La planification urbaine au contact du syndrome du « Co- » - Charline Merceur

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Mémoire Master - Janvier 2018

La planification urbaine au contact du syndrôme du «Co- », La démarche collaborative appliquée dans la métropole bordelaise.

Merceur Charline Encadrée par Julie Ambal - Xavier Guillot - Delphine Willis Séminaire Repenser la métropolisation - EnsapBx




Établissement:

École nationale d’architecture et de paysage de Bordeaux

Enseignants:

Julie Ambal , Xavier Guillot Delphine Willis

Membres du jury:

Julie Ambal , Abdourahmane N’Diaye, Fabien Reix et Delphine Willis.


La planification urbaine au contact du syndrôme du «Co- », La démarche collaborative appliquée dans la métropole bordelaise.

Merceur Charline Mémoire Master, Janvier 2018


SOMMAIRE


Introduction ............. 12

I. Le projet urbain: un champ d’application particulier .......... 19 1. L’urbanisme de plan au contact de la métropolisation .20

2. Entre temporalité et adaptabilité du projet : les outils de la collaboration .25

II. La démarche collaborative dans la métropole bordelaise: le cas des Bassins à Flot ............. 29 1. L’urbanisme négocié à Bordeaux: mise en place d’un mode d’action .32 2. L’Atelier des Bassins comme outil de collaboration .36 3. La négociation sujette à questionnement .41

III. Les risques et limites de la négociation ............. 49

1. Un déséquilibre dans les rapports de force en présence .50 2. L’implication citoyenne comme prétexte d’acceptabilité .54

3. Le projet métropolitain : mise en place d’un procédé

plus stratégique que collaboratif. 56

Conclusion ............. 60 Bibliographie ............. 64 Tables des figures ............. 70 Annexes ............. 73



INTRODUCTION


Aujourd’hui, “9 français sur 10 déclarent avoir déjà réalisé au moins une fois une pratique de consommation collaborative”1. Cette étude, menée par la ministère de l’économie, témoigne de l’ampleur d’un phénomène marquant de ces dernières années: l’économie collaborative. Les prémices d’un tel mode de fonctionnement se font en 1978 quand Marcus Felson et Joe Spaeth, deux sociologues américains, utilisent le terme de Collaborative Consumption2 pour désigner les «évènements dans lesquels une ou plusieurs personnes consomment des biens ou des services économiques dans un processus qui consiste à se livrer à des activités communes ». Ce concept n’a cependant connu une réelle expansion qu’après la crise économique de 2008, et s’est imposé comme un mouvement de consommation mondial. Ce terme associe ainsi le terme d’économie, qui se définit selon le dictionnaire comme un « ensemble des activités d’une collectivité humaine relatives à la production, à la distribution et à la consommation des richesses »3, à celui de collaboratif, qui « fait appel à la collaboration de chacun, contribution, participation » 4. Ainsi, par cette première définition, l’aspect financier est de premier ordre et est révélateur du besoin des consommateurs, alors soucieux de leur argent, de chercher de plus en plus une alternative à la consommation excessive. En effet, dans son ouvrage, Philippe Moati exprime la volonté des individus de conserver et de favoriser leur capacité à consommer lorsque leur pouvoir d’achat est en baisse. Le capitalisme a étendu la sphère marchande jusqu’aux besoins humains, laissant la voie libre à l’«hyper-consommation»5. Efficacement relayée par les industries culturelles, celle-ci « assure la promotion des valeurs matérialistes à l’exclusion des autres». Philippe Moati montre en quoi cette consommation à outrance affaiblissent le lien social et fragilisent les personnes, créant une volonté d’un retour en force des fondamentalismes de toute nature. En ce sens, l’économie collaborative se pose alors comme une voie de sortie, qui n’exclue pas la consommation mais la remet à sa place, dans un projet de refondation de la modernité au service de l’homme, du « vivre-ensemble » et dans le respect de la nature. Cette notion de « vivre-ensemble » témoigne de la recherche effective d’une «cohabitation harmonieuse entre individus ou entre communautés »6 ou encore du «fait de vivre ensemble entre concitoyens, dans l’égalité, le respect et la solidarité » 7. Cette expression, apparue en 1885, connait un réel engouement aux XXème siècle et plus particulièrement en parallèle du développement de cette nouvelle forme d’économie collaborative et du développement des nouvelles technologies et des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). 1 Étude Forbes, «Airbnb and the unstoppable rise of share economy», 2013 2 FELSON, Marcus, SPAETH, Joe L., “Community Structure and Collaborative Consumption: A routine activity approach”, American Behavioral Scientist, vol. 21, Mars 1978 3 Dictionnaire Larousse en ligne, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/%C3%A9conomie/27630?q=+%C3%A9conomie#27483 4 Ibid, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/collaboratif/10910394?q=collaboratif917195 5 MOATI, Philippe, La société malade de l’hyperconsommation, Édition Odile Jacob, 2016. 6 Dictionnaire Larousse en ligne, op. cit., http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ vivre-ensemble_nm_inv/10910799?q=vivre-ensemble#11044523 7 Dictionnaire Robert en ligne, https://www.lerobert.com/sites/default/files/common/ docs/2017-CP-mots-nouveaux.pdf

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En effet, et c’est cette définition que nous retiendrons dans ce mémoire, François Ascher défend l’idée selon laquelle le « vivre-ensemble » atteste de la pratique des individus de plus en plus à la recherche du contact les uns avec les autres, de la poignée de main, de l’échange8. Cette pratique, associée à la recherche d’un pouvoir de consommation florissante, a accru le phénomène d’économie collaborative. Pourtant, la compréhension de ce mouvement reste délicat de part son hétérogénéité. Dans What’s mine is yours9, Rachel Botsman et Roo Rogers déclinent le concept d’économie collaborative selon 4 axes : celui de la production (création, confection et distribution de produits via des réseaux collaboratifs), de la consommation (comme vu précédemment, utilisation optimale de biens basée sur des modèles efficaces de redistribution et d’accès partagé), de la finance (transactions bancaires en pair à pair, financement participatif, gestion décentralisée) et de l’éducation (« éducation ouverte », modes d’apprentissage de pair à pair).

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De ce fait, ces auteurs définissent un concept qui, par la mutualisation et le partage des capacités, vient profondément impact sur les pratiques et habitudes des usagers. Ce partage par des individus ou groupe d’individus, de biens, de logements, d’équipements (ménagers, outils, moyens informatiques, etc) de manière à optimiser l’accès à ces ressources et leur rentabilité est alors symbolisé par le préfixe « co- ». Ce préfixe, qui se place devant un mot de base, vient alors constituer avec lui un dérivé soulignant l’importance de cette mise en commun. Ainsi, que ce soit par le biais du «co-»voiturage, de la «co-»habitation, du «co-»working ou de la «co-»production par exemple nous sommes alors face à ce que nous appellerons le syndrome du « Co- ».

Figure 1. Schéma représentant les nombreux champs de l’économie collaborative. 8 ASCHER, François, « L’évolution des pratiques de mobilité dans les espaces métropolitains », Institut Français d’Urbanisme., 1995 9 BOTSMAN, Rachel et ROO, Rogers, What’s mine is yours: The Rise of Collaborative, Édition Collins, 2011


La sphère de l’économie collaborative traverse donc de nombreux champs (Figure 1) ce qui rend sa définition floue et difficilement appréhendable. Certains décrivent l’économie collaborative comme un mouvement réformiste et militant, favorisant une innovation en terme de gouvernance et d’organisation. D’autres la voient comme un moyen de consommer et de vivre de manière plus responsable et durable vis à vis de l’environnement. La définition de l’économie collaborative est sujette à débat et vient flirter avec d’autres notions voisines avec lesquelles les frontières restent floues. Parmi celles-ci nous pouvons retrouver le concept de l’économie du partage (sharing economy), l’économie du pair à pair (peer to peer economy), l’économie sociale et solidaire, le mouvement coopératif ou participatif, ces différentes notions se traversant sans vraiment trouver une équivalence les unes par rapport aux autres10. De ces différentes notions, il ressort toutefois, et de manière systématique, le concept de démarche collaborative qui exprime la gestion particulière mise en place afin de répondre de manière commune à un besoin. Ainsi, ce mémoire considérera la démarche collaborative comme un procédé d’organisation appliqué à différents champs d’action. Ce procédé définit alors la manière dont les acteurs interagissent entre eux par la mutualisation des biens, des espaces, des outils et des savoirs. L’organisation de ces acteurs en réseaux ou en communautés induit donc une mise en relation horizontale des individus. Parmi les différentes sphères adoptant une démarche collaborative, la conception architecturale et urbaine ne font pas exception. De nombreux acteurs entrent en jeu dans ces domaines, et il importe de les caractériser afin de mieux appréhender leurs interactions. Il existe différentes façons de distinguer ces acteurs. Tout d’abord, ils peuvent être dissociés en fonction de leur degré d’implication au sein du projet. On retrouve ainsi les acteurs qui sont affectés directement (habitants et propriétaires), les acteurs concernés que sont les élus et administrations, et enfin les acteurs intéressés qui choisissent de s’impliquer de façon plus ou moins importante dans le projet: il peut s’agir d’ associations, d’experts, de mandataires, etc. Ils peuvent également être caractérisés selon que leur statut est public (lié à l’administration), semi-public (associations) ou privé (habitants ou propriétaires par exemple). Enfin, cette distinction peut être effectuée sur la base de leur rôle dans le développement du projet. Dans ce cadre de définition, on peut distinguer les décideurs du projet, les acteurs opérationnels, les intervenants, mais également les propriétaires et les habitants (Figure 2). Les décideurs sont les élus concernés, ainsi que les membres administratifs ayant un pouvoir décisionnel sur le projet. Leur rôle est de donner une orientation au projet, et de mettre à disposition les ressources nécessaires. Les acteurs opérationnels sont en charge de la gestion concrète du projet : le chef de projet, les collaborateurs des administrations impliqués dans la structure opérationnelle (équipe de projet), voire des représentants d’associations. Leur rôle est de mener à bien le projet tout en réalisant les objectifs fixés par les décideurs. Les intervenants regroupent notamment les consultants stratégiques, architectes, sociologues, animateurs des démarches participatives. Ils interviennent dans le cadre d’une mission sur un aspect particulier du projet. Les propriétaires privés, quant à eux, souhaitent valoriser leur terrain et enfin les habitants11. 10 11

Cf. Annexe 1 «Les acteurs du projet urbain et leurs motivations», villedurable.org, 2014.

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Opérationnels

Décideurs

Aménagement Urbain

Propriétaires Habitants

Intervenants Figure 2. Rôles des acteurs dans le développement du projet. Alors que les décideurs viennent impulser la dynamique d’aménagement, les opérationnels cadre le la conception du projet qui est nourrit par les opérations des intervenants. Dans ce schéma «classique» nous considérons que les résultats de l’intervention s’imposent aux propriétaires et aux habitants.

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On observe donc un nombre grandissant de protagonistes ne bénéficiant pas tous du même pouvoir d’influence sur le projet. Nous pouvons donc nous demander, dans un contexte de démarche collaborative, et donc d’organisation horizontale du processus de conception, comment se met en place le processus de la co-production entre chacun de ces intervenants. D’autres part, nous avons vu que la volonté de mettre en place ce processus s’est développée dans un contexte de crise économique qui tend à conférer de nouvelles responsabilité aux acteurs privés. Dans ce sens, il est également important de questionner l’équilibre mis en place entre le pouvoir public et le pouvoir privé. L’ensemble de ces acteurs sont alors considérés comme des partenaires, dont l’adhésion au projet conditionne sa réalisation. Dans le cadre de la conception urbaine, la mise en oeuvre d’une démarche partagée est permise par une action de dialogue, faisant du projet urbain une instance de communication, un espace public de débat12. Ainsi, cette mise en relation de la pluralité des acteurs suscités repose sur une modalité d’interaction particulière, centrale et efficiente: la négociation. Ce terme de négociation peut être défini comme un ensemble de démarches et de processus de communication ayant pour but de confronter les positions, points de vue, intérêts et attentes, dans le but de parvenir à un accord entre les parties concernées13. Pour aller plus loin, le mot négociation vient du latin negotiatio, commerce. Initialement donc, il désignait les différents entretiens qui jalonnent la vie commerciale et ont pour but de dégager des accords, qu’il s’agisse d’accords d’achat/vente ou de troc par exemple. Progressivement, le terme a pris une seconde signification. Il a été associé à la notion de conflit. La négociation a alors été appréhendée comme un mode de résolution des conflits, comme une des alternatives possibles, à l’instar de la médiation ou de l’arbitrage, dans la gestion des rapports de force. Dans un contexte de syndrome du « co- », et donc dans la promotion de la co-production et de la collaboration, cette forme d’organisation prend tout son sens puisqu’elle favorise la co-construction entre les protagonistes urbains publics 12 THOMASSIAN, Marlène, «Pratiques de négociation dans les projets urbains ou la “ fabrique ” de décisions concertées en vue de réduire le risque d’inacceptabilité sociale», 3ème Biennale Internationale de la Négociation, Novembre 2007 13 Définition marketing, http://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/negociation-238431. htm


et privés. Se développe alors une forme d’urbanisme prônant ce partenariat, on parle « d’urbanisme négocié ». La démarche collaborative, comme procédé d’organisation entre les différents acteurs du projet urbain, est au coeur de cet urbanisme négocié puisqu’il se définit par le processus de co-construction entre les protagonistes publics et privés. Il est intimement lié à la notion d’urbanisme de projet qui requiert une souplesse des documents d’urbanisme en vigueur pour que ce ne soit plus la règle qui fasse le projet, mais le projet qui fasse la règle14. Symbolisé en 1999 par la SAMOA (Société d’aménagement de la métropole Ouest Atlantique) et Alexandre Chemetoff sur le projet de l’Île de Nantes, l’urbanisme négocié est aujourd’hui un concept répandu parmi les maîtres d’ouvrage qui espèrent trouver un procédé d’organisation permettant un aménagement plus rapide, plus souple et moins coûteux. Sujet à débat, le concept est expérimenté pour mener des projets de grande envergure, à l’instar des Bassins à flot à Bordeaux. Ce qui nous rend le cas des Bassins à Flot intéressant, entre autres choses, c’est qu’il est le premier exemple français d’urbanisme négocié à une telle échelle. Effectivement, pour assurer un processus effectif sur un territoire de 162 Ha, un nombre conséquent d’acteurs a été mobilisé15. C’est précisément la démarche de synchronisation d’une telle chaîne de compétences dont il est question ici. D’autre part, alors que la démarche de projet négocié se développe un peu partout en France, le projet de Bordeaux est en phase d’aboutissement. La majorité des lots sont livrés, il est alors possible de prendre du recul et de tirer des premières conclusions sur la mise en place et l’efficacité du procédé d’organisation des acteurs impliqués. Le travail ici effectué a pour objectif de déterminer si la démarche collaborative appliquée à la conception urbaine est un procédé qui permet d’obtenir de réels bénéfices aux résultats obtenus, ou bien s’il s’agit d’un procédé se limitant à favoriser l’acceptabilité du projet. Il importe donc de comprendre comment s’opère cette démarche et d’analyser les interactions mises en place entre les différents acteurs. Pour cela, une première démarche de recherche approfondie dans la littérature existante a été nécessaire. A l’heure actuelle, le corpus de textes abordant et explicitant la démarche collaborative dans les projets urbains est assez conséquent. Ce mémoire est allé puiser dans de nombreux champs disciplinaires à la fois sociologiques, économiques, politiques mais également urbains et managérials. De nombreux textes universitaires sont venus enrichir la réflexion, que ce soient des rapport de thèses ou de mémoires. Une seconde démarche repose sur la rencontre des acteurs impliqués directement dans le déroulé du projet référent. La première phase de cette approche a été de réaliser des entretiens semi-directifs basés sur une grille d’entretien préalablement préparée. Les deux entretiens ont été réalisés avec des représentants de l’Atelier des Bassins à Flot dans le but de comprendre les intentions premières, la réalisation et les obstacles que le processus de négociation a pu rencontrer. 14 15

« L’Urbanisme de projet en chantier », urbanisme-puca.gouv.fr. Cf. Annexe 2

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Toutefois, ce procédé s’est confronté à certaines difficultés dues à la fois au déroulé des entretiens et aux formulations utilisées. Ces rencontres se sont effectuées à distance pour s’adapter aux emplois du temps des personnes ciblées. Toutes deux n’ayant qu’un laps de temps réduit pour répondre aux questions posées, les entretiens se sont déroulés par le biais d’un appel téléphonique ce qui ne permet pas d’avoir la même interaction qu’avec une personne physique et les formulations utilisées se sont révélées être d’autant plus importantes. De ce fait, la seconde phase de cette démarche s’est opérée par des rencontres organisées mais aux discussions plus informelles. En effet, les personnes rencontrées n’ont pas dû répondre à des questions précises mais ont pris part à un échange libre, un débat d’idées ouvert. Nourri de ces différentes sources, ce mémoire s’appliquera, dans un premier temps à expliciter comment l’évolution de la société a impliqué un changement fondamental dans la pensée urbanistique. Nous verrons ainsi les bouleversements qui se sont effectués tant dans le procédé de conception que dans les outils mis en oeuvre. La seconde partie, quant à elle, s’attachera à mettre en lumière la traduction de cette démarche collaborative entre les différents acteurs intervenants sur les Bassins à Flot de Bordeaux. Existe-t-elle? Comment se met-elle en place? Enfin, la dernière partie s’appliquera mettre en exergue les limites de ce procédé en expliquant les risques liés à la mise en pratique de la négociation mais également en s’appuyant sur d’autres exemples métropolitains. 15



I. Le projet urbain:

un champ d’application particulier

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1. L’urbanisme de plan au contact de la métropolisation Lorsque nous parlons d’urbanisme et de planification urbaine en France, les principales doctrines et théories du XXe siècle ont été consignées par Françoise Choay. En effet, dans Urbanisme, utopies et réalités, cette auteure regroupe les écrits et théories de l’urbanisme de nombreux auteurs. Elle y soutient une thèse paradoxale selon laquelle l’urbanisme du XXeme siècle, qui se veut être une réponse nouvelle à des problèmes nouveaux, se révèle être la reprise et la répétition d’idéologies du siècle précédent16. Au travers de son ouvrage, on discerne ainsi trois modèles développés par les urbanistes: le modèle culturaliste, le progressiste et le naturaliste. Ce dernier sera laissé de côté par la suite. Ces deux modèles principaux se distinguent notamment de par leur interaction avec le passé. Le modèle culturaliste prend son fondement dans les grandes références historiques et une certaine nostalgie. Les limites de la ville sont définies de manière précise par une ceinture verte. La rue devient un élément fondamental et forme les lignes directrices qui regroupent les lieux de passages et de rencontres. Il s’agit ici d’un concept culturel et non matérialiste où les relations interpersonnelles sont favorisées. Le modèle progressiste, quant à lui, met la modernité au centre de sa réflexion. Ce mouvement fût théorisé par les Congrès Internationaux d’Architecture Moderne (CIAM) en 1928 pour être ensuite concrétisé par la Charte d’Athènes en 1933 qui en devient la doctrine au travers de Le Corbusier, Garnier ou encore Gropius. La ville du XXeme siècle doit, selon eux, suivre la révolution industrielle que ce soit par la généralisation de nouveaux matériaux (acier, béton) mais également au travers de la standardisation et de la rationalisation des formes. Contrairement au culturalisme, la rue est reléguée au second plan pour laisser place à la monumentalité au service de l’automobile. Ces deux modèles ont été largement repris et réinterprétés tout au long du XXème siècle. Toutefois, le XXIème siècle a été confronté à une mutation profonde de la société et des villes qui a remis en question la façon de concevoir l’aménagement des villes.17 En effet, Jean-Jacques Terrin nous expose la triple crise économique, énergétique et environnementale comme étant au centre des préoccupations, mais le processus de conception urbaine n’a pas fondamentalement changé18. On voit alors émerger une volonté de se détacher des modèles historiques qui ne semblent plus répondre aux exigences de la société du XXIème siècle. C’est alors que se développe la notion de projet urbain. Elle fait son apparition lors des années 1970, principalement employée par les architectes comme synonyme de «composition urbaine». Elle est associée au terme de « projet architectural » qui signifie alors la planification d’une construction de « grande envergure » et qui prend, depuis la fin des années 1980, un sens nouveau 16 CHOAY, Françoise, Urbanisme, utopies et réalités, Collection Points, 1965 17 Cf. Annexe 3 18 TERRIN, Jean-Jacques, Le projet du projet, Concevoir la ville contemporaine , Marseille, Édition Parenthèse, 2014

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qui, lui, se transpose à la ville avec la terminaison « d’urbain ». 19 En effet, les années 1980 marquent, en France, un tournant décisif en matière de gouvernance, ayant pour objectif de reconsidérer les droits et libertés des communes, des départements et des régions. En ce sens, les lois de 1982 et 1983 visent à responsabiliser les maîtres d’ouvrage dans les processus de conception et d’aménagement territoriaux20. Dés lors, les politiques urbaines transitent d’une politique d’aménagement, régie sous le monopole du gouvernement, à un urbanisme de projet dont les responsabilités sont décentralisées. Cette décentralisation des compétences est un phénomène emblématique du processus qui bouleverse la société du XXIème siècle: la métropolisation. Étymologiquement, « métropole » vient du terme grec signifiant ville-mère. Ensuite, le terme a été utilisé pour désigner la capitale économique et politique d’un État, puis pour désigner une grande agglomération urbaine en fonction de différents seuils de population21. La notion de métropolisation est plus récente et tend à s’imposer pour rendre compte de l’évolution contemporaine des territoires.

François Ascher (1995) définit cette notion de ainsi:

Plutôt que de décréter des priorités ou des constantes, nous avons observé et recensé toutes les propositions puis dressé leur cartographie. Il importe que le projet puisse répondre aux demandes immédiates, intégrer les aménagements provisoires 22 et tout ce qui constitue la vie d’un quartier. 19

La réflexion autour du concept de métropolisation amène ainsi à dégager plusieurs pistes de réflexion mises en avant par Nicolas Douay :

A la représentation de la chose métropolitaine est une affaire de

B la condition de son développement est la rentabilité financière ; C la notion de métropole est désormais devenue mondiale.

réseaux et de mobilité ;

Ce dont l’auteur déduit que : A + B B + C A + B+ C

la mobilité ne cesse de croître parce qu’elle génère des profits financiers ; la rentabilité financière se conçoit à l’échelle mondiale ; la condition du développement des aires métropolisées est la mondialisation.23

Ces phénomènes se traduisent par une concurrence généralisée qui entraîne les sociétés dans une course à l’excellence métropolitaine qui requiert une mobilisation des acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux de plus en plus importante . 19 INGALLINA, Patrizia, Le projet urbain, Que sais-je?, Presse universitaire de France, 2008 20 TERRIN, Jean-Jacques, op. cit. 21 DOUAY, Nicolas, « La planification urbaine à l’épreuve de la métropolisation: enjeux, acteurs et stratégies à Marseille et à Montréal », Géographie, Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III, Université de Montréal, 2007 22 ASCHER, François, « L’évolution des pratiques de mobilité dans les espaces métropolitains », Institut Français d’Urbanisme. 23 DOUAY, Nicolas, « La planification urbaine à l’épreuve de la métropolisation: enjeux, acteurs et stratégies à Marseille et à Montréal », Géographie, Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III, Université de Montréal, 2007


Cette évolution est reliée à la mise en place du processus de projet urbain. Nicolas Douay explique que depuis les années 1990, le principal enjeu des projets métropolitains est de valoriser l’attractivité économique. Il faut donc offrir les bonnes conditions matérielles au développement économique de cette métropoles qui passent pas la redéfinition de la qualité des services publics, de la présence d’un environnement préservé, la sécurité et l’alimentation des espaces publics … Il faut donc mettre en cohérence spatialement l’ensemble de la métropole. Toutefois, cette cohérence n’est possible que dans la mesure où il y a un consensus mis en place entre les nombreux acteurs impliqués et leurs différents enjeux. Sur le plan politique, il s’agit de répondre aux problèmes de la fragmentation institutionnelle et de l’absence de coordination des fonctions à l’échelle métropolitaine. De même, il faut représenter les intérêts métropolitains à travers l’exercice d’un leadership. Sur le plan spatial, il est question de contrôler la croissance et l’étalement de l’urbanisation pour limiter le développement des edges cities, la consommation des espaces naturels et agricoles avec l’étalement urbain et les dépenses en matière d’infrastructures. D’un point de vue économique et social, il faut répondre aux problèmes d’inégalités entre la ville-centre et les banlieues pour limiter la polarisation sociale et la ségrégation raciale. Et enfin, en ce qui concerne les services, il s’agit d’améliorer l’offre en définissant ceux qui devraient être fournis à l’échelle métropolitaine dans un objectif d’efficacité et d’équité.24 Pour répondre à ces enjeux, il devient alors nécessaire de renouveler le discours des acteurs du projet urbain ce qui se traduit par une complexification de ce processus. C’est d’ailleurs ce que mettent en avant Maryne Buffat et François Meunier. Ils déterminent alors le projet urbain comme étant un processus organisé autour de trois composantes: la programmation, la conception et la réalisation25. La programmation intervient en amont du projet. Elle mobilise les différentes politiques et les sciences sociales pour venir articuler les aspirations des habitants avec les nécessités et les économies politiques. Elle apporte aux concepteurs les données et orientations stratégiques et programmatiques du projet. La conception, quant à elle, est un processus de va-et-vient entre l’étude et la formulation des besoins et la proposition d’une solution adaptée. Elle aboutit à la concrétisation de la solution proposée. Enfin, la réalisation, est la mise en oeuvre et l’exécution du projet (Figure 3).

24 DOUAY, Nicolas, « La planification urbaine à l’épreuve de la métropolisation: enjeux, acteurs et stratégies à Marseille et à Montréal », Géographie, Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III, Université de Montréal, 2007 25 BUFFAT, Maryne et MEUNIER, François, « La programmation urbaine, entre projet politique et projet urbain », Métropolitiques, 26 mai 2014.

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pt Conce ion

Programmation

Réalisation

Figure 3. Mécanisme du projet urbain. La mise en application de ce jeu d’aller-retour entre les intentions et leurs réalisations permet, selon Maryne Buffat et François Meunier, une meilleure concordance entre eux et donc d’obtenir les résultats escomptés.

Cette décomposition du projet urbain a accentué le phénomène de spécialisation des métiers du conseil et de l’expertise urbaine et la synchronisation d’une telle chaîne de compétences, aux formations et aux logiques diverses, reste souvent difficile. Cette démarche nécessite alors la création d’un espace de coconception et d’un échange d’informations entre toutes les mailles qui constituent ce processus26.

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On voit alors se développer, à l’intérieur du concept de projet urbain, les notions de collaboration et de coopération. Un tel engagement des différentes parties permettrait, selon M. Buffat et F. Meunier, une meilleure concordance des besoins et des solutions apportées. C’est ce que défend également Jean-Jacques Terrin dans son livre Le projet du projet, concevoir le ville contemporaine tout en différenciant cette démarche participative de la collaborative. La première aboutirait à la construction d’une « vision » d’un projet avec les futurs usagers avec pour objectif de « réunir les différentes parties prenantes impliquées dans le cycle de vie du projet et de débattre sur un certains nombres de concepts possibles »27. Ce sont les expériences quotidiennes des usagers qui sont ici mises en valeur et qui contribuent à la perception du projet. Quant à la seconde , une anticipation des éventuelles sources de conflit lors de l’élaboration du projet urbain serait alors rendue possible. En effet, afin de consolider l’équipe de projet, la démarche collaborative consisterait en une gestion opérationnelle et interactive des données et en une transmission des connaissances. Les nouvelles conditions, dans lesquelles se conceptualisent les projets urbains, entraînent de « nouvelles situations de coopération où les acteurs doivent expliciter leurs point de vue, négocier avec les autres ».28 La démarche collaborative dans le projet urbain renvoie donc à l’élaboration de politiques urbaines et de projets basés sur des relations horizontales des individus où la négociation occupe une place de plus en plus importante.29 26 Ibid. 27 TERRIN, Jean-Jacques, Le projet du projet, Concevoir la ville contemporaine , Marseille, Édition Parenthèse, 2014 28 MIDLER, Christophe, Modèle gestionnaire et régulation économique de la conception, Economica, p 79, 1996 29 NOVARINA, Gilles, Plan et Projet, l’urbanisme en France et en Italie, Anthropos, Paris, 2003


Travailler dans la collaboration et mutualisation des compétences et savoirfaire doit permettre d’inventer un urbanisme plus intelligent, pour le rendre plus opérationnel et plus réactif face aux enjeux environnementaux, économiques et sociétaux qui entourent aujourd’hui les projets30. Ces nouvelles pratiques ne sont régies par aucun cadre réglementaire et se développent par la conviction qu’un travail en commun sera plus efficace que la juxtaposition de démarches individuelles. Au-delà de la bonne volonté souvent affichée, il n’est pas facile de remettre en cause les pratiques existantes de longue date pour les acteurs, tant publics que privés de l’aménagement et de la construction. Créer un nouvel urbanisme, c’est aussi réinventer le management des projets urbains et accepter de multiples recompositions de la chaîne de conception: substitution des acteurs publics par le privé, ateliers de projet, création d’aménagement-promotion, nouveaux partenariats public-privé, privé-privé… À ce jeu d’une gouvernance élargie, il faut savoir réunir régulièrement tous les acteurs impliqués dans le projet et contractualiser régulièrement les avancées des discussions. Ainsi, la négociation tend à s’imposer à chaque étape du projet comme une étape obligée tant pour les acteurs publics que privés. Il ne faut pas croire pour autant qu’elle est plus simple. Elle peut même parfois s’avérer longue et rugueuse. Adaptation du programme, financement des équipements publics, respect des délais : les sujets restent nombreux et complexes mais les conditions d’arbitrage plus claires et partagées. La réussite de cette négociation dépend avant tout de la relation de confiance qui va s’établir entre les parties. Elle nécessite également une implication réciproque dans le portage du projet ainsi qu’un partage des risques. Trouver un accord équilibré et passer du rapport de force à la co-production, tel est le sens de l’urbanisme négocié.31 Cette négociation entre les groupes concernés apparaît donc comme un mode de décision à promouvoir qui se développe avec la valorisation de l’urbanisme négocié qui se développe en France. Toutefois, ce procédé organisationnel induit la mise à jour voire la mise en place de nouveaux outils.

30 TERRIN, Jean-Jacques, Le projet du projet, Concevoir la ville contemporaine , Marseille, Édition Parenthèse, 2014 31 FAUVET, Guillaume, « Urbanisme de projet: un changement de culture avant tout », Direction technique territoires et ville, Cerema, 2014.

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2. Entre temporalité et adaptabilité du projet :

les outils de la collaboration

Selon Patrizia Ingallina, les caractères propres du projet urbain s’ordonnent autour de trois thèmes : l’introduction du temps, la multidisciplinarité, et la participation32. En effet, compte tenu du rythme des changements et des difficultés de l’anticipation, le projet doit concilier différentes temporalités en fonction des acteurs qui interviennent. Le projet urbain se met en place sur le très long terme et doit perdurer au travers des différents mandats des politiques, des intervenants ponctuels et du concepteur qui l’accompagnent. Il doit être pensé comme une stratégie et doit s’adapter, ce qui induit donc la non fixation d’un plan rigide. Il doit fixer des objectif larges sans aspirer à construire un schéma définitif et à déterminer a priori une succession des programmes. D’autre part, l’urbanisme est moins une discipline qu’un domaine de réflexion et d’action au carrefour de savoirs multiples. La rencontre de ce savoir et de ses acteurs au coeur d’un projet politique.

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Toutefois l’urbanisme négocié a mis en place un certain nombre d’incertitudes, de part les marges d’adaptation qu’il nécessite, il a donc fallu revoir les outils pour le mettre en place et répondre à de tels enjeux33. Nous nous attacherons ici à définir ces nouveaux outils en deux catégories: les instruments d’aménagement et les outils de communication. Dans le contexte de complexification du processus de projet urbain que nous avons abordé, la transition vers un urbanisme de projet a nécessité la ré-évaluation et la redéfinition des outils d’aménagement utilisés. En effet, la planification opérationnelle mise en place depuis des décennies a fait apparaître de plus en plus de décalages la dynamique et la réalité de la vie urbaine. Les documents d’urbanisme sont aujourd’hui jugés trop lourds et sont vécus par les professionnels de la conception comme un frein. Il faut donc mettre au point un instrument permettant d’assurer cette planification de manière différente, en assouplissant certaines règles sans tout défaire. Poser un diagnostic, mettre en évidence les enjeux, construire et organiser un projet en cohérence dans un contexte plus grand que le quartier: tout ceci doit aujourd’hui s’adapter à un système de gouvernance plus complexe alliant l’État, les collectivités locales, les partenaires publics et privés. C’est dans ce contexte qu’Alexandre Chemetoff a initié un nouvel outil qu’il définit comme « plus souple et itératif, venant combler le « chaînon manquant » entre la règle et le projet où chacun joue son rôle»34. 32 INGALLINA, Patrizia, Le projet urbain, Que sais-je?, Presse universitaire de France, 2008 33 RAMIREZ COBO, Ines, L’incertitude comme levier de co-construction au prisme du projet urbain : L’émergence d’un mode de conception ”transitionnel” des espaces urbains : entre pratiques institutionnelles et pratiques alternatives, Architecture, aménagement de l’espace. Université Grenoble Alpes, 2016 34 Interview d’Alexandre Chemetoff dans «Alexandre Chemetoff ou la logique du vivant», SudOuest, Janvier 2007


Ainsi, en 1999, Alexandre Chemetoff, en collaboration avec la SAMOA (Société d’aménagement de la métropole Ouest Atlantique), développe la notion de Plan Guide sur l’île de Nantes (Figure 4 et 5). Le Plan Guide est un outil de travail itératif, c’est à dire qu’il vise à être renouvelé tout au long du processus de conception du projet urbain35. Ce document sert de référence adaptée en temps réel, il guide l’action à court terme dans le cadre d’une vision du territoire à long terme. Les plans sont réactualisés régulièrement, détaillés et enrichis pour tenir compte de chaque opération. Ce plan évolutif s’adapte suite aux rencontres et aux négociations entre les acteurs publics et privés et au fil des consultations avec les citoyens. Tous les acteurs de la ville (décideurs, opérationnels et intervenants) peuvent donc partager le projet sous des formes de partenariats plus ouvertes, et le Plan Guide devient un espace de discussion. De ce fait, selon Alexandre Chemetoff, les avantages d’un Plan Guide seraient les suivantes: Plutôt que de décréter des priorités ou des constantes, nous avons observé et recensé toutes les propositions puis dressé leur cartographie. Il importe que le projet puisse répondre aux demandes immédiates, intégrer les aménagements provisoires et tout ce qui constitue la vie d’un quartier.36

Il est important cependant de rappeler que le Plan Guide s’inscrit dans une commande publique, dans laquelle les attendus sont explicitement décrits, qui est soumise aux réglementations en vigueur telles que les SCOT (Schémas de COhérence Territoriale) ou le PLU (Plan Local d’Urbanisme). De ce fait, comment cet outil se place-t-il par rapport à ces documents de planification? En somme, si nous reprenons le cas de l’ile de Nantes, les normes supérieures liées au SCOT ou à la Directive Territoriale d’Aménagement de l’estuaire de la Loire étaient en accord avec ce Plan Guide au vu des enjeux de densification, de mixité sociale et de valorisation de l’existant. Les documents de planification à l’échelle de l’agglomération comme le Plan Local de l’Habitat et de Plan de Déplacement Urbains ont été appliqués également dans le dessin du Plan Guide de 1999. D’un autre côté, le PLU de la Ville de Nantes a connu une révision simplifiée suite aux prévisions du Plan Guide. En effet, il s’agissait ici d’ajuster les règles aux besoins du projet, à l’inverse d’une conception plus « ordinaire ». En effet, le commentaire du dossier de réalisation de la ZAC (Zone d’Aménagement Concerté) d’Octobre 2005 précise: En assouplissant les conditions d’implantations sur les parcelles, en autorisant les échanges de hauteur entre les bâtiments d’une même propriété, et en adaptant la règle de stationnement aux particularités du site et à sa future desserte en transport en commun, la nouvelle règle permet ainsi d’organiser un plus grande diversité des constructions existantes et à venir sur l’île. 37 35 Dictionnaire LaRousse en ligne, 36 Interview d’Alexandre Chemetoff dans «Alexandre Chemetoff ou la logique du vivant», Sud-Ouest, Janvier 2007 37 DEVISME, Laurent, « Gouverner par les instruments. Première approche : les épreuves urbanistiques du plan-guide.», LAUA, Décembre 2007

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Figure 4. Plan d’état des lieux - Janvier 2003

Figure 5. Plan Guide - Octobre 2008

Maîtrise d’ouvrage : Communauté Urbaine de Nantes Maître d’œuvre : Atelier de l’île de Nantes Co-traitants Bureau : Alexandre Chemetoff et Berthomieu Architectes Responsables de projet : Patrick Henry, Catherine Pierdet, Type : Etude de définition Missions : Elaboration et suivi du Plan-Guide. Cohérence des constructions : élaboration et mise au point d’un cahier des recommandations architecturales, analyse de la cohérence des constructions et suivi de leur mise en œuvre. Maîtrise d’œuvre des avant-projets de l’ensemble des espaces publics à créer ou à restaurer (160 ha). Maîtrise d’œuvre de la réalisation des espaces publics significatifs Agence Alexandre Chemetoff & Associés, Île de Nantes, 2000 / 2012


Ainsi, le Plan Guide est un instrument visant une meilleure cohérence de l’ensemble du projet à grande échelle ainsi qu’une meilleure concordance avec les attendus. Il valorise la négociation tout au long du processus de projet car il tend à répondre aux demandes des acteurs opérationnels, tout en suivant les directives et les réglementations des décideurs. Les intervenants, quant à eux, ont une marge de manoeuvre plus importante et une possibilité de créativité qui va de pair. En complément de ce nouvel instrument d’aménagement, de nouveaux outils de communication sont également adaptés pour favoriser la négociation. Ces dispositifs sont développés à la fois sur les objets utilisés mais également de façon immatérielle par le biais du numérique et des TIC (Technologie d’Information et de Communication). Si l’étude des objets est développée dans le domaine de la conception industrielle, elle reste peu avancée sur leurs répercussions sur la négociation dans le champ urbain. Amine Benaïssa et Frédéric Pousin s’attardent sur les plans et les maquettes dans les projets urbains et leur utilisation comme support de négociation dans les projets urbains. Ils utilisent le terme de “figurations”38, lesquelles donnent à voir les intentions des destinateurs aux destinataires du projet. Il est ainsi essentiel , selon les auteurs, de distinguer deux moments dans la production d’un objet: la formulation (intention première) et l’usage qui peut en être fait (finalité perçue par le destinataire). Ils proposent alors un modèle opératoire capable d’expliquer comment se négocient les projets urbains. Il repose sur trois moments: le conflit, durant lequel il y a confrontation des positions des acteurs entrant en jeu, la rationalité, qui est un moment d’échange durant lequel les partenaires partagent un même objectif, et la séduction/la conviction durant lesquelles chacun des acteurs tente de séduire pour faire valoir ses positions.39 Pour ce faire, les acteurs vont avoir recours à différents moyens, en fonction du moment de la négociation. Ils vont d’une part limiter les termes du débat, pour mettre en place la confrontation des positions. Dans un second temps, ils vont mettre en place des moyens visuels visant à clarifier leur propos et leurs objectifs. Enfin, par le biais des figurations, les acteurs vont chercher à susciter l’émotion, à capter l’attention de leurs destinataires (Figure 6). Intention de négociation

Acteurs

Instants

Stratégies

Conflit

Rationnalité

Limiter

Clarifier

Séduction

Capter

Figure 6. Schéma explicatif du modèle opératoire de négociation. 38 BENAÏSSA, Amine et POUSIN, Frédéric, Figure de la ville et construction des savoirs, CNRS Édition, 2005. 39 Ibid.

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Ainsi, du fait de l’étude portée par A. Benaïssa et F. Pousin, nous constatons que les objets ont un rôle important, voire crucial, à jouer dans la négociation des projet urbains. La représentation des projets urbains a considérablement évolué ces dernières années, et les progrès des technologies de numérisation et d’animation y sont pour beaucoup. En effet, la démarche collaborative dans le projet urbain, et de manière générale dans toute l’économie collaborative, s’est accrue et a été rendue possible par le développement des TIC. Il existe un vaste choix d’outils numériques dans le champ de l’urbanisme. Ils se différencient principalement par leurs objectifs et leurs fonctionnalités, leur format, leur modèle économique. Cette différenciation renvoie à la diversité des acteurs. D’une part, les collectivités souhaitent bénéficier d’outils répondant à leurs besoins, tandis que les concepteurs sont, eux, en concurrence pour fournir un produit ou un service à forte valeur ajoutée. Chaque outil est ainsi développé pour répondre à des besoins spécifiques, que Sarah Marquet caractérise en deux catégories: le diagnostic de situations et la prise de décision optimisée.40 Ces outils peuvent permettre l’observation ou la modélisation du projet. Ainsi, par l’utilisation de moyens numériques, les acteurs du projet urbain ont la possibilité de structurer les données locales, et ainsi de comprendre le territoire mais également, et surtout, de partager et co-construire la connaissance du territoire et du projet qui est en élaboration. 27

Une telle utilisation des TIC a permis de démocratiser l’urbanisme et de favoriser la communication autour de la démarche de manière pédagogique, notamment via des supports de présentation. De nombreuses collectivités ont aujourd’hui fait appel à de tels moyens pour informer les citoyens sur l’impact de leurs actions, mais également dans un but de démarche bien plus participative. Toutefois, à l’occasion du premier forum Civic Tech du 8 Septembre 2016, une enquête quantitative en ligne portant sur la « Démocratie participative et le Numérique », menée avec la Gazette des communes, permet de tirer plusieurs enseignements des pratiques en vigueur dans les collectivités, des outils utilisés et des freins rencontrés par les collectivités locales. En effet, en termes de participation, les réunions physiques sont encore favorisées par les destinataires, avec seulement 8% de la participation enregistrée par l’utilisation d’application numérique. D’autre part, selon cette étude, l’utilisation poussée du numérique créer une fracture entre les habitants.41 C’est déjà ce que défendait François Ascher en 2001 dans son ouvrage La Société hypermoderne ou Ces événements nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs . Il explique notamment que le développement des TIC a entraîné un phénomène de relégation des populations ne pouvant avoir accès au numérique.42

40 MARQUET, Sarah, «Outils numériques d’aide à la décision pour la planification territoriale stratégique, l’urbanisme et l’aménagement opérationnel. Comment Choisir?», ADEME, Décembre 2016 41 Enquête de la Gazette des Communes, « La démocratie participative et le numérique », Forum Civic Tech, 8 Septembre 2016 42 ASCHER, François, La Société hypermoderne ou Ces événements nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs, Éditions de l’Aube, Paris, 2001


Ainsi, le passage d’un urbanisme de plan à un urbanisme négocié a eu des répercussions dans de nombreux champs. Qu’il s’agisse de réglementation, des instruments d’aménagement ou des outils utilisés par tous les acteurs, le processus de conception a été profondément changé dans le but de favoriser le dialogue entre les différents partis. Cela laisse cependant présager des effets nuisibles sur la finalité d’un tel processus. En effet, il est important de rappeler que la négociation est un terme commercial qui induit donc la mise en avant de l’aspect financier. Il est à prendre en compte, dans la démarche collaborative entre les intervenants, ce rapport de force qui peut faire pencher la balance dans un camp ou dans l’autre. D’autre part, le but premier de l’urbanisme de projet est la remise au premier plan de ceux-là mêmes qui pratiquent le territoire: les habitants. Or, dans les procédés de négociation jusqu’ici abordés, les habitants n’occupent pas cette place centrale, ou ont même tendance à être relégués au second plan.

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II. La démarche collaborative

dans la métropole bordelaise: le cas des Bassins à Flot

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Figure 7. Les Bassins à Flot - Années 1944



1. L’urbanisme négocié à Bordeaux:

mise en place d’un mode d’action Creusés

à partir de la fin du XIXe siècle, les deux bassins sont, grâce à la Garonne, devenus une des portes principales de Bordeaux. Plus d’un siècle d’histoire fluviale, industrielle et militaire font de ce territoire un lieu historique de la ville. Il est le centre de marchandage, de production de l’arrière scène de la ville. En 1941, l’organisation Todt choisit cet espace stratégique pour y installer l’une des bases sousmarines allemande de la façade atlantique. Témoin de l’histoire européenne, cet ouvrage est devenu l’un des symboles du quartier. Toutefois, à partir des années 1980, le quartier souffre de la crise industrielle au même titre que le reste de la France et l’Europe. Pour se renouveler, le Port autonome de Bordeaux, qui est le propriétaire du territoire, ouvre les Bassins à Flot aux activités de plaisance. Ensuite, à partir de 1995, les quais, du Port de la Lune jusqu’au Bacalan, deviennent le nouvel axe de reconquête de la ville de pierre irriguée par le tramway et dopée par la croissance de l’agglomération et par les opérations de réaménagement des espaces publics. C’est tout le bord de la Garonne qui connait un développement de plus en plus poussé jusqu’aux Bassins à Flot. La nécessité de repenser le quartier se fait alors sentir de manière plus flagrante. À la fin des années 2000, les Bassins à Flot sont vus comme l’opportunité d’étendre vers le nord la reconquête de l’agglomération qui s’étend et se densifie. Ainsi, la ville de Bordeaux et la CUB (Communauté Urbaine de Bordeaux, devenue au 1er Janvier 2015 Bordeaux Métropole) intègrent ce territoire dans le cadre du projet de Bordeaux 2030, qui vise à permettre à la réflexion urbaine de changer d’échelle pour se projeter en tant que métropole visible et puissante.43 L’idée de réaménagement des Bassins à Flot n’est cependant pas nouvelle. En effet, en 1999, Antoine Grumbach était missionné pour proposer une composition urbaine du site développant une nouvelle trame viaire pour permettre de circuler entre les grandes emprises industrielles. Ce projet devait prendre la forme d’une Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) portée par la CUB, qui devait acquérir les parcelles et dépolluer le site. Cependant, les collectivités bordelaises ont parallèlement lancé de grands projets sur l’ensemble de leur territoire et se retrouvent donc en déficit, bloquant ainsi tout apport financier supplémentaire pour les Bassins à Flot. 43

Cf. Annexe 4

32


De nombreux opérateurs immobiliers privés se sont alors installés sur les terrains de ce quartier pour contractualiser des sous-seings auprès des propriétaires. Nexity, Vinci, Cogedim, Domofrance, Clairsienne: nombre d’entre eux sont des bailleurs sociaux ou des opérateurs privés s’emparant du territoire, obligeant ainsi les collectivités à composer avec eux dans le cadre d’un projet urbain. C’est pourquoi, Alain Juppé, maire de Bordeaux et Vincent Feltesse, alors président de la CUB, ne pouvant fournir les moyens financiers, ont cherché une alternative, un autre moyen de faire projet. Le projet de ZAC soumis par Antoine Grumbach leur semble un moyen de faire trop rigide et trop lent à mettre en place. Ils se sont alors penchés vers la réponse du Programme d’Aménagement d’Ensemble (PAE). Le PAE est un dispositif de participation des constructeurs au financement, en tout ou partie, d’un programme d’équipements publics qu’une commune s’engage à réaliser, dans un secteur déterminé, pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier de ce secteur.44

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Créé en 1985, son objet est purement financier et il ne constitue pas une procédure d’urbanisme, même s’il peut se combiner avec certaines d’entre elles. La participation qui permet de le financer est une alternative à certaines taxes. Le PAE se révèle donc financièrement séduisant puisqu’il permet de couvrir en quasi-totalité le financement d’équipements et d’infrastructures, il n’est cependant pas dépourvu de risques. Sa participation n’intervient qu’en remboursement d’une avance de trésorerie des collectivités, et n’est due qu’après que les constructions soient menées à terme. Par ailleurs, une jurisprudence du conseil d’état du 27 janvier 2010 l’a rendu moins attractif, avant que la loi du 29 décembre 2010 ne le fasse disparaitre progressivement.45 Dans le but de mettre en place ce PAE, les collectivités bordelaises ont lancé d’une nouvelle consultation d’urbaniste en 2009, remportée par l’agence ANMA (Agence Nicolas Michelin et Associés). Crée en 2001 par deux architectes urbanistes, Nicolas Michelin et Cyril Trétout, et un architecte, Michel Delplace, cette agence développe des projets urbains, architecturaux et paysagers. En charge du projet des Bassins à Flot, Nicolas Michelin a dû proposer une alternative permettant de répondre aux besoins des collectivités tout en travaillant avec les opérateurs privés déjà implantés. En effet, la proposition de l’urbaniste a été composée avec les acteurs présents sur le site et, de ce fait, ne nécessite pratiquement aucune expropriation des promoteurs implantés. Le dessin de l’urbaniste n’a donc prévu que peu d’interventions sur le foncier et, par extension, sur le cadastre du quartier. Dans un souci de co-construction entre la ville de Bordeaux, la CUB et les opérateurs privés, l’organisation d’un urbanisme négocié prenait alors tout son sens. Dans cet objectif, et comme nous l’avons vu précédemment, l’utilisation d’un Plan Guide comme outil d’aménagement s’est imposé. Selon ce Plan Guide, de grands principes du projet ont été mis en place (Figure 8). En outre, les bassins se placent en point névralgique du projet, notamment de par les logements qui doivent tous être orientés vers ces étendues d’eau. 44 Donnée gouvernementale, amenagement-d-ensemble-mtn/ 45 Ibid.

https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/programme-d-


Figure 8. Plan Guide - Bassins à Flot - Septembre 2013



Le Plan Guide prévoit à l’origine de respecter le génie du lieu, ce qui passe notamment, pour Nicolas Michelin, par la conversion des grandes parcelles industrielles en macro-lots, qui deviendront les îlots du projet sur lesquels viennent s’implanter le programme. La programmation en question avait pour but de proposer une mixité de programmes : habitations, commerces, bureaux d’activités artisanales et industrielles. Toutefois, plutôt que de plaquer ces intentions sur un plan et les mettre en place sur le territoire, l’urbaniste avait pour objectif de concilier les besoins et les envies de tous les porteurs de projets. Une fois les opérateurs privés consultés, leurs demandes intègrent pleinement le projet, c’est là tout l’intérêt de l’utilisation du Plan Guide : le projet ne se décrète pas par le haut, mais il se co-construit et évolue en fonction des différentes revendications. Ce document sert donc de base de travail et c’est à partir de ses premières esquisses que le jeu de négociation entre les différents acteurs de ce projet urbain a commencé à se mettre en place. En effet, il est construit in situ, captant les intentions et la dynamique commune qui se dégagent de chacun des acteurs impliqués. Cette phase a pour objectif d’établir des partenariats en amont du projet, pour permettre d’établir des objectifs communs à tous les acteurs impliqués. Cette souplesse théorique nécessite de mettre en place un outil, une plateforme qui se posera comme pilier et support de la négociation entre tous les intervenants. C’est dans cet objectif qu’a été mis en place un Atelier de projet urbain aux Bassins à Flot.

2. L’Atelier des Bassins comme outil de collaboration Les Ateliers de projet urbain sont des lieux d’échanges et de débats qui visent à constituer un savoir sur les enjeux, les concepts et les méthodes de projet, à toutes les échelles et étapes du projet.46 Cet outil se place comme élément principal des mécanisme de négociation. Cette structure, pareil à un Groupement d’Intérêt Public (GIP), est instauré comme système de gouvernance du projet urbain visant à asseoir le pouvoir des acteurs publics. En effet, les GIP «permettent à des partenaires publics et privés de mettre en commun des moyens pour la mise en œuvre de missions d’intérêt général»47, ici, le projet urbain d’envergure métropolitaine. Il existe en France de nombreux exemples de l’utilisation de ce procédé organisationnel comme lors du projet de l’île de Nantes, du Grand Paris ou encore sur Bordeaux Bassins à Flot ou Euratlantique. Sur le territoire étudié, l’Atelier est géré par les trois piliers que sont la ville et la CUB, représentée par leurs élus respectif Alain Juppé, maire de Bordeaux et Vincent Feltesse, alors président de la CUB, et par l’urbaniste Nicolas Michelin (Figure 9). La définition de cette entité vient bousculer le rôle de chacun des acteurs investis dans le projet de Bassins à Flot, de ce fait, le schéma classique de catégorisation des acteurs comme nous l’avons défini doit s’adapter à ce contexte. 46 Compte rendu de l’Atelier urbain sur le projet de réhabilitation du quartier Youri Ganarine de la ville de Romainville, 5 Novembre 2014, http://www.ville-romainville.fr/sites/default/files/documents/compte%20rendu%20atelier%20Gagarine%20du%205%20nov.pdf 47 Direction des affaires juridiques, Guide relatif au GIP, 25 Avril 2017, https://www.economie. gouv.fr/daj/7074

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La mise en place de cet Atelier implique que chacun des acteurs redéfinissent leur rôle. Au fondement de cet entité, la ville vient impulser la dynamique de projet, la CUB se place comme spécialiste de l’aménagement, et l’urbaniste est en charge de la conception et de l’organisation du projet. Ainsi, la collectivité détermine la vision du projet et la positionne dans la logique du grand territoire de Bordeaux. L’aménageur se place ici comme l’acteur opérationnel qui a pour charge de faire vivre le projet au quotidien et de prendre les décisions en faveur de son opération. Enfin, l’urbaniste vient concrétiser ces décisions et mettre en oeuvre l’évolutivité du Plan Guide (Figure 9)

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Figure 9. Fonctionnement de l’Atelier des Bassins L’Atelier rassemble des personnalités multiples pour assurer parallèlement la cohérence et la qualité globale du projet et son développement opérationnel.


Dans ce dessein, le Grand port maritime de Bordeaux, propriétaire foncier de la majorité du territoire, tient une position spécifique de part son statut indépendant. Il s’agit d’un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) répondant de l’État, il doit donc s’associer aux collectivités mais il cherche également à valoriser son intérêt personnel. De part cette ambiguïté, il tient donc une place importante au sein de l’Atelier aux côtés des trois piliers, mais il intervient également en tant qu’invité au même titre que les opérateurs privés et les architectes. Pour que l’Atelier des Bassins devienne la garantie d’une cohérence et d’une qualité globale, les trois piliers qui la composent doivent se poser conjointement comme un seul interlocuteur face aux opérateurs privés. En effet, pour que la négociation de cette entité avec les différents acteurs du projet urbain soit la meilleure possible, il faut déjà qu’elle soit effective au sein même de l’Atelier. D’un point de vue théorique, ces interlocuteurs sont amenés à s’exprimer et coopérer, en trouvant des compromis au-delà de leurs opinions politiques et de leurs compétences respectives, pour le bien commun et le bon déroulé du projet. Finalement, c’est la voix de l’urbaniste qui devient représentative de l’Atelier et donc concrétise ce «bloc public».48 Il en ressort une des nécessités obligatoires de l’urbanisme négocié: la confiance entre les différents acteurs. L’une des premières missions de l’Atelier est de maximiser la fluidité d’information entre ces différents piliers : les données des uns sont celles des autres.Théoriquement, une totale transparence doit être mise en place pour que les décisions soient prises collectivement. En terme de démarche collaborative, l’organisation et les interactions des trois piliers (Bordeaux, la CUB et l’urbaniste) doivent entraîner une cohésion et un travail en équipe horizontal efficace. Leur positionnement face aux opérateurs privés ne peut être réellement efficient que s’ils se coordonnent et se considèrent d’égal à égal. En partant du principe que cette confiance est assurée, nous pouvons alors nous interroger: quelles fonctions l’Atelier en lui-même doit-il remplir? Comme il a été expliqué plus haut, cette entité est le lieu de l’urbanisme négocié. C’est par son biais que se déroulent les principales interactions entre les différents protagonistes du projet. L’agence ANMA le définit comme “une matrice, un accélérateur de particules, un moteur du projet”49. L’Atelier possède différentes facettes qu’il revêt en fonction des différents instants de conception du projet. Cet aspect, couplé avec la mise en place du Plan Guide, a permis la réalisation d’un processus itératif de conception. Reprenant les termes de Samir Bellouti, un développement itératif consiste à livrer des parties d’un système ou d’une application à des intervalles réguliers. Ces intervalles sont appelés Itérations. Une itération est donc une succession d’activités couvrant l’analyse des besoins, la conception des parties du système et qui aboutissent à la livraison d’une partie du produit final.50

48 CHRISTY, Hugo, L’urbanisme négocié : Bordeaux, les Bassins à flot, Édition Dominique Carré, Paris, 2016 49 Ibid. 50 BELLOUTI, Samir, «Le développement itératif», wordpress, Septembre 2007

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Appliqué au Bassins à Flot, ce processus itératif implique une synergie forte entre le projet urbain et le projet architectural, mais également entre les garants de la cohésion d’ensemble, à savoir l’Atelier et les intervenants. Se met alors en place un jeu de va-et-vient entre les intentions de projet et leur conception, et de ce fait, entre les différents acteurs intervenants (Figure 10). Au-delà de l’adaptabilité et l’évolutivité de l’organisation globale que nous avons abordée51, les itérations permettent d’ajuster les choix en terme d’architecture et favorise donc des interactions très tôt dans le processus de conception et de manière constante dans le processus entre l’Atelier et les architectes. D’autre part, elles doivent, en principe, permettre de valoriser la relation entre les décideurs et les (futurs) habitants qui sont sensés pouvoir s’exprimer et voir évoluer le projet au fur et à mesure. Modifications Évolutions du projet

Faisabilité Opportunités foncières

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Conception

Opérationnel

Modifications Évolutions du projet

Urbaniste

Architecte Opérateur Atelier Suivi continu de l’Atelier + évolution du Plan Guide Projet architectural Projet urbain

Figure 10. Définition du processus itératif mis en place. Contrairement à un processus plus «classique» (petit schéma), le processus de l’urbanisme négocié permet une synergie plus ofrte entre le projet urbain et le projet architectural.

Par le développement de ce processus itératif, les interactions entre l’Atelier des Bassins et les autres protagonistes sont donc encouragées, mais en parallèle, elles deviennent plus complexes. Il se définit comme «un nouveau système de gouvernance qui reçoit, rassemble et fait dialoguer l’ensemble des acteurs du projet urbain».52 51 Cf. I. 02, Entre temporalité et adaptabilité du projet : les outils de la collaboration 52 CHRISTY, Hugo, L’urbanisme négocié : Bordeaux, les Bassins à flot, Édition Dominique Carré, Paris, 2016


A ce titre, et grâce à la présence de la ville et de l’intercommunalité, il se positionne comme étant la force politique du projet, qui vient lier l’ensemble des acteurs autour d’une charte de négociation les engageant à travailler ensemble. Cette position lui confère un rôle particulier vis-à-vis des autres acteurs. Nous nous attacherons alors à définir ce rôle selon les principaux acteurs, à savoir les opérateurs immobiliers, comme représentatif des opérateurs privés, les architectes, pour la maîtrise d’oeuvre et les habitants (Figure 12).

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Figure 11. Relation entre acteurs en question Une nouvelle forme de gouvernance se met en place pour rassembler et faire dialoguer les acteurs.


3. La négociation sujette à questionnement

Les opérateurs immobiliers privés: Dans le contexte de crise financière qui a poussé le développement de l’économie collaborative, les collectivités ne sont plus en capacité de fournir les moyens de réaliser les projets qui répondent aux ambitions métropolitaines. En la matière, nous l’avons vu, la métropole bordelaise ne fait pas exception.53 C’est pourquoi, un partenariat des agents publics avec les opérateurs privés a dû se mettre en place. En effet, les opérateurs immobiliers privés ont la possibilité de supporter l’incertitude financière liée aux projets d’aménagement évolutifs, tant qu’ils y trouvent une rentabilisation et un attrait suffisant pour leur bien propre.54 Afin de comprendre les relations qu’entretiennent les opérateurs immobiliers avec l’Atelier, il importe d’abord de comprendre leurs motivations. Selon Paul Citron, les acteurs privés se risquent à investir dans une opération coûteuse d’aménagement car cet investissement se révèle pour eux “une manière d’en [ l’opération d’aménagement ] contrôler l’usage et la transformation et d’assurer l’activité future de ses filiales de promotion immobilières”.55

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De fait, la particularité d’un opérateur privé est que, contrairement à un promoteur, il s’agit d’une firme composée de plusieurs activités créant en son sein une chaîne allant de l’aménagement à la construction, puis à la promotion des biens édifiés. Ainsi, la participation à un projet d’aménagement par ces opérateurs privés leur donne accès à un foncier dont ils auront la charge et qu’ils pourront rentabiliser comme ils le souhaitent. Dans cette optique, l’activité d’aménageur permet aux opérateurs d’investir le marché des travaux publics, et également d’intervenir à la fois en amont et en aval du projet, ce qui permet «la sécurisation des différentes activités de ces groupes».56 Dans ce cadre, l’Atelier ne se présente pas seulement comme une plateforme permettant la co-production, mais surtout comme une instance de pouvoir où les acteurs publics et privés se confrontent et négocient dans le but de trouver un compromis entre leurs différents intérêts. C’est pourquoi l’Atelier expose l’importance de la solidarité du trio qui le compose car, considérés séparément, l’aménageur et l’urbaniste rencontreraient des difficultés dans le rapport de force que induit par le projet.57 Seul le politique dispose d’un pouvoir permettant de maintenir un certain équilibre.

53 Cf. II. 01, L’urbanisme négocié à Bordeaux : mise en place d’un mode d’action 54 RAMIREZ COBO, Ines, L’incertitude comme levier de co-construction au prisme du projet urbain : L’émergence d’un mode de conception ”transitionnel” des espaces urbains : entre pratiques institutionnelles et pratiques alternatives, Architecture, aménagement de l’espace. Université Grenoble Alpes, 2016 55 CITRON, Paul, «Les promoteurs immobiliers dans les projets urbains. Enjeux, mécanisme et conséquences d’une production urbaine intégrée en zone dense», Université Paris 1 PanthéonSorbonne, Décembre 2016. 56 CITRON, Paul, op. cit. 57 CHRISTY, Hugo, L’urbanisme négocié : Bordeaux, les Bassins à flot, Édition Dominique Carré, Paris, 2016


En effet, les opérateurs immobiliers sont libres de leur intervention dans leurs parcelles, et personne ne remet en cause leur maîtrise des terrains. Seule la réglementation en oeuvre peut contraindre leur intention, mais elle a été vidée de son contenu pour laisser place au Plan Guide. De ce fait, le pouvoir du représentant de la ville de Bordeaux devient le principal élément qui permet de mettre en place le jeu de la négociation, pouvant refuser de délivrer le permis de construire si le projet ne respecte pas les intentions du Plan Guide (Figure 12).

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Opérateurs Privés

Atelier

Figure 12. La négociation Opérateurs privés - Atelier Le dialogue mis en place entre le pouvoir économique et le pouvoir politique est mécanisme bien huilé de compromis visant la satisfaction des intérêts de chacun.


Les architectes: Dans une méthodologie similaire à celle avancée pour les opérateurs privés, il est essentiel de comprendre globalement le rôle de l’architecte au sein du projet urbain pour mieux appréhender les interactions qu’il entretient avec les autres intervenants. En reconsidérant la déconstruction du processus de conception avancée par Marine Buffat et François Meunier, ce-dernier se décompose en trois phases: la programmation, la conception et la réalisation. Ainsi, en tant que maître d’oeuvre, l’architecte intervient directement dans les deux dernières. Il a pour rôle de monter un cahier des charges répondant aux exigences des maîtres d’ouvrage tout en respectant le territoire sur lequel il va agir. Il doit alors travailler en étroite collaboration avec les autres professionnels du territoire tels que les urbanistes, les politiciens, les sociologues, ... Il est au coeur des projets participatifs et collaboratifs même lors de leur réalisation, avec l’accompagnement des suivis de chantiers. Toutefois, comme nous l’avons explicité plus haut, la déconnexion croissante entre les attentes de la maîtrise d’ouvrage et la réalisation finale du projet a incité l’architecte à intervenir bien en amont dans le processus de projet.

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L’architecte aujourd’hui n’est plus seulement un technicien de l’espace et de la forme, il devient le lien entre les désirs et les exigences des politiques et des promoteurs qui entrent en jeu, et de ceux-là mêmes qui parcourent le site quotidiennement. Le projet urbain est à l’articulation entre le pouvoir public, le privé et les habitants. Le rôle de l’architecte devient alors essentiel en tant que médiateur. En outre, il doit entendre et assimiler les besoins et les envies de chacun des acteurs pour ensuite faire une mise en adéquation avec la réalité. Par le biais de cette médiation, l’aspect collaboratif de son travail prend tout son sens. En effet, de par la discussion et l’échange des savoirs et des savoirs-faire, l’architecte doit réussir à se faire comprendre par tout le monde, il doit donc passer par une vulgarisation de son travail.58 Dans le cadre du projet des Bassins à Flot, les architectes sont missionné par l’opérateur privé qui choisit l’agence qu’il voudrait voir réaliser son projet. Toutefois, présenté par le «trio décideur» comme répondant à un souci de variété, d’équité et de concurrence, l’Atelier a décidé de mettre en place certaines règles quant au choix de la maîtrise d’oeuvre. Dans un premier temps, l’Atelier prend part au choix des architectes engagés: les opérateurs privés choisissent plusieurs agences qui doivent passer un oral devant l’Atelier qui, finalement, fera le choix définitif. Alors qu’il présente ces auditions comme la possibilité «diversifier les écritures» et de «permettre aux différents acteurs à se connaître», ce procédé peut être perçu comme un système de cooptation (Figure 13). En effet, lorsque nous considérons la cooptation comme la «désignation d’un membre nouveau d’une assemblée, d’un corps constitué, par les membres 58 FAUCHEUX, Théo, « La place des architectes dans le projet urbain, fondement, évolution et projection », Mémoire de projet, Février 2017


qui en font déjà partie»59, il est aisé de mettre en parallèle ce procédé avec la mise en place d’un entre-soi. La notion d’entre-soi désigne le regroupement de personnes aux caractéristiques communes, que ce soit dans un quartier, une assemblée politique, ou encore un lieu culturel. Elle sous-entend l’exclusion, plus ou moins active et consciente, des autres.60 Pascal Perrineau et Luc Rouban nous expliquent que cette pratique de l’entre-soi est représentative d’une «privatisation progressive de la sphère publique»61, ils vont même jusqu’à défendre l’idée selon laquelle «les pratiques ou les tentations d’entre-soi de toutes sortes ne permettent plus aujourd’hui au politique de créer un espace commun».62 Il est sûr que négocier et collaborer avec des personnes que l’on a choisies et que l’on connait est plus aisé. Toutefois le constat pessimiste de ces auteurs montre que ce procédé d’organisation remet en cause le système de démocratie et de concurrence libre, ce qui peut être assimilé par certains à une forme de favoritisme qui vient mettre à mal le bon déroulement de la démocratie dans une sphère impactant l’espace public. Le contrôle opéré par l’Atelier sur la maîtrise d’oeuvre s’étend au delà du choix des architectes intervenant dans le processus de projet. En effet, une fois l’architecte choisi, le dialogue reste constant tout au long du projet. Se met alors en place un jeu d’aller-retour régulier entre les esquisses du projet et leur présentation devant les décideurs, ce qui permet alors à tout projet immobilier d’être analysé dans les détails. L’architecte-urbaniste émet des préconisations de par son statut d’expert sur les projets. Le jeu de négociation se développe alors plus particulièrement sur chaque évolution du projet architectural qui est alors discutée, ce qui peut entraîner des modifications du projet urbain. Ces deux échelles s’imbriquent et se trouvent indissociables dans le processus itératif précédemment abordé.63

59 Dictionnaire Larousse en ligne, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/cooptation/19061?q=cooptation#18951 60 PERRINEAU, Pascal et ROUBAN, Luc, La démocratie de l’entre-soi, Les presses de Science Po, 2017 61 Ibid. 62 Ibid. 63 CHRISTY, Hugo, L’urbanisme négocié : Bordeaux, les Bassins à flot, Édition Dominique Carré, Paris, 2016.

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Atelier

Figure 13. Le système de cooptation mis en place par l’Atelier Dans le but de mettre en place la démarche collaborative tout au long du processus de conception, l’Atelier à d’abord choisis les intervenant avec lesquels il allait négocier.

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Les habitants: L’implication des habitants dans le processus du projet urbain passe par la promotion de la participation. Il s’agit d’un «processus au cours duquel les individus vont être sollicités dans la prise de décisions politiques dans n’importe quelle démarche susceptible de les affecter».64 L’importance de la participation des habitants n’est pas une idée neuve dans notre pays: en 1983 déjà, le rapport Dubedout, texte fondateur de la politique de la ville, affirmait que «rien ne se ferait sans la participation active des habitants ».65 Cette idée s’est toutefois concrétisée bien plus tard avec le développement de l’urbanisme durable. Comme l’ont expliqué Claire Carriou et Olivier Ratouis dans Quels modèles pour l’urbanisme durable?, l’urbanisme durable replace l’usager au coeur du projet urbain afin de proposer des solutions adaptées à l’environnement quotidien des personnes qui pratiquent le territoire.66 Plus tard, avec la montée en puissance de l’économie collaborative, la notion d’empowerment se développe et prend toute son importance. Ce concept est apparu aux États-Unis au cours du XXe siècle pour symboliser l’importance grandissante des habitants face à un pouvoir dominant. 64 JORIS, Anthony, «La participation citoyenne dans les projets urbains, enjeux et débats», Urbanisme, 2013 65 DUBEDOUT, Hubert, «Ensemble, refaire la ville», rapport au premier ministre, collection des rapports officiels, 1983 66 CARRIOU, Claire et RATOUIS, Olivier, « Quels modèles pour l’urbanisme durable? », Métropolitiques, 25 Juin 2014.


De la définition de Marie-Hélène Bacqué «la notion d’empowerment indique un processus d’émancipation et d’accès au pouvoir des individus et des groupes».67 Le concept a peu à peu dévié de son sens premier pour devenir synonyme de participation. Dans le cadre du projet urbain, cette participation peut prendre plusieurs formes, comme la consultation, la concertation, le référendum. Comme dit précédemment, la participation est une composante essentielle du projet urbain, mais elle ne peut se mettre en place que par la volonté des politiques. Elle nécessite alors la mise en place d’une plateforme de proximité permettant à chacun de venir et de s’impliquer dans l’action du projet. En ce sens, l’Atelier des Bassins a installé la maison des projets au coeur du territoire des Bassins à Flot. Ouverte depuis 2013 dans le hangar G2, elle accueille tous les publics, que ce soit des habitants, des professionnels ou des visiteurs. Elle regroupe différents objets de collaboration que nous avons avancés, afin que les habitants se sentent impliqués dans le projet. On y retrouve une maquette de l’ensemble de l’intervention, divers supports d’informations, des événements, des expositions. C’est également le lieu où se tiennent les différentes réunions de l’Atelier: elle est en ce sens le support de la mise en relation de tous les acteurs.68. La participation des habitants dans l’élaboration du projet s’est faite sur la base de table rondes et d’atelier de travail. Ils ont ainsi été amenés à discuter et à exprimer leurs envies sur le projet, ce qu’il imaginaient concrétiser plus tard par la publication de petits “livres bleus”. L’Atelier a alors questionné les habitants sur des thèmes relevants de la sphère publique et plus particulièrement sur l’espace public. Il est difficile de mesurer de quelle façon et avec quelle intensité l’implication des citoyens s’est effectuée. Nous pouvons toutefois tenter de mettre en application le travail réaliser par Sherry Arnstein sur le sujet.69 Pouvoir effectif des citoyens Délégation de pouvoir

Participation

Partenariat Réassurance Consultation

Coopération symbolique

Information Thérapie

Non-Participation

Manipulation

Figure 14. Échelle de la participation selon S. Arnstein. 67 BACQUÉ, Marie-Hélène et GAUTHIER, Mario, Participation, urbanisme et études urbaines, Édition De Boeck Supérieur, 2011. 68 Ibid 69 Cf. Annexe 5

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En 1969, cette consultante américaine a proposé l’idée d’une échelle de participation comprenant huit niveaux, chaque barreau mesurant le pouvoir du citoyen. A mesure que l’implication du citoyen prend de l’importance, on s’élève sur cette échelle allant de la «non participation» au «pouvoir effectif des citoyens» en passant par ce qu’elle appelle la «coopération symbolique»70 (Figure14). Cette échelle est encore utilisée par les sociologues pour analyser la participation des usagers de la métropole, et il ressort qu’en France on tend à constituer une échelle à quatre niveaux comprenant l’information, la consultation, la concertation et la participation au pouvoir.71 Au vu de ce qui a été mis en place aux Bassins à Flot, nous constatons que l’implication des habitants dans le processus de projets urbains reste de l’ordre de la «participation symbolique» (pour l’échelle d’Arnstein) ou de la consultation (enquête menée par l’ADELS). Les citoyens sont invités à remplir certaines fonctions dans le projet, mais ils n’exercent pas de réelle influence sur les décisions (Figure 15). On crée ainsi une fausse impression de participation des citoyens, que cela soit délibéré ou non, alors que ceux-ci n’ont aucun mot à dire sur leur contribution et sur ses modalités.

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Atelier

Habitants

Figure 15. L’implication des habitants limitée Au cours du processus de collaboration entre l’Atelier et les habitants, l’impact des revendications et idées des usagers reste très faible.

70 71

ARNSTEIN, Sherry, Ladder of citizen participation, 1969 « Les habitants dans la décision locale », Revue de l’ADELS, Territoires, 2001


Le projet des Bassins à Flot s’est révélé être une nécessité de réaménagement qui a longtemps mûri dans les esprits des élus bordelais. Il a fallu répondre aux exigences financières et idéologiques qui se sont développées au cours des années 2000. En effet, les décideurs ont dû renoncer à acquérir le foncier du site, ou à un lourd accompagnement budgétaire de la part des collectivités. Ils ont alors mis en place le procédé encore nouveau qu’est l’urbanisme négocié, dont la direction a été confiée à un système de gouvernance particulier : l’Atelier. Cette entité, composée par des représentants de la ville, de l’intercommunalité et de l’urbaniste, forme alors un bloc public solide qui va animer et coordonner les négociations avec chacun des acteurs entrant en jeu. Chacun d’entre eux, par le processus de négociation, s’est vu redéfinir son rôle et le cadre dans lequel il intervient. Le dialogue mis en place a permis de mettre en place un processus itératif qui a bouleversé le processus classique de conception urbaine dans le but de synchroniser les temporalités longues d’un projet urbain avec l’immédiateté des besoins des habitants. Nous avons toutefois relevé dans ces chapitres des indices qui peuvent marquer les risques et difficultés qu’un tel procédé induit que ce soit par le système de cooptation mis en évidence ou l’implication limitée des citoyens.

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III. Les risques et limites de la négociation

À l’instar de Marlène Thomassian, nous pouvons classer les risques de la négociation dans le projet urbain en deux catégories : les risques comportementaux et structurels.1

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Les premiers reposent à la fois sur les attitudes, les postures et les initiatives des négociateurs et sur la perception qu’ils ont de la situation de négociation, et sur les processus de communication mis en oeuvre (selon le degré d’ouverture du débat, et selon qu’il intègre ou non les différents points de vue de manière rationnelle et équitable). Les risques comportementaux peuvent ainsi affecter directement les acteurs et leur relation. Les risque structurels, quant à eux, sont liés à des éléments “exogènes constituant la structure de la négociation”. On peut y inclure les objets de collaboration, le contexte, les acteurs en eux-mêmes de par leur statut, leurs intérêts et le rapport de force. Le facteur temps entre également dans cette catégorie puisqu’il s’impose aux acteurs au même titre que ceux précédemment cités. Nous avons évoqué précédemment certains risques comportementaux tels que la situation de cooptation mise en place quant aux choix de la maîtrise d’oeuvre ou l’implication limitée des habitants dans le processus. C’est pourquoi nous faisons le choix ici d’aborder cette seconde catégorie pour en voir les conséquences sur les relations entre acteurs, et donc remettre en question l’aspect collaboratif de l’urbanisme négocié.

1 THOMASSIAN, Marlène, «Pratiques de négociation dans les projets urbains ou la « fabrique » de décisions concertées en vue de réduire le risque d’inacceptabilité sociale», dans 3ème Biennale Internationale de la Négociation, sur le thème : « stratégies de négociation et risques : recherche et applications», Novembre 2007.


1. Un déséquilibre dans les rapport de force en présence Comme le souligne Marlène Thomassian, le facteur temps est un élément décisif dans les risques que peut rencontrer le bon déroulé de la négociation. Au vu des acteurs intervenants dans le processus, il s’agit en effet de faire coincider des «échelles temporelles distinctes»72 qui se rattachent bien souvent à leurs intérêts. La présence d’un élu, par exemple, est raccrochée à la durée de son mandat et vise à sa réélection, en revanche, pour un habitant, le projet urbain doit apporter une réponse plus immédiate car il vise à améliorer son cadre de vie. En citant Godier, l’auteure met en évidence le fait que ces différentes temporalités se croisent et souvent se contredisent, pouvant ainsi nuire à la clarté des enjeux. À cela s’ajoute le fait que l’implication d’un nombre croissant d’acteurs rallonge considérablement le temps théorique du mécanisme de négociation. C’est ce que défend Gilles Novarina en explicitant que la volonté de faire un projet plus souple se traduit normalement par une phase plus longue d’études préalables et de maturation du projet.73 Cependant, il est important de rappeler que les différents acteurs intervenants n’ont pas tous le même rapport de force les uns par rapport aux autres, et cela peut venir bousculer cette temporalité si les intérêts particuliers viennent prévaloir. C’est notamment ce que nous constatons dans notre cas d’étude. En effet, bien que le bloc public formé par l’Atelier des Bassins tente de garder un certain équilibre vis à vis des opérateurs immobiliers, il est est à noter que parfois ce procédé a pu être mis à mal, voire non respecté. En effet, dans son ouvrage, l’Atelier reconnaît qu’un «grand nom de l’architecture ou une grande entreprise peuvent en effet faire levier grâce à leur renom ou leur influence pour obtenir ce qu’ils souhaitent».74 Comme le souligne Jeanine Broucas, présidente de l’association Vivre et Travailler à Bacalan « bien sûr, on ne pouvait pas laisser cette zone en l’état, mais on a un peu trop laissé quartier libre aux promoteurs. » et cela s’est traduit à la fois en termes de temps mais également d’un point de vue spatial sur le résultat obtenu. Lorsque nous analysons les temporalités de ce projet urbain, nous constatons une accélération du processus répondant à la fois à une volonté des politiques de démontrer leurs capacités de réaménagement urbain efficace, et à la recherche de rentabilisation rapide des terrains appartenant aux opérateurs immobiliers. Ainsi, alors que le début de la mission de l’ANMA ne commençait qu’en 2009, les premiers permis de construire étaient délivrés l’année suivante et début 2017, 500 000m2 ont été livrés ou en construction et 3 500 logements sur les 5 000 prévus étaient déjà habités.

72 Ibid.. 73 Ibid. 74 CHRISTY, Hugo, L’urbanisme négocié : Bordeaux, les Bassins à flot, Édition Dominique Carré, Paris, 2016.

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2009 :

Début de la mission ANMA

2010 :

Approbation du PAE des Bassins à Flot Premiers permis de construire

2012 :

Premières livraisons d’opération de bureaux Premières livraisons de logements

2016 :

2 524 logements livrés

Chronologie , vitesse du processus 75

On se retrouve ainsi sur ce qui peut être interprété comme une spéculation du territoire, où il faut construire sur toute la surface disponible et le plus rapidement possible. Toutefois, comme nous l’avons vu précédemment, l’urbain réclame du temps, de la réflexion et, dans la cas d’un Plan Guide, du recul pour pouvoir adapter petit à petit le projet. Cet aspect n’a pu être respecté au Bassin à Flot, de ce fait l’espace urbain reste peu ou pas développé.

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Ce souci d’adaptabilité dans le temps du projet urbain, qui s’est un peu perdu de vue dans la cas des Bassins à Flot, reste un élément important dans la mise en place d’une démarche collaborative. De nombreuses recherches et expérimentations existent aujourd’hui pour replacer la temporalité au coeur de cette démarche. C’est le cas notamment d’une initiative lancée par la métropole toulousaine (31) dans son projet de renouvellement urbain des Izards-Trois-Cocus (Figure 16). Dans le cadre de ce projet, Toulouse Métropole a décidé de mobiliser des dimensions à la fois urbaines et sociales portant sur les thématiques de la concertation, de la sécurité et de l’insertion sociale. Tout comme à Bordeaux, les partenaires ont signé un accord partenarial dans le but d’assurer une action globale et collaborative cohérente. Cet accord engage les acteurs dans le temps et favorise la collaboration. Obras, l’équipe sélectionnée, propose de créer, pas à pas, un maillage d’espaces de rencontres et de liaisons. En 2011, les résultats peu optimistes de la première réunion de concertation avec les habitants font réagir les protagonistes du projet. Alors que le bureau de concertation s’emploie à négocier avec les habitants sur les attentes et la réalité de ce qui peut être réalisé, la maitrise d’ouvrage s’engage à déterminer des actions prioritaires sur l’ensemble du secteur. Chaque secteur fait donc l’objet de transformations organisées dans différentes temporalités. Les décideurs du projet ont déterminé avec la maîtrise d’oeuvre des actions prioritaires, qui viennent structurer de manière globale le territoire : un axe transversal se dégage le long des trois zones principales, devenant le tracé structurant du projet. 75 CHRISTY, Hugo, L’urbanisme négocié : Bordeaux, les Bassins à flot, Édition Dominique Carré, Paris, 2016.


Figure 16. Plan de réaménagement des Izards-Trois-Cocus, Toulouse.


Le reste de l’aménagement s’organise ensuite en deux dernières temporalités espacées de plusieurs années pour permettre de tirer des conclusions de ce qui a déjà été réalisé pour adapter les constructions et programmations à venir. Cette intervention progressive a permis de répondre dans un premier temps aux besoins urgents des habitants et d’assurer un projet urbain cohérent sur le long terme. Dans le cas de notre sujet d’étude, la mise en place d’un projet rapide n’a donc pas permis l’adaptabilité de la programmation et de la forme urbaine développée avec le Plan Guide. Le rapport de force imposé, notamment par les opérateurs immobiliers, a donc non seulement eu des répercussions sur le facteur temps du projet mais également sur la forme urbaine qui en est ressortie. En effet, dans la recherche de la rentabilité de chaque terrain, l’espace public a été quelque peu délaissé, et le projet déterminé par l’Atelier des Bassins s’est vu remis en question et profondément transformé.

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Dans les premières esquisses du Plan Guide, Nicolas Michelin avait démontré une réelle volonté d’assurer la cohérence urbaine de l’ensemble du territoire par le biais de l’espace public, notamment par la requalification des axes majeurs comme la rue Lucien Faure et la mise en place de sentes à l’intérieur du tissu urbain. Se posait alors la question de la mise en place de ces espaces publics sur un territoire où le foncier est géré par le privé. L’urbaniste a alors tenté de faire découler ces espaces publics de la situation cadastrale par le biais de la forte négociation avec les opérateurs privés. On constate cependant, avec le recul de ces constructions déjà réalisées, que la rentabilisation maximale possible des terrains et la densité ont primé sur l’organisation générale et sur l’aspect qualitatif des logements. En effet, certains des bâtiments, allant en moyenne du R+4 au R+10, sont espacés par des sentes de six mètres de large. Cette configuration pose, outre le souci du vis-à-vis très important mais indissociable du fait de vivre en centre ville, celui de la qualité intérieure des logements et plus particulièrement en termes de luminosité, problématique soulignée à la fois par les usagers et par les élus. .

Les bâtiments sont relativement attractifs mais que se passe-t-il dans le temps ? Il y a de la promiscuité entre les bâtiments et je crains qu’il n’y ait pas beaucoup de lumière au premier étage.

Jean-Luc Gleyze, Conseiller départemental du canton Sud-Gironde Les risques structurels que nous avons relevés ici reflètent donc un déséquilibre du rapport de force entre le pouvoir public et le pouvoir privé. Une marge de manoeuvre trop importante serait ainsi laissée aux opérateurs privés qui détiennent l’ascendant financier sur le projet. Pour faire face à ces risques, plusieurs auteurs décrivent des stratégies pouvant être adoptées par les décideurs pour rééquilibrer le débat, dont l’implication des habitants dans le processus de projet urbain.


2. L’implication citoyenne comme prétexte d’acceptabilité Pour comprendre les stratégies politiques auxquelles les négociateurs peuvent se référer pour rééquilibrer ces rapports de force, il convient d’abord de définir ce qu’est l’acceptabilité et comment elle peut intervenir dans le cadre de ces stratégies. L’apparition de ce concept n’est pas sans lien avec le changement de paradigme de la fin des années 1970 : l’émergence du concept du développement durable et, plus tard la notion d’empowerment.76 D’un point de vue sémantique, l’acceptabilité fait référence au caractère de quelque chose qui est plus ou moins acceptable.77 Si l’on considère les synonymes d’acceptable tels qu’admissible, correct, tolérable, valable, voire satisfaisant sur le moyen ou long terme, ce terme induit une notion de jugement des impacts, à la fois positifs et négatifs, et d’acceptation d’une chose par rapport à une autre. Lorsque la notion d’acceptabilité est appliquée au champ de la conception urbaine, cela se traduit théoriquement par un procédé d’implication de tous les citoyens, qui de façon collective déterminent l’acceptabilité et du bien fondé des impacts du projet sur la société.78 Cette implication citoyenne passe donc par la participation publique qui est devenue pour nombre de métropoles une grande préoccupation. Au Québec, par exemple, la participation publique fait partie intégrante des démarches d’aménagement du territoire et de l’urbanisme depuis l’introduction de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (1979), qui soutient que l’aménagement ne peut se faire sans concertation des intervenants et la participation des citoyens. En France, certaines villes mettent également l’habitant au coeur du projet. C’est notamment le cas de la ville de Dax (40) qui, depuis 2008, a mis en place un projet de réaménagement et de réhabilitation du quartier Cuyés. Rencontrant, elle aussi, une incapacité de financement public, la ville de Dax a dû mettre au point une forme d’aménagement progressif laissant une forte place à l’usager. En 2013, elle lance alors un projet d’élaboration d’un Plan Guide de requalification, qui fut remporté par Bruit du frigo, Traverses et Trouillot et Hermel. L’équipe se propose alors d’associer les habitants en amont mais aussi en aval du projet, avec la mise en place de chantiers ouverts, évolutifs et coproduits avec les habitants (Figure 17). Toutefois, comme nous l’avons vu avec le cas des Bassins à Flot, l’implication citoyenne peut rester superficielle et relever en réalité d’une stratégie mise en place par le pouvoir politique pour écarter les risques d’inacceptabilités sociales.79 76 LIZARRALDE, Gonzalo, MAHERZI, Fella Amina, THOMAS-MARET, Isabelle et VIEL, Laurent, L’influence des parties prenantes dans les grands projets urbains 77 Dictionnaire Larousse en ligne , 78 THOMASSIAN, Marlène, «Pratiques de négociation dans les projets urbains ou la « fabrique » de décisions concertées en vue de réduire le risque d’inacceptabilité sociale», dans 3ème Biennale Internationale de la Négociation, sur le thème : « stratégies de négociation et risques : recherche et applications», Novembre 2007. 79 CARBONEAU, Carl, Le projet urbain à l’ère de l’acceptabilité sociale : les tenants et aboutissants de la gestion des parties prenantes au fil du cycle de vie des projets, Université de

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Figures 17. Ateliers de travail organisĂŠ au Cabanon des CuyĂŠs, Dax.


Cette idée défendue par Carl Carboneau reprend le travail de Gilbert Dupont, qui en 2003 distinguait trois stratégies applicables par les négociateurs décideurs pour pallier aux risques de la négociation dans le projet urbain : la stratégie «prudentielle», «ouverte» et «à risque calculé». Les stratégies prudentielles reposent sur la crainte des décideurs de voir le processus de négociation être interrompu par des circonstances, des actions ou des comportements, ce qui éloignerait le résultat obtenu des intentions premières. Les stratégies ouvertes, quant à elles, sont appliquées par le politique lorsqu’il accepte le risque que la négociation représente, qu’il l’assume et considère les modifications apportées comme un gain pour le projet. Enfin, les stratégies dites «à risque calculé» reposent sur la prise de risque volontaire mais également sur le calcul en termes de coût et d’ avantages/ inconvénients qui seront entrainés. Partant de cette base, C. Carboneau défend l’idée selon laquelle le recours à la concertation et la participation des habitants relèverait de la stratégie prudentielle. En effet, bien que parfois le dialogue entre professionnels de l’urbain et habitants débouche sur l’émergence de décisions concertées, l’auteur explique que lorsque cette implication reste superficielle, elle relève en réalité d’un marketing politique visant à donner l’illusion de la participation.80 C’est également ce que défend Sherry Arnstein lorsque, dans son échelle de la participation, elle décrit la participation symbolique. 56

Par ce biais, les participants ont l’impression de s’être investis dans le projet et, de ce fait, légitiment le projet et acceptent mieux les points sur lesquels ils auraient montré un désaccord plus important. En ce sens, les outils que nous avons abordés deviennent non seulement supports de collaboration, mais ils sont également mis au service de ce marketing politique pour renforcer le lien établi avec les citoyens. Cette stratégie mise en place permet ainsi au pouvoir public d’amoindrir le déséquilibre avec le privé, dans le sens où par l’acceptation citoyenne du projet se dégage une sorte de compromis par lequel toutes les parties ont obtenu satisfaction.

3. Le projet métropolitain : mise en place d’un procédé `

plus stratégique que collaboratif

Les chapitres précédents nous ont exposé les principaux risques découlants de la mise en place du procédé de négociation dans la conception urbaine. Il en ressort que le projet urbain à l’heure de la métropolisation se trouve pris entre les enjeux économiques et politiques et consiste souvent en une recherche d’équilibre entre ces deux entités. Comme dans le cas du projet des Bassins à Flot de Bordeaux, la gestion d’un tel aménagement territorial relève plutôt d’un réseau d’acteurs restreint, que Nicolas Douay qualifie d’élitiste. Montréal, Août 2014 80 CARBONEAU, Carl, Le projet urbain à l’ère de l’acceptabilité sociale : les tenants et aboutissants de la gestion des parties prenantes au fil du cycle de vie des projets, Université de Montréal, Août 2014


Cet auteur décrit les enjeux métropolitains comme souvent enfermés dans des «approches techniques et technocratiques» qui ne peuvent être comprises par un grand nombre d’acteurs mais plutôt par une élite81. Il ressort, en effet, que les enjeux métropolitains sont souvent trop complexes pour êtres perçus par les citoyens. C’est dans ce cadre que leur implication reste de l’ordre du symbolique (Figure 18). Ce processus peut paraître élitiste et confisqué par ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir, qu’il soit politique ou économique, ou de savoir (universitaires, journalistes…). Dans cette logique, l’expression du citoyen apparaît circonscrite dans un cadre institutionnel dépassé (débat municipal), et celle de l’habitant ou/et du militant participatif, limitée au cadre ultra local du quartier. Or les enjeux de développement métropolitain se posent à une autre échelle, dépourvue aujourd’hui de 82 représentation démocratique directe. D’un côté se trouvent les élus qui organisent le projet et gèrent son déroulé sans véritablement saisir les opportunités de la participation publique : le cas de Bordeaux à cet égard est particulièrement représentatif, avec la réunion des grand élus de la ville et de la CUB en un seul Atelier. De l’autre, l’élite économique qui participe au processus pèse de tout son poids dans les négociations au vu du pouvoir financier qu’elle possède. 57

Il se met de ce fait en place une proximité entre le pouvoir politique et économique dans le processus pour déterminer les enjeux métropolitain. Se détache ainsi une sorte d’alliance permettant de répondre aux objectifs de concurrence métropolitaine par la mise en place de stratégies communes. Gilles Pinson apporte une vision plus politique du sujet. La planification stratégique s’inscrit dans une logique de projet urbain, mais elle se développe à une toute autre échelle. Ainsi, le projet devient une nouvelle façon de gouverner la ville «qui s’appuie moins sur le pouvoir de commande des institutions publiques que sur leur capacité à mobiliser les acteurs et à faire converger les ressources des divers acteurs du territoire les autour d’initiatives appropriées collectivement.»83 On assiste donc à un basculement de la notion de projet urbain à celle de projet métropolitain. Selon Nicolas Douay, la distinction entre ces deux notions s’effectue sur les approche mise en place. Alors que le projet urbain développe une démarche participative voire collaborative, le projet métropolitain, quant à lui, met en place cette approche stratégique. On peut définir cette démarche stratégique comme un processus itératif, au service de la logique métropolitaine, visant à réévaluer constamment les priorités et les enjeux du projet urbain.84 81 DOUAY, Nicolas, « La planification urbaine à l’épreuve de la métropolisation: enjeux, acteurs et stratégies à Marseille et à Montréal », Géographie, Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III, Université de Montréal, 2007 82 Ibid. 83 PINSON, Gilles, «Projet de ville et gouvernance urbaine. Pluralisation des espaces politiques et recomposition d’une capacité d’action collective dans les villes européennes», Revue Française de Science Politique, 2006 84 DOUAY, Nicolas, op. cit.


Alors que la démarche collaborative désire rassembler tous les acteurs au sein du processus de projet urbain, la réalité des rapports de pouvoir et des différences de ressources entre les différents acteurs oblige à prendre du recul vis-à-vis de cette vision. Michel Gariépy et Olivier Roy-Baillargeon constatent toutefois que les approches stratégiques et collaboratives, bien que différentes, tendent à se rapprocher, voire à se compléter, dans la mise en place du processus de projet.85

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Figure 18. Stratégie de conception élitistes.

85 GARIÉPY, Michel et ROY-BAILLARGEON, Olivier, Gouvernance et planification collaborative. Cinq métropoles canadiennes, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2016



CONCLUSION


L’économie collaborative s’est révélée être le nouveau modèle socioéconomique prédominant les années 2010. Initiée par une recherche de consommation alternative à l’hyper-consommation, pour palier aux résultats de la crise économique, il en a découlé la mise en place d’un procédé d’organisation entre les acteurs ayant pour double objectif de répondre aux préoccupations financières grandissantes et une ambition de vivre-ensemble. Cette démarche collaborative s’est peu à peu étendue au travers de nombreux champs parmi lesquels la conception urbaine ne fait pas exception. Elle a favorisé l’émergence d’un nouveau mode de fonctionnement et de pensée du processus de projet urbain, ayant pour finalité de redéfinir les rôles attribués à chacun des acteurs impliqués. En effet, le manque croissant d’apport financier de la part des collectivités a eu pour conséquence l’association de plus en plus importante de l’acteur privé dans les affaires publiques. En ce sens, la mise en relation des acteurs suscités repose sur une modalité d’interaction particulière, centrale et efficiente : la négociation. On voit alors se développer la notion d’urbanisme négocié, qui a peu à peu entrainé la révision des mécanismes et des outils mis en oeuvre. Les prémices d’un tel procédé se sont engagés avec le travail porté par Alexandre Chemetoff sur l’île de Nantes, mais c’est aux Bassins à Flot de Bordeaux que l’image de l’urbanisme négocié s’est forgée. Ainsi, par le biais de ce cas d’étude, ce mémoire avait pour objectif de comprendre et de questionner les mécanismes de négociation entre les acteurs du projet urbain. L’une des particularités de l’exécution de la négociation dans ce projet est qu’elle repose sur un nouvelle entité regroupant le pouvoir politique du projet, à savoir l’Atelier des Bassins à Flot. Ce système de gouvernance vient coordonner et animer les négociations avec tous les acteurs entrant en jeu. De cette étude, il ressort que bien que l’idéologie de la démarche collaborative soit louable, dans la mise en pratique elle révèle de nombreux risques. Ces derniers relèvent d’un constat: le projet urbain est soumis à un rapport de force que seules les «élites» peuvent concurrencer, et les habitants se retrouvent très vite relégués ou embrigadés dans un simulacre de participation publique.


Le déroulement du projet urbain est alors échafaudé dans le but de répondre à une stratégie à la fois politique et économique : la concurrence métropolitaine. Le projet négocié tend à devenir davantage un projet stratégique que collaboratif sous l’influence du pouvoir économique, qui est à la recherche de la rentabilisation et du profit, et du pouvoir politique, qui vise à travailler l’image de la métropole. Dans ce cadre, et en s’appuyant sur les travaux de Gilles Pinson, la conception urbaine devient une nouvelle façon de gouverner la ville à l’échelle métropolitaine, ce qui s’accompagne d’un basculement de la notion de projet urbain à celle de projet métropolitain. Sans prétendre que le cas des Bassins à Flot est représentatif de processus de projet métropolitain, on constate toutefois une certaine distance entre le contenu théorique des intentions de projet et le résultat obtenu, en particulier en ce qui concerne la démarche collaborative, qui reste encore un concept théorique assez éloigné de la réalité des pratiques. Ce constat soulève la question de l’articulation entre la théorie et sa mise en application. Cela est d’autant plus vrai, lorsque la conception urbaine entre au contact de la métropolisation, de par la complexification des enjeux déjà en présence. L’objectif est désormais de réussir à articuler la dimension spatiale de la dimension stratégique et collaborative. Ce défi, imposé aux acteurs et aux penseurs du territoire par le processus de métropolisation, ne semble pas encore tout à fait relevé. Nous pouvons donc nous interroger sur le futur de la conception urbaine, et sur la façon dont les évolutions théoriques vont être amenées à répondre à cette réarticulation nécessaire.



BIBLIOGRAPHIE


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Conférence

Co-Urbanisme, dans «Commun(s), Intersection de choses communes», Cycle d’exposition - Conférences - Atelier, Maison de l’architecture d’Aquitaine 308, 11 janvier 2018.



TABLE DES FIGURES


Figure 1. Schéma représentant les nombreux champs de l’économie collaborative.

Source: Auteur

Figure 2. Rôles des acteurs dans le développement du projet.

Source: Auteur

Figure 3. Mécanisme du projet urbain.

Source: Auteur

Figure 4. Plan d’état des lieux - Janvier 2003.

Source: Agence Alexandre Chemetoff & Associés, http://www.alexandre-chemetoff.com/wpcontent/uploads/2016/03/nantes_ile-de-nantes_2000-2012_alexandre-chemetoff_1.pdf

Figure 5. Plan de réaménagement - Octobre 2008.

Source: Agence Alexandre Chemetoff & Associés, http://www.alexandre-chemetoff.com/wpcontent/uploads/2016/03/nantes_ile-de-nantes_2000-2012_alexandre-chemetoff_1.pdf

Figure 6. Schéma explicatif du modèle opératoire de négociation.

Source: Auteur

Figure 7. Les Bassins à Flot - Années 1950.

Source: Site internet des Bassins à Flot, http://www.bassins-a-flot.fr/bassins-a-flot-entrepasse-present/une-histoire-au-long-cours/

Figure 8. Plan Guide - Bassins à Flot - Septembre 2013

Source: Site internet des Bassins à Flot, http://www.bassins-a-flot.fr/wp-content/ uploads/2014/06/131203_BAF_MDP_4Pre%CC%81sentation-plan-guide-.pdf

Figure 9. Fonctionnement de l’Atelier des Bassins.

Source: Redessiné par l’auteur, document original : CHRISTY, Hugo, L’urbanisme négocié : Bordeaux, les Bassins à flot, Édition Dominique Carré, Paris, 2016, p. 37.

Figure 10. Définition du processus itératif mis en place.

Source: Redessiné par l’auteur, document original : CHRISTY, Hugo, L’urbanisme négocié : Bordeaux, les Bassins à flot, Édition Dominique Carré, Paris, 2016, p. 40-41.

Figure 11. Relation entre acteurs en question.

Source: Redessiné par l’auteur, document original : CHRISTY, Hugo, L’urbanisme négocié : Bordeaux, les Bassins à flot, Édition Dominique Carré, Paris, 2016, p. 34.

Figure 12. La négociation Opérateurs privés - Atelier.

Source: Auteur

Figure 13. Le système de cooptation mis en place par l’Atelier.

Source: Auteur

Figure 14. Échelle de la participation selon S. Arnstein.

Source: Redessiné par l’auteur, document original : http://www.le-citoyen.fr/2016/02/lechelle-de-participation-arnstein-hart.html

Figure 15. L’implication des habitants limitée.

Source: Auteur

Figure 16. Plan de réaménagement des Izards-Trois-Cocus, Toulouse.

Source: Agence Obras, http://www.obras.fr/projet.php?id=57

Figures 17. Ateliers de travail organisé au Cabanon des Cuyés, Dax.

Source: Agence Bruit du Frigo, http://www.bruitdufrigo.com/index.php?id=176

Figure 18. Stratégie de conception élitistes.

Source: Auteur



ANNEXES

ANNEXE 1: Différenciation des notions liées à la démarche collaborative ANNEXE 2: Acteurs du projet des Bassins à Flot ANNEXE 3: Différenciation des démarches théoriques de projet urbain ANNEXE 4: Projet métropolitain de Bordeaux 2030 ANNEXE 5: Échelle de la participation de Sherry Arnstein


Annexe 1

Différenciation des notions liées à la démarche collaborative

Sujet Principal Caractérisation

Définition du dictionnaire Larousse des termes clefs

Économie collaborative (Collaborative economy)

Collaboration: de coopérer, de travailler avec une ou plusieurs autres personnes.

Notions Voisines Définition du dictionnaire Larousse des termes clefs

Principales différenciations des termes

Économie du partage (Share economy)

Partage: Action de diviser une chose en portions avec d’autres personnes

Économie du partage et économie collaborative sont synonymes pour certains, car elles cherchent à couvrir ces champs d’expériences où les objets circulent de main en main, où l’on accueille des voyageurs, où l’on s’organise pour remplir sa voiture d’autres passagers… Et elles ont sans aucun doute une proximité : celle de l’efficacité et de l’optimisation de l’usage.. Elles se différencient cependant par le procédé d’organisation où, à la différence de l’économie du partage, l’économie collaborative favorise l’échange des savoir et des savoir-faire.

Économie de pair à pair (Peer to peer economy, p2p)

Pair: Personne de même situation sociale, de même titre, de même fonction qu’une autre personne. Situation d’égale à égal.

Le p2p, qui est une forme d’économie de réseaux, se distingue d’autres formes d’économies naissantes basées également sur des logiques de réseaux, dans lesquelles des individus réalisent des transactions sous la forme collaborative mais qui restent très installées dans la logique du profit et de la compétition.

Caractérisation


Notions Voisines Caractérisation

Économie sociale et solidaire (ESS)

Définition du dictionnaire Larousse des termes clefs

Principales différenciations des termes

Social: Qui se rapporte à une société, à une collectivité humaine considérée comme une entité propre.

L’économie collaborative n’a pas toutes les vertus qu’on lui prête souvent. C’est principalement en ce point qu’elle se distingue de l’ESS. Les entreprises qui participent à l’ESS tentent en priorité de répondre à des besoins fondamentaux que sont l’éducation, la santé, l’emploi et l’environnement. L’économie collaborative elle a tendance plutôt à la rentabilisation du capital.

Solidaire: Qui est ou s’estime lié à quelqu’un d’autre ou à un groupe par une responsabilité commune, des intérêts communs

Mouvement coopératif et participatif

Coopération: Mode d’organisation sociale qui permet à des individus ayant des intérêts communs de travailler ensemble avec le souci de l’objectif général. Participation: Action de prendre part à quelque chose.

La distinction entre le mouvement coopératif et participatif et celui collaboratif s’opère en distinguant les relations qu’entretient chaque individu avec les membres du groupe, sa responsabilité par rapport aux actions, sa capacité à influer sur la définition et l’enchaînement des actions permettant d’atteindre l’objectif assigné au groupe. D’autre part, tout comme pour l’économie du partage, la notion d’échange des savoir et des savoir faire n’est pas aussi développée que pour l’économie colaborative.


Annexe 2

Acteurs du projet des Bassins à Flot

Urbanistes/ Paysagistes/ Bureaux d’études

Entreprises

ANMA Hors Champs Artélia CETAB Pascal Cribier ARCUS TRIBU Robert Coustet Ducaroy Grange Egis Seppa Fabien Reix Service public Bordeaux Métropole (Anciennement CUB) Bordeaux Port antlatique Ville de Bordeaux ADEME Architectes des bâts. France DDTM DRAC/CRMH La Poste Opérateurs Immobiliers Promoteurs Altarea Cogedim Aqprim Bouygues Immobilier CFA Atlantique Crédit Agricole Immobilier Eiffage Immobilier Fayat Immobilier Fradin Groupe Legendre Icade Interparking Kaufman & Broad Nexity NFU Océanis Pichet Pitch promotion Redman SACIF Safran Immobilier SCI Batna Vinci Immobilier

Bailleurs Aquitanis Clairsienne Domofrance Le Foyer Logévie Mésolia

Adunic ARMI Babilou Bistrot Régent Cabinet Rivière et Morlon Carmo France Crédit Agricole d’Aquitaine Domytis EDF Energie des Bassins Galantaise des Bassins H36 Iboat La Dame LCL Moonharbour No Name Ville Envie V. Pommier Associations Alpea Ecole du cirque Emmaüs Habitat Jeune Le Levain Les Vivres de l’Art Garage Moderne MC2A Planète Mer Union régionale des PACT Journal de Bacalan BXA Esprit Voile Chantier Naval Arpeje Croiseur d’Aquitaine Marins de Bordeus Associations BMA Cité du Vin Arthur Loyd Tourny Meyer Vallée bleue


Annexe 3

Différenciation des démarches théoriques de projet urbain

Différentes démarches théoriques

Origine

Acteurs

Rôle du plannificateur

Hierachie

Processus décisionnel

Outils

Contenu

Traditionnelle

Participative

Collaborative

Années 1950. Modèle Culturaliste (attaché au passé) et progresiste (tourné vers l’avenir avec les CIAM)

Début des années 1990. Modèle ammené avec le développement durable et la Charte d’Aalborg

Fin des années 1990. Mouvement marxiste, luttes urbaines et travaux d’Habermas sur la communication

Acteurs traditionnels : Responsables poliresponsables politique tiques et plannificaet plannificateur teurs avec la participation des usagers

Multiplications des acteurs et corps de métiers avec la participation des usagers pour construire un consensus

Rôle central assuré Rôle de sachant qui fait Rôle de médiateur et de par ses connaissances face aux «profanes» négociateurs pour se scientifiques et techmettre au service de la niques communauté Hierarchie très forte Hierarchie importante Pas de hierarchie, ils entre les acteurs mais prise en compte travaillent sur un pieds des besoins des usad’égalité gers Centralisé, vertical, au- Fermé sur les acteurs toritaire qui détiennent le savoir Top Down

Ouvert, ascendant, interactif Bottom Up

Réglementation avec Règlementation, table Communication, noupratique du zonage des ronde, concertation velle technologie, ressols ponsabilisation des acteurs Plan global centré sur Projet en partie spaun zonage des fonc- tialisé centré sur les tions enjeux particuliers du territoire et ses usagers

Projet en partie spatialisé centré sur la volonté d’intérection entre les acteurs par la mise en place de valeurs communes


Annexe 4

Projet mĂŠtropolitain de Bordeaux 2030

(Source: http://www.bordeaux2030.fr )


Annexe 5

Échelle de la participation de Sherry Arnstein

Participation

Niveau 8: Prise de décision en commun ; Un projet ou des idées sont initiés par les citoyens et les politiques participent au processus de décision en tant que partenaires. Niveau 7: Initiative et direction des citoyens ; Un projet ou des idées sont initiés et gérés par des citoyens Niveau 6: Initiative des politiques, partage de la décision avec les citoyens ; Le projet est initié par les politiques, mais les citoyens sont invités à participer au processus de décision et à prendre des responsabilités en tant que partenaires égaux.

Non-participation

Coopération Symbolique

Niveau 5: Consultation et information des citoyens ; Le projet est initié et géré par les politiques, mais les citoyens apportent leurs avis et suggestions et sont informés de l’impact de leurs suggestions sur les décisions finales ou sur les résultats. Niveau 4: Information des citoyens et délégation de certaines fonctions ; Le projet est initié et géré par les politiques ; les citoyens sont invités à remplir certaines fonctions spécifiques ou à réaliser certaines tâches dans le cadre du projet, mais ils sont conscients des limites de leur influence réelle. Niveau 3: Participation symbolique ; Les citoyens sont invités à remplir certaines fonctions dans le projet, mais ils n’exercent aucune influence réelle sur les décisions. On crée ainsi une fausse impression de participation des citoyens (délibérément ou non), alors que ceux-ci n’ont aucun mot à dire sur leur contribution et sur ses modalités. Niveau 2: Participation à titre décoratif ; Dans le projet, les citoyens ne remplissent aucun rôle significatif (en dehors de leur simple présence). Ils sont des sortes d’objets décoratifs auxquels on donne une place bien visible dans le projet ou l’organisation pour que les personnes extérieures ne manquent pas de les remarquer. Niveau 1: Manipulation des citoyens ; Les citoyens sont invités à participer au projet mais n’ont aucune influence réelle sur les décisions et les résultats. Leur présence est en fait utilisée pour parvenir à d’autres buts, comme remporter les élections locales, présenter une institution sous un jour favorable ou bien obtenir des fonds supplémentaires de la part des institutions qui soutiennent la participation des citoyens.

(Source: http://www.le-citoyen.fr/2016/02/l-echelle-de-participation-arnstein-hart.html )



L’économie collaborative s’est révélée être le nouveau modèle socio-économique prédominant les années 2010. Induite par une recherche de consommation alternative et dans une ambition du vivre ensemble, on se trouve aujourd’hui face à un réel engouement pour ce que nous appelons le syndrome du “co-”. La démarche collaborative qui en découle a révolutionné les interactions entre acteurs métropolitains, les protagonistes de la conception urbaine ne faisant pas exception. Dans une volonté de renouvellement urbain, la métropole bordelaise est venue concrétiser cette nouvelle approche en rupture avec les procédés traditionnels. C’est ainsi qu’est né le projet des Bassins à Flot, témoin d’une recherche de projet misant sur l’intelligence collective. Ce mémoire revient sur la mise en place d’un tel processu en expliquant comment, pourquoi et avec quelle finalité l’urbanisme négocié est venu bouleverser la conception urbaine.


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