SAINT-ÉMILION, UN VILLAGE FACE AU TOURISME CULTUREL INTERNATIONAL
Marie Rénié Mémoire de master - Parcours IAT Encadrement par Julie Ambal et Xavier Guillot Juin 2017 - ENSAP Bordeaux
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INTRODUCTION : LA MISE EN TOURISME DE LA CITÉ DE SAINT-ÉMILION
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01- PAYSAGE VITRINE : REPRÉSENTATIONS DU PAYSAGE EXCEPTIONNEL DE SAINT-ÉMILION
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01.1 - Du patrimoine au paysage 01.2 - Du paysage aux paysages : identification des différentes notions 01.2.1 - Le processus de patrimonialisation 01.2.2 - L’enrichissement des définitions de paysage 01.2.3 - La mise en récit assurée par des outils de gestion 01.3 - Le paysage exceptionnel : entre récit fabriqué et évidence 01.3.1 - Une beauté indéniable du paysage… 01.3.2 - … et une fierté pour les habitants 01.3.3 - Les traditions pour promouvoir le vin : la Jurade 01.3.4 - Une stratégie importante de l’office de tourisme : une économie essentielle pour le village 01.4 - Des images immuables de la cité 01.4.1 - Des célébrités pour appuyer l’attractivité 01.4.2 - Les images émises par les guides touristiques 01.4.3 - Les images perçues par les touristes 01.5 - la googlisation : le virtuel au service du tourisme 01.5.1 - Les partenariats 01.5.2 - Les itinéraires en France proposés par les tour-opérateurs 01.5.3 - Une perception différente de Saint-Émilion en France et à l’étranger
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01- PAYSAGE VITRINE : REPRÉSENTATIONS DU PAYSAGE EXCEPTIONNEL DE SAINT-ÉMILION
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01.1 - Du patrimoine au paysage 01.2 - Du paysage aux paysages : identification des différentes notions 01.2.1 - Le processus de patrimonialisation 01.2.2 - L’enrichissement des définitions de paysage 01.2.3 - La mise en récit assurée par des outils de gestion 01.3 - Le paysage exceptionnel : entre récit fabriqué et évidence 01.3.1 - Une beauté indéniable du paysage… 01.3.2 - … et une fierté pour les habitants 01.3.3 - Les traditions pour promouvoir le vin : la Jurade 01.3.4 - Une stratégie importante de l’office de tourisme : une économie essentielle pour le village 01.4 - Des images immuables de la cité 01.4.1 - Des célébrités pour appuyer l’attractivité 01.4.2 - Les images émises par les guides touristiques 01.4.3 - Les images perçues par les touristes 01.5 - la googlisation : le virtuel au service du tourisme 01.5.1 - Les partenariats 01.5.2 - Les itinéraires en France proposés par les tour-opérateurs 01.5.3 - Une perception différente de Saint-Émilion en France et à l’étranger
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01.1 - Du patrimoine au paysage 01.2 - Du paysage aux paysages : identification des différentes notions 01.2.1 - Le processus de patrimonialisation 01.2.2 - L’enrichissement des définitions de paysage 01.2.3 - La mise en récit assurée par des outils de gestion 01.3 - Le paysage exceptionnel : entre récit fabriqué et évidence 01.3.1 - Une beauté indéniable du paysage… 01.3.2 - … et une fierté pour les habitants 01.3.3 - Les traditions pour promouvoir le vin : la Jurade 01.3.4 - Une stratégie importante de l’office de tourisme : une économie essentielle pour le village 01.4 - Des images immuables de la cité 01.4.1 - Des célébrités pour appuyer l’attractivité 01.4.2 - Les images émises par les guides touristiques 01.4.3 - Les images perçues par les touristes 01.5 - la googlisation : le virtuel au service du tourisme 01.5.1 - Les partenariats 01.5.2 - Les itinéraires en France proposés par les tour-opérateurs 01.5.3 - Une perception différente de Saint-Émilion en France et à l’étranger
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01.1 - Du patrimoine au paysage 01.2 - Du paysage aux paysages : identification des différentes notions 01.2.1 - Le processus de patrimonialisation 01.2.2 - L’enrichissement des définitions de paysage 01.2.3 - La mise en récit assurée par des outils de gestion 01.3 - Le paysage exceptionnel : entre récit fabriqué et évidence 01.3.1 - Une beauté indéniable du paysage… 01.3.2 - … et une fierté pour les habitants 01.3.3 - Les traditions pour promouvoir le vin : la Jurade 01.3.4 - Une stratégie importante de l’office de tourisme : une économie essentielle pour le village 01.4 - Des images immuables de la cité 01.4.1 - Des célébrités pour appuyer l’attractivité 01.4.2 - Les images émises par les guides touristiques 01.4.3 - Les images perçues par les touristes 01.5 - la googlisation : le virtuel au service du tourisme 01.5.1 - Les partenariats 01.5.2 - Les itinéraires en France proposés par les tour-opérateurs 01.5.3 - Une perception différente de Saint-Émilion en France et à l’étranger
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02 - PAYSAGES QUOTIDIENS : DIFFÉRENTES MANIÈRES D’HABITER SAINT-ÉMILION
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02.1- Vers la [re]construction d’un paysage intime p.82 02.2 - Le symptome des logements vacants p.87 02.2.1 - Structure et évolution de la population depuis l’inscription sur la liste p.87 du patrimoine mondial 02.2.2 - Un village fantôme p.89 02.2.3 - Non adaptation typomorphologique des logements p.91 02.2.6 - La difficulté de rénover les logements p.93 02.3 - Saint-Émilion face au tourisme de masse p.97 02.3.1 - Une inquiétude et un mécontentement palpable de la part des habitants p.99 intra-muros 02.3.2 - Un village scindé en deux : L’alternative de la vie à la campagne p.107 02.3.2.1 - Des vignes structurantes p.107 02.3.2.2 - Un village qui vit au rythme des saisons p.111
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CONCLUSION : L’ÉMERGENCE DE NOUVELLES FIGURES DANS LA RELATION ENTRE TOURISTE ET HABITANT
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C.1 - Les dossiers de candidatures : des premiers pas peu assurés C.2 - Diversification de l’offre touristique C.3 - Sortir de l’opposition entre habitants et touristes ? C.4 - Le développement de la figure de l’habitant acteur : l’exemple des Greeters C.5 - Le développement de la figue du touriste acteur ou consom’acteur : les aspects positifs du tourisme durable à travers le territoire de Cinque terres en Italie.
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ANNEXES BIBLIOGRAPHIE TABLE DES FIGURES
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REGARD SUR LE PATRIMOINE MONDIAL
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l y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde [...] ».
Victor Hugo 1832, « Guerre aux démolisseurs ! », dans Revue des deux mondes.
Le patrimoine est une notion connue de tous, très présente dans l’imaginaire commun. Une notion qui convoque nos émotions, nos souvenirs vis-à-vis d’un lieu, d’un monument... Elle est impalpable, omniprésente dans la culture française, à laquelle j’ai toujours été sensible. Avant de commencer mes études, la notion de patrimoine m’était familière. Ma sensibilité architecturale, faisait que je représentais le patrimoine essentiellement à travers le bâti : j’affectionnais particulièrement les lieux, les monuments, chargés d’histoire ainsi que l’esthétique particulière des bâtiments anciens. À mes yeux, cette notion symbolisait avant tout le passé, et possédait un caractère historique et symbolique fort, qui se concrétisait au travers des monuments historiques. Je suis toujours autant impressionnée par la puissance fédératrice du patrimoine en France. Cela peut se constater autour d’événements tels que les Journées Européennes du Patrimoine qui, chaque année, rassemblent une grande partie de la population. En 2016, 12 millions de personnes se sont rendues dans des lieux ouverts au public1 en France. 1 Ministère de la culture et de la communication, « Les Français, citoyens du patrimoine ! », Communiqué de presse, Paris, 2016.
Dans la ville dans laquelle j’ai fais mes études, Bordeaux, la question patrimoniale est au centre de nombreuses préoccupations. Elle touche à différents aspects de la fabrication de la ville (esthétique, urbanistique...), et aussi de la vie des citoyens (économique, social...). Le patrimoine représente une sorte de trait d’union entre les générations. Mon expérience d’étudiante en architecture m’a permis d’appréhender une notion plus diversifiée du patrimoine, englobant par exemple le paysage ou le patrimoine du XXe siècle. Désireuse d’en savoir plus, j’ai effectué un stage à l’Unité Départementale de l’Architecture et du Patrimoine (UDAP) des Pyrénées Atlantiques auprès d’un Architecte des Bâtiments de France (ABF). Depuis, mon regard sur la question du patrimoine a évolué. J’ai été confrontée à un grand nombre de réglementations plus ou moins précises, soumises à la subjectivité de leur administrateur (la plus part du temps l’ABF). Le public varié que j’ai pu rencontrer lors de ce stage (usagers, architectes, services urbains...), restait parfois dans l’incompréhension voire une relative hostilité vis-à-vis des questions patrimoniales. J’ai alors pu entrevoir le grand travail de médiation restant à faire auprès du public (avec les CAUE2 par exemple) concernant les questions de perception et compréhension de ce qui constitue et réprésente le patrimoine.
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Depuis les démolitions liées à la Révolution française, le patrimoine est une notion bien ancrée dans la culture française, tout en étant en constante évolution. Différents outils de protection se succédèrent jusqu’à la création en 1972 d’un label « patrimoine mondial » par l’UNESCO. Celui-ci permet la reconnaissance du caractère authentique et exceptionnel d’un bien pour l’humanité. Ces biens sont regroupés sur la liste du patrimoine mondial. Au nombre de 41, la France est le quatrième pays en nombre de biens sur la liste3. Actuellement le patrimoine UNESCO représente 1052 biens classés dans 165 états membres. Le patrimoine possède une grande force de ralliement, presque tous les pays du monde sont représentés. Je commençais à entrevoir les grandes différences d’actions et de pensées en jeu lors d’une intervention dans un lieu à caractère patrimonial, et mon avis était plutôt tranché. D’une part, je trouvais les instances liées à la protection du patrimoine nécessaires afin d’assurer la protection voire la valorisation de celui ci, et ainsi éviter une dégradation abusive. D’autre part je considérais les systèmes de protection comme souvent intransigeants et très peu capables de s’adapter aux constructions contemporaines (prônant la plupart du temps le pastiche), et entretenant une action paralysante sur les projets d’aménagement urbain. Il est possible de regrouper les différentes manières de concevoir la sauvegarde du patrimoine en deux niveaux simplifiés : la protection par la sanctuarisation du territoire, en opposition à une protection moins stricte vis-à-vis du renouvellement urbain ou rural. En fonction du site, du pays, de la culture en vigueur, chaque intervention nécessite de trouver sa place et de se positionner en fonction de ces différentes manières de faire. À titre d’exemple, certains territoires peuvent être proches géographiquement, mais traiter de manière différente la sauvegarde du patrimoine. La ville de Bordeaux va plutôt favoriser le renouvellement urbain dans le respect de l’ancien, tandis que la commune de Saint-Émilion appartient à la catégorie des territoires sanctuarisés.
De manière générale, la ville ancienne évoque à travers une figure muséale, le principe défensif du patrimoine alors qu’elle peut être interactive avec son environnement et ses besoins. Fabriquer la ville est de plus en plus complexe. Les urbanistes, paysagistes et architectes contemporains doivent composer avec l’héritage d’une mémoire omniprésente. Le patrimoine bâti pose toujours les mêmes questions : que doit-on conserver ? Que doit-on détruire ? S’agit-il de recréer la ville à l’identique ? Dans quelle mesure la liberté architecturale à sa place face à la protection du patrimoine ? Pourtant, loin d’être un frein à l’évolution et au développement des territoires, la mise en valeur du patrimoine est généralement un objectif commun à tous les acteurs. Elle constitue un moyen de donner une image positive d’un territoire et est souvent synonyme d’un cadre de vie agréable. Or, plus de 40 ans après la création du label UNESCO, certains constats sont inquiétants. L’obtention de ce label, assure involontairement un rayonnement touristique mondial et des retombées économiques conséquentes pour le patrimoine local. De part la labellisation, l’UNESCO confère une aura supplémentaire au patrimoine. Pour exemple, depuis son obtention en 2007, la fréquentation touristique de la ville de Bordeaux a augmenté de 50 %. Une course au label s’opère parmi les pays membres du comité de l’UNESCO et chaque année un grand nombre de biens est proposé à l’inscription. Le label UNESCO attire et constitue une composante de poids dans le tourisme mondial, mais également dans nos esprits. Il est fréquent de retrouver ce label mis en valeur dans les guides touristiques, sur les panneaux des villes, sur internet… Pour le grand public, l’UNESCO reste un label d’excellence qui consacre les trésors de l’humanité. Il ignore tout du processus complexe d’inscription d’un bien sur la liste du patrimoine mondial. Le fait d’inscrire la bière belge ou le carnaval de Granville sur la liste du patrimoine culturel immatériel suffit, dans l’imaginaire collectif, à les hisser à la hauteur des pyramides d’Égypte. Ce phénomène ne fait qu’enrichir la complexité de ce qui compose notre patrimoine, jusqu’à presque devenir ambiguë, voire, paradoxal. Quand tout devient patrimoine, peut-on donner véritablement un sens précis à cette notion ?4 De plus, ce « tout patrimonial »5 est source de profits importants. Le tourisme est l’un des moteurs principaux de l’économie actuelle, et les différents acteurs de l’État ainsi que des différents territoires locaux l’ont bien compris.
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Cette phrase du directeur de cabinet de Jacques Duhamel6 exprime parfaitement la marchandisation du patrimoine qui grandit de façon exponentielle depuis la création des labels UNESCO. La ville ancienne nous paraît comme menacée de disparition, mise au rang d’objet précieux qui devrait être sauvegardé dans un musée et mis hors du circuit de la vie et 4 AUDRERIE Dominique, La notion et la protection du patrimoine, Paris, Éd. Que sais je, Presses Universitaires de France, 1997, p.3. 5 2015.
2 Les CAUE (Conseil d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement) sont des structures de l’État sont des structures de l’État créées grâce à la loi du 3 janvier 1977. Leur rôle est de conseiller à la fois les particuliers, les collectivités locales, de former et informer les élus locaux, les services techniques, les professionnels, et de sensibiliser tous les publics même scolaires à l’architecture, l’urbanisme et le paysage. 3
La liste du patrimoine mondial : http://whc.UNESCO.org/fr/list/arb
e patrimoine est une richesse fossile gérable et exploitable comme du pétrole, il faut exploiter le patrimoine comme des parcs d’attractions. »
Terme utilisé par LOUBES Jean-Paul dans, Tourisme arme de destruction massive, Paris, Éd. du Sextant,
6 Jacques Duhamel était ministre de la culture de 1971 à 1973. La phrase citée fut prononcée par son directeur de cabinet de l’époque J. Rigaud, dans « Patrimoine, évolution culturelle », dans Monuments historiques, 5, 1978, p.4. Citation issue du livre : CHOAY Françoise, Le patrimoine en question : anthologie pour un combat, Paris, Éd. du seuil, 2009, p.XL.
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des usages. En m’appuyant sur les propos très critiques de Françoise Choay,7 « en devenant historique, la ville perd son historicité »8, je constate que la ville labellisée se tourne très généralement vers le tourisme jusqu’à devenir objet de consommation, de même manière que l’on va dans un musée. Ces lieux protégés peuvent être dénaturés par le besoin d’espace de ventes, de boutiques en tout genre, de points d’accueil, allant parfois jusqu’à la dégradation des sites (comme en Égypte avec la fermeture des tombeaux de la Vallée des rois), ou encore la dénaturation de leur symbolique première : la Cité interdite de Pékin qui fut interdite d’accès pendant 500 ans accueille aujourd’hui plus de 80 000 touristes par jour. Nous pouvons nous poser certaines questions quant aux candidatures de certains biens au label « Patrimoine Mondial ». Ce qu’il possible de qualifier dans certains cas de prostitution touristique lorsqu’on sait que le tourisme représente une source de revenus plus qu’essentielle pour les pays du Sud est en contradiction avec de nombreuses valeurs véhiculée par l’UNESCO comme la notion d’authenticité. De plus, cette notion peut être elle même en désaccord avec les traditions culturelles de certains pays. La notion d’authenticité reste très occidentale : il n’existe pas, dans certaines langues, de mot suffisamment précis permettant d’exprimer la notion d’authenticité selon les régions du monde. Le critère principal permettant l’inscription sur la liste du patrimoine mondial étant une notion qui n’est pas partagée par tous, remet en cause la notion d’universalité, ainsi que les spécificités de chaque culture et région du monde. Couplée avec le tourisme de masse, la labellisation UNESCO tend à uniformiser notre rapport au patrimoine et au tourisme. Elle conforte le système de globalisation et de mondialisation dans lequel nous baignons, tout en effaçant les spécificités de chacun.
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Je citerai pour finir les mots rassurants de Yves Michaud, « nous sommes tous contents d’être des touristes »9. Pour moi aussi, voyager reste un plaisir immense : j’espère qu’un jour, voyager se fera automatiquement dans le respect de l’autre et son environnement.
Figure 1 : Une journée au Mont-Saint-Michel.
7 Françoise Choay est historienne des théories et des formes urbaines et architecturales ainsi que professeur aux universités de Paris I et Paris-VIII. Après avoir expliqué dans son ouvrage, L’allégorie du patrimoine, Paris, Éd. du Seuil, 1999, comment la société est passée d’un culte des monuments, à un culte du patrimoine, elle dénonce dans, Le patrimoine en question : anthologie pour un combat, Paris, Éd. du seuil, 2009, certaines politiques liées à la patrimonialisation actuelle. Elle considère que c’est à la labellisation du patrimoine mondial donnée par l’UNESCO, que la marchandisation du patrimoine doit son développement exponentiel jusqu’à provoquer une dysneylandisation d’une grande partie des sites classés sur la liste du patrimoine mondial.++ 8
Ibid. L’allégorie du patrimoine, p.142.
9 Citation d’Yves Michaud, philosophe français, lue dans, LOUBES, Jean-Paul,+Tourisme : arme de destruction massive,!Clamecy, Éd, du Sextant, 2015.
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LA MISE EN TOURISME DE LA CITÉ DE SAINT-ÉMILION
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Ce sont sur ces notes plutôt critiques que j’ai décidé de m’intéresser au village classé UNESCO de Saint-Émilion, un territoire qui multiplie les protections. Saint-Émilion est une célèbre cité médiévale au cœur d’un immense territoire viticole situé en Gironde, à 45 minutes à l’Est de Bordeaux, délimité au Sud par la Dordogne et limitrophe de la commune de Libourne. Le territoire inscrit sur la liste du patrimoine mondial se déploie sur huit communes formant « La Juridiction de Saint-Émilion »10 : Saint-Christophe-des-Bardes, Saint-Émilion, Saint-Étienne-de-Lisse, SaintHippolyte, Saint-Laurent-des-Combes, Saint-Pey-d’Armens, Saint-Sulpice-deFaleyrens et Vignonet. Celle-ci fait partie, à plus large échelle, de la Communauté de Communes du Grand Saint-Émilionnais regroupant 22 communes. (Cf. Fiche d’identité de Saint-Émilion, p.16) Figure 2 : Localisation de Saint-Émilion 10 Le statut particulier de Juridiction a été accordé au territoire du Saint-Émilionnais au cours de la période du gouvernement anglais au XIIe siècle. La Juridiction est une entité spatiale correspondant au territoire d’action de la Jurade. En 1199, Jean sans Terre, roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine, accorda aux habitants le droit de constituer une commune avec « tous les privilèges et libres coutumes ». La cité put d’administrer grâce à une Jurade : un conseil citadin dont les attributions allaient de la Justice à la diplomatie, en passant par la police, la défense, etc. En 1289, Edouard premier signa un acte définissant les limites de la Juridiction regroupant plusieurs communes. Cette ancienne Juridiction est devenue par la suite l’aire de l’appellation viticole contrôlée « Saint-Émilion ». Pourtant ce n’est pas le territoire de l’actuelle Juridiction, ni celui de l’appellation viticole qui sont retenus, dans ce projet, pour former le site à inscrire. Il s’agit de la part jugée la plus « pittoresque » qui est sélectionnée. BRIFFAUD Serge, Représentations sociales des paysages et gouvernance locale. Le cas de la Juridiction de SaintÉmilion, paysage culturel du patrimoine mondial de l’humanité, Regards croisés entre la recherche et l’action, Girona et Perpignan, 2011.
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J’ai souhaité interroger le village de Saint-Émilion et son territoire viticole, classés au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1999, au titre de « paysage culturel évolutif vivant en tant qu’œuvre conjugué entre le travail de l’Homme et la nature11 ». Afin de pérenniser cette labellisation, plusieurs outils de gestion furent mis en place, au préalable, ou en parallèle, comme la définition d’un secteur sauvegardé depuis 1986, puis une Zone de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysager (ZPPAUP) regroupant les différentes communes de la Juridiction depuis 2007. Ce périmètre s’est transformé depuis peu en Aire de Valorisation Architecturale et Paysagère (AVAP).
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CRITÈRE (III) : « La Juridiction de Saint-Émilion est un exemple remarquable d’un paysage viticole historique qui a survécu intact et est en activité de nos jours. » CRITÈRE (IV) : « La Juridiction historique de Saint-Émilion illustre de manière exceptionnelle la culture intensive de la vigne à vin dans une région délimitée avec précision. » %62/,./,21*%/+%#*$,-+AVAP ; Secteur sauvegardé ; Paysage culturel UNESCO +*((3$/!, ./, )", 731#.#+%#*$, ./, !"#$%&'(#)#*$, 8%/11#%*#1/!, +)"!!'!9, -+ Saint-Christophe-des-Bardes, Saint-
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Saint-Émilion appartient à la Communauté de Communes du Grand Saint-Émilionnais : 22 communes, 15 265 habitants en 2011.
Le territoire de Saint-Émilion est d’autant plus complexe à appréhender du fait de sa renommée mondiale pour la qualité de son vin. Dans les vins de Bordeaux, l’appellation SaintÉmilion est certainement une des plus connue au monde par les touristes. La cité médiévale accueille chaque année plus d’un million de visiteurs mais reste derrière Bordeaux qui a attiré en 2015 six millions de touristes12. L’économie touristique est un des moteurs important de la Gironde classé premier territoire viticole touristique de France (4,3 millions de visiteurs par an). Plus particulièrement, les communes de Blaye, Bordeaux et Saint-Émilion attirent grâce à leur patrimoine inscrit sur la liste du patrimoine mondial : la Gironde compte le plus grand nombre de bâtiments protégés après Paris.13 C’est pourquoi, des territoires limitrophes tels que Libourne s’activent en diversifiant leur offre de logements touristiques afin de, eux aussi, profiter des retombées économiques touristiques pour revenir sur le devant de la scène14. Depuis les années 1990, la France est la première destination touristique mondiale. Environ 84,5 millions15 de touristes internationaux ont été accueillis en 2015, dont 30 millions à Paris, ville la plus visitée de France. En deuxième position, la ville de Lyon, profite de la réputation de capitale de la gastronomie française, suivie de Lourdes pour un tourisme quasiment exclusivement religieux. Dans la plus part des classements, Bordeaux16 et sa région viticole sont classées en 10e position. La Gironde est classée 7e département le plus visité par les français en 201417. L’attractivité touristique du département croit rapidement grâce à la hausse de la clientèle asiatique qui vient de plus en plus nombreuse : 22,7 % par rapport à l’année 2014. Le tourisme est un des vecteurs du marketing territorial français. En dehors de Paris, les villes moyennes bénéficiant d’une identité culturelle très forte sont les lieux les plus fréquentés de France. En 2015, les 1 milliard 186 millions de touristes internationaux ont engendré 1 260 milliard de recettes dans le monde. Selon l’Organisation Mondiale du Tourisme, cette croissance n’est pas sensée s’affaiblir et le nombre de touristes internationaux atteindra 1,4 milliard en 2020 puis 1,8 milliard en 203018. Selon le rapport annuel de l’Organisation Mondiale 11 Article 1 de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel par l’UNESCO, 1972, Cf. Annexe numéro 04. 12 Les Chroniques de l’oenotourisme, 2015, l’année record pour le tourisme à Bordeaux, 19 février 2016. http://leschroniquesdeloenotourisme.com/2015-lannee-record-tourisme-a-bordeaux/ 13 Gironde Tourisme, Stratégie de développement touristique durable de la Gironde 2017-2021, Étape 1 : diagnostic et axes stratégiques, Bordeaux, Éd. Gironde Tourisme, 2017. 14
Pour plus d’informations sur le renouvellement touristique de Libourne, Cf. Annexe numéro 10.
15 Ce nombre est cependant à nuancer. En effet, selon l’Organisation Mondiale du Tourisme, pour être considéré comme un touriste international, il faut passer au moins une nuit sur le territoire français. Les 84,5 millions de touristes internationaux, comprennent également les personnes en transit vers d’autres destinations. UNWTO, Faits saillants OMT du tourisme, Rapport annuel, 2016. 16 Figure 3 :,
Pierre, « Les 10 villes les plus touristiques de France », dans Carigami le magazine, le 10 mars 2017.
Ibid. Stratégie de développement touristique durable de la Gironde 2017-2021, Étape 1 : diagnostic et 17 axes stratégiques. 18
UNWTO, Faits saillants OMT du tourisme, Rapport annuel, 2016.
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du Tourisme, le tourisme est présenté comme la « clé du développement, de la prospérité et du bien être »19. L’objectif est clairement annoncé : le patrimoine est considéré en terme de profits, dans une vision globale, parfois un peu dépossédé de l’âme que véhicule le patrimoine. Prenons l’exemple de la cité médiévale de Carcassonne, située dans le département de l’Aude, et inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1997 (Deux ans avant Saint-Émilion). 14 000 habitants vivaient dans la cité au XIXe siècle contre 49 aujourd’hui et 800 il y a quelques décennies. Avec plus de 4,5 millions de visiteurs annuels, il s’agit d’un des sites les plus visités de France derrière le Mont-Saint-Michel brassant plus de 2 millions de touristes chaque année. Après l’inscription de la cité sur la liste du patrimoine mondial, le développement touristique fut assez fulgurant dans les années 2000. Boulangeries, épiceries, boucheries ont disparues. Les garages des maisons se sont transformés en commerces :
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Figure 4 : Localisation du terrain d’étude.
Limites administratives des communes de la juridicton de Saint-Émilion
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Limites administratives de Libourne = 100 habitants
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Figure 5 : Carte mentale des communes autour de Saint-Émilion, Proportion territoire / Habitant (Cf. Annexe numéro 03).
l y avait un ou deux restaurants dans la cité, il y a en a 70 ou 80 maintenant. »20
Tout comme la commune de Carcassonne, et contrairement à la ville de Bordeaux, le territoire de Saint-Émilion s’est transformé en véritable sanctuaire. En dépit de l’incontestable beauté des lieux, une image hautement touristique de la cité m’a sauté aux yeux lors de mes premières visites. En effet, depuis 1999, (année correspondante à l’inscription sur la liste du patrimoine de l’humanité), le tourisme a fait un bon de 20 %21. La « mise en tourisme » de la cité est flagrante. Dix mois dans l’année, les rues sont remplies de touristes, les devantures de magasins sont traduites en anglais, les boutiques de souvenirs ont envahi les rez-de-chaussée, tout comme les négociants en vins ou les nombreuses banques (proportionnellement à la taille de la cité). Je me suis donc longuement interrogée sur la corrélation entre ce phénomène de « village musée » et la labellisation UNESCO. Peut on vraiment figer un village sous prétexte de protection ? Plus largement, la thématique de relation entre tourisme et patrimoine est une question très présente dans les réflexions de nombreux chercheurs ou parmi les instances de l’UNESCO. Il est assez évident que le tourisme constitue une force importante de transformation urbaine et rurale. Cependant, jusqu’à quel point ces transformations peuvent-elles s’allier avec la protection du patrimoine ? Jusqu’à quel point un lieu peut-il devenir touristique ? Y a-til un point de non retour dans cette « mise en tourisme » ? Cette question de la capacité de charge ou capacité d’accueil (carrying capacity22) est également devenue centrale pour l’UNESCO23.
19
UNWTO, Faits saillants OMT du tourisme, Rapport annuel, 2016.
20 GUÉRIN Vincent, Carcassonne, les secrets de la citadelle, Documentaire de 53 min, 2013, diffusé sur France 5 le 17 décembre 2014. 21 DUBRULE Paul, L’œnotourisme : une valorisation des produits et du patrimoine viti-vinicoles, Rapport pour le Ministre de l’Agriculture et de la Pêche et au Ministre du Tourisme, 2007, p.17. 22 La notion de carrying capacity se retrouve dans la définition de l’écotourisme. Ce dernier se substitue à la notion de développement durable dans l’activité touristique. Cette notion, apparaît pour la première fois dans la littérature anglo-saxonne. Elle se définit comme un tourisme au contact de la nature développant en parallèle le tourisme et la protection des lieux sensibles. Il est caractérisé par sa faible capacité de charge (la capacité de charge représente le niveau de saturation d’une destination, en nombre de visiteurs). 23 Terme utilisé dans l’introduction du premier séminaire de la Chaire UNESCO, Culture, tourisme, développement : Villes françaises du patrimoine mondial et tourisme. Protection, gestion, valorisation par GRAVARI-BARBAS et JACQUOT, 2010.
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Mes inquiétudes vis-à-vis du développement du territoire se sont confirmées en regardant les données de recensement de la population : elle n’a cessé de diminuer. De 3 403 habitants en 1968, le village ne compte plus que 1911 en 201324. À cela s’ajoute l’augmentation du nombre de logements vacants, avec un bond significatif les années suivants la labellisation UNESCO. C’est donc avec un regard très négatif et une vision assez manichéenne sur les effets de la labellisation que j’entamais mes investigations à Saint-Émilion. Pourtant, lors des différents bilans concernant le respect des conditions pour appartenir au patrimoine universel, Saint-Émilion est érigée en première de la classe. Pour l’UNESCO, « Le statut de patrimoine mondial a eu comme conséquence une meilleure lisibilité de l’histoire de la Juridiction, et de ses développements, ainsi que des actions menées en faveur du patrimoine. Il a contribué à mettre en relation les acteurs locaux, qu’ils soient institutionnels ou privés. Il a permis également une réelle prise de conscience de la fragilité des paysages et la nécessité pour les acteurs locaux d’une attention renouvelée. »25 Ces décalages et incohérences entre ma pensée, les différents rapports, conventions, ainsi que la réalité sur le terrain m’ont amené à remettre en question ma vision. La transformation importante de la cité médiévale au cours de ses 20 dernières années ne peut pas être seulement due à l’inscription du paysage de Saint-Émilion sur la liste du patrimoine mondial. En effet, ce territoire complexe est soumis à une multitude de facteurs (dont la labellisation) expliquant le paysage tel qu’il est aujourd’hui et notamment la cité médiévale muséifiée. Pour synthétiser, il est possible de dire que Saint-Émilion est à la fois : )' )(
Un immense territoire agricole traditionnel et unique qui cultive de manière moderne un produit à très forte valeur ajoutée. (Figure 6) Une cité médiévale qui rencontre des problématiques communes à de nombreuses petites communes rurales. (Figure 7) Un village qui a des airs de ville par le rayonnement international et son attractivité. (Figure 8)
Si l’UNESCO constituait l’un des points de départ de ma réflexion, il n’est pas celui d’arrivée. Finalement, il est intéressant de se demander si le territoire aurait été différent sans cette labellisation. Plusieurs facteurs semblent soutenir le contraire. L’économie viticole déjà bien présente au moment de la labellisation aurait continué à prendre de l’ampleur et le tourisme aurait pu se développer de lui-même. Effectivement, Saint-Émilion appartient aux territoires dits de première génération lors de l’inscription sur la liste du patrimoine mondial.
Figure 6 : Territoire agricole.
Figure 7 : Cité médiévale.
Figure 8 : Ville touristique.
24
Cf. Annexe numéro 08, Données INSEE.
25
UNESCO, Rapport périodique - Deuxième cycle, Juridiction de Saint-Émilion, 2014.
Figure 9 : Schémas expliquant le processus de candidature de Saint-Émilion.
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CHANGEMENT DE MINISTÈRE NOUVELLES ÉQUIPES EN CHARGE DU DOSSIER FINAL
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Comme le soutient madame Grébaut-Arteau,26 la notoriété de Saint-Émilion, et notamment celle de son vin, précède celle de l’UNESCO. De ce fait, l’UNESCO aurait presque été plus désireux d’inscrire le paysage de Saint-Émilion sur sa liste plutôt que le contraire, comme il est souvent le cas aujourd’hui. En effet, les années précédant l’inscription de Saint-Émilion (1999), l’État envisageait déjà de proposer un vignoble français à l’UNESCO afin de représenter l’image viticole emblématique de la France à l’étranger. La renommée du vignoble du Saint-Émilionnais correspondait parfaitement aux objectifs de l’État. Missionnés en 1993 par le Ministère de l’Environnement, la Direction régionale de l’environnement en Aquitaine (DIREN) et l’unité départementale de l’architecture et du patrimoine du Périgord (UDAP) ont réalisé avec l’accord de la mairie de Saint-Émilion une première enquête afin d’analyser le terrain27, sans avertir le reste de la Juridiction pour évaluer si le potentiel du territoire correspond aux objectifs de l’État (Ce qui provoqua des réactions négatives rétrospectivement : conflit d’intérêt avec les communes exclues de la délimitation). Lors de ce processus, la DIREN a joué un rôle primordial d’incitateur puis de coordinateur auprès de la collectivité. L’UDAP quant à lui fut un conseiller important compte tenu de la qualité du site. Après la remise du rapport, le Ministère de l’environnement donna en 1995 un avis favorable pour la candidature de Saint-Émilion sur la liste du patrimoine mondial avant d’envoyer le rapport à l’UNESCO. La décision officielle de candidature de Saint-Émilion fut prise en 1996 par l’État qui mandata l’UDAP et la DIREN pour élaborer le pré-dossier de candidature. Cette étape fut longue et fastidieuse du fait du manque de coopération de la ville de Saint-Émilion occupée à préparer le passage du Tour de France. Ce manque d’investissement de la ville témoigne la « non priorité » de l’obtention du label UNESCO par rapport à l’État, plus pressé et insistant, au point de proposer l’idée de remplacer l’inscription de Saint-Émilion par une ville de Champagne plus motivée. Ce n’est qu’en 1997 que le maire de Saint-Émilion relança la procédure afin de terminer le dossier final soutenu financièrement par la DIREN et le Syndicat communal a vocation multiple (SIVOM) de Saint-Émilion (Ce syndicat créé 35 ans plus tôt fut remplacé par la Juridiction de Saint-Émilion regroupant huit communes). La collectivité est devenue maître d’ouvrage et porteur du dossier, malgré des conflits d’intérêt avec le reste des communes hors et dans la Juridiction notamment lors de la discussion de la délimitation du territoire inscrit. En 1998, un changement s’opéra : le Ministère de la culture repris à sa charge le dépôt du dossier auprès des instances de l’UNESCO et missionna un bureau d’étude parisien, GRAHAL, couplé à la DIREN, afin de terminer le dossier de candidature de Saint-Émilion qui fut finalement accepté en 1999. (Figure 9) Au niveau local, un des plus grand intérêt à obtenir l’inscription de la Juridiction sur la liste du patrimoine mondial, était d’obtenir des subventions pouvant soulager les charges des différentes communes. De plus, précisons que se sont uniquement les acteurs locaux (à l’initiative de l’État) qui furent porteurs du projet d’inscription. Les habitants ne furent pas concertés et non pas pu participer à une décision importante pour l’avenir de leur village. C’est donc une fois le territoire inscrit, que les habitants furent informés de l’inscription, et donc, de la reconnaissance de l’exceptionnalité de leur territoire quotidien. Ce processus témoigne 26 J’ai rencontré madame Grébaut-Arteau lors des Journées Nationales du Patrimoine à Saint-Émilion en septembre 2016. Historienne de l’art, muséographe et ingénieure culturel, madame Grébaut-Arteau travaille désormais sur le territoire de Saint-Émilion en tant que directrice de la Juridiction de Saint-Émilion, Patrimoine Mondial de l’Humanité et fondatrice de l’association « le barde du label ». 27 SDAP DE LA GIRONDE ET DIREN AQUITAINE, Rapport pour l’inscription de l’Ancienne Juridiction de SaintÉmilion sur la liste des paysages culturels du patrimoine mondial, Archives de la Communauté de communes de la Juridiction de Saint-Émilion, 1993.
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de la réelle motivation de l’État à solliciter la notoriété de Saint-Émilion afin de promouvoir l’image de la France à l’étranger. Il ne s’agit pas uniquement d’une initiative purement locale, comme il est le cas aujourd’hui au vu des nombreuses candidatures d’inscriptions évaluées par l’UNESCO chaque année. Prenons un autre exemple, celui de la commune de Sarlat en Dordogne afin d’appuyer ce raisonnement (9 259 habitants en 2013) (Figure 10). Il s’agit d’une ville d’art et d’histoire également en secteur sauvegardé avec une très grand nombre d’immeubles ou de maisons classés sur le territoire de cette cité médiévale. Même si la baisse de la population est loin d’être aussi impressionnante que celle qui à lieu dans le territoire de Saint-Émilion, le centre ancien de la ville de Sarlat avec 690 000 visiteurs28 annuels est une véritable vitrine touristique témoignage d’un paysage muséifié sur une partie de la ville. Or, le territoire n’appartient pas à la liste du patrimoine mondial. Ces « symptômes » positifs ou négatifs ne sont pas directement et exclusivement liés à l’UNESCO. Encore, si l’on regarde la ville de Dresde dans la vallée de l’Elbe en Allemagne, qui s’est vue retirer sa « Valeur Universelle Exceptionnelle » (VUE), en 2009, les statistiques démontrent une augmentation de 6,6 % du tourisme entre 2009 et 2010. Le retrait de l’inscription n’a donc entaché aucunement ou très peu l’attrait touristique de la ville29. Pour finir sur une note plus positive concernant la labellisation, il serait incomplet de penser que la recherche de l’inscription sur la liste du patrimoine mondial ne soit réduite qu’à des raisons économiques. Il est également question de choses plus impalpables : de prestige, de fierté, de reconnaissance, de partage... En effet, certains territoires cherchent à obtenir cette inscription alors qu’ils possèdent déjà une grande notoriété et une activité économique touristique importante. C’est le cas du vignoble de Bourgogne qui fut proposé à l’inscription puis retenu sur la liste en 2015. (Figure 11)
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Le concept de « Valeur Exceptionnelle Universelle » véhiculé par la liste du patrimoine mondial s’appuie sur la combinaison de trois facteurs devant être en adéquation. Tout d’abord, et principalement, sur un diagnostic des valeurs portées par des spécialistes du patrimoine intervenant dans le processus d’inscription, puis des valeurs perçues et portées par les populations locales, ainsi que celles perçues par les nombreux touristes. Pourtant, aujourd’hui, à mon sens, je pense que le point de vue des habitants est souvent insuffisamment pris en compte. Le paysage muséeifié de Saint-Émilion en est vraisemblablement une résultante. Sur ces bases établies, j’ai cherché une porte d’entrée permettant d’analyser le paysage de Saint-Émilion avec une nouvelle focale. Comme je l’expliquais au travers de quelques exemples dans cette introduction, la patrimonialisation, surtout lorsqu’elle investit des territoires habités, interroge nécessairement les conséquences en terme de transformation de la vie quotidienne ainsi que les représentations que peuvent avoir les habitants qui vivent et pratiquent au quotidien un paysage devenu « Valeur Exceptionnelle Universelle ».
Figure 10 : La cité médiévale de Sarlat en Dordogne.
Figure 11 : Les Climats du vignoble de Bourgogne classés sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 2015. Les climats sont des parcelles de vignes précisément délimitées sur les pentes de la côte de Nuits et de Beaune, au sud de Dijon.
28 Comité départemental du tourisme de la Dordogne, Tableau de bord du suivi de l’économie touristique, Évolution du parc des hébergements, nuitées et fréquentation, Périgueux, 2015. 29 VERRIER Michel, « Dresde ne pense plus guère à la sanction de l’UNESCO », dans La Croix, Berlin, Le 25 mars 2011.
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Cette reconnaissance est à l’origine de transformations du rapport des habitants à leur paysage quotidien ainsi qu’une [re]définition des pratiques quotidiennes ou/et des représentations spatiales. Cette recherche vise à interroger la manière dont se passe la cohabitation entre le paysage culturel exceptionnel devenu une vitrine et le, ou les paysages quotidiens. Je ne m’intéresserai donc pas aux conséquences s’opérant lors de l’inscription d’un bien sur la liste du patrimoine mondial en dressant la liste des avantages et inconvénients. Je souhaite remettre l’humain au centre de mes considérations en plaçant les habitants, tout comme les différents acteurs, comme une composante centrale du paysage culturel actuel. Les deux paysages identifiés comme les principaux constituants de mon hypothèse de départ seront analysés au travers de la vision des touristes et celle des populations locales. Pour réaliser cette étude, je me baserai essentiellement sur la connaissance du terrain que j’ai acquise en me rendant à plusieurs reprises à Saint-Émilion, ainsi que sur des enquêtes réalisées sur place à l’aide d’un questionnaire préparé à l’avance.30 Les témoignages récoltés sont ceux de passants, commerçants, viticulteurs, etc. Certaines discussions informelles m’ont permis de récolter des réactions et des émotions vives « à chaud », tandis que d’autres plus longues, ont remémoré parmi les interrogés des souvenirs. À partir de ces enquêtes, ainsi que de mes expériences sur le terrain, j’ai spatialisé les représentations tirées de mon analyse sur des cartes sensibles du territoire, que je qualifie de «mentales » afin de tisser le lien entre l’habitant et son lieu de vie. )#
D’autre part, j’ai réalisé un catalogue d’iconographies provenant des réseaux sociaux, des guides touristiques matériels ou virtuels, afin de dresser un portrait de l’image véhiculée par la cité médiévale. Parallèlement, tout au long de l’étude, je confronterais les trois univers ci-après : Le processus de patrimonialisation grâce à la nombreuse documentation que j’ai tentée de réunir de manière exhaustive (livres, rapports, études, dossiers d’inscriptions...), La mise en tourisme de Saint-Émilion Les représentations des habitants et des touristes. Ils seront retranscrits tout au long de l’argumentation du mémoire sous forme de citations, de prises de vues provenant du catalogue d’iconographie, et des cartes mentales. Des exemples, issus d’autres territoires en France ou à l’étranger, viendront également appuyer mes arguments. Deux paysages distinct articulent ce mémoire : le paysage vitrine constituant la représentation du paysage exceptionnel classé, face au paysage quotidien. Le paysage touristique face à celui des habitants. Tout d’abord, je vais chercher à montrer comment s’est fabriqué le paysage vitrine de Saint-Émilion, en m’intéressant particulièrement à l’image perçue de Saint-Émilion par les touristes. Puis, je chercherai à décrire le paysage quotidien qui correspond aux pratiques habituelles des habitants de Saint-Émilion au sein d’un paysage patrimonial.
30
Le questionnaire et les entretiens se trouvent en annexe respectivement numéro 11 et 12.
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REPRÉSENTATIONS DU PAYSAGE EXCEPTIONNEL DE SAINT-ÉMILION
Dans cette première partie il est question du paysage qualifié de « vitrine » de SaintÉmilion. Je m’intéresse au point de vue des touristes français et internationaux qui sont les premiers visés par ce paysage vitrine. Tout d’abord je cadrerai ma réflexion en approfondissant les concepts de patrimoine et de paysage culturel évoqués dans l’avant-propos et l’introduction, au travers de leur avènement et leur évolution. Dans un second temps je définirai plus précisément des concepts clés sur lesquels je m’appuierai tout au long de cette étude : les différents types de paysage. Après avoir défini les termes, l’enjeu est de comprendre comment le paysage remarquable de Saint-Émilion est parvenu à se muséifier pour devenir un paysage vitrine. Afin d’analyser ce processus dit de « patrimonialisation », je m’attacherai à comprendre les logiques de gouvernance et de gestion du bien qui visent à fabriquer une nouvelle image de Saint-Émilion. Aussi, j’étayerai mes propos en regardant les différentes représentations de la cité de Saint-Émilion véhiculées par les outils de publicité touristique (sites touristiques, guides papier,...) afin d’étayer l’attractivité de Saint-Émilion.
01.1 - DU PATRIMOINE AU PAYSAGE De la même manière que je m’interroge sur « ce qui fait patrimoine », je m’interroge « sur ce qui fait paysage ». À la question complexe « qu’est ce que le paysage ? », il est difficile de répondre au premier abord, tant il est facile de tomber dans le « tout paysage » comme dans le « tout patrimoine ». En effet, il existe une interdépendance entre ces deux notions : elles sont liées et se répondent. Parfois confondus, paysages et patrimoines sont deux outils souvent mis à contribution dans les stratégies de développement et de valorisation des territoires : en tant que ressource territoriale, dans une recherche d’identité, ou en tant que vitrine du territoire31 ; ces différents niveaux de valorisation pouvant être mélangés. En effet, sur ce dernier point, les références au patrimoine et au paysage, considérés comme des atouts, sont récurrentes et mises en avant dans les stratégies touristiques des 31 COLLECTIF, Paysages et patrimoines, sous la dir. de SERVAIN Sylvie, VOISIN Lolita, Tours, Éd. Presses Universitaires, François Rabelais, 2016.
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politiques locales. En quelque sorte, le patrimoine reflète une mémoire collective, participe à la mise en récit du territoire tandis que le paysage sert de décor, comme dans une mise en scène. Il s’agit en grande partie d’une construction politique associée au processus de patrimonialisation. Dans le cas de Saint-Émilion, le paysage est la composante motrice du patrimoine. La mise en récit du territoire participe à faciliter l’inscription du bien sur la liste du patrimoine mondial. Le lien entre patrimoine et paysage est d’autant plus complexe si l’on regarde la définition des paysages culturels que donne l’UNESCO. L’une se nourrit de l’autre est inversement.
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e paysage culturel est façonné à partir du paysage naturel par un groupe culturel. La culture est l’agent, la nature est le moyen et le paysage culturel le résultat. » 32
Carl Sauer, 1925
Longtemps peu considérée, la notion de paysage est aujourd’hui mieux abordée grâce à la loi faisant la distinction entre paysage et site, ainsi que de nombreux outils réglementaires, dont la loi paysage de 1993. La Convention Européenne de Florence donne une définition que l’ont peut qualifier d’objective de cette notion :
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aysage” désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations. »33
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Dans cette définition, le paysage fait clairement appel à un facteur immatériel, celui de nos perceptions. Les paysages nous sont familiers : tout autour de nous, ils définissent le cadre de notre vie quotidienne. Ils établissent un lien entre l’humain et la nature. La notion de paysage culturel est plus complexe : elle est le résultat d’une concordance entre une histoire, une géographie, un territoire, et une interaction humaine. La multiplicité des définitions favorise des lectures ou interprétations différentes. En 10 ans, depuis la création de la catégorie paysage culturel vivant, 23 paysages culturels ont été inscrits dans la liste du patrimoine mondial. C’est autant que de sites mixtes (les sites mélangeant valeurs culturelles et naturelles) qui ont été inscrits en 30 ans. Cet exemple montre que le concept de paysage a été accepté et a pris de l’importance dans toutes les parties du monde34. Cependant la catégorie des paysages culturels n’est apparue dans la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel qu’en 1992 même si celle de 1972 évoquait déjà les prémices de la protection des paysages culturels. Elle a pour but de « garantir aux générations futures, l’identification, la protection, la conservation, la présentation et la transmission du patrimoine culturel et naturel d’une “Valeur Universelle Exceptionnelle ” ».35 32 Citation de Carl Sauer, issue de, MITCHELL Nora, RÖSSLER Mechtild, TRICAUD Pierre-Marie (coord.), Paysages culturels du patrimoine mondial, guide pratique de conservation et de gestion, UNESCO, 2011, p.46. 33
Article 1 de la Convention européenne du paysage, Florence, 2000.
34 COLLECTIF, Patrimoine et paysages culturels, Actes du colloque international de Saint-Émilion, SaintÉmilion, Éd. Confulences, 2001, p.20. 35 MITCHELL Nora, RÖSSLER Mechtild, TRICAUD Pierre-Marie (coord.), Paysages culturels du patrimoine mondial, guide pratique de conservation et de gestion, UNESCO, 2011, p.46.
Pour comprendre l’avènement puis les évolutions, revenons à un point de vue plus général : la naissance de la notion de patrimoine en France est directement liée à la Révolution. La reconnaissance de l’intérêt général d’un bâtiment va mettre beaucoup de temps à se développer. Poètes, écrivains et intellectuels de l’époque dénoncent les destructions, le vandalisme ainsi que la restauration jugée désastreuse de certains édifices (celles de Viollet-LeDuc par exemple). Un sentiment de perte apparait face à la destruction de nombreux bâtiments et permet d’entreprendre des travaux de réflexion autour de la notion d’un patrimoine commun lié aux monuments historiques, qui doit être conservé et transmis aux générations futures (Jusqu’ici la notion de patrimoine faisait particulièrement référence à l’héritage familial). L’intervention de l’État s’impose peu à peu, avec pour chef Prosper Mérimée, et c’est en 1830 qu’est créée l’Inspection Générale des Monuments Historiques. Débute alors un grand inventaire, une catégorisation mettant en avant des monuments méritant d’être protégés à partir de 1840. C’est finalement en 1913 qu’est créée la loi relative aux monuments historiques, toujours valable aujourd’hui, très peu modifiée, et inscrite dans le code du patrimoine. Cette loi constitue le socle fondamental de la protection du patrimoine. Elle étend le classement à la propriété privée dont la conservation présente un intérêt public du point de vue de l’art ou de l’histoire.36 Après la seconde guerre mondiale, la protection du patrimoine est repensée à une nouvelle échelle : celle des centres urbains et des cœurs historiques menacés de disparition. Portée par André Malraux37, le ministre de la culture de l’époque, une loi concernant les secteurs sauvegardés voit le jour en 1962. La loi Malraux s’inscrit à contre-courant des idées urbanistiques dominantes de l’époque (celles des modernes), ainsi que la démarche de Giovannoni38, en défendant l’idée que la dynamique urbaine doit s’appuyer sur la ville existante. Ainsi, des avantages fiscaux sont donnés aux propriétaires de biens classés afin qu’ils puissent les rénover. Sur le plan mondial, après celle d’Athènes39 en 1933, bien que les objectifs soient différents, la Charte de Venise est ratifiée en 1964, dans les même conditions que la première, sur le thème de la conservation et la restauration des monuments et des sites. Une Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel est ratifiée en 1972 par les États parties,40 membres de l’UNESCO. Elle vise à attribuer le « label patrimoine mondial de l’UNESCO » assurant la valeur exceptionnelle d’un bien pour l’humanité.
36 Cette loi est aussi le résultat de la guerre que mena Victor Hugo contre la destruction des monuments avec un premier pamphlet nommé « Sur la destruction des monuments en France » en 1825 et un second « Guerre aux démolisseurs ! » dans, Revue des deux mondes en 1832. 37 André Malraux est le premier nommé comme ministre d’état chargé des affaires culturelles de 1958 à 1969. Ce changement marque la reconnaissance politique de la culture comme une affaire d’État. 38 Gustavo Giovannoni (Rome 1873-1947), est l’inventeur du concept de « patrimoine urbain » avec une grande vision urbanistique moderne. Sa vision prospective pour l’époque excluait la muséification au profit d’une conservation vivante des villes et des tissus anciens. Il exerça les professions d’architecte et d’ingénieur. 39 La Charte fut rédigée en 1933 lors des CIAM (Congrès Internationaux d’Architecture Moderne). Cette charte proposait de définir un modèle de planification de construction de la ville moderne idéale avec une vision très fonctionnaliste : hiérarchie et séparations des différents flux, tours d’habitation... « Les États parties » sont les pays qui ont ratifié la Convention du patrimoine mondial. Ils acceptent ainsi 40 d’identifier et de proposer des biens se trouvant sur leur territoire national et susceptibles d’être inscrits sur la Liste du patrimoine mondial, [...]. Les États parties doivent protéger les valeurs pour lesquelles leurs biens ont été inscrits sur la Liste. Ils sont également encouragés a présenter à l’UNESCO des rapports sur l’état de conservation de ces biens. Source de la définition : UNESCO.
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C’est en 1992, que le comité du patrimoine mondial adopte des critères révisés de cette convention dans les Orientations devant guider à la mise en œuvre de la convention. Le premier bien classé dans cette catégorie est le Parc national de Tongariro de Nouvelle-Zélande en 1993. Il s’agit d’un site naturel reconnu pour sa valeur culturelle associative. Dans la convention, les paysages culturels sont définis de manière très large voire assez floue comme des biens culturels représentant les « œuvres conjuguées de l’Homme et de la nature41 ». Pour trouver une définition plus précise, il est nécessaire de regarder les Orientations devant guider à la mise en œuvre de la convention : « Ils illustrent l’évolution de la société humaine et son établissement au cours du temps, sous l’influence des contraintes physiques et/ou des possibilités présentées par leur environnement naturel et des forces sociales, économiques et culturelles successives, externes aussi bien qu’internes.»42
Figure 12 : Le paysage culturel de Lednice Valtice en République Tchèque.
À cela, il faut ajouter qu’il existe différentes catégories de paysages culturels pouvant répondre à trois principaux types de paysages : Le plus facilement identifiable est le paysage clairement défini, conçu, et créé intentionnellement par l’Humain, ce qui comprend les paysages de jardins et de parcs créés pour des raisons esthétiques qui sont souvent (mais pas toujours) associés à des constructions ou des ensembles religieux. (Figure 12) La deuxième catégorie est le paysage essentiellement évolutif. Il résulte d’une exigence à l’origine sociale, économique, administrative et/ou religieuse et a atteint sa forme actuelle par association et en réponse à son environnement naturel. Ces paysages reflètent ce processus évolutif dans leur forme et leur composition. Ils se subdivisent en deux catégories :
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Figure 13 : Paysage relique des premières plantations de café du Sud-Est de Cuba.
un paysage relique (ou fossile) est un paysage ayant subi un processus évolutif qui s’est arrêté, soit brutalement soit sur une période plus longue, à un certain moment dans le passé. Ses caractéristiques essentielles restent cependant matériellement visibles, (Figure B) ; un paysage vivant est un paysage qui conserve un rôle social actif dans la société contemporaine, étroitement associé au mode de vie traditionnel et dans lequel le processus évolutif continue. En même temps, il montre des preuves manifestes de son évolution au cours des temps. La dernière catégorie comprend le paysage culturel associatif. L’inscription de ces paysages sur la Liste du Patrimoine Mondial se justifie par la force d’association des phénomènes religieux, artistiques ou culturels, à l’élément naturel plutôt que 41 UNESCO, Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, Article 1, 1972, Cf. Annexe numéro 04.
Figure 14 : Colline royale d’Ambohimanga, Madagascar.
42 UNESCO, Orientations devant guider à la mise en œuvre de la convention du patrimoine mondial, Article 47, Cf. Annexe numéro 05.
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par des traces culturelles matérielles, qui peuvent être insignifiantes ou même inexistantes43. (Figure C)
ans un monde en proie aux forces de globalisation et de banalisation et au sein duquel la revendication de l’identité culturelle s’exprime parfois au travers d’un nationalisme agressif et de l’élimination des cultures minoritaires, la contribution première de la prise en compte de l’authenticité consiste, aussi dans la conservation du patrimoine culturel, à respecter et mettre en lumière toutes les facettes de la mémoire collective de l’humanité. »46
Ces différentes prescriptions apparaissent uniquement dans les annexes des Orientations devant guider la mise en œuvre de la convention et non dans la Convention ellemême ; couramment on parle de paysage culturel tout court. Celui de Saint-Émilion appartient à la deuxième catégorie, c’est-à-dire aux paysages culturels évolutifs vivants. L’adjectif « vivant » est, dans le cas de Saint-Émilion, très important. Au cours de mes recherches la notion d’évolution n’est apparue que très rarement. Je n’ai trouvé le terme de « paysage culturel évolutif » que dans le dossier de justification de l’inscription :
À quelques kilomètres de Saint-Émilion, la ville de Bordeaux, malgré la différence d’échelle, est un bon exemple d’un environnement ou protection et évolution sont deux notions qui cohabitent.
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l s’agit d’un paysage viticole historique, [Saint-Émilion, ndlr], qui a survécu intact et est en activité de nos jours, dont les villes et villages possèdent un patrimoine bâti remarquable. »47
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ares en effet sont les paysages évolutifs qui, [...], peuvent être considérés à la fois comme un paysage relique, parce qu’ils conservent des témoignages remarquables et uniques de l’Histoire et de l’Histoire de l’art, et comme un paysage vivant dont le rôle social est si actif que le produit conjugué du terroir et des efforts séculaires de ses habitants [...] »44
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Il me semble que dans la ratification des textes officiels, l’évocation du caractère évolutif d’un paysage culturel permet de briser certaines idées reçues. Pour moi, lors de la formulation de mes hypothèses de départ, (comme ont probablement pu penser des personnes non initiées aux logiques de l’UNESCO), protéger un milieu qui se transforme continuellement pouvait paraître paradoxal. En effet, un paysage culturel exceptionnel ne se protège pas de la même manière qu’un bâtiment classé aux monuments historiques. En effet, il est impossible de maintenir dans son état actuel, un territoire qui est soumis à de nombreuses contraintes naturelles échappant à la main de l’Humain, telles que les changements climatiques. Cela est surtout vrai dans les territoires viticoles où la qualité du vin est directement impactée par les modifications climatiques. Je pense que la notion de « paysage évolutif » n’est pas suffisamment médiatisée, si bien que pour le grand public un paysage classé peut très facilement faire écho au paysage immuable (celui de la carte postale), promouvant une image passéiste du territoire. Il peut paraître paradoxal de parler d’évolution lorsqu’on sait que le critère primordial et incontournable pour pouvoir faire reconnaître la « Valeur Universelle Exceptionnelle » (VUE) d’un bien est l’authenticité. Le document de NARA45 est chargé d’être garant de cette authenticité.
43 UNESCO, Document de la NARA, Annexe numéro 3 des Orientations devant guider la mise en oeuvre de la Convention, Cf. Annexe 06. 44 Dossier de présentation de Saint-Émilion en vue de l’inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO au titre de paysage culturel, p.17. 45 Du 1er au 6 novembre 1994 a eu lieu une conférence à Nara au Japon réunissant 45 participants autour du thême de l’authenticité, en relation avec la charte du patrimoine mondial et de la convention de Venise. Le texte rédigé lors de cette réunion constitue la base de toute proposition à l’inscription d’un bien au patrimoine mondial. Ce texte se retrouve en annexe dans les Orientations devant guider à la mise en œuvre de la convention du patrimoine.
Le terme « intact » employé ici, est en réalité inexact. Depuis ses origines, SaintÉmilion n’a pas toujours été connu pour son vignoble tel qu’il est de nos jours. Entre 1970 et 2000, dans les communes de Saint-Christophe-des-Bardes, Saint-Émilion et Saint-Sulpice-deFaleyrens, la culture céréalière représentait 188 ha du territoire en 1970 contre 84 ha en 2000. Dans le même temps la proportion de vignoble a augmenté de 20 %48. Aujourd’hui le territoire viticole se déploie sur plus de 5400 hectares. Le paysage s’est mis « aux normes » pour pouvoir coller à une image lui permettant d’intégrer la liste du patrimoine mondial. Le fait que le site de Saint-Émilion soit classé en tant que paysage culturel évolutif vivant, permet de justifier cette étonnante évolution agricole. Compte tenu de la célébrité grandissante de Saint-Émilion, la culture céréalière doit désormais être moins rentable que la culture de la vigne. Classer un paysage parmi la liste du patrimoine mondial ne signifie pas le figer. « Protection, gestion, et valorisation » trouvent leur place, et doivent permettre une évolution contrôlée du bien protégé. Le paysage culturel évolutif vivant de Saint-Émilion, constitue un patrimoine mixte, métissé (naturel et social), en mouvement. Les techniques de viticulture ont changé, le climat a évolué etc. C’est pourquoi plutôt que de parler ici de protection des paysages au sens « de conservation à l’identique », il faut parler de gestion des paysages. La conservation de biens vastes, habités et exploités économiquement est sujette à des changements dynamiques importants.
46 UNESCO, Document de NARA, Annexe numéro 3 des Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention, Cf. Annexes 06. 47
Extrait de l’introduction du Rapport de présentation de l’AVAP de la Juridction de Saint-Émilion.
48
Élaboration du plan de gestion de la Juridiction de Saint-Émilion, p.12.
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01.2 - DU PAYSAGE AUX PAYSAGES 01.2.1 - LE PROCESSUS DE PATRIMONIALISATION
Ce point tente de décrire les différentes nuances que l’on peut appliquer à la définition du paysage de Saint-Émilion. Le but étant de dégager plusieurs définitions cohérentes et objectives afin d’expliquer le processus de patrimonialisation qui permet la fabrication du paysage exceptionnel. Ensuite je m’appuierai sur ces définitions tout au long de mon analyse.
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Jean Davallon49 (2002), décrit ce processus en 6 phases : la découverte de l’objet comme une trouvaille, la certification de l’origine de l’objet, l’établissement du monde d’origine de l’objet, la représentation du monde d’origine de celui-ci, la célébration de sa trouvaille par l’exposition de l’objet, et l’obligation de le transmettre aux générations futures.50 Ici, l’objet en question est un lieu, un territoire : la Juridiction de Saint-Émilion. Il s’agit de reconnaitre collectivement un « esprit du lieu », avant d’entamer son processus de patrimonialisation. Cela passe par la reconnaissance des composantes matérielles (le site, la Juridiction de Saint-Émilion, les paysages, les vignes, les bâtiments, l’église monolithe, les objets...), ainsi que la reconnaissance des composantes immatérielles (les récits oraux, les mémoires, les documents écrits, la transmission des savoir-faire, la Jurade...). La reconnaissance de l’exceptionnalité du bien amène un groupe d’acteurs à proposer une interprétation de la valeur exceptionnelle aux populations locales, comme aux visiteurs. Si tout processus de patrimonialisation se veut une démarche objective basée sur une documentation scientifique faite par des experts, elle n’en reste pas moins influencée par les acteurs qui l’initient. La manière dont les représentations du lieu sont définies influent largement sur ses futurs usages. Avec le constat fait précédemment sur la très relative ancienneté de la monoculture du vin à Saint-Émilion, les acteurs responsables de l’inscription du bien ont fait un choix sur la période à inscrire. Ce choix défini ce qui fait et doit être reconnu unanimement par tous comme « Valeur Exceptionnelle Universelle ». La description du bien inscrit choisit délibérément de mettre en valeur une période du territoire plus qu’une autre.
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a vigne se développa entre le XIIe et le XIIIe siècles. [...] Les plantations, toutefois, restaient modestes : seulement un tiers des terres de la région étaient des vignes, principalement sur le plateau et la côte, le reste étant consacré aux céréales. »51
C’est donc un paysage récent consacré entièrement au travail de la vigne qui fut choisit pour l’inscription. 49 Jean Davallon est un professeur chercheur qui a beaucoup travaillé les question de symbolique et d’images liées au patrimoine. 50 COLLECTIF, Paysages et patrimoines sous la dir. de SERVAIN Sylvie, VOISIN Lolita, Tours, Éd. Presses Universitaires, François Rabelais, 2016. 51 Dossier de présentation de Saint-Émilion en vue de l’inscription sur la liste du patrimoine UNESCO au titre de paysage culturel.
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01.2.2 - L’ENRICHISSEMENT DES DÉFINITIONS DU PAYSAGE QUOTIDIEN (définition CNRTL) : Qui a lieu ou qui se reproduit chaque jour; que l’on fait régulièrement, tous les jours. La première analyse paysagère du territoire se fait au sein du [pré]dossier de candidature à l’inscription, afin de justifier le caractère remarquable du paysage. Cela permet de construire une identité commune qui dépasse les frontières du territoire. Cette mise en récit du paysage est une construction politique, afin de fabriquer ce qui sera pour tout le monde reconnu comme paysage exceptionnel grâce à un récit plus uniforme. Cette description tend à démontrer la fameuse « Valeur Exceptionnelle Universelle » du bien. Dans le cas de Saint-Émilion cette nouvelle identité a une résonance internationale. On passe d’un paysage reconnu par les habitants comme remarquable, à un paysage reconnu par l’humanité comme exceptionnel.
REMARQUABLE (définition CNRTL) : Susceptible d’attirer l’attention, d’être signalé (en bien ou en mal). EXCEPTIONNEL (définition CNRTL) : Qui sort de la règle générale, habituelle par sa haute valeur.
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VITRINE (définition CNRTL) : Baie vitrée d’un local commercial ; espace aménagé derrière cette baie où l’on expose des objets et des produits destinés à être vendus; ensemble des objets exposés. Faire vitrine. Se parer, se faire beau, s’endimancher.
Je tiens à distinguer le terme de « remarquable » par rapport à celui « d’exceptionnel ». À mon sens, ce dernier serait la traduction de la reconnaissance par les acteurs locaux, du caractère remarquable d’un paysage afin de le rendre aux yeux du monde officiellement exceptionnel. Déclarer la valeur exceptionnelle d’un paysage lui donne une sorte d’objectivisation voire d’esthétisation supplémentaire. Un récit commun à tous les acteurs est fabriqué. Depuis cette reconnaissance, un nouveau calque de lecture est venu se superposer sur le paysage Saint-Émilionnais : celui du paysage vitrine. Il s’agit d’un paysage exceptionnel que l’on donne à lire aux touristes. C’est la représentation que l’on peut retrouver par exemple dans les guides touristiques. Cette lecture des lieux s’effectue souvent avec une certaine distance et de manière lissée. Après avoir analysé le territoire, un portrait parfait de Saint-Émilion a été construit, identique et redondant. Les guides touristiques, les sites internet, les brochures, les dossiers officiels, les conventions utilisent constamment les mêmes mots, les mêmes expressions, les mêmes regards pour mettre en avant le(s) paysage(s) de Saint-Émilion. Celui-ci est presque objectivé comme si une seule compréhension du paysage était possible.
ORDINAIRE (définition CNRTL) : Qui découle d’un ordre de choses ou appartient à un type présenté comme commun et normal. VÉCU (définition CNRTL) : Qui appartient à l’expérience de la vie, qui s’est passé réellement. INTIME (définition CNRTL) : Qui se situe ou se rattache à un niveau très profond de la vie psychique ; qui reste généralement caché sous les apparences, impénétrable à l’observation externe, parfois aussi à l’analyse du sujet même. En peinture le paysage intime est une notion faisant écho à une tendance narrative datant de 1510. Le paysage est vu et peint à travers une fenêtre. S’arrêter à la lecture des représentations du paysage exceptionnel dans le paysage vitrine ne permet pas de saisir toute la densité du paysage classé de Saint-Émilion. Je cherche à mettre en parallèle les représentations du paysage exceptionnel du paysage vitrine avec celle du paysage quotidien des habitants. Il s’agit du ou des paysages témoins de la vie quotidienne. Il se rapproche du paysage vécu. Il peut s’agir d’endroits où se déroulent les activités et expériences de la vie quotidienne. Le paysage quotidien est un reflet de la vie de ces habitants. Je préfère utiliser la notion de « quotidien » vis-à-vis de celle de « ordinaire ». Cette dernière peut avoir une connotation péjorative qualifiant un paysage qui tendrait à ce banaliser. Le paysage ordinaire à mon sens se rapproche du paysage quotidien. On le parcours tout les jours ; il peut être le vecteur d’une identité habitante qui peut être, (à la différence du paysage intime), l’expression d’une identité commune et individuelle : le reflet d’un entre-nous ou d’un entre soi. En dernier, la notion de paysage intime fait appel à une dimension affective du paysage, quelque chose de sensible pouvant être en relation avec le souvenir. Au premier abord, elle parait impossible à percevoir pour une personne non familière du paysage en question. Le paysage intime ne véhicule pas d’identité collective mais est propre à un individu.
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e paysage de Saint-Émilion est une création dans son entier, un véritable projet associé à une image et un produit de luxe. »52
Les habitants constituent les premiers touristes sur leur propre territoire, lorsque le patrimoine résulte d’un changement de regard. Dans la réappropriation du récit qu’il leur est fait à Saint-Émilion, on peut en quelque sorte les considérer comme touristes, de part la nouvelle lecture du territoire.
52 STAHL Jean-Pierre, « Les touristes accueillis à bras ouverts à Saint-Émilion “ Welcome to paradise ” ! », dans Fance Info Nouvel-Aquitaine, le blog, le 1 août 2014.
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01.2.3 - LA MISE EN RÉCIT ASSURÉE PAR DES OUTILS DE GESTION
Comme j’ai pu le dire dans l’introduction, les sites inscrits sur la liste du Patrimoine Mondial sont parmi les destinations touristiques les plus populaires. La multiplication du nombre de touristes sur le territoire de Saint-Émilion mais aussi la multiplication de sites souhaitant s’inscrire sur la liste du patrimoine mondial ne font qu’accroître les besoins en matière de conservation et de gestion53. PRINCIPES GÉNÉRAUX L’approche de gestion doit être directement liée à la valeur au aux caractéristiques de paysage culturel en question. On peut appliquer une série de principes pour orienter la planification et les autres activités en matière de gestion.
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PROCESSUS DE GESTION Cette section montre comment obtenir une parfaite connaissance du bien et un engagement total des partenaires et des acteurs.
DURABILITÉ DE LA GESTION Cette section porte sur la gestion de gouvernance, les stratégies de financement et le renforcement des capacités.
PRINCIPES GÉNÉRAUX
PROCESSUS DE GESTION
DURABILITÉ DE LA GESTION
Figure 15 : Cadre de gestion pour les paysages culturels du patrimoine mondial.
Il est stipulé dans l’article 5 de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, que tout les États parties54 doivent s’engager dans une politique visant à intégrer la protection de ce patrimoine dans les programmes de planification générale. C’est pourquoi depuis 1993 un plan de gestion du site inscrit doit être obligatoirement accompagner le dossier de candidature pour l’inscription d’un site, afin de présenter les mesures réglementaires et législatives auxquelles sera soumis le paysage proposé à l’inscription. Quelque part, ces outils de gestion permettent d’assurer la cohérence et la continuité de la mise en récit du territoire. En 2001, fut créée la Communauté de commune de la Juridiction de Saint-Émilion regroupant les 8 villages concernés par le classement afin de réfléchir sur le choix d’outils de gestion adaptés. Dans un premier temps une charte patrimoniale fut rédigée, ainsi qu’un « Projet de Territoire », visant à obtenir le Pôle d’Excellence Rurale (PER)55 Ce projet vise à « développer l’activité touristique culturelle et économique de la Juridiction de Saint-Émilion autour des richesses du patrimoine bâti et du patrimoine naturel ». Rapplelons-le, la Juridicition de Saint-Émilion est également gérée par une Aire de Valorisation de l’Architecture et du Paysage (AVAP), et la cité médiévale, inscrite en tant que secteur sauvegardé, est régie par un Plan de !auvegarde et de Mise en Valeur (PSMV).56 Depuis décembre 2012, une association dénommée « Juridiction de Saint-Émilion Patrimoine mondial »57 est née pour gérer le label UNESCO. Celle-ci, présidée par Catherine Arteau-Grébaut depuis 2016, fait suite au redécoupage territorial conduisant la Communauté de communes (à l’origine en charge de la gestion du label), à passer de 8 à 22 communes. Son rôle est principalement d’agir comme une interface entre les instances de l’UNESCO et les Ministères de la culture et de l’écologie notamment via les rapports périodiques. Elle est aussi sensée permettre le lien avec les populations locales notamment par le biai d’ateliers pédagogiques destinés également aux scolaires et aux touristes. 53 Cf. Introduction de DEBONNET Guy, dans Actes de la première journée du séminaire de la Chaire UNESCO, Culture, tourisme, développement, sous la dir. de GRAVARI-BARBAS Maria, JACQUOT Sébastien, « Touristes et habitants dans les sites du patrimoine mondial », Paris, UNESCO, 2010. 54 Cf. Note de bas de page numéro 40. 55 BRIFFAUD Serge, DAVASSE Bernard, « Du bon usage du passé des paysages. Récits paysagers et durabilité dans trois sites viticoles européens du Patrimoine mondial (Tokaj, Saint-Émilion, Cinque Terre) », dans LUGINBÜHL Y., TERRASSON D., Paysage et développement durable, Paris, Éd. Quæ, 2012, p. 171-183. 56 Cf. Annexe numéro 09. 57 CIESIELSKI Christine, « Le label géré par une association », dans Sud-Ouest, le 23 janvier 2013. Les membres de cette association sont les maires des 8 communes du territoire de la Juridiction, des membres du Conseil des vins, ainsi que des membres de l’Office de tourisme ainsi qu’un représentant de la CDC du grand SaintÉmilionnais.
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De plus, les questionnements concernant la gestion des sites ont donné naissance en 2011 à un guide de gestion des paysages culturels58 visant à aider la mise en place d’un plan de gestion obligatoire, à l’initiative de l’UNESCO, pour chaque paysage culturel figurant sur la liste du patrimoine de l’humanité. Cette réflexion autour de la définition d’outils de gestion, s’inscrit dans un long terme. La démonstration de la Valeur Universelle Exceptionnelle d’un site passe, toujours, par une mise en récit du site. Cela passe par un exposé d’ordre historique, qui associe au bien une origine, une durée, ainsi que des gestionnaires. Tout au long de ce processus de patrimonialisation, différentes catégories d’acteurs (partenaires locaux, nationaux et internationaux) se succèdent dans la fabrication d’un discours « officiel », autour d’objectifs communs, sur le patrimoine paysager.59
METTRE LE PLAN EN APPLICATION À TRAVERS
ÉVALUER LES VALEURS DU PAYSAGE CULTUREL ; S’ENTENDRE SUR UNE
DIVERSES ACTIONS, POLITIQUES DE GESTION OU UN CADRE JURIDIQUE
STRATÉGIE DE GESTION ET DRESSER (OU RÉVISER) UN PLAN
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ENGAGEMENT DE TOUS LES ACTEURS TOUT AU LONG DU CYCLE
GESTION ADAPTATIVE ; APPORTER LES CORRECTIONS NÉCESSAIRES BASÉES SUR LES DONNÉES D’EXPÉRIENCE PROVENANT DU SUIVI ET
SURVEILLER L’IMPACT, OBSERVER LES RÉUSSITES ET ÉVALUER EN PERMANENCE LES TRANSFORMATIONS AFFECTANT LE PAYSAGE CULTUREL
DE L’ÉVALUATION DES TRANSFORMATIONS EN COURS
Figure 16 : Processus de gestion pour les paysages culturels du patrimoine mondial.
58 MITCHELL Nora, RÖSSLER Mechtild, TRICAUD Pierre-Marie (coord.), Paysages culturels du patrimoine mondial, guide pratique de conservation et de gestion, UNESCO, 2011. 59 BRIFFAUD Serge, DAVASSE Bernard, « Du bon usage du passé des paysages. Récits paysagers et durabilité dans trois sites viticoles européens du Patrimoine mondial (Tokaj, Saint-Émilion, Cinque Terre) », dans LUGINBÜHL Y., TERRASSON D., Paysage et développement durable, Paris, Éd. Quæ, 2012, p. 171-183.
01.3 - LE PAYSAGE EXCEPTIONNEL :
ENTRE RÉCIT FABRIQUÉ ET ÉVIDENCE
01.3.1 - UNE BEAUTÉ DU PAYSAGE INDÉNIABLE...
Les terrasses Le plateau La plaine Les coteaux
Figure 17 : Carte regroupant les différents terroirs de la Juridiction de Saint-Émilion.
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Premièrement, le territoire du Saint-Émilionnais possède des caractéristiques territoriales exceptionnelles évidentes afin de produire un vin d’exception. C’est pourquoi je ne vais pas énumérer les nombreux facteurs qui participent au caractère exceptionnel de la Juridiction de Saint-Émilion, et qui ont été décris de nombreuse fois60. Je vais seulement en énoncer quelques uns. Saluée par « la permanance du système d’exploitation » décrit dans le dossier de candidature de Saint-Émilion, les structures agraires actuelles sont héritées du Moyen-Âge. Les unités d’exploitations ont conservées une petite taille, environ 8 hectares et jusqu’à 20 hectares pour les plus grandes. La richesse et la qualité des vins s’explique essentiellement par la diversité des terroirs présents sur le site. Il est possible de distinguer quatre familles dominantes : les terrasses de graves, la plaine sablo-graveleuse, le plateau calcaire, les coteaux argilo calcaires. (Figure 17) D’une manière générale, le parcellaire est très morcelé. En plus de la diversité des terroirs, ceci est dû aux partages successifs lors des héritages depuis la naissance du vignoble. De ce paysage basé sur la monoculture résulte une viticulture très codifiée : SaintÉmilion maîtrise énormément son image tout comme ses pratiques. Gage de qualité, ce paysage particulier est extrêmement maitrisé : techniques de viticulture, espace des ceps de vignes réglementés etc. (Figure 18) Les vignobles de Saint-Émilion produisent en moyenne 230 000 hectolitres de vin rouge par an, soit 10% de la production AOC de la Gironde. L’aspect du paysage de Saint-Émilion est souvent la traduction plus ou moins littérale d’une appelation. Un des enjeux pour l’avenir du paysage, est de préserver la liberté du viticulteur dans ses choix culturaux. Avec l’arrivée des grands investisseurs, il est possible d’assister à une uniformisation progressive des savoir-faire, du vin et donc du paysage.61
01.3.2 - ...ET UNE FIERTÉ POUR LES HABITANTS La beauté du paysage de Saint-Émilion est reconnue unanimement par toutes les personnes interrogées. Le côté « esthétique » de la cité médiévale est souvent évoqué pour parler de leur rapport au lieux. La plupart des interrogés mettent en avant le caractère remarquable de leur cadre de vie, tandis que d’autre évoquent l’admiration autour du travail et les savoir-faire uniques du vin. Figure 18 : Schéma expliquant les normes en vigueur pour l’implantation des ceps de vignes à Saint-Émilion. Le paysage de Saint-Émilion est également un paysage chiffré et régulé : Espacement des rangs 1,5m, Espacement dans le rang, 1,1m, densité de l’hectare 5500 cep/ha. Ces espacements sont prévus pour garantir un ensoleillement optimal des grappes.
60 Pour avoir une description détaillée des caractéristiques formant le caractère exceptionnel de la Juridiction de Saint-Émilion, Cf. Le dossier d’inscription de Saint-Émilion sur la liste du patrimoine mondial, ainsi que les travaux de BRIFFAUD Serge à ce sujet. 61 COLLECTIF d’étudiants, DDEG, DREA, La Juridiction de Saint-Émilion, Lecture d’un paysage, ENSAP Bordeaux, 2000.
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Les habitants plus récents racontent la contemplation qu’ils ont faite du paysage dans un premier temps. Comme des ambassadeurs de leur territoire, Saint-Émilion est pour eux un cadre unique à faire découvrir à ses amis.
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n aime travailler ce produit de qualité. » Témoignage de Messieurs A. et Y.
l ne s’agit pas seulement d’un patrimoine naturel remarquable, mais également d’un patrimoine historique et architectural considérable avec la cité médiévale de Saint-Émilion, son église monolithe, ses carrières souterraines, ses rues pavées et ses nombreux monuments religieux. Par ailleurs, la Juridiction de Saint-Émilion foisonne d’églises romanes, de moulins et de pigeonniers qui participent au charme incontesté de ce territoire. »62
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e suis revenue plusieurs fois à Saint-Émilion. Il faut dire que je n’ai jamais trouvé ce paysage si beau que dans la brume et sous le ciel gris de ce mois de février, même si son charme n’a cessé d’augmenter, avec l’approfondissement de sa connaissance. »63 "émoignage de Anon Feliu Carmen.
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out le monde voudrait avoir ce cadre de vie. Vivre au milieu de monuments comme ça... C’est magique quand même comme espace. C’est un cadre génial que l’on a envie de faire partager à ses amis, ses invités... Il n’y a pas d’autres villages comme celui-ci dans tout le Bordelais. »64
"émoignage de Monsieur G.
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’y suis revenue et j’y travaille c’est une chance. » Témoignage de Madame S.
01.3.3 - LES TRADITIONS POUR PROMOUVOIR LE VIN : LA JURADE
Figure 19 : La Jurade de Saint-Émilion lors d’un défilé.
La Jurade de Saint-Émilion est un exemple de l’attachement des Saint-Émilionnais à leurs traditions. La vie du village s’est toujours structurée autour du rythme de la vigne. La Jurade65 représente une spécificité culturelle majeure qui constitue une facette importante de l’identité locale. Il s’agit d’une assemblée de Jurats chargés de veiller, en tant qu’ambassadeurs, sur la qualité et le prestige des vins de Saint-Émilion : en latin : jus, juris = le droit. L’essentiel de ses attributions est de parler et représenter le vin de Saint-Émilion partout en France et à l’étranger.
62 Citation issue de l’article, Le premier vignoble inscrit par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité, catégorie « découvrir », du site : http://www.saint-emilion-tourisme.com 63 Intervention de ANON FELIU Carmen, architecte-paysagiste, présidente d’honeur du comité de jardins historiques et paysages culturels pour ICOMOS, dans, COLLECTIF, Patrimoine et paysages culturels, Actes du colloque international de Saint-Émilion, Saint-Émilion, Éd. Confulences, 2001, p. 23. 64
Cf. Annexe numéro 12.
65 Cette instance dirigeait la Commune sous l’Ancien Régime. Elle est désormais dépourvue de pouvoir administratif.
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Cette confrérie fut ressuscitée en 1948, grâce à l’idée de trois habitants amoureux du vin, lorsque le vin de Bordeaux se vendait difficilement. Elle tire son inspiration de la confrérie des chevaliers créée en 1934 en Bourgogne. La Jurade participe aux temps fort de la vie viticole du village lors des Fêtes de Printemps ainsi que les ban de vendanges, où les Jurats défilent dans les rues en costume traditionnel blanc et rouge66. Elle organise chaque année la Fête de Printemps en juin et proclame en septembre le Ban des vendanges depuis le haut de la Tour du Roy, les membres de la Jurade défilant dans les rues vêtus de leur traditionnelle robe rouge. Ces quelques passionnés du vin et de leur village ont su fédérer tous les habitants autour d’une tradition visant à protéger le vin. Cette dernière permet également de nourrir le paysage culturel de Saint-Émilion.
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l se passe quelque chose de spécial à Saint-Émilion. Les traditions vivent à travers la Jurade par exemple. Ils défilent deux fois par an. »67
Témoignage de Monsieur E.
01.3.4 - UNE STRATÉGIE IMPORTANTE DE L’OFFICE DE TOURISME : UNE ÉCONOMIE ESSENTIELLE POUR LE VILLAGE
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Figure 20 : Image de Saint-Émilion véhiculée par l’Office de Tourisme Guide touristique de Saint-Émilion : Saint-Émilion tourisme, 2016.
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PATRI PA ATRIMOINE TRA ADITIONS
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Avec 4,3 millions de visites à l’année, le vignoble bordelais est le vignoble français le plus visité. (2,5 millions en Bourgogne, 1,4 millions en Alsace, 1,2 millions en Champagne). 28% des visites sont effectuées par des Girondins, 41% par des Français résidant hors du département et 31% par des étrangers.68 En 2016, plus de 100 000 visiteurs sont venus dans des monuments payants, sans compter les produits dérivés. L’office de Tourisme de SaintÉmilion brasse 1 million de visiteurs. 166 658 visiteurs se sont rendus à la maison des vins de Saint-Émilion, et 109 568 dans les monuments souterrains. Un tourisme qui reste assez mal réparti sur l’ensemble du territoire, l’essentiel des flux se concentrant sur la cité médiévale de Saint-Émilion. L’office de tourisme de Saint-Émilion est la plus importante de tout le pays du Libournais. Elle fut créée en 1930 sous la forme d’une association indépendante, (conformément à la loi de 190169). Elle est classée 4 étoiles, labellisée « Qualité Tourisme » et « Tourisme et Handicap » pour les 4 handicaps : moteur, visuel, auditif, mental. L’Office de Tourisme est également active sur les réseaux sociaux, (instagram, tweeter, facebook, etc.). Elle participe grandement à la diffusion de l’image de Saint-Émilion ainsi qu’à entretenir le caractère d’exception de cet « écrin de verdure ».
Figure 21 : Image de Saint-Émilion véhiculée par l’Office de Tourisme Guide touristique de Saint-Émilion : Saint-Émilion tourisme, 2016.
66
Cf. Annexe numéro 13.
67
Cf. Annexe numéro 12.
68
Comité départemental du Tourisme de la Gironde, Vignoble et tourisme en Bordelais, les chiffres clés, 2011.
69
Offices de tourisme de France, Les offices de tourisme sous forme associative, Fiche juridique n°48.
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L’OFFICE DE TOURISME EN CHIFFRES (DONNÉES DE 2010)
1,5 MILLIONS D’EUROS DE BUDGET ANNUEL 100 000 ENTRÉES PAR AN DANS LES MONUMENTS SOUTERRAINS 300 000 VISITEURS PAR AN À L’OFFICE DE TOURISME 63,51 % DE VISITEURS FRANÇAIS 36,49 % DE VISITEURS ÉTRANGERS 130 NATIONALITÉS DIFFÉRENTES RECENSÉES 1 700 000 PAGES VUES ET 230 000 VISITEURS SUR LE SITE INTERNET (+ 30 %) PLUS DE LA MOITIÉ DES CONNEXIONS FAITES À L’ÉTRANGER 14 EUROS DE PANIER MOYEN DÉPENSÉ POUR UN VISITEUR À L’OFFICE DE TOURISME
aint-Émilion, le 1er vignoble inscrit au patrimoine mondial par l’UNESCO ! » ous êtes sur le point de découvrir un véritable musée à ciel ouvert »70
Patrick Junet, président de l’Office de Tourisme de Saint-Émilion de 1987 à 2007, ancien membre du conseil municipal et détenteur d’un vignoble, a pu suivre de près l’expansion qu’a connu l’office du tourisme grâce à l’explosion de visiteurs. Selon lui, la fréquentation a augmenté de façon remarquable entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1980. À partir de ce moment, les visites sont passées d’informelles à professionnelles provoquant un renforcement de la stratégie de communication de la cité. Pour exemple, en 1987 l’Office de Tourisme comptait 6 employés contre 17 en 2007 et 19 aujourd’hui. À partir de 1993, l’office du tourisme de Saint-Émilion entrepris une politique davantage tournée vers l’exportation et la représentation hors les murs de la cité. De plus la décennie des années 1990 se composait essentiellement de grands millésimes permettant de soutenir l’envie d’exporter l’image luxueuse et de qualité associée au village de Saint-Émilion.
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ous avons bénéficié de la communication que faisaient les professionnels du vin, communication qui a été importante pendant cette période grâce aux millésimes de 1982 et 1985 et grâce au centenaire du Syndicat Viticole, en 1984, qui pour l’occasion, avait organisé des animations très gaies, je me souviens de barriques jalonnant les rues de la ville. Je n’ai jamais revu cela. »71
Témoignage de Patrick Junet.
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LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES
La présence de représentants au sein des instances régionales et départementales du tourisme à également permis à Saint-Émilion de s’exporter et d’augmenter considérablement l’afflux touristique. Des partenariats avec les Offices de Tourisme d’Arcachon, de Bordeaux sont réalisés régulièrement. Le village s’est également allié avec la ville de Sarlat pendant un temps, mais la distance à mis fin à leur relation privilégiée. Sarlat constitue un point de chute important pour les touristes provenant de l’étranger. Par deux fois, déposition d’un dossier pour obtenir le label pays d’art et d’histoire par la mairie et l’office du tourisme. Les touristes étrangers (36,49 %), déambulant dans les rues de Saint-Émilion, sont principalement représentés par le Royaume-Uni, l’Espagne (en raison notamment de la proximité géographique), l’Amérique du Nord, et dans une moindre mesure l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, l’Asie et l’Italie. Il s’agit principalement d’un tourisme de passage sur la Juridiction, ou de courts séjours. Le Saint-Émilionnais profite notamment des flux de touristes en voyage à Bordeaux, ou en été, de ceux séjournant sur le Littoral voulant visiter l’arrièrepays.
Figure 22 : Image de Saint-Émilion véhiculée par l’Office de Tourisme Guide touristique de Saint-Émilion : Saint-Émilion tourisme, 2016
70 Citations tirées du guide touristique de Saint-Émilion : Saint-Émilion tourisme, office du tourisme du Grand Saint-Émilionnais, Le guide de Saint-Émilion, 2016. 71
Cf. Annexe numéro 13
01.4 -
DES IMAGES IMMUABLES DE LA CITÉ
Cette sous partie concerne les images de Saint-Émilion émises par les politiques de communication locale, les images véhiculées par les guides touristiques, ainsi que l’image perçues par les touristes. Dans la continuité de la mise en récit du territoire, les images fabriquées de SaintÉmilion sont mélioratives et subjectives. Elle sont comme une réalité augmentée, un reflet beaucoup plus lisse de la réalité. Étudier l’image officielle d’un endroit permet de comprendre les ambitions extraterritoriales d’un territoire. L’image de Saint-Émilion participe en grande partie de l’identité de la cité, c’est-à-dire, une image de luxe. Je vais me concentrer sur les dispositifs mis en place par Saint-Émilion pour renforcer son marketing territorial. Ce dernier désigne toutes les pratiques de communication territoriale permettant de promouvoir et faire exister, des entités spatiales existantes ou en construction dans le but de les rendre attrayantes et d’inciter les touristes à les pratiquer. Il s’agit de processus à caractère publicitaire.72
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BOUCHE
MÉDIA DE
POLITIQUES DE
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COMMUNICATION
POPULATION
POPULATION
Les données sur lesquelles je m’appuie sont issues principalement de guides touristiques provenant d’internet. Il s’agit de sites concernant la région de SaintÉmilion (sites officiels de l’Office de tourisme, de la Jurade, de la Juridiction, de la Communauté de Communes...), du département et des alentours (Office de tourisme de Bordeaux, Blaye, Libourne, Gironde...), et plus largement pour la France de guides de voyages tels que le Routard, TripAdvisor, ainsi que les réseaux sociaux (Instagram, Facebook...). J’ai aussi consulté des brochures papier.
01.4.1 - DES CÉLÉBRITÉS POUR APPUYER L’ATTRACTIVITÉ
INTRATERRITORIALE EXTRATERRITORIALE
En premier lieu, l’Office de tourisme de Saint-Émilion participe grandement à véhiculer l’image de la cité médiévale. Sur internet, elle est très active sur les réseaux sociaux. Chaque jour le compte Instagram de l’Office de tourisme s’enrichit de nouvelles photos. L’image de marque des vignobles est promue par la mise en avant de photos de différentes célébrités en visite à Saint-Émilion : Laurent Deutch et Guillaume de Tonquédeck intronisés dans la Jurade de Saint-Émilion et revêtant le costume traditionnel rouge et blanc (Figure 24), Stéphane Bern lors du tournage « le village préféré des Français », etc. De nombreux reportages se tournent dans les ruelles du village, que se soit pour la
Figure 23 : Comment se propage l’image d’un territoire ?
72 Dans le champ scientifique, « image de la ville » et « marketing territorial » sont des expressions qui n’ont pas de définition cadrée, d’une part, à cause de la pluridisciplinarité qui les concerne et, d’autre part, à cause d’une difficile évaluation. HOULLIER-GUIBERT Charles-Edouard, « La fabrication de l’image officielle de la ville pour un rayonnement européen : Gouvernance, idéologies, coopération territoriale et rayonnement. » dans Cahiers de géographie du Québec, Volume 55, n°154, 2011, p. 7-35.
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Photos appartenant au compte Instagram de l’Office de tourisme de Saint-Émilion : mysaintemilion
télévision française (Figure 27), ou étrangère (Figure 28). La clientèle asiatique, (notamment chinoise), est la première consommatrice de vin Saint-Émilion à l’étranger. Les consommateurs chinois ont acheté à eux seuls près d’un quart de la totalité des bouteilles exportées en 201173, (10 600 hectolitres en 2014)(Figure. 26). Face à l’importance de ce marché, la Jurade a ouvert en mai 2014, une chancellerie à Pékin permettant de promouvoir outre les frontière de la France, le vin de Saint-Émilion. Si cet engouement pour la pittoresque cité médiévale s’accélère depuis ses 20 dernières années, il ne date pas d’hier. En effet des témoignages d’habitants « historiques », nous racontent la venue de personnalités dès les années 1930, telles que les présidents Charles Bouquey, ValeryGiscard-d’Estaing, où encore une ministre Chinoise.
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’avais huit ans quand le président Gaston Doumergue a survolé Saint-Émilion en ballon dirigeable, c’était en 1928 ou 1929 »
Témoignage de Monsieur Charles Bouquey.
Fig.24 : Laurent Deutsch et Guillaume de Tonquédec, intronisés dans la Jurade de Saint-Émilion en 2016.
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. Pei (architecte de la Pyramide du Louvres venu en visite à Saint-Émilion, ndlr.), a observé, scruté, arpenté, admiré la salle des Dominicains, puis la salle Gothique en s’exclamant abondamment : “ It’s wonderful, wonderful ” »74
Fig.25 : Stephane Bern, lors du tournage de l’émission « Le village préféré des Français. »
Témoignage deMonsieur Alain Chambert.
La Jurade de Saint-Émilion met elle aussi en avant sur son site internet, les différentes célébrités intronisées en son sein. Elle regroupe plus de 3000 membres à travers le monde, ayant pour mission d’être les ambassadeurs de la qualité des vins de Saint-Émilion à l’étranger, en mettant en avant leur passion pour ce vin. Il existe plusieurs grades attribués aux membres lors de leur intronisation : les protecteurs de la Jurade (réservés au souverains, chefs d’état et familles régnantes), les pairs de la Jurade (hautes personnalités du monde politique, diplomatique littéraire, artistique, agricole, militaire, etc.), les grands aumôniers, les aumôniers et prieurs de la Jurade (personnes ecclésiastiques chargées des cérémonies religieuses), les dames de la Jurade, les prud’hommes de la Jurade (toute personne en connexion avec le milieu du vin), et les vignerons d’honneur (titre décerné à une personnalité que la Jurade tient à honorer)75.
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Fig.26 : Des touristes, fiers de leurs achats au Château Grand Corbin des pagnes.
Fig.27 : Tournage de l’émission « Cap au Sud ».
Toute ce lexique fleuri, sert à appuyer, une fois de plus, le folkore et les traditions du village, afin de réellement [re]créer un sentiment d’authenticité de transmission de savoirs, d’admiration, de fêtes etc. La Juridiction entretien une image de marque en triant sur le volet les personnalités pouvant intégrer la Jurade : il est impossible d’entrer dans la confrérie sans se faire recommander par une personne déjà intronisée.
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’est mon voisin qui m’a coopté pour que j’entre à la Jurade. C’était en 1978. [...] On entre par cooptation. Certains disent que c’est une association de copinage, c’est un peu vrai, mais il y a des Jurats de tous milieux. » 76
Témoignage, Monsieur Max Pilotte.
L’élitisme de cette confrérie participe à transmettre dans les esprits un sentiment de prestige associé au territoire de Saint-Émilion. 73 « Les exportations de vins de Bordeaux au plus haut grâce aux chinois », dans Challenges.fr, le 9 décembre 2011, consulté le 4 avril 2017
Fig.28 : Tournage d’une émission pour la Chine.
Fig.29 : Alain Juppé en visite à Saint-Émilion.
74
Cf. Annexe numéro 13.
75
Site du Conseil des Vins de Saint-Émilion : https://www.vins-saint-emilion.com/
76
Cf. Annexe numéro 13.
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otre village est un joyau, ancré dans un paysage unique qui fait sa renommée mondiale. Or ceux qui vivent les facettes de ce diamant au quotidien, ce sont les habitants. Vous et nous. »
Bernard Lauret, Maire de Saint-Émilion et président de la Communauté de Communes du Grand Saint-Emilionnais dans le magazine municipal n°1 - Mai 2016
Différentes nationalités, tranches d’âge et catégories professionnelles sont représentées, afin d’avoir un rayonnement dans le monde entier. L’architecte Mario Botta fait parti de la Jurade. Depuis son intronisation en 1993, Tim Hartley (un célèbre avocat) est le chancelier pour le nord de l’Angleterre dans le Yorshire. Fabien Gilot, champion olympique de natation à Londres aux jeux de 2012 fait partie de la Jurade depuis 2014, Julie Gayet depuis 2015, Michèle Laroque est une ambassadrice de la Jurade depuis 1996, le Prince Albert II de Monaco... La chinoise Wenxiao Zhang ancienne vice-présidente du Conseil Interprofessionnel du Vin sino-français œuvrant pour la promotion des vins français en Chine, fut intronisée Dame de la Jurade en 2014. Pour toucher un public plus jeune, le chanteur Cris Cab est mentionné sur le site de la Jurade comme étant un grand amateur des vins de Saint-Émilion. Pour chaque personnalité, le site présente une photo de la personne en question, les raisons de son intronisation sous forme de petite interview, souvent faisant appel à des souvenirs relatifs à l’enfance, aux traditions etc. Les mots utilisés concernant leur intronisation sont souvent forts de sens.
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ntronisée Pair de la Jurade de Saint-Emilion, au cours de la Fête de Printemps 2015, Julie Gayet voit cet honneur comme “ Une vraie responsabilité ” [...] “ Ma première dégustation de Saint-Émilion était magique ”. »77
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ntronisée par la Jurade de Saint-Emilion, Junjie Yan (ASC Fine Wines de Shanghai), est honorée par ce qui sonne pour elle comme un encouragement : “ Saint-Émilion est le royaume du Merlot et ce cépage ravit les palais chinois ”. En Chine, les gens aiment ces vins “ ronds, chaleureux, au goût soyeux comme du velours ”. »
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e n’ai que de bons souvenirs. Je n’y ai passé que des moments d’une grande convivialité. Le climat y a toujours été apaisant, empreint d’une grande quiétude. [...] Je promeus cette appellation dès que je le peux en Principauté et à travers le monde. Il me tient à cœur de souligner le caractère unique de ces vins » Témoignage du Prince Albert II de Monaco
Grâce à son réseau de chancelleries, la Jurade de Saint-Émilion dispose d’un système d’ambassadeurs en Angleterre (chancellerie à Oxford et York), en Belgique, à Malte et à Hong Kong, permettant de véhiculer l’image prestigieuse des vins de Saint-Émilion partout dans le monde. La présence d’une chancellerie à Hong Kong est due au nombre élevé d’ambassadeurs chinois travaillant dans le milieu du vin. Cela prouve les liens forts existant entre le vin de Saint-Émilion et les consommateurs Chinois ainsi que la volonté du village d’affirmer et renforcer ses liens dans le futur. De part ses nombreux ambassadeurs, la Jurade joue également un rôle fondamental dans le poids économique viticole en permettant de valoriser l’exportation de vin. Le village de Saint-Émilion exporte son image de marque à l’international.
Figure 30 : Image de Saint-Émilion émise par le magazine municipal.
77
Site du Conseil des Vins de Saint-Émilion : https://www.vins-saint-emilion.com/
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01.4.2 - LES IMAGES ÉMISES PAR LES GUIDES TOURISTIQUES
En France, que ce soit dans les guides touristiques, les sites touristiques, les brochures, les articles de journaux, la commune de Saint-Émilion est évoquée avec les mêmes gammes de mots. L’accent est mis en particulier sur l’historicité de la cité, le patrimoine bâti et l’UNESCO. L’inscription sur la liste du patrimoine mondial qualifie le village d’une image de marque supplémentaire qui est énormément mise en avant.
()2 Figure 31 : Photo tirée du guide touristique : voyagemichelin.fr
’est l’une des plus belles cités d’Aquitaine, une ville médiévale de pierre dorée, de placettes et de venelles. Entourée d’un paysage de vignes remarquablement préservé, elle partage avec les communes de la Juridiction la fierté de leur inscription sur la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO, au titre de paysages culturels. »
voyages.michelin.fr
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éritable musée à ciel ouvert, la ville de Saint-Émilion étonne. » www.france-voyage.com
a cité médiévale, fièrement campée sur son promontoire rocheux, fait le bonheur des amoureux de belles pierres. »
www.france-voyage.com
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ous êtes au cœur de l’un des vignobles les plus réputés du monde. » L’aquitaine votre sud-ouest sur mesure, région aquitaine, 2013
aint-Émilion est une destination phare de la planète pour son histoire et son breuvage et récemment reconnu par l’UNESCO pour ses paysages. »
www.tourisme-libournais.com
Figure 32 : Photo Instagram Tamahanicole
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ne réussite saluée par l’UNESCO en 1999 lorsque Saint-Emilion et les 8 communes de sa Juridiction furent inscrites au patrimoine mondial au titre de “ paysage culturel ”. Une première mondiale pour un terroir viticole. »
www.gironde-tourisme.fr
()2
e village est l’un des plus riches en monuments historiques de tous les villages de France. »
()!
aint-Emilion : un véritable musée à ciel ouvert ! »
lepetitfuté.com
www.tourisme-libournais.com
D’un guide à l’autre on peu retrouver les mêmes photos, les mêmes panoramas : le clocher de l’église mis en valeur, les ruelles étroites, la place du marché... Il est également possible de trouver des photos du vignoble, ou de caves, mais l’image de la cité médiévale domine. Figure 33 : Photo tirée du guide touristique : bordeaux-tourisme.com
Très peu d’images montrent une vision « vivante » de la cité : rares sont les photos où des personnes (touriste comme habitant) apparaissent. D’ailleurs, le qualificatif de musée est directement utilisé pour parler de la cité médiévale.
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01.4.3 - LES IMAGES PERÇUES PAR LES TOURISTES
Le réseau social Instagram m’a permis de me faire une idée des images que perçoivent les touristes en se rendant à Saint-Émilion. Spontanément, lors de ma première visite sur place, je me suis muni de mon appareil photo. Lorsque a posteriori, j’ai comparé les photos que j’avais prises avec celles récoltées sur Instagram, ou dans les guides touristique, je me suis rendues compte que plusieurs étaient identiques.
Figure 34 : Noé Tronel
Figure 35 : Office du tourisme du Grand Saint-Émilionnais
J’ai donc fait le constat que lorsqu’un touriste se rend dans un lieu pour la première fois son évolution dans l’espace est assez prévisible. Indifféremment de sa nationalité, son parcours sera guidé par la signalétique des panneaux, par les mouvements des autres touristes etc. De plus, à Saint-Émilion un « effet de surprise » permet d’expliquer le fait que chaque visiteur prenne la même photo. En effet, le tissu bâti de Saint-Émilion est assez dense. Lorsque le long d’une rue la continuité du bâti se stoppe, cela permet de créer un dégagement. À cela il faut ajouter la topographie du village. Il suffit d’emprunter une rue en pente et que la continuité de bâti s’arrête pour créer un « effet de surprise » et découvrir un panorama sur la plaine (Figures ci-contres). D’autres dispositifs autres que les panoramas invitent les visiteurs à prendre une photo. Par exemple, l’ancienne porte des remparts rue Guadet (Figure 40 à 45) est un élément récurrent dans les photographies. Il s’agit d’un petit élément « pittoresque » et « chargé d’histoire ». Encore, de manière plus évidente, le promontoire de la place du clocher, un lieu hautement touristique de la cité, propose un point de vue sur la place du marché ainsi qu’un panorama sur le reste du village. (Figure 46 à 63)
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Figure 36 : Marie Rénié
Figure 37 : Office du tourisme du Grand Saint-Émilionnais
Figure 38 : Marie Rénié
Figure 39 : tourisme-libournais.com
Même sans indications signalétiques, les dispositifs spatiaux encouragent les touristes à prendre en photo un panorama. Sachant qu’ils sont peu nombreux sur le village, les photos identiques des touristes sont fréquentes. De plus l’accumulation de ces photographies sur les réseaux sociaux participe également à véhiculer une image de Saint-Émilion et participe de la stratégie de communication de l’Office de tourisme.
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Figure 40, Instagram : simonemazengarb
Figure 41, Instagram : francklevassort
Figure 46 : Elsa Genête
Figure 47 : Marie Rénié
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Figure 42, Instagram : kozzmicblues
Figure 43, Instagram : thetagalongs
Figure 48 : gironde-tourisme.fr
Figure 49 : Magazine touristique région Aquitaine
Figure 44, Instagram : audreydolberg
Figure 45, instagram : roxysaka
Figure 50, Instagram : elodie.ripaux
Figure 51, Instagram : mathilde_bureau_
Figure 52, Instagram : audreypont
Figure 53 : Marie RĂŠniĂŠ
Figure 58, Instagram : sen_solene
Figure 59, Instagram : andreas_022
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Figure 54, Instagram : volcanoesbearclub
Figure 55, Instagram : gironde-tourisme.fr
Figure 60, Instagram : apmaunder
Figure 61, Instagram : mymycmoi
Figure 56, Instagram : tamahnicole
Figure 57, Instagram : rlopppes
Figure 62, Instagram : lou.urv
Figure 63, Instagram : paulinebouttier
01.5 - GOOGLISATION
: LE VIRTUEL AU SERVICE DU TOURISME 78
01.5.1 - LES PARTENARIATS
Figures 64 et 65 : Zones accessibles de Saint-Émilion grâce à l’outil Street view de Google maps.
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Google est le leader mondial sur internet dans les technologies portées sur le lien entre les êtres humains et l’information. Le moteur de recherche Google est une marque incontournable connue dans le monde entier. Grâce à Google Maps, le service gratuit de cartographie en ligne du moteur de recherche Google, n’importe quel individu possédant une interface numérique (ordinateur, tablette, smartphone etc.) ainsi qu’une connexion internet peut se rendre à l’autre bout du monde tout en restant dans son fauteuil. L’outil Google Street View est aussi particulièrement intéressant car il permet de naviguer virtuellement parmi n’importe quelle rue répertoriée partout dans le monde, à hauteur humaine. Les touristes et le reste du monde peuvent alors déjà visualiser les endroits dans lesquels ils souhaitent se rendre avant même y avoir mis les pieds. Il est également possible de visiter certains lieux emblématiques, (mêmes s’ils ne se situent pas dans une « rue » à proprement parler), comme le grand canyon ou des lieux plus improbables tels que la barrière de corail, ou encore, entrer dans de célèbres monuments comme le Colisée, la maison blanche etc.79 Lorsqu’on utilise l’outil Google Street View, les rues pouvant se visiter apparaissent en surbrillance bleue. À Saint-Émilion par exemple, la densité des rues bleues est largement supérieure au nombre de rues réellement existantes. Un important maillage permet de visiter le village entièrement de façon virtuelle. En effet la densité des lieux accessibles en bleu sur la carte est assez impressionnante (Figures 64 et 65). Il est possible de rentrer à l’intérieur d’une grande quantité de bâtiments, de visiter l’église monolithe, des caves, et bien d’autres choses peuvent être découvertes...
Figures 66 et 67 : Zones de Sarlat accessibles en utilisant l’outil Street view de Google maps.
Si l’on regarde d’autres villes comme Bordeaux, la densité des zones visitables n’est pas aussi élevée (Figures 68 et 69). Certaines impasses sont même inaccessibles. La ville de Sarlat, qui comprend un centre ancien historique comparable à celui de Saint-Émilion n’est pas desservie par le service Google Street View (Figures 66 et 67). En revanche, la cité médiévale de Carcassonne, (qui dans la description faite dans l’avant-propos possède des points communs non négligeables avec Saint-Émilion), peut se visiter également virtuellement et permet d’entrer à l’intérieur des bâtiments. En France, les lieux où Google Street view permet de visiter toute la ville, (ou plus), sont rares. Dans le même cas, il est possible de trouver la cité médiévale de Carcassonne, ou encore, le Mont Saint-Michel (Figures 70 à 73).
78 Googlisation est un néologisme qui exprime le fait de rechercher des informations sur internet via le moteur de recherche Google. Figures 68 et 69 : Zones de Bordeaux accessibles en utilisant l’outil Street view de Google maps.
79 Guilhem, « Top 10 des lieux à visiter via la Street view », dans Topito, le 9 avril 2014. http://www.topito.com/top-tourisme-via-street-view
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Les cas venant d’être cités se trouvent être tous les trois inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité. Il ne s’agit donc pas d’un hasard mais d’un partenariat entre l’UNESCO et Google clairement assumé par l’organisme de protection80. Il permet aux internautes de visiter de nombreux biens du patrimoine mondial grâce au projet « Merveilles du monde » de Google. Les différents sites Google Street View, Google Earth et Google Maps permettent de visualiser ces données. L’accord en question permet aux internautes de visiter un très grand nombre des 962 biens inscrits par l’UNESCO. Les technologies mises en place par Google permettent via l’outil Google Street View d’obtenir des vues panoramiques capturées par des caméras montées sur des voitures, des bicyclettes ou même portées à l’épaule. Une fois traitées, ces images sont superposées aux vues satellites de Google Maps. La technologie intervient comme facilitateur d’accès à l’information en amont d’un voyage. Le secteur du tourisme est également en mutation et les professionnels classiques de ce secteur doivent s’adapter et renouveler leurs offres face à l’essor d’internet. En effet, Le tourisme constitue le premier secteur du e-commerce. La concurrence dans le milieu est accrue et le voyageur devient exigeant. Il est plus informé, plus autonome, en somme plus expert. Il recherche à être surpris par de nouvelles propositions, de nouvelles manières de voyager et de découvrir.
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Figures 70 et 71 : Zones de Carcassonne accessibles en utilisant l’outil Street view de Google maps.
Google permet également d’aller plus loin qu’uniquement la visualisation des lieux lors de la planification de son voyage. Le géant d’internet propose des itinéraires, des lieux d’intérêt, de restauration, de logement etc. Les plateformes telles que Google sont des nouveaux atouts pour améliorer l’attractivité touristique d’un lieu et permettent une nouvelle valorisation du patrimoine. Cependant, cette grande influence peut être un frein pour toutes les petites structures n’étant pas répertoriées par Google. ll s’agit d’un atout marketing considérable permettant de donner aux touristes étrangers, un avant gout et l’envie de se rendre à Saint-Émilion.
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’alliance avec Google permet d’offrir à tous des visites virtuelles des sites, pour augmenter l’intérêt et encourager la participation à la sauvegarde de ces trésors. »
Irina Bokova, Directrice générale de l’UNESCO.
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es sites du patrimoine culturel et naturel sont une source irremplaçable d’inspiration et de fascination. Ce projet est très excitant et nous sommes ravis de travailler avec l’UNESCO pour rendre de nombreux sites du patrimoine accessibles et enrichissants pour tous. »
Amit Sood, Directeur du Google Cultural Institute
Figures 72 et 73 : Zones du Mont-Saint-Michel accessibles en utilisant l’outil Street view de Google maps.
Désormais, les réservations de vacances sont majoritairement effectuées via internet : TripAdvisor est l’une des plateformes qui bénéficie le plus de cette situation. Elle permet au voyageur d’être plus informé. Ce dernier a la possibilité de laisser son avis et ses impressions en commentaire sur un service proposé (voyage, hotel, restaurant...) afin que les autres internautes puissent les consulter.
80 Google Cultural Institute, The power of partenerships, World Wonder Project : Click to explore a World Heritage site with Google : http://whc.unesco.org/fr/google
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Trip Advisor s’engage également pour le patrimoine mondial en devenant un partenaire de l’UNESCO81. Cet engagement n’est pas négligeable car Trip Advisor possède la plus grande communauté en ligne de voyageurs au monde avec en moyenne 390 millions de visiteurs uniques par mois82 et plus de 500 millions d’avis et d’opinions laissés en ligne. Cet engagement se traduira par une campagne de promotion en ligne et de sensibilisation sur la conservation et l’implication des communautés sur les sites du patrimoine mondial.
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)G des gens qui préparent leur séjour vont voir un avis sur Internet, même s’ils n’en tiennent pas forcément compte. », avance Jean-Daniel Debart, vice-président de la CDC du Grand Saint-Émilionnais en charge du tourisme et de la culture83. Michelin a également réalisé un Guide Vert des sites français du patrimoine mondial de l’UNESCO. Ces rapprochements entre l’UNESCO et différents partenaires soulèvent quelques enjeux. Les guides Michelin84 sont connus pour leur approche qualitative du tourisme en donnant une note évaluant chaque destination : « les étoiles du guide Michelin ». Cependant, pour que cette philosophie s’adapte à celle de l’UNESCO qui prône la non hiérarchisation des sites inscrits sur la liste, il est nécessaire d’adptater les critères d’évaluations du guide Michelin.
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Si les arguments avancés reposent sur l’augmentation de la sauvegarde du patrimoine UNESCO, ce type de partenariat met tout de même en évidence l’envie de considérer les sites de l’UNESCO comme des destination touristiques. Je ne considère pas le tourisme comme une mauvaise chose en soi, au contraire. La mise en valeur des sites du patrimoine mondial qu’offre Google est une bonne initiative pour faire découvrir des biens et des lieux innaccessibles ou méconnus du grands public. Cependant, une activité touristique si valorisante soit elle, est source de profits. Via ces partenariats, les sites du patrimoine UNESCO semblent être considérés en priorité comme des destinations touristiques. Une déviance de cette sur-exposition des biens appartenant à la liste UNESCO est la marchandisation du patrimoine que ce soit de la part des territoires locaux ou des Tour-opérateurs. Le virtuel permet d’augmenter la sensation d’être voisin. En étant actif sur les réseaux sociaux, sur les différents sites internet, Saint-Émilion donne une impression de grande proximité et de familiarité.
81 Site Web de l’UNESCO, « Trip Advisor s’engage pour le patrimoine mondial », dans l’onglet Actualité, le 20 juillet 2009. 82 Enregistrements de connexion de TripAdvisor, moyenne des utilisateurs uniques mensuels, troisième trimestre 2016. 83
CHARIOL Anne-Marie « Tourisme : destination Saint-Émilion », dans Le Résistant, le 10 mars 2017.
84
Les sites français du Patrimoine mondial, Guides Michelin.
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01.5.2 - LES ITINÉRAIRES EN FRANCE PROPOSÉS PAR LES TOUROPÉRATEURS
Ce point va permettre d’enrichir l’analyse du paysage vitrine de Saint-Émilion en comparant différents trajets de voyages en France proposés par des tour-opérateurs à destination des touristes étrangers. Le but étant d’enrichir la compréhension de l’image perçue de Saint-Émilion à l’international. Les cartes sont des captures d’écran tirées de sites de voyages étrangers tels que : tourradar.com, trafalgar.com, frenchtravel.com.au, zicasso.com, top deck tours limited, explorica.com, etc. Une fois de plus, les exemples qui vont suivre sont choisis pour appuyer mon argumentation. Bien évidemment ils ne sont pas le reflet exact de tout ce que l’on peut trouver sur internet, mais le reflet d’une réalité dominante. Les tour-opérateurs peuvent également être appelés voyagistes. Cette profession ancienne inaugurée par Thomas Cook en 1841, consiste à organiser un séjour touristique en réunissant plusieurs prestations de différents fournisseurs (compagnies aériennes, hôteliers, autocaristes, restaurateurs, guides etc.) à des prix négociés et en les vendant à un prix tout compris sous forme de forfait ou de package85.
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Figure 74 : « Best of France » 12 jours, 3075 $ www.trafalgar.com
Figure 75 : « Discover France » 1607 €, 14 jours www.topdeck.travel
Les trajets sélectionnés mettent en évidence des séjours avec au moins une étape dans le Sud-Ouest de la France à Bordeaux ou Saint-Émilion. Pour avoir un ordre d’idée très global, environ 1 trajet sur 5 présentait une escale à Bordeaux. Paris reste la destination quasi incontournable de tout les itinéraires proposés. J’ai également cherché à rassembler des trajets que je qualifie de « globaux », permettant de visiter une grande partie de la France. Les noms donnés à ces itinéraires par les tour-opérateurs restent assez vagues : « Best of France », « Ultimate France », etc. (Figures 76 et 77). D’autres séjours sont plus spécifiques et proposent des voyages plus thématiques, autours du vin par exemple, des voyages familiaux, d’affaires... Si l’on compare le nombre de trajets proposés dans les vignobles du Bourgogne, avec l’offre dans les vignobles du Bordelais, elle est beaucoup plus importante dans le Bordelais. Certains trajets proposent uniquement deux grandes destinations phares : le Grand Paris et le vignoble Bordelais. Les tour-opérateurs présentent essentiellement des trajets s’adressant à une clientèle « de luxe », les prix débutant à 1100 euros la semaine.
Figure 76 : « Best of France » 15-17 jours, 3633 $ explorica.com
Figure 77 : « Ultimate France » 22 jours, 10925 € tourradar.com
Lorsqu’un tour-opérateur propose de faire une escale à Bordeaux, il proposera quasiment systématiquement de faire une escale à Saint-Émilion sur une journée. Il est possible de trouver des trajets s’arrêtant à Bordeaux sans passer par Saint-Émilion mais la réciproque est fausse. La ville de Bordeaux et le village de Saint-Émilion ne forment qu’une seule et même étape, associée à l’image du vin et de la gastronomie. Les étapes se déroulant dans la cité médiévale restent courtes, soit sur la journée ou la demie journée, et souvent en option. Les séjours liés au tourisme viticole sont assez nombreux et proposent de faire toute la région Bordelaise à vélo (Figure 82).
85 Le tour-opérateur se distingue de l’agence de voyages. Ce dernier est distributrice. À la différence du voyagiste (tour-opérateur), l’agence ne fait que revendre les produits des prestataires. Elle fait office d’intermédiaire entre le tour-opérateur et le touriste en vendant des circuits et des séjours, percevant au passage une commission. Dénifinition provenant du site http://geoconfluences.ens-lyon.fr/
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ycling and wine tour in Bordeaux : Découvrez la belle région viticole de Bordeaux grâce au vélo. Basée dans une des régions viticoles les plus renommée de France, cet itinéraire vous permettra d’apprendre les bases du sommelier grâce aux célèbres appellations : SaintÉmilion, Pauillac et Margaux. »
Provient du site zicasso.com, traduit de l’anglais via Google translate.
Figure 78 : « Gems of the Seine & Bordeaux Affair » 18 jours, 9085 €.
Figure 79 : « Bordeaux and Dordogne, Best of » 8 jours, 1315 €.
J’ai également pu remarquer, que de nombreux sites proposent de séjourner en Dordogne, la ville de Sarlat est un point d’intérêt récurent. La ville de Saint-Émilion constitue souvent une étape sur le chemin menant à la Dordogne (Figure 79). Un des séjours nommé « France for families » (Figure 80), propose un départ de Paris pour se rendre sur la côte basque. Le seule étape est la ville de Sarlat. Elle n’est pas mentionnée clairement dans le descriptif qui décrit de manière générale (et très stéréotypée) la Dordogne et ces nombreuses excursions idéales pour les parents avec enfants. Pour une excursion en famille, le village de Sarlat (qui je le rappelle n’est pas inscrit sur la liste du patrimoine de l’humanité), est privilégié par rapport à la ville de Bordeaux et le vignoble de Saint-Émilion.
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a Dordogne, la maison du foie gras, est une terre de petites routes de campagne calmes et de douces collines couvertes de tournesols. »
Provient du site Neverstoptraveling, traduit de l’anglais via Google translate.
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Figure 80 : « France for families » 12 jours, 4846 €.
Figure 81 : « Bordeaux, Dordogne, Languedoc » 14 jours, 6159 €.
Figure 82 : « Bordeaux vinyard cycle » 7 jours, 1248 €.
Figure 83 : « Three Mighty Rivers - The Gironde Estuary and Arcachon bay », 1182 €, 8 jours.
Source : tourradar.com
01.5.3 - UNE PERCEPTION DIFFÉRENTE DE SAINT-ÉMILION EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER
Dans ces sites touristiques de Tour-opérateurs, ou dans les Top 10 des immanquables visites en France, l’image de Saint-Émilion est très peu présente, elle est souvent substituée à celle de Bordeaux. À la place, les sites montrent souvent une image d’une cave à vin remplie de bouteilles ou bien un vignoble : il s’agit d’une image assez « dé-personnalisée » de la cité. Sa renommée mondiale pour le vin est bien plus importante que celle de la cité médiévale. Le témoignage du directeur de la maison du vin à Saint-Émilion corrobore cette idée.
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Figure 84 : Photo de la place de la Bourse à Bordeaux, raileurope.com.
es touristes viennent avant tout pour la renommée du vin et ce n’est qu’une fois dans le village qu’ils découvrent le riche patrimoine de la commune. »86
Témoignage Monsieur A.
Certains sites choisissent de présenter uniquement des images de la place de la Bourse à Bordeaux afin de parler à la fois de la région bordelaise et de Saint-Émilion (Figures 84, 85 et 86). Il se passe exactement le même phénomène lorsque les séjours proposent d’autres arrêts autour de Bordeaux, dans le Médoc, ou près d’Arcachon. Il arrive aussi que l’image associée à la ville de Bordeaux soit aussi celle d’un vignoble. $#
Figure 85 : Photo de la place de la Bourse à Bordeaux, Les Williams via twitter.
Les sites touristiques se préoccupent peu de l’exactitude des images véhiculées. Ce qui importe pour le touriste étranger est de pouvoir vivre des « vraies expériences françaises ». La figure 89 issue du site internet, Lonely planet, un guide de voyage à l’étranger présente une image d’un vignoble lors d’un crépuscule brumeux avec le mot « Bordeaux » mis en valeur sur l’image. Or, la même photo est utilisée sur le site Trafalgar pour parler de la Dordogne. Les descriptions fournies avec les itinéraires restent vagues avec peu de détails. Les descriptions sont choisies riches de termes évoquant la magie, le prestige, le raffinement à la française, les contes de fées, ou encore de gros clichés sur la France afin de faire rêver les touristes. L’utilisation de mots ou expressions françaises dans les descriptions d’itinéraires de ces sites est également un moyen utilisé pour faire d’avance voyager les touristes : il est fréquent de trouver dans une description en anglais les mots « douceur de vivre ».
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emonter le temps pour vivre des scènes de châteaux de contes, villages médiévaux, et des vignobles idylliques [...] Depuis les châteaux les plus élégants jusqu’au parfait verre de vin rouge[...] » Provient du site Zicasso.com, traduit de l’anglais via Google translate.
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alladez vous dans des prestigieux vignobles du Médoc et de Saint-Émilion en dégustant des vins de renommée mondiale. »
Provient du site Raileurope.com, traduit de l’anglais via Google translate.
()* ()+ Figure 86 : Photo de la place de la Bourse à Bordeaux, zicasso.com.
86
ous pouvez participer à une visite guidée gastronomique, ou faire une excursion d’une journée à la ville pittoresque de Saint-Émilion. » ous prenons un bâteau depuis Lamarque jusqu’à Blaye puis nous suivons une route pittoresque jusqu’au typique village viticole de Saint-Émilion. »
Cf. Annexe numéro 12
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aint-Émilion possède un des plus ancien vignoble français. Vous pourrez explorer les ruelles labyrinthiques du village. » ous aurez l’occasion de visiter l’impressionnante église souterraine et les catacombes avant une dégustation de vin. »
Provient du site Tourradar.com, traduit de l’anglais via Google translate.
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ordeaux a été l’endroit préféré des touristes anglais en France pendant des années, et est toujours connu pour ses vins rouges raffinés. »
Provient du site The rough guides limited.com, traduit de l’anglais via Google translate.
Figure 87 : Photo d’un vignoble, Top deck tours limited.com.
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écouvrez pourquoi la région de Bordeaux est mondialement connue pour ses grappes fermentées. C’est une raison de sortir du lit n’est ce pas ? Goûtez les gammes et ramenez quelques bouteilles à la maison. Votre « vous » futur vous sera reconnaissant. Explorez la proche cité médiévale avant de rentrer sur Bordeaux. »
Provient du site Top deck tours limited.com, traduit de l’anglais via Google translate.
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ordeaux et le pays du vin : Lorsque les voyageurs arrivent ici, la campagne de Bordeaux les enchante sans qu’ils sachent vraiment pourquoi : ce que les Français appellent la douceur de vivre peut avoir quelque chose à voir avec cela [...] À l’Est, en étendant leurs lignes verdoyantes au soleil levant, les vignobles renommés de la Route de Médoc incitent les visiteurs à découvrir des villes viticoles médiévales comme Saint-Émilion. »
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Provient du site Fodor’s, traduit de l’anglais via Google translate.
Figure 88 : Photo d’un vignoble, rough.guides.limited.com.
« Pittoresques », « Typiques », « Châteaux de contes », « raffinés », les descriptions des sites de voyages étrangers sont énormément romancées et évasives. Très peu évoquent l’exceptionnalité de village de Saint-Émilion. Jusque dans les descriptions le village est souvent rapporté à son vignoble, ne fournissant aucun descriptif physique de la cité. Le label UNESCO est également souvent passé sous silence. Contrairement aux descriptions que l’ont peut trouver dans les guides touristiques destinés aux visiteurs français, rares sont les descriptions qui précisent à la fois l’exceptionnalité du village conservé intact ainsi que l’inscription de la cité et son vignoble sur la liste du patrimoine mondial. Cela conforte une des hypothèses faite dans l’introduction : l’impact de labellisation UNESCO est minime sur le territoire de Saint-Émilion notamment en ce qui concerne l’augmentation du tourisme international. Avec ou sans l’inscription sur la liste du patrimoine mondial, le tourisme aurait continué d’augmenter à Saint-Émilion. Le tourisme viticole attire toujours plus. Il dégage quelque chose de spécial, d’authentique : le travail, le terroir, le luxe, l’art de vivre à la française, appartiennent aux valeurs immatérielles liées à la culture du vin et c’est cela qui attire majoritairement les touristes étrangers. Ce sont donc évidemment ces arguments qui sont mis en valeur pour convaincre les touristes de venir visiter les vignobles Bordelais. Le succès de la Cité du vin de Bordeaux inaugurée en 2016 témoigne de cet engouement pour le tourisme viti-vinicole. Au total, 70 000 visiteurs étrangers (150 nationalités différentes) se sont rendus à la Cité du vin87.
Figure 89 : Photo d’un vignoble, Lonely planet. 87 C. P., « Cité du vin à Bordeaux : 425 000 visiteurs et 250 emplois créés » dans Sud-Ouest, Bordeaux, le 6 juin 2017.
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REPRÉSENTATIONS DES DIFFÉRENTES MANIÈRES D’HABITER SAINT-ÉMILION
La seconde partie de l’étude aborde plus particulièrement le rôle et l’impact des paysages quotidiens dans les manières d’habiter à Saint-Émilion. Afin de comprendre mon interrogation sur la sensibilité paysagère des habitants à leur lieu vie, il est nécessaire de considérer que dans la vie quotidienne, chacun de nous tisse une relation particulière avec son environnement quotidien : il s’agit d’un vécu paysager.88 Je m’intéresse plus précisément à la sensibilité que possèdent les habitants vis-à-vis du paysage qu’ils fréquentent quotidiennement. Comment vivent-ils la patrimonialisation de « leur » paysage. L’analyse s’appuie principalement sur les témoignages d’habitants récoltés grâce à une démarche d’enquête, ainsi que de supports cartographiques que j’ai réalisés suite aux discours récoltés, correspondant à des cartes sensibles « mentales », mêlant mon interprétation des témoignages ainsi que mon expérience sur le terrain. Dans un premier temps, je m’intéresserai à connaître qui sont les habitants de la commune de Saint-Émilion en analysant leur rapport au paysage. Experts à leur manière du paysage, leur regard sur le paysage exceptionnels de Saint-Émilion n’est pas identique à celui que peut avoir un touriste. Dans cette exposition quotidienne au regard des touristes, je regarderai quels dispositifs les habitants mettent en place afin de [re]créer une forme d’intimité paysagère. Le paysage quotidien de l’habitant et le paysage vitrine du touriste peuvent alors se retrouver mélangés. Cette mise en tourisme de leur environnement provoque des réactions différentes au sein des habitants. Puis je regarderai de quelle manière le tourisme de masse influe sur la composition et la répartition spatiale des populations locales, par rapport à celle des touristes. Avant de commencer, il est nécessaire de préciser que le paysage de Saint-Émilion n’a jamais été ordinaire au sens strict du terme. En effet, comme dit dans la partie 1, le paysage de Saint-Émilion possède des caractéristiques uniques le rendant remarquable. Les témoignages des populations locales permettront d’avoir un regard sur le caractère ordinaire du paysage exceptionnel. L’analyse qui va suivre est bien évidemment à nuancer, il est évident que la sensibilité paysagère peut considérablement varier d’un individu à l’autre. L’appréciation d’un paysage est chargée de valeur. Il peut faire appel à des souvenirs. Chaque personne entretien un rapport personnel et unique au paysage. 88 BIGANDO Éva, La sensibilité au paysage ordinaire des habitants de la grande périphérie bordelaise (commune du Médoc et de la Basse vallée de l’Isle), thèse sous la dir. de DI MÉO Guy, Bordeaux, 2006.
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02.1 - VERS LA [RE]CONSTRUCTION D’UN PAYSAGE INTIME
Qui sont les habitants à proprement parler ? De qui parle-t-on lorsqu’on fait allusion aux habitants de Saint-Émilion ? Les populations locales ? Les touristes ? Les personnes y travaillant mais n’y résidant pas ? Lorsqu’on évoque les habitants ou les populations locales en tant qu’acteurs au sein d’un projet quel qu’il soit, on en parle comme d’un élément uniforme, une catégorie homogène d’acteurs à la voix et aux idées unanimes, or ce n’est pas le cas. Cette composante est plus que variable et incertaine. Les populations locales sont multiples. Leurs discours, leurs représentations seront différentes s’ils sont touristes, vignerons, propriétaires ou locataires... Ces populations apportent une expertise supplémentaire du territoire. Qu’ils vivent le territoire au quotidien ou occasionnellement, leurs pratiques de l’espace, leurs habitudes et leurs représentations constituent nombre de petites vérités qui participent à la complexité et la densité du paysage de Saint-Émilion. Il me semble donc plus pertinent de m’intéresser non seulement aux résidents permanents, mais aussi aux personnes plus occasionnelles comme les touristes, les travailleurs saisonniers, ainsi qu’aux personnes travaillant quotidiennement sur la commune sans pour autant y résider. %)
Nous avons davantage de repères concernant le patrimoine. Il est quantifiable et répertoriable, décrit par dans les livres par des experts, tandis que souvent le paysage est laissé à l’appréciation du plus grand nombre. À mon sens, le paysage est un concept peut-être plus abordable par les populations locales que celui de patrimoine. Elles le voient au quotidien, le pratiquent et le connaissent parfaitement. Par exemple, il est certain que dans une région montagneuse vous trouverez des habitants capables de vous dire la météo du lendemain en fonction de l’aspect des montagnes. De plus le paysage n’est pas un bien que l’on peut posséder physiquement, contrairement au patrimoine. Le paysage n’appartient à personne tout en étant à la vue de tous, il est une propriété affective, immatérielle de celui qui le voudra. Un bâtiment aura toujours une relation implicite avec son constructeur, son architecte, les personnes possédant les murs... (même si un monument fait partie du patrimoine mondial de l’humanité, et donc par définition appartient à tout le monde, sans appartenir à personne, les biens construits en dur ont plus souvent un propriétaire, que ce soit l’état ou autre). Le paysage dégage une sensation d’identification, et d’appropriation plus importante. L’inscription du paysage quotidien des habitants de Saint-Émilion sur la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO entraine une complexification de la relation existante entre la population locale et les lieux qu’ils habitent. Il ne s’agit plus uniquement de leur paysage : la part d’intimité que les habitants entretenaient avec celui-ci n’existe plus. La reconnaissance de la valeur exceptionnelle universelle implique une extension de l’appartenance de ce paysage. (Si l’on considère qu’un paysage appartient à quelqu’un. Ici l’appartenance signifie l’identification des populations locales à un paysage qu’elles vivent au quotidien). Ce qui avant pouvait être une expérience intime, privée, est aujourd’hui une expérience exceptionnelle et globalisée. Les habitants sont en quelque sorte un peu dépossédés de leur paysage quotidien.
La sensibilité paysagère d’une personne peut être mise à l’épreuve lors de changement brutaux de son espace géographique quotidien. Les populations agées ont pu connaitre un avant/après Saint-Émilion. Leur paysage ordinaire d’hier n’est plus le même qu’actuellement. En revanche, les plus jeunes générations ont connu uniquement leur paysage quotidien imprégné du paysage vitrine.
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n revanche on y voit des choses extraordinaires, comme des Japonais dans des énormes voitures avec chauffeur »89
Témoignage de Madame T.
Le paysage n’est plus seulement Saint-Émilionnais, ni Libournais, ni Bordelais, ni simplement français mais mondialisé. Il appartient à l’humanité entière. Même si pour le cas de Saint-Émilion cette rupture est en grande partie symbolique. Comme dit précédemment, l’inscription sur la liste de l’UNESCO n’a pas provoqué changements majeurs au niveau du tourisme. Le processus de mise en tourisme de SaintÉmilion était déjà amorcé avant l’inscription. Cette dernière n’a fait qu’amplifier le phénomène en ratifiant officiellement les critères d’exception du paysage défini comme culturel. Dans le cas de Saint-Émilion, tout le processus de patrimonialisation s’est fait sans la consultation des habitants. Ils assistent donc aujourd’hui en tant que témoins aux transformations de leurs paysage, qu’ils en aient conscience ou non. %*
Il est alors possible de décrire le nouveau rapport des populations locales à leur environnement par un double processus90. Le premier correspond à la phase d’expertise d’identification puis de définition de l’exceptionnalité paysagère du territoire de SaintÉmilion, en d’autres termes la construction du paysage vitrine (décrit dans le première partie de cette étude). Puis, le second processus concerne plus spécifiquement les populations locales. Il consiste, après avoir assimilé positivement ou négativement la patrimonialisation de leur environnement, de se [re]construire une forme d’intimité paysagère, essentielle au développement d’une relation entre le lieu qui est habité et l’habitant. Les dispositifs mis en place par les habitants, consciemment ou non et si petit soient ils, participent à redonner une forme de normalité et d’ordinaire à leur quotidien. À ce stade de l’analyse, il me semble nécessaire de venir compléter les définitions des différents paysages de Saint-Émilion, données dans la première partie, notamment les définitions du paysage « quotidien » « ordinaire » « intime », que j’ai opposées à celle des paysages « vitrine », « remarquable », « exceptionnel ». Par exemple la définition du paysage ordinaire ne me paraît plus si inintéressante pour le cas de Saint-Émilion. Le terme « ordinaire » apporte une notion de normalité qui n’existe pas dans « quotidien ». En effet, le paysage quotidien des Saint-Émilionnais a muté. Le paysage touristique a englobé le quotidien des Saint-Émilionnais qui est visité, consommé et parfois piétiné. Les touristes rythment le quotidien, le calme existe peu. Le quotidien de SaintÉmilion s’éloigne de celui des villages ruraux traditionnels. Le mot « ordinaire » s’éloigne de 89
Cf. Annexe numéro 12.
76 BIGANDO Éva, « L’expérience ordinaire et quotidienne d’un paysage exceptionnel. Habiter un “ paysage culturel ” inscrit au patrimoine mondial de l’Humanité (Saint-Émilion) », dans Patrimoine et désir d’identité, FOURNIER L., CROZAT D., BERNIE-BOISSARD C., CHASTAGNER C. (dir.), Paris, Éd. L’Harmattan, p. 207-218.
« quotidien », tout en apportant le calme et la tranquillité que la plupart des habitants de SaintÉmilion regrettent par rapport à l’avant/après touristes. (Si l’on considère que la normalité du mot « ordinaire » se base sur ce que représente la normalité dans les autres villages ruraux de France). Le besoin qu’expriment certains habitants de retrouver dans leur paysage quotidien un peu d’ordinaire, passe par la notion de paysage intime que j’avais mise de côté dans un premier temps. En effet, comme dit précédemment, le paysage intime ne véhicule pas d’identité collective, (par opposition, aux paysages remarquables, exceptionnels, et vitrines), mais est propre à un individu. C’est ici tout l’intérêt. Leur univers personnel est abandonné à l’autre, aux touristes. Leur quotidien est spectacularisé malgré eux, qu’ils prennent ça de manière positive ou négative.
La majorité des habitants sont très attachés pour la plus part à l’environnement exceptionnel de Saint-Émilion :
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ous ces beaux paysages que l’on voit façonnés, on retrouve un peu cet esprit dans les chais, dans l’architecture. Tout est harmonieux. Profiter de la pierre, des vignes tracées aux cordeau... »92
Témoignage de Monsieur V.
Mais la scission est faite entre ce qu’ils considèrent comme étant le paysage appartenant aux touristes, et leur paysage à eux. Ils réinventent le leur, le paysage intime, nourri par des expériences personnelles. Leur environnement personnel, s’éloigne du paysage exceptionnel inscrit à l’UNESCO, pour retrouver des éléments faisant parti de leur intimité, et de leur quotidien. Ces expériences paysagères sont souvent moins exceptionnelles mais plus intimes.
Fatigués de la dépossession de leur paysage quotidien, et de la surfréquentation de leur paysage exceptionnel vecteur de l’identité collective, les populations locales peuvent éprouver le besoin de se créer un nouveau lien avec leur environnement paysager par des expériences qui leur sont strictement personnelles : leurs paysages intimes. Une sorte de privilège personnel pour l’habitant loin du paysage du touriste :
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e que je préfère, c’est le matin et le soir quand c’est calme. Hier encore on a eu un super coucher de soleil, c’était magnifique ! On a de la chance. »
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Témoignage Monsieur A.
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Le paysage quotidien ou le paysage intime ne sont pas forcément « beaux », au sens du des codes esthétiques dont nous avons hérité.
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es moments préférés sont quand je me balade avec ma fille, elle est encore pleine de curiosité. Cette année quand il a fait très chaud on s’est rafraîchi dans une fontaine... Ce sont de tels moments que j’aime. »
Témoignage de Madame V.
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n découvre toujours des petits sentiers, des petites maisons de vignerons, des petits bois, c’est vraiment agréable. Il y a un petit village qui s’appelle Parsac (près de Montagne) qui n’est pas sur la commune et qui est vraiment joli. »
Témoignage de Monsieur V.
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ar exemple vous allez en bas depuis la route de Bergerac, vous avez quelque chose dont personne ne parle et qui est flagrant : à gauche vous voyez des chemins sinueux des murs bien faits. Tout est bien organisé, c’est beau, il y a des chemins empierrés, il y a de très beaux paysages »91 Témoignage de Madame T.
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u clos Badette sur la route de Saint- Christophe, il y a toujours eu une très belle maison du XVIIe siècle. Elle était petite et on ne la voyait pas bien, [...] Les nouveaux propriétaires ont construit des chais. Pour moi c’est un véritable modèle d’intégration au paysage. »
Témoignage Madame T.
91
Cf. Annexe numéro 12.
92
Cf. Annexe numéro 12.
02.2 -
LE SYMPTÔME DES LOGEMENTS VACANTS
02.2.1 - STRUCTURE ET ÉVOLUTION DE LA POPULATION DEPUIS L’INSCRIPTION SUR LA LISTE DU PATRIMOINE MONDIAL
La Communauté de Communes (CDC) du Grand Saint-Émilionnais est composée de 22 communes et compte 15 265 habitants en 2011.93 La commune de Saint-Émilion est le pôle qui regroupe la majorité de la population de la CDC avec 1911 habitants94. L’âge moyen des habitants est de 42,1 ans. Il est plus élevé que dans le reste du département. En effet, les personnes agées de plus de 40 ans représentent 60% de la population locale, dont 25% ayant plus de 60 ans.95
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À Saint-Émilion un constat en particulier inquiète tous les acteurs locaux, résidants comme élus. Depuis 1968 le population n’a cessé de baisser comme dans le reste de la Juridiction, passant de 3403 habitants, à 1911 en 201396, soit, une perte de 43,8% de ses résidents. Le solde naturel de Saint-Émilion étant positif97, la diminution constante de la population montre qu’une partie importante de celle-ci quitte le territoire, tandis que ce dernier n’est pas suffisamment attractif pour compenser la perte. Ce déclin démographique s’est accéléré depuis l’inscription sur la liste l’Unesco en 1999 : depuis, Saint-Émilion a perdu 18,5% de sa population, contre 13,2% pour l’ensemble des autres communes de la Juridiction. Cette baisse de la population s’avère à contre-sens de l’évolution démographique du Libournais qui a connu une augmentation de 10% de sa population entre 1999 et 2013. Plusieurs communes de la Juridiction sont touchées par le phénomène mais celle de SaintÉmilion est la plus touchée.
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’avais des voisins de tous les côtés, on se parlait. Maintenant on ne se parle plus, beaucoup sont morts et personne ne les a remplacés, et leurs enfants sont partis. »98 Témoignage Madame Denise Dauguet.
93
Cf. Fiche de présentation p.16 et Annexe numéro 03.
94 Les deux autres pôles secondaires sont la commune de Sainte-Terre, avec 1914 habitants, et Montagne, avec 1609 habitants, toute deux n’appartenant pas à la Juridction de Saint-Émilion. Données 2013. 95 Communauté de Communes du Grand Saint-Émilionnais, Programme Local de l’Habitat 2016-2022, Dossier complet, 2016. 96
Cf. Annexe numéro 08, Données INSEE, 2013.
97 Le solde naturel (ou accroissement naturel ou excédent naturel de population) est la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès enregistrés au cours d’une période. Si ce dernier est positif, cela signifie que le nombre de naissances est supérieur au nombre de décès. 98
Cf. Annexe numéro 13.
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02.2.2 - UN VILLAGE FANTÔME
Le structuration de l’habitat est atypique, mais homogène dans toute la Communauté de communes. Une de ces caractéristiques majeures est qu’elle possède un très fort tôt de logements vacants : 18,1% en 2013, contre 9,3% à l’échelle régionale (Anciennes régions). Par rapport au reste des communes de la Juridiction, Saint-Émilion est toujours touchée plus fortement par la vacance des logements avec un taux de 30,8 % et 354 logements vacants, contre 98 an 1999 (Figure 90). De plus il faut ajouter que la vacance est constatée sur de longues périodes et non uniquement sur l’année précédente. D’autres communes de la Gironde où le vin est prestigieux possèdent un taux de logements vacants comparables à celui de Saint-Émilion ainsi qu’une population qui décroit. C’est le cas de Pomerol, Pauillac, Saint-Estèphe... Ce phénomène de vacance peut s’exprimer par de multiples facteurs, à commencer par l’ancienneté du bâti. 80 % des logements vacants de Saint-Émilion ont été construits avant 1915.99
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Part de logements vacants en 2013, par commune (%)
Les logements individuels sont également une caractéristique dominante dans la composition de l’habitat local : 88,9% contre 62,1% dans le reste du département, avec une grande majorité de propriétaires en résidence principale. L’offre de petits logements reste assez faible et le bâti est deux fois plus ancien que dans le reste du département.
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de 25 à 30,8 Figure 90 : Nombre de logements vacants et taux de vacance dans le parc de logement de la communauté de commune du SaintÉmilionnais. En rouge la commune de Saint-Émilion.
de 20 à 25 de 15 à 20 de 10 à 15 < 10
avant 1949
es jeunes couples ne peuvent pas se loger, les loyers sont chers, les maisons malcommodes et très anciennes ».
Témoignage Madame T.
D’un point de vue général, la population de Saint-Émilion et de la Juridiction possèdent un niveau de vie plus élevé que dans le reste du département : Saint-Émilion (+42,9 % par rapport à la moyenne girondine), Saint-Christophe-des-Bardes (+72,4 %).100 Les jeunes quittent la commune pour leurs études et commencer leur vie active mais peu de facteurs les poussent à revenir.
entre 1949 et 1974 de 1975 à 1998 après 1999 CC du grand Saint-Émilionnais Gironde
Aussi, les fonctions touristiques ont peu à peu totalement remplacées les fonctions plus traditionnelles de services de proximité. Seules la pharmacie et une librairie continuent de vivre. La clientèle touristique du village est privilégiée par rapports aux habitants. Souvenirs, hôtels, restaurants, commerce de vins livrant partout dans le monde occupent les rez-dechaussées au déficit des fonctions quotidiennes, boulangeries, boucheries, épiceries qu’a pu connaître Saint-Émilion il y a quelques décennies.
Aquitaine France
99 Communauté de Communes du Grand Saint-Émilionnais, Programme Local de l’Habitat 2016-2022, Dossier complet, 2016. Figure 91 : Ancienneté du parc de logements.
100
Ibid.
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En 1930 il y avait 4 boucheries et 4 charcuteries. Plus d’une douzaines d’épiceries se sont succédées ou cohabitaient. Il existait encore 3 boulangeries jusque dans les années 1980 tandis qu’aujourd’hui il faut prendre sa voiture pour aller acheter du pain. Aujourd’hui, intramuros il n’y a plus de commerce de proximité. Seules une supérette de grande surface et une boucherie existent au nord de la cité.
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ntra-muros il n’y a plus de commerces. Nous avions connu un centre bourg attractif avec 3 ou 4 épiceries. »
Témoignage Madame T.
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uparavant il y avait un autre bureau de tabac, des commerces... maintenant il n’y a plus que nous. Il est le seul ouvert toute l’année, mis à part ça, il n’y a que des boutiques de vin. »
Témoignage Madame A.
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vant le village était très animé ! Le marché aujourd’hui par exemple c’est seulement dimanche matin, avec 4 ou 5 commerçants. Le mercredi il n’y a plus rien et les gens préfèrent aller à Libourne.»
Témoignage Monsieur G.
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Figure 92 : Les différents commerces intra-muros de Saint-Émilion entre 1930 et 1990.
Boulangeries Épiceries Boucheries / Charcuteries Cafés
02.2.3 - NON ADAPTATION TYPOMORPHOLOGIQUE DES LOGEMENTS
Dans le cas de Saint-Émilion où toute la cité est patrimonialisée, il faut interroger l’organisation générale des logements. La vacance ne peut-elle pas s’expliquer en partie sur la non adaptation du logement au style de vie contemporain ? Traditionnellement, la boutique située au RDC et le logement au R+1 allaient ensemble, alors qu’aujourd’hui, les pratiques impliquent qu’ils soient séparés. Monsieur K.101 nous expliquait que le dépeuplement et la vacance des logements de la cité est en partie due à la morphologie traditionnelle des maisons qui ne sont plus adaptées aux besoins actuels. Selon lui, personne ne s’est chargé de rénover les habitations pour accompagner ces changements. Auparavant, les propriétaires des commerces vivaient au-dessus de leur magasin. Lorsqu’ils sont partis du village, des restaurants en location se sont installés au RDC. Les propriétaires ont fini par vendre le fond de commerce pour s’installer à la campagne. Cependant, aujourd’hui dans un grand nombre de bâtiments, il serait impossible d’accéder au logement au R+1 sans traverser le commerce au RDC, et généralement, les propriétaires du commerce au RDC ne vivent pas à l’étage supérieur. À l’époque, la municipalité n’avait pas pris en charge la séparation du commerce, de l’étage supérieur, ni dicté de règles obligeant les nouveaux propriétaires à prévoir des accès séparés.
Figure 93 : Les différents commerces intra-muros de Saint-Émilion en 2017.
Le même problème s’est posé dans le petit Bayonne. La structure du vieux Bayonne historique se composait de parcelles en lanières très fines et un bâti de grande densité. Une 101
Cf Annexe numéro 12.
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grande partie des logements n’avaient plus d’accès suffisant à la lumière naturelle et étaient enclavés. Lors de la réalisation d’un Programme National de Requalification des Quartiers Anciens Dégradés (PNRQAD) en 2011, il a fallu choisir entre conserver le bâtit ancien intact et risquer de voir cette partie de la ville devenir un musée car elle ne serait plus adaptée au pratiques des habitants, ou, opter pour la démolition d’une partie du patrimoine, le restructurer afin de proposer des conditions de vies actuelles. De plus à Saint-Émilion, seulement 52,8% des logements bénéficient du confort intégral102, ce qui est bien inférieur à la moyenne départementale qui est 78,9%. Le faible confort du bâti peut s’expliquer par la grande ancienneté de celui-ci, comme dit auparavant. La population ne s’étant pas, ou peu renouvellée à Saint-Émilion, les résidents de la cité médiévale sont pour la plus part agés, et leurs enfants ne sont pas venus s’installer à la place des parents décédés. Les conditions de vie offertes par ces logements et la cité médiévale n’encouragent pas la jeune génération à venir s’installer intra-muros.
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a population vieillit et il y a très peu de terrains à la vente, souvent les enfants veulent vendre pour en finir avec la location. C’est de cette manière que nous avons acheté notre maison. »
Témoignage de Monsieur V. et Madame V.
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l n’y a rien ici ! Je vois ceux qui travaillent dans la restauration ou comme ça... Ils s’emmerdent les jeunes ! »
Témoignage de Monsieur K.
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02.2.4 - LA DIFFICULTÉ DE RÉNOVER LES LOGEMENTS
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ela demande beaucoup d’énergie pour restaurer un logement, on est loin de pouvoir faire ce qu’on veut. »103
Témoignage Monsieur V. Madame V.
Figure 94 : Exemple d’une maison abandonnée, 8 rue de la porte Brunet à Saint-Émilion.
Ce témoignage est le reflet d’une réalité à Saint-Émilion. La vacance des logements est un phénomène qui ne semble pas pouvoir s’arrêter de si tôt. La cité médiévale est piégée dans un cercle vicieux : les logements sont mal adaptés et se délabrent donc petit à petit. Pour pouvoir rénover un logement souvent beaucoup de travaux sont à prévoir. Aussi, le prix du foncier a décollé. Ces facteurs combinés rebutent une grande partie des acheteurs potentiels. À cela, il faut ajouter que la cité est régie par un plan de gestion. Il s’agit d’un règlement d’urbanisme, un Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV) qui régit et codifie le secteur sauvegardé de Saint-Émilion, c’est à dire, le bâti, ainsi que les dessertes routières, les aménagements extérieurs ou les abords des bâtiments. Cet outil classe et répertorie les différents bâtiments en fonction de leur intérêt patrimonial afin de choisir le degré de leur 102 Le niveau de confort (selon FILOCOM) se définit de la façon suivante : un logement sans confort ne comporte ni baignoire, ni baignoire, ni douche, ni WC, un logement tout confort comprend une baignoire ou douche, un WC et le chauffage central. Les autres possibilités d’aménagement sont qualifiées de confort partiel. 103
Cf. Annexe numéro 12.
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protection. La démolition est très souvent interdite. Si le bâtiment vient à être détruit, lors d’un incendie par exemple, il devra être reconstruit à l’identique pour ne pas perturber la beauté et l’uniformité de l‘ensemble du village. Ce règlement influe également les constructions neuves. L’Architecte des Bâtiments de France est le garant de ce règlement. Il est chargé de leur faire respecter en analysant chaque demande de permis de construire.
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’Architecte des Bâtiments de France pourra, toutefois, prescrire toutes modifications ou améliorations supplémentaires sur les détails architecturaux (restitution de baie, complément de modénature, curetage d’éléments parasites, etc...) sans que ces prescriptions aient été portées au plan. »104
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ans le cas de création d’ouvertures, les proportions de celles-ci seront définies par l’étude en façade. L’entourage de la baie (appui, piédroit, linteau) doit être réalisé en pierre appareillée. Les seuils doivent être conçus massifs et réalisés en pierre dure du pays. Ils ne doivent pas empiéter sur le Domaine Public. »105
Figure 95 : Château Cheval Blanc, Saint-Émilion, architecte : Christian de Portzamparc.
Les normes prescrites sont très précises. Elles définissent le type de matériaux, les techniques de construction, les dimensionnements, les couleurs, etc. Seulement, cela est rarement compatible avec touts les modèles standards que l’on peut trouver dans le commerce. Toutes les entreprises du bâtiment ne sont pas non plus forcément qualifiées. Produire à chaque fois un élément sur mesure, comme une ouverture par exemple, coute plus cher. &!
De plus, la liberté permise dans le choix de façades est assez restreinte. Une baie vitrée ou un velux pourront être interdits. Autant d’éléments qui ne facilitent pas l’acte d’achat ou qui provoquent la colère et l’incompréhension de certains habitants.
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i vous voulez vraiment faire de la belle rénovation c’est difficile. Il y a énormément de contraintes imposées par des gens qui n’ont jamais vécu et qui ne vivront jamais dans un site classé. Ici c’est flagrant. Certains obtiennent des privilèges que d’autres n’obtiennent pas. »
Figure 96 : Château Faugères, Saint-Émilion, architecte : Mario Botta.
Témoignage de Madame T.
Cette habitante réagissait en prenant pour exemple les velux qui sont interdits dans la cité. Elle mettait en parallèle les règles strictes appliquées au bâti de la cité de Saint-Émilion, avec les nombreux chais contemporains étant pour elles des OVNI voire des « insultes au paysage »,106 en critiquant la différence de liberté entre les architectes venant créer un nouvel objet dans le paysage afin de laisser une trace de leur passage, et les habitants trop contraints. Il est vrai pour une personne non avertie, il est difficile de comprendre l’articulation un peu paradoxale entre le souci de conserver une harmonie en préservant l’authenticité, et l’appel à des grands noms de l’architecture pour venir fabriquer des « objets architecturaux » contemporains, participant de la publicité de Saint-Émilion. L’association en charge du label UNESCO a, depuis sa création en 2013, un droit de regard sur ce problème difficile à appréhender :
Figure 97 : Château La Dominique, Saint-Émilion, architecte : Jean Nouvel.
104
PSMV de Saint Emilion, Règlement, STAP Gironde, 2010, p.12.
105
Ibid. p.15. Cf. Annexe numéro 12.
106
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e manière un peu plus prosaïque, l’association aura un regard sur un problème difficile à appréhender : celui des nouvelles constructions de chais ultramodernes, qui ne manquent pas de soulever les interrogations de l’habitant lambda. Pour résumer à gros traits, ce dernier a parfois le sentiment de se faire taper sur les doigts pour des volets peints en coquille d’œuf au lieu de blanc cassé, alors que sortent de terre des chais pour le moins autrement ostentatoires. »107
En définitive, la rigidité des normes appliquées au bâti, la non adaptation typomorphologique des logements, la quasi impossibilité de construire, l’augmentation des prix du marché de l’immobilier, l’enclavement de la cité de part la faible desserte en transports et l’absence de services de proximité, sont autant de facteurs qui freinent massivement la jeune génération à venir vivre dans la cité de Saint-Émilion. De plus, l’évolution des modes de vie, les nouvelles exigences d’accessibilité en voiture, l’attractivité des logements. Tous ces facteurs jouent un rôle bien plus important dans la prise de décision de départ.
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l y a des quartiers de Saint-Émilion qui tombent en ruine. [...] Quand je me promène dans Saint-Émilion je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est dommage de ne pas pouvoir obliger les propriétaires à entretenir leur patrimoine. »108 Témoignage de Monsieur Jean-Marie Carrille.
02.3 - SAINT-ÉMILION FACE AU TOURISME DE MASSE Le tourisme de masse est un phénomène qui se développe en particulier dans la période des années 1950. Il est marqué par la croissance des mobilités et des flux touristiques. Après les 2 semaines de congés payés de 1936, les français obtiennent 3 semaines de vacances supplémentaires en 1956, 4 et 1968 et 5 en 1982. Cela permet aux « masses populaires » de voyager. L’attractivité du littoral fut décuplée et le domaine de la construction explosa109, notamment dans la villégiature sociale. Lorsque je parle de tourisme de masse à Saint-Émilion, la définition s’éloigne un peu de celle d’origine. En effet, en comparaison du nombre de touristes qui se rendent à Bordeaux ou au Mont-Saint-Michel chaque année, la cité de Saint-Émilion peut sembler protégée de ce genre de flux. Or, au vu des transformations spatiales et de l’impact important sur le quotidien des habitants, je considère que Saint-Émilion subit un type de tourisme que l’on peut également qualifier « de masse ». Les différentes éditions du séminaire de la Chaire UNESCO110 ont déjà abordé la question de la place des communautés locales dans le développement touristique des sites du patrimoine mondial. Les conclusions principales sont les suivantes : Les habitants subissent éventuellement les désagréments de l’activité touristique. Ils constituent les premiers touristes sur leur propre territoire, lorsque le patrimoine résulte d’un changement de regard. Ils deviennent les premiers ambassadeurs du territoire .
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Les analyses les plus courantes, des rapports entre habitants et touristes identifient les impacts des flux touristiques dans les sites du patrimoine mondial de façon négative. Il y aurait beaucoup trop de touristes sur les sites du patrimoine mondial. Ces derniers seraient notamment trop peu éduqués et trop peu sensibilisés. Cette surfréquentation serait qualitative comme quantitative et aurait des impacts : elle modifie les pratiques ordinaires des habitants, notamment dans les espaces centraux,111 comme c’est le cas pour la cité intra-muros de SaintÉmilion. Une autre manière d’interroger les impacts des flux touristiques sur un site du patrimoine mondial est de questionner la représentation que se fait l’habitant du touriste.
109 Colloque de Cerisy, Le balnéaire, de la manche au monde, sous la dir. de DUHAMEL Philippe, TALENDIER Magali, TOULIER Bernard, Cerisy, Éd. Presses universitaires de Rennes, 2015. 110 La Chaire UNESCO proposa un cycle de 4 séminaires développant 4 thèmes autour de la protection de la gestion et la valorisation des sites du patrimoine de l’humanité. Ces cycles de séminaires sont dirigés par GRAVARIBARBAS Maria, JACQUOT Sébastien. Cf. Annexe numéro 01 : Bibliographie. 107
CIESIELSKI Christine, « Le label géré par une association », dans Sud-Ouest, le 23 janvier 2013
108
Cf. Annexe numéro 13.
111 Actes de la cinquième journée du séminaire de la Chaire UNESCO, Culture, tourisme, développement, sous la dir. de GRAVARI-BARBAS Maria, JACQUOT Sébastien, Tourisme et diversification économique dans les sites du patrimoine mondial, Paris, UNESCO, 2014.
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À Albi112 une étude fut menée par la filière de sociologie du Centre Universitaire JeanFrançois Champollion, pour comprendre quelles images les Albigeois se font des touristes. Les principales conclusions sont les suivantes :
02.3.1 - UNE INQUIÉTUDE ET UN MÉCONTENTEMENT PALPABLE DE LA PART DES HABITANTS INTRA-MUROS
Un sentiment d’appartenance de la part des populations locales à leur territoire est clairement identifié : 24,2% des personnes interrogées déclarent que leur sentiment d’appartenance à Albi s’est renforcé depuis l’inscription de la cité à l’UNESCO. Cependant il est accompagné de deux phénomènes assez paradoxaux. Il s’avère que d’une part les habitants souhaitent partager leur patrimoine avec les visiteurs, et d’autre part conserver intact leur cadre de vie, malgré l’arrivée des visiteurs113. En effet, le touriste est accepté par les populations locales s’il évolue dans des limites raisonnables respectant une certaine distance vis-à-vis de l’espace personnel des résidents permanents, et évidemment dans un respect de son environnement. Ce dernier, du point de vue des populations locales est considéré comme « grassement offert »114 aux visiteurs. Cependant, une large majorité des Albigeois entretient des sentiments positifs vis-a-vis des touristes. Une des hypothèses proposées est de montrer que la catégorie socio-professionnelle des individus interrogés influe sur la représentation qu’ils ont des touristes. Les personnes occupant à Albi des postes dans le secteur tertiaire ont plus de chances d’avoir affaire au touriste en tant que client. Plus le degré d’exposition aux publics touristiques est élevé, plus les individus ont de chances d’adopter un regard critique sur leur comportement (Hypothèse de la confrontation professionnelle)115. &%
En ce qui concerne les habitants de Saint-Émilion, au cours de mon enquête j’ai pu constater des sentiments variés face à l’ampleur grandissante du tourisme et de ses impacts plus ou moins directs sur les modes de vie et l’environnement des populations locales. Le départ des habitants du centre ancien de Saint-Émilion est lié à des raisons diverses, souvent antérieures au tourisme. Les flux touristiques sont un facteur parmi d’autres participant à la muséification de la cité de Saint-Émilion. Cependant, ce phénomème est un sujet qui affecte énormément une partie de la population locale. + En effet,+.a structure sociale de Saint-Émilion est affectée par ces changements. De plus, le dépeuplement qui est un phénomène global sur la commune a principalement lieu dans la zone hyper-touristique : la cité intra-muros. En effet, même si la baisse de la population est également généralisée dans le reste de la Juridiction, la cité intra-muros est plus sévèrement touchée.116 D’environ 750 en 1982, la population intra-muros s’élève aujourd’hui à près de 150 habitants.
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l n’y a pas plus d’une centaine de personnes dans le bourg. » Témoignage de Monsieur H.
e village a bien changé depuis les années 1980 : avant il y avait trois bouchers, quatre épiceries...En 5 ans tout a bougé [...] Monsieur le maire parle de 211 habitants intra-muros. »
Témoignage de Madame D.
112 IV et V.
113 Département de sociologie, La cité épiscopale d’Albi, les effets du classement UNESCO sur les populations locales, Centre universitaire Jean-François Champollion, Enquête école 2012. 114
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La Cité épiscopale d’Albi est classée sur la liste du patrimoine de l’humanité depuis 2010, sous les critères
Ibid.
115 Phénomène décrit dans le Rapport Technique, La cité épiscopale d’Albi, Les effets du classement UNESCO sur les populations locales, Centre universitaire Jean-François Champollion, Département de sociologie, Enquêteécole 2012.
es gens « historiques », il n’en reste plus beaucoup.»117 Témoignage de Madame T.
Certains habitants sont résignés face à la situation. Le dépeuplement du bourg de Saint-Émilion couplé à l’ampleur du tourisme font qu’une partie de la population locale vit assez mal la célébrité du village. 116
Cf. Annexe numéro 08.
117
Cf. Annexe numéro 12.
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e paysage au quotidien je ne le vois plus. » Témoignage de Monsieur H.
n n’y vit plus, le village se vide, il ne reste que 170 habitants. » Témoignage de Madame S.
n jour Madame Brac m’a dit que Saint-Émilion deviendrait un musée. Il n’y a pas une âme dans notre quartier du Panet, les maisons sont vides. »
Témoignage de Madame Mauricette Veyssière.
Aussi, l’absence quasi totale de commerces de proximité participe au mécontentement général, et au sentiment d’abandon de la population qui a parfois l’impression de passer au second plan vis-à-vis des visiteurs.
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vant il y avait des commerces, deux bureaux de tabac, maintenant il y a du vin partout. »
Témoignage de Monsieur H.
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e paysage de Saint-Émilion c’est du business. » Témoignage de Madame A.
En effet, les commerces de proximité ont laissés place à un seul type de commerce plus lucratif, tourné autour de la vente de vin et des souvenirs touristiques. De plus, une partie des vendeurs ne se préoccupent absolument pas de créer une atmosphère particulière autour du vin. Il est rare de voir le propriétaire du château, ou le vigneron venir faire découvrir son produit au client : l’échelle de vente est différente, ce qui suscite l’inquiétude de plusieurs viticulteurs soucieux de pouvoir faire partager leur travail en offrant un produit de qualité.
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e vois d’un très mauvais œil les ventes exorbitantes qui se font depuis quelques années. Les vieilles familles disparaissent du paysage local peu à peu, mais le plus grave n’est pas là : ces ventes sont en train de changer radicalement le visage de Saint-Émilion [...] Le soir les propriétés ne sont plus éclairées comme elles le devraient, car les propriétaires ne sont plus des êtres humains mais des grands groupes financiers. J’ai l’impression que la vie est en train de quitter le terroir au profit de l’argent. » Témoignage Monsieur Marcel Vauthier.
Figure 98 : La rue Guadet encombrée de voitures un week-end.
Cependant le visiteur n’est pas dupe :
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oi j’ai un commerce qui ne paye pas de mine. Toute l’année des gens rentrent en demandant si je connais un endroit où un peu acheter du vin sans se faire arnaquer. »
Témoignage de Madame S.
Saint-Émilion par plusieurs aspects, ne ressemble plus vraiment à un village :
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côté de chez moi il y a trois banques on se croirait sur les champs Elysées. Un commerce classique ne peut pas vivre correctement à l’année ici. »118
Témoignage Madame T.
118
Cf. Annexes numéro 12 et 13.
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La figure 99 ci-contre est une cartographie mentale de la commune de Saint-Émilion. Le village intra-muros se trouve au centre de l’image. En effet, dans les visions collectives comme individuelles des habitants, la cité médiévale prend beaucoup d’importance et rayonne sur le reste de la commune, voire le reste de la Juridiction. De nombreux qualificatifs lui sont attribuées : encombrée de voitures, bruyante, trop touristique, etc. Le centre ancien par certains aspects, perd son statut de village et prend des airs de ville balnéaire. Le « chaos » du bourg contraste fortement avec l’ordre et le calme des rangs de vignes tirées au cordeaux entourant la cité médiévale. Ces sentiments plutôt négatifs vis-vis de la transformation du village cohabitent sûrement avec un attachement profond au territoire. Néanmoins, une partie de la population évoque l’accroissement des flux touristiques dans une vision plus positive. Il s’agit souvent de nouveaux résidents encore émerveillés par le charme des vieilles pierres de la cité, ou d’habitants passionnés par le vin :
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’apprécie le patrimoine de Saint-Émilion, j’ai encore plaisir à me balader dans le village et découvrir de nouveaux endroits... Profiter du paysage. C’est un joli village en pierre où il fait bon de vivre et pour l’instant j’y suis très heureux. » Témoignage de Monsieur B.
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aint-Émilion a de quoi montrer qu’il y a autre chose que le marketing [...] Il y a une part de rêve dans le vin, il a une vie, une histoire.[...] Ce que j’aimerais pour Saint-Émilion aujourd’hui : un peu plus d’humilité et d’amour. » Témoignage de Madame Rose Nöelle Borde.
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videmment qu’ils aiment leur village. Les visites permettent de faire vivre ce patrimoine ; il vit, il ne faut pas seulement rester figé dans le temps. »
Témoignage de Monsieur K.
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’afflux touristique de Saint-Émilion devient une routine, les mêmes moments, les mêmes endroits, les mêmes discours... Le cadre de vie et splendide, on est émerveillé les premiers mois avant de s’installer dans une routine, mais c’est une routine qui n’est pas déplaisante. »
Témoignage de Monsieur W.
+ Même si les populations locales réagissent de différentes manières à l’ampleur du tourisme dans le village, ce dernier a permis de restructurer en grande partie l’espace public.
()%
l y a 20 ans, le village était beaucoup moins propre, il y avait des antennes télé partout, des maisons délabrées... Aujourd’hui le village est mieux entretenu. »
Témoignage de Monsieur A.
Dans le centre de Saint-Émilion, les espaces publics ont été entièrement refaits, une grande partie des rues et des places sont devenues piétonnières. Les espaces de stationnement de véhicules pour les touristes ont été déplacés en périphérie tandis qu’à l’intérieur de la cité, les stationnements sont devenus payants et rares, ce qui n’est pas du goût des habitants.
()/ Figure 99 : Carte mentale, un village qui rayonne.
119
e plus agaçant c’est les voitures garées sur les pavés. »119 Témoignage de Monsieur B.
Cf. Annexes numéro 12 et 13.
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Figure 100 : Carte mentale, une cité chaotique.
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Figure 101 : Carte mentale, la ville haute et la ville basse.
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Toute une mise en scène de la cité est orchestrée pour les touristes. En effet, comme j’ai pu le montrer précédemment, l’espace des logements qui est un espace exclusivement dédié aux populations locales se délabre, en plus d’être en grande partie vacant. Par ailleurs, l’espace public reflète une image impeccable de Saint-Émilion. En plus de parfaire une image idéale comme vitrine du village, l’espace public profite presque plus au touriste qu’à l’habitant. La contrainte pour les habitants de ne pas faire de travaux l’été en est un exemple : il ne faut pas que l’image de la cité soit entachée par des travaux pouvant provoquer une gêne pour le visiteur. Les figures 100 et 101 ci-contre sont des cartes mentales cette fois-ci de la cité intramuros de Saint-Émilion. La première représente l’apparente cacophonie ressentie sur place, mêlée aux différentes informations et témoignages récoltés, dressant un tableau étonnant du centre de Saint-Émilion. Cependant, il existe une certaine hiérarchie dans le désordre. Le village est composé de deux parties nommées par les habitants comme dans les documents officiels « ville haute », et « ville basse ». Historiquement la ville haute était la partie religieuse et la ville basse la partie laïque de Saint-Émilion. Aujourd’hui la ville haute comprend la grande majorité des commerces et concentre la plus grande partie des flux touristiques. La ville basse plus calme est réservées aux habitations. Des petites rues, les Tertres, permettent de relier la ville haute à la ville basse. Il s’agit de rues étroites et très pentues : il en existe 4 à Saint-Émilion, le Tertre de la Cadène, le Tertre de la Tente, le Tertre de la Porte Saint-Martin,le Tertre des Vaillants. Sur la figure 101, la partie droite de la carte mentale représente la ville haute par les mots verticaux, et la ville basse avec les mots horizontaux. Les mots qualifiants la ville haute se rapportent au côté commercial du village. Ceux de la ville basse qualifient les logements du village. La partie de gauche, les longs mots verticaux, relient les deux parties de droite à la manière des Tertres reliant la partie haute et basse du village. Ces mots transversaux s’appliquent aux deux parties. Ces deux cartographies ont été réalisées suite à mes toutes premières visites de la cité de Saint-Émilion. J’avais déjà effectué des recherches mais je n’avais pas encore mené mes enquêtes auprès des habitants. Il est intéressant de comparer ces cartographies, aux analyses que j’ai faite a posteriori. Si ces dernières sont plus nuancées que ces cartographies, on peut remarquer les différents paysages que j’ai pu décrire (exceptionnel, vitrine, quotidien, intime) sont déjà présents à travers des expressions comme : contemplation, bling bling, vivre dans un musée ou magique...
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02.3.2 - UN VILLAGE SCINDÉ EN DEUX : L’ALTERNATIVE DE LA VIE À LA CAMPAGNE
02.3.2.1 - DES VIGNES STRUCTURANTES
Au début de la seconde partie de cette étude, j’ai parlé du paysage quotidien des habitants de Saint-Émilion notamment par le biais du paysage intime, c’est-à-dire par une identification personnelle d’un individu au paysage. Il est également possible de lire le territoire de Saint-Émilion à travers le filtre de l’identité collective présente dans paysage quotidien des habitants de Saint-Émilion. Les informations révélées au cour des enquêtes m’ont permis de cartographier des éléments issus d’un imaginaire et d’un vécu collectif (celui des habitants de Saint-Émilion), qui ne font pas partie du paysage vitrine de la commune. C’est le cas par exemple, de « La route du milieu », nommée comme telle à la fois par les habitants et par les acteurs politiques locaux. En effet, la route du milieu est mentionnée dans le magazine municipal n°1. '(#
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Figure 102 : Carte mentale, la géométrie structure l’espace.
ers Libourne, sur la “ route du milieu ”, il y a trois lotissements qui se sont construits entre les années 1970 et 1990. »
Témoignage de Madame D.
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l y a beaucoup de hameaux et de petites maisons de vignerons et des zones de lotissement le long de la route du milieu. »
Témoignage de Madame V. et Monsieur V.
Un exemple encore plus fort de ce paysage ordinaire porteur d’une identité et d’un vécu collectif est l’opposition faite par les habitants de la cité médiévale par rapport au reste de la commune.
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l y a aussi une baisse de population dans la campagne mais on en parle moins. »120
Témoignage de Madame D.
Déjà morphologiquement, la petite cité médiévale de Saint-Émilion contraste avec l’immensité des parcelles vallonnées et l’horizon de vignes géométriques (Figure 102). En schématisant, je visualise le bourg médiéval comme l’élément central de la commune, voire de la Juridiction. Sur La figure 103 le cercle central montre la cité, et le cercle extérieur le reste de la commune, c’est à dire en simplifiant : les vignes. Le premier schéma montre la cité médiévale comme un élément où se concentre le « plein », où se trouve la plus grande proportion de bâti sur la commune. Le paysage de vignes Figure 103 : Carte mentale, le « plein », le « vide ».
120
Cf. Annexe numéro 12.
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est associé aux grands espaces et au « vide » par opposition avec la cité médiévale. Le second schéma montre où vivent la plupart des Saint-Émilionnais. La séparation ville/campagne apparaît ici flagrante. La vacance des logements du bourg médiéval est représentée par du vide, et la campagne par du plein. Depuis 1968, le développement de Saint-Émilion se révèle nul en terme de logements construits. Même si quelques zones de lotissements ou de logements sociaux sont apparues, le nombre total de logements sur la commune a légèrement diminué : 1154 contre 1111 en 2007 et 2012 puis 1107 en 2013. Cet immobilisme dans la production de l’immobilier est à l’image de la cité : figée et mise sous cloche. Cela peut s’expliquer par différents facteurs déjà évoqués précédemment tels que les systèmes de protection visant à sauvegarder l’harmonie du bâti de la commune. Ainsi, la superficie du territoire dédiée à la viticulture laisse peu d’espace au bâtiments, et en particulier aux constructions neuves. Pour vivre sur la commune de Saint-Émilion, seulement deux issues sont possibles : la location, ou l’achat. Il est très compliqué pour un particulier de pouvoir construire. Néanmoins pour certains habitants cette particularité due aux vignobles est très appréciable. Le coteau est le cœur de Saint-Émilion est constitue une sorte de front paysager très structurant visuellement.
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n achetant ici, nous étions sûrs qu’il n’y aurait pas de nouveaux lotissements en face de chez nous. »
Témoignage Monsieur V. et Madame V.
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’y suis revenue et j’y travaille c’est une chance. En revanche je n’aimerais pas habiter intra-muros avec des touristes qui passent sans arrêt devant la porte. » Témoignage de Madame S.
Comme le montrent ces deux témoignages, beaucoup d’habitants on choisi de vivre à Saint-Émilion sans subir les désagréments liés au tourisme de masse dans la cité intra-muros. En effet, le choix de la « vie à la campagne » semble être une alternative pour s’éloigner du paysage vitrine du bourg, tout en retrouvant une sorte de « normalité » dans le calme relatif des vignobles. L’espace de la campagne semble être celui choisi par les habitants pour se [re] construire une sensibilité au paysage ordinaire voire intime. Les témoignages que j’ai qualifié de résignés cités plus haut, sont dans la plupart des cas ceux de personnes soient habitant intra-muros ou n’habitant pas sur la commune. La figure 104 est une autre manière de représenter l’opposition ville/campagne de Saint-Émilion. Les vignes dépassent les limites de la commune représentées par le cercle. En effet, les frontières sont plus floues, les vignes à perte de vue ne permettent pas de saisir les limites communales, mais structurent l’espace. Saint-Émilion se confond avec la Juridiction et inversement. Une seule limite est franche : la rencontre avec la zone bâtie de la ville de Libourne à l’Ouest. Le lien fort de la Route du milieu connecte la cité médiévale et Libourne. Rappelons que Libourne est une ville moyenne de 24 567 habitants limitrophe de Saint-Émilion121. Cette proximité fait de Libourne un pôle de travail important attirant certains Figure 104 : Carte mentale, l’opposition ville/campagne.
121
Cf. Annexe numéro 10.
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Saint-Émilionnais. De plus, les zones de logement locatif sont plus nombreuses au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la cité médiévale tout en se rapprochant de Libourne :
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ans les zones périphériques du village souvent limitrophes de Libourne nous sommes toujours à Saint-Émilion mais nous ne connaissons plus les habitants, ils ne se rendent jamais dans le centre. »
Témoignage de Madame T.
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Tourisme de masse, l’UNESCO est
À l’inverse, une autre tendance s’observe. En effet, chaque jour 3 400 personnes (soit un peu plus de 2000 ménages) viennent travailler sur le territoire de la Communauté de communes du grand Saint-Émilionnais.122 Ville
de buisness, Image de marque, Hors saison, PASSION du vin,
Évidemment les phénomènes que je viens de décrire restent des tendances générales. Mon discours serait à nuancer avec des enquêtes plus larges et plus précises . F A N T Ô M E ,
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La figure 105 est une carte synthétisant toutes ces données. Elle peut à la fois représenter la commune de Saint-Émilion comme la Juridiction dans son entier. La cité médiévale conserve sa position centrale du fait de son importance dans les imaginaires collectif. Le cercle plein évoque la densité du bâti. Le travail de la vignes est remplacé par des mots. La route du milieu et la frontière avec Libourne se détachent. PRISONNIER,
Le village se meurt, Centre ville
Inquiétude,
désert, logements vacants, Problèmes,
INERTIE,
Nuisances, PARKING SAUVAGE, Manque
d’adaptation,
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Figure 105 : Carte mentale, Synthèse.
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En effet, du fait de la proximité de Libourne, certains habitants vivent dans la campagne de Saint-Émilion, travaillent à Libourne, mais ne se rendent jamais dans la cité intra-muros. Pour les populations habitant le bourg, ces personnes là ne sont pas réellement considérées comme des Saint-Émilionnais.
Les ressources agricoles du territoire attirent les viticulteurs. De plus, les opportunités d’emploi dans le secteur tertiaire liées au tourisme sont nombreuses. La commune vit au rythme des saisons touristiques. Beaucoup de saisonniers (restaurateurs, guides touristiques...), viennent travailler dans la cité médiévale durant la pleine saison estivale.
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ier on avait que 6 chambres de prévues, et dans l’après-midi 11 chambres supplémentaires ont été réservées, on frôle les 100 % d’occupation même en arrière-saison. J’ai déjà travaillé au Touquet-Paris-Plage où là c’était beaucoup plus dur pour tout remplir ! » Témoignage de Monsieur W.
122 Données de 2011 : 85% habitent en Gironde dont 3⁄4 au sein des intercommunalités limitrophes. Communauté de Communes du Grand Saint-Émilionnais, Programme Local de l’Habitat 2016-2022, Dossier complet, 2016.
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endant la saison touristique le travail est intense et l’emploi est assuré. Jusqu’au 15 novembre environ les 9/10 des restaurants sont ouverts tous les jours. Cette année il va essayer de tenir le restaurant ouvert jusqu’en janvier pour recommencer à travailler début mars.»123
Témoignage de Monsieur B.
L’offre hôtelière dans la cité reste insuffisante par rapport au nombre de touristes qui se rendent à Saint-Émilion. Les auberges et hôtels sont souvent pleins. Il n’y a que 5 propositions d’hébergements touristiques dans la cité médiévale (10 chambres d’hôtes, 3 gites, 2 hôtels), contre 59 propositions sur la commune entière : 23 chambres d’hôtes, 28 gites, 7 hôtels, et 1 camping. Généralement, les touristes ne passent qu’une demi-journée à une journée entière dans la cité. Les visiteurs qui souhaitent passer une nuit privilégient les gites au milieu des vignes ou dans des châteaux. Les festivals sont également une empreinte forte de la vie culturelle de Saint-Émilion. Il sont devenus des rendez-vous incontournables permettant de redécouvrir le patrimoine et le paysage de Saint-Émilion par le loisir. L’association d’une offre touristique autour du vin et d’une offre autour de l’art est quelque chose d’assez courant. En été, qu’il s’agisse du bourg ou de la campagne, l’espace public de Saint-Émilion est vivant.
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es fêtes ont toujours les mêmes parcours, la rue Guadet, la rue de la Grande Fontaine... et les autres ? »
Témoignage de Madame Mauricette Veyssière.
Même si la tendance commence à s’atténuer, une opposition entre saison pleine et saison creuse existe bien. Le village n’a pas le même visage si l’on s’y rend en hiver plutôt qu’en été. Entre janvier et mars il sera très difficile de trouver plus d’un restaurant ouvert. Les monuments peuvent bien évidemment se visiter toute l’année, mais il n’y aura pas d’animation. Le soir le village prend des airs de « cité fantôme ».
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l n’y a plus personne, au marché il y a quatre pelés. En hiver le centre-ville est un désert contrairement au reste de la commune. »
Témoignage de Monsieur H.
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Figure 106
e bas de la ville est mort en hiver mais le haut est ouvert. »124 Témoignage de Madame S.
123
Cf. Annexe numéro 12.
124
Cf. Annexes numéro 12 et 13.
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Il existe donc bien différentes manières de vivre à Saint-Émilion. J’ai tenté de décrire les grandes tendances que j’ai pu observer, mais il existe probablement tout autant de manières de vivre à Saint-Émilion qu’il existe de sensibilités différentes au paysage. ''!
Il est possible de les résumer en 3 tendances à l’aide des plans cadastraux ci-contre. Ces trois tissus distincts conditionnent 3 manières différentes d’habiter : En premier, vivre dans le tissu de la cité médiévale : c’est-à-dire vivre au milieu des va-et-vient des touristes, au cœur des activités tertiaires et de loisirs mais aussi dans un village de plus en plus vide de ses habitants. En second, vivre dans la campagne dans un tissu de lotissements : situés essentiellement le long de La route du milieu et aux limites de la commune, ses résidents peuvent faire le choix d’habiter Saint-Émilion sans réellement y vivre. En dernier, je regroupe les châteaux des différents domaines viticoles (associés à un habitat un peu plus luxueux), avec les logement isolés au milieu des vignes. En effet, tout deux bénéficient des avantages de la campagne sans les inconvénients de la cité médiévale. Ils ont également l’assurance non négligeable d’un cadre de vie de qualité sans maison voisine. Enfin, la vie au sein des châteaux de Saint-Émilion est une manière d’habiter plus haut de gamme avec des problématiques directement liées à la viticulture. Ce milieu est celui que j’ai le moins abordé lors de mes recherches. Il serait pertinent de s’y intéresser afin d’enrichir mon analyse.
Figure 107 : Tissu bâti de Saint-Émilion : cité médiévale, lotissement, château.
Dans cette seconde partie j’ai d’abord cherché à mettre en évidence les liens fort existants entre l’habitant et son ordinaire paysager en montrant dans quelle mesure la relation paysagère est un contact privilégié entre l’habitant et son lieu de vie. Puis j’ai montré comment des changements tels que l’inscription sur la liste UNESCO peuvent impacter cette relation ainsi que les manières de vivre des populations locales.
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L’expérience paysagère de Saint-Émilion ne se limite pas au paysage exceptionnel et encore moins à son paysage vitrine (lecture améliorée et romancée du paysage exceptionnel). Elle se trouve également dans les moments plus ordinaires et intimes, ainsi que des expériences plus humaines comme lors des vendanges. La sensibilité au paysage ordinaire est davantage éprouvée qu’intellectualisée. Finalement, plus que la conservation du paysage culturel exceptionnel de SaintÉmilion, le concept de l’esprit du lieu est tout autant, voire plus important, que le paysage réel. Sans l’aspect immatériel de l’esprit du lieu, le paysage culturel n’a plus vraiment d’intérêt en tant que tel. Ce qui le rend vivant, c’est l’humain qui s’active autour de lui, qui le fait vivre par la transmission orale, par la fierté, par la fête, les mythes qui l’entoure, etc. C’est son immatérialité qui le rend exceptionnel, la culture construite autour de lui. « L’esprit du lieu » est sans doute plus fragile, mais primordial à la vie du site. Après avoir parlé de l’importance de « l’esprit du lieu », il me semble important d’y apporter des nuances. Il est nécessaire de parler de ce qui relève des pratiques de vie des habitants avec prudence, afin de ne pas courir le risque de tomber dans la patrimonialisation des habitudes de vie des habitants. Les pratiques quotidiennes ne sont pas nécessairement du patrimoine même si elles participent de la signification du patrimoine matériel. La frontière entre les deux reste encore assez floue. Je pense que tout ce qui n’est pas matériel n’est pas nécessairement du patrimoine immatériel même si cela participe de la valeur patrimoniale de l’ensemble. ''#
125
C’est dans ce sens que s’engage la Convention de Faro , ratifiée en 2011. Il s’agit d’une convention du Conseil cadre de l’Europe, qui apporte une réflexion assez originale sur le patrimoine culturel en y associant les idées de « communauté patrimoniale »126, des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Elle aborde les sujets du vivre ensemble, de la qualité du cadre de vie pour les citoyens. Elle apporte également des idées nouvelles notamment dans la liberté d’avoir une diversité d’interprétations de la Convention (Article 7). Cependant la Convention de Faro ne connaît pas le même succès que la Convention du patrimoine mondial (1992) de l’UNESCO, la France n’ayant pas ratifié cette Convention127.
125 Conseil de l’Europe, Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société, série des traités n°199, Faro, 2005. Ibid. 126 Article 1 de la Convention de Faro : Les Parties à la présente Convention conviennent de faire ressortir que la conservation du patrimoine culturel et son utilisation durable ont comme but le développement humain et la qualité de la vie; Article 2 : Aux fins de la présente Convention, - le patrimoine culturel constitue un ensemble de ressources héritées du passé que des personnes considèrent, par-delà le régime de propriété des biens, comme un reflet et une expression de leurs valeurs, croyances, savoirs et traditions en continuelle évolution. Cela inclut tous les aspects de l’environnement résultant de l’interaction dans le temps entre les personnes et les lieux ; - une communauté patrimoniale se compose de personnes qui attachent de la valeur à des aspects spécifiques du patrimoine culturel qu’elles souhaitent, dans le cadre de l’action publique, maintenir et transmettre aux générations futures. Article 7 : Les Parties s’engagent, à travers l’action des pouvoirs publics et des autres organes compétents : à encourager la réflexion sur l’éthique et sur les méthodes de présentation du patrimoine culturel ainsi que le respect de la diversité des interprétations de la Convention de Faro. 127 Les dix Etats ayant ratifié la Convention de Faro sont : la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Lettonie, la Moldavie, le Montenegro, la Norvège, le Portugal, la Serbie et la Géorgie.
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L’ÉMERGENCE DE NOUVELLES FIGURES DANS LA RELATION ENTRE TOURISTE ET HABITANT)
C.1
- LES DOSSIERS DE CANDIDATURES SUR LA LISTE DE L’UNESCO : DES PREMIERS PAS PEU ASSURÉS
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Lorsqu’on compare les sommaires du dossier d’inscription sur la liste du patrimoine mondial de la Juridiction de Saint-Émilion avec celui des climats de Bourgogne, on remarque qu’ils sont très similaires dans leur structure et intitulés128. Cependant, le contenu de celui des Climats de Bourgogne réalisé en 2015 diffère de celui de Saint-Émilion. En 1999, la surveillance du tourisme n’est pas présente dans le dossier d’inscription de Saint-Émilion. Dans la catégorie « 5.d Flux de visiteurs/touristes »129, du dossier d’inscription, la commune de Saint-Émilion déjà sujette au tourisme ne proposait que peu de réponses face au problème :
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eule la commune de Saint-Émilion est véritablement concernée par le flux de visiteurs. L’augmentation croissante de ces derniers pose d’inévitables problèmes de circulation et de stationnement, et la commune est actuellement en train de mener une étude pour trouver une solution rapide et efficace à ces inconvénients. »130
De plus, si l’on compare les plans de gestion des deux dossiers, celui des Climats de Bourgogne est largement plus fourni que celui de Saint-Émilion. La catégorie « 4.j. Plan de gestion du site et exposé des objectifs » de Saint-Émilion tient en une quinzaine de lignes et n’aborde pas la question de l’habitant ou du touriste.
128
Pour consulter la comparaison des sommaires, Cf. Annexe numéro 07.
129
Se référer à la note de bas de page précédente.
130 Dossier de présentation de la Juridiction de Saint-Émilion en vue de l’inscription sur la liste du patrimoine UNESCO au titre de paysage culturel, 1999.
A contrario, dans le dossier des Climats de Bourgogne, ces objectifs sont développés sur presque une centaine de pages. Le plan de gestion de Saint-Émilion semble reposer sur des acquis (tels que la ZPPAUP) déjà mis en place sans que des objectifs précis à moyen ou long terme soient fixés. Si l’on considère que le site de Saint-Émilion est le premier vignoble inscrit au titre de paysage culturel sur la liste du patrimoine mondial, il est possible que les acteurs locaux aient fait preuve d’une forme d’inconscience en sous-estimant la rapidité du développement touristique du territoire. En 1997, l’Office de Tourisme de Saint-Émilion enregistrait une fréquentation moyenne de 100 000 à 150 000 personnes par an131, contre 1 million aujourd’hui. En 1997 je pense que personne n’était conscient de cette future explosion touristique. En effet, les climats de Bourgogne sont déjà conscients du potentiel touristique déjà existant à l’année, (1 million de visiteurs/an sur le secteur de Beaune, 3 millions sur Dijon), et prévoient, dès le dossier d’inscription, une surveillance accrue des flux touristiques avec des objectifs très précis, tout en développant une forme de tourisme durable. La prise en compte des visiteurs est maintenant anticipée dès le dossier d’inscription. Désormais, tous les territoires ont pris conscience du réel impact touristique de la postinscription UNESCO. Il est considéré que l’année qui suit l’inscription d’un site au Patrimoine mondial, la fréquentation touristique augmente de 30% en moyenne. Il s’agit en grande partie des effets de la campagne politique de promotion. Le « label patrimoine mondial » apparaît sur les sites dans les guides, etc.
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’activité touristique est déjà très présente sur le territoire proposé à l’inscription [...] Une commission technique de gestion a particulièrement été dédiée à la problématique du Tourisme durable, seule réponse envisageable devant l’augmentation prévisible de la fréquentation. »132
Afin de ne pas reproduire les erreurs du passé dans le Bourguignon, la fonction d’éducation sur le vignoble, est anticipée. La notion de transmission est intéressante à intégrer tant pour les populations locales que pour les visiteurs au niveau mondial. Le fait d’associer les partenaires privés et publics comme c’est le cas dans le vignoble bourguignon n’est pas si fréquent133.
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avoriser un tourisme durable et responsable garant de l’authenticité et de l’intégrité du bien. » ermettre l’appropriation par tous des valeurs universelles et des enjeux liés à la pérennisation des “climats”. »
131 Dossier de présentation de Saint-Émilion en vue de l’inscription sur la liste du patrimoine UNESCO au titre de paysage culturel, 1999. 132 Dossier de présentation des climats de Bourgogne en vue de l’inscription sur la liste du patrimoine UNESCO au titre de paysage culturel, 2015. 133 Intervention Hervé Barré à propos du plan de gestion des climats de Bourgogne dans Acte de la première journée du séminaire de la Chaire UNESCO, Culture, tourisme, développement, sous la dir. de GRAVARI-BARBAS Maria, JACQUOT Sébastien, « Villes françaises du patrimoine mondial et tourisme. Protection, gestion, valorisation, » Paris, UNESCO, 2010.
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Les deux citations ci-dessus sont deux enjeux mis en place dans le plan de gestion du dossier de candidature des Climats de Bourgogne qui n’existent pas dans celui de SaintÉmilion. Ces deux points sont importants à souligner. Le dossier de candidature décline ces enjeux par des objectifs plus concrets,134 qui mettent l’accent sur deux points essentiels : la prise en compte du touriste, et la prise en compte de l’habitant. À mon sens ce sont essentiellement ces deux données-là qui faisaient défaut au projet de candidature de Saint-Émilion : d’une part la non anticipation de l’afflux touristique massif, et d’autre part, la non prise en compte des habitants dans le processus de patrimonialisation de leur territoire. À Saint-Émilion, cet « oubli » a suscité des réactions variées, allant de l’enchantement à la colère vis-à-vis des autorités locales tenues comme responsables par certains habitants de la transformation de leur commune. La définition des plans de gestion est un enjeu majeur dans l’évolution future des sites. Rendus obligatoires pour les sites qui déposent un dossier de candidature, ils dépassent les questions de conservation et de tourisme : ils représentent également l’interface entre la protection du patrimoine et l’humanité (populations résidentes et visiteurs). Il permet de savoir comment préserver les marques de son passé, de sa mémoire, tout en continuant à développer son territoire.
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ans mémoire, il est difficile de construire l’avenir. »135
En outre, comme on a pu le voir précédemment, l’inscription sur la liste du patrimoine de l’humanité s’avère propice à la [re]construction de récits de fondation porteurs d’une identité locale, qui associent la démonstration d’une valeur patrimoniale à la légitimation symbolique d’un territoire spatial, politique, puis social. Le processus d’inscription offre ainsi l’opportunité d’une [re]fondation mythologique136 du territoire. En d’autres mots, ce nouveau récit permet une redistribution des pouvoirs et des responsabilités, transcendés par la désignation de biens susceptibles d’incarner une communauté, une identité locale. Un des enjeux majeurs est désormais de réussir à ce que chaque individu trouve sa place dans cette nouvelle mythologie, que chaque communauté soit prise en considération, touristique comme habitante, afin de trouver un équilibre relationnel sans être dans la frustration, dans l’expérience vécue quotidiennement ou occasionnellement. Il est maintenant reconnu et assez évident que le patrimoine ne peut vivre sans une implication des habitants (d’autant plus s’il s’agit d’un paysage culturel), et que si ces derniers reconnaissent et comprennent la « Valeur Universelle Exceptionnelle. »
134 Dossier de présentation des climats de Bourgogne en vue de l’inscription sur la liste du patrimoine UNESCO au titre de paysage culturel, 2015. 135 Intervention Hervé Barré à propos du plan de gestion des climats de Bourgogne dans Acte de la première journée du séminaire de la Chaire UNESCO, Culture, tourisme, développement, sous la dir. de GRAVARI-BARBAS Maria, JACQUOT Sébastien, « Villes françaises du patrimoine mondial et tourisme. Protection, gestion, valorisation. » Paris, UNESCO, 2010. 136 BRIFFAUD Serge, DAVASSE Bernard, « Du bon usage du passé des paysages. Récits paysagers et durabilité dans trois sites viticoles européens du Patrimoine mondial (Tokaj, Saint-Émilion, Cinque Terre) », dans LUGINBÜHL Y., TERRASSON D., Paysage et développement durable, Paris, Éd. Quæ, 2012, p. 171-183.
C.2 - DIVERSIFICATION DE L’OFFRE TOURISTIQUE Comme j’ai pu le décrire dans la partie « paysage vitrine » de cette étude, les pratiques touristiques sont pour la plupart programmées, anticipées. Les brochures, les guides touristiques (qu’ils soient papiers, virtuels ou une personne physique sur le territoire), les tour-opérateurs, conditionnent à l’avance l’expérience que le touriste va avoir sur le territoire. Leur chorégraphie est parfaitement réglée pour que tous, passent par les mêmes endroits, photographient les même points de vue et s’arrêtent dans les mêmes boutiques. Si à Saint-Émilion, il est courant d’apercevoir un car rempli de touristes étrangers demandeurs de pouvoir goûter au « French Art de Vivre », les tendances soutiennent que les touristes sont de moins en moins conditionnés par ces « prescriptions » et sont demandeurs d’expériences spatiales plus intimes et authentiques. Ainsi, à l’opposé des approches dominantes du tourisme qui « réduisent les touristes au spectacle passif et à la consommation de chemins prébalisés »137, les analyses des pratiques des « nouveaux touristes » insistent sur la découverte... Les touristes ne veulent plus être considérés en tant que tels mais comme des visiteurs voire des habitants. Face à cette demande, on observe une diversification des offres des professionnels du tourisme pour proposer des séjours scénarisés autour de thématiques. Cela permet de donner l’impression au touriste de ne pas en être un, ou plutôt de sortir de l’itinéraire basique proposé habituellement par les tour-opérateurs en spécialisant un itinéraire qui semble alors plus personnalisé : séjours thématiques autour de l’œnologie, de l’art... Selon les pronostics de l’Organisation Mondiale du Tourisme, le marché des seniors, est très prometteur pour le développement touristique. En Europe, la part de la population âgée de 65 ans et plus devrait passer de 18,5% en 2014 à 28% en 2035. Et la tranche d’âge supérieure à 65 ans comptera 149 millions de personnes en 2060 contre 92 millions en 2013. En France métropolitaine, la population des 62-71 ans devrait augmenter de presque 10% entre 2015 et 2025 et la population des 72-81 ans de plus de 40%. La Gironde prévoit de renforcer les structures d’accueil adaptées. Il y a aussi de nouveaux comportements de consommation lors des voyages émergent pour se tourner vers une consommation positive138. Cette dynamique et surtout amenée par une génération plus jeune, les enfants des années 2000, plus soucieux des questions environnementales et des modes de consommation. Les expériences recherchées sont différentes de celles de leurs aînés, ils se tournent vers plus d’autonomie dans la composition du voyage, cherchent la découverte et la surprise, de sortir des carcans du voyage organisé. Plus soucieux de créer du lien social lors de ses périples, ce type de touriste devient un consom’acteur. 137 Actes de la quatrième journée du séminaire de la Chaire UNESCO, Culture, tourisme, développement, sous la dir. de GRAVARI-BARBAS Maria, JACQUOT Sébastien, « Touristes et habitants dans les sites du patrimoine mondial », Paris, UNESCO, 2013. 138 Terme utilisé par les professionnels du tourisme dans Gironde Tourisme, Stratégie de développement touristique durable de la Gironde 2017-2021, Étape 1 : diagnostic et axes stratégiques, Bordeaux, Gironde Tourisme, 2017.
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C.3
- SORTIR DE L’OPPOSITION ENTRE HABITANTS ET TOURISTES ?
En questionnant le rapport entre l’habitant et le touriste, il est nécessaire de se pencher plus précisément sur les définitions des « touristes » et des « habitants ». Un dualisme touristes / populations locales à première vue assez évident, mais pourtant plus nuancé qu’il n’y parait. Dans l’introduction de la seconde partie concernant les paysages quotidiens, pour une question de méthodologie, j’ai considéré les touristes comme des habitants du territoire car ils apportent une expertise supplémentaire, un regard différent de celui des populations qui résident à l’année. De plus, le flux constant de touristes à Saint-Émilion participe grandement à la vie du territoire. Je pense qu’il est pertinent de les considérer comme habitant le territoire et par extension habitants du territoire.
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Toutefois, classiquement les habitants sont opposés par leur définition au touriste. L’un réside sur le territoire tandis que l’autre le visite. L’appartenance ou non à un territoire passe par un sentiment d’identification à celui-ci. Cette dualité n’est plus aussi facile à établir aujourd’hui. Le développement des moyens de transport, les nouveaux moyens de communication, la multiplication des résidences secondaires, travailler et habiter dans des lieux différents sont autant de facteurs qui complexifient la relation entre touriste et habitant. Tout comme le touriste en lui-même : les résidents secondaires, les visiteurs d’une journée, les promeneurs, les travailleurs expatriés, les immigrés, les étudiants, les mobilités d’affaires, les résidents régionaux ou de proximité, il est possible d’habiter plusieurs lieux à la fois, nous sommes des êtres multi-territorialisés. De plus, il est également possible de considérer que personne n’est réellement étranger dans un site du Patrimoine mondial ; tout le monde est, dans un certain sens, « chez lui », puisqu’il s’agit, rappelons le une fois de plus, du patrimoine mondial de l’humanité. Ces arguments présupposent une approche plus nuancée dans l’étude des relations des figures du touriste et de l’habitant et surtout une connaissance approfondie des publics qui fréquentent les sites du patrimoine mondial, chaque profil est unique.
Le tourisme considéré comme un « élément perturbateur » ou un « instrument à maîtriser » invite à requestionner les rapports que celui-ci entretient avec l’environnement visité et notamment les relations entretenues avec les habitants. La réévaluation de la valeur du tourisme permet de modifier la façon dont il est géré. De nouvelles tendances et évolutions amènent à reposer différemment la question du rapport entre le touriste et l’habitant.
Il est possible d’identifier 4 tendances139 : La prise en compte croissante des habitants et des communautés locales par le Patrimoine mondial de l’UNESCO ; L’évolution des approches et des produits touristiques ; L’évolution de la figure de l’habitant ; L’évolution de la figure du touriste. La première tendance est une remise question des politiques de l’UNESCO à cause de la mutation rapide des relations entre patrimonialisation et tourisme. Une réflexion est menée sur l’intégration des populations locales au cœur du processus de patrimonialisation pour que les habitants ne soient plus l’objet du tourisme mais le sujet. (La notion d’implication des habitants est relativement récente par comparaison avec la convention du patrimoine mondial de 1972). Le deuxième tendance renvoie aux évolutions au sein du secteur touristique, par le développement des formes participatives du tourisme. Le tourisme participatif invite à plus de rapports et d’échanges entre le touriste et l’habitant par la participation des « accueillants » au activités touristiques, ou inversement en invitant le touriste à participer aux activités de la vie locale. Le but général de ce type de relations est d’outrepasser la valeur marchande du tourisme habituel (notamment celui de Saint-Émilion où la plupart des touristes viennent avant tout pour acheter du vin). Remettre l’humain au cœur du marketing touristique vise à contribuer à modifier l’image d’un territoire en brisant l’effet musée patrimonial du lieu afin de le faire vivre à nouveau. Créer des situations de rencontre entre touriste et habitant. Ne plus devoir parler du tourisme comme d’une industrie. Ces valeurs peuvent s’incarner à travers une nouvelle forme de tourisme qui est qualifiée de durable : le tourisme participatif. Il s’agit d’une pratique où « Le touriste participe à la vie des populations locales, et les habitants eux-mêmes participent aux activités touristiques et qui en sont les véritables acteurs. »140. Le tourisme participatif possède une double caractéristique : Il s’adresse aussi bien aux touristes qu’aux habitants sur leur propre lieu de vie, bien que ceci ne relève pas du tourisme mais des activités de loisir non touristiques ou de l’excursionnisme. Il en résulte une difficile reconnaissance de ces phénomènes par les acteurs du tourisme « traditionnel ». Il cherche à améliorer les relations entre touristes et habitants grâce à la création de situations de rencontre. Le but étant que ceux-ci acceptent ceux-là141. Il est possible de synthétiser la notion de tourisme participatif par deux verbes d’action. Déplacer et échanger. On se déplace dans des lieux, plus ou moins intimes, que nous 139 Actes de la quatrième journée du séminaire de la Chaire UNESCO, Culture, tourisme, développement, sous la dir. de GRAVARI-BARBAS Maria, JACQUOT Sébastien, « Touristes et habitants dans les sites du patrimoine mondial », Paris, UNESCO, 2013. 140 BOUHNINI Zayneb, Le rapport habitant touriste dans les destinations métropolitaines, étude de l’émergence du tourisme participatif à Paris et en Seine-Saint-Denis, mémoire sous la dir. de GRAVARI-BARBAS Maria, Université de Paris 1, Panthéon Sorbonne, 2011. Ibid. « Touristes et habitants dans les sites du patrimoine mondial », 2013. 141
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fait découvrir l’habitant. Il nous fait entrer dans son quotidien. C’est à lui de placer le curseur dans le type et la proximité de l’échange qu’il veut avoir avec le touriste (Figure 108). Les lieux visités sont plus ou moins publics ou privés et les échanges entre les interlocuteurs sont plus ou moins personnels. Les différentes pratiques du tourisme participatif permettent des modes de déplacement et d’échange différents de ceux des trajets touristiques habituels. En effet, il permet dans un site patrimonial de se détacher de l’emprise et des limites du territoire. Ces différents modes induisent donc un panel de niveaux de rencontre. Le tourisme participatif axé sur la rencontre induit différents niveaux de rencontre142. L’habitant choisi le degré d’intimité il veux insuffler à cette rencontre. Il se retrouve beaucoup plus dans la maîtrise de ce qu’il souhaite partager, acteur d’une rencontre et non plus objet d’un spectacle. Ce dispositif permet aux habitants d’être des médiateurs de leur patrimoine. C’est également un moyen pour les touristes de ne pas être considérés comme des « vrais » touristes. Ceci peut d’ailleurs constituer un argument marketing pour les politiques locales du tourisme. En effet, le tourisme participatif pourra permettre de fidéliser la clientèle touristique en quête d’authenticité qui cherche à vivre comme un habitant.
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Cependant, ces nouvelles surfaces de rencontres impliquent de nouvelles responsabilités notamment pour les populations locales. Prenons le cas de Saint-Émilion : j’ai montré notamment dans la seconde partie « paysages quotidiens » de cette étude, que les habitants de Saint-Émilion étaient en quelque sorte dans une phase de reconquête identitaire. Si l’on simplifie, le processus de patrimonialisation de leur territoire à conduit à redéfinir de manière officielle ce qui constitue le paysage exceptionnel de Saint-Émilion. L’appropriation de ce dernier par les touristes via le paysage vitrine entraîne une dépossession de leur paysage quotidien ou une non identification complète des locaux au paysage exceptionnel. Les habitants consciemment où non, se fabriquent de nouveaux référentiels au travers d’expériences plus personnelles et privées : leur paysage intime. Or le concept de tourisme participatif invite justement les touristes et les habitants à entrer dans un espace de relation plus intime afin de partager une expérience plus authentique. Je pense qu’il est nécessaire que les populations locales prennent des précautions afin de ne pas trop en livrer et de ne pas à nouveau se sentir dépossédées d’un paysage qu’elles considèrent comme intime et personnel. Néanmoins, les personnes s’engageant dans cette démarche sont souvent des passionnées soucieuses de vouloir le faire partager aux autres.
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Figure 108 : Les différents niveaux de rencontres habitant-touriste dans le tourisme participatif.
142 BOUHNINI Zayneb, Le rapport habitant touriste dans les destinations métropolitaines, étude de l’émergence du tourisme participatif à Paris et en Seine-Saint-Denis, mémoire sous la dir. de GRAVARI-BARBAS Maria, Université de Paris 1, Panthéon Sorbonne, 2011.
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C.4
- LE DÉVELOPPEMENT DE LA FIGURE DE L’HABITANT ACTEUR : L’EXEMPLE DES GREETERS
L’âme des Greeters peut être comparée au principe des guides de montagne. Dans les régions montagneuses, ces derniers ont beaucoup participé à l’intégration des populations locales dans le processus de tourisme. À la base ces personnes n’étaient pas guides mais le deviennent en plus de leur métier de base. Pour un non initié, la montagne peut paraître comme un lieu hostile. La personne connaissant le terrain pourra encadrer mieux que quiconque un groupe de touristes voulant faire une randonnée. Le guide de montagne est un expert. Il connaît et peut enseigner ce qu’il a appris au quotidien à ceux qui veulent visiter un territoire qu’il pratique au quotidien. Il saura choisir le meilleur chemin, les meilleurs points de vue, etc. C’est un peu le même esprit que véhiculent les Greeters.
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es Greeters sont des bénévoles amoureux et passionnés de leur ville ou de leur région qui ont plaisir à accueillir des visiteurs comme ils accueilleraient des amis. Ils offrent de leur temps pour faire découvrir les endroits qu’ils aiment, raconter leur histoire, leur quartier ou village et partager leur façon de vivre, leur quotidien. Un Greeter n’est pas un guide professionnel. Il accueille les visiteurs dans son environnement de vie et l’explique avec passion. Venez seul ou en groupe de six personnes au maximum et découvrez les bons plans lors d’une balade ou d’une discussion autour d’un verre. Quelle que soit la forme de la découverte, l’essentiel réside dans la rencontre. On évoque souvent le tourisme comme vecteur de paix et de meilleure compréhension entre les peuples. Les Greeters pensent que cette hypothèse ne s’avère juste que s’il existe un échange entre populations et visiteurs. La visite touristique ne doit pas se limiter à un acte de consommation. » 143
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Ce réseau a été mis en place pour découvrir des circuits alternatifs, en marge de ceux proposées par l’office du tourisme. Le guide à pour but d’étonner le visiteur, de lui proposer une expérience différente et plus réelle, plus proche du quotidien des habitants, dans la recherche d’une « authenticité » de l’expérience vécue sur le territoire. Ce réseau existe déjà à Bordeaux, ou plus proche de Saint-Émilion, à Saint-Sulpice-de-Fayerens. Ce type de service permet d’intégrer l’habitant de manière active dans la gestion et la diffusion du patrimoine environnant en permettant de partager une expérience authentique en groupe réduit. Il s’agit de faire de l’habitant un acteur direct de son patrimoine. Le nombre de touristes limité à six personnes par visite permet de préserver un caractère d’intimité et de favoriser les échanges, tout en s’éloignant des offres traditionnelles des guides touristiques. De plus, en fonction du type de visite souhaitée par le touriste, le Greeter peut thématiser les lieux à visiter. Il peut faire découvrir des lieux insolites, sortir des sentiers battus. Cela représente parfaitement un dispositif du tourisme participatif ainsi que de l’évolution de la demande touristique actuelle. Les acteurs des territoires l’ont bien compris, le tourisme participatif permet à la fois de planifier l’action de l’habitant en l’incluant au sein de la gestion du site patrimonial dans lequel il réside, tout en lui permettant de se [ré]approprier une identité locale.
Figure 109 : Logos de plateformes collaboratives.
143
Site Web des Greeters : http://www.greeters.online/qui-sont-les-greeters/
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C’est pourquoi, dans le dossier de candidature des climats de Bourgogne sur la liste du patrimoine de l’humanité, le tourisme participatif est inclut dans le plan de gestion, en mentionnant directement le concept des Greeters comme moyen d’inclure les habitants au sein du projet du territoire :
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es gestionnaires du Bien ont souhaité créer un réseau de Greeters rassemblant les résidents bénévoles qui se mettent à disposition pour accueillir et guider les visiteurs dans leur découverte du territoire, partager leur vision sensible et personnelle du Bien. Les gestionnaires envisagent que ce réseau, en place depuis juillet 2011 à Beaune, soit désormais étendu à l’ensemble du périmètre du Bien proposé à l’inscription. »144
Par ce biais, l’habitant ne se place plus en observateur du tourisme. Il ne se place plus en opposition face au touriste mais se place dans une démarche d’échange et de rencontre pour un touriste en recherche d’une expérience plus authentique, plus proche des gens. D’autres sites de ce genre tels que Vizitme, Rendez-vous chez nous, GoodSpot, Trip4Real, GuideLikeYou ou Cariboo voient le jour.145 La plateforme Cariboo permet de mettre en relation des touristes et des guides locaux, majoritairement d’étudiants. À la différence des Greeters, les guides de Cariboo sont rémunérés via la plateforme.
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Cependant, il me parait nécessaire d’apporter quelques précisions à ces concepts qui de prime abord, apparaissent comme des bons moyens d’améliorer les rapports entre touristes et habitants. Ils participent en quelque sorte au phénomène d’uberisation146 du tourisme. Ceci est considéré comme de la concurence déloyale de la part des professionnels du secteur, les guides touristiques, les guides conférenciers, qui pour avoir le droit d’exercer doivent, entre autre, acheter une licence. Légalement, seuls les 11 000 guides encartés en France sont habilités à faire visiter les monuments. Sans diplôme l’habitant vient grignoter la part de travail des guides traditionnels. Ce phénomène traduit une des dérives de « l’économie collaboratrice »147
C.5
- LE DÉVELOPPEMENT DE LA FIGURE DU TOURISTE ACTEUR OU CONSOM’ACTEUR :
LES ASPECTS POSITIFS DU TOURISME DURABLE À TRAVERS LE TERRITOIRE DE CINQUE TERRES EN ITALIE
Comme j’ai pu l’évoquer dans la partie C.2, de nouvelles tendances émergent parmi les touristes. Les comportements de consommation changent. Dans la recherche d’une expérience plus authentique, d’échanges avec les populations locales, la figure habituelle du touriste spectateur évolue et se place dans une nouvelle démarche. De la même manière que l’habitant se place dans une démarche d’acteur du territoire, le touriste peut également le devenir (différemment du rôle habituel d’un touriste). Il s’agit de la figure du touriste acteur ou consom’acteur comme on a pu le voir avec la communauté de site internet TripAdvisor : le voyageur n’est plus seulement un spectateur, mais interagit, donne son avis, recommande, etc. Le tourisme participatif s’inscrit dans l’optique du tourisme durable148, qui est mis en avant par les professionnels du tourisme et les acteurs locaux comme l’avenir de la profession et du développement des territoires concernés.
En termes simples, le tourisme durable peut être défini comme étant : Un tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil.149Le tourisme durable doit : Faire un usage optimal des ressources environnementales qui sont un élément clé du développement du tourisme, Respecter l’authenticité socioculturelle des communautés d’accueil, conserver leur patrimoine culturel bâti et vivant, ainsi que leurs valeurs traditionnelles Garantir des activités économiques viables à long terme à la fois pour les populations locales comme les professionnels du tourisme, tout en permettant maintenir un haut niveau de satisfaction des touristes en les sensibilisant aux problèmes de développement durable et en leur faisant mieux connaître les pratiques de tourisme durable.
144 Dossier de présentation des climats de Bourgogne en vue de l’inscription sur la liste du patrimoine UNESCO au titre de paysage culturel, 2015, p.224. 145 id-tourisme.fr, La rencontre du tourisme et de l’économie collaborative : vers une mise en relation d’acteurs passionnés ?, le 6 novembre 2015. 146 Ce terme indique la capacité d’une jeune entreprise (marchande ou non) à bousculer les acteurs traditionnels d’un secteur, en mobilisant le numérique ainsi que d’externaliser vers des particuliers le travail qu’ils feront pour moins cher. Les services proposés sont souvent assouplis, attirant davantage de clients. 147 2015.
CROS Lola, « Les guides touristiques, prochaines victimes de l’uberisation ? » dans Les Inrocks, le 22 août
148 Le concept de tourisme durable est né en 1995. Celui-ci fut alors défini comme une « activité touristique qui respecte et préserve à long terme les ressources naturelles, culturelles et sociales et contribue de manière positive et équitable au développement économique et à l’épanouissement des individus qui vivent, travaillent ou séjournent sur ces espaces ». L’adoption de la « Charte du tourisme durable » par les participants de la Conférence mondiale du tourisme durable, réunis à Lanzarote (Canaries, Espagne) en avril 1995, constitua un jalon important. Le «tourisme durable» y fut défini par 18 principes s’appropriant les objectifs du développement durable. KNAFOU Rémy, PICKEL Sylvine, « Les nouvelles dynamiques du tourisme dans le monde. tourisme et “ développement durable ” : de la lente émergence à une mise en œuvre problématique » dans Géoconfluences, Lyon, le 4 février 2011. 149 Définition se trouvant sur le site de l’Organisation mondiale du tourisme. http://sdt.unwto.org/fr/content/definition
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Le territoire de Cinque Terres en Italie, est classé au titre de paysage culturel sur la liste du patrimoine mondial depuis 1997. Encerclés par la Méditerrannée et les collines, Riomaggiore, Manarola, Corniglia, Vernazza et Monterosso sont les cinq villages constituant un territoire entièrement nés du travail agricole avec un paysage en terrasse très particulier. Ce territoire qui vivait presque entièrement de la viticulture a presque failli disparaître entièrement. L’inscription de ce dernier sur la liste du patrimoine mondial, couplé à des initiatives locales ont permis la reconquête d’un territoire en péril grâce à une réorientation de son économie vers le tourisme. Un nouveau système plus équilibré s’est mis en place afin de remédier au problème de l’agriculture qui est en déclin depuis quelques années. Ce système repose avant tout sur la création en 1999 d’« el Parco Nazionale delle Cinques Terres » afin d’organiser et permettre le développement durable du territoire. Son objectif principal est d’assurer la compatibilité entre développement touristique et qualité paysagère et environnementale. Il s’est fixé pour mission de remettre en culture les terres abandonnées par les propriétaires privés, dans le but de stabiliser les sols et d’entretenir l’attractivité touristique tout et en créant des emplois pour les jeunes. En effet, le Parc de Cinque Terres reçoit annuellement 2,5 millions de touristes. La nouvelle politique du territoire est de faire du tourisme un élément moteur du développement du territoire et de son équilibre.
'*( Figure 110 : Photo Instagram de touristes dans les vignes avant de visiter Cinque Terres, jaydubya16.
Pour y parvenir, le Parc a organisé une filière agritouristique complète, reposant sur un système de coopératives agricoles depuis 2001. Elles permettent d’assurer la remise en culture des terres et l’entretien des sentiers de randonnée, gèrent la production, la transformation et la commercialisation des vins. Elles testent également différents types d’agriculture biologique. Les productions locales sont vendues essentiellement aux touristes ou utilisées par les restaurateurs pour entretenir une fillière locale. Ce dispositif, permet d’inscrire le tourisme sur le territoire dans un cercle plus vertueux et non dans une relation destructive face à l’agriculture. Il participe à l’ensemble de l’économie locale. Ces actions sont soutenues par le programme LIFE de l’Union Européenne150. Les habitants sont pleinement investis dans ces initiatives pour que le système fonctionne. Une formation du personnel pour les structures telles que les auberges et les différents restaurants est mise en place afin de faire en sorte que toutes les activités du territoire ne soient pas nocives pour celui-ci. Les guides touristiques sensibilisent également les touristes à la fragilité du milieu. En moins de dix ans le parc est devenu une véritable pépinière d’initiatives en faveur du tourisme durable permettant au territoire de se nourrir du tourisme. L’association de protection environnementale Legambiente en est un exemple. L’association créa en 1997, un écolabel151. Son objectif est de permettre à travers le tourisme durable de créer une nouvelle vitrine du territoire offrant la possibilité de trouver une symbiose entre visiteurs et habitants autour d’expériences, de solidarités et de valeurs communes. Des initiatives variées sont mises en place pour permettre au touriste de visiter différemment : grâce à l’association, des étudiants viennent travailler durant 10 matinées dans les vignes, pour refaire les terrasses ou nettoyer les sentiers. L’après-midi ils visitent le territoire. Cette 150 Le programme LIFE est un instrument financier de la Commission européenne entièrement dédié à soutenir des projets dans les domaines de l’environnement et du climat.
Figure 111 : Photo Instagram d’un touriste dans les vignes avant de visiter Cinque Terres, kazilou.
151 Ce dernier est donnée aux hébergements (hôtels, campings, gîtes, auberges de jeunesse, appartements, B & B) des zones côtières, les régions intérieures, les villes historiques, les parcs nationaux et d’autres structures touristiques qui adoptent des mesures visant à réduire l’impact de ses activités sur l’environnement et pour promouvoir la région.
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expérience permet d’aider les populations locales tout en sensibilisant les touristes et leur permet de faire connaissance avec les habitants à travers une expérience unique. Encore, une autre association, Save Vernaza propose une alternative au tourisme de masse. Le tour-opérateur Busabout soutient le tourisme durable en proposant via l’association Save Vernazza, de travailler sur place pour aider les populations locales tout en visitant les lieux.
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our 25 euros, vous serez dirigé lors d’une randonnée guidée pour sauver le site de bénévoles de Vernazza, où vous recevrez un déjeuner d’origine locale et passerez deux heures à vous salir, à reconstruire les sentiers, à peindre de nouveaux bâtiments et même à récolter des raisins du vignoble local. »152
Ces dispositions sont nécessaires compte tenu de l’attractivité touristique grandissante du territoire. Un quota de touristes est aujourd’hui défini afin de limiter la dégradation des lieux. La tarification des moyens de transport est également plus chère pour les touristes plutôt que les habitants. Pour le président du parc national de Cinque Terres, Vittorio Alessandro :
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e tourisme durable c’est celui que le territoire peut supporter sans que celuici soit consommé. »
Le tourisme durable est-il « rentable » ? Il peut paraitre surprenant de parler en ces termes, mais la rentabilité est une donnée capitale à prendre en compte. Cette question conditionne en grande partie la réussite des initiatives tournées autour du tourisme durable. Est-il possible en matière de tourisme à Saint-Émilion d’allier la quantité et la qualité ? Le tourisme étant à la fois un enjeu de société, une opportunité de rencontre mais aussi une source de richesse. J’arrive à la fin de mon analyse et je ne peux que constater que les flux touristiques passant par Saint-Émilion ne sont pas près de s’affaiblir. L’intérêt grandissant pour l’œnotourisme, et le développement de la ville voisine de Bordeaux sont des facteurs qui vont permettre de renforcer l’attractivité touristique de la cité médiévale. Saint-Émilion et ses habitants vont devoir apprendre à accepter « la masse ». En effet, il me semble difficile que le tourisme actuel bascule totalement dans un type de tourisme entièrement durable. De plus, l’avenir de la situation du village intra-muros semble figée à court terme comme à moyen terme. Compte tenu des informations traitées, il me parait difficile avec les moyens mis en œuvre actuellement de donner une seconde vie aux logements désertés intramuros.
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L’image luxueuse liée au travail des vins de Saint-Émilion va peut-être permettre de développer en parallèle différents type de tourisme : un tourisme en premier lieu lucratif, qui répondra d’abord à des objectifs de rentabilité, dans l’hypothèse où le tourisme tel qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire destiné au visiteur « lambda », continue à prendre de l’ampleur un tourisme plus élitiste, réservé à des niches de visiteurs qui auront les moyens de s’offrir une qualité de services plus authentiques qui sortent des sentiers battus. Le patrimoine de Saint-Émilion, qu’il soit bâti ou immatériel est d’une grande importance pour l’économie et les identités locales. Le tourisme se place comme un vecteur de retombées pour ces deux dimensions. Parmi les enjeux futurs pour Saint-Émilion, il s’agira de réussir à préserver son patrimoine matériel comme immatériel tout en assurant une cohabitation harmonieuse de tous les habitants du territoire : population locales comme visiteurs.
152 Busabout est un tour-opérateur qui s’adresse essentiellement aux jeunes voulant voyager en proposant un type de voyage au contact des populations locales tout en travaillant parmi elles. http://www.busabout.com/save-vernazza
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!"##$%&' '*" '*! BIBLIOGRAPHIE
p.136
TABLE DES FIGURES
p.144
DENSITÉ DE POPULATION DANS LA RÉGION DU SAINT-ÉMILIONNAIS
p.147
EXTRAIT DE L’ARTICLE 1
p.149
DE LA CONVENTION CONCERNANT LA PROTECTION DU PATRIMOINE MONDIAL CULTUREL ET NATUREL
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PARTIE II.A
p.150
DES ORIENTATIONS DEVANT GUIDER LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION DU PATRIMOINE MONDIAL
EXTRAIT ANNEXE 3
p.152
DES ORIENTATIONS DEVANT GUIDER LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION DU PATRIMOINE MONDIAL
COMPARAISON DES SOMMAIRES
p.155
DES DOSSIERS D’INSCRIPTION SUR LA LISTE DU PATRIMOINE DE MONDIAL
RECENSEMENTS DE LA POPULATION DE SAINT-ÉMILION
p.157
P.S.M.V DE SAINT-ÉMILION
p.158
LA VILLE DE LIBOURNE
p.159
QUESTIONNAIRE D’ENQUÊTE
p.160
RETRANSCRIPTION D’ENQUÊTE
p.161
ENTRETIENS ISSU DU LIVRE « MÉMOIRE DE SAINT-ÉMILION
p.170
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FIGURE 1 : Photo d’une journée au Mont-Saint-Michel - SOURCE : Wikipédia FIGURE 2 : Localisation de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 3 : Photo de la cité de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 4 : Carte de la Juridiction de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 5 : Carte mentale des communes autour de Saint-Émilion, Proportion territoire / Habitant SOURCE : Marie Rénié FIGURE 6 : Photo d’un territoire agricole - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 7 : Photo de la cité médiévale - SOURCE : Elsa Genête FIGURE 8 : Photo d’une ville touristique - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 9 : Schémas expliquant le processus de candidature de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 10 : Photo de La cité médiévale de Sarlat en Dordogne - SOURCE : TripPinSee FIGURE 11 : Photo des climats de Bourgogne SOURCE : http://lesgrappes.leparisien.fr/wp-content/uploads/2015/11/les_climats.jpg FIGURE 12 : Le paysage culturel de Lednice Valnice en République Tchèque - SOURCE : UNESCO FIGURE 13 : Paysage relique des premières plantations de café du Sud-Est de Cuba SOURCE : Huguette et Aldo di gennaro FIGURE 14 : Colline royale d’Ambohimanga, Madagascar - SOURCE : UNESCO FIGURE 15 : Cadre de gestion pour les paysages culturels du patrimoine SOURCE : COLLECTIF (MITCHELL N, RÖSSLER M, TRICAUD PM), Paysages culturels du patrimoine mondial, Guide pratique de conservation et de gestion, UNESCO, 2011 - Retouche Marie Rénié FIGURE 16 : Processus de gestion pour les paysages culturels du patrimoine mondial SOURCE : COLLECTIF (MITCHELL N, RÖSSLER M, TRICAUD PM), Paysages culturels du patrimoine mondial, Guide pratique de conservation et de gestion, UNESCO, 2011 - Retouche Marie Rénié FIGURE 17 : Carte regroupant les différents terroirs de la Juridiction de Saint-Émilion SOURCE : COLLECTIF d’étudiants, DDEG, DREA, La Juridiction de Saint-Émilion, Lecture d’un paysage, Ensap Bordeaux, 2000 - Retouche Marie Rénié FIGURE 18 : Schémas expliquant les normes en vigueurs pour l’implantation des ceps de vignes à SaintÉmilion - SOURCE : COLLECTIF d’étudiants, DDEG, DREA, La Juridiction de Saint-Émilion, Lecture d’un paysage, Ensap Bordeaux, 2000 FIGURE 19 : La Jurade de Saint-Émilion lors d’un défilé - SOURCE : saint-emilion-tourisme.fr FIGURE 20 : Photo des vignobles de Saint-Émilion SOURCE : Office du tourisme du grand Saint-Émilionnais, le guide de Saint-Émilion, 2016 FIGURE 21 : Photo de la cité de Saint-Émilion SOURCE : Office du tourisme du grand Saint-Émilionnais, le guide de Saint-Émilion, 2016 FIGURE 22 : Photo de la cité de Saint-Émilion SOURCE : Office du tourisme du grand Saint-Émilionnais, le guide de Saint-Émilion, 2016 FIGURE 23 : Comment se propage l’image d’un territoire ? SOURCE : HOULLIER-GUIBERT Charles-Edouard, « La fabrica on de l’image o cielle de la ville pour un rayonnement européen : Gouvernance, idéologies, coopéra on territoriale et rayonnement. » dans Cahiers de géographie du Québec, Volume 55, n°154, 2011, p. 7-35 - Retouche Marie Rénié FIGURE 24 : Photo instagram - SOURCE : Instagram : mysaintemilion
P.12 P.14 P.16 P.18 P.18
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FIGURE 25 : Photo instagram - SOURCE : Instagram : mysaintemilion FIGURE 26 : Photo instagram - SOURCE : Instagram : mysaintemilion FIGURE 27 : Photo instagram - SOURCE : Instagram : mysaintemilion FIGURE 28 : Photo instagram - SOURCE : Instagram : mysaintemilion FIGURE 29 : Photo instagram - SOURCE : Instagram : mysaintemilion FIGURE 30 : Photo de Saint Émilion - SOURCE : Magasine municipal n°1 de Saint-Émilion, Mai 2016 FIGURE 31 : Photo de la cité de Saint-Émilion - SOURCE : voyage-michelin.fr FIGURE 32 : Photo instagram - SOURCE : Instagram : Tamahanicole FIGURE 33 : Photo de la cité de Saint-Émilion - SOURCE : bordeaux-tourisme.com FIGURE 34 : Photo de la cité de Saint-Émilion - SOURCE : Noé Tronel FIGURE 36 : Photo de la cité de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 35 : Photo de la cité de Saint-Émilion SOURCE : Office du tourisme du grand Saint-Émilionnais, Le guide des activité, 2016 FIGURE 37 : Photo de la cité de Saint-Émilion SOURCE : Office du tourisme du grand Saint-Émilionnais, Le guide des activité, 2016 FIGURE 38 : Photo de la cité de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 39 : Photo de la cité de Saint-Émilion - SOURCE : tourisme-libournais.com FIGURES 40 À 45 : Photos de la porte Guadet - SOURCE : Instagram FIGURE 46 : Photo de Saint-Émilion - SOURCE : Elsa Genête FIGURE 47 : Photo de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 48 : Photo de Saint-Émilion - SOURCE : gironde-tourisme.fr FIGURE 49 : Photo de Saint-Émilion - SOURCE : Magazine touristique région Aquitaine FIGURES 50 À 52 : Photos de Saint-Émilion - SOURCE : Instagram FIGURE 53 : Photo de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURES 54 À 63 : Photos de Saint-Émilion - SOURCE : Instagram FIGURES 64 À 65 : Vues Google Maps de Saint-Émilion SOURCE : Google Maps ; GPS : 44.892385, -0.155841 FIGURES 66 À 67 : Vues Google Maps de Sarlat - SOURCE : Google Maps ; GPS : 44.88919, 1.2145946 FIGURES 68 À 69 : Vues Google Maps de Bordeaux SOURCE : Google Maps ; GPS : 44.841185, -0.580838 FIGURES 70 À 71 : Vues Google Maps de Carcassonne SOURCE : Google Maps ; GPS : 43.206628, 2.364077 FIGURES 72 À 73 : Vues Google Maps du Mont Saint-Michel SOURCE : Google Maps ; GPS : 48.635906, -1.510915 FIGURE 74 : Itinéraire « Best of France » - SOURCE : Capture d’écran, explorica.com FIGURE 75 : Itinéraire « Discover France » - SOURCE : capture d’écran, www.topdeck.travel FIGURE 76 : Itinéraire « Best of France » - SOURCE : Capture d’écran, www.trafalgar.com/usa/tours/ FIGURE 77 : Itinéraire « Ultimate France » - SOURCE : Capture d’écran, tourradar.com FIGURE 78 : Itinéraire « Gems of the Seine & Bordeaux Affair » - SOURCE : Capture d’écran, tourradar.com FIGURE 79 : Itinéraire « Bordeaux and Dordogne, Best of » - SOURCE : Capture d’écran, tourradar.com FIGURE 80 : Itinéraire « France for families » - SOURCE : Capture d’écran, tourradar.com FIGURE 81 : Itinéraire « Bordeaux, Dordogne, Languedoc » - SOURCE : Capture d’écran, tourradar.com FIGURE 82 :Itinéraire « Bordeaux vinyard cycle » - SOURCE : Capture d’écran, tourradar.com FIGURE 83 :Itinéraire « Three Mighty Rivers - The Gironde Estuary and Arcachon bay » SOURCE : Capture d’écran, tourradar.com FIGURE 84 : Place de la Bourse de Bordeaux - SOURCE : raileurope.com FIGURE 85 : Photo de la place de la bourse de Bordeaux - SOURCE : Les Williams via twitter FIGURE 86 : Photo de la place de la bourse de Bordeaux - SOURCE : zicasso.com FIGURE 87 : Photo d’un vignoble - SOURCE : www.topdeck.travel FIGURE 88 : Photo de vignobles - SOURCE : rough.guides.limited.com FIGURE 89 : Photo de vignobles - SOURCE : Best in travel 2017
P.54 P.54 P.54 P.54 P.54 P.56 P.58 P.58 P.58 P.60 P.60 P.60 P.60 P.60 P.60 P.62 P.63 P.63 P.63 P.63 P.64 P.64 P.64 P.66 P.66 P.66
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FIGURE 90 : Nombre de logements vacants et taux de vacance dans le parc de logement de la communauté de commune du Saint- Émilionnais. - SOURCE : Filocom 2013 - Retouche Marie Rénié FIGURE 91 : Ancienneté du bâti - SOURCE : Filocom 2013 - Retouche Marie Rénié FIGURE 92 : Les différents commerces intra-muros de Saint-Émilion entre 1930 et 1990. SOURCE : Marie Rénié FIGURE 93 : Les différents commerces intra-muros de Saint-Émilion en 2017 - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 94 : Photo d’une porte de la rue Guadet - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 95 : Château Cheval Blanc à Saint-Émilion - SOURCE : Eric Saillet FIGURE 96 : Château Faugères - SOURCE : P. Caumes FIGURE 97 : Château La Dominique - SOURCE : Guy Charneau FIGURE 98 : Photo de la rue Guadet - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 99 : Carte mentale de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 100 : Carte mentale de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 101 : Carte mentale de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 102 : Carte mentale de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 103 : Carte mentale de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 104 : Carte mentale de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 105 : Carte mentale de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 106 : Festivités - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 107 : Tissu bâti de Saint-Émilion : cité médiévale, lotissement, château - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 108 : Le tourisme participatif induit différents niveaux de rencontre SOURCE : Bouhnini Zayneb, Le rapport habitant touriste dans les destinations métropolitaines, étude de l’émergence du tourisme participatif à Paris et en Seine-Saint-Denis, mémoire sous la dir. de Gravaribarbas Maria, Université de Paris 1, Panthéon Sorbonne, 2011 - Retouche Marie Rénié FIGURE 109 : Logo de plateformes collaboratives - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 109 : Photo de touristes dans les vignes avant de visiter Cinque Terres - SOURCE : Instagram FIGURE 109 : Photo de touristes dans les vignes avant de visiter Cinque Terres - SOURCE : Instagram
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DEFINITIONS DU PATRIMOINE CULTUREL ET NATUREL Article 1 Aux fins de la présente Convention sont considérés comme « patrimoine culturel » : '!%
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− les monuments : œuvres architecturales, de sculpture ou de peinture monumentales, éléments ou structures de caractère archéologique, inscriptions, grottes et groupes d’éléments, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la !"#science,
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− les ensembles : groupes de constructions isolées ou réunies, qui, en raison de leur architecture, de leur unité, ou de leur intégration dans le paysage, ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science,
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− les sites : œuvres de l’homme ou œuvres conjuguées de l’homme et de la nature, ainsi que !"#les zones y compris les sites archéologiques qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue historique, esthétique, ethnologique ou anthropologique. Article 2 Aux fins de la présente Convention sont considérés comme « patrimoine naturel » :
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- les monuments naturels constitués par des formations physiques et biologiques ou par des groupes de telles formations qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue esthétique ou scientifique,
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- les formations géologiques et physiographiques et les zones strictement délimitées constituant l’habitat d’espèces animales et végétales menacées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la conservation, - les sites naturels ou les zones naturelles strictement délimitées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science, de la conservation ou de la beauté naturelle.
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ISSU DES ORIENTATIONS DEVANT GUIDER LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION DU PATRIMOINE MONDIAL
La valeur universelle exceptionnelle 49. La valeur universelle exceptionnelle signifie une importance culturelle et/ou naturelle tellement exceptionnelle qu’elle transcende les frontières nationales et qu’elle présente le même caractère inestimable pour les générations actuelles et futures de l’ensemble de l’humanité. A ce titre, la protection permanente de ce patrimoine est de la plus haute importance pour la communauté internationale toute entière. Le Comité définit les critères pour l’inscription des biens sur la Liste du patrimoine mondial. 50. Les États parties sont invités à présenter des propositions d’inscription de biens du patrimoine culturel et/ou naturel considérés comme étant de «valeur universelle exceptionnelle» pour inscription sur la Liste du patrimoine mondial. 51. Lors de l’inscription d’un bien sur la Liste du patrimoine mondial, le Comité adopte une déclaration de valeur universelle exceptionnelle (voir paragraphe154) qui constituera la référence principale dans le futur pour la protection et la gestion efficaces du bien.
II LA LISTE DU PATRIMOINE MONDIAL II.A Définition du patrimoine mondial '"(
Le patrimoine culturel et naturel 45. Le patrimoine culturel et le patrimoine naturel sont définis aux articles 1 et 2 de la Convention du patrimoine mondial.
Le patrimoine mixte culturel et naturel 46. Des biens sont considérés comme « patrimoine mixte culturel et naturel » s’ils répondent à une partie ou à l’ensemble des définitions du patrimoine culturel et naturel figurant aux articles 1 et 2 de la Convention.
Les paysages culturels 47. Les paysages culturels sont des biens culturels et représentent les « œuvres conjuguées de l’homme et de la nature » mentionnées à l’article 1 de la Convention. Ils illustrent l’évolution de la société humaine et son établissement au cours du temps, sous l’influence des contraintes physiques et/ou des possibilités présentées par leur environnement naturel et des forces sociales, économiques et culturelles successives, externes aussi bien qu’internes.
Le patrimoine mobilier 48. Les propositions d’inscription concernant le patrimoine immobilier, susceptible de devenir mobilier, ne seront pas prises en considération.
52. Le but de la Convention n’est pas d’assurer la protection de tous les biens de grand intérêt, importance ou valeur, mais seulement d’une liste sélectionnée des plus exceptionnels d’entre eux du point de vue international. Il ne faut pas en conclure qu’un bien d’importance nationale et/ou régionale sera automatiquement inscrit sur la Liste du patrimoine mondial. 53. Les propositions d’inscription présentées au Comité devront démontrer l’engagement total de l’État partie à préserver le patrimoine concerné, dans la mesure de ses moyens. Cet engagement prendra la forme de mesures juridiques, scientifiques, techniques, administratives et financières appropriées adoptées et proposées pour protéger le bien et sa valeur universelle exceptionnelle.
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ISSU DES ORIENTATIONS DEVANT GUIDER LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION DU PATRIMOINE MONDIAL
I. PAYSAGES CULTURELS, VILLES, CANAUX ET ROUTES 5. Le Comité du patrimoine mondial a identifié et défini plusieurs catégories spécifiques de biens ayant une valeur culturelle et/ou naturelle et a adopté des orientations spécifiques pour faciliter l’évaluation de ces biens quand ils sont proposés pour inscription sur la Liste du patrimoine mondial. A ce jour, ces catégories sont les suivantes, sachant que d’autres s’y ajouteront probablement en temps voulu : a) paysages culturels ; b) villes et centres-villes historiques ; c) canaux du patrimoine ; d) routes du patrimoine.
PAYSAGES CULTURELS : Définition 6. Les paysages culturels sont des biens culturels et représentent les « ouvrages combinés de la nature et de l’homme » désignés à l’article 1 de la Convention. Ils illustrent l’évolution de la société et des établissements humains au cours des âges, sous l’influence des contraintes matérielles et/ou des atouts présentés par leur environnement naturel et des forces sociales, économiques et culturelles successives, internes et externes. 7. Ils devraient être choisis sur la base de leur valeur universelle exceptionnelle et de leur représentativité en terme de région géoculturelle clairement définie et de leur capacité à illustrer les éléments culturels essentiels et distincts de telles régions. '")
ORIENTATIONS POUR L’INSCRIPTION DE TYPES SPECIFIQUES DE BIENS SUR LA LISTE DU PATRIMOINE MONDIAL
8. Le terme « paysage culturel » recouvre une grande variété de manifestations interactives entre l’homme et son environnement naturel.
La liste des études thématiques de l’ICOMOS est disponible à l’adresse suivante :
9. Les paysages culturels reflètent souvent des techniques spécifiques d’utilisation viable des terres, prenant en considération les caractéristiques et les limites de l’environnement naturel dans lequel ils sont établis ainsi qu’une relation spirituelle spécifique avec la nature. La protection des paysages culturels peut contribuer aux techniques modernes d’utilisation viable et de développement des terres tout en conservant ou en améliorant les valeurs naturelles du paysage. L’existence permanente de formes traditionnelles d’utilisation des terres soutient la diversité biologique dans de nombreuses régions du monde. La protection des paysages culturels traditionnels est par conséquent utile pour le maintien de la diversité biologique.
http://www.icomos.org
La liste des études thématiques de l’UICN est disponible à l’adresse suivante : http://www.iucn.org/about/work/programmes/wcpa_worldheritage/wheritage_pub/
INTRODUCTION 1. La présente Annexe fournit des informations sur des types spécifiques de biens pour guider les États parties dans la préparation de propositions d’inscription de biens sur la Liste du patrimoine mondial. Les informations suivantes constituent des orientations qui doivent être utilisées en association avec le chapitre II des Orientations, où sont précisés les critères pour inscription des biens sur la Liste du patrimoine mondial. 2. Le Comité a approuvé les résultats des réunions d’experts sur les paysages culturels, les villes, les canaux et les routes (partie I, ci-dessous). 3. Les rapports d’autres réunions d’experts demandées par le Comité du patrimoine mondial, dans le cadre de la Stratégie globale pour une Liste du patrimoine mondial représentative, équilibrée et crédible, sont mentionnés dans la partie II. 4. La partie III énumère diverses études comparatives et thématiques réalisées par les Organisations consultatives.
DÉFINITION ET CATÉGORIES 10. Les paysages culturels se divisent en trois catégories majeures : (i) Le plus facilement identifiable est le paysage clairement défini, conçu et créé intentionnellement par l’homme, ce qui comprend les paysages de jardins et de parcs créés pour des raisons esthétiques qui sont souvent (mais pas toujours) associés à des constructions ou des ensembles religieux. (ii) La deuxième catégorie est le paysage essentiellement évolutif. Il résulte d’une exigence à l’origine sociale, économique, administrative et/ou religieuse et a atteint sa forme actuelle par association et en réponse à son environnement naturel. Ces paysages reflètent ce processus évolutif dans leur forme et leur composition. Ils se subdivisent en deux catégories :
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- un paysage relique (ou fossile) est un paysage ayant subi un processus évolutif qui s’est arrêté, soit brutalement soit sur une période, à un certain moment dans le passé. Ses caractéristiques essentielles restent cependant matériellement visibles ; - un paysage vivant est un paysage qui conserve un rôle social actif dans la société contemporaine, étroitement associé au mode de vie traditionnel et dans lequel le processus évolutif continue. En même temps, il montre des preuves manifestes de son évolution au cours des temps. (iii) La dernière catégorie comprend le paysage culturel associatif. L’inscription de ces paysages sur la Liste du patrimoine mondial se justifie par la force d’association des phénomènes religieux, artistiques ou culturels de l’élément naturel plutôt que par des traces culturelles matérielles, qui peuvent être insignifiantes ou même inexistantes.
INSCRIPTION DE PAYSAGES CULTURELS SUR LA LISTE DU PATRIMOINE MONDIAL 11. Le champ pour l’inscription du paysage culturel sur la Liste du patrimoine mondial est délimité par ses aspects fonctionnel et intelligible. En tout cas, l’exemple choisi doit être assez substantiel pour représenter la totalité du paysage culturel qu’il illustre. La possibilité de désigner de longues aires linéaires représentant des réseaux significatifs de transport et de communication ne doit pas être écartée. 12. Les critères généraux pour la protection et la gestion sont également applicables aux paysages culturels. Il est également important de porter une attention particulière aux valeurs culturelles et naturelles des paysages concernés et de préparer les propositions d’inscription en collaboration et en complet accord avec les communautés locales.
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DES DOSSIERS D’INSCRIPTION SUR LA LISTE DU PATRIMOINE MONDIAL
JURIDICTION DE SAINT-ÉMILION (1999)
Gestion '""
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13. L’existence d’une catégorie de « paysage culturel », incluse dans la Liste du patrimoine mondial sur la base du critère défini au paragraphe 77 des Orientations, n’exclut pas la possibilité de continuer à inscrire des biens d’importance exceptionnelle selon des critères naturels aussi bien que culturels (voir la définition des biens mixtes décrite au paragraphe 46). Dans de tels cas, leur valeur universelle exceptionnelle doit être justifiée dans les deux catégories de critères.
4.
1.
Identification du Bien
1.a. Pays 1.b. État, province ou région 1.c. Nom du bien 1.d. Localisation précise sur la carte 1.e. Cartes indiquant les limites de la zone proposée pour l’inscription et celles de la zone tampon 1.f. Surface du site proposé pour l’inscription.
2.
Justification de l’inscription
Déclaration de valeur Analyse comparative Authenticité/Intégrité Critères selon lesquels l’inscription est proposée
3.
Description
3.a. Description du bien 3.b. Historique et développement 3.c. Forme et date des documents les plus récents concernant le site 3.d. État actuel de conservation 3.e. Politiques et programmes relatifs à la mise en valeur et la promotion du bien
4.a. Droit de propriété 4.b. Statut juridique 4.c. Mesures de protection et moyens de mise en oeuvre 4.d. Organismes chargés de gestion 4.e. Échelon auquel s’effectue la gestion 4.f. Plans adoptés concernant le bien 4.g. Sources et niveaux de financement 4.h. Sources et compétences de formation en matière de technique de conservation et de gestion 4.i. Aménagements pour les visiteurs et statistiques les concernant 4.j. Plan de gestion du site et exposé des objectifs 4.h. Nombre d’employés
5. 5.a. 5.b. 5.c. 5.d. 5.e.
6.
Facteurs affectant le site Pressions dues au développement Contraintes liées à l’environnement Catastrophes naturelles et planification préalable Flux de visiteurs/touristes Nombre d’habitants à l’intérieur du site
Suivi
6.a. Indicateurs-clés pour mesurer l’état de conservation 6.b. Dispositions administratives pour le suivi du bien 6.c. Résultats des précédents exercices de soumission de rapport [...]
LES CLIMATS DU VIGNOBLE DE BOURGOGNE (2015)
5.f. Sources et niveaux de financement 5.g. Sources de compétences spécialisées et de formation en techniques de conservation et de gestion 5.h. Aménagements et infrastructures pour les visiteurs 5.i. Politiques et programmes concernant la mise en valeur et la promotion du Bien 5.j. Niveau de qualification des employés
1.
6. Suivi
Identification du Bien
1.a. Pays 1.b. État, province ou région 1.c. Nom du bien 1.d. Coordonnées géographiques à la seconde près 1.e. Cartes et plans indiquant les limites de la zone proposée pour l’inscription et celles de la zone tampon 1.f. Surface du Bien proposé à l’inscription (en hectares) et de la zone tampon proposée (en hectares)
2.
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[...]
Description
2.a. Description du bien 2.b. Historique et développement
3.
6.a. Indicateurs-clés pour mesurer l’état de conservation 6.b. Dispositions administratives pour le suivi du Bien 6.c. Résultats des précédents exercices de soumission de rapport
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Justification de l’inscription
3.1.a. Brève synthèse 3.1.b. Critères selon lesquels l’inscription est proposée et justification de l’inscription selon ces critères 3.1.c. Déclaration d’intégrité 3.1.d. Déclaration d’authenticité 3.1.e. Mesures de protection et de gestion requises 3.2. Analyse comparative 3.3. Projet de déclaration de Valeur Universelle Exceptionnelle
4. État de conservation du bien et facteurs affectant le Bien 4.a. État actuel de conservation 4.b. Facteurs affectant le Bien (I) Pressions dues au développement (II) Contraintes liées à l’environnement (III) Catastrophes naturelles et planification préalable (IV) Visite responsable des sites du Patrimoine mondial (V) Nombre d’habitants dans le périmètre du bien, dans la zone tampon
5. Protection et gestion du Bien 5.a. Droit de propriété 5.b. Classement de protection 5.c. Moyens d’application des mesures de protection 5.d. Plans actuels concernant la municipalité et la région où est situé le Bien proposé 5.e. Plan de gestion du Bien ou système de gestion documenté et exposé des objectifs de gestion pour le Bien proposé
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Source : Mairie de Saint-Émilion
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.D!D#D*)0' C< !$%+,-'#%/%"+ '"%
/$)*%//')0')/%H"1&+' ;C Libourne est une ville d’environ 24 000 habitants limitrophe de Saint-Émilion. Située entre trois sites classés (Blaye, Bordeaux, et Saint-Émilion), la ville de Libourne accueille chaque année grâce à sa navette fluviale 20 000 touristes sur le territoire. La ville met en place différents projets comme la requalification des quais ou la transformation de l’ESOG (l’école de gendarmerie) en hôtel de luxe afin de capter une partie du million de touristes visitant Saint-Émilion chaque année. Actuellement, Libourne propose 4 hôtels avec une capacité de 187 chambres. Or, l’offre hôtelière de Saint-Émilion est assez restreinte par rapport au nombre de touriste visitant le site.
« Depuis 2011, Libourne s’inscrit dans la dynamique d’une nouvelle filière touristique : la croisière fluviale. Le projet d’équipement du port participe au développement économique de la commune et se construit, en collaboration avec les communes limitrophes, la communauté d’agglomération du Libournais et le Grand SaintÉmilionnais. La vocation du Port de Libourne-SaintÉmilion est d’être la porte d’entre du territoire. »
Gabi Höper conseillère municipale déléguée du tourisme de Libourne.
Avec 40 millions d’euros d’investissements, l’entreprise Financière Vauban à le projet de transformer l’ancien site des casernes de 6 hectares en un grand complexe hôtelier de luxe d’ici 2019. Le projet serait composé : - Un hôtel de luxe 4 ou 5 étoiles Évolution démographique de la commune de - Deux autres hôtels 3 étoiles - Un centre dédié au vin ainsi qu’un pôle tertiaire *$+,-#)% d’accueil aux entreprises. 2008 24 395 hab - Un pôle événementiel. 2009 24 506 hab Des vignes seront également plantées afin de 2010 24 302 hab donner une image «connue» et de «prestige» de 2011 24 394 hab la France à l’étranger. 2012 24 395 hab Plus d’une centaine d’emplois devraient être crées 2013 24 567 hab avec ce projet.
Plan masse du projet de reconversion des casernes de Libourne. MAES architectes urbanistes
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+ Ce questionnaire m’a servi de grille d’entretien lors de mes enquêtes. Les questions pouvaient être différentes d’un témoignage à l’autre.
#$0$#')$D! Travaillez-vous à Saint-Émilion ? Depuis combien de temps ? Habitez-vous sur la commune ? Intra-muros ? Sinon où ? Quelles sont les motivations pour venir travailler à Saint-Émilion ? Comment est la vie du village en dehors de la saison touristique ? Est-ce que vous venez à Saint-Émilion en dehors du travail ? Quelle image vous faites-vous du paysage de Saint-Émilion ? Pouvez vous décrire votre paysage quotidien ? Qu’est-ce qui vous plaît à Saint-Émilion ? Quelles sont vos motivations pour y habiter ? Quel est votre moment préféré de l’année ? Journée ? Pourquoi ? Qu’est ce qui vous plaît moins ? Êtes vous investit dans la vie du village ? Pensez vous que La mise en vitrine de la ville a transformé la vie des habitants du village ? Comment ? Y a t-il une redéfinition des pratiques quotidiennes ? Quelles expériences paysagères participent à la construction de votre paysage quotidien ? Comment vos activités quotidiennes s’adaptent à la venue des touristes ? Qu’est ce qui représente le paysage exceptionnel de Saint-Émilion ?
E NVIRON 45 ANS B URALISTE AU CAFÉ DE S AINT -É MILION N E RÉSIDE PAS SUR LA COMMUNE
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adame A. travaille à Saint-Émilion depuis un an et demi. Elle est originaire de la région parisienne, et vit maintenant dans le Sud Ouest depuis 7 ans. Elle ne réside pas sur la commune, en partie en raison des prix, et notamment à cause de l’afflux touristique. Elle préfère la tranquillité de la « campagne ». Ce fut un hasard pour elle d’être amenée à travailler sur Saint-Émilion. Elle n’y vient jamais durant son temps libre et porte un regard très négatif sur la ville : pour elle le paysage de Saint-Émilion « c’est du business ». Elle n’a pas souhaité me décrire son paysage quotidien.
« Vous voulez aller au marché ? C’est seulement le dimanche et c’est un tout petit marché, il ne faut pas s’attendre à quelque chose de sensationnel. » Selon elle, il n’y aurait que 100 à 150 personnes qui résident à Saint-Émilion intramuros. La ville est morte hors saison : « Il n’y a pas un chat, on dirait une ville fantôme. » Lorsque je lui demande alors ce qui fait vivre les Saint-Émilionnais, la buraliste me répond sans aucune hésitation, qu’il s’agit de son café. « Il est le seul ouvert toute l’année, mis à part ça, il n’y a que des boutiques de vin. Auparavant il y avait un autre bureau de tabac, des commerces... Maintenant il n’y a plus que nous. »
#"+!%'1&)OD E NVIRON 60 ANS , V IGNERON P ROPRIÉTAIRE DU M ANOIR P RÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ D ’ ARCHÉOLOGIE
G ALHAUD
D ’ HISTOIRE
ET ET
Monsieur K. travaille et réside à Saint-Émilion depuis toujours.
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rester figé dans le temps. » « C’est tout de même très agréable de vivre à Saint-Émilion. Effectivement on a quelques nuisances l’été avec le flux touristique mais ce n’est pas désagréable, loin de là ! Tout le monde voudrait avoir ce cadre de vie. Vivre au milieu de monuments comme ça... C’est magique comme espace. C’est un cadre génial que l’on a envie de faire partager à ses amis, ses invités... Il n’y a pas d’autres villages comme celui-ci dans tout le Bordelais. »
ous savez qu’il n’y a plus grand monde qui habite le centre bourg de SaintÉmilion, il doit rester 150 habitants à peine... Il y a de moins en moins de résidents à l’année, il reste notamment des gens âgés et pour eux ce n’est pas facile de crapahuter dans le village. Il y a aussi de moins en moins de commerçants. La municipalité a mis à disposition des locaux à côté du stade pour qu’un boucher et un autre commerçant puissent s’implanter. »
Le tourisme, malgré les nuisances, fait vivre ce village. Il permet de générer de quoi l’entretenir, tout comme les commerces de vin qui rapportent également des taxes pour la commune. Le côté réception se développe également, (chambres d’hôtes etc.), mais davantage dans les châteaux qu’intra-muros où la capacité hôtelière reste très limitée.
Monsieur K. explique que le dépeuplement du village est en partie dû à une erreur de la municipalité. Auparavant, les propriétaires de commerces vivaient au-dessus de leur magasin. Lorsque les propriétaires des lieux sont partis du village, des restaurants en location se sont installés au RDC. Les propriétaires ont fini par vendre le fond de commerce pour s’installer à la campagne. Cependant, aujourd’hui dans un grand nombre de bâtiments, il est impossible d’accéder au logement au R+1 sans traverser le commerce au RDC.
« Beaucoup de couples veulent se marier à Saint-Émilion alors qu’ils ne vivent pas ici. Avec le traiteur, le château, le coût total peut avoisiner les 30 000 euros ! Alors le curé prend un pourcentage pour marier les couples qui ne viennent pas de la région. »
« Avant le village était très animé ! Le marché aujourd’hui, par exemple, c’est seulement le dimanche matin, avec 4 ou 5 commerçants. Le mercredi il n’y a plus rien. Les gens préfèrent aller à Libourne. » En 20 ans le paysage s’est transformé. Les habitants ont pu voir leur environnement s’améliorer. « Évidemment qu’ils aiment leur village. Les visites permettent de faire vivre ce patrimoine ; il vit, il ne faut pas seulement
« Les gens viennent passer la journée à SaintÉmilion mais il est rare qu’ils restent. »
Des manifestations régulières ont lieu quasiment tout les week-ends jusqu’en novembre, tel que le « festival de jazz » ou « Philosophia ». Les habitants y participent, et beaucoup de bénévoles et associations se mobilisent afin d’assurer la bonne logistique des événements. « Le problème est de s’installer à SaintÉmilion pour des jeunes : il y a beaucoup de maisons vétustes. La moindre petite maison en ruine coûte 500 000 euros et puis après les monuments historiques viennent mettre leur nez dedans. Du coup on ne peut pas faire grand-chose : pour changer une pierre ou une tuile ça coûte cher ! Les jeunes qui peuvent s’installer sont les fils de propriétaires, mais la plupart préfèrent être ailleurs. »
« Il n’y a rien ici ! Je vois ceux qui travaillent dans la restauration ou comme ça... Ils s’emmerdent les jeunes ! On n’est pas à Bordeaux. Même si vous avez travaillé toute la journée et que vous voulez sortir, il y a rien à faire le soir ! Si on n’a pas de voiture on est assez prisonnier, pour la jeunesse ce n’est pas évident. »
Avant il y avait des commerces, deux bureaux de tabac, maintenant il y a du vin partout. Le paysage quotidien je ne le vois plus. » Monsieur H. ne participe plus aux activités proposées à Saint-Émilion.
« Chez les vignerons le renouvellement est assuré, les jeunes ne sont pas fous. Ceux qui ont les pieds dans une propriété sont très chanceux ! L’image de marque de SaintÉmilion attire les jeunes. Ils viennent du monde entier : à Lourdes on vend de l’eau, à Saint-Émilion on vend du vin. »
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« L’hiver est un peu plus creux mais je m’occupe de la société d’histoire et d’archéologie une association de 140 adhérents : à partir du 4 novembre je fais tous les mois une conférence. Cela attire une centaine de personnes. »
#"+!%'1&)4D) E NVIRON 50 ANS E MPLOYÉ AUX SERVICES H ABITANT INTRA - MUROS
DE LA VILLE
Monsieur H. habite dans le village intra-muros depuis toujours et y travaille depuis 1989.
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orsque je lui ai dit que je faisais des études d’architecture, il a tout de suite voulu me faire partager l’histoire de son village en me montrant différents monuments et belles maisons. Cependant aujourd’hui pour lui le village se meurt. « Il n’y a plus personne, au marché il y a quatre pelés. En hiver le centre-ville est un désert contrairement au reste de la commune. » Il est assez résigné face à la situation. Et selon lui il n’y aurait plus rien à faire notamment pour les logements vacants. « Il n’y a pas plus d’une centaine de personnes dans le bourg.
E NVIRON 40 ANS S AISONNIER À L ’ AUBERGE DE LA COMMANDERIE N E RÉSIDE PAS SUR LA COMMUNE
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onsieur W. travaille de manière saisonnière 10 mois dans l’année à SaintÉmilion depuis 3 ans. Il n’habite pas dans la commune mais à Coutras, à 15 minutes en voiture. Il est originaire de Calais et cela fait 4 ans qu’il est arrivé dans la région. Il est venu ici c’est essentiellement pour le travail et la grosse saison : il travaille durant 10 mois puis il touche un mois de congés payés et un mois de chômage. L’auberge est fermée de décembre à janvier. À cause de son travail très routinier, selon lui, il n’a beaucoup pris le temps de visiter le village mis à part pour informer les clients. Il reconnaît que le paysage est très beau mais que l’étincelle du début s’est transformée en routine. Il ne vient pas non plus dans le village pour durant son temps libre. Ce qu’il voit tous les jours ce sont les vignes. Son moment préféré de la journée ? « La débauche ! ». Il déteste l’été car il y a beaucoup trop de monde et il y fait beaucoup trop chaud. Il préfère l’hiver à la fois pour les températures et la tranquillité. Malgré la renommée de Saint-Émilion, il y a une offre hôtelière assez faible dans le village (6 en totalité). « Hier on avait que 6 chambres de prévues, et dans l’après-midi 11 chambres supplémentaires ont été réservées, on frôle les 100 % d’occupation même en arrière-
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saison. J’ai déjà travaillé au Touquet-ParisPlage où là c’était beaucoup plus dur pour remplir ! » « L’afflux touristique de Saint-Émilion devient une routine, les mêmes moments, les mêmes endroits, les mêmes discours... Le cadre de vie et splendide, on est émerveillé les premiers mois avant de s’installer dans une routine, mais c’est une routine qui n’est pas déplaisante. »
#"+!%'1&)2D) E NVIRON 45 ANS V IGNERON N E RÉSIDE PAS SUR
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LA COMMUNE
onsieur C. ne réside pas à Saint-Émilion mais y travaille depuis 17 ans. Il a construit sa maison en Charente à 50 km où travaille sa femme et ne souhaite donc pas venir vivre à Saint-Émilion. Il regrette le fait qu’il y ai peu de monde dans le village notamment en hiver malgré le cadre agréable. En dehors des saisons touristiques le village est très tranquille : il parait vide. « Heureusement il y a de l’animation avec des événements le week-end. » Les maisons ont été achetées par quelques grands propriétaires et beaucoup se délabrent. Ce n’est pas commode d’habiter dans le village, la plupart des maisons n’ont pas de garage et tous les stationnements sont payants. « Les anciens du village meurent et personne ne les remplace mis à part quelques chambres d’hôtes. » « On se connaît tous de nom entre viticulteurs mais après on ne se parle pas tous. Il y a un peu de tout, du petit propriétaire au très “ bling bling ”, ce sont les grands noms. Je ne saurais pas vous décrire ce qui me plaît à Saint-Émilion, ... On va dire le cadre. »
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E NVIRON 50 ANS , S ECRÉTAIRE À LA MAIRIE H ABITANTE EXTRAMUROS
E NVIRON 40 ANS A RCHITECTE À S T É MILION H ABITANTE EXTRAMUROS
DEPUIS
1979
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lle est venue s’installer sur la commune suite à la vente d’un terrain. « Le cadre de vie est quand même bien quoi qu’on en dise. N’habitant pas le bourg, je n’ai pas les inconvénients que peuvent rencontrer les habitants de la cité. Je reviens le week-end me promener. Éventuellement j’essaie de ne pas venir les périodes où il y a le plus de monde comme en août. » « Les associations sont nombreuses dans la commune et fonctionnent bien. Elles font vivre le village. Il a bien changé depuis les années 1980 : avant il y avait trois bouchers, quatre épiceries...En 5 ans tout a bougé. Au recensement de 2015 normalement il y aurait sur la commune 1994 habitants. Monsieur le maire parle de 211 habitants intra-muros. Vers Libourne, sur ce qu’on appelle la “ route du milieu ”, il y a trois lotissements qui se sont construits entre les années 1970 et 1990. On trouve également 80 pavillons en location avant le menhir de Saint-Sulpice. Je pense que beaucoup de personnes voudraient venir pour le cadre de Saint-Émilion mais ne peuvent pas s’installer à cause des prix : acheter une maison puis la rénover, ça a un coût. Il y a aussi une baisse de population dans la campagne mais on en parle moins : les maisons destinées aux travailleurs saisonniers dans les grandes propriétés sont vendues ou transformés pour agrandir les propriétés. » « On trouve aussi une école maternelle publique, une privée, et une école primaire sur la commune. Les enfants n’habitent pas forcément Saint-Émilion, mais les parents travaillent dans la Juridiction. »
#"+!%'1&)*D) E NVIRON 40 ANS I NGÉNIEUR BOIS L EUR FILLE EST SCOLARISÉE H ABITANT EXTRAMUROS
À
S AINT -É MILION
Monsieur et Madame V. habitent sur la commune dans la « campagne ». Grâce à une opportunité professionnelle, ils travaillent tous les deux sur la commune de SaintÉmilion depuis 2007.
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e commence par expliquer ma démarche et mon thème de recherche au couple : comment se sent-on lorsqu’on vit à SaintÉmilion : « Vivre dans un musée en somme ? » (rires) (Monsieur V.) « Nous habitions à Bordeaux et Madame V. travaillait à Libourne moi j’étais conducteur de travaux sur le Grand Sud-Ouest, nous nous sommes donc rapprochés de Libourne. » La plupart des habitants de la commune vivent dans la campagne. « Il y a beaucoup de hameaux et de petites maisons de vignerons et des zones de lotissement le long de la route du milieu. En achetant ici, nous étions sûrs qu’il n’y aurait pas de nouveaux lotissements en face de chez nous. La population vieillit et il y a très peu de terrains à la vente, souvent les enfants veulent vendre pour en finir avec la location. C’est de cette manière que nous avons acheté notre maison. » « En ce moment nous travaillons sur une maison de vignerons dans la commune afin de la transformer en habitation. Aujourd’hui la maison est abandonnée et le nouveau propriétaire veut la restaurer. Le projet se pose notamment par rapport à la
réglementation existante. Il faut jongler entre le POS qui est appliqué et l’AVAP (Aire de Valorisation de l’architecture et du Paysage) récemment approuvée au mois de juillet. Il faut être patient à Saint-Émilion : cela demande beaucoup d’énergie pour restaurer un logement, on est loin de pouvoir faire ce qu’on veut. Nous travaillons aussi sur la transformation d’un chai à barrique et d’un cuvier avec une partie classée en exploitation viticole qui deviendront des habitations. » « Je ne sais pas si on vient à Saint-Émilion pour Saint-Émilion. Je pense surtout que c’est le travail qui attire, la proximité avec Libourne. L’ancien attire et le décor attire aussi. » (Monsieur V.) « Il commence a y avoir un problème de pesticides qui inquiète pas mal de monde. Nicolas Hulot est venu faire une conférence il y a quelques mois. » (Madame V.) Madame V. est assez préoccupée par les questions de santé liées à la pratique de la viticulture. « Moi au début j’étais dans la contemplation, je trouvais le paysage très joli, je faisais des expositions pour me renseigner... Mais depuis un an parfois je me demande à quoi ça sert d’avoir un paysage si glacé quand on sait qu’il y a des questions de santé derrière... Ce serait peut-être à l’UNESCO de faire quelque chose. Être un peu plus critique sur le sujet et s’ouvrir un peu plus au sujet de la santé des habitants, ne pas parler que de beauté ou de paysage façonné par l’Homme. Trouver une appellation un peu plus large à ce niveau-là. On est un peu esclave de celle-ci. » « Des initiatives sont faites petit à petit, on voit des haies ou des fleurs pour attirer les abeilles (ruches de Cheval Blanc). Les classes de l’école sont invitées à participer et à découvrir. Une sensibilisation a lieu à l’école avec pas mal de sorties. Les enfants participent aux vendanges... Pour apprendre à protéger l’environnement. Les enfants sont bien conscients de leur territoire et de la culture autour du vin, (musées, patrimoine, expositions...). Avec l’ordre des architectes et les enfants nous avons participé pendant trois
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ans aux portes ouvertes. Nous avons visité l’année dernière le château “ La Dominique ” pour faire des dessins sur le vif à l’aquarelle et observer l’architecture contemporaine. Nous avons également visité le chai Villemaurine : les enfants avaient énormément de connaissances. » « La semaine dernière nous sommes allés a des vendanges et nous avons mangé un pain qui était fait grâce aux champs de blés de deux châteaux, avec l’aide d’un boulanger qui produit un pain bio ». « Saint-Émilion reste une ville-musée très touristique. Cependant cela est nécessaire pour la vie du village et la renommée de ces vins. C’est du coup plus compliqué pour vivre intra-muros : c’est cher, et c’est beaucoup de contraintes. Parfois ça me fait penser aux problèmes qu’on peut rencontrer à Paris. »
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« C’est presque un luxe de travailler ici au centre-ville, après on le sait, ce sont les données de départ. L’année dernière pendant la période touristique nous avons eu plus d’étrangers qui ont franchi la porte de l’agence que de français. Il y a toujours cette barrière avec l’architecte. C’était des moments d’échanges sympathiques. Au quotidien, il s’agit essentiellement de fournisseurs qui viennent vendre leurs produits. Il y a toujours du monde à Saint-Émilion même en hiver. En revanche la commune ne vit que la journée. » Pour Madame V. la vie est peut-être plus sympathique autour de l’école. Leur vie est rythmée par celle de leur fille. L’association des parents d’élèves, très active, permet d’avoir de belles sorties. Monsieur V. pratique le jogging le week-end, et aime bien les paysages vallonnés autour de Saint-Émilion. « On découvre toujours des petits sentiers, des petites maisons de vignerons, des petits bois, c’est vraiment agréable. Il y a un petit village qui s’appelle Parsac (près de Montagne) qui n’est pas sur la commune et qui est vraiment joli. Sinon j’adore les Journées Portes Ouvertes des châteaux début mai. C’est là où
on voit vraiment tout le savoir-faire autour du vin. Tous ces beaux paysages que l’on voit façonnés, on retrouve un peu cet esprit dans les chais, dans l’architecture. Tout est harmonieux. Profiter de la pierre, des vignes tracées aux cordeau... » (Monsieur V.) « Mes moments préférés sont quand je me balade avec ma fille, elle est encore pleine de curiosité. Cette année quand il a fait très chaud on s’est rafraîchi dans une fontaine... Ce sont de tels moments que j’aime. » (Madame V.)
#"+!%'1&)HD! E NVIRON 35 ANS R ESTAURATEUR H ABITANT INTRA - MUROS
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onsieur B. travaille à Saint-Émilion depuis 3 ans et habite intra-muros, face à son restaurant. Il travaillait déjà dans la restauration avant d’arriver dans la commune et les opportunités professionnelles l’ont incité à venir s’installer dans le village. En effet, pendant la saison touristique le travail est intense et l’emploi est assuré. Jusqu’au 15 novembre environ les 9/10 des restaurants sont ouverts tous les jours. Cette année il va essayer de tenir le restaurant ouvert jusqu’en janvier pour recommencer à travailler début mars. « Les loyers ne sont pas si chers que ça, il y a deux ou trois endroits prévus spécialement pour les locations saisonnières. » Il ne pratique pas d’activités particulières en dehors du travail à Saint-Émilion. « Le plus agaçant c’est les voitures garées sur les pavés. » Il trouve que Saint-Émilion est un joli village, agréable et vivant comme cadre de travail. « J’apprécie le patrimoine de Saint-Émilion, j’ai encore plaisir à me balader dans le village et découvrir de nouveaux endroits... Profiter du paysage. C’est un joli village en pierre où il fait bon de vivre et pour l’instant j’y suis très heureux. »
#$0$#')!D L IBRAIRE E NVIRON 55 ANS R ÉSIDENTE EXTRAMUROS
#$0$#'),D) E NVIRON 72 ANS T ANTE DE M ADAME S. R ETRAITÉE R ÉSIDENTE INTRA - MUROS
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outes les deux aiment beaucoup leur village, Madame T. vit ici depuis 40 ans et ne voudrait pas changer de lieu de vie. Cependant selon elle à l’âge de 72 elle fait partie des plus jeunes résidents intra-muros. Madame S. vit sur la commune mais dans la campagne. Lorsque je demande à Madame S. comment elle vit dans ce paysage exceptionnel, elle me répond : « On n’y vit plus, le village se vide, il ne reste que 170 habitants ». « En revanche on y voit des choses extraordinaires, comme des Japonais dans des énormes voitures avec chauffeur ». « Le village est sale ». « Le village est difficilement praticable en voiture, sans place pour se garer, des loyers chers, aucun ascenseur... ». (Madame T.) « Les écoles sont remplies avec des enfants qui font partie du grand Saint-Émilion. Les jeunes couples ne peuvent pas se loger, les loyers sont chers, les maisons malcommodes et très anciennes ». (Madame T.) « Si vous voulez vraiment faire de la belle rénovation c’est difficile. Il y a énormément de contraintes imposées par des gens qui n’ont jamais vécu et qui ne vivront jamais dans un site classé. Ici c’est flagrant. Certains obtiennent des privilèges que d’autres
n’obtiennent pas (exemple des velux). Un inconvénient est aussi que les architectes des bâtiments de France changent relativement souvent et chacun essaie de laisser une trace plus ou moins heureuse. » (Madame T.) « Quand on voit le Château La Croisille qui est sur le grand Saint-Émilionnais... Même quand on voit ce qu’a fait l’architecte Jean Nouvel... C’est beau ce qu’il a fait en soi, ce sont des beaux matériaux, mais moi je trouve que c’est une insulte au paysage. Par exemple vous allez en bas depuis la route de Bergerac, vous avez quelque chose dont personne ne parle et qui est flagrant : à gauche vous voyez des chemins sinueux des murs bien faits. Tout est bien organisé, c’est beau, il y a des chemins empierrés, il y a de très beaux paysages. Puis vous voyez à droite, à Pavie, c’est un vrai paysage déchiré. C’est affreux. Le paysage est esquinté de ce coté là et personne n’en parle. Ce sont des grands vignobles prestigieux des deux côtés donc ce n’est pas une question d’argent. L’argent peut faire faire aussi beaucoup de conneries. » « Au Château La Croisille : le vallon du côté du Château Tertre Rôteboeuf est ravissant, mais tout d’un coup il y a ce machin énorme orange et gris. C’est quand même un architecte qui a autorisé cela ! On se demande qu’est ce qui s’est passé ? Ce n’est pas possible ! Alors que intra-muros quand vous voulez changer une couleur de volet on vient vous embêter. » (Madame S.) « Au clos Badette sur la route de SaintChristophe, il y a toujours eu une très belle maison du XVIIe siècle. Elle était petite et on ne la voyait pas bien, mais elle a fini par être rachetée. Les nouveaux propriétaires ont construit des chais. Pour moi c’est un véritable modèle d’intégration au paysage. Pas un modèle d’architecture parce que c’est hyper classique et pas très novateur mais je trouve que c’est exceptionnel. » (Madame T.) « Moi j’ai un commerce qui ne paye pas de mine. Toute l’année des gens rentrent en demandant si je connais un endroit où on
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peut acheter du vin sans se faire arnaquer. Aujourd’hui dans les grandes propriétés souvent ce n’est pas le propriétaire qu’on voit mais des communicants. L’échelle est différente. Il n’y a pas de périodes non touristiques à Saint-Émilion. Le bas de la ville est mort en hiver mais le haut est ouvert. » (Madame S.) « À côté de chez moi il y a trois banques on se croirait sur les champs Élysées. Un commerce classique ne peut pas vivre correctement à l’année ici. » (Madame T.) Madame T. pense qu’il faudrait repenser tout Saint-Émilion avec l’aide d’urbanistes. « Il n’y a qu’un type de commerce. »
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« Intra-muros il n’y a plus de commerces. Nous avions connu un centre bourg attractif avec 3 ou 4 épiceries. Aujourd’hui les gens qui habitaient le centre ne se sont pas renouvelés. Des résidents “ historiques ”, il n’en reste plus beaucoup. Les jeunes ne sont plus attirés par Saint-Émilion. Dans les HLM (18 logements Gironde Habitat 1969) de la cité Villemaurine, il n’y a pas de jeunes. Dans les zones périphériques du village souvent limitrophes de Libourne nous sommes toujours à Saint-Émilion mais nous ne connaissons plus les habitants, ils ne se rendent jamais dans le centre. » (Madame T.) « Certains élus qui ne vivent pas à SaintÉmilion. On ne les voit jamais dans les commerces, on ne les voit pas à l’Église on ne les voit pas dans les bistros... ». (Madame S.) Elle note aussi une insuffisance de desserte des transports en commun. Lorsqu’on habite à Saint-Émilion, il est obligatoire de posséder une voiture ne serait-ce que pour pouvoir faire les courses. « Lorsque ma fille était jeune, je passais ma vie dans la voiture pour l’amener à Bordeaux ou à Libourne. » (Madame S.)
« Pour garer les voitures on paye à l’année sans avoir la garantie de trouver une place » Madame S. ne sort pas dans Saint-Émilion pour le loisir, elle préfère la grande ville et résider dans le cadre exceptionnel de SaintÉmilion. Il y a des événements culturels comme « Philosophia » ou le festival de Jazz mais la moyenne d’âge des participants est assez élevée. « J’y suis revenue et j’y travaille c’est une chance. En revanche je n’aimerais pas habiter intra-muros avec des touristes qui passent sans arrêt devant la porte. »
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Monsieur A. travaille à Saint-Émilion depuis 27 ans et Monsieur Y. depuis 2 ans. Tous deux habitent dans la Juridiction mais pas sur Saint-Émilion même. Ils sont venus y travailler à par choix et par passion du vin.
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n aime travailler ce produit de qualité. » Ils sont conscients de travailler dans un paysage exceptionnel mais reconnaissent ne plus vraiment y faire attention. « Ce que je préfère, c’est le matin et le soir quand c’est calme. Hier encore on a eu un super coucher de soleil, c’était magnifique ! On a de la chance, c’est nous qui avons la plus belle vue du village. » Monsieur A. Une des choses qu’ils apprécient le moins est le tourisme de masse avec les problèmes qui en découlent tels que les bus et voitures garés partout dans la cité. Pour Monsieur A., ce ne sont pas les touristes qui font vivre le village. Ils viennent avant tout pour la renommée du vin et ce n’est qu’une fois dans le village qu’ils découvrent le riche patrimoine de la commune. Cependant, le tourisme a apporté certaines améliorations très appréciables. « Il y a 20 ans, le village était beaucoup moins propre, il y avait des antennes télé partout, des maisons délabrées...Aujourd’hui le village est mieux entretenu. »
E NVIRON 70 ANS , C OMMERCIAL RETRAITÉ A RTISTE PEINTRE N E RÉSIDE PAS DANS LA
COMMUNE
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onsieur E. habite à Floirac et fait partie du collectif d’artiste la « promenade des arts ». Il se rend régulièrement à SaintÉmilion et y expose des peintures depuis dixsept ans. Il adore l’ambiance vivante de SaintÉmilion lié au va-et-vient des touristes, pour lui c’est comme un voyage. « Le cadre est magnifique, on rencontre un public du monde entier à Saint-Émilion : chinois, péruviens, australiens... Hors ceux de l’Afrique, il n’y a pas un pays qui ne soit pas représenté ». Monsieur E. me raconta quelques anecdotes à propos de ses rencontres variées qui lui permettaient par la même occasion de vendre quelques-unes de ses toiles. « Saint-Émilion est une ville beaucoup plus internationale qu’Arcachon où les touristes sont majoritairement européens. L’UNESCO est une marque ». Il porte un regard historique sur Saint-Émilion. Pour lui, vivre dans la cité serait comme vivre dans un millénaire de civilisation. « Il se passe quelque chose de spécial à SaintÉmilion. Les traditions vivent à travers la Jurade par exemple qui a lieu deux fois par an. » Cependant la ville s’éveille doucement, il n’y a jamais personne avant 10 heures du matin. Le centre-ville est peu peuplé, il doit rester maximum 190 habitants.
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'+,&',%'+!)%!!1!) ;= 01)/%*&' SOCIÉTÉ D’HISTOIRE ET D’ARCHÉOLOGIE DE SAINT-EMILION,+ Saint-Émilion au XXe siècle, Souvenirs – Histoire – Mémoires, La vie du village à travers les témoignages de ses habitants, Saint-Émilion"!Éd. Fanlac, 2014 Ces entretiens furent réalisés entre 2010 et 2013 sous l’initiative de la Société d’histoire et d’archéologie de Saint-Émilion afin de laisser une trace de ce que fut le village aux générations présentes, futures, ainsi que les personnes intéressées.
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N É EN 1923 M AIRE DE S AINT -É MILION V ITICULTEUR
N ÉE EN 1935 V ITICULTRICE C OUVENT DES JACOBINS
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DE
1970
À
1988
e vois d’un très mauvais œil les ventes exorbitantes qui se font depuis quelques années. Les vieilles familles disparaissent du paysage local peu à peu, mais le plus grave n’est pas là : ces ventes sont en train de changer radicalement le visage de Saint-Émilion. Quand je me promène, j’en suis arrivé à compter les châteaux qui sont encore entre les mains d’un Saint-Émilionnais : “ Celuici l’est, celui-ci ne l’est plus... ”. Le soir les propriétés ne sont plus éclairées comme elles le devraient, car les propriétaires ne sont plus des êtres humains mais des grands groupes financiers pour la plupart. J’ai l’impression que la vie est en train de quitter le terroir au profit de l’argent, et paradoxalement, par manque d’argent, puisque nombre d’héritiers ne peuvent pas payer les droits de succession ou leurs parts à leurs co-héritiers. » p.277
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aint-Émilion a de quoi montrer qu’il y a autre chose que le marketing. C’est à Saint-Émilion que j’ai tout appris, pas ailleurs, la tradition demande de garder les pieds dans la réalité du terroir. Par dessus tout, je pense qu’un bon vin ressemble à celui qui le fait, l’amateur de vin doit retrouver le viticulteur au fond de son verre, le voir par transparence. Il y a une part de rêve dans le vin, il a une vie, une histoire, et j’aime bien que mon vin ait le goût de raisin : il n’y a ni fruits exotiques, ni sous-bois chez moi. J’aime que les clients prennent rendez-vous pour goûter et prendre le temps de le faire, j’aime qu’ils soient aussi spontanés qu’un gamin devant une nouvelle personne : on lui plaît et il vient vers nous, ou il tourne les talons sans nous regarder. [...] Ce que j’aimerais pour SaintÉmilion aujourd’hui. Un peu plus d’humilité et d’amour. » p.278
#"+!%'1&).$,&%2O):1+', P RÉSIDENT DE L ’ OFFICE DE TOURISME DE S AINT É MILION DE 1987 À 2007 A NCIEN MEMBRE DU CONSEIL MUNICIPAL D ÉTENTEUR D ’ UN VIGNOBLE
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e XXIe siècle s’est ouvert avec le classement des paysages de la Juridiction au Patrimoine Mondial de l’UNESCO en 1999, la création du site internet de l’office de tourisme, et la création de la Communauté des Communes qui est devenue organisme de tutelle de l’Office de Tourisme qui était la Mairie jusque là. Par deux fois, nous avons présenté un dossier en vue de l’obtention du label “ Pays d’Art et d’Histoire. ” [...] L’office du tourisme a acquis une autonomie financière incontestable. Les visites guidées ont toujours été le poste le plus important en terme de chiffre et celui qui s’équilibrait car c’est le secteur le plus subventionné. Mais nous avons abordé le XXIe siècle en élargissant considérablement l’offre touristique et en nous mettant au goût du jour. On s’était aperçu que le public du troisième âge avait diminué, d’une part à cause de la difficulté pour se déplacer dans les rues et d’autre part parce que le moindre repas était devenu trop cher. Nous avons donc développé l’offre en direction d’une autre clientèle de groupes. En effet, le Ministère du Tourisme avait prévu que les Offices de Tourisme pouvaient obtenir selon certaines conditions une autorisation pour faire un réceptif sur leur territoire de compétences. On s’est engouffré dans ce type d’offre. La Mairie a joué le jeu et s’est portée garant les premières années. On a acheté beaucoup de nuitées aux hôteliers, de repas aux restaurateurs, et de visites aux viticulteurs, ce qui a permis d’avoir un poids financier que nous n’hésitions pas à rappeler tous les ans en assemblée. On a aussi pu inciter les châteaux viticoles qui avaient des salles à les ouvrir pour des séminaires. Et pendant longtemps, les carrières de Villemaurine nous ont permis d’accueillir différents publics pour des soirées prestigieuses. Un partenariat avec les Offices de Tourisme de Bordeaux et d’Arcachon
nous a permis de promouvoir, sur les salons notamment, une distinction attractive en Gironde. Nous avons aussi toujours entretenu d’excellents rapports avec l’Office de Tourisme de Sarlat mais la distance nous a handicapés pour créer un réel flux à travers des produits packagés. Lorsque j’ai quitté mon poste en 2007, l’Office du Tourisme accueillait 100 000 visiteurs payants par an dans les monuments souterrains grâce aux visites guidées par des guides diplômés de l’Office du Tourisme. Auxquels s’ajoutaient en terme financier, les produits dérivés. Mais tout cela appartient à une autre histoire. » p.275 et 276
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ans les années 1970, l’Office du Tourisme employait une salariée permanente. Les visites étaient guidées de façon très artisanale par Madame Jourdan et sa fille qui faisait visiter le Monolithe et par Madame Labat qui s’occupait des catacombes et de la chapelle de l’Ermitage. Elles étaient rémunérées par les pièces que donnaient les touristes. Quand Pierre Berjal a pris la présidence, on a changé de dimension, je l’entends encore dire : “ On ne peut plus continuer à travailler ainsi ”. Quatre permanents ont été embauchés. Pour les saisons, on a pris des stagiaires de l’école de tourisme, on a commencé à établir des circuits, et à la fin des années 1970, Pierre Berjal a lancé les audio guides. Les gens se baladaient avec leur lecteur cassette dans la ville, ça a bien marché. Mais pas longtemps, on a cessé en 1981, le matériel était usé et nous n’avions pas le budget pour le remplacer. » p.271
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ierre Barjal s’est retiré au début des années 1980 ; pour céder sa place à Jacques Antoine Baugier, qui était directeur de la Cave Coopérative. L’équipe s’est alors renouvelée, et c’est à ce moment là, que je suis entré dans le bureau de l’Association en 1983. L’Office de Tourisme a pris un second virage. Le directeur, Robert Girardet, est parti, vite remplacé par Isabelle
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(ma future épouse), puis par Caroline Busson qui est restée jusqu’en 1992. De nombreux stagiaires sont venus animer les visites d’été. Notre Office de Tourisme a été l’un de ceux, sinon celui qui a le plus reçu de stagiaires. [...] C’est ainsi que j’ai été nommé président de l’Office de Tourisme de 1987 à 2007. J’ai pu suivre de très près la croissance et les changements vécu par l’Office de Tourisme et le tourisme. Les visites et la communication se sont professionnalisées pendant les années 1980. En 1987, l’Office de Tourisme avait cinq ou six permanents, en 2007 il en comprenait dix-sept. J’ai toujours connu l’Office de Tourisme ouvert toute l’année, parce que nous avons toujours reçu des touristes tout au long de l’année. Cependant la fréquentation a bien augmenté entre la fin des années 1970 et au milieu des années 1980. J’ai pu le constater parce que j’ai créé la Maison du Vin en 1976, et j’y suis revenu en 1982. J’ai donc pu voir sur place que les allées et venues de touristes avaient prodigieusement augmenté. Ceci était dû sans conteste à notre présence au sein des instances départementales et régionales, on faisait parler de Saint-Émilion dans les milieux du tourisme. Nous avons bénéficié de la communication que faisaient les professionnels du vin, communication qui a été importante pendant cette période grâce aux millésimes de 1982 et 1985 et grâce au centenaire du Syndicat Viticole, en 1984, qui pour l’occasion, avait organisé des animations très gaies, je me souviens de barriques jalonnant les rues de la ville. Je n’ai jamais revu cela. Nous avons dû nous organiser face à l’augmentation de l’activité touristique. J’ai notamment voulu très rapidement que nous ayons des guides diplômés, ce qui a été d’autant plus nécessaire quand l’Office du Tourisme a obtenu trois étoiles. Les recettes ont augmenté en conséquence, mais les dépenses aussi. L’Office de Tourisme est liée par une convention avec la Mairie depuis les années 1960, selon laquelle les Monuments, qui appartiennent à la commune, sont mis à disposition, à charge pour l’Office de Tourisme d’en organiser les visites et de verser un pourcentage sur les recettes perçues (ce
pourcentage qui est de 12 % depuis lors). Cette forme de loyer qui n’a jamais été remise en question, a permis de trouver un équilibre budgétaire chaque année. En effet, quand l’Office de Tourisme était déficitaire, la Mairie n’appelait pas la redevance, ce qui a permis d’équilibrer les comptes dans les périodes délicates. Ma position au Conseil Municipal m’a permis de fonctionner ainsi, même si j’ai toujours expliqué pourquoi l’Office de Tourisme avait besoin d’aide : pendant la période d’investissements et de travaux, cette aide a été précieuse et nécessaire. C’est en 1993 qu’un réel basculement en termes touristiques a eu lieu et que nous sommes passés à la vitesse supérieure. Nous avons engagé une jeune femme chargée de la communication en 1992, en la personne de Patricia Le Tertre. À partir de cette date, SaintÉmilion a été présent sur un grand nombre de manifestations extérieures, on est sorti de nos murs, et quand on ne pouvait pas se déplacer, on se faisait représenter par Bordeaux ou par le CDT sur les salons de France ou à l’étranger. Nous avons créé des “ produits touristiques ”, des “ packages ”. Cela, associé à la succession de bons millésimes durant la décennie des années 1990, a porté rapidement ses fruits. [...] Ma nouvelle (et relative) liberté par rapport à la Mairie a aidé à changer la situation : jusque là je ne m’étais pas senti très appuyé, on acceptait ce que je faisais mais il ne fallait pas qu’il y ait de grains de sable. La réorganisation administrative a aussi contribué à ce changement : l’Office de Tourisme dépendait désormais de la Communauté de Communes dès sa création en 2000, et non plus de la Mairie. Avec la CDC, je me suis senti entendu, nous avons pu repartir sur de bonnes bases, d’autant que Georges Bonnefon, son président, a commandé un audit qui a été favorable. J’ai pu alors envisager plus sereinement le projet des travaux de restauration du Doyenné. Le premier projet était de rétablir l’ouverture entre la maison de l’abbé (la Maison du Vin) et le Doyenné (l‘Office de Tourisme). Malheureusement pour la cohésion disparue de ces bâtiments, cela n’a pas pu se faire.
Par ailleurs, j’ai tenté de faire passer un projet d’aménagement des carrières situées sous l’Office de Tourisme et la Maison du Vin, projet qui avait été retenu par l’audit. Il tenait en deux objectifs : recevoir le public en sous-sol, et créer un Musée de la Pierre. L’espace aménageable se serait étendu sur 1500 mètres carrés. J’avais fais faire une étude de solidité, on pouvait encore creuser pour retrouver le niveau du sol puisqu’il y avait en moyenne un mètre de remblais. En effet, depuis les travaux des années 1960, on ne pouvait plus accéder aux carrières, car les entreprises y avaient jeté des remblais, et d’autre part les sanitaires de Plaisance s’y déversaient. » p.272,273,274
#"+!%'1&)$/$%+)24$#H'&, N É EN 1937 - D ÉCÉDÉ EN 2012 I NSTITUTEUR À S AINT -É MILION V ITICULTEUR
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ébastien Baret, notre secrétaire de Mairie, a accompagné l’architecte Ieoh Ming Pei, celui qui a conçu la Pyramide du Louvre, dans sa visite de SaintÉmilion. M. Pei a observé, scruté, arpenté, admiré la salle des Dominicains, puis la salle Gothique en s’exclamant abondamment : “ It’s wonderful, wonderful ”. Il semblait avoir découvert quelque chose. J’entends encore Sébastien regretter désespérément son manque de maîtrise de l’anglais, il n’a pas pu savoir pourquoi tant de wonderful et d’enthousiasme. Qu’avaient donc révélé les deux salles à M. Pei, quelle originalité, quelle astuce architecturale, quelle découverte avait-il faite ? » p.248
#"+!%'1&),4%'&&B)#$+"2"1&, N É EN 1917 - D ÉCÉDÉ EN 2010 V ITICULTEUR C HÂTEAU F IGEAC P REMIER J URAT DE 1964 À 1987
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a Jurade a été instituée, remise à l’honneur devrais-je dire, en 1948. Les Bordeaux se vendaient mal, et l’exemple de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin en Bourgogne, créée de toutes pièces en 1934, avait donné des idées aux trois Saint-Émilionnais qui sont à l’origine de cette idée : Jean Capdemourlin, Daniel Querre et Émile Prot. Le premier était directeur du Crédit Agricole, président du Syndicat Viticole et propriétaire du Château Cap de Mourlin, le second était un littéraire qui avait « fait son droit » et exerçait le métier de négociant en vins, il était également président des négociants en vins de Libourne ; quant à Émile Prot, qui était clerc de notaire, il connaissait bien les archives. C’est Daniel Querre, qui avait une certaine culture en histoire, qui a poussé Jean Capdemourlin et Émile Prot à se réunir dans le but de ressusciter la Jurade en la mettant au goût du jour. Elle était une assemblée provinciale qui portait le nom d’une Juridiction (en latin : jus, juris = le droit). Pour la première sortie de la Jurade, les Jurats devaient revêtir un costume dessiné par le tailleur de Saint-Émilion, sur les indications d’Émile Prot : ce dernier avait lu dans les archives que les robes des anciens Jurats étaient rouges et ornées d’étoffe blanche. Pour leur première sortie et leur premier défilé dans la ville, les nouveaux Jurats avaient peur de la réaction des Saint-Émilionnais : “ Que vont dire les gens ? ils vont rigoler, ils vont nous envoyer des tomates, etc. ”. Ces hommes faisaient partie de la jeunesse formée, et donc pas seulement instruite mais aussi éduquée, par l’abbé Bergey. Celui-ci était en rapport étroit avec les familles, c’était quelqu’un que tous respectaient. Il leur a dit : “ Ne craignez rien, votre première visite sera celle que vous ferez à l’église, on fera une célébration à cette occasion, je vous appuie, et vous verrez que personne ne prendra la
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chose comme vous le craignez. Vous avez l’assurance que l’Église vous soutient ”». p.264
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DE
1988
À
2001
’est mon voisin qui m’a coopté pour que j’entre à la Jurade. C’était en 1978. Pour être Jurat, il faut remplir certaines conditions. Il faut tout d’abord bien gérer son exploitation sans être obligatoirement propriétaire, puisque par exemple le gérant du Château Dassault est un des rares à ne pas être propriétaire. Il faut être respectable, avoir une certaine honorabilité, ce qui s’acquiert avec le temps, et avoir bon esprit. On entre par cooptation. Certains disent que c’est une association de copinage, c’est un peu vrai, mais il y a des Jurats de tous milieux. [...] » p.267
#"+!%'1&):'$+-#$&%')2$&&%//' N É EN 1939 V ITICULTEUR C HARBONNIER L IVREUR DE BOUTEILLES
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l y a des quartiers de Saint-Émilion qui tombent en ruine. Les balustres qui étaient sur la tour du Guetteur sont tombées suite à un acte de malveillance. Quand je me promène dans Saint-Émilion et que je vois le nombre de maisons en mauvais état, je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est dommage de ne pas pouvoir obliger les propriétaires à entretenir leur patrimoine. Certaines rues, telles la rue de la Porte Brunet, ressemblent à des champs de ruines. » p.281
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N ÉE EN 1925 H ABITANTE DU QUARTIER É POUSE D ’ UN MAÎTRE DE
N É EN 1921 V ITICULTEUR A GENT D ’ AFFAIRES
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DE LA
M ADELEINE
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n jour Madame Brac m’a dit que Saint-Émilion deviendrait un musée. Il n’y a pas une âme dans notre quartier du Panet, les maisons sont vides, les fêtes ont toujours les mêmes parcours, la rue Guadet, la rue de la Grande Fontaine... et les autres ? J’ai croisé des touristes qui n’étaient pas venus depuis 14 ans et qui m’ont dit être déçus par ce qu’ils voyaient : “ Comment faites-vous pour vous ravitailler ? Pourquoi toutes ces maisons sont-elles fermées... ? ”». p.284
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’avais huit ans quand le président Gaston Doumergue a survolé SaintÉmilion en ballon dirigeable, c’était en 1928 ou 1929. Il a survolé la région dans une sorte de ballon Zeppelin, allongé comme un ballon du rugby. Il y avait dans le même temps un rassemblement d’Anciens Combattants, plus de cinq cents personnes sont venues banqueter. » p.248
#$0$#')0'+%!')0$181', D ÉCÉDÉE EN 2012 H ABITANTE DU QUARTIER
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'$" DE LA PETITE FONTAINE
utrefois mon mari connaissait pratiquement tout le monde. J’avais des voisins de tous les côtés, on se parlait. Maintenant on ne se parle plus, beaucoup sont morts et personne ne les a remplacés, et leurs enfants sont partis. » p.281
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aint-Émilion était connu pour ses monuments avant d’être visité pour ses vins. Les premiers touristes ont été suffisamment nombreux pour que certains Saint-Émilionnais aient envie de faire visiter des monuments et s’organisent pour cela. » p.269
Depuis 1999, la Juridiction de Saint-Émilion est le premier vignoble classé au titre de « paysage culturel évolutif vivant en tant qu’œuvre conjugué entre le travail de l’Homme et la nature » sur la liste du patrimoine de l’humanité. La beauté indéniable du paysage, la majesté du patrimoine bâti font de la cité médiévale de Saint-Émilion « un joyau de pierre dans un écrin de verdure ». Cependant, l’inscription d’un site sur la liste de l’UNESCO, n’est pas anodine. La patrimonialisa on, surtout lorsqu’elle investi des territoires habités, interroge nécessairement les conséquences en terme de transformation de la vie quotidienne ainsi que les représentations que peuvent avoir les habitants qui vivent et pratiquent au quodien un paysage devenu « Valeur Excep onnelle Universelle ». À travers une démarche d’enquête, je m’interroge sur la manière dont se passe la cohabitation entre le paysage vitrine donné à voir aux touristes et le, ou les paysages quotidiens des personnes habitant le territoire.
Saint-Émilion ; Patrimoine ; UNESCO ; Paysage Vitrine ; Paysage quotidien ; Touriste ; Habitant ; Mise en tourisme ; Tourisme culturel ; Muséeification ; Image ; Représentations ;
02 - PAYSAGES QUOTIDIENS : DIFFÉRENTES MANIÈRES D’HABITER SAINT-ÉMILION
p.81
02.1- Vers la [re]construction d’un paysage intime p.82 02.2 - Le symptome des logements vacants p.87 02.2.1 - Structure et évolution de la population depuis l’inscription sur la liste p.87 du patrimoine mondial 02.2.2 - Un village fantôme p.89 02.2.3 - Non adaptation typomorphologique des logements p.91 02.2.6 - La difficulté de rénover les logements p.93 02.3 - Saint-Émilion face au tourisme de masse p.97 02.3.1 - Une inquiétude et un mécontentement palpable de la part des habitants p.99 intra-muros 02.3.2 - Un village scindé en deux : L’alternative de la vie à la campagne p.107 02.3.2.1 - Des vignes structurantes p.107 02.3.2.2 - Un village qui vit au rythme des saisons p.111
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CONCLUSION : L’ÉMERGENCE DE NOUVELLES FIGURES DANS LA RELATION ENTRE TOURISTE ET HABITANT
p.118
C.1 - Les dossiers de candidatures : des premiers pas peu assurés C.2 - Diversification de l’offre touristique C.3 - Sortir de l’opposition entre habitants et touristes ? C.4 - Le développement de la figure de l’habitant acteur : l’exemple des Greeters C.5 - Le développement de la figue du touriste acteur ou consom’acteur : les aspects positifs du tourisme durable à travers le territoire de Cinque terres en Italie.
p.118 p.121 p.122 p.127 p.129
ANNEXES BIBLIOGRAPHIE TABLE DES FIGURES
p.134 p.136 p.144
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REGARD SUR LE PATRIMOINE MONDIAL
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l y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde [...] ».
Victor Hugo 1832, « Guerre aux démolisseurs ! », dans Revue des deux mondes.
Le patrimoine est une notion connue de tous, très présente dans l’imaginaire commun. Une notion qui convoque nos émotions, nos souvenirs vis-à-vis d’un lieu, d’un monument... Elle est impalpable, omniprésente dans la culture française, à laquelle j’ai toujours été sensible. Avant de commencer mes études, la notion de patrimoine m’était familière. Ma sensibilité architecturale, faisait que je représentais le patrimoine essentiellement à travers le bâti : j’affectionnais particulièrement les lieux, les monuments, chargés d’histoire ainsi que l’esthétique particulière des bâtiments anciens. À mes yeux, cette notion symbolisait avant tout le passé, et possédait un caractère historique et symbolique fort, qui se concrétisait au travers des monuments historiques. Je suis toujours autant impressionnée par la puissance fédératrice du patrimoine en France. Cela peut se constater autour d’événements tels que les Journées Européennes du Patrimoine qui, chaque année, rassemblent une grande partie de la population. En 2016, 12 millions de personnes se sont rendues dans des lieux ouverts au public1 en France. 1 Ministère de la culture et de la communication, « Les Français, citoyens du patrimoine ! », Communiqué de presse, Paris, 2016.
Dans la ville dans laquelle j’ai fais mes études, Bordeaux, la question patrimoniale est au centre de nombreuses préoccupations. Elle touche à différents aspects de la fabrication de la ville (esthétique, urbanistique...), et aussi de la vie des citoyens (économique, social...). Le patrimoine représente une sorte de trait d’union entre les générations. Mon expérience d’étudiante en architecture m’a permis d’appréhender une notion plus diversifiée du patrimoine, englobant par exemple le paysage ou le patrimoine du XXe siècle. Désireuse d’en savoir plus, j’ai effectué un stage à l’Unité Départementale de l’Architecture et du Patrimoine (UDAP) des Pyrénées Atlantiques auprès d’un Architecte des Bâtiments de France (ABF). Depuis, mon regard sur la question du patrimoine a évolué. J’ai été confrontée à un grand nombre de réglementations plus ou moins précises, soumises à la subjectivité de leur administrateur (la plus part du temps l’ABF). Le public varié que j’ai pu rencontrer lors de ce stage (usagers, architectes, services urbains...), restait parfois dans l’incompréhension voire une relative hostilité vis-à-vis des questions patrimoniales. J’ai alors pu entrevoir le grand travail de médiation restant à faire auprès du public (avec les CAUE2 par exemple) concernant les questions de perception et compréhension de ce qui constitue et réprésente le patrimoine.
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Depuis les démolitions liées à la Révolution française, le patrimoine est une notion bien ancrée dans la culture française, tout en étant en constante évolution. Différents outils de protection se succédèrent jusqu’à la création en 1972 d’un label « patrimoine mondial » par l’UNESCO. Celui-ci permet la reconnaissance du caractère authentique et exceptionnel d’un bien pour l’humanité. Ces biens sont regroupés sur la liste du patrimoine mondial. Au nombre de 41, la France est le quatrième pays en nombre de biens sur la liste3. Actuellement le patrimoine UNESCO représente 1052 biens classés dans 165 états membres. Le patrimoine possède une grande force de ralliement, presque tous les pays du monde sont représentés. Je commençais à entrevoir les grandes différences d’actions et de pensées en jeu lors d’une intervention dans un lieu à caractère patrimonial, et mon avis était plutôt tranché. D’une part, je trouvais les instances liées à la protection du patrimoine nécessaires afin d’assurer la protection voire la valorisation de celui ci, et ainsi éviter une dégradation abusive. D’autre part je considérais les systèmes de protection comme souvent intransigeants et très peu capables de s’adapter aux constructions contemporaines (prônant la plupart du temps le pastiche), et entretenant une action paralysante sur les projets d’aménagement urbain. Il est possible de regrouper les différentes manières de concevoir la sauvegarde du patrimoine en deux niveaux simplifiés : la protection par la sanctuarisation du territoire, en opposition à une protection moins stricte vis-à-vis du renouvellement urbain ou rural. En fonction du site, du pays, de la culture en vigueur, chaque intervention nécessite de trouver sa place et de se positionner en fonction de ces différentes manières de faire. À titre d’exemple, certains territoires peuvent être proches géographiquement, mais traiter de manière différente la sauvegarde du patrimoine. La ville de Bordeaux va plutôt favoriser le renouvellement urbain dans le respect de l’ancien, tandis que la commune de Saint-Émilion appartient à la catégorie des territoires sanctuarisés.
De manière générale, la ville ancienne évoque à travers une figure muséale, le principe défensif du patrimoine alors qu’elle peut être interactive avec son environnement et ses besoins. Fabriquer la ville est de plus en plus complexe. Les urbanistes, paysagistes et architectes contemporains doivent composer avec l’héritage d’une mémoire omniprésente. Le patrimoine bâti pose toujours les mêmes questions : que doit-on conserver ? Que doit-on détruire ? S’agit-il de recréer la ville à l’identique ? Dans quelle mesure la liberté architecturale à sa place face à la protection du patrimoine ? Pourtant, loin d’être un frein à l’évolution et au développement des territoires, la mise en valeur du patrimoine est généralement un objectif commun à tous les acteurs. Elle constitue un moyen de donner une image positive d’un territoire et est souvent synonyme d’un cadre de vie agréable. Or, plus de 40 ans après la création du label UNESCO, certains constats sont inquiétants. L’obtention de ce label, assure involontairement un rayonnement touristique mondial et des retombées économiques conséquentes pour le patrimoine local. De part la labellisation, l’UNESCO confère une aura supplémentaire au patrimoine. Pour exemple, depuis son obtention en 2007, la fréquentation touristique de la ville de Bordeaux a augmenté de 50 %. Une course au label s’opère parmi les pays membres du comité de l’UNESCO et chaque année un grand nombre de biens est proposé à l’inscription. Le label UNESCO attire et constitue une composante de poids dans le tourisme mondial, mais également dans nos esprits. Il est fréquent de retrouver ce label mis en valeur dans les guides touristiques, sur les panneaux des villes, sur internet… Pour le grand public, l’UNESCO reste un label d’excellence qui consacre les trésors de l’humanité. Il ignore tout du processus complexe d’inscription d’un bien sur la liste du patrimoine mondial. Le fait d’inscrire la bière belge ou le carnaval de Granville sur la liste du patrimoine culturel immatériel suffit, dans l’imaginaire collectif, à les hisser à la hauteur des pyramides d’Égypte. Ce phénomène ne fait qu’enrichir la complexité de ce qui compose notre patrimoine, jusqu’à presque devenir ambiguë, voire, paradoxal. Quand tout devient patrimoine, peut-on donner véritablement un sens précis à cette notion ?4 De plus, ce « tout patrimonial »5 est source de profits importants. Le tourisme est l’un des moteurs principaux de l’économie actuelle, et les différents acteurs de l’État ainsi que des différents territoires locaux l’ont bien compris.
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Cette phrase du directeur de cabinet de Jacques Duhamel6 exprime parfaitement la marchandisation du patrimoine qui grandit de façon exponentielle depuis la création des labels UNESCO. La ville ancienne nous paraît comme menacée de disparition, mise au rang d’objet précieux qui devrait être sauvegardé dans un musée et mis hors du circuit de la vie et 4 AUDRERIE Dominique, La notion et la protection du patrimoine, Paris, Éd. Que sais je, Presses Universitaires de France, 1997, p.3. 5 2015.
2 Les CAUE (Conseil d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement) sont des structures de l’État sont des structures de l’État créées grâce à la loi du 3 janvier 1977. Leur rôle est de conseiller à la fois les particuliers, les collectivités locales, de former et informer les élus locaux, les services techniques, les professionnels, et de sensibiliser tous les publics même scolaires à l’architecture, l’urbanisme et le paysage. 3
La liste du patrimoine mondial : http://whc.UNESCO.org/fr/list/arb
e patrimoine est une richesse fossile gérable et exploitable comme du pétrole, il faut exploiter le patrimoine comme des parcs d’attractions. »
Terme utilisé par LOUBES Jean-Paul dans, Tourisme arme de destruction massive, Paris, Éd. du Sextant,
6 Jacques Duhamel était ministre de la culture de 1971 à 1973. La phrase citée fut prononcée par son directeur de cabinet de l’époque J. Rigaud, dans « Patrimoine, évolution culturelle », dans Monuments historiques, 5, 1978, p.4. Citation issue du livre : CHOAY Françoise, Le patrimoine en question : anthologie pour un combat, Paris, Éd. du seuil, 2009, p.XL.
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des usages. En m’appuyant sur les propos très critiques de Françoise Choay,7 « en devenant historique, la ville perd son historicité »8, je constate que la ville labellisée se tourne très généralement vers le tourisme jusqu’à devenir objet de consommation, de même manière que l’on va dans un musée. Ces lieux protégés peuvent être dénaturés par le besoin d’espace de ventes, de boutiques en tout genre, de points d’accueil, allant parfois jusqu’à la dégradation des sites (comme en Égypte avec la fermeture des tombeaux de la Vallée des rois), ou encore la dénaturation de leur symbolique première : la Cité interdite de Pékin qui fut interdite d’accès pendant 500 ans accueille aujourd’hui plus de 80 000 touristes par jour. Nous pouvons nous poser certaines questions quant aux candidatures de certains biens au label « Patrimoine Mondial ». Ce qu’il possible de qualifier dans certains cas de prostitution touristique lorsqu’on sait que le tourisme représente une source de revenus plus qu’essentielle pour les pays du Sud est en contradiction avec de nombreuses valeurs véhiculée par l’UNESCO comme la notion d’authenticité. De plus, cette notion peut être elle même en désaccord avec les traditions culturelles de certains pays. La notion d’authenticité reste très occidentale : il n’existe pas, dans certaines langues, de mot suffisamment précis permettant d’exprimer la notion d’authenticité selon les régions du monde. Le critère principal permettant l’inscription sur la liste du patrimoine mondial étant une notion qui n’est pas partagée par tous, remet en cause la notion d’universalité, ainsi que les spécificités de chaque culture et région du monde. Couplée avec le tourisme de masse, la labellisation UNESCO tend à uniformiser notre rapport au patrimoine et au tourisme. Elle conforte le système de globalisation et de mondialisation dans lequel nous baignons, tout en effaçant les spécificités de chacun.
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Je citerai pour finir les mots rassurants de Yves Michaud, « nous sommes tous contents d’être des touristes »9. Pour moi aussi, voyager reste un plaisir immense : j’espère qu’un jour, voyager se fera automatiquement dans le respect de l’autre et son environnement.
Figure 1 : Une journée au Mont-Saint-Michel.
7 Françoise Choay est historienne des théories et des formes urbaines et architecturales ainsi que professeur aux universités de Paris I et Paris-VIII. Après avoir expliqué dans son ouvrage, L’allégorie du patrimoine, Paris, Éd. du Seuil, 1999, comment la société est passée d’un culte des monuments, à un culte du patrimoine, elle dénonce dans, Le patrimoine en question : anthologie pour un combat, Paris, Éd. du seuil, 2009, certaines politiques liées à la patrimonialisation actuelle. Elle considère que c’est à la labellisation du patrimoine mondial donnée par l’UNESCO, que la marchandisation du patrimoine doit son développement exponentiel jusqu’à provoquer une dysneylandisation d’une grande partie des sites classés sur la liste du patrimoine mondial.++ 8
Ibid. L’allégorie du patrimoine, p.142.
9 Citation d’Yves Michaud, philosophe français, lue dans, LOUBES, Jean-Paul,+Tourisme : arme de destruction massive,!Clamecy, Éd, du Sextant, 2015.
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LA MISE EN TOURISME DE LA CITÉ DE SAINT-ÉMILION
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Ce sont sur ces notes plutôt critiques que j’ai décidé de m’intéresser au village classé UNESCO de Saint-Émilion, un territoire qui multiplie les protections. Saint-Émilion est une célèbre cité médiévale au cœur d’un immense territoire viticole situé en Gironde, à 45 minutes à l’Est de Bordeaux, délimité au Sud par la Dordogne et limitrophe de la commune de Libourne. Le territoire inscrit sur la liste du patrimoine mondial se déploie sur huit communes formant « La Juridiction de Saint-Émilion »10 : Saint-Christophe-des-Bardes, Saint-Émilion, Saint-Étienne-de-Lisse, SaintHippolyte, Saint-Laurent-des-Combes, Saint-Pey-d’Armens, Saint-Sulpice-deFaleyrens et Vignonet. Celle-ci fait partie, à plus large échelle, de la Communauté de Communes du Grand Saint-Émilionnais regroupant 22 communes. (Cf. Fiche d’identité de Saint-Émilion, p.16) Figure 2 : Localisation de Saint-Émilion 10 Le statut particulier de Juridiction a été accordé au territoire du Saint-Émilionnais au cours de la période du gouvernement anglais au XIIe siècle. La Juridiction est une entité spatiale correspondant au territoire d’action de la Jurade. En 1199, Jean sans Terre, roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine, accorda aux habitants le droit de constituer une commune avec « tous les privilèges et libres coutumes ». La cité put d’administrer grâce à une Jurade : un conseil citadin dont les attributions allaient de la Justice à la diplomatie, en passant par la police, la défense, etc. En 1289, Edouard premier signa un acte définissant les limites de la Juridiction regroupant plusieurs communes. Cette ancienne Juridiction est devenue par la suite l’aire de l’appellation viticole contrôlée « Saint-Émilion ». Pourtant ce n’est pas le territoire de l’actuelle Juridiction, ni celui de l’appellation viticole qui sont retenus, dans ce projet, pour former le site à inscrire. Il s’agit de la part jugée la plus « pittoresque » qui est sélectionnée. BRIFFAUD Serge, Représentations sociales des paysages et gouvernance locale. Le cas de la Juridiction de SaintÉmilion, paysage culturel du patrimoine mondial de l’humanité, Regards croisés entre la recherche et l’action, Girona et Perpignan, 2011.
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J’ai souhaité interroger le village de Saint-Émilion et son territoire viticole, classés au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1999, au titre de « paysage culturel évolutif vivant en tant qu’œuvre conjugué entre le travail de l’Homme et la nature11 ». Afin de pérenniser cette labellisation, plusieurs outils de gestion furent mis en place, au préalable, ou en parallèle, comme la définition d’un secteur sauvegardé depuis 1986, puis une Zone de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysager (ZPPAUP) regroupant les différentes communes de la Juridiction depuis 2007. Ce périmètre s’est transformé depuis peu en Aire de Valorisation Architecturale et Paysagère (AVAP).
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CRITÈRE (III) : « La Juridiction de Saint-Émilion est un exemple remarquable d’un paysage viticole historique qui a survécu intact et est en activité de nos jours. » CRITÈRE (IV) : « La Juridiction historique de Saint-Émilion illustre de manière exceptionnelle la culture intensive de la vigne à vin dans une région délimitée avec précision. » %62/,./,21*%/+%#*$,-+AVAP ; Secteur sauvegardé ; Paysage culturel UNESCO +*((3$/!, ./, )", 731#.#+%#*$, ./, !"#$%&'(#)#*$, 8%/11#%*#1/!, +)"!!'!9, -+ Saint-Christophe-des-Bardes, Saint-
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Saint-Émilion appartient à la Communauté de Communes du Grand Saint-Émilionnais : 22 communes, 15 265 habitants en 2011.
Le territoire de Saint-Émilion est d’autant plus complexe à appréhender du fait de sa renommée mondiale pour la qualité de son vin. Dans les vins de Bordeaux, l’appellation SaintÉmilion est certainement une des plus connue au monde par les touristes. La cité médiévale accueille chaque année plus d’un million de visiteurs mais reste derrière Bordeaux qui a attiré en 2015 six millions de touristes12. L’économie touristique est un des moteurs important de la Gironde classé premier territoire viticole touristique de France (4,3 millions de visiteurs par an). Plus particulièrement, les communes de Blaye, Bordeaux et Saint-Émilion attirent grâce à leur patrimoine inscrit sur la liste du patrimoine mondial : la Gironde compte le plus grand nombre de bâtiments protégés après Paris.13 C’est pourquoi, des territoires limitrophes tels que Libourne s’activent en diversifiant leur offre de logements touristiques afin de, eux aussi, profiter des retombées économiques touristiques pour revenir sur le devant de la scène14. Depuis les années 1990, la France est la première destination touristique mondiale. Environ 84,5 millions15 de touristes internationaux ont été accueillis en 2015, dont 30 millions à Paris, ville la plus visitée de France. En deuxième position, la ville de Lyon, profite de la réputation de capitale de la gastronomie française, suivie de Lourdes pour un tourisme quasiment exclusivement religieux. Dans la plus part des classements, Bordeaux16 et sa région viticole sont classées en 10e position. La Gironde est classée 7e département le plus visité par les français en 201417. L’attractivité touristique du département croit rapidement grâce à la hausse de la clientèle asiatique qui vient de plus en plus nombreuse : 22,7 % par rapport à l’année 2014. Le tourisme est un des vecteurs du marketing territorial français. En dehors de Paris, les villes moyennes bénéficiant d’une identité culturelle très forte sont les lieux les plus fréquentés de France. En 2015, les 1 milliard 186 millions de touristes internationaux ont engendré 1 260 milliard de recettes dans le monde. Selon l’Organisation Mondiale du Tourisme, cette croissance n’est pas sensée s’affaiblir et le nombre de touristes internationaux atteindra 1,4 milliard en 2020 puis 1,8 milliard en 203018. Selon le rapport annuel de l’Organisation Mondiale 11 Article 1 de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel par l’UNESCO, 1972, Cf. Annexe numéro 04. 12 Les Chroniques de l’oenotourisme, 2015, l’année record pour le tourisme à Bordeaux, 19 février 2016. http://leschroniquesdeloenotourisme.com/2015-lannee-record-tourisme-a-bordeaux/ 13 Gironde Tourisme, Stratégie de développement touristique durable de la Gironde 2017-2021, Étape 1 : diagnostic et axes stratégiques, Bordeaux, Éd. Gironde Tourisme, 2017. 14
Pour plus d’informations sur le renouvellement touristique de Libourne, Cf. Annexe numéro 10.
15 Ce nombre est cependant à nuancer. En effet, selon l’Organisation Mondiale du Tourisme, pour être considéré comme un touriste international, il faut passer au moins une nuit sur le territoire français. Les 84,5 millions de touristes internationaux, comprennent également les personnes en transit vers d’autres destinations. UNWTO, Faits saillants OMT du tourisme, Rapport annuel, 2016. 16 Figure 3 :,
Pierre, « Les 10 villes les plus touristiques de France », dans Carigami le magazine, le 10 mars 2017.
Ibid. Stratégie de développement touristique durable de la Gironde 2017-2021, Étape 1 : diagnostic et 17 axes stratégiques. 18
UNWTO, Faits saillants OMT du tourisme, Rapport annuel, 2016.
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du Tourisme, le tourisme est présenté comme la « clé du développement, de la prospérité et du bien être »19. L’objectif est clairement annoncé : le patrimoine est considéré en terme de profits, dans une vision globale, parfois un peu dépossédé de l’âme que véhicule le patrimoine. Prenons l’exemple de la cité médiévale de Carcassonne, située dans le département de l’Aude, et inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1997 (Deux ans avant Saint-Émilion). 14 000 habitants vivaient dans la cité au XIXe siècle contre 49 aujourd’hui et 800 il y a quelques décennies. Avec plus de 4,5 millions de visiteurs annuels, il s’agit d’un des sites les plus visités de France derrière le Mont-Saint-Michel brassant plus de 2 millions de touristes chaque année. Après l’inscription de la cité sur la liste du patrimoine mondial, le développement touristique fut assez fulgurant dans les années 2000. Boulangeries, épiceries, boucheries ont disparues. Les garages des maisons se sont transformés en commerces :
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Figure 4 : Localisation du terrain d’étude.
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Figure 5 : Carte mentale des communes autour de Saint-Émilion, Proportion territoire / Habitant (Cf. Annexe numéro 03).
l y avait un ou deux restaurants dans la cité, il y a en a 70 ou 80 maintenant. »20
Tout comme la commune de Carcassonne, et contrairement à la ville de Bordeaux, le territoire de Saint-Émilion s’est transformé en véritable sanctuaire. En dépit de l’incontestable beauté des lieux, une image hautement touristique de la cité m’a sauté aux yeux lors de mes premières visites. En effet, depuis 1999, (année correspondante à l’inscription sur la liste du patrimoine de l’humanité), le tourisme a fait un bon de 20 %21. La « mise en tourisme » de la cité est flagrante. Dix mois dans l’année, les rues sont remplies de touristes, les devantures de magasins sont traduites en anglais, les boutiques de souvenirs ont envahi les rez-de-chaussée, tout comme les négociants en vins ou les nombreuses banques (proportionnellement à la taille de la cité). Je me suis donc longuement interrogée sur la corrélation entre ce phénomène de « village musée » et la labellisation UNESCO. Peut on vraiment figer un village sous prétexte de protection ? Plus largement, la thématique de relation entre tourisme et patrimoine est une question très présente dans les réflexions de nombreux chercheurs ou parmi les instances de l’UNESCO. Il est assez évident que le tourisme constitue une force importante de transformation urbaine et rurale. Cependant, jusqu’à quel point ces transformations peuvent-elles s’allier avec la protection du patrimoine ? Jusqu’à quel point un lieu peut-il devenir touristique ? Y a-til un point de non retour dans cette « mise en tourisme » ? Cette question de la capacité de charge ou capacité d’accueil (carrying capacity22) est également devenue centrale pour l’UNESCO23.
19
UNWTO, Faits saillants OMT du tourisme, Rapport annuel, 2016.
20 GUÉRIN Vincent, Carcassonne, les secrets de la citadelle, Documentaire de 53 min, 2013, diffusé sur France 5 le 17 décembre 2014. 21 DUBRULE Paul, L’œnotourisme : une valorisation des produits et du patrimoine viti-vinicoles, Rapport pour le Ministre de l’Agriculture et de la Pêche et au Ministre du Tourisme, 2007, p.17. 22 La notion de carrying capacity se retrouve dans la définition de l’écotourisme. Ce dernier se substitue à la notion de développement durable dans l’activité touristique. Cette notion, apparaît pour la première fois dans la littérature anglo-saxonne. Elle se définit comme un tourisme au contact de la nature développant en parallèle le tourisme et la protection des lieux sensibles. Il est caractérisé par sa faible capacité de charge (la capacité de charge représente le niveau de saturation d’une destination, en nombre de visiteurs). 23 Terme utilisé dans l’introduction du premier séminaire de la Chaire UNESCO, Culture, tourisme, développement : Villes françaises du patrimoine mondial et tourisme. Protection, gestion, valorisation par GRAVARI-BARBAS et JACQUOT, 2010.
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Mes inquiétudes vis-à-vis du développement du territoire se sont confirmées en regardant les données de recensement de la population : elle n’a cessé de diminuer. De 3 403 habitants en 1968, le village ne compte plus que 1911 en 201324. À cela s’ajoute l’augmentation du nombre de logements vacants, avec un bond significatif les années suivants la labellisation UNESCO. C’est donc avec un regard très négatif et une vision assez manichéenne sur les effets de la labellisation que j’entamais mes investigations à Saint-Émilion. Pourtant, lors des différents bilans concernant le respect des conditions pour appartenir au patrimoine universel, Saint-Émilion est érigée en première de la classe. Pour l’UNESCO, « Le statut de patrimoine mondial a eu comme conséquence une meilleure lisibilité de l’histoire de la Juridiction, et de ses développements, ainsi que des actions menées en faveur du patrimoine. Il a contribué à mettre en relation les acteurs locaux, qu’ils soient institutionnels ou privés. Il a permis également une réelle prise de conscience de la fragilité des paysages et la nécessité pour les acteurs locaux d’une attention renouvelée. »25 Ces décalages et incohérences entre ma pensée, les différents rapports, conventions, ainsi que la réalité sur le terrain m’ont amené à remettre en question ma vision. La transformation importante de la cité médiévale au cours de ses 20 dernières années ne peut pas être seulement due à l’inscription du paysage de Saint-Émilion sur la liste du patrimoine mondial. En effet, ce territoire complexe est soumis à une multitude de facteurs (dont la labellisation) expliquant le paysage tel qu’il est aujourd’hui et notamment la cité médiévale muséifiée. Pour synthétiser, il est possible de dire que Saint-Émilion est à la fois : )' )(
Un immense territoire agricole traditionnel et unique qui cultive de manière moderne un produit à très forte valeur ajoutée. (Figure 6) Une cité médiévale qui rencontre des problématiques communes à de nombreuses petites communes rurales. (Figure 7) Un village qui a des airs de ville par le rayonnement international et son attractivité. (Figure 8)
Si l’UNESCO constituait l’un des points de départ de ma réflexion, il n’est pas celui d’arrivée. Finalement, il est intéressant de se demander si le territoire aurait été différent sans cette labellisation. Plusieurs facteurs semblent soutenir le contraire. L’économie viticole déjà bien présente au moment de la labellisation aurait continué à prendre de l’ampleur et le tourisme aurait pu se développer de lui-même. Effectivement, Saint-Émilion appartient aux territoires dits de première génération lors de l’inscription sur la liste du patrimoine mondial.
Figure 6 : Territoire agricole.
Figure 7 : Cité médiévale.
Figure 8 : Ville touristique.
24
Cf. Annexe numéro 08, Données INSEE.
25
UNESCO, Rapport périodique - Deuxième cycle, Juridiction de Saint-Émilion, 2014.
Figure 9 : Schémas expliquant le processus de candidature de Saint-Émilion.
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AVIS FAVORABLE POUR L’INSCRIPTION DE SAINT-ÉMILION
Comme le soutient madame Grébaut-Arteau,26 la notoriété de Saint-Émilion, et notamment celle de son vin, précède celle de l’UNESCO. De ce fait, l’UNESCO aurait presque été plus désireux d’inscrire le paysage de Saint-Émilion sur sa liste plutôt que le contraire, comme il est souvent le cas aujourd’hui. En effet, les années précédant l’inscription de Saint-Émilion (1999), l’État envisageait déjà de proposer un vignoble français à l’UNESCO afin de représenter l’image viticole emblématique de la France à l’étranger. La renommée du vignoble du Saint-Émilionnais correspondait parfaitement aux objectifs de l’État. Missionnés en 1993 par le Ministère de l’Environnement, la Direction régionale de l’environnement en Aquitaine (DIREN) et l’unité départementale de l’architecture et du patrimoine du Périgord (UDAP) ont réalisé avec l’accord de la mairie de Saint-Émilion une première enquête afin d’analyser le terrain27, sans avertir le reste de la Juridiction pour évaluer si le potentiel du territoire correspond aux objectifs de l’État (Ce qui provoqua des réactions négatives rétrospectivement : conflit d’intérêt avec les communes exclues de la délimitation). Lors de ce processus, la DIREN a joué un rôle primordial d’incitateur puis de coordinateur auprès de la collectivité. L’UDAP quant à lui fut un conseiller important compte tenu de la qualité du site. Après la remise du rapport, le Ministère de l’environnement donna en 1995 un avis favorable pour la candidature de Saint-Émilion sur la liste du patrimoine mondial avant d’envoyer le rapport à l’UNESCO. La décision officielle de candidature de Saint-Émilion fut prise en 1996 par l’État qui mandata l’UDAP et la DIREN pour élaborer le pré-dossier de candidature. Cette étape fut longue et fastidieuse du fait du manque de coopération de la ville de Saint-Émilion occupée à préparer le passage du Tour de France. Ce manque d’investissement de la ville témoigne la « non priorité » de l’obtention du label UNESCO par rapport à l’État, plus pressé et insistant, au point de proposer l’idée de remplacer l’inscription de Saint-Émilion par une ville de Champagne plus motivée. Ce n’est qu’en 1997 que le maire de Saint-Émilion relança la procédure afin de terminer le dossier final soutenu financièrement par la DIREN et le Syndicat communal a vocation multiple (SIVOM) de Saint-Émilion (Ce syndicat créé 35 ans plus tôt fut remplacé par la Juridiction de Saint-Émilion regroupant huit communes). La collectivité est devenue maître d’ouvrage et porteur du dossier, malgré des conflits d’intérêt avec le reste des communes hors et dans la Juridiction notamment lors de la discussion de la délimitation du territoire inscrit. En 1998, un changement s’opéra : le Ministère de la culture repris à sa charge le dépôt du dossier auprès des instances de l’UNESCO et missionna un bureau d’étude parisien, GRAHAL, couplé à la DIREN, afin de terminer le dossier de candidature de Saint-Émilion qui fut finalement accepté en 1999. (Figure 9) Au niveau local, un des plus grand intérêt à obtenir l’inscription de la Juridiction sur la liste du patrimoine mondial, était d’obtenir des subventions pouvant soulager les charges des différentes communes. De plus, précisons que se sont uniquement les acteurs locaux (à l’initiative de l’État) qui furent porteurs du projet d’inscription. Les habitants ne furent pas concertés et non pas pu participer à une décision importante pour l’avenir de leur village. C’est donc une fois le territoire inscrit, que les habitants furent informés de l’inscription, et donc, de la reconnaissance de l’exceptionnalité de leur territoire quotidien. Ce processus témoigne 26 J’ai rencontré madame Grébaut-Arteau lors des Journées Nationales du Patrimoine à Saint-Émilion en septembre 2016. Historienne de l’art, muséographe et ingénieure culturel, madame Grébaut-Arteau travaille désormais sur le territoire de Saint-Émilion en tant que directrice de la Juridiction de Saint-Émilion, Patrimoine Mondial de l’Humanité et fondatrice de l’association « le barde du label ». 27 SDAP DE LA GIRONDE ET DIREN AQUITAINE, Rapport pour l’inscription de l’Ancienne Juridiction de SaintÉmilion sur la liste des paysages culturels du patrimoine mondial, Archives de la Communauté de communes de la Juridiction de Saint-Émilion, 1993.
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de la réelle motivation de l’État à solliciter la notoriété de Saint-Émilion afin de promouvoir l’image de la France à l’étranger. Il ne s’agit pas uniquement d’une initiative purement locale, comme il est le cas aujourd’hui au vu des nombreuses candidatures d’inscriptions évaluées par l’UNESCO chaque année. Prenons un autre exemple, celui de la commune de Sarlat en Dordogne afin d’appuyer ce raisonnement (9 259 habitants en 2013) (Figure 10). Il s’agit d’une ville d’art et d’histoire également en secteur sauvegardé avec une très grand nombre d’immeubles ou de maisons classés sur le territoire de cette cité médiévale. Même si la baisse de la population est loin d’être aussi impressionnante que celle qui à lieu dans le territoire de Saint-Émilion, le centre ancien de la ville de Sarlat avec 690 000 visiteurs28 annuels est une véritable vitrine touristique témoignage d’un paysage muséifié sur une partie de la ville. Or, le territoire n’appartient pas à la liste du patrimoine mondial. Ces « symptômes » positifs ou négatifs ne sont pas directement et exclusivement liés à l’UNESCO. Encore, si l’on regarde la ville de Dresde dans la vallée de l’Elbe en Allemagne, qui s’est vue retirer sa « Valeur Universelle Exceptionnelle » (VUE), en 2009, les statistiques démontrent une augmentation de 6,6 % du tourisme entre 2009 et 2010. Le retrait de l’inscription n’a donc entaché aucunement ou très peu l’attrait touristique de la ville29. Pour finir sur une note plus positive concernant la labellisation, il serait incomplet de penser que la recherche de l’inscription sur la liste du patrimoine mondial ne soit réduite qu’à des raisons économiques. Il est également question de choses plus impalpables : de prestige, de fierté, de reconnaissance, de partage... En effet, certains territoires cherchent à obtenir cette inscription alors qu’ils possèdent déjà une grande notoriété et une activité économique touristique importante. C’est le cas du vignoble de Bourgogne qui fut proposé à l’inscription puis retenu sur la liste en 2015. (Figure 11)
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Le concept de « Valeur Exceptionnelle Universelle » véhiculé par la liste du patrimoine mondial s’appuie sur la combinaison de trois facteurs devant être en adéquation. Tout d’abord, et principalement, sur un diagnostic des valeurs portées par des spécialistes du patrimoine intervenant dans le processus d’inscription, puis des valeurs perçues et portées par les populations locales, ainsi que celles perçues par les nombreux touristes. Pourtant, aujourd’hui, à mon sens, je pense que le point de vue des habitants est souvent insuffisamment pris en compte. Le paysage muséeifié de Saint-Émilion en est vraisemblablement une résultante. Sur ces bases établies, j’ai cherché une porte d’entrée permettant d’analyser le paysage de Saint-Émilion avec une nouvelle focale. Comme je l’expliquais au travers de quelques exemples dans cette introduction, la patrimonialisation, surtout lorsqu’elle investit des territoires habités, interroge nécessairement les conséquences en terme de transformation de la vie quotidienne ainsi que les représentations que peuvent avoir les habitants qui vivent et pratiquent au quotidien un paysage devenu « Valeur Exceptionnelle Universelle ».
Figure 10 : La cité médiévale de Sarlat en Dordogne.
Figure 11 : Les Climats du vignoble de Bourgogne classés sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 2015. Les climats sont des parcelles de vignes précisément délimitées sur les pentes de la côte de Nuits et de Beaune, au sud de Dijon.
28 Comité départemental du tourisme de la Dordogne, Tableau de bord du suivi de l’économie touristique, Évolution du parc des hébergements, nuitées et fréquentation, Périgueux, 2015. 29 VERRIER Michel, « Dresde ne pense plus guère à la sanction de l’UNESCO », dans La Croix, Berlin, Le 25 mars 2011.
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Cette reconnaissance est à l’origine de transformations du rapport des habitants à leur paysage quotidien ainsi qu’une [re]définition des pratiques quotidiennes ou/et des représentations spatiales. Cette recherche vise à interroger la manière dont se passe la cohabitation entre le paysage culturel exceptionnel devenu une vitrine et le, ou les paysages quotidiens. Je ne m’intéresserai donc pas aux conséquences s’opérant lors de l’inscription d’un bien sur la liste du patrimoine mondial en dressant la liste des avantages et inconvénients. Je souhaite remettre l’humain au centre de mes considérations en plaçant les habitants, tout comme les différents acteurs, comme une composante centrale du paysage culturel actuel. Les deux paysages identifiés comme les principaux constituants de mon hypothèse de départ seront analysés au travers de la vision des touristes et celle des populations locales. Pour réaliser cette étude, je me baserai essentiellement sur la connaissance du terrain que j’ai acquise en me rendant à plusieurs reprises à Saint-Émilion, ainsi que sur des enquêtes réalisées sur place à l’aide d’un questionnaire préparé à l’avance.30 Les témoignages récoltés sont ceux de passants, commerçants, viticulteurs, etc. Certaines discussions informelles m’ont permis de récolter des réactions et des émotions vives « à chaud », tandis que d’autres plus longues, ont remémoré parmi les interrogés des souvenirs. À partir de ces enquêtes, ainsi que de mes expériences sur le terrain, j’ai spatialisé les représentations tirées de mon analyse sur des cartes sensibles du territoire, que je qualifie de «mentales » afin de tisser le lien entre l’habitant et son lieu de vie. )#
D’autre part, j’ai réalisé un catalogue d’iconographies provenant des réseaux sociaux, des guides touristiques matériels ou virtuels, afin de dresser un portrait de l’image véhiculée par la cité médiévale. Parallèlement, tout au long de l’étude, je confronterais les trois univers ci-après : Le processus de patrimonialisation grâce à la nombreuse documentation que j’ai tentée de réunir de manière exhaustive (livres, rapports, études, dossiers d’inscriptions...), La mise en tourisme de Saint-Émilion Les représentations des habitants et des touristes. Ils seront retranscrits tout au long de l’argumentation du mémoire sous forme de citations, de prises de vues provenant du catalogue d’iconographie, et des cartes mentales. Des exemples, issus d’autres territoires en France ou à l’étranger, viendront également appuyer mes arguments. Deux paysages distinct articulent ce mémoire : le paysage vitrine constituant la représentation du paysage exceptionnel classé, face au paysage quotidien. Le paysage touristique face à celui des habitants. Tout d’abord, je vais chercher à montrer comment s’est fabriqué le paysage vitrine de Saint-Émilion, en m’intéressant particulièrement à l’image perçue de Saint-Émilion par les touristes. Puis, je chercherai à décrire le paysage quotidien qui correspond aux pratiques habituelles des habitants de Saint-Émilion au sein d’un paysage patrimonial.
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Le questionnaire et les entretiens se trouvent en annexe respectivement numéro 11 et 12.
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REPRÉSENTATIONS DU PAYSAGE EXCEPTIONNEL DE SAINT-ÉMILION
Dans cette première partie il est question du paysage qualifié de « vitrine » de SaintÉmilion. Je m’intéresse au point de vue des touristes français et internationaux qui sont les premiers visés par ce paysage vitrine. Tout d’abord je cadrerai ma réflexion en approfondissant les concepts de patrimoine et de paysage culturel évoqués dans l’avant-propos et l’introduction, au travers de leur avènement et leur évolution. Dans un second temps je définirai plus précisément des concepts clés sur lesquels je m’appuierai tout au long de cette étude : les différents types de paysage. Après avoir défini les termes, l’enjeu est de comprendre comment le paysage remarquable de Saint-Émilion est parvenu à se muséifier pour devenir un paysage vitrine. Afin d’analyser ce processus dit de « patrimonialisation », je m’attacherai à comprendre les logiques de gouvernance et de gestion du bien qui visent à fabriquer une nouvelle image de Saint-Émilion. Aussi, j’étayerai mes propos en regardant les différentes représentations de la cité de Saint-Émilion véhiculées par les outils de publicité touristique (sites touristiques, guides papier,...) afin d’étayer l’attractivité de Saint-Émilion.
01.1 - DU PATRIMOINE AU PAYSAGE De la même manière que je m’interroge sur « ce qui fait patrimoine », je m’interroge « sur ce qui fait paysage ». À la question complexe « qu’est ce que le paysage ? », il est difficile de répondre au premier abord, tant il est facile de tomber dans le « tout paysage » comme dans le « tout patrimoine ». En effet, il existe une interdépendance entre ces deux notions : elles sont liées et se répondent. Parfois confondus, paysages et patrimoines sont deux outils souvent mis à contribution dans les stratégies de développement et de valorisation des territoires : en tant que ressource territoriale, dans une recherche d’identité, ou en tant que vitrine du territoire31 ; ces différents niveaux de valorisation pouvant être mélangés. En effet, sur ce dernier point, les références au patrimoine et au paysage, considérés comme des atouts, sont récurrentes et mises en avant dans les stratégies touristiques des 31 COLLECTIF, Paysages et patrimoines, sous la dir. de SERVAIN Sylvie, VOISIN Lolita, Tours, Éd. Presses Universitaires, François Rabelais, 2016.
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politiques locales. En quelque sorte, le patrimoine reflète une mémoire collective, participe à la mise en récit du territoire tandis que le paysage sert de décor, comme dans une mise en scène. Il s’agit en grande partie d’une construction politique associée au processus de patrimonialisation. Dans le cas de Saint-Émilion, le paysage est la composante motrice du patrimoine. La mise en récit du territoire participe à faciliter l’inscription du bien sur la liste du patrimoine mondial. Le lien entre patrimoine et paysage est d’autant plus complexe si l’on regarde la définition des paysages culturels que donne l’UNESCO. L’une se nourrit de l’autre est inversement.
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e paysage culturel est façonné à partir du paysage naturel par un groupe culturel. La culture est l’agent, la nature est le moyen et le paysage culturel le résultat. » 32
Carl Sauer, 1925
Longtemps peu considérée, la notion de paysage est aujourd’hui mieux abordée grâce à la loi faisant la distinction entre paysage et site, ainsi que de nombreux outils réglementaires, dont la loi paysage de 1993. La Convention Européenne de Florence donne une définition que l’ont peut qualifier d’objective de cette notion :
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aysage” désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations. »33
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Dans cette définition, le paysage fait clairement appel à un facteur immatériel, celui de nos perceptions. Les paysages nous sont familiers : tout autour de nous, ils définissent le cadre de notre vie quotidienne. Ils établissent un lien entre l’humain et la nature. La notion de paysage culturel est plus complexe : elle est le résultat d’une concordance entre une histoire, une géographie, un territoire, et une interaction humaine. La multiplicité des définitions favorise des lectures ou interprétations différentes. En 10 ans, depuis la création de la catégorie paysage culturel vivant, 23 paysages culturels ont été inscrits dans la liste du patrimoine mondial. C’est autant que de sites mixtes (les sites mélangeant valeurs culturelles et naturelles) qui ont été inscrits en 30 ans. Cet exemple montre que le concept de paysage a été accepté et a pris de l’importance dans toutes les parties du monde34. Cependant la catégorie des paysages culturels n’est apparue dans la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel qu’en 1992 même si celle de 1972 évoquait déjà les prémices de la protection des paysages culturels. Elle a pour but de « garantir aux générations futures, l’identification, la protection, la conservation, la présentation et la transmission du patrimoine culturel et naturel d’une “Valeur Universelle Exceptionnelle ” ».35 32 Citation de Carl Sauer, issue de, MITCHELL Nora, RÖSSLER Mechtild, TRICAUD Pierre-Marie (coord.), Paysages culturels du patrimoine mondial, guide pratique de conservation et de gestion, UNESCO, 2011, p.46. 33
Article 1 de la Convention européenne du paysage, Florence, 2000.
34 COLLECTIF, Patrimoine et paysages culturels, Actes du colloque international de Saint-Émilion, SaintÉmilion, Éd. Confulences, 2001, p.20. 35 MITCHELL Nora, RÖSSLER Mechtild, TRICAUD Pierre-Marie (coord.), Paysages culturels du patrimoine mondial, guide pratique de conservation et de gestion, UNESCO, 2011, p.46.
Pour comprendre l’avènement puis les évolutions, revenons à un point de vue plus général : la naissance de la notion de patrimoine en France est directement liée à la Révolution. La reconnaissance de l’intérêt général d’un bâtiment va mettre beaucoup de temps à se développer. Poètes, écrivains et intellectuels de l’époque dénoncent les destructions, le vandalisme ainsi que la restauration jugée désastreuse de certains édifices (celles de Viollet-LeDuc par exemple). Un sentiment de perte apparait face à la destruction de nombreux bâtiments et permet d’entreprendre des travaux de réflexion autour de la notion d’un patrimoine commun lié aux monuments historiques, qui doit être conservé et transmis aux générations futures (Jusqu’ici la notion de patrimoine faisait particulièrement référence à l’héritage familial). L’intervention de l’État s’impose peu à peu, avec pour chef Prosper Mérimée, et c’est en 1830 qu’est créée l’Inspection Générale des Monuments Historiques. Débute alors un grand inventaire, une catégorisation mettant en avant des monuments méritant d’être protégés à partir de 1840. C’est finalement en 1913 qu’est créée la loi relative aux monuments historiques, toujours valable aujourd’hui, très peu modifiée, et inscrite dans le code du patrimoine. Cette loi constitue le socle fondamental de la protection du patrimoine. Elle étend le classement à la propriété privée dont la conservation présente un intérêt public du point de vue de l’art ou de l’histoire.36 Après la seconde guerre mondiale, la protection du patrimoine est repensée à une nouvelle échelle : celle des centres urbains et des cœurs historiques menacés de disparition. Portée par André Malraux37, le ministre de la culture de l’époque, une loi concernant les secteurs sauvegardés voit le jour en 1962. La loi Malraux s’inscrit à contre-courant des idées urbanistiques dominantes de l’époque (celles des modernes), ainsi que la démarche de Giovannoni38, en défendant l’idée que la dynamique urbaine doit s’appuyer sur la ville existante. Ainsi, des avantages fiscaux sont donnés aux propriétaires de biens classés afin qu’ils puissent les rénover. Sur le plan mondial, après celle d’Athènes39 en 1933, bien que les objectifs soient différents, la Charte de Venise est ratifiée en 1964, dans les même conditions que la première, sur le thème de la conservation et la restauration des monuments et des sites. Une Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel est ratifiée en 1972 par les États parties,40 membres de l’UNESCO. Elle vise à attribuer le « label patrimoine mondial de l’UNESCO » assurant la valeur exceptionnelle d’un bien pour l’humanité.
36 Cette loi est aussi le résultat de la guerre que mena Victor Hugo contre la destruction des monuments avec un premier pamphlet nommé « Sur la destruction des monuments en France » en 1825 et un second « Guerre aux démolisseurs ! » dans, Revue des deux mondes en 1832. 37 André Malraux est le premier nommé comme ministre d’état chargé des affaires culturelles de 1958 à 1969. Ce changement marque la reconnaissance politique de la culture comme une affaire d’État. 38 Gustavo Giovannoni (Rome 1873-1947), est l’inventeur du concept de « patrimoine urbain » avec une grande vision urbanistique moderne. Sa vision prospective pour l’époque excluait la muséification au profit d’une conservation vivante des villes et des tissus anciens. Il exerça les professions d’architecte et d’ingénieur. 39 La Charte fut rédigée en 1933 lors des CIAM (Congrès Internationaux d’Architecture Moderne). Cette charte proposait de définir un modèle de planification de construction de la ville moderne idéale avec une vision très fonctionnaliste : hiérarchie et séparations des différents flux, tours d’habitation... « Les États parties » sont les pays qui ont ratifié la Convention du patrimoine mondial. Ils acceptent ainsi 40 d’identifier et de proposer des biens se trouvant sur leur territoire national et susceptibles d’être inscrits sur la Liste du patrimoine mondial, [...]. Les États parties doivent protéger les valeurs pour lesquelles leurs biens ont été inscrits sur la Liste. Ils sont également encouragés a présenter à l’UNESCO des rapports sur l’état de conservation de ces biens. Source de la définition : UNESCO.
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C’est en 1992, que le comité du patrimoine mondial adopte des critères révisés de cette convention dans les Orientations devant guider à la mise en œuvre de la convention. Le premier bien classé dans cette catégorie est le Parc national de Tongariro de Nouvelle-Zélande en 1993. Il s’agit d’un site naturel reconnu pour sa valeur culturelle associative. Dans la convention, les paysages culturels sont définis de manière très large voire assez floue comme des biens culturels représentant les « œuvres conjuguées de l’Homme et de la nature41 ». Pour trouver une définition plus précise, il est nécessaire de regarder les Orientations devant guider à la mise en œuvre de la convention : « Ils illustrent l’évolution de la société humaine et son établissement au cours du temps, sous l’influence des contraintes physiques et/ou des possibilités présentées par leur environnement naturel et des forces sociales, économiques et culturelles successives, externes aussi bien qu’internes.»42
Figure 12 : Le paysage culturel de Lednice Valtice en République Tchèque.
À cela, il faut ajouter qu’il existe différentes catégories de paysages culturels pouvant répondre à trois principaux types de paysages : Le plus facilement identifiable est le paysage clairement défini, conçu, et créé intentionnellement par l’Humain, ce qui comprend les paysages de jardins et de parcs créés pour des raisons esthétiques qui sont souvent (mais pas toujours) associés à des constructions ou des ensembles religieux. (Figure 12) La deuxième catégorie est le paysage essentiellement évolutif. Il résulte d’une exigence à l’origine sociale, économique, administrative et/ou religieuse et a atteint sa forme actuelle par association et en réponse à son environnement naturel. Ces paysages reflètent ce processus évolutif dans leur forme et leur composition. Ils se subdivisent en deux catégories :
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Figure 13 : Paysage relique des premières plantations de café du Sud-Est de Cuba.
un paysage relique (ou fossile) est un paysage ayant subi un processus évolutif qui s’est arrêté, soit brutalement soit sur une période plus longue, à un certain moment dans le passé. Ses caractéristiques essentielles restent cependant matériellement visibles, (Figure B) ; un paysage vivant est un paysage qui conserve un rôle social actif dans la société contemporaine, étroitement associé au mode de vie traditionnel et dans lequel le processus évolutif continue. En même temps, il montre des preuves manifestes de son évolution au cours des temps. La dernière catégorie comprend le paysage culturel associatif. L’inscription de ces paysages sur la Liste du Patrimoine Mondial se justifie par la force d’association des phénomènes religieux, artistiques ou culturels, à l’élément naturel plutôt que 41 UNESCO, Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, Article 1, 1972, Cf. Annexe numéro 04.
Figure 14 : Colline royale d’Ambohimanga, Madagascar.
42 UNESCO, Orientations devant guider à la mise en œuvre de la convention du patrimoine mondial, Article 47, Cf. Annexe numéro 05.
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par des traces culturelles matérielles, qui peuvent être insignifiantes ou même inexistantes43. (Figure C)
ans un monde en proie aux forces de globalisation et de banalisation et au sein duquel la revendication de l’identité culturelle s’exprime parfois au travers d’un nationalisme agressif et de l’élimination des cultures minoritaires, la contribution première de la prise en compte de l’authenticité consiste, aussi dans la conservation du patrimoine culturel, à respecter et mettre en lumière toutes les facettes de la mémoire collective de l’humanité. »46
Ces différentes prescriptions apparaissent uniquement dans les annexes des Orientations devant guider la mise en œuvre de la convention et non dans la Convention ellemême ; couramment on parle de paysage culturel tout court. Celui de Saint-Émilion appartient à la deuxième catégorie, c’est-à-dire aux paysages culturels évolutifs vivants. L’adjectif « vivant » est, dans le cas de Saint-Émilion, très important. Au cours de mes recherches la notion d’évolution n’est apparue que très rarement. Je n’ai trouvé le terme de « paysage culturel évolutif » que dans le dossier de justification de l’inscription :
À quelques kilomètres de Saint-Émilion, la ville de Bordeaux, malgré la différence d’échelle, est un bon exemple d’un environnement ou protection et évolution sont deux notions qui cohabitent.
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l s’agit d’un paysage viticole historique, [Saint-Émilion, ndlr], qui a survécu intact et est en activité de nos jours, dont les villes et villages possèdent un patrimoine bâti remarquable. »47
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ares en effet sont les paysages évolutifs qui, [...], peuvent être considérés à la fois comme un paysage relique, parce qu’ils conservent des témoignages remarquables et uniques de l’Histoire et de l’Histoire de l’art, et comme un paysage vivant dont le rôle social est si actif que le produit conjugué du terroir et des efforts séculaires de ses habitants [...] »44
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Il me semble que dans la ratification des textes officiels, l’évocation du caractère évolutif d’un paysage culturel permet de briser certaines idées reçues. Pour moi, lors de la formulation de mes hypothèses de départ, (comme ont probablement pu penser des personnes non initiées aux logiques de l’UNESCO), protéger un milieu qui se transforme continuellement pouvait paraître paradoxal. En effet, un paysage culturel exceptionnel ne se protège pas de la même manière qu’un bâtiment classé aux monuments historiques. En effet, il est impossible de maintenir dans son état actuel, un territoire qui est soumis à de nombreuses contraintes naturelles échappant à la main de l’Humain, telles que les changements climatiques. Cela est surtout vrai dans les territoires viticoles où la qualité du vin est directement impactée par les modifications climatiques. Je pense que la notion de « paysage évolutif » n’est pas suffisamment médiatisée, si bien que pour le grand public un paysage classé peut très facilement faire écho au paysage immuable (celui de la carte postale), promouvant une image passéiste du territoire. Il peut paraître paradoxal de parler d’évolution lorsqu’on sait que le critère primordial et incontournable pour pouvoir faire reconnaître la « Valeur Universelle Exceptionnelle » (VUE) d’un bien est l’authenticité. Le document de NARA45 est chargé d’être garant de cette authenticité.
43 UNESCO, Document de la NARA, Annexe numéro 3 des Orientations devant guider la mise en oeuvre de la Convention, Cf. Annexe 06. 44 Dossier de présentation de Saint-Émilion en vue de l’inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO au titre de paysage culturel, p.17. 45 Du 1er au 6 novembre 1994 a eu lieu une conférence à Nara au Japon réunissant 45 participants autour du thême de l’authenticité, en relation avec la charte du patrimoine mondial et de la convention de Venise. Le texte rédigé lors de cette réunion constitue la base de toute proposition à l’inscription d’un bien au patrimoine mondial. Ce texte se retrouve en annexe dans les Orientations devant guider à la mise en œuvre de la convention du patrimoine.
Le terme « intact » employé ici, est en réalité inexact. Depuis ses origines, SaintÉmilion n’a pas toujours été connu pour son vignoble tel qu’il est de nos jours. Entre 1970 et 2000, dans les communes de Saint-Christophe-des-Bardes, Saint-Émilion et Saint-Sulpice-deFaleyrens, la culture céréalière représentait 188 ha du territoire en 1970 contre 84 ha en 2000. Dans le même temps la proportion de vignoble a augmenté de 20 %48. Aujourd’hui le territoire viticole se déploie sur plus de 5400 hectares. Le paysage s’est mis « aux normes » pour pouvoir coller à une image lui permettant d’intégrer la liste du patrimoine mondial. Le fait que le site de Saint-Émilion soit classé en tant que paysage culturel évolutif vivant, permet de justifier cette étonnante évolution agricole. Compte tenu de la célébrité grandissante de Saint-Émilion, la culture céréalière doit désormais être moins rentable que la culture de la vigne. Classer un paysage parmi la liste du patrimoine mondial ne signifie pas le figer. « Protection, gestion, et valorisation » trouvent leur place, et doivent permettre une évolution contrôlée du bien protégé. Le paysage culturel évolutif vivant de Saint-Émilion, constitue un patrimoine mixte, métissé (naturel et social), en mouvement. Les techniques de viticulture ont changé, le climat a évolué etc. C’est pourquoi plutôt que de parler ici de protection des paysages au sens « de conservation à l’identique », il faut parler de gestion des paysages. La conservation de biens vastes, habités et exploités économiquement est sujette à des changements dynamiques importants.
46 UNESCO, Document de NARA, Annexe numéro 3 des Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention, Cf. Annexes 06. 47
Extrait de l’introduction du Rapport de présentation de l’AVAP de la Juridction de Saint-Émilion.
48
Élaboration du plan de gestion de la Juridiction de Saint-Émilion, p.12.
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01.2 - DU PAYSAGE AUX PAYSAGES 01.2.1 - LE PROCESSUS DE PATRIMONIALISATION
Ce point tente de décrire les différentes nuances que l’on peut appliquer à la définition du paysage de Saint-Émilion. Le but étant de dégager plusieurs définitions cohérentes et objectives afin d’expliquer le processus de patrimonialisation qui permet la fabrication du paysage exceptionnel. Ensuite je m’appuierai sur ces définitions tout au long de mon analyse.
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Jean Davallon49 (2002), décrit ce processus en 6 phases : la découverte de l’objet comme une trouvaille, la certification de l’origine de l’objet, l’établissement du monde d’origine de l’objet, la représentation du monde d’origine de celui-ci, la célébration de sa trouvaille par l’exposition de l’objet, et l’obligation de le transmettre aux générations futures.50 Ici, l’objet en question est un lieu, un territoire : la Juridiction de Saint-Émilion. Il s’agit de reconnaitre collectivement un « esprit du lieu », avant d’entamer son processus de patrimonialisation. Cela passe par la reconnaissance des composantes matérielles (le site, la Juridiction de Saint-Émilion, les paysages, les vignes, les bâtiments, l’église monolithe, les objets...), ainsi que la reconnaissance des composantes immatérielles (les récits oraux, les mémoires, les documents écrits, la transmission des savoir-faire, la Jurade...). La reconnaissance de l’exceptionnalité du bien amène un groupe d’acteurs à proposer une interprétation de la valeur exceptionnelle aux populations locales, comme aux visiteurs. Si tout processus de patrimonialisation se veut une démarche objective basée sur une documentation scientifique faite par des experts, elle n’en reste pas moins influencée par les acteurs qui l’initient. La manière dont les représentations du lieu sont définies influent largement sur ses futurs usages. Avec le constat fait précédemment sur la très relative ancienneté de la monoculture du vin à Saint-Émilion, les acteurs responsables de l’inscription du bien ont fait un choix sur la période à inscrire. Ce choix défini ce qui fait et doit être reconnu unanimement par tous comme « Valeur Exceptionnelle Universelle ». La description du bien inscrit choisit délibérément de mettre en valeur une période du territoire plus qu’une autre.
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a vigne se développa entre le XIIe et le XIIIe siècles. [...] Les plantations, toutefois, restaient modestes : seulement un tiers des terres de la région étaient des vignes, principalement sur le plateau et la côte, le reste étant consacré aux céréales. »51
C’est donc un paysage récent consacré entièrement au travail de la vigne qui fut choisit pour l’inscription. 49 Jean Davallon est un professeur chercheur qui a beaucoup travaillé les question de symbolique et d’images liées au patrimoine. 50 COLLECTIF, Paysages et patrimoines sous la dir. de SERVAIN Sylvie, VOISIN Lolita, Tours, Éd. Presses Universitaires, François Rabelais, 2016. 51 Dossier de présentation de Saint-Émilion en vue de l’inscription sur la liste du patrimoine UNESCO au titre de paysage culturel.
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01.2.2 - L’ENRICHISSEMENT DES DÉFINITIONS DU PAYSAGE QUOTIDIEN (définition CNRTL) : Qui a lieu ou qui se reproduit chaque jour; que l’on fait régulièrement, tous les jours. La première analyse paysagère du territoire se fait au sein du [pré]dossier de candidature à l’inscription, afin de justifier le caractère remarquable du paysage. Cela permet de construire une identité commune qui dépasse les frontières du territoire. Cette mise en récit du paysage est une construction politique, afin de fabriquer ce qui sera pour tout le monde reconnu comme paysage exceptionnel grâce à un récit plus uniforme. Cette description tend à démontrer la fameuse « Valeur Exceptionnelle Universelle » du bien. Dans le cas de Saint-Émilion cette nouvelle identité a une résonance internationale. On passe d’un paysage reconnu par les habitants comme remarquable, à un paysage reconnu par l’humanité comme exceptionnel.
REMARQUABLE (définition CNRTL) : Susceptible d’attirer l’attention, d’être signalé (en bien ou en mal). EXCEPTIONNEL (définition CNRTL) : Qui sort de la règle générale, habituelle par sa haute valeur.
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VITRINE (définition CNRTL) : Baie vitrée d’un local commercial ; espace aménagé derrière cette baie où l’on expose des objets et des produits destinés à être vendus; ensemble des objets exposés. Faire vitrine. Se parer, se faire beau, s’endimancher.
Je tiens à distinguer le terme de « remarquable » par rapport à celui « d’exceptionnel ». À mon sens, ce dernier serait la traduction de la reconnaissance par les acteurs locaux, du caractère remarquable d’un paysage afin de le rendre aux yeux du monde officiellement exceptionnel. Déclarer la valeur exceptionnelle d’un paysage lui donne une sorte d’objectivisation voire d’esthétisation supplémentaire. Un récit commun à tous les acteurs est fabriqué. Depuis cette reconnaissance, un nouveau calque de lecture est venu se superposer sur le paysage Saint-Émilionnais : celui du paysage vitrine. Il s’agit d’un paysage exceptionnel que l’on donne à lire aux touristes. C’est la représentation que l’on peut retrouver par exemple dans les guides touristiques. Cette lecture des lieux s’effectue souvent avec une certaine distance et de manière lissée. Après avoir analysé le territoire, un portrait parfait de Saint-Émilion a été construit, identique et redondant. Les guides touristiques, les sites internet, les brochures, les dossiers officiels, les conventions utilisent constamment les mêmes mots, les mêmes expressions, les mêmes regards pour mettre en avant le(s) paysage(s) de Saint-Émilion. Celui-ci est presque objectivé comme si une seule compréhension du paysage était possible.
ORDINAIRE (définition CNRTL) : Qui découle d’un ordre de choses ou appartient à un type présenté comme commun et normal. VÉCU (définition CNRTL) : Qui appartient à l’expérience de la vie, qui s’est passé réellement. INTIME (définition CNRTL) : Qui se situe ou se rattache à un niveau très profond de la vie psychique ; qui reste généralement caché sous les apparences, impénétrable à l’observation externe, parfois aussi à l’analyse du sujet même. En peinture le paysage intime est une notion faisant écho à une tendance narrative datant de 1510. Le paysage est vu et peint à travers une fenêtre. S’arrêter à la lecture des représentations du paysage exceptionnel dans le paysage vitrine ne permet pas de saisir toute la densité du paysage classé de Saint-Émilion. Je cherche à mettre en parallèle les représentations du paysage exceptionnel du paysage vitrine avec celle du paysage quotidien des habitants. Il s’agit du ou des paysages témoins de la vie quotidienne. Il se rapproche du paysage vécu. Il peut s’agir d’endroits où se déroulent les activités et expériences de la vie quotidienne. Le paysage quotidien est un reflet de la vie de ces habitants. Je préfère utiliser la notion de « quotidien » vis-à-vis de celle de « ordinaire ». Cette dernière peut avoir une connotation péjorative qualifiant un paysage qui tendrait à ce banaliser. Le paysage ordinaire à mon sens se rapproche du paysage quotidien. On le parcours tout les jours ; il peut être le vecteur d’une identité habitante qui peut être, (à la différence du paysage intime), l’expression d’une identité commune et individuelle : le reflet d’un entre-nous ou d’un entre soi. En dernier, la notion de paysage intime fait appel à une dimension affective du paysage, quelque chose de sensible pouvant être en relation avec le souvenir. Au premier abord, elle parait impossible à percevoir pour une personne non familière du paysage en question. Le paysage intime ne véhicule pas d’identité collective mais est propre à un individu.
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e paysage de Saint-Émilion est une création dans son entier, un véritable projet associé à une image et un produit de luxe. »52
Les habitants constituent les premiers touristes sur leur propre territoire, lorsque le patrimoine résulte d’un changement de regard. Dans la réappropriation du récit qu’il leur est fait à Saint-Émilion, on peut en quelque sorte les considérer comme touristes, de part la nouvelle lecture du territoire.
52 STAHL Jean-Pierre, « Les touristes accueillis à bras ouverts à Saint-Émilion “ Welcome to paradise ” ! », dans Fance Info Nouvel-Aquitaine, le blog, le 1 août 2014.
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01.2.3 - LA MISE EN RÉCIT ASSURÉE PAR DES OUTILS DE GESTION
Comme j’ai pu le dire dans l’introduction, les sites inscrits sur la liste du Patrimoine Mondial sont parmi les destinations touristiques les plus populaires. La multiplication du nombre de touristes sur le territoire de Saint-Émilion mais aussi la multiplication de sites souhaitant s’inscrire sur la liste du patrimoine mondial ne font qu’accroître les besoins en matière de conservation et de gestion53. PRINCIPES GÉNÉRAUX L’approche de gestion doit être directement liée à la valeur au aux caractéristiques de paysage culturel en question. On peut appliquer une série de principes pour orienter la planification et les autres activités en matière de gestion.
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PROCESSUS DE GESTION Cette section montre comment obtenir une parfaite connaissance du bien et un engagement total des partenaires et des acteurs.
DURABILITÉ DE LA GESTION Cette section porte sur la gestion de gouvernance, les stratégies de financement et le renforcement des capacités.
PRINCIPES GÉNÉRAUX
PROCESSUS DE GESTION
DURABILITÉ DE LA GESTION
Figure 15 : Cadre de gestion pour les paysages culturels du patrimoine mondial.
Il est stipulé dans l’article 5 de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, que tout les États parties54 doivent s’engager dans une politique visant à intégrer la protection de ce patrimoine dans les programmes de planification générale. C’est pourquoi depuis 1993 un plan de gestion du site inscrit doit être obligatoirement accompagner le dossier de candidature pour l’inscription d’un site, afin de présenter les mesures réglementaires et législatives auxquelles sera soumis le paysage proposé à l’inscription. Quelque part, ces outils de gestion permettent d’assurer la cohérence et la continuité de la mise en récit du territoire. En 2001, fut créée la Communauté de commune de la Juridiction de Saint-Émilion regroupant les 8 villages concernés par le classement afin de réfléchir sur le choix d’outils de gestion adaptés. Dans un premier temps une charte patrimoniale fut rédigée, ainsi qu’un « Projet de Territoire », visant à obtenir le Pôle d’Excellence Rurale (PER)55 Ce projet vise à « développer l’activité touristique culturelle et économique de la Juridiction de Saint-Émilion autour des richesses du patrimoine bâti et du patrimoine naturel ». Rapplelons-le, la Juridicition de Saint-Émilion est également gérée par une Aire de Valorisation de l’Architecture et du Paysage (AVAP), et la cité médiévale, inscrite en tant que secteur sauvegardé, est régie par un Plan de !auvegarde et de Mise en Valeur (PSMV).56 Depuis décembre 2012, une association dénommée « Juridiction de Saint-Émilion Patrimoine mondial »57 est née pour gérer le label UNESCO. Celle-ci, présidée par Catherine Arteau-Grébaut depuis 2016, fait suite au redécoupage territorial conduisant la Communauté de communes (à l’origine en charge de la gestion du label), à passer de 8 à 22 communes. Son rôle est principalement d’agir comme une interface entre les instances de l’UNESCO et les Ministères de la culture et de l’écologie notamment via les rapports périodiques. Elle est aussi sensée permettre le lien avec les populations locales notamment par le biai d’ateliers pédagogiques destinés également aux scolaires et aux touristes. 53 Cf. Introduction de DEBONNET Guy, dans Actes de la première journée du séminaire de la Chaire UNESCO, Culture, tourisme, développement, sous la dir. de GRAVARI-BARBAS Maria, JACQUOT Sébastien, « Touristes et habitants dans les sites du patrimoine mondial », Paris, UNESCO, 2010. 54 Cf. Note de bas de page numéro 40. 55 BRIFFAUD Serge, DAVASSE Bernard, « Du bon usage du passé des paysages. Récits paysagers et durabilité dans trois sites viticoles européens du Patrimoine mondial (Tokaj, Saint-Émilion, Cinque Terre) », dans LUGINBÜHL Y., TERRASSON D., Paysage et développement durable, Paris, Éd. Quæ, 2012, p. 171-183. 56 Cf. Annexe numéro 09. 57 CIESIELSKI Christine, « Le label géré par une association », dans Sud-Ouest, le 23 janvier 2013. Les membres de cette association sont les maires des 8 communes du territoire de la Juridiction, des membres du Conseil des vins, ainsi que des membres de l’Office de tourisme ainsi qu’un représentant de la CDC du grand SaintÉmilionnais.
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De plus, les questionnements concernant la gestion des sites ont donné naissance en 2011 à un guide de gestion des paysages culturels58 visant à aider la mise en place d’un plan de gestion obligatoire, à l’initiative de l’UNESCO, pour chaque paysage culturel figurant sur la liste du patrimoine de l’humanité. Cette réflexion autour de la définition d’outils de gestion, s’inscrit dans un long terme. La démonstration de la Valeur Universelle Exceptionnelle d’un site passe, toujours, par une mise en récit du site. Cela passe par un exposé d’ordre historique, qui associe au bien une origine, une durée, ainsi que des gestionnaires. Tout au long de ce processus de patrimonialisation, différentes catégories d’acteurs (partenaires locaux, nationaux et internationaux) se succèdent dans la fabrication d’un discours « officiel », autour d’objectifs communs, sur le patrimoine paysager.59
METTRE LE PLAN EN APPLICATION À TRAVERS
ÉVALUER LES VALEURS DU PAYSAGE CULTUREL ; S’ENTENDRE SUR UNE
DIVERSES ACTIONS, POLITIQUES DE GESTION OU UN CADRE JURIDIQUE
STRATÉGIE DE GESTION ET DRESSER (OU RÉVISER) UN PLAN
!* !)
ENGAGEMENT DE TOUS LES ACTEURS TOUT AU LONG DU CYCLE
GESTION ADAPTATIVE ; APPORTER LES CORRECTIONS NÉCESSAIRES BASÉES SUR LES DONNÉES D’EXPÉRIENCE PROVENANT DU SUIVI ET
SURVEILLER L’IMPACT, OBSERVER LES RÉUSSITES ET ÉVALUER EN PERMANENCE LES TRANSFORMATIONS AFFECTANT LE PAYSAGE CULTUREL
DE L’ÉVALUATION DES TRANSFORMATIONS EN COURS
Figure 16 : Processus de gestion pour les paysages culturels du patrimoine mondial.
58 MITCHELL Nora, RÖSSLER Mechtild, TRICAUD Pierre-Marie (coord.), Paysages culturels du patrimoine mondial, guide pratique de conservation et de gestion, UNESCO, 2011. 59 BRIFFAUD Serge, DAVASSE Bernard, « Du bon usage du passé des paysages. Récits paysagers et durabilité dans trois sites viticoles européens du Patrimoine mondial (Tokaj, Saint-Émilion, Cinque Terre) », dans LUGINBÜHL Y., TERRASSON D., Paysage et développement durable, Paris, Éd. Quæ, 2012, p. 171-183.
01.3 - LE PAYSAGE EXCEPTIONNEL :
ENTRE RÉCIT FABRIQUÉ ET ÉVIDENCE
01.3.1 - UNE BEAUTÉ DU PAYSAGE INDÉNIABLE...
Les terrasses Le plateau La plaine Les coteaux
Figure 17 : Carte regroupant les différents terroirs de la Juridiction de Saint-Émilion.
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Premièrement, le territoire du Saint-Émilionnais possède des caractéristiques territoriales exceptionnelles évidentes afin de produire un vin d’exception. C’est pourquoi je ne vais pas énumérer les nombreux facteurs qui participent au caractère exceptionnel de la Juridiction de Saint-Émilion, et qui ont été décris de nombreuse fois60. Je vais seulement en énoncer quelques uns. Saluée par « la permanance du système d’exploitation » décrit dans le dossier de candidature de Saint-Émilion, les structures agraires actuelles sont héritées du Moyen-Âge. Les unités d’exploitations ont conservées une petite taille, environ 8 hectares et jusqu’à 20 hectares pour les plus grandes. La richesse et la qualité des vins s’explique essentiellement par la diversité des terroirs présents sur le site. Il est possible de distinguer quatre familles dominantes : les terrasses de graves, la plaine sablo-graveleuse, le plateau calcaire, les coteaux argilo calcaires. (Figure 17) D’une manière générale, le parcellaire est très morcelé. En plus de la diversité des terroirs, ceci est dû aux partages successifs lors des héritages depuis la naissance du vignoble. De ce paysage basé sur la monoculture résulte une viticulture très codifiée : SaintÉmilion maîtrise énormément son image tout comme ses pratiques. Gage de qualité, ce paysage particulier est extrêmement maitrisé : techniques de viticulture, espace des ceps de vignes réglementés etc. (Figure 18) Les vignobles de Saint-Émilion produisent en moyenne 230 000 hectolitres de vin rouge par an, soit 10% de la production AOC de la Gironde. L’aspect du paysage de Saint-Émilion est souvent la traduction plus ou moins littérale d’une appelation. Un des enjeux pour l’avenir du paysage, est de préserver la liberté du viticulteur dans ses choix culturaux. Avec l’arrivée des grands investisseurs, il est possible d’assister à une uniformisation progressive des savoir-faire, du vin et donc du paysage.61
01.3.2 - ...ET UNE FIERTÉ POUR LES HABITANTS La beauté du paysage de Saint-Émilion est reconnue unanimement par toutes les personnes interrogées. Le côté « esthétique » de la cité médiévale est souvent évoqué pour parler de leur rapport au lieux. La plupart des interrogés mettent en avant le caractère remarquable de leur cadre de vie, tandis que d’autre évoquent l’admiration autour du travail et les savoir-faire uniques du vin. Figure 18 : Schéma expliquant les normes en vigueur pour l’implantation des ceps de vignes à Saint-Émilion. Le paysage de Saint-Émilion est également un paysage chiffré et régulé : Espacement des rangs 1,5m, Espacement dans le rang, 1,1m, densité de l’hectare 5500 cep/ha. Ces espacements sont prévus pour garantir un ensoleillement optimal des grappes.
60 Pour avoir une description détaillée des caractéristiques formant le caractère exceptionnel de la Juridiction de Saint-Émilion, Cf. Le dossier d’inscription de Saint-Émilion sur la liste du patrimoine mondial, ainsi que les travaux de BRIFFAUD Serge à ce sujet. 61 COLLECTIF d’étudiants, DDEG, DREA, La Juridiction de Saint-Émilion, Lecture d’un paysage, ENSAP Bordeaux, 2000.
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Les habitants plus récents racontent la contemplation qu’ils ont faite du paysage dans un premier temps. Comme des ambassadeurs de leur territoire, Saint-Émilion est pour eux un cadre unique à faire découvrir à ses amis.
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n aime travailler ce produit de qualité. » Témoignage de Messieurs A. et Y.
l ne s’agit pas seulement d’un patrimoine naturel remarquable, mais également d’un patrimoine historique et architectural considérable avec la cité médiévale de Saint-Émilion, son église monolithe, ses carrières souterraines, ses rues pavées et ses nombreux monuments religieux. Par ailleurs, la Juridiction de Saint-Émilion foisonne d’églises romanes, de moulins et de pigeonniers qui participent au charme incontesté de ce territoire. »62
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e suis revenue plusieurs fois à Saint-Émilion. Il faut dire que je n’ai jamais trouvé ce paysage si beau que dans la brume et sous le ciel gris de ce mois de février, même si son charme n’a cessé d’augmenter, avec l’approfondissement de sa connaissance. »63 "émoignage de Anon Feliu Carmen.
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out le monde voudrait avoir ce cadre de vie. Vivre au milieu de monuments comme ça... C’est magique quand même comme espace. C’est un cadre génial que l’on a envie de faire partager à ses amis, ses invités... Il n’y a pas d’autres villages comme celui-ci dans tout le Bordelais. »64
"émoignage de Monsieur G.
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’y suis revenue et j’y travaille c’est une chance. » Témoignage de Madame S.
01.3.3 - LES TRADITIONS POUR PROMOUVOIR LE VIN : LA JURADE
Figure 19 : La Jurade de Saint-Émilion lors d’un défilé.
La Jurade de Saint-Émilion est un exemple de l’attachement des Saint-Émilionnais à leurs traditions. La vie du village s’est toujours structurée autour du rythme de la vigne. La Jurade65 représente une spécificité culturelle majeure qui constitue une facette importante de l’identité locale. Il s’agit d’une assemblée de Jurats chargés de veiller, en tant qu’ambassadeurs, sur la qualité et le prestige des vins de Saint-Émilion : en latin : jus, juris = le droit. L’essentiel de ses attributions est de parler et représenter le vin de Saint-Émilion partout en France et à l’étranger.
62 Citation issue de l’article, Le premier vignoble inscrit par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité, catégorie « découvrir », du site : http://www.saint-emilion-tourisme.com 63 Intervention de ANON FELIU Carmen, architecte-paysagiste, présidente d’honeur du comité de jardins historiques et paysages culturels pour ICOMOS, dans, COLLECTIF, Patrimoine et paysages culturels, Actes du colloque international de Saint-Émilion, Saint-Émilion, Éd. Confulences, 2001, p. 23. 64
Cf. Annexe numéro 12.
65 Cette instance dirigeait la Commune sous l’Ancien Régime. Elle est désormais dépourvue de pouvoir administratif.
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Cette confrérie fut ressuscitée en 1948, grâce à l’idée de trois habitants amoureux du vin, lorsque le vin de Bordeaux se vendait difficilement. Elle tire son inspiration de la confrérie des chevaliers créée en 1934 en Bourgogne. La Jurade participe aux temps fort de la vie viticole du village lors des Fêtes de Printemps ainsi que les ban de vendanges, où les Jurats défilent dans les rues en costume traditionnel blanc et rouge66. Elle organise chaque année la Fête de Printemps en juin et proclame en septembre le Ban des vendanges depuis le haut de la Tour du Roy, les membres de la Jurade défilant dans les rues vêtus de leur traditionnelle robe rouge. Ces quelques passionnés du vin et de leur village ont su fédérer tous les habitants autour d’une tradition visant à protéger le vin. Cette dernière permet également de nourrir le paysage culturel de Saint-Émilion.
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l se passe quelque chose de spécial à Saint-Émilion. Les traditions vivent à travers la Jurade par exemple. Ils défilent deux fois par an. »67
Témoignage de Monsieur E.
01.3.4 - UNE STRATÉGIE IMPORTANTE DE L’OFFICE DE TOURISME : UNE ÉCONOMIE ESSENTIELLE POUR LE VILLAGE
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Figure 20 : Image de Saint-Émilion véhiculée par l’Office de Tourisme Guide touristique de Saint-Émilion : Saint-Émilion tourisme, 2016.
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PATRI PA ATRIMOINE TRA ADITIONS
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Avec 4,3 millions de visites à l’année, le vignoble bordelais est le vignoble français le plus visité. (2,5 millions en Bourgogne, 1,4 millions en Alsace, 1,2 millions en Champagne). 28% des visites sont effectuées par des Girondins, 41% par des Français résidant hors du département et 31% par des étrangers.68 En 2016, plus de 100 000 visiteurs sont venus dans des monuments payants, sans compter les produits dérivés. L’office de Tourisme de SaintÉmilion brasse 1 million de visiteurs. 166 658 visiteurs se sont rendus à la maison des vins de Saint-Émilion, et 109 568 dans les monuments souterrains. Un tourisme qui reste assez mal réparti sur l’ensemble du territoire, l’essentiel des flux se concentrant sur la cité médiévale de Saint-Émilion. L’office de tourisme de Saint-Émilion est la plus importante de tout le pays du Libournais. Elle fut créée en 1930 sous la forme d’une association indépendante, (conformément à la loi de 190169). Elle est classée 4 étoiles, labellisée « Qualité Tourisme » et « Tourisme et Handicap » pour les 4 handicaps : moteur, visuel, auditif, mental. L’Office de Tourisme est également active sur les réseaux sociaux, (instagram, tweeter, facebook, etc.). Elle participe grandement à la diffusion de l’image de Saint-Émilion ainsi qu’à entretenir le caractère d’exception de cet « écrin de verdure ».
Figure 21 : Image de Saint-Émilion véhiculée par l’Office de Tourisme Guide touristique de Saint-Émilion : Saint-Émilion tourisme, 2016.
66
Cf. Annexe numéro 13.
67
Cf. Annexe numéro 12.
68
Comité départemental du Tourisme de la Gironde, Vignoble et tourisme en Bordelais, les chiffres clés, 2011.
69
Offices de tourisme de France, Les offices de tourisme sous forme associative, Fiche juridique n°48.
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L’OFFICE DE TOURISME EN CHIFFRES (DONNÉES DE 2010)
1,5 MILLIONS D’EUROS DE BUDGET ANNUEL 100 000 ENTRÉES PAR AN DANS LES MONUMENTS SOUTERRAINS 300 000 VISITEURS PAR AN À L’OFFICE DE TOURISME 63,51 % DE VISITEURS FRANÇAIS 36,49 % DE VISITEURS ÉTRANGERS 130 NATIONALITÉS DIFFÉRENTES RECENSÉES 1 700 000 PAGES VUES ET 230 000 VISITEURS SUR LE SITE INTERNET (+ 30 %) PLUS DE LA MOITIÉ DES CONNEXIONS FAITES À L’ÉTRANGER 14 EUROS DE PANIER MOYEN DÉPENSÉ POUR UN VISITEUR À L’OFFICE DE TOURISME
aint-Émilion, le 1er vignoble inscrit au patrimoine mondial par l’UNESCO ! » ous êtes sur le point de découvrir un véritable musée à ciel ouvert »70
Patrick Junet, président de l’Office de Tourisme de Saint-Émilion de 1987 à 2007, ancien membre du conseil municipal et détenteur d’un vignoble, a pu suivre de près l’expansion qu’a connu l’office du tourisme grâce à l’explosion de visiteurs. Selon lui, la fréquentation a augmenté de façon remarquable entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1980. À partir de ce moment, les visites sont passées d’informelles à professionnelles provoquant un renforcement de la stratégie de communication de la cité. Pour exemple, en 1987 l’Office de Tourisme comptait 6 employés contre 17 en 2007 et 19 aujourd’hui. À partir de 1993, l’office du tourisme de Saint-Émilion entrepris une politique davantage tournée vers l’exportation et la représentation hors les murs de la cité. De plus la décennie des années 1990 se composait essentiellement de grands millésimes permettant de soutenir l’envie d’exporter l’image luxueuse et de qualité associée au village de Saint-Émilion.
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ous avons bénéficié de la communication que faisaient les professionnels du vin, communication qui a été importante pendant cette période grâce aux millésimes de 1982 et 1985 et grâce au centenaire du Syndicat Viticole, en 1984, qui pour l’occasion, avait organisé des animations très gaies, je me souviens de barriques jalonnant les rues de la ville. Je n’ai jamais revu cela. »71
Témoignage de Patrick Junet.
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LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES
La présence de représentants au sein des instances régionales et départementales du tourisme à également permis à Saint-Émilion de s’exporter et d’augmenter considérablement l’afflux touristique. Des partenariats avec les Offices de Tourisme d’Arcachon, de Bordeaux sont réalisés régulièrement. Le village s’est également allié avec la ville de Sarlat pendant un temps, mais la distance à mis fin à leur relation privilégiée. Sarlat constitue un point de chute important pour les touristes provenant de l’étranger. Par deux fois, déposition d’un dossier pour obtenir le label pays d’art et d’histoire par la mairie et l’office du tourisme. Les touristes étrangers (36,49 %), déambulant dans les rues de Saint-Émilion, sont principalement représentés par le Royaume-Uni, l’Espagne (en raison notamment de la proximité géographique), l’Amérique du Nord, et dans une moindre mesure l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, l’Asie et l’Italie. Il s’agit principalement d’un tourisme de passage sur la Juridiction, ou de courts séjours. Le Saint-Émilionnais profite notamment des flux de touristes en voyage à Bordeaux, ou en été, de ceux séjournant sur le Littoral voulant visiter l’arrièrepays.
Figure 22 : Image de Saint-Émilion véhiculée par l’Office de Tourisme Guide touristique de Saint-Émilion : Saint-Émilion tourisme, 2016
70 Citations tirées du guide touristique de Saint-Émilion : Saint-Émilion tourisme, office du tourisme du Grand Saint-Émilionnais, Le guide de Saint-Émilion, 2016. 71
Cf. Annexe numéro 13
01.4 -
DES IMAGES IMMUABLES DE LA CITÉ
Cette sous partie concerne les images de Saint-Émilion émises par les politiques de communication locale, les images véhiculées par les guides touristiques, ainsi que l’image perçues par les touristes. Dans la continuité de la mise en récit du territoire, les images fabriquées de SaintÉmilion sont mélioratives et subjectives. Elle sont comme une réalité augmentée, un reflet beaucoup plus lisse de la réalité. Étudier l’image officielle d’un endroit permet de comprendre les ambitions extraterritoriales d’un territoire. L’image de Saint-Émilion participe en grande partie de l’identité de la cité, c’est-à-dire, une image de luxe. Je vais me concentrer sur les dispositifs mis en place par Saint-Émilion pour renforcer son marketing territorial. Ce dernier désigne toutes les pratiques de communication territoriale permettant de promouvoir et faire exister, des entités spatiales existantes ou en construction dans le but de les rendre attrayantes et d’inciter les touristes à les pratiquer. Il s’agit de processus à caractère publicitaire.72
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BOUCHE
MÉDIA DE
POLITIQUES DE
À OREILLE
MASSE
COMMUNICATION
POPULATION
POPULATION
Les données sur lesquelles je m’appuie sont issues principalement de guides touristiques provenant d’internet. Il s’agit de sites concernant la région de SaintÉmilion (sites officiels de l’Office de tourisme, de la Jurade, de la Juridiction, de la Communauté de Communes...), du département et des alentours (Office de tourisme de Bordeaux, Blaye, Libourne, Gironde...), et plus largement pour la France de guides de voyages tels que le Routard, TripAdvisor, ainsi que les réseaux sociaux (Instagram, Facebook...). J’ai aussi consulté des brochures papier.
01.4.1 - DES CÉLÉBRITÉS POUR APPUYER L’ATTRACTIVITÉ
INTRATERRITORIALE EXTRATERRITORIALE
En premier lieu, l’Office de tourisme de Saint-Émilion participe grandement à véhiculer l’image de la cité médiévale. Sur internet, elle est très active sur les réseaux sociaux. Chaque jour le compte Instagram de l’Office de tourisme s’enrichit de nouvelles photos. L’image de marque des vignobles est promue par la mise en avant de photos de différentes célébrités en visite à Saint-Émilion : Laurent Deutch et Guillaume de Tonquédeck intronisés dans la Jurade de Saint-Émilion et revêtant le costume traditionnel rouge et blanc (Figure 24), Stéphane Bern lors du tournage « le village préféré des Français », etc. De nombreux reportages se tournent dans les ruelles du village, que se soit pour la
Figure 23 : Comment se propage l’image d’un territoire ?
72 Dans le champ scientifique, « image de la ville » et « marketing territorial » sont des expressions qui n’ont pas de définition cadrée, d’une part, à cause de la pluridisciplinarité qui les concerne et, d’autre part, à cause d’une difficile évaluation. HOULLIER-GUIBERT Charles-Edouard, « La fabrication de l’image officielle de la ville pour un rayonnement européen : Gouvernance, idéologies, coopération territoriale et rayonnement. » dans Cahiers de géographie du Québec, Volume 55, n°154, 2011, p. 7-35.
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Photos appartenant au compte Instagram de l’Office de tourisme de Saint-Émilion : mysaintemilion
télévision française (Figure 27), ou étrangère (Figure 28). La clientèle asiatique, (notamment chinoise), est la première consommatrice de vin Saint-Émilion à l’étranger. Les consommateurs chinois ont acheté à eux seuls près d’un quart de la totalité des bouteilles exportées en 201173, (10 600 hectolitres en 2014)(Figure. 26). Face à l’importance de ce marché, la Jurade a ouvert en mai 2014, une chancellerie à Pékin permettant de promouvoir outre les frontière de la France, le vin de Saint-Émilion. Si cet engouement pour la pittoresque cité médiévale s’accélère depuis ses 20 dernières années, il ne date pas d’hier. En effet des témoignages d’habitants « historiques », nous racontent la venue de personnalités dès les années 1930, telles que les présidents Charles Bouquey, ValeryGiscard-d’Estaing, où encore une ministre Chinoise.
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’avais huit ans quand le président Gaston Doumergue a survolé Saint-Émilion en ballon dirigeable, c’était en 1928 ou 1929 »
Témoignage de Monsieur Charles Bouquey.
Fig.24 : Laurent Deutsch et Guillaume de Tonquédec, intronisés dans la Jurade de Saint-Émilion en 2016.
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. Pei (architecte de la Pyramide du Louvres venu en visite à Saint-Émilion, ndlr.), a observé, scruté, arpenté, admiré la salle des Dominicains, puis la salle Gothique en s’exclamant abondamment : “ It’s wonderful, wonderful ” »74
Fig.25 : Stephane Bern, lors du tournage de l’émission « Le village préféré des Français. »
Témoignage deMonsieur Alain Chambert.
La Jurade de Saint-Émilion met elle aussi en avant sur son site internet, les différentes célébrités intronisées en son sein. Elle regroupe plus de 3000 membres à travers le monde, ayant pour mission d’être les ambassadeurs de la qualité des vins de Saint-Émilion à l’étranger, en mettant en avant leur passion pour ce vin. Il existe plusieurs grades attribués aux membres lors de leur intronisation : les protecteurs de la Jurade (réservés au souverains, chefs d’état et familles régnantes), les pairs de la Jurade (hautes personnalités du monde politique, diplomatique littéraire, artistique, agricole, militaire, etc.), les grands aumôniers, les aumôniers et prieurs de la Jurade (personnes ecclésiastiques chargées des cérémonies religieuses), les dames de la Jurade, les prud’hommes de la Jurade (toute personne en connexion avec le milieu du vin), et les vignerons d’honneur (titre décerné à une personnalité que la Jurade tient à honorer)75.
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Fig.26 : Des touristes, fiers de leurs achats au Château Grand Corbin des pagnes.
Fig.27 : Tournage de l’émission « Cap au Sud ».
Toute ce lexique fleuri, sert à appuyer, une fois de plus, le folkore et les traditions du village, afin de réellement [re]créer un sentiment d’authenticité de transmission de savoirs, d’admiration, de fêtes etc. La Juridiction entretien une image de marque en triant sur le volet les personnalités pouvant intégrer la Jurade : il est impossible d’entrer dans la confrérie sans se faire recommander par une personne déjà intronisée.
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’est mon voisin qui m’a coopté pour que j’entre à la Jurade. C’était en 1978. [...] On entre par cooptation. Certains disent que c’est une association de copinage, c’est un peu vrai, mais il y a des Jurats de tous milieux. » 76
Témoignage, Monsieur Max Pilotte.
L’élitisme de cette confrérie participe à transmettre dans les esprits un sentiment de prestige associé au territoire de Saint-Émilion. 73 « Les exportations de vins de Bordeaux au plus haut grâce aux chinois », dans Challenges.fr, le 9 décembre 2011, consulté le 4 avril 2017
Fig.28 : Tournage d’une émission pour la Chine.
Fig.29 : Alain Juppé en visite à Saint-Émilion.
74
Cf. Annexe numéro 13.
75
Site du Conseil des Vins de Saint-Émilion : https://www.vins-saint-emilion.com/
76
Cf. Annexe numéro 13.
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otre village est un joyau, ancré dans un paysage unique qui fait sa renommée mondiale. Or ceux qui vivent les facettes de ce diamant au quotidien, ce sont les habitants. Vous et nous. »
Bernard Lauret, Maire de Saint-Émilion et président de la Communauté de Communes du Grand Saint-Emilionnais dans le magazine municipal n°1 - Mai 2016
Différentes nationalités, tranches d’âge et catégories professionnelles sont représentées, afin d’avoir un rayonnement dans le monde entier. L’architecte Mario Botta fait parti de la Jurade. Depuis son intronisation en 1993, Tim Hartley (un célèbre avocat) est le chancelier pour le nord de l’Angleterre dans le Yorshire. Fabien Gilot, champion olympique de natation à Londres aux jeux de 2012 fait partie de la Jurade depuis 2014, Julie Gayet depuis 2015, Michèle Laroque est une ambassadrice de la Jurade depuis 1996, le Prince Albert II de Monaco... La chinoise Wenxiao Zhang ancienne vice-présidente du Conseil Interprofessionnel du Vin sino-français œuvrant pour la promotion des vins français en Chine, fut intronisée Dame de la Jurade en 2014. Pour toucher un public plus jeune, le chanteur Cris Cab est mentionné sur le site de la Jurade comme étant un grand amateur des vins de Saint-Émilion. Pour chaque personnalité, le site présente une photo de la personne en question, les raisons de son intronisation sous forme de petite interview, souvent faisant appel à des souvenirs relatifs à l’enfance, aux traditions etc. Les mots utilisés concernant leur intronisation sont souvent forts de sens.
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ntronisée Pair de la Jurade de Saint-Emilion, au cours de la Fête de Printemps 2015, Julie Gayet voit cet honneur comme “ Une vraie responsabilité ” [...] “ Ma première dégustation de Saint-Émilion était magique ”. »77
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ntronisée par la Jurade de Saint-Emilion, Junjie Yan (ASC Fine Wines de Shanghai), est honorée par ce qui sonne pour elle comme un encouragement : “ Saint-Émilion est le royaume du Merlot et ce cépage ravit les palais chinois ”. En Chine, les gens aiment ces vins “ ronds, chaleureux, au goût soyeux comme du velours ”. »
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e n’ai que de bons souvenirs. Je n’y ai passé que des moments d’une grande convivialité. Le climat y a toujours été apaisant, empreint d’une grande quiétude. [...] Je promeus cette appellation dès que je le peux en Principauté et à travers le monde. Il me tient à cœur de souligner le caractère unique de ces vins » Témoignage du Prince Albert II de Monaco
Grâce à son réseau de chancelleries, la Jurade de Saint-Émilion dispose d’un système d’ambassadeurs en Angleterre (chancellerie à Oxford et York), en Belgique, à Malte et à Hong Kong, permettant de véhiculer l’image prestigieuse des vins de Saint-Émilion partout dans le monde. La présence d’une chancellerie à Hong Kong est due au nombre élevé d’ambassadeurs chinois travaillant dans le milieu du vin. Cela prouve les liens forts existant entre le vin de Saint-Émilion et les consommateurs Chinois ainsi que la volonté du village d’affirmer et renforcer ses liens dans le futur. De part ses nombreux ambassadeurs, la Jurade joue également un rôle fondamental dans le poids économique viticole en permettant de valoriser l’exportation de vin. Le village de Saint-Émilion exporte son image de marque à l’international.
Figure 30 : Image de Saint-Émilion émise par le magazine municipal.
77
Site du Conseil des Vins de Saint-Émilion : https://www.vins-saint-emilion.com/
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01.4.2 - LES IMAGES ÉMISES PAR LES GUIDES TOURISTIQUES
En France, que ce soit dans les guides touristiques, les sites touristiques, les brochures, les articles de journaux, la commune de Saint-Émilion est évoquée avec les mêmes gammes de mots. L’accent est mis en particulier sur l’historicité de la cité, le patrimoine bâti et l’UNESCO. L’inscription sur la liste du patrimoine mondial qualifie le village d’une image de marque supplémentaire qui est énormément mise en avant.
()2 Figure 31 : Photo tirée du guide touristique : voyagemichelin.fr
’est l’une des plus belles cités d’Aquitaine, une ville médiévale de pierre dorée, de placettes et de venelles. Entourée d’un paysage de vignes remarquablement préservé, elle partage avec les communes de la Juridiction la fierté de leur inscription sur la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO, au titre de paysages culturels. »
voyages.michelin.fr
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éritable musée à ciel ouvert, la ville de Saint-Émilion étonne. » www.france-voyage.com
a cité médiévale, fièrement campée sur son promontoire rocheux, fait le bonheur des amoureux de belles pierres. »
www.france-voyage.com
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ous êtes au cœur de l’un des vignobles les plus réputés du monde. » L’aquitaine votre sud-ouest sur mesure, région aquitaine, 2013
aint-Émilion est une destination phare de la planète pour son histoire et son breuvage et récemment reconnu par l’UNESCO pour ses paysages. »
www.tourisme-libournais.com
Figure 32 : Photo Instagram Tamahanicole
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ne réussite saluée par l’UNESCO en 1999 lorsque Saint-Emilion et les 8 communes de sa Juridiction furent inscrites au patrimoine mondial au titre de “ paysage culturel ”. Une première mondiale pour un terroir viticole. »
www.gironde-tourisme.fr
()2
e village est l’un des plus riches en monuments historiques de tous les villages de France. »
()!
aint-Emilion : un véritable musée à ciel ouvert ! »
lepetitfuté.com
www.tourisme-libournais.com
D’un guide à l’autre on peu retrouver les mêmes photos, les mêmes panoramas : le clocher de l’église mis en valeur, les ruelles étroites, la place du marché... Il est également possible de trouver des photos du vignoble, ou de caves, mais l’image de la cité médiévale domine. Figure 33 : Photo tirée du guide touristique : bordeaux-tourisme.com
Très peu d’images montrent une vision « vivante » de la cité : rares sont les photos où des personnes (touriste comme habitant) apparaissent. D’ailleurs, le qualificatif de musée est directement utilisé pour parler de la cité médiévale.
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01.4.3 - LES IMAGES PERÇUES PAR LES TOURISTES
Le réseau social Instagram m’a permis de me faire une idée des images que perçoivent les touristes en se rendant à Saint-Émilion. Spontanément, lors de ma première visite sur place, je me suis muni de mon appareil photo. Lorsque a posteriori, j’ai comparé les photos que j’avais prises avec celles récoltées sur Instagram, ou dans les guides touristique, je me suis rendues compte que plusieurs étaient identiques.
Figure 34 : Noé Tronel
Figure 35 : Office du tourisme du Grand Saint-Émilionnais
J’ai donc fait le constat que lorsqu’un touriste se rend dans un lieu pour la première fois son évolution dans l’espace est assez prévisible. Indifféremment de sa nationalité, son parcours sera guidé par la signalétique des panneaux, par les mouvements des autres touristes etc. De plus, à Saint-Émilion un « effet de surprise » permet d’expliquer le fait que chaque visiteur prenne la même photo. En effet, le tissu bâti de Saint-Émilion est assez dense. Lorsque le long d’une rue la continuité du bâti se stoppe, cela permet de créer un dégagement. À cela il faut ajouter la topographie du village. Il suffit d’emprunter une rue en pente et que la continuité de bâti s’arrête pour créer un « effet de surprise » et découvrir un panorama sur la plaine (Figures ci-contres). D’autres dispositifs autres que les panoramas invitent les visiteurs à prendre une photo. Par exemple, l’ancienne porte des remparts rue Guadet (Figure 40 à 45) est un élément récurrent dans les photographies. Il s’agit d’un petit élément « pittoresque » et « chargé d’histoire ». Encore, de manière plus évidente, le promontoire de la place du clocher, un lieu hautement touristique de la cité, propose un point de vue sur la place du marché ainsi qu’un panorama sur le reste du village. (Figure 46 à 63)
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Figure 36 : Marie Rénié
Figure 37 : Office du tourisme du Grand Saint-Émilionnais
Figure 38 : Marie Rénié
Figure 39 : tourisme-libournais.com
Même sans indications signalétiques, les dispositifs spatiaux encouragent les touristes à prendre en photo un panorama. Sachant qu’ils sont peu nombreux sur le village, les photos identiques des touristes sont fréquentes. De plus l’accumulation de ces photographies sur les réseaux sociaux participe également à véhiculer une image de Saint-Émilion et participe de la stratégie de communication de l’Office de tourisme.
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Figure 40, Instagram : simonemazengarb
Figure 41, Instagram : francklevassort
Figure 46 : Elsa Genête
Figure 47 : Marie Rénié
#* #)
Figure 42, Instagram : kozzmicblues
Figure 43, Instagram : thetagalongs
Figure 48 : gironde-tourisme.fr
Figure 49 : Magazine touristique région Aquitaine
Figure 44, Instagram : audreydolberg
Figure 45, instagram : roxysaka
Figure 50, Instagram : elodie.ripaux
Figure 51, Instagram : mathilde_bureau_
Figure 52, Instagram : audreypont
Figure 53 : Marie RĂŠniĂŠ
Figure 58, Instagram : sen_solene
Figure 59, Instagram : andreas_022
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Figure 54, Instagram : volcanoesbearclub
Figure 55, Instagram : gironde-tourisme.fr
Figure 60, Instagram : apmaunder
Figure 61, Instagram : mymycmoi
Figure 56, Instagram : tamahnicole
Figure 57, Instagram : rlopppes
Figure 62, Instagram : lou.urv
Figure 63, Instagram : paulinebouttier
01.5 - GOOGLISATION
: LE VIRTUEL AU SERVICE DU TOURISME 78
01.5.1 - LES PARTENARIATS
Figures 64 et 65 : Zones accessibles de Saint-Émilion grâce à l’outil Street view de Google maps.
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Google est le leader mondial sur internet dans les technologies portées sur le lien entre les êtres humains et l’information. Le moteur de recherche Google est une marque incontournable connue dans le monde entier. Grâce à Google Maps, le service gratuit de cartographie en ligne du moteur de recherche Google, n’importe quel individu possédant une interface numérique (ordinateur, tablette, smartphone etc.) ainsi qu’une connexion internet peut se rendre à l’autre bout du monde tout en restant dans son fauteuil. L’outil Google Street View est aussi particulièrement intéressant car il permet de naviguer virtuellement parmi n’importe quelle rue répertoriée partout dans le monde, à hauteur humaine. Les touristes et le reste du monde peuvent alors déjà visualiser les endroits dans lesquels ils souhaitent se rendre avant même y avoir mis les pieds. Il est également possible de visiter certains lieux emblématiques, (mêmes s’ils ne se situent pas dans une « rue » à proprement parler), comme le grand canyon ou des lieux plus improbables tels que la barrière de corail, ou encore, entrer dans de célèbres monuments comme le Colisée, la maison blanche etc.79 Lorsqu’on utilise l’outil Google Street View, les rues pouvant se visiter apparaissent en surbrillance bleue. À Saint-Émilion par exemple, la densité des rues bleues est largement supérieure au nombre de rues réellement existantes. Un important maillage permet de visiter le village entièrement de façon virtuelle. En effet la densité des lieux accessibles en bleu sur la carte est assez impressionnante (Figures 64 et 65). Il est possible de rentrer à l’intérieur d’une grande quantité de bâtiments, de visiter l’église monolithe, des caves, et bien d’autres choses peuvent être découvertes...
Figures 66 et 67 : Zones de Sarlat accessibles en utilisant l’outil Street view de Google maps.
Si l’on regarde d’autres villes comme Bordeaux, la densité des zones visitables n’est pas aussi élevée (Figures 68 et 69). Certaines impasses sont même inaccessibles. La ville de Sarlat, qui comprend un centre ancien historique comparable à celui de Saint-Émilion n’est pas desservie par le service Google Street View (Figures 66 et 67). En revanche, la cité médiévale de Carcassonne, (qui dans la description faite dans l’avant-propos possède des points communs non négligeables avec Saint-Émilion), peut se visiter également virtuellement et permet d’entrer à l’intérieur des bâtiments. En France, les lieux où Google Street view permet de visiter toute la ville, (ou plus), sont rares. Dans le même cas, il est possible de trouver la cité médiévale de Carcassonne, ou encore, le Mont Saint-Michel (Figures 70 à 73).
78 Googlisation est un néologisme qui exprime le fait de rechercher des informations sur internet via le moteur de recherche Google. Figures 68 et 69 : Zones de Bordeaux accessibles en utilisant l’outil Street view de Google maps.
79 Guilhem, « Top 10 des lieux à visiter via la Street view », dans Topito, le 9 avril 2014. http://www.topito.com/top-tourisme-via-street-view
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Les cas venant d’être cités se trouvent être tous les trois inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité. Il ne s’agit donc pas d’un hasard mais d’un partenariat entre l’UNESCO et Google clairement assumé par l’organisme de protection80. Il permet aux internautes de visiter de nombreux biens du patrimoine mondial grâce au projet « Merveilles du monde » de Google. Les différents sites Google Street View, Google Earth et Google Maps permettent de visualiser ces données. L’accord en question permet aux internautes de visiter un très grand nombre des 962 biens inscrits par l’UNESCO. Les technologies mises en place par Google permettent via l’outil Google Street View d’obtenir des vues panoramiques capturées par des caméras montées sur des voitures, des bicyclettes ou même portées à l’épaule. Une fois traitées, ces images sont superposées aux vues satellites de Google Maps. La technologie intervient comme facilitateur d’accès à l’information en amont d’un voyage. Le secteur du tourisme est également en mutation et les professionnels classiques de ce secteur doivent s’adapter et renouveler leurs offres face à l’essor d’internet. En effet, Le tourisme constitue le premier secteur du e-commerce. La concurrence dans le milieu est accrue et le voyageur devient exigeant. Il est plus informé, plus autonome, en somme plus expert. Il recherche à être surpris par de nouvelles propositions, de nouvelles manières de voyager et de découvrir.
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Figures 70 et 71 : Zones de Carcassonne accessibles en utilisant l’outil Street view de Google maps.
Google permet également d’aller plus loin qu’uniquement la visualisation des lieux lors de la planification de son voyage. Le géant d’internet propose des itinéraires, des lieux d’intérêt, de restauration, de logement etc. Les plateformes telles que Google sont des nouveaux atouts pour améliorer l’attractivité touristique d’un lieu et permettent une nouvelle valorisation du patrimoine. Cependant, cette grande influence peut être un frein pour toutes les petites structures n’étant pas répertoriées par Google. ll s’agit d’un atout marketing considérable permettant de donner aux touristes étrangers, un avant gout et l’envie de se rendre à Saint-Émilion.
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’alliance avec Google permet d’offrir à tous des visites virtuelles des sites, pour augmenter l’intérêt et encourager la participation à la sauvegarde de ces trésors. »
Irina Bokova, Directrice générale de l’UNESCO.
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es sites du patrimoine culturel et naturel sont une source irremplaçable d’inspiration et de fascination. Ce projet est très excitant et nous sommes ravis de travailler avec l’UNESCO pour rendre de nombreux sites du patrimoine accessibles et enrichissants pour tous. »
Amit Sood, Directeur du Google Cultural Institute
Figures 72 et 73 : Zones du Mont-Saint-Michel accessibles en utilisant l’outil Street view de Google maps.
Désormais, les réservations de vacances sont majoritairement effectuées via internet : TripAdvisor est l’une des plateformes qui bénéficie le plus de cette situation. Elle permet au voyageur d’être plus informé. Ce dernier a la possibilité de laisser son avis et ses impressions en commentaire sur un service proposé (voyage, hotel, restaurant...) afin que les autres internautes puissent les consulter.
80 Google Cultural Institute, The power of partenerships, World Wonder Project : Click to explore a World Heritage site with Google : http://whc.unesco.org/fr/google
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Trip Advisor s’engage également pour le patrimoine mondial en devenant un partenaire de l’UNESCO81. Cet engagement n’est pas négligeable car Trip Advisor possède la plus grande communauté en ligne de voyageurs au monde avec en moyenne 390 millions de visiteurs uniques par mois82 et plus de 500 millions d’avis et d’opinions laissés en ligne. Cet engagement se traduira par une campagne de promotion en ligne et de sensibilisation sur la conservation et l’implication des communautés sur les sites du patrimoine mondial.
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)G des gens qui préparent leur séjour vont voir un avis sur Internet, même s’ils n’en tiennent pas forcément compte. », avance Jean-Daniel Debart, vice-président de la CDC du Grand Saint-Émilionnais en charge du tourisme et de la culture83. Michelin a également réalisé un Guide Vert des sites français du patrimoine mondial de l’UNESCO. Ces rapprochements entre l’UNESCO et différents partenaires soulèvent quelques enjeux. Les guides Michelin84 sont connus pour leur approche qualitative du tourisme en donnant une note évaluant chaque destination : « les étoiles du guide Michelin ». Cependant, pour que cette philosophie s’adapte à celle de l’UNESCO qui prône la non hiérarchisation des sites inscrits sur la liste, il est nécessaire d’adptater les critères d’évaluations du guide Michelin.
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Si les arguments avancés reposent sur l’augmentation de la sauvegarde du patrimoine UNESCO, ce type de partenariat met tout de même en évidence l’envie de considérer les sites de l’UNESCO comme des destination touristiques. Je ne considère pas le tourisme comme une mauvaise chose en soi, au contraire. La mise en valeur des sites du patrimoine mondial qu’offre Google est une bonne initiative pour faire découvrir des biens et des lieux innaccessibles ou méconnus du grands public. Cependant, une activité touristique si valorisante soit elle, est source de profits. Via ces partenariats, les sites du patrimoine UNESCO semblent être considérés en priorité comme des destinations touristiques. Une déviance de cette sur-exposition des biens appartenant à la liste UNESCO est la marchandisation du patrimoine que ce soit de la part des territoires locaux ou des Tour-opérateurs. Le virtuel permet d’augmenter la sensation d’être voisin. En étant actif sur les réseaux sociaux, sur les différents sites internet, Saint-Émilion donne une impression de grande proximité et de familiarité.
81 Site Web de l’UNESCO, « Trip Advisor s’engage pour le patrimoine mondial », dans l’onglet Actualité, le 20 juillet 2009. 82 Enregistrements de connexion de TripAdvisor, moyenne des utilisateurs uniques mensuels, troisième trimestre 2016. 83
CHARIOL Anne-Marie « Tourisme : destination Saint-Émilion », dans Le Résistant, le 10 mars 2017.
84
Les sites français du Patrimoine mondial, Guides Michelin.
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01.5.2 - LES ITINÉRAIRES EN FRANCE PROPOSÉS PAR LES TOUROPÉRATEURS
Ce point va permettre d’enrichir l’analyse du paysage vitrine de Saint-Émilion en comparant différents trajets de voyages en France proposés par des tour-opérateurs à destination des touristes étrangers. Le but étant d’enrichir la compréhension de l’image perçue de Saint-Émilion à l’international. Les cartes sont des captures d’écran tirées de sites de voyages étrangers tels que : tourradar.com, trafalgar.com, frenchtravel.com.au, zicasso.com, top deck tours limited, explorica.com, etc. Une fois de plus, les exemples qui vont suivre sont choisis pour appuyer mon argumentation. Bien évidemment ils ne sont pas le reflet exact de tout ce que l’on peut trouver sur internet, mais le reflet d’une réalité dominante. Les tour-opérateurs peuvent également être appelés voyagistes. Cette profession ancienne inaugurée par Thomas Cook en 1841, consiste à organiser un séjour touristique en réunissant plusieurs prestations de différents fournisseurs (compagnies aériennes, hôteliers, autocaristes, restaurateurs, guides etc.) à des prix négociés et en les vendant à un prix tout compris sous forme de forfait ou de package85.
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Figure 74 : « Best of France » 12 jours, 3075 $ www.trafalgar.com
Figure 75 : « Discover France » 1607 €, 14 jours www.topdeck.travel
Les trajets sélectionnés mettent en évidence des séjours avec au moins une étape dans le Sud-Ouest de la France à Bordeaux ou Saint-Émilion. Pour avoir un ordre d’idée très global, environ 1 trajet sur 5 présentait une escale à Bordeaux. Paris reste la destination quasi incontournable de tout les itinéraires proposés. J’ai également cherché à rassembler des trajets que je qualifie de « globaux », permettant de visiter une grande partie de la France. Les noms donnés à ces itinéraires par les tour-opérateurs restent assez vagues : « Best of France », « Ultimate France », etc. (Figures 76 et 77). D’autres séjours sont plus spécifiques et proposent des voyages plus thématiques, autours du vin par exemple, des voyages familiaux, d’affaires... Si l’on compare le nombre de trajets proposés dans les vignobles du Bourgogne, avec l’offre dans les vignobles du Bordelais, elle est beaucoup plus importante dans le Bordelais. Certains trajets proposent uniquement deux grandes destinations phares : le Grand Paris et le vignoble Bordelais. Les tour-opérateurs présentent essentiellement des trajets s’adressant à une clientèle « de luxe », les prix débutant à 1100 euros la semaine.
Figure 76 : « Best of France » 15-17 jours, 3633 $ explorica.com
Figure 77 : « Ultimate France » 22 jours, 10925 € tourradar.com
Lorsqu’un tour-opérateur propose de faire une escale à Bordeaux, il proposera quasiment systématiquement de faire une escale à Saint-Émilion sur une journée. Il est possible de trouver des trajets s’arrêtant à Bordeaux sans passer par Saint-Émilion mais la réciproque est fausse. La ville de Bordeaux et le village de Saint-Émilion ne forment qu’une seule et même étape, associée à l’image du vin et de la gastronomie. Les étapes se déroulant dans la cité médiévale restent courtes, soit sur la journée ou la demie journée, et souvent en option. Les séjours liés au tourisme viticole sont assez nombreux et proposent de faire toute la région Bordelaise à vélo (Figure 82).
85 Le tour-opérateur se distingue de l’agence de voyages. Ce dernier est distributrice. À la différence du voyagiste (tour-opérateur), l’agence ne fait que revendre les produits des prestataires. Elle fait office d’intermédiaire entre le tour-opérateur et le touriste en vendant des circuits et des séjours, percevant au passage une commission. Dénifinition provenant du site http://geoconfluences.ens-lyon.fr/
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ycling and wine tour in Bordeaux : Découvrez la belle région viticole de Bordeaux grâce au vélo. Basée dans une des régions viticoles les plus renommée de France, cet itinéraire vous permettra d’apprendre les bases du sommelier grâce aux célèbres appellations : SaintÉmilion, Pauillac et Margaux. »
Provient du site zicasso.com, traduit de l’anglais via Google translate.
Figure 78 : « Gems of the Seine & Bordeaux Affair » 18 jours, 9085 €.
Figure 79 : « Bordeaux and Dordogne, Best of » 8 jours, 1315 €.
J’ai également pu remarquer, que de nombreux sites proposent de séjourner en Dordogne, la ville de Sarlat est un point d’intérêt récurent. La ville de Saint-Émilion constitue souvent une étape sur le chemin menant à la Dordogne (Figure 79). Un des séjours nommé « France for families » (Figure 80), propose un départ de Paris pour se rendre sur la côte basque. Le seule étape est la ville de Sarlat. Elle n’est pas mentionnée clairement dans le descriptif qui décrit de manière générale (et très stéréotypée) la Dordogne et ces nombreuses excursions idéales pour les parents avec enfants. Pour une excursion en famille, le village de Sarlat (qui je le rappelle n’est pas inscrit sur la liste du patrimoine de l’humanité), est privilégié par rapport à la ville de Bordeaux et le vignoble de Saint-Émilion.
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a Dordogne, la maison du foie gras, est une terre de petites routes de campagne calmes et de douces collines couvertes de tournesols. »
Provient du site Neverstoptraveling, traduit de l’anglais via Google translate.
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Figure 80 : « France for families » 12 jours, 4846 €.
Figure 81 : « Bordeaux, Dordogne, Languedoc » 14 jours, 6159 €.
Figure 82 : « Bordeaux vinyard cycle » 7 jours, 1248 €.
Figure 83 : « Three Mighty Rivers - The Gironde Estuary and Arcachon bay », 1182 €, 8 jours.
Source : tourradar.com
01.5.3 - UNE PERCEPTION DIFFÉRENTE DE SAINT-ÉMILION EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER
Dans ces sites touristiques de Tour-opérateurs, ou dans les Top 10 des immanquables visites en France, l’image de Saint-Émilion est très peu présente, elle est souvent substituée à celle de Bordeaux. À la place, les sites montrent souvent une image d’une cave à vin remplie de bouteilles ou bien un vignoble : il s’agit d’une image assez « dé-personnalisée » de la cité. Sa renommée mondiale pour le vin est bien plus importante que celle de la cité médiévale. Le témoignage du directeur de la maison du vin à Saint-Émilion corrobore cette idée.
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Figure 84 : Photo de la place de la Bourse à Bordeaux, raileurope.com.
es touristes viennent avant tout pour la renommée du vin et ce n’est qu’une fois dans le village qu’ils découvrent le riche patrimoine de la commune. »86
Témoignage Monsieur A.
Certains sites choisissent de présenter uniquement des images de la place de la Bourse à Bordeaux afin de parler à la fois de la région bordelaise et de Saint-Émilion (Figures 84, 85 et 86). Il se passe exactement le même phénomène lorsque les séjours proposent d’autres arrêts autour de Bordeaux, dans le Médoc, ou près d’Arcachon. Il arrive aussi que l’image associée à la ville de Bordeaux soit aussi celle d’un vignoble. $#
Figure 85 : Photo de la place de la Bourse à Bordeaux, Les Williams via twitter.
Les sites touristiques se préoccupent peu de l’exactitude des images véhiculées. Ce qui importe pour le touriste étranger est de pouvoir vivre des « vraies expériences françaises ». La figure 89 issue du site internet, Lonely planet, un guide de voyage à l’étranger présente une image d’un vignoble lors d’un crépuscule brumeux avec le mot « Bordeaux » mis en valeur sur l’image. Or, la même photo est utilisée sur le site Trafalgar pour parler de la Dordogne. Les descriptions fournies avec les itinéraires restent vagues avec peu de détails. Les descriptions sont choisies riches de termes évoquant la magie, le prestige, le raffinement à la française, les contes de fées, ou encore de gros clichés sur la France afin de faire rêver les touristes. L’utilisation de mots ou expressions françaises dans les descriptions d’itinéraires de ces sites est également un moyen utilisé pour faire d’avance voyager les touristes : il est fréquent de trouver dans une description en anglais les mots « douceur de vivre ».
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emonter le temps pour vivre des scènes de châteaux de contes, villages médiévaux, et des vignobles idylliques [...] Depuis les châteaux les plus élégants jusqu’au parfait verre de vin rouge[...] » Provient du site Zicasso.com, traduit de l’anglais via Google translate.
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alladez vous dans des prestigieux vignobles du Médoc et de Saint-Émilion en dégustant des vins de renommée mondiale. »
Provient du site Raileurope.com, traduit de l’anglais via Google translate.
()* ()+ Figure 86 : Photo de la place de la Bourse à Bordeaux, zicasso.com.
86
ous pouvez participer à une visite guidée gastronomique, ou faire une excursion d’une journée à la ville pittoresque de Saint-Émilion. » ous prenons un bâteau depuis Lamarque jusqu’à Blaye puis nous suivons une route pittoresque jusqu’au typique village viticole de Saint-Émilion. »
Cf. Annexe numéro 12
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aint-Émilion possède un des plus ancien vignoble français. Vous pourrez explorer les ruelles labyrinthiques du village. » ous aurez l’occasion de visiter l’impressionnante église souterraine et les catacombes avant une dégustation de vin. »
Provient du site Tourradar.com, traduit de l’anglais via Google translate.
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ordeaux a été l’endroit préféré des touristes anglais en France pendant des années, et est toujours connu pour ses vins rouges raffinés. »
Provient du site The rough guides limited.com, traduit de l’anglais via Google translate.
Figure 87 : Photo d’un vignoble, Top deck tours limited.com.
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écouvrez pourquoi la région de Bordeaux est mondialement connue pour ses grappes fermentées. C’est une raison de sortir du lit n’est ce pas ? Goûtez les gammes et ramenez quelques bouteilles à la maison. Votre « vous » futur vous sera reconnaissant. Explorez la proche cité médiévale avant de rentrer sur Bordeaux. »
Provient du site Top deck tours limited.com, traduit de l’anglais via Google translate.
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ordeaux et le pays du vin : Lorsque les voyageurs arrivent ici, la campagne de Bordeaux les enchante sans qu’ils sachent vraiment pourquoi : ce que les Français appellent la douceur de vivre peut avoir quelque chose à voir avec cela [...] À l’Est, en étendant leurs lignes verdoyantes au soleil levant, les vignobles renommés de la Route de Médoc incitent les visiteurs à découvrir des villes viticoles médiévales comme Saint-Émilion. »
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Provient du site Fodor’s, traduit de l’anglais via Google translate.
Figure 88 : Photo d’un vignoble, rough.guides.limited.com.
« Pittoresques », « Typiques », « Châteaux de contes », « raffinés », les descriptions des sites de voyages étrangers sont énormément romancées et évasives. Très peu évoquent l’exceptionnalité de village de Saint-Émilion. Jusque dans les descriptions le village est souvent rapporté à son vignoble, ne fournissant aucun descriptif physique de la cité. Le label UNESCO est également souvent passé sous silence. Contrairement aux descriptions que l’ont peut trouver dans les guides touristiques destinés aux visiteurs français, rares sont les descriptions qui précisent à la fois l’exceptionnalité du village conservé intact ainsi que l’inscription de la cité et son vignoble sur la liste du patrimoine mondial. Cela conforte une des hypothèses faite dans l’introduction : l’impact de labellisation UNESCO est minime sur le territoire de Saint-Émilion notamment en ce qui concerne l’augmentation du tourisme international. Avec ou sans l’inscription sur la liste du patrimoine mondial, le tourisme aurait continué d’augmenter à Saint-Émilion. Le tourisme viticole attire toujours plus. Il dégage quelque chose de spécial, d’authentique : le travail, le terroir, le luxe, l’art de vivre à la française, appartiennent aux valeurs immatérielles liées à la culture du vin et c’est cela qui attire majoritairement les touristes étrangers. Ce sont donc évidemment ces arguments qui sont mis en valeur pour convaincre les touristes de venir visiter les vignobles Bordelais. Le succès de la Cité du vin de Bordeaux inaugurée en 2016 témoigne de cet engouement pour le tourisme viti-vinicole. Au total, 70 000 visiteurs étrangers (150 nationalités différentes) se sont rendus à la Cité du vin87.
Figure 89 : Photo d’un vignoble, Lonely planet. 87 C. P., « Cité du vin à Bordeaux : 425 000 visiteurs et 250 emplois créés » dans Sud-Ouest, Bordeaux, le 6 juin 2017.
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REPRÉSENTATIONS DES DIFFÉRENTES MANIÈRES D’HABITER SAINT-ÉMILION
La seconde partie de l’étude aborde plus particulièrement le rôle et l’impact des paysages quotidiens dans les manières d’habiter à Saint-Émilion. Afin de comprendre mon interrogation sur la sensibilité paysagère des habitants à leur lieu vie, il est nécessaire de considérer que dans la vie quotidienne, chacun de nous tisse une relation particulière avec son environnement quotidien : il s’agit d’un vécu paysager.88 Je m’intéresse plus précisément à la sensibilité que possèdent les habitants vis-à-vis du paysage qu’ils fréquentent quotidiennement. Comment vivent-ils la patrimonialisation de « leur » paysage. L’analyse s’appuie principalement sur les témoignages d’habitants récoltés grâce à une démarche d’enquête, ainsi que de supports cartographiques que j’ai réalisés suite aux discours récoltés, correspondant à des cartes sensibles « mentales », mêlant mon interprétation des témoignages ainsi que mon expérience sur le terrain. Dans un premier temps, je m’intéresserai à connaître qui sont les habitants de la commune de Saint-Émilion en analysant leur rapport au paysage. Experts à leur manière du paysage, leur regard sur le paysage exceptionnels de Saint-Émilion n’est pas identique à celui que peut avoir un touriste. Dans cette exposition quotidienne au regard des touristes, je regarderai quels dispositifs les habitants mettent en place afin de [re]créer une forme d’intimité paysagère. Le paysage quotidien de l’habitant et le paysage vitrine du touriste peuvent alors se retrouver mélangés. Cette mise en tourisme de leur environnement provoque des réactions différentes au sein des habitants. Puis je regarderai de quelle manière le tourisme de masse influe sur la composition et la répartition spatiale des populations locales, par rapport à celle des touristes. Avant de commencer, il est nécessaire de préciser que le paysage de Saint-Émilion n’a jamais été ordinaire au sens strict du terme. En effet, comme dit dans la partie 1, le paysage de Saint-Émilion possède des caractéristiques uniques le rendant remarquable. Les témoignages des populations locales permettront d’avoir un regard sur le caractère ordinaire du paysage exceptionnel. L’analyse qui va suivre est bien évidemment à nuancer, il est évident que la sensibilité paysagère peut considérablement varier d’un individu à l’autre. L’appréciation d’un paysage est chargée de valeur. Il peut faire appel à des souvenirs. Chaque personne entretien un rapport personnel et unique au paysage. 88 BIGANDO Éva, La sensibilité au paysage ordinaire des habitants de la grande périphérie bordelaise (commune du Médoc et de la Basse vallée de l’Isle), thèse sous la dir. de DI MÉO Guy, Bordeaux, 2006.
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02.1 - VERS LA [RE]CONSTRUCTION D’UN PAYSAGE INTIME
Qui sont les habitants à proprement parler ? De qui parle-t-on lorsqu’on fait allusion aux habitants de Saint-Émilion ? Les populations locales ? Les touristes ? Les personnes y travaillant mais n’y résidant pas ? Lorsqu’on évoque les habitants ou les populations locales en tant qu’acteurs au sein d’un projet quel qu’il soit, on en parle comme d’un élément uniforme, une catégorie homogène d’acteurs à la voix et aux idées unanimes, or ce n’est pas le cas. Cette composante est plus que variable et incertaine. Les populations locales sont multiples. Leurs discours, leurs représentations seront différentes s’ils sont touristes, vignerons, propriétaires ou locataires... Ces populations apportent une expertise supplémentaire du territoire. Qu’ils vivent le territoire au quotidien ou occasionnellement, leurs pratiques de l’espace, leurs habitudes et leurs représentations constituent nombre de petites vérités qui participent à la complexité et la densité du paysage de Saint-Émilion. Il me semble donc plus pertinent de m’intéresser non seulement aux résidents permanents, mais aussi aux personnes plus occasionnelles comme les touristes, les travailleurs saisonniers, ainsi qu’aux personnes travaillant quotidiennement sur la commune sans pour autant y résider. %)
Nous avons davantage de repères concernant le patrimoine. Il est quantifiable et répertoriable, décrit par dans les livres par des experts, tandis que souvent le paysage est laissé à l’appréciation du plus grand nombre. À mon sens, le paysage est un concept peut-être plus abordable par les populations locales que celui de patrimoine. Elles le voient au quotidien, le pratiquent et le connaissent parfaitement. Par exemple, il est certain que dans une région montagneuse vous trouverez des habitants capables de vous dire la météo du lendemain en fonction de l’aspect des montagnes. De plus le paysage n’est pas un bien que l’on peut posséder physiquement, contrairement au patrimoine. Le paysage n’appartient à personne tout en étant à la vue de tous, il est une propriété affective, immatérielle de celui qui le voudra. Un bâtiment aura toujours une relation implicite avec son constructeur, son architecte, les personnes possédant les murs... (même si un monument fait partie du patrimoine mondial de l’humanité, et donc par définition appartient à tout le monde, sans appartenir à personne, les biens construits en dur ont plus souvent un propriétaire, que ce soit l’état ou autre). Le paysage dégage une sensation d’identification, et d’appropriation plus importante. L’inscription du paysage quotidien des habitants de Saint-Émilion sur la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO entraine une complexification de la relation existante entre la population locale et les lieux qu’ils habitent. Il ne s’agit plus uniquement de leur paysage : la part d’intimité que les habitants entretenaient avec celui-ci n’existe plus. La reconnaissance de la valeur exceptionnelle universelle implique une extension de l’appartenance de ce paysage. (Si l’on considère qu’un paysage appartient à quelqu’un. Ici l’appartenance signifie l’identification des populations locales à un paysage qu’elles vivent au quotidien). Ce qui avant pouvait être une expérience intime, privée, est aujourd’hui une expérience exceptionnelle et globalisée. Les habitants sont en quelque sorte un peu dépossédés de leur paysage quotidien.
La sensibilité paysagère d’une personne peut être mise à l’épreuve lors de changement brutaux de son espace géographique quotidien. Les populations agées ont pu connaitre un avant/après Saint-Émilion. Leur paysage ordinaire d’hier n’est plus le même qu’actuellement. En revanche, les plus jeunes générations ont connu uniquement leur paysage quotidien imprégné du paysage vitrine.
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n revanche on y voit des choses extraordinaires, comme des Japonais dans des énormes voitures avec chauffeur »89
Témoignage de Madame T.
Le paysage n’est plus seulement Saint-Émilionnais, ni Libournais, ni Bordelais, ni simplement français mais mondialisé. Il appartient à l’humanité entière. Même si pour le cas de Saint-Émilion cette rupture est en grande partie symbolique. Comme dit précédemment, l’inscription sur la liste de l’UNESCO n’a pas provoqué changements majeurs au niveau du tourisme. Le processus de mise en tourisme de SaintÉmilion était déjà amorcé avant l’inscription. Cette dernière n’a fait qu’amplifier le phénomène en ratifiant officiellement les critères d’exception du paysage défini comme culturel. Dans le cas de Saint-Émilion, tout le processus de patrimonialisation s’est fait sans la consultation des habitants. Ils assistent donc aujourd’hui en tant que témoins aux transformations de leurs paysage, qu’ils en aient conscience ou non. %*
Il est alors possible de décrire le nouveau rapport des populations locales à leur environnement par un double processus90. Le premier correspond à la phase d’expertise d’identification puis de définition de l’exceptionnalité paysagère du territoire de SaintÉmilion, en d’autres termes la construction du paysage vitrine (décrit dans le première partie de cette étude). Puis, le second processus concerne plus spécifiquement les populations locales. Il consiste, après avoir assimilé positivement ou négativement la patrimonialisation de leur environnement, de se [re]construire une forme d’intimité paysagère, essentielle au développement d’une relation entre le lieu qui est habité et l’habitant. Les dispositifs mis en place par les habitants, consciemment ou non et si petit soient ils, participent à redonner une forme de normalité et d’ordinaire à leur quotidien. À ce stade de l’analyse, il me semble nécessaire de venir compléter les définitions des différents paysages de Saint-Émilion, données dans la première partie, notamment les définitions du paysage « quotidien » « ordinaire » « intime », que j’ai opposées à celle des paysages « vitrine », « remarquable », « exceptionnel ». Par exemple la définition du paysage ordinaire ne me paraît plus si inintéressante pour le cas de Saint-Émilion. Le terme « ordinaire » apporte une notion de normalité qui n’existe pas dans « quotidien ». En effet, le paysage quotidien des Saint-Émilionnais a muté. Le paysage touristique a englobé le quotidien des Saint-Émilionnais qui est visité, consommé et parfois piétiné. Les touristes rythment le quotidien, le calme existe peu. Le quotidien de SaintÉmilion s’éloigne de celui des villages ruraux traditionnels. Le mot « ordinaire » s’éloigne de 89
Cf. Annexe numéro 12.
76 BIGANDO Éva, « L’expérience ordinaire et quotidienne d’un paysage exceptionnel. Habiter un “ paysage culturel ” inscrit au patrimoine mondial de l’Humanité (Saint-Émilion) », dans Patrimoine et désir d’identité, FOURNIER L., CROZAT D., BERNIE-BOISSARD C., CHASTAGNER C. (dir.), Paris, Éd. L’Harmattan, p. 207-218.
« quotidien », tout en apportant le calme et la tranquillité que la plupart des habitants de SaintÉmilion regrettent par rapport à l’avant/après touristes. (Si l’on considère que la normalité du mot « ordinaire » se base sur ce que représente la normalité dans les autres villages ruraux de France). Le besoin qu’expriment certains habitants de retrouver dans leur paysage quotidien un peu d’ordinaire, passe par la notion de paysage intime que j’avais mise de côté dans un premier temps. En effet, comme dit précédemment, le paysage intime ne véhicule pas d’identité collective, (par opposition, aux paysages remarquables, exceptionnels, et vitrines), mais est propre à un individu. C’est ici tout l’intérêt. Leur univers personnel est abandonné à l’autre, aux touristes. Leur quotidien est spectacularisé malgré eux, qu’ils prennent ça de manière positive ou négative.
La majorité des habitants sont très attachés pour la plus part à l’environnement exceptionnel de Saint-Émilion :
(),
ous ces beaux paysages que l’on voit façonnés, on retrouve un peu cet esprit dans les chais, dans l’architecture. Tout est harmonieux. Profiter de la pierre, des vignes tracées aux cordeau... »92
Témoignage de Monsieur V.
Mais la scission est faite entre ce qu’ils considèrent comme étant le paysage appartenant aux touristes, et leur paysage à eux. Ils réinventent le leur, le paysage intime, nourri par des expériences personnelles. Leur environnement personnel, s’éloigne du paysage exceptionnel inscrit à l’UNESCO, pour retrouver des éléments faisant parti de leur intimité, et de leur quotidien. Ces expériences paysagères sont souvent moins exceptionnelles mais plus intimes.
Fatigués de la dépossession de leur paysage quotidien, et de la surfréquentation de leur paysage exceptionnel vecteur de l’identité collective, les populations locales peuvent éprouver le besoin de se créer un nouveau lien avec leur environnement paysager par des expériences qui leur sont strictement personnelles : leurs paysages intimes. Une sorte de privilège personnel pour l’habitant loin du paysage du touriste :
()2
e que je préfère, c’est le matin et le soir quand c’est calme. Hier encore on a eu un super coucher de soleil, c’était magnifique ! On a de la chance. »
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Témoignage Monsieur A.
%!
Le paysage quotidien ou le paysage intime ne sont pas forcément « beaux », au sens du des codes esthétiques dont nous avons hérité.
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es moments préférés sont quand je me balade avec ma fille, elle est encore pleine de curiosité. Cette année quand il a fait très chaud on s’est rafraîchi dans une fontaine... Ce sont de tels moments que j’aime. »
Témoignage de Madame V.
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n découvre toujours des petits sentiers, des petites maisons de vignerons, des petits bois, c’est vraiment agréable. Il y a un petit village qui s’appelle Parsac (près de Montagne) qui n’est pas sur la commune et qui est vraiment joli. »
Témoignage de Monsieur V.
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ar exemple vous allez en bas depuis la route de Bergerac, vous avez quelque chose dont personne ne parle et qui est flagrant : à gauche vous voyez des chemins sinueux des murs bien faits. Tout est bien organisé, c’est beau, il y a des chemins empierrés, il y a de très beaux paysages »91 Témoignage de Madame T.
()$
u clos Badette sur la route de Saint- Christophe, il y a toujours eu une très belle maison du XVIIe siècle. Elle était petite et on ne la voyait pas bien, [...] Les nouveaux propriétaires ont construit des chais. Pour moi c’est un véritable modèle d’intégration au paysage. »
Témoignage Madame T.
91
Cf. Annexe numéro 12.
92
Cf. Annexe numéro 12.
02.2 -
LE SYMPTÔME DES LOGEMENTS VACANTS
02.2.1 - STRUCTURE ET ÉVOLUTION DE LA POPULATION DEPUIS L’INSCRIPTION SUR LA LISTE DU PATRIMOINE MONDIAL
La Communauté de Communes (CDC) du Grand Saint-Émilionnais est composée de 22 communes et compte 15 265 habitants en 2011.93 La commune de Saint-Émilion est le pôle qui regroupe la majorité de la population de la CDC avec 1911 habitants94. L’âge moyen des habitants est de 42,1 ans. Il est plus élevé que dans le reste du département. En effet, les personnes agées de plus de 40 ans représentent 60% de la population locale, dont 25% ayant plus de 60 ans.95
%#
À Saint-Émilion un constat en particulier inquiète tous les acteurs locaux, résidants comme élus. Depuis 1968 le population n’a cessé de baisser comme dans le reste de la Juridiction, passant de 3403 habitants, à 1911 en 201396, soit, une perte de 43,8% de ses résidents. Le solde naturel de Saint-Émilion étant positif97, la diminution constante de la population montre qu’une partie importante de celle-ci quitte le territoire, tandis que ce dernier n’est pas suffisamment attractif pour compenser la perte. Ce déclin démographique s’est accéléré depuis l’inscription sur la liste l’Unesco en 1999 : depuis, Saint-Émilion a perdu 18,5% de sa population, contre 13,2% pour l’ensemble des autres communes de la Juridiction. Cette baisse de la population s’avère à contre-sens de l’évolution démographique du Libournais qui a connu une augmentation de 10% de sa population entre 1999 et 2013. Plusieurs communes de la Juridiction sont touchées par le phénomène mais celle de SaintÉmilion est la plus touchée.
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’avais des voisins de tous les côtés, on se parlait. Maintenant on ne se parle plus, beaucoup sont morts et personne ne les a remplacés, et leurs enfants sont partis. »98 Témoignage Madame Denise Dauguet.
93
Cf. Fiche de présentation p.16 et Annexe numéro 03.
94 Les deux autres pôles secondaires sont la commune de Sainte-Terre, avec 1914 habitants, et Montagne, avec 1609 habitants, toute deux n’appartenant pas à la Juridction de Saint-Émilion. Données 2013. 95 Communauté de Communes du Grand Saint-Émilionnais, Programme Local de l’Habitat 2016-2022, Dossier complet, 2016. 96
Cf. Annexe numéro 08, Données INSEE, 2013.
97 Le solde naturel (ou accroissement naturel ou excédent naturel de population) est la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès enregistrés au cours d’une période. Si ce dernier est positif, cela signifie que le nombre de naissances est supérieur au nombre de décès. 98
Cf. Annexe numéro 13.
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02.2.2 - UN VILLAGE FANTÔME
Le structuration de l’habitat est atypique, mais homogène dans toute la Communauté de communes. Une de ces caractéristiques majeures est qu’elle possède un très fort tôt de logements vacants : 18,1% en 2013, contre 9,3% à l’échelle régionale (Anciennes régions). Par rapport au reste des communes de la Juridiction, Saint-Émilion est toujours touchée plus fortement par la vacance des logements avec un taux de 30,8 % et 354 logements vacants, contre 98 an 1999 (Figure 90). De plus il faut ajouter que la vacance est constatée sur de longues périodes et non uniquement sur l’année précédente. D’autres communes de la Gironde où le vin est prestigieux possèdent un taux de logements vacants comparables à celui de Saint-Émilion ainsi qu’une population qui décroit. C’est le cas de Pomerol, Pauillac, Saint-Estèphe... Ce phénomène de vacance peut s’exprimer par de multiples facteurs, à commencer par l’ancienneté du bâti. 80 % des logements vacants de Saint-Émilion ont été construits avant 1915.99
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Part de logements vacants en 2013, par commune (%)
Les logements individuels sont également une caractéristique dominante dans la composition de l’habitat local : 88,9% contre 62,1% dans le reste du département, avec une grande majorité de propriétaires en résidence principale. L’offre de petits logements reste assez faible et le bâti est deux fois plus ancien que dans le reste du département.
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de 25 à 30,8 Figure 90 : Nombre de logements vacants et taux de vacance dans le parc de logement de la communauté de commune du SaintÉmilionnais. En rouge la commune de Saint-Émilion.
de 20 à 25 de 15 à 20 de 10 à 15 < 10
avant 1949
es jeunes couples ne peuvent pas se loger, les loyers sont chers, les maisons malcommodes et très anciennes ».
Témoignage Madame T.
D’un point de vue général, la population de Saint-Émilion et de la Juridiction possèdent un niveau de vie plus élevé que dans le reste du département : Saint-Émilion (+42,9 % par rapport à la moyenne girondine), Saint-Christophe-des-Bardes (+72,4 %).100 Les jeunes quittent la commune pour leurs études et commencer leur vie active mais peu de facteurs les poussent à revenir.
entre 1949 et 1974 de 1975 à 1998 après 1999 CC du grand Saint-Émilionnais Gironde
Aussi, les fonctions touristiques ont peu à peu totalement remplacées les fonctions plus traditionnelles de services de proximité. Seules la pharmacie et une librairie continuent de vivre. La clientèle touristique du village est privilégiée par rapports aux habitants. Souvenirs, hôtels, restaurants, commerce de vins livrant partout dans le monde occupent les rez-dechaussées au déficit des fonctions quotidiennes, boulangeries, boucheries, épiceries qu’a pu connaître Saint-Émilion il y a quelques décennies.
Aquitaine France
99 Communauté de Communes du Grand Saint-Émilionnais, Programme Local de l’Habitat 2016-2022, Dossier complet, 2016. Figure 91 : Ancienneté du parc de logements.
100
Ibid.
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En 1930 il y avait 4 boucheries et 4 charcuteries. Plus d’une douzaines d’épiceries se sont succédées ou cohabitaient. Il existait encore 3 boulangeries jusque dans les années 1980 tandis qu’aujourd’hui il faut prendre sa voiture pour aller acheter du pain. Aujourd’hui, intramuros il n’y a plus de commerce de proximité. Seules une supérette de grande surface et une boucherie existent au nord de la cité.
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ntra-muros il n’y a plus de commerces. Nous avions connu un centre bourg attractif avec 3 ou 4 épiceries. »
Témoignage Madame T.
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uparavant il y avait un autre bureau de tabac, des commerces... maintenant il n’y a plus que nous. Il est le seul ouvert toute l’année, mis à part ça, il n’y a que des boutiques de vin. »
Témoignage Madame A.
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vant le village était très animé ! Le marché aujourd’hui par exemple c’est seulement dimanche matin, avec 4 ou 5 commerçants. Le mercredi il n’y a plus rien et les gens préfèrent aller à Libourne.»
Témoignage Monsieur G.
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Figure 92 : Les différents commerces intra-muros de Saint-Émilion entre 1930 et 1990.
Boulangeries Épiceries Boucheries / Charcuteries Cafés
02.2.3 - NON ADAPTATION TYPOMORPHOLOGIQUE DES LOGEMENTS
Dans le cas de Saint-Émilion où toute la cité est patrimonialisée, il faut interroger l’organisation générale des logements. La vacance ne peut-elle pas s’expliquer en partie sur la non adaptation du logement au style de vie contemporain ? Traditionnellement, la boutique située au RDC et le logement au R+1 allaient ensemble, alors qu’aujourd’hui, les pratiques impliquent qu’ils soient séparés. Monsieur K.101 nous expliquait que le dépeuplement et la vacance des logements de la cité est en partie due à la morphologie traditionnelle des maisons qui ne sont plus adaptées aux besoins actuels. Selon lui, personne ne s’est chargé de rénover les habitations pour accompagner ces changements. Auparavant, les propriétaires des commerces vivaient au-dessus de leur magasin. Lorsqu’ils sont partis du village, des restaurants en location se sont installés au RDC. Les propriétaires ont fini par vendre le fond de commerce pour s’installer à la campagne. Cependant, aujourd’hui dans un grand nombre de bâtiments, il serait impossible d’accéder au logement au R+1 sans traverser le commerce au RDC, et généralement, les propriétaires du commerce au RDC ne vivent pas à l’étage supérieur. À l’époque, la municipalité n’avait pas pris en charge la séparation du commerce, de l’étage supérieur, ni dicté de règles obligeant les nouveaux propriétaires à prévoir des accès séparés.
Figure 93 : Les différents commerces intra-muros de Saint-Émilion en 2017.
Le même problème s’est posé dans le petit Bayonne. La structure du vieux Bayonne historique se composait de parcelles en lanières très fines et un bâti de grande densité. Une 101
Cf Annexe numéro 12.
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grande partie des logements n’avaient plus d’accès suffisant à la lumière naturelle et étaient enclavés. Lors de la réalisation d’un Programme National de Requalification des Quartiers Anciens Dégradés (PNRQAD) en 2011, il a fallu choisir entre conserver le bâtit ancien intact et risquer de voir cette partie de la ville devenir un musée car elle ne serait plus adaptée au pratiques des habitants, ou, opter pour la démolition d’une partie du patrimoine, le restructurer afin de proposer des conditions de vies actuelles. De plus à Saint-Émilion, seulement 52,8% des logements bénéficient du confort intégral102, ce qui est bien inférieur à la moyenne départementale qui est 78,9%. Le faible confort du bâti peut s’expliquer par la grande ancienneté de celui-ci, comme dit auparavant. La population ne s’étant pas, ou peu renouvellée à Saint-Émilion, les résidents de la cité médiévale sont pour la plus part agés, et leurs enfants ne sont pas venus s’installer à la place des parents décédés. Les conditions de vie offertes par ces logements et la cité médiévale n’encouragent pas la jeune génération à venir s’installer intra-muros.
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a population vieillit et il y a très peu de terrains à la vente, souvent les enfants veulent vendre pour en finir avec la location. C’est de cette manière que nous avons acheté notre maison. »
Témoignage de Monsieur V. et Madame V.
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l n’y a rien ici ! Je vois ceux qui travaillent dans la restauration ou comme ça... Ils s’emmerdent les jeunes ! »
Témoignage de Monsieur K.
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02.2.4 - LA DIFFICULTÉ DE RÉNOVER LES LOGEMENTS
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ela demande beaucoup d’énergie pour restaurer un logement, on est loin de pouvoir faire ce qu’on veut. »103
Témoignage Monsieur V. Madame V.
Figure 94 : Exemple d’une maison abandonnée, 8 rue de la porte Brunet à Saint-Émilion.
Ce témoignage est le reflet d’une réalité à Saint-Émilion. La vacance des logements est un phénomène qui ne semble pas pouvoir s’arrêter de si tôt. La cité médiévale est piégée dans un cercle vicieux : les logements sont mal adaptés et se délabrent donc petit à petit. Pour pouvoir rénover un logement souvent beaucoup de travaux sont à prévoir. Aussi, le prix du foncier a décollé. Ces facteurs combinés rebutent une grande partie des acheteurs potentiels. À cela, il faut ajouter que la cité est régie par un plan de gestion. Il s’agit d’un règlement d’urbanisme, un Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV) qui régit et codifie le secteur sauvegardé de Saint-Émilion, c’est à dire, le bâti, ainsi que les dessertes routières, les aménagements extérieurs ou les abords des bâtiments. Cet outil classe et répertorie les différents bâtiments en fonction de leur intérêt patrimonial afin de choisir le degré de leur 102 Le niveau de confort (selon FILOCOM) se définit de la façon suivante : un logement sans confort ne comporte ni baignoire, ni baignoire, ni douche, ni WC, un logement tout confort comprend une baignoire ou douche, un WC et le chauffage central. Les autres possibilités d’aménagement sont qualifiées de confort partiel. 103
Cf. Annexe numéro 12.
&*
protection. La démolition est très souvent interdite. Si le bâtiment vient à être détruit, lors d’un incendie par exemple, il devra être reconstruit à l’identique pour ne pas perturber la beauté et l’uniformité de l‘ensemble du village. Ce règlement influe également les constructions neuves. L’Architecte des Bâtiments de France est le garant de ce règlement. Il est chargé de leur faire respecter en analysant chaque demande de permis de construire.
()/
’Architecte des Bâtiments de France pourra, toutefois, prescrire toutes modifications ou améliorations supplémentaires sur les détails architecturaux (restitution de baie, complément de modénature, curetage d’éléments parasites, etc...) sans que ces prescriptions aient été portées au plan. »104
()0
ans le cas de création d’ouvertures, les proportions de celles-ci seront définies par l’étude en façade. L’entourage de la baie (appui, piédroit, linteau) doit être réalisé en pierre appareillée. Les seuils doivent être conçus massifs et réalisés en pierre dure du pays. Ils ne doivent pas empiéter sur le Domaine Public. »105
Figure 95 : Château Cheval Blanc, Saint-Émilion, architecte : Christian de Portzamparc.
Les normes prescrites sont très précises. Elles définissent le type de matériaux, les techniques de construction, les dimensionnements, les couleurs, etc. Seulement, cela est rarement compatible avec touts les modèles standards que l’on peut trouver dans le commerce. Toutes les entreprises du bâtiment ne sont pas non plus forcément qualifiées. Produire à chaque fois un élément sur mesure, comme une ouverture par exemple, coute plus cher. &!
De plus, la liberté permise dans le choix de façades est assez restreinte. Une baie vitrée ou un velux pourront être interdits. Autant d’éléments qui ne facilitent pas l’acte d’achat ou qui provoquent la colère et l’incompréhension de certains habitants.
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i vous voulez vraiment faire de la belle rénovation c’est difficile. Il y a énormément de contraintes imposées par des gens qui n’ont jamais vécu et qui ne vivront jamais dans un site classé. Ici c’est flagrant. Certains obtiennent des privilèges que d’autres n’obtiennent pas. »
Figure 96 : Château Faugères, Saint-Émilion, architecte : Mario Botta.
Témoignage de Madame T.
Cette habitante réagissait en prenant pour exemple les velux qui sont interdits dans la cité. Elle mettait en parallèle les règles strictes appliquées au bâti de la cité de Saint-Émilion, avec les nombreux chais contemporains étant pour elles des OVNI voire des « insultes au paysage »,106 en critiquant la différence de liberté entre les architectes venant créer un nouvel objet dans le paysage afin de laisser une trace de leur passage, et les habitants trop contraints. Il est vrai pour une personne non avertie, il est difficile de comprendre l’articulation un peu paradoxale entre le souci de conserver une harmonie en préservant l’authenticité, et l’appel à des grands noms de l’architecture pour venir fabriquer des « objets architecturaux » contemporains, participant de la publicité de Saint-Émilion. L’association en charge du label UNESCO a, depuis sa création en 2013, un droit de regard sur ce problème difficile à appréhender :
Figure 97 : Château La Dominique, Saint-Émilion, architecte : Jean Nouvel.
104
PSMV de Saint Emilion, Règlement, STAP Gironde, 2010, p.12.
105
Ibid. p.15. Cf. Annexe numéro 12.
106
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()0
e manière un peu plus prosaïque, l’association aura un regard sur un problème difficile à appréhender : celui des nouvelles constructions de chais ultramodernes, qui ne manquent pas de soulever les interrogations de l’habitant lambda. Pour résumer à gros traits, ce dernier a parfois le sentiment de se faire taper sur les doigts pour des volets peints en coquille d’œuf au lieu de blanc cassé, alors que sortent de terre des chais pour le moins autrement ostentatoires. »107
En définitive, la rigidité des normes appliquées au bâti, la non adaptation typomorphologique des logements, la quasi impossibilité de construire, l’augmentation des prix du marché de l’immobilier, l’enclavement de la cité de part la faible desserte en transports et l’absence de services de proximité, sont autant de facteurs qui freinent massivement la jeune génération à venir vivre dans la cité de Saint-Émilion. De plus, l’évolution des modes de vie, les nouvelles exigences d’accessibilité en voiture, l’attractivité des logements. Tous ces facteurs jouent un rôle bien plus important dans la prise de décision de départ.
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l y a des quartiers de Saint-Émilion qui tombent en ruine. [...] Quand je me promène dans Saint-Émilion je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est dommage de ne pas pouvoir obliger les propriétaires à entretenir leur patrimoine. »108 Témoignage de Monsieur Jean-Marie Carrille.
02.3 - SAINT-ÉMILION FACE AU TOURISME DE MASSE Le tourisme de masse est un phénomène qui se développe en particulier dans la période des années 1950. Il est marqué par la croissance des mobilités et des flux touristiques. Après les 2 semaines de congés payés de 1936, les français obtiennent 3 semaines de vacances supplémentaires en 1956, 4 et 1968 et 5 en 1982. Cela permet aux « masses populaires » de voyager. L’attractivité du littoral fut décuplée et le domaine de la construction explosa109, notamment dans la villégiature sociale. Lorsque je parle de tourisme de masse à Saint-Émilion, la définition s’éloigne un peu de celle d’origine. En effet, en comparaison du nombre de touristes qui se rendent à Bordeaux ou au Mont-Saint-Michel chaque année, la cité de Saint-Émilion peut sembler protégée de ce genre de flux. Or, au vu des transformations spatiales et de l’impact important sur le quotidien des habitants, je considère que Saint-Émilion subit un type de tourisme que l’on peut également qualifier « de masse ». Les différentes éditions du séminaire de la Chaire UNESCO110 ont déjà abordé la question de la place des communautés locales dans le développement touristique des sites du patrimoine mondial. Les conclusions principales sont les suivantes : Les habitants subissent éventuellement les désagréments de l’activité touristique. Ils constituent les premiers touristes sur leur propre territoire, lorsque le patrimoine résulte d’un changement de regard. Ils deviennent les premiers ambassadeurs du territoire .
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Les analyses les plus courantes, des rapports entre habitants et touristes identifient les impacts des flux touristiques dans les sites du patrimoine mondial de façon négative. Il y aurait beaucoup trop de touristes sur les sites du patrimoine mondial. Ces derniers seraient notamment trop peu éduqués et trop peu sensibilisés. Cette surfréquentation serait qualitative comme quantitative et aurait des impacts : elle modifie les pratiques ordinaires des habitants, notamment dans les espaces centraux,111 comme c’est le cas pour la cité intra-muros de SaintÉmilion. Une autre manière d’interroger les impacts des flux touristiques sur un site du patrimoine mondial est de questionner la représentation que se fait l’habitant du touriste.
109 Colloque de Cerisy, Le balnéaire, de la manche au monde, sous la dir. de DUHAMEL Philippe, TALENDIER Magali, TOULIER Bernard, Cerisy, Éd. Presses universitaires de Rennes, 2015. 110 La Chaire UNESCO proposa un cycle de 4 séminaires développant 4 thèmes autour de la protection de la gestion et la valorisation des sites du patrimoine de l’humanité. Ces cycles de séminaires sont dirigés par GRAVARIBARBAS Maria, JACQUOT Sébastien. Cf. Annexe numéro 01 : Bibliographie. 107
CIESIELSKI Christine, « Le label géré par une association », dans Sud-Ouest, le 23 janvier 2013
108
Cf. Annexe numéro 13.
111 Actes de la cinquième journée du séminaire de la Chaire UNESCO, Culture, tourisme, développement, sous la dir. de GRAVARI-BARBAS Maria, JACQUOT Sébastien, Tourisme et diversification économique dans les sites du patrimoine mondial, Paris, UNESCO, 2014.
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À Albi112 une étude fut menée par la filière de sociologie du Centre Universitaire JeanFrançois Champollion, pour comprendre quelles images les Albigeois se font des touristes. Les principales conclusions sont les suivantes :
02.3.1 - UNE INQUIÉTUDE ET UN MÉCONTENTEMENT PALPABLE DE LA PART DES HABITANTS INTRA-MUROS
Un sentiment d’appartenance de la part des populations locales à leur territoire est clairement identifié : 24,2% des personnes interrogées déclarent que leur sentiment d’appartenance à Albi s’est renforcé depuis l’inscription de la cité à l’UNESCO. Cependant il est accompagné de deux phénomènes assez paradoxaux. Il s’avère que d’une part les habitants souhaitent partager leur patrimoine avec les visiteurs, et d’autre part conserver intact leur cadre de vie, malgré l’arrivée des visiteurs113. En effet, le touriste est accepté par les populations locales s’il évolue dans des limites raisonnables respectant une certaine distance vis-à-vis de l’espace personnel des résidents permanents, et évidemment dans un respect de son environnement. Ce dernier, du point de vue des populations locales est considéré comme « grassement offert »114 aux visiteurs. Cependant, une large majorité des Albigeois entretient des sentiments positifs vis-a-vis des touristes. Une des hypothèses proposées est de montrer que la catégorie socio-professionnelle des individus interrogés influe sur la représentation qu’ils ont des touristes. Les personnes occupant à Albi des postes dans le secteur tertiaire ont plus de chances d’avoir affaire au touriste en tant que client. Plus le degré d’exposition aux publics touristiques est élevé, plus les individus ont de chances d’adopter un regard critique sur leur comportement (Hypothèse de la confrontation professionnelle)115. &%
En ce qui concerne les habitants de Saint-Émilion, au cours de mon enquête j’ai pu constater des sentiments variés face à l’ampleur grandissante du tourisme et de ses impacts plus ou moins directs sur les modes de vie et l’environnement des populations locales. Le départ des habitants du centre ancien de Saint-Émilion est lié à des raisons diverses, souvent antérieures au tourisme. Les flux touristiques sont un facteur parmi d’autres participant à la muséification de la cité de Saint-Émilion. Cependant, ce phénomème est un sujet qui affecte énormément une partie de la population locale. + En effet,+.a structure sociale de Saint-Émilion est affectée par ces changements. De plus, le dépeuplement qui est un phénomène global sur la commune a principalement lieu dans la zone hyper-touristique : la cité intra-muros. En effet, même si la baisse de la population est également généralisée dans le reste de la Juridiction, la cité intra-muros est plus sévèrement touchée.116 D’environ 750 en 1982, la population intra-muros s’élève aujourd’hui à près de 150 habitants.
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l n’y a pas plus d’une centaine de personnes dans le bourg. » Témoignage de Monsieur H.
e village a bien changé depuis les années 1980 : avant il y avait trois bouchers, quatre épiceries...En 5 ans tout a bougé [...] Monsieur le maire parle de 211 habitants intra-muros. »
Témoignage de Madame D.
112 IV et V.
113 Département de sociologie, La cité épiscopale d’Albi, les effets du classement UNESCO sur les populations locales, Centre universitaire Jean-François Champollion, Enquête école 2012. 114
()/
La Cité épiscopale d’Albi est classée sur la liste du patrimoine de l’humanité depuis 2010, sous les critères
Ibid.
115 Phénomène décrit dans le Rapport Technique, La cité épiscopale d’Albi, Les effets du classement UNESCO sur les populations locales, Centre universitaire Jean-François Champollion, Département de sociologie, Enquêteécole 2012.
es gens « historiques », il n’en reste plus beaucoup.»117 Témoignage de Madame T.
Certains habitants sont résignés face à la situation. Le dépeuplement du bourg de Saint-Émilion couplé à l’ampleur du tourisme font qu’une partie de la population locale vit assez mal la célébrité du village. 116
Cf. Annexe numéro 08.
117
Cf. Annexe numéro 12.
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e paysage au quotidien je ne le vois plus. » Témoignage de Monsieur H.
n n’y vit plus, le village se vide, il ne reste que 170 habitants. » Témoignage de Madame S.
n jour Madame Brac m’a dit que Saint-Émilion deviendrait un musée. Il n’y a pas une âme dans notre quartier du Panet, les maisons sont vides. »
Témoignage de Madame Mauricette Veyssière.
Aussi, l’absence quasi totale de commerces de proximité participe au mécontentement général, et au sentiment d’abandon de la population qui a parfois l’impression de passer au second plan vis-à-vis des visiteurs.
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vant il y avait des commerces, deux bureaux de tabac, maintenant il y a du vin partout. »
Témoignage de Monsieur H.
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e paysage de Saint-Émilion c’est du business. » Témoignage de Madame A.
En effet, les commerces de proximité ont laissés place à un seul type de commerce plus lucratif, tourné autour de la vente de vin et des souvenirs touristiques. De plus, une partie des vendeurs ne se préoccupent absolument pas de créer une atmosphère particulière autour du vin. Il est rare de voir le propriétaire du château, ou le vigneron venir faire découvrir son produit au client : l’échelle de vente est différente, ce qui suscite l’inquiétude de plusieurs viticulteurs soucieux de pouvoir faire partager leur travail en offrant un produit de qualité.
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e vois d’un très mauvais œil les ventes exorbitantes qui se font depuis quelques années. Les vieilles familles disparaissent du paysage local peu à peu, mais le plus grave n’est pas là : ces ventes sont en train de changer radicalement le visage de Saint-Émilion [...] Le soir les propriétés ne sont plus éclairées comme elles le devraient, car les propriétaires ne sont plus des êtres humains mais des grands groupes financiers. J’ai l’impression que la vie est en train de quitter le terroir au profit de l’argent. » Témoignage Monsieur Marcel Vauthier.
Figure 98 : La rue Guadet encombrée de voitures un week-end.
Cependant le visiteur n’est pas dupe :
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oi j’ai un commerce qui ne paye pas de mine. Toute l’année des gens rentrent en demandant si je connais un endroit où un peu acheter du vin sans se faire arnaquer. »
Témoignage de Madame S.
Saint-Émilion par plusieurs aspects, ne ressemble plus vraiment à un village :
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côté de chez moi il y a trois banques on se croirait sur les champs Elysées. Un commerce classique ne peut pas vivre correctement à l’année ici. »118
Témoignage Madame T.
118
Cf. Annexes numéro 12 et 13.
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La figure 99 ci-contre est une cartographie mentale de la commune de Saint-Émilion. Le village intra-muros se trouve au centre de l’image. En effet, dans les visions collectives comme individuelles des habitants, la cité médiévale prend beaucoup d’importance et rayonne sur le reste de la commune, voire le reste de la Juridiction. De nombreux qualificatifs lui sont attribuées : encombrée de voitures, bruyante, trop touristique, etc. Le centre ancien par certains aspects, perd son statut de village et prend des airs de ville balnéaire. Le « chaos » du bourg contraste fortement avec l’ordre et le calme des rangs de vignes tirées au cordeaux entourant la cité médiévale. Ces sentiments plutôt négatifs vis-vis de la transformation du village cohabitent sûrement avec un attachement profond au territoire. Néanmoins, une partie de la population évoque l’accroissement des flux touristiques dans une vision plus positive. Il s’agit souvent de nouveaux résidents encore émerveillés par le charme des vieilles pierres de la cité, ou d’habitants passionnés par le vin :
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’apprécie le patrimoine de Saint-Émilion, j’ai encore plaisir à me balader dans le village et découvrir de nouveaux endroits... Profiter du paysage. C’est un joli village en pierre où il fait bon de vivre et pour l’instant j’y suis très heureux. » Témoignage de Monsieur B.
()!
aint-Émilion a de quoi montrer qu’il y a autre chose que le marketing [...] Il y a une part de rêve dans le vin, il a une vie, une histoire.[...] Ce que j’aimerais pour Saint-Émilion aujourd’hui : un peu plus d’humilité et d’amour. » Témoignage de Madame Rose Nöelle Borde.
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videmment qu’ils aiment leur village. Les visites permettent de faire vivre ce patrimoine ; il vit, il ne faut pas seulement rester figé dans le temps. »
Témoignage de Monsieur K.
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’afflux touristique de Saint-Émilion devient une routine, les mêmes moments, les mêmes endroits, les mêmes discours... Le cadre de vie et splendide, on est émerveillé les premiers mois avant de s’installer dans une routine, mais c’est une routine qui n’est pas déplaisante. »
Témoignage de Monsieur W.
+ Même si les populations locales réagissent de différentes manières à l’ampleur du tourisme dans le village, ce dernier a permis de restructurer en grande partie l’espace public.
()%
l y a 20 ans, le village était beaucoup moins propre, il y avait des antennes télé partout, des maisons délabrées... Aujourd’hui le village est mieux entretenu. »
Témoignage de Monsieur A.
Dans le centre de Saint-Émilion, les espaces publics ont été entièrement refaits, une grande partie des rues et des places sont devenues piétonnières. Les espaces de stationnement de véhicules pour les touristes ont été déplacés en périphérie tandis qu’à l’intérieur de la cité, les stationnements sont devenus payants et rares, ce qui n’est pas du goût des habitants.
()/ Figure 99 : Carte mentale, un village qui rayonne.
119
e plus agaçant c’est les voitures garées sur les pavés. »119 Témoignage de Monsieur B.
Cf. Annexes numéro 12 et 13.
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Figure 100 : Carte mentale, une cité chaotique.
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Figure 101 : Carte mentale, la ville haute et la ville basse.
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Toute une mise en scène de la cité est orchestrée pour les touristes. En effet, comme j’ai pu le montrer précédemment, l’espace des logements qui est un espace exclusivement dédié aux populations locales se délabre, en plus d’être en grande partie vacant. Par ailleurs, l’espace public reflète une image impeccable de Saint-Émilion. En plus de parfaire une image idéale comme vitrine du village, l’espace public profite presque plus au touriste qu’à l’habitant. La contrainte pour les habitants de ne pas faire de travaux l’été en est un exemple : il ne faut pas que l’image de la cité soit entachée par des travaux pouvant provoquer une gêne pour le visiteur. Les figures 100 et 101 ci-contre sont des cartes mentales cette fois-ci de la cité intramuros de Saint-Émilion. La première représente l’apparente cacophonie ressentie sur place, mêlée aux différentes informations et témoignages récoltés, dressant un tableau étonnant du centre de Saint-Émilion. Cependant, il existe une certaine hiérarchie dans le désordre. Le village est composé de deux parties nommées par les habitants comme dans les documents officiels « ville haute », et « ville basse ». Historiquement la ville haute était la partie religieuse et la ville basse la partie laïque de Saint-Émilion. Aujourd’hui la ville haute comprend la grande majorité des commerces et concentre la plus grande partie des flux touristiques. La ville basse plus calme est réservées aux habitations. Des petites rues, les Tertres, permettent de relier la ville haute à la ville basse. Il s’agit de rues étroites et très pentues : il en existe 4 à Saint-Émilion, le Tertre de la Cadène, le Tertre de la Tente, le Tertre de la Porte Saint-Martin,le Tertre des Vaillants. Sur la figure 101, la partie droite de la carte mentale représente la ville haute par les mots verticaux, et la ville basse avec les mots horizontaux. Les mots qualifiants la ville haute se rapportent au côté commercial du village. Ceux de la ville basse qualifient les logements du village. La partie de gauche, les longs mots verticaux, relient les deux parties de droite à la manière des Tertres reliant la partie haute et basse du village. Ces mots transversaux s’appliquent aux deux parties. Ces deux cartographies ont été réalisées suite à mes toutes premières visites de la cité de Saint-Émilion. J’avais déjà effectué des recherches mais je n’avais pas encore mené mes enquêtes auprès des habitants. Il est intéressant de comparer ces cartographies, aux analyses que j’ai faite a posteriori. Si ces dernières sont plus nuancées que ces cartographies, on peut remarquer les différents paysages que j’ai pu décrire (exceptionnel, vitrine, quotidien, intime) sont déjà présents à travers des expressions comme : contemplation, bling bling, vivre dans un musée ou magique...
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02.3.2 - UN VILLAGE SCINDÉ EN DEUX : L’ALTERNATIVE DE LA VIE À LA CAMPAGNE
02.3.2.1 - DES VIGNES STRUCTURANTES
Au début de la seconde partie de cette étude, j’ai parlé du paysage quotidien des habitants de Saint-Émilion notamment par le biais du paysage intime, c’est-à-dire par une identification personnelle d’un individu au paysage. Il est également possible de lire le territoire de Saint-Émilion à travers le filtre de l’identité collective présente dans paysage quotidien des habitants de Saint-Émilion. Les informations révélées au cour des enquêtes m’ont permis de cartographier des éléments issus d’un imaginaire et d’un vécu collectif (celui des habitants de Saint-Émilion), qui ne font pas partie du paysage vitrine de la commune. C’est le cas par exemple, de « La route du milieu », nommée comme telle à la fois par les habitants et par les acteurs politiques locaux. En effet, la route du milieu est mentionnée dans le magazine municipal n°1. '(#
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Figure 102 : Carte mentale, la géométrie structure l’espace.
ers Libourne, sur la “ route du milieu ”, il y a trois lotissements qui se sont construits entre les années 1970 et 1990. »
Témoignage de Madame D.
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l y a beaucoup de hameaux et de petites maisons de vignerons et des zones de lotissement le long de la route du milieu. »
Témoignage de Madame V. et Monsieur V.
Un exemple encore plus fort de ce paysage ordinaire porteur d’une identité et d’un vécu collectif est l’opposition faite par les habitants de la cité médiévale par rapport au reste de la commune.
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l y a aussi une baisse de population dans la campagne mais on en parle moins. »120
Témoignage de Madame D.
Déjà morphologiquement, la petite cité médiévale de Saint-Émilion contraste avec l’immensité des parcelles vallonnées et l’horizon de vignes géométriques (Figure 102). En schématisant, je visualise le bourg médiéval comme l’élément central de la commune, voire de la Juridiction. Sur La figure 103 le cercle central montre la cité, et le cercle extérieur le reste de la commune, c’est à dire en simplifiant : les vignes. Le premier schéma montre la cité médiévale comme un élément où se concentre le « plein », où se trouve la plus grande proportion de bâti sur la commune. Le paysage de vignes Figure 103 : Carte mentale, le « plein », le « vide ».
120
Cf. Annexe numéro 12.
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est associé aux grands espaces et au « vide » par opposition avec la cité médiévale. Le second schéma montre où vivent la plupart des Saint-Émilionnais. La séparation ville/campagne apparaît ici flagrante. La vacance des logements du bourg médiéval est représentée par du vide, et la campagne par du plein. Depuis 1968, le développement de Saint-Émilion se révèle nul en terme de logements construits. Même si quelques zones de lotissements ou de logements sociaux sont apparues, le nombre total de logements sur la commune a légèrement diminué : 1154 contre 1111 en 2007 et 2012 puis 1107 en 2013. Cet immobilisme dans la production de l’immobilier est à l’image de la cité : figée et mise sous cloche. Cela peut s’expliquer par différents facteurs déjà évoqués précédemment tels que les systèmes de protection visant à sauvegarder l’harmonie du bâti de la commune. Ainsi, la superficie du territoire dédiée à la viticulture laisse peu d’espace au bâtiments, et en particulier aux constructions neuves. Pour vivre sur la commune de Saint-Émilion, seulement deux issues sont possibles : la location, ou l’achat. Il est très compliqué pour un particulier de pouvoir construire. Néanmoins pour certains habitants cette particularité due aux vignobles est très appréciable. Le coteau est le cœur de Saint-Émilion est constitue une sorte de front paysager très structurant visuellement.
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n achetant ici, nous étions sûrs qu’il n’y aurait pas de nouveaux lotissements en face de chez nous. »
Témoignage Monsieur V. et Madame V.
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’y suis revenue et j’y travaille c’est une chance. En revanche je n’aimerais pas habiter intra-muros avec des touristes qui passent sans arrêt devant la porte. » Témoignage de Madame S.
Comme le montrent ces deux témoignages, beaucoup d’habitants on choisi de vivre à Saint-Émilion sans subir les désagréments liés au tourisme de masse dans la cité intra-muros. En effet, le choix de la « vie à la campagne » semble être une alternative pour s’éloigner du paysage vitrine du bourg, tout en retrouvant une sorte de « normalité » dans le calme relatif des vignobles. L’espace de la campagne semble être celui choisi par les habitants pour se [re] construire une sensibilité au paysage ordinaire voire intime. Les témoignages que j’ai qualifié de résignés cités plus haut, sont dans la plupart des cas ceux de personnes soient habitant intra-muros ou n’habitant pas sur la commune. La figure 104 est une autre manière de représenter l’opposition ville/campagne de Saint-Émilion. Les vignes dépassent les limites de la commune représentées par le cercle. En effet, les frontières sont plus floues, les vignes à perte de vue ne permettent pas de saisir les limites communales, mais structurent l’espace. Saint-Émilion se confond avec la Juridiction et inversement. Une seule limite est franche : la rencontre avec la zone bâtie de la ville de Libourne à l’Ouest. Le lien fort de la Route du milieu connecte la cité médiévale et Libourne. Rappelons que Libourne est une ville moyenne de 24 567 habitants limitrophe de Saint-Émilion121. Cette proximité fait de Libourne un pôle de travail important attirant certains Figure 104 : Carte mentale, l’opposition ville/campagne.
121
Cf. Annexe numéro 10.
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Saint-Émilionnais. De plus, les zones de logement locatif sont plus nombreuses au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la cité médiévale tout en se rapprochant de Libourne :
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ans les zones périphériques du village souvent limitrophes de Libourne nous sommes toujours à Saint-Émilion mais nous ne connaissons plus les habitants, ils ne se rendent jamais dans le centre. »
Témoignage de Madame T.
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À l’inverse, une autre tendance s’observe. En effet, chaque jour 3 400 personnes (soit un peu plus de 2000 ménages) viennent travailler sur le territoire de la Communauté de communes du grand Saint-Émilionnais.122 Ville
de buisness, Image de marque, Hors saison, PASSION du vin,
Évidemment les phénomènes que je viens de décrire restent des tendances générales. Mon discours serait à nuancer avec des enquêtes plus larges et plus précises . F A N T Ô M E ,
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La figure 105 est une carte synthétisant toutes ces données. Elle peut à la fois représenter la commune de Saint-Émilion comme la Juridiction dans son entier. La cité médiévale conserve sa position centrale du fait de son importance dans les imaginaires collectif. Le cercle plein évoque la densité du bâti. Le travail de la vignes est remplacé par des mots. La route du milieu et la frontière avec Libourne se détachent. PRISONNIER,
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En effet, du fait de la proximité de Libourne, certains habitants vivent dans la campagne de Saint-Émilion, travaillent à Libourne, mais ne se rendent jamais dans la cité intra-muros. Pour les populations habitant le bourg, ces personnes là ne sont pas réellement considérées comme des Saint-Émilionnais.
Les ressources agricoles du territoire attirent les viticulteurs. De plus, les opportunités d’emploi dans le secteur tertiaire liées au tourisme sont nombreuses. La commune vit au rythme des saisons touristiques. Beaucoup de saisonniers (restaurateurs, guides touristiques...), viennent travailler dans la cité médiévale durant la pleine saison estivale.
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ier on avait que 6 chambres de prévues, et dans l’après-midi 11 chambres supplémentaires ont été réservées, on frôle les 100 % d’occupation même en arrière-saison. J’ai déjà travaillé au Touquet-Paris-Plage où là c’était beaucoup plus dur pour tout remplir ! » Témoignage de Monsieur W.
122 Données de 2011 : 85% habitent en Gironde dont 3⁄4 au sein des intercommunalités limitrophes. Communauté de Communes du Grand Saint-Émilionnais, Programme Local de l’Habitat 2016-2022, Dossier complet, 2016.
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endant la saison touristique le travail est intense et l’emploi est assuré. Jusqu’au 15 novembre environ les 9/10 des restaurants sont ouverts tous les jours. Cette année il va essayer de tenir le restaurant ouvert jusqu’en janvier pour recommencer à travailler début mars.»123
Témoignage de Monsieur B.
L’offre hôtelière dans la cité reste insuffisante par rapport au nombre de touristes qui se rendent à Saint-Émilion. Les auberges et hôtels sont souvent pleins. Il n’y a que 5 propositions d’hébergements touristiques dans la cité médiévale (10 chambres d’hôtes, 3 gites, 2 hôtels), contre 59 propositions sur la commune entière : 23 chambres d’hôtes, 28 gites, 7 hôtels, et 1 camping. Généralement, les touristes ne passent qu’une demi-journée à une journée entière dans la cité. Les visiteurs qui souhaitent passer une nuit privilégient les gites au milieu des vignes ou dans des châteaux. Les festivals sont également une empreinte forte de la vie culturelle de Saint-Émilion. Il sont devenus des rendez-vous incontournables permettant de redécouvrir le patrimoine et le paysage de Saint-Émilion par le loisir. L’association d’une offre touristique autour du vin et d’une offre autour de l’art est quelque chose d’assez courant. En été, qu’il s’agisse du bourg ou de la campagne, l’espace public de Saint-Émilion est vivant.
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es fêtes ont toujours les mêmes parcours, la rue Guadet, la rue de la Grande Fontaine... et les autres ? »
Témoignage de Madame Mauricette Veyssière.
Même si la tendance commence à s’atténuer, une opposition entre saison pleine et saison creuse existe bien. Le village n’a pas le même visage si l’on s’y rend en hiver plutôt qu’en été. Entre janvier et mars il sera très difficile de trouver plus d’un restaurant ouvert. Les monuments peuvent bien évidemment se visiter toute l’année, mais il n’y aura pas d’animation. Le soir le village prend des airs de « cité fantôme ».
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l n’y a plus personne, au marché il y a quatre pelés. En hiver le centre-ville est un désert contrairement au reste de la commune. »
Témoignage de Monsieur H.
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e bas de la ville est mort en hiver mais le haut est ouvert. »124 Témoignage de Madame S.
123
Cf. Annexe numéro 12.
124
Cf. Annexes numéro 12 et 13.
''*
Il existe donc bien différentes manières de vivre à Saint-Émilion. J’ai tenté de décrire les grandes tendances que j’ai pu observer, mais il existe probablement tout autant de manières de vivre à Saint-Émilion qu’il existe de sensibilités différentes au paysage. ''!
Il est possible de les résumer en 3 tendances à l’aide des plans cadastraux ci-contre. Ces trois tissus distincts conditionnent 3 manières différentes d’habiter : En premier, vivre dans le tissu de la cité médiévale : c’est-à-dire vivre au milieu des va-et-vient des touristes, au cœur des activités tertiaires et de loisirs mais aussi dans un village de plus en plus vide de ses habitants. En second, vivre dans la campagne dans un tissu de lotissements : situés essentiellement le long de La route du milieu et aux limites de la commune, ses résidents peuvent faire le choix d’habiter Saint-Émilion sans réellement y vivre. En dernier, je regroupe les châteaux des différents domaines viticoles (associés à un habitat un peu plus luxueux), avec les logement isolés au milieu des vignes. En effet, tout deux bénéficient des avantages de la campagne sans les inconvénients de la cité médiévale. Ils ont également l’assurance non négligeable d’un cadre de vie de qualité sans maison voisine. Enfin, la vie au sein des châteaux de Saint-Émilion est une manière d’habiter plus haut de gamme avec des problématiques directement liées à la viticulture. Ce milieu est celui que j’ai le moins abordé lors de mes recherches. Il serait pertinent de s’y intéresser afin d’enrichir mon analyse.
Figure 107 : Tissu bâti de Saint-Émilion : cité médiévale, lotissement, château.
Dans cette seconde partie j’ai d’abord cherché à mettre en évidence les liens fort existants entre l’habitant et son ordinaire paysager en montrant dans quelle mesure la relation paysagère est un contact privilégié entre l’habitant et son lieu de vie. Puis j’ai montré comment des changements tels que l’inscription sur la liste UNESCO peuvent impacter cette relation ainsi que les manières de vivre des populations locales.
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L’expérience paysagère de Saint-Émilion ne se limite pas au paysage exceptionnel et encore moins à son paysage vitrine (lecture améliorée et romancée du paysage exceptionnel). Elle se trouve également dans les moments plus ordinaires et intimes, ainsi que des expériences plus humaines comme lors des vendanges. La sensibilité au paysage ordinaire est davantage éprouvée qu’intellectualisée. Finalement, plus que la conservation du paysage culturel exceptionnel de SaintÉmilion, le concept de l’esprit du lieu est tout autant, voire plus important, que le paysage réel. Sans l’aspect immatériel de l’esprit du lieu, le paysage culturel n’a plus vraiment d’intérêt en tant que tel. Ce qui le rend vivant, c’est l’humain qui s’active autour de lui, qui le fait vivre par la transmission orale, par la fierté, par la fête, les mythes qui l’entoure, etc. C’est son immatérialité qui le rend exceptionnel, la culture construite autour de lui. « L’esprit du lieu » est sans doute plus fragile, mais primordial à la vie du site. Après avoir parlé de l’importance de « l’esprit du lieu », il me semble important d’y apporter des nuances. Il est nécessaire de parler de ce qui relève des pratiques de vie des habitants avec prudence, afin de ne pas courir le risque de tomber dans la patrimonialisation des habitudes de vie des habitants. Les pratiques quotidiennes ne sont pas nécessairement du patrimoine même si elles participent de la signification du patrimoine matériel. La frontière entre les deux reste encore assez floue. Je pense que tout ce qui n’est pas matériel n’est pas nécessairement du patrimoine immatériel même si cela participe de la valeur patrimoniale de l’ensemble. ''#
125
C’est dans ce sens que s’engage la Convention de Faro , ratifiée en 2011. Il s’agit d’une convention du Conseil cadre de l’Europe, qui apporte une réflexion assez originale sur le patrimoine culturel en y associant les idées de « communauté patrimoniale »126, des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Elle aborde les sujets du vivre ensemble, de la qualité du cadre de vie pour les citoyens. Elle apporte également des idées nouvelles notamment dans la liberté d’avoir une diversité d’interprétations de la Convention (Article 7). Cependant la Convention de Faro ne connaît pas le même succès que la Convention du patrimoine mondial (1992) de l’UNESCO, la France n’ayant pas ratifié cette Convention127.
125 Conseil de l’Europe, Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société, série des traités n°199, Faro, 2005. Ibid. 126 Article 1 de la Convention de Faro : Les Parties à la présente Convention conviennent de faire ressortir que la conservation du patrimoine culturel et son utilisation durable ont comme but le développement humain et la qualité de la vie; Article 2 : Aux fins de la présente Convention, - le patrimoine culturel constitue un ensemble de ressources héritées du passé que des personnes considèrent, par-delà le régime de propriété des biens, comme un reflet et une expression de leurs valeurs, croyances, savoirs et traditions en continuelle évolution. Cela inclut tous les aspects de l’environnement résultant de l’interaction dans le temps entre les personnes et les lieux ; - une communauté patrimoniale se compose de personnes qui attachent de la valeur à des aspects spécifiques du patrimoine culturel qu’elles souhaitent, dans le cadre de l’action publique, maintenir et transmettre aux générations futures. Article 7 : Les Parties s’engagent, à travers l’action des pouvoirs publics et des autres organes compétents : à encourager la réflexion sur l’éthique et sur les méthodes de présentation du patrimoine culturel ainsi que le respect de la diversité des interprétations de la Convention de Faro. 127 Les dix Etats ayant ratifié la Convention de Faro sont : la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Lettonie, la Moldavie, le Montenegro, la Norvège, le Portugal, la Serbie et la Géorgie.
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L’ÉMERGENCE DE NOUVELLES FIGURES DANS LA RELATION ENTRE TOURISTE ET HABITANT)
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- LES DOSSIERS DE CANDIDATURES SUR LA LISTE DE L’UNESCO : DES PREMIERS PAS PEU ASSURÉS
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Lorsqu’on compare les sommaires du dossier d’inscription sur la liste du patrimoine mondial de la Juridiction de Saint-Émilion avec celui des climats de Bourgogne, on remarque qu’ils sont très similaires dans leur structure et intitulés128. Cependant, le contenu de celui des Climats de Bourgogne réalisé en 2015 diffère de celui de Saint-Émilion. En 1999, la surveillance du tourisme n’est pas présente dans le dossier d’inscription de Saint-Émilion. Dans la catégorie « 5.d Flux de visiteurs/touristes »129, du dossier d’inscription, la commune de Saint-Émilion déjà sujette au tourisme ne proposait que peu de réponses face au problème :
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eule la commune de Saint-Émilion est véritablement concernée par le flux de visiteurs. L’augmentation croissante de ces derniers pose d’inévitables problèmes de circulation et de stationnement, et la commune est actuellement en train de mener une étude pour trouver une solution rapide et efficace à ces inconvénients. »130
De plus, si l’on compare les plans de gestion des deux dossiers, celui des Climats de Bourgogne est largement plus fourni que celui de Saint-Émilion. La catégorie « 4.j. Plan de gestion du site et exposé des objectifs » de Saint-Émilion tient en une quinzaine de lignes et n’aborde pas la question de l’habitant ou du touriste.
128
Pour consulter la comparaison des sommaires, Cf. Annexe numéro 07.
129
Se référer à la note de bas de page précédente.
130 Dossier de présentation de la Juridiction de Saint-Émilion en vue de l’inscription sur la liste du patrimoine UNESCO au titre de paysage culturel, 1999.
A contrario, dans le dossier des Climats de Bourgogne, ces objectifs sont développés sur presque une centaine de pages. Le plan de gestion de Saint-Émilion semble reposer sur des acquis (tels que la ZPPAUP) déjà mis en place sans que des objectifs précis à moyen ou long terme soient fixés. Si l’on considère que le site de Saint-Émilion est le premier vignoble inscrit au titre de paysage culturel sur la liste du patrimoine mondial, il est possible que les acteurs locaux aient fait preuve d’une forme d’inconscience en sous-estimant la rapidité du développement touristique du territoire. En 1997, l’Office de Tourisme de Saint-Émilion enregistrait une fréquentation moyenne de 100 000 à 150 000 personnes par an131, contre 1 million aujourd’hui. En 1997 je pense que personne n’était conscient de cette future explosion touristique. En effet, les climats de Bourgogne sont déjà conscients du potentiel touristique déjà existant à l’année, (1 million de visiteurs/an sur le secteur de Beaune, 3 millions sur Dijon), et prévoient, dès le dossier d’inscription, une surveillance accrue des flux touristiques avec des objectifs très précis, tout en développant une forme de tourisme durable. La prise en compte des visiteurs est maintenant anticipée dès le dossier d’inscription. Désormais, tous les territoires ont pris conscience du réel impact touristique de la postinscription UNESCO. Il est considéré que l’année qui suit l’inscription d’un site au Patrimoine mondial, la fréquentation touristique augmente de 30% en moyenne. Il s’agit en grande partie des effets de la campagne politique de promotion. Le « label patrimoine mondial » apparaît sur les sites dans les guides, etc.
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’activité touristique est déjà très présente sur le territoire proposé à l’inscription [...] Une commission technique de gestion a particulièrement été dédiée à la problématique du Tourisme durable, seule réponse envisageable devant l’augmentation prévisible de la fréquentation. »132
Afin de ne pas reproduire les erreurs du passé dans le Bourguignon, la fonction d’éducation sur le vignoble, est anticipée. La notion de transmission est intéressante à intégrer tant pour les populations locales que pour les visiteurs au niveau mondial. Le fait d’associer les partenaires privés et publics comme c’est le cas dans le vignoble bourguignon n’est pas si fréquent133.
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avoriser un tourisme durable et responsable garant de l’authenticité et de l’intégrité du bien. » ermettre l’appropriation par tous des valeurs universelles et des enjeux liés à la pérennisation des “climats”. »
131 Dossier de présentation de Saint-Émilion en vue de l’inscription sur la liste du patrimoine UNESCO au titre de paysage culturel, 1999. 132 Dossier de présentation des climats de Bourgogne en vue de l’inscription sur la liste du patrimoine UNESCO au titre de paysage culturel, 2015. 133 Intervention Hervé Barré à propos du plan de gestion des climats de Bourgogne dans Acte de la première journée du séminaire de la Chaire UNESCO, Culture, tourisme, développement, sous la dir. de GRAVARI-BARBAS Maria, JACQUOT Sébastien, « Villes françaises du patrimoine mondial et tourisme. Protection, gestion, valorisation, » Paris, UNESCO, 2010.
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Les deux citations ci-dessus sont deux enjeux mis en place dans le plan de gestion du dossier de candidature des Climats de Bourgogne qui n’existent pas dans celui de SaintÉmilion. Ces deux points sont importants à souligner. Le dossier de candidature décline ces enjeux par des objectifs plus concrets,134 qui mettent l’accent sur deux points essentiels : la prise en compte du touriste, et la prise en compte de l’habitant. À mon sens ce sont essentiellement ces deux données-là qui faisaient défaut au projet de candidature de Saint-Émilion : d’une part la non anticipation de l’afflux touristique massif, et d’autre part, la non prise en compte des habitants dans le processus de patrimonialisation de leur territoire. À Saint-Émilion, cet « oubli » a suscité des réactions variées, allant de l’enchantement à la colère vis-à-vis des autorités locales tenues comme responsables par certains habitants de la transformation de leur commune. La définition des plans de gestion est un enjeu majeur dans l’évolution future des sites. Rendus obligatoires pour les sites qui déposent un dossier de candidature, ils dépassent les questions de conservation et de tourisme : ils représentent également l’interface entre la protection du patrimoine et l’humanité (populations résidentes et visiteurs). Il permet de savoir comment préserver les marques de son passé, de sa mémoire, tout en continuant à développer son territoire.
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ans mémoire, il est difficile de construire l’avenir. »135
En outre, comme on a pu le voir précédemment, l’inscription sur la liste du patrimoine de l’humanité s’avère propice à la [re]construction de récits de fondation porteurs d’une identité locale, qui associent la démonstration d’une valeur patrimoniale à la légitimation symbolique d’un territoire spatial, politique, puis social. Le processus d’inscription offre ainsi l’opportunité d’une [re]fondation mythologique136 du territoire. En d’autres mots, ce nouveau récit permet une redistribution des pouvoirs et des responsabilités, transcendés par la désignation de biens susceptibles d’incarner une communauté, une identité locale. Un des enjeux majeurs est désormais de réussir à ce que chaque individu trouve sa place dans cette nouvelle mythologie, que chaque communauté soit prise en considération, touristique comme habitante, afin de trouver un équilibre relationnel sans être dans la frustration, dans l’expérience vécue quotidiennement ou occasionnellement. Il est maintenant reconnu et assez évident que le patrimoine ne peut vivre sans une implication des habitants (d’autant plus s’il s’agit d’un paysage culturel), et que si ces derniers reconnaissent et comprennent la « Valeur Universelle Exceptionnelle. »
134 Dossier de présentation des climats de Bourgogne en vue de l’inscription sur la liste du patrimoine UNESCO au titre de paysage culturel, 2015. 135 Intervention Hervé Barré à propos du plan de gestion des climats de Bourgogne dans Acte de la première journée du séminaire de la Chaire UNESCO, Culture, tourisme, développement, sous la dir. de GRAVARI-BARBAS Maria, JACQUOT Sébastien, « Villes françaises du patrimoine mondial et tourisme. Protection, gestion, valorisation. » Paris, UNESCO, 2010. 136 BRIFFAUD Serge, DAVASSE Bernard, « Du bon usage du passé des paysages. Récits paysagers et durabilité dans trois sites viticoles européens du Patrimoine mondial (Tokaj, Saint-Émilion, Cinque Terre) », dans LUGINBÜHL Y., TERRASSON D., Paysage et développement durable, Paris, Éd. Quæ, 2012, p. 171-183.
C.2 - DIVERSIFICATION DE L’OFFRE TOURISTIQUE Comme j’ai pu le décrire dans la partie « paysage vitrine » de cette étude, les pratiques touristiques sont pour la plupart programmées, anticipées. Les brochures, les guides touristiques (qu’ils soient papiers, virtuels ou une personne physique sur le territoire), les tour-opérateurs, conditionnent à l’avance l’expérience que le touriste va avoir sur le territoire. Leur chorégraphie est parfaitement réglée pour que tous, passent par les mêmes endroits, photographient les même points de vue et s’arrêtent dans les mêmes boutiques. Si à Saint-Émilion, il est courant d’apercevoir un car rempli de touristes étrangers demandeurs de pouvoir goûter au « French Art de Vivre », les tendances soutiennent que les touristes sont de moins en moins conditionnés par ces « prescriptions » et sont demandeurs d’expériences spatiales plus intimes et authentiques. Ainsi, à l’opposé des approches dominantes du tourisme qui « réduisent les touristes au spectacle passif et à la consommation de chemins prébalisés »137, les analyses des pratiques des « nouveaux touristes » insistent sur la découverte... Les touristes ne veulent plus être considérés en tant que tels mais comme des visiteurs voire des habitants. Face à cette demande, on observe une diversification des offres des professionnels du tourisme pour proposer des séjours scénarisés autour de thématiques. Cela permet de donner l’impression au touriste de ne pas en être un, ou plutôt de sortir de l’itinéraire basique proposé habituellement par les tour-opérateurs en spécialisant un itinéraire qui semble alors plus personnalisé : séjours thématiques autour de l’œnologie, de l’art... Selon les pronostics de l’Organisation Mondiale du Tourisme, le marché des seniors, est très prometteur pour le développement touristique. En Europe, la part de la population âgée de 65 ans et plus devrait passer de 18,5% en 2014 à 28% en 2035. Et la tranche d’âge supérieure à 65 ans comptera 149 millions de personnes en 2060 contre 92 millions en 2013. En France métropolitaine, la population des 62-71 ans devrait augmenter de presque 10% entre 2015 et 2025 et la population des 72-81 ans de plus de 40%. La Gironde prévoit de renforcer les structures d’accueil adaptées. Il y a aussi de nouveaux comportements de consommation lors des voyages émergent pour se tourner vers une consommation positive138. Cette dynamique et surtout amenée par une génération plus jeune, les enfants des années 2000, plus soucieux des questions environnementales et des modes de consommation. Les expériences recherchées sont différentes de celles de leurs aînés, ils se tournent vers plus d’autonomie dans la composition du voyage, cherchent la découverte et la surprise, de sortir des carcans du voyage organisé. Plus soucieux de créer du lien social lors de ses périples, ce type de touriste devient un consom’acteur. 137 Actes de la quatrième journée du séminaire de la Chaire UNESCO, Culture, tourisme, développement, sous la dir. de GRAVARI-BARBAS Maria, JACQUOT Sébastien, « Touristes et habitants dans les sites du patrimoine mondial », Paris, UNESCO, 2013. 138 Terme utilisé par les professionnels du tourisme dans Gironde Tourisme, Stratégie de développement touristique durable de la Gironde 2017-2021, Étape 1 : diagnostic et axes stratégiques, Bordeaux, Gironde Tourisme, 2017.
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C.3
- SORTIR DE L’OPPOSITION ENTRE HABITANTS ET TOURISTES ?
En questionnant le rapport entre l’habitant et le touriste, il est nécessaire de se pencher plus précisément sur les définitions des « touristes » et des « habitants ». Un dualisme touristes / populations locales à première vue assez évident, mais pourtant plus nuancé qu’il n’y parait. Dans l’introduction de la seconde partie concernant les paysages quotidiens, pour une question de méthodologie, j’ai considéré les touristes comme des habitants du territoire car ils apportent une expertise supplémentaire, un regard différent de celui des populations qui résident à l’année. De plus, le flux constant de touristes à Saint-Émilion participe grandement à la vie du territoire. Je pense qu’il est pertinent de les considérer comme habitant le territoire et par extension habitants du territoire.
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Toutefois, classiquement les habitants sont opposés par leur définition au touriste. L’un réside sur le territoire tandis que l’autre le visite. L’appartenance ou non à un territoire passe par un sentiment d’identification à celui-ci. Cette dualité n’est plus aussi facile à établir aujourd’hui. Le développement des moyens de transport, les nouveaux moyens de communication, la multiplication des résidences secondaires, travailler et habiter dans des lieux différents sont autant de facteurs qui complexifient la relation entre touriste et habitant. Tout comme le touriste en lui-même : les résidents secondaires, les visiteurs d’une journée, les promeneurs, les travailleurs expatriés, les immigrés, les étudiants, les mobilités d’affaires, les résidents régionaux ou de proximité, il est possible d’habiter plusieurs lieux à la fois, nous sommes des êtres multi-territorialisés. De plus, il est également possible de considérer que personne n’est réellement étranger dans un site du Patrimoine mondial ; tout le monde est, dans un certain sens, « chez lui », puisqu’il s’agit, rappelons le une fois de plus, du patrimoine mondial de l’humanité. Ces arguments présupposent une approche plus nuancée dans l’étude des relations des figures du touriste et de l’habitant et surtout une connaissance approfondie des publics qui fréquentent les sites du patrimoine mondial, chaque profil est unique.
Le tourisme considéré comme un « élément perturbateur » ou un « instrument à maîtriser » invite à requestionner les rapports que celui-ci entretient avec l’environnement visité et notamment les relations entretenues avec les habitants. La réévaluation de la valeur du tourisme permet de modifier la façon dont il est géré. De nouvelles tendances et évolutions amènent à reposer différemment la question du rapport entre le touriste et l’habitant.
Il est possible d’identifier 4 tendances139 : La prise en compte croissante des habitants et des communautés locales par le Patrimoine mondial de l’UNESCO ; L’évolution des approches et des produits touristiques ; L’évolution de la figure de l’habitant ; L’évolution de la figure du touriste. La première tendance est une remise question des politiques de l’UNESCO à cause de la mutation rapide des relations entre patrimonialisation et tourisme. Une réflexion est menée sur l’intégration des populations locales au cœur du processus de patrimonialisation pour que les habitants ne soient plus l’objet du tourisme mais le sujet. (La notion d’implication des habitants est relativement récente par comparaison avec la convention du patrimoine mondial de 1972). Le deuxième tendance renvoie aux évolutions au sein du secteur touristique, par le développement des formes participatives du tourisme. Le tourisme participatif invite à plus de rapports et d’échanges entre le touriste et l’habitant par la participation des « accueillants » au activités touristiques, ou inversement en invitant le touriste à participer aux activités de la vie locale. Le but général de ce type de relations est d’outrepasser la valeur marchande du tourisme habituel (notamment celui de Saint-Émilion où la plupart des touristes viennent avant tout pour acheter du vin). Remettre l’humain au cœur du marketing touristique vise à contribuer à modifier l’image d’un territoire en brisant l’effet musée patrimonial du lieu afin de le faire vivre à nouveau. Créer des situations de rencontre entre touriste et habitant. Ne plus devoir parler du tourisme comme d’une industrie. Ces valeurs peuvent s’incarner à travers une nouvelle forme de tourisme qui est qualifiée de durable : le tourisme participatif. Il s’agit d’une pratique où « Le touriste participe à la vie des populations locales, et les habitants eux-mêmes participent aux activités touristiques et qui en sont les véritables acteurs. »140. Le tourisme participatif possède une double caractéristique : Il s’adresse aussi bien aux touristes qu’aux habitants sur leur propre lieu de vie, bien que ceci ne relève pas du tourisme mais des activités de loisir non touristiques ou de l’excursionnisme. Il en résulte une difficile reconnaissance de ces phénomènes par les acteurs du tourisme « traditionnel ». Il cherche à améliorer les relations entre touristes et habitants grâce à la création de situations de rencontre. Le but étant que ceux-ci acceptent ceux-là141. Il est possible de synthétiser la notion de tourisme participatif par deux verbes d’action. Déplacer et échanger. On se déplace dans des lieux, plus ou moins intimes, que nous 139 Actes de la quatrième journée du séminaire de la Chaire UNESCO, Culture, tourisme, développement, sous la dir. de GRAVARI-BARBAS Maria, JACQUOT Sébastien, « Touristes et habitants dans les sites du patrimoine mondial », Paris, UNESCO, 2013. 140 BOUHNINI Zayneb, Le rapport habitant touriste dans les destinations métropolitaines, étude de l’émergence du tourisme participatif à Paris et en Seine-Saint-Denis, mémoire sous la dir. de GRAVARI-BARBAS Maria, Université de Paris 1, Panthéon Sorbonne, 2011. Ibid. « Touristes et habitants dans les sites du patrimoine mondial », 2013. 141
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fait découvrir l’habitant. Il nous fait entrer dans son quotidien. C’est à lui de placer le curseur dans le type et la proximité de l’échange qu’il veut avoir avec le touriste (Figure 108). Les lieux visités sont plus ou moins publics ou privés et les échanges entre les interlocuteurs sont plus ou moins personnels. Les différentes pratiques du tourisme participatif permettent des modes de déplacement et d’échange différents de ceux des trajets touristiques habituels. En effet, il permet dans un site patrimonial de se détacher de l’emprise et des limites du territoire. Ces différents modes induisent donc un panel de niveaux de rencontre. Le tourisme participatif axé sur la rencontre induit différents niveaux de rencontre142. L’habitant choisi le degré d’intimité il veux insuffler à cette rencontre. Il se retrouve beaucoup plus dans la maîtrise de ce qu’il souhaite partager, acteur d’une rencontre et non plus objet d’un spectacle. Ce dispositif permet aux habitants d’être des médiateurs de leur patrimoine. C’est également un moyen pour les touristes de ne pas être considérés comme des « vrais » touristes. Ceci peut d’ailleurs constituer un argument marketing pour les politiques locales du tourisme. En effet, le tourisme participatif pourra permettre de fidéliser la clientèle touristique en quête d’authenticité qui cherche à vivre comme un habitant.
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Cependant, ces nouvelles surfaces de rencontres impliquent de nouvelles responsabilités notamment pour les populations locales. Prenons le cas de Saint-Émilion : j’ai montré notamment dans la seconde partie « paysages quotidiens » de cette étude, que les habitants de Saint-Émilion étaient en quelque sorte dans une phase de reconquête identitaire. Si l’on simplifie, le processus de patrimonialisation de leur territoire à conduit à redéfinir de manière officielle ce qui constitue le paysage exceptionnel de Saint-Émilion. L’appropriation de ce dernier par les touristes via le paysage vitrine entraîne une dépossession de leur paysage quotidien ou une non identification complète des locaux au paysage exceptionnel. Les habitants consciemment où non, se fabriquent de nouveaux référentiels au travers d’expériences plus personnelles et privées : leur paysage intime. Or le concept de tourisme participatif invite justement les touristes et les habitants à entrer dans un espace de relation plus intime afin de partager une expérience plus authentique. Je pense qu’il est nécessaire que les populations locales prennent des précautions afin de ne pas trop en livrer et de ne pas à nouveau se sentir dépossédées d’un paysage qu’elles considèrent comme intime et personnel. Néanmoins, les personnes s’engageant dans cette démarche sont souvent des passionnées soucieuses de vouloir le faire partager aux autres.
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Figure 108 : Les différents niveaux de rencontres habitant-touriste dans le tourisme participatif.
142 BOUHNINI Zayneb, Le rapport habitant touriste dans les destinations métropolitaines, étude de l’émergence du tourisme participatif à Paris et en Seine-Saint-Denis, mémoire sous la dir. de GRAVARI-BARBAS Maria, Université de Paris 1, Panthéon Sorbonne, 2011.
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C.4
- LE DÉVELOPPEMENT DE LA FIGURE DE L’HABITANT ACTEUR : L’EXEMPLE DES GREETERS
L’âme des Greeters peut être comparée au principe des guides de montagne. Dans les régions montagneuses, ces derniers ont beaucoup participé à l’intégration des populations locales dans le processus de tourisme. À la base ces personnes n’étaient pas guides mais le deviennent en plus de leur métier de base. Pour un non initié, la montagne peut paraître comme un lieu hostile. La personne connaissant le terrain pourra encadrer mieux que quiconque un groupe de touristes voulant faire une randonnée. Le guide de montagne est un expert. Il connaît et peut enseigner ce qu’il a appris au quotidien à ceux qui veulent visiter un territoire qu’il pratique au quotidien. Il saura choisir le meilleur chemin, les meilleurs points de vue, etc. C’est un peu le même esprit que véhiculent les Greeters.
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es Greeters sont des bénévoles amoureux et passionnés de leur ville ou de leur région qui ont plaisir à accueillir des visiteurs comme ils accueilleraient des amis. Ils offrent de leur temps pour faire découvrir les endroits qu’ils aiment, raconter leur histoire, leur quartier ou village et partager leur façon de vivre, leur quotidien. Un Greeter n’est pas un guide professionnel. Il accueille les visiteurs dans son environnement de vie et l’explique avec passion. Venez seul ou en groupe de six personnes au maximum et découvrez les bons plans lors d’une balade ou d’une discussion autour d’un verre. Quelle que soit la forme de la découverte, l’essentiel réside dans la rencontre. On évoque souvent le tourisme comme vecteur de paix et de meilleure compréhension entre les peuples. Les Greeters pensent que cette hypothèse ne s’avère juste que s’il existe un échange entre populations et visiteurs. La visite touristique ne doit pas se limiter à un acte de consommation. » 143
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Ce réseau a été mis en place pour découvrir des circuits alternatifs, en marge de ceux proposées par l’office du tourisme. Le guide à pour but d’étonner le visiteur, de lui proposer une expérience différente et plus réelle, plus proche du quotidien des habitants, dans la recherche d’une « authenticité » de l’expérience vécue sur le territoire. Ce réseau existe déjà à Bordeaux, ou plus proche de Saint-Émilion, à Saint-Sulpice-de-Fayerens. Ce type de service permet d’intégrer l’habitant de manière active dans la gestion et la diffusion du patrimoine environnant en permettant de partager une expérience authentique en groupe réduit. Il s’agit de faire de l’habitant un acteur direct de son patrimoine. Le nombre de touristes limité à six personnes par visite permet de préserver un caractère d’intimité et de favoriser les échanges, tout en s’éloignant des offres traditionnelles des guides touristiques. De plus, en fonction du type de visite souhaitée par le touriste, le Greeter peut thématiser les lieux à visiter. Il peut faire découvrir des lieux insolites, sortir des sentiers battus. Cela représente parfaitement un dispositif du tourisme participatif ainsi que de l’évolution de la demande touristique actuelle. Les acteurs des territoires l’ont bien compris, le tourisme participatif permet à la fois de planifier l’action de l’habitant en l’incluant au sein de la gestion du site patrimonial dans lequel il réside, tout en lui permettant de se [ré]approprier une identité locale.
Figure 109 : Logos de plateformes collaboratives.
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Site Web des Greeters : http://www.greeters.online/qui-sont-les-greeters/
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C’est pourquoi, dans le dossier de candidature des climats de Bourgogne sur la liste du patrimoine de l’humanité, le tourisme participatif est inclut dans le plan de gestion, en mentionnant directement le concept des Greeters comme moyen d’inclure les habitants au sein du projet du territoire :
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es gestionnaires du Bien ont souhaité créer un réseau de Greeters rassemblant les résidents bénévoles qui se mettent à disposition pour accueillir et guider les visiteurs dans leur découverte du territoire, partager leur vision sensible et personnelle du Bien. Les gestionnaires envisagent que ce réseau, en place depuis juillet 2011 à Beaune, soit désormais étendu à l’ensemble du périmètre du Bien proposé à l’inscription. »144
Par ce biais, l’habitant ne se place plus en observateur du tourisme. Il ne se place plus en opposition face au touriste mais se place dans une démarche d’échange et de rencontre pour un touriste en recherche d’une expérience plus authentique, plus proche des gens. D’autres sites de ce genre tels que Vizitme, Rendez-vous chez nous, GoodSpot, Trip4Real, GuideLikeYou ou Cariboo voient le jour.145 La plateforme Cariboo permet de mettre en relation des touristes et des guides locaux, majoritairement d’étudiants. À la différence des Greeters, les guides de Cariboo sont rémunérés via la plateforme.
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Cependant, il me parait nécessaire d’apporter quelques précisions à ces concepts qui de prime abord, apparaissent comme des bons moyens d’améliorer les rapports entre touristes et habitants. Ils participent en quelque sorte au phénomène d’uberisation146 du tourisme. Ceci est considéré comme de la concurence déloyale de la part des professionnels du secteur, les guides touristiques, les guides conférenciers, qui pour avoir le droit d’exercer doivent, entre autre, acheter une licence. Légalement, seuls les 11 000 guides encartés en France sont habilités à faire visiter les monuments. Sans diplôme l’habitant vient grignoter la part de travail des guides traditionnels. Ce phénomène traduit une des dérives de « l’économie collaboratrice »147
C.5
- LE DÉVELOPPEMENT DE LA FIGURE DU TOURISTE ACTEUR OU CONSOM’ACTEUR :
LES ASPECTS POSITIFS DU TOURISME DURABLE À TRAVERS LE TERRITOIRE DE CINQUE TERRES EN ITALIE
Comme j’ai pu l’évoquer dans la partie C.2, de nouvelles tendances émergent parmi les touristes. Les comportements de consommation changent. Dans la recherche d’une expérience plus authentique, d’échanges avec les populations locales, la figure habituelle du touriste spectateur évolue et se place dans une nouvelle démarche. De la même manière que l’habitant se place dans une démarche d’acteur du territoire, le touriste peut également le devenir (différemment du rôle habituel d’un touriste). Il s’agit de la figure du touriste acteur ou consom’acteur comme on a pu le voir avec la communauté de site internet TripAdvisor : le voyageur n’est plus seulement un spectateur, mais interagit, donne son avis, recommande, etc. Le tourisme participatif s’inscrit dans l’optique du tourisme durable148, qui est mis en avant par les professionnels du tourisme et les acteurs locaux comme l’avenir de la profession et du développement des territoires concernés.
En termes simples, le tourisme durable peut être défini comme étant : Un tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil.149Le tourisme durable doit : Faire un usage optimal des ressources environnementales qui sont un élément clé du développement du tourisme, Respecter l’authenticité socioculturelle des communautés d’accueil, conserver leur patrimoine culturel bâti et vivant, ainsi que leurs valeurs traditionnelles Garantir des activités économiques viables à long terme à la fois pour les populations locales comme les professionnels du tourisme, tout en permettant maintenir un haut niveau de satisfaction des touristes en les sensibilisant aux problèmes de développement durable et en leur faisant mieux connaître les pratiques de tourisme durable.
144 Dossier de présentation des climats de Bourgogne en vue de l’inscription sur la liste du patrimoine UNESCO au titre de paysage culturel, 2015, p.224. 145 id-tourisme.fr, La rencontre du tourisme et de l’économie collaborative : vers une mise en relation d’acteurs passionnés ?, le 6 novembre 2015. 146 Ce terme indique la capacité d’une jeune entreprise (marchande ou non) à bousculer les acteurs traditionnels d’un secteur, en mobilisant le numérique ainsi que d’externaliser vers des particuliers le travail qu’ils feront pour moins cher. Les services proposés sont souvent assouplis, attirant davantage de clients. 147 2015.
CROS Lola, « Les guides touristiques, prochaines victimes de l’uberisation ? » dans Les Inrocks, le 22 août
148 Le concept de tourisme durable est né en 1995. Celui-ci fut alors défini comme une « activité touristique qui respecte et préserve à long terme les ressources naturelles, culturelles et sociales et contribue de manière positive et équitable au développement économique et à l’épanouissement des individus qui vivent, travaillent ou séjournent sur ces espaces ». L’adoption de la « Charte du tourisme durable » par les participants de la Conférence mondiale du tourisme durable, réunis à Lanzarote (Canaries, Espagne) en avril 1995, constitua un jalon important. Le «tourisme durable» y fut défini par 18 principes s’appropriant les objectifs du développement durable. KNAFOU Rémy, PICKEL Sylvine, « Les nouvelles dynamiques du tourisme dans le monde. tourisme et “ développement durable ” : de la lente émergence à une mise en œuvre problématique » dans Géoconfluences, Lyon, le 4 février 2011. 149 Définition se trouvant sur le site de l’Organisation mondiale du tourisme. http://sdt.unwto.org/fr/content/definition
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Le territoire de Cinque Terres en Italie, est classé au titre de paysage culturel sur la liste du patrimoine mondial depuis 1997. Encerclés par la Méditerrannée et les collines, Riomaggiore, Manarola, Corniglia, Vernazza et Monterosso sont les cinq villages constituant un territoire entièrement nés du travail agricole avec un paysage en terrasse très particulier. Ce territoire qui vivait presque entièrement de la viticulture a presque failli disparaître entièrement. L’inscription de ce dernier sur la liste du patrimoine mondial, couplé à des initiatives locales ont permis la reconquête d’un territoire en péril grâce à une réorientation de son économie vers le tourisme. Un nouveau système plus équilibré s’est mis en place afin de remédier au problème de l’agriculture qui est en déclin depuis quelques années. Ce système repose avant tout sur la création en 1999 d’« el Parco Nazionale delle Cinques Terres » afin d’organiser et permettre le développement durable du territoire. Son objectif principal est d’assurer la compatibilité entre développement touristique et qualité paysagère et environnementale. Il s’est fixé pour mission de remettre en culture les terres abandonnées par les propriétaires privés, dans le but de stabiliser les sols et d’entretenir l’attractivité touristique tout et en créant des emplois pour les jeunes. En effet, le Parc de Cinque Terres reçoit annuellement 2,5 millions de touristes. La nouvelle politique du territoire est de faire du tourisme un élément moteur du développement du territoire et de son équilibre.
'*( Figure 110 : Photo Instagram de touristes dans les vignes avant de visiter Cinque Terres, jaydubya16.
Pour y parvenir, le Parc a organisé une filière agritouristique complète, reposant sur un système de coopératives agricoles depuis 2001. Elles permettent d’assurer la remise en culture des terres et l’entretien des sentiers de randonnée, gèrent la production, la transformation et la commercialisation des vins. Elles testent également différents types d’agriculture biologique. Les productions locales sont vendues essentiellement aux touristes ou utilisées par les restaurateurs pour entretenir une fillière locale. Ce dispositif, permet d’inscrire le tourisme sur le territoire dans un cercle plus vertueux et non dans une relation destructive face à l’agriculture. Il participe à l’ensemble de l’économie locale. Ces actions sont soutenues par le programme LIFE de l’Union Européenne150. Les habitants sont pleinement investis dans ces initiatives pour que le système fonctionne. Une formation du personnel pour les structures telles que les auberges et les différents restaurants est mise en place afin de faire en sorte que toutes les activités du territoire ne soient pas nocives pour celui-ci. Les guides touristiques sensibilisent également les touristes à la fragilité du milieu. En moins de dix ans le parc est devenu une véritable pépinière d’initiatives en faveur du tourisme durable permettant au territoire de se nourrir du tourisme. L’association de protection environnementale Legambiente en est un exemple. L’association créa en 1997, un écolabel151. Son objectif est de permettre à travers le tourisme durable de créer une nouvelle vitrine du territoire offrant la possibilité de trouver une symbiose entre visiteurs et habitants autour d’expériences, de solidarités et de valeurs communes. Des initiatives variées sont mises en place pour permettre au touriste de visiter différemment : grâce à l’association, des étudiants viennent travailler durant 10 matinées dans les vignes, pour refaire les terrasses ou nettoyer les sentiers. L’après-midi ils visitent le territoire. Cette 150 Le programme LIFE est un instrument financier de la Commission européenne entièrement dédié à soutenir des projets dans les domaines de l’environnement et du climat.
Figure 111 : Photo Instagram d’un touriste dans les vignes avant de visiter Cinque Terres, kazilou.
151 Ce dernier est donnée aux hébergements (hôtels, campings, gîtes, auberges de jeunesse, appartements, B & B) des zones côtières, les régions intérieures, les villes historiques, les parcs nationaux et d’autres structures touristiques qui adoptent des mesures visant à réduire l’impact de ses activités sur l’environnement et pour promouvoir la région.
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expérience permet d’aider les populations locales tout en sensibilisant les touristes et leur permet de faire connaissance avec les habitants à travers une expérience unique. Encore, une autre association, Save Vernaza propose une alternative au tourisme de masse. Le tour-opérateur Busabout soutient le tourisme durable en proposant via l’association Save Vernazza, de travailler sur place pour aider les populations locales tout en visitant les lieux.
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our 25 euros, vous serez dirigé lors d’une randonnée guidée pour sauver le site de bénévoles de Vernazza, où vous recevrez un déjeuner d’origine locale et passerez deux heures à vous salir, à reconstruire les sentiers, à peindre de nouveaux bâtiments et même à récolter des raisins du vignoble local. »152
Ces dispositions sont nécessaires compte tenu de l’attractivité touristique grandissante du territoire. Un quota de touristes est aujourd’hui défini afin de limiter la dégradation des lieux. La tarification des moyens de transport est également plus chère pour les touristes plutôt que les habitants. Pour le président du parc national de Cinque Terres, Vittorio Alessandro :
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e tourisme durable c’est celui que le territoire peut supporter sans que celuici soit consommé. »
Le tourisme durable est-il « rentable » ? Il peut paraitre surprenant de parler en ces termes, mais la rentabilité est une donnée capitale à prendre en compte. Cette question conditionne en grande partie la réussite des initiatives tournées autour du tourisme durable. Est-il possible en matière de tourisme à Saint-Émilion d’allier la quantité et la qualité ? Le tourisme étant à la fois un enjeu de société, une opportunité de rencontre mais aussi une source de richesse. J’arrive à la fin de mon analyse et je ne peux que constater que les flux touristiques passant par Saint-Émilion ne sont pas près de s’affaiblir. L’intérêt grandissant pour l’œnotourisme, et le développement de la ville voisine de Bordeaux sont des facteurs qui vont permettre de renforcer l’attractivité touristique de la cité médiévale. Saint-Émilion et ses habitants vont devoir apprendre à accepter « la masse ». En effet, il me semble difficile que le tourisme actuel bascule totalement dans un type de tourisme entièrement durable. De plus, l’avenir de la situation du village intra-muros semble figée à court terme comme à moyen terme. Compte tenu des informations traitées, il me parait difficile avec les moyens mis en œuvre actuellement de donner une seconde vie aux logements désertés intramuros.
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L’image luxueuse liée au travail des vins de Saint-Émilion va peut-être permettre de développer en parallèle différents type de tourisme : un tourisme en premier lieu lucratif, qui répondra d’abord à des objectifs de rentabilité, dans l’hypothèse où le tourisme tel qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire destiné au visiteur « lambda », continue à prendre de l’ampleur un tourisme plus élitiste, réservé à des niches de visiteurs qui auront les moyens de s’offrir une qualité de services plus authentiques qui sortent des sentiers battus. Le patrimoine de Saint-Émilion, qu’il soit bâti ou immatériel est d’une grande importance pour l’économie et les identités locales. Le tourisme se place comme un vecteur de retombées pour ces deux dimensions. Parmi les enjeux futurs pour Saint-Émilion, il s’agira de réussir à préserver son patrimoine matériel comme immatériel tout en assurant une cohabitation harmonieuse de tous les habitants du territoire : population locales comme visiteurs.
152 Busabout est un tour-opérateur qui s’adresse essentiellement aux jeunes voulant voyager en proposant un type de voyage au contact des populations locales tout en travaillant parmi elles. http://www.busabout.com/save-vernazza
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!"##$%&' '*" '*! BIBLIOGRAPHIE
p.136
TABLE DES FIGURES
p.144
DENSITÉ DE POPULATION DANS LA RÉGION DU SAINT-ÉMILIONNAIS
p.147
EXTRAIT DE L’ARTICLE 1
p.149
DE LA CONVENTION CONCERNANT LA PROTECTION DU PATRIMOINE MONDIAL CULTUREL ET NATUREL
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PARTIE II.A
p.150
DES ORIENTATIONS DEVANT GUIDER LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION DU PATRIMOINE MONDIAL
EXTRAIT ANNEXE 3
p.152
DES ORIENTATIONS DEVANT GUIDER LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION DU PATRIMOINE MONDIAL
COMPARAISON DES SOMMAIRES
p.155
DES DOSSIERS D’INSCRIPTION SUR LA LISTE DU PATRIMOINE DE MONDIAL
RECENSEMENTS DE LA POPULATION DE SAINT-ÉMILION
p.157
P.S.M.V DE SAINT-ÉMILION
p.158
LA VILLE DE LIBOURNE
p.159
QUESTIONNAIRE D’ENQUÊTE
p.160
RETRANSCRIPTION D’ENQUÊTE
p.161
ENTRETIENS ISSU DU LIVRE « MÉMOIRE DE SAINT-ÉMILION
p.170
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FIGURE 1 : Photo d’une journée au Mont-Saint-Michel - SOURCE : Wikipédia FIGURE 2 : Localisation de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 3 : Photo de la cité de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 4 : Carte de la Juridiction de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 5 : Carte mentale des communes autour de Saint-Émilion, Proportion territoire / Habitant SOURCE : Marie Rénié FIGURE 6 : Photo d’un territoire agricole - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 7 : Photo de la cité médiévale - SOURCE : Elsa Genête FIGURE 8 : Photo d’une ville touristique - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 9 : Schémas expliquant le processus de candidature de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 10 : Photo de La cité médiévale de Sarlat en Dordogne - SOURCE : TripPinSee FIGURE 11 : Photo des climats de Bourgogne SOURCE : http://lesgrappes.leparisien.fr/wp-content/uploads/2015/11/les_climats.jpg FIGURE 12 : Le paysage culturel de Lednice Valnice en République Tchèque - SOURCE : UNESCO FIGURE 13 : Paysage relique des premières plantations de café du Sud-Est de Cuba SOURCE : Huguette et Aldo di gennaro FIGURE 14 : Colline royale d’Ambohimanga, Madagascar - SOURCE : UNESCO FIGURE 15 : Cadre de gestion pour les paysages culturels du patrimoine SOURCE : COLLECTIF (MITCHELL N, RÖSSLER M, TRICAUD PM), Paysages culturels du patrimoine mondial, Guide pratique de conservation et de gestion, UNESCO, 2011 - Retouche Marie Rénié FIGURE 16 : Processus de gestion pour les paysages culturels du patrimoine mondial SOURCE : COLLECTIF (MITCHELL N, RÖSSLER M, TRICAUD PM), Paysages culturels du patrimoine mondial, Guide pratique de conservation et de gestion, UNESCO, 2011 - Retouche Marie Rénié FIGURE 17 : Carte regroupant les différents terroirs de la Juridiction de Saint-Émilion SOURCE : COLLECTIF d’étudiants, DDEG, DREA, La Juridiction de Saint-Émilion, Lecture d’un paysage, Ensap Bordeaux, 2000 - Retouche Marie Rénié FIGURE 18 : Schémas expliquant les normes en vigueurs pour l’implantation des ceps de vignes à SaintÉmilion - SOURCE : COLLECTIF d’étudiants, DDEG, DREA, La Juridiction de Saint-Émilion, Lecture d’un paysage, Ensap Bordeaux, 2000 FIGURE 19 : La Jurade de Saint-Émilion lors d’un défilé - SOURCE : saint-emilion-tourisme.fr FIGURE 20 : Photo des vignobles de Saint-Émilion SOURCE : Office du tourisme du grand Saint-Émilionnais, le guide de Saint-Émilion, 2016 FIGURE 21 : Photo de la cité de Saint-Émilion SOURCE : Office du tourisme du grand Saint-Émilionnais, le guide de Saint-Émilion, 2016 FIGURE 22 : Photo de la cité de Saint-Émilion SOURCE : Office du tourisme du grand Saint-Émilionnais, le guide de Saint-Émilion, 2016 FIGURE 23 : Comment se propage l’image d’un territoire ? SOURCE : HOULLIER-GUIBERT Charles-Edouard, « La fabrica on de l’image o cielle de la ville pour un rayonnement européen : Gouvernance, idéologies, coopéra on territoriale et rayonnement. » dans Cahiers de géographie du Québec, Volume 55, n°154, 2011, p. 7-35 - Retouche Marie Rénié FIGURE 24 : Photo instagram - SOURCE : Instagram : mysaintemilion
P.12 P.14 P.16 P.18 P.18
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P.46 P.48 P.48 P.50 P.52
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FIGURE 25 : Photo instagram - SOURCE : Instagram : mysaintemilion FIGURE 26 : Photo instagram - SOURCE : Instagram : mysaintemilion FIGURE 27 : Photo instagram - SOURCE : Instagram : mysaintemilion FIGURE 28 : Photo instagram - SOURCE : Instagram : mysaintemilion FIGURE 29 : Photo instagram - SOURCE : Instagram : mysaintemilion FIGURE 30 : Photo de Saint Émilion - SOURCE : Magasine municipal n°1 de Saint-Émilion, Mai 2016 FIGURE 31 : Photo de la cité de Saint-Émilion - SOURCE : voyage-michelin.fr FIGURE 32 : Photo instagram - SOURCE : Instagram : Tamahanicole FIGURE 33 : Photo de la cité de Saint-Émilion - SOURCE : bordeaux-tourisme.com FIGURE 34 : Photo de la cité de Saint-Émilion - SOURCE : Noé Tronel FIGURE 36 : Photo de la cité de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 35 : Photo de la cité de Saint-Émilion SOURCE : Office du tourisme du grand Saint-Émilionnais, Le guide des activité, 2016 FIGURE 37 : Photo de la cité de Saint-Émilion SOURCE : Office du tourisme du grand Saint-Émilionnais, Le guide des activité, 2016 FIGURE 38 : Photo de la cité de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 39 : Photo de la cité de Saint-Émilion - SOURCE : tourisme-libournais.com FIGURES 40 À 45 : Photos de la porte Guadet - SOURCE : Instagram FIGURE 46 : Photo de Saint-Émilion - SOURCE : Elsa Genête FIGURE 47 : Photo de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 48 : Photo de Saint-Émilion - SOURCE : gironde-tourisme.fr FIGURE 49 : Photo de Saint-Émilion - SOURCE : Magazine touristique région Aquitaine FIGURES 50 À 52 : Photos de Saint-Émilion - SOURCE : Instagram FIGURE 53 : Photo de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURES 54 À 63 : Photos de Saint-Émilion - SOURCE : Instagram FIGURES 64 À 65 : Vues Google Maps de Saint-Émilion SOURCE : Google Maps ; GPS : 44.892385, -0.155841 FIGURES 66 À 67 : Vues Google Maps de Sarlat - SOURCE : Google Maps ; GPS : 44.88919, 1.2145946 FIGURES 68 À 69 : Vues Google Maps de Bordeaux SOURCE : Google Maps ; GPS : 44.841185, -0.580838 FIGURES 70 À 71 : Vues Google Maps de Carcassonne SOURCE : Google Maps ; GPS : 43.206628, 2.364077 FIGURES 72 À 73 : Vues Google Maps du Mont Saint-Michel SOURCE : Google Maps ; GPS : 48.635906, -1.510915 FIGURE 74 : Itinéraire « Best of France » - SOURCE : Capture d’écran, explorica.com FIGURE 75 : Itinéraire « Discover France » - SOURCE : capture d’écran, www.topdeck.travel FIGURE 76 : Itinéraire « Best of France » - SOURCE : Capture d’écran, www.trafalgar.com/usa/tours/ FIGURE 77 : Itinéraire « Ultimate France » - SOURCE : Capture d’écran, tourradar.com FIGURE 78 : Itinéraire « Gems of the Seine & Bordeaux Affair » - SOURCE : Capture d’écran, tourradar.com FIGURE 79 : Itinéraire « Bordeaux and Dordogne, Best of » - SOURCE : Capture d’écran, tourradar.com FIGURE 80 : Itinéraire « France for families » - SOURCE : Capture d’écran, tourradar.com FIGURE 81 : Itinéraire « Bordeaux, Dordogne, Languedoc » - SOURCE : Capture d’écran, tourradar.com FIGURE 82 :Itinéraire « Bordeaux vinyard cycle » - SOURCE : Capture d’écran, tourradar.com FIGURE 83 :Itinéraire « Three Mighty Rivers - The Gironde Estuary and Arcachon bay » SOURCE : Capture d’écran, tourradar.com FIGURE 84 : Place de la Bourse de Bordeaux - SOURCE : raileurope.com FIGURE 85 : Photo de la place de la bourse de Bordeaux - SOURCE : Les Williams via twitter FIGURE 86 : Photo de la place de la bourse de Bordeaux - SOURCE : zicasso.com FIGURE 87 : Photo d’un vignoble - SOURCE : www.topdeck.travel FIGURE 88 : Photo de vignobles - SOURCE : rough.guides.limited.com FIGURE 89 : Photo de vignobles - SOURCE : Best in travel 2017
P.54 P.54 P.54 P.54 P.54 P.56 P.58 P.58 P.58 P.60 P.60 P.60 P.60 P.60 P.60 P.62 P.63 P.63 P.63 P.63 P.64 P.64 P.64 P.66 P.66 P.66
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FIGURE 90 : Nombre de logements vacants et taux de vacance dans le parc de logement de la communauté de commune du Saint- Émilionnais. - SOURCE : Filocom 2013 - Retouche Marie Rénié FIGURE 91 : Ancienneté du bâti - SOURCE : Filocom 2013 - Retouche Marie Rénié FIGURE 92 : Les différents commerces intra-muros de Saint-Émilion entre 1930 et 1990. SOURCE : Marie Rénié FIGURE 93 : Les différents commerces intra-muros de Saint-Émilion en 2017 - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 94 : Photo d’une porte de la rue Guadet - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 95 : Château Cheval Blanc à Saint-Émilion - SOURCE : Eric Saillet FIGURE 96 : Château Faugères - SOURCE : P. Caumes FIGURE 97 : Château La Dominique - SOURCE : Guy Charneau FIGURE 98 : Photo de la rue Guadet - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 99 : Carte mentale de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 100 : Carte mentale de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 101 : Carte mentale de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 102 : Carte mentale de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 103 : Carte mentale de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 104 : Carte mentale de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 105 : Carte mentale de Saint-Émilion - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 106 : Festivités - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 107 : Tissu bâti de Saint-Émilion : cité médiévale, lotissement, château - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 108 : Le tourisme participatif induit différents niveaux de rencontre SOURCE : Bouhnini Zayneb, Le rapport habitant touriste dans les destinations métropolitaines, étude de l’émergence du tourisme participatif à Paris et en Seine-Saint-Denis, mémoire sous la dir. de Gravaribarbas Maria, Université de Paris 1, Panthéon Sorbonne, 2011 - Retouche Marie Rénié FIGURE 109 : Logo de plateformes collaboratives - SOURCE : Marie Rénié FIGURE 109 : Photo de touristes dans les vignes avant de visiter Cinque Terres - SOURCE : Instagram FIGURE 109 : Photo de touristes dans les vignes avant de visiter Cinque Terres - SOURCE : Instagram
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DEFINITIONS DU PATRIMOINE CULTUREL ET NATUREL Article 1 Aux fins de la présente Convention sont considérés comme « patrimoine culturel » : '!%
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VIGNONET
− les monuments : œuvres architecturales, de sculpture ou de peinture monumentales, éléments ou structures de caractère archéologique, inscriptions, grottes et groupes d’éléments, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la !"#science,
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− les ensembles : groupes de constructions isolées ou réunies, qui, en raison de leur architecture, de leur unité, ou de leur intégration dans le paysage, ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science,
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− les sites : œuvres de l’homme ou œuvres conjuguées de l’homme et de la nature, ainsi que !"#les zones y compris les sites archéologiques qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue historique, esthétique, ethnologique ou anthropologique. Article 2 Aux fins de la présente Convention sont considérés comme « patrimoine naturel » :
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- les monuments naturels constitués par des formations physiques et biologiques ou par des groupes de telles formations qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue esthétique ou scientifique,
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- les formations géologiques et physiographiques et les zones strictement délimitées constituant l’habitat d’espèces animales et végétales menacées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la conservation, - les sites naturels ou les zones naturelles strictement délimitées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science, de la conservation ou de la beauté naturelle.
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ISSU DES ORIENTATIONS DEVANT GUIDER LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION DU PATRIMOINE MONDIAL
La valeur universelle exceptionnelle 49. La valeur universelle exceptionnelle signifie une importance culturelle et/ou naturelle tellement exceptionnelle qu’elle transcende les frontières nationales et qu’elle présente le même caractère inestimable pour les générations actuelles et futures de l’ensemble de l’humanité. A ce titre, la protection permanente de ce patrimoine est de la plus haute importance pour la communauté internationale toute entière. Le Comité définit les critères pour l’inscription des biens sur la Liste du patrimoine mondial. 50. Les États parties sont invités à présenter des propositions d’inscription de biens du patrimoine culturel et/ou naturel considérés comme étant de «valeur universelle exceptionnelle» pour inscription sur la Liste du patrimoine mondial. 51. Lors de l’inscription d’un bien sur la Liste du patrimoine mondial, le Comité adopte une déclaration de valeur universelle exceptionnelle (voir paragraphe154) qui constituera la référence principale dans le futur pour la protection et la gestion efficaces du bien.
II LA LISTE DU PATRIMOINE MONDIAL II.A Définition du patrimoine mondial '"(
Le patrimoine culturel et naturel 45. Le patrimoine culturel et le patrimoine naturel sont définis aux articles 1 et 2 de la Convention du patrimoine mondial.
Le patrimoine mixte culturel et naturel 46. Des biens sont considérés comme « patrimoine mixte culturel et naturel » s’ils répondent à une partie ou à l’ensemble des définitions du patrimoine culturel et naturel figurant aux articles 1 et 2 de la Convention.
Les paysages culturels 47. Les paysages culturels sont des biens culturels et représentent les « œuvres conjuguées de l’homme et de la nature » mentionnées à l’article 1 de la Convention. Ils illustrent l’évolution de la société humaine et son établissement au cours du temps, sous l’influence des contraintes physiques et/ou des possibilités présentées par leur environnement naturel et des forces sociales, économiques et culturelles successives, externes aussi bien qu’internes.
Le patrimoine mobilier 48. Les propositions d’inscription concernant le patrimoine immobilier, susceptible de devenir mobilier, ne seront pas prises en considération.
52. Le but de la Convention n’est pas d’assurer la protection de tous les biens de grand intérêt, importance ou valeur, mais seulement d’une liste sélectionnée des plus exceptionnels d’entre eux du point de vue international. Il ne faut pas en conclure qu’un bien d’importance nationale et/ou régionale sera automatiquement inscrit sur la Liste du patrimoine mondial. 53. Les propositions d’inscription présentées au Comité devront démontrer l’engagement total de l’État partie à préserver le patrimoine concerné, dans la mesure de ses moyens. Cet engagement prendra la forme de mesures juridiques, scientifiques, techniques, administratives et financières appropriées adoptées et proposées pour protéger le bien et sa valeur universelle exceptionnelle.
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ISSU DES ORIENTATIONS DEVANT GUIDER LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION DU PATRIMOINE MONDIAL
I. PAYSAGES CULTURELS, VILLES, CANAUX ET ROUTES 5. Le Comité du patrimoine mondial a identifié et défini plusieurs catégories spécifiques de biens ayant une valeur culturelle et/ou naturelle et a adopté des orientations spécifiques pour faciliter l’évaluation de ces biens quand ils sont proposés pour inscription sur la Liste du patrimoine mondial. A ce jour, ces catégories sont les suivantes, sachant que d’autres s’y ajouteront probablement en temps voulu : a) paysages culturels ; b) villes et centres-villes historiques ; c) canaux du patrimoine ; d) routes du patrimoine.
PAYSAGES CULTURELS : Définition 6. Les paysages culturels sont des biens culturels et représentent les « ouvrages combinés de la nature et de l’homme » désignés à l’article 1 de la Convention. Ils illustrent l’évolution de la société et des établissements humains au cours des âges, sous l’influence des contraintes matérielles et/ou des atouts présentés par leur environnement naturel et des forces sociales, économiques et culturelles successives, internes et externes. 7. Ils devraient être choisis sur la base de leur valeur universelle exceptionnelle et de leur représentativité en terme de région géoculturelle clairement définie et de leur capacité à illustrer les éléments culturels essentiels et distincts de telles régions. '")
ORIENTATIONS POUR L’INSCRIPTION DE TYPES SPECIFIQUES DE BIENS SUR LA LISTE DU PATRIMOINE MONDIAL
8. Le terme « paysage culturel » recouvre une grande variété de manifestations interactives entre l’homme et son environnement naturel.
La liste des études thématiques de l’ICOMOS est disponible à l’adresse suivante :
9. Les paysages culturels reflètent souvent des techniques spécifiques d’utilisation viable des terres, prenant en considération les caractéristiques et les limites de l’environnement naturel dans lequel ils sont établis ainsi qu’une relation spirituelle spécifique avec la nature. La protection des paysages culturels peut contribuer aux techniques modernes d’utilisation viable et de développement des terres tout en conservant ou en améliorant les valeurs naturelles du paysage. L’existence permanente de formes traditionnelles d’utilisation des terres soutient la diversité biologique dans de nombreuses régions du monde. La protection des paysages culturels traditionnels est par conséquent utile pour le maintien de la diversité biologique.
http://www.icomos.org
La liste des études thématiques de l’UICN est disponible à l’adresse suivante : http://www.iucn.org/about/work/programmes/wcpa_worldheritage/wheritage_pub/
INTRODUCTION 1. La présente Annexe fournit des informations sur des types spécifiques de biens pour guider les États parties dans la préparation de propositions d’inscription de biens sur la Liste du patrimoine mondial. Les informations suivantes constituent des orientations qui doivent être utilisées en association avec le chapitre II des Orientations, où sont précisés les critères pour inscription des biens sur la Liste du patrimoine mondial. 2. Le Comité a approuvé les résultats des réunions d’experts sur les paysages culturels, les villes, les canaux et les routes (partie I, ci-dessous). 3. Les rapports d’autres réunions d’experts demandées par le Comité du patrimoine mondial, dans le cadre de la Stratégie globale pour une Liste du patrimoine mondial représentative, équilibrée et crédible, sont mentionnés dans la partie II. 4. La partie III énumère diverses études comparatives et thématiques réalisées par les Organisations consultatives.
DÉFINITION ET CATÉGORIES 10. Les paysages culturels se divisent en trois catégories majeures : (i) Le plus facilement identifiable est le paysage clairement défini, conçu et créé intentionnellement par l’homme, ce qui comprend les paysages de jardins et de parcs créés pour des raisons esthétiques qui sont souvent (mais pas toujours) associés à des constructions ou des ensembles religieux. (ii) La deuxième catégorie est le paysage essentiellement évolutif. Il résulte d’une exigence à l’origine sociale, économique, administrative et/ou religieuse et a atteint sa forme actuelle par association et en réponse à son environnement naturel. Ces paysages reflètent ce processus évolutif dans leur forme et leur composition. Ils se subdivisent en deux catégories :
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- un paysage relique (ou fossile) est un paysage ayant subi un processus évolutif qui s’est arrêté, soit brutalement soit sur une période, à un certain moment dans le passé. Ses caractéristiques essentielles restent cependant matériellement visibles ; - un paysage vivant est un paysage qui conserve un rôle social actif dans la société contemporaine, étroitement associé au mode de vie traditionnel et dans lequel le processus évolutif continue. En même temps, il montre des preuves manifestes de son évolution au cours des temps. (iii) La dernière catégorie comprend le paysage culturel associatif. L’inscription de ces paysages sur la Liste du patrimoine mondial se justifie par la force d’association des phénomènes religieux, artistiques ou culturels de l’élément naturel plutôt que par des traces culturelles matérielles, qui peuvent être insignifiantes ou même inexistantes.
INSCRIPTION DE PAYSAGES CULTURELS SUR LA LISTE DU PATRIMOINE MONDIAL 11. Le champ pour l’inscription du paysage culturel sur la Liste du patrimoine mondial est délimité par ses aspects fonctionnel et intelligible. En tout cas, l’exemple choisi doit être assez substantiel pour représenter la totalité du paysage culturel qu’il illustre. La possibilité de désigner de longues aires linéaires représentant des réseaux significatifs de transport et de communication ne doit pas être écartée. 12. Les critères généraux pour la protection et la gestion sont également applicables aux paysages culturels. Il est également important de porter une attention particulière aux valeurs culturelles et naturelles des paysages concernés et de préparer les propositions d’inscription en collaboration et en complet accord avec les communautés locales.
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DES DOSSIERS D’INSCRIPTION SUR LA LISTE DU PATRIMOINE MONDIAL
JURIDICTION DE SAINT-ÉMILION (1999)
Gestion '""
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13. L’existence d’une catégorie de « paysage culturel », incluse dans la Liste du patrimoine mondial sur la base du critère défini au paragraphe 77 des Orientations, n’exclut pas la possibilité de continuer à inscrire des biens d’importance exceptionnelle selon des critères naturels aussi bien que culturels (voir la définition des biens mixtes décrite au paragraphe 46). Dans de tels cas, leur valeur universelle exceptionnelle doit être justifiée dans les deux catégories de critères.
4.
1.
Identification du Bien
1.a. Pays 1.b. État, province ou région 1.c. Nom du bien 1.d. Localisation précise sur la carte 1.e. Cartes indiquant les limites de la zone proposée pour l’inscription et celles de la zone tampon 1.f. Surface du site proposé pour l’inscription.
2.
Justification de l’inscription
Déclaration de valeur Analyse comparative Authenticité/Intégrité Critères selon lesquels l’inscription est proposée
3.
Description
3.a. Description du bien 3.b. Historique et développement 3.c. Forme et date des documents les plus récents concernant le site 3.d. État actuel de conservation 3.e. Politiques et programmes relatifs à la mise en valeur et la promotion du bien
4.a. Droit de propriété 4.b. Statut juridique 4.c. Mesures de protection et moyens de mise en oeuvre 4.d. Organismes chargés de gestion 4.e. Échelon auquel s’effectue la gestion 4.f. Plans adoptés concernant le bien 4.g. Sources et niveaux de financement 4.h. Sources et compétences de formation en matière de technique de conservation et de gestion 4.i. Aménagements pour les visiteurs et statistiques les concernant 4.j. Plan de gestion du site et exposé des objectifs 4.h. Nombre d’employés
5. 5.a. 5.b. 5.c. 5.d. 5.e.
6.
Facteurs affectant le site Pressions dues au développement Contraintes liées à l’environnement Catastrophes naturelles et planification préalable Flux de visiteurs/touristes Nombre d’habitants à l’intérieur du site
Suivi
6.a. Indicateurs-clés pour mesurer l’état de conservation 6.b. Dispositions administratives pour le suivi du bien 6.c. Résultats des précédents exercices de soumission de rapport [...]
LES CLIMATS DU VIGNOBLE DE BOURGOGNE (2015)
5.f. Sources et niveaux de financement 5.g. Sources de compétences spécialisées et de formation en techniques de conservation et de gestion 5.h. Aménagements et infrastructures pour les visiteurs 5.i. Politiques et programmes concernant la mise en valeur et la promotion du Bien 5.j. Niveau de qualification des employés
1.
6. Suivi
Identification du Bien
1.a. Pays 1.b. État, province ou région 1.c. Nom du bien 1.d. Coordonnées géographiques à la seconde près 1.e. Cartes et plans indiquant les limites de la zone proposée pour l’inscription et celles de la zone tampon 1.f. Surface du Bien proposé à l’inscription (en hectares) et de la zone tampon proposée (en hectares)
2.
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[...]
Description
2.a. Description du bien 2.b. Historique et développement
3.
6.a. Indicateurs-clés pour mesurer l’état de conservation 6.b. Dispositions administratives pour le suivi du Bien 6.c. Résultats des précédents exercices de soumission de rapport
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Justification de l’inscription
3.1.a. Brève synthèse 3.1.b. Critères selon lesquels l’inscription est proposée et justification de l’inscription selon ces critères 3.1.c. Déclaration d’intégrité 3.1.d. Déclaration d’authenticité 3.1.e. Mesures de protection et de gestion requises 3.2. Analyse comparative 3.3. Projet de déclaration de Valeur Universelle Exceptionnelle
4. État de conservation du bien et facteurs affectant le Bien 4.a. État actuel de conservation 4.b. Facteurs affectant le Bien (I) Pressions dues au développement (II) Contraintes liées à l’environnement (III) Catastrophes naturelles et planification préalable (IV) Visite responsable des sites du Patrimoine mondial (V) Nombre d’habitants dans le périmètre du bien, dans la zone tampon
5. Protection et gestion du Bien 5.a. Droit de propriété 5.b. Classement de protection 5.c. Moyens d’application des mesures de protection 5.d. Plans actuels concernant la municipalité et la région où est situé le Bien proposé 5.e. Plan de gestion du Bien ou système de gestion documenté et exposé des objectifs de gestion pour le Bien proposé
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Source : Mairie de Saint-Émilion
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.D!D#D*)0' C< !$%+,-'#%/%"+ '"%
/$)*%//')0')/%H"1&+' ;C Libourne est une ville d’environ 24 000 habitants limitrophe de Saint-Émilion. Située entre trois sites classés (Blaye, Bordeaux, et Saint-Émilion), la ville de Libourne accueille chaque année grâce à sa navette fluviale 20 000 touristes sur le territoire. La ville met en place différents projets comme la requalification des quais ou la transformation de l’ESOG (l’école de gendarmerie) en hôtel de luxe afin de capter une partie du million de touristes visitant Saint-Émilion chaque année. Actuellement, Libourne propose 4 hôtels avec une capacité de 187 chambres. Or, l’offre hôtelière de Saint-Émilion est assez restreinte par rapport au nombre de touriste visitant le site.
« Depuis 2011, Libourne s’inscrit dans la dynamique d’une nouvelle filière touristique : la croisière fluviale. Le projet d’équipement du port participe au développement économique de la commune et se construit, en collaboration avec les communes limitrophes, la communauté d’agglomération du Libournais et le Grand SaintÉmilionnais. La vocation du Port de Libourne-SaintÉmilion est d’être la porte d’entre du territoire. »
Gabi Höper conseillère municipale déléguée du tourisme de Libourne.
Avec 40 millions d’euros d’investissements, l’entreprise Financière Vauban à le projet de transformer l’ancien site des casernes de 6 hectares en un grand complexe hôtelier de luxe d’ici 2019. Le projet serait composé : - Un hôtel de luxe 4 ou 5 étoiles Évolution démographique de la commune de - Deux autres hôtels 3 étoiles - Un centre dédié au vin ainsi qu’un pôle tertiaire *$+,-#)% d’accueil aux entreprises. 2008 24 395 hab - Un pôle événementiel. 2009 24 506 hab Des vignes seront également plantées afin de 2010 24 302 hab donner une image «connue» et de «prestige» de 2011 24 394 hab la France à l’étranger. 2012 24 395 hab Plus d’une centaine d’emplois devraient être crées 2013 24 567 hab avec ce projet.
Plan masse du projet de reconversion des casernes de Libourne. MAES architectes urbanistes
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+ Ce questionnaire m’a servi de grille d’entretien lors de mes enquêtes. Les questions pouvaient être différentes d’un témoignage à l’autre.
#$0$#')$D! Travaillez-vous à Saint-Émilion ? Depuis combien de temps ? Habitez-vous sur la commune ? Intra-muros ? Sinon où ? Quelles sont les motivations pour venir travailler à Saint-Émilion ? Comment est la vie du village en dehors de la saison touristique ? Est-ce que vous venez à Saint-Émilion en dehors du travail ? Quelle image vous faites-vous du paysage de Saint-Émilion ? Pouvez vous décrire votre paysage quotidien ? Qu’est-ce qui vous plaît à Saint-Émilion ? Quelles sont vos motivations pour y habiter ? Quel est votre moment préféré de l’année ? Journée ? Pourquoi ? Qu’est ce qui vous plaît moins ? Êtes vous investit dans la vie du village ? Pensez vous que La mise en vitrine de la ville a transformé la vie des habitants du village ? Comment ? Y a t-il une redéfinition des pratiques quotidiennes ? Quelles expériences paysagères participent à la construction de votre paysage quotidien ? Comment vos activités quotidiennes s’adaptent à la venue des touristes ? Qu’est ce qui représente le paysage exceptionnel de Saint-Émilion ?
E NVIRON 45 ANS B URALISTE AU CAFÉ DE S AINT -É MILION N E RÉSIDE PAS SUR LA COMMUNE
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adame A. travaille à Saint-Émilion depuis un an et demi. Elle est originaire de la région parisienne, et vit maintenant dans le Sud Ouest depuis 7 ans. Elle ne réside pas sur la commune, en partie en raison des prix, et notamment à cause de l’afflux touristique. Elle préfère la tranquillité de la « campagne ». Ce fut un hasard pour elle d’être amenée à travailler sur Saint-Émilion. Elle n’y vient jamais durant son temps libre et porte un regard très négatif sur la ville : pour elle le paysage de Saint-Émilion « c’est du business ». Elle n’a pas souhaité me décrire son paysage quotidien.
« Vous voulez aller au marché ? C’est seulement le dimanche et c’est un tout petit marché, il ne faut pas s’attendre à quelque chose de sensationnel. » Selon elle, il n’y aurait que 100 à 150 personnes qui résident à Saint-Émilion intramuros. La ville est morte hors saison : « Il n’y a pas un chat, on dirait une ville fantôme. » Lorsque je lui demande alors ce qui fait vivre les Saint-Émilionnais, la buraliste me répond sans aucune hésitation, qu’il s’agit de son café. « Il est le seul ouvert toute l’année, mis à part ça, il n’y a que des boutiques de vin. Auparavant il y avait un autre bureau de tabac, des commerces... Maintenant il n’y a plus que nous. »
#"+!%'1&)OD E NVIRON 60 ANS , V IGNERON P ROPRIÉTAIRE DU M ANOIR P RÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ D ’ ARCHÉOLOGIE
G ALHAUD
D ’ HISTOIRE
ET ET
Monsieur K. travaille et réside à Saint-Émilion depuis toujours.
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rester figé dans le temps. » « C’est tout de même très agréable de vivre à Saint-Émilion. Effectivement on a quelques nuisances l’été avec le flux touristique mais ce n’est pas désagréable, loin de là ! Tout le monde voudrait avoir ce cadre de vie. Vivre au milieu de monuments comme ça... C’est magique comme espace. C’est un cadre génial que l’on a envie de faire partager à ses amis, ses invités... Il n’y a pas d’autres villages comme celui-ci dans tout le Bordelais. »
ous savez qu’il n’y a plus grand monde qui habite le centre bourg de SaintÉmilion, il doit rester 150 habitants à peine... Il y a de moins en moins de résidents à l’année, il reste notamment des gens âgés et pour eux ce n’est pas facile de crapahuter dans le village. Il y a aussi de moins en moins de commerçants. La municipalité a mis à disposition des locaux à côté du stade pour qu’un boucher et un autre commerçant puissent s’implanter. »
Le tourisme, malgré les nuisances, fait vivre ce village. Il permet de générer de quoi l’entretenir, tout comme les commerces de vin qui rapportent également des taxes pour la commune. Le côté réception se développe également, (chambres d’hôtes etc.), mais davantage dans les châteaux qu’intra-muros où la capacité hôtelière reste très limitée.
Monsieur K. explique que le dépeuplement du village est en partie dû à une erreur de la municipalité. Auparavant, les propriétaires de commerces vivaient au-dessus de leur magasin. Lorsque les propriétaires des lieux sont partis du village, des restaurants en location se sont installés au RDC. Les propriétaires ont fini par vendre le fond de commerce pour s’installer à la campagne. Cependant, aujourd’hui dans un grand nombre de bâtiments, il est impossible d’accéder au logement au R+1 sans traverser le commerce au RDC.
« Beaucoup de couples veulent se marier à Saint-Émilion alors qu’ils ne vivent pas ici. Avec le traiteur, le château, le coût total peut avoisiner les 30 000 euros ! Alors le curé prend un pourcentage pour marier les couples qui ne viennent pas de la région. »
« Avant le village était très animé ! Le marché aujourd’hui, par exemple, c’est seulement le dimanche matin, avec 4 ou 5 commerçants. Le mercredi il n’y a plus rien. Les gens préfèrent aller à Libourne. » En 20 ans le paysage s’est transformé. Les habitants ont pu voir leur environnement s’améliorer. « Évidemment qu’ils aiment leur village. Les visites permettent de faire vivre ce patrimoine ; il vit, il ne faut pas seulement
« Les gens viennent passer la journée à SaintÉmilion mais il est rare qu’ils restent. »
Des manifestations régulières ont lieu quasiment tout les week-ends jusqu’en novembre, tel que le « festival de jazz » ou « Philosophia ». Les habitants y participent, et beaucoup de bénévoles et associations se mobilisent afin d’assurer la bonne logistique des événements. « Le problème est de s’installer à SaintÉmilion pour des jeunes : il y a beaucoup de maisons vétustes. La moindre petite maison en ruine coûte 500 000 euros et puis après les monuments historiques viennent mettre leur nez dedans. Du coup on ne peut pas faire grand-chose : pour changer une pierre ou une tuile ça coûte cher ! Les jeunes qui peuvent s’installer sont les fils de propriétaires, mais la plupart préfèrent être ailleurs. »
« Il n’y a rien ici ! Je vois ceux qui travaillent dans la restauration ou comme ça... Ils s’emmerdent les jeunes ! On n’est pas à Bordeaux. Même si vous avez travaillé toute la journée et que vous voulez sortir, il y a rien à faire le soir ! Si on n’a pas de voiture on est assez prisonnier, pour la jeunesse ce n’est pas évident. »
Avant il y avait des commerces, deux bureaux de tabac, maintenant il y a du vin partout. Le paysage quotidien je ne le vois plus. » Monsieur H. ne participe plus aux activités proposées à Saint-Émilion.
« Chez les vignerons le renouvellement est assuré, les jeunes ne sont pas fous. Ceux qui ont les pieds dans une propriété sont très chanceux ! L’image de marque de SaintÉmilion attire les jeunes. Ils viennent du monde entier : à Lourdes on vend de l’eau, à Saint-Émilion on vend du vin. »
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« L’hiver est un peu plus creux mais je m’occupe de la société d’histoire et d’archéologie une association de 140 adhérents : à partir du 4 novembre je fais tous les mois une conférence. Cela attire une centaine de personnes. »
#"+!%'1&)4D) E NVIRON 50 ANS E MPLOYÉ AUX SERVICES H ABITANT INTRA - MUROS
DE LA VILLE
Monsieur H. habite dans le village intra-muros depuis toujours et y travaille depuis 1989.
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orsque je lui ai dit que je faisais des études d’architecture, il a tout de suite voulu me faire partager l’histoire de son village en me montrant différents monuments et belles maisons. Cependant aujourd’hui pour lui le village se meurt. « Il n’y a plus personne, au marché il y a quatre pelés. En hiver le centre-ville est un désert contrairement au reste de la commune. » Il est assez résigné face à la situation. Et selon lui il n’y aurait plus rien à faire notamment pour les logements vacants. « Il n’y a pas plus d’une centaine de personnes dans le bourg.
E NVIRON 40 ANS S AISONNIER À L ’ AUBERGE DE LA COMMANDERIE N E RÉSIDE PAS SUR LA COMMUNE
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onsieur W. travaille de manière saisonnière 10 mois dans l’année à SaintÉmilion depuis 3 ans. Il n’habite pas dans la commune mais à Coutras, à 15 minutes en voiture. Il est originaire de Calais et cela fait 4 ans qu’il est arrivé dans la région. Il est venu ici c’est essentiellement pour le travail et la grosse saison : il travaille durant 10 mois puis il touche un mois de congés payés et un mois de chômage. L’auberge est fermée de décembre à janvier. À cause de son travail très routinier, selon lui, il n’a beaucoup pris le temps de visiter le village mis à part pour informer les clients. Il reconnaît que le paysage est très beau mais que l’étincelle du début s’est transformée en routine. Il ne vient pas non plus dans le village pour durant son temps libre. Ce qu’il voit tous les jours ce sont les vignes. Son moment préféré de la journée ? « La débauche ! ». Il déteste l’été car il y a beaucoup trop de monde et il y fait beaucoup trop chaud. Il préfère l’hiver à la fois pour les températures et la tranquillité. Malgré la renommée de Saint-Émilion, il y a une offre hôtelière assez faible dans le village (6 en totalité). « Hier on avait que 6 chambres de prévues, et dans l’après-midi 11 chambres supplémentaires ont été réservées, on frôle les 100 % d’occupation même en arrière-
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saison. J’ai déjà travaillé au Touquet-ParisPlage où là c’était beaucoup plus dur pour remplir ! » « L’afflux touristique de Saint-Émilion devient une routine, les mêmes moments, les mêmes endroits, les mêmes discours... Le cadre de vie et splendide, on est émerveillé les premiers mois avant de s’installer dans une routine, mais c’est une routine qui n’est pas déplaisante. »
#"+!%'1&)2D) E NVIRON 45 ANS V IGNERON N E RÉSIDE PAS SUR
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LA COMMUNE
onsieur C. ne réside pas à Saint-Émilion mais y travaille depuis 17 ans. Il a construit sa maison en Charente à 50 km où travaille sa femme et ne souhaite donc pas venir vivre à Saint-Émilion. Il regrette le fait qu’il y ai peu de monde dans le village notamment en hiver malgré le cadre agréable. En dehors des saisons touristiques le village est très tranquille : il parait vide. « Heureusement il y a de l’animation avec des événements le week-end. » Les maisons ont été achetées par quelques grands propriétaires et beaucoup se délabrent. Ce n’est pas commode d’habiter dans le village, la plupart des maisons n’ont pas de garage et tous les stationnements sont payants. « Les anciens du village meurent et personne ne les remplace mis à part quelques chambres d’hôtes. » « On se connaît tous de nom entre viticulteurs mais après on ne se parle pas tous. Il y a un peu de tout, du petit propriétaire au très “ bling bling ”, ce sont les grands noms. Je ne saurais pas vous décrire ce qui me plaît à Saint-Émilion, ... On va dire le cadre. »
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E NVIRON 50 ANS , S ECRÉTAIRE À LA MAIRIE H ABITANTE EXTRAMUROS
E NVIRON 40 ANS A RCHITECTE À S T É MILION H ABITANTE EXTRAMUROS
DEPUIS
1979
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lle est venue s’installer sur la commune suite à la vente d’un terrain. « Le cadre de vie est quand même bien quoi qu’on en dise. N’habitant pas le bourg, je n’ai pas les inconvénients que peuvent rencontrer les habitants de la cité. Je reviens le week-end me promener. Éventuellement j’essaie de ne pas venir les périodes où il y a le plus de monde comme en août. » « Les associations sont nombreuses dans la commune et fonctionnent bien. Elles font vivre le village. Il a bien changé depuis les années 1980 : avant il y avait trois bouchers, quatre épiceries...En 5 ans tout a bougé. Au recensement de 2015 normalement il y aurait sur la commune 1994 habitants. Monsieur le maire parle de 211 habitants intra-muros. Vers Libourne, sur ce qu’on appelle la “ route du milieu ”, il y a trois lotissements qui se sont construits entre les années 1970 et 1990. On trouve également 80 pavillons en location avant le menhir de Saint-Sulpice. Je pense que beaucoup de personnes voudraient venir pour le cadre de Saint-Émilion mais ne peuvent pas s’installer à cause des prix : acheter une maison puis la rénover, ça a un coût. Il y a aussi une baisse de population dans la campagne mais on en parle moins : les maisons destinées aux travailleurs saisonniers dans les grandes propriétés sont vendues ou transformés pour agrandir les propriétés. » « On trouve aussi une école maternelle publique, une privée, et une école primaire sur la commune. Les enfants n’habitent pas forcément Saint-Émilion, mais les parents travaillent dans la Juridiction. »
#"+!%'1&)*D) E NVIRON 40 ANS I NGÉNIEUR BOIS L EUR FILLE EST SCOLARISÉE H ABITANT EXTRAMUROS
À
S AINT -É MILION
Monsieur et Madame V. habitent sur la commune dans la « campagne ». Grâce à une opportunité professionnelle, ils travaillent tous les deux sur la commune de SaintÉmilion depuis 2007.
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e commence par expliquer ma démarche et mon thème de recherche au couple : comment se sent-on lorsqu’on vit à SaintÉmilion : « Vivre dans un musée en somme ? » (rires) (Monsieur V.) « Nous habitions à Bordeaux et Madame V. travaillait à Libourne moi j’étais conducteur de travaux sur le Grand Sud-Ouest, nous nous sommes donc rapprochés de Libourne. » La plupart des habitants de la commune vivent dans la campagne. « Il y a beaucoup de hameaux et de petites maisons de vignerons et des zones de lotissement le long de la route du milieu. En achetant ici, nous étions sûrs qu’il n’y aurait pas de nouveaux lotissements en face de chez nous. La population vieillit et il y a très peu de terrains à la vente, souvent les enfants veulent vendre pour en finir avec la location. C’est de cette manière que nous avons acheté notre maison. » « En ce moment nous travaillons sur une maison de vignerons dans la commune afin de la transformer en habitation. Aujourd’hui la maison est abandonnée et le nouveau propriétaire veut la restaurer. Le projet se pose notamment par rapport à la
réglementation existante. Il faut jongler entre le POS qui est appliqué et l’AVAP (Aire de Valorisation de l’architecture et du Paysage) récemment approuvée au mois de juillet. Il faut être patient à Saint-Émilion : cela demande beaucoup d’énergie pour restaurer un logement, on est loin de pouvoir faire ce qu’on veut. Nous travaillons aussi sur la transformation d’un chai à barrique et d’un cuvier avec une partie classée en exploitation viticole qui deviendront des habitations. » « Je ne sais pas si on vient à Saint-Émilion pour Saint-Émilion. Je pense surtout que c’est le travail qui attire, la proximité avec Libourne. L’ancien attire et le décor attire aussi. » (Monsieur V.) « Il commence a y avoir un problème de pesticides qui inquiète pas mal de monde. Nicolas Hulot est venu faire une conférence il y a quelques mois. » (Madame V.) Madame V. est assez préoccupée par les questions de santé liées à la pratique de la viticulture. « Moi au début j’étais dans la contemplation, je trouvais le paysage très joli, je faisais des expositions pour me renseigner... Mais depuis un an parfois je me demande à quoi ça sert d’avoir un paysage si glacé quand on sait qu’il y a des questions de santé derrière... Ce serait peut-être à l’UNESCO de faire quelque chose. Être un peu plus critique sur le sujet et s’ouvrir un peu plus au sujet de la santé des habitants, ne pas parler que de beauté ou de paysage façonné par l’Homme. Trouver une appellation un peu plus large à ce niveau-là. On est un peu esclave de celle-ci. » « Des initiatives sont faites petit à petit, on voit des haies ou des fleurs pour attirer les abeilles (ruches de Cheval Blanc). Les classes de l’école sont invitées à participer et à découvrir. Une sensibilisation a lieu à l’école avec pas mal de sorties. Les enfants participent aux vendanges... Pour apprendre à protéger l’environnement. Les enfants sont bien conscients de leur territoire et de la culture autour du vin, (musées, patrimoine, expositions...). Avec l’ordre des architectes et les enfants nous avons participé pendant trois
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ans aux portes ouvertes. Nous avons visité l’année dernière le château “ La Dominique ” pour faire des dessins sur le vif à l’aquarelle et observer l’architecture contemporaine. Nous avons également visité le chai Villemaurine : les enfants avaient énormément de connaissances. » « La semaine dernière nous sommes allés a des vendanges et nous avons mangé un pain qui était fait grâce aux champs de blés de deux châteaux, avec l’aide d’un boulanger qui produit un pain bio ». « Saint-Émilion reste une ville-musée très touristique. Cependant cela est nécessaire pour la vie du village et la renommée de ces vins. C’est du coup plus compliqué pour vivre intra-muros : c’est cher, et c’est beaucoup de contraintes. Parfois ça me fait penser aux problèmes qu’on peut rencontrer à Paris. »
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« C’est presque un luxe de travailler ici au centre-ville, après on le sait, ce sont les données de départ. L’année dernière pendant la période touristique nous avons eu plus d’étrangers qui ont franchi la porte de l’agence que de français. Il y a toujours cette barrière avec l’architecte. C’était des moments d’échanges sympathiques. Au quotidien, il s’agit essentiellement de fournisseurs qui viennent vendre leurs produits. Il y a toujours du monde à Saint-Émilion même en hiver. En revanche la commune ne vit que la journée. » Pour Madame V. la vie est peut-être plus sympathique autour de l’école. Leur vie est rythmée par celle de leur fille. L’association des parents d’élèves, très active, permet d’avoir de belles sorties. Monsieur V. pratique le jogging le week-end, et aime bien les paysages vallonnés autour de Saint-Émilion. « On découvre toujours des petits sentiers, des petites maisons de vignerons, des petits bois, c’est vraiment agréable. Il y a un petit village qui s’appelle Parsac (près de Montagne) qui n’est pas sur la commune et qui est vraiment joli. Sinon j’adore les Journées Portes Ouvertes des châteaux début mai. C’est là où
on voit vraiment tout le savoir-faire autour du vin. Tous ces beaux paysages que l’on voit façonnés, on retrouve un peu cet esprit dans les chais, dans l’architecture. Tout est harmonieux. Profiter de la pierre, des vignes tracées aux cordeau... » (Monsieur V.) « Mes moments préférés sont quand je me balade avec ma fille, elle est encore pleine de curiosité. Cette année quand il a fait très chaud on s’est rafraîchi dans une fontaine... Ce sont de tels moments que j’aime. » (Madame V.)
#"+!%'1&)HD! E NVIRON 35 ANS R ESTAURATEUR H ABITANT INTRA - MUROS
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onsieur B. travaille à Saint-Émilion depuis 3 ans et habite intra-muros, face à son restaurant. Il travaillait déjà dans la restauration avant d’arriver dans la commune et les opportunités professionnelles l’ont incité à venir s’installer dans le village. En effet, pendant la saison touristique le travail est intense et l’emploi est assuré. Jusqu’au 15 novembre environ les 9/10 des restaurants sont ouverts tous les jours. Cette année il va essayer de tenir le restaurant ouvert jusqu’en janvier pour recommencer à travailler début mars. « Les loyers ne sont pas si chers que ça, il y a deux ou trois endroits prévus spécialement pour les locations saisonnières. » Il ne pratique pas d’activités particulières en dehors du travail à Saint-Émilion. « Le plus agaçant c’est les voitures garées sur les pavés. » Il trouve que Saint-Émilion est un joli village, agréable et vivant comme cadre de travail. « J’apprécie le patrimoine de Saint-Émilion, j’ai encore plaisir à me balader dans le village et découvrir de nouveaux endroits... Profiter du paysage. C’est un joli village en pierre où il fait bon de vivre et pour l’instant j’y suis très heureux. »
#$0$#')!D L IBRAIRE E NVIRON 55 ANS R ÉSIDENTE EXTRAMUROS
#$0$#'),D) E NVIRON 72 ANS T ANTE DE M ADAME S. R ETRAITÉE R ÉSIDENTE INTRA - MUROS
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outes les deux aiment beaucoup leur village, Madame T. vit ici depuis 40 ans et ne voudrait pas changer de lieu de vie. Cependant selon elle à l’âge de 72 elle fait partie des plus jeunes résidents intra-muros. Madame S. vit sur la commune mais dans la campagne. Lorsque je demande à Madame S. comment elle vit dans ce paysage exceptionnel, elle me répond : « On n’y vit plus, le village se vide, il ne reste que 170 habitants ». « En revanche on y voit des choses extraordinaires, comme des Japonais dans des énormes voitures avec chauffeur ». « Le village est sale ». « Le village est difficilement praticable en voiture, sans place pour se garer, des loyers chers, aucun ascenseur... ». (Madame T.) « Les écoles sont remplies avec des enfants qui font partie du grand Saint-Émilion. Les jeunes couples ne peuvent pas se loger, les loyers sont chers, les maisons malcommodes et très anciennes ». (Madame T.) « Si vous voulez vraiment faire de la belle rénovation c’est difficile. Il y a énormément de contraintes imposées par des gens qui n’ont jamais vécu et qui ne vivront jamais dans un site classé. Ici c’est flagrant. Certains obtiennent des privilèges que d’autres
n’obtiennent pas (exemple des velux). Un inconvénient est aussi que les architectes des bâtiments de France changent relativement souvent et chacun essaie de laisser une trace plus ou moins heureuse. » (Madame T.) « Quand on voit le Château La Croisille qui est sur le grand Saint-Émilionnais... Même quand on voit ce qu’a fait l’architecte Jean Nouvel... C’est beau ce qu’il a fait en soi, ce sont des beaux matériaux, mais moi je trouve que c’est une insulte au paysage. Par exemple vous allez en bas depuis la route de Bergerac, vous avez quelque chose dont personne ne parle et qui est flagrant : à gauche vous voyez des chemins sinueux des murs bien faits. Tout est bien organisé, c’est beau, il y a des chemins empierrés, il y a de très beaux paysages. Puis vous voyez à droite, à Pavie, c’est un vrai paysage déchiré. C’est affreux. Le paysage est esquinté de ce coté là et personne n’en parle. Ce sont des grands vignobles prestigieux des deux côtés donc ce n’est pas une question d’argent. L’argent peut faire faire aussi beaucoup de conneries. » « Au Château La Croisille : le vallon du côté du Château Tertre Rôteboeuf est ravissant, mais tout d’un coup il y a ce machin énorme orange et gris. C’est quand même un architecte qui a autorisé cela ! On se demande qu’est ce qui s’est passé ? Ce n’est pas possible ! Alors que intra-muros quand vous voulez changer une couleur de volet on vient vous embêter. » (Madame S.) « Au clos Badette sur la route de SaintChristophe, il y a toujours eu une très belle maison du XVIIe siècle. Elle était petite et on ne la voyait pas bien, mais elle a fini par être rachetée. Les nouveaux propriétaires ont construit des chais. Pour moi c’est un véritable modèle d’intégration au paysage. Pas un modèle d’architecture parce que c’est hyper classique et pas très novateur mais je trouve que c’est exceptionnel. » (Madame T.) « Moi j’ai un commerce qui ne paye pas de mine. Toute l’année des gens rentrent en demandant si je connais un endroit où on
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peut acheter du vin sans se faire arnaquer. Aujourd’hui dans les grandes propriétés souvent ce n’est pas le propriétaire qu’on voit mais des communicants. L’échelle est différente. Il n’y a pas de périodes non touristiques à Saint-Émilion. Le bas de la ville est mort en hiver mais le haut est ouvert. » (Madame S.) « À côté de chez moi il y a trois banques on se croirait sur les champs Élysées. Un commerce classique ne peut pas vivre correctement à l’année ici. » (Madame T.) Madame T. pense qu’il faudrait repenser tout Saint-Émilion avec l’aide d’urbanistes. « Il n’y a qu’un type de commerce. »
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« Intra-muros il n’y a plus de commerces. Nous avions connu un centre bourg attractif avec 3 ou 4 épiceries. Aujourd’hui les gens qui habitaient le centre ne se sont pas renouvelés. Des résidents “ historiques ”, il n’en reste plus beaucoup. Les jeunes ne sont plus attirés par Saint-Émilion. Dans les HLM (18 logements Gironde Habitat 1969) de la cité Villemaurine, il n’y a pas de jeunes. Dans les zones périphériques du village souvent limitrophes de Libourne nous sommes toujours à Saint-Émilion mais nous ne connaissons plus les habitants, ils ne se rendent jamais dans le centre. » (Madame T.) « Certains élus qui ne vivent pas à SaintÉmilion. On ne les voit jamais dans les commerces, on ne les voit pas à l’Église on ne les voit pas dans les bistros... ». (Madame S.) Elle note aussi une insuffisance de desserte des transports en commun. Lorsqu’on habite à Saint-Émilion, il est obligatoire de posséder une voiture ne serait-ce que pour pouvoir faire les courses. « Lorsque ma fille était jeune, je passais ma vie dans la voiture pour l’amener à Bordeaux ou à Libourne. » (Madame S.)
« Pour garer les voitures on paye à l’année sans avoir la garantie de trouver une place » Madame S. ne sort pas dans Saint-Émilion pour le loisir, elle préfère la grande ville et résider dans le cadre exceptionnel de SaintÉmilion. Il y a des événements culturels comme « Philosophia » ou le festival de Jazz mais la moyenne d’âge des participants est assez élevée. « J’y suis revenue et j’y travaille c’est une chance. En revanche je n’aimerais pas habiter intra-muros avec des touristes qui passent sans arrêt devant la porte. »
#"+!%'1&)$D) #"+!%'1&)BD! E NVIRON 45 ANS ET 20 ANS T RAVAILLENT À LA MAISON DU VIN É MILION N E RÉSIDENT PAS SUR LA COMMUNE
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S AINT -
Monsieur A. travaille à Saint-Émilion depuis 27 ans et Monsieur Y. depuis 2 ans. Tous deux habitent dans la Juridiction mais pas sur Saint-Émilion même. Ils sont venus y travailler à par choix et par passion du vin.
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n aime travailler ce produit de qualité. » Ils sont conscients de travailler dans un paysage exceptionnel mais reconnaissent ne plus vraiment y faire attention. « Ce que je préfère, c’est le matin et le soir quand c’est calme. Hier encore on a eu un super coucher de soleil, c’était magnifique ! On a de la chance, c’est nous qui avons la plus belle vue du village. » Monsieur A. Une des choses qu’ils apprécient le moins est le tourisme de masse avec les problèmes qui en découlent tels que les bus et voitures garés partout dans la cité. Pour Monsieur A., ce ne sont pas les touristes qui font vivre le village. Ils viennent avant tout pour la renommée du vin et ce n’est qu’une fois dans le village qu’ils découvrent le riche patrimoine de la commune. Cependant, le tourisme a apporté certaines améliorations très appréciables. « Il y a 20 ans, le village était beaucoup moins propre, il y avait des antennes télé partout, des maisons délabrées...Aujourd’hui le village est mieux entretenu. »
E NVIRON 70 ANS , C OMMERCIAL RETRAITÉ A RTISTE PEINTRE N E RÉSIDE PAS DANS LA
COMMUNE
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onsieur E. habite à Floirac et fait partie du collectif d’artiste la « promenade des arts ». Il se rend régulièrement à SaintÉmilion et y expose des peintures depuis dixsept ans. Il adore l’ambiance vivante de SaintÉmilion lié au va-et-vient des touristes, pour lui c’est comme un voyage. « Le cadre est magnifique, on rencontre un public du monde entier à Saint-Émilion : chinois, péruviens, australiens... Hors ceux de l’Afrique, il n’y a pas un pays qui ne soit pas représenté ». Monsieur E. me raconta quelques anecdotes à propos de ses rencontres variées qui lui permettaient par la même occasion de vendre quelques-unes de ses toiles. « Saint-Émilion est une ville beaucoup plus internationale qu’Arcachon où les touristes sont majoritairement européens. L’UNESCO est une marque ». Il porte un regard historique sur Saint-Émilion. Pour lui, vivre dans la cité serait comme vivre dans un millénaire de civilisation. « Il se passe quelque chose de spécial à SaintÉmilion. Les traditions vivent à travers la Jurade par exemple qui a lieu deux fois par an. » Cependant la ville s’éveille doucement, il n’y a jamais personne avant 10 heures du matin. Le centre-ville est peu peuplé, il doit rester maximum 190 habitants.
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'+,&',%'+!)%!!1!) ;= 01)/%*&' SOCIÉTÉ D’HISTOIRE ET D’ARCHÉOLOGIE DE SAINT-EMILION,+ Saint-Émilion au XXe siècle, Souvenirs – Histoire – Mémoires, La vie du village à travers les témoignages de ses habitants, Saint-Émilion"!Éd. Fanlac, 2014 Ces entretiens furent réalisés entre 2010 et 2013 sous l’initiative de la Société d’histoire et d’archéologie de Saint-Émilion afin de laisser une trace de ce que fut le village aux générations présentes, futures, ainsi que les personnes intéressées.
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N É EN 1923 M AIRE DE S AINT -É MILION V ITICULTEUR
N ÉE EN 1935 V ITICULTRICE C OUVENT DES JACOBINS
():
DE
1970
À
1988
e vois d’un très mauvais œil les ventes exorbitantes qui se font depuis quelques années. Les vieilles familles disparaissent du paysage local peu à peu, mais le plus grave n’est pas là : ces ventes sont en train de changer radicalement le visage de Saint-Émilion. Quand je me promène, j’en suis arrivé à compter les châteaux qui sont encore entre les mains d’un Saint-Émilionnais : “ Celuici l’est, celui-ci ne l’est plus... ”. Le soir les propriétés ne sont plus éclairées comme elles le devraient, car les propriétaires ne sont plus des êtres humains mais des grands groupes financiers pour la plupart. J’ai l’impression que la vie est en train de quitter le terroir au profit de l’argent, et paradoxalement, par manque d’argent, puisque nombre d’héritiers ne peuvent pas payer les droits de succession ou leurs parts à leurs co-héritiers. » p.277
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aint-Émilion a de quoi montrer qu’il y a autre chose que le marketing. C’est à Saint-Émilion que j’ai tout appris, pas ailleurs, la tradition demande de garder les pieds dans la réalité du terroir. Par dessus tout, je pense qu’un bon vin ressemble à celui qui le fait, l’amateur de vin doit retrouver le viticulteur au fond de son verre, le voir par transparence. Il y a une part de rêve dans le vin, il a une vie, une histoire, et j’aime bien que mon vin ait le goût de raisin : il n’y a ni fruits exotiques, ni sous-bois chez moi. J’aime que les clients prennent rendez-vous pour goûter et prendre le temps de le faire, j’aime qu’ils soient aussi spontanés qu’un gamin devant une nouvelle personne : on lui plaît et il vient vers nous, ou il tourne les talons sans nous regarder. [...] Ce que j’aimerais pour SaintÉmilion aujourd’hui. Un peu plus d’humilité et d’amour. » p.278
#"+!%'1&).$,&%2O):1+', P RÉSIDENT DE L ’ OFFICE DE TOURISME DE S AINT É MILION DE 1987 À 2007 A NCIEN MEMBRE DU CONSEIL MUNICIPAL D ÉTENTEUR D ’ UN VIGNOBLE
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e XXIe siècle s’est ouvert avec le classement des paysages de la Juridiction au Patrimoine Mondial de l’UNESCO en 1999, la création du site internet de l’office de tourisme, et la création de la Communauté des Communes qui est devenue organisme de tutelle de l’Office de Tourisme qui était la Mairie jusque là. Par deux fois, nous avons présenté un dossier en vue de l’obtention du label “ Pays d’Art et d’Histoire. ” [...] L’office du tourisme a acquis une autonomie financière incontestable. Les visites guidées ont toujours été le poste le plus important en terme de chiffre et celui qui s’équilibrait car c’est le secteur le plus subventionné. Mais nous avons abordé le XXIe siècle en élargissant considérablement l’offre touristique et en nous mettant au goût du jour. On s’était aperçu que le public du troisième âge avait diminué, d’une part à cause de la difficulté pour se déplacer dans les rues et d’autre part parce que le moindre repas était devenu trop cher. Nous avons donc développé l’offre en direction d’une autre clientèle de groupes. En effet, le Ministère du Tourisme avait prévu que les Offices de Tourisme pouvaient obtenir selon certaines conditions une autorisation pour faire un réceptif sur leur territoire de compétences. On s’est engouffré dans ce type d’offre. La Mairie a joué le jeu et s’est portée garant les premières années. On a acheté beaucoup de nuitées aux hôteliers, de repas aux restaurateurs, et de visites aux viticulteurs, ce qui a permis d’avoir un poids financier que nous n’hésitions pas à rappeler tous les ans en assemblée. On a aussi pu inciter les châteaux viticoles qui avaient des salles à les ouvrir pour des séminaires. Et pendant longtemps, les carrières de Villemaurine nous ont permis d’accueillir différents publics pour des soirées prestigieuses. Un partenariat avec les Offices de Tourisme de Bordeaux et d’Arcachon
nous a permis de promouvoir, sur les salons notamment, une distinction attractive en Gironde. Nous avons aussi toujours entretenu d’excellents rapports avec l’Office de Tourisme de Sarlat mais la distance nous a handicapés pour créer un réel flux à travers des produits packagés. Lorsque j’ai quitté mon poste en 2007, l’Office du Tourisme accueillait 100 000 visiteurs payants par an dans les monuments souterrains grâce aux visites guidées par des guides diplômés de l’Office du Tourisme. Auxquels s’ajoutaient en terme financier, les produits dérivés. Mais tout cela appartient à une autre histoire. » p.275 et 276
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ans les années 1970, l’Office du Tourisme employait une salariée permanente. Les visites étaient guidées de façon très artisanale par Madame Jourdan et sa fille qui faisait visiter le Monolithe et par Madame Labat qui s’occupait des catacombes et de la chapelle de l’Ermitage. Elles étaient rémunérées par les pièces que donnaient les touristes. Quand Pierre Berjal a pris la présidence, on a changé de dimension, je l’entends encore dire : “ On ne peut plus continuer à travailler ainsi ”. Quatre permanents ont été embauchés. Pour les saisons, on a pris des stagiaires de l’école de tourisme, on a commencé à établir des circuits, et à la fin des années 1970, Pierre Berjal a lancé les audio guides. Les gens se baladaient avec leur lecteur cassette dans la ville, ça a bien marché. Mais pas longtemps, on a cessé en 1981, le matériel était usé et nous n’avions pas le budget pour le remplacer. » p.271
().
ierre Barjal s’est retiré au début des années 1980 ; pour céder sa place à Jacques Antoine Baugier, qui était directeur de la Cave Coopérative. L’équipe s’est alors renouvelée, et c’est à ce moment là, que je suis entré dans le bureau de l’Association en 1983. L’Office de Tourisme a pris un second virage. Le directeur, Robert Girardet, est parti, vite remplacé par Isabelle
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(ma future épouse), puis par Caroline Busson qui est restée jusqu’en 1992. De nombreux stagiaires sont venus animer les visites d’été. Notre Office de Tourisme a été l’un de ceux, sinon celui qui a le plus reçu de stagiaires. [...] C’est ainsi que j’ai été nommé président de l’Office de Tourisme de 1987 à 2007. J’ai pu suivre de très près la croissance et les changements vécu par l’Office de Tourisme et le tourisme. Les visites et la communication se sont professionnalisées pendant les années 1980. En 1987, l’Office de Tourisme avait cinq ou six permanents, en 2007 il en comprenait dix-sept. J’ai toujours connu l’Office de Tourisme ouvert toute l’année, parce que nous avons toujours reçu des touristes tout au long de l’année. Cependant la fréquentation a bien augmenté entre la fin des années 1970 et au milieu des années 1980. J’ai pu le constater parce que j’ai créé la Maison du Vin en 1976, et j’y suis revenu en 1982. J’ai donc pu voir sur place que les allées et venues de touristes avaient prodigieusement augmenté. Ceci était dû sans conteste à notre présence au sein des instances départementales et régionales, on faisait parler de Saint-Émilion dans les milieux du tourisme. Nous avons bénéficié de la communication que faisaient les professionnels du vin, communication qui a été importante pendant cette période grâce aux millésimes de 1982 et 1985 et grâce au centenaire du Syndicat Viticole, en 1984, qui pour l’occasion, avait organisé des animations très gaies, je me souviens de barriques jalonnant les rues de la ville. Je n’ai jamais revu cela. Nous avons dû nous organiser face à l’augmentation de l’activité touristique. J’ai notamment voulu très rapidement que nous ayons des guides diplômés, ce qui a été d’autant plus nécessaire quand l’Office du Tourisme a obtenu trois étoiles. Les recettes ont augmenté en conséquence, mais les dépenses aussi. L’Office de Tourisme est liée par une convention avec la Mairie depuis les années 1960, selon laquelle les Monuments, qui appartiennent à la commune, sont mis à disposition, à charge pour l’Office de Tourisme d’en organiser les visites et de verser un pourcentage sur les recettes perçues (ce
pourcentage qui est de 12 % depuis lors). Cette forme de loyer qui n’a jamais été remise en question, a permis de trouver un équilibre budgétaire chaque année. En effet, quand l’Office de Tourisme était déficitaire, la Mairie n’appelait pas la redevance, ce qui a permis d’équilibrer les comptes dans les périodes délicates. Ma position au Conseil Municipal m’a permis de fonctionner ainsi, même si j’ai toujours expliqué pourquoi l’Office de Tourisme avait besoin d’aide : pendant la période d’investissements et de travaux, cette aide a été précieuse et nécessaire. C’est en 1993 qu’un réel basculement en termes touristiques a eu lieu et que nous sommes passés à la vitesse supérieure. Nous avons engagé une jeune femme chargée de la communication en 1992, en la personne de Patricia Le Tertre. À partir de cette date, SaintÉmilion a été présent sur un grand nombre de manifestations extérieures, on est sorti de nos murs, et quand on ne pouvait pas se déplacer, on se faisait représenter par Bordeaux ou par le CDT sur les salons de France ou à l’étranger. Nous avons créé des “ produits touristiques ”, des “ packages ”. Cela, associé à la succession de bons millésimes durant la décennie des années 1990, a porté rapidement ses fruits. [...] Ma nouvelle (et relative) liberté par rapport à la Mairie a aidé à changer la situation : jusque là je ne m’étais pas senti très appuyé, on acceptait ce que je faisais mais il ne fallait pas qu’il y ait de grains de sable. La réorganisation administrative a aussi contribué à ce changement : l’Office de Tourisme dépendait désormais de la Communauté de Communes dès sa création en 2000, et non plus de la Mairie. Avec la CDC, je me suis senti entendu, nous avons pu repartir sur de bonnes bases, d’autant que Georges Bonnefon, son président, a commandé un audit qui a été favorable. J’ai pu alors envisager plus sereinement le projet des travaux de restauration du Doyenné. Le premier projet était de rétablir l’ouverture entre la maison de l’abbé (la Maison du Vin) et le Doyenné (l‘Office de Tourisme). Malheureusement pour la cohésion disparue de ces bâtiments, cela n’a pas pu se faire.
Par ailleurs, j’ai tenté de faire passer un projet d’aménagement des carrières situées sous l’Office de Tourisme et la Maison du Vin, projet qui avait été retenu par l’audit. Il tenait en deux objectifs : recevoir le public en sous-sol, et créer un Musée de la Pierre. L’espace aménageable se serait étendu sur 1500 mètres carrés. J’avais fais faire une étude de solidité, on pouvait encore creuser pour retrouver le niveau du sol puisqu’il y avait en moyenne un mètre de remblais. En effet, depuis les travaux des années 1960, on ne pouvait plus accéder aux carrières, car les entreprises y avaient jeté des remblais, et d’autre part les sanitaires de Plaisance s’y déversaient. » p.272,273,274
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ébastien Baret, notre secrétaire de Mairie, a accompagné l’architecte Ieoh Ming Pei, celui qui a conçu la Pyramide du Louvre, dans sa visite de SaintÉmilion. M. Pei a observé, scruté, arpenté, admiré la salle des Dominicains, puis la salle Gothique en s’exclamant abondamment : “ It’s wonderful, wonderful ”. Il semblait avoir découvert quelque chose. J’entends encore Sébastien regretter désespérément son manque de maîtrise de l’anglais, il n’a pas pu savoir pourquoi tant de wonderful et d’enthousiasme. Qu’avaient donc révélé les deux salles à M. Pei, quelle originalité, quelle astuce architecturale, quelle découverte avait-il faite ? » p.248
#"+!%'1&),4%'&&B)#$+"2"1&, N É EN 1917 - D ÉCÉDÉ EN 2010 V ITICULTEUR C HÂTEAU F IGEAC P REMIER J URAT DE 1964 À 1987
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a Jurade a été instituée, remise à l’honneur devrais-je dire, en 1948. Les Bordeaux se vendaient mal, et l’exemple de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin en Bourgogne, créée de toutes pièces en 1934, avait donné des idées aux trois Saint-Émilionnais qui sont à l’origine de cette idée : Jean Capdemourlin, Daniel Querre et Émile Prot. Le premier était directeur du Crédit Agricole, président du Syndicat Viticole et propriétaire du Château Cap de Mourlin, le second était un littéraire qui avait « fait son droit » et exerçait le métier de négociant en vins, il était également président des négociants en vins de Libourne ; quant à Émile Prot, qui était clerc de notaire, il connaissait bien les archives. C’est Daniel Querre, qui avait une certaine culture en histoire, qui a poussé Jean Capdemourlin et Émile Prot à se réunir dans le but de ressusciter la Jurade en la mettant au goût du jour. Elle était une assemblée provinciale qui portait le nom d’une Juridiction (en latin : jus, juris = le droit). Pour la première sortie de la Jurade, les Jurats devaient revêtir un costume dessiné par le tailleur de Saint-Émilion, sur les indications d’Émile Prot : ce dernier avait lu dans les archives que les robes des anciens Jurats étaient rouges et ornées d’étoffe blanche. Pour leur première sortie et leur premier défilé dans la ville, les nouveaux Jurats avaient peur de la réaction des Saint-Émilionnais : “ Que vont dire les gens ? ils vont rigoler, ils vont nous envoyer des tomates, etc. ”. Ces hommes faisaient partie de la jeunesse formée, et donc pas seulement instruite mais aussi éduquée, par l’abbé Bergey. Celui-ci était en rapport étroit avec les familles, c’était quelqu’un que tous respectaient. Il leur a dit : “ Ne craignez rien, votre première visite sera celle que vous ferez à l’église, on fera une célébration à cette occasion, je vous appuie, et vous verrez que personne ne prendra la
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chose comme vous le craignez. Vous avez l’assurance que l’Église vous soutient ”». p.264
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DE
1988
À
2001
’est mon voisin qui m’a coopté pour que j’entre à la Jurade. C’était en 1978. Pour être Jurat, il faut remplir certaines conditions. Il faut tout d’abord bien gérer son exploitation sans être obligatoirement propriétaire, puisque par exemple le gérant du Château Dassault est un des rares à ne pas être propriétaire. Il faut être respectable, avoir une certaine honorabilité, ce qui s’acquiert avec le temps, et avoir bon esprit. On entre par cooptation. Certains disent que c’est une association de copinage, c’est un peu vrai, mais il y a des Jurats de tous milieux. [...] » p.267
#"+!%'1&):'$+-#$&%')2$&&%//' N É EN 1939 V ITICULTEUR C HARBONNIER L IVREUR DE BOUTEILLES
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l y a des quartiers de Saint-Émilion qui tombent en ruine. Les balustres qui étaient sur la tour du Guetteur sont tombées suite à un acte de malveillance. Quand je me promène dans Saint-Émilion et que je vois le nombre de maisons en mauvais état, je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est dommage de ne pas pouvoir obliger les propriétaires à entretenir leur patrimoine. Certaines rues, telles la rue de la Porte Brunet, ressemblent à des champs de ruines. » p.281
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N ÉE EN 1925 H ABITANTE DU QUARTIER É POUSE D ’ UN MAÎTRE DE
N É EN 1921 V ITICULTEUR A GENT D ’ AFFAIRES
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DE LA
M ADELEINE
CHAI
n jour Madame Brac m’a dit que Saint-Émilion deviendrait un musée. Il n’y a pas une âme dans notre quartier du Panet, les maisons sont vides, les fêtes ont toujours les mêmes parcours, la rue Guadet, la rue de la Grande Fontaine... et les autres ? J’ai croisé des touristes qui n’étaient pas venus depuis 14 ans et qui m’ont dit être déçus par ce qu’ils voyaient : “ Comment faites-vous pour vous ravitailler ? Pourquoi toutes ces maisons sont-elles fermées... ? ”». p.284
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’avais huit ans quand le président Gaston Doumergue a survolé SaintÉmilion en ballon dirigeable, c’était en 1928 ou 1929. Il a survolé la région dans une sorte de ballon Zeppelin, allongé comme un ballon du rugby. Il y avait dans le même temps un rassemblement d’Anciens Combattants, plus de cinq cents personnes sont venues banqueter. » p.248
#$0$#')0'+%!')0$181', D ÉCÉDÉE EN 2012 H ABITANTE DU QUARTIER
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'$" DE LA PETITE FONTAINE
utrefois mon mari connaissait pratiquement tout le monde. J’avais des voisins de tous les côtés, on se parlait. Maintenant on ne se parle plus, beaucoup sont morts et personne ne les a remplacés, et leurs enfants sont partis. » p.281
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aint-Émilion était connu pour ses monuments avant d’être visité pour ses vins. Les premiers touristes ont été suffisamment nombreux pour que certains Saint-Émilionnais aient envie de faire visiter des monuments et s’organisent pour cela. » p.269