Qu’en est-il de l’accessibilité des lieux publics ? NONCLERCQ Gilles Mots-clés : accessibilité / PMR / espace public / patrimoine
Aujourd’hui, l’accessibilité des centres villes fait partie des préoccupations principales dans les enjeux liés à l’aménagement urbain. Mais rendre accessible des centres villes et patrimoines historiques reste un problème pour ces personnes. Comme nous le savons, l’attractivité des centres villes et patrimoines historiques est dû au charme de ses ruelles étroites, de ses pavés irréguliers et de ses trottoirs sinueux. Cet article fait état des registres de l’accessibilité et plus particulièrement de celle des personnes à mobilité réduite. Ce qui leur est accessible et ces limites. L’accessibilité est un terme souvent utilisé dans la réflexion et la conception des villes. Ces vingt-cinq dernières années, la réflexion sur l’accessibilité à l’espace public connait une évolution favorable, tant bien que par l'accès à la voirie, aux transports et plus largement aux espaces publics que par les pratiques d'accès des piétons aux locaux d'habitation, lieux de travail et établissements recevant du public, avec l'application du dispositif réglementaire voté depuis 1975. Une réflexion qui demeure aujourd’hui centrale dans les débats sur l’accessibilité des piétons à la ville, et plus encore pour celle des personnes à mobilité réduite (PMR), qui représentent une part importante de la population. L’un des enjeux de l’aménagement urbain est donc de pouvoir offrir à chacun le droit d’être quotidiennement autonome, en particulier dans les lieux publics. Donner le droit à tous d’accéder à toutes les informations et tous les éléments de la ville de la même manière.
Les trois registres de l’accessibilité L’accessibilité est un terme qui est initialement utilisé dans le monde du handicap, toutefois, il peut s’étendre à l'ensemble des citoyens pour désigner l'accès à des domaines particuliers (physique, éducatif, culturel, numérique, travail, santé). L’accessibilité ne signifie pas seulement la manière de se rendre physiquement dans un espace mais désigne aussi une forme plus large d’accéder à cette espace. Ces domaines peuvent donc être classés selon trois registres, qui sont l’accessibilité physique, géographique et sociale. Ces registres englobent plus largement les divers moyens de pratiquer la ville, et ont pour point commun ce que l’on pourrait qualifier d’effort à accomplir. Pour résumer, les moyens (infrastructures, bus, trams, rampes handicapés…) mis en place pour atteindre un but (aller au travail, ce rendre dans un espace public…). Dans un premier temps, l’accessibilité désigne la condition d’accéder physiquement à des équipements publics, à des véhicules, à des bâtiments ou encore à des activités, pour des
personnes dont la mobilité est considérée comme réduite par rapport à un standard relevant de la convention (PMR). Pour permettre une accessibilité physique à ceux-ci, des outils de l’ordre de l’aménagement technique vont pour la plupart du temps être mis en place. Dans un second temps, elle désigne la condition d’accéder à un territoire (géographique), ou plus précisément à des ressources comme le travail, les services ou les commerces, caractérisés par leur localisation géographique par rapport aux populations qui veulent s’y rendre. Dans ce cas, les outils qui permettent d’accéder aux ressources sont des réseaux d’infrastructures de communication tels que les routes, les voies ferrées, les voies d’eau, les lignes aériennes, mais aussi les réseaux de télécommunications. Enfin, l’accessibilité désigne également la capacité d’une population à profiter d’un bien ou d’un service (sociale), c’est-à-dire de pouvoir acquérir un bien, ou de pouvoir acquitter le coût d’usage pour un service comme l’éducation ou la santé par exemple. Acquérir un bien ou payer un usage ne relève pas seulement d’une question financière mais implique également une dimension culturelle. Les outils de l’accessibilité sociale relèvent donc des politiques publiques à travers la fiscalité, la tarification ou la subvention. Ces trois registres, d’interprétation de la même notion d’accessibilité, modèlent la ville d’aujourd’hui. Ils renvoient, comme nous pouvons le voir, à des domaines bien différents et impliquent des cultures professionnelles également différentes de façon à problématiser les manières d’accéder et de pratiquer la ville. Cela étant, nous allons plus particulièrement nous intéresser à l’accessibilité physique des espaces publics étant donné qu’elle occupe une place importante dans le contexte actuelle de la société.
Le parcours de l’accessibilité Les enjeux liés à l’intégration des personnes à mobilité réduite sont de plus en plus importants depuis une dizaines d’années mais aussi depuis la prise de conscience progressive que leur situation n’est pas toujours confortable dans l’espace public. Les mesures et initiatives, en faveur de l’accessibilité pour tous, commencent maintenant à être intégrés et désormais obligatoires, dans les nouvelles conceptions et constructions architecturales et urbaines à travers l’introduction de normes PMR. Selon la définition légale, une Personne à Mobilité Réduite (PMR), inclut l’ensemble des personnes qui éprouvent des difficultés à se déplacer, de manière provisoire ou permanente. Il s’agit de toutes : « les personnes ayant des difficultés pour accéder à un espace ou utiliser les transports publics, telles que, les personnes souffrant de handicaps sensoriels et intellectuels, personnes en fauteuil roulant, personnes handicapées des membres,
personnes de petite taille, personnes âgées, femmes enceintes, personnes transportant des bagages lourds et personnes avec enfants (y compris enfants en poussette)». C’est depuis la fin de la première guerre mondiale, suite au grand nombre de mutilés, qu’on se rend compte que les personnes atteintes d’un handicap doivent être mieux intégrées à la société. En effet, ces personnes considérées comme handicapées sont obligées de s’adapter aux contraintes des normes de la société et souffrent ainsi d’une exclusion sociale. Cependant, les années 60 et 70 vont être le début d’une nouvelle ère pour les personnes à mobilité réduite. Ces années vont alors marquer l’intégration de ces dernières dans la société et vont être portées par des associations de personnes handicapées. La mise en accessibilité est devenue de plus en plus cadrée légalement, et est même devenue un support à l’intégration des personnes à mobilité réduite dans la société. Simone Veil va prononcer, le 30 juin 1975, la première loi en faveur des handicapés. Cette loi va fortement marquer l’intégration des personnes à mobilités réduite dans la société, en posant le cadre juridique de l’action des pouvoirs publics sur la mise aux normes de l’accessibilité des lieux publics. Suite à cette loi, d’autres vont s’en suivre dans la même optique d’intégration des personnes à mobilités réduites. Enfin, la politique du handicap prend un nouveau tournant depuis 2005, avec la sortie de la loi pour « l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », signé le 11 février 2005. Elle est l'une des principales lois sur les droits des personnes handicapées depuis la loi de 1975, et va apporter de nombreux changements. Les premières lignes de la loi rappellent les droits fondamentaux des personnes handicapées et redonnent une définition du handicap : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. ». Les communes et établissements publics doivent donc établir, depuis 2007 et après application de cette loi, un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics pour permettre aux personnes handicapées ou à mobilité réduite d’avoir la plus grande autonomie possible. Une mise en accessibilité désormais obligatoire et qui est un enjeu quotidien des villes, rendre accessible tout pour tous. Cependant une question subsiste, qu’en est-il de la mise en accessibilité du patrimoine et des lieux historiques, qui, comme on le sait, font la richesse de la France ?
Des lieux
symboliques, d’une richesse architecturale passée à caractère culturel local, mais qui pourtant ne sont pas nécessairement accessibles à tous.
Dualité entre patrimoine et accessibilité L’application des lois sur l’accessibilité concerne les nouvelles constructions mais également les constructions existantes. Comme nous avons pu le voir, en France, toutes les communes ont pour obligation de réaliser, et cela depuis 2007, un plan de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics de manière à rendre tous les domaines publics accessibles. De la même manière, tous les établissements déjà existants recevant du public ont pour obligation de réaliser des travaux qui permettront à tout le monde d’y accéder et d’y effectuer les mêmes actions, sans distinction ni discrimination. Mais rendre accessible le cadre existant signifie également rendre accessible les centres villes, même ceux historiques. En effet, quoi de moins accessible qu’une rue revêtue de gros pavés arrondis, déchaussés pour certains ? Quoi de moins accessible qu’un trottoir exigu qui n’a pas la largeur requise pour accueillir une personne en fauteuil roulant ? Quoi de moins accessible que des terrasses qui prennent parfois toute la largeur du trottoir pour accueillir davantage de visiteurs ? Ces quelques exemples illustrent bien les situations qui peuvent être un frein à l’accessibilité des PMR sur les sites historiques. Mais pour autant, ils montrent bien aussi que c’est ce même frein qui fait le charme de ces centres villes ainsi que leurs attractivités. Nous pouvons prendre un autre exemple, la ville de Lisbonne, construite sur un territoire vallonné avec des rues abruptes, pavées et des trottoirs étroits et escarpés. Les seuls trams qui peuvent rendre accessible cette ville possèdent tous une grande marche pour y monter. Cette ville a des conditions non favorables aux déplacements d’une personne à mobilité réduite, mais qui pourtant à beaucoup de charme.
Photo de Colleen McNamara, Rue et tramway de Lisbonne, 2015.
Que faire face à ces situations embarrassantes ? Ces lieux ne sont, pour la plupart, pas aménagés pour les visiteurs handicapés, ce qui conduit à une inégalité devant l'offre culturelle. Face à ce questionnement, sur les conditions d'accès des personnes à mobilité réduite, sur ces sites classés au patrimoine ou ces monuments historiques qui accueil du public, le Ministère de la culture et de la communication tente de répondre :
« L'honorable parlementaire a bien voulu appeler l'attention du ministre de la culture et de la communication sur les conditions d'accès des personnes à mobilité réduite dans les monuments historiques accueillant du public. Il est de fait que les monuments historiques ne sont pas toujours accessibles aux personnes à mobilité réduite et que leur accessibilité physique ne peut être envisagée dans de nombreux cas pour des raisons techniques qui nécessiteraient d'engager des travaux qui porteraient gravement atteinte à l'intégrité historique des édifices. En outre, il s'avère difficile, dans un certain nombre de cas, d'offrir aux personnes handicapées des solutions d'évacuation d'urgence assurant une sécurité équivalente ou au moins approchant celle dont bénéficie l'ensemble du public. Mais, pour ce qui concerne les monuments appartenant à l'État et dès lors que les études ont montré que des aménagements étaient possibles, j'ai demandé à mes services de mettre en œuvre dans les meilleurs délais les travaux qui permettent de visiter les monuments dans de meilleures conditions. C'est ainsi que des aménagements sont en cours par exemple dans la cour du château de Chambord ou ont été réalisés notamment à l'Arc de triomphe de Paris, et plus largement dans les cathédrales (…). En particulier, les nouvelles technologies seront utilisées autant que possible dans les monuments historiques appartenant à l'État, afin que les personnes handicapées puissent bénéficier des mêmes informations que les autres visiteurs. » Le Ministère de la culture et de la communication.
La mise en accessibilité, pour la population à mobilité réduite, de ces centres historiques est un défi pour lequel il faudra trouver des alternatives les mieux adaptées. Parfois une solution technique peut être appliquée, comme une rampe handicapée, mais souvent il est difficile de trouver une solution technique qui permette à la fois de donner de l’autonomie aux personnes à mobilité réduite et de conserver le caractère particulier et attractif du site. Car, venir construire une rampe en béton venant recouvrir les vieux pavés des rues de vieux villages serait inimaginable. Comment trouver un équilibre durable entre le charme des villes historiques et la mise en accessibilité performante pour les personnes à mobilité réduite ? Cependant, il existe aujourd’hui divers services qui permettent d’offrir une alternative aux personnes qui ont des besoins particuliers en termes de mobilité. On propose, par exemple, dans certaine ville historiques des charrettes tirées par des chevaux pour se déplacer dans le centre. Cette méthode permet de profiter au mieux du site par le biais d’un moyen de
locomotion qui renforce son caractère historique. Il existe également des alternatives humaines, pour lesquelles du personnel est sollicité, mais qui ne garantissent pas une autonomie totale aux personnes à mobilité réduite. S’il est nécessaire aujourd’hui, de rendre accessible l’ensemble des lieux publics afin que l’offre culturelle soit rendu praticable de manière égale à tous, il faut néanmoins se demander jusqu’où les aménagements de mise en accessibilité doivent être poussés pour éviter une trop grande modification de l’environnement où ils se trouvent. En effet, si l’on envisage des travaux trop lourds dans des lieux historiques, cela aurait pour conséquence de les dénaturer et leur faire perdre tout leur charme. Même s’il existe de multiple alternative, l’objectif est maintenant de trouver un juste équilibre entre une autonomie sociale et fonctionnelle des personnes à mobilité réduite et la conservation du patrimoine historique des villes.
Bibliographie Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (Certu). « Accessibilité des espaces publics urbains, outil d’évaluation ergonomique ». 2005. THOMAS Rachel. « L'accessibilité des piétons à l'espace public urbain : un accomplissement perceptif situé ». Espaces et sociétés, 2004, n°113-114, pp. 233-249. Handicap.fr, « définition de PMR », 2002, consulté le 13 décembre 2017. URL : https://glossaire.handicap.fr Talentéo, tous les talents accessibles. « Partez pour un séjour accessible à Lisbonne », 27 février 2015, consulté le 22 novembre 2017. URL : https://www.talenteo.fr Laurent-Polz Clémentine, Article réalisé dans le cadre d’un atelier pédagogique organisé à l’Ecole de Design de Nantes Atlantique, « Les parcours urbains » Janvier 2014, consulté le 13 décembre 2017. URL : http://www.accessibilite-patrimoine.fr Demain la ville, écrit avec l’aide de Bouyges Immobilier, « faut-il tout rendre accessible ? », 13 novembre 2017, consulté le 22 novembre 2017. URL : http://www.demainlaville.com Charles Gautier, « Accès des handicapés dans les bâtiments historiques » question écrite n°05708 de M.Charles Gautier, publiée dans le JO sénat du 13 février 2003, page 524. Consulté le 10 janvier 2017. URL : https://www.senat.fr Ministère de la culture et de la communication, Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, consulté le 22 novembre 2017. URL : https://www.legifrance.gouv.fr Ministère de la culture et de la communication, Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour L'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, consulté le 13 décembre 2017. URL : https://www.legifrance.gouv.fr Wikipédia, « accessibilité », dernière modification de cette page a été faite le 25 octobre 2017, consulté le 22 novembre 2017. URL : https://fr.wikipedia.org