA Bordeaux Euratlantique trouve une utilité à ces recherches pour la conception de la ZAC et de réaliser le dossier loi sur l’eau, elles permettent à Bordeaux Métropole d’avoir en sa possession un document sur l’agglomération et l’estuaire, enfin, elles sont

88 - Les outils mis en place


PARTIE 3 Les outils mis en place

nécessaires à l’État pour la mise en œuvre du PPRI199. Le bureau d’étude Ingérop a alors réalisé un schéma hydraulique permettant de calculer la manière dont l’eau se répand sur le site en cas de rupture de digue. L’objectif de cette étude était, à la fois de comprendre le cheminement de l’eau dans le territoire en cas de crue, mais également de comprendre comment son agencement pourrait avoir des répercussions positives sur la prévention du risque200. Carine Dunogier, responsable du département Infrastructures de l’agence de Bordeaux et responsable de l’équipe Ingérop, a remporté «le Grand Prix de l’ingénierie 2015, dans le cadre du concours annuel lancé par les ministères de l’Écologie, l’Économie et du Logement, catégorie aménagement et construction, pour son traitement novateur du risque inondation où « l’eau devient moteur de projet urbain201».» Les modélisations hydrauliques établis dans le cadre des études préalables202 ont permis de mettre en place les principes d’opacité et de transparence que nous avons étudié dans la partie précédente. Effectivement, l’analyse et l’évaluation des conséquences du phénomène d’inondation du secteur par la Garonne à travers un modèle 3D, ont permis de prendre connaissance des hauteurs d’eau, des vitesses de son écoulement au sein du projet et surtout, de révéler l’existence de zones dont l’aménagement impacterait négativement l’ensemble du projet. L’ensemble de ces données a permis de mettre en place des prescriptions en fonction des caractéristiques des îlots répartis en trois catégorie : l’îlot dit «sensible» influence de façon significative les vitesses et les hauteurs d’eau des territoires situés à l’aval, ils font l’objet de prescriptions spécifiques ; l’îlot non sensible ; l’îlot non inondable et donc sans prescriptions203. Enfin, les analyses démontrent que chaque secteur du territoire Garonne-Eiffel réagit différemment devant le risque d’inondation. D’après le Cahier de Recommandations Urbaines, Architecturales, Paysagères et Environnementales (CRUAPE) du projet GaronneEiffel, le secteur de la Souys est davantage sensible à l’eau par la hauteur, la vitesse des eaux ainsi que la présence d’habitation, tandis que les secteurs Deschamps et Cacolas sont moins impactés204. Ces études ont alors permis de mettre en œuvre des prescriptions afin que la stratégie soit globale et que chaque élément participe à la gestion de l’eau sur le site.

199. EPA BORDEAUXEURATLANTIQUE, Projet de protocole de partenariat 2010-2024, version 8, 20 avril 2010, p.20

200. Voir l’entretien avec Agathe Laveille en annexe

201. Op. Cit. DELNESTE, 2015

202. Voir les shémas hydrauliques en annexe

203. Bordeaux Euratlantique, Dossier d’autorisation Loi sur l’Eau au titre des articles L.2141 à L.214-6 du Code de l’Environnement, Annexe 5 : Etude hydraulique – Garonne Eiffel, juillet 2016, p. 60 204. D’après le CRUAPE du projet

Comptabilité avec les documents de planification sur l’eau La loi sur l’eau définit une procédure en fonction de la nature ou du volume des travaux à réaliser. Du fait de l’importance des aménagements prévues sur le secteur de Garonne-Eiffel, le projet est soumis à la procédure de la loi sur l’eau qui requiert l’élaboration d’une autorisation, comprenant une enquête publique d’une durée d’environ un an, suite à quoi un arrêté préfectoral d’autorité est délivré205. D’après Agathe Laveille, ce sont les problématiques soulevées par l’étude de risque a engendré la nécessité d’élaborer un dossier d’autorisation au titre de la Loi sur l’eau. Cependant, le fait que la zone Garonne-Eiffel dépende du PPRI a entraîné le principe de la refonte de la loi sur l’eau206.

205. Selon les articles L2101 et suivants du Code de l’Environnement 206. Voir l’entretien avec Agathe Laveille en annexe

CHAPITRE I, PARTIE 3 - 89


207. Op. Cit. PÉJOUX, PAULIN, MORIZOT p.4

208. Op. Cit. PÉJOUX, PAULIN, MORIZOT p.5

209. SMIDEST, Un SAGE pour préserver l’Estuaire de la Gironde [en ligne]. URL : http://www.smiddest.fr/ un-sage-pour-preserver-lestuaire-de-la-gironde.html

La demande d’autorisation au titre de la Loi sur l’eau est alors établie en 2017. Ce même document révèle, à la fois la compatibilité du projet avec les documents réglementaires, tels que le Plan de prévention des risques d’inondation (PPR), le SDAGE Adour Garonne 2015 – 2021, le Plan de gestion des risques inondation (PGRI), SAGE de l’Estuaire de la Gironde et des milieux associés, SAGE Nappes profondes de la Gironde207 et les impacts du projet à savoir : «une perturbation des habitats rencontrés sur le site et à proximité (berge de la Garonne en Natura 2000) et une atteinte à la biodiversité locale notamment en phase de travaux ; les rejets d’eaux pluviales dans le fleuve collectées en réseau séparatifs et par les aménagements (parc Eiffel, noues, espaces verts) ; les remblais et déblais en le lit majeur de la Garonne ; (...) les prélèvements d’eau pour l’arrosage des espaces verts ; (...) la qualité de l’eau de la Garonne (...)208», pour ne citer que les exemples se rapprochant du sujet d’étude. Au vu de ces informations, rappelons quand même les objectifs principaux du SDAGE Adour Garonne qui a pour «missions de lutter contre la pollution et de protéger l’eau et les milieux aquatiques», ou encore ceux du SAGE de l’Estuaire de la Gironde et des milieux associés, un «outil de planification destiné à promouvoir une gestion concertée, équilibrée et durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques209.» La contradiction entre les différentes informations énoncées par ce document posent question. L’avis favorable sur la réalisation des travaux et aménagements de la ZAC Garonne Eiffel au titre de la loi sur l’Eau est néanmoins signée après l’énonciation de la remarque suivante : «(...) (Considérant dans les arguments positifs) que la réalisation de la ZAC n’apportera pas de graves atteintes à l’environnement au sens large et en particulier à l’eau et aux milieux aquatiques notamment au regard de l’état initial du site.» Au vu de la refonte de la Loi sur l’eau occasionnée pour le projet d’aménagement, de l’énumération d’impacts environnementaux contraires aux principes fondamentaux des outils et des documents de planification relatif à la gestion et la préservation de l’eau, quelle portée et influence revêtent ces documents réglementaires sur l’élaboration du projet urbain ? La possibilité de remanier des documents réglementaires tels que la loi sur l’eau ou le PLU lors de l’élaboration d’un projet aménagement pose la question de la légitimité des textes et lois.

210. Op. Cit. BOTEFEU

211. Vocabulaire utilisé pour la médiation de projets tels que Brazza ou le Jardin de l’Ars par exemple.

3.2 Des préoccupations tendances devenues incontournables Actuellement, le désir d’une «nature» en ville est de plus en plus revendiqué par les résidants et approprié par les politiques publiques210. Sur Bordeaux, le projet «55000 hectares pour la nature» a été lancé à l’échelle de la métropole au cours de l’année 2012 et souhaite réaffirmer la place de la biodiversité au cœur des villes, mais aussi préserver et valoriser le patrimoine naturel. La réalisation d’une «rive de nature», d’une «ville verte», de «parcs vivants» ou encore d’«îlots végétalisés211» est au cœur des obsessions de la métropole. Au vu de cette préoccupation pour les éléments naturels, quelle place est accordée au rapport à l’eau et au fleuve au sein de la médiation du projet Garonne-Eiffel ? Dans le discours A l’occasion de l’édition 2010 d’Agora, la ville de Bordeaux a lancé un appel à idées aux riverains. Présidé par Michel Corajoud, personnage emblématique de la reconquête des quais de Garonne, cette compétition avait pour objectif d’imaginer les paysages urbains et leurs transformations. Durant cette évènement

90 - Les outils mis en place


temporaire, le fleuve a été au centre des préoccupations212, notamment avec la table «La Garonne est le premier des patrimoines métropolitains213» qui posaient la question de sa valorisation par l’art, l’architecture ou encore la mise en place de nouveaux usages comme le miroir d’eau, de même que la question des potentialités d’aménagement des rives de la Garonne pour préserver ces identités notamment avec la présentation du projet de la base sous-marine de Bordeaux et de l’installation d’une usine de traitement des eaux par exemple. Selon l’architecte Jean de Giancinto les fleuves sont sources de création et d’émergence des projets. Il explique durant la conférence «Le fleuve, premier patrimoine métropolitain» de quelles manières les fleuves et les infrastructures attenantes ont servi à la conception du projet comme un artiste peut en être inspiré pour la réalisation d’une œuvre. Toujours à Agora mais plus récemment, durant l’édition 2017, le thème «Paysages Urbains» a été proposé par la métropole. Le territoire de Bordeaux étant caractérisé par la forte présence de zones humides et inondables, les réflexions liées à leurs aménagements et à la gestion de l’eau se font de plus en plus nombreux. Ainsi la conférence sur le Jardin de l’Ars à Agora, présenté par Alexandre Villattes, explique le traitement de l’eau par l’aménagement du parc. Cette thématique du rapport à l’eau et de la montée des fleuves se retrouve au cœur des attentions et la ZAC Garonne Eiffel s’insère dans les problématiques métropolitaines en terme d’aménagement, mais également de discours : «(...) le versant rive droite d’Euratlantique joue la carte de la ville jardin.214 » L’implantation en bord de fleuve représente l’une des caractéristiques la plus emblématique du cas d’études de ce mémoire. A Bordeaux, très peu d’habitants ont la possibilité de vivre en bordure de Garonne. L’apport de nombreux usages permet aux riverains de s’approprier les quais depuis la reconquête fluviale amorcée dans les années 2000. Néanmoins, aucune relation aussi «privilégiée» avec la Garonne n’avait été proposée aux bordelais avant l’apparition des projets urbains Brazza, Bastide Niel et Garonne-Eiffel sur la rive droite. Cette ouverture sur un nouveau rapport avec le fleuve pourrait être mis en avant dans la médiation du projet, mais c’est davantage le rapport à l’eau qui est abordé. En effet, la Garonne en tant qu’élément naturel et patrimonial, est très peu convoquée dans la présentation du projet (qu’elle soit médiatique ou écrite). Dans la médiation, l’accent est porté sur cette «armature paysagère globale» qui permet de mettre en place le système hydraulique. Pour autant cela dépend également de l’interlocuteur. En effet dans les discours de la maîtrise d’ouvrage, l’image de la rive droite, les vues sur la rive gauche sont davantage caractéristiques des enjeux de la ZAC. La Garonne devient alors un outil de mise en scène pour Stephan De Faÿ : «Le belvédère c’est un site magique pour ça. Parce que de la même manière qu’il est vu de la ville de pierre, il va voir la ville de pierre. On a sans doute devant nous un des plus beaux paysage sur Bordeaux, un des plus beaux points de vu215.» Le paysagiste Patrick Écoutin aborde la Garonne à travers le risque de l’inondation et le rapport à l’eau dans l’aménagement des jardins216. Enfin, le discours de l’architecte met en avant la Garonne comme relevant des éléments naturels qui caractérisent le site et devrait l’enrichir : «c’est un territoire qui est marqué par des grands éléments naturels, et paradoxalement cette nature est très peu utilisée sur le site. On a effectivement la Garonne d’un côté, les coteaux de l’autre217.» On regrette que ce soit uniquement une «nature» artificielle et rapportée qui trouve une utilité dans le site et non pas la Garonne elle-même.

212. GILLES, Jean-Bernard, « La Garonne, vedette de l’appel à idées d’Agora », Sud Ouest, 16 février, 2010 213. BRAVA, Henri, TOUZAEU, Jean, BRANDALISE, AnneSophie, DE GIANCINTO, Jean, Le fleuve, premier patrimoine métropolitain. Table ronde 21 Septembre 2017

214. Op. Cit. DELNESTE, 2013

215. Le belvédère, futur quartier de la rive droite à Bordeaux (Bordeaux Euratlantique) 2015, 9’51 mn 216. Patrick Ecoutin, paysagiste : Garonne Eiffel (Bordeaux Euratlantique) 2014, 4’19 mn

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Dans la représentation 217. TVK Architectes urbanistes : Garonne Eiffel (Bordeaux Euratlantique) 2014, 3’14 mn

Mise en avant des espaces végétalisés et plantés sur les plans et les représentations du projet. Perspectives qui donnent l’image de plaines, de larges espaces végétalisés qui prennent le dessus sur la ville. Les images de rendus, les axonométries et les vidéos de simulation de projet représentent assez fidèlement les constats effectués précédemment sur le discours mené par la maîtrise d’œuvre ou la maîtrise d’ouvrage. Les représentations utilisées dans la médiation montrent exactement ce que les gens veulent voir : une proximité avec le centre historique de Bordeaux et avec cette «nature», des plaines de verdures, une vue sur l’horizon etc.

218. Candidat du Belvédère : Nexity / Cogedim / Pitch (Bordeaux Euratlantique) 2016, 1’46 mn

219. Ensemble de termes et expressions relevées dans l’analyse des documents de présentation du site et projet Garonne-Eiffel

220. Le belvédère, futur quartier de la rive droite à Bordeaux (Bordeaux Euratlantique) 2015, 9’51 mn

Dans les vidéos, le ciel est bleu, les oiseaux chantent, le belvédère est mis en avant et la place physique de la Garonne au sein du projet est valorisée218. Ce mode de communication que représente la vidéo est idéal pour la communication du projet car il nécessite une vue d’ensemble et donc, un cadrage à plusieurs échelles. Néanmoins le rapport à la Garonne et à l’eau affiché par la vidéo est relativement pauvre, car uniquement physique. Création d’un “vocabulaire”, de “principes et figures urbaines” qui se retrouvent à la fois dans le discours que dans la représentation. Dans le discours, les maîtrises d’œuvre et d’ouvrage utilisent un vocabulaire spécifique qui relève de plusieurs codes : ceux du paysage avec des termes tels que vues, horizon, échelles, sol ; ceux de la nature avec harmonieux ; ceux de la géographie locale caractérisé par Garonne et coteaux ; de l’écologie avec réservoir de biodiversité, épaisseur écologique, processus vivant ; mais aussi de la novlangue et du faux semblant, notamment avec les termes de «rive de nature», «confort d’une nature domestique», «vaste figure verte majeure»219. Dans la représentation, le rapport à la Garonne et à l’eau se ressent uniquement de façon visuel et appuie cette idée d’une rive constituait d’éléments naturels. Dans la concertation Comme nous l’avons vu précédemment, les opérations d’aménagements de Garonne-Eiffel nécessite une enquête publique du fait de l’importance et de l’impact que peut engendrer ces travaux dans l’environnement. Stephan De Faÿ explique alors dans la vidéo de présentation du projet, la mise en place de cette enquête publique et le fait d’être dans une consultation qui se déroule sur douze mois, «donne l’opportunité d’aider le citoyen à comprendre le processus de décision». Selon lui cette procédure engendre des processus qui permettent «de pouvoir entrer dans une véritable pédagogie de la conception de la ville220.» Dans le cadre de la concertation préalable qui s’est déroulé du 14 octobre 2010 et le 29 juin 2012, les thématiques étaient celle de : vivre ensemble à GaronneEiffel, habiter dans un quartier proche de la nature , être mobile et se déplacer rive droite. Là encore le rapport à la Garonne et à la l’eau est noyé dans cette «nature» qui vient dessiner la ville. Le dispositif de concertation qui s’est développé tout au long de la vie du

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projet s’établit sur la base de plusieurs outils. Le but ici n’est pas de les énumérer, mais d’analyser ce qu’ils ont permis d’établir comme concertation sur le thème du mémoire. Les échanges sur le thème «Habiter dans un quartier proche de la nature» ont soulevé plusieurs types d’enjeux et notamment celui du : « rapport au fleuve et (de) la présence d’eau dans l’aménagement», les questions soulevées ne sont malheureusement pas partagée sur le rapport de l’enquête publique. Le thème «intégration dans l’environnement (fleuve et coteaux)» a suscité la question de l’aménagement d’une «trame arborée perpendiculaire au fleuve sur le secteur Deschamps» et témoigne d’une volonté à la fois des politiques publiques et des riverains, de mener une intervention minimum sur les berges. Par ailleurs le thème «Vivre ensemble à Garonne-Eiffel (mixité fonctionnelle et forme urbaine)» à fait l’objet d’une réflexion sur la nouvelle image du quartier. Pour autant, à aucun moment la Garonne n’a été abordé. Ces informations relevées à partir des différentes concertations menées dans le cadre de l’enquête public posent questions sur la médiation effectuées en amont. Etant donné le regain d’intérêt pour le fleuve au cours de ces dernières décennies, on peut se demander si le peu d’intérêt susciter par les riverains ne s’expliquerait pas par le manque notable d’informations sur la place du fleuve et de l’eau dans la représentation et la médiation du projet ? 3.3 Un travail de conception avant tout L’aménagement de la ZAC Garonne-Eiffel couvre un territoire de 126 ha. Un projet d’une si grande ampleur ne se fait pas en un jour. Compte tenu des enjeux qui caractérisent le site et de son dimensionnement, le travail de conception est déterminant pour l’élaboration de ce nouveau quartier. Le croisement des compétences de chaque acteurs, l’insertion du projet dans une temporalité moyenne et la mise en place d’un plan guide évolutif sont des outils qui participent à la création d’un contexte favorable au bon fonctionnement du projet. Comment est-ce que ces éléments fondamentaux se nourrissent-ils de la problématique de l’eau et du fleuve au sein de la ville pour faire projet ? A quelle échelle ces réflexions interviennent-elles dans le processus de création ? Une complémentarité des acteurs Tout d’abord il s’agit d’aborder la co-construction, un système de compétition mis en place par la maîtrise d’ouvrage en amont de la conception du projet. Dans une vidéo de présentation, Stephan De Faÿ explique que ce «dialogue compétitif» consiste à choisir trois équipes s’engageant pour réaliser l’intégralité du quartier221. Chaque équipe est composée d’un architecte. Au bout d’un an, le projet qui fait l’unanimité est retenu pour construire la ZAC. Cette volonté d’instaurer ce type de compétition réside dans le besoin revendiqué par la maîtrise d’ouvrage de développer une identité forte pour le quartier Garonne-Eiffel. Les enjeux liées au rayonnement du site à l’échelle européenne222 semblent être la raison principale de la mise en place d’un travail de conception de ce genre. En multipliant les approches, ils multipliaient la chance de dégager trois identités bien différentes. Pourquoi ne pas imaginer alors, la mise en place d’une compétition de ce genre qui interviendrait à la suite d’une analyse menée de manière commune et approfondie sur le territoire ? L’expertise permettrait de formuler de grandes thématiques ancrées dans une réalité de terrain et d’enrichir assurément chaque projet.

221. Le belvédère, futur quartier de la rive droite à Bordeaux (Bordeaux Euratlantique) 2015, 9’51 mn 222. Ibid. Stephan De Faÿ parle des «enjeux de vis-àvis de la ville de pierre, du site»

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Le traitement du rapport à l’eau, de sa gestion et de son évacuation dans le projet urbain Garonne-Eiffel est une manifestation concrète du travail complémentaire qui peut être mené dans un tel projet. Les parties précédentes ont ainsi révélé un jeu assez fin entre les différents corps de métiers, notamment au sein de la maîtrise d’ouvrage. En effet les études hydrauliques menées en amont du projet ont permis de déterminer les principes architecturaux de la ZAC, de même que les interventions paysagères ont proposé une réponse aux problématiques liées à l’eau et que les discipline du paysage et de l’architecture ont associés leurs compétences pour enrichir le principe mis en œuvre. Ce travail transversal des trois enseignements s’est effectué en amont pour définir les éléments fondamentaux du projet, et perdure également durant toute la conception du projet puisque comme l’explique Agathe Laveille, les modifications doivent faire l’objet de mises à jours sur la maquette hydraulique afin d’évaluer les répercussions sur le site. Le protocole mis en place entre l’EPA et la ville de Bordeaux insiste alors sur la nécessité d’effectuer des mises à jours de manière «rigoureuses et partagées» pour ne pas engendrer de malentendus et faciliter la révision du PPRI223.

223. EPA Protocole cadre Bordeaux Métropole / EPA portant sur la réalisation de la ZAC Garonne Eiffel, version 3.4, 8 décembre 2014

224. D’après le CRUAPE du projet Garonne Eiffel

Afin de simplifier les échanges entre les acteurs et surtout de mettre en commun les objectifs et les stratégies du projet urbain, un Cahier de Recommandations Urbaines, Architecturales, Paysagères et Environnementales - destiné aux concepteurs qui interviennent au cours de l’aménagement de la ZAC - regroupe toutes les données nécessaires à la compréhension de la réflexion globale224. C’est un outil visant à maintenir une culture commune et à enrichir collectivement le projet selon les stratégies énoncées initialement. L’élaboration du projet nécessite également une communication régulière entre la maîtrise d’ouvrage et la métropole bordelaise. La problématique liée au besoin d’effectuer une rénovation des ouvrages de production pour pouvoir amorcer les travaux de la ZAC constitue un des enjeux d’une association entre ces deux organismes. Ce travail d’échanges et de complémentarité entre les différents acteurs ont permis d’instaurer un nouveau rapport à l’eau au sein du projet urbain. Une temporalité moyenne

225. TRÉVELO Pierre Alain, VIGER-KOHLER Antoine, «Garonne Eiffel ou la combinaison nature / infrastructure», Bordeaux, Chroniques Métropolitaines, Dominique Carré, 2013

Le chantier de construction du projet urbain s’échelonne sur près de 15 à 20 ans. Le dossier d’autorisation de la loi sur l’eau distingue trois temps d’aménagements d’environ 5 ans chacun. L’agence TVK met en avant le caractère flexible de cette planification et de la possibilité d’une réversibilité ou d’une modification pour inscrire le projet dans une dynamique territoriale225. Les architectes proposent un phasage déterminé par plusieurs enjeux, notamment ceux liés à l’eau et le fleuve. Ces éléments déterminants ont ainsi dicté les différentes étapes du phasage en fonction des priorités occasionnées par le risque d’inondation, puisque la réalisation de certains aménagements, notamment paysagers, modifient la constructibilité d’autres terrains. Hors ZAC : Réalisation des opérations concernant l’aménagement des berges Deschamps dans la continuité du Parc aux Angéliques, de 2014 à 2016. Première phase : Création de la ZAC Garonne Eiffel, de 2016 à 2020. Deuxième phase : Intensification, de 2020 à 2025 Troisième phase : Renforcement, de 2025 à 2030 Quatrième phase : Finalisation, de 2030 à 2035

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FIG 31 : Les différentes étapes du phasage

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226. Bordeaux Euratlantique, Dossier d’autorisation Loi sur l’Eau au titre des articles L.2141 à L.214-6 du Code de l’Environnement, Annexe 5 : Etude hydraulique – Garonne Eiffel, juillet 2016, p. 48 227. TRÉVELO Pierre Alain, VIGER-KOHLER Antoine, «Garonne Eiffel ou la combinaison nature / infrastructure», Bordeaux, Chroniques Métropolitaines, Dominique Carré, 2013 228. Ibid

D’après le document d’autorisation de la loi sur l’eau, la première étape d’aménagement de la ZAC concerne les territoires les moins sensibles au risque d’inondation, tels que le quartier Deschamps et le Belvédère au sein du quartier Eiffel. Afin d’enclencher le principe de gestion des eaux, la réalisation des ouvrages nécessaires à la gestion hydraulique est prévue en début de chaque phase. Ainsi les aménagements de la noue de la voie Eymet et l’amorce du jardin des Etangs sont également réalisés pendant cette phase226. La présence du fleuve et notamment de l’eau sur le site conditionnent le déroulement du chantier de construction. C’est pour cette raison notamment que les travaux de pérennisation des digues, entrepris par Bordeaux Métropole, devaient amorcer le chantier de construction de Garonne-Eiffel afin de protéger le territoire. Cependant, la demande d’autorisations spécifiques a permis la réalisation de deux opérations ( à savoir la séquence Deschamps du parc aux Angéliques et l’îlot «Fayat » en bordure du quai Deschamps) en amont du dossier loi sur l’eau227, dans le but de proposer «une première amorce du changement d’image du site Garonne Eiffel228.» Un plan guide évolutif

229. LUCAN, Jacques, Où va la ville aujourd’hui ?, Formes urbaines et mixités, Éditions de la Villette, Marnes, documents d’architecture, vol1.2. 2012 230. Suite à la tempête Cynthia survenue en février 2010, la prise en compte du risque inondation par submersion marine est reconsidérée par l’état et à engager une révision du PPRI. Les documents réglementaires deviendront après leur révision des PPRL : Plan de Protection des Risques Littoraux.

Le projet urbain Garonne Eiffel, nécessite un temps important pour sa mise en œuvre. Le phasage permet alors de conserver une certaine flexibilité. En ce sens, son processus de réalisation est basé sur une stratégie de conception. Il ne s’agit pas fournir un projet abouti, mais bien de le faire évoluer en fonction du contexte et des contraintes territoriales. Pour se faire, le plan guide est évolutif. A ce jour l’élaboration du chantier de construction a démarrer pour autant, l’agence TVK continue a effectuer des mises à jours officielles et globales de façon régulière. Ainsi le plan guide est évolutif, il doit être adapté au fur et à mesure de l’élaboration du projet. Nicolas Michelin appelle cela un ««damier du jeu de go», où chaque action a une influence sur l’ensemble229.» Depuis le concours d’urbanisme engagé par l’EPA Bordeaux Euratlantique, le plan guide a fait l’objet de nombreuses modifications et adaptations. Son dessin s’est vu enrichi des études à risques et des études hydrauliques menées sur le site Garonne-Eiffel, ou encore des chartes et autres documents réglementaires (Charte de transformation durable de l’OIN bordeaux-Euratlantique, PLU, DLE, PRRI) qui sont sans cesse l’objet de transformation230. La mise à jour officielle correspond alors au support du dossier de création de la ZAC. Au fur et à mesure de l’avancé du projet, le plan guide s’adapte aux exigences de la maîtrise d’ouvrage, à celles des partenaires, aux remarques des habitants et des futurs usagers lors des réunions de concertation. La méthode de conception du projet permet de s’adapter au fur et à mesure de l’avancée de l’opération. Elle privilégie le caractère flexible du projet à son aboutissement, permet de mettre à jour régulièrement le plan guide en fonction des évolutions, des opportunités et des contraintes qui surviennent.

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Au vu des analyses menées, le premier constat que l’on peut faire est celui d’une adéquation respectable du projet de ZAC Garonne Eiffel avec les problématiques environnementales actuelles. Le territoire de la métropole étant constitué à près d’un tiers de sa surface par des zones humides et inondables, il est nécessaire de mener des réflexions sur cette problématique. D’autant plus avec le contexte actuel de crise environnementale avec le réchauffement climatique et la montée des eaux qui ne présage pas une amélioration de la situation. Par ailleurs, cette réflexion reste délicate et bien souvent, les aménagements qui s’estiment respectueux de l’environnement, nécessitent d’effectuer des travaux impactant le site et son milieu. Dans le projet Garonne-Eiffel, les différentes opérations, et notamment les celles concernant la rénovation de la digue engendrent des répercussions sur le site. L’autorisation du dossier de la loi sur l’eau stipule que : «la réalisation de la ZAC n’apportera pas de graves atteintes à l’environnement au sens large», néanmoins, aucun document ne note une amélioration par rapport à l’état initial du site.

230. BORDEAUX EURATLANTIQUE, Dossier d’autorisation Loi sur l’Eau au titre des articles L.2141 à L.214-6 du Code de l’Environnement, Annexe 5 : Etude hydraulique – Garonne Eiffel, juillet 2016, p. 135

231. VIDOTTO, Gilles, «Bordeaux œuvre pour «55.000 hectares pour la nature»», Bordeaux immo, 24 novembre 2017. URL : https://www. bordeauximmo9.com/ bordeaux-55000-hectaresnature

232. BRAVA, Henri, TOUZEAU Jean, BRANDALISTE AnneSophie, DE GIANCINTO Jean, « Le fleuve, premier patrimoine métropolitain», Agora, 21 septembre 2017

98 - Conclusion

L’impact positif notable, concerne bien évidemment le risque d’inondation du site. Les principes mis en place permettent à la fois de surmonter une contrainte, mais également d’établir un nouveau rapport au fleuve et à l’eau dans nos villes. Autrefois craint du fait de ses inondations, le fleuve est aujourd’hui perçu différemment. Ce n’est plus un élément dévastateur, mais au contraire, un élément participant à l’irrigation du projet par ses crues (au sens propre comme au sens figuré). Néanmoins, on peut se demander quelles peuvent être les répercussions d’un tel principe sur les quartiers avoisinants ? Le dossier de la loi sur l’eau indique que les hauteurs d’eau, suite à l’aménagement de déblais et de remblais, permettrait une diminution des hauteurs d’eau à l’intérieur et à l’extérieur du périmètre de la ZAC230. Ce type d’aménagement pourrait donc être planifier sur une plus grande échelle afin de résorber les incidences d’une montée des eaux. Néanmoins la question est également de savoir jusqu’où peut aller ce type de système et de principe d’aménagement. En effet dans la notice finale du plan guide du projet, il est rapporté que les contraintes hydrauliques empêcheraient la réalisation des objectifs bioclimatiques pour certains îlots. Ce problème oblige les acteurs à faire des choix en fonction de leurs priorités, mais il s’agirait surtout de les faire selon les répercussions. La ZAC Garonne Eiffel constitue un projet phare de la rive droite et s’inscrit de manière assez juste dans la stratégie territoriale de Bordeaux. L’opération «55 000 hectares pour la nature» engagé en 2012 par Bordeaux, œuvre pour une valorisation et une exploitation de la ressource naturelle. De manière plus concrète, cette démarche «a pour ambition de rechercher des stratégies de préservation, de reconquête et de valorisation du territoire afin de donner des fonctions, à la fois sociale, environnementale et économique à la nature au sein même de la ville de Bordeaux231.» Ainsi, le principe d’aménagement de la ZAC Garonne Eiffel propose un système qui s’inscrit totalement dans cette volonté de la métropole qui est de se servir de l’environnement physique pour répondre à des problématiques urbaines. On regrette seulement que la stratégie du projet ne repose pas sur une ressource naturelle déjà existante sur le territoire, mais sur la nécessité d’entreprendre une intervention paysagère importante et lourde en terme d’aménagement. D’autant plus que la ressource naturelle était bien présente : le fleuve et l’eau constitue un élément exploitable. L’architecte Jean de Giancinto considère d’ailleurs que «(...) le fleuve est (...) l’élément de création et d’émergence de projet232». Une réflexion plus approfondie du principe d’hydrolienne par exemple, permettrait de s’insérer dans une démarche véritablement environnementale. De cette manière,


CONCLUSION la Garonne serait perçue à travers les potentialités qu’elle offre et non pas les contraintes qu’elles imposent aux riverains. Rappelons la problématique du mémoire qui posait la question des outils et des procédures instaurés par les acteurs pour une prise en compte des enjeux environnementaux liés au fleuve et à l’eau dans le processus de conception du projet urbain. Au fil de ce mémoire, la réflexion menée sur le processus de conception de la ZAC Garonne Eiffel, démontre que dans la forme, les outils et les procédures convoqués demeurent en grande partie inchangés. En effet, les études préalables, les documents de réglementations, d’urbanismes ou chartes et le principe d’aménagement sont des outils et des procédures qui sont propres à chaque projet. Néanmoins, leurs mobilisations dépendent davantage des caractéristiques du site ou du projet que d’une volonté de l’inscrire dans une démarche environnementale. Effectivement, qu’un projet souhaite intégrer les enjeux environnementaux dans sa problématique, ou pas, il est tout de même tenu de respecter les lois, règles et normes en vigueur, de même qu’un étude préalable sera nécessaire à tout projet En revanche, lorsqu’un projet revendique une prise en compte des enjeux environnementaux dans son élaboration, c’est dans la posture des acteurs qu’un changement est notable. Ainsi, le travail simultané et complémentaire engagé au sein de la maîtrise d’œuvre et mené avec la mise en place d’un principe d’aménagement en lien avec la réalisation d’un schéma hydraulique, témoigne d’une réflexion sur un aménagement durable du territoire. Le discours de la maîtrise d’ouvrage est quant à lui, bien différent. L’analyse de la médiation sur la Garonne, notamment à travers le vocabulaire et la représentation instaurés, démontre une divergence entre les objectifs annoncées et les priorités affichées. L’image de la ville est tout l’enjeu du projet. Les procédures engagées démontrent également cette contradiction dans le discours, notamment par rapport au transfert des berges du Port Autonome de Bordeaux à la Ville de Bordeaux dans l’optique de réaliser un «parc animé», ou encore à la refonte du dossier de la loi sur l’eau et à l’intervention. Au regard des actions mises en œuvre, la double question de la légitimité des textes de lois et du projet Garonne Eiffel se pose. Jusqu’à quel point les lois et les réglementations peuvent-elle être remises en cause pour pouvoir être adaptées à un projet d’aménagement ? Au-delà d’un vocabulaire stéréotypé, cet «horizon vert entre Garonne et coteaux» présente un rapport à l’eau et au fleuve, jusqu’alors inexpérimenté sur Bordeaux. A travers ce projet, tout le travail sur la gestion et le stockage des eaux à travers les bassins de rétention d’eau et les noues contribue tant à une démarche environnementale qu’à la politique métropolitaine.

Conclusion - 99


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FIG 0 : Première et quatrième de couverture, plan, source : agence TVK FIG 1 : Implantation de l’OIN Bordeaux Euratlantique, carte de la ville de Bordeaux, Agence d’architecture TVK, source : CRUAPE FIG 2 : Périmètre du projet de la ZAC Garonne Eiffel, carte aérienne retravaillée, Agence d’architecture TVK, source : CRUAPE FIG 3 : Cartographie de la plaine rive droite au moment de la percée de l’Avenue Thiers, cartographie, A’Urba, source : http://www.aurba.org/ wp-content/uploads/2013/08/Silhouettes_plaine_rive_droite_2013.pdf FIG 4 : Les quais rive gauche de Bordeaux pendant la période industrielle, 1950, photographie, source : http://www.angers.fr/fileadmin/plugin/tx_ dcddownloads/La_reconquete_des_quais_a_Bordeaux.pdf FIG 5 : Les quais rive gauche de Bordeaux après la désindustrialisation, 1992, photographie, source : http://www.angers.fr/fileadmin/plugin/ tx_dcddownloads/La_reconquete_des_quais_a_Bordeaux.pdf FIG 6 : Les quais de la rive gauche, un lieu impraticable avant les aménagements, photographie, Jérémie Buchholtz, source : http://www. publicspace.org/en/works/f128-amenagements-paysagers-des-quaisrive-gauche-de-la-garonne FIG 7 : Un nouvel usage du bord de fleuve avec la création d’un miroir d’eau, photographie, Jérémie Buchholtz, source : http://www. publicspace.org/en/works/f128-amenagements-paysagers-des-quaisrive-gauche-de-la-garonne FIG 8 : Le projet Bastide de Ricardo Bofill, 1988, réprésentation graphique, source : Agence Bofill FIG 9 : Le projet des Deux Rives de Dominique Perrault, 1996, plan masse, source : http://www.perraultarchitecture.com/fr/homepage/ FIG 10 : Projet urbain «Bordeaux 2030, Cartographie de Bordeaux, Source : http://www.bordeaux2030.fr/bordeaux-illustre FIG 11 : L’Opération d’Intérêt National (OIN) s’implante dans un contexte à échelle européen, Carte de France, Agence d’architecture TVK, source : CRUAPE FIG 12 : Périmètre du projet de la ZAC Garonne Eiffel, photo aérienne, source : TVK + CRIBIER & ECOUTIN + INGÉROP, le projet urbain «garonne-eiffel» ou l’alliance entre nature et infrastructure, Bordeaux Euratlantique, adaptation du plan guide, mars 2013, 53p. FIG 13 : Cartographie de l’implantation des programmes, plan guide, source : TVK + CRIBIER & ECOUTIN + INGÉROP, le projet urbain «garonne-eiffel» ou l’alliance entre nature et infrastructure, Bordeaux Euratlantique, adaptation du plan guide, mars 2013, p. 9 FIG 14 : Programmation des quartiers, schémas, source : TVK + CRIBIER & ECOUTIN + INGÉROP, le projet urbain «garonne-eiffel» ou l’alliance entre nature et infrastructure, Bordeaux Euratlantique, adaptation du plan guide, mars 2013, 53p. FIG 15 : Représentation de la «nature» présente (bleu et vert) et la «nature» à créer (rose et gris), schéma de la structure paysagère, source : TVK + CRIBIER & ECOUTIN + INGÉROP, le projet urbain «garonne-eiffel» ou l’alliance entre nature et infrastructure, Bordeaux

106 - Iconographie

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36

40 40 45 60 62

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ICONOGRAPHIE Euratlantique, adaptation du plan guide, mars 2013, 53p. FIG 16 : « Une rive de nature », dessin, source : Notice de l’adaptation du plan guide de TVK FIG 17 : Représentation de la « dualité entre infrastructure et nature » exprimée par l’Agence TVK, représentation 3D, Source : Notice de l’adaptation du plan guide de TVK FIG 18 : La construction de continuité visuelle et d’une façade de 2 km sur le fleuve, plan, source : TVK FIG 19 : Une vue privilégiée depuis le secteur Eiffel, représentation 3D, source : agence TVK FIG 20 : Des quartiers mis à distance du fleuve, axonométrie, source : agence TVK FIG 21 : Nouvelle centralité autour de la Garonne avec la création du Belvédère, coupes, source : agence TVK FIG 22 : La promenade des berges amène de nouveaux usages en bord de Garonne, représentation 3D, source : http://www.bordeaux-euratlantique. fr/projets/zac-bordeaux-saint-jean-belcier/quartier-creatif-de-paludate/ promenade-des-berges/ FIG 23 : Le «paysagement» ou «embellissement» des berges, représentation 3D, source : agence TVK FIG 24 : Mise en valeur de la vue sur la rive droite, représentation 3D, source : agence TVK FIG 25 : Plan des interventions paysagères et notamment du parc Eiffel au centre de la ZAC, plan du parc Eiffel, source : agence TVK FIG 26 : Représentation d’une «coulée verte», représentation 3D, source : agence TVK, Robota FIG 27 : Schémas des hauteurs des eaux en temps de crues et de forte pluviométrie sur le site, schémas, source : agence TV FIG 28 : La forte présence de l’eau au sein du site, schéma analytique, source : agence TVK FIG 29 : Transparence et opacité mis en œuvre à la fois par des aménagements paysagers et la construction de bâtit, coupe de principe, source : dossier autorisation la loi sur l’eau FIG 30 : Temporalité d’une inondation sur le site, coupes, source : agence TVK FIG 31 : Les différentes étapes du phasage, plan, source : agence TVK

80 82 82 85 85 69

71 73 74 77 77 82 84 85 87 95

Iconographie - 107


108 - Annexes


ANNEXES

Annexes - 109


Entretien réalisé avec Agathe Laveille, Architecte Urbaniste à l’Agence TVK. Son implication sur le projet Garonne Eiffel étant récente, elle n’a pas pu répondre à toutes les questions posées. Est ce que vous pourriez vous présenter et expliquer votre rôle dans la conception du projet urbain ? Je suis Agathe LAVIELLE, je travaille à l'agence TVK en tant qu' Architecte Urbaniste et je fais partie de l'équipe de maîtrise d’œuvre de l'espace publique sur le site Bordeaux Garonne-Eiffel. Tout ce qui est de la conception, en fait on a gagné le concours de conception du plan guide sur la ZAC et aujourd'hui on a une source de maîtrise d’œuvre complète. Est ce que vous pouvez me parler de la posture du projet par rapport au fleuve, la Garonne ? C’est un site en bord de Garonne où effectivement la plus grande façade de la ZAC est le long de la Garonne avec des enjeux d’inondation qui sont pris en compte depuis le début des études, donc avec toute une refonte donc ce qu’on appelle le DLE la loi sur l'eau, des prises en charge des risques d'inondabilité voilà. Le fleuve a fait l'objet d'une étude particulière en amont ? On a pris en tout cas dans toutes les études préliminaires, effectivement toute la contrainte dont la digue, en ce moment elle est en travaux sur bordeaux, donc elle est refaite, en tout cas les problématiques avec une étude de risque qui a amené à la loi sur l'eau. Je ne saurais pas dire exactement après dans quel contexte. C'est tout un schéma hydraulique qui a été produit sur le site pour calculer vraiment comment la nappe d'eau se rependrait en cas d'une rupture de digue et du coup qui donne les contraintes après d’opacité et de transparence hydraulique sur le site. Il y a également des côtes de seuil de protection en fait, on a des seuils de niveau qui sont plus haut que sur un site non inondable pour effectivement on ait un minimum de risque. Ces études hydrauliques et toutes ces simulations de quelle manière est-ce qu’elles ont permis d'enrichir le projet ? Lorsque je suis arrivée, tout le projet urbain était déjà défini. Il y a eu un jeu avec le bureau d'étude « Ingérop », qui a fait le modèle hydraulique, pour essayer de comprendre comment notre projet urbain répondait à la menace hydraulique pour que les formes urbaines fonctionnent avec cette contrainte là. Effectivement il y a une histoire d’opacité et de transparence pour que les espaces publiques permettent de libérer des zones où l'eau peut s'écouler et les bâtiments au contraire sont ce que l'on appelle des zones d'opacité, qui au contraire bloque l'eau, donc c'est tout ce jeu qui de par où si en cas de rupture de digue l'eau s'infiltre et se répand et donc du coup d'essayer de travailler avec des espaces publiques qui seraient aussi contenir et favoriser les aménagements urbains et les constructions. Quand le concours a été fait il n'y avait pas toutes ces études hydrauliques, donc il y avait un plan masse qui a été défini et dessiné pendant le concours, on fixe les études hydrauliques qui ont été fait sûr le plan de masse, et ont permis d'affiner le dessins des îlots, les espaces publiques, des places, des parcs, des grands espaces pour être sûr que l'ensemble du territoire fonctionnait en terme d'inondabilité.

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Du coup ça a des répercussions sur l'implantation ? Effectivement on a des espaces verts dont un énorme parc qui est le parc Eiffel qui est censé reprendre comme une grosse partie de la nappe en cas d'inondation et après on a des ouvertures, des grandes lignes ouvertes partout dans le site. Je ne sais pas si ça détermine le dessin de la nappe en cas d'inondation, mais en tout cas oui on travaille sur un certain plot on essaie de les améliorer, on regarde ce que ça donne et on arrive à un dessin où tout fonctionne ensemble. Et y a t-il eu une répercussion sur les choix de la matérialité ? Le choix de la matérialité est plutôt lié au coût et questions économiques. En plus d'avoir le risque d'inondabilité, il faut savoir que l’on a des sous-sol qui sont chargés en eau de toute façon, sur tout Bordeaux et sur ce site là, on peut pas trop rendre les sols perméables puisque de toute façon c'est déjà très chargé en eau. On a quand même en surface relativement imperméable, mais je ne pense pas que ce soit la contrainte d'inondabilité qui a amené ce point là. Est ce que vous avez employé des principes écologiques particulier, ou par exemple est ce que vous êtes inspirés d'autres références de projet qui s'implantent comme ça en bord de fleuve ? C'est quand même typique en ce moment des projets urbains. Oui, c'est un projet qui a été gagné en 2012 à l'agence donc effectivement moi j'ai pas tout l'historique mais il y a toujours un travaille de recherche d'étude et de comparaison vis à vis d'autre site dont j'aurais pas forcément, peut-être par rapport à la Loire j'imagine qu'il y a des comparaisons et des simulations, oui il y a des recherches qui ont été faites dans ce sens là forcément, la Garonne dans son histoire elle fait partie des sites important inondables. Il y a eu plusieurs plans, des études préliminaires, à chaque fois dans ces étapes là. En plan guide, il y a eu des études de cas et des références faites par rapport à ce genre de site. En tout cas la contrainte d'inondabilité elle existe depuis le début donc elle est forcément prise en compte dans son intégralité. Par rapport au fait que le bord de fleuve se situe en zone « Natura 2000 » et qu’il soit régit par le PPRI etc... comment est-ce que vous avez intégré les réglementations au projet de manière technique ? Le fait que ce soit PPRI, ça a entraîné le principe de la refonte de la loi sur l'eau du site, c'est toutes les réglementations qui ont le même but, il y a un guide de toute façon, donc on est protégé en cas de rupture de digue, il y a une prise en charge des risques et du coup effectivement les réglementations pour nous c’étaient une côte de seuil qui détermine tous les seuils et les accès et dans le dessin c'est les opacités et les ouvertures, et on a pas dans les endroits où on est en transparence hydraulique, il ne faut pas la moindre émergence, à part du mobilité urbain, mais il ne faut émergence qui doit intervenir dans le dessin. Et en ce qui concerne les bords de la Garonne, les berges ? Elles sont protégées, elles sont hors ZAC, on a un parc qui longe la digue mais sinon vraiment le bord sensible qui est la digue et toutes les plantations le long de la digue, ça c'est hors périmètre, nous on a pas du tout le droit de toucher à ça. Finalement on est assez coupé de la Garonne, même visuellement. Par rapport à l'autre côté ou il ont complètement ouvert les quais, et on a une vrai vue sur le fleuve, côté rive droite la où on travaille on est plutôt coupé de la Garonne. Il y a la digue, la végétation et on a absolument aucune action sur ça, c'est vraiment hors périmètre et c'est protégé.

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Donc tant que physiquement que visuellement, il n'y a pas de lien ? Visuellement, il y a quelques ouvertures des qu'il y a un trou dans la végétation, mais en tout cas nous on a pas d'accès, ni d'action sur ça. C'est vraiment la nature qui créée les perspectives et les ouvertures. Nous, on a la place du Belvédère qui a un niveau un petit peu au dessus, on a 8 mètres par rapport au niveau de l'eau mais 4 mètres par rapport aux quais. Du coup on arrive à se créer un peu de visibilité et des perspectives vers l'autre coté du fleuve, mais sinon lorsque l'on est le long du parc on est assez coupé, on perçoit la Garonne, mais il y a une vrai barrière végétale et physique. Vous avez travaillé avec le bureau d'étude « Ingérop » et Caroline DUNOGIER qui elle a travaillé sur la gestion de l'eau. Oui c'est « Ingérop » qui a fait le modèle hydraulique, parce qu'en fait c'est un vrai logiciel qui permet une simulation d'inondation et qui permet de voir comment l'eau se repend. C'est un logiciel qui permet de faire ça que c'est fait par un bureau d'étude et donc Caroline DUNOGIER c'est la chef de projet sur ce sujet là et donc c'est eux qui ont conçut toute la maquette hydraulique de la ZAC, c'est comme une maquette en 3D c'est une maquette hydraulique qui permet de simuler l’inondation du site. C’est toutes les nouvelles techniques avec les nouveaux logiciels. Ce sont des modèles qui sont très lourd mais si on bouge cet élément là, en fait, chaque modification a un impact qui est très large. On peut bouger un bâtiment à l'ouest du site et ça va avoir des répercussions à l'est parce que ça change complètement, donc (...) dès qu'il y a plusieurs modifications on les tests et il re-balaye le modèle hydraulique pour voir l'impact sur le reste du site. Ça permet de comprendre si on a aggravé ou amélioré une situation. Il y a vraiment une concordance entre l'aménagement du site et les répercussions Oui complètement. D’ailleurs dans le cahier des charges et des prescriptions qu'on a donné aux architectes, nous on a fait le plan guide urbain, mais ils ont vraiment un carnet qu'on appelle DLE Directive de la Loi sur l'Eau qui leur compose vraiment des façades fermées, des façades ouvertes, des cœurs d’îlot parce que tout est calculé vraiment pour que le site soit pas aggravé, que ça fonctionne et donc c'est très contraint au niveau des constructions. Et au niveau des espaces publiques on a un nivellement qui peut pas bouger, qui est vraiment hyper bien calé, la moindre émergence a une influence donc on évite tout ce qui est merlon, talus, noues, déblai, remblai. La moindre modification impact le projet c'est pour ça qu'il faut que toutes les règles qui ont été faites en prés études soient respectées. Concernant le cahier des charges des constructions, il y a tout un cahier sur la loi sur l'eau qui doit être respecté. En terme d'architecture est ce que c'est pas trop contraignant ? Ça créer forcément des contraintes oui, (...). On m'a expliqué aussi, qu'une opacité hydraulique ne doit pas forcément dire que ta façade doit être placée à cet endroit là. En fait on peut travailler aussi sur les opacités hydraulique et les transparences en jouant avec des pilotis. L'idée c'est de vraiment permettre que l'eau s'écoule, donc ça n'empêche pas de construire un bâtiment au même endroit où il est censé avoir une transparence, juste qu'il y ait une transparence au rez-de-chaussée. Donc finalement, ça demande soit on respecte la prescription, et on implante les bâtiments qui sont imposés par l'opacité soit on réfléchit à des solutions un peu plus novatrices si on veut un bâtiment qui soit un peu différent faudra réfléchir plutôt à surélever le rez-de-chaussée, trouver des systèmes de pilotis, peut-être

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des choses comme ça. De toute façon dans tout les sites tu as des contraintes, t’as toujours un patrimonial, inondation, ou autre, forcément le projet urbain on prescrit des choses aux architectes.

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Plan guide Garonne Eiffel, source : TVK Annexes - 115


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Système hydraulique, source : TVK, Ingérop, Cribier & Ecoutin

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Principe de la mesure déblais / remblais et voies hors d’eau, source : Ingérop

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Zone d’Aménagement, source : DLE

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Plan des zones sensibles ou non et prescriptions associĂŠes, source : DLE

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Aujourd’hui la place attribuée au fleuve dans l’aménagement urbain et dans les politiques publiques de la ville est de plus en plus importante. Suite à la généralisation du phénomène d’un « retour vers le fleuve » à l’échelle internationale, chaque grande métropole s’est vu engagée un processus de revalorisation de ses berges. Simple outil de marketing ou signe d’une certaine «écologisation» des pratiques ? Dans tous les cas, la reconquête fluviale devient vecteur de projet au sein des villes. Bordeaux affirme le même désir de renouer avec son fleuve dès les années 1990. Après avoir réhabilité les quais de la rive gauche, le projet urbain se développe sur la rive droite avec une réflexion menée sur le développement durable. Parmi eux, la ZAC Garonne Eiffel s’implante en bord de Garonne. Au regard du récit métropolitain, quels sont les outils mobilisés par les acteurs pour une prise en compte des enjeux environnementaux liés au fleuve et à l’eau dans le processus de conception du projet Garonne Eiffel ? !" #

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Mots clés : fleuve, projet urbain, ZAC, aménagement urbain, reconquête fluviale, démarche, outils, processus de conception, Bordeaux, environnement, territoire, Garonne Eiffel.


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