L'action culturelle en milieu rural. L'ambivalence d'un processus contemporain - Saur justine

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L’ACTION CULTURELLE EN MILIEU RURAL L’AMBIVALENCE D’UN PROCESSUS CONTEMPORAIN

Justine Saur



L’ACTION CULTURELLE EN MILIEU RURAL L’AMBIVALENCE D’UN PROCESSUS CONTEMPORAIN

Justine Saur Mémoire de master en architecture - Parcourt IAT enseignants : Xavier Guillot et Julie Ambal Juin 2017 ensapBx


TABLE DES MATIÈRES

AVANT PROPOS

P.07

INTRODUCTION

P.08

PARTIE I : VERS UNE GLOBALISATION DE LA CULTURE RURALE ?

P.11

P.14

1.1. DE LA FÊTE DE VILLAGE … l’entrée de la paysannerie dans la modernité

P.15

le rôle des fêtes de village dans la vie collective

P.17

cas des fêtes landaises (40)

de la désertification à l’ère des néo-ruraux

P.20

1.2. … À LA STANDARDISATION DE L’ACTION CULTURELLE

P.22

le phénomène de festivalisation

P.23

le festival folklorique, muséification de la fête paysanne

P.26

cas des fêtes landaises (40)

le festival importé, standardisation de la culture

P.28

cas des festivals des Vieilles Charrues (29), du Reggae Sun Ska (33) et Jazz in Marciac (32)

le festival militant, création de nouvelles richesses cas d’Uzeste Musical (33)

4

P.32


PARTIE II : VERS L’EXCEPTION RÉGIONALE DE LA CULTURE RURALE ? 2.1. LES POLITIQUES CULTURELLES EN MILIEU RURAL ...

P.37

P.40

l’évolution politique culturelle et la décentralisation

P.42

l’économie créative appliquée au monde rural

P.44

cas d’Ecurey Pôle d’Avenir (55)

2.2. … SOUTENUES PAR LE PROJET ARTISTIQUE

P.48

la rencontre vertueuse entre civils et politiques

P.49

cas de la compagnie Azimuts (55)

le processus artistique, outil d’éducation populaire

P.54

cas du collectif ETC (63)

2.3. L’INITIATIVE CITOYENNE, QUELLE AUTONOMIE ? l’intérêt collectif et le rôle des associations

P.60 P.61

cas des Chantiers Tramasset (33)

une autre vision du développement local, produire du sens pour solidariser un territoire

P.66

expérience du workshop (70) et cas le la ferme de Vernand (42)

la contre-culture, les squats ruraux et le nomadisme

P.70

cas de la papeterie (33)

CONCLUSION

P.75

BIBLIOGRAPHIE

P.79

TABLEAU DES ILLUSTRATIONS

P.85

ANNEXE

P.89

5


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AVANT PROPOS

¿JXUH DFUREDWLH FROOHFWLYH DX &LUTXH pFODLU

¿JXUH -RXUQpH GH EpQpYRODW DX[ &KDQWLHUV 7UDPDVVHW

Tout a commencé au Cirque Eclair, association de cirque et des arts de la rue dont je fais partie. Depuis sa création il y a 30 ans quai de Brazza à Bordeaux, ses membres sont allé monter leurs propres projets et une majorité s’est installée dans l’Entre-deux-mers. En dehors de ce noyau fondateur, un des premiers lieu que j’ai découvert s’appelle le Garage Lézarts, tenu par des artistes / artisans à Lestiac. Ils ont décidé de vivre dans leurs caravanes autour d’un garage qu’ils ont acquis. En plus de perpétuer sa fonction initiale de garage, ils en ont fait un lieu de création. Ils construisent des décors de spectacle de rue et ont aménagé un espace dédié aux résidences artistiques. Ils organisent régulièrement des événements - concerts, expositions, spectacles - et ont acquis progressivement la reconnaissance de la population locale, grâce leur offre culturelle et malgré leur mode de vie peu conventionnel. J’ai découvert toujours dans la même région le «Quai branleur» qu’un professeur de la faculté d’arts plastiques m’avait recommandé. C’est une exposition organisée dans plusieurs maisons de particuliers des villages du Tourne et de Langoiran. Un groupement d’artistes plasticiens locaux exposent leurs travaux et invitent des artistes de la région. Cette mise en scène des oeuvres dans le bourg permet une visite par les jardins et par les maisons, ce qui crée un sentiment d’intimité avec le quotidien de ces lieux. La dynamique est initiée par la collaboration de nombreux artistes locaux, qui ont en commun d’avoir quitté la ville pour exprimer plus librement leurs formes artistiques. Lors de cette visite singulière de la ville du Tourne, j’ai découvert les Chantiers Tramasset dont j’entendais déjà beaucoup parler. C’est une association qui fait de la charpente navale traditionnelle en bois et qui a une programmation culturelle tout au long de l’année. Ayant tout de suite accroché à l’ambiance du lieu j’ai réuni trois amis circassiens pour participer à leur plus gros événement de l’année. Nous avons accompagné la partie du festival itinérant qui suit les escales d’une navigation. Avec le «Parti collectif» nous avons mis en place des spectacles et une scénographie évolutive au fil des histoires du fleuve et de la navigation. Au contact de ces associations et artistes, il m’a semblé que cette dynamique culturelle locale était en partie dûe à un effet d’émulation succédant à l’installation d’artistes «pionniers» sur ce territoire. Eux même fédérés autour d’un patrimoine vivant que sont Les Chantiers Tramasset. Ces expériences ont suscité ma curiosité, loin de l’image que je me faisais d’un désert culturel, le monde rural regorge d’initiatives artistiques et sociales. C’est ainsi que j’aborde dans ce mémoire la question de la ruralité sous l’angle de l’action culturelle.

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INTRODUCTION L’étude théorique des politiques publiques métropolitaines et la pratique quotidienne, du territoire de la métropole bordelaise, dans mes études et dans mon quotidien, m’ont amené au constat plutôt critique d’un urbanisme capitaliste contemporain. Bien que sorti de l’urbanisme fonctionnaliste, mis en place par les modernes avec les grands ensembles, un nouvel encadrement autoritaire de l’espace public s’est développé. Cet urbanisme métropolitain a pour particularité de récupérer des notions à l’origine «sociales» telles que : la «mixité», la «sociabilité», l’esprit de «village urbain» en les détournant de leurs significations initiales dans un but stratégique de communication. De la même manière la «ville créative» pourrait laisser espérer la promotion de la diversité artistique, mais se résume à institutionnaliser et capitaliser les pratiques culturelles. Cette institutionnalisation des disciplines artistiques telles que le spectacle vivant (cirque, danse, théâtre) ou encore les arts plastiques et la musique est parfois ressenti par les professionnels comme un frein à la liberté créative nécessaire. Je pense que certaines valeurs fondamentales des milieux créatifs telles que l’échange et l’entraide sont détournées à des fins économiques et de marketing urbain pour soutenir l’attractivité des métropoles en concurrences. Une certaine image de ce «lien social» est mise en avant pour donner «bonne figure» à certains projets culturels qui s’avèrent au final plus proches de servir un intérêt économique qu’un intérêt collectif «social». Cela justifie une «débauche» de nouveaux projets «emblématiques», toujours dans une logique concurrentielle entre les métropoles. Parallèlement à cette institutionnalisation culturelle qui correspond aux critères des politiques urbaines, une véritable solidarité émerge au sein des milieux artistiques plus en marge. L’esprit du «collectif» inhérent à la plupart des disciplines est renforcé par la nécessité de se regrouper pour exister. Cet esprit collectif solidaire se répand de plus en plus dans les catégories de populations qui subissent les problématiques sociétales et économiques actuelles - diminution des aides de l’état, augmentation du coût de la vie, précarisation de l’emploi, etc... - .

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Si mon propos peut paraître engagé, il résulte d’une pratique des milieux artistiques de l’aire métropolitaine et d’une attention portée aux relations entre politiques publiques culturelles et initiatives individuelles ou associatives. Mon regard sur la métropolisation m’incite à désirer des initiatives qui ne soient pas dépendantes de la tendance politique néo-libérale actuelle mais qui au contraire pourraient l’influencer. Les découvertes de lieux, d’initiatives culturelles et d’associations artistiques ont suscité mon intérêt, de Bordeaux au territoire semi-rural de l’EntreDeux-Mers. Serait-il possible que ces interstices culturels ruraux soient l’occasion de créer un contexte social plus éthique et solidaire ? En sortant de l’institution métropolitaine, quelles valeurs ces initiatives permettent-elles de transmettre ? Comment ces projets à échelle locale se positionnent-ils par rapport à la politique culturelle globale mise en place par la métropole ? Je ne souhaite pas tomber dans une critique stérile des politiques culturelles, et de la métropole. Au contraire, il me paraît primordial d’adopter une attitude positive au sein même des mutations sociétales actuelles. Dans ce mémoire, je m’intéresse à ces «interstices culturels» dans le «milieu rural», c’est à dire des projets culturels, associatifs pour la plupart, tous singuliers dans leur démarche et ayant comme point commun une créativité mise au service d’une vision du monde solidaire et optimiste. J’aborde dans une première partie la mutation du monde rural et l’apparition de nouvelles typologies d’événements festifs. Comment eston passé de fêtes de village à un phénomène global de festivalisation ? Dans quelles mesures le festival standardise l’exeption culturelle du monde rural ? Dans une deuxième partie nous verrons les nombreuses initiatives en terme d’action culturelle qui émergent, soit issus de projets politiques de développement soit issus spontanément des populations locales. Quelle sont les objectifs des politiques culturelles dans les campagnes les plus fragiles ? Quelle place ont aujourd’hui les artistes et des associations dans un territoire rural, par apport à la population et au projet politique ?

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PARTIE I VERS UNE GLOBALISATION DE LA CULTURE RURALE ?

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En parcourant la campagne française on découvre une grande diversité sociale et culturelle. Pourtant les festivités les plus répandues dans le milieu rural sont soit les fêtes de villages soit les grands festivals de musiques populaire. Pour comprendre cette impression d’homogénéité du paysage culturel rural, il faut remonter à son origine, la fête de village, mais également prendre en compte l’impact de la globalisation. Il semble pertinent pour comprendre cela d’évoquer l’évolution de la société rurale depuis la période paysanne pré-industrielle jusqu’à nos jours.

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1.1. DE LA FÊTE DE VILLAGE … La vie sociale et culturelle en milieu rural s’est fortement transformée, rompant avec ses traditions et se soumettant fréquemment aux modèles urbains. Certains villages tentent de renouer avec leur passé en faisant appel aux modes d’expressions actuels. Les aspirations des ruraux dans le domaine de la culture et les diverses résurgences de la fête en milieu rural posent la question de l’autonomie, de la recherche d’une nouvelle expérience culturelle et des limites de la fonction d’animation telle qu’elle se développe aujourd’hui.

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L’ENTRÉE DE LA PAYSANNERIE DANS LA MODERNITÉ La classe paysanne Ă l’aube de la rĂŠvolution industrielle fonctionnait sur la temporalitĂŠ des saisons. La diffĂŠrence du rythme de vie par rapport Ă la ville entretenait un entre-soi villageois et un fonctionnement communautaire, entre le poids de la famille, du voisinage et la vie en autarcie. Ce qui marque l’industrialisation du monde agricole et l’entrĂŠe dans la modernitĂŠ du monde paysan est avant tout un changement de temporalitĂŠ. La chercheuse Jeanne Pourias dĂŠtermine ce changement comme le passage du ÂŤtemps cycliqueÂť au ÂŤtemps linĂŠaireÂť. La paysannerie ĂŠtait liĂŠe au mĂŠtier d’agriculteur basĂŠ sur le rythme des saisons et les ĂŠvĂŠnements climatiques qui apportaient une part d’incertitude qui n’existe pas dans la sociĂŠtĂŠ urbaine: ÂŤLe travail de la terre donne au paysan une conscience d’un temps très liĂŠ au temps long du climat et au temps historique, diffĂŠrent du temps vĂŠcu par les citadins.Âť1. Cette temporalitĂŠ est le fondement de la spĂŠciďŹ citĂŠ culturelle des paysans. Le cycle de l’annĂŠe est rythmĂŠ de manière quasi rituel, avec la rĂŠpĂŠtition des tâches aux ďŹ ls des saisons. Dans son ouvrage ÂŤLa ďŹ n des paysansÂť, en 1967, Henri Mendras prĂŠdit la disparition de la civilisation paysanne et son remplacement par une autre dĂŠďŹ nie de technicienne: ÂŤC’est le dernier combat de la sociĂŠtĂŠ industrielle contre le dernier carrĂŠ de la civilisation traditionnelleÂť2. Il ĂŠtudie la campagne française et amĂŠricaine et y voit la disparition de ÂŤl’Êtat de paysanÂť et l’Êmergence du ÂŤmĂŠtier d’agriculteurÂť, dans une pĂŠriode marquĂŠe par l’exode rural et la modernisation. Avec l’industrialisation, le dĂŠveloppement de la mobilitĂŠ rĂŠduit la distance et l’isolement et plus encore avec l’arrivĂŠe des nouveaux moyens de communication. C’est selon Mendras la ďŹ n de la paysannerie et Jeanne Pourias le dĂŠcrit de manière moins brutale comme l’entrĂŠe du monde paysan dans la modernitĂŠ: ÂŤCette entrĂŠe dans la modernitĂŠ a d’abord ĂŠtĂŠ l’entrĂŠe dans le temps linĂŠaire de la vie urbaine, abandonnant le rythme cyclique qui caractĂŠrisait jusque lĂ la ruralitĂŠ.Âť D’un point de vue social, cela se caractĂŠrise par l’apparition de l’individualisme dans la profession. Mendras ĂŠcrivait : ÂŤ ce qui fait le paysan, c’est la communautĂŠ, l’appartenance Ă un groupe Âť3. Aujourd’hui, une exploitation n’a besoin que d’un seul agriculteur qui a multipliĂŠ des compĂŠtences qui relèvent de l’ingĂŠnierie. La machinisation a remplacĂŠ la main d’oeuvre qui Ă l’Êpoque dĂŠveloppait une solidaritĂŠ et un principe d’entraide nĂŠcessaire. ÂżJXUH &XHLOOHWWH GX KRXEORQ OÂśDOEXP GH IUDQoRLVH HQ $OVDFH 1 POURIAS Jeanne, ÂŤ Les neuf vies des paysans français Âť, MNHN - AgroParisTech, 2011 URL : https://agriurbain.hypotheses.org/2860 2 MENDRAS Henri, ÂŤ La Fin des paysans Âť, Armand Colin , Paris , 1970, 306

pagesw 3 idem

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« L’éclatement de la famille paysanne d’autrefois, qui intégrait à la fois les dimensions économique de l’entreprise et les dimensions patrimoniales et sociales de la famille est le dernier coup porté qui achève de déliter le modèle paysan construit dans la IIIème république» 1

1 POURIAS Jeanne, « Les neuf vies des paysans français », MNHN - AgroParisTech, 2011 URL : https://agriurbain.hypotheses.org/2860

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LE RĂ”LE DES FĂŠTES DE VILLAGE DANS LA VIE COLLECTIVE cas des fĂŞtes landaises Les rassemblements festifs qui marquaient le rythme de la vie rurale ont eux aussi subi des mutations, accompagnant l’Êvolution du monde paysan. Comprendre sa forme passĂŠe nous permettra d’en saisir les enjeux contemporains. Les communautĂŠs villageoises ĂŠtaient relativement auto-suffisantes, et les fĂŞtes ĂŠtaient l’expression de leur culture paysanne. La proximitĂŠ physique entre les habitants d’un village forme une communautĂŠ oĂš tout le monde se connaĂŽt et chaque attitude vis Ă vis d’autrui a son importance. Cela ne veut pas dire que tout le monde s’apprĂŠcie, contrairement au tableau dressĂŠ par la littĂŠrature romantique du milieu du XIXème siècle, d’une micro-sociĂŠtĂŠ harmonieuse et solidaire. Les tensions existent au seins de la communautĂŠ et c’est pourquoi selon Patrick Marcolini et CĂŠdric Biagini la fĂŞte a une dimension cruciale pour ĂŠviter les conits. Le moment festif renforce pĂŠriodiquement l’entente du groupe. La cohĂŠsion de la communautĂŠ villageoise est une norme implicite qui permet d’affirmer son appartenance au groupe. Si les petites communautĂŠs permettent bien d’être ÂŤentre soiÂť et d’avoir avec ses semblables des rapports plus personnels, elles favorisent aussi une promiscuitĂŠ qui peut vite devenir pesante et rendre parfois difficile ÂŤl’être soiÂť.2 Il est aujourd’hui difficile de dresser un portrait gĂŠnĂŠral de ce qu’Êtaient les fĂŞtes de village. Après avoir survolĂŠ plusieurs ĂŠtudes sociologiques ou anthropologiques, je me suis aperçue que la plupart des auteurs justiďŹ ent l’utilisation de monographies plutĂ´t qu’une thĂŠorie globale sur ÂŤles fĂŞtes du monde rural passĂŠÂť. Chaque rĂŠgion et chaque village ont leur propre culture et il n’existe pas de typologie standard de la fĂŞte. ÂŤCet attachement au terroir, Ă sa commune, nourrit effectivement, parfois Ă lui seul, une identitĂŠ propre qui peut empĂŞcher les paysans des diffĂŠrentes rĂŠgions de France de se sentir rattachĂŠs Ă une mĂŞme culture.Âť3 ÂżJXUH /D IrWH DX YLOODJH GH 3LHWHU %UXHJKHO OH -HXQH GLW %UXHJKHO GÂś(QIHU

Je vais donc caricaturer, dans l’intĂŠrĂŞt de mon propos, les caractĂŠristiques des fĂŞtes landaises qui ont pour la plupart survĂŠcu Ă la dĂŠsertiďŹ cation . L’exemple du village de Gabarret me permettra ĂŠgalement d’aborder l’Êpoque contemporaine et ses mutations. Dans le village de Gabarret, la ÂŤcourse LandaiseÂť est un spectacle de tauromachie dont la plus ancienne est datĂŠe de 1470. Historiquement cet ĂŠvĂŠnement ĂŠtait liĂŠ Ă une foire au bestiaux. Il avait lieu le jour du saint patron de l’Église, ce qui revient pour le village Ă cĂŠlĂŠbrer sa propre existence. La tauromachie ĂŠtait l’attraction principale et renvoie Ă une identitĂŠ culturelle rĂŠpandue dans tout le Sud-Ouest de la France et le Nord de l’Espagne. Cependant, le reste des animations ĂŠtaient très locales, chaque village possĂŠdant ses propres jeux, sa fanfare (bandas) et 2 MARCOLINI Patrick & BIAGINI CĂŠdric, Construire l’autonomie, ĂŠdition l’Êchap-

pĂŠe, 2013 , 336 pages, p.174-176 3 SOULET Jean-François, Les PyrĂŠnĂŠes au XIXe siècle, l’Êveil d’une sociĂŠtĂŠ

civile, Sud Ouest, 2004, 765 pages

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sa spĂŠcialitĂŠ culinaire. L’affirmation d’une identitĂŠ culturelle permet l’identiďŹ cation au groupe. L’aspect social de la fĂŞte permettait aussi de sortir de l’exclusion d’une profession Ă plein temps qui laissait peu le temps au loisir et au divertissement. Dans une vie collective qui ĂŠtait rythmĂŠe par le travail et la rĂŠpĂŠtitivitĂŠ des actes quotidiens et saisonniers, la fĂŞte reprĂŠsentait une rupture et un temps fort. Elle imposait sa propre rĂŠgularitĂŠ et ses rites, mais il arrivait souvent qu’elle soit un moment d’expression de la spontanĂŠitĂŠ collective et de bouleversement des hiĂŠrarchies et des normes. Toutes ces animations constituaient le folklore local auxquelles s’ajoutaient les attractions foraines amenĂŠes par les gens du voyage. Ces populations nomades, bien que de tout temps persĂŠcutĂŠes, avaient une place dans l’organisation sociale paysanne. Elles incarnaient avec les manèges et les spectacles l’aspect ÂŤexceptionnelÂť de la fĂŞte Les fĂŞtes de village n’Êtaient pas Ă vocation artistique ou patrimoniale, que ce soient les chants, les danses ou les cĂŠrĂŠmonies je prĂŠfère utiliser le terme d’animations. Bien que la limite soit parfois oue entre une animation et une performance artistique, cela met en ĂŠvidence le changement de typologie entre la fĂŞte historique et l’ÊvĂŠnement festif contemporain. Ce dernier sera dĂŠďŹ ni comme culturel dans le sens artistique du terme. En revanche les fĂŞtes du monde rural passĂŠ sont l’expression de la culture dans son aspect identitaire et local : ÂŤon entend par culture tout ce que l’on n’a pas Ă faire : la culture est le mode de vie spĂŠciďŹ que qui distingue une ville allemande d’une ville française ou une communautĂŠ suĂŠdoise d’une communautĂŠ espagnole. Dans cette optique, l’art n’est qu’une des nombreuses manifestations de l’identitĂŠ culturelle d’un lieu et de sa populationÂť1 La disparition de cette culture paysanne est largement dĂŠplorĂŠe par Pier Paolo Pasolini. L’ ĂŠcrivain, poète, journaliste, scĂŠnariste et rĂŠalisateur italien, après avoir dĂŠnoncĂŠ avec force le fascisme, voit dans la sociĂŠtĂŠ consumĂŠriste une nouvelle aliĂŠnation de la classe prolĂŠtaire par la classe bourgeoise. Il critique la promesse dĂŠmocratique ÂŤd’ÊgalitĂŠ des chancesÂť qui dĂŠtourne la jeunesse paysanne de ses traditions en lui faisant miroiter un idĂŠal de vie bourgeois, accessible par le biais des villes et des universitĂŠs. C’est une position radicale mais qui n’est pas nĂŠgligeable pour comprendre le changement profond et culturel de ce que l’on nommait ÂŤcampagneÂť. ÂŤ Les sous-prolĂŠtaires, jusqu’à ces derniers temps, respectaient la culture et n’avaient pas honte de leur propre ignorance ; au contraire, ils ĂŠtaient ďŹ ers de leur modèle populaire d’analphabètes apprĂŠhendant pourtant le mystère de la rĂŠalitĂŠ. (...) Aujourd’hui, au contraire, ils se mettent Ă avoir honte de leur ignorance : ils ont abjurĂŠ leur modèle culturel, (...). Les jeunes sous-prolĂŠtaires - humiliĂŠs - dissimulent le nom de leur mĂŠtier sur leurs cartes d’identitĂŠ et lui substituent le qualiďŹ catif d’ÊtudiantÂť. Bien ĂŠvidemment Ă partir du moment oĂš ils ont commencĂŠ Ă avoir honte de leur ignorance, ils se sont ĂŠgalement mis Ă mĂŠpriser leur culture (...) Quand je vois que les jeunes sont en train de perdre les vieilles valeurs populaires et d’absorber les nouveaux modèles imposĂŠs par le capitalisme, en courant le risque de se dĂŠshumaniser et d’être en proie 1 MATARASSO François & LANDRY Charles, politique culturelle: vingt et un

enjeux stratĂŠgiques, Note politique n°4, Edition du Conseil de l’Europe, 1999

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à une forme d’abominable aphasie, à une brutale absence de capacité critique, à une factieuse passivité, je me souviens que telles étaient les caractéristiques des SS et je vois s’étendre dans nos cités l’ombre horrible de la croix gammée.»2 Cependant, je ne souhaite pas revendiquer un «âge d’or» que soustend sa critique, mais cela nous permettra de mieux envisager le nouveau modèle de politique culturelle qui tente de se redéfinir et le changement des structures sociales qui les supportent. La «fête», et autres moments de sociabilité dans les campagne étaient issus d’une implication des familles et habitants sans le support des institutions. On remarque dans certains cas la réapparition de la fêtes grâce à des structures plus institutionnelles, que ce soient des associations, des collectivités ou des initiatives politiques.

2 PASOLINI Pier Paolo, Écrits corsaires, Flammarion, 1976, 281 pages

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DE LA DÉSERTIFICATION À L’ÈRE DES NÉORURAUX Le monde rural a connu deux phases démographiques importantes, une première de désertification des campagnes et une deuxième de re-densification démographique par un mouvement de « retour à la terre » des citadins. La désertification allant de pair avec la disparition de la paysannerie a fait couler de l’encre et produit de nombreuses analyses comme par exemple l’ouvrage de Jean-François Gravier, Paris et le désert français. Dans la première partie de son ouvrage, il fait le constat d’une diminution importante de la population dans les zones rurales au profit des zones urbaines. Au début du XXème siècle, « deux français sur dix vivaient dans une ville, contre huit sur dix »1 au milieu du siècle. Cela est dû à l’exode rural, au vieillissement de la population, à la disparition progressive des services et des commerces. Certains villages ont été complètement abandonnés et des terres agricoles laissées en état de friche. L’exode rural est lié à la mécanisation et la politique agricole commune et par conséquent à la diminution de l’emploi. « Les raisons principales de la désertification sont notamment le manque d’emplois - plus des trois quarts des emplois se trouvent dans ou à proximité des villes- »2 Malgré une «rurbanisation» dans les campagnes proches des grandes villes, il faut attendre le début des années 2000 pour constater d’après l’INSEE l’arrêt de la désertification des zones rurales. « Ainsi, après une longue période de déclin puis de stagnation entre 1982 et 1999, la population augmente à nouveau dans les communes rurales et les petites agglomérations.»3 Pour comprendre l’évolution de la culture rurale, on s’attardera à définir la nature et l’origine des nouveaux habitants. Je rejoins ici l’analyse de Christophe Jamet qui considère cette population dans sa diversité. «La ruralité se décline désormais au pluriel, à quelques exceptions près, en raison des différentes évolutions démographiques et socioéconomiques.»4 La première vague de repeuplement amorcée au milieu des années 1970, a donnée naissance au terme «néo-ruraux». Ce terme désigne une population urbaine en quête de «nature» et d’autonomie par le retour à la terre. Les parisiens qui se sont installés en Ardèche ou en Ariège pour élever des chèvres sont devenus le cliché des néo-ruraux. Cependant Christophe Jamet identifie un panel bien plus large de catégories sociales qui font ce choix résidentiel. Il y a aussi «des retraités mus par le retour au pays ou l’héliocentrisme, des baby-boomers actifs, des jeunes familles attirées par le périurbain et la recherche d’espace pour l’agrandissement de leur foyer, des actifs modestes et des nouveaux 1 GRAVIER Jean-François , Paris et le désert français, Broché, Paris, 1958, 317

pages 2 Idem 3 AUDIBERT Pierre, directeur de l’action et de la diffusion régionale de l’INSEE 4 JAMET Christophe, « Voyage au pays de la diversification rurale », revue

Pour n°201, Février 2009, p.36-42

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entrepreneurs ruraux».5 Cependant, le rural ne génère pas plus d’emploi, c’est aux nouveaux arrivants de créer leur propre activité ou d’en reprendre une, ce qui n’est pas toujours évident. Les industries, autrefois présentes dans les campagnes, se délocalisent à la recherche de coûts de production moindres. En revanche, le repeuplement conduit à une renaissance des services donc à la création d’emploi. «Si la population croît, ces activités sont logiquement appelées à augmenter proportionnellement pour pouvoir répondre à la demande. Ainsi, les emplois et les activités liés directement aux populations fournissent aujourd’hui plus de 50 % des emplois ruraux.»6 Pour reprendre la théorie de Pier Paolo Pasolini, la culture paysanne par la télévision et les études, disparaît au profit d’un modèle social qui lui est étrangère. En outre, il démontre aussi que la «petite bourgeoisie» perd elle aussi de sa singularité culturelle. Si l’on peut déplorer la disparition des cultures liées à une organisation particulière de la société, la mixité qui se développe aujourd’hui dans le monde rural peut être à l’origine d’une nouvelle identité culturelle. Dans quelle mesure les populations se rencontrent et quelles sont les nouvelles typologies d’actions culturelles qui les définissent ? Cette question sera sous jacente aux conclusions tirées des études de cas.

5 Idem 6 Idem

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1.2. … À LA STANDARDISATION DE L’ACTION CULTURELLE Pour dresser un état des lieux de l’action culturelle en milieu rural, j’ai sélectionné un panel d’études de cas, classés selon plusieurs critères. Dans cette partie je m’intéresse avant tout aux événements qui répondent à la typologie d’un festival. Afin de rendre compte de la ruralité dans laquelle ils s’inscrivent, j’ai sélectionné des villages - moins de deux mille habitants- classés selon la Délégation Interministérielle de l’Aménagement et de la Compétitivité du territoire (DIACT) qui différencie les campagnes des villes, les campagnes les plus fragiles et les nouvelles campagnes. TROIS CATÉGORIES DE CAMPAGNES DIACT : Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire (ancienne DATAR)

LES CAMPAGNES DES VILLES

LES CAMPAGNES LES PLUS FRAGILES

LES NOUVELLES CAMPAGNES

pôle urbain

périurbain : démographie dense résidentiel productif

faible densité démographie régressives mono activité (agricole / industriel en déclin)

deux caractéristiques : démographiques et économique

Je prends également en compte les valeurs ou les objectifs portés par l’événement, les initiateurs, le rayonnement -local, national ou international- et l’identité culturelle caractérisants les différents projets.1 C’est ce qui m’a permis d’établir trois grandes typologies de festival ; folklorique, importé et militant. «En quelques années, et parallèlement aux changements techniques et économiques qui, depuis la dernière guerre mondiale, ont affecté le monde rural, la fête a connu de profondes transformations allant parfois jusqu’à la disparition totale. Elle s’est modernisée et standardisée. S’adressant aux citadins proches comme aux villageois. Les activités commerciales s’y sont taillé la part du lion. Le divertissement proposé est produit par des groupes spécialisés extérieurs au village et de nature peu différente de ceux présentés quotidiennement sous d’autres formes — cinéma, télévision et même animation commerciale.»2 1 Annexe 1 : classification des études de cas 2 PROD’HOMME Jean-Pierre, « Fête et animation culturelle en campagne,

L’expérience d’un village champenois.», Études rurales, n°86, 1982. pp. 33-42 URL : http://www.persee.fr/doc/rural_0014-2182_1982_num_86_1_2818

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attractivité démographie qui augmente production diversifié (tourisme / entrepeunaria )


LE PHÉNOMÈNE DE «FESTIVALISATION» On ne peut aborder la question de l’action culturelle sans parler du phénomène mondial de «festivalisation». Les festivals ont pris une telle ampleur qu’ils sont la forme d’action culturelle la plus répandue en milieu rural. Nous allons voir dans quel contexte ce phénomène a pu prendre autant d’importance et les conséquence qu’il a eu d’un point de vue artistique et économique. D’un point de vue étymologique, on remarque que ce terme s’emploie dans de nombreux pays et les langues européennes comportent des mots de même racine (fest, fiest, fiesta, fête, festivity, etc.) qui désignent plus ou moins la même chose : une célébration, une rupture avec le quotidien, une différente forme d’expression, culinaire, artistique, spirituelle, … J’aborderai principalement les festivals qui concernent le champ artistique. Quelque soit son implantation (ville, campagne, friche, infrastructure publique) le festival est un événement culturel qui à un moment précis, réunit un public autour d’un univers artistique. Il joue aujourd’hui un rôle important concernant la question de l’accès à la culture au même titre qu’une institution culturelle. La création est donc un élément central et peut prendre des formes traditionnelles (festival centré sur un genre artistique) ou explorer de nouvelles formes (autour d’une thématique, d’une commande de création in situ, d’un mélange des genres artistiques …). Contrairement aux institutions culturelles, le festival peut investir toutes formes d’espaces non dédiés à la culture: l’espace public ou privé, des friches ou des champs. L’arrivée de l’événement culturel dans le milieu rural permet une certaine démocratisation de la culture. Dans un temps concentré, des formes artistiques peuvent émerger sans pour autant qu’il n’y ait d’équipements culturels. L’ouverture et la démocratisation des arts au vingtième siècle à pour objectif de « faire accéder les classes populaires à des productions culturelles susceptibles d’assurer leur émancipation». Selon le public visé, le festival peut « repositionner l’accès à la culture au-delà d’un public coutumier caractéristique des équipements culturels traditionnels. Ils apportent à un public local des spectacles que, bien souvent, celui-ci ne pourrait pas voir autrement. »3 Il y a dans les politique culturelles qui soutiennent le développement des festivals la volonté de diffuser la culture à ceux qui en sont le plus éloigné. Cependant cette disposition signifie qu’il n’y a pas de reconnaissance d’autres formes artistiques que celles portées par les institutions culturelles.4 La démocratisation de la culture est à ce titre critiquée car elle pose un regard élitiste sur toutes les formes de cultures et d’arts. Apporter de la culture à une classe populaire qui n’y a pas accès pour l’éduquer, rappelle les discours néo-colonialistes voire les justifications des missionnaires pour convertir les «sauvages» au christianisme et les soumettre à l’hégémonie de la culture occidentale. La démocratisation de la culture frôle dangereusement cette idéologie, elle sous entend qu’une élite culturelle est légitime de

3 COLLARD Fabienne, « Les festivals et autres événements culturels », Dos-

siers du CRISP n°83, Janvier 2014, p. 9-115. URL : http://www.cairn.info/revue-dossiers-du-crisp-2014-1-page-9.htm 4 Annexe 2 : frise chronologique des politiques culturelles et des actions culturelles en milieu rural

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dĂŠsigner la forme artistique qui ĂŠlèvera la classe populaire. Cela revient ĂŠgalement Ă nier une ÂŤculture populaireÂť. C’est pourquoi aujourd’hui on parle plutĂ´t de la dĂŠmocratie culturelle qui revendique l’expression culturelle et les pratiques qui sortent des canons traditionnels. Mais je reviendrai sur la notion de ÂŤdĂŠmocratisation de la cultureÂť et ÂŤdĂŠmocratie culturelleÂť Ă travers les diffĂŠrents cas d’Êtudes. On retiendra ici l’impact de l’objectif politique sur l’importante diffusion des festivals Ă travers toute l’europe : ÂŤ Le nombre de festivals “culturelsâ€? est passĂŠ de 400 Ă 30000 en Europe depuis les annĂŠes soixante. Âť 1 L’enjeu ĂŠconomique reste cependant un facteur principal dans le dĂŠveloppement et la pĂŠrennisation des festivals. Contrairement Ă d’autres manifestations culturelles tels qu’un spectacle ou une exposition, le festival concentre plusieurs crĂŠations artistiques dans le temps et dans l’espace. Cela donne une certaine importance Ă l’ÊvĂŠnement et permet de ÂŤrentabiliserÂť le dĂŠploiement de moyens techniques et ďŹ nanciers. Bien que s’inscrivant dans un temps court, c’est la rĂŠpĂŠtition de l’ÊvĂŠnement qui peut parfois faire naĂŽtre une ĂŠconomie viable pour la structure organisatrice. ÂŤ MalgrĂŠ son caractère unique et ĂŠphĂŠmère, l’ÊvĂŠnement culturel n’exclut pas la rĂŠcurrence. En effet, la plupart des ĂŠvĂŠnements cherchent Ă s’inscrire dans la durĂŠe par leur rĂŠitĂŠration. La rĂŠcurrence est ce qui caractĂŠrise les festivals culturels. Les festivals forment, Ă l’heure actuelle, la majeure partie des ĂŠvĂŠnements culturels.Âť2 Ce succès s’explique par la prise de conscience des pouvoir locaux du potentiel ĂŠconomique et mĂŠdiatique du festival. Il y a ĂŠgalement un facteur socio-ĂŠconomique propice dans les annĂŠes 1980, ÂŤ la hausse du niveau de vie, mais aussi l’accroissement du temps et des dĂŠpenses consacrĂŠs aux loisirs Âť3, et le dĂŠveloppement de la mobilitĂŠ grâce aux transports. C’est ainsi que dans les annĂŠes 1990 les festivals deviennent une des principales formes de production culturelle dans le monde occidental. L’importance de ce phĂŠnomène donne naissance Ă la notion de ÂŤfestivalisationÂť. Des chercheurs, dans plusieurs disciplines, utilisent le terme ÂŤfestivalisationÂť pour dĂŠsigner la vision contemporaine que la sociĂŠtĂŠ ’applique Ă la culture mais aussi au tourisme, au dĂŠveloppement urbain, au marketing, etc. En cherchant la dĂŠďŹ nition de ÂŤfestivalisationÂť et face Ă la diversitĂŠ des sujets abordĂŠs par cette notion, il m’a semblĂŠ pertinent de s’appuyer sur la dĂŠďŹ nition de Owe RonstrĂśm, professeur en anthropologie culturelle, et ethnologie. Il dĂŠtaille plusieurs versants du concept de festivalisation : ÂŤ dans le champ sĂŠmantique de l’ÊvĂŠnementiel, dans l’industrie musicale et ses politiques, comme forme de mĂŠdiatisation et comme une tendance de fond qui affecte l’ensemble de la sociĂŠtĂŠ. Âť4 1 LAVILLE Yann, ÂŤ Festivalisation ? Âť, Cahiers d’ethnomusicologie, Novembre

2014, URL : http://ethnomusicologie.revues.org/2158 2 Idem 3 Idem 4 RONSTRÖM Owe,  Festivals et festivalisations , Cahiers d’ethnomusicologie, 2014, mis en ligne 14 Novembre 2016 URL : http://ethnomusicologie.revues.org/2159

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L’aspect sémantique consiste à rassembler toutes les formes de rassemblements, autrefois qualifiés par des termes spécifiques (fêtes calendaires, commémorations historiques, anniversaires, rites sacrés ou profanes, marchés, foires ou salons professionnels) sous le nom de «festival». Owe Ronström porte un regard critique sur ce phénomène qui « renforce l’instrumentalisation du champ culturel dans de nombreux pays européens. Tout comme la musique est devenue une industrie, les festivals ont quitté le domaine du divertissement, de l’art et de la critique sociale pour occuper celui de l’économie, y servant plus particulièrement de marchés et de destinations touristiques. » Effectivement la typologie du festival appartient davantage à l’industrie touristique qu’au domaine artistique. C’est un phénomène emblématique du monde capitaliste contemporain et en tant que tel, il ouvre un champ de rencontre entre les différentes échelles, du global au local. D’un côté il y a la standardisation d’une typologie d’événements répandus dans le monde, de l’autre, cette typologie appliquée au niveau local subit forcément une diversification et suscite des résultats différents : « Les festivals peuvent être appréhendés comme un champ de tension entre des forces contradictoires, les unes globalisantes et homogénéisantes, les autres produisant du local et de la diversité. »5

5 Idem

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LE FESTIVAL FOLKLORIQUE, MUSÉIFICATION DE LA FÊTE PAYSANNE cas des fêtes landaises La festivalisation n’a pas remplacé la fête de village mais a fortement influencé son adaptation au nouveaux paradigmes de la société rurale. Pour comprendre les subtilités de ce changement, nous allons reprendre l’exemple des courses landaises dans leur contexte actuel. La course landaise, comme celle de Gabarret, réunissait essentiellement les habitants du village. Cette fête célébrait, comme tous les villages des landes, le saint patron ; ici St Lupret. C’était la fête la plus importante. Tous les villages des Landes avaient leurs fêtes principales pour la célébration de leur saint patron respectif ou d’autres festivités moins importantes, liées plus spécifiquement au culte catholique ou au monde paysan: la Fête-Dieu, les Rogations, les fêtes de la moisson et des vendanges. Mais ces fêtes perdent de l’ampleur durant le vingtième siècle. Celles liées au cultes catholique sont les premières à disparaître du calendrier villageois. Pourtant, les courses landaises existent encore aujourd’hui, malgré les profonds changements sociétaux. Cette grande fête n’a pourtant plus la vocation de fédérer une communauté villageoise, ni de représenter une identité paysanne et religieuse. La fête change de forme dans le contexte que nous avons vu de mutation du monde rural dans sa globalité. Dans certaine régions les fêtes paysanne ont perduré, préservant toutes les animations et les spécialités caractéristiques de la tradition paysanne locale. Dans les Landes, la tauromachie, les cérémonies et la gastronomie ont été soigneusement conservées et leurs déroulements ressemblent à la fête d’autrefois. Cependant une nouvelle composante entre en jeu, l’existence d’un public : «quand la fête ancienne voyait les villageois être à la fois acteurs et spectateurs de la manifestation (les jeux paysans, comme le mât de cocagne, illustrent la participation alors active des villageois), la fête nouvelle prend désormais la forme d’un spectacle. Le défilé d’échassiers et la course de taureaux constituent des divertissements que l’on regarde - alors qu’auparavant les villageois “faisaient la fête” »1 D’un point de vue artistique la fête se professionnalise, la course landaise de Gabarret fait encore appel à une «bandas» du village, mais les autres concerts sont joués par des fanfares professionnelles étrangères. L’organisation de l’événement s’est également institutionnalisé et acquiert une nouvelle dimension économique. Une association a été créée dans les années soixante dix pour organiser la fête en partenariat avec les pouvoirs publics locaux et les commerçants. Pour survivre, la fête s’est donc institutionnalisée. A cela s’ajoute l’arrivée d’un public extérieur et par conséquent une commercialisation de l’événement : « les villageois font payer le public pour les diverses activités, puisque celui-ci vient majoritairement de l’extérieur et qu’il ne s’agit plus d’un moment “entre soi”. Il en résulte qu’on ne vient plus à la fête sans bourse délier” ». DOYEN Etienne, « Fêtes de village et nouvelles appartenances. Les fêtes rurales en Hainaut occidental », Belgique, Université Catholique de Louvain Licence en Sociologie 2007

1

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La fête devient ainsi un lieu de consommation où les flux d’argent sont importants. Elle prend la forme d’un spectacle proposé à un public étranger, le village est réorganisé avec des barrières et d’immenses parkings, il y a parfois un tarif d’entrée, etc. autant d’éléments lisibles du changement de nature de la manifestation. L’apparition du public transforme profondément la nature de l’événement. Il ne s’agit plus de fédérer une communauté, mais de se servir du folklore comme levier économique pour le village. Le tourisme y prend une importance considérable, c’est ainsi que le terme «fête» a été remplacé par le terme «festival» dans de nombreuses communes des Landes et du Pays Basque. Le changement de dénomination permet de toucher plus largement un public de «festivaliers». Un paradoxe se créée entre le contenu et la forme de l’événement, et son objectif institutionnel et économique, on assiste donc à une muséification de la culture paysanne par le phénomène de festivalisation. « ce genre de manifestation participe d’un mouvement plus large de folklorisation du passé. ». Etienne Doyen souligne également la contradiction que portent ces fêtes : « les agriculteurs sont soumis à cette injonction de modernisation qui les enjoint de tirer un trait sur les pratiques « archaïques » du passé, alors que d’autre part, au nom de principes différents, une idéologie nostalgique magnifie un mode de vie paysan dépassé et invite les villageois à le mettre en scène. » Edgard Morin explique que la culture de masse fait disparaître la fête pour la transformer en spectacle où il n’y a plus de présence physique mais uniquement psychique. Le corps est absent et l’unité de la culture folklorique, archaïque, de lieu et de temps éclate.

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LE FESTIVAL IMPORTÉ ET LA STANDARDISATION DE LA CULTURE cas des festivals des Vieilles Charrues, du Reggae Sun Ska et Jazz in Marciac L’argument ĂŠconomique a inuencĂŠ de nombreuses collectivitĂŠs Ă crĂŠer leur propre festival ou Ă inviter des festivals sur leur commune. Les festivals, gĂŠnĂŠralement dĂŠdiĂŠs Ă la musique, prennent parfois une ampleur nationale et internationale mais n’ont pas toujours les mĂŞme effets sur le quotidien des villages d’accueil. Pour avoir un aperçu de l’impact de ces ĂŠvĂŠnements, nous prendrons en exemple des cas qui ont en commun leur dĂŠmographie et leurs caractĂŠristiques rurales. Le Festival des Vieilles Charrue, dans la commune de Carhaix-Plouguer, fut initiĂŠ par des jeunes de la commune voisine. Il est rapidement devenu le plus grand festival de musique français en termes de frĂŠquentation. Le festival organisĂŠ par l’association Les Vieilles Charrues, est restĂŠ ďŹ dèle Ă la volontĂŠ de ses crĂŠateurs de redynamiser la rĂŠgion touchĂŠe par la dĂŠsertiďŹ cation. Aujourd’hui, l’association reverse une partie des bĂŠnĂŠďŹ ces pour le dĂŠveloppement du tissu associatif et culturel du Centre Bretagne. Les quatre jours du festival, c’est Ă dire l’ÊvĂŠnement en lui mĂŞme, n’ont pas d’impact direct sur la rĂŠgion mais son succès ĂŠconomique permet de dĂŠvelopper d’autre lieux culturels ou ĂŠquipements publics. Il permet ĂŠgalement de faire perdurer des entreprises locales en les associants au projet. Mais d’un point de vue artistique et culturel, les ÂŤtĂŞtes d’affichesÂť ont, dès les premières ĂŠditions, annihilĂŠ le dĂŠveloppement de groupes locaux. Le festival des Vieilles Charrues rĂŠpond idĂŠalement aux attentes qu’un territoire peut en attendre. Le levier ĂŠconomique potentiel d’un ĂŠvĂŠnement de cette ampleur explique l’impressionnante augmentation du nombre des festivals en milieu rural. Cependant, rare sont ceux qui ont connu un tel succès et dans la plupart des cas, ils n’apportent qu’une rĂŠponse ĂŠphĂŠmère aux problèmes plus globaux du monde rural.

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Le Festival du Reggae Sun Ska qui s’est déplacé dans plusieurs communes du territoire médocain n’a pas été fructueux pour la région. Ce festival initié par une association locale, propose un style musical qui n’a aucun lien de parenté avec la culture Médoquine. Sa population était donc «étrangère» et peu appréciée des locaux. La concentration de plus de 85000 festivaliers (sur une population de 88 000 habitants) a provoqué le mécontentement de la population locale qui subissait des nuisances et des dégradations. C’est la raison pour laquelle il fut déplacé d’une commune à l’autre jusqu’à ce que l’association n’aie plus les moyens de le produire sur le territoire. Cependant ce festival de reggae est le plus important de France et l’événement a pu perdurer indépendamment de sa «terre d’accueil» et se déroule aujourd’hui sur le campus universitaire de Bordeaux. Le festival du Reggae Sun Ska est une entreprise culturelle avec un budget avoisinant les 3 millions d’euros. Il pèse dans l’économie de la région avec quinze postes équivalents temps plein à l’année, 7 millions de chiffre d’affaires pour le GIE (Groupement d’intérêt économique) regroupant le festival, une société de production de concerts, un label discographique, et les retombées économiques locales du festival sont estimées à 30 millions d’euros.1 Le festival est donc un grand succès en terme de fonctionnement et de fréquentation bien que celle-ci soit en baisse constante depuis sa création. Pourtant, on ne peut pas dire qu’il ait eu un impact bénéfique pour les communes d’accueil du Médoc. C’est un « festival importé », contrairement aux Vieilles Charrues il ne s’inscrit dans aucun projet de développement local, et son autonomie de gestion ne favorise pas le développement de l’économie du territoire de manière pérenne. Il ne s’inscrit pas dans une logique de tourisme régional, les festivaliers ne restent pas plus d’un jour ou deux sur la côte médoquine avant de repartir. Le cas du Reggae Sun Ska n’est pas isolé, les festivals de cette envergure, avec une programmation de « têtes d’affiches », ont une logique marchandes portée par les industries culturelles. Cette typologie de festival est, à mon sens, pauvre du point de vue de la diversité artistique et tend davantage à une homogénéisation des expériences musicales.

Le Festival Jazz in Marciac, en revanche, me semble avoir eu un impact sur le territoire plus pertinent. Il fut créé en 1978 grâce à l’initiative d’une poignée d’amateurs passionné de Jazz. Au delà de son rôle de levier économique pour la région, la passion du Jazz qui anime ses initiateurs s’est transmise et a marqué le village de nombreuses façons. Marciac est une petite bastide de 1300 habitants qui accueille tous les ans plus de 220.000 visiteurs; soit trois fois plus que le Reggae Sun Ska avec un budget de 3,3 millions d’euros Aujourd’hui, de renommée internationale, ce festival inscrit la ville de Marciac dans le monde du Jazz et cette musique est devenue sa principale identité. Tout comme le festival des Vieilles Charrues, son succès a permis de développer des projets locaux. Le festival s’inclut dans un projet culturel local qui perdure tout au long de l’année. La création, en 1993, des ateliers d’initiation au jazz dans le collège de la ville ont par exemple sauvé l’établissement scolaire menacé de fermeture. 1 PEGUILLAN Frédéric,« Aminci, le festival Reggae Sun Ska retrouve couleurs

et vigueur », Télérama, 10 Août 2015 URL : http://www.telerama.fr/festivals-ete/2015/aminci-le-festival-reggae-sunska-retrouve-couleurs-et-vigueur,130118.php

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Le village de Marciac profite également de l’événement pour mettre en valeur son patrimoine architectural et gastronomique. Pendant l’événement, la bastide est colonisée de tentes blanches qui accueillent le “ off ” tandis que les producteurs locaux proposent leurs spécialités aux festivaliers. Au delà du temps du festival, la revalorisation du patrimoine culturel s’est pérennisé grâce à l’ouvrage de Jacques Barnouin, « Le fabuleux destin de Marciac ». Il rend hommage à l’histoire de cette cité gasconne et à l’évolution de son festival. Il raconte dans une première partie l’histoire de la bastide, sa création et son développement social et dans une deuxième partie l’aventure du festival « Jazz in Marciac », autour du jazz et de ses vedettes ainsi que les moments-clés de cette épopée musicale. « Le territoire de Marciac, en forme d’oiseau s’élançant vers le ciel, est habité par près de 1400 Marciacais, fréquenté par un quart de million de passionnés d’élans musicaux et arrimé au cœur d’un nombre indéfini de citoyens du monde. »1

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Cette publication met en lumière des projets d’animation et de développement du territoire marciacais qui ont donné naissance à un projet « Marciac intra-muros». Un groupe de travail multi-institutionnel, constitué des collectivités territoriales, de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de toulouse, du CAUE 32 et de la Société Archéologique a produit une restitution architecturale de la ville de Marciac qui s’est concrétisée par la réalisation de parcours-découverte de la bastide. Ces parcours permettent de présenter aux visiteurs et aux habitants la bastide dans sa dimension spatiale et architecturale. Le terme «fabuleux destin» montre bien le caractère exceptionnel du cas de ce village où une passion artistique, par la création d’un festival, devient l’emblème de la bastide et redynamise tout le territoire. Il semble donc que ce qui détermine l’éthique ou la qualité d’un festival est bien l’engagement sur le territoire des citoyens à l’initiative du projet et non le seul critère du taux de participation des festivaliers.

Les «festivals importés» ont eu des conséquences variés selon le contexte culturel, l’engagement de ses initiateurs ou le genre artistique. Le festival des vieilles Charrues est un succès économique dont a bénéficié à toute la région, mais on constate avec le Reggae Sun Ska que si les initiateurs n’ont pas d’attache avec le territoire, l’événement restera un “ovni” dans le paysage culturel local. Pour finir le cas de Marciac me semble exemplaire mais son succès est exceptionnel.

1 BARNOUIN Jacques, Le fabuleux destin de Marciac, Un autre reg’art, 2014,

180 pages, p.37

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LE FESTIVAL MILITANT, CRÉATION DE NOUVELLES RICHESSES le cas d’Uzeste Le cas d’Uzeste Musical se situe à la croisée du festival folklorique et du festival importé, avec une dimension militante qui interroge l’expression culturelle pour en proposer une forme nouvelle. La compagnie d’Uzeste Musical et l’association Mine d’art à ciel ouvert ont été créées autour de Bernard Lubat, personnalité aussi bien reconnue au niveau local que parmi ses pairs dans le monde du jazz. Il est issu d’une famille « historique » d’Uzeste qui a fondé en 1937 L’estaminet, l’ancien café restaurant dancing aujourd’hui transformé en «théâtre Amusicien». En 1978 est créé le premier festival d’Uzeste, l’Hestejada de las arts. On ne peut pas dissocier la démarche artistique de la compagnie d’Uzeste Musical de son engagement politique. Je parlerai donc à la fois du festival en tant que tel et de son propos militant. Le projet de l’association affirme un décloisonnement entre la tradition et une pluridisciplinarité artistique « en montrant comment un héritage culturel peut être un terreau actif de formes nouvelles d’expression musicales verbales textuelles visuelles gestuelles théâtrales plastiques pyrotechniques.... »1 Dès sa création le festival s’impose une éthique dans son engagement de proximité, son rôle pédagogique et d’intérêt général. « l’Été d’Uzeste Musical et sa célèbre Hestejada de las arts. La manifestivité poïélitique d’Occitanie océanique, carrefour lubalistique des expressions délibérées, épicentre de décentralisation déterritorialisée, sas de décontamination divertisavertisante, processus de recréolisation jazzcognitive, pointe enjazzée d’une nouvelle avantgarde champêtre (antidote local à toutes les arrières gardes barrières, gardes à vue, gardes chiourmes, garde à vous) : Concertifiants, expérimentactions, imperformances, circonférences, débats d’ici d’en, apéro impro, improjections, explositions… »2 Le premier engagement du festival est de ne pas se reproduire sur le même site mais d’aller à la rencontre de populations rurales souvent marginalisées. L’objectif étant de ne pas devenir un pôle d’exception artistique rattaché à un village en particulier mais de se diffuser sur tout le territoire occitan. « L’itinérance est pensée comme une façon de concerner les habitants du territoire. » La question du patrimoine culturel n’est pas abordée comme la cristallisation des pratiques anciennes rejouées le temps d’un festival. La Hestejada se pense autour d’une mémoire collective qui fait encore sens dans la construction de l’identité locale, Elle met en exergue le patrimoine naturel, vernaculaire, populaire et linguistique. La plupart des spectacles sont répartis le long d’un parcours dans les bois ou dans les villages, les lieux populaires historiques sont valorisés à l’occasion et le dialecte resurgit dans des 1 Mine d’art à ciel ouvert -l’association-, « une association transartistique et

culturelle», Uzeste musical, le 15 juillet 2013, URL : http://www.uzeste.org/lassociation/mine-dart-a-ciel-ouvert-une-association-transartistique-et-culturelle/#more-29 2 Idem

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spectacles ou des publications. Il n’y a pas de reconstitution historique d’un événement comme dans les fêtes Landaises, mais une mise en valeur du patrimoine encore vivant, chez les habitants, dans leurs usages et dans le paysage. Toujours dans un souci de proximité et d’ancrage au territoire, des réunions publiques sont organisées à la veille de l’événement avec les habitants et les acteurs locaux afin de mutualiser les ressources et d’impliquer la population locale dans le projet. Ce n’est pas uniquement l’espace public du village qui accueille le festival. Les jardins privés s’ouvrent aux explorations artistiques et les maisons de particuliers accueillent les artistes invités. L’implication des habitants ravive une solidarité villageoise et, au lieu de fermer le village et de le muséifier le temps d’un événement, celui-çi s’ouvre de l’intérieur. Le public étranger est invité à pénétrer l’intimité de la vie locale. Depuis toujours Uzeste Musical a pour objectif d’ouvrir le débat de “ la place de l’art “ dans la société. Que se soit avec le théâtre de l’Estaminet, les créations ou la conception du festival, l’objectif souhaité est que l’art et la culture soient les vecteurs de la construction citoyenne. «Pour que la discussion dépasse le simple cadre de l’instant, des témoignages, prises de position, interviews sont collectés et rassemblés dans des supports distribués aux festivaliers. L’importance de l’écrit à Uzeste (comme en témoignent les « programmes manifestes » ) est le signe de cette volonté de poursuivre la discussion avec le public en dehors du moment du festival.» 3 Le travail de collecte de mémoire et d’écriture ancre le festival dans un temps de réflexion collective bien plus long, dans un débat citoyen qui évolue au fils des années. C’est une forme immatérielle d’implication dans le territoire, une évolution collective des consciences. La richesse générée par le festival n’est pas financière, c’est une richesse sensible et citoyenne qui est réinvestie chaque année dans une autre forme de développement du développement local. Malgré la bienveillance du projet, toute la population n’adhère pas au débat autour de la question artistique. Cependant la présence d’Uzeste Musical ne peut être ignoré par les locaux qui choisissent de s’impliquer ou non au sein du débat citoyen. Il existe un clivage, dans la population, entre ceux qui adhèrent à la démarche et ceux qui préfèrent l’ignorer. Mais l’Hestejada est aussi un festival de renommée nationale notamment dans le monde du Jazz. L’objectif artistique n’est pas «d’importer» des têtes d’affiches comme il est courant de le faire dans une programmation musicale, et qui est récurrent dans les cas que nous avons vu précédemment. Ici la rencontre et la porosité entre les arts est mis au centre du projet. On ne cherche pas une exécution propre de la performance artistique mais la surprise de rencontres qu’elles soient fructueuses ou ratées. En intégrant le temps de l’expérience, le festival génère une matière artistique, ainsi même des musiques issues du patrimoine culturel local évoluent au contact du monde. « Bien que ancré en territoire gascon, l’Hestejada de las arts est 3 Idem

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poreuse aux souffles du monde. Toutes les pratiques sont convoquées : le jazz et l’improvisation en sont le cœur, mais le théâtre, la poésie, les arts de la rue, la danse, le cinéma, les arts visuels, la pyrotechnie y ont aussi leur place. » Quelque soit l’ampleur du festival, la priorité des organisateurs reste la qualité de la proposition artistique. « L’Hestejada est resté un événement de taille moyenne (un millier de festivaliers) sans perdre son aura nationale ni disparaître (le festival a maintenant plus de 35 ans !).Parce que l’artiste est là pour éclairer plus qu’éblouir, la direction artistique ciselle chaque année une programmation exigeante de bout en bout, audacieuse et discrète (car dépouillée des grands noms médiatiques). »1 Le festival l’Hestejada de las arts est un cas unique, il pose la question des ressources crées par un événement et de son investissement dans un territoire. Les autres cas que nous avons abordé ont soit une valeur économique dans le développement du territoire, soit une valeur identitaire comme dans le cas de Marciac. Ici les richesses produites sont l’implication citoyenne et l’engagement politique et le débat, autour de l’art et la culture fait oeuvre d’éducation populaire et de sensibilisation du «spect’acteur».

1 Idem

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Cette rĂŠtrospective de l’action culturelle en milieu rural met en exergue le passage du rĂ´le fĂŠdĂŠrateur et crĂŠateur de lien social de la fĂŞte de village Ă un nouvel intĂŠrĂŞt ĂŠconomique, touristique et parfois politique du festival. Cependant on remarque Ă travers les diffĂŠrentes ĂŠtudes de cas que les motivations peuvent varier et se combiner Ă l’occasion. On peut y voir une offre de loisirs en pĂŠriode estivale parfois associĂŠ Ă des lieux touristiques, la consommation ĂŠlitiste d’une culture savante, ou un mode de vie militant privilĂŠgiant les formes de contre-culture, Ă l’Êcart ou non, des logiques marchandes portĂŠes par les industries culturelles. ÂŤLieu de rencontres, susceptible de motiver dĂŠbats et forum, espace festif et de convivialitĂŠ recherchĂŠe ou suscitĂŠe, la forme festivalière continue pourtant de prospĂŠrer alors mĂŞme, que depuis les annĂŠes 1970, l’individualisation des pratiques culturelles s’accentue, portĂŠe par les ĂŠvolutions technologiques qui gouvernent les formes de la consommation culturelle. L’histoire des pratiques festivalières, saisie Ă l’Êchelle individuelle ou collective, reste indissociable, et ĂŠtroitement articulĂŠe, Ă celle de la dĂŠmocratisation des loisirs, du tourisme culturel et de l’accroissement des circulations et des mobilitĂŠs. Le festival reste, après deux siècles d’aventure, le type achevĂŠ du rituel de la religion culturelle Âť 2

ÂżJXUH ,PSURYLVLRQ PXVLFDO SHQGDQW OÂś+HVWHMDGD FXLYUH HQ FKDVVH

2 ORY Pascal, Une histoire des festivals XXe-XXIe siècle, coll. Histoire contem-

poraine n°9 , publication de la Sorbonne, 2013, 350 pages

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PARTIE II VERS L’EXCEPTION RÉGIONALE DE LA CULTURE RURALE ?

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Dans le contexte actuel des recompositions territoriales, certains espaces ruraux s’animent, devenant le terrain d’initiatives culturelles originales. De nouvelles typologies d’actions culturelles émergent, contrairement aux festivals qui se déroulent sur un temps court, leurs temporalités peuvent s’inscrire sur du long terme. Les cas, que je vais développer, s’intègrent de manière consciente ou non dans une logique de développement local. Je parlerai dans un premier temps des projets initiés par des collectivités selon une politique culturelle déterminée. Ces projets qui intègrent des interventions artistiques posent la question de l’instrumentalisation de l’artiste au profit du développement du territoire, de son attractivité mais aussi de la légitimité de l’intervention artistique, en tant que création ou en tant qu’outil de médiation appliqué au territoire. Nous verrons, dans ce contexte, les attentes des collectivités, l’influence qu’elles peuvent avoir sur la nature de la présence artistique et leur compatibilités avec des démarches purement artistiques. Dans un deuxième temps je parlerai d’un développement local issu de projets culturels spontanés, d’initiatives citoyennes.

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2.1. LES POLITIQUES CULTURELLES EN MILIEU RURAL ... Une analyse des politiques culturelles en milieu rural est nécessaire afin de comprendre le contexte des « singularités » des projets artistiques que je souhaite mettre en lumière. 1935

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1975

PROCESSUS POLITIQUES

PARCS projets local d cherch ou redyna

OBJECTIFS POLITIQUES

DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE : la valeur civilisatrice des arts, privilégie l'accès du grand public aux formes principalement européennes de la «haute culture». l'accès aux œuvres d'une même culture

COMMUNAUTÉS ET ASSOCIATIONS

DÉMOCRATIE CULTUREL culture, revendique l’ex canons traditionnels. l'inclusion, la diversité e

MOUVEMENT ASSO repeuplement de institutionnalisatio récréative.

COLLECTIVITÉES VILLAGEOISES : liées à la société paysanne. Oeuvraient à l’animation festive et récréative. ex : foyers ruraux

TYPOLOGIE D’ACTION CULTURELLE

ACTIVITÉ FESTIVALIÈRE : le nombre de festivals « culturels » est passé de 400 à 30 000 en Europe depuis les années 60’

FÊTES DE VILLAGES : fête spécifique à chaque village, démonstration d’un patrimoine local et religieux, dédié généralement au saint patron

CULTURE DES NÉOculturelles emerge nouvelles populat

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Contrairement aux aires métropolitaines, les collectivités locales du milieu rural ont dû s’adapter à des contraintes juridiques et financières inadaptées à leurs ressources économiques et à leur système de gouvernance. Pour pallier au manque de moyens dans les projets de développement local, les collectivités se réorganisent et développent des stratégies de politiques culturelles qui reposent sur un capital humain.

¿JXUH )ULVH FKURQRORJLTXH GX FRQWH[WH SROLWLTXH HW VRFLDO GH O¶DFWLRQ FXOWXUHOOH HQ PLOLHX UXUDO

1982

1980

1999 1985

1990

2000

1995

amiser un territoire.

2010

2015

LOI SUR LE PATRIMOINE : relatives aux responsabilités locales. Elle intègre le patrimoine culturelle à toute autre forme de culture.

LOI DEFERRE de décentralisation : autonomie des collectivités locales (sans tutelle de l’etat)

NATURELS RÉGIONAUX : s de développement e toute nature, hant à animer, dynamiser

2004 2005

LOI VOYNET : loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire, Cette loi a pour objectif une démocratie plus participative et un développement plus durable (soutenable) et harmonieux. GOUVERNANCE Non spécifique au secteur culturel, politiques non hiérarchiques, décentralisées et collaboratives - établir des approches entre acteurs publics, privés et civils interdépendants GOUVERNANCE À MULTINIVEAUX : en réponse à la reconfiguration de l'autorité politique en Europe avec la création de l'Union européenne. Se concentre principalement sur les acteurs gouvernementaux, en particulier sur les relations entre les différents niveaux de gouvernement dans les politiques et les programmes et sur les moyens de les coordonner

LE : critique de l’élitisme de la démocratisation de la xpression culturelle et les pratiques qui sortent des et l'accès aux moyens de production culturelle. L’ÉCONOMIE CULTURELLE : la culture en tant qu´instrument de développement. L´intérêt de l´activité culturelle pour le progrès social et économique et pour la durabilité de la vie communautaire. critique de l’instrumentalisation des activités artistiques

CIATIF : Nouvelle population, certains foyers ruraux. n en association, animation festive et

MOUVEMENT ASSOCIATIF : partenaire devenu incontournable et financeurs privilégiés des collectivités territoriales en croissances. Depuis la décentralisation le rôle des collectivités n’a cessé de croître. nouvelles associations et nouveau publique ciblé, les néo-ruraux.

« FESTIVALISATION » DE LA VIE CULTURELLE ET SOCIALE: nouveaux modes de gestion publique basée sur l’événementiel et l’exploitation de la culture sous toutes ses formes. -RURAUX : de nouvelles formes d’actions ent répondant aux attentes des ons rurales.

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L’ÉVOLUTION POLITIQUE CULTURELLE ET LA DÉCENTRALISATION Il convient de faire la chronologie des processus politiques pour comprendre leur impact sur le milieu culturel rural. L’événement majeur qui revient de manière récurrente dans les analyses d’artistes, d’élus ou de chargés de mission est la décentralisation. Elle va appuyer des stratégies de développement local déjà engagées depuis le milieu des années 70 avec la création des Parcs Naturels Régionaux. Mais sa définition est théorique et son cadre d’application varie selon les projets en conservant néanmoins l’ objectif, d’animer, de dynamiser ou redynamiser un territoire. Au début des années 90, l’idéologie du développement local entre en résonance, et parfois en complémentarité, avec la réforme de la décentralisation. C’est la loi Deferre en 1982 qui a permis aux collectivités locales d’obtenir l’autonomie. Désormais, il n’est plus nécessaire d’avoir l’accord de l’état pour soutenir un projet de développement quelqu’en soit le domaine (économique, social, culturel, …). Il existe encore une législation qui définit des règles - respect du cahier des charges défini par l’Etat - mais celles-ci vont s’assouplir au fil du temps autorisant une plus grande autonomie. Cependant, la loi a mis du temps à montrer son efficacité car le cadre institutionnel ne correspondait pas à « l’arsenal législatif »1 mis en place. Il n’y a pas eu de réforme ou de fusion des collectivités locales pour compenser les grandes différences de dotations entre le milieu urbain et rural. Ce dernier étant défavorisé du point de vue démographique et économique. Le juriste et consultant en développement territorial y voient le résultat d’un cadre qui n’a pas évolué avec le contexte contemporain : « les impôts correspondants (taxe d’habitation ; taxe foncière) ont plus de deux siècles. Ce qui peut poser problème, car ce sont des outils peu dynamiques et pas nécessairement adaptés à ce que les collectivités souhaiteraient. »2 Les premières mesures prise par les collectivités, en relais de l’Etat, furent de créer des équipements culturels. Les grandes collectivités (départements, régions, communes urbaines, agglomérations) eurent les moyens d’investir dans des musées, des théâtres nationaux, ou dans la formation professionnelle … En revanche, en milieu rural, la question du financement est toujours restée un obstacle pour la création des infrastructures culturelles. Cette fragilité financière s’est aggravée avec une nouvelle loi de 2004 qui, dans un but de simplification, a intégré la gestion du patrimoine aux autres champs culturels. Ceci marque une nouvelle étape du désengagement de l’Etat qui a eu pour conséquence de réduire considérablement le budget alloué à la culture pour l’investir massivement dans la restauration du patrimoine. La faiblesse du développement culturel en milieu rural est souvent pointé du doigt. Le peu d’équipement tels que les bibliothèques ou les établissements artistiques sont la conséquence de la structuration territoriale française. Les collectivités sont mises à égalité que ce soit Paris, Bordeaux ou une commune de 300 habitants.

1 PICOT Luc, « Le Bonheur est-il dans le pré ? le beurre ou l’argent du beurre

? La campagne, nouvel Eden pour les artistes ? » Revue Hors les murs, dans le cadre du chantier «Artiste en milieu rural», Juillet 2012 2 Idem

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ÂŤ Ce qui est aisĂŠ pour des collectivitĂŠs importantes, qui en ont les moyens, est beaucoup plus compliquĂŠ en milieu rural. En effet, une petite collectivitĂŠ n’a pas nĂŠcessairement les infrastructures administratives, les fonctionnaires ou les agents de dĂŠveloppement susceptibles d’utiliser ces règles complexes, plutĂ´t calibrĂŠes pour les grandes collectivitĂŠs que pour les petites. Âť3 C’est pour cette raison que se sont dĂŠveloppĂŠs et solidiďŹ ĂŠs les intercommunalitĂŠs, elles sont aujourd’hui les moteurs du dĂŠveloppement local. Le succès de ce mode de fonctionnement diffère selon les tĂŠmoignages. Certaines communes n’arrivent pas Ă s’entendre d’un point de vue politique et idĂŠologique et n’arrivent pas Ă s’accorder sur des projet de dĂŠveloppement local. Mais, certaines communautĂŠs de commune (CC) ont proďŹ tĂŠ pleinement de leur autonomie pour proposer des projets culturelles plus ambitieux et parfois plus risquĂŠs. Les faibles ressources en matière de culture des CC incitent des citoyens soucieux de leur cadre de vie Ă s’investir bĂŠnĂŠvolement dans des projets associatifs ou d’intĂŠrĂŞts communs. La prĂŠcaritĂŠ est souvent Ă l’origine d’initiatives sociales et solidaires gĂŠnĂŠratrices d’intelligence collective pour mener Ă bien des projets.

ÂżJXUH $YDQW HW DSUqV /D GpFHQWUDOLVDWLRQ GH YXH SDU <DQQLFN /HIUDQoRLV

3 Idem

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L’ÉCONOMIE CRÉATIVE APPLIQUÉE AU MONDE RURAL cas d’Ecurey Pôle d’Avenir Nous verrons ici le cas de la CC de Haute Saulx qui appartient selon la DIACT aux campagnes «les plus fragiles». Son projet politique se base sur l’attractivité de son territoire et l’accueil des nouvelles populations. Pour cela elle met en place une politique culturelle inspirée de l’économie créative. L’économie créative est une approche innovante issue de la notion de « ville créative » qui émerge au début des années 1990 avec les travaux du sociologue britannique Charles Landry. Il aborde la question de la régénération urbaine dans une économie mondiale très concurrentielle. L’intérêt politique et scientifique porté à la créativité et à son impact sur le développement économique et urbain s’amplifie avec la publication en 2002 du livre de Richard Florida sur la « classe créative ». Ce théoricien américain affirme que les villes, caractérisées par une diversité culturelle et un climat de tolérance, attirent les individus créatifs, les talents, à l’origine des innovations technologiques et de la croissance économique de ces villes. Selon C. Barrère (2006): «l’intérêt pour la créativité dans sa dimension artistique répond au besoin de trouver une nouvelle grille d’interprétation des mutations actuelles : l’innovation par accumulation des connaissances trouve ses limites ; la créativité apporte aux innovations une dimension esthétique et sémiotique qui renouvelle le désir de consommation. » «Innovation et créativité artistique se rejoignent pour donner un nouveau souffle au capitalisme (Caves, 2002). Comment faire de l’argent avec de l’émotion, du désir, du besoin de reconnaissance et autres valeurs qui font l’être humain, telle est la nouvelle frontière de l’économie créative. Mais d’aucuns dénoncent les abus de ce nouveau cycle capitaliste, d’une économie de l’éphémère et de la mode qui organise l’obsolescence des produits (Lipovetsky, 1987), d’une économie libidinale qui enferme les individus dans une dépendance pulsionnelle (Stiegler, 2006). Dans ces approches du rôle de la créativité dans l’évolution de l’économie capitaliste, la frontière entre la créativité dans sa dimension artistique et la créativité comme moteur d’innovations dans les entreprises est poreuse. Les techniques de management de la créativité empruntent d’ailleurs aux techniques de créativité artistique pour permettre aux compétences créatives des individus de se libérer des cadres hiérarchiques et des routines qui font obstacle aux innovations. Une semblable confusion des niveaux d’analyse se retrouve dans les débats qui portent sur les relations entre économie créative et développement des territoires.» 1 Les politiques rurales, séduites par ce concept de «ville créative» mettent en place, à leur échelle, des stratégies de développement culturel dans le but d’attirer ce «capital humain» . Cependant, les enjeux ne sont pas comparables aux grandes métropoles. L’objectif de développement 1 LIEFOOGHE Christine, « Économie créative et développement des territoires

: enjeux et perspectives de recherche », Innovations n° 31, Janvier 2010, p. 181197

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des territoires concerne généralement des régions «désertés», il n’est pas question de se mettre en concurrence avec des villes voisines mais de «repeupler» les «campagnes les plus fragiles». Certaines CC s’inquiètent du dé-peuplement croissant de leurs bourgs et du déclin économique qui s’accroît avec la diminution des aides de l’Etat. Utiliser une politique proche de l’économie créative permet effectivement de créer de l’attractivité, mais le résultat souhaité est une diversification des activités en milieu rural plutôt qu’une croissance à tout prix. Pour pallier à cette situation, certaines CC développent une attractivité touristique (patrimoine architectural et naturel, festival, marketing gastronomique, bien-être, sports spécifiques,...). Cela permet de maintenir l’économie mais n’est pas forcément favorable à l’amélioration du quotidien des habitants. D’autres cherchent à réactiver le territoire mais dans un souci d’un «bien vivre»2 qui allie sensibilisation aux démarches éco-responsables et développement de la culture. L’intérêt de soutenir des initiatives culturelles étant de créer de nouvelles attractivités auprès des catégories socio-culturelles qui tentent de s’installer à la «campagne». C’est le cas de la CC dénommée « Haute Saulx ». Elle a mis en place une stratégie politique pour re-valoriser son patrimoine et accueillir de nouvelles populations. La CC dispose d’une friche industrielle, le site d’Ecurey qui est une ancienne abbaye cistercienne du XIIe siècle, sur laquelle elle a mené une réflexion en vue de sa réhabilitation. Le «groupe 21» créé en 2009 est composé d’élus, d’habitants, de responsables d’associations, etc. Ce groupe a dégagé un certain nombre de problématiques: - comment maintenir et accueillir de nouvelles populations en milieu rural ; - comment développer une offre culturelle ; - comment rénover les bâtiments anciens tout en obtenant de vraies performances énergétiques ; - comment valoriser durablement les ressources locales (bois, eau, agriculture). - De leur réflexion est né un concept : « le bien vivre à la campagne». Si on analyse ces pistes de réflexion, une ligne politique en ressort: l’application concrète de l’économie créative. Une «nouvelle économie» est à inventer, propre au monde rural pour diversifier le secteur primaire de l’agriculture et de l’élevage. La CC prend le parti de favoriser le développement durable et la transition écologique de la production territoriale. La diversification des secteurs d’activités et la transition écologique au sens large relève de l’innovation. Et si on applique les théories de la ville créative à l’échelle de la friche, tous les éléments sont réunis pour en faire un foyer d’innovation entre le patrimoine industriel, les ressources locales et la dynamique artistique et culturelle qui l’entoure. « Quand les élus se sont interrogés sur l’avenir de cette friche, ils ont pensé, au départ, à une ré-industrialisation, mais cela a débouché sur 2 BONNET Laurence chargée de développement de la CDC, « Le Bonheur est-

il dans le pré ? le beurre ou l’argent du beurre ? La campagne, nouvel Eden pour les artistes ? » Revue Hors les murs, dans le cadre du chantier «Artiste en milieu rural», Juillet 2012

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un ĂŠchec complet. Dans les annĂŠes 2000, une association a travaillĂŠ sur la valorisation des savoir-faire. Tous les dimanches, en ĂŠtĂŠ, elle ouvrait le site et proposait des animations sur le savoir-faire des fondeurs. Cette activitĂŠ a durĂŠ une petite dizaine d’annĂŠes, sans pour autant convaincre les ĂŠlus. Ponctuellement, des animations culturelles plus importantes ont eu lieu.Âť1 Ce tĂŠmoignage date d’avant le groupe 21, mais il met en ĂŠvidence les ressources dĂŠjĂ prĂŠsentes sur le territoire. Si ce projet Ă long terme est principalement portĂŠ par une institution publique, l’aspect artistique et culturel qui le soutient et lui donne corps, provient d’une initiative individuelle. Ce projet qui s’Êlargit Ă une rÊexion plus globale de dĂŠveloppement du territoire est issu d’une rencontre heureuse entre le pouvoir public en place et une compagnie de thÊâtre de rue soucieuse de la place de leurs crĂŠations dans une communautĂŠ rurale. Ainsi, ÂŤ Voyage hors les murs Âť, un spectacle de la compagnie Azimuts, ĂŠtait une commande de la CC pour accompagner une dĂŠmarche de rÊexion sur le projet d’Ecurey. La collaboration entre la CC et la compagnie de thÊâtre s’est prolongĂŠe. Dans un premier temps, les propositions artistiques de la compagnie ont soutenu la dynamique du projet de rĂŠhabilitation, puis, dans un second temps, la compagnie s’est installĂŠe dĂŠďŹ nitivement dans les bâtiments du site d’Ecurey. La politique culturelle de la CC sous entend que le projet ÂŤEcurey pĂ´le d’AvenirÂť devienne un incubateur d’innovation. La prĂŠsence de crĂŠatifs est donc nĂŠcessaire pour ĂŠlargir le champ des actions possibles et crĂŠer le contexte adĂŠquat.

1 Idem

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ÂżJXUH DIÂżFKH GX ÂżOP KDELWHU OD FDPSDJQH XQ PRQGH SRXU VRL SURMHWp DX 3{OHV GÂś$YHQLU


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2.2. … SOUTENUES PAR LE PROJET ARTISTIQUE Dans cette partie je développe des cas d’études de projets artistiques de compagnies qui répondent à une commande des CC dans le cadre d’une politique de développement local. Cela pose la question de leur intégrité artistique et de leur rôle de médiateur social. Dans un premier temps nous verrons la compagnie de théâtre Azimuts qui est à son initiative déjà impliqué dans un développement culturel territorialisé. Dans un second temps nous verrons l’intervention du collectif ETC sur une temporalité bien plus courte mais avec un processus artistique dont l’objectif est d’enclencher une implication citoyenne qui pérennise le projet. « La culture dans les campagnes se caractérise moins par sa production artistique que par ses modes de mise en relation des individus. D’où l’importance de la démarche socioculturelle. Ces initiatives viennent prouver qu’il est aujourd’hui possible de concilier qualité artistique et développement social, que la création a quelque chose à faire avec la question du lien social »1

1 DELISLE Henry & GAUCHÉE Marc, Culture rurale, Cultures urbaines ?, Le

cherche Midi, Collection terra, 2007, 250 pages

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LA RENCONTRE VERTUEUSE ENTRE CIVILS ET POLITIQUES cas de la compagnie Azimuts et ses collaborations A ses début, le projet de la compagnie Azimuts était indépendant de la politique culturelle de la communauté de commune. Azimuts a commencé à ancrer ses créations dans le territoire de manière autonome. Il a fallu du temps avant qu’elle ne rentre dans un registre de projet avec les élus pour asseoir une politique de développement culturel. Amener une politique culturelle sur un territoire nécessite une maturité de la collectivité, le temps du contact social. Si la compagnie Azimuts est aujourd’hui un acteur clé du projet d’Ecurey c’est qu’elle a établi au préalable un lien entre les habitants et son projet artistique. La compagnie de théâtre de rue Azimuts est implantée dans la Meuse depuis plus de quinze ans, dans une très petite CC qui compte quatorze villages et 2 700 habitants au total. Elle s’est installée dans une campagne à très faible densité. Le projet initial de la compagnie était de produire et diffuser leurs spectacles, caractérisés par des interactions permanentes avec les spectateurs dans l’espace public. Une première expérience de ce type, tentée dans une ville moyenne s’était soldée par un échec, par manque de contacts et de communication avec les habitants. La troupe a donc choisi de retourner dans leur village, misant sur le fait que certains membres de la compagnie étaient originaires de ce lieu et que cela servirait leur travail. Leur action de création et de diffusion accompagnait un projet de vie qui était de s’implanter dans le territoire. Ils sont donc devenu citoyens du canton ce qui a permis d’établir un autre type de rapport avec la population. De ce fait, les villageois qui majoritairement n’allaient pas au théâtre ont découvert les arts de la rue et ont commencé à se déplacer pour se rendre aux représentations. « Quand nous avons commencé à entrer dans le concret, à répéter et à jouer dans la rue, il n’y avait personne ! Quelques petits vieux passaient, mais les gens étaient généralement partis au travail et la population était plutôt derrière les rideaux dans les maisons, se demandant ce qui se passait.»2 Leur spectacle, consistant en une collecte de mémoire tournée vers le territoire a très vite recueilli l’adhésion des villageois. « J’allais chez les gens, avec un micro que je demandais à poser sur la table et je prenais le temps de discuter avec eux. (...) nous avons senti qu’un autre rapport se mettait en place entre nous, artistes, et les habitants. Nous parlons là « d’habitants », de « population », mais pas de « public ». Le public est arrivé plus tard.»3 Le dialogue avec les élus pour négocier leur projet a été facilité compte tenu de la petite taille de la CC. A partir du moment où la « population» est devenue « public» la compagnie a commencé à recevoir des commandes du territoire. La transition habitant-public a été facilitée lors des bords de scène 2 MONIN Michaël, « Le Bonheur est-il dans le pré ? le beurre ou l’argent du

beurre ? La campagne, nouvel Eden pour les artistes ? » Revue Hors les murs, dans le cadre du chantier «Artiste en milieu rural», Juillet 2012 3 Idem

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auxquels participaient activement les spectateurs qui se sentaient ainsi concernĂŠs par le propos thÊâtral. Ce succès, mĂŞme si la reconnaissance de la dimension artistique dans leur quotidien Ă mis plus de temps Ă se mettre en place est certainement liĂŠ au rapport de conďŹ ance prĂŠexistant. Le Conseil gĂŠnĂŠral a très vite soutenu ďŹ nancièrement leur projet et a su prendre en compte l’enjeu et l’intĂŠrĂŞt d’une compagnie installĂŠe en milieu rural. MichaĂŤl Monin utilise le terme de ÂŤterritoire viergeÂť car il n’y avait aucune offre culturelle Ă part un petit festival de thÊâtre amateur. La CC ĂŠgalement a mis Ă leur disposition des locaux pour diffuser leurs crĂŠations et inviter d’autres compagnies en rĂŠsidence. De comĂŠdiens ils sont devenus promoteur de ce style thÊâtral (opĂŠrateur culturel). Cela pose une question dĂŠjĂ suggĂŠrĂŠe dans la première partie avec le dĂŠveloppement des festivals ÂŤimportĂŠÂť, Ă savoir, qu’elle est la lĂŠgitimitĂŠ des artistes et qu’ont ils Ă apporter au milieu rural ? Comment toucher une population qui ne se sent pas concernĂŠ par la culture ? Culture trop longtemps associĂŠe Ă une forme institutionnelle urbaine, cristallisĂŠe dans une politique d’Etat. Le travail de la compagnie Azimuts est entièrement tournĂŠ vers cet enjeu : faire reconnaĂŽtre Ă une population locale la lĂŠgitimitĂŠ de nouvelles formes artistiques ÂŤdu terroirÂť. ÂŤ Je pense que nous nous inscrivons vraiment dans une dĂŠmarche d’Êducation populaire. Au dĂŠpart, les gens disent : “le thÊâtre n’est pas pour nousâ€?, puis “avec vous, ce n’est pas pareilâ€?, parce qu’une relation affective se met en place.Âť1

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Selon MichaĂŤl Monin, la population a adhĂŠrĂŠe Ă l’offre culturelle grâce au rapport direct ĂŠtabli. Dans tous les projets artistiques que j’analyse, ce facteur est une constante. La rĂŠussite d’un projet artistique ancrĂŠ dans un territoire repose souvent sur le succès d’une rencontre entre les initiateurs et la population locale. Aujourd’hui l’adhĂŠsion de la population leur a permis d’Êtendre leur champ d’action et de s’impliquer toujours plus dans le dĂŠveloppement territorial. L’implication de la compagnie Ă l’Êchelle locale leur a valu de participer activement Ă la reconversion de la friche. Les groupes de rÊexion constituĂŠs Ă l’initiative de la communautĂŠ de commune ont dĂŠcrĂŠtĂŠ que l’offre culturelle ĂŠtait nĂŠcessaire. Pourtant ,avec une densitĂŠ de dix Ă douze habitants au km² il n’Êtait pas question de construire une salle de spectacle. Ils ont donc imaginĂŠ la crĂŠation d’Écurey PĂ´les d’AvenirÂť, qui a pour objet d’expĂŠrimenter de nouveaux modes de vie en milieu rural. Dans le cas d’Ecurey, les crĂŠatifs sont donc des artistes comĂŠdiens, qui par leurs projets artistiques et le spectacle vivant vont ĂŞtre porteur du projet plus global de rĂŠhabilitation de la friche. Par exemple la thÊâtralisation du chantier (danse participative avec les matĂŠriaux du chantier, planches de bois, pierre, etc.) permet d’impliquer la population au projet et assurera son soutien bĂŠnĂŠvole. La part ÂŤ crĂŠativeÂť et participative est mise en place par les artistes de la compagnie. Les besoins culturels concernant le site d’Écurey ont ĂŠtĂŠ dĂŠďŹ ni de cette manière. Certains espaces seront consacrĂŠs aux expositions permanentes, d’autres aux expositions temporaires ; d’autres encore

1 Idem

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ÂżJXUH &KDQWLHU SDUWLFLSDWLI VXU OH VLWH GÂś(FXUD\ WKpkWUDOLVp SDU OD FRPSDJQLH


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accueilleront des artistes en rĂŠsidence, ainsi que la compagnie Azimuts. L’ancienne grange est devenue leur lieu de crĂŠation et d’accueil d’autres compagnies. ÂŤNous ne souhaitions pas proposer une offre culturelle qui ne tĂŠmoignerait que du passĂŠ. Depuis quinze ans, nous avons vraiment bĂŠnĂŠďŹ ciĂŠ de la prĂŠsence d’Azimuts sur le territoire et nous avons dĂŠcidĂŠ que c’est avec eux que nous devons travailler pour offrir quelque chose de nouveau.Âť1 Cependant comme le relève la compagnie oĂš la chargĂŠe de mission de la CommunautĂŠ de Communes de la Haute Saulx, les demandes auprès des artistes glissent rapidement vers l’animation du territoire. Une confusion est rĂŠcurrente entre ÂŤ loisirs-animation Âť et ÂŤ culture Âť, entre ce qui est vernaculaire et ce qui relève pleinement de la crĂŠation artistique. Mais les artistes ne sont pas des animateurs du territoire. ni des ĂŠducateurs. Il y a par exemple souvent des demandes d’animations auprès des enfants, des personnes âgĂŠes ou encore Ă l’occasion d’une brocante. La proposition culturelle n’est pas reconnue pour sa valeur artistique mais comme une animation qui permet de ÂŤ donner de la vie Âť. Or l’artiste est prĂŠsent avant tout pour crĂŠer, pour apporter sa nouvelle oeuvre sur le territoire. L’exemple de Haute Saulx montre qu’une proposition artistique peut ĂŞtre un vecteur d’Êducation populaire et soutenir des projets qui produisent du lien social mais ce n’est pas une ďŹ n en soi. Il faut voir dans ce cas l’entreprise artistique comme levier d’action pour relancer le dĂŠbat citoyen et crĂŠer de la cohĂŠsion sociale. C’est la culture au sens large qui est mobilisĂŠe dans l’Êvolution des modes de vie du monde rural. ÂŤ La culture ĂŠtait vraiment au coeur de la rÊexion des habitants : vivant dans des villages de 80 ou de 400 personnes, relativement ĂŠloignĂŠs de villes importantes, comment crĂŠer les conditions pour continuer Ă y vivre, dans dix ou quinze ans ? L’idĂŠe est partie de lĂ , avec une volontĂŠ de rĂŠpondre aux enjeux environnementaux et socio-ĂŠconomiques de la vie en milieu rural, parallèlement Ă une rÊexion sur les changements de comportement. En effet, il s’agit de penser le milieu rural diffĂŠremment du milieu urbain, mais pas nĂŠcessairement en opposition. Ce qui impliquait de penser diffĂŠremment l’offre de services, l’offre de transports et l’offre de culture.Âť2 Si cette collaboration paraĂŽt exemplaire, cela n’exclut pas la question de la rĂŠcupĂŠration du projet artistique Ă des ďŹ ns de mĂŠdiation sociale. La crĂŠation doit, selon moi, prĂŠserver son intĂŠgritĂŠ et ne pas se rĂŠduire Ă une fonction d’animation des territoires. La proposition artistique dans le cas d’Azimuts convient au rĂ´le de mĂŠdiation pour du dĂŠveloppement local mais qu’en est-il des expressions artistiques plus subversives? Contrairement Ă l’animation culturelle l’art doit pouvoir ĂŠmouvoir ou dĂŠranger sans ĂŞtre censurĂŠ par le politiquement correct.

1 Laurence Bonnet  Le Bonheur est-il dans le prÊ ? le beurre ou l’argent du

beurre ? La campagne, nouvel Eden pour les artistes ? Âť Revue Hors les murs, dans le cadre du chantier ÂŤArtiste en milieu ruralÂť, Juillet 2012 2 BONNET Laurence chargĂŠe de dĂŠveloppement de la CDC, ÂŤ Le Bonheur est-

il dans le prÊ ? le beurre ou l’argent du beurre ? La campagne, nouvel Eden pour les artistes ?  Revue Hors les murs, dans le cadre du chantier Artiste en milieu rural, Juillet 2012

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2XYUDJH FROOHFWLI DQRQ\PH FRPPXQLVWH FOXE DXWR pGLWLRQ


« On charcute l’originalité, on liquide, on annexe le mystère. Vampirisation existentielle, usurpation politique : les pouvoirs s’insinuent, ils se glissent à la place de l’élaboration collective, et logiquement vont jusqu’à la mimer, la contre-faire. Un démocrate avancé est pour l’auto-gestion »

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LE PROCESSUS ARTISTIQUE, OUTIL D’ÉDUCATION POPULAIRE Le cas du collectif ETC en résidence en Auvergne Dans le cas du collectif ETC, la question de la médiation et de l’implication, au contraire, détermine le projet. Le processus comme un temps de transmission et d’échange, prédomine sur la création artistique. Cet aspect de leur travail les intègre parfaitement dans la politique culturelle de la commune des Deux-Sèvres. Ce projet politique fait appel à une création artistique pour travailler spécifiquement sur de la médiation. Pour comprendre le projet porté par le collectif ETC, il faut remonter le fil menant à ses initiateurs. Il y a en premier lieu un projet politique soutenu par une commune rurale de 1800 habitants, dans les Deux-Sèvres. Elle souhaitait un accompagnement artistique de la révision de son Plan Local d’Urbanisme et a fait appel pour cela au collectif Pixel 13. L’attention que porte la commune au projet artistique n’est pas anodine, elle est issue d’un projet à plus grande échelle porté par l’association des parcs naturels du Massif central (IPAMAC). La création des parcs naturels régionaux est une réponse efficace au désengagement de l’Etat pour le monde rural. Elle contribue activement au développement des territoires grâce aux subventions de l’Etat et des régions. Dans le cas du Massif central, un nouvel axe de réflexion a complété la question du tourisme et du patrimoine naturel depuis 2007, à savoir, l’accueil de nouveaux arrivants. Sur le territoire, certaines communes se dépeuplent ou vieillissent tandis que d’autre bénéficient d’un renouvellement massif de population. Se pose alors la question de l’attractivité et de l’intégration de ces nouveaux habitants. « Dans le Massif central, nous avons la chance de bénéficier de politiques régionales assez fortes en matière d’accueil, notamment en Auvergne et en Limousin, mais essentiellement sur le plan économique et en matière d’emploi. Pour qu’un territoire soit habitable et habité, nous nous sommes dit qu’il fallait prêter attention, aussi, aux questions du lien social et du vivre ensemble, et à la culture qui peut être un facteur d’attractivité pour ces territoires. »1 Bien que ne nécessitant pas de répondre à des problématiques d’attractivité économique ou d’emploi, l’IPAMAC comme nous l’apprend Julia Steiner, chargée de mission,a décidé d’expérimenter la venue d’artistes pour développer des projets s’inspirant des modèles de «ville créative» comme dans le cas de la CC de Haute Saulx afin de développer la notion de «bien vivre ensemble». « Nous pensions que l’intervention d’artistes sur un territoire, qui sont aussi dans la peau de nouveaux arrivants, pourrait révéler des paroles d’habitants, mais aussi d’élus et autres acteurs du territoire, que cela pourrait inciter à des réflexions d’ordres divers, etc.» Ce qui est singulier dans cette ouverture au monde des arts, c’est que contrairement aux politiques culturelles des grandes agglomérations qui misent souvent sur l’excellence artistique, L’IPAMAC s’intéresse 1 STEINER Julia, « Le Bonheur est-il dans le pré ? le beurre ou l’argent du

beurre ? La campagne, nouvel Eden pour les artistes ? » Revue Hors les murs, dans le cadre du chantier «Artiste en milieu rural», Juillet 2012

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au processus. C’est l’opposé de ce que l’on appelle la culture du résultat, qui attend de la proposition artistique qu’elle soit rentable alors que s’intéresser au processus revient à considérer et valoriser l’expérience humaine et sensible. Même si les résidences d’artistes ne concernent qu’une seule commune, elles créent des espaces de réflexion, d’échange, de débat. Le temps de création est un moment de sociabilité qui souffre de la raréfaction, voire la disparition des services publics et des commerces qui autrefois faisaient vivre les communes et contribuaient à leur développements. L’intervention du collectif Pixel 13 est décrite de la sorte par un de ses membre, Sabine Thuilier : « nous sommes une association d’architectes qui développons un projet culturel de sensibilisation à l’architecture et à l’aménagement du territoire, avec un mode d’action par la création artistique.»2 Depuis 2001 ils étaient installés à Marseille, sur la friche de la Belle de Mai et travaillaient déjà sur le rapport entre l’aménagement du territoire et les questions culturelles et artistiques. En 2009 il se sont installés en Auvergne, dans un petit village de 180 habitants, pour confronter leurs problématiques au milieu rural mais également par choix de vie pour certain d’entre eux. Tout comme l’installation de la compagnie Azimuts, ils ont ressenti la nécessité de faire partie du territoire pour trouver une certaine légitimité à leurs actions et créations. « Le processus a été assez lent et progressif. En effet, nous étions extérieurs et nous avions envie de prendre le temps de comprendre le milieu dans lequel nous nous installions. La région Auvergne favorise l’accueil des nouveaux habitants, grâce à un dispositif qui permet aux gens de tester des activités. La commune a mis à notre disposition un ancien presbytère. Il nous paraissait essentiel d’avoir un lieu où travailler et, en même temps, accueillir d’autres personnes, des artistes, pour échanger.» Depuis 2009, nous tentons donc de nous immiscer dans la vie culturelle locale (brocantes, vide-greniers), d’être acteurs de ce qui se passe là avant de proposer nos propres actions et créations.» Tout comme la compagnie Azimuts, il font de l’accueil d’artistes en résidence, notamment ETC, un collectif d’architectes qui est intervenu un mois dans le village. En 2012, ETC réalisait son «Tour de France» une itinérance à vélo, questionnant l’appropriation du cadre de vie dans plusieurs villes de France. Pixel 13 à finalement inscrit son projet dans un temps long à Busséol avec la création d’un « Quartier général », l’intervention d’artistes ou de collectif en résidence s’inscrivent dans un temps court d’une semaine à quelques mois. Le projet encadré par le collectif ETC à Busséol, un village d’auvergne, intitulé «Au Four Banal», est une expérimentation de plus pour ancrer un projet court dans du long terme. Les membre du collectif se positionnent comme accompagnateurs d’une création collective. Dans leur rôle de médiateur, ils invitent les habitants à s’impliquer dans leur environnement urbain par le biais d’un projet participatif. «Du 19 au 27 novembre 2011, dans le cadre de notre Détour de France, nous avons fait étape à Busséol, village d’Auvergne à une trentaine de 2 THUILIER Sabine, pixel 13, « Le Bonheur est-il dans le pré ? le beurre ou

l’argent du beurre ? La campagne, nouvel Eden pour les artistes ? » Revue Hors les murs, dans le cadre du chantier «Artiste en milieu rural», Juillet 2012

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kilomètres de Clermont-Ferrand. Nous étions invités par Sabine Thuilier, Charlotte Hubschwerlin et Alexandre Cubizolles de l’association Pixel en tant qu intervenants d’une série de résidences mis en place dans le Quartier Général, nom donné à l’ancien presbytère.»1 La proposition à Busséol initiée par le quartier général constituait une étape d’expérimentation dans ce questionnement : comment des actions artistiques collectives peuvent activer la fabrication d’espace public en milieu rural ? Cela pose la question de la transmission pour assurer la continuité de la démarche et assurer son rôle d’activateur de projet sur du long terme. L’objectif était donc de faire que la dynamique amorcée ne s’éteigne pas dès le départ du collectif. Le collectif ETC s’est donc intéressé aux anciens lieux de sociabilité, à savoir; le four à pain, le lavoir, la cabine téléphonique et l’église. La première étape de leur travail a été de recueillir des témoignages des habitants sous forme de questionnaires et de discussions en faisant du porte à porte. Au delà de la collecte d’informations et d’images cela à permis d’établir un premier contact pour se faire identifier et pour convier les habitants du village à participer au projet. Un espace de convivialité, “le goûter”, leur a permis de présenter leur projet, d’inventer de nouveaux usages dans les anciens lieux de convivialité. « Ainsi, le four à pain devient un café baptisé “le four banal”, l’église devient une salle de cinéma, le lavoir une piscine et la cabine téléphonique une bibliothèque.»2 Le collectif a commencé le chantier de transformation de ces lieux, en s’installant au coeur du village pour être en permanence accessible à la population. Les habitants pouvaient à tout moment s’informer du projet et de son évolution et les enfants ont participé à la transformation de la cabine téléphonique. Selon le collectif cette initiative fût un succès, les habitants venaient discuter, partager un verre ou apporter des confitures. On ne sait pas quelle part de la population s’est impliquée dans le projet mais elle a été suffisante pour la suite de l’intervention. Les villageois se sont prêté au jeu pour être acteurs et figurants du tournage de bandesannonces mettant en scène les nouveaux usages attribués aux lieux. «Une bande-annonce a été tournée puis montée pour chacun des trois lieux où nous sommes intervenus : le four à pain pour “Le dernier des troquets” , le lavoir pour “Une longueur d’avance” et la cabine téléphonique pour “Le mystère de la bibliothèque”. Pour chacun de ces films, il a encore fallu faire du porte à porte pour convier les gens à venir, mais aussi pour leur proposer de venir en fin de journée à la soirée d’allumage du four à pain.»

1 COLLECTIF ETC, « Au Four Banal, Détour de France », 2011.

URL : http://www.collectifetc.com/realisation/au-four-banal/ 2 Idem

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ETC décrit une soirée où une soixantaine de personne sont venues pour réfléchir sur l’avenir de ces nouveaux lieux de vie. La projection dans l’église des bandes annonces à permis d’ouvrir le débat qui à eu lieu lors de la préparation de pizza dans l’ancien four à pain restauré. La pertinence de ce type d’intervention réside, selon moi ,dans le fait que les habitant plutôt que d’être spectateurs «concernés» par une création en sont en partie concepteurs. De spectateur il devient «acteur». On dépasse une attente d’un capital humain qui viendrait de l’extérieur, dans ce cas c’est le «capital» humain présent qui est «réactivé» et qui relance une dynamique locale en se découvrant de nouveaux potentiels d’actions. « la créativité ne naît pas d’un cerveau mais d’une interaction entre des idées et un contexte socioculturel ».M. Csikszentmihalyi (2006)

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Ce projet n’est pas le plus emblĂŠmatique des travaux du collectifs mais cette intervention est reprĂŠsentative de leur mode d’action. Il dĂŠveloppent par exemple une rÊexion autour des ÂŤexperts d’usagesÂť. Le processus artistique et urbain mis en place n’a pas pour but d’appliquer un processus conventionnel de l’amĂŠnagement des territoires. Il a pour but de rĂŠvĂŠler les ressources humaines locales et d’accompagner jusqu’au projet des idĂŠes et des solutions que peuvent avoir les acteurs locaux. C’est aux habitants eux mĂŞme de prendre en main leurs espaces de vie, de l’adapter Ă leurs dĂŠsirs de partage et d’Êchange. Leur mission en tant qu’ accompagnateurs est de ÂŤDonner conďŹ ance et faire prendre conscience Ă chacun que c’est par leurs actions, modestes et quotidiennes, que se transformera l’espace commun.Âť1 Le collectif ETC est attachĂŠ au concept d’espace public comme bien commun et moyen de recrĂŠer du lien social. L’implication citoyenne est selon eux la base d’une rĂŠelle dĂŠmocratie . ÂŤNous devons re-dĂŠcouvrir nos villes, nous rĂŠ-approprier nos quartiers, nos rues et nos places, et rĂŠ-apprendre le ÂŤ vivre-ensemble Âť. Parler Ă son voisin, Ă son ĂŠpicier, ou Ă un inconnu doit se faire en toute simplicitĂŠ. Descendre une chaise pour s’installer en bas de son logement doit redevenir une banalitĂŠ. Re-devenir acteur de son quartier ou de sa ville, et s’y impliquer.

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En tant qu’architecte, la mise en forme de leurs projets passe par la construction et le chantier. Le collectif revendique le chantier comme  support à un apprentissage commun, à une Êducation populaire  l’objectif Êtant de crÊer une rencontre autour d’une culture collective. Qu’ils soient des lieux festifs. Que l’on y mêle les cultures, et que des Êchanges se produisent. [...] Mutualisons les forces vives pour construire ensemble, organisons-nous collectivement, nourrissons-nous les uns des autres pour mieux vivre l’un avec l’autre, et retrouvons l’essence de notre besoin de vivre en sociÊtÊ : la convivialitÊ.2

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Cette citation issue d’un texte manifeste ÂŤ des architectes ordinaires Âť est une rĂŠponse très engagĂŠe Ă la question de la pĂŠrennitĂŠ d’une intervention artistique et ici architecturale. On sent dans leur discours, une ďŹ liation avec la notion d’Êducation populaire. L’implication citoyenne passe par l’Êducation politique au sens large, ici, l’Êchange Ă lieu grâce au temps du projet, de la conception Ă la rĂŠalisation.

1 COLLECTIF ETC,  Explorer le territoire par le projet. L’ingÊnierie territoriale

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à l’Êpreuve des pratiques de conception  Espace rural & projet spatial volume 5, septembre 2015 2 COLLECTIF ETC, La ville rebelle. DÊmocratiser le projet urbain, sous la direction de Jana Revedin, Collection Manifestô - Alternatives, Gallimard, Paris, 2015, 160 pages

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2.3. L’INITIATIVE CITOYENNE, QUELLE AUTONOMIE ? «Les actions culturelles en milieu rural sont généralement le fruit d’une initiative de particuliers, associations, artistes, collectifs. Leur «apparitions» ne sont donc pas prévisibles ou programmés. Ces initiatives culturelles se produisent souvent là où on ne les attends pas. Ceci va à l’encontre d’une conception technocratique validant tel espace géographique comme support pour certaines actions. La notion d’aménagement du territoire doit être d’une certaine manière relativisée. [...]Le développement local reposerait plus sur la valorisation de ressources informelles, «immatérielles», qualitatives que sur l’existence a priori d’infrastructures, d’équipement, de ressources matérielles. » 1

1 CETTOLO Hélène, « Action culturelle et développement local en milieu rural.

le cas de trois projets culturels en Midi Pyrénées » Ruralia, sciences sociales et monde ruraux contemporains, Juin 2000

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L’INTÉRÊT COLLECTIF ET LE RÔLE DES ASSOCIATIONS le cas des Chantiers Tramassets L’association des Chantiers Tramasset joue un rôle primordial pour l’attractivité du territoire. Elle est représentative de la place de plus en plus importante que prennent les associations dans la vie sociale du monde rural. Mais ce qui m’intéresse avant tout, c’est la façon dont une initiative spontanée de quelques individus a pu restaurer une forte identité locale et redynamiser le territoire. Je commencerai par mettre l’accent sur le rôle que jouent les associations dans le monde rural. Elles existaient déjà dans la société paysanne, mais leur rôle était uniquement consacré à l’organisation des fêtes. Cependant, elles se sont largement multipliées et diversifiées avec la décentralisation, notamment avec la création des foyers ruraux. Selon Christophe Jamet leur développement serait dû aux attentes empruntées à la vie urbaine des nouveaux habitants. Les pratiques associatives influencées par les néo-ruraux répondent à leur désir d’oeuvrer au développement de leur territoire d’accueil. « ils y ont trouvé une démocratie plus proche, plus facile à appréhender et où il est possible de s’investir.» 2 Aujourd’hui, les associations sont devenues des acteurs socioéconomiques à part entière et participent au développement culturel social et économique des territoires. Elles tendent à se professionnaliser (création d’emploi et d’activités) et constituent les principaux partenaires d’institutions publiques comme les écoles ou les mairies. Nous avons vu que les pouvoirs publics ont peu de ressources financières à investir dans la culture. Tout ce qui a attrait à ce domaine est essentiellement porté par le bénévolat. C’est pourquoi, les associations prennent une place de plus en plus importante auprès des instances politiques dans les projet de développement du territoire. Dans le cas de l’association des Chantiers Tramasset, son mode de développement par l’action culturelle me semble intéressant, il est un produit «du terroir» et s’inscrit légitimement dans le temps et l’histoire du territoire. Il n’y a pas «d’interventionnisme» et pas de risque de voir l’initiative retomber une fois les «activateurs» partis. La pertinence, me semble-t-il, de ce projet repose sur une population locale qui répond à ses propres besoins en terme d’aménagement spatial, de lien social, d’offre culturelle, de ressource économique, ... Je suis allée à la rencontre d’adhérents de l’association, des salariés mais aussi des habitants «historiques» du Tourne pour avoir une vision plus fine du projet. Les Chantiers de Tramasset sont un patrimoine historique de la commune du Tourne, ils existent depuis 1837. Le Tourne et Langoiran étaient des ports et possédaient six chantiers qui construisaient des yoles, des filandières, des coureaux, des gabares et des sapines, tous destinés au transport fluvial des marchandises. L’économie du territoire était à la fois viticole et artisanale. Les années trente ont vu prospérer le commerce fluvial mais au début des années soixante ce moyen de 2 JAMET Christophe, « Voyage au pays de la diversification rurale », revue

Pour n°201, Février 2009, p.36-42

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transport a disparu au proďŹ t des nouveaux moyens de locomotion, c’Êtait la ďŹ n des bateaux en bois. D’autre facteurs sont entrĂŠs en jeu tels que le dĂŠveloppement du commerce international et le phĂŠnomène d’exode rural. En 1985 Les Chantiers Tramasset furent fermĂŠs et laissĂŠs Ă l’abandon. Dans les annĂŠes quatre vingt dix, un groupe de jeunes passionnĂŠs de charpente navale traditionnelle dĂŠcouvrent la friche au cours de leur voyage et dĂŠcident de la restaurer. Ils s’installent dans la ville et commencent les dĂŠmarches auprès de la Mairie. Ils rencontrent le maire et quelques habitants nostalgiques d’une identitĂŠ en lien avec le euve et l’artisanat. Ces derniers vont s’investir dans le projet et la mairie du Tourne rachète les bâtiments. En 1997 l’association “Les Chantiers Tramassetâ€? est crĂŠĂŠe pour faire revivre ces lieux historiques. Aujourd’hui, la friche industrielle a progressivement ĂŠtĂŠ restaurĂŠe et le site est inscrit Ă l’inventaire des monuments historiques. Le projet de rĂŠtablir l’artisanat qui faisait l’identitĂŠ de la commune a dans un premier temps ĂŠtĂŠ bien accueilli par la population locale. Le maire de l’Êpoque et le groupe d’habitants qui soutenaient le projet y ont vu une opportunitĂŠ de dĂŠvelopper la vie sociale du bourg en amĂŠnageant les berges et en y installant des activitĂŠs culturelles. Depuis sa crĂŠation, la restauration de bateaux en bois reste la prioritĂŠ de l’association et elle est la seule activitĂŠ crĂŠatrice d’emploi. Progressivement un premier charpentier fut salariĂŠ puis deux, trois, puis des emplois de bureau mais ce dĂŠveloppement ne fut pas pĂŠrenne. En voulant ĂŠlargir sa visibilitĂŠ et son prestige, mais aussi par passion du mĂŠtier, l’association avait entrepris des chantiers plus prestigieux, notamment la restauration d’un coureau mais sans avoir les moyens humains pour mener de front tous les chantiers, ce qui la met aujourd’hui dans une situation ďŹ nancière critique. Je ne dĂŠcris pas les difficultĂŠs de gestions pour critiquer le projet mais pour mieux mettre en valeur les autres richesses produites par les chantiers et qui ne sont pas directement d’ordre ĂŠconomique. Dans le cas de Tramasset aucune politique culturelle dĂŠtermine un projet de dĂŠveloppement. Le maire qui soutenait le projet Ă son origine Ă ďŹ nalement rejoint l’association Ă la ďŹ n de son mandat et aujourd’hui le soutien politique du projet associatif varie en fonction de l’alternance des ĂŠlus locaux. Ce sont les bĂŠnĂŠvoles qui de tout temps ont assurĂŠ la pĂŠrennitĂŠ du projet y compris pendant les pĂŠriodes ĂŠconomiquement

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compliquĂŠes. Et si cet investissement perdure c’est grâce aux richesses humaines que l’association fĂŠdère. Le bâtiment accueille diffĂŠrentes activitĂŠes telles que: ÂŤla fanfare en chantierÂť qui est nĂŠe de l’association, un ÂŤcinĂŠ euveÂť, des expositions ou mise en valeur des mĂŠmoires et de la vie du euve. Toutes ces activitĂŠs sont autant d’occasions de rĂŠunir les habitants autour d’une culture et d’une expression artistique ÂŤde chez euxÂť. La question de la lĂŠgitimitĂŠ de l’art pour une population rurale telle que la pose la compagnie Azimuts existe. Une partie des habitants impliquĂŠs dans les projets artistiques sont des ÂŤnĂŠo-rurauxÂť. Certes, ils sont installĂŠs depuis les dĂŠbuts de l’association mais ils ne sont pas perçu comme les habitants “historiquesâ€?. Ceux-ci dĂŠmontrent de la mĂŠďŹ ance, les ÂŤanciens-(nes)Âť dĂŠplorent le manque de sĂŠrieux et d’implication concernant la rentabilitĂŠ du patrimoine maritime uvial qui devrait ĂŞtre une entreprise viable ĂŠconomiquement. Mais ces querelles existent partout, ce n’est pas un fait remarquable mais elles dĂŠmontrent l’attachement, mĂŞme chez les contestataires, au patrimoine et Ă ce qui constitue une identitĂŠ locale.

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Si les chantiers en cours, ne sont pas destinĂŠs Ă produire des bĂŠnĂŠďŹ ces, les initiatives fĂŠdĂŠrĂŠes, en revanche, ont un large impact sur le territoire. Par exemple, une formation en charpente classique permet Ă des jeunes sans diplĂ´me d’avoir une formation professionnelle. L’association est sensible Ă la notion d’Êducation populaire, et les espaces de dĂŠbats et de rencontres aboutissent Ă la mise en place d’initiatives collectives pour un quotidien plus ĂŠco-responsable. Les visiteurs rĂŠguliers des chantiers sont en grande partie familiers des efforts pour le ÂŤzĂŠro dĂŠchetsÂť, la consommation d’aliments sains, la rĂŠparation ou recyclage des objets, la mutualisation des services (gardes d’enfants, transports, etc ‌). Les chantiers sont ĂŠgalement responsables de leur environnement direct. Le rĂŠseau qui s’est crĂŠĂŠ autour de l’association permet de mettre en place des chantiers participatifs pour renforcer avec des barrières de saule l’effondrement des berges. Toujours dans une dĂŠmarche d’Êducation populaire, ce projet sensibilise Ă la notion de bien commun et de participation citoyenne. Une population qui s’implique dans le dĂŠveloppement de son cadre de vie au delĂ de son espace individuel, est une ressource non nĂŠgligeable dans le dĂŠveloppement local. Le succès des Chantiers Tramasset le

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prouve Ă l’Êchelle d’un patrimoine artisanal. Ce genre de projet est encourageant dans sa capacitĂŠ Ă transmettre une envie d’implication citoyenne. On retrouve des valeurs ĂŠnoncĂŠes par le ÂŤgroupe 21Âť pour le projet d’ Écurey PĂ´les d’AvenirÂť et l’envie de transmettre et de sensibiliser. Le cas des Chantiers Tramasset montre une volontĂŠ de transition ĂŠconomique inhĂŠrente Ă la population locale sans pour autant soutenir la nĂŠcessitĂŠ d’une stratĂŠgie politique particulière. Le contexte gĂŠographique est aussi Ă prendre en considĂŠration. La commune du Tourne appartient Ă l’aire d’inuence de la mĂŠtropole Bordelaise, et le projet est principalement portĂŠ par des nĂŠo ruraux qui sont venus s’installer avec une idĂŠe dĂŠjĂ dĂŠďŹ nie de la qualitĂŠ de vie recherchĂŠe dans leur choix rĂŠsidentiel. C’est la raison du succès de l’association qui n’est pas comparable Ă la situation que l’on peut rencontrer dans les campagnes ÂŤles plus fragilesÂť. Les chantiers Tramassets ont rejoint la logique d’un projet politique de dĂŠveloppement local et sont aujourd’hui le principal acteur du dynamisme de la CC. Cependant, on peut ĂŠgalement regretter une perte d’individualitĂŠ dans ses projets. La similitude des objectifs avec ceux d’Écurey PĂ´les d’AvenirÂť dĂŠmontre une standardisation des modèles de dĂŠveloppement par l’action culturelle. Les rĂŠcents projets des Chantiers, que ce soient les projets participatifs ou des ĂŠvĂŠnements festifs sont communiquĂŠs avec le mĂŞme jargon politique que celui de l’Êconomie crĂŠative, visant exclusivement une population habituĂŠe Ă une typologie d’action culturelle ÂŤmĂŠtropolisĂŠÂť. Sans remettre en question l’intĂŠrĂŞt de l’association sur le territoire, il me semble que l’alliance entre les politiques culturelles et les initiatives citoyennes peut gĂŠnĂŠrer une perte d’autonomie et de singularitĂŠ. Si l’on compare aux deux cas prĂŠcĂŠdant, Ecurey PĂ´les d’Avenir et Le Four Banal, on se rend compte que c’est une question d’Êquilibre entre l’intervention et le soutien des pouvoirs politiques et la part de crĂŠativitĂŠ des artistes ou des citoyens investis.

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UNE AUTRE VISION DU DÉVELOPPEMENT LOCAL, PRODUIRE DU SENS POUR SOLIDARISER UN TERRITOIRE expérience du workshop le cas le la ferme d’élevage de Vernand (42) Nous verrons ici l’autre extrême de la ruralité, des initiatives dans les «campagnes les plus fragiles». Contrairement à un territoire qui bénéficie dans son développement de la proximité d’une grande ville, une région comme la Creuse peine à sortir de sa condition de «désert humain» «Les modifications de la définition du développement local démontrent une évolution certaine dans l’approche de cette notion. En quelques années, la vision purement économique du développement s’est légèrement effacée au profit de la valorisation d’un travail davantage axé sur la production d’image et d’identité d’un territoire. Plus que de rentabilité purement comptable, c’est avant tout de produire du sens dont il s’agit désormais.»1 La production de sens dont parle Xavier Greffe était au centre du débat lors d’un workshop avec les agriculteurs en Creuse. Nous étions une équipe composée d’étudiants en paysage, architecture et design et en croisant nos disciplines nous avons fait des propositions pour pallier au malaise de la profession agricole et au désert urbain. Les faiblesses de ce territoire sont caractéristiques des campagnes qui subissent la désertification et le remembrement, c’est-à-dire le regroupement des parcelles et l’abattage des haies pour passer à l’agriculture intensive. Face à la concurrence internationale, des décisions politiques ont été prises pour agrandir les exploitations et passer à la machinisation. Mais les normes françaises et européennes ne permettent pas de rivaliser avec les géants de l’agroalimentaire. En conséquence, les agriculteurs et éleveurs français produisent à perte et vivent des indemnités versées par l’état pour préserver la profession. Tous ces éléments dépeignent la situation peu enviable des agriculteurs et les éleveurs. Du fait de la machinisation le personnel agricole à quasiment disparu, un homme peut à lui seul s’occuper de centaines de bovins. La Creuse est réputée pour être «le pays où il y a plus de vaches que d’hommes» ce qui est numériquement exact. A l’exclusion physique des agriculteurs s’ajoute une exclusion sociale. La population devient de plus en plus exigeante quand à la qualité des produits (moins de traitements chimiques, plus de respect pour les animaux, …). L’image de la profession se ternit et les précurseurs, en transitions écologiques sur leurs exploitations redoutent toujours un revirement de tendance qui aurait pour effet de remettre en cause leur mode de fonctionnement. L’isolement et l’incompréhension de la paysannerie contemporaine sont les deux principaux enjeux que nous avons identifié au cours d’une semaine de rencontre avec des acteurs du monde agricole. Nous avons très vite exclu une solution qui serait de modifier les règles de la concurrence mondiale pour encourager la réduction de taille des 1 GREFFE Xavier, dans LAPOSTOLLE Mélodie, Mémoire de fin d’études

d’Institut d’Etudes Politiques, « La culture comme outil de développement local : l’étude d’un projet culturel en milieu rural », Université Lumière Lyon 2, septembre 2007

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exploitations intensives. Solution qui ne rentrait pas dans nos champs de compétences et avec le temps dont nous disposions (mais il n’est jamais trop tard pour changer son mode de consommation). Notre champ d’action est local et appropriable par les agriculteurs. Les outils à notre disposition sont de l’ordre de la médiation, que ce soit avec au sein du paysage ou avec d’autres supports médiatiques. Communiquer l’ingénierie et l’évolution d’un paysage agricole permet de l’apprécier. Un champs, les haies, la terre, la diversité des espèces dans les prairies, sont autant d’indices pour reconnaître le type d’exploitation, discerner ses vertus ou ses défauts et l’apprécier à sa juste valeur. L’objectif n’est pas de faire l’éloge de la profession, mais communiquer sur son rôle dans le parcours des denrées alimentaires, depuis la production jusqu’au consommateur. Il est important que la paysannerie soit mieux comprise des néo-ruraux et des citadins pour mettre en place des processus de transition écologique cohérents.

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C’est autour de cette question que nous avons rencontrĂŠ RĂŠmi Janin qui nous a racontĂŠ le fonctionnement de sa ferme. De quelle manière l’ÊvĂŠnement festif, le paysage et l’art contemporain peuvent devenir un point de rencontre entre des nĂŠo-ruraux et le monde paysan. La ferme d’Êlevage de Vernand, est un projet d’architecture et de paysage sur une exploitation agricole. Les frères Janin ont alliĂŠ leurs compĂŠtences d’architecte et de paysagiste pour transformer, sur le très long terme, l’exploitation familiale en lieu public Ă vocation paysagère et culturelle. Ils ont ĂŠtĂŠ rejoints par l’association Polyculture. Elle investit le ferme de Vernand depuis deux ans pour prĂŠsenter un cycle d’art contemporain et ouvrir de nouveaux regards sur l’activitĂŠ agricole. Leur dĂŠmarche fait suite Ă un travail de ďŹ n d’Êtudes, menĂŠ en 2005, portant sur l’exploitation familiale de Vernand qui les ont amenĂŠ Ă fonder l’agence FABRIQUES. Ils ont installĂŠ leurs bureaux dans l’exploitation agricole familiale de Vernand et en ont fait un lieu d’expĂŠrimentations et de projets Ă long terme. RĂŠmi JANIN propose une rÊexion sur l’exploitation familiale et le paysage agricole. Il considère le paysage ÂŤnourricierÂť comme une matière qui peut ĂŞtre travaillĂŠe en prenant en compte les diffĂŠrentes temporalitĂŠs des cultures et de l’Êlevage. Par exemple, les bâtiments de stockage de foin sont vides au printemps ; il les rĂŠutilise donc pour crĂŠer des ĂŠvĂŠnement (concerts). Il se sert ĂŠgalement de techniques d’alternance des cultures pour limiter l’Êrosion des sols agricoles Ă des ďŹ ns graphiques. Il joue avec les cultures, les pâturages boisĂŠs, il crĂŠe des sentiers pour les promeneurs, etc. Son activitĂŠ et la vente de proximitĂŠ lui ont permis de rencontrer des artistes plasticiens qui se sont organisĂŠ en association aďŹ n de crĂŠer un festival d’art contemporain ÂŤin situÂť sur l’exploitation. Les deux premières ĂŠditions du cycle d’art contemporain de Vernand ont dĂŠplacĂŠ plus de 2 500 personnes. Le projet paysager a rĂŠussi sa gageure d’ouvrir l’espace agricole Ă un public urbain, sans perdre de vue l’idĂŠe première d’assurer le revenu des trois personnes vivant de l’exploitation Le festival se prĂŠsente comme une journĂŠe porte ouverte qui permet une relation frontale entre le monde agricole et le public. ÂŤ L’art dĂŠclenche plus de questionnement sur les pratiques. Le monde agricole se sent moins incompris, moins en marge des visiteurs urbain. ça instaure un dialogue. Les artistes qui ont montĂŠ le projet de festival sont des clients de la ferme Ă l’origine. Ce festival permet de proposer une offre culturelle gratuite et de qualitĂŠ. Il fonctionne avec un appel Ă projet. La question de l’accès Ă l’art contemporain ne semble pas ĂŞtre un problème aux vue des 2000 personnes prĂŠsentes tous les ans au festival. En revanche on n’Êchappe pas au principe ĂŠlitiste d’une population cultivĂŠ qui achète Ă la ferme car elle est plus sensibilisĂŠ au questions des circuits court. Âť.1 selon RĂŠmi, son initiative permet Ă la nouvelle population de se sentir intĂŠgrĂŠe grâce Ă la mĂŠdiation culturelle et agricole. Il me semble que dans les zones de faible peuplement, territoires majoritairement agricoles oĂš naturels, la question du dĂŠveloppement local ne doit pas ĂŞtre abordĂŠe dans un objectif de croissance ĂŠconomique et dĂŠmographique. La richesse de ces territoires se trouve dans le paysage et les interventions artistiques permettent de produire du sens et de solidariser le territoire.

1 Interview de RĂŠmi Janin

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LA CONTRE-CULTURE, LE NOMADISME ET LES SQUATS RURAUX le cas de la papeterie, squat rural artistique/ artisanat Nous avons vu, dans les exemples prĂŠcĂŠdent, le risque de standardisation induit par les politiques culturelles et le dĂŠveloppement local sur des projets artistiques. Je souhaitai donc aborder dans cette dernière partie la question de la contre-culture en milieu rural. Je dĂŠďŹ nirai la contre-culture comme une forme artistique qui s’intègre Ă un choix de vie et qui rejette les lieux institutionnalisĂŠs qui ne permettent pas le franchissement des limites. Ces expĂŠriences artistiques dĂŠfendent des espaces de libertĂŠ contre l’emprise des logiques de marchĂŠ et la rĂŠiďŹ cation1 de l’espace, du temps et des relations humaines. Si la prĂŠsence d’artistes en milieu rural est bien plus faible que dans les mĂŠtropoles, le milieu alternatif de la contre-culture est quasiment inexistant. Je parlerai ici d’une compagnie de cirque qui a fonctionnement en marge des conventions sociales, en menant un vie nomade et en occupant illĂŠgalement une friche industrielle, un des rare exemple de squat artistique en milieu rural. La compagnie Cirkulez s’est formĂŠe dans le milieu des ÂŤfree partyÂť, des fĂŞtes de musique ĂŠlectronique organisĂŠes dans des ÂŤTAZÂť (zone d’autonomie temporaire) qui ne respectent pas les formes lĂŠgales d’organisation d’un ĂŠvĂŠnement. Le terme de free dans ce contexte est utilisĂŠ pour dĂŠcrire l’absence de restrictions et de règles gouvernementales. C’est pourquoi les free party ont lieu dans des endroits insolites (champs, forĂŞts, massifs, grottes, bâtiments dĂŠsaffectĂŠs‌), tenus secrets jusqu’au commencement de la fĂŞte. Elles se dĂŠmarquent de ce que leurs organisateurs considèrent comme du mercantilisme dans les soirĂŠes conventionnelles. Les interventions policières ont conduit ces parties, souvent illĂŠgales, Ă se dĂŠrouler en milieu rural. ÂŤLa contre-culture dĂŠsigne un ensemble de manifestations culturelles, d’attitudes, de valeurs, de normes utilisĂŠes par un groupe, qui s’oppose Ă la culture dominante ou la rejette. Dans les annĂŠes 1970, le terme contre-culture est utilisĂŠ pour qualiďŹ er les mouvements contestataires de la jeunesse Ă l’encontre de la domination culturelle de la bourgeoisie et du puritanisme sexuel.Âť2 A ces ĂŠvĂŠnement sont parfois associĂŠ les arts de la rue et des scĂŠnographies - construction mĂŠtallique, sculptures et jeux de lumières-. C’est dans ce mouvement que des artistes pluridisciplinaires (circassiens, sculpteurs, musiciens) se sont rencontrĂŠs et ont crĂŠĂŠ la compagnie. Pendant de nombreuses annĂŠes, ils ont sillonnĂŠ l’Europe et ont participĂŠ Ă toutes sortes d’ÊvĂŠnements alternatifs mĂŞlant de façon expĂŠrimentale la vie nomade et la musique ĂŠlectronique. Bien qu’ayant passĂŠ de nombreuses annĂŠes Ă se produire dans les milieux ruraux, ils ĂŠtaient aux l’antipodes d’une intĂŠgration et d’un ancrage 1 Transformation effective d’un rapport social, d’une relation humaine en ÂŤ

chose Âť, c’est-Ă -dire en système apparemment indĂŠpendant de ceux pour lesquels ce processus s’est effectuĂŠ. 2 Anonyme, ÂŤContre-cultureÂť WikipĂŠdia, l’encyclopĂŠdie libre, 10 mai 2017, URL : http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Contre-culture&oldid=137212244

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ÂżJXUH SHLQWXUH GX JURXSH $QDUFKR 3XQN &UDVV 7KH )HHGLQJ RI WKH )LYH 7KRXVDQG GH *HH 9DXFKHU JRXDFKH [ PP


dans le territoire, les free party étant généralement subies par les rares habitants à proximité. C’est en créant leurs premiers spectacles de cirque qu’ils se sont rapprochés des populations jouant de village en village et dans des petits festivals d’arts de la rue. La compagnie Cirkulez a côtoyé un milieu underground éclectique qui a été déterminant dans leurs créations. Les spectacles qu’ils proposent sont un mélange de cirque nouveau, de musique électronique, loin du cirque traditionnel construit autour de «l’exploit» dans un décor de «strass et paillettes», leurs spectacles font référence à la tradition du théâtre ambulant dans l’esprit de « la commedia dell’arte ».

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Le spectacle de rue tel qu’ils le proposent, commence tout juste à réinvestir les territoires ruraux. Avant l’apparition de la télévision, et de l’internet, les théâtres et les cirques ambulants rythmaient la vie des villages et faisaient salle comble tous les soirs. Aujourd’hui, les populations rurales n’ont plus à attendre une compagnie de passage pour se divertir. Mais comme nous l’avons vu, l’arrivée des néo ruraux et leurs attentes en terme de culture favorisent le développement des compagnies de proximité, ils (les néo ruraux) constituent un nouveau public propice à l’émergence de nouvelles formes artistiques. Cette tendance a certainement influencé de manière inconsciente la compagnie Cirkulez à changer de mode de vie, et à se sédentariser en milieu rural. Cependant, ces quinze ans de nomadisme ont abouti à la constitution d’un groupe très soudé d’une trentaine d’individus partageant des convictions politiques et une esthétique artistique commune. La force de ce qui les lie a été un terreau fertile pour un projet d’implantation à plus long terme. « Certains ont pas mal bourlingué et souhaitaient se fixer un peut plus, d’autres ont fondés des familles, d’autres sont bien content d’avoir un petit pied à terre entre deux vagabondages. Avant, certains avaient déjà ouvert plusieurs squat ou lieux dans d’autres campagnes, Ardèche, Corrèze, certains ont grandis ensemble et avaient des familles déjà implanté dans l’évènementiel, d’autres ont des parents agriculteurs, il y en a qui viennent de Normandie d’autre des Pyrénées, cela fait environs 15 à 35 ans qu’ils se connaissent. »1

1 Entretien avec une nouvelle résidente de la papeterie, Bonnerot Sara

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Fidèle Ă leur mode de vie, c’est par le biais du squat que la compagnie s’est imposĂŠe dans le paysage rural du village de Saint-Michelde-Castelnau. Ce mode d’occupation illĂŠgale donne l’occasion de dĂŠcouvrir des bâtiments habituellement fermĂŠs comme cette friche d’une ancienne papeterie. La fermeture de l’usine qui gĂŠnĂŠrait du travail et structurait tout le territoire incarne la ďŹ n de l’âge d’or du capitalisme et sa reconversion en squats artistiques en fait un lieu de dĂŠmission sociale, politique et urbanistique. Le rĂŠemploi de la papeterie transforme et multiplie son activitĂŠ, chaque espace de la friche trouve un nouvel usage : lieu de vie, salle d’entraĂŽnement pour le cirque, atelier bois partagĂŠ, salle de spectacle, pisciculture, guinguette, etc ‌ Cette ÂŤmixitĂŠ programmatiqueÂť rappelle des programmes que l’on voit apparaĂŽtre dans les projets de dĂŠveloppement des villes, ils prennent la forme de ÂŤtiers lieuxÂť, de ÂŤfablabsÂť, ÂŤd’habitats partagĂŠsÂť ou ÂŤmodulablesÂť. Il me semble que ces modes de fonctionnement considĂŠrĂŠs comme innovant du point de vue de la sociĂŠtĂŠ lĂŠgale, ont de tout temps existĂŠ dans les espaces de contre culture. Le milieux du squat fonctionne sur la mise en commun des savoirs faire et le ÂŤsystème DÂť.2 Il s’impose comme une ĂŠvidence dans un mode de vie qui s’oppose au système capitaliste. La contre-culture est donc par essence innovante, ce qui me laisse Ă penser que l’apparition d’une contre-culture rurale peut apporter de nouvelles perspectives de dĂŠveloppement contrairement aux modèles que reproduisent les politiques culturelles quelque soit le contexte. ÂŤ Les squats sont admirables, car ils ne subissent pas leur marginalitĂŠ, ils la crĂŠent. Ce n’est pas de l’asociabilitĂŠ, c’est de l’alternative. Dans une sociĂŠtĂŠ rĂŠgie par les rapports de force, la rentabilitĂŠ, ces groupes dĂŠcident de vivre en dehors de ces rapports-lĂ , tout en recrĂŠant certes leur propre violence, dans une forme d’illĂŠgalitĂŠ. Âť3 Si dans cette optique la compagnie Cirkulez s’est imposĂŠe de force sur le territoire, elle ne cherche pas le conit avec la population locale, son objectif est de s’implanter et dĂŠvelopper un espace de vie et de crĂŠation, un lieu de rĂŠsidence artistique et d’Êchanges de savoir-faire ouvert Ă la population. Dès leur arrivĂŠe, les membres de la compagnie ont restaurĂŠs et dĂŠcorĂŠs les locaux, dĂŠtournant les espaces dĂŠdiĂŠs selon leurs besoins. PortĂŠ par le dĂŠsir de pĂŠrenniser ce projet ils ont entrepris les nĂŠgociations avec le propriĂŠtaire aďŹ n de lĂŠgaliser leur situation. Cependant leur mode de vie et le fait qu’ils soient ÂŤĂŠtrangersÂť au canton ne facilite pas les dĂŠmarches et malgrĂŠ le soutien du maire et de l’ex-patron de la papeterie, un groupe d’habitant les ont dĂŠjĂ menĂŠ deux fois en procès. ÂŤ Le village de Saint-Michel-de-Castelnau est divisĂŠ sur le devenir d’une ancienne usine occupĂŠe depuis près d’un an par des artistes prĂŞts Ă la racheter. Mais ce ne sont pas des “ enfants du pays â€? (...) Les saltimbanques ne sont pas les bienvenus pour tout le monde. “ Ce sont des squatteurs. Point ďŹ nal ! â€?, lâche une habitante dont l’avis n’est pas unique dans le village. Âť 4 2 ÂŤLe système DĂŠbrouilleÂť signiďŹ e le fonctionnement ou la conduite de projet

ÂżJXUH 6SHFWDFOH .DEDURXOLEUH GH OD FRPSDJQLH FLUNXOH]

sans moyens consĂŠquents 3 FEVRE Anne-Marie, ÂŤ Les squats artistiques ressuscitent les ruines indus-

trielles, interview de Jean-Luc AndrÊ d’Asciano, LibÊration, 16 novembre 2002, URL : http://www.liberation.fr/week-end/2002/11/16/les-squats-artistiques-ressuscitent-les-ruines-industrielles_421912 4 ARTIGUE-CAZCARRA Elisa, Renaissance artistique en vue aux Papeteries

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Malgré certains opposants, le reste du village soutient leur implantation aux procès et le tribunal de commerce de Bordeaux leur a donné gain de cause en confirmant en 2016 la vente de cette usine désaffectée. On peut cependant se poser la question de la conséquence de leur légalisation sur leur liberté artistique et de leur mode de vie. Nous avons vu, par exemple, que malgré sa singularité, l’association des Chantiers Tramasset tend à être influencée par des «recettes» de développement culturel d’inspiration urbaine. Sans la notion d’éphémère porté par le squat et par l’institutionnalisation du projet il y a un risque qu’il perde son autonomie et sa forme d’avant-garde de vie alternative. «Quand l’Etat reprend des friches, qu’on y met des danseurs, des plasticiens, préalablement validés par les instances officielles, c’est évidemment très bien, mais cela devient de l’art officiel, juste assez choquant pour se donner bonne conscience.»1 Le parcours de la compagnie Cirkulez révèle un paradoxe dans la recherche de nouvelles formes d’art et de culture. Si la contre culture peut être un foyer d’avant garde artistique, celle çi ne peut exister sans la disposition d’une population pour la réceptionner. Mais gagner l’adhésion d’un public peut aussi être la fin d’une originalité. Cette question peut être généralisée à toutes les formes de création, cependant ce qui ressort ici c’est l’arrivée de nouveaux acteurs dans le monde rural et les changements que cela implique ne sont qu’à leur prémices.

du Ciron, Sud-Ouest, Publié le 30/12/2016 . 1 FEVRE Anne-Marie, « Les squats artistiques ressuscitent les ruines industrielles», interview de Jean-Luc André d’Asciano, Libération, 16 novembre 2002, URL : http://www.liberation.fr/week-end/2002/11/16/les-squats-artistiques-ressuscitent-les-ruines-industrielles_421912

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CONCLUSION

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J’ai commencé à rédiger ce mémoire avec une vision très optimiste des singularités qui pouvaient émerger de l’action culturelle en milieu rural en opposition à une standardisation de la culture dans les métropoles. Mais après avoir exploré en détail mes cas d’études je suis en mesure de nuancer mon propos et apporter une analyse plus fine des enjeux de la création artistique dans le contexte d’un monde rural en mutation. Tout d’abord, la fin de la paysannerie et l’apparition de la festivalisation ne signifie pas nécessairement une perte d’identité culturelle. Bien que la typologie du festival ait pris de l’ampleur, son contenu artistique et son engagement politique peut faire sens sur un territoire rural. Ce qui remet en question la distinction que je faisais entre une première partie traitant d’un phénomène global et une deuxième partie visant à révéler des singularités culturelles territorialisés. Finalement la distinction se fait entre deux manières de considérer le rapport entre la culture et le développement local. La première consiste à considérer que les activités culturelles, comme la création artistique ou la mise en valeur du patrimoine, permettent d’améliorer le cadre de vie et apportent de nouvelles créations d’emplois sur le territoire. Développer le champ culturel serait donc à long terme un apport économique non négligeable. C’est la raison pour laquelle les politiques culturelles soutiennent la création artistique, mais nous avons pu constater le risque que cela comporte en terme d’indépendance artistique. La seconde consiste à montrer qu’en développant des activités artistiques, « on diffuse sur un territoire des capacités de réflexion, de création et de projet qui excéderont le seul secteur artistique pour profiter de l’ensemble des activités. Pour des territoires en crise de reconversion et à la recherche d’activités nouvelles, les activités artistiques et culturelles offrent un potentiel qui peut aller au-delà du seul discours de la réhabilitation du patrimoine local ou la production de festivals pour ouvrir la voie à une création d’activités soutenables »1 Cela nécessite une autonomie artistique difficilement accessible dans un cadre institutionnel. Les cas d’études abordés montrent que, quelque soit le rapport entre une vision politique et une autonomie artistique, les projets culturels se multiplient avec des typologies variées. On peut déterminer deux principales influences sur l’action culturelle et plus globalement la mutation du monde rural. Tout d’abord les politiques culturelles démontrent une tendance à vouloir appliquer des « recettes métropolitaines » qui ne conviennent pas à mon sens à la diversité des territoires ruraux. D’un autre côté il y a la notion de «gentrification rurale» décrite dans la recherche anglo-saxonne et et reprise depuis une dizaine d’années en France par les géographes et les sociologues. Ce mouvement de migrants urbains, de classe moyenne, vers les milieux ruraux contribue à modifier les paysages des territoires qu’ils investissent, en particulier à l’échelle très locale. Qu’ils soient initiateurs de projets culturels ou simple public, on constate que ces néo-ruraux favorisent l’émergence artistique qu’elle soit conventionnelle ou alternative. Cela rappelle une classification établie par les géographes Frédéric Richard, Julien Dellier et Greta Tommasi, qui en abordant la question du point de vue 1 Greffe Xavier, Pflieger Sylvie « La politique culturelle en France », 2ème

édition, La Documentation française, Paris, 2015, 236 pages

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de l’écologie définissent deux type de « greentrifieurs » : les gentrifieurs conventionnels et les « altergentrifieurs ». 1 Les «interstices» culturels que j’espérais, complètement indépendante

des tendances institutionnelles, seraient selon cette classification favorisés par le deuxième type de gentrifieurs. Ceci révèle l’ambivalence de ce processus contemporain: on ne peut pas dissocier les projets culturels alternatifs de leur contexte social. Il n’existe pas de recette idéale applicable à l’action culturelle. Les rencontres entre différentes échelles, du global au local, du citoyen aux collectivités, pourraient donc être des opportunités permettant l’émergeance d’une nouvelle manière de vivre en société. Cette société pourrait reposer sur l’écologie et l’élaboration collective. En considérant les nouveaux paradigmes sociétaux, on ne peut qu’espérer l’émergence de singularités contrairement au phénomène de globalisation. « On ne légifère pas l’avenir. Tout ce qu’on peut, c’est en deviner les tendances essentielles et leur déblayer le chemin »2

1 RICHARD Frédéric, DELLIER Julien et TOMMASI Greta, « Migration, envi-

ronnement et gentrification rurale en Montagne limousine », Journal of Alpine Research, Revue de géographie alpine n° 102-3, février 2015 URL : http:// rga.revues.org/2525 2 KROPOTKINE Pierre, «La Science moderne et l’anarchie», Stock, 1913, p.154

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TABLEAU DES ILLUSTRATIONS

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figure 1. Acrobatie collective au Cirque éclair, 2009, photographie Benoit Martrenchar figure 2. Journée de bénévolat aux Chantiers Tramasset, 2011, photographie site internet : chantierstramasset.fr figure 3. Test d’une structure de cirque au Garage Lézarts, 2013, photographie les Johann Laroche figure 4. Cueillette de houblon, l’album de françoise en Alsace, 1973, photographie Françoise Saur, édition AMC figure 5. La fête au village de Pieter Brueghel le Jeune dit Brueghel d’Enfer 1589 figure 6. Les arènes de Gabarret, 1945, carte postale, cliché fleutiaux site internet : patrimoinecourselandaise.org figure 7. Le retour à la terre selon Manu Larcenet, dessin Manu Larcenet site internet : leretouralaterre.fr figure 8. Bilan de fréquentation des féstivals en 2014, infographie site internet : télérama.fr2014 figure 9. La musique au détour d’une rue ou même d’un parc pour enfant, 2011, photographie Olivier Hoffschir site internet : ziknation.com/jazz-in-marciac figure 10. La skyline de Marciac se voit agrémentée de nouvelles flèches, 2011, photographie Olivier Hoffschir site internet : ziknation.com/jazz-in-marciac figure 11. Improvision musical pendant l’Hestejada, cuivre en chasse, 2013, photographie site internet : uzeste.org figure 12. Frise chronologique du contexte politique et social de l’action culturelle en milieu rural figure 13. Avant et après 1982... , La décentralisation de 1982 vue par Yannick Lefrançois, 2002, Caricature du journal : Dernières Nouvelles d’Alsace du 28.2.2002 site internet : deuframat.de/fr/regions/structure-politiquecentralisme-decentralisation ¿JXUH DI¿FKH GX ¿OP habiter la campagne, un monde pour soi, SURMHWp DX 3{OHV G¶$YHQLU, VLWH LQWHUQHW HFXUH\ KDXWH-VDXO[ IU ¿JXUH 6SHFWDFOH GH OD FRPSDJQLH $]LPXWV GDQV O¶HQFHLQWH GX VLWH G¶(FXUH\, , SKRWRJUDSKLH VLWH LQWHUQHW FLHD]LPXWV FRP

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¿JXUH &KDQWLHU SDUWLFLSDWLI VXU OH VLWH G¶(FXUD\, WKpkWUDOLVp SDU OD FRPSDJQLH, , SKRWRJUDSKLH VLWH LQWHUQHW FLHD]LPXWV FRP ¿JXUH LQIRJUDSKLH VXU OH GpWRXUQHPHQW G¶XVDJH GHV DQFLHQV OLHX[ GH VRFLDELOLWpV, , FROOHFWLI HWF VLWH LQWHUQHW FROOHFWLIHWF FRP UHDOLVDWLRQ DX-IRXU-EDQDO ¿JXUH DI¿FKH GH OD EDQGH DQQRQFH HW VRLUpH GpEDW DX IRXU j SDLQ, , SKRWRJUDSKLH FROOHFWLI HWF VLWH LQWHUQHW FROOHFWLIHWF FRP UHDOLVDWLRQ DX-IRXU-EDQDO ¿JXUH OH FKDQWLHU GH OD FDELQH WpOpSKRQLTXH HW VD EDQGH DQQRQFH, , SKRWRJUDSKLH FROOHFWLI HWF VLWH LQWHUQHW FROOHFWLIHWF FRP UHDOLVDWLRQ DX-IRXU-EDQDO ¿JXUH O¶(JOLVH FRQYHUWLH HQ FLQpPD SRXU SURMHWHU OHV EDQGHV DQQRQFHV, , SKRWRJUDSKLH FROOHFWLI HWF VLWH LQWHUQHW FROOHFWLIHWF FRP UHDOLVDWLRQ DX-IRXU-EDQDO ¿JXUH LH FKDQWLHU QDYDO , UHFRQVWUXFWLRQ G¶XQ FRXUHDX GH *DURQQH, EDWHDX GX SDWULPRLQH ORFDO ÀXYLDO, , SKRWRJUDSKLH FKDQWLHUV 7UDPDVVHWV VLWH LQWHUQHW FKDQWLHUVWUDPDVVHW IU IU JDOHULH ¿JXUH LD YLH DVVRFLDWLYH VH SDVVH DXWRXU GX ÀHXYH HW GHV QDYLJDWLRQV, , SKRWRJUDSKLH -XVWLQH 6DXU ¿JXUH LD IDQIDUH HQ FKDQWLHU, , SKRWRJUDSKLH FKDQWLHUV 7UDPDVVHWV VLWH LQWHUQHW FKDQWLHUVWUDPDVVHW IU IU JDOHULH ¿JXUH 5pXQLRQ SXEOLF VXU OH SURMHW DVVRFLDWLI GHV FKDQWLHUV 7UDPDVVHWV, , SKRWRJUDSKLH FKDQWLHUV 7UDPDVVHWV VLWH LQWHUQHW FKDQWLHUVWUDPDVVHW IU IU JDOHULH ¿JXUH pWXGH GHV GLIIpUHQWHV DPELDQFHV SD\VDJqUHV G¶XQH H[SORLWDWLRQ DJULFROH, , FURTXLV UpDOLVp ORUV GX ZRUNVKRS HQ &UHXVH ¿JXUH 6XU OD IHUPH G¶pOHYDJH GX 9HUGDQG, LHV FKHPLQV G¶H[SORLWDWLRQ GHYLHQQHQW WHPSRUDLUHPHQW GH QRXYHOOHV WUDYHUVpHV GDQV OD FDPSDJQH, , SKRWRJUDSKLH GH O¶DJHQFH )$%5,48(6 $UFKLWHFWXUHV 3D\VDJHV VLWH LQWHUQHW KWWS ZZZ IDEULTXHV-DS QHW ¿JXUH SHLQWXUH GX JURXSH $QDUFKR 3XQN &UDVV, 7KH )HHGLQJ RI WKH )LYH 7KRXVDQG, , JRXDFKH, *HH 9DXFKHU VLWH LQWHUQHW FUHDWLYHUHYLHZ FR XN LQWURVSHFWLYH-JHH-YDXFKHU-FUDVVWUXPS ¿JXUH 6SHFWDFOH .DEDURXOLEUH GH OD FRPSDJQLH FLUNXOH], , SKRWRJUDSKLH 1R 6\VWHP )DPLO\ VLWH LQWHUQHW EDVVH[SUHVVLRQ FRP

88


ANNEXES

89


cartographie des cas d’études

06 03

07 02

08

05 10 01 04

90

09


01

COURSES LANDAISES

02

REGGEA SUN SKA

03

LES VIEILLES CHARRUES

04

JAZZ IN MARCIAC

05

UZESTE MUSICAL

06

ÉCUREY, PÔLE D’AVENIR

07

AU FOUR BANAL

08

LES CHANTIERS TRAMASSET

09

LA FERME DE VERNAND

10

LA PAPETERIE

91

DENSITÉ DE POPULATION 2009 source : www.cartefrance.fr Recencement INSEE 2011


ÉTUDE DE CAS

INITIATEURS

01 COURSES LANDAISES

- paysans puis associations

02 REGGEA SUN SKA

- association reggea sun ska

03 LES VIEILLES CHARRUES

- association des vieilles charrues

04 JAZZ IN MARCIAC

05 UZESTE MUSICAL

ACTEURS IMPLIQUÉS

- professionnels

5 jours par ans tauromachies. 1469-1470 : la landaise, 1914 Gabarret LONG TERME

- institutions, mécénes, entreprises

créé en 1995, COURT TERME

- entreprise local - région, CC., etc ... - locaux

créé en 1994, developpeme COURT & LONG

LOCAUX

INTERVENTIONISTES

LOCAUX - des amateurs de Jazz (dont Jean-Louis Guilhaumon, principal du Collège de Marciac) - association Jazz In Marciac

créé en 1978, - institutions, mécénes, entreprises LONG TERME

NOUVEAUX ARRIVANTS & LOCAUX

- Cie Lubat - habitants et des acteurs locaux création en 19 - association Uzeste Musical qui devient en 2004 - artistes invités 36 ans d’exist l’association Mine d’art à ciel ouvert - L’Estaminet, café restaurant dancing en Théâtre LONG TERME Amusicien cabaret jazzconcubin. LOCAUX

- Cie Azimuts, une compagnie de théâtre de rue - Communauté de communes la « Haute Saulx »

06 ÉCUREY, PÔLE NOUVEAUX ARRIVANTS D’AVENIR

- association culturelle - groupe de 21 personnes autour du concept « bien vivre à la campagne»

& LOCAUX

Réflexion sur l reconversion d territoire de la 17 ans de proje LONG TERME

Le Collectif Etc 07 AU FOUR BANAL INTERVENTIONISTES

- Pixel[13] - les habitants

une semaine d au 27 novemb Un des aména four à pain. COURT TERME

08 LES CHANTIERS TRAMASSET

- l’association Les Chantiers Tramasset NOUVEAUX ARRIVANTS & LOCAUX

- La mairie du Tourne -nombreux Partenaires institutionnels - les habitants/adhérants

L’ancien chant 1837 et fut ferm Création de l’a Tramasset en ans d’existenc LONG TERME

09 LA FERME DE VERNAND

Pierre JANIN, architecte DPLG Rémi JANIN, ingénieur paysagiste

- L’association Polyculture, Cycle d’Art Contemporain de Vernand. -communauté de commune - bénévoles

LOCAUX - compagnie de cirque cirkulez - No system family

10 LA PAPETERIE NOUVEAUX ARRIVANTS

- le maire et les propriétaire du site

Suite d’un trav sur l’exploitati soit 12 ans. LONG TERME

implanté depu s’établir sur du LONG TERME

92


TEMPORALITÉ

s sur 3 communes depuis les . plus ancienne mention de course : construction des arènes de

se déroule sur 3 jours par ans

SITUATION GÉOGRAPHIQUE

CONTEXTE DÉMOGRAPHIQUE

Gabarret : En 2014, 1 308 HABITANTS, + 2,99 % A Roquefort, Villeneuve de Marsan ou GABARRET par rapport à 2009. (40), les Landes d’Armagnac,

Montalivet, CISSAC MÉDOC (33), Saint Sauveur, Pauillac, et aujourd’hui sur le campus universitaire de Bordeaux Métropole

Cissac Médoc : En 2014, la commune comptait 1 997 HABITANTS, en augmentation de 13,72 % par rapport à 2009

se déroule sur 3 jours, projet de nt local en continu G TERME

CARHAIX-PLOUGUER (29) est une commune En 2014, la commune comptait 7 391 HABITANTS, française du département du Finistère, en région en diminution de -4,22 % par rapport à 2009 Bretagne.

39 ans d’existance

MARCIAC (32) est une commune française située dans le département du Gers, en région Occitanie.

78 ence

UZESTE (33) est une commune du sud-ouest, située dans le département de la Gironde en région Nouvelle-Aquitaine.

a réabilitation de la friche ou sa depuis 1985, implantation dans le L’abbaye d’Écurey est située le long de la Saulx, compagnie Azimuts en 2000. Soit sur le territoire de la commune de MONTIERSets SUR-SAULX (55), dans la Meuse.

En 2014, la commune comptait 1 261 HABITANTS, en augmentation de 2,19 % par rapport à 2009

En 2014, la commune comptait 392 HABITANTS, en diminution de -11,91 % par rapport à 2009

En 2014, la commune comptait 453 HABITANTS, en augmentation de 0,89 % par rapport à 2009

de résidence du collectif Etc du 19 bre 2011. commune de BUSSÉOL (63) dans le département agement perdure dans le temps, le En 2014, la commune comptait 217 HABITANTS, du Puy-de-Dôme en région d’Auvergne-Rhôneen augmentation de 14,21 % par rapport à 2009 Alpes.

tier naval Tramasset existait depuis mé en 1985. association Les Chantiers 1997 jusqu’à aujourd’hui soit 20 ce.

LE TOURNE (33) est une commune du département de la Gironde, elle est située dans la région naturelle de l’Entre-deux-Mers. Elle fait partie de l’aire urbaine de Bordeaux.

En 2014, la commune comptait 787 HABITANTS, en augmentation de 3,28 % par rapport à 2009.

vail de fin d’études, mené en 2005 FOURNEAUX (42) est une commune française on familiale de Vernand. située dans le département de la Loire en région En 2014, la commune comptait 607 HABITANTS, Auvergne-Rhône-Alpes. en site périurbain à 20 en diminution de -2,57 % par rapport à 2009 km de Lyon

uis 5 ans la compagnie compte u long terme

SAINT-MICHEL-DE-CASTELNAU (33) est une commune du sud-ouest de la France, située dans le département de la Gironde en région Nouvelle-Aquitaine.

93

En 2014, la commune comptait 214 HABITANTS, en diminution de -10,08 % par rapport à 2009


TYPOLOGIE RURALE

FORME

IN

- La course landaise (sport, patrimoine vivant et spectacle entre la vache de combat et le «sauteur». ) - musique des bandas

les arènes s’animent, la c l’honneur.

d’une «campagne les plus fragiles» à la métropole bordelaise

- festival de music reggae, une importante population se rassemble à un endroit, profite d’un camping et de 3 jours de concerts

regrouper plusieurs artist le maximum de populatio

«les nouvelles campagnes»

- un festival de musique de déroule sur 3 jours il est le plus important de france en terme de fréquentation redynamiser le territoire g - l’association soutient des projet culturelles sur le territoire

«ville moyenne» & «les nouvelles campagnes»

«les nouvelles campagnes»

-festival de jazz qui se déroule sur une période de trois semaines, un des plus importants de France et d’Europe. Il L’économie de Marciac est aujourd’hui largement accueille en effet environ 200 000 visiteurs chaque année axée sur son festival de jazz et les réalisations - En 1993, création d’un atelier d’initiation à la Musique de culturelles et touristiques qui lui sont notamment Jazz au collège liées.

«les campagnes les plus fragiles»

«les campagnes les plus fragiles»

«campagne des villes» Elle fait partie de l’aire urbaine de ClermontFerrand.

«campagne des villes» Elle fait partie de l’aire urbaine de Bordeaux.

«campagne des villes» Elle fait partie de l’aire urbaine de Lyon.

«les campagnes les plus fragiles»

- réunions publiques, informer les populations et inciter leurs initiatives - festival «Hestejada de las arts», itinérant dans le sud Gironde et le nord des Landes - Les saisons d’Uzeste Musical : Uzestival automnal, du Nouvel An, hivernal, de printemps - radio

transmettre la passion du

engagement de proximité naturel, vernaculaire et lin pédagogie : poser à son à l’art dans la société L’intérêt général : ouvertu innovantes éducation populaire entre

- festival « Sur Saulx, sur Scènes » - spectacle pour réflechir sur le projet d’une friche industrielle en vue de sa réhabilitation. - réabilitation et reconversion du site d’Écurey en espaces - proposer une offre cultu d’expositions, lieu d’accueil d’artistes en résidence, et de la - Se servir de la culture p Cie Azimuts. -centre d’expérimentation du développement durable et de nouveaux modes de vie en milieu rural. - Chantier de construction, public de micro aménagement, nouveaux usages attribués aux lieux - tournage de bandes annonces de films - soirée d’inauguration et une projection publique des bandes annonces. - maintien des aménagements utilisables quotidiennement par les habitants. - réhabilitation du site - construction d’un bateau du patrimoine fluvial. - navigations associatives - entretient des berges - la «fanfare en chantier» - le «ciné fleuve» - collecte de mémoire. - festival : «Rencontre des Bateaux en Bois et Autres Instruments à Vent» - Projet d’architecture et de paysage sur une exploitation agricole. transformer, sur le très long terme, l’exploitation familiale en lieu public à vocation paysagère et culturelle. - festival inscrit dans un cycle d’art contemporain - squat les papeteries du ciron - proposer des initiations de cirque toute l’année - atelier bois partagé - salle de spectacle et guiguette, mettre en place une saison culturelle - lieu de vie communautaire

94

l’actions artistiques collec fabrication d’espace pub

Valorisation du patrimoin d’échanges, lieu de cultu bateau en bois est un sup outil de formation, d’inser

ouvrir de nouveaux regar proposer une offre cultur permettre à la nouvelle p gràce à la médiation cultu

Avoir un lieu de vie et de artistes en résidence et p


NTENTIONS

course landaise et la corrida sont à

RAYONNEMENT DU PROJET LOCAL : à l’origine fête commerciale (foire et marché) PUIS NATIONAL : de l’espagne à la france la fête est devenue «féria» rompant ainsi avec la tradition populaire pour devenir un cycle de courses de taureaux.

NATIONAL : le festival s’est implanté pour tes sur le temps du festival et attirer bénéficier du vide démographique du territoire on médocain

grâce au festival

u jazz

NATIONAL : il attire une population de la France entière

INTERNATIONAL : connu dans le monde entier ( milieu du Jazz )

é : valorisation du patrimoine nguistique public la question de la place faite NATIONAL : réseau artistique français et plus

ure au monde et aux pratiques

eprise à avertir, plus qu’à divertir

urelle de proximité. our se réaproprier un patrimoine

ctives pour tenter d’activer la lic en milieu rural.

IDENTITÉ CULTURELLE reproduction de fêtes paysannes TOURISME FOLKLORE

Festival de Reggae, événement à but lucratif CONSOMMATION CULTURELLE festival de très grand ampleur investi sur le territoire CONSOMMATION CULTURELLE DÉVELOPPEMENT LOCAL transmettre la passion du Jazz nouvelle attractivité JAZZ TOURISME INTERNATIONAL CULTURE GASCOGNE éducation populaire patrimoine festif et musical musiques & arts «internationales» PATRIMOINE CULTUREL MUSIQUE ACTUELLE / JAZZ LA QUESTION DE L’ART DANS LA SOCIÉTÉ NATIONAL patrimoine économique et industriel spectacle vivant, art de la rue muséification et innovation artistique

LOCAL : communauté de commune

ÉCONOMIE CRÉATIVE PATRIMOINE INDUSTRIEL ART VIVANT projets participatifs collecte de mémoire ESPACE PUBLIC PATRIMOINE COMMUN URBANISME ENGAGEMENT CITOYEN PROCESSUS CRÉATIF

LOCAL : la commune

e, Lieu de rencontres et LOCAL ÉLARGIE : aires métropolitaine de res et d’initiatives vivantes, le pport, l’atelier de charpente bois un Bordeaux rtion et de développement local.

rds sur l’activité agricole et relle gratuite et de qualité. population de se sentir intégrée urelle et agricole.

LOCAL ÉLARGIE : aire métropolitaine de Lyon

création établi, accueillir des proposer une saison culturelle

LOCAL ÉLARGIE : mobilité de la compagnie à l’échelle européenne

patrimoine économique et industriel initiatives locales artistiques ÉCONOMIE LOCALE (CHANTIER NAVAL) ESPACE SOCIAL DU QUOTIDIEN MUSIQUE & ARTS arts contemporain in situ projet de paysage ARTS, AGRICULTURE & NÉO RURAUX contre-culture et art vivant mode de vie alternatif CONTRE CULTURE ET ALTERNATIVE LIBERTAIRE

95


REMERCIEMENTS J’adresse mes remerciements aux personnes qui m’ont aidé dans la réalisation de ce mémoire. Je remercie Julie Ambal et Xavier Guillot, en tant que tuteur de mémoire, pour m’avoir guidé dans mon travail et aidé à trouver des solutions pour avancer. Je remercie aussi toutes les personnes qui m’ont accordé répondu à mes questions et nourri mon propos, Paul Dupouy (coordinateur des activités socio-culturelles des Chantiers Tramassets), Stéphane Duprat (paysagiste et coordinateur du workshop en Creuse), Rémi Janin (paysagiste et agriculteur), Louis Lubat (musicien d’Uzeste musical), Clémence Gujon (antropologue), Sara Bonnerot (architecte résidente à la Papeterie). Je remercie également l’association du cirque Eclair pour l’expérience humaine et artistique, l’association du Garage Lézarts pour les débats sur l’art en milieu rural, le Monte-charge pour les débats sur l’engagement artistique et politique. Enfin je remercie ma mère pour son avis critique et ses corrections et Laure Gadret, Louise Digard, Amandine Stehelin, Nina cuitat pour tous les moments d’entre-aide.

96


97


Il est primordial dans le context actuel de crise généralisé, d’adopter une attitude positive au sein même des mutations sociétales actuelles. Ce mémoire analyse des «interstices culturels» spécifiques au milieu rural, c’est à dire des projets culturels, associatifs pour la plupart, tous singuliers dans leur démarche et ayant comme point commun une créativité mise au service d’une vision du monde solidaire et optimiste. Une première partie aborde la question de la mutation du monde rural et l’apparition de nouvelles typologies d’événements festifs telle que le phénomène de festivalisation. Une deuxième partie révèle les nombreuses initiatives en terme d’action culturelle qui émergent, soit issus de projets politiques de développement soit issus spontanément des populations locales. Les rencontres entre différentes échelles, du global au local, du citoyen aux collectivités, pourraient être des opportunités permettant l’émergeance d’une nouvelle manière de vivre en société. Cette société pourrait reposer sur l’écologie et l’élaboration collective. En considérant les nouveaux paradigmes sociétaux, on ne peut qu’espérer l’émergence de singularités contrairement au phénomène de globalisation.

MOTS CLÉS : ACTION CULTUREL | RURAL | ARTS | DEVELOPPEMENT LOCAL | POLITIQUE | INITIATIVE CITOYENNE | MUTATION SOCIAL

Justine Saur Mémoire de master en architecture - Parcourt IAT enseignants : Xavier Guillot et Julie Ambal Juin 2017 ensapBx


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