SUPPLÉMENT | AOÛT 2017
SPÉCIAL
EXPORT L’INNOVATION au cœur des enjeux Les PME misent sur des modèles d’affaires innovants. Les conseils des experts
INNOVATION SPÉCIAL EXPORT
Les PME misent sur des modèles d‘affaires innovants Le franc fort et la concurrence croissante pèsent sur les PME suisses. Or, un modèle d’affaires bien pensé est la clé d’une internationalisation réussie.
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ES ENTREPRISES aux modèles d’affaires innovants telles qu’Airbnb et Uber font les gros titres depuis un certain temps: avec des idées intelligentes axées sur de nouvelles technologies pour traiter les données, elles ont révolutionné leurs branches respectives dans le monde entier. Ces bouleversements sont favorisés par des mégatendances mondiales, de la numérisation à la nouvelle approche de la mobilité, en passant par le tournant démographique. Tous les secteurs économiques seront un jour ou l’autre concernés par ces changements. Néanmoins, les effets sur les différents marchés d’exportation des PME suisses sont très variés. Que peuvent-elles faire pour rester compétitives sur le plan international? Les exportateurs suisses subissent toujours une forte pression sur leurs marges, le cours élevé du franc continue de peser. Comme ils n’ont guère plus de possibilités d’améliorer leur efficacité, il leur manque souvent un peu de marge pour innover en matière de produits. Comment les PME suisses peuvent-elles s’y prendre?
Des sociétés comme Uber ont révolutionné leur branche avec les nouvelles technologies. Elles vont devoir repenser certains produits et processus et s’attaquer à tout le modèle d’affaires en le remettant en cause et en le révisant de manière ciblée, voire en le changeant intégralement. Quelle utilité apportons-nous à nos clients via nos produits ou nos services, quelle création de valeur et quel modèle de revenus présentent-ils? Il faut se poser ces questions pour développer un concept intelligent qui permette de satisfaire aux besoins du client en constante mutation, de se démarquer de la concurrence et d’exploiter des sources de revenus supplé-
Responsable production Marc Borboën Iconographie Catherine Rüttimann Correction Valérie Bell (resp.), Samira Payot, Jacqueline Di Mauro
Ce supplément est distribué gratuitement avec le PME Magazine d’août 2017
Rédaction
PHOTO: DR
Pont Bessières 3, 1002 Lausanne Tél. +41 58 269 28 40 infopme@pme.ch Thierry Vial rédacteur en chef Elisabeth Kim cheffe d’édition Edouard Bolleter enquêtes Stéphanie Liphardt photographe, graphiste Daniel Gérardin graphiste
Régie publicitaire Admeira SA Pont-Bessières 3, 1005 Lausanne Tél. +41 58 909 98 20 E-mail: publicite@admeira.ch www.admeira.ch Chief Sales Officer Arne Bergmann Managing Director Sales Benjamino Esposito
mentaires. Cela permet de garantir des avantages compétitifs à l’international et d’optimiser durablement les marges. Cela requiert avant tout de la créativité et un mode de pensée non conformiste. Switzerland Global Enterprise (S-GE) a donc réalisé une étude auprès de 155 PME exportatrices suisses. Les résultats de cette étude, présentés en page 8, visent à vous montrer concrètement à quoi ressemble un modèle d’affaires innovant et comment les PME peuvent aborder ce type de projet. Bonne lecture. n
Administration Antoine Paillette, Tél. +41 58 909 28 20 Editeur Ringier Axel Springer Suisse SA, Pont-Bessières 3, Case postale 7289 1002 Lausanne Délégué du Conseil d’administration Ralph Büchi Directeur Suisse romande Daniel Pillard Direction marketing Suisse romande Yvonne Braun
Abonnements PME Magazine, Service des abonnés Pont Bessières 3, Case Postale 7289 1002 Lausanne 2 Tél. +41 58 269 25 07 relationclients@pme.ch Prix abonnements (Suisse, TVA 2,5% incluse) 1 an: CHF 126. – (12 numéros) 2 ans: CHF 227. – (24 numéros) test 3 mois: CHF 20.– Couverture DR Impression Swissprinters SA, Zofingen Notification des participations
Brand Sales Manager Anne-Sandrine Backes-Klein
Product Manager Delia Borloz
importantes dans le sens de l’art. 322 CP: Le Temps SA
PME MAGAZINE | SPÉCIAL EXPORT
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SPÉCIAL EXPORT ÉCLAIRAGE
Comment les sociétés suisses pe uvent-elles adapter leur modèle d’affaires à un marché? Les experts de S-GE passent au crible plusieurs pays et leurs particularités commerciales. ALAIN GRAF
Canada
chaque année. Le pays s’urbanise à tout-va et la population vieillit. Pour la clientèle privée, l’e-commerce, qui est très développé en Chine, est incontournable. Mais sans un bon partenariat sur place, il est presque impossible d’aller de l’avant. Pour faire la différence face à la concurrence, il faut trouver un bon compromis entre localisation et Swiss Touch.»
«C’est une bonne porte d’entrée vers l’Amérique du Nord. Mais on sous-estime souvent les différences culturelles entre le Canada et l’Europe et même les Etats-Unis. Le gigantisme du pays exige une adaptation du modèle d’affaires. Point fort: le pays investit massivement dans les cleantech, les infrastructures et la mobilité. Des solutions numériques commencent à s’implanter dans l’industrie, en particulier parce que la formation et la recherche sont de bon niveau, et parce qu’il souffle un esprit entrepreneurial dynamique dans les centres névralgiques de Toronto, Vancouver et Montréal.»
Conseiller Senior Asie
BENEDIKT SCHWARTZ Conseiller Senior Amérique/Europe
NADER ERFANI Conseiller Afrique, Inde, Iran, Moyen-Orient
ASEAN
Japon, Corée du Sud «Les Coréens ne font généralement confiance qu’aux Coréens. Il faut donc bien choisir son partenaire local. Bien que le marché intérieur soit plutôt transparent, il rayonne à l’international par ses entreprises EPC: des sociétés de renom qui fournissent des services complets clés en main. En passant des contrats de licence, les Coréens intègrent les plus hautes technologies de pointe et les perfectionnent tout en faisant profiter du meilleur marketing.»
Chine «La Chine est sur le radar de presque tous les exportateurs, et c’est justifié. Depuis 2002, les salaires sont en hausse de 17% en moyenne 4
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Allemagne, Royaume-Uni «L’industrie allemande est en pleine effervescence, car elle entend rénover ses modèles d’affaires. Les anciens fabricants de machines se muent en prestataires de services globaux. Cette transformation suscite de nouveaux besoins vis-à-vis des sous-traitants avec lesquels les PME suisses doivent traiter. Le Royaume-Uni et l’Irlande poursuivent la numérisation du secteur privé et des services. Cette mutation pose des exigences majeures aux exportateurs en termes de qualité de service et de marketing.»
Inde «Il ne faut pas percevoir le marché indien uniquement comme un marché d’export. En effet le gouvernent indien a mis au point un excellent programme ‘Make in India’. Dans cet esprit, il faudrait considérer nos services d’aide à l’entrée sur le marché plutôt comme un investissement que comme une dépense à court terme. Il faut découvrir le marché indien en le «pratiquant» pendant un ou deux ans afin de s’ouvrir d’autres perspectives d’internationalisation à plus long terme.»
Chili «Le Brésil renoue lentement avec la croissance, mais d’autres pays de la région offrent aussi un vrai potentiel. Le Chili, par exemple, qui présente un environnement économique particulièrement ouvert et attrayant. Beaucoup d’entreprises locales s’adaptent aux critères nord-américains et européens. Le secteur minier est très important: une bonne opportunité consiste à ajuster son modèle d’affaires aux besoins de ce secteur. Comme les prix des matières premières sont bas, le pays doit se diversifier pour renforcer son économie: autant d’opportunités en perspective pour les exportateurs suisses.»
Iran
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«Les PME doivent s’attendre à des difficultés linguistiques ainsi qu’à des problèmes logistiques. Elles doivent aussi composer avec une concurrence accrue en raison de l’essor du commerce entre partenaires de l’ASEAN, une communauté économique étant toujours mieux intégrée. Les PME doivent adapter leurs modèles d’affaires aux réalités locales: conditions tropicales, revenus modiques, diversité des cultures. La digitalisation, les services mobiles et les fintech sont en plein boom et touchent également le B2B.»
«Les PME suisses ont une excellente image en Iran. Elles sont appréciées pour leur qualité, leur constance et leur fiabilité sur la durée. L’homme d’affaires iranien a beaucoup souffert de l’embargo et il est prêt à payer un prix plus élevé pour des produits B2B afin de s’assurer la pérennité de son activité. Consciente de ce potentiel mais aussi des obstacles existants, S-GE a préparé des ‘packages’ qui facilitent l’entrée sur ce marché prometteur.»
SPÉCIAL EXPORT SUCCESS STORY
Quatre exemples de PME innovantes
IFOLOR Le tout numérique
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ÉLITE Leasing de matelas
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BERLINGER GROUP Le tout-en-un
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ORSQUE LA FAMILLE BERLINGER a créé son entreprise textile il y a près de 150 ans dans la ville saint-galloise de Ganterschwil, personne n’aurait pu deviner qu’elle deviendrait une entreprise high-tech spécialisée dans les tubes à essai incassables pour le contrôle antidopage et antidrogue, ainsi que dans les instruments de surveillance de la température. Dans le cas de cette entreprise du Toggenburg, la mutation structurelle a toutefois commencé par une catastrophe: en 1902, l’usine de tissage a été dévastée par un incendie qui a fait partir en fumée la raison de vivre de la famille Berlinger du jour au lendemain. Depuis, la culture de l’entreprise familiale repose sur l’ingéniosité, la volonté de se perfectionner en continu et la confiance en sa propre efficacité. La perte de l’usine de tissage a donné aux Berlinger l’opportunité d’explorer et de trouver d’autres marchés. Aujourd’hui, la sixième génération à la tête 6
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de l’entreprise familiale – et sa centaine de collaborateurs – est active dans le monde entier. Berlinger Group est surtout connue pour ses produits de contrôle antidopage. Mais c’est son deuxième champ d’activité qui est le plus intéressant: les instruments de surveillance de la température. La dernière avancée en date a eu lieu en 2014, avec l’achat d’une entreprise de logiciel. Berlinger Group veut établir de nouvelles normes en matière de contrôle de température numérisé et automatisé et proposer une solution tout-en-un incluant tous les logiciels et le matériel sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
«La mutation culturelle de la société du Toggenburg a débuté par une catastrophe.»
François Pugliese, CEO d’Elite
Fondée en 1960, Berhalter est le leader mondial de la technologie de découpe.
BERHALTER Des technologies très inspirées
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PHOTO: XXXXXXX XXXXXXXX
Berlinger s’est muée en société high-tech spécialisée dans les tubes incassables antidopage.
PÉCIALISÉ DANS LA LITERIE depuis 1895, le fabricant de matelas Elite, à Aubonne (VD), emploie près de 130 collaborateurs. Au cours des dix dernières années, cette société vaudoise s’est transformée en un fabricant de matelas de luxe grâce à ses nombreux produits innovants. L’internationalisation n’a commencé qu’en 2011. Grâce à la participation à des foires internationales et depuis l’ouverture de boutiques à Paris, Milan, Moscou et Rome, les lits d’Elite sont de plus en plus présents dans les chambres européennes. Cette entreprise innovante a su combiner habilement le marché B2B dans l’hôtellerie en s’inspirant du secteur automobile: au lieu de vendre ses matelas aux hôteliers, elle les loue. Des capteurs intégrés aux matelas mesurent l’utilisation des lits et les hôteliers paient en fonction de l’occupation. Ce nouveau modèle d’affaires nommé «Smart Lease» a contribué à l’augmentation des parts de marché, notamment au MoyenOrient et en Afrique du Sud. Ce modèle présente des avantages pour les deux parties: il évite aux hôteliers d’investir dans l’achat de matelas en période d’appréciation du franc et permet à Elite d’en apprendre beaucoup sur le comportement d’utilisation de ses éventuels clients finaux. Parallèlement, l’entreprise a développé d’étroites relations avec les hôteliers. En 2016, le fabricant de lits a exporté des produits d’une valeur totale de 2,5 millions de francs, un chiffre qui devrait passer à 5 millions dans trois ans.
OUR CE QUI EST DE LA TECHNOLOGIE de découpe, cette entreprise familiale fondée en 1960 est leader mondial dans la branche. Avec près de 85 collaborateurs et une part d’exportations de 97%, l’entreprise s’est spécialisée dans les machines de «die-cutting», des machines de haute performance qui permettent par exemple de fabriquer des couvercles de pots de yaourt ou de boîtes d’aliments pour animaux et des étiquettes IML. Cette PME MEM classique de la vallée du Rhin investit beaucoup dans le développement et est très active dans le domaine de l’industrie 4.0. En 2014, elle a mis sur pied le modèle d’affaires «tec-spiration». Ce modèle a permis à l’entreprise de sortir des sentiers battus. Elle ne se contente pas de vendre des machines de première classe, elle vend aussi son know-how. «tec-spiration» incarne selon Berhalter le «savoir-faire et le faire savoir». L’objectif est de lier les idées et les hommes.
Cela implique de la part de l’entreprise une compréhension technique marquée et des efforts de partenariat. Pour intégrer son savoir-faire dans des produits et des processus intelligents, la PME mise sur l’inspiration. Les défis techniques sont considérés non pas comme un problème, mais comme une motivation. Après avoir gagné un nombre record de nouveaux clients en Suisse, la PME a réalisé de façon prometteuse les premières étapes de son expansion vers l’Allemagne grâce à l’application d’un nouveau modèle d’affaires. «tec-spiration» peut potentiellement servir de modèle d’avenir à la branche MEM, actuellement sous pression.
«Ce fabricant MEM ne se contente pas de vendre des machines mais aussi son know-how.»
ISE À KREUZLINGEN, IFOLOR s’est lancée dans une révision complète de son modèle d’affaires. Depuis 2000, cette entreprise familiale mise tout sur la photographie numérique. Et ce changement s’est accompagné du succès international. Aujourd’hui, la PME emploie près de 280 collaborateurs, dont 180 en Suisse. Ifolor gère également un site en Finlande. Le passage de la photographie argentique à la photographie numérique a profondément transformé cette entreprise familiale fondée en 1961. Si auparavant elle développait des films, elle conçoit aujourd’hui des logiciels. Et elle a fait croître massivement ses départements marketing et développement. Aujourd’hui, plus de 10% des employés travaillent dans le secteur informatique et plus encore dans le département marketing. Son modèle d’affaires numérique, à savoir la boutique en ligne, permet à la PME de réaliser de plus grandes économies d’échelle qu’avec des produits physiques. La PME a très vite su que le changement allait arriver. Aujourd’hui, les responsables de l’entreprise sont toujours convaincus que tout ce qui est numérisable sera tôt ou tard numérisé. Parallèlement, ils croient toujours fermement aux produits tactiles, car les hommes aiment donner corps à leurs souvenirs. Impossible aujourd’hui de savoir si la situation aura changé dans cinq ou dix ans. L’avenir nous dira comment le succès futur de la PME se bâtira, entre iPhone et iMac.
Filip Schwarz, CEO Ifolor. PME MAGAZINE | SPÉCIAL EXPORT
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SPÉCIAL EXPORT ENQUÊTE
Une pression concurrentielle toujours plus accrue La S-GE a réalisé une étude auprès de 155 PME exportatrices membres en février et mars 2017. Dans le détail, il s’agit de 131 entreprises alémaniques, 17 romandes et 7 du Tessin.
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PME MAGAZINE | SPÉCIAL EXPORT
SOLUTIONS SPÉCIAL EXPORT
Conseils pour développer des modèles d’affaires innovants à l’international 1
Concentrez votre modèle d’affaires sur les avantages pour les clients et les vrais besoins. En ce sens, les nouvelles technologies peuvent aider à dévoiler les avantages de solutions nouvelles et plus nombreuses. Elles ne représentent cependant pas une fin en soi.
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La révision des modèles d’affaires n’est pas une question de révolution. Trouvez des sources d’inspiration et travaillez en collaboration avec des partenaires qui vous ouvrent de nouvelles voies – y compris en dehors de votre branche.
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Investissez dans vos talents et votre culture d’entreprise, repensez vos struc-
tures. Vous avez besoin de personnes bien formées et motivées, capables de faire vivre avec conviction le nouveau modèle d’affaires. Il faut laisser la place aux nouvelles idées, pour qu’elles ne se retrouvent pas broyées par des pensées traditionalistes et que vos collaborateurs puissent faire des expérimentations. Vous bâtirez ainsi du neuf pas à pas.
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En matière de modèle d’affaires, l’innovation et l’internationalisation sont interdépendantes et s’entre-nourissent. Les modèles d’affaires numériques portent souvent leurs fruits à partir d’une certaine taille, taille que l’on ne peut atteindre qu’en conquérant de nouveaux marchés. Et si l’entreprise est largement présente à l’in-
A propos de Switzerland Global Enterprise ■ Switzerland Global Enterprise (S-GE) a pour mission d’accompagner les entreprises sur de nouveaux marchés. S-GE promeut sur mandat de la Confédération (Secrétariat d’Etat à l’économie Seco) et des cantons les exportations et les investissements, en aidant ses clients à exploiter de nouveaux potentiels à l’international, renforçant par là même la place économique suisse. Promotrice d’un réseau mondial d’experts et partenaire de confiance des entreprises, des cantons et du gouvernement suisse, S-GE est le service d’information suisse de référence pour toute question d’internationalisation. www.s-ge.com
■ Vous cherchez de nouvelles pistes pour adapter votre modèle d’affaires? Ne manquez pas l’événement «Exporter demain! 2017» à l’EPFL le 28 septembre prochain; des CEO de PME romandes partageront avec vous les recettes qu’ils ont employées pour transformer leurs propres modèles d’affaires. Au programme: conférences, discussions en petits comités, ateliers et réseautage. Informations et inscriptions: www.s-ge.com/exporterdemain
■ Cleantech Cube est la base de données des entreprises cleantech suisses. En vous enregistrant dans Cleantech Cube, vous recevrez des informations et des opportunités d’affaires ciblées sur les marchés que vous visez, tout en améliorant votre visibilité auprès d’entreprises étrangères en quête de fournisseurs dans les cleantech. Et vous contribuez à renforcer la renommée des cleantech suisses à l’international. https://cube.s-ge.com/companies/list
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ternational, elle est d’autant plus exposée à la concurrence mondiale, ce qui la motive encore une fois à repenser son propre modèle d’affaires.
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Ne sous-estimez pas la diversité des marchés: adaptez votre modèle d’affaires aux divers besoins.
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L’innovation dans les modèles d’affaires est l’ultime mesure d’optimisation, car elle vous permet de générer de nouvelles marges durablement et de bien vous positionner à l’international pour compenser les éventuelles fluctuations futures en termes de monnaie et de croissance dans vos marchés cibles. ■
RÉFLEXION SPÉCIAL EXPORT
Ni trop grandes ni trop petites Les PME suisses sont bien positionnées pour développer des modèles d’affaires innovants. Par Tamara Carleton, directrice et fondatrice d’Innovation Leadership Board LLC
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E SUIS VENUE EN SUISSE pour la première fois en 2003. Depuis lors, j’ai vu des changements considérables se produire dans l’écosystème de l’innovation suisse, y compris dans les PME. Les PME suisses font preuve d’un vif sens de l’innovation – affaires, clientèle, technologie et système – tout en ayant un niveau d’ingéniosité exceptionnel dans le monde. J’aime bien donner des exemples de l’innovation des entreprises suisses à des entreprises non suisses et même à mes collègues de la Silicon Valley:
l’origine un projet de recherche universitaire, est devenue une société solide avec une équipe de gestion professionnelle et une proposition de valeur unique.
Créer une nouvelle valeur L’innovation, c’est en fin de compte la création d’une nouvelle valeur pour un client. Aujourd’hui, les PME suisses sont idéalement positionnées pour fournir des innovations ingénieuses et de grande qualité à un marché mondial qui a souvent été considéré comme trop coûteux ou complexe ces dernières années. Les PME suisses présentent l’avantage de la taille et de l’ingéniosité dans l’innovation. Ni «trop grandes» ni «trop petites», elles sont en mesure de relever rapidement les quatre défis de base de l’innovation: 1- parler aux clients 2- découvrir un besoin non satisfait du client
z Voici plusieurs années, Bataillard, distributeur suisse de vins, a adopté un système d’automatisation avancée qui a transformé son modèle logistique traditionnel. L’introduction d’un système technologique avancé dans une entreprise centenaire lui a permis de devancer ses concurrents et d’apporter une valeur ajoutée à ses clients.
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z Le Suisse Reto Gurtner, fondateur et président du groupe Weisse Arena, a lancé le projet Greenstyle pour décrire et inspirer des innovations radicales, afin de rendre le tourisme à la montagne durable toute l’année à la station de Laax. Son équipe a traduit cette vision en développant une offre orientée client, qui est actuellement mise en forme pour être livrée à d’autres marchés de montagne. z Flyability, spin-off de l’EPFL et produit phare de l’écosystème d’innovation suisse, est devenue un phénomène mondial et une concurrente sérieuse sur le marché des drones industriels. C’est extraordinaire de voir la rapidité avec laquelle Flyability, à
«De par leur taille idéale, les PME sont en mesure de relever rapidement les défis de base de l’innovation.» Tamara Carleton Direcrice, Leadership Board LCC
Le drone Gimball de Flyability est conçu pour voler dans des espaces restreints.
3- définir une activité rentable que la société peut exercer pour satisfaire ce besoin 4- ajuster l’équipe autour de cette nouvelle vision de l’activité. En tant qu’entreprises établies, les PME ont une clientèle qu’elles connaissent bien. En qualité de fournisseurs de confiance, les PME suisses peuvent explorer les besoins non satisfaits en collaboration avec leurs clients. Alors que les start-up luttent généralement pour susciter l’intérêt des investisseurs ou mobiliser des ressources, les PME peuvent miser sur leur personnel et leurs ressources pour (re)construire des prototypes plus perfectionnés et les partager avec leurs clients, un partage qui à son tour aide à affiner et à tester de nouveaux modèles commerciaux prometteurs. Et contrairement aux grandes entreprises, les PME peuvent communiquer plus vite le changement à leurs équipes de direction et unités commerciales et associer autant d’acteurs différents que souhaités afin de mettre au point et de livrer de nouvelles solutions innovantes. Je suis ravie de voir un acteur comme Switzerland Global Enterprise publier des success stories sur l’ingéniosité des PME suisses. Sur la base des changements que j’ai observés au cours de la dernière décennie, je suis impatiente de voir ce que vont faire les PME suisses ces prochaines années. ■ PME MAGAZINE | SPÉCIAL EXPORT
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SPÉCIAL EXPORT RÉFLEXION
L’innovation, un avantage concurrentiel pour l’avenir
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ES GRANDES TENDANCES actuelles, comme la numérisation de l’économie, l’essor de la classe moyenne en Asie ou le vieillissement de la population, ont un impact variable sur les différents marchés cibles de nos exportateurs. Ce qui est sûr, c’est que ces changements socio-économiques représentent des défis de taille pour les PME, que leurs clients soient des particuliers ou des entreprises. Pour l’heure, les PME souffrent encore beaucoup du franc fort, leurs marges se sont réduites. Pourtant elles ont actionné tous les leviers et investi tous les moyens à disposition afin d’optimiser leurs processus et d’innover. Alors, que faire? Une issue possible consiste non plus à vendre, mais à louer ses produits, à l’exemple de la société liechtensteinoise Hilti. On peut dire que depuis quelques années, Hilti ne vend plus de perceuses, mais l’art de percer des trous! La société ne facture plus les outils proprement dits, mais l’utilisation et la maintenance des produits. Pour les clients, les coûts fixes deviennent des coûts variables et leurs besoins sont satisfaits. Cette idée de génie représente une des plus célèbres innovations en matière de modèle commercial. Une idée qui a de multiples potentialités à l’export.
Les PME ont toutes les cartes en main Pour le dire de manière simple, les modèles économiques décrivent le fonctionnement de l’entreprise, la façon dont les profits sont générés et bien sûr quel besoin client doit être satisfait. Il n’existe donc pas de modèle unique. En matière d’innovation et de modèle d’affaires, il est surtout question de créativité et d’originalité et beaucoup moins de 10
PME MAGAZINE | SPÉCIAL EXPORT
financement. Le besoin client doit être au cœur de la réflexion. Existe-t-il des solutions plus efficaces ou plus attrayantes pour faire fructifier ma valeur ajoutée sur un ou plusieurs marchés? Chaque PME, aussi petite soit-elle, peut et doit se poser cette question. Les nouvelles technologies sont de formidables moteurs, elles ne sont pas un but en soi, mais des outils.
«En matière d’innovation, il est surtout question de créativité et d’originalité.» Sylvain Jaccard Directeur romand, S-GE
Prenons l’exemple de la société Elite à Aubonne, qui fabrique de la literie traditionnelle de qualité. Son CEO actuel s’est inspiré du secteur de l’automobile, où il a longtemps travaillé, pour adapter le modèle du leasing auto aux matelas pour l’hôtellerie. Ses matelas incorporent des minicapteurs qui enregistrent l’occupation des lits à distance. Résultat: les hôtels paient l’usage des matelas en fonction de l’occupation effective des lits. Ils n’ont plus à investir, ce qui amortit l’effet négatif du franc fort, tout
en bénéficiant de literie de qualité supérieure. Grâce à ce modèle d’affaires innovant, la PME romande fait déjà recette sur le marché européen.
Chercher l’inspiration ailleurs Il existe une foule de méthodes pour démarrer un processus d’adaptation, et des listes interminables de modèles d’affaires éprouvés. Le cas d’Elite montre qu’il faut parfois aller chercher l’inspiration dans d’autres branches d’activité. Il ne s’agit pas de réinventer la roue. Si une PME coopère à l’international, elle sera amenée tôt ou tard à repenser son modèle d’affaires, car les mutations sociales et technologiques font apparaître de nouveaux concurrents, inattendus, parfois venus d’autres secteurs, comme ce fut le cas dans l’hôtellerie avec Airbnb. En même temps, les modèles commerciaux basés sur les technologies numériques permettent d’ouvrir de nouvelles perspectives et de réaliser des économies d’échelle, qui font qu’il devient très prometteur et même nécessaire de conquérir de nouveaux marchés. Mais la concurrence fait la même analyse. En optimisant pour chaque marché cible un modèle d’affaires bien pensé, les PME s’ouvrent de nouvelles opportunités et multiplient par deux leurs chances de croître à l’international. C’est la seule solution pour relâcher la pression sur leurs marges. Car un nouveau modèle économique leur permettra non seulement d’améliorer leurs marges, mais aussi d’accroître leur chiffre d’affaires à l’export. Quel que soit l’angle sous lequel on considère les choses, les modèles d’affaires innovants apportent un avantage concurrentiel pour relever les défis de demain. La Suisse et ses PME ont les meilleures cartes en main: flexibilité, capacité d’adaptation, nombreux talents. Mais pour être à la hauteur des défis, les acteurs suisses doivent être sensibilisés davantage encore aux enjeux stratégiques d’une innovation bien ciblée en matière de modèles d’affaires. Pourquoi ne pas devenir des leaders de l’innovation? ■
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Les acteurs suisses doivent être mieux sensibilisés aux enjeux stratégiques d’une innovation bien ciblée. Par Sylvain Jaccard, directeur romand S-GE.