De la requalification du village à la revitalisation d'un territoire - Élise Madec

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De la requalification du village à la revitalisation d’un territoire Des échelles et des initiatives

Elise MADEC Séminaire Repenser la métropolisation, janvier 2018, EnsapBx Mémoire de master sous la direction de Julie AMBAL, Xavier GUILLOT et Delphine WILLIS



De la requalification du village à la revitalisation d’un territoire Des échelles et des initiatives

Elise MADEC Janvier 2018, EnsapBx Enseignants encadrants : Julie AMBAL, Xavier GUILLOT et Delphine WILLIS



Remerciements p.6 Avant-propos p.6 Glossaire p.7

Introduction p.9

-IQuelles réalités pour les territoires ruraux au XXIème siècle ?

A- L’image du village – Le village traditionnel p.17 B- Le nouveau village – Un village composite p.22 C- Les trois visages de la ruralité – Une ruralité panachée p.26

- II Quelles typologies d’initiatives pour la transformation des villages, des territoires ?

A- Les « rural labs » entrent en campagne – Le cas de Mauléon-en-Soule p.32 Une transformation par l’espace B- Territoires zéro chômeur de longue durée – Le cas de Mauléon p.38 Une transformation par le processus C- Territoires en transition – Le cas de Gironde en transition p.45 La communication comme catalyseur de nouvelles actions D- Perspective comparative – L’espace, le processus, la communication p.52 Trois thèmes majeurs

Conclusion p.58 Bibliographie p.62 Table des figures p.66 Annexe p.68 Résumé p.72 Couverture : Schuiten François, Les Cités Obscures, dessin Ci-contre : Schuiten François, L’abbaye de l’Epau, estampe signée



Ci-contre : Différentes typologies d’initiatives Clément Gilles, croquis


Remerciements

Je remercie Delphine Willis, Julie Ambal et Xavier Guillot, pour m’avoir suivie et conseillée tout au long de l’avancement de ce mémoire. Je remercie égalment toutes les personnes m’ayant accordé un peu de leur temps pour répondre à mes questions. Un remerciement spécial à ma famille et à mes amis dont le soutien m’a accompagné pendant la réalisation de ce mémoire.

Avant-propos L’espace rural est un territoire qui se modifie constamment et qui connaît de nombreuses mutations sociales, économiques. J’ai souhaité m’intéresser à ce type de territoire car il demeure souvent absent des terrains étudiés par les architectes. Les territoires ruraux connaissent pourtant une augmentation de leur démographie avec la venue de nouveaux habitants attirés par le mode de vie qu’ils représentent. Ainsi la ruralité présente pour moi un nouveau territoire potentiel à analyser, de par l’évolution de ses besoins et de ses attentes, qu’il serait dommage d’ignorer.

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Glossaire Chaîne de valeur : Ensemble des entreprises ou parties prenantes qui interviennent dans un processus de projet, de la matière première au « produit » fini. La chaîne peut englober la recherche, les activités de négociations et la communication associées à la réalisation du produit. Cohésion territoriale : Aptitude à accorder la pluralité des territoires et la baisse des inégalités entre les individus, liées à ces espaces. Identité : Elle est relative à l’origine, à l’histoire, à la nature de quelque chose. Elle permet de différencier, de mettre en relief certains éléments vis-à-vis des autres. Suivant leur identité, leur carcatère, tous les territoires ne sont pas égaux face à une même réalité. Initiative : idée de commencer quelque chose de façon volontaire et de le réaliser soi-même. Lieu : C’est un espace marqué ou non, défini et identifiable par les événements qui s’y déroulent. Ruralité : Espace identifiable par une faible densité du bâti, par un paysage présentant des espaces cultivés et ou naturels. Territoire : Espace géographique commun identifiable par ses spécificités paysagères et culturelles. Suivant les échelles, le territoire n’est pas forcément un espace circonscrit par des limites précises. Village : Petite agglomération d’habitations implantées de façon plus ou moins concentrée et située dans un espace rural.

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1962

2013

Figure 1 : L’Êvolution du nombre de villages de moins de 500 habitants entre 1962 et 2013 8


Introduction Couramment entendons-nous parler de la ruralité. La campagne, un doux souvenir d’enfance ? Une expérience ?… De vie ou de vacances ? Entrons nous dans l’ère de la ruralitude ?… Y retournons-nous ? Est-ce une mode ou une urgence, une redécouverte ? Réapprivoiser des gestes, repenser des techniques, réinventer nos méthodes, s’ouvrir à la nature. La Nature. La Terre. Mais d’abord, qu’est-ce que la ruralité ? Qu’est-ce que la ruralité pour la France ? Comment repenser l’héritage du rural au XXIème siècle ? Aujourd’hui, différents discours abondent autour de la revitalisation, de la transition. De nombreux médias abordent ces thèmes et s’intéressent à cette autre France, au négatif de la France des villes afin d’en faire ressurgir le positif. La ruralité se démocratise-t-elle d’une certaine façon ? Opère-t-elle son retour dans le grand paysage français, dans l’image positive de la France au sens économique, culturel, énergétique, climatique ? La ruralité est-elle l’avenir de la métropolisation ? La fameuse citation de l’écrivain Alphonse Allais nous suggérait de « construire les villes à la campagne parce que l’air y est plus pur ». Le rural est-il l’avenir des villes ? Les campagnes ont-elles un rôle prépondérant dans la Transition ? Cette idée n’est peut-être d’ailleurs pas seulement valable que pour la France. L’événement de la « Fête des Possibles » organisé pour la première fois en septembre 2017 a d’ailleurs vocation à présenter, à faire se connaître les « acteurs » et les « créateurs » de ces initiatives émergeant en France ainsi qu’en Belgique. Une cartographie est également mise au point afin de recenser les actions présentes sur ces territoires et au-delà, dans le monde entier. L’émission « Carnet de Campagne » diffusée sur France Inter et présentée par Philippe Bertrand, le Magasine « Village » également, le film documentaire « Demain », des événements tels que la « Fête des Possibles » … tout autant de médias qui relatent et mettent en valeur des initiatives pour la plupart réussies, ayant rencontré un succès et provenant des campagnes, des territoires ruraux,… de ce qui fait, aussi, l’ « hexagone ». Les visages de nos villages ruraux ont évolué certes, de par leur nombre, de par leurs fonctions. Le nombre de communes ayant diminué suite à l’encouragement de l’État pour l’association de communes entre elles, entre la révolution de 1789 et 2017, leur nombre s’est alors abaissé de 41 000 à 36 7821. Les communes françaises représentent environ 40% des communes existantes au sein de l’Union Européenne1. La France compte en effet 36 782 municipalités et leur multiplicité garantit une certaine proximité avec l’action publique. Ce morcellement et cette densité ont cependant pour effet de réduire les moyens d’intervention de chaque commune et de gêner la cohérence des politiques publiques sur chacun des territoires. Dans le but de remédier à ces difficultés, les premières configurations d’intercommunalité apparaissent à la fin du XIXème siècle. Celles-ci favorisent l’association de communes entre elles afin de satisfaire aux besoins de leur territoire. Ce nouveau principe permet de faciliter la collaboration entre les communes, qui sont alors rassemblées au sein d’un même établissement public. Lors de la Vème république, afin de suivre le phénomène d’urbanisation, de nouvelles institutions voient également le jour telles que les communautés urbaines. Celles-ci contribuent à l’aménagement du territoire et à la mise en place de services publics modernes. Ces groupements restent finalement peu nombreux : ils sont moins de 250 en 1990. L’État souhaite alors redynamiser ces groupements de communes, suite à une gestion publique locale de plus en plus compliquée. 1

AdCF (Assemblée des Communautés de France)

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Figure 2 : Les communes françaises A ainsi été créée la communauté de communes en 1992. Celle-ci est davantage vouée à l’espace rural et aux petites villes. Le morcellement du territoire conduit à la réforme de décembre 2010 fixant « l’objectif de simplifier et d’achever la carte de l’intercommunalité2». Cette réforme oblige chaque commune à appartenir à un EPCI (Établissement Public de Coopération Intercommunale) à partir du 1er juillet 2013. D’autre part, la métropolisation concentre l’économie certes, mais aussi l’existence collective humaine en général, dans les grands centres, ou les centres des communes. L’hyper urbanisation concerne avant tout la périphérie des villes et serait responsable de la suppression d’un département agricole tous les sept ans3. Ce développement à double vitesse ne frappe pas seulement le rural, mais toute la « France périphérique » selon l’expression du géographe Christophe Guilluy4. Les territoires à la périphérie des métropoles regrouperaient environ 60% de la population française. Serait-il possible de maintenir un équilibre des territoires entre les 2 Auteur inconnu, « Comment définir l’intercommunalité », Vie publique, 2016. 3 Bourdoncle Michel, « La France perd un département par an», Actuagri, 2010. URL : http://www.actuagri.fr/sites/agri_info/ articles/2008/26/te.aspx 4 GUILLUY Christophe, La France périphérique : Comment on a sacrifié les classes populaires, éditions Flammarion, 2014.

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métropoles et le périphérique, l’urbain et le rural ? 90 % de maires, ruraux, se sentent de plus en plus délaissés et menacés par la centralisation5, trente ans justement après une « décentralisation ». Depuis les années 1960-1970, les élus développent leur village principalement en bordure de commune. Dans quel état d’esprit se trouvent ces maires aujourd’hui, au moment où les centres des villages sont à présent désertés ? Selon Caroline Cayeux, maire de Beauvais, sénatrice et présidente de l’association Villes de France, « pour les maires, le développement de leur commune est aujourd’hui plus facile en extension qu’en renouvellement urbain6». De quelle façon alors pouvons-nous inverser cette tendance ? « Aujourd’hui, nous cherchons à densifier sur les dents creuses, afin d’éviter les contraintes de transports6». Les territoires ruraux ont pourtant certains atouts, les zones économiques regroupant un réseau d’entreprises permettent de rassembler certains des services, à condition que les voies de communication existent pour faciliter les échanges. Ces territoires ont surtout besoin de conserver leurs services publics. Le rural doit être considéré autant que l’urbain : les communes rurales sont en expansion démographique grâce a l’arrivée de nouveaux ruraux, les « rurbains ». En 30 ans les communes de moins de 3 500 habitants sont passées de 18 à plus de 22 millions d’habitants6. Le « nouveau » village, malgré ses différences avec le village traditionnel, offre des valeurs dont les habitants des villes sont en manque. Le nouveau village est le résultat d’une adaptation à la mondialisation. En effet à l’époque de la globalisation, l’image du « village » persiste dans l’imaginaire des individus alors que, la fracture entre le mythe et la réalité se trouve de plus en plus marquée. L’ancienne collectivité, souvent ardue mais néanmoins solidaire, a été relayée par un nouveau monde davantage métissé où, individus, catégories sociales et mœurs, parfois étrangères les unes aux autres, cohabitent dans un même espace, dénués d’un avenir commun. Les « anciens du village » ont souvent l’impression d’être les derniers ambassadeurs d’une culture qui se tarissant progressivement, face aux habitudes et modes de vie des nouveaux ruraux ainsi qu’au tourisme à grande échelle. Les différences sociales se doublent de différences culturelles qui mettent en jeu des conceptions différentes de la vie individuelle et collective. De plus, le monde agricole, un élément constitutif fort du monde rural, a également été bouleversé, la société française étant de moins en moins agraire. Le nouveau village sert de repli à des urbains en difficulté, qui croient trouver à la campagne une sorte de havre de paix. Tout autant que le village traditionnel, ce nouveau village peut être lui aussi fantasmé. Ce village agirait pour ces nouveaux ruraux comme un « contre modèle à la société mobile et mondialisée7». Les personnes, en se relocalisant dans ce nouveau village, espèrent trouver un espace rural plus humanisé, à leur mesure. Cependant beaucoup des anciennes solidarités ont en partie disparu. Que faire alors pour retisser de nouvelles solidarités ? C’est souvent par l’associatif, le bénévolat, que les villages tentent de résister à cette évolution vers la concentration urbaine et la métropolisation. Les maires ruraux doivent s’appuyer sur une vision anthropologique : celle de l’homme accordé à son environnement naturel et humain. Il n’est bien sur pas évident de défendre cette identité face à une idéologie dominante d’uniformisation. Les individus d’aujourd’hui n’ont plus d’ancrage avec « un territoire et une histoire8». « La cohésion territoriale tient pour beaucoup à la capacité à concilier diversité des territoires et réduction des inégalités entre citoyens liées à l’espace9». Comment alors saisir les 5 AMRF (Association des Maires Ruraux de France). 6 FERNANDEZ Agnès, « Créer les centre-villes et bourgs de demain », Maires de France, septembre 2016. URL : http://www.maire-info. com/upload/files/Dossier.pdf 7 GUILLUY Christophe, La France périphérique : Comment on a sacrifié les classes populaires, éditions Flammarion, 2014. 8 GAUCHET, Marcel, La démocratie contre elle-même, éditions Gallimard, 2002. 9 L’Observatoire des Territoires, « Cohésion territoriale ». URL : http://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/observatoire-desterritoires/fr/acc-s-par-indicateurs/coh-sion-territoriale?ind=737

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éléments vitaux de la cohésion de notre société ? Comment repérer à différentes échelles les inégalités sociales, l’accessibilité aux services de base, ou la capacité à s’entraider et à partager des ressources ? La chute de l’attractivité des villages est une question concernant quasiment l’ensemble des communes rurales. Certaines axent leur requalification selon certains thèmes à savoir l’habitat, les espaces publics, le commerce, le patrimoine, la mobilité, la transition énergétique, etc… En quoi cette dernière représente-t-elle de nouvelles perspectives pour les communes ? Comment faire repartir l’économie locale pour maintenir les activités et en amener de nouvelles ? Comment revitaliser les villages,… les territoires ? Le futur de nos villages ne dépend pas seulement d’une requalification par l’espace, l’architecture. Le dessin ne suffit pas à la revitalisation d’un lieu. Il faut y introduire le loisir, le travail et ce en engageant un processus de « revitalisation ». Comment joindre la transition écologique dans cette démarche ? En 2014, le sénateur Alain Bertrand insiste auprès du gouvernement du « rôle stratégique de ces zones rurales10». L’hyper-ruralité selon lui est un atout et il souhaite donc « renforcer la mise en capacité des territoires hyper-ruraux, afin de leur donner la chance légitime d’être au service du développement national10». Autrement dit, on observe chez ce sénateur une volonté politique de rallier les villages ruraux à l’économie française. Dans un premier temps nous mettrons en évidence l’héritage rural reçu du XXème siècle, où nous examinerons les notions de villages traditionnels et de nouveaux villages. Puis, à travers l’étude de différents cas nous verrons quelles stratégies les villages, les territoires, mettent en place pour survivre à l’heure de la globalisation. Enfin, nous analyserons les limites de certaines typologies d’actions et tenterons de comprendre les échecs vécus par certaines communes.

10 « Hyper-ruralité : un pacte national en 6 mesures et 4 recommandations pour restaurer l’égalité républicaine », La documentation française, 2014. URL : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/144000475/index.shtml

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Figure 3 : Les bassins de vie ÂŤ hyper-ruraux Âť 13


Auteur inconnu, collage


-IQuelles réalités pour les territoires ruraux au XXIème siècle ?


« C’est une commune tranquille, de petite taille, dans laquelle tout le monde se connaît. »

A, 25 ans, originaire du Mans (72), habitant d’Ermont (95)

« Tout le monde se connaît et se dit bonjour. Dans les grandes villes ce n’est pas trop ça.[…]. La proximité peut être aussi gênante parce que tout le monde sait ce que tout le monde fait, c’est un nid à cancans. »

C, 24 ans, habitante d’Angers (49)

« Les loisirs, souvent les gens de la campagne vont dans les villes et à l’inverse les habitants des villes aiment se balader en périphérie plus au calme. »

C, 25 ans, habitante d’Angers (49)

« L’idée que tout le monde se connaît, qu’il y a une certaine proximité et que les relations soient différentes de celles qu’on trouve dans les grandes villes. »

M, 24 ans, habitante de Mérignac (33)

« C’est un peu l’ambiance de village ce que l’on essaie de retrouver aujourd’hui dans les grandes villes, une connaissance de chacun, sans forcément aimer tout le monde, mais où la notion de voisinage et de partage paraît plus forte. »

L, 22 ans, originaire d’Angoulême (16), habitante de Bordeaux (33)

« On connaît mieux ses voisins. Physiquement on ne vit pas aussi proches que dans les villes mais pourtant on se connaît mieux je crois. » C, 23 ans, originaire de Bourges (18), habitante de Bordeaux (33)

« Une petite communauté d’habitants qui se connaissent tous avec, parfois, des logiques de solidarité et d’entraide mutuelle. »

J, 22 ans, originaire de Dijon (21), habitant de Pessac (33) Cf annexe 1


A- L’image du village - Le village traditionnel -

Chacun a en tête une représentation particulière du village, celle du village traditionnel par exemple. Il convient ici de préciser les représentations de ce village fantasmé avec ses solidarités, ses temporalités, ses activités artisanales, agricoles,… une architecture traditionnelle, la présence de la « campagne », la tranquillité, une certaine qualité de vie. Ces représentations du village sont définies par des aspects sociologiques, architecturaux, et par les représentations des individus recueillies grâce à des entretiens courts (cf annexe 1). Dans la plupart des entretiens réalisés, le village est assimilé à des valeurs positives. Une certaine qualité de vie est évoquée par les personnes interrogées, une certaine tranquillité ainsi qu’une proximité avec l’environnement naturel. Ces différents éléments apparaissent comme des arguments forts nécessaires à l’arrivée de nouveaux habitants. Cet environnement agréable à vivre serait caractérisé par des paysages divers et distincts. Pour certains, la campagne, le village sont synonymes de tourisme, de loisirs, qui peuvent être liés à son patrimoine, son histoire, son architecture, à l’artisanat, ou encore à la géographie particulière du territoire. Plusieurs labels existent ainsi pour guider certains visiteurs vers des villages dits d’intérêts11.

Le label « Villes d’arts et d’histoire » garantit par exemple que la commune présente un intérêt dans son héritage culturel, architectural et patrimonial. Les « Plus beaux villages de France » présentent un riche patrimoine naturel et bâti et au moins deux sites inscrits aux monuments historiques. Le label des « Plus beaux détours de France » est donné aux communes de taille moyenne (entre 2000 et 20000 habitants), situées à l’écart des grands axes routiers, comprenant un riche patrimoine bâti ainsi qu’un environnement intéressant. Les « Stations vertes » sont des communes à destinations touristiques de nature, de loisirs et de vacances, situées dans un environnement préservé, dotées de capacité d’accueil et d’équipements de loisirs. Le label des « Stations classées » est décerné aux stations balnéaires, thermales, climatiques, de tourisme ou de sports d’hiver. « Famille Plus » représente les communes étant particulièrement adaptées à l’accueil des familles et proposant de nombreuses activités d’animations. Le concours « Villes et villages fleuris » prend lui en compte le patrimoine paysager et végétal ainsi que le cadre de vie offert par une commune. Les « Petites cités de caractère » s’engagent à entretenir leur patrimoine architectural et à le mettre en valeur auprès de leurs habitants et des visiteurs. Enfin les « Villages étapes » représentent les petites communes situées près d’un axe routier majeur et qui disposent d’une offre de service importante dans les domaines de la restauration, de l’hébergement et du commerce. Ils garantissent aussi la présence d’équipements publics de qualité dans un cadre agréable et accueillant11.

Si le village est associé à une certaine qualité de vie, il peut aussi être décrit comme un lieu où la société s’efforcerait de rester traditionnelle et serait à priori davantage réfractaire aux changements. En effet, de nombreux articles12 mentionnent le fait que les communes rurales seraient caractérisées par un certain repli sur soi. Ce lien au territoire et à ses traditions, ses 11 Labels touristiques en France, France-Voyage. URL : https://www.france-voyage.com/villes-villages/labels.htm 12 http://www.huffingtonpost.fr/denis-muzet/crise-economique-individualisme_b_3007674.html

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valeurs, engendrerait selon eux un rejet de toute évolution. Les habitants se contenteraient de ce qu’ils ont déjà, et accumuleraient « un certain retard de développement13». Le village est la plupart du temps associé à davantage de solidarité, de proximité vis-àvis de la ville. Or, cette « proximité n’est pas propre à la campagne14» comme nous le rappelle Christophe Guilluy, dans une interview donnée à Village Magazine. Cet aspect existe également dans d’autres réalités urbaines que celle du village. En effet, la proximité naît du besoin d’entraide de l’homme lorsqu’il se retrouve face à une situation à laquelle il n’est pas forcément adapté. Le partage est alors nécessaire pour la survie de l’homme. Il faut alors nuancer et se garder d’idéaliser le village où la proximité, le partage, seraient les valeurs premières. Chaque obstacle peut voir émerger une solidarité entre les habitants d’un territoire quel qu’il soit.

« Quand je pense « village », je pense à […] une vision un peu idéalisée, avec sa place de l’église entourée de la boulangerie, de l’épicerie-presse, du salon de coiffure et de la boucherie, où tout le monde se connaît ! »

N, 24 ans, originaire d’Angers (49), habitante de Paris (75)

« Je dirais l’architecture de bourg, [...] les établissements caractéristiques comme l’église, la mairie, le marché. »

A, 22 ans, originaire du Mans (72), habitant de Bordeaux (33) Cf annexe 1

L’image du village est aussi souvent apparentée aux petits commerces de proximité ainsi qu’aux métiers de l’artisanat. Le village fonctionnait en effet autour de ces métiers qui, pour la plupart, faisaient l’identité d’un village grâce à certaines spécialités qu’on ne retrouvait pas ailleurs ou du moins pas partout ni de façon équivalente. L’identité ancienne du village est donc liée à cet artisanat. Une grande majorité des agriculteurs, des « paysans » autrefois, logeait à l’intérieur même du village. Les maisons étaient des fermes et les enfants jouaient sur la place du village. Les gens se retrouvaient dans ce même lieu pour échanger. La société villageoise fonctionnait grâce à « la conversation15». A l’époque, l’échange de la parole créait un lien, les nouveaux moyens de communication que nous connaissons aujourd’hui n’existaient pas. Tout le monde connaissait tout le monde et tout le monde connaissait toujours un peu quelque chose sur tout le monde. Il y avait bien entendu l’aspect commérage mais aussi et surtout un lieu emblématique : le marché. Le marché était plus qu’un espace d’échange de biens marchands, c’était véritablement le lieu d’échange de la parole.

13 « La ruralité, atout ou handicap », Jeu de territoire, un outil de coordination des acteurs locaux. Blog piloté par JOHANY François. URL : http://blog.agroparistech.fr/jeudeterritoire/diagnostic-du-territoire-par-les-etudiants/ruralite-atout-ou-handicap/ 14 VILBOUX, Lucile, « La campagne doit se battre pour exister », interview de Christophe Guilluy, Village, 2 février 2017. URL : http:// www.villagemagazine.fr/la-campagne-doit-se-battre-pour-exister 15 Émission France Inter, Jean-Jacque Le Goff, émission sur l’ouvrage : « La fin du village, une histoire française », diffusée en juillet 2017.

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Figure 4 : L’imaginaire du village et son architecture de bourg

En ces temps surmenés, il est parfois bon de s’arrêter juste un instant pour apprécier ce qui nous entoure : notre village et sa ruralité. Avoir la chance de vivre au cœur d’un village, un lieu ancien, chargé d’histoire, notre histoire… Savoir où se trouvent ses racines, se promener sur des chemins, où, bien avant nous, se promenaient déjà nos parents, nos grandparents, nos arrières grand-parents… Regarder les mêmes paysages, respirer les mêmes saisons. Connaître l’histoire de chaque maison, de chaque famille. Être toujours le cousin de quelqu’un. Avoir fréquenté la même école, s’être assis sur les mêmes bancs que nos pères ou nos voisins. Souhaiter le bonjour au passant. Partager les évènements heureux ou malheureux. Rendre l’église trop petite les jours de communion ou d’enterrement, se recueillir devant ses portes, accompagner. Se réunir comme autrefois autour du curé ou des instituteurs. Rire , s’émouvoir, s’émerveiller les jours de Fancy-fair. A la kermesse s’extasier sur un vieux carrousel ou une improbable « pêche aux canards ». Se battre pour préserver cet esprit de connivence villageoise… Donner à nos enfants cet héritage pour qu’ils en perpétuent l’essence. Bien sûr les déplacements sont parfois difficiles, les hivers longs… Ceux qui n’ont connu que la ville et sa vie trépidante, peuvent s’ennuyer. Peut-être sommes-nous devenus anachroniques? Mais avoir chaud au cœur Sentir, humer la terre Et se dire c’est notre « pays16» 16 Marguerite, Ruralitude. Publié le 06 Mars 2008. URL : https://margueriteetcyrano.blogspot.fr/2008/03/ruralitude.html

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L’imaginaire rural est en partie défini grâce à certaines structures spatiales traditionnelles. Sur un territoire rural, on discerne une partie cultivée relevant de la morphologie agraire et une partie portant l’implantation des habitations et leurs annexes. La structure agraire est caractérisée par le tracé et l’aspect des cheminements d’exploitations, des parcelles et la disposition relative des champs, des bois et des pâturages17. La morphologie agraire est décrite par trois éléments tels que la structure, l’habitat et le système de culture. Les espaces d’habitat peuvent s’aménager selon plusieurs types de figures. Les habitations peuvent par exemple s’agglomérer autour d’un seul et même cœur de village ou bien s’éparpiller et s’isoler les unes des autres. Les configurations de village se présentent soit sous un urbanisme organisé le long d’axes principaux ou sous un forme organique. Les zones d’habitat s’organisent la plupart du temps selon un plan linéaire ou bien ramassé. En ce qui concerne l’urbanisme linéaire, le village s’implante selon la rue, de façon linéaire ou en épi comme expliqué sur les schémas. Le village linéaire peut s’illustrer par le village de Chaliers dans le Cantal. La commune se compose en effet d’une seule rue le long de laquelle les habitations se rangent. L’urbanisme ramassé s’illustre lui par un village organisé autour d’un noyau, en rond, tel le village de Ramatuelle dans le département du Var. Ces types d’implantion ont souvent pour origine les contraintes imposées par le relief mais ils découlent aussi et surtout des intentions humaines. Le géographe Albert Demangeon met en avant deux grands types d’habitations rurales telles que la maison « bloc » et la maison « composée18». La première rassemble dans un même volume les fonctions d’habitat et d’exploitation de manière juxtaposée ou superposée. En France et en Europe cette maison comporte trois types de locaux destinés à habiter, entreposer les récoltes et abriter les animaux. Le deuxième type d’habitation différencie les volumes selon les fonctions qui leurs sont attribuées. Les différentes entités s’organisent la plupart du temps autour d’une cours, de manière plus ou moins lâche. Dans son étude le géographe précise également que la maison rurale traditionnelle présente deux dimensions : l’aspect « technique et matériel » et l’aspect « folklorique et mythique ». L’habitation rurale est influencée par l’environnement du lieu et les traditions. Il arrive que la maison soit davantage façonnée et identifiable par les rites et les traditions sociales que par l’aspect technique du bâti et inversement. Ainsi l’habitat rural repose sur ses matériaux, son type de construction et son rapport au « sens du lieu19». Il est également plus qu’un simple logement puisque le lieu de vie et le lieu de travail, en relation avec l’environnement, y sont présents. L’habitat rural s’est petit à petit transformé en un habitat isolé de son territoire. La population qui dépendait des ressources et du travail de son sol a évolué vers une population qui regarde davantage son territoire comme cadre de vie. Nous pouvons aujourd’hui l’observer dans la façon dont nos territoires « ruraux » sont aujourd’hui aménagés, habités. Les trois aspects définissant l’imaginaire rural (correspondant à une réalité ayant existé mais qui n’est plus) tels que le territoire, l’activité professionnelle et l’habitat étaient auparavant unis. Ces trois dimensions se sont peu à peu écartées, isolées les une des autres expliquant le changement de rapport entre l’habitat et l’habitant.

17 LEBEAU R., Les grands types de structures agraires dans le monde, éditeurs Masson et Cie, Paris, 1972. 18 DEMANGEON Albert, L’habitation rurale en France. Essai de classification des principaux types, annales de géographie, tome 29, n°161, 1920. 19 CAMPREDON Jean, Le sens d’habiter, Pour 2007/3 (n°195).

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L’intérêt des valeurs de durabilité, d’écologie, participent également à requalifier l’image de l’espace rural dans l’imaginaire collectif. La ruralité serait synonyme de liberté, de qualité de vie, la où là ville triomphe aujourd’hui par sa représentation du progrès. Ainsi cet inconscient collectif influence les trajectoires résidentielles des populations. Les territoires ruraux semblent être des lieux propices à la conservation des valeurs, des traditions.

Structure linéaire en épi

Structure rayonnante sur un point

Structure rayonnante sur un anneau

Figure 5 : Les formes de répartition de l’habitat rural 21


B- Le nouveau village - Un village composite -

Le nouveau village est tout autant désiré que le village traditionnel. Mais, entre les habitants « historiques », porteurs d’une mémoire et d’une certaine légitimité et les nouveaux arrivants, parfois motivés par des projets et des attentes nouvelles, il n’est pas toujours aisé de se comprendre. De même entre plusieurs générations ou des personnes ayant des parcours de vie différents, les rythmes, le rapport entre l’individu et la collectivité et les modes de vie peuvent varier et créer des tensions. Il arrive que ces tensions impactent la vie du village. Elles freinent alors les projets, participant à la détérioration du « vivre ensemble » sur une commune. Le nouveau village reste donc tout autant attrayant vis-à-vis du village dit traditionnel20. Celui-ci présente en effet des qualités, des vertus que les habitants des communes urbaines rechercheraient aujourd’hui. Le village offrirait une échelle plus adaptée aux relations humaines, serait plus propice à des formes de solidarité,… tout un tas clichés plus ou moins encore d’actualité viennent ainsi à l’esprit de nombreux individus, comme l’illustre la citations ci-après, issue des entretiens réalisés auprès de personnes originaires de différentes régions françaises. Ces souvenirs, cet imaginaire sont en même temps nourris par les médias qui à l’approche des congés notamment, montrent une réalité bucolique du village, différente de celle vécue la plupart du temps par les habitants à l’année21. Cette image peut en effet redevenir réalité dans les villages bénéficiant du tourisme où les fêtes et toutes autres initiatives culturelles sont alors plus nombreuses : le village traditionnel renaît alors le temps de quelques jours, entretenant le cliché d’un village qui, certes, pu exister autrefois. Cette image nostalgique, presque rabâchée, vient en contraste avec le monde actuel dans lequel nous vivons, synonyme pour beaucoup de bouleversements, d’efforts perpétuels.

« Aujourd’hui c’est différent car tous les villages ont grossi avec des gens qui viennent de l’extérieur pour manger et dormir le soir. Ils ne partagent pas la vie du village. Ils vont au supermarché pour faire leurs courses et repartent le matin à 7h. Ce n’est pas une critique ce que je dis, avant quelques uns faisaient ça mais pas tant que ça [...]. Les villages il y en a encore mais ce sont des petits villages qui ne se sont pas développés et qui meurent car les gens ne sont pas attirés, il n’y a pas de complexes sportifs… il y a toujours le clocher et la place de l’église… et la salle des fêtes : peu importe la taille donc, ce sont les symboles du village. L’autre jour je suis passé dans un village que je n’avais pas traversé depuis des années : des maisons à perte de vue, des lotissements, je ne reconnaissais pas. Tout a changé au niveau population mais ce qui n’a pas changé c’est la place de l’église, le clacher et la salle des fêtes. » A, 50 ans, originaire de Mazé (49), habitant à Angers (49) cf annexe 1

20 DUBOURG Philippe, « La ruralité est-elle archaïque ? », Métropolitiques, publié en octobre 2014. URL : http://www.metropolitiques. eu/La-ruralite-est-elle-archaique.html 21 LE GOFF Jean-Pierre, La fin du village. Une histoire française, éditions Gallimard, publié en 2017.

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24,5% population

27,5% 60 ans et plus

21,4% 20-39 ans

50% tertiaire 20% industrie 10% bâtiment 20% agriculture

4,4% agriculteurs dans la population active

16 millions de personnes

25% actifs

5,7 millions de personnes

Figure 6 : L’espace rural français en quelques chiffres Pourtant le village a évolué, il s’est transformé, de nombreux pavillons ont été construits aux abords des communes, changeant les entrées et modifiant les identités, du moins sociales et architecturales, des villages. Le rêve du village. Le rêve d’acheter son pain à la boulangerie. Chacun se représente le village comme une communauté. Or le village est devenu en trente ans une agglomération deux fois plus importante qu’elle ne l’était : « une banlieue campagnarde22», telle est l’expression employée par le philosophe et sociologue, Jean-Pierre Le Goff. L’échelle des revenus va à présent du très riche au plus modeste. Dans ces nouvelles conditions, qu’est-ce qu’être du village ? Les urbains qui rejoignent le village sont à la recherche d’un lieu où l’on pourrait prendre davantage son temps. Pourtant ces derniers arrivent avec leur agenda et les héritiers du « vieux village » le regrettent en même temps de souhaiter que leur terrain devienne constructible. Une fois leurs terrains vendus ils espèrent que les nouveaux arrivants ne s’y établissent pas afin de pouvoir se promener aussi librement qu’avant dans le village. De l’ancien village traditionnel on est passé à un village divisé, dans une France elle-même de plus en plus morcelée. Suite aux mouvements sociaux de 1968, plusieurs vagues de populations décident de changer leurs modes de vie et de partir s’installer en campagne. Ces populations sont pour la plupart jeunes et sensibles aux modes de vie alternatifs, à l’écologie. Les territoires ruraux connaissent une nouvelle augmentation de leur démographie dans les années 1990. Cette deuxième grande vague de population ne vient pas pour des questions idéologiques mais est surtout à la recherche d’un cadre de vie différent de celui de la ville, un cadre de vie « plus agréable ». Ces nouveaux habitants sont composés d’ouvriers mais aussi de professions intermédiaires, de cadres. Ainsi, la part des habitants en milieu rural, mais dont l’activité n’en dépend pas, s’est fortement accentuée. Cette deuxième vague a fait le choix du rural comme cadre de vie mais non comme mode de vie : « ils sont les habitants de la ville-nuage, mais aussi de la toile TGV23». Ces nouveaux habitants vivent ainsi davantage selon un mode de vie urbain de par leur utilisation des Technologies de l’Information et de la Communication, l’éducation donnée aux enfants, leur 22 23

LE GOFF Jean-Pierre, La fin du village. Une histoire française, éditions Gallimard, publié en 2017. VIARD Jean, Nouveau portrait de la France. La société des modes de vie, éditions de l’Aube, collection Monde en cours, 2012.

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activité professionnelle, leur extrême capacité de mobilité… D’autre part, le profil de ces nouveaux habitants n’est pas exclusif. Plus nous nous éloignons des centres urbains plus nous observons une évolution en ce qui concerne la catégorie socioprofessionnelle des nouveaux ruraux, les classes moyennes se trouvant les plus proches des pôles avec les classes modestes tandis que la part de retraités et de personnes sans emploi augmente dans les territoires les plus isolés. Le nouveau village est ainsi le produit d’une adaptation à la mondialisation24. Les représentations collectives du village traditionnel demeurent et le nouveau village devient alors pour partie le refuge de nombreux urbains se sentant exclus ou submergés par ce phénomène de globalisation. Cependant, ce refuge que constitue le nouveau village est à présent bien différent de l’image du village traditionnel, et le soutien que peuvent rechercher les nouveaux arrivants n’existe plus vraiment, du moins plus autant qu’avant. La plupart des villages ont aujourd’hui fortement augmenté leur démographie et sont à présent composés d’un métissage de plusieurs générations de populations. Certaines sont présentes depuis toujours, d’autres sont arrivées dans les années 1970 et en sont maintenant à la deuxième voire troisième génération d’habitants. Pour ces derniers le village était un véritable choix de vie. Enfin les tous nouveaux arrivants, de différentes natures, cherchent à s’intégrer, qu’ils subissent ou non la situation. Ce nouveau village est une évolution du village traditionnel initial. Le village s’est modernisé, l’agriculture s’est industrialisée, les exploitations se sont agrandies au profit d’autres, plus petites, qui disparaissent. L’illusion constituée par les représentations collectives du village peut engendrer une véritable déception pour les nouvelles populations venues s’installer en milieu rural. La chute du village commence avec tous ces nouveaux arrivants qui viennent rejoindre un village de rêve. Ils arrivent avec une certaine idée du village qui certes, a pu anciennement exister. De l’extérieur, quand ils s’y promènent ils y voient l’église, la place,… ils ont la sensation de revivre dans le passé. En réalité ce n’est pas un décors mais, lorsque l’on s’imprègne un peu du lieu, on s’aperçoit rapidement que derrière cela n’a plus grand chose à voir avec la collectivité villageoise. Sur ses affiches de 1981 lors de l’élection présidentielle, François Mitterrand se représentait devant un village. Cette affiche représente la persistance de cet imaginaire rural dans un pays en pleine industrialisation. Suite à son élection, beaucoup de travaux et d’infrastructures ont été réalisés dans les petites communes rurales. Cela a transformé la physionomie du village avec la construction de lotissements nouveaux. Des infrastructures notamment sportives et adaptées aux nouvelles populations ont vu le jour : des terrains de tennis, des salles de sport et le foyer qui vont ainsi se développer. A terme on considère une reconfiguration totale de la population et du village lui-même avec une fracture entre de nombreux nouveaux habitants, pour la plupart très centrés sur l’animation festive et culturelle d’un nouveau genre et une autre partie du village qui ne fuit pas. Cette fracture est à la fois sociale et culturelle. De l’installation de ces populations dans l’espace rural émerge une autre conception d’habiter. Cette manière d’habiter individualisée se base sur l’idée d’un lieu de repos et de loisir. A la différence de l’organisation de l’habitat traditionnel rural, les différents espaces de la maison ne sont pas répartis selon les différentes fonctions qu’elle accueille. Le rapport à la géographie du 24 DUBOURG Philippe, « La ruralité est-elle archaïque ? », Métropolitiques, publié en octobre 2014. URL : http://www.metropolitiques. eu/La-ruralite-est-elle-archaique.html

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Figure 7 : Affiche de campagne présidentielle du candidat François Mitterand en 1981

lieu, le rapport aux tracés existants se trouve en effet changé. L’habitat s’organise selon des objets synonymes de loisir et de détente tels qu’une télévision, une piscine, une balançoire ou autre. Le village est toujours là mais c’est la collectivité villageoise25 qui disparaît. En effet à l’intérieur d’un même espace géographique existaient le lieu d’habitations, le lieu de travail ainsi que l’espace de loisir. Cette configuration a petit à petit périclité. Aujourd’hui les différentes catégories sociales coexistent à l’intérieur de ce même espace sans forcément avoir les mêmes traditions, la même histoire. Certaines catégories sont absentes. Elles ont racheté certains propriétaires et viennent de temps en temps mais restent invisibles dans le village. D’autres catégories, aisées, ont su créer un lien avec les habitants. Ce n’est donc pas la catégorie sociale qui est en cause mais davantage le parcours de vie. Certaines catégories sont capables de parler à d’autres que la leur. Il existe également de nouveaux arrivants, plus modestes. Ils sont différents des personnes modestes d’avant qui gagnaient peu mais étaient fier de ne dépendre de personne, d’appartenir à un collectif dans le travail avec ses fêtes, ses traditions.

« Une culture qui n’est pas centrée sur l’œuvre mais sur une subjectivité en guise d’œuvre, qui s’expose26.» Jean-Pierre LE GOFF

D’anciens lieux emblématiques du village, comme certains commerces ou boutiques artisanales sont alors transformés en lieux culturels et changent ainsi d’âme. Deux univers se font face. Les héritiers du villages sont d’ailleurs quasiment minoritaires aujourd’hui dans la plupart des villages et les « nouveaux habitants » ont eu des enfants. Le marché est encore tout de même un lieu où l’on retrouve encore un mélange entre ces deux mondes... par ailleurs chacun vit, d’une certaine manière, dans l’entre-soi de sa catégorie sociale. 25 26

LE GOFF Jean-Pierre, La fin du village. Une histoire française, éditions Gallimard, publié en 2017. Émission France inter, Jean-Pierre Le Goff, émission sur l’ouvrage : « La fin du village, une histoire française », diffusée en juillet 2017.

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C- Les trois visages de la ruralité - Une ruralité panachée -

Au début du XXème siècle, l’économie rurale repose principalement sur l’agriculture. Après 1945, on assiste à une concentration économique des fermes et des exploitations par l’industrialisation et l’automatisation. La population chute et, au cours des années 1950 l’industrie nouvelle observe le besoin de recruter de la main peu qualifiée. L’activité agricole dégringole entraînant une baisse de l’emploi dans les territoires ruraux. Ce bouleversement vécu par le monde rural pose la question de sa reconversion économique. Cette économie dépend à présent principalement des emplois découlant de l’industrie. La première catégorie socio-professionnelle présente sur ces territoires est d’ailleurs représentée par les ouvriers. Les économies des régions se spécialisent également, suite à une progression de la tertiarisation des services. Enfin, le changement social expliqué précédemment met en place sur certains territoires une économie liée au tourisme, à la valorisation de la ruralité. Certains territoires néanmoins ne disposent pas de ce potentiel touristique et ne peuvent compter sur ce type d’activité pour se développer. Des inégalités se creusent alors entre les différents territoires, chacun tentant d’y pallier en mettant en place sa propre stratégie. Selon une étude lancée par la DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale) en 2011, trois grands types territoires ruraux sont actuellement présents sur le territoire français (figure 8). Les campagnes des villes, du littoral et des vallées urbanisées27, constituent le premier grand type de territoires « ruraux ». Il est défini par une forte croissance démographique depuis les années 1980, due à l’arrivée de nouveaux habitants. L’ensemble de ce territoire compte environ seize millions d’habitants soit 60 % des personnes habitant en dehors des villes ou métropoles, et est réparti sur près de 10 500 communes. Ce territoire vit pour la plupart grâce au dynamisme économique des villes autour desquelles ils se trouvent. L’étude permet de discerner trois groupes au sein de ce type de territoire. Les campagnes densifiées, de couleur marron sur la carte ci-contre, sont situées en périphérie des villes. Ces territoires connaissent une forte croissance en terme de nombre de logements résidentiels ainsi qu’une économie dynamique. Ils possèdent également un réseau de transports en commun particulièrement développé, un haut niveau de services et de commerces. L’environnement est marqué par un bâti morcelé et étendu. En orange, les campagnes dites diffuses selon l’étude de la DATAR, sont caractérisées par une « croissance résidentielle et dynamique économique diversifié27». Ces territoires sont implantés généralement en première couronne des villes de taille moyenne et en deuxième couronne des agglomérations principales. Les communes situées dans ces territoires présentent un nombre important d’activités industrielles cependant, bon nombre d’habitants possède un emploi éloigné de sa commune. Enfin, les « campagnes densifiées du littoral et des vallées », colorées en rose, disposent d’un très bon accès aux emplois et aux services. Les espaces dédiés à l’agriculture et l’eau façonnent et jouent un rôle prépondérant dans la constitution des paysages. La majorité des emplois est 27 L’Observatoire des Territoires. URL : http://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/observatoire-des-territoires/fr/typologie-g-nrale-des-campagnes-fran-aises

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Campagnes des ville, du littoral et des vallées urbanisées Densifiées, en périphérie des villes, à très forte croissance résidentielle et à économie dynamique Diffuses, en périphérie des villes, à croissance résidentielle et dynamique économique diversifiée Densifiées, du littoral et des vallées, à forte croissance résidentielle et à forte économie présentielle

campagnes agricoles et industrielles Sous faible influence urbaine

campagnes vieillies à très faible densité A faibles revenus, économie présentielle et agricole A faibles revenus, croissance résidentielle, économie présentielle et touristique A faibles revenus, croissance résidentielle, économie présentielle et touristique, très fort éloignement des services d’usage courant Hors champ (unités urbaines > 10 000 emplois)

Figure 8 : Typologie des espaces ruraux et des espaces à enjeux spécifiques

d’ailleurs tournée vers les secteurs touristiques et résidentiels. Pour l’ensemble de ces trois sous catégories de campagnes des villes, le paysage connaît une forte artificialisation. Les « campagnes agricoles et industrielles » représentent en jaune le deuxième grand type de territoire rural. Ce territoire compte 20 % de la population de l’ensemble des territoires dits ruraux et environ 10 500 communes, soit autant que le premier type décrit précédemment. « Les dynamiques économiques et démographiques y sont très contrastées et les territoires concernés profitent ou subissent les influences urbaines parfois très lointaines27». Le chômage

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touche fortement les populations, peu d’emplois se créent. La majorité des emplois sont de types industriels, agricoles ou agro-alimentaires. Les habitants profitent cependant d’un bon accès aux commerces et aux services. Le paysage est composé d’un tissu résidentiel lâche et de grands terrains agricoles. Finalement, l’étude se termine par un dernier grand type de territoire rural, celui des « campagnes vieillies, à très faible densité ». Comme nous avons pu le comprendre dans l’étude du nouveau village, ces territoires connaissent un regain de population ainsi qu’un métissage, un brassage entre les « héritiers » du village et les nouvelles générations d’habitants. Ces territoires dénombrent environ 5,2 millions d’habitants, soit l’équivalent des vingt derniers pourcents restants vis-à-vis des deux autres grands types de territoires ruraux. Ce type est alors composé de 12 884 communes classées dans trois catégories distinctes. Tout d’abord, une première catégorie remarquable en vert foncé situe les campagnes à faibles revenus, vivant majoritairement sur une économie provenant de l’activité agricole. Les communes ne comprennent que peu d’habitants et se situent à l’écart de l’influence des grandes agglomérations. Plus de la moitié de ces communes bénéficient d’un solde migratoire positif et donc d’une évolution démographique favorable. La baisse démographique de certaines communes est principalement due à un déficit naturel. Un quart des actifs sont employés dans les filières agricoles ou de l’agro-alimentaire. L’ensemble de ces territoires reste peu construit et peu artificialisé. Ensuite viennent les campagnes à faibles revenus, représentées en vert clair. A la différence des précédentes elles vivent notamment grâce au tourisme et à une économie présentielle. Les communes appartenant à cette classe présentent une faible densité et sont implantées dans un environnement très rural, généralement composé de prairies et de forêts, éloigné des métropoles. 75 % de ces communes connaissent néanmoins un accroissement de leur population, notamment grâce à un solde naturel positif et à de nouveaux habitants venant s’installer. Enfin une dernière catégorie vient compléter ce dernier grand type de territoire rural. Il s’agit de territoires à faibles revenus, rencontrant une croissance résidentielle et vivant d’une économie présentielle et touristique dynamique. Ces territoires sont repérables en bleu sur le document joint de la DATAR. Ces campagnes se situent à l’écart des services de base et sont le plus souvent situées sur des espaces difficiles d’accès. La population y est vieillissante bien que sa démographie augmente discrètement. Ces territoires profitent de la qualité de leurs paysages et l’économie est toutefois favorable en raison d’un tourisme très développé. Les personnes actives ont ici en général un bon niveau de qualification néanmoins le travail à temps partiel et le chômage sont aussi très réels.

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Gehry Franck, date inconnue, croquis


- II Quelles typologies d’initiatives pour la transformation des villages, des territoires ?


A- Les « rural labs » entrent en campagne

- Le cas de Mauléon-en-Soule, Pyrénées-Atlantiques Une transformation par l’espace

Nous prenons ici l’exemple du projet Fenics (Filière Économique Nouvelle pour l’Innovation dans la Construction et le Social), agissant à l’échelle du département des PyrénéesAtlantiques. Ce projet est né d’une observation à l’échelle départementale, également visible à l’échelle nationale, à savoir la désertification des centres des villages. Différents acteurs, élus, experts, techniciens, habitants, vont alors réfléchir à des moyens pour résoudre cette problématique sur quatre communes existantes. Ici Fenics tisse un aller-retour entre l’échelle du village et celle du département.

Figure 9 : Quatre sites d’actions du projet Fenics, département des Pyrénées-Atlantiques Fréquemment les communes rurales sont confrontées à une perte d’attractivité de leur centre, à une dévitalisation. Les cœurs de villages se dégradent et les bâtiments souvent anciens et issus d’un mode de construction antérieur présentent des difficultés à s’adapter à l’évolution de nos modes de vie. Les travaux de rénovation et de réhabilitation restent la plupart du temps coûteux et c’est ainsi que des nappes de logements se construisent et s’étendent en périphérie. Pourtant la demande existe, des personnes âgées souhaitent à Mauléon-en-Soule (figure 9) profiter de la vacance de certains logements du centre pour venir se rapprocher des services de la commune. Ces bâtiments sont cependant souvent trop grands et ne sont pas, à ce jour, adaptés à cette demande. D’autre part, les investisseurs, qu’ils soient publics ou privés sont refroidis par l’absence de modèle économique de projet pour se lancer dans ce type d’opération. Pourtant l’aptitude de ces communes à reconquérir ces constructions anciennes et dégradées du centre

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Figure 10 : Le centre de village de Mauléon-en-Soule constitue un enjeu majeur pour leur développement et leur attractivité territoriale. C’est ici que vient s’inscrire le Projet Fenics, porté par le département des PyrénéesAtlantiques. Il va ainsi faire naître « un écosystème d’innovation pour performer le modèle économique et l’attractivité de ces opérations de réhabilitation »28. Fenics vise dans un premier temps à rassembler et organiser des experts dont les rôles seront complémentaires. Ces derniers auront pour mission de faire émaner de nouvelles solutions tant au niveau des choix techniques, qu’au niveau de la participation des habitants, du montage financier et juridique. Tout est donc à inventer… et à tester. L’objectif est ici de maîtriser l’ensemble de la chaîne de production et audelà. Toute « la chaîne de valeur du processus » est à prendre en compte autrement dit, en plus de maîtriser la viabilité du projet, les experts doivent également dédier une part importante de leur étude sur les problématiques d’intégration urbaine par exemple, de qualité architecturale, ou encore d’appropriation sociale,… Le département des Pyrénées-Atlantiques est le maître d’ouvrage de l’opération et associe ses compétences en ingénierie territoriale à deux équipes ayant signé un partenariat avec le dispositif Fenics. La première étudie la rénovation du bâti ancien et est constituée par des ingénieurs et architectes du Pays Basque. L’autre équipe se concentre sur des propositions nouvelles de montages financiers et de modes d’organisation sociale et se compose d’économistes, de juristes, de sociologues. L’agence d’urbanisme Atlantique et Pyrénées ajoute également son expertise du territoire à l’ensemble. 28 Fenics pour la transition urbaine des territoires ruraux, mission d’animation via l’usage de l’audiovisuel, 2015. URL : http://lamarche-citoyenne.fr/static/DOC/Appel%20%C3%A0%20projets%20CCA%20-%20FENICS.pdf

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Figure 11 : évolution démographique au sein de la commune de Mauléon-en-Soule Le programme national « Territoires catalyseurs d’innovation » soutient le projet Fenics. Parmi les onze projets sélectionnés par l’État, il est le seul à proposer une ambition aux territoires ruraux. L’État finance ainsi, via le fonds national d’aménagement et de développement des territoires, 52 % du coût total de l’opération qui s’élève à 1,2 million d’euros29. Des bâtiments démonstrateurs de différentes nature vont être choisis au sein de chaque village et faire l’objet d’une rénovation. Ainsi seront par exemple rénovés un château dans la commune de Tardets, un ancien presbytère à Bedous, une maison à Ustaritz et enfin l’îlot Etchegoyen à Mauléon-en-Soule. Le dispositif Fenics est alors présent pour aider chaque village à opter pour la meilleure conversion de ces bâtiments. Les villages de Mauléon-en-Soule et de Tardets dépendent de la même communauté de communes. Ils s’engagent tous deux à l’échelle de la province historique de Soule. Nous nous intéressons plus précisément dans cette étude au cas de Mauléon-en-Soule. Cette commune a connu son développement économique au XIXème siècle lorsqu’elle fusionne en 1841 avec Licharre, une commune voisine. Ainsi Mauléon-en-Soule s’industrialise et sa population augmente passant d’un millier d’habitants à 4 800 environ. La confection artisanale puis industrielle de l’espadrille, produit local, va placer la commune au rang de capitale de l’espadrille. Plusieurs usines et maisons bourgeoises émergent et enrichissent Mauléon. Avant les années 1980, la confection de l’espadrille occupait deux mille employés au sein du village. La vie de la commune a également été marquée par l’arrivée de nombreux migrants espagnols. Ceux-ci ont participé à la vie locale de Mauléon de par leur présence dans les espaces publics ainsi que dans les bars du centre. La chute de l’industrie de l’espadrille a fortement modifié la vie et l’image du centre de la commune. L’économie s’est déplacée en périphérie, tout comme les zones d’habitation, qui se sont principalement implantées le long des axes de transport. Aujourd’hui la commune compte un peu moins de trois mille habitants. La majorité de la population vit en effet de la fabrication de sandales, bottes ou sabots en caoutchouc. L’autre partie importante de l’économie du village est tournée vers les pâturages, l’élevage.

29 Auteur inconnu, Les « rural labs » entrent en campagne, Le 64, date inconnue. URL : http://www.le64.fr/fileadmin/mediatheque/cg64/ documents/actualites/FENICS/mag64n72p20-21.pdf

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En 201530, cent-quinze logements du centre se retrouvent vacants et des habitations dotées de terrains de grande superficie apparaissent en bordure de commune. Les nouveaux habitants s’installant à Mauléon viennent ici dans l’espoir de devenir propriétaire d’une maison et d’un jardin. La forme de l’habitat pavillonnaire est à présent privilégiée vis-à-vis de l’habitat du centre-bourg. Même si la majorité des commerces de la rue commerçante historique se déplacent alors en périphérie et vers les axes de communication, le commerce se maintient tout de même encore au sein du village grâce à la démographie vieillissante de la commune : de nombreuses personnes âgées se rapprochent ainsi du centre-bourg attirées par la proximité des services. Cela a bouleversé la circulation à l’intérieur du village et les hôtels et les bars ont dû fermer leur activité. Si Mauléon est également reconnu pour son dynamisme dans le domaine associatif, les espaces publics y sont de plus en plus délaissés, et l’évolution de la vie du bourg tend davantage vers « des pratiques plus individuelles et privées30». Tous ces changements ont fini par impacter fortement la circulation à l’intérieur du bourg, puisque le centre joue toujours un rôle centralisateur de toutes les activités administratives et économiques. Ainsi on retrouve au sein de la commune des soucis de stationnement et de déplacements. Actuellement Mauléon présente une autre grande problématique liée au thème de l’habitat. En effet la commune offre peu de biens disponibles à l’accession à la propriété. D’autres part, de nombreux logements à rénover restent inoccupés et demeurent non adaptés à la demande actuelle : la population vieillissante aspire par exemple à des logements adaptés à leur condition, tandis que les nouveaux ménages ou les personnes seules recherchent des logements libres en location. Le terrain viabilisé s’épuisant, la stratégie de Mauléon est alors de rénover l’habitat existant au sein du bourg et de stopper son développement en périphérie. Les maisons sont pour la plupart traditionnelles et difficiles à adapter aux nouveaux modes de vie. Les rénovations sont onéreuses et induisent la construction de logements neufs à l’extérieur de la commune. Selon le magazine 64, « la capacité des communes rurales à relever le défi de cette reconquête urbaine est un enjeu premier de développement et d’attractivité territoriale30». Le département des Pyrénées-Atlantiques a alors entrepris la création du projet Fenics. Celui-ci a pour ambition de réhabiliter les centres-bourgs grâce à des solutions nouvelles, aussi bien sur le plan technique que sur celui de l’organisation humaine. Le projet s’appuie sur deux axes : l’un social l’autre économique. Il prend en compte la conception de montages financiers participatifs, le développement de modes de financement alternatifs et solidaires. Fenics souhaite rénover les bâtiments abandonnés du centre de la commune afin qu’ils puissent rouvrir leurs portes. Ces bâtiments seront « chauffés collectivement au bois ou par l’énergie solaire, les murs seront isolés par des matériaux biologiques issus de productions locales ou construits à partir de produits recyclés30». L’éclairage se fera par captation de la lumière naturelle extérieure grâce à système de fibre optique. Tous ces éléments présentent les résultats attendus du projet Fenics. Les premières réalisations devraient voir le jour en 2018. Il s’agit d’un programme de revitalisation des centres de communes rurales sur quatre sites, pour un laboratoire rural expérimental. Le projet Fenics fait de l’innovation son fil conducteur de l’élaboration du projet jusqu’à la réalisation. D’une part l’innovation va venir de la technique. Dans chacun des quatre villages 30 URL : FENICS pour la transition urbaine des territoires ruraux, Pyrénées-Atlantiques le département. Publié en 2015. URL : http:// lamarche-citoyenne.fr/static/DOC/Appel%20%C3%A0%20projets%20CCA%20-%20FENICS.pdf

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Evaluer les besoins du territoires POUR Concevoir des pistes d’innovation au sein de chaque commuanuté d’experts

Expérimenter ces produits sur les « rural labs » L’avancement est suivi par les équipes d’experts

Réunir les conditions du partage et de la diffusion des résultats du projet

PHASE 1

PHASE 2

PHASE 3

Figure 12 : Le projet Fenics en trois grandes phases retenus pour le projet, de nouvelles méthodes de réhabilitation vont être éprouvées sur un bâtiment témoin. « Le bâti ancien possède souvent des qualités intrinsèques bien meilleures que des constructions plus récentes. A l’encontre des idées reçues, il est donc possible de faire de la rénovation de qualité, avec des coûts maîtrisés30», remarque l’un des partenaires du projet, Frédéric Betbeder, ingénieur en bâtiment du centre de ressources technologiques Nobatek. L’innovation sera, d’autre part, sociale. Elle doit prendre forme grâce à de nouveaux modes de financement et de coopérations. Fabienne Pinos, consultante-chercheuse chez Ellyx, explique qu’ils travaillent « sur deux axes, l’un social, l’autre économique. A partir d’un regard neuf, nous sommes là pour trouver les moyens de pourvoir aux besoins des populations30». La société Ellyx est partenaire du projet et est experte dans la génération de nouveaux modèles de développement local. Elle élabore par exemple des montages financiers participatifs et développe des modes de financement alternatifs et solidaires. Faciliter l’accession à la propriété pour les populations jeunes à travers des modes collectifs serait une forme d’innovation sociale, ou encore l’accompagnement des personnes âgées seules qui désirant se rapprocher du centre de la commune. Les habitants du territoire sont dès le commencement associés au projet et ont la possibilité de participer à des ateliers de réflexion ouverts dans chacune des communes. Les artisans des communes concernées sont également invités à participer à la maîtrise d’œuvre des bâtiments sélectionnés. Fenics touche ainsi à un autre aspect innovant : la transmission des spécificités de chacun et de son savoir-faire. Un « feuilleton » est également organisé autour du projet afin de garder une trace des différentes étapes de la mise en place du dispositif. La société coopérative de production audiovisuelle souhaite également sensibiliser les jeunes à l’opération en leur offrant la possibilité de s’investir dans la réalisation de petits films dans le cadre de stages. Les habitants sont aussi invités à tourner eux-mêmes sur des sujets qu’ils souhaiteraient mettre en valeur ou qui leurs posent question. L’objectif ultime de cette opération est surtout la fédération des acteurs locaux autour d’un même projet qu’est celui de la survie des centres des communes rurales. Outre cette rencontre entre les différents acteurs, il y a aussi l’idée de pouvoir reproduire une chaîne d’action, elle-même décortiquée afin de pouvoir rendre compte des difficultés, des obstacles, des leviers apparus au fur et à mesure du processus. Le projet est en effet segmenté pour permettre d’emmagasiner l’ensemble des informations relatives à chaque étape de Fenics. Le dispositif diffusera ensuite

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UNE ANIMATION : UN PILOTAGE : - Technique et politique - Interne (au département) et partenariale (en lien avec les territoires et les experts mobilisés)

- Globale du projet (maintenir l’approche partenariale et participative du projet) - Territoriale (pour soutenir la démarche et favoriser la participation des habitants sur les besoins et les orientations du projet)

UNE LOGIQUE D’ESSAIMAGE DES RESULTATS : - Mise en réseau des acteurs du projet - Audiovisuel participatif - Colloques - Visites

Figure 13 : Principes et objectifs devant être poursuivis durant le dispositif les résultats tout au long de son avancement via des films, des conférences, des publications ou encore via des plates-formes collaboratives). Ainsi par ce travail de médiation le projet pourra s’enrichir et mobiliser a posteriori les réseaux scientifiques nationaux et européens. Ce souhait d’alimenter réciproquement la recherche et l’action doit permettre de rendre le pilotage du projet davantage malléable au regard de l’avancement des différentes étapes du projet, étalées sur quatre années. Les outils de communication mis en place par le projet Fenics visent également à palier les difficultés d’échanges pouvant avoir lieu entre les acteurs issus de champs, d’approches et de cultures distincts. Tous ont bien évidemment des objectifs et un vocabulaire différents, parfois intrinsèques à leur expertise, à leur structure. Le dispositif d’animation permettra aux différents acteurs engagés de se rencontrer, de se comprendre, afin de coopérer dans une même ambition. L’idée du dispositif Fenics est que cette expérience puisse ensuite être appliquée ailleurs. Ainsi, l’hypothèse est faite que la démarche menée sur un territoire et sur la problématique de la réhabilitation puisse fonctionner sur d’autres territoires limitrophes voire des territoires plus « lointains » à condition que le projet soit défini selon le territoire de projet et ses spécificités.

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B- Territoires zéro chômeur de longue durée - Le cas de Mauléon, Deux-Sèvres Une transformation par le processus

Figure 14 : Vue de la commune de Mauléon depuis le parc du château

Figure 15 : évolution démographique de la commune de Mauléon Mauléon est une commune de 8 600 habitants (figure 15), située au nord du département des Deux-Sèvres, appartenant à présent à la région Nouvelle-Aquitaine. Le village connaît une forte augmentation de sa population en 1975, suite à sa fusion avec plusieurs communes alentours. Une baisse de la démographie est ensuite enregistrée dans les années 1990 qui s’explique par le retrait de la commune de Saint-Amand-sur-Sèvre en 1992. Depuis le début des années années 2000, la commune a accueilli mille habitants supplémentaires31. Mauléon connaît en 2016 un taux de chômage de 6,7 %, en dessous de la moyenne nationale. Mauléon fait partie des dix territoires sélectionnés (figure 16) pour expérimenter le projet « Territoires zéro chômeur longue durée » pendant 5 ans, selon la loi de février 201632. 31 « Mauléon, Deux-Sèvres », Wikipédia. URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Maul%C3%A9on_(Deux-S%C3%A8vres) 32 LOI n° 2016-231 du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, Légifrance. URL : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032134592&categorieLien=id

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Figure 16 : Les dix territoires expérimentaux retenus en France

Figure 17 : Avancement de la constitution du comité local sur chacun des territoires

La commune est aujourd’hui devenue une vitrine pour les autres territoires souhaitant se lancer dans la deuxième vague de l’expérimentation. Ce dispositif a pour but d’identifier le nombre de chômeurs ainsi que les besoins non satisfaits sur un territoire. A la suite de cela, le programme va tenter de créer de petites entreprises et ainsi participer à la revitalisation d’un village, d’une partie de territoire, voire d’un territoire entier, et d’autre part éviter le gâchis actuel de main d’œuvre. Après évaluation, le projet sera normalement étendu grâce au vote d’une seconde loi. Les chômeurs de longue durée sont les demandeurs d’emploi inscrits depuis plus d’un an à Pôle emploi. Ils étaient 2,47 millions au 31 décembre 201533. Ainsi deux-cent chômeurs de longue durée sont sensés obtenir de nouveau un emploi sur le territoire mauléonais. Cet emploi en CDI sera rémunéré à hauteur du SMIC grâce au transfert des fonds qui financent aujourd’hui les aides sociales des demandeurs d’emploi. Après le recensement du nombre de chômeurs ainsi que l’analyse des besoins du territoire, certains d’entre eux aideront des personnes à mobilité réduite ou bien ayant besoin d’une aide à domicile. D’autres personnes seront chargées de la préservation de l’environnement et du patrimoine local. Le projet qui peut sembler être complètement utopique d’un premier abord, est petit à petit en train de se transformer en réalité. En effet le programme initié par Patrick Valentin de l’association ATD-Quart Monde (Agir Tous pour la Dignité), a notamment été défendu par Laurent Grandguillaume, alors député parti socialiste de la Côte d’Or sous le gouvernement de François Hollande. Un texte de loi a donc été approuvé en février 2016 et ainsi une dizaine de territoires peuvent désormais entamer l’expérimentation sur une durée de 5 ans.

Le programme vise en priorité les personnes les plus touchées par le phénomène du

33 « Cinq chiffres inquiétants sur le chômage », Francetvinfo, 2016. URL : https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/chomage/cinqchiffres-inquietants-sur-le-chomage_1288075.html

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Dépenses liées à l’emploi (17%) (Allocation spécifique de solidarité, Aide au retour à l’emploi...)

Manque à gagner (33%) en impôts et cotisations sociales

Coûts indirects (25%) Dépenses induites par les conséquences sociales du chômage dans les domaines du logement, de la santé, de la sécurité, de la protection de l’enfance...)

33 milliards d’euros C’est le chèque que fait la Nation chaque année pour financer la privation d’emploi.

Dépenses sociales (25%) (RSA, Allocation Adulte Handicapé, Allocation logement...)

Figure 18 : Détail des coûts liés à l’absence d’emploi en France chômage et à Mauléon, 90 personnes se sont rapidement présentées en tant que volontaires. Une des questions importantes pour le maire divers droite de Mauléon, était de réussir à maintenir un certain équilibre en évitant d’entrer en « concurrence avec les emplois existants du secteur privé34.» L’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » s’appuie sur différents principes fondamentaux. Tout d’abord, aucune personne n’est inemployable35. Chacun peut occuper un emploi utile et adapté à soi. Le défaut d’emplois concerne entre deux et trois millions36 de personnes malgré l’existence de nombreux besoins non satisfaits sur le territoire français. Certains travaux ne sont en effet pas ou plus effectués, du fait de leur faible solvabilité. D’autre part, le nombre massif de personnes sans emploi entraîne un coût de trente-six milliards d’euros pour la société, englobant à la fois des dépenses de types directes telles que les allocations chômage ou la formation professionnelle et d’autres dépenses de types indirectes. « Territoires zéro chômeur de longue durée » se donne l’objectif de fournir un emploi à l’intégralité des chômeurs de longue durée présents sur le territoire donné. Aucun recrutement n’est lié à une sélection préalable. Le travail soumis est proposé à temps complet ou bien à temps partiel en fonction du besoin des personnes et les nouveaux salariés sont protégés par un contrat à durée indéterminée. Ce nouvel emploi est surtout l’opportunité pour les habitants du territoire d’accroître leurs chances d’être recrutés plus tard dans une entreprise « classique ». Cette initiative doit être vue comme un tremplin, comme une occasion de développer de nouvelles compétences et de bénéficier d’une formation continue. D’autre part, l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » vise à ne pas menacer les autres activités déjà présentes sur le territoire. En effet le but n’est pas de venir créer une concurrence déloyale qui engendrerait une fermeture des 34 Soulé Véronique, « à Mauléon, Territoires zéro chômeur de longue durée fait renaître l’espoir », ATD Quart Monde, 2016. URL : https://www.atd-quartmonde.fr/a-mauleon-les-chomeurs-ont-repris-espoir/ 35 Soulé Véronique , « Territoires zéro chômeur de longue durée se lance à Paris », ATD Quart Monde, 2017. URL : https://www. atd-quartmonde.fr/territoires-zero-chomeur-de-longue-duree-se-lance-a-paris/ 36 Landré Marc, « Difficile adéquation des offres et demandes d’emploi », Le Figaro économie, 2012. URL : http://www.lefigaro.fr/ emploi/2012/05/10/09005-20120510ARTFIG00673-difficile-adequation-des-offres-et-demandes-d-emploi.php

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Figure 19 : Principe général du programme « Territoires zéro chômeur de longue durée » entreprises et donc une fragilisation du tissu économique de la région mauléonaise. Les nouveaux emplois seront en relation avec des besoins non satisfaits jusqu’à ce jour, correspondront à des travaux que les entreprises classiques n’effectuent pas pour cause d’une rentabilité insuffisante. Le projet de « Territoires zéro chômeurs de longue durée » se développe selon quatre phases37. La première phase consiste à relever et identifier les demandeurs d’emploi du territoire. En parallèle, un travail d’authentification des besoins non satisfaits est effectué par les structures 37 Manuel d’expérimentation, Territoires zéro chômeurs, 2016. URL : https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/ sites/regions_france3/files/assets/documents/brochure_0.pdf

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implantées sur le territoire. La troisième phase porte sur le suivi de l’expérimentation tandis que la dernière phase concerne l’habilitation de la collectivité par l’État et l’émergence d’une ou plusieurs Entreprises à But d’Emploi (EBE)38. Ces EBE sont en partie créées grâce aux fonds d’expérimentation. Selon différentes échelles plusieurs organisations s’articulent les unes aux autres. Le dispositif est constitué du fonds d’expérimentation pour l’emploi à l’échelle nationale tandis que ce sont les EBE ainsi que le Comité Local qui agissent à l’échelle locale. Le fonds d’expérimentation sert dans un premier temps à financer une partie du salaire des futurs salariés39. Il possède la compétence d’habiliter les collectivités sélectionnées pour l’expérimentation. Une méthodologie est alors étendue à l’ensemble des territoires concernés. Le fonds se trouve financé par l’État, les collectivités territoriales, des organismes publics ou privés engagés dans la démarche. Cette manne financière constitue un socle destiné à alimenter le commencement de l’expérimentation. Au fur et à mesure de la progression du processus de revitalisation « Territoires zéro chômeur de longue durée », les salaires seront pris en charge par toutes les collectivités territoriales et organismes publics profitant des bénéfices et de l’activité générée par les nouveaux salariés. Le salaire des nouveaux salariés étant l’équivalent du SMIC, 70 % du montant est couvert par le fonds. Le reste est alimenté par la recette générée par la ventes des services accomplis, des biens réalisés sur le territoire. Ainsi les bénéfices des EBE sont utilisés pour compléter la rémunération des salariés. Le pilotage du projet est lui assuré par le Comité Local. Ce comité est un collectif qui rassemble et représente les acteurs du territoire engagés dans l’expérimentation. Il est chargé de recenser les demandeurs d’emploi ainsi que leurs compétences. Il étudie en parallèle les activités qui pourraient être créées sur le territoire grâce à l’établissement d’un diagnostic. Par la suite, le comité a pour rôle de juger ou non du caractère concurrentiel des nouveaux emplois avec les activités existantes préalablement sur le territoire. De manière générale le Comité Local est chargé de l’animation, de la communication du projet à travers le territoire de façon à fabriquer une cohésion entre les acteurs institutionnels, industriels, et créer une énergie positive. Enfin les Entreprises à But d’Emploi engagent au fur et à mesure les chômeurs de longue durée qui lui sont présentés et qui ont été répertoriés par le Comité Local. Ce sont des entreprises indépendantes qui ont signé une convention avec le Fonds d’Expérimentation et le Comité Local. Ces structures ne produisent donc pas seulement des biens et des services mais aussi de l’emploi. Une fois embauchés, les salariés peuvent bénéficier d’une formation à l’intérieur même de l’entreprise. Ces personnes demeurent employables pour être engagées dans une entreprise « classique » à condition qu’elles se sentent intégrées dans leur nouvelle structure. Dans le cas contraire elles peuvent revenir au sein de l’EBE de la même manière qu’elles y sont entrées. Ce dispositif expérimental « Territoires zéro chômeurs de longue durée » est bien évidemment soumis, durant les cinq années de l’expérimentation, à un contrôle. Un comité scientifique détient en effet la mission de mesurer « les effets de l’expérimentation sur la situation globales des territoires en matière d’emploi, de qualité de vie, d’inégalités et de développement durable40». L’étude des effets de l’expérimentation va ainsi permettre de mesurer l’impact du dispositif sur un territoire et sur un temps donnés. Les observations vont porter sur la baisse du nombre de chômeurs de longue durée, sur la viabilité économique de l’initiative, sur le 38 MOUILLON Emmanuelle, Le goût de l’emploi retrouvé, Mémoire en Conduite de Projets & Développpement des Territoires, Nancy, 2017. URL : http://docnum.univ-lorraine.fr/public/BUS_M_2017_MOUILLON_EMMANUELLE.pdf 39 111 Loi n°2016-231 du 29 février 2016, op. cit. 40 HUSSON Séverin, « Territoires zéro chômage : l’expérimentation peut commencer », La Croix, 2016. URL : https://www.la-croix.com/ Economie/Social/Territoires-zero-chomage-experimentation-peut-commencer-2016-07-28-1200778821

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développement économique des structures locales, sur la qualité de vie des habitants et sur l’impact global sur l’environnement. Afin de pouvoir espérer une généralisation de l’initiative à l’ensemble du territoire français, voire au-delà, l’expérimentation doit valider un certain nombre d’objectifs fixés à la fin des cinq années données. Mauléon s’est d’ores et déjà engagée dans sa première mission qu’est l’identification des futurs salariés ainsi que de leurs futurs emplois : la commune s’entretient avec chaque personne étant au chômage afin de mieux connaître leurs envies, leurs compétences, savoir-faire, savoirêtre... Finalement, le programme va à l’inverse du fonctionnement de l’organisme de Pôle emploi, et crée des missions en fonction des besoins de la commune, en fonction des souhaits et des compétences des demandeurs d’emploi. Un des objectifs principaux de ce projet est d’« être une passerelle vers le monde du travail » (Jean Grellier, député parti socialiste des Deux-Sèvres). « Territoires zéro chômeur de longue durée » est en effet l’occasion pour ces chômeurs de renouer petit à petit vers un travail classique. La commune s’engage à procurer un travail aux 90 personnes volontaires dans un délai de neuf mois maximum. Un chef d’entreprise de vente de meubles imagine par exemple pouvoir créer des missions d’inventaires ou de gestion de mails. Le maire lui pense à un horticulteur qui rechercherait quelqu’un pour entretenir ses plants. Il réfléchit également à une aide pour la réalisation de travaux au sein de Mauléon. Beaucoup de personnes se sentent ainsi concernées par cette démarche et s’impliquent dans la recherche et dans l’élaboration de nouveaux emplois. La plupart de ces missions est d’ailleurs réservée aux services à la personne. Des besoins existent en effet pour effectuer le tri sélectif, réaliser et accompagner les personnes pendant des sorties. Dans une structure accueillant des personnes âgées, certains loisirs des résidents sont aujourd’hui limités à cause du manque de financement et de bénévoles disponibles. Faire appel à des salariés de l’EBE peut aussi être une solution pour cette résidence afin d’accompagner des sorties ou bien faire des courses. Bernard Arru, porteur du projet au sein de la commune de Mauléon est d’autre part pilote de l’entreprise d’insertion « Les Ateliers du Bocage ». Grâce à son expérience auprès d’Emmaüs ainsi que de l’entreprise d’insertion précédemment citée, il se trouve très proche du milieu associatif de la commune. Ensemble ils réfléchissent à la façon dont l’initiative pourrait compléter le travail actuel des bénévoles de Mauléon. Le directeur du centre socioculturel du pays mauléonais souligne le fait qu’un grand nombre de personnes seules et âgées n’ouvrent plus leurs volets : « Même la solidarité de voisinage ne répond pas toujours à ça. Certaines personnes restent des heures avec leurs volets fermés. Et si l’un des salariés de l’EBE prenait le relais ?41» Bernard Arru, 2016 Des missions de logistiques peuvent également être mises en place : le centre socioculturel suggère des missions simples que les employés ne peuvent aujourd’hui pas prendre en charge comme : la pose d’une étagère, la réalisation d’une bibliothèque, etc... La communauté Emmaüs 41 Pasquesoone Valentine, « L’Angle éco. Mauléon s’invente un avenir sans chômage de longue durée », Francetvinfo, 2016. URL : https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/l-angle-eco-mauleon-sinvente-un-avenir-sans-chomage-de-longue-duree_1373859.html

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ajoute elle aussi quelques idées comme la collecte du compost, du travail de manutention, de menuiserie… L’ESIAM (l’Entreprise Solidaire d’Initiatives et d’Actions Mauléonaise) constitue l’EBE de Mauléon. Quinze ex chômeurs de longue durée ont participé à la construction de l’entreprise et ils sont aujourd’hui quarante-sept à y travailler. Plusieurs prestations en lien avec différents domaines sont offertes par l’ESIAM. L’EBE propose par exemple des services de tri de déchets, des services de transport pour les personnes âgées, des remplacements d’aides à domicile, du personnel disponible en laverie pour les chambres d’hôte, des services de remplacement ou de surveillance au sein des écoles, des visites guidées de la commune qui accueille chaque année près de 400 visiteurs. L’EBE met également à disposition ses employés envers des entreprises partenaires locales ayant des difficultés à trouver de la main d’œuvre42. Le président de l’Entreprise à But d’Emploi ESIAM souhaite également créer de nouveaux en profitant de la proximité du Parc du Puy du Fou, situé à vingt minutes en voiture, pour rouvrir le camping municipal de la commune. Mauléon étant déjà labellisé « Village Étape », la réouverture de ce site permettrait de bénéficier davantage du tourisme régional.

Figure 20 : La philosophie du dispositif expliqué via la bande dessinée 42 Auteur inconnu, « Territoire Zéro Chômeur : une utopie ? Non, la réalité ! », Région Nouvelle Aquitaine actualités, 2017. URL : https:// www.nouvelle-aquitaine.fr/toutes-actualites/territoire-zero-chomeur-utopie-non-realite.html

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C- Territoires en transition

- Le cas de « Gironde en transition » La communication comme catalyseur de nouvelles actions

Le mouvement « Gironde en transition » est lui-même issu d’un mouvement social lancé en Grande-Bretagne par Rob Hopkins, professeur en permaculture. « Territoires en transition » rassemble en effet des groupes d’acteurs animant une initiative de transition. Depuis 2006, le mouvement s’est étendu au niveau international et compte à présent des centaines d’initiatives. « Territoires en transition » est un mouvement qui se veut défendre une vision de l’avenir optimiste, et souhaite absolument transformer la société actuelle. Il ne concerne pas l’individu seul ou un gouvernement, mais plutôt une communauté. L’action ne doit en effet pas venir seulement des gestes de chacun au quotidien, ni des lois43. Le mouvement offre la possibilité aux personnes de trouver des solutions sensées à une échelle appropriée, et de ne surtout pas se limiter à des réponses individuelles chez soi ou à une réponse qui proviendrait de l’échelle nationale par le gouvernement. Ici le mouvement souhaite mettre en avant un niveau d’action intermédiaire, celui des communautés. La sensibilisation des publics peut alors prendre plusieurs formes telles que des conférences, des articles de presse, des projections suivies de conférences et débats ou encore divers événements. Le but est ainsi d’intéresser un public le plus large possible, afin qu’il puisse s’exprimer sur les problématiques actuelles et qu’il évite ainsi de tomber dans une forme de déni ou de dépression. Le nom du mouvement initial, « Territoires en transition », évoque de lui-même cette envie de faire en sorte que chacun des territoires s’approprie le nom de ce mouvement. Chaque territoire peut en effet se sentir concerné, à sa façon, sur les choses qu’il souhaite encourager, améliorer ou bien changer. Chaque territoire, chaque lieu peut ainsi devenir un espace d’expérimentation.

Figure 21 : Couverture du manuel

Figure 22 : La frontière invisible

de la transition par Rob Hopkins

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Auteur inconnu, « Initiative de transition », Ekopédia, 2012. URL : http://ekopedia.osremix.com/Ville_en_transition/

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Figure 23 : Catalyser une énergie présente sur le territoire Cependant, que s’agit-il de démontrer ? La plupart des actions se placent plutôt dans des principes plutôt que dans un projet politique. Chacun à son échelle est engagé localement dans un combat. Les idées que les personnes expriment, appliquent et désirent voir s’intensifier concernent la solidarité, la sobriété heureuse44, l’écologie, le retour à des échelles de vie locales. Chaque individu est appelé à agir à l’échelle de sa rue, de son quartier, de sa commune. Au-delà de répondre au diagnostique de Rob Hopkins, fondateur du mouvement « Territoires en transition » sur l’environnement, l’enjeu est également de reconstituer une solidarité perdue par le biais d’actions variées, situées à différentes échelles et liées entre autre à la question du recyclage, aux cycles vertueux. Ce mouvement offre à chaque individu souhaitant agir pour une transition écologique, énergétique, la possibilité de s’investir, de venir enrichir une boucle vertueuse de ses idées mais aussi et surtout de venir recréer cet idéal de convivialité entre les habitants d’une même rue, d’un même quartier, d’une même commune, d’un même territoire... C’est en quelque sorte une transition de nos modes de vie qui s’opère également au-delà de ce mouvement. Les individus ne sont pas seulement appelés à faire en sorte de résoudre les problèmes environnementaux ils sont aussi et surtout appelés à proposer une autre manière de vivre, à vivre heureux45. Ainsi, la voie est ouverte à l’expérimentation, au lien social, à la pédagogie. L’objectif n’est pas de vivre heureux seul, mais de venir partager un moment, une expérience et non pas de rester en marge de la société. Ce mouvement sous-tend ainsi une idée politique, une certaine vision de la société.

44 RABHI Pierre, Vers la sobriété heureuse, éditions Actes Sud, 2010. 45 DE GALZAIN Lothaire, Les collectifs participant des mouvements de repaysannisation : Quel mode d’habiter le paysage ?, Mémoire d’Ingénieur de l’Institut Supérieur des Sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage, Angers, 2016.

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Figure 24 : Une vitrine qui rend visible toute initiative en tant rĂŠel 47


L’enjeu de « Gironde en transition » est de révéler une énergie, un dynamisme très présent au sein du territoire, afin de manifester que d’autres voies sont possibles et qu’elles satisfont un certain nombre d’habitants sur les plans social, écologique et économique. Cette façon de « vivre » est ainsi exposée aux autres, au monde par différents événements organisés autour de ce mouvement. Une actualité se met en effet en place afin de relayer et de mettre en évidence l’ensemble de ces actions, plus ou moins importantes mais qui constituent, une fois mises côte à côte, une chaîne, un projet. Cette actualité est par exemple communiquée sur le site internet de « Gironde en transition », qui souhaite exposer que le « faire » et « l’agir » sont présents en permanence aux quatre coins du territoire girondin. Cette stratégie de la diffusion du mouvement par l’outil de la communication a pour objectif de venir créer un cycle perpétuel d’actions, d’initiatives, qui contribue à la formation d’une vitrine permanente de « Gironde en transition ». Cette communication est d’ailleurs reprise par d’autres associations sympathisantes du mouvement telle que « Altercampagne ». Cette association organise entre autre depuis 200846 la manifestation « AlterTour » qui suggère de relier différents lieux où ont germé des initiatives en proposant un circuit à parcourir en vélo. Les différentes initiatives recensées représentent différentes étapes du parcours. Ainsi les participants au tour viennent découvrir des alternatives dans toute sorte de domaines : des initiatives sur les thèmes de la transition énergétique, de l’écologie, mais aussi sur le plan social. Cet événement est surtout l’occasion d’un échange entre les participants, avec les lieux visités, avec les habitants-acteurs d’un territoire. L’association prend ici un rôle de catalyseur et fait même appel à l’image du dopage46 pour expliquer son action : elle tend à relier des alternatives pour les mettre en lumière et montrer que d’autres chemins sont possibles. Ainsi les différentes actions disséminées sur un territoire se retrouvent d’un coup au devant de la scène. La « Fête des Possibles » est également un événement qui joue lui aussi un rôle de catalyseur. Il se propose de se faire l’écho de toutes les organisations qui agissent concrètement pour une « transition citoyenne »47. A l’occasion de cette fête, tous les acteurs agissant pour la transition sont invités à s’inscrire à l’événement et à proposer un rendez-vous proche de chez eux afin de se rencontrer entre eux et d’accueillir les personnes intéressées par ce mouvement. La Fête des Possibles participe ainsi à l’amplification des mouvements liés à la transition, agissant, chacun dans leur domaine, pour une transition écologique, humaine et sociale. Un nouveau type de tourisme se met alors en place. « Gironde en transition » et la Maison de la Nature et de l’Environnement Bordeaux-Aquitaine se sont associés pour proposer à leur tour, à l’image de l’AlterTour, un « Tour de Gironde des Initiatives », à vélo. « Vous souhaitez découvrir votre département comme vous ne l’avez jamais vu ? »48 ; par cette phrase d’accroche, les participants devinent qu’ils vont ainsi découvrir une autre facette du département de la Gironde, révélée par une carte recensant les différents parcours menant d’initiative en initiative. Diverses soirées sont également organisées lors de ces différents trajets et les cyclistes peuvent ainsi débattre, échanger, assister à un concert, une projection, participer à un repas. Des stands, des ateliers sont aussi disséminés le long du parcours ; les supports de débats sont multipliés et variés dans le but de mettre en valeur les alternatives. Des collectifs, des associations, de petites entreprises et collectivités, sont mises en avant. Ce tour invite le grand public à aller rencontrer les personnes qui ont créé des alternatives et qui les animent aujourd’hui. L’objectif est que les participants qui viennent à leur rencontre renforcent 46 « Altercampagne ? Mais kèskecé ? », AlterTour. URL : https://www.altercampagne.net/?page_id=34 47 La fête des possibles. URL : https://fete-des-possibles.org/ 48 « Tour de Gironde des Initiatives – En route pour la transition ! », La Maison de la Nature et de l’Environnement bordeaux. URL : http://www.mne-bordeauxaquitaine.org/tour-de-gironde-initiatives-route-transition/

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Figure 25 : L’AlterTour 2017

Figure 26 : Tour de Gironde des initiatives 2017

ces projets, ou en créent d’autres et les sèment un peu partout sur le territoire. L’aspect social, de rencontre, de cohésion sociale est également mis en avant. Des solutions multiples sont ainsi appuyées par l’événement pour que chacun puisse s’y retrouver et comprendre à sa manière ce qu’il peut faire au quotidien dans ses activités et dans ses comportements individuels. Comme abordé précédemment dans le premier chapitre de ce mémoire, nous avons plutôt tendance à penser que le bonheur de la campagne est à privilégier par rapport à celui de la ville49. Or, sur bon nombre de sujets, la vie en milieu rural n’est pas forcément plus agréable sur le plan environnemental et sanitaire. On peut alors deviner pourquoi il existe autant d’intérêt autour de ces événements notamment en zone rurale sur ces sujets-là. Ces territoires sont la plupart du temps délaissés par des politiques d’aménagement avec des programmations culturelles focalisées sur les grandes villes et donc peu ou moins sur les campagnes. On observe ainsi une volonté de la part des habitants de ces territoires de se réunir, de mener des projets en commun, parfois à petite échelle, parfois de taille un peu plus importante. « Nous sommes […] convaincus que c’est en mettant en commun nos constats, en mettant en lumière ceux qui sont porteurs d’optimisme, d’enthousiasme et de créativité que, peu à peu ce qui ne pourrait constituer qu’une simple innovation peut devenir une véritable alternative aux modèles en cours »50,Philippe Bertrand, 2015 « Gironde en transition » compte deux grands objectifs. Dans un premier temps le mouvement se donne la mission d’épauler et de renforcer les groupes existants. Il dénombre actuellement plus d’une douzaine de groupes actifs au sein du 49 DE GALZAIN Lothaire, Les collectifs participant des mouvements de repaysannisation : Quel mode d’habiter le paysage ?, Mémoire d’Ingénieur de l’Institut Supérieur des Sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage, Angers, 2016. 50 « Caméras des Champs, le festival international du documentaire sur la ruralité », Village, 2015. URL : http://www.villagemagazine. fr/cameras-des-champs

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département girondin. Ces groupes sont représentés par différentes formes de territoires : des villes telles que Bordeaux, Pessac, Saint-Médard et Saint-Aubin, Parempuyre, des territoires plus larges tels que le Libournais, le « Bassin Sud » et le Bassin « Nord », le Val de l’Eyre, l’Entre-deuxMers, les Landes girondines51. Le mouvement souhaite également accompagner la naissance de nouveaux groupes de transition en Gironde ainsi que dans les départements limitrophes. Il propose par exemple des formations liées au lancement d’une initiative de transition52. Les objectifs de ces formations sont tout d’abord de faire comprendre au public intéressé ce qu’est la transition. Il s’agit également de soutenir les groupes actifs dans leurs efforts afin qu’ils lancent et réalisent un projet viable sur le long terme. Ces formations se veulent dispenser un discours positif, et encourager l’intelligence collective, l’intelligence de la communauté. Tous les types de profils sont encouragés à venir participer. La rencontre et le partage d’expériences sont les points fondamentaux de ces réunions de formation. « Gironde en transition » prend également le temps d’informer les participants sur « diverses techniques d’animation innovantes, conviviales et interactives52» afin que ceux-ci puissent à leur tour communiquer autour de leurs potentielles alternatives. Pour cela les formateurs ou « form’acteurs52» dispensent les fondements de la transition, tentent de faire comprendre au public la nécessité d’agir. L’histoire du mouvement et différentes expériences sont ainsi partagées et les participants peuvent ainsi s’appuyer sur un socle solide de connaissances autour du mouvement pour entreprendre une démarche ou solidifier un groupe déjà formé.

« Faire l’expérience de modes variés d’apprentissage, de participation, d’animation : - Faire l’expérience d’un Forum Ouvert et d’un World Café et ressentir en quoi ces techniques peuvent contribuer à dynamiser l’énergie créative d’une communauté. - Expérimenter différents rythmes et différentes énergies dans la formation : des approches réflexives, ludiques, conceptuelles, corporelles, sociales, créatives… - Relier ceci avec le besoin d’offrir des événements qui touchent les gens de différentes façons – cœur, tête, mains, esthétique, éthique… » Transition France

Dans un deuxième temps « Gironde en transition » va chercher à relier les différents groupes de la transition entre eux, au sein du département mais aussi avec les autres groupes présents partout sur le territoire français. Grâce à un mouvement proche tel que « Colibris Bordeaux », créé en 2007 par Pierre Rabhi, chacun peut proposer d’ajouter sur une « carte collaborative53» un acteur de son territoire. Ainsi des centaines d’alternatives sont données à voir en Gironde, en France et même jusqu’en Belgique, Suisse et Italie. Cette visibilité motive et catalyse d’autres actions, associations, mouvements ou collectifs qui viennent finalement tisser une grande toile en s’appuyant et communiquant les uns sur les autres.

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Groupes girondins, la transition en Gironde. URL : http://gironde-en-transition.fr/groupes-girondins/ Transition France. URL : http://www.transitionfrance.fr/Energierenouvelable/gironde/ Colibris fait sa part. URl : https://www.colibris-lemouvement.org/magazine/pres-chez-vous-a-bordeaux

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Figure 27 : Carte collaborative de Colibris

à l’échelle de la Gironde

Figure 28 : Carte collaborative de Colibris

à l’échelle de la France

« Ces territoires qui ne disposent d’aucun pouvoir mais qui innovent et développent des liens et des solidarités de proximité54», Christophe Guilly, 2017

Le concept de la « boucle » est d’autre part primordial dans le mouvement « Territoires en transition » et donc « Gironde en transition ». En effet, cette idée caractérise non seulement la logique des processus imaginés par les participants, préconisés par le mouvement, mais aussi la communication réalisée autour de différentes actions, initiatives. L’idée de la boucle existe également par la chaîne, la « ronde » formée par l’ensemble des individus rassemblés autour d’un même projet, d’une même initiative. Ici la « ville » et la « campagne » ne sont plus vues comme une opposition. Elles sont complémentaires, elles participent de façon égale au dynamisme du mouvement. Gironde en transition permet ici de cultiver une certaine proximité entre les agglomérations, les territoires dits périurbains, les territoires ruraux et hyper-ruraux. Il n’y a plus de frontières, ils entrent tous en connexion par cette mise en réseau, cette idée de chaîne, de grande boucle.

54 VILBOUX, Lucile, « La campagne doit se battre pour exister », interview de Christophe Guilluy, Village, 2 février 2017. URL : http:// www.villagemagazine.fr/la-campagne-doit-se-battre-pour-exister

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D- Perspective comparative

- L’espace, le processus, la communication Trois thèmes majeurs Ces différentes expériences alternatives illustrent à plusieurs échelles une réappropriation de l’économie par les territoires, un engagement des citoyens, la création d’une nouvelle solidarité, propices à une redynamisation territoires plus ou moins délaissés. Nous pouvons remarquer à travers ce tableau récapitulatif que chacune des initiatives convoque les trois piliers que sont ici la communication, l’espace et le processus afin d’opérer une requalification de son territoire. Ces éléments sont présents dans les trois cas d’étude cependant ils sont utilisés à des degrés différents selon les effets souhaités par chacun.

CONSTAT

PHILOSOPHIE

RURAL LAB PROJET FENICS . Mauléon-en-Soule

TERRITOIRES ZÉRO CHÔMEURS DE LONGUE DURÉE . Mauléon

TERRITOIRES EN TRANSITION . Gironde en transition

- De nombreux cœurs de villages en décrépitude au sein du département et partout en France

- 33 milliards d’euros dépensés chaque année pour financer la privation d’emploi

- Absence d’un modèle alternatif aux opérations immobilières actuelles en terme de réhabilitation du bâti

- Des besoins restent non satisfaits sur le territoire

- Observation d’un désir semblable de nombreux citoyens d’agir pour un changement de nos modes de vie vers une façon de vivre plus sobre mais néanmoins heureuse

- Certains travaux ne sont pas effectués car non solvables

- Agir à l’échelle du village - Aucune personne n’est pour fédérer les acteurs du inemployable département - Chacun peut occuper - Préserver les un emploi utile à la constructions actuelles collectivité et adapté à soi en les adaptant ou en leur offrant une nouvelle - Réutiliser les fonds fonction utile à la finançant aujourd’hui les commune aides pour les chômeurs et les utiliser pour leur - Faire se rencontrer les redonner un salaire différents acteurs pour équivalant au SMIC créer une nouvelle chaîne d’opération

- Déni ou dépression de certaines personnes face aux problématiques actuelles liées à l’environnement, à l’emploi, à l’individualisation de la société - Agir à l’échelle de la communauté et non à celle du gouvernement ou de l’individu - Chaque territoire peut devenir un lieu d’expérimentation - Défendre des principes, une vision de la société plutôt qu’un parti politique affirmé - Des innovations mises bout à bout peuvent finir par devenir une véritable alternative aux modèles en cours

Figure 29 : Tableau comparatif des trois cas étudiés 52


- Mise en place d’un pilotage technique, politique et interne

- Sélection de territoires d’expérimentation par le gouvernement

- Sélection et intervention sur des bâtiments dits démonstrateurs

MÉTHODOLOGIE

- Le fonds d’expérimentation verse dans une premier temps 57 % du salaire des - Rassembler les différents nouveaux travailleurs acteurs d’un territoire, partenaires et habitants - Pilotage du projet réalisé par le Comité autour de vidéos d’animation participatives Local. Il recense les demandeurs d’emploi, - Segmentation des leurs compétences, les différentes étapes du besoins non satisfaits sur son territoire. Vérification projet de façon à ce qu’il soit applicable par d’autres du caractère non territoires concurrentiel des services proposés par l’EBE - Communiquer autour de Fenics, organiser - Création d’Entreprises à But d’Emploi qui des conférences, des embauchent les personnes projections et ce, tout au fur et à mesure qu’elles au long de la durée lui sont présenté. Recense de l’opération afin de les besoins du territoire en démocratiser le projet parallèle du Comité Local - Communication autour du projet : réalisation d’une bande dessinée par exemple - Enrayer l’étalement urbain par la rénovation et la réhabilitation des vieux centres - Création d’un réseau d’acteurs à différentes échelles (village, territoire environnant, département)

EFFETS SOUHAITES

- Fournir un emploi à l’intégralité des chômeurs de longue durée, volontaires pour intégrer le dispositif - Créer un tremplin, accroître les compétences et l’expertise de chacun sur un territoire

- Diffusion du dispositif et - Redynamiser les de sa méthode à l’échelle territoires, relancer de départementale, nationale, nouvelles activités voire européenne - Démontrer que ce - Valoriser un territoire projet a priori utopique peut devenir la réalité. - Démontrer qu’une Convaincre par les faits et autre voie, en termes étendre le dispositif économiques et technologiques est possible

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- Sensibilisation du public via des supports multiples (sites internet, affiches, films...) afin d’être visible et de toucher le plus de personnes possible - Se rendre visible à travers divers événements interactifs pédagogiques (AlterTour, la Fête des Possibles, Tour de Gironde des Initiatives) et créer ainsi une sorte de tourisme autour du mouvement, sur les territoires engagés - Encourager les personnes à réfléchir à des initiatives alternatives en créant une actualité à flux tendu autour de « Gironde en transition » - Créer un réseau avec d’autres collectifs, associations partageant la même vision et ainsi relayer réciproquement les actualités des uns et des autres - Défendre une vision optimiste de l’avenir et changer la société actuelle - Trouver des solutions sensées à une échelle appropriée - Reconstituer une solidarité sur les territoires ainsi qu’entre eux et opérer une transition de nos modes de vie - Soutenir et renforcer les groupes existants - Révéler un territoire et son dynamisme en terme d’innovations alternatives - Valoriser un territoire en le découvrant ou en le redécouvrant autrement


La communication comme catalyseur de nouvelles actions

Dans le cas de Gironde en transition, la communication est le principe même du projet. Le mouvement fonctionne et s’agrandit par la convocation de multiples événements, médias, supports de communication. Nous pouvons quasiment dire que pour une initiative d’alternative est mis en place au moins un moyen de diffusion de l’information. C’est grâce à cette communication intensive que de nouveaux territoires, de nouvelles communautés viennent s’engager et créer de nouveaux projets, Le projet Fenics utilise cette ressource dans un second temps, elle n’est pas présente aux prémices du projet. Elle va venir l’enrichir durant ses différentes périodes en cherchant d’abord à réaliser des points d’étapes matérialisés par des vidéos. Ces vidéos ont pour but à la fois de collecter les informations relatives à chaque point clé du projet mais elles ont aussi pour objectif de véhiculer le projet en temps réel aux acteurs et aux habitants du territoire. Les habitants peuvent également s’emparer de cet outil pour faire part de leur ressenti vis-à-vis du projet et de là nourrir ou donner de nouvelles pistes d’actions à Fenics. « Territoires zéro chômeurs de longue durée » utilise également la communication mais de manière plus discrète. La communication de l’initiative apparaît plutôt en filigrane, avec la création d’une bande dessinée vulgarisant au grand public le processus et la méthode de mise en place de l’initiative.

La transformation par l’espace

Dans le cas de Fenics, l’espace constitue la problématique première du projet. La commune de Mauléon-en-Soule est en effet victime du délaissement de son centre-bourg tandis que les nouveaux habitants viennent construire et s’installer toujours plus loin en périphérie. Les problèmes de mobilité et de vacance de logements du centre font de l’organisation spatiale et de la réhabilitation du bâti le point de départ de l’initiative. En ce qui concerne qui concerne la commune de Mauléon expérimentant le dispositif « Territoires zéro chômeurs de longue durée », la transformation de l’espace fait suite à la mise en place du processus au sein de la commune. Des bâtiments jusqu’ici abandonnés sont mis à disposition des Entreprises à But d’Emploi pour accueillir les nouveaux travailleurs. Des espaces tel que l’ancien camping municipal de la commune sont redessinés, ranimés et génèrent de nouveaux flux, une nouvelle dynamique. Enfin « Gironde en transition » vient aussi transformer l’espace par ce qu’on appelle de plus en plus couramment une acupuncture urbaine voire territoriale ici. La différence est que dans ce cas les initiatives ne viennent pas des institutions mais des citoyens eux-mêmes. Par les multiples initiatives qui émergent sur le territoire girondin, la transformation de nos modes de vie finit petit à petit par, c’est l’effet souhaité, améliorer nos espaces. Le territoire est également redessiné selon de nouveaux tracés reliant une à une les initiatives présentes en Gironde.

La transformation par le processus

La question du processus est primordiale dans le projet « Territoires zéro chômeurs de longue durée ». En effet, le projet partant d’une utopie, à savoir faire disparaître le chômage de longue durée, mise tout sur l’élaboration d’un processus irréprochable, où chaque centime de l’argent destiné au financement de l’absence d’emploi est réorienté dans le salaire d’un nouvel emploi. Le processus est également innovant puisqu’il agit à l’inverse de l’administration de Pôle Emploi. En effet « Territoires zéro chômeurs » propose un emploi à temps complet ou à temps

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partiel, à chaque chômeur de longue durée se présentant à lui, en prenant soin de connaître les souhaits et les compétences de chacun. Les nouveaux travailleurs sont ainsi réintégrés dans le monde du travail et bénéficient si besoin d’une formation lié à leur nouvel emploi. Le sujet de la requalification par l’espace de la commune de Mauléon-en-Soule est l’occasion pour le département des Pyrénées-Atlantiques de rassembler et de faire jouer les différentes expertises autour de cette problématique de la réhabilitation. C’est donc dans un deuxième temps que vont être élaborés un plan d’actions et un processus, malléables, pour la réalisation du projet. La question du processus est tout de même assez importante dans ce cas puisque les acteurs du territoire ont pris le soin de le « découper » de façon à ce que d’autres territoires puissent ensuite l’appliquer plus facilement sur les leurs. Pour « Gironde en transition », la communication est le processus. Elle est le plan d’action, le moyen de développement du projet. Le mouvement utilise le processus de catalyse afin de propulser le moindre événement en avant. Chaque information est ensuite réorienté ou relayée par d’autres supports de communication, ou bien par d’autres organismes « alliés ». A l’image d’une plante radicante55, dont chaque nœud comporte des racines ou des feuilles adventives, chaque action induit la naissance d’autres actions qui viennent coloniser un maximum de surface. Ainsi, bien que chacune des initiatives axe sa stratégie selon la communication, l’espace ou le processus, chacun de ces éléments va ensuite influer sur l’autre et créer une dynamique sur les territoires visés, avec une visibilité, une transformation de l’espace, et une mise en place du processus différents.

E

P

C

E

Projet Fenics

E

Transformation par l’espace

P

C

E

Territoires zéro chômeur de longue durée

P

Transformation par le processus

P

C

Gironde en transition

C

La communication comme catalyseur de nouvelles actions

Figure 30 : Prépondérance des différents éléments au sein des initiatives étudiées, des curseurs plus ou moins élevés

55 2014.

CONTAL, Marie-Hélène, Réenchanter le monde, l’architecture et la ville face aux grandes transitions, éditions Alternatives, Gallimard,

55


ClĂŠment Gilles, Croquis


- Conclusion -


Conclusion Vingt années après la première conférence de Cork en 1996, la commission européenne a décidé de relancer le débat en 2016 afin de définir les priorités pour le futur des territoires ruraux. Selon les participants à la conférence, différentes orientations telles que les suivantes doivent guider les politiques rurales actuelles et futures56.

« . Promouvoir la prospérité rurale . Renforcer les chaînes de valeur rurales . Investir dans la viabilité et la vitalité rurales . Préserver le milieu rural . Gérer les ressources naturelles . Encourager l’action pour le climat . Stimuler les connaissances et l’innovation . Renforcer la gouvernance rurale . Améliorer les résultats et la simplification des politiques . Améliorer la performance et la responsabilisation56 »

Chacune des initiatives étudiées reconnaît le potentiel des territoires ruraux en matière d’innovations. Face aux défis et aux obstacles que ces derniers rencontrent, chaque territoire adopte, à son échelle, des stratégies différentes selon les difficultés qui le concernent. Les initiatives lancées se fondent sur les identités et les ressources propres à chaque territoire dans le but de mener des stratégies intégrées et communes à plusieurs domaines. Elles mettent en effet en avant l’emploi, l’innovation, l’entrepreneuriat tout en valorisant l’identité de chaque commune, de chaque territoire. Le projet « Territoires zéro chômeurs de longue durée » tend à démontrer que les territoires ruraux, les petites villes ou villages demeurent des zones d’emploi dynamiques et des lieux de vie attractifs. Le dispositif offre en effet de nouvelles opportunités aux personnes étant restées au chômage durant plusieurs années. De plus, l’accès aux services pour les personnes âgées est amélioré grâce à la mise en fonction de ces nouveaux travailleurs, et une économie touristique est recréée au sein de la commune, participant à sa visibilité et donc sa mise en valeur. Le mouvement « Gironde en transition » est résolu à valoriser des initiatives locales provenant des citoyens, autrement dit provenant de la base. Il compte sur des acteurs locaux pour revitaliser eux-mêmes leur territoire. Le projet départemental Fenics s’attache à faire participer tous les acteurs concernés ou potentiels, toutes les parties prenantes autour d’un même projet afin de faire émerger une réflexion précieuse autour du réinvestissement des bâtiments anciens en cœur de village. Les trois projets visent à créer, épauler et ou pérenniser des chaînes de valeur rurales. La société étant de plus en plus avertie et méfiante, les préoccupations concernant la transparence et la qualité des processus doivent être pris en compte. Nous pouvons alors soumettre l’hypothèse 56 La Déclaration de cork 2.0, Poour une vie meilleure en milieu rural, 2016. URL : http://doc.ruraleurope.org/public/Web/ Communication/Cork-FR.pdf

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que les supports de communication, présents à différentes échelles au sein des projets, s’efforcent de créer un dialogue avec le public et de rendre compte d’une certaine approche horizontale. « Gironde en transition » illustre bien cette approche et considère la pluralité des systèmes, organisations, associations, collectivités qui composent la société. Le mouvement ne différencie pas un système, gouvernemental par exemple, qui serait en haut de la pyramide et une réalité sociale qui serait située en bas. Cette diversité de systèmes est mise en relation et constitue des partenaires les uns pour les autres. Une attention particulière est également portée à la connectivité et à la fracture numérique fortement présente au sein des territoires ruraux. « Territoires zéro chômeurs de longue durée » offre des formations en continu aux ex chômeurs de longue durée tandis que « Gironde en transition » propose des formations aux personnes souhaitant communiquer autour d’initiatives alternatives via les réseaux sociaux, les sites internets ou encore d’autres supports numériques. Le projet Fenics quant à lui incite et encourage les habitants à s’emparer du numérique et à s’approprier les projets se déroulant actuellement sur le territoire. Il propose aussi aux jeunes des stages dédiés à la réalisation de films autour du projet. La sauvegarde de l’héritage du rural est aussi mise en avant notamment à travers le projet Fenics et le mouvement « Gironde en transition ». Le patrimoine « culturel et naturel56 » est un atout qui participe à la caractérisation d’un territoire. En ce qui concerne la commune de Mauléon dans les Pyrénées-Atlantiques, la rénovation du bâti ancien a non seulement pour but de revaloriser le centre ancien et son architecture mais aussi et surtout de lutter contre l’étalement urbain de sa commune. Pour « Gironde en transition », la préservation de cet héritage et sa mise en valeur, répondent à la philosophie du mouvement qui préconise un retour aux fondamentaux, à une vie simple, un retour à la terre. D’autre part la valorisation de ces espaces permet de faire naître ou de renforcer une économie touristique en lien avec la culture, l’écologie...

Chaque initiative étudiée est ici porteuse d’innovations. « Territoires zéro chômeurs de longue durée » ainsi que le projet Fenics s’attachent tous deux à la création d’une nouvelle chaîne de valeur, reliant les acteurs institutionnels, professionnels ainsi que les habitants d’un territoire. « Gironde en transition » apporte aussi une dimension novatrice par sa volonté de mettre en réseau des acteurs et des initiatives déjà présents sur le territoire. Le mouvement cherche tout simplement à faire changer notre regard sur ce qui est déjà là. Ce déjà là constitue un terreau, une richesse que chacun est en capacité de valoriser. L’ensemble de ces projets collabore à la démocratisation et à la valorisation des territoires ruraux en termes de dynamismes économique et social. D’autre part, nous pourrions penser que la multiplicité du nombre de communes françaises pourrait nuire à une certaine proximité avec l’action publique or, l’échelon communal est ici essentiel et garantit la bonne conduite de chacun des deux premiers projets de a à z. Les initiatives sont en effet appliquées aux territoires et restent malléables dans leur mise en place, dans leur processus afin de convoquer les ressources propres à chacun. Le Conseil économique social et environnemental se soucie par exemple de la transmission du dispositif « Territoires zéro chômeurs de longue durée ». Il demande un suivi rigoureux de l’expérimentation afin « d’intégrer

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les nécessaires ajustements apportés par les comités de pilotage57» afin de différencier ce qui est de l’ordre des spécificités du territoire et ce qui est d’ordre général. Ainsi la reproductibilité de ces actions est soumise à la condition d’un travail de diagnostic préalable et en continu sur les territoires intéressés par ces dispositifs. Chaque initiative doit adhérer « à un territoire et à une histoire8».

« Il n’est pas possible de considérer les villages comme une identité homogène. Il existe autant de typologies de villages que de villages eux-mêmes. Les enjeux qu’ils rencontrent et les défis qu’ils ont à relever sont très divers58». PLAUSIBLE POSSIBLE

La nostalgie est parfois le point de départ de nombreux projets de requalification de communes rurales seulement, elle ne doit pas être à elle seule le point de départ d’un projet. La revitalisation d’un territoire doit s’appuyer sur un diagnostic concret de ses capacités et de ses ressources potentielles. Si le projet Fenics veut s’étendre à d’autres territoires, alors ces derniers pourront reprendre la structure du projet en analysant point par point les étapes compatibles avec leurs ressources techniques, intellectuelles et matérielles présentes dans leur territoire. Chaque intervention se doit en effet d’être unique selon l’identité et le potentiel de chaque site. Nous pouvons également poser la question de ce qu’il se passe au-delà des frontières de la France. Les autres états européens rencontrent-ils les mêmes problématiques que notre pays concernant leurs territoires ruraux ? Quelles politiques territoriales mènent-ils, quelle est la place donnée à ces communes dans l’économie ? Existe-t-il autant d’échelons politiques que sur notre territoire, si non, quels sont ceux qui ont été considérés comme suffisants pour répondre ou non aux besoins de leurs villages, de leurs territoires ruraux ? Ces espaces constituent-ils pour les habitants des lieux propices pour vivre « autrement », pour engager une transition plus libre de son mode de vie ? Quelle est la vision des pays étrangers sur leurs campagnes ?

57 LENANCKER Patrick, Expérimentation « Territoires zéro chômage de longue durée » : conditions de réussite, 2015. URL : http://www. lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2015/2015_33_experimentation_territoires_chomage.pdf 58 Plausible Possible, Les villages du futurs, portfolio. URL : http://www.plausiblepossible.fr/?portfolio=les-villages-du-futur

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Bibliographie Articles periodiques : Auteur inconnu, « Comment définir l’intercommunalité », Vie publique, 2016. URL : http://www. vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/collectivites-territoriales/intercommunalitecooperation-locale/comment-definir-intercommunalite.html Auteur inconnu, « FENICS : ensemble, redonnons vie à nos communes rurales », Pyrénées Atlantique, le département, 2016. URL : http://www.le64.fr/actualites/fenics-ensemble-redonnons-vie-a-noscommunes-rurales.html Auteur inconnu, Les « rural labs » entrent en campagne, Le 64, date inconnue. URL : http://www.le64.fr/ fileadmin/mediatheque/cg64/documents/actualites/FENICS/mag64n72p20-21.pdf BORNE, Emmanuelle, « Philippe Madec, l’architecte, le poète et l’ostréiculteur « , Le Courrier de l’architecte, 11 avril 2012. URL : http://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_3056 CANEVET, Corentin & LEBAHY, Yves, « Aménagement rural, dispersion de l’habitat ou polarisation ? », Skol Vreizh, 5 octobre 2015. URL : http://www.skolvreizh.com/wiki/G%C3%A9ographie_de_la_ Bretagne/Am%C3%A9nagement_de_l’espace_rural CESBRON, Arthur, « Le Cantalien Simon Teyssou, architecte des campagnes », La Montagne, publié le juillet 2016. URL : http://www.lamontagne.fr/auvergne/actualite/2016/07/12/le-cantalien-simonteyssou-architecte-des-campagnes_11997959.html DEHLINGER, Mathieu, « Comment la France des villages devient la France des villes », Franceinfo, 3 janvier 2016. URL : http://www.francetvinfo.fr/societe/cartes-comment-la-france-des-villages-disparaitpetit-a-petit_1250539.html DUBOURG, Philippe, « La ruralité est-elle archaïque ? », Métropolitiques, 10 octobre 2014. URL : http:// www.metropolitiques.eu/La-ruralite-est-elle-archaique.html DURAND, Christine, « Ils sauvent le cœur des villages », Village magazine, 17 novembre 2016. URL : http://www.village.tm.fr/ils-sauvent-le-coeur-des-villages FERNANDEZ Agnès, « Créer les centre-villes et bourgs de demain », Maires de France, septembre 2016. URL : http://www.maire-info.com/upload/files/Dossier.pdf HUSSON Séverin, « Territoires zéro chômage : l’expérimentation peut commencer », La Croix, 2016. URL : https://www.la-croix.com/Economie/Social/Territoires-zero-chomage-experimentation-peut-commencer-2016-07-28-1200778821 Landré Marc, « Difficile adéquation des offres et demandes d’emploi », Le Figaro économie, 2012. URL : http://www.lefigaro.fr/emploi/2012/05/10/09005-20120510ARTFIG00673-difficile-adequation-desoffres-et-demandes-d-emploi.php LE CHATELIER, Luc, « A Venise, une biennale d’architecture responsable », Telerama, 27 mai 2016. URL : http://www.telerama.fr/scenes/avenise-une-biennale-d-architecture-responsable,143082.php PAQUOT, Thierry, « Transition, en avant toute ! », Ecologik, novembre 2016, n°51, p 62-63.

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Blogs : « La ruralité, atout ou handicap », Jeu de territoire, un outil de coordination des acteurs locaux. Blog piloté par JOHANY François. URL : http://blog.agroparistech.fr/jeudeterritoire/diagnostic-du-territoirepar-les-etudiants/ruralite-atout-ou-handicap/ « Ruralitude », Blog de Marguerite et Cyrano, 6 Mars 2008. URL : https://margueriteetcyrano.blogspot. fr/2008/03/ruralitude.html

Colloques : « A la recherche de l’urbanisme durable », Cycle « Villes et développement durable », 22 octobre 2008. URL : http://www.fondapol.org/wp-content/ uploads/pdf/documents/CR_TR221008.pdf « Culture et développement durable », colloque international, 2012, Centre des Congrès de la Cité des Sciences et de l’Industrie, Paris. « Pluralité culturelle et développement urbain » suivie de « Regards croisés France/Québec ». URL : http:// culture-dd12.org

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Emissions radio : Émission France Inter, Jean-Jacque Le Goff, émission sur l’ouvrage : « La fin du village, une histoire française », diffusée en juillet 2017.

Mémoires : DE GALZAIN Lothaire, Les collectifs participant des mouvements de repaysannisation : Quel mode d’habiter le paysage ?, Mémoire d’Ingénieur de l’Institut Supérieur des Sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage, Angers, 2016. GEOFFROY Marion, Le devenir des territoires ruraux, une hybridation multiscalaire, Mémoire d’Architecture, Bordeaux, 2017. MOUILLON Emmanuelle, Le goût de l’emploi retrouvé, Mémoire en Conduite de Projets & Développpement des Territoires, Nancy, 2017. URL : http://docnum.univ-lorraine.fr/public/BUS_M_2017_MOUILLON_ EMMANUELLE.pdf SOULA Anouk, Que révèlent les formes d’habitat des extra urbains sur l’habitat durable de demain en territoire rural ?, Mémoire d’Architecture, Lyon, 2016. URL : https://issuu.com/ansoula/docs/annouk_ soula-m__moire_de_rechercheTURQUETIL Anaïs, Tourisme, « Projet local » et territoires ruraux : Les récits territoriaux des Epesses, de Marciac et d’Espelette, Mémoire d’Architecture, Bordeaux, 2016.

Ouvrages : ANDLAUER Philippe, BRUNET Nils, CHOUKROUN Jérémie, Centre en vie, agir pour redynamiser nos centres-bourgs, éditions Parc Naturel Régional des Causses du Quercy, 2014. URL : http://www.centresbourgs.logement.gouv.fr/IMG/pdf/guide_centre_en-vie_bd.pdf CAMPREDON Jean, Le sens d’habiter, Pour 2007/3 (n°195). CONTAL, Marie-Hélène, Réenchanter le monde, l’architecture et la ville face aux grandes transitions, éditions Alternatives, Gallimard, 2014. DEMANGEON Albert, L’habitation rurale en France. Essai de classification des principaux types, annales de géographie, tome 29, n°161, 1920. École Nationale Supérieure d’Architecture de Normandie, Ruralités soutenables, Espace rural et métropolisation : innovations, expérimentations, 2014. GAUCHET, Marcel, La démocratie contre elle-même, éditions Gallimard, 2002. GUILLUY Christophe, La France périphérique : Comment on a sacrifié les classes populaires, éditions Flammarion, 2014. JEANMONOD, Thierry, Maisons individuelles et éparpillement urbain : vers un french sprawl ?, rapport de recherche PUCA / BRAUP, éditions de l’Aube, 2010. La 27ème Région, Les villages du futur, éditions La Documentation française, 2016.

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Table des figures Figure 1 : L’évolution du nombre de villages de moins de 500 habitants entre 1962 et 2013, Francetvinfo, d’après les données de l’INSEE, France, cartographie.

Figure 2 : Les communes françaises, Carte de France, date inconnue, cartographie. URL : http://www.cartesfrance.fr Figure 3 : Les bassins de vie « hyper-ruraux », INRA, date inconnue, France, cartographie. Figure 4 : L’imaginaire du village et son architecture de bourg, François Schuiten et Benoît Peeters, 1992, détail de planche de la bande dessinée « Brüsel » Figure 5 : Les formes de répartition de l’habitat rural, Anouk Soula, 2016, Lyon, schémas. URL : https://issuu.com/ ansoula/docs/annouk_soula-m__moire_de_recherche Figure 6 : L’espace rural français en quelques chiffres, Anouk Soula, 2016, Lyon, schémas réalisés à partir de données extraites du étude de la DAtar en 2011 « Typologie des campagnes françaises et des espaces à enjeux spécifiques». URL : https://issuu.com/ansoula/docs/annouk_soula-m__moire_de_recherche Figure 7 : Affiche de campagne présidentielle du candidat François Mitterand en 1981, 1981, France, affiche de campagne. URL : https://www.challenges.fr/election-presidentielle-2017/presidentielle-vous-souvenez-vous-deleurs-slogans-et-de-leurs-affiches_313758/1981-affiche-de-mitterrand_3 Figure 8 : Typologie des espaces ruraux et des espaces à enjeux spécifiques, DATAR, 2011, France, cartographie. URL :

http://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/observatoire-des-territoires/fr/typologie-g-n-rale-des-campagnesfran-aises

Figure 9 : Quatre sites d’actions du projet Fenics, département des Pyrénées-Atlantiques, Géoatlas, date inconnue, cartographie.URL : http://www.geoatlas.fr/fr/maps/departements-de-france-2/64-pyrenees-atlantiques-4563 Figure 10 : Le centre de village de Mauléon-en-Soule, auteur inconnu, date inconnue, photographie. URL : https:// commons.wikimedia.org/wiki/File:Maul%C3%A9on-Barousse_Ourse_de_Sost_et_village_(1).jpg

Figure 11 : évolution démographique au sein de la commune de Mauléon-en-Soule, base Cassini de l’EHESS et base INSEE, 2017, graphique. Figure 12 : Le projet Fenics en trois grandes phases, Elise Madec, 2017, schéma. Figure 13 : Principes et objectifs devant être poursuivis durant le dispositif, Elise Madec, 2017, schéma. Figure 14 : Vue de la commune de Mauléon depuis le parc du château, Francetvinfo, date inconnue, Mauléon, photographie. Figure 15 : évolution démographique au sein de la commune de Mauléon, base Cassini de l’EHESS et base INSEE, 2017, graphique. Figure 16 : Les dix territoires expérimentaux retenus en France, Territoires zéro chômeurs de longue durée, date inconnue, France, cartographie. Figure 17 : Avancement de la constitution du comité local sur chacun des territoires, Territoires zéro chômeurs de longue durée, date inconnue, France, cartographie.

Figure 18 : Détail des coûts liés à l’absence d’emploi en France, Courrier de l’Ouest, 2016, France, diagramme. 66


Figure 19 : Principe général du programme « Territoires zéro chômeur de longue durée », Territoires zéro chômeurs de longue durée, date inconnue, France, schéma. URL : https://www.tzcld.fr/decouvrir-lexperimentation/lorganisation/

Figure 20 : La philosophie du dispositif expliqué via la bande dessinée, Matthieu Pehau Parciboula, 2017, France. URL : https://www.innovationdessinee.fr/les-projets/territoire-z%C3%A9ro-ch%C3%B4meur-de-longue-dur%C3%A9e/ Figure 21 : Couverture du manuel de la transition par Rob Hopkins, Rob Hopkins, 2010, couverture de livre. Figure 22 : La frontière invisible, François Shuiten, date inconnue, extrait d’une planche de la collection « Les cités

obscures »

Figure 23 : Catalyser une énergie présente sur le territoire, Marjac, 2004, collage surréaliste. Figure 24 : Une vitrine qui rend visible toute initiative en tant réel, Eugenia Loli, date inconnue, collage surréaliste « Natural History Museum ». Figure 25 : L’AlterTour 2017, Altercampagne, 2017, affiche. URL : https://www.altercampagne.net/?page_id=176 Figure 26 : Tour de Gironde des initiatives 2017, La Maison de la Nature et de l’Environnement et Gironde en Transition, 2017, affiche. URL : http://www.mne-bordeauxaquitaine.org/tour-de-gironde-initiatives-routetransition/ Figure 27 : Carte collaborative de Colibris à l’échelle de la Gironde, Le mouvement Colibris, 2018, carte interractive. URL : https://www.colibris-lemouvement.org/magazine/pres-chez-vous-a-bordeaux Figure 28 : Carte collaborative de Colibris à l’échelle de la France, Le mouvement Colibris, 2018, carte interractive. URL : https://www.colibris-lemouvement.org/magazine/pres-chez-vous-a-bordeaux

Figure 29 : Tableau comparatif des trois cas étudiés, Elise Madec, 2018, Bordeaux, tableau. Figure 30 : Prépondérance des différents éléments au sein des initiatives étudiées, des curseurs plus ou moins élevés, Elise Madec, 2018, Bordeaux, schéma.

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Annexe1 Recueil des représentations du village :

Qu’est-ce qui représente un village selon vous ? Quelle votre idée du village ? Réponses écrites ou orales des personnes interrogées : . G, 50 ans, originaire de Jarny (54), habitant d’Angers (49) : « L’église du village, la fête du village et les traditions, la campagne. Le village c’est comme nos racines : le village des grand-parents, ce sont nos origines,… avant la majorité de la population était dans les campagnes. » . A, 50 ans, originaire de Mazé (49), habitante d’Angers (49) : « Le village d’aujourd’hui ce n’est plus le village d’hier. Le village d’avant pour moi c’était le calme, les relations, le quartier, le clocher… le clocher c’est toujours le cas. Maintenant ce n’est plus pareil qu’il y a trente ans. Dans le village il y avait toujours une salle des fêtes, d’ailleurs on n’entend pas ça en ville. C’est là où il y a les vins d’honneur, les bals, les rassemblements... Aujourd’hui c’est différent car tous les villages ont grossi avec gens qui viennent de l’extérieur pour manger et dormir le soir. Ils ne partagent pas la vie du village. Ils vont au supermarché pour faire leurs courses et repartent le matin à 7h. Ce n’est pas une critique ce que je dis, avant quelques uns faisaient ça mais pas tant que ça. Mazé ce n’est plus un village car maintenant c’est trop gros. Les villages il y en a encore mais ce sont des petits villages qui ne se sont pas développés et qui meurent car les gens ne sont pas attirés, il n’y a pas de complexes sportifs… il y a toujours le clocher et la place de l’église… et la salle des fêtes : peu importe la taille donc, ce sont les symboles du village. L’autre jour je suis passé dans un village que je n’avais pas traversé depuis des années : des maisons à perte de vue, des lotissements, je ne reconnaissais pas. Tout a changé au niveau population mais ce qui n’a pas changé c’est la place de l’église, le clacher et la salle des fêtes. » . C, 44 ans, originaire de la Baule-Escoublac (44), habitante de Mazé (49) : « Quand on me dit « village » je pense à une petite unité d’habitations où les gens se connaissent et se reconnaissent avec un coeur de vie qui peut être une place ou un autre lieu de rencontre. C’est aussi un lieu lié à une histoire et à un patrimoine... un village c’est bien sûr une église ! La notion de village est aussi pour moi un regroupement d’habitations bien délimitéavec un environnement plutôt verdoyant. » . A, 16 ans, habitant à Angers (49) : « Il y a des fêtes traditionnelles, l’église est le centre du village. C’est une commune où la majorité des gens sont agriculteurs ou âgés. » . J, 21 ans, originaire d’Angers (49), habitante de Vannes (56) : « C’est une église avec une grande place et des commerces à proximité. Les maisons sont assez anciennes autour de l’église, plus on s’écarte du bourg et plus on a des maisons qui ne sont pas mitoyennes, elles sont indépendantes, avec de grands jardins. C’est assez convivial, les gens se retrouvent sur la place du marché et se connaissent un peu plus qu’en ville. Mais aujourd’hui ça évolue j’ai l’impression, les gens se connaissent moins, ça fait moins communauté. »

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. N, 24 ans, originaire d’Angers (49), habitante de Paris (75) : « Quand je pense « village », je pense à celui où vivait mes grand-parents quand j’étais petite ! Une vision un peu idéalisée, avec sa place de l’église entourée de la boulangerie, de l’épicerie-presse, du salon de coiffure et de la boucherie, où tout le monde se connaît ! » . A, 25 ans, originaire du Mans (72), habitant de Ermont (95) : « C’est une commune tranquille, de petite taille, dans laquelle tout le monde se connaît. » . C, 24 ans, habitante d’Angers (49) : « Ça dépend des villages après… ça peut être un endroit calme, reposant, mais aussi animé et chaleureux, bon enfant. Tout le monde se connaît et se dit bonjour. Dans les grandes villes ce n’est pas trop ça. Ça a un certain charme avec les vieilles bâtisses et les dédales de rues plutôt étroites. La proximité peut être aussi gênante parce que tout le monde sait ce que tout le monde fait, c’est un nid à cancans. C’est un endroit où on aime la tradition, où on veut la pérenniser. » . C, 24 ans, habitante d’Angers (49) : « Ça me fait penser à une petite ville, avec une connotation plus familiale, quelque chose de mignon avec du charme typique,... pas comme un bourg qui est pour moi très campagne profonde. Un bourg c’est plus petit, plus isolé. On fait d’ailleurs un classement il me semble des plus beaux villages de France. Pour moi dans un village tu as tout ce qu’il faut pour vivre les premières nécessités et, pour les extras, les loisirs, souvent les gens vont dans les villes et à l’inverse les habitants de ville aiment se balader en périphérie plus au calme. Le terme village n’est pas péjoratif pour moi. » . M, 24 ans, habitante de Mérignac (33) : « Pour moi c’est l’échelle qui le caractérise, l’idée que tout le monde se connaît, qu’il y a une certaine proximité et que les relations soient différentes de celles qu’on trouve dans les grandes villes. » . L, 22 ans, origianire d’Angoulême (16), habitante de Bordeaux (33) : « Pour moi un village c’est un ensemble de petites maisons, souvent éloigné des grandes villes, plus ou moins isolé. Quand j’y pense, je vois de petites rues, qui rejoignent toutes quasiment la place de l’église. Quand tu vas au village, tu vas souvent prendre un café dans un PMU ou un petit café, les commerces ne sont pas nombreux mais souvent de qualité. Si je te parle plus de ma vision personnelle, je penserais au village de mes grand-parents en Charente-Maritime. Mon papy m’amenait voir ses copains pour jouer aux cartes dans le bar du village, on jouait avec le boulanger et ensuite j’allais chez lui chercher une pâtisserie. C’est un peu l’ambiance village, ce que l’on essaie de retrouver aujourd’hui dans les grandes villes, une connaissance de chacun, sans forcément aimer tout le monde, mais où la notion de voisinage et de partage paraît plus forte. » . M, 22 ans, originaire de Nancy (54), habitante de Bordeaux (33) : « Quand je pense à un village déjà je pense directement à celui où habitaient mes grand-parents. C’est une petite structure formée par des gens qui se connaissent plus entre eux qu’en ville. C’est ce qui me marque le plus, aussi le fait d’avoir une identité plus revendiquée peut-être. On vit plus dans un village par choix ou par tradition familiale alors que les plus grandes villes sont des passages obligés dans lesquelles on s’identifie moins du coup. » . C, 23 ans, originaire de Bourges (18), habitante de Bordeaux (33) : « Le village c’est la paroisse, l’église. Ce sont les points de repère du village. Il y a de plus petits commerces, de proximité, c’est ça justement qui est agréable. On connaît mieux ses voisins. Physiquement on ne vit pas aussi proches que dans les villes mais pourtant on se connaît mieux je

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crois. C’est positif pour moi l’image du village. Ça me ressource quand je vais ou quand j’arrive dans un village. » . A, 22 ans, originaire du Mans (72), habitant de Bordeaux (33) : « Je dirais l’architecture de bourg, le lien avec la campagne, les établissements caractéristiques comme l’église, la mairie, le marché. » . J, 22 ans, originaire de Dijon (21), habitant de Bordeaux (33) : « Le village pour moi c’est à la fois la France rurale des clochers et des campagnes, mais aussi une petite communauté d’habitants qui se connaissent tous avec, parfois, des logiques de solidarité et d’entraide mutuelle. » . C, 21 ans, originaire de Montpellier (34), habitante de Bordeaux (33) : « Alors un village... souvent on a l’idée d’un tout petit village de 100 habitants dans les montagnes mais pas forcément. Moi j’ai grandi dans un village de 9000 habitants à cinq minutes de Montpellier mais je considère ça comme un village. C’est un lieu qui a ses institutions comme les écoles primaires ou les collèges mais les lycées sont plus loin. Après il y a un esprit village avec les fêtes de village votives dans le sud de la France, un journal du village... C’est l’esprit de petite ville qui rassemble ses habitants, quelle que soit la taille : même mon village de 9000 habitants.

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Résumé La multiplicité des communes en France constitue un patrimoine incontournable de notre pays. A l’heure de la mondialisation cependant, nous pouvons nous poser la question de leur devenir ainsi qu’à celui des territoires ruraux, regorgeants de communes parfois très éloignées de l’influence économique et culturelle des grandes villes. De plus, les territoires ruraux connaissent un regain de population et ce mémoire est l’occasion à travers l’étude de trois cas d’analyser la façon dont certaines communes, certains territoires ruraux, font face à ces différentes problématiques. La ou les stratégies de revitalisation adoptées par chacun posent également les questions de l’échelle et de l’ambition de ces initiatives.

Mots clés Chaîne de valeur, communauté, dispositif participatif, solidarité, catalyse, initiative alternative, ruralité, territoire, transition des modes de vie, village.


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