Terri to i re s s m a rt
D u sl o gan à la réalité
A lizée Va u qu el i n
Mé m o ire de m a ster en Arch itectu re Parco u rs IAT p rofes s eu rs : Xavier G u illot et Julie Am bal j anv ier 2016 e nsapBx
Sl o ga n s . Ch amp l ex i ca l de l a S ma rt C i ty.
Smart City. ville
numérique intelligente
Cyber. préfixe : qui relève du monde numérique Digital Smart.
intelligence numérique
Smart citizen.
citoyen cyber-connecté
Big Data. données collectées par des capteurs Open data.
données en accès libre
E-participatif. cyberDigital native.
décision citoyenne
né avec le numérique
Open-Source. libre d’accès et modifiable Bottom-Up.qui vient d’en bas (des citoyens) Processus Soft. Smart Dust.
intervention légère
poussière
intelligente
Smart Land. territoire connecté intelligent
Avant-propos 6
«Je ne veux pas être architecte» Depuis la première année d’architecture je sais que je ne suis pas faite pour construire, je disais que je ne voulais pas être architecte, en fait je n’ai juste pas envie d’être l’architecteconstructeur, l’architecte «héros» comme le définit Carlo Ratti.1 En troisième année, des rencontres m’ont amenée à participer à la naissance d’une start-up Italienne portant le projet Coo2plan, une plateforme pour la e-gouvernance, un réseau social qui localise les projets potentiels et permet au citoyen de s’y intéresser et de réagir : de participer à la construction de la ville, sa ville. Je reste très critique sur ce projet, et je me questionne sur l’intérêt que lui porteront les gens et sur le rôle de l’architecte dans tout ça. Lors de l’été 2014, j’ai eu l’occasion de visiter le SENSEable City Lab2 de Carlo Ratti : du big 1 Mattei, Maria-Grazie, Carlo Ratti : Smart city, smart citizen, (Meet the media guru), Milano, Egea, 2013, page 41 2 Laboratoire de recherche du MIT (Massachusetts Institut of Technology)
data, du sensing, du signal, de la sociologie urbaine, de la programmation. J’ai compris que c’étaient ces thèmes qui m’intéressaient en architecture. C’est cet architecte-là que je veux être. Celui qui essaye de trouver comment les technologies peuvent nous aider et surtout aider les citoyens à faire la ville, ensemble. Pour ma quatrième année, je suis partie étudier en Italie avec le programme Erasmus, le hasard a fait que j’ai eu Walter Nicolino, l’associé de Carlo Ratti, comme professeur de projet. Le semestre a été très enrichissant : à base de technologies innovantes, d’applications pour smartphone pour le quartier, de programmes expérimentaux ... De retour en France, je veux acquérir du savoir-faire en informatique, je veux être apte à développer/architecturer mes propres applications. L’architecte doit être pluridisciplinaire. Je commence alors des cours de programmation pour comprendre l’open data, savoir m’en servir et mieux pouvoir en parler au cours de mon mémoire. Ce mémoire est une façon d’explorer la place du numérique dans le monde actuel et d’en
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comprendre les enjeux sociaux aussi bien pour le citoyen que pour l’architecte. Comment utiliser ces nouveaux outils ? Je veux, entre autre, comprendre si nous allons dans le bon sens avec le projet Coo2plan. Je m’intéresse à l’informatique en temps que culture numérique, qui induit des changements sociétaux, anthropologiques, politiques, dont l’architecture est partie prenante. Ville et architecture sont affectées. L’intérêt des TIC3, est que l’informatique est un vecteur du changement social et culturel beaucoup plus général. C’est pour cela que je m’intéresse aux enjeux multiples de la ville intelligente et non seulement à l’impacte de la technologie sur l’architecture formelle. Un débat polémique existe au sujet des smart city, terme inventé par IBM4, souvent vu comme une phénomène marketing à but purement économique. L’aspect intelligent ne se résume pas, comme beaucoup le pensent, et moi aussi initialement, aux 3 TIC ou NTIC : (Nouvelles) Technologies de l’Information et de la Communication. Transcription de l’anglais ICT : information and communication technologies. 4 International Business Machines Corporation, société multinationale américaine
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applications technologiques infrastructurelles. Comme le dit Carlo Ratti, pour les architectes et les sociologues, c’est plutôt du smart citizen que de la smart city. C’est par les gens connectés que l’on va faire la ville et non pas par une ville connectée que l’on va comprendre ce que veulent les gens. Ce sujet est une vraie interrogation sur la place de l’architecte dans ce monde connecté. C’est une équation entre l’homme, les réseaux et l’espace. Le numérique est-il en train de bouleverser les relations entre le citoyen, l’architecte, la ville et le reste du territoire ? Existe-til des alternatives à la smart city lorsqu’on parle de numérique et de ville ?
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Table des matières
AVANT PROPOS
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Introduction : «smart-city»
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1. «SmarT» et numérique : Citoyen, architecte et ville
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1.1. Citoyens HYPER-connectés : smart citizen
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1.2. Un architecte sur-informé : l’open data
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1.3. Une ville néo-receptive : smart city participative ?
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> La place des réseaux sociaux dans le monde, un usage grandissant > La connexion internet, l’accès en continu depuis n’importe où > Les réseaux sociaux, un moyen pour rassembler
> L’INSEE, des statistiques sociales > Système d’information géographique, l’open data de Bordeaux
> Des technologies de contrôle et de régulation > Des objets connectés dans l’espace public > Le signalement à travers internet > Le e-participatif (consultation et décision)
2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ? 63
> Des objets connectés omniprésents > La surveillance et le traçage
2.1. Un espace connecté et contrôlé
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2.2. Le numérique, une nouvelle forme de ségrégation
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2.3 Paradoxe de l’individualisme collectif
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> Digital native, des cerveau qui pensent «numerique» > Digital immigrant, Bordeaux un territoire engagé > Si même le pape utilise Twitter
> Les lieux de rencontre deviennent-ils obsolètes ? > Le collectif, un outil économique et coopératif
2.4. Nouvelle gouvernance : redistribution des rôles
> Le citoyen acteur décisionnel > Le citoyen architecte ? > Démocratisation de la cartographie : enjeux de représentation > Vers un nouveau métier d’architecte ?
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2.5. Un territoire en mutation : Bordeaux métropole un nouvel esprit urbain ?
> Nouvelle morphologie urbaine ? > La technologie qui désurbanise la ville > Nouvelles pratiques urbaines > La place de la ville : compétivité et gouvernance
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conclusion. 109 Smart Land ou smart dust : des alternatives intelligentes
> Smart City, pour une ville qui naît smart > Smart Land : Le réseau numérique, une solution à grande échelle > Smart Dust : la quintessence du processus soft > Le Smart Land, la Smart Dust et les processus Bottom-up , des moyens plus doux de penser le territoire. > La technologie, un processus en développement à maîtriser > Le numérique a-t-il bouleversé les relations entre le citoyen, l’architecte et le territoire ? Est ce une révolution ?
BIBLIOGRAPHIE
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Introduction
- Territoires smart Du slogan à la réalité
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Introduction : «Smart-City»
Introduction. «Smart-city»
à propos des smart cities il y a désormais de tout. En plus des nombreuses demandes de financement à L’UE, il y a des masters de spécialisation, des cours universitaires, des sites dédiés, d’importantes recherches universitaires ou d’autres organismes de recherche, beaucoup de colloques nationaux et internationaux, des groupes de professionnels qui lancent des cabinets de conseil et une grande quantité de publications ou de débats à la radio ou à la télévision qui argumentent sur ce qu’est une smart city. Et alors pourquoi encore un chapitre dédié aux smart-cities ?1 Au cours de ce mémoire je m’intéresse aux fondements de la smart-city, son champ lexical se traduit par un ensemble de slogans «à la mode». Franco La Cecla parle de «sloganisation de l’urbanisme»2. Bien que critiquée pour son aspect commercial et marketing, on y retrouve tout de même des enjeux très importants et des perspectives prometteuses. En prenant le cas d’étude de Bordeaux, je veux comprendre si le modèle de la smart city est adapté à nos villes européennes et si il fait figure de réelle révolution pour cette ville. En effet beaucoup d’études ou d’écrits sur les smart cities nous arrivent de pays comme les États-Unis ou de Singapour. A travers l’exemple de Bordeaux, on verra qu’il faut prendre en compte l’enjeu local de la «smartisation»3 d’une ville. Surtout lorsque l’histoire de la ville remonte, comme toutes nos villes européennes, à plus d’un millier d’années.
1 Bonomi, Aldo et Masiero, Roberto, Dalla smart city alla smart land, Padova, Marsilio, 2014, 144 p., traduction personnelle, p. 108 2 LA CECLA, Franco, Contro l’urbanistica, Torino, Einauldi, 2015, page 91 / traduction personnelle 3 néologisme utilisé pour définir un acte évolutif innovant
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Comme l’explique Roberto Masiero, pour comprendre l’origine de la smart city, il faut comprendre l’évolution du terme smart dans le monde industriel des réseaux , «Essere smart significa sapere che è in atto una rivoluzione nel passaggio da un modo di produzione industriale a quello digitale.»1 La marque «smart» est déposée en 1996 par le groupe Daimler AG, il s’agit d’un nouvel utilitaire de petite taille, peu coûteux, citadin et technologiquement innovant. Depuis, le mot smart est devenu un style de vie, une façon d’être, qui fait preuve d’agilité, de légèreté, d’urbanité et d’ouverture à l’innovation. Roberto Masiero insiste sur la symbolique exprimée par le fait que ce terme naisse dans le milieu industriel. En effet l’industrie est la première à avoir mis en place des réseaux à l’échelle du territoire. Début 1800 on verra d’abord arriver le chemin de fer, ce sera ensuite le réseau auto-routier et enfin l’occupation de l’espace aérien avec les aéroports. Fin 1900, les réseaux se dématérialisent. On parle du téléphone, mais surtout, en 1996 de l’arrivée d’Internet (interconnected networks), né avec le programme militaire ARPANET en 1969 et le World Wide Web du CERN en 1991, qui permet la connexion entre les universités, et qui va ensuite s’ouvrir au monde civil. Un accélération du développement des TIC va alors avoir lieu. C’est avec le téléphone portable que IBM va faire une avancée phénoménale en ce qui nous concerne. Ils vont commercialiser le premier dispositif portable qui téléphone et permet de gérer des données par le biais d’applications. Cela nous mènera à l’invention et au développement du smartphone. Ainsi on arrive à une mise en réseau des personnes elles mêmes. La première approche intelligente dans le monde de l’architecture va voir le jour en l’an 2000 : la domotique, ou smart home. C’est l’idée d’interagir avec sa propre maison. Mais le phénomène n’a pas tellement pris. C’est vers 2008 qu’on est passé de la smart home, à la smart city. Aujourd’hui le monde est un réel réseau de réseaux matériels et immatériels qui se croisent et se confondent. On verra que la smart city est avant tout une question de réseaux aux enjeux d’organisation économique, sociale et politique, le tout spatialement. Après 2010 on voit l’explosion du slogan smart city, fortement critiqué, jugé de phénomène marketing, orchestré par les traditionnels entrepreneurs urbains des bâtiments et des réseaux comme Orange, Bouygues (voir 1 Bonomi, Aldo et Masiero, Roberto, Dalla smart city alla smart land, Padova, Marsilio, 2014 Traduction personnelle : «Etre smart signifie savoir qu’a lieu une révolution dans le passage d’un mode de production industriel à celui numérique.»
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Introduction : «Smart-City»
image A) ou Vinci pour la France. Mais c’est bien un concept créé de toutes pièces par les géants du numérique : IBM et Cisco qui misent sur des projets d’amélioration de la mobilité et des énergies dans la ville saturée. On parle aujourd’hui d’un marché de plusieurs milliards de dollars par an. Il ne faut pas sous-évaluer le passage du matériel à l’immatériel, du hard au soft, du monde des atomes au monde des bits, du local au global, du réel au virtuel, du capital productif à celui financier ou autoproductif, pour l’affronter comme une réelle révolution du système qui met en jeu de nouvelles valeurs et comportements, qui a besoin, pour être compris, et donc pour être «agi», de nouveaux paradigmes et de nouvelles façon d’être. Parmi lesquelles, être smart.2
2 Bonomi, Aldo et Masiero, Roberto, Dalla smart city alla smart land, Padova, Marsilio, 2014, traduction personnelle, p. 94
A. Publicité pour Ubleam, par Bouygues Telecom / source : www.ubleam.com
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La smart city est en fait un modèle de nouvelle organisation de la ville et comme le dit Roberto Masiero3, en accord avec la plupart des définitions que j’ai pu lire au cours de mes recherches, elle est un système complexe qui, à travers des actions spécifiques, devient une ville qui prétend être plus technologique, plus propre, plus attractive, plus sûre, plus accueillante, plus efficace, plus ouverte et plus collaborative mais aussi créative et durable. Sur la même longueur d’onde, Antoine Picon, ingénieur, architecte et historien, voit la smart city comme un nouvel idéal urbain, une façon de mieux gérer la ville au moyen du numérique, de l’optimiser, de la rendre durable, mais aussi et surtout de promouvoir plus de spontanéité créatrice de la part de ses habitants. Roberto Masiero liste six composantes de la smart city : il réussit à englober tous les principes de la smart city de manière pertinente. Souvent l’aspect politique est omis, comme le rappel Antoine Picon à plusieurs reprises, la smart gouvernance est pourtant le point focal du processus, nous le verrons dans ce mémoire. La smart economy qui s’intéresse à la compétitivité dans l’ère des start up innovantes, dans une recherche de meilleure productivité et une ouverture à l’internationale. La smart mobility traite des transports couplés aux TIC avec un enjeu d’écologie, d’économie et d’innovation pour un réseau local adapté au territoire. Le smart environment introduit le développement durable et la question du paysage avec la revalorisation des ressources naturelles locales. C’est aussi une préoccupation autour des énergies renouvelables et une diminution des consommations et donc de la pollution. Le smart people parle de la formation et du capital social des citoyens, un investissement sur la créativité, la qualification et le culturel. Le smart living se préoccupe de la qualité de vie dans la ville, au niveau sanitaire, social, culturel et sécuritaire. La smart gouvernance agit pour la gestion transparente et participative des projets à travers les TIC (e-gouvernance)
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Bonomi, Aldo et Masiero, Roberto, Dalla smart city alla smart land, Padova, Marsilio, 2014
Introduction : «Smart-City»
Ces différentes réflexions relèvent de cinq politiques publiques principales: la mobilité, l’économie de la connaissance, les transformations urbaines, le développement durable et enfin, particulièrement sur les territoires européens, la culture et le tourisme, le tout par le prisme des TIC. Il faut savoir avant tout que le numérique n’est qu’un outil mais il est l’outil principal de la smart city : on y trouvera la technologie numérique sous toutes ses formes : les TIC . Comme le fait remarquer le philosophe Pierre Lévy, « un bit n’est ni une particule de matière, ni un élément d’idée, c’est un atome de circonstance».4 Il existe dans la mesure où il se produit. En effet, la ville est un espace physique mais aujourd’hui elle est aussi virtuelle. Un nuage de données la survole : capteurs, émetteurs, signes, tags, écrans... On verra dans une première partie, comment, grâce à ces technologies, on peut comprendre en temps réel la façon dont se comportent et donc comment s’applique la logique des capteurs / actionneurs et comment interagir avec. Quels sont les outils technologiques de la smart city ? Que sait-on faire et que veut-on faire ? Il est désormais possible de contrôler la consommation énergétique, l’émission de CO2, les flux des moyens de transports publics mais aussi privés, la production de déchets et leur recyclage, la disponibilité de places de parking, ou encore les informations des services publics.... C’est cet ensemble d’informations sous forme de réseau et de distribution que j’étudierai dans cette partie. Je me focaliserai sur trois acteurs : le citoyen connecté, attiré par les TIC, l’architecte en renouveau sous la masse d’informations à sa disposition et la ville qui s’intéresse à son smart citizen et le rend acteur de sa fabrication. Le citoyen connecté d’aujourd’hui interagit ponctuellement avec des objets grâce aux TIC. Celui de demain dialoguera-t-il avec son territoire tout entier ? Comment les TIC sont elles installées dans la ville et pour la ville ? Les technologies numériques y prennent une place prépondérante dans le but d’y améliorer transports, énergies, rapport des habitants avec leur territoire et démocratie locale. La Smart city, est-elle vraiment une ville intelligente, ou est-ce plutôt le règne 4 LEVY, Pierre, La Machine univers. Création cognition et culture informatique, Paris, La Découverte, 1987
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du système D, du terrain, du local, du citoyen qui s’organise sur internet ? Pourquoi ne pas imaginer un territoire dont l’intelligence résiderait justement dans les interactions entre systèmes techniques et citoyens, mais aussi et surtout entre les citoyens eux-mêmes ? Les enjeux sociaux, politiques et spatiaux sont soulevés en deuxième partie. En quoi la vague du numérique est-elle en train de bouleverser les relations entre le citoyen, l’architecte et le territoire ? Lors de la conférence Lift 2011 à Paris, Saskia Sassen, s’interroge sur le futur des smart cities, elle ne condamne pas les technologies mais elle parle d’un besoin imminent d’organiser ces technologies. En effet elle soulève la question de qui doit faire la ville numérique. Elle soutient que la logique des utilisateurs ne correspondra jamais à 100 % avec la logique des ingénieurs qui conçoivent les TIC qui font la ville5. Le risque est d’isoler la technologie des acteurs politiques et sociaux, comme le fait IBM. La smart city pose de grandes questions de gouvernance et de citoyenneté à tous les acteurs, non seulement à l’ingénieur. « Les architectes travaillent sur la façon dont les gens sont en contact avec le monde physique, et cela est en mutation.»6 Antoine Picon, lui aussi remet en question le métier d’architecte à travers cette observation. En quoi le rôle de l’architecte est-il en train de changer ? Et comment peut-il évoluer ? Cette deuxième partie parlera des questions sociales, politiques et spatiales que soulève la première partie. L’enjeu fondamental pour comprendre le concept de smart city, est en réalité de comprendre non seulement ce qui se transforme et évolue vers le numérique, mais surtout ce qui résiste à ce changement. Je parlerai alors de ségrégation numérique, d’invasion des données, de surveillance et traçabilité ; je soulèverai aussi la question de l’aspect collectif de l’internet face à une société individualiste où l’espace public sera interrogé. La redistribution des rôle sera mise en débat, entre nouvelle gouvernance Bottom-up et Top-Down revisité ; le métier d’architecte face aux moyens de communication est-il en évolution comme le soulève Antoine Picon et quelle est la place du citoyen ? On finira par l’analyse d’une promise mutation spatiale du territoire avec le cas de Bordeaux Métropole qui se cherche une nouvelle identité grâce au label French Tech. S’ouvre alors le sujet de la place des villes dans la gouvernance du territoire : entre désurbanisation décrite par Saskia Sassen, compétitivité et puissance. 5 Sassen, Saskia, « The future of smart cities », intervention à la conférence Lift 11 “ Be Radical”, 7 juillet 2011 « The logic of the users doesnt 100 % correspond with the logic of the ingeniors » 6 PICON, Antoine, «Le sens de la ville numérique» , Le Monde (Binaire), 13 mai 2015.
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Introduction : «Smart-City»
Je conclurai sur les limites de la smart city, et on parlera des alternatives existantes, des nouveaux processus proposés aujourd’hui, plus adaptés aux villes européennes comme Bordeaux. Je remettrai en question ce modèle unique : en effet le processus smart est souvent imaginé comme universel. Il s’appliquerait aussi bien à une ville inexistante à monter de toutes pièces comme l’a dessinée Carlo Ratti au Moyen Orient, ou à une ville moderne comme Singapour, mais aussi aux cas les plus délicats de ville constituée où histoire et patrimoine sont omniprésent. Quand on pense à Bordeaux, avec son centre historique classé au patrimoine mondiale de l’UnescO, on se rend compte qu’il n’est évidemment pas possible d’y faire les infrastructures lourdes que l’on ferait à Singapour ou au Moyen Orient, des exemples de smart cities très avancées. Et qu’en est-il du reste du territoire, celui des petites villes ? Comment peuton territorialiser le concept smart ? Des initiatives ont déjà vu le jour comme dans la région Italienne d’Emilia-Romagna qui a choisi de révéler son territoire en formant Aster, le réseau de haute technologie. Aster transforme ici le passé agroalimentaire industriel en un futur intelligent7. On verra alors qu’en plus du modèle smart city, il y a aussi la poussière intelligente et le territoire connecté, smart dust et smart land. Il est question de territorialisation de l’intelligence. Certaines situations ne permettent pas l’intervention hard que dicte le modèle smart city. Ces processus légers, élargissent le concept de smart city afin de contribuer au développement spontané de territoires constitués, faire de la ville intelligente avec des tissus historiques et diffus. A quoi ressemblerait vraiment un territoire intelligent ? De quelle manière les besoins digital smart d’aujourd’hui bouleversentils les relations entre le citoyen, l’architecte et le territoire ? En prenant l’affirmation de Dominique Wolton en 1999, «Une véritable révolution existe quand il y a rencontre entre une innovation technique et des mutations culturelles et sociales dans les modèles de communication, ce qui est rare»8. A l’époque Dominique Boullier éprouvait un certain scepticisme à voir cette «rencontre»9. La technologie à l’échelle de la ville était alors encore marginale. Où en sommes nous en 2015 ? Avons nous atteint cette révolution ? Je pense que oui mais l’impact n’est pas (encore) global. C’est ce que nous verrons au travers de ce mémoire. 7 Cf. Bonomi, Aldo et Masiero, Roberto, Dalla smart city alla smart land, Padova, Marsilio, 2014 8 WOLTON, Dominique, Internet et après ? Une théorie critique des nouveaux médias, Paris, Flammarion, 1999 9 BOULLIER, Dominique, L’urbanité numérique, Paris, L’Harmattan, 1999, page 13
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1. «Smart» et numérique : Citoyen, architecte et ville
- Territoires smart Du slogan à la réalité
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1. «Smart» et numérique : citoyen, architecte et ville
1. «Smart» et numérique : Citoyen, architecte et ville.
Smart signifie intelligent, rusé, élégant et ... d’autres choses encore. Etre smart signifie être continuellement dans le jeu (parce qu’il faut toujours être prêt à revoir les règles du jeu) ; être dans un état permanent de relation, donc en réseau, être disponible toujours pour quelque chose d’imprévisible, vu que chaque processus change dans le contexte et pour le contexte. [...] savoir que l’intelligence est puissante quand elle est stratégique. [...] Etre smart signifie que tout est social, que tout peut se partager, que tout est in-formation ; cela signifie imaginer n’importe où des stimulations et des réponses, capteurs et actionneurs. Etre smart c’est savoir que la technique ne fait pas tout mais qu’elle peut tout résoudre. [...] Smart met en relation le grand et le petit. Smart est «glocal». [...] Peut être que être smart signifie essayer d’être libre.1
Digital Smart, ou intelligence numérique. Couplée à la Smart City, cette notion est née en 2008 dans le cabinet marketing de IBM avec la campagne smarter cities (voir image A). IBM montre par ces installations qu’il est capable d’amélioer la vie des citoyens en général ; sans aucune évocation de la forme numérique de l’instrument d’amélioration. L’intelligence en question réside pourtant bien dans les TIC. On parle aussi de ville sensible. En résumé c’est l’idée d’une ville si avancée technologiquement qu’elle comprend ses usagers, qu’elle résout toute seule leurs problèmes. Mais peut-elle techniquement exister ? Où en sommes nous aujourd’hui ? Et qu’est ce qui la compose ? 1 Bonomi, Aldo et Masiero, Roberto, Dalla smart city alla smart land, Padova, Marsilio, 2014, 144 p., traduction personnelle, p. 88
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A. Smarter Ideas for Smarter Cities / source : IBM
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1. «Smart» et numérique : citoyen, architecte et ville
Pour comprendre l’origine des TIC, il faut remonter à la naissance de la société de l’information. En effet comme le disent Alfred Chandlet et James Cortada, c’est la société de l’information qui a rendu l’ordinateur possible, et non l’inverse.2 Essayons de comprendre l’apparition de l’outil numérique intelligent. C’est dans le milieu de l’informatique que le processus smart va être propulsé. La base de donnée est inventée, on est capable de stocker des informations et de les réutiliser. C’est l’invention de la tabulatrice. Une société fondée par l’ingénieur Herman Hollerith va produire les premières tabulatrices, il s’agit de la naissance d’IBM. Le premier ordinateur voit le jour en 1949 mais le PC, personnal computer, n’arrivera qu’en 1980. C’est là que l’informatique est entré dans l’univers de la consommation. Internet, utilisé depuis 1994 par le grand public, va réellement s’affirmer vers l’an 2000 dans la société occidentale. C’est la naissance de la culture numérique. L’élément déclencheur de la capacité dite intelligente de nos villes est clairement l’arrivée du téléphone, lui aussi Smart. Il apparaît en l’an 2000 mais ce n’est que vers 2007 qu’il se démocratise. Le téléphone portable intelligent a apporté la possibilité à l’individu, d’être connecté au réseau internet partout et tout le temps. Non plus seulement chez soi ou au travail mais aussi pendant les déplacements dans l’espace public et à travers le territoire, que ce soit en transport en commun, en voiture ou à pied. Le smartphone est notre capteur / émetteur personnel, il nous représente : un smartphone connecté est égal à un citoyen. C’est sur cette équation extrêmement simple que se base la plupart des éléments que nous allons voir en suivant. Et ils ne feront que se perfectionner dans la mesure où l’achat de smartphone est en hausse constante. On a des citoyens de plus en plus connectés. La ville va par conséquent être perturbée dans l’expérience spatiale et donc dans sa gestion et sa conception, aussi bien du côté du concepteur que de l’utilisateur. Cette partie s’intéressera d’abord au citoyen hyper-connecté d’aujourd’hui, attiré par les TIC, sachant les utiliser dans des buts précis et à la recherche d’applications innovantes et d’espaces toujours plus connectés. Ensuite se pose la question de l’architecte en renouveau sous la masse d’informations à sa disposition. Comprendre ce qui est à notre disposition et dans quel but. Et enfin nous verrons une ville qui s’intéresse à son smart citizen et qui le 2 Chandler Alfred, Cortada James (dir), A Nation Transformed by Information, Oxford, New York : Oxford University press, 2000
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rend acteur de sa fabrication. Tout au long de ce travail je m’appuierai sur le cas de la métropole Bordelaise, territoire en pleine smartisation, avec de nombreux projets et évènements sur l’innovation ; comme le semaine digitale, la construction de la cité numérique à Bègles, l’organisation de ITS3 World Congress en 2015, le premier forum «Smart City Bordeaux» en avril 2015... Marc Lafosse confirme l’ambition de la Ville de devenir une des cités les plus connectées d’Europe : « Si demain on devait discuter d’une nouvelle politique de mobilité, par exemple, cela passera forcément par une approche axée sur la “smart city”. » Une intention dont se réjouit Laurent Bourgitteau-Guiard : « Notre service va forcément commencer à discuter avec des objets connectés, dans une logique de “smart city”. Des technologies qui vont nous permettre de nous développer sont dès à présent testées à Bordeaux. »4 Quels sont les outils technologiques de la smart city ? Que sait-on faire et que veut-on faire ? Quels sont ses usages et ses usagers ? Quel est le rôle de l’architecte dans ce nouvel idéal urbain ?
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de l’anglais : Intelligent transport system Dechamps, Thomas, «La ‘ville intelligente’ à la sauce bordelaise», Le Soir, 6 octobre 2014
1. «Smart» et numérique : citoyen, architecte et ville
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Place Saint-Pierre au Vatican : 2005 (Luca Bruno/AP/SIPA) et 2013 (Michael Sohn/AP/SIPA) / source : NBC news
1. «Smart» et numérique : citoyen, architecte et ville
1.1. Citoyens hyper-connectés : smart citizen
L’agence de médias sociaux, We are Social de Singapour a réalisé une des plus grandes études1 à l’échelle mondiale sur les citoyens et leur rapport à internet. Nous sommes 3,01 milliards d’internautes sur la planète pour 7,21 milliards de personnes. (voir image A) Au niveau national nous comptons 54 473 474 internautes, soit 83% de la population française. Nous passons en moyenne 4h07 par jours sur internet. Au vu des chiffres nous pouvons dire que le monde est peuplé de citoyens connectés, on les appelle les smart citizens car ils ont acquis la capacité d’utiliser les TIC comme un outil pour améliorer leur quotidien et leurs relations. En effet, les TIC permettent de croiser toujours plus de données tirées de sources différentes, de les analyser toujours mieux . Le service à la personne sera toujours plus intégré, dans le milieu de la santé, de la consommation et même du loisir comme on le voit déjà avec les applications pour la course à pied par exemple. Le téléphone relève le trajet, le nombre de pas, le battement cardiaque et donc les calories consommées. Dorénavant le numérique nous connaît. En France et encore plus en Amérique du nord, on peut parler de citoyens hyper-connectés. Le réseau devient une nécessité et on l’utilise en continu. Le virtuel fait partie du réel.
1 étude Social, Digital & Mobile Around The World (January 2014) de We Are Social Singapore
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La place des réseaux sociaux2 dans le monde, un usage grandissant. Ici le virtuel représente le réel. Les réseaux sociaux font partie intégrante de la vie quotidienne des citoyens, partout dans le monde. D’après l’étude «We are Social» de Singapour3, sur les 3 milliards d’internautes, 2 milliards sont sur les réseaux sociaux, soit 68% des internautes et 28% de la population mondiale. En 2015, ils représentent une moyenne de connexion de 2 heures par jour dans le monde. En ce qui nous concerne, 68% des français sont inscrits sur un réseau social. En outre, 3.649 milliards de personnes utilisent un téléphone mobile (51%) et 1.685 milliard de personnes accèdent aux réseaux sociaux via leur mobile (23%). Le monde virtuel est donc de plus en plus à portée de main et il nous suit partout. 2 Réseau social est le terme plus connu pour définir une plateforme virtuelle communautaire. 3 étude Social, Digital & Mobile Around The World (January 2014) de We Are Social Singapore
A. Etude We are Social (Singapore) / source : http://wearesocial.com/
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1. «Smart» et numérique : citoyen, architecte et ville
La connexion internet, l’accès en continu depuis n’importe où. L’homme est de plus en plus habitué a être connecté en permanence. On cherche à avoir du réseau tout le temps et partout. En effet on a des forfaits téléphoniques avec internet. On veut toujours plus de Giga Octets. On est constamment à la recherche de réseaux WiFi, en effet c’est devenu un élément clé dans la ville ; les fameux «hot-spots» parfois offerts par la ville ou plus souvent par des structures privées prolifèrent. C’est devenu un critère primordial dans le choix d’un lieu. En Europe on parle même, depuis deux ans, de la fin du roaming ; c’est à dire qu’on aura accès au réseau 4G au même coût dans chaque pays d’Europe. Toutes ces observations illustrent la nécessité croissante de la connexion, chez soi, dans la rue, au bureau et même en voyage. Aujourd’hui on peut dire que la connexion internet est accessible de tout point de la planète. Il s’agit de la connexion internet par Satellite. C’est une technologie encore peu utilisée, seulement dans des situations particulières comme les zones reculées, la haute montagne, la pleine mer mais aussi dans des zones de censure ou de catastrophe. C’est sur ces deux derniers points que cette technologie est intéressante à étudier. On peut donc dire qu’avec le matériel adéquat, tout est accessible de partout.
Les réseaux sociaux, un moyen pour rassembler. Les réseaux sociaux, grâce à leur popularité, sont devenus des outils d’intérêt collectif. Ici, le virtuel, fait plus que représenter le réel, il agit sur le réel. Comment Foursquare, Twitter et Facebook ont provoqué des changements importants qui partent des citoyens ? Les réseaux sociaux sont vecteurs de processus Bottom-Up. Pour étudier ce phénomène, l’événement le plus marquant qui a suscité écrits et réactions, est le printemps arabe. Il s’agit de révolutions populaires qui ont touché une grande partie du monde arabe occidental en décembre 2010. Cette «révolution 2.0» est marquée par l’important rôle joué par les TIC, dans un premier temps avec les réseaux sociaux sur smartphone. En
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Egypte, suite à la censure de la part du gouvernement, la connexion par satellite a eu un rôle essentiel pour permettre de créer des réseaux parallèles à accès libre. Ainsi les citoyens ont pu discuter, partager et s’organiser pour réagir contre leurs gouvernements, qui une fois la connexion satellite mise en place, n’avaient plus aucun contrôle ni surveillance sur les intentions de leurs peuples. Les réseaux sociaux ont été une façon extrêmement rapide (le numérique ici n’est qu’un accélérateur et démultiplicateur) de mobiliser les masses en un point précis. Ils ont aussi eu un rôle de partage et propagation à grande échelle : «Le développement des technologies de l’information et de la communication permet une circulation très fluide et horizontale de l’information entre de très nombreux utilisateurs malgré toutes les tentatives des dictatures de contrôler ce flux.»4 Le Parti Pirate International a joué un rôle important pendant le printemps arabe, surtout en Tunisie. Le site tunisie-presse.com expose l’implication du Parti Pirate Tunisien, dans les évènements : « Les membres du Parti Pirate avaient un seul souci, libérer le web qui était sous l’emprise du gouvernement [...]. Ils distribuaient des supports numériques contenant des logiciels nécessaires pour déjouer la censure d’Internet et protéger les internautes du piratage de leurs connexions [...]. ». En effet on peut voir par cet exemple que le mouvement de contestation a lieu dans la rue et internet n’est qu’un vecteur de la révolution. Son rôle est certain dans le déclenchement des premières manifestations mais il se réduit ensuite et laisse place à une organisation physique et sociale. On peut alors définir le numérique, comme un outil, mais surtout un outil déclencheur. Les réseaux sociaux sont par ailleurs utilisés en cas d’urgence à des fins institutionnelles et gouvernementales ou par les ONG pour propager des informations. On a là une vraie évolution des capacités d’action grâce aux TIC. C’est ici une forme de processus Bottom-Up social. Aujourd’hui lorsqu’une ONG arrive sur une zone sinistrée elle commence par mettre en place un réseau satellite pour permettre la communication avec les bases de ravitaillement et de soin. Il faut pouvoir informer de ce dont ils ont besoin et faire un état des lieux. Ce réseau va servir par la suite à 4 Gonzalez-Quijano, Yves, «Les “origines culturelles numériques” de la Révolution arabe», Hypothèses, 2011.
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1. «Smart» et numérique : citoyen, architecte et ville
recenser les survivants et les répertorier. En effet récemment Facebook a mis en place ce dispositif, en cas de catastrophe, de signalisation des personnes «sécurisées» dans la «zone sinistrée». En effet grâce à la géolocalisation de la dernière connexion, Facebook liste les personnes proches de l’épicentre et leur demande, dès leur connexion de certifier qu’ils sont en sécurité. Ainsi ses contacts reçoivent une notification de «mise en sécurité de leur amis». C’est un moyen pour rassurer les proches mais aussi pour les institutions et les ONG d’avoir des informations sur la catastrophe et d’entrer en contact avec les personnes sur zone.
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© Syda Productions / Shutterstock.com
1. «Smart» et numérique : citoyen, architecte et ville
1.2. Un architecte sur-informé : l’open data
> Bordeaux Métropole
L’Open Knowledge Foundation (OKF) a publié en 2014 son classement : «Open Data Index» qui évalue la disponibilité et l’accessibilité des données administratives sur dix secteurs dans plus d’une centaine de pays dans le monde. La France arrive à la troisième place, alors qu’elle n’était qu’à la seizième place en 2013. Cette étude mesure l’engagement du gouvernement en matière d’ouverture des données publiques. Elle s’inscrit dans un besoin de transparence et de connaissance de ce qui nous régit. Ainsi cette ouverture permet à l’architecte d’avoir accès à toutes les données urbaines existantes. Tout est à sa disposition. Des cartographies et des statistiques sur les citoyens, forment aujourd’hui un nuage de données disponibles pour faire des projets urbains et architecturaux. Au niveau national, plus de 13 000 jeux de données sont disponibles sur data.gouv.fr. A l’échelle locale, d’autres plateformes existent dans le même but comme http://data.bordeaux-metropole.fr/ pour l’agglomération Bordelaise. Le plus souvent ces informations sont normalisées au format .csv1, un format très facile à lire et à utiliser en programmation. L’open data né dans une société qui considère l’information publique comme un bien commun: «Open data are an illustration of the notion of common informational goods»2. C’est un besoin d’intérêt général. En effet de plus en plus de dispositifs portés par l’Union Européenne incitent à l’ouverture au public des bases de données. Grâce à l’open data, on peut s’approprier un plan, une carte. Dès lors qu’elle se partage, la carte numérique est un territoire. On y place nos amis, on y colle nos photos, on y propose un événement ; et par des interactions, de la 1 Format de fichier : Comma Separated Values 2 Ostrom, Elinor; Hess, Charlotte, Understanding knowledge as a commons: from theory to practice, Cambridge (Massachusetts), MIT Press, 2007
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navigation et des recherches, ces actions impactent le réseau, mais aussi le territoire : des gens se déplacent pour se rencontrer, un rassemblement se forme, un projet de bâtiment germe… La plateforme virtuelle déteint sur l’espace physique. Plus on en sait sur le réel de manière virtuelle, plus on sera capable de répondre de manière adaptée aux problèmes. Lorsqu’un architecte travaille sur un projet, il a besoin d’analyser le contexte de manière la plus fine possible. Il cherche à savoir : qui ? quoi ? quand ? et comment ? Aujourd’hui l’INSEE nous donne les réponses au qui ; des données sur les équipements publics sont accessibles sur GéoPortail et autres portails locaux pour répondre au quoi ; les données en temps réel recueillies par les capteurs connectés répondent désormais au quand ; et enfin les services de transport communiquent les valeurs à exploiter pour le comment. Quelles informations sont disponibles ? L’architecte en est-il conscient et sait-il s’en servir ?
L’INSEE, des statistiques sociales. L’institut national de la statistique et des études économiques existe depuis 1946. Ce n’est que depuis 2003 que les données sont en accès libre. Acteur historique de l’Open data en France, l’Insee diffuse gratuitement et massivement ses statistiques, en les accompagnant des informations nécessaires à leur interprétation : tableaux synthétiques, bases de données très détaillées, analyses chiffrées, publications.3 Comme je le disais en introduction du sujet, l’INSEE est à mon sens un outil capital dans la phase d’analyse pour un architecte. Le contexte étant vecteur de projet, il est aujourd’hui très facile de trouver les informations, les sondages, les statistiques, les pourcentages sur la population, sur une partie ou même sur une catégorie de population. C’est par ce croisement de données que va germer un projet d’autant plus réaliste qu’il répond aux vrais besoins de la population. Mais les données sociales ne font pas tout, pour l’architecte, les big data4 concernant les informations sur le territoire physique sont autant voire plus précieuses. 3 source INSEE : http://www.insee.fr/fr/bases-de-donnees/default.asp?page=open-data/ open-data-utilisation.htm 4 «ensemble des données relevées et mises en réseau» / par David Reinstel et John Grants / 2011
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1. «Smart» et numérique : citoyen, architecte et ville
Système d’information géographique, l’open data de Bordeaux En ce qui est de mon expérience, cela fait quatre ans que je connais Géoportail, en effet ce portail d’informations m’a été indiqué par les enseignants au cours de mes études, cet outil est clairement de notoriété publique dans le monde des paysagistes, des urbanistes et enfin des architectes. Cependant l’accès libre ne concerne que les cartes ; les données qui les composent ne sont pas téléchargeables. Il y a un an, j’ai découvert l’existence de dataCUB, l’open data de Bordeaux Métropole notamment pour sa modélisation 3D de toute l’agglomération ou pour les fichiers vectoriels des rues et des îlots. Ce n’est que très récemment que j’ai réalisé l’ampleur des cartographies disponibles et surtout, la possibilité de télécharger les données en fichier texte aisément manipulable. Pour le projet de cinquième année nous travaillons sur les équipements mutualisés dans la Métropole de Bordeaux, pour cela nous avons décidé de cartographier tous les équipements existants, par catégorie. Sans dataCUB, nous aurions été obligés de les rechercher un par un, sur Google Maps et de les placer en choisissant une couleur par catégorie. Un travail titanesque. Or, l’outil numérique, j’entends ici la base de données, peut s’avérer très utile. Sur le portail dataCUB nous avons téléchargé le fichier .csv des équipements, c’est en fait une liste sous forme de tableur avec la commune, la catégorie et les positions GPS. Voir image A.
A. fichier CSV des équipements de Bordeaux métropole
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Grâce a des programmes libres de droits disponibles sur internet, nous avons réussi à en extraire un graphique, utilisant la latitude en abscisse et la longitude en ordonnée. Nous obtenons ainsi un nuage de points, qu’il suffit de superposer à un fond de carte pour obtenir la carte voulue. Voir image B. Mais nous voulions aller plus loin, nous avions besoin de différencier les thèmes des équipements. C’est par un simple programme de 10 lignes de code que l’opération se réalise. Il suffit de demander à l’ordinateur de donner telle couleur pour telle catégorie, indiquant que la catégorie se trouvant en colonne E du tableur : # set datafile separator «,» set terminal svg size 5000,5000 set output ‘x.svg’ set title «titre» unset key plot «< grep ‘,A : ‘ TO_EQPUB_P.csv» using 11:12 lt 1 lc rgb ‘red’,\ «< grep ‘,B : ‘ TO_EQPUB_P.csv» using 11:12 lt 1 lc rgb ‘blue’,\ «< grep ‘,C : ‘ TO_EQPUB_P.csv» using 11:12 lt 1 lc rgb ‘cyan’,\ «< grep ‘,D : ‘ TO_EQPUB_P.csv» using 11:12 lt 1 lc rgb ‘green’,\ «< grep ‘,E : ‘ TO_EQPUB_P.csv» using 11:12 lt 1 lc rgb ‘black’,\ «< grep ‘,F : ‘ TO_EQPUB_P.csv» using 11:12 lt 1 lc rgb ‘violet’,\ «< grep ‘,G : ‘ TO_EQPUB_P.csv» using 11:12 lt 1 lc rgb ‘navy’,\ «< grep ‘,H : ‘ TO_EQPUB_P.csv» using 11:12 lt 1 lc rgb ‘pink’,\ «< grep ‘,J : ‘ TO_EQPUB_P.csv» using 11:12 lt 1 lc rgb ‘gray’,
B. carte vectorielle réalisée grace aux données CSV
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1. «Smart» et numérique : citoyen, architecte et ville
On obtient alors cette carte des équipements en vectoriel avec des points de couleurs différentes. Voir image C. Ainsi grâce à un simple fichier csv nous avons obtenu une carte introuvable sur internet et pourtant facilement réalisable. Grâce à l’open data il est maintenant possible pour l’architecte d’obtenir les cartographies à jour dont il a besoin et non plus de dépendre seulement de ce qu’il dispose. Mais l’architecte sait-il utiliser cet outil ? Ou encore, en connaît-il l’existence? Bordeaux Métropole s’est engagée dans une démarche volontaire d’ouverture de ses données publiques (open data) depuis septembre 2010. Bordeaux Métropole dispose d’un grand nombre de données susceptibles d’intéresser un large public, dans les domaines du transport, des déplacements, de l’eau, de l’assainissement, de l’habitat, de l’environnement, etc. Elle a donc décidé de mettre gratuitement ses données publiques à disposition des citoyens, des associations, des entreprises, des chercheurs, pour qu’ils puissent les réutiliser afin de créer des services numériques innovants (applications mobiles, systèmes d’information, portails Internet, etc.).
C. carte vectorielle réalisée grace aux données CSV avec tri par catégories
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En ouvrant ses données publiques, Bordeaux Métropole souhaite avant tout renforcer la transparence vis-à-vis des citoyens, dans une logique de participation démocratique. En effet, les données publiques n’appartiennent pas à la collectivité locale mais à tous. Elles ont vocation à être partagées.1 En effet, cette démarche est quelque chose de très récent, la métropole bordelaise est particulièrement pionnière sur le sujet. C’est en cours d’expérimentation. Mais cet engagement lui a déjà valu deux fois le label or des territoires innovants des interconnectés2. De plus, Bordeaux Métropole propose des guides techniques au format open source3 pour que chacun puisse y ajouter ses indications, ses propositions. L’enseignement et le monde professionnel de l’architecture ne sont, selon moi, pas encore assez informés. L’offre existante est pourtant très riche. Mais d’ailleurs d’où viennent ces données et à quoi servent-elles ? Bordeaux Métropole s’est engagée dans la démarche open data, en partenariat avec la FING (Fondation Internet Nouvelle Génération), l’AEC (Aquitaine Europe Communication), le Conseil régional d’Aquitaine, le Conseil général de la Gironde et plusieurs communes de l’agglomération bordelaise. Sont aussi associés les grands opérateurs de service public comme Keolis pour les transports ou la Lyonnaise des eaux pour l’eau.4 On se rend compte que les capteurs sont aussi bien publics que privés. Ce sont des données particulièrement utiles aux techniciens et ingénieurs en tous genre qui interviennent sur la métropole ; les architectes et les urbanistes n’étant pas la cible prioritaire de cette initiative. L’intérêt de partager ces informations est de donner la possibilité aux privés, développeurs amateurs ou professionnels de développer des applications d’utilité publique comme celle des parcours en vélo qui suivent les pistes cyclables ou encore d’alerte panne pour le tramway. Cela apporte aussi une bonne image à la ville qui se veut transparente et démocratique.
1 source : http://www.bordeaux-metropole.fr/grands-projets/open-data-reutilisation-des-donnees-publiques 2 source : http://www.interconnectes.com/label-territoire-innovant/ 3 open-source libre de droit : dont le code est accessible et modifiable 4 source : http://www.bordeaux-metropole.fr/grands-projets/open-data-reutilisation-des-donnees-publiques
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1. «Smart» et numérique : citoyen, architecte et ville
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Refaisons la Bastille - Madame la maire jâ&#x20AC;&#x2122;ai une idĂŠe. / source : page Facebook officielle de Anne Hidalgo
1. «Smart» et numérique : citoyen, architecte et ville
1.3. Une ville néo-réceptive : smart city participative ? > Bordeaux Métropole, Paris, Bari (Italie)
C’est récemment que les élus et techniciens de la ville, se sont rendu compte que leurs citoyens sont hyper-connectés, d’où le préfixe «néo». Elle a compris qu’il fallait s’en servir, qu’ils se sentent utiles tout en se rendant utiles. Certaines villes comme Bordeaux mais aussi Paris, se sont rendue compte que l’avenir de leur territoire réside dans les TIC afin de permettre au citoyen d’interagir avec les collectivités locales. Quel est le but ultime de la ville intelligente ? Fonctionner plus efficacement ? Le vivre mieux ? Ou est-ce l’espoir d’une participation plus grande des citoyens ? Il y a le désir néo-cybernétique de tout faire fonctionner, en mieux, comme une machine. Et d’un autre coté, il y aurait l’idée d’aller vers une élan de spontanéité de la vie collective. Dans tous les cas le but est de simplifier et uniformiser les démarches. Par exemple de plus en plus de villes développent une « carte de la ville » physique ou en NFC1 sur le téléphone qui centralise tous les besoins : du vélo en libre service, aux transports en communs, à la médiathèque, aux paiements de parking. Tout ceci se fait dans l’idée d’optimiser la gestion des infrastructures de la ville. Essayer de faire mieux avec moins : le grand enjeu que connaissent les pouvoirs publics en cette période de crise. C’est l’idée même de la carte Bordeaux ma ville, elle centralise d’ores et déjà tout ce qui concerne les déplacements réglementés et les stationnements, les loisirs avec les bibliothèques et les piscines, mais aussi la scolarité des enfants avec les règlements de restauration et de garde. Ce n’est pas encore une mutualisation totale des usages mais c’est un début intéressant pour le citoyen. 1
Near Field Communication (Communication dans un champ proche)
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Justement, la ville de Bordeaux développe en ce moment avec Orange, une application unique à la ville. Bordeaux en poche : application mobile interactive où le citoyen peut intervenir mais aussi agir. Bordeaux Métropole est désormais sur tous les réseaux sociaux. C’est une opération marketing qui se diffuse de plus en plus. Le citoyen est amené à «aimer» sa ville sur Facebook, à suivre ( follow) son président ou son maire. Ils rentrent dans la vie des personnes de manière virtuelle, mais cela provoque une sensation de proximité, d’attention. Le «statut» de François Hollande apparaît aux cotés des statuts de nos amis. C’est une démocratisation, un désacralisation de la figure politique. Bordeaux Métropole peut être suivie sur Facebook, twitter, Dailymotion, mais on peut aussi suivre «Bordeaux métropole circulation», un info-trafic en temps réel géré par la collectivité, «Bordeaux Culture», pour les évènements, «Bordeaux mon quartier» pour les informations de chaque quartier mais aussi Alain Juppé, le maire de Bordeaux et président de la Métropole. Nous allons voir, qu’il existe un grand nombre de technologies qui permettent aux villes d’analyser ce qu’il s’y passe, d’être réceptives aux données collectées par les capteurs ou émises par les citoyens plus ou moins volontairement et de les relayer.
Des technologies de contrôle et régulation Une des inventions les plus importantes sur les questions spatiales urbaines est la géolocalisation. Cette information peut se capter de trois manières différentes : le plus souvent avec une technologie GPS (Global Positioning System, en français système mondial de positionnement), mais aussi par triangulation d’antennes dans le cas d’un téléphone portable ou enfin par localisation de WiFi si l’utilisateur y est connecté. Grâce à la géolocalisation et à la grande quantité d’utilisateurs connectés, on est capable de faire de la statistique de masse. Beaucoup de personnes en utilisent les résultats : avec Google maps trafic par exemple, pour être guidé dans la ville en fonction des embouteillages, mais peu savent qu’ils contribuent eux-même à ces données de trafic en temps réel. En effet 61% des Français possèdent un smartphone, et 67 % de ceux ci sont connectés
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avec, en 3G ou 4G.2 Cela représente une telle partie de la population, que l’on peut récupérer un grand nombre d’informations sans rien demander à l’utilisateur. Cela s’appelle le Big Data. On est aujourd’hui capable, au point de vue informatique, d’utiliser les citoyens comme des capteurs et d’en extrapoler une grande quantité de données. Aussi bien de localisation, de vitesse, d’altitude, d’activité... Nous sommes des objets connectés en mouvement au service de la ville. Les cartes dynamiques sont le résultat graphique de ces Big Data. Elles permettent de mieux comprendre le fonctionnement de la ville, d’observer ses flux. Et cela se fait que ce soit pour gérer des problèmes du quotidien, ou que ce soient des évènements particuliers comme ceux étudiés par le SENSeble City Lab avec les cartographies des flux de retours des gens après la victoire de la coupe du monde.3 On sait observer comment et à quelle vitesse se vide l’espace public, ainsi les fois suivantes, il sera plus facile pour les autorités d’anticiper les points névralgiques. C’est un apprentissage par l’exemple.
Des objets connectés dans l’espace public L’espace public est parsemé d’objets qui communiquent. Que ce soient les capteurs pour savoir où se situe le tram et donc dans combien de temps il arrive, ou que ce soient les radars de vitesse qui lisent nos plaques minéralogiques et vont automatiquement les chercher dans les bases de données nationales. Comme on le voit sur l’image A, les villes possède un réel réseau d’objets connectés qui les rendent «intelligentes». Nous évoluons dans l’espace en interagissant en connaissance de cause ou non avec l’environnement. Cela fait déjà quelques années que notre téléphone se connecte automatiquement aux antennes téléphoniques. Aujourd’hui, notre téléphone, réglé en mode WiFi, recherche constamment des réseaux ouverts auxquels se connecter. Si on repasse dans un endroit qu’il connaît déjà il va se connecter automatiquement avec le code qu’il avait enregistré. Tout comme l’homme vit une expérience physique avec l’espace,
2 étude Social, Digital & Mobile Around The World (January 2014) from We Are Social Singapore 3 etude Rome en temps réel : http://areeweb.polito.it/didattica/polymath/ICT/Htmls/Interventi/ Articoli/Estero/RomaTempoReale/RomaTempoReale.htm
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les objets connectés, «vivent» cette même expérience de reconnaissance. Les bornes se multiplient, on peut interagir avec de plus en plus d’objets, que ce soient les panneaux publicitaires munis de QRcodes pour découvrir la promotion ou les bornes de validation du tram qui reconnaissent une carte, et même d’ici janvier, qui reconnaissent le téléphone en ce qui concerne le tramway de Bordeaux. On peut parler aussi des bornes Wifi pas souvent repérables physiquement mais visibles sur les réseaux disponibles du téléphone. Comme on a pu le voir dans le chapitre précédent, le citoyen est demandeur de connexion omniprésente. A cela, Bordeaux répond par une couverture de wifi public dans la grande majorité des lieux emblématiques, les plus fréquentés. Ces bornes sont disposées sur les infrastructures publiques mais aussi sur quelques bâtiments publics, comme l’Office de tourisme, l’Athénée Père Joseph Wresinski, l’espace St-Rémi, les salons de l’Hôtel de ville, les lieux culturels, les mairies de quartier, les piscines et les bibliothèques. La carte des bornes est évidement disponible à travers le portail dataCUB. Les antennes déployées dans l’espace public ont d’abord irrigué les quais, du pont de pierre au Hangar 14, puis se sont installées sur les grandes places de la ville. Dans le reste de la métropole, le Wifi est géré par les municipalités locales. Il n’y a pas une couverture sur toute la métropole. En effet, Bordeaux Métropole, pourtant en quête de smartisation, me semble assez faible sur la question de la mise à disposition du Wifi, les antennes sont rares et le service est limité. A Miami par exemple, tous les bus de l’agglomération disposent d’un réseau Wifi ouvert et gratuit. On arrive à des objets matériels connectés en mouvement : on a une mobilité connectée.
A. «Antwerpen will become a hyperintelligent ‘City of Things’» / source : city of Antwerpen
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1. «Smart» et numérique : citoyen, architecte et ville
Le signalement à travers internet En 2007 la société MySociety, crée FixMyStreet, en collaboration avec l’organisme UK Citizens Online Democracy qui a pour objectif de construire des outils sociaux numériques qui ont des répercussions au-delà d’Internet. L’idée est particulièrement intelligente car elle profite de son smart citizen hyper actif et lui propose un nouveau moyen d’interaction avec sa ville et ses devenirs. C’est un nouveau type d’application de e-democratie qui voit le jour : FixMyStreet4, est une plateforme de géolocalisation des signalements de la part des citoyens pour la ville. En se connectant à l’application de manière anonyme ou non, le citoyen a accès à un plan interactif où il peut «punaiser» des problèmes qu’il relève pour que les autorités locales s’en occupent. Cela va du lampadaire défaillant, au nid de poule, au poteau tordu, à la voiture abandonnée... L’utilisation est très facile. Il suffit d’entrer le code postal ou la rue, comme une recherche dans Google Maps. S’ouvre alors un plan qui permet d’indiquer l’endroit exact du problème. Il ne reste plus qu’à sélectionner la catégorie du signalement et ajouter un texte pour plus de détails. On peut également ajouter une photo. Ensuite l’application communique directement la plainte (ou remarque) au service concerné. Les autres utilisateurs peuvent voir votre signalement et réagir sur le sujet. On peut aussi s’y abonner pour suivre son déroulement. Il est aussi permis de proposer des idées d’améliorations, celles ci doivent être appuyées par plus de dix autres utilisateurs pour être transmises . C’est un projet qui développe les échanges, le dialogue et la participation. Le code de l’application est libre, il est en open-source (http://code. fixmystreet.com/). Cela signifie que chaque ville peut se l’approprier, le modifier, l’insérer dans son site web ou en faire une application téléphone, le tout gratuitement.
Le e-participatif Etre smart c’est s’alimenter de la différence. En particulier les processus qui «accompagnent» les villes pour les faire devenir smart partent des ressources, des caractères, des lieux et des vocations existantes. Cela signifie en fait, qu’ils naissent «d’en bas», comprenez par bas, non pas 4
aussi appelée Réparez ma rue
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ce qui est inférieur, mais ce qui est «fondement des bases»., donc aussi et surtout le citoyen.5 Le participatif prend deux formes, celle de la construction en communauté, qui existe depuis toujours, avant l’architecte et les administrations, où tous les citoyens participaient à la construction de la ville. Encore aujourd’hui ce processus Bottom-Up est observé notamment par l’activité d’associations portant des initiatives pour leur ville. Mais ce qui nous intéresse ici est la deuxième forme : le participatif qui vient d’en haut. Une démarche TopDown qui en propose une plutôt Bottom-Up. C’est, lorsque la ville propose à ses citoyens de participer, une co-construction de la ville. Ce participatif que l’on appellera participatif administré, relève particulièrement de la consultation publique, c’est souvent le cas pour la gestion du budget.
Consultation publique, une démarche pas si nouvelle Le processus participatif administré n’est pas nouveau, il voit le jour dans les années 1960 en Angleterre. C’est d’abord une consultation pour décision mais pas une totale participation. En effet, en France, depuis 1985 a été mise en place la «concertation publique», c’est une démarche de la part des collectivités visant à associer la population à une prise de décision publique. Ce processus s’inscrit dans une tradition démocratique. Avant le régime républicain, la France comptait des semblants de participatif administré comme le droit de décision donné à la bourgeoisie en ce qui concerne la fiscalité et les travaux au Moyen-Age ou encore les cahiers de doléances au XVIII siècle, une forme d’écoute du peuple. Ces dernières années ce type de démarche s’intensifie. C’est un besoin, apparu après la deuxième guerre mondiale, de transparence de la part du gouvernement. Le citoyen veut savoir comment il est gouverné et où va l’argent de ses impôts. Maintenant le citoyen veut même décider où mettre l’argent de ses impôts, on passe de la consultation à la décision. Par le vote démocratique le choix de la population est effectif et non plus seulement optionnel.
5 Bonomi, Aldo et Masiero, Roberto, Dalla smart city alla smart land, Padova, Marsilio, 2014, traduction personnelle, p. 109
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1. «Smart» et numérique : citoyen, architecte et ville
Décision publique : budget e-participatif La décision publique directe du citoyen est très difficile et coûteuse à mettre en place, pour des raisons de communication, disponibilité, espace, temps, vote, débat... Encore une fois, le numérique a été l’outil idéal à cette démarche de décision publique. On passe alors du participatif à l’e-participatif. Grâce à la mise en place, d’une plateforme en ligne, toutes les décisions à venir et donc les efforts, sont mutualisés. C’est d’autant plus vrai que cet outil permet de toucher beaucoup plus de personnes, car l’e-participatif pose moins de contraintes notamment de temps, de déplacement et de communication. Bordeaux n’est pas encore très active sur le sujet mais par contre, mais par ailleurs la ville de Paris est un réel précurseur. Nous allons étudier son cas à travers le portail Paris Budget participatif. (voir image B ) C’est 5% du budget d’investissement de la ville de Paris qui est dédié au budget participatif. Ce qui représente, en 2015, un total de 75 millions d’euros. Plus de 50 000 Parisiens ont voté, contre 40 000 en 2014, sur le site (à 60%) ou dans les urnes (40%), car en effet, pour des questions de «ségrégation numérique», il faut permettre à ceux qui le souhaitent d’aller voter physiquement. Le numérique, n’est qu’un outil supplémentaire. On voit par ce pourcentage que le numérique a permis de mobiliser plus de voix. Seulement 40% se sont rendus physiquement aux urnes. Mais donc plus de la moitié des votants, a trouvé plus pratique, la possibilité du vote en ligne. Le portail à disposition sur le site de Paris est pratique quant à la possibilité d’étudier chaque projet calmement assis face à l’ordinateur. En effet, dans un bureau de vote, le dispositif est beaucoup plus difficile à imaginer. Les TIC sont encore ici amplificatrices d’événement. «L’appropriation par les collectivités publiques ou privées de ces technologies, se révèle en définitive beaucoup plus mobilisatrice sur la longue durée au service des habitants des villes»6: développement des outils de sécurité collective, amélioration de la circulation, gestion des crises, administration décentralisée des territoires, meilleure participation des citoyens à la vie démocratique locale.
6 SUEUR, Jean-Pierre, « Villes du futur, futur des villes : Quel avenir pour les villes du monde ? », Rapport d’information fait au nom de la Délégation sénatoriale à la prospective, 2011, n° 594.
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B. Paris Budget Participatif : capture du site web
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1. «Smart» et numérique : citoyen, architecte et ville
Décision publique : Projet e-participatif Outre la question de budget, de nouvelles démarches voient le jour depuis quelques années : le citoyen veut décider ce qui fera partie de sa ville, il veut décider des projets dans leur esthétique, leurs programmes... Ceci non plus n’est pas nouveau, on peut citer l’agence Construire de Patrick Bouchain avec ses chantiers ouverts depuis 1986, ou encore Avventure Urbane à Turin depuis 1992 (voir image C). L’utilisation de la démarche participative est aujourd’hui primée par des fonds européens visant à développer ce genre d’initiatives. C’est alors un nouvel élan, mais comment cette démarche est-elle réalisée ? Sommesnous sûrs qu’elle est démocratique ? Depuis la version 2015 du Budget participatif de Paris, les habitants ou les associations ont pu proposer des projets. Cela va au delà de la consultation ou de la décision, on entre dans la proposition voir la conception. Cet appel à idées permet au citoyen non qualifié, de penser, lui aussi, sa ville. C’est une preuve transparente d’accès à tous et pour tous de la démarche. Ce n’est pas toujours le cas.
C. workshop avec I. Romano de Avventure Urbane / photo personnelle
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C. Portail participatif Coo2plan de Coompany : capture du site web
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1. «Smart» et numérique : citoyen, architecte et ville
A Bari, dans le Sud de l’Italie, j’ai participé au lancement d’une start-up, Coompany, qui profite des financements européens. Leur idée part du constat critique que certains projets de la ville ont bénéficié de ces aides sans que les citoyens n’entendent parlé d’une quelconque initiative de décision publique. Coompany, est partie de l’idée que, actuellement faire du projet participatif, tout comme les démarches de consultation publique, c’est coûteux et difficile. Leur projet, Coo2plan est un moyen de rendre le projet participatif plus économique et plus accessible mais aussi plus transparent, par exemple ils ne veulent plus que le projet participatif soit juste une façon frauduleuse de récupérer les aides de l’Union Européenne. Le projet participatif est une réalité déjà présente dans de nombreux champs d’action. Exponentiellement, chaque année naissent toujours plus de projets participatifs, au niveau urbain, régional, national et européen. Le citoyen est appelé à travailler activement à penser les espaces qu’il habite. Aujourd’hui on prend acte de la création d’une conscience de la collaboration qui pousse les individus à demander à haute voix d’être pris en compte dans les processus de projet. Et les institutions doivent être toujours plus actives dans la recherche de nouveaux modes pour interagir avec l’opinion du citoyen. Coompany se base sur cette observation pour lancer son idée de récolter et unir tous les processus existants ; en créant un support accessible et facile d’utilisation pour tous. Coo2plan est une application web (voir image C) qui tire ses caractéristiques de «software gestionnaire» : entre réseau social et blog. Elle met en contact direct et continu tous les acteurs du projet. L’application confère dignité d’opinion au citoyen, ordre et facilité bureaucratique pour les institutions et enfin visibilité et simplification dans le processus participatif pour l’architecte. Coo2plan n’est pas une innovation créée pour substituer le déroulement normal des projets participatifs, mais plutôt pour réunir, supporter et agrandir les moyens actuellement à disposition : créer une seule et unique plateforme qui réunit tous les projets en cours, classés par ville, par région ou par pays. Sa force est de sensibiliser les collectivités à ce nouvel usage qu’est le participatif en ligne. C’est une forme d’incitation au processus Bottom-Up. L’idée est de proposer une interface simple et gratuite pour le citoyen : rendre le projet et les réflexions les plus accessibles et compréhensibles
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possible. Une autre interface est cachée, elle contient la gestion des projets par les collectivités ou le simple architecte. C’est cette partie qui est payante et qui permet d’ajouter les projets. Avec ce projet on observe une intention claire de globaliser les choses au niveau local. On fait en sorte qu’une micro-intervention fasse partie d’un ensemble, que tout soit accessible et lisible. Mais faut-il vraiment laisser les citoyens prendre toutes les décisions quant à l’organisation et la conception des espaces de la ville ? La e-participatif est il un moyen démocratique ? N’exclut-il pas certaines personnes ? La gouvernance des collectivités est en train de changer. Quelles en sont les enjeux ?
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1. «Smart» et numérique : citoyen, architecte et ville
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2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
- Territoires smart Du slogan à la réalité
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2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ? > Bordeaux, une smart city ?
Je m’intéresse maintenant aux avantages, inconvénients, effets qualitatifs et critiques de l’impact du numérique sur la ville et ses acteurs. Quelles sont les conséquences majeures de l’usage des technologies de l’intelligence sur nos modes de vie et sur l’organisation de la société ? Le numérique n’invente rien, il n’est qu’un énorme amplificateur et accélérateur de phénomènes. Mais par ailleurs, une modification quantitative énorme peut induire des conséquences qualitatives significatives. Allons nous vers Big Brother, un système où, grâce à toutes ces données, chaque personne, chaque individu, chaque citoyen, sera entièrement connu, codé, décodé et décodable ? Ou allons nous plutôt vers un foisonnement d’initiatives, vers quelque chose qui ressemblerait à des formes de démocratie participative s’organisant au sein de la société civile et quelque part, déconnectée du politique ? S’opposent ici les processus Top Down1 et Bottom Up. Le numérique est la dernière phase d’un processus qui a commencé avec les sociétés de l’information au tournant du XIXème et XXème siècle. C’est là qu’on a commencé à produire des statistiques de façon massive, à encarter les gens, à les mettre en fiche. Passés quelques siècles on continue ce processus et pourtant les citoyens ne sont toujours pas contrôlés pour autant. L’humain a une capacité de résistance à Big Brother plus grande que l’on ne pourrait croire. Antoine Picon parle d’un futur fait d’ « îlots de contrôle dans un océan d’initiative à différents niveaux»2. Dans la société numérique il y a 1 processus venant du haut 2 Boullier, Dominique et PICON, Antoine, « La ville intelligente est elle une utopie ? » in KAHN, Sylvain, émission « Planète terre » France Culture, 03.12.2014, Paris.
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inévitablement une balance entre contrôle et liberté. L’envolée des outils numériques accentue la perception de la ville comme une pluralité d’espaces et de territoires où se répercutent des évènements. «Les média électroniques nous offrent un spectacle de la ville en forme de happening permanent.»3 Mais change t-elle physiquement la ville ? Comme je l’ai étudié dans les tableaux A,B,C,D en suivant, d’après le journal les Echos, Bordeaux serait la ville française la plus dynamique sur le plan économique. Élue meilleure destination touristique européenne 2015 par l’association European Best Destinations et première ville où les Français «aimeraient vivre» en 2015 par Le Parisien, son attractivité s’appuie aussi sur la nouvelle ligne LGV qui amènera, en 2017, Bordeaux à deux heures de Paris. Selon l’étude Foncière des Régions d’octobre 2014, Bordeaux doit sa place de meilleur cadre de vie de France aux raisons suivantes : « Tramway, rénovation urbaine, aménagement des quais, tout ça contribue à donner une bonne image de la ville, en plus de l’implantation au cœur d’un vignoble mondialement connu et à deux pas de l’océan » Rien ici ne parle de technologie, d’innovation, d’informatique, ni même d’intelligence. La volonté de smartisation de la Métropole, joue-t-elle un rôle dans l’image de sa ville ? Les effets voulus sont-ils visibles ? Vivons nous dans la smart city idéalisée par les services de l’agglomération ? Bordeaux opère pourtant une stratégie ambitieuse basée sur de l’intervention légère : opendata, QR code, participation citoyenne numérique, modélisation 3D, économie numérique, transports intelligents, énergie renouvelable ... > L’engagement de longue date des collectivités [...] La Métropole, qui a été l’une des premières à investir dans un réseau très haut débit et à soutenir des pépinières d’entreprises et digitales. Enfin, la Ville de Bordeaux, qui s’est dotée parmi les premières d’un agenda digital complet sur le modèle de IT4all : bouquet de services innovants à destination des citoyens notamment en matière de système d’information et d’équipements (e-éducation dans les écoles primaires). > Un ambitieux programme de développement des infrastructures numériques. Entre autre la réalisation de la Cité Numérique (bâtiment « totem » de la French Tech, du Campus Numérique des Bassins à Flots, de Fablabs et 3
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PICON, Antoine, Culture numérique et architecture, Bâle, Birkhaüser, 2010.
2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
d’espaces démonstratifs qui sont autant de terrains d’expérimentation ouverts aux startup. Et aussi par le déploiement du très haut débit et de la 4G est en cours et du wifi gratuit dans les espaces publics sur l’ensemble du territoire. > Un écosystème hors pair Concentration d’acteurs de la formation supérieure et de la recherche : écoles d’ingénieurs, l’Ecole Nationale des Sciences Cognitives, centre de recherche INRIA, écoles supérieures de commerce ; Lieux d’animation, d’expérimentations et de démonstrations en nombre significatif ; Une trentaine de structures d’accompagnement et d’aide aux entreprises numériques, depuis les associations professionnelles et les clusters, en passant par les agences de développement international, le réseau consulaire, les tiers lieux jusqu’à l’AEC, agence aquitaine du numérique ; > Une longue tradition d’esprit entrepreneurial Retail 2.0. C’est ici qu’est né et d’ici que rayonne Cdiscount [... ; Big Data. C’est ici que s’inventent la gestion et la protection des données, la notion de tiers de confiance par la croissance d’acteurs tels qu’AT Internet (un des leaders mondiaux du Web Analytics), Chéops, Primobox, TDR, Alienor, Cogniteev ; Gaming. Soit à des fins de marketing (ConcoursMania), soit par le biais d’un pléthore de studios de création (tel Asobo) ; c’est ici qu’est né Kalisto ! 4 Pour vérifier l’impact de la Métropole numérique que prônent les collectivités, j’ai répertorié les enjeux sociaux, politiques et spatiaux relevés dans les critères et les applications de la smart city étudiées en première partie. Et je m’interroge alors sur les inégalités face au numérique, sur les risques de saturation de l’environnement urbain, sur le paradoxe de l’individualisme collectif, sur la possible nouvelle forme de gouvernance et les enjeux de l’architecte et enfin sur la mutation du territoire tant annoncée par les chercheurs mais aussi dans le cinéma. Ces impactes du virtuel sur le réel sont elles vérifiées dans la Métropole Bordelaise ? En quoi la vague du numérique est-elle en train de bouleverser les relations entre le citoyen, l’architecte et le territoire ? 4
French Tech Bordeaux : frenchtechbordeaux.com/edito/bordeaux-accueille-les-startups.html
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Bordeaux dans les classements de smart cities Thème
Critères
Place
Institut d’étude
Smart-city Europe
administration, économie, mobilité, environnement, citoyens connectés, mode de vie
150ème/240 (2 critères sur 6)
commission de l’industrie et de l’énergie du parlement européen
Smart city dans le monde
énergies, trafic, économie
Non classé
Juniper Research
50 villes les plus intelligentes de France «ville de demain 2014»
ville durable, cadre de vie, infrastructures télécom, maîtrise de l’énergie, gestion de l’eau, bâtiments intelligents, mobilité durable, gestion des déchets
8ème/50
société M2ocity (filiale de Veolia et Orange)
Classement des 70 villes européennes, comprises entre 100.000 à 500.000 habitants.
principes de et la qualité Non classé de vie
European smart cities 2012
Les villes connectées les mieux connectées 2014
économie du hautdébit et son potentiel de croissance pour les villes connectées
Non classé
Intelligent Community Forum
Villes françaises les plus suivies sur Twitter
nombre de followers des comptes officiels des villes françaises
3ème
Twhit20
tableau A Il existe un grand nombre de classements de smart city, comme on le voit dans le tableau A, où j’ai répertorié les études les plus importantes, les critères des différents instituts sont très variables d’une étude à l’autre. Tous s’intéressent aux initiatives innovantes qui relèvent de technologies numériques. Ce qui diffère particulièrement est le champ d’action : économique, environnemental, administratif, citoyen, transports... Dans les classements nationaux, européens et mondiaux des smart city, bien que les résultats soient très hétérogènes, Bordeaux ne ressort pas en tête des classements, voire souvent elle se retrouve hors classement. Les efforts de la Métropole et de la Région avec une communication si orientées vers les TIC et la smart city sont-ils si productifs ?
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2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
Études où Bordeaux (et son territoire) rayonne Thème
Atouts
Place Institut d’étude
Où vit-on le mieux en France ? 2014
soleil, océan, pas trop peuplée, campagne
1
institut CSA
Top destination in Europe 2015
UNESCO, vin, Bassin d’Arcachon, gastronomie
1
association European Best Destination
Ville où il fait bon travailler 2014
culturel sportif
1
institut Think
Ville où vous voudriez travailler 2014
culturel sportif météo
1
institut Think
Ville la plus cool de France 2015
nbre de restaurants, de bars, de cinémas, de musées, de concerts, de théâtres par hab
1
mercialfred.com
«The world’s 18 best food cities» 2014
Huîtres d’Arcachon, confit de canard et viennoiseries
1
thrillist
tableau B Bordeaux se révèle dans le tableau B tout de même très attractive ces dernières années, sa côte de popularité augmente, elle séduit. Mais pour quelles raisons ? La smartisation de la ville y est-elle pour quelque chose ? Les critères qui ressortent des différentes victoires de Bordeaux relèvent plutôt de réalités spatiales et matérielles. En quelque sorte, du cadre de vie de la ville. Celui-ci est il si smart ? Est-ce cela que recherchent les habitants ? Pourtant, comme on le voit sur le tableau C, des manifestations sur le thème de la smart city ont lieu à Bordeaux, et comme on l’a vu plus haut, d’importants moyens sont mis en place au niveau des collectivités. En effet dans le tableau D on observe une place importante de la Région Aquitaine sur des enjeux numériques précis : la santé, l’éducation, l’économie, le travail. La smartisation est lente mais s’appuie sur des piliers de la société, c’est un investissement sur le long terme. En effet c’est grâce à l’e-education qu’on forme des smart citizen.
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Événements sur le thème de la Smart City à Bordeaux Thème
Critères
Détails
congrès international ITS (Systèmes de Transport Intelligent)
mobilité, géolocalisation, navigation
octobre 2015
semaine digitale
participatif, technologie, connecté, citoyen
avril 2015
metro’num
innovation, recherche, ville, territoire
mai 2015
premier forum «Smart City Bordeaux»
TIC, besoins du futur sur le plan économique, social et environnemental
avril 2014
tableau C
Études sur la place du numérique et des TIC où Bordeaux (et son territoire) rayonne Thème
Critères
Place
Institut
Bases de données opendata
nombre d’acteurs locaux qui partagent et nombre de catégories
1ère agglo
Infolab
Informatique de la santé
1 000 salariés et 45 % du CA français
1ère région
INSEE
4ème région
INSEE
2ème région
INSEE
8/100 sont girondins
Journal des entreprises
1ere région
INSEE
Nombre d’emplois dans le numérique E-education
95 % des classes de Bordeaux équipées en tableaux numériques, haut débit dans 104 collèges girondins, équipés d’ordinateurs dans 90 % des classes
Jeunes chefs d’entreprise d’avenir.
Croissance d’emplois dans le numérique
investissement, acteurs : 7 000 entreprises et 23.000 emplois
tableau D
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2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
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Centre des opĂŠrations de Rio de Janeiro par IBM / source : Prefeitura do Rio (Rio Operations Control Center)
2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
2.1. Un espace connecté et contrôlé > Bordeaux, Londres et Rio de Janeiro
L’avenir des villes semble dépendre de la multiplication des interfaces ou d’éléments hybrides que l’on qualifie souvent de réalité augmentée. Nous vivons dans trois réalités qui coexistent : celle physique, celle électronique et enfin, la réalité augmentée. Le réel est le milieu de développement des réalités diverses. Des objets nous entourent, nous communiquons avec, des interfaces se créent, mais où vont ces données ? Nous produisons en continu des Big Data, mais qui les utilise, qu’est ce qu’elles contiennent ? On peut tout savoir de tout le monde et c’est nous-même qui produisons ces données. Nous disons à Facebook qui sont nos contacts et nous les trions par groupes, nous communiquons à Google nos centres d’intérêt, à Youtube la musique que nous écoutons, à Foursquare les endroits que nous fréquentons. Amazon connaît les objets qui ornent nos étagères. Encore mieux, avec les sites de Drive comme Auchan, internet sait ce qui se trouve dans nos réfrigérateurs. Nous laissons nos traces à chaque achat, à chaque recherche, à chaque consultation.
Des objets connectés omniprésents Le caractère performant de l’architecture numérique révèle un souci d’interaction ; « qu’il soit interfacé ou balisé, l’espace architectural est de plus en plus souvent conçu pour réagir à la présence d’un visiteur, que cette présence soit physique ou électronique.»1 C’est dans cette réactivité de l’urbain que j’entends le terme de ville intelligente. La ville doit aujourd’hui 1
PICON, Antoine, Culture numérique et architecture, Bâle, Birkhaüser, 2010.
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A. Initiative Hello Lamp Post : donner vie au mobilier urbain / source : collectif Hello Lamp Post
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2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
être capable de communiquer et échanger avec le citoyen. En effet l’initiative Hello Lamp Post (voir image A) qui a eu lieu dans différentes villes du monde va avoir lieu lors de la Semaine Digitale en avril 2016 à Bordeaux. Le principe est simple, les objets dans la rue sont marqués par un code et à travers de simples SMS, il est possible d’entrer en communication avec ces éléments de l’espace public souvent oubliés : les lampadaires, les boites aux lettres, les poubelles, les bouches d’égouts ... L’idée de Ben Barker du Pan Studio, créateur de Hello Lamp Post est de donner vie aux objets de l’espace urbain. C’est un projet ludique qui a vu le jour à Bristol en 2013. «Il permet d’échanger des SMS avec du mobilier, tels qu’un lampadaire, une boîte aux lettres ou même un monument. Plus qu’un simple jeu, Hello Lamp Post vise à changer le regard que les habitants portent sur leur environnement quotidien, en créant des souvenirs agréables et inattendus. [...] Une discussion s’engage avec l’objet en question sur des thèmes aussi variés que l’avenir, les enjeux de société ou plus simplement sur l’environnement immédiat de l’objet.» Cette utilisation artistique de la technologie de capteurs et émetteurs est aussi une densification du réseau des objets connectés de la Métropole. Certains paranoïaques pourraient dire que cela enrichira tout de même la base de données numériques de géolocalisation et de fréquentation. Avec ses bons et ses mauvais côtés.
La surveillance et le traçage On développe aujourd’hui des services de plus en plus précis et adaptés, en effet la ville sait à présent mesurer les gens dans leur intérêt comme on l’a vu avec la géolocalisation de masse pour retranscrire le trafic routier en temps réel. Mais l’individu se retrouve comptabilisé comme un objet de masse et perd son intimité et individualité. Par exemple je me rappelle du scandale des poubelles intelligentes de Londres en 20132. L’entreprise Renew London développe alors du mobilier urbain connecté et interactif (voir image B). Une centaine de poubelles 2.0 ont été installées dans le centre ville de 2 LABARBERE, Bruno, «Renew, les poubelles londoniennes qui scannent vos smartphones», Les numériques, 15 aout 2013
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Londres. En plus de résister aux explosions de bombes, point primordial du plan Vigipirate des villes, Renew London a pourvu ses poubelles d’écrans publicitaires, mais surtout de WiFi, de Bluetooth et d’un scanner de smartphone et autres accessoires connectés. Elles disposent d’une technologie capable d’envoyer des publicités ciblées à chaque appareil, mais par ce biais, l’ordinateur collecte inévitablement la liste des adresses MAC3 de chaque appareil passé à proximité. Une base de données est alors récupérable avec l’adresse MAC, la position de la borne, le temps passé à proximité, la fréquence de passage en ce point de la ville et les points d’entrée et de sortie du réseau, donc la direction. A travers les applications accessibles librement sur nos smartphone, l’ordinateur peut en déduire 3
Media Acess Control : identifiant unique de chaque appareil
B. Poubelles interactives qui dérangent / source : Renew London
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2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
les centres d’intérêts de la personne. Les associations de consommateurs comme Les Numériques ont saisi la ville de Londres qui a immédiatement fait interrompre le processus : « Nous avons demandé à l’entreprise concernée de cesser immédiatement cette collecte de données, et nous avons également saisi l’ Information Commissioner’s Office », l’équivalent britannique de la CNIL4. Depuis, ces poubelles ont été désactivées. L’intelligence de l’objet est allée trop loin selon la commission de l’informatique et des libertés. L’intérêt général est atteint : on va vers un individu contraint à adopter des comportements tous identiques pour rentrer dans la norme. L’illustration de cette surveillance est ce nouveau type d’infrastructure communale appelé : centre d’opérations. Celui de Rio de Janeiro en illustration de cette partie est équivoque. Un mur d’écrans, des opérateurs qui surveillent à toutes les heures du jour et de la nuit. A cela s’ajoute une carte de la ville où s’allument et évoluent en temps réel des graphiques représentant les big data récupérés sur le territoire. Tout est intégré : les flux en temps réel des bus, des métros, mais aussi la concentration des gens avec les connexions aux antennes téléphoniques. L’idée est de pouvoir gérer la ville depuis cette salle. De placer les zones de conflit, de gérer les interventions à distance... La ville devient un terrain de jeu sur grand écran. A Bordeaux on compte encore peu d’objets connectés par rapport à Londres ou à Rio. Ils restent des éléments ponctuels comme on l’a vu en première partie, les capteurs utilisés pour les big data sont situés autour des arrêts de tram, dans les transports eux mêmes et dans les principaux lieux publics. Nous n’avons pas encore atteint le niveau de Rio de Janeiro, sûrement grâce au fait que la demande de sécurité n’est pas la même. En effet sous prétexte de sécurité, on arrive souvent à empiéter sur les libertés. Se pose alors la question sociale et politique de «qui a accès à quelle information» et sous quelle forme ? Jusqu’où va l’opendata ? Il faut être sûr que ces données soient anonymes. Car en effet on ne peut supprimer la masse de données, qui est primordiale dans la smart city des big data. Il faut impérativement la surveiller et la réguler. Au niveau national, la CNIL, commission nationale d’informatique et libertés, s’occupe de vérifier le bon traitement de ces données. Pour comprendre mieux ces enjeux, j’ai rencontré François Pellegrini, chercheur informaticien, vice-président délégué au numérique à l’université de Bordeaux, président du pôle de compétences 4
Commission nationale de l’informatique et des libertés
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Aquinetic, membre de la CNIL et engagé politiquement aux côtés de Alain Rousset dans la liste pour les Régionales 2015. Son profil technocrate et ses ambitions politiques m’ont éclairée dans le développement de ce mémoire et dans l’identification des enjeux de la smart city. Comme on l’a vu en première partie on a un modèle de plus en plus opensource dans les processus de gouvernance, or du point de vue des infrastructures privés, on a de fortes critiques vis à vis de la surveillance. Il est très difficile de savoir ce que l’on sait de nous, où vont les données, et qui les utilise. Google et Apple ont souvent été dans la ligne de mire des défenseurs des libertés. Google se défend par exemple en expliquant que «Chaque donnée de géolocalisation renvoyée aux serveurs de Google est anonymisée et n’est pas liée ou ne peut être rattachée à un utilisateur en particulier». L’anonymat est-il parfait ? En plus des caméras de surveillance qui se multiplient dans nos villes, le numérique amplifie la peur de la surveillance par sa vulnérabilité certaine au cyber-vandalisme voir cyber-terrorisme qui risquent de désorganiser les infrastructures vitales de la ville intelligente. Si quelqu’un a codé un programme, une autre personne sera capable de le décoder. C’est la règle de la programmation. Antoine Picon utilise cette image « les villes faites d’atomes et de bits d’information semblent plus fragiles que celles en brique, en pierre et en béton»5. Evidemment cela pose la question de l’intrusion permanente dans la vie privée, voulue ou non. Et si on hackait nos données personnelles ? Anonymous, groupe autoproclamé d’hacktivistes6 réussit souvent à s’introduire dans des bases de données sécurisées et secrètes et les dévoilent au grand public. Ces actions prouvent la faille de tout système informatique en réseau. Il serait alors possible de recouper différentes bases de données pour mettre des noms sur des actions anonymes. Prenons l’exemple des Big Data de Orange. Des études sont faites en permanence sur les déplacements des gens connectés aux antennes Orange. Nathalie Leboucher expliquait en 2014 au micro de France Culture7, alors vice-président chez Orange en charge du programme stratégique Smart Cities, que ces données étaient complètement anonymisées, ni le numéro client, ni le numéro de téléphone ressortait dans le fichier. Cependant c’est ici qu’entre en compte la capacité à croiser les données ; il serait imaginable de récupérer les fichiers clients 5 PICON, Antoine, «Le projet au risque du numérique» , Le Visiteur, novembre 2008, p92-101. 6 Jeu de mots entre hacker (pirate de l’internet) et activiste 7 Leboucher, Nathalie ; PICON, Antoine, «Villes intelligentes (« smart cities »)», Emission Place de la toile par Xavier de la Porte, France Culture, 04.01.2014, 18:10.
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2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
et de décoder l’algorithme d’anonymat des big data de géolocalisation pour réussir à identifier les faits et gestes d’une personne à travers son téléphone connecté au réseau téléphonique. François Pellegrini m’explique justement que le big data n’est vraiment anonyme que lorsqu’il est de masse et surtout une fois mélangé, lorsqu’il n’est plus question d’une donnée anonyme mais plutôt d’un nuage de données. Pour l’expliquer il m’a parlé de Yves-Alexandre de Montjoye, chercheur au MIT. Il a réalisé un étude qui se base sur les données de réseau téléphonique de 1,5 millions de personnes totalement anonyme. Par anonyme on entend, sans nom ni prénom, ni numéro client de la personne. Il ne reste sur chaque ligne du tableur que la latitude, la longitude, l’heure et la date. Cela se matérialise par une carte avec 1,5 millions de trajets sur 15 mois. Ce que démontre cette étude est que pour lever l’anonymat sur un de ces trajets, il suffit de connaître quatre points avec date et heure où se trouvait une personne et ainsi approximativement 95% des trajets sont identifiables à une personne. Il démontre là qu’il n’est pas question de piratage informatique, juste de croisement d’informations, ici deux bases de données. Même si on considère que l’anonymat est certifié, on ne peut oublier que l’on est connecté ou filmé donc potentiellement observé. La surveillance, vérifiée ou non mènera toujours à des comportements conscients de pouvoir être regardé. On n’est plus libre dans l’espace public.
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Premier tweet du pape Benoit XVI / source : AFP
2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
2.2. Le numérique, une nouvelle forme de ségrégation ? > Région Aquitaine
On distingue deux catégories d’usagers du numérique parmi les citoyens, les Digital Native, enfants du numérique c’est à dire les populations jeunes, nées dans le monde numérique, qui y baignent depuis l’enfance. Il s’agit généralement des personnes nées après 1985 en ce qui concerne les pays développés comme la France. Ensuite, il y a les Digital Immigrants, ces citoyens qui ont dû apprendre et s’adapter au numérique, qui parfois n’y parviennent pas et se retrouvent alors isolés, mis à l’écart d’initiatives, d’informations ou parfois, plus grave, de services. Comment gère-t-on ce décalage ? Quels moyens de substitution à l’informatisation totale sont mis en place ? Et quelle est la place de la formation dans les politiques publiques de la région Aquitaine par exemple ? Il s’agit quand même d’un enjeu à courte durée, car il ne concerne que quelques générations de transition. Combien de temps va-t-il encore durer ? Après la question de l’informatisation chez les personnes âgées, se posera la question de l’informatisation des pays en voie de développement et leurs populations non formées à ces technologies.
Digital native, des cerveaux qui pensent «numérique» Ces jeunes nés avec les technologies, ont le cerveau formé à penser «numérique», c’est donc seulement en 2010 qu’a commencé l’explosion (voir image A) des start-up innovantes ; la raison est simple. On est 25 ans après la naissance de la société numérique. Les premiers enfants du numérique ont alors 25 ans, sont diplômés et foisonnent d’idées innovantes, entre applications, objets connectés, réseaux sociaux ... En aquitaine il y a une agence qui s’occupe depuis 15 ans des enjeux
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numériques et technologiques à l’échelle régionale. L’agence aquitaine du numérique, AEC, financée par la région vise principalement à accompagner les idées innovantes qui voient le jour sur le territoire. L’Auberge numérique, créée sous sa tutelle est un incubateur qui aide, finance, et propose aussi, Aquitaine Startup, une plateforme locale de crowdfunding pour les start-up en création sans commission. Il y a un vrai élan de la part des jeunes pour se lancer dans cette aventure et la région est d’autant plus impliquée qu’elle soutient et investie dans ces jeunes idées. L’accent est clairement mis sur les jeunes avec 80 000 étudiants, 12 laboratoires de recherche dans le milieu du numérique et 143 formations au numérique. L’incubateur est dédié aux moins de 30 ans. Comme on l’a aussi vu avec le tableau D, la région s’engage fortement sur l’éducation. On cherche à former des cerveaux qui créeront les applications de la ville de demain. La ministre déléguée à l’économie numérique présentait en fin 2013 le lancement du label French Tech. «L’objectif est de « construire un mouvement de mobilisation collective pour la croissance et le rayonnement international des startups françaises du numérique », en soutenant activement l’écosystème français des startups numériques. L’idée est de faire de la France une « startup nation », de faire émerger les prochains Google.»1 1 Site internet La French Tech - http://www.lafrenchtech.com/
A. Acroissement des créations d’entreprises en 2009 / source : INSEE - CaptainEconomics.fr
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2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
On connaît déjà BlaBlaCar, start up créée en 2004 par Vincent Caron, alors âgé d’une vingtaine d’années, un exemple de réussite à l’échelle du territoire. A Bordeaux certaines start-up se démarquent, mais il est très difficile de percer. En effet c’est une prise de risque, c’est une situation instable qui justifie peut être la moyenne d’âge de 31 ans pour les fondateurs de start up. L’innovation est un milieu très jeune. Qu’en est il des citoyens qui ne sont pas nés avec le numérique ?
Digital immigrant, Bordeaux un territoire engagé L’évolution des technologies étant ce qu’elle est, il y a de fortes chances que les difficultés d’accès aux terminaux, aux réseaux et aux contenus génèrent une forme nouvelle d’analphabétisme. Les pouvoirs publics, notamment métropolitains, devront nécessairement se confronter à la menace grandissante de cet « analphabétisme numérique ». Or force est de constater qu’ils demeurent pour l’heure passifs face à ce nouvel enjeu.2 La ségrégation numérique se retrouve sous différentes formes dans la mise en place de smart cities, l’un d’eux est aujourd’hui en discussion sur la métropole : la création de zones de stationnement payants autour des lignes de tramway à travers la Métropole. L’unique moyen de paiement accepté sur les bornes étant la Carte de crédit, on assiste ici à la numérisation de l’argent. Il n’est plus possible de payer en espèces. Certaines personnes ne possèdent pas de carte de crédit ou alors payent des intérêts sur l’utilisation. On est clairement dans une imposition de la technologie à tous les citoyens. Il y a une récupération politique de l’affaire. Alors qu’on parle d’applications telles que Bordeaux en poche du coté d’Alain Juppé, on a, à gauche, des défenseurs des digital immigrant ou tout simplement des personnes non munies de Carte Bleue. Le payement par carte est tout de même, il faut le savoir, un moyen de traçage en plus. Comme on l’a vu dans le tableau D, l’Aquitaine est la deuxième région de France quant à l’e-éducation ; « 95 % des classes de Bordeaux équipées en tableaux numériques, haut débit dans 104 collèges girondins, équipés 2 FREROT, Olivier, « Quelques réfl exions sur la mobilité numérique», Territoires 2040, Paris, DATAR, 2015
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d’ordinateurs dans 90 % des classes », cela ne concerne pas uniquement les jeunes comme on pourrait le croire en voyant ces pourcentages parlant de classes d’établissements scolaires. En effet, le réseau Greta Aquitaine, mis en place par l’académie de Bordeaux propose des cours gratuits de formation adulte à la bureautique, l’informatique et autres outils numériques. Ces ateliers se déroulent hors heures de classe, dans l’enceinte des collèges et lycées de la métropole. De plus, ces heures sont comptabilisées dans le CPF, Compte Personnel de Formation pour l’aide à la réinsertion. Partout où la technologie est introduite pour simplifier et accélérer les procédures, en général il y a toujours des moyens mis en places pour les personnes non aptes. On peut reprendre l’exemple de l’e-budget participatif de Paris avancé en première partie ; 40% des votes ont été faits à travers
B. Bornes de vote pour les personnes n’ayant pas accès à l’interface web / source : Paris Budget Participatif
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2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
les bornes interactives disponibles sur le territoire parisien (voir image B). Ces bornes situées? entre autres, dans les mairies d’arrondissement, sont accompagnées de personnel d’accueil disponible pour aider les citoyens «digital immigrant» à utiliser l’interface. De même, le projet Coo2plan que j’ai porté avec la start-up Coompany prévoit inévitablement ce dispositif. En substitution de l’application mobile développée, nous avons imaginé des bornes disposées devant les espaces vides ou abandonnés que nous souhaitons régénérer, réhabiliter à l’aide des citoyens. Il existe toujours un moyen de parer à cette «ségrégation» finalement solvable. En passant par l’éducation comme en Aquitaine ou par des dispositifs matérialisés comme des bornes, le tout à l’aide de médiateurs du numérique. Comme toute innovation, il faut un temps d’adaptation.
Si même le pape utilise Twitter Petit à petit comme on l’a vu, les villes, les personnages politiques, les entreprises, les restaurants, ouvrent des profils sur les réseaux sociaux. On l’a vu avec la ville de Bordeaux que Twhit20 fait ressortir deuxième ville la plus suivie sur Twitter. Un exemple édifiant de la démocratisation du numérique est aussi, l’illustration de cette partie, la photo de Benoit XVI avec un iPad. Le pape, guide spirituel pour plus d’un milliard de personnes dans le monde, publie son premier tweet. Chers amis, c’est avec joie que je m’unis à vous par twitter. Merci pour votre réponse généreuse. Je vous bénis tous de grand cœur. — Benoît XVI (@Pontifex_fr) Décembre 12, 2012 Les citoyens, administrations et représentants politiques utilisent désormais les réseaux sociaux comme un deuxième monde. Une plateforme virtuelle qui permet de parler du réel. C’est en franchissant le pas comme l’a fait le Vatican, que certaines personnes peuvent décider de se lancer dans l’aventure eux aussi. L’initiative apparaît dans un premier temps comique, mais au final je reconnais que le phénomène d’allégeance mène pour une fois à une évolution sociale intéressante. Cela devient un moyen comme un autre d’entraîner les réfractaires vers les outils numériques.
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«Autistes numériques» dans le métro / source : Highway to Korea - Paul Simon
2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
2.3. Paradoxe collectif
de
l’individualisme
Un enjeu capital porté par les technologies au point de vue social, est celui de l’isolement dû à la plongée dans le monde virtuel. Paradoxalement les TIC ont augmenté l’intensité d’échanges, mais on a aujourd’hui plus de rapports virtuels que physiques. Lors de la démocratisation des journaux (image A), on pouvait déja parler d’anti-social, mais cette fois il n’y avait pas l’aspect réseau virtuel qu’il y a maintenant.
A. Guy Gillette / Westchester Commuters to New York, 1952 / source : Hudson River Museum
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La montée des réseaux sociaux dans cette société de plus en plus individualiste est une source de réflexion. Le réseau social avec son « mur » n’est-il alors que l’apogée de l’individualisme, de l’ego ? Ou alors le numérique est-il l’outil de libération et de socialisation qu’il manque dans le monde physique ? Cela pose la question anthropologique de l’évasion. Nous sommes simultanément en ligne et dans le monde réel. Mais alors où sommes-nous ? Le numérique intervient sur différents plans, il s’intéresse à l’individu. En plus de vérifier « qui vous êtes », il est capable de détecter « où vous-êtes » grâce aux nombreuses technologies vues auparavant. Grâce au facteur temps et aux nombreux capteurs des objets connectés de la ville, on est aujourd’hui capable de réaliser des « cartes dynamiques » qui surveillent « ce que vous faites ». En effet les mouvements électroniques sont stockés sous formes de bases de données sur des serveurs en ligne. L’ordre ou le désordre de la ville du futur dépend pour l’instant, comme on l’a vu, de problèmes plutôt sociaux-politiques que spatiaux. Alors, cette ville d’individus peut-elle inclure des enjeux collectifs ?
Les lieux de rencontre deviennent-ils obsolètes ? Dans une société où le numérique prend de plus en plus d’ampleur, où on vit de manière hyper-connectée, les yeux rivés sur nos écrans, Pablo Sánchez Chillón s’interroge quand au déclin de l’espace physique et aux comportements de « zombies numériques ». Il faut, selon lui, concevoir une nouvelle sociabilité numérique, faite de « digizens »1. C’est ce que Dominique Boullier prévoyait déjà en 1999, il parlait d’un «vivre ensemble séparés»2. Je pense sincèrement que l’enjeu social réside dans le lien étroit entre le développement du numérique et l’évolution de notre rapport sensible à la réalité et donc aux autres. Il est vrai que les rapports sociaux se virtualisent. Mais ce virtuel mène toujours au réel. C’est dans le but de se revoir, de se rencontrer pour la première fois ou encore de créer des évènements. Dans les dix dernières années, ce qu’a fait internet, ou Google par exemple, c’est de passer du monde physique au monde numérique. Aujourd’hui, pour la première fois on peut faire le trajet inverse, passer du monde virtuel,
1 Sánchez Chillón, Pablo, « Ville hybride : vers une nouvelle sociabilité physico-numérique », Le Monde, 3 juin 2013. 2 BOULLIER, Dominique, L’urbanité numérique, Paris, L’Harmattan, 1999, page 34
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2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
au monde réel. On l’a vu, en reprenant les exemples plus forts, dans les printemps arabes ou dans la campagne d’Obama. Elle a commencée sur les réseaux et a ensuite porté à une élection présidentielle : un fait physique. Mais, si les échanges humains se virtualisent comme l’avance Pablo Sanchez Chillon, quelle serait la place du monde physique ? Serait-il voué à l’obsolescence ? A ce moment là, les gens auront-ils encore besoin des places publiques comme lieux de rencontre ? Le sociologue Steve Woolgar observe que les interactions immatérielles sur internet ne sont viables que lorsqu’elles sont vouées ou sont déjà basées sur une réalité physique. C’est en effet le cas de Facebook. Le principe de ce réseau est d’ailleurs, contrairement à Linkedin, de mettre en interaction, une ou plusieurs communautés et chaque individu. Le principe est fondé sur un fait réel : la connaissance, l’amitié, la famille. La cyber-sociabilité est en fait, pour moi, simplement la sociabilité réelle étendue au numérique. Encore une fois le virtuel est un outil pour améliorer, faciliter le réel. Comme on l’a vu, les citoyens utilisent par eux même les réseaux sociaux pour se réunir en masse. L’espace public est alors le terrain réel ou le géotag d’une plateforme virtuelle. Jamais il ne sera éliminé.
Le collectif, un outil économique et coopératif Il y a quelque chose de smart qui se produit de plus en plus : la dématérialisation des produits implique un nouvel usage, on passe de la propriété à la location, au leasing, au sharing et partage comme dans le cas des Vcub, des BlueCar, ou encore du covoiturage avec Blablacar. C’est une mise en commun du privé, qu’il appartienne à une collectivité, à une personne ou à une entreprise privée. Les smart citizen, ou «digizens» comme les appelle Pablo Sanchez Chillon, se sont rendus comptent que grâce au numérique et surtout aux applications reprenant le concept des réseaux sociaux, il est possible de créer des réseaux de partage. Que ce soit pour partager sa maison ou son canapé avec Couchsurfing ou AirBnB, ses frais d’essence avec Blablacar ou de taxi avec Uber, ses investissements dans un projet avec Kickstarter et autres sites de crowdfunding, le tout créant des expériences et des rencontres. Ce sont des impacts réelles du virtuel qui améliorent considérablement les pratiques et modes de vie et de voyage. On verra dans la troisième partie
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que ce sont des moyens soft pour changer le territoire de manière forte. Un exemple encore en cours de développement est le site ShareVoisins, né à Paris, et aujourd’hui lancé sur Bordeaux (voir Image B). Le principe est de se géolocaliser et d’indiquer les objets, outils ou appareils que l’on possède et que l’on accepte de mettre à disposition de la communauté. Ainsi un voisin peut vous demander votre tondeuse et un autre jour vous emprunterez sa cocotte minute. Le coopératif se retrouve aussi dans un grand nombre de sites dit de «feedbacks», de retours d’utilisateurs ou de consommateurs. Grâce à l’avis des autres utilisateurs on peut avoir une opinion d’autant plus juste qu’il y a plus de retours. Cela existe pour les restaurants avec le fameux TripAdvisor, mais aussi pour les hôtels avec Booking, pour les compagnies aériennes, pour les objets qui sont constamment analysés par tout types de comparateurs ... etc. L’individualisme tant critiqué et alerté lors de l’apparition des TIC, et surtout depuis le smartphone, se révèle être un vecteur, voir un acteur de coopération, d’organisation collective et économique. L’individualisme en temps de crise financière s’est transformé en un règne du système D collectif.
B. Localisation des «Voisins» inscrits sur la ville de Bordeaux / source : capture https://sharevoisins.fr
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Cleverdist - Distributed Control Systems / source : http://www.cleverdist.com/smart-city-backbone/
2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
2.4. Nouvelle gouvernance : redistribution des rôles
>Union Européenne
Trop souvent on trouve des administrateurs publiques et/ou politiques qui se sentent smart (ou qui veulent «se vendre» comme smart) car ils proposent de réaliser des systèmes par lesquels les places de parking peuvent se trouver à travers le téléphone, ou qui transforment le bruit des auto-routes en musique tri-dimensionnelle, ou qui ramassent les poubelles seulement si celle -ci est pleine, ou encore dont les lampadaires de la ville soient dotés de panneaux solaires. Tout est utile, tout est juste ! Mais la question smart va plus loin, et surtout, ce n’est pas que ça. C’est surtout un problème de gouvernance : il est question de politique. C’est une façon différente, non pas de faire de la politique mais d’être politique. La smart city est la ville du partage et de la participation à propos de ce qui relève de l’intérêt général.1
Depuis un ou deux ans, le débat sur les smart cities apparaît de moins en moins axé sur les opportunités offertes par les TIC en tant qu’objets mais prête plus attention à la capacité des processus innovants de placer le citoyen au centre des décisions d’intérêt public dans le secteur de la transformation urbaine. On a une prise de conscience vis à vis des nouvelles formes de smart-gouvernance qui constituent un élément clé des stratégies pour la reprise économique. Les habitants doivent contribuer à l’affirmation d’un nouvel Agenda Urbain national. D’après des initiatives récentes de l’UE, qui redéfinissent les axes stratégiques prioritaires, cette nouvelle philosophie d’intervention peut se révéler décisive dans le paysage.
1 Bonomi, Aldo et Masiero, Roberto, Dalla smart city alla smart land, Padova, Marsilio, 2014, p.108, traduction personnelle.
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La ville intelligente est d’abord une ville mieux gérée grâce aux NTIC. Cependant, l’utilisation des TIC ne crée pas en soi une ville intelligente. Ces technologies doivent être déployées en complément d’une stratégie plus globale pour la ville consistant à bâtir une cité répondant aux besoins des citoyens sur le long terme. Il s’agit d’une véritable mission de planification, à la fois pour les architectes et urbanistes, mais aussi et surtout pour les collectivités territoriales : les technologies devront être associées à des choix judicieux en matière de gouvernance. Cette gouvernance reposera sur une utilisation juste des informations recueillies. À ce titre, certaines questions se posent. Jusqu’à quel niveau d’information aller ? À quel coût ? Qui sera en charge de la collecte et de l’analyse de toutes ces informations ? C’est la raison pour laquelle cette gouvernance renouvelée appelle une plus grande transparence et une plus grande ouverture envers les citoyens-acteurs qui participent pleinement au développement urbain. Il s’agit de mettre le citoyen au cœur du processus de planification et, donc, de créer d’autres liens démocratiques entre les gouvernants et les citoyens Ainsi, la ville doit être construite en fonction des préoccupations des habitants dans tous les domaines (forte demande sociale pour une meilleure santé, des modes de déplacement doux, plus de nature en ville, des circuits courts pour l’alimentation, une plus grande proximité entre les lieux de travail, de loisirs et d’habitation, une moindre vulnérabilité aux crises économiques mondiales et la création d’emplois locaux et durables). La ville intelligente est alors celle qui se reconstruit autour des besoins de ses habitants qui ne sont plus considérés comme des consommateurs des services mais comme des partenaires et des parties prenantes de son développement. Cette place nouvelle leur est accordée grâce à la démocratisation des moyens d’information permettant plus de participation. La ville intelligente se définit, donc, comme celle qui lie le développement urbain au développement humain..2 2 SUEUR, Jean-Pierre, « Villes du futur, futur des villes : Quel avenir pour les villes du monde ? », Rapport d’information fait au nom de la Délégation sénatoriale à la prospective, 2011, n° 594.
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2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
Grâce ou à cause de la nouvelle gouvernance plus transparente et adaptée, tous les citoyens ont accès à l’information et aux outils. Que ce soit les données et les modélisateurs 3D pour ce qui relève de l’architecture ou des chiffres et des indices pour ce qui est de la politique. On a à présent les mêmes outils que les experts.
Le citoyen acteur décisionnel Le territoire smart c’est un lieu dans lequel la citoyenneté se fait active et dans lequel les formes de participation et de partage venant d’«en bas», vont de pair avec une nouvelle modalité d’interaction et intégration entre administrateurs et forces locales (porteurs d’intérêt, mouvements ou association ou simples citoyens).3 Dans le passé, seul l’homme politique avait les informations pour décider, petit à petit depuis le XXème siècle, tous les citoyens ont accès à l’information et peuvent juger des décisions politiques. Maintenant, et grâce aux TIC, l’information en temps réel donne accès à l’information en même temps au citoyen et au politique. Le politique est donc de plus en plus critiquée. On croit être capable de mieux gérer les situations que lui. C’est le rôle de l’expert face au béotien. Grâce au e-participatif, comme on l’a vu avec le Budget de Paris ou Coo2plan, on donne accès, au plus grand nombre, au choix de certaines décisions. Ce n’est pas le numérique qui a inventé cela. Par exemple dans le système Suisse la démocratie directe permet à chaque citoyen de voter pour chaque loi et même d’en proposer en présentant un certain nombre de signatures. Le rôle des TIC est seulement de faire une médiation et de rendre possible un système qui n’est pas inscrit dans la constitution. En effet la Suisse enregistrait tout de même un fort taux d’abstentionnisme, quatre citoyens sur dix se déplaçaient pour voter. La mise en place du vote en ligne y a permis une simplification du processus qui a entraîné une augmentation de la participation. Cela prend moins de temps de cliquer que de se déplacer. A petite échelle, pour des interventions de quartier, le e-participatif me semble être très adapté. Cependant à grande échelle, il engendre de grandes questions. Est-ce aux citoyens de décider de tout ? Certaines limites 3 Bonomi, Aldo et Masiero, Roberto, Dalla smart city alla smart land, Padova, Marsilio, 2014, p.118, traduction personnelle.
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ne doivent-elles pas être dictées par un expert ? Et en allant encore plus loin, une question que l’on retrouvera souvent, avec le vote en ligne ne risque-ton pas le piratage informatique et la falsification des voix ? On a vu par exemple émerger des critiques sur Paris Budget Participatif 2014, des sortes de «lobby bobo geek» se sont formées pour faire gagner des projets orientés. Le problème de la décision par le vote soulève aussi le problème des minorités. En effet chacun va voter pour ce qui lui tient à cœur. On peut croire que tous les groupes sociaux sont représentés, mais en réalité ce n’est pas ainsi. Alors, imaginons de voter pour ou contre les places handicapé ; hypothétiquement, si chaque français donne son avis strictement personnel, sans aucune considération pour les personnes à mobilité réduite, seulement 1,5% des votants, soit les 850 000 personnes concernées en France seraient favorables. On rencontre donc des problèmes de discrimination. D’après Yves Raibaud, géographe, avec ces dispositifs, on va vers «Une ville qui profite surtout aux hommes jeunes en bonne santé»4. C’est le règne du citoyen «moyen».
Le citoyen architecte ? Dans le participatif, on a vu qu’il y a plusieurs types d’implications citoyennes, on distingue la consultation/décision de la conception. En effet on donne parfois aux citoyens le rôle d’expert. Sans parler de la difficulté de mise en place et la gestion du processus de passation de pouvoir, ce Bottom Up est il viable ? En créant des citoyens concepteurs, le client est satisfait, car pour une fois on lui donne le droit de dessiner ce qu’il veut pour ses espaces, pour sa ville. Mais d’autre part il sera déçu, car il n’aura pas forcément traduit architecturalement sa pensée réelle, obnubilé qu’il est par ce qu’il croit être la réponse à son envie. Il va surement choisir des solutions coûteuses. La force de l’architecte est justement dans le compromis entre ce qu’il voudrait faire et ce qu’il peut faire. De plus, si on laisse le citoyen choisir, il va reproduire ce qui est à la mode, ce qu’il connaît. On va alors manquer d’innovation, de sophistication, donc d’intelligence. Et c’est la même chose sur le plan esthétique.
4 RAIBAUD, Yves, « La ville durable creuse les inégalités », Le journal du CNRS, 10/09/2015
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Démocratisation de la cartographie : enjeux de représentation Au cours des dernières décennies, la cartographie urbaine a connu un ensemble spectaculaire d’évolutions. La production cartographique a tout d’abord explosé en volume. Simultanément, la notion de carte s’est généralisée en même temps que s’opérait un glissement du papier vers l’écran ; du GPS Tomtom au smartphone, la plupart des cartes que nous consultons aujourd’hui se présentent sous forme de pixels. La carte est rendue possible par des bases de données géolocalisées dont la taille connaît là encore une croissance exponentielle. Le Big Data est en constante croissance. Cette dépendance renforcée de la carte à l’égard de données informatisées, est le concept même des Systèmes d’Information Géographique, les SIG, qui permettent de collecter des renseignements concernant non seulement la topographie, les ressources naturelles, le cadastre, les équipements et les bâtiments, mais aussi les valeurs prises par toutes sortes de paramètres sociaux, politiques, culturels ou commerciaux. Les SIG ne constituent toutefois que le versant institutionnel d’une production foisonnante qui s’appuie sur l’usage de bibliothèques de programmes, plus connues sous la dénomination d’API, pour Application Programming Interface, comme Google Maps utilisé par près d’un million de sites dans le monde. La cartographie s’est ainsi démocratisée et est aujourd’hui manipulable par tous. En effet Google Maps est utilisé par toutes les générations. Ces plans opensource deviennent le lieu de représentation et de modélisation des données recueillies. On apprend alors à croiser des données pour en créer de nouvelles. Le SENSEable City Lab a travaillé sur ce sujet avec le projet Real Time Rome, présenté à la Biennale de Venise en 2006. Il illustre les appels émis à un moment donné dans la métropole de Rome avec les flux de personnes en temps réel pour comprendre les épicentres d’appels selon les moments de la journée ou les évènements comme la victoire de la coupe du monde 2006. Là où on avait un tissu de béton, de métal et d’êtres vivants, on a aujourd’hui cette couche informationnelle qui pénètre partout, s’insinue partout et envoie des messages. Le travail « intelligent » est ensuite d’être capable de trier ces données, c’est le data minding, et réussir à restituer ces informations aux services de la ville et aux citoyens. C’est pour cela que le smartphone est un élément clé par exemple pour connaitre le prochain passage en temps réel d’un bus. De plus
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en plus de données nous arrivent, comment les utilise-t-on et comment les relie-t-on entre elles ? Il y a là un enjeu clé, qui est de représenter les données de manière lisible pour tous. C’est un enjeu de représentation et de cartographie. Dessiner des interfaces devient crucial.
Vers un nouveau métier d’architecte ? En plus de la question de la représentation du réel à travers le virtuel, un nouvel enjeu apparaît. La représentation du virtuel, dans le virtuel. Les relations entre le champ de l’architecture et l’univers des technologies est en profonde mutation. C’est là que se joue l’évolution. Elle nous oblige à reconsidérer la définition de l’architecture et notre rôle d’architecte qui nous a été transmise par la modernité. Le rôle de l’architecte pour le citoyen, est de lui construire sa maison, son lieu de travail, ses équipements publics... Mais maintenant qu’on a affaire à un citoyen hyper-connecté, le métier d’architecte doit être requestionné. Je m’intéresse évidemment au travail de l’architecte dans le monde réel, mais je ne veux quand même pas omettre de soumettre la réflexion de William Mitchell, dans son livre City of Bits5. Partant de chiffres qui nous disent que 60% de la population est en ligne et que 30% de celle ci joue aux jeux vidéos ; pourquoi, l’architecte, dessinateurs d’espace pour les citoyens, ne contribueraient pas à la conception des cyber-espaces maintenant très fréquentés. Que ce soit dans les jeux vidéos comme Simcity ou les applications web comme Second Life qui concentre un million d’utilisateurs. En effet Microsoft fait déjà appel à des architectes pour ces prestations. La discipline si ancrée dans le réel, dans le concret de la pierre, du béton est du bois, est-elle entrain de fuir dans une quatrième dimension ? En tout cas, nous l’avons vu en première partie, l’architecte est aujourd’hui submergé d’informations, le Big Data existe, il est souvent en opensource, mais l’architecte ne sait pas forcément s’en servir. Il n’est pas formé en conséquence. C’est une remise en question du système éducatif ou du moins de la formation. Pourquoi l’architecte ne saurait-il pas programmer ?
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MITCHELL, William, City of Bits, Boston, The MIT Press, 1996
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Le monde du XXIème siècle immaginé par Kubrick / source : 2001 l’odysée de l’espace
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2.5. Un territoire en mutation : Bordeaux métropole un nouvel esprit urbain ? > Bordeaux Métropole
Nouvelle morphologie urbaine ? Dans quelle mesure les TIC peuvent-elles influer sur la forme physique des villes ? Il apparaît clairement que la montée en puissance des TIC n’a encore que très peu affecté la forme urbaine. Pour l’instant elles se présentent sous la forme de bases de données, de réseaux sociaux. Ce n’est pas par ces applications que vont s’opérer des mutations de la forme urbaine. Je repense aux utopies d’anticipation sur l’an 2000, qui prévoyaient la dématérialisation des transports dans le XXIème siècle ; on parlait de moyens de transports qui allaient révolutionner le monde, de villes utopiques ... Il y a évidemment le Cinquième élément de Luc Besson, 2001 l’odyssée dans l’espace ici illustré, Métropolis de Fritz Lang situé en 2026, Blade Runner situé en 2019 de Ridley Scott et tant d’autres. Mais aujourd’hui en 2015, ni voiture volante, ni téléportation n’ont pris forme. On pointe souvent du doigt la notion traditionnelle de composition urbaine qui dysfonctionne, on ne se déplace pas comme avant, mais pas pour les mêmes raisons que celles prédites pour l’an 2000. P. Fusero pose la question suivante : «les réseaux numériques pourront-ils à l’avenir modifier la forme physique de la ville en assumant le rôle même qu’avait exercé jadis les infrastructures de transport ?»1. En effet, plus de 77% des français achètent par e-commerce, la quasi-totalité des formalités (inscription, imposition, virement, etc.) institutionnelles sont faisables en ligne ; banques, assurances, municipalités, commerces, travail, études 1 FUSERO, Paolo, « E.planning : urbanistica e reti digitali », in Sacchi, L. et Unali, M., Abitare virtuale, Rome, Kappa, 2008, p. 108-127.
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; les TIC offrent une nouvelle manière de communiquer, d’échanger et de collaborer à distance tout en conservant les mêmes outils que dans les locaux de l’établissement. Notre mode de vie change, nos villes en dépendant, les services sont touchés, ceci ne veut pas dire pour autant que Amazon porte à la suppression d’espaces physiques dans la ville. Il est très critiquable que l’e-commerce soit la mort du commerce, mais en contre partie il apporte de nouveaux besoins dans la ville : des espaces de stockage et de transit. En tout cas une chose est sûre, le numérique impacte sur la mobilité. Nous proposons de regrouper les motifs de nos déplacements en six flux : le travail, les affaires professionnelles, les études, les loisirs, les achats et les affaires personnelles. Par l’apparition de nouvelles pratiques comme l’e-commerce, l’etravail, et l’e-administration, la quantité de déplacements peut être fortement réduite. Le seul flux qui subirait le moins d’impact étant celui du loisir. On ne se déplace plus par nécessité mais par envie. En réduisant ainsi le nombre de nos déplacements, nous pouvons diminuer nos besoins en infrastructures et réseaux de transports.2 On observe que la mutation de la forme physique de la ville ne s’opérera que dans le changement de nos habitudes, car les TIC actuelles ne peuvent avoir d’impact sur la forme d’une ville déjà existante. Cependant, elles nous permettent de nous questionner sur la nature de nos relations avec les réseaux de transports et l’espace public. Ce sont des éléments à prendre en compte et qui seront susceptibles de modifier la ville de demain. Ce n’est pas le numérique qui va faire plier les règles urbaines établies. Mais il peut les amplifier. C’est moins le rapport à l’espace qu’un rapport au temps qui a changé la ville. Contrairement à l’invasion de la voiture, le numérique ne produit pas d’effets directs sur la conception de la trame urbaine. Son impact s’identifie plus à celui du câblage électrique des villes : une évolution dans l’expérience et dans le confort de la ville plutôt que dans sa structure physique.3 Paradoxalement, de plus en plus de mouvements collectifs naissent dans les villes. On est dans une reconquête de l’environnement urbain. On organise des repas, des évènements, on se mobilise... Il y a une ambition de restaurer 2 3
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DUVILLIER, Quentin, Quel impact des NTIC sur la ville et l’architecture?, SO/AP architecte, 2014 PICON, Antoine, Smart cities: théorie et critique d’un idéal auto-réalisateur, Paris, B2, 2013
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une dimension collective. Antoine Picon parle d’une «réceptivité sensorielle nouvelle qui peut être mobilisée afin de promouvoir objectifs civiques et consommation de masse»4. C’est la conquête de nouvelles spatialités. La ville est en renouveau constant. Les habitudes changent, le programme change.
La technologie qui désurbanise la ville Saskia Sassen s’intéresse à la désurbanisation de la ville par la technologie. Selon elle la technologie ne doit pas seulement être interactive. Elle doit savoir s’adapter à l’environnement. Les objets connectés doivent être pensés pour l’endroit où ils sont installés. C’est une critique du système Top Down de la smart city. Les objets sont pensés, dessinés et installés par des ingénieurs de multinationales privées. Ils ne sont pas pris en compte dans le contexte urbain ; ils s’y ajoutent. C’est là où l’architecte entre en jeu. On doit apprendre à faire projet avec ces objets et non les poser aléatoirement sur le plan. Mais aussi d’autres acteurs doivent être impliqués, que ce soit, comme on l’a vu, pour la défense des libertés, pour l’adaptation aux minorités ou aux personnes non «digitales». Quand on parle de villes intelligentes, bien souvent on imagine des systèmes techniques qui désurbanisent la ville. «Dans quelles mesures ces capacités technologiques déployées dans l’espace urbain urbanisent-elles véritablement la ville ?»5 Hubert Guillaud reprend ce questionnement ; «La ville est un espace complexe, anarchique. L’usage de la technologie dans l’infrastructure permet le fonctionnement de l’infrastructure, pas nécessairement de la ville. La question est donc de regarder comment nous urbanisons la technologie, comment nous adaptons ou essayons d’adapter la technologie à la ville ?»6 D’après ces réflexions on peut se demander si la technologie ne nous mène pas à de l’architecture autiste. On ne pense plus qu’au fonctionnement technologique d’une infrastructure ou d’un bâtiment. Mais il y a t il encore une vision d’ensemble ? Comment pourrait-on fédérer la ville par la technologie ? Il en est du rôle d’urbaniste et d’architecte d’intervenir. 4 PICON, Antoine, «La ville numérique -un nouvel espace de projet», Le Visiteur, juin 2010, p67-76 5 Sassen, Saskia, « The future of smart cities », intervention à la conférence Lift 11 “ Be Radical”,7 juillet 2011. 6 GUILLAUD, Hubert, « Est-ce que la technologie désurbanise la ville ? », InternetActu, 12 juillet 2011
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On retombe sur l’observation de Saskia Sassen à propos du besoin imminent d’organiser les technologies : « The logic of the users doesnt 100 % correspond with the logic of the ingeniors [...] It is the need to design a system that puts all that technology truly at the service of the inhabitants—and not the other way around. »7 En effet, ce sont des systèmes fabriqués avec la pensée de l’ingénieur et l’ingénieur n’est qu’un des utilisateurs de la ville. Comment la logique d’autres utilisateurs peut elle être prise en compte ? Elle lance un appel au «design» d’un système. Ce n’est plus à l’ingénieur seul de créer une infrastructure. L’architecte doit participer à cette nouvelle ville numérique. Dans le cadre de la ville, nous devons travailler à urbaniser les technologies plutôt que d’utiliser des technologies qui la désurbanise. La ville doit être flexible. Les technologies ne doivent pas être finies, car la logique de l’utilisateur ne correspond pas à 100 % à la logique de l’ingénieur. Les villes intelligentes risquent surtout de transformer les villes en villes obsolètes et critiques.8 L’objet qui envahit la ville doit être pensé comme un programme informatique opensource : tout le monde doit être capable de le modifier et d’y ajouter ses fonctionnalités.
Nouvelles pratiques urbaines La technologie ne modifie pas tant que ça la morphologie de la ville, mais comme on l’a vu précédemment, la technologie et ses nouveaux e-outils ont un fort impact sur la pratique de la ville. Ils influent et modifient les choix des citoyens. Au niveau de la mobilité l’observation est équivoque, que ce soit avec BlaBlaCar, Uber ou ShareVoisins... A Bordeaux on attend le tramway au quai en sachant dans combien de minutes il passe, mais on peut aussi savoir, depuis la maison, où est le tramway en temps réel. Les itinéraires sont calculables en ligne, en fonction du trafic... Grâce aux BigData, de nouvelles applications pour l’amélioration des transports voient le jour. Par exemple Urban Engines (voir image A) dévoile une application qui fluidifie les réseaux de transport public. En mesurant les données de validation à 7 Sassen, Saskia, « The future of smart cities », intervention à la conférence Lift 11 “ Be Radical”,7 juillet 2011. 8 GUILLAUD, Hubert, « Est-ce que la technologie désurbanise la ville ? », InternetActu, 12 juillet 2011
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2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
travers les cartes voyageurs ou les tickets, le logiciel est capable d’indiquer le taux de remplissage des bus, tramways ou métros. Avec 200.000 usagers impliqués, Urban Engines dévoile une réduction de 7% à 13% des pics de trafic à Singapour, sa ville d’essai. François Pellegrini m’expliquait que le «smart» réside aussi dans le questionnement du réseau urbain au niveau temporel. En effet, on a mis beaucoup d’années à se poser la question du réseau ferré (métro ou tramway), inutilisé de nuit. La question du transport de marchandises en milieu urbain est soulevée à Paris dès 2011 lors des réflexions autour du grand Paris. C’est un enjeu pour une ville plus durable : pourquoi faire circuler tant de camions de nuit dans le centre ville quand on a des métros arrêtés et un réseau vide ?
A. Application de fluidification du trafic en transports en commun capable d’indiquer le taux de remplissage / source : Urban Engines
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La RATP s’intéresse donc à cette question de logistique : «La présence de commerces au plus près des habitants évite également l’usage de la voiture personnelle pour effectuer des achats par exemple en périphérie des villes, bien souvent mal desservie par les transports collectifs. Il faut donc sans aucun doute repenser l’organisation du transport de marchandises en ville. Plusieurs pistes sont envisageables : livrer avec de petits véhicules, de surcroît peu polluants, livrer en heures creuses, aider les livreurs à choisir les meilleurs itinéraires possibles, prévoir intelligemment les possibilités de stationnement, aider les collectivités dans la création d’un plan d’aires de livraison pertinent etc. Mais les réseaux de transport collectif existants sont également une piste d’amélioration à étudier. La RATP, pour inventer les solutions logistiques de la ville de demain.»9 L’idée est simple, peu coûteuse au point de vue infrastructuel et surtout écologique. On utilise un dispositif existant pour résoudre un problème. De plus, cela vise à faire vivre le commerce de proximité, primordial dans le projet du Grand Paris. La dernière question à résoudre est celle du dernier kilomètre. On peut imaginer l’usage d’un véhicule électrique ou du retrait en vélo. Pourquoi ne pas mettre en place ce dispositif à Bordeaux avec le tram ?
La place de la ville Tous ces questionnements sur la smart city et sur ses mutations concernent un point important aujourd’hui ; la focalisation sur les villes. En effet dans smart city il y a ville. La plupart des applications et autres technologies étudiées sont urbaines. S’ouvre la question de la montée en puissance des villes. On concentre toutes les réflexions et donc toutes les technologies sur les milieux citadins. Le même algorithme pourrait-il s’appliquer hors des villes ? Quels sont les enjeux politiques pour une ville qui cherche à être intelligente ?
Compétitivité, course à la plus smart Ceci entraine inévitablement une obsession des dirigeants des villes à être 9
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source : RATP : http://www.ratp.fr/fr/ratp/r_42732/le-transport-de-marchandises-en-ville/
2. Enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique : un impact réel du virtuel ?
plus smart que la ville voisine pour attirer les investisseurs. Comme on l’a vu dans le tableau A, Bordeaux n’est pas particulièrement bien placée en ce qui concerne le «label» de smart city. Pourtant, au niveau de la communication de Bordeaux Métropole, on retrouve souvent ce mot dans les ambitions futurs. Un réelle smartisation est en cours pour rattraper les autres villes françaises comme Lyon, Grenoble, Paris, mais surtout Nice qui a atteint la quatrième place mondiale du classement de Juniper Research. Derrière Barcelone, New-York et Londres, Nice se distingue pour son réseau d’électricité intelligente (« smart grids »), sa gestion du trafic routier et d’éclairage des rues avec Cisco, la première expérimentation du système NFC en Europe en 2010, ainsi que le premier système de parking intelligent de rue d’Europe.10
Vers une gouvernance par la ville « Et si les maires gouvernaient le monde ? » Benjamin Barber11 On arrive ainsi à une puissance urbaine édifiante. En effet, Bordeaux Métropole, porte le nom de la grande ville centrale et ses acteurs politiques et administratifs sont les anciens de la mairie. L’idée de Benjamin Barber est que les états-nations sont des structures politiques jalouses de leur souveraineté. Ces états-nations sont incapables de gérer des problèmes publics locaux (criminalité, pollution …). Si on regarde à une échelle plus basse, on voit qu’aujourd’hui les villes sont impliquées dans des réseaux de travail sur ces réflexions au niveau international. Et s’entraident. Les villes et les maires sont des structures moins jalouses de leur souveraineté et exposées à des problèmes concrets. Par cette obsession urbaine on en oublie le péri-urbain, les campagnes et surtout on risque d’arriver à un système de gouvernance décentralisé.
10 source : http://www.investincotedazur.com/fr/info/news/nice-4e-smart-city-au-monde/ 11 BARBER, Benjamin, Et si les maires gouvernaient le monde ? : décadence des Etats, grandeur des villes, Paris, Edition Rue de l’échiquier, 2015
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Conclusion Smart Land ou Smart Dust : des alternatives intelligentes
- Territoires smart Du slogan à la réalité
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Conclusion : Smart Dust et Smart Land, des alternatives intelligentes
Conclusion Smart Land ou Smart Dust : des alternatives intelligentes Les villes industrielles, les banlieues populaires, le grand périurbain ont aussi vocation à devenir intelligents, mais sans doute pas de la même façon que Manhattan ou la City de Londres. L’intelligence des hommes est diverse et se laisse malaisément enfermer dans des catégories figées. Pourquoi en irait-il différemment de celle des villes ? Par-dessus tout, cette intelligence n’est pas qu’une affaire de gestion rationnelle des ressources. Elle nécessite l’adoption de nouveaux comportements individuels et collectifs, l’émergence de nouvelles valeurs partagées. Elle possède en un mot une dimension politique irréductible à l’administration des choses.1 La smart city a révélé de nombreuses limites. Ces dernières années, des alternatives sont proposées, plus adaptés aux villes européennes comme Bordeaux. En effet le processus smart est souvent imaginé comme universel. Il s’appliquerait aussi bien à une ville inexistante à monter de toutes pièces comme Songdo en Corée du Sud, ou une ville moderne comme Singapour, mais aussi aux cas les plus délicats de villes patrimoine. Quand on pense à Bordeaux, avec son centre historique classé au patrimoine mondiale de l’UnescO, il n’est évidemment pas possible d’y faire les infrastructures lourdes que l’on ferait à Singapour ou au Moyen Orient. Mais qu’en est-il du reste du territoire, celui des petites villes ? Comment peut on territorialiser le concept smart ? A chaque ville, à chaque territoire sa manière d’être smart. De nouvelles propositions, de nouveaux processus voient le jour. On quitte cette idée de modèle unique de smart city pour arriver à une identification plus précise des problèmes. En effet, la smart city a souvent été théorisée et pratiquée 1
PICON, Antoine, «Ville intelligente, ville politique», La Tribune, 22/11/2015.
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aux Etats Unis, au Moyen Orient et en Asie. Je pense à Boston, Singapour ou à l’Arabie Saoudite. Ce sont des territoires qui n’ont pas un passé aussi lourd que celui des villes Euopéennes, du moins ils ne le considèrent pas comme nous le faisons dans nos sociétés. On mise aujourd’hui sur de nouveaux outils pour développer le territoire, ensemble, ingénieurs, politiques, architectes, économistes... Smart City, Smart land, Smart Dust, des enjeux communs, des interventions différentes. Entre situations territoriales et outils smart.
Smart City, pour une ville qui naît intelligente Le processus de smart city est comme un jeu, où des interventions physiques ponctuelles cherchent à modifier l’espace dans ses usages. Une construction de zéro est la condition idéale au développement de la smart city, c’est la pleine application d’un concept. Rien n’est à modifier, rien est à «smartiser», tout est à faire. La technologie fait partie du chantier. La plus part de ces villes champignon se situent dans la partie orientale du monde. Je pense ici à Songdo en Corée du Sud ( voir image A) ou encore Masdar aux Emirats Arabes Unis. Ce sont littéralement des villes «showroom».
A : Songdo, smart city / source : Washington post
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Conclusion : Smart Dust et Smart Land, des alternatives intelligentes
Ce sont des expérimentations grandeur nature en matière d’automatisation urbaine. C’est le terrain de jeu de géants comme IBM, Cisco, mais aussi Veolia et Total. La nuit, les lampadaires s’allument à notre passage ; les déchets sont collectés par de systèmes pneumatiques souterrains qui sont ensuite triés grâce à des capteurs ; les services de télécommunication sont très performants avec des cours d’anglais par visioconférence ; le chauffage se contrôle à distance via le smartphone et le tout est contrôlé par le centre de commandement de Cisco, le même qu’on a vu à Rio de Janeiro mais avec beaucoup plus d’informations et de capteurs. Aujourd’hui d’autres programmes pharaoniques se développent : N. Modi a annoncé la création de 100 smart cities d’ici 2022 en Inde pour profiter de l’urbanisation. L’idée est d’utiliser les infrastructures numériques pour mieux gérer l’eau, l’électricité et les transports collectifs. La technologie existe, on sait la mettre en place, dans ce cas, la smart city n’est qu’une application grandeur nature. Il n’y a aucun enjeu au niveau urbain, le seul enjeu est l’intérêt que les citoyens vont y porter ... et d’ailleurs Songdo se révèle être un échec : on compte seulement 1700 étrangers parmi les 78 000 habitants en 2014, soit un tiers de ce qui est prévu pour 2018. Le modèle de la smart city est finalement une utopie. La ville intelligente idéale existe mais elle ne fonctionne pas. Et de toute façon, construire une nouvelle ville, ne solutionne pas la question des villes déjà existantes dans le monde.
Smart Land, le réseau numérique, une solution à grande échelle Le processus land va plutôt changer ces règles du jeu. Elle change la manière de se rapporter au territoire, d’intervenir sur le territoire. Elle n’est pas physique. La Smart land est à une échelle globale, au niveau territorial à large impact. Ça ne doit pas être une intervention ponctuelle ciblée. Le territoire est le lieu des multiples relations entre tous les sujets qui l’utilisent, qui le traversent et l’habitent. Une smart land est un domaine territorial dans lequel, à travers des politiques «diffuses» et partagées, on augmente la compétitivité et l’attractivité du territoire, avec une attention particulière à la cohésion sociale, à la diffusion de la connaissance, à la croissance
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créative, à l’accessibilité et à la liberté de mouvement, à l’utilisation de l’environnement (naturel, historico-architectural, urbain et étendu ) et à la qualité du paysage et de la vie des citoyens.2 La proposition de smart land voit le jour sur le territoire italien, ce n’est pas un hasard. En effet, le concept très américain des smart cities, ne correspond pas bien à la géographie européenne et surtout à celle italienne. La smart land est donc avant tout une adaptation de la logique des smart cities à un territoire composé de nombreuses petites et moyennes villes dont les traditions et les vocations se diversifient les unes des autres. De plus, la smart land essaye de dépasser la traditionnelle division ville/ campagne, en apportant une logique numérique afin de recomposer le territoire comme un réseau où les limites spatiales sont dépassées. C’est en quelques mots, un désenclavement par le numérique appuyé sur des réalités locales, identitaires. On n’est plus dans l’algorithme systématique reproché à la smart city, mais ce n’est pas non plus une opposition ; «La smart land [...] n’est absolument pas une négation de l’efficacité des pratiques pour les smart cites, mais une extension de la logique smart envers l’aménagement territorial.»3 Une smart land est un lieux identitaire, dans lequel les diverses identités territoriales - environnementales, artisanales, culturelles, économiques, paysagistes, productives - puissent s’exprimer au maximum de leur capacité, en trouvant une juste valorisation dans un système d’offre qui utilise des systèmes avancés pour promouvoir des parcours, cartographies, thématiques, qui valorisent les spécificités et augmentent la valeur ajoutée et la valeur perçue. L’identité ne peut pas seulement être le «comment on était». Ca doit être le «comment on peut et comment on veut être dans le futur» («je suis ce que je serai»). De cette manière les interventions doivent être orientées à la construction d’une identité locale basée sur le patrimoine commun, matériel et immatériel, qui doit être valorisé aussi bien dans ses aspects tangibles que ceux intangibles.4 Des initiatives semblables ont déjà vu le jour, comme dans la région italienne d’Emilia-Romagna qui a choisi de valoriser son territoire en formant Aster, le réseau de haute technologie. Aster transforme ici le passé agroalimentaire 2 Bonomi, Aldo et Masiero, Roberto, Dalla smart city alla smart land, Padova, Marsilio, 2014, page 118 3 ibidem, page 115 4 ibidem, page 120
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Conclusion : Smart Dust et Smart Land, des alternatives intelligentes
industriel en un futur intelligent5. C’est seulement depuis cinq ans qu’on commence à parler de smart land, c’est en effet une conséquence directe du retour au «local». Peut-être grâce à la crise économique, on assiste à un retour aux (re)sources. On s’intéresse à ce qui nous entoure, à ce que ce territoire peut nous apporter. Aussi bien du point de vue agricole que touristique. Dans le Bordelais c’est d’autant plus fort que les prestigieux vignobles situés en périphérie, n’ont jamais cessé d’attirer. C’est peut-être une des rares villes au monde où la notoriété et l’attractivité proviennent du territoire rural.
Smart Dust, la quintessence du processus soft La smart dust est plutôt un réseau d’interventions légères et donc peu coûteuses qui s’adressent directement au citoyen. C’est à lui de les faire vivre. C’est lui qui se les approprie. La smart city et le smart land sont des interventions beaucoup plus lourdes et coûteuses. L’une de manière physique et infrastructurelle, l’autre de manière administrative au niveau de la gouvernance. Dans les deux cas, c’est la mise en place d’un système qui prend le risque de ne pas fonctionner. Comme on l’a vu avec Songdo, en Corée, une ville peut mettre en place le plus incroyable des systèmes de recyclage d’ordures, mais si les citoyens ne coopèrent pas en y jetant leurs ordures, l’opération sera un échec. Tout ne dépend pas de la mise en œuvre, c’est là où la smart city Top Down est critiquable. Le processus Smart dust relève particulièrement du Bottom-Up, c’est souvent des initiatives qui viennent d’en bas. Carlo Ratti propose le concept de poussière intelligente pour répondre à cette question qui nous est commune : «le concept de smart city est-il conciliable avec un modèle urbain comme celui italien, qui a des siècles d’histoire ?»6. Italien ou français, la situation est la même. Il parle d’une grande difficulté à adapter les technologies existantes et dépassées qui régulent nos villes, mais aussi de la menace que les objets numériques lourds envahissent les villes et les «désurbanisent»7. Le smart dust est en fait un moyen économique et participatif de valoriser 5 Bonomi, Aldo et Masiero, Roberto, Dalla smart city alla smart land, Padova, Marsilio, 2014 6 Mattei, Maria-Grazie, Carlo Ratti : Smart city, smart citizen, (Meet the media guru), Milano, Egea, 2013, page 41 7 voir page 101
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un territoire. Cela part souvent de la mise à disposition en open data des données par la collectivité. C’est ensuite le citoyen ou la start-up locale qui va décider d’interpréter et utiliser ces données à des fins d’utilité publique. Comme on l’a vu en première partie8 avec l’application des parcours en vélo qui suivent les pistes cyclables ou encore d’alerte panne pour le tramway. La poussière intelligente, c’est un ensemble de petites interventions simples et économiques qui ont des retombées à l’échelle de la ville. Elles relèvent du processus soft.
Le Smart Land, la Smart Dust et les processus Bottom-up, des moyens plus soft de penser le territoire. Si on prend l’exemple de la question du transport en automobile, le smart city répondrait avec une nouvelle infrastructure physique à impacte urbaine comme l’auto-lib. La mise à disposition de voitures dans la ville. Alors que la smart land interviendrait au niveau de la gouvernance avec par exemple une incitation à la consommation raisonnée par des primes à acheter les voitures hybrides ou électriques. La smart dust quant à elle est une intervention plus légère de réseau comme BlaBlaCar, cette innovation n’est rien d’autre que la création d’une plateforme, il n’y a de smart que l’idée. C’est ensuite les utilisateurs qui s’organisent par eux même. Le site n’offre que la mise en contact. La force de Blablacar est que même n’étant pas un besoin absolu, il a pourtant été tout de suite adopté par les citoyens. Une petite action (développement d’un site web) a permis de toucher à la mobilité de plus de 20 millions de citoyens à travers l’Europe. C’est évidemment une question d’époque. Le projet arrive dans une période propice où l’essence est chère, il y a trop de voitures, d’embouteillages et de pollution. Il y a une réelle portée territoriale grâce au réseau que crée la plateforme tout en étant Smart dust dans sa légèreté et son invisibilité. BlaBlaCar est finalement un exemple d’intervention smart dust qui s’est révélée Smart land. Les processus «smart» définis en introduction se montrent très globaux, mais aussi très facilement territorialisables ; Smart economy, smart mobility, smart environment, smart people, smart living et smart gouvernance. Dans
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voir page 44
Conclusion : Smart Dust et Smart Land, des alternatives intelligentes
chacun il est quelque part question de local, d’identité, d’individu. Nulle ville n’est assimilable à une autre, le modèle de la «smart city» est trop souvent interprété de manière systématique. On est dans une tentative de formatage de la ville. La mondialisation est venue uniformiser les pensées, les styles et les usages. Elle est venue écraser les singularités, les identités, les spécialités de nos territoires. Dans les années 2000 on a vu l’apogée de ce monde «global». Des millions de Macdonald ont ouvert tout autour de la planète, des marques de téléphone comme Samsung se sont repandues dans le monde entier, des voitures japonaises ont vu leurs ventes exploser en France, alors que, paradoxalement les Japonais adorent s’habiller Francais , on construit de l’architecture dite «contemporaine», le même ici et ailleurs. La mode est à l’exotique. Mais elle ne l’est plus pour tout le monde. De cet esprit «global» on observe un réel retour vers le «local» un temps oublié. En 2015 on est en pleine naissance de ces mouvances «made in France», 0km, traçable. Aldo Bonomi parle de processus «lobal» ou «glocal». C’est ce que je définis comme un territoire à deux vitesses, entre proximité territoriale et connectivité à l’internet mondial. Entre agriculture et vie urbaine. Entre tracteur et Airbus A380. Il est aujourd’hui possible de lire au travers des six catégories initiales9, un enjeu propre à chaque ville, et pourquoi pas à chaque territoire plutôt que ville. L’urbain n’est pas un impératif à ces processus. Au contraire la dynamique n’est pas forcément de la ville vers son territoire. Comme le dit Aldo Bonomi, « non c’è smart city senza smart land »10, il n’y a pas de smart city sans smart land. Je reprends ici la smart dust, la poudre intelligente, de Carlo Ratti. Et je tente de la coupler au smart land d’Aldo Bonomi. On obtient un territoire saupoudré d’intelligence pour reprendre les termes, ou tout simplement un territoire connecté sans l’abîmer. En essayant d’appliquer le modèle de smart city à l’urbanisme de villes patrimoine comme Bordeaux, on imagine facilement l’intégration de services comme des réseaux de pistes cyclables disponibles sur internet, des lignes de transports publics adaptées, des applications pour valoriser les évènements et la culture, ou autres interventions douces, que l’on appelle soft, mais en effet la brutalité (hard) du concept de smart city semble 9 «Smart economy, smart mobility, smart environment, smart people, smart living et smart gouvernance» page 15 10 Bonomi, Aldo et Masiero, Roberto, Dalla smart city alla smart land, Padova, Marsilio, 2014
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souvent peu conciliable avec l’urbanisme des territoires européens fait de petites villes constituées. En effet Carlo Ratti, qui étudie la possibilité de «smartisation» des villes italiennes de moyenne dimension relève que celles ci «peuvent très bien s’adapter à ces technologies légères, liées à des réseaux et à d’objets très petits»11. Il en appelle à la smart dust, la poudre intelligente. Il s’agit ici d’une optique d’intervention légère, connectée et tout de même innovante. En effet je pense que dans une situation comme Bordeaux, l’outil le plus adapté est celui invisible, celui qui révèle des bits. C’est le numérique. C’est cette poudre intelligente. Le processus reste local, mais devient aussi global. On rentre alors dans une dynamique de métropole. La politique d’innovation de Bordeaux métropole pour faire de Bordeaux une smart city est en cours. Or cette focalisation sur le centre ville est clairement critiquable si je reprends les réflexions de Aldo Bonomi, aux vues des politiques de revalorisation du territoire comme en témoigne Territoires 2040 du DATAR ; c’est une erreur de se concentrer sur l’espace urbain. La smartisation doit se faire comme un tout. On devrait parler d’une Aquitaine smart, c’est ce qu’on appelle en fait la smart land. C’est une intelligence sans frontières ; un processus diffus et non en réseau, car entre les acteurs des réseaux il y a des vides. Des dispositifs sont d’ors et déjà mis en place par Bordeaux métropole au service du péri-urbain et du rural pour promouvoir les produit locaux, comme avec la publication de «circuits courts», une carte de toutes les initiatives maraîchères soutenues par l’agglomération. On y trouve la ruche qui dit oui, un réel engagement «smart» qui permet le vente directe de produits issus de l’agriculture locale dans des sites différents à travers la métropole par le biais des gens. Chacun peut devenir une ruche. D’ailleurs, Bordeaux se révèle l’agglomération où l’opération a le plus de succès en Europe12. La carte «circuit court» indique aussi les maraichers bio ou agriculture raisonnée qui proposent de la vente directe sur leur exploitation. Cette communication qui vient d’en haut leur donne une grande visibilité et leur permet de se faire connaître, comme à l’occasion du marché des producteurs organisé gratuitement par la métropole pour promouvoir l’agriculture locale. On est ici dans l’idée d’informer des citadins des opportunités qui les entourent. Le smart land est une adaptation du concept de «smart city» à la situation d’un 11 Mattei, Maria-Grazie, Carlo Ratti : Smart city, smart citizen, (Meet the media guru), Milano, Egea, 2013, page 41 12 source : http://blog.laruchequiditoui.fr/top-5-des-villes-les-plus-locavores-a-bordeaux-n1-onmet-les-bonnes-adresses-dans-sa-poche/
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Conclusion : Smart Dust et Smart Land, des alternatives intelligentes
territoire traditionnel aux valeurs, compétences et formes de vie attachées au contexte local. C’est un environnement dans lequel expérimenter des politiques participatives vouées à augmenter la compétitivité et l’attractivité du territoire avec une attention particulière à la cohésion sociale, à la diffusion du savoir, à la créativité, à l’accessibilité et à la liberté de mouvement, à la convivialité, au cadre de vie et à la qualité du paysage.
La «smartisation», un passage obligé Ne pas se soumettre à l’innovation smart signifie, aujourd’hui, perdre le contact avec la révolution numérique en cours au niveau global et rester marginal en ce qui concerne le contexte économique et politique mondial. Cela signifie aussi perdre l’occasion de repenser de manière responsable, les futures relations entre nous et le monde dans lequel nous vivons. Mais c’est surtout le risque de ne pas cueillir l’occasion de sortir de l’oubli, en effet le numérique permet de supprimer les limites spatiales. Le numérique est-t-il la solution de désenclavement territoriale pour les petites et moyennes communes ou pour les pays en voie de développement ? Bocquel et Hippolyte, spécialistes de la question parlent eux aussi d’une forme de smart city adaptée : ils privilégient une approche pragmatique et tiennent compte des spécificités locales. Cette méthode s’apparente au concept de smart land : Les villes des pays en développement peuvent s’inspirer du concept de Smart City pour exploiter pleinement le potentiel des NTIC au service de la gestion de leur espace urbain et de la qualité de vie de leurs citoyens. Une approche pragmatique tenant compte des spécificités locales est possible, et nécessaire : une smart city africaine ne ressemblera donc pas à une smart city européenne ou américaine. Malgré la disparité des contextes et des besoins, la transition vers des villes plus intelligentes peut constituer une solution de premier plan pour permettre aux pays en développement de répondre aux défis résultant de la croissance de leurs populations urbaines. Ces pays, bénéficiant d’une inertie moindre dans leurs infrastructures et organisations, représentent en effet un terrain propice à une mutation rapide. La prise en compte des contraintes financières et l’association des populations aux processus décisionnels seront des facteurs clés pour concrétiser cette évolution et en faire une réussite.13 13 Bocquel, Maxence et HIPPOLYTE, Sylvain, «Smart City : une réponse (aussi) pour les pays en développement», La Tribune, 18/03/2015
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Hors des réseaux, un territoire oublié enfin considéré La société m2ocity (filiale de Veolia et Orange) a publié son classement des 50 villes et leurs projets emblématiques de la ville intelligente en France. Cette étude baptisée ‘’Ville de demain 2014’’ porte sur de nombreux critères répartis en plusieurs catégories : vision de la municipalité de la ville durable, cadre de vie, infrastructure télécom, maîtrise de l’énergie, gestion de l’eau, bâtiments intelligents, mobilité durable, gestion des déchets. Deux constats dans ce rapport : Le 1er constat porte sur la taille des villes distinguées : « Les métropoles côtoient les petites villes dans l’étude. C’est le signe que la ville intelligente ne s’adresse pas qu’aux grandes aires urbaines disposant de moyens importants, mais bien aux villes de toutes tailles.»14 Souvent, il faut réussir à relancer l’économie rurale sans sacrifier le territoire. Cela passe souvent par l’installation de services ou fonctions urbaines en rapport à la mobilité qui sont d’importance capitale pour le reste du territoire. En outre, il faut dire que comme on l’a vu, les municipalités de petite taille permettent un plus grand effort citoyen qui s’active avec des formes de participation et partage qui viennent d’en bas pour des projets de développement en interaction avec une administration et des pouvoirs locaux plus réceptifs. Au niveau européen il existe une réelle politique de volonté de «smartisation» des territoires. Aldo Bonomi compare la France à l’Italie en expliquant que pour une fois le tant critiqué système d’administration centrale a permis en France l’éclosion et la multiplication de marques territoriales et de labels locaux normalisés. Ainsi chaque territoire montre sa propre identité à travers les produits locaux. L’étude Territoires 2040 publiée en 2012 par la DATAR, Délégation Interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale, en fait un exposé. L’un des cinq axes d’intervention abordés est évidement celui des TIC. Elles permettent de connecter, d’innover et donc d’attirer. L’intelligence réside dans cette transition.
Reconnexion par proximité virtuelle Une chose est sûre, le numérique résout une partie du principal problème de la ruralité : la mobilité. Au point de vue virtuel, on vit aujourd’hui à la 14 monde/
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source : http://blog.econocom.com/blog/quelles-sont-les-smart-cities-en-france-et-dans-le-
Conclusion : Smart Dust et Smart Land, des alternatives intelligentes
campagne comme on vit en ville. En effet, l’accès internet omniprésent offre à la fois un accès total et direct à l’information, une informatisation des procédures administratives, et bien sûr l’achat et le travail par internet (ou à distance). Le terme prend ici tout son sens. Car c’est bien la distance qui, avant, handicapait ces territoires. Internet a aussi un pouvoir d’attraction. Il permet de publiciser des lieux ou des évènements ; voir, découvrir, se renseigner, en parler ... La Smart Land amène à une soft economy, celle des trois T de Aldo Bonomi : Tradition, Terre et Tourisme. En français cela pourrait se résumer en «terroir». En effet, le processus de Smart Land est en fait une intelligence du territoire par le biais du terroir. Un exemple caractéristique de ce processus qui s’est maintenant largement répandu est l’association Slow Food née en Italie. Elle a réussi à amener les urbains à visiter, découvrir, ou redécouvrir son terroir. Elle se focalise sur l’aspect agricole et touristique du territoire. On parle de tourisme lent, de développement local et d’agriculture raisonnée.
La parenthèse à la campagne : le besoin de déconnecter ? Aldo Bonomi parle de cet entre-deux : «contesti locali sospesi tra il non più e il non ancora»15. On cherche de plus en plus un retour dans les territoires de l’abandon, de dépaysement, où fondre le savoir, la culture, le projet et les différentes visions de futur possible en partant des marges pour revenir vers le centre. La ville a besoin de ces marges pour exister. Mais ces marges doivent-elles calquer le modèle des villes qui se numérisent ? Ou justement ne doivent-elles pas rester ce qu’elles sont ? Les villes sont en train de se rapprocher de leurs campagnes, bien sûr spatialement mais aussi économiquement et éthiquement. On observe, comme je l’ai expliqué auparavant, un retour au local, à ces marges. Pour son agriculture, ses espaces verts et son calme. On peut alors se demander si la smartisation des campagnes n’est pas la mort des campagnes. Et si les gens avaient encore besoin de cette parenthèse ? De ces villages paysans où se retranchent par exemple les personnages de René Barjavel, dans son roman de science fiction Ravage16 afin d’échapper au chaos de Paris.
15 Bonomi, Aldo et Masiero, Roberto, Dalla smart city alla smart land, Padova, Marsilio, 2014 Traduction personnelle : «contextes locaux suspendus entre le n’est plus et le n’est pas encore». 16 BARJAVEL, René, Ravage, Paris, Gallimard, 1995
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La technologie, un processus en développement à maîtriser Alors que nous sommes passés d’un monde de réponse à des besoins à un monde de création, d’invention de besoins, on nous propose toujours plus de services dont on n’a pas conscience d’avoir émis le souhait, mais qui finalement changent nos modes de vie ; on peut même se demander si en fin de compte aujourd’hui ce n’est pas l’évolution des TIC qui guide l’évolution de la société.17 Mais où s’arrête t-on ? Économiquement et éthiquement ? Je pense que l’apogée du numérique n’est pas encore atteint. On commence a avoir des données, des applications, des dispositifs mais comme on l’entend souvent dans la bouche des ingénieurs, en programmation tout est possible. Il nous suffit d’avoir des supports. Le potentiel est énorme et dangereux comme nous l’avons vu mais je suis certaine que l’explosion n’a pas encore eu lieu. Pour l’instant nous n’en sommes qu’à superposer une couche informationnelle à des services déjà existants plus ou moins technologiques. Aujourd’hui nous vivons dans des villes avec suffisamment de capteurs pour savoir ce qu’il s’y passe, avec des micro occurrences, des consommations de compteurs, les problèmes d’embouteillage, l’état des différents réseaux techniques : on a tout ça et on est capable de faire remonter cette information. C’est une ville dans laquelle on a toute une série de moyens de savoir de façon très locale à plus globale ce qu’il se passe. Ce sont des systèmes techniques ou des technologies comme la géolocalisation qui rendent la ville sensible, de plus en plus sensible. Sur le reste du territoire c’est déjà beaucoup moins vrai. Le réseau d’information est encore très faible. L’informatique (pour les programmes) et ingénierie (pour les dispositifs) est beaucoup plus avancée que les metteurs en œuvres que sont les architectes et les urbanistes. La balle est dans notre camps. Il faut rapidement jouer avant que les villes soient faites par des géants comme IBM sans consultation sur la question urbaine. Et que les territoires ruraux soient oubliés. La « dés-urbanisation » des villes par le numérique dépend de l’investissement du rôle de l’architecte. Le processus de renouvellement d’un système informatisé est encore trop radical. On est dans le changement de dispositif ou de programme. Comme on l’a vu avec l’open source et la méthode agile, on doit aujourd’hui penser la durabilité d’un outil. Il faut 17 LE MOENNE, Christian, « Les tic dessinent-elles l’architecture de la société à venir ?», Sciences ouest, n°240, Février 2007
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que tout le monde puisse améliorer le programme de base. Ma pensée est ici utopiste car elle mêne à la mort de la propriété intellectuelle ; fond de marché de IBM et autres géants de l’informatique logiciel. Etant un marqueur durable des évolutions sociales, je réalise que l’architecture, et plus spécifiquement le rôle d’architecte, est en pleine mutation et il est de notre ressort de nous adapter aux nouvelles exigences posées par la collectivité publique et par le citoyen. En comprenant l’impact du numérique sur le monde de la culture et de la construction, nous nous devons d’explorer les nouveaux outils offerts aux métiers de l’architecture. Les enjeux soulevés se traduisent par un travail collaboratif et une parfaite transparence entre les différents acteurs, une réactivité et une efficacité dans les prises de décisions et une innovation à la hauteur des TIC en place. Si on y réfléchit, une maison qui se construit à proximité d’un édifice classé passe sous le contrôle d’un architecte des bâtiments de France, pourquoi ne pas faire de même pour les objets connectés qui sont installés dans nos villes ? L’intelligence réside pourtant dans la capacité de tous à utiliser l’outil numérique tout en se méfiant des risques qu’il engendre en ce qui concerne l’atteinte aux libertés. Je suis partisane de cet étrange paradoxe qui prône le développement exponentiel des technologies mais qui vise à surveiller ses usages pour ne jamais nuire ou entraver les libertés.
Le numérique a-t-il bouleversé les relations entre le citoyen, l’architecte et le territoire ? Est ce une révolution ? Plus qu’une révolution je suis certaine de pouvoir dire que ce qui revient toujours dans mes recherches est l’effet d’accélération. Le numérique est un accélérateur. Que ce soit pour calculer un résultat, pour communiquer à distance, mais aussi pour faire les courses, pour intervenir et détecter des pannes sur les différents réseaux ou même pour simuler le vieillissement d’une pierre, pour localiser une personne ou un élément ou évidement pour avoir une information. Je pense maintenant pouvoir essayer de répondre au raisonnement de 1999 cité en introduction18 où Dominique Wolton écrivait : «Une véritable révolution existe quand il y a rencontre entre une innovation technique et des mutations culturelles et sociales dans les modèles de communication, ce qui 18
voir page 23
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est rare»19, et où Dominique Boullier exprimait son scepticisme face à ce mot « révolution »20. En effet, quinze ans plus tard, j’ai interrogé les enjeux sociaux, politiques et spatiaux de la ville numérique. On se rend compte que socialement, les TIC ont déjà fait beaucoup, la mutation est certaine. Au niveau politique l’impact est modérée, ou plutôt, comme on a pu le voir, la mutation est en cours en ce moment même. Sur le plan spatial on s’est rendu compte que la révolution prévue ne s’est pas concrétisée. Aura-t-elle lieu ? Je ne peux pas le dire. Mais le citoyen se révèle, bien que technologique, très attaché au réel, à l’espace public, à la nature. On comprend bien ici l’émergence forcée du processus Bottom-Up. La révolution viens d’en bas. Le citoyen et les ingénieurs sont prêts, les politiques et les concepteurs de la ville le sont moins. En ce qui concerne le métier d’architecte, les expériences racontées tout au long de ce mémoire convergent vers l’idée que notre façon de travailler et de faire projet traverse une phase de profond changement. Carlo Ratti parle d’un changement à la base, «sur la façon même d’entendre la connaissance»21. En effet on a toujours tout rentré dans des catégories. Chaque sujet appartenait à une discipline. Mais ce système encore très ancré en Europe est aujourd’hui dépassé. Il suffit de voir l’image publiée par la revue Nature qui représente les connexions entre près de 1 million d’articles scientifiques (voir image B). C’est une carte de réseaux complexes qui se croient et se recroisent. La recherche n’a plus de disciplines mais un ensemble de thèmes interconnectés. «Les barrières artificielles qui divisaient les différents champs de savoir sont en train de disparaître»22. [...] on pense qu’on est face à un changement substantiel : non plus l’idée de l’architecte, du designer ou de l’ingénieur qui procède «d’en haut» et qui, comme dans le cas de Le Corbusier, peut se permettre d’imposer sa propre vision, mais plutôt une vision qui peut naître et grandir en partant de nous tous, ensemble.23 Je pense que l’informatique y est pour beaucoup. Mais pas seulement. En effet ce mémoire en est un exemple. Certains me disent que ce sujet, ce n’est pas de l’architecture. Mais en fait ce mémoire traverse plusieurs champs, il 19 WOLTON, Dominique, Internet et après ? Une théorie critique des nouveaux médias, Paris, Flammarion, 1999 20 BOULLIER, Dominique, L’urbanité numérique, Paris, L’Harmattan, 1999, page 13 21 Mattei, Maria-Grazie, Carlo Ratti : Smart city, smart citizen, (Meet the media guru), Milano, Egea, 2013, page 81, traduction personnelle 22 ibidem, page 81, traduction personnelle 23 ibidem, page 86, traduction personnelle
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y a de l’architecture, de l’urbanisme, de l’informatique, de la sociologie et même peut-être du droit. Je suis obligée de chercher à comprendre ce que engendre ma réflexion, pour les autres disciplines. On ne peut plus rester cloisonnés dans l’architecture brute. Ce changement éducatif est déjà largement considéré dans le système américain et anglo-saxon ; les étudiants sont libres de composer leur formation ; les laboratoires de recherche sont très polyvalents, les équipes de recherches sont mixtes, les écoles doctorales n’existent pas. A mon sens, ces dernières se révèlent être pour l’Europe, de vrais freins à la pluridisciplinarité. Finalement, révolution il y a, mais de manière diffuse, c’est une poudre intelligente qui est tombée sur le territoire et surtout sur ses habitants. Je conclurais en disant qu’une ville ne peut être intelligente, que si elle est vécue en intelligence. Je reprend ici la phrase que Dominique Boullier
B : Map of science : Relation entre les articles scientifiques / source : Nature / Janvier 2010
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écrivait déjà en 1999, «vivre la ville en intelligence»24. Ce sont les citoyens qui en sont acteurs mais aussi utilisateurs. Avec ce mémoire j’ai compris que le concept de smart city est en transition. Je le mésestimait pour son intérêt purement économique accaparé par des grands groupes qui ont pour seul objectif de vendre des technologies à la pointe de l’innovation. Je leur reproche de ne pas se poser les questions que j’ai relevées en deuxième partie. Les enjeux de contrôle, de surveillance et traçage, de gouvernance, de propriété de données personnelles, de désurbanisation ou encore de déserts numériques hors des villes. Depuis quelques années, de nouvelles pratiques émergent et altèrent le côté superficiel du concept de smart-city, on considère enfin le citoyen. On passe quelque part d’un concept à un processus ; l’aspect social est pris en compte. L’impact commence a être mesuré. Peut être grâce à la crise économique on essaye de changer les villes de manière plus soft. On pense durable.
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BOULLIER, Dominique, L’urbanité numérique, Paris, L’Harmattan, 1999, page 7
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Bibliographie
- Territoires smart Du slogan à la réalité
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