SPÉCIAL
PHOTO: PACK EASY
La mutation numérique, qui bouleverse les canaux de distribution, apporte aussi de nouvelles opportunités pour des PME exportatrices comme Pack Easy.
SPÉCIAL EXPORT
PEUT-ON ENCORE CROÎTRE SUR LES MARCHÉS MATURES? l L’EUROPE, L’AMÉRIQUE DU NORD OU LE JAPON OFFRENT ENCORE DE BELLES OPPORTUNITÉS D’AFFAIRES POUR LES PME SUISSES l COMMENT RÉUSSIR SUR CES MARCHÉS? l LES CONSEILS DES EXPERTS DE SWITZERLAND GLOBAL ENTERPRISE ET D’ENTREPRENEURS. PME MAGAZINE | AOÛT 2019
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SPÉCIAL EXPORT
PME: DES CRÉNEAUX TOUJOURS PROMETTEURS L’Europe, l’Amérique du Nord ou le Japon offrent encore de belles possibilités d’affaires pour les PME suisses.
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Par Sylvain Jaccard, directeur de S-GE Suisse romande
’Europe, l’Amérique du les entreprises suisses peuvent s’affirmer et générer des bénéfices malNord, le Japon et d’autres gré une concurrence féroce. marchés matures forment le pilier des activités internationales de la quasi-totaÉMERGENCE lité des entreprises suisses. Le fort pouDE NOUVEAUX BESOINS voir d’achat et la proximité culturelle Si leur croissance est inférieure à celle des marchés émergents, la dede ces marchés en font le premier choix mande globale dans beaucoup de des exportateurs, qu’ils soient débumarchés établis est supérieure à la tants ou expérimentés. Or la concurmoyenne. A cela s’ajoute l’exigence rence est grande sur ces marchés, les de qualité, qui ne s’installe sur un créneaux souvent saturés et les EN MOYENNE marché qu’à un stade de développeconsommateurs exigeants. La mondialisation et la numérisation galopantes La croissance ment relativement avancé et met du des exporvent dans les voiles des exportateurs exacerbent cette situation, car elles tations suisses. La maturité s’accompagne amènent sans cesse de nouveaux suisses aux aussi d’une certaine transformation concurrents. Cela peut donner à croire Etats-Unis ces 20 démographique. Une société vieilque même les niches sont devenues dernières lissante se caractérise par une plus difficiles à trouver sur les marchés années. forte demande de produits et serdéveloppés. vices durables et de qualité qu’une A y regarder de plus près, la situasociété jeune – notamment dans tion est tout autre. Si les marchés le domaine de la santé et des soins. matures sont effectivement de plus Les innovations sont de plus en en plus saturés, ils offrent cependant plus déterminées par des facteurs des créneaux toujours prometteurs tels que le développement durable pour les exportateurs suisses. Car ou la numérisation. Le développela complexité croissante dans pratiment durable en particulier prend quement tous les domaines crée sans une importance croissante au sein cesse de nouvelles opportunités. des entreprises, tandis que l’indusComment expliquer, sinon, que maltrie 4.0 bouleverse les processus et gré la saturation avancée du marché, exige souvent de nouveaux modèles les exportations suisses aux Etatséconomiques. Il y a également de Unis aient augmenté en moyenne de nouvelles certifications qui sont deplus de 6% par an ces vingt dernières mandées par les consommateurs de années? Ce phénomène s’observe un ces pays, telle «B-Certification». peu partout. Ainsi, même en période de ralentissement conjoncturel, les marchés matures recèlent toujours des débouchés intéressants et substantiels pour les entreprises suisses. Par ailleurs, des pays comme l’Allemagne ou les Etats-Unis sont des marchés de référence, où les exigences en qualité et innovation sont élevées, et où le label «Swiss made» Sylvain Jaccard est bien établi. Ce sont des pays où Directeur, S-GE Suisse romande
PHOTOS: A. MUELLER, DR
+6%
«LA CROISSANCE DANS UN MARCHÉ MATURE N’EST PAS UNE PROMENADE DE SANTÉ.»
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Avec ces changements parfois très rapides apparaissent de nouveaux besoins dans les domaines les plus divers, qui doivent être comblés par des entreprises compétentes et agiles. Cela crée régulièrement de nouvelles opportunités d’exportation, en particulier pour les entreprises suisses pour lesquelles la qualité et la durabilité font depuis longtemps partie de leurs atouts. Il s’agit à présent de renforcer l’agilité, l’orientation client et la faculté de mettre en œuvre des modèles d’affaires créatifs. En ce qui concerne les compétences, qualifications et infrastructures, les exportateurs suisses sont bien armés pour relever ces défis. Quelques conseils.
COMMENT RÉUSSIR SON ENTRÉE ET SON EXPANSION? u MISER SUR LA QUALITÉ SUISSE Pour les exportateurs suisses, il est toujours intéressant de mettre le «swissness» en avant. Cela a valeur de promesse et continue d’être un atout majeur à l’étranger en termes de qualité, de précision et de fiabilité. Si l’on veut prospérer sur des marchés matures, il convient de s’appuyer sur les normes les plus élevées, en matière de technologies, mais aussi de fournisseurs et de service après-vente. Un exemple en est l’entreprise suisse de robotique F&P Robotics, de Glattbrugg (ZH). Celle-ci développe des robots qui assistent le personnel des maisons de retraite dans les thérapies corporelles, mais peuvent aussi servir dans l’industrie; des domaines extrêmement sensibles qui exigent précision, fiabilité et qualité. Son image de marque helvétique confère à F&P Robotics un net avantage concurrentiel sur la scène internationale.
u PENSER «NUMÉRIQUE» Les activités internationales ont massivement basculé dans le créneau du numérique ces dernières années. La numérisation joue un rôle incontournable en particulier dans les marchés matures; tout exportateur doit se pencher sérieusement sur les tendances numériques du moment. Aujourd’hui, aux EtatsUnis, 10% de toutes les ventes au détail s’effectuent déjà en ligne; les délais de livraison de quelques heures à peine sont devenus la norme. Parallèlement, les réseaux sociaux jouent un rôle de plus en plus important dans le commerce international; pour la commercialisation et le marketing des produits en particulier, ce rôle est bien plus crucial qu’en Europe. Les canaux et mutations numériques apportent de nouvelles possibilités, comme le sait bien l’entreprise suisse Pack Easy. Grâce aux dernières technologies, elle reste flexible et peut réagir rapidement et précisément aux changements du marché. Ce fabricant de bagages interagit d’ailleurs intensément avec ses clients, par le
F&P Robotics développe des robots pour les maisons de retraite. Son «swissness» lui donne un net avantage concurrentiel à l’étranger.
biais de sa boutique en ligne et des réseaux sociaux. u SOIGNER LA RELATION AVEC
SES PARTENAIRES COMMERCIAUX
Pour pouvoir servir les clients avec le soin voulu, il faut avant tout bien les connaître; cela nécessite quantité de données qu’une entreprise isolée aura du mal à obtenir. Le fait de tisser des liens avec des partenaires à tous les niveaux – fournisseurs, voire concurrents – peut permettre de constituer des bases de données précieuses. Des relations d’affaires solides sont la base de tous les succès; des échanges réguliers, professionnels comme privés, permettent d’entretenir des coopérations étroites. Certes, cela peut prendre du temps, surtout dans les marchés éloignés, comme le Japon, pays où, justement, le suivi des relations est d’une importance cruciale.
u ADAPTER SON MODÈLE D’AFFAIRES
Pour pénétrer sur un marché développé, il faut soigneusement orienter son modèle d’affaires en fonction
des besoins du client. A l’époque, il suffisait de connaître ses clients; aujourd’hui, il faut les placer au centre, adapter parfois les délais de livraison, le service, le marketing ou les prix à chaque pays. L’agilité est devenue un facteur de réussite qui doit être ancré encore plus profondément dans les entreprises. La croissance dans un marché mature n’est pas une promenade de santé et exige des efforts et des investissements. La numérisation demande de procéder à des améliorations en continu, de développer sa culture d’entreprise, ses compétences, ses processus – et ce dès le départ. Dans tous les cas, du fait de leur pouvoir d’achat élevé, les marchés matures sont incontournables pour la plupart des PME suisses: ils contribuent dans une très large mesure au succès des exportateurs suisses. Et cela ne devrait pas changer de sitôt. Switzerland Global Enterprise Chemin du Closel 3, 1020 Renens suisse-romande@s-ge.com +41 21 545 94 94 PME MAGAZINE | AOÛT 2019
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MARCHÉS MATURES: SIX CONSEILS POUR RÉUSSIR Ils constituent la clé de voûte de pratiquement tous les exportateurs suisses: les gros marchés comme l’Union européenne, l’Amérique du Nord ou encore le Japon. Comment réussir son entrée et prospérer dans ces régions? Par Alberto Silini, responsable du conseil (S-GE)
1. UN BON MODÈLE D’AFFAIRES
Pour pénétrer un marché développé, le modèle commercial doit être strictement orienté sur les avantages retirés par le client. Il faut se concentrer entièrement sur les besoins des clients locaux. Tout comme il faut, par exemple, adapter les délais de livraison, le service après-vente, le marketing ou le modèle de fixation des prix en fonction du pays.
2. LA QUALITÉ SUISSE
Le «made in Switzerland» reste encore et toujours un argument de vente à l’étranger, car il est synonyme de qualité, de précision et de fiabilité. Par conséquent, les exportateurs doivent respecter rigoureusement les normes suisses les plus strictes, depuis leurs fournisseurs jusqu’au service après-vente.
3. PENSER NUMÉRIQUE
PHOTOS: DR
De quels canaux numériques dispose-t-on sur le marché cible? Il est indispensable de se familiariser étroitement avec les tendances numériques à l’étranger. Sur les marchés matures en particulier, la numérisation joue un rôle central, notamment pour la vente de produits et services. En Corée du Sud, par exemple, le télé-achat à domicile est un important canal de vente. Dans d’autres pays, comme les EtatsUnis, le Canada ou le Royaume-Uni, les achats en ligne sont presque devenus la norme, et il n’est pas rare que les produits soient livrés en quelques heures à peine. Par ailleurs, les réseaux sociaux jouent un rôle beaucoup plus important qu’en Suisse dans la commercialisation des produits.
4. DÉVELOPPER LA RELATION
AVEC LE PARTENAIRE COMMERCIAL
Nouer une bonne relation avec un partenaire approprié est crucial pour réussir 58
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Quels sont les canaux de distribution sur le marché visé? En Corée du Sud, par exemple, le télé-achat à domicile (ici: Lotte Home Shopping) est un important canal de vente.
sur le marché cible. En raison notamment des différences culturelles, des malentendus peuvent survenir, ce qui risque de nuire aux ventes. De bonnes relations d’affaires sont donc la condition sine qua non de toute réussite et doivent se fonder sur des échanges réguliers, professionnels ou privés.
5. ENVISAGER UNE IMPLANTATION SUR PLACE
Plus une PME gagne de clients sur un marché à l’étranger, plus elle aura d’efforts à fournir. Il convient alors de se demander si les affaires peuvent toujours être traitées depuis la Suisse ou s’il faut ouvrir une succursale dans le pays, à partir de laquelle on pourra piloter ses activités au plus près des besoins des clients.
6. DÉVELOPPER
LE MODÈLE D’AFFAIRES
Une fois qu’on a réussi à séduire des clients, il faut les fidéliser sur le long terme. Un moyen d’y parvenir est de revoir les modèles et stratégies de prix. Réussir son entrée puis son expansion sur les marchés matures nécessite de gros investissements, en temps et en argent, car les modèles économiques doivent être particulièrement convaincants et réactifs face aux besoins d’une clientèle exigeante. La numérisation requiert des ajustements permanents. Malgré tout, les marchés matures sont incontournables pour beaucoup de PME suisses en raison de leur fort pouvoir d’achat et, souvent, de leur proximité culturelle. Ils contribuent de manière décisive à la prospérité des PME suisses.
SPÉCIAL EXPORT
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Olivier (à g.) et Patrick Haegeli, les dirigeants du fabricant de machines-outils de précision Willemin-Macodel.
algré des exigences élevées, les Etats-Unis restent l’un des principaux marchés d’exportation de WilleminMacodel, fabricant jurassien de machines-outils de précision. Son codirecteur Olivier Haegeli nous parle des défis et des opportunités du marché américain.
Comment les exportateurs suisses peuvent-ils se préparer pour ces défis? Tout d’abord, il faut être conscient qu’aux Etats-Unis, personne ne vous attendra. Et même si vous avez réussi à convaincre un client de la qualité de
PHOTOS: S. LIPHARDT, DR
À PROPOS D’OLIVIER HAEGELI Olivier Haegeli codirige depuis 2003 la PME Willemin-Macodel, basée à Delémont. Retrouvez-le le 23 septembre prochain à Lausanne pour «Exporter demain!», le grand rendez-vous annuel des exportateurs de Suisse romande, où il interviendra comme conférencier. L’édition de cette année est consacrée à «La croissance dans les marchés matures».
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Les différentes régions du monde passées à la loupe par les experts de Switzerland Global Enterprise. BENEDIKT SCHWARTZ CONSEILLER AMÉRIQUES ET EUROPE
PME Olivier Haegeli, quel rôle le marché américain joue-t-il dans les activités internationales de Willemin-Macodel? Olivier Haegeli Un rôle central. Cela fait plus de vingt ans que nous sommes présents sur le marché américain, principalement dans les technologies médicales et orthopédiques, mais également dans l’aérospatiale. Au fil des années, nous avons pu nous constituer une clientèle fidèle, toujours plus vaste et variée. Aujourd’hui, les Etats-Unis représentent une part importante du chiffre d’affaires total du groupe. Quels sont les défis propres au marché américain? Pour faire des affaires aux Etats-Unis, le dynamisme, la rapidité et l’efficience jouent un rôle encore plus crucial que dans beaucoup de pays européens. Les partenaires commerciaux, comme les clients, détestent perdre du temps; le proverbe «time is money» est omniprésent. A cela s’ajoute la féroce concurrence internationale qui touche tous les secteurs.
MARCHÉS MATURES: PROSPÉRER DURABLEMENT
«TIRER PARTI DES EX IGENCES DU MARCHÉ AMÉRIC AIN» Entretien avec Olivier Haegeli, codirecteur du fabricant jurassien de machines-outils de précision Willemin-Macodel. Par Flavio Reinarz, Switzerland Global Enterprise (S-GE) votre produit ou service, cela ne veut pas dire que ce client vous restera fidèle. Il faut toujours s’efforcer de se maintenir au niveau élevé exigé par le marché, et démontrer aux clients que l’on est meilleur que les autres. Sans cela, vous avez peu de chances de survivre sur le marché américain. Bref, un combat de tous les instants… Dans une certaine mesure, c’est effectivement le cas. Mais je vois ça comme quelque chose de positif: grâce aux exigences élevées du marché américain,
toute notre organisation a appris à travailler de manière plus efficace, plus dynamique. Et cela nous profite aujourd’hui, partout où nous sommes présents. Par rapport à la plupart des pays européens, les marchés de niche peuvent être énormes aux Etats-Unis. Cela veutil dire qu’il est plus facile de croître aux Etats-Unis qu’ailleurs? Cela dépend du point de vue. Si l’on considère purement le potentiel d’expansion, alors c’est sans doute vrai. Notre
filiale aux Etats-Unis est essentiellement active dans des niches très précises, et elle a connu une belle croissance de ses ventes dès ses premières années. Maintenant que nous avons atteint une certaine taille, la croissance est nécessairement un peu plus lente. Mais grâce au dynamisme du marché américain, de nouvelles opportunités d’affaires apparaissent régulièrement. Sur le plan juridique et réglementaire, toutefois, les Etats-Unis ne sont pas un marché facile, surtout pour les PME, car il existe de nombreuses règles différentes, et de nombreux obstacles administratifs. En particulier, l’implantation d’une société est beaucoup plus compliquée que dans des pays européens comme l’Allemagne ou la France.
u EUROPE Les pays européens, en particulier l’Allemagne, restent les principaux marchés d’exportation des entreprises suisses. Cela s’explique principalement par les relations économiques bien développées entre la Suisse et ces pays, ainsi que par la proximité géographique et culturelle. Néanmoins, malgré ces liens économiques et culturels forts, le succès à l’exportation et la croissance économique à long terme ne sont nullement garantis: la concurrence dans les pays européens est généralement forte, les marchés sont saturés, et les consommateurs très exigeants et sensibles aux prix. Il faut pouvoir proposer des produits novateurs qui répondent aux grandes tendances, comme la numérisation et le développement durable. Les exportateurs suisses ont tout intérêt à miser systématiquement sur les normes de qualité suisses, dans la production comme dans le marketing de leurs produits et technologies. Le label suisse s’est imposé dans toute l’Europe comme un gage de qualité. C’est en répondant à ces exigences, et en y associant une stratégie prix judicieuse, que l’on a toutes ses chances sur le marché européen. u AMÉRIQUE DU NORD Les Etats-Unis et le Canada sont des marchés très développés, qui se caractérisent par une forte concurrence et une clientèle exigeante; or, le potentiel de ces deux pays pour les exportateurs suisses est à la mesure de leur taille et de leur importance. Il est préférable de se concentrer, au début, sur des régions précises puis de bâtir son expansion à partir de ces régions. La réglementation et les cadres juridiques diffèrent souvent de ce que l’on connaît en Europe et, la plupart du temps, ils ne sont pas les mêmes aux EtatsUnis et au Canada. Il est donc recommandé d’effectuer une analyse approfondie du marché et des segments de clientèle. Quelle que soit leur orientation, les entreprises suisses doivent penser numérique et adapter leurs modèles commerciaux aux besoins des clients nordaméricains. Le commerce en ligne, par
exemple, est devenu un important canal de distribution, que ce soit entre vendeurs et consommateurs ou dans le domaine B2B.
ALAIN GRAF CONSEILLER ASIE ET OCÉANIE
u JAPON Le Japon est un marché très avancé, où la demande d’applications technologiques est considérable. Du fait de leur expertise, les fournisseurs suisses sont très appréciés, notamment dans l’informatique, les sciences de la vie ou la médecine, domaine dans lequel le vieillissement de la population est un filon porteur. Pour réussir sur ce marché exigeant, il faut s’imposer face aux concurrents locaux, se positionner avec des produits performants et y ajouter des prestations, comme un service après-vente disponible 24 heures sur 24 – indispensable pour séduire le marché japonais. Par ailleurs, il est nécessaire d’avoir sur place un partenaire de confiance maîtrisant parfaitement la culture et la langue japonaises, afin de pouvoir soigner ses relations avec les partenaires et les clients locaux. u AUSTRALIE ET
NOUVELLE-ZÉLANDE Australie et Nouvelle-Zélande: deux marchés des antipodes qui donnent du fil à retordre aux entreprises suisses, notamment à cause de la distance et du décalage horaire. Les longs transports et la préservation des marchandises peuvent en effet entraîner des coûts supplémentaires. Mais cela ne devrait pas décourager les exportateurs suisses, bien au contraire. L’Australie et la Nouvelle-Zélande sont des marchés prometteurs, tous deux friands de qualité et très tributaires des importations; de plus, le «made in Switzerland» y jouit d’une très bonne réputation. En raison de la forte concurrence asiatique, les producteurs suisses ont toutefois besoin d’une focalisation claire, de promesses de valeur et de performance (USP). Car même si l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont considérées comme des pays à coûts élevés, les prix sont soigneusement scrutés. Pour s’y implanter, il est donc judicieux de collaborer avec un partenaire local, en particulier dans la phase initiale. PME MAGAZINE | AOÛT 2019
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«DES PAYS QUI DEMANDENT DES IDÉES DISRUPTIVES» Pour André Kudelski, CEO du groupe du même nom, il est essentiel qu’une PME vérifie sur place quelle est la valeur ajoutée de son produit vis-à-vis de la concurrence. Par Valérie Leyvraz (S-GE)
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omment s’y prendre pour prospérer sur les marché matures? Selon André Kudelski, président et CEO du Groupe Kudelski, il faut être rapide pour devancer la concurrence et apporter des technologies innovantes ainsi qu’une vraie valeur ajoutée.
gies et des innovations par rapport à l’Europe, où l’on respecte le principe de précaution, c’est-à-dire qu’on réglemente d’abord et on innove ensuite. Aux Etats-Unis, on innove d’abord et, s’il y a des abus, on réglemente. Et cela permet de tester de nouveaux concepts beaucoup plus rapidement que partout ailleurs.
PME André Kudelski, comment faites-vous pour maintenir votre croissance sur les marchés matures? André Kudelski Tout d’abord, il est important de dire que les marchés avancés offrent autant d’opportunités de croissance que les marchés émergents. C’est la façon de les aborder qui est très différente. Sur les marchés émergents, on proposera des technologies optimisées au niveau des coûts, des éléments déjà bien «rodés» et on essaiera de profiter de la croissance structurelle. Dans les pays avancés, le concept est très différent: on doit offrir soit des technologies disruptives, soit des idées disruptives qui permettent de remplir de nouvelles missions qui n’avaient pas encore été faites jusqu’alors. Ce qui nous intéresse en tant que société, c’est de nous positionner dans des économies avancées qui ont des besoins nouveaux et de proposer des produits inédits.
Quelles différences observez-vous entre les marchés matures et les marchés émergents? Une des principales différences tient au fait que les marchés avancés sont beaucoup plus réceptifs aux nouveautés, tout en étant d’accord de «mettre le prix». Les marchés émergents veulent parfois des nouveautés, mais le prix est absolument déterminant. En Inde, en Chine ou en Asie du Sud-Est, vous devez faire extraordinairement attention à vos structures de coûts avant d’exploiter un filon. C’est encore un peu plus difficile pour les entreprises suisses, sauf dans certains domaines comme le luxe ou certains secteurs de niche.
Le CEO du Groupe Kudelski différencie sa stratégie selon la maturité des marchés.
Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontés sur ces marchés avancés?
Le principal défi, c’est la rapidité: comme il s’agit de nouvelles technologies, il faut arriver rapidement sur le marché. Et il y a un autre défi: atteindre une masse critique. Pour l’atteindre, il faut pouvoir accéder à un marché qui soit relativement grand et qui ait peu de barrières internes. Et là, les Etats-Unis sont un marché extrêmement intéressant parce que c’est probablement, avec la Chine, le seul grand marché unique. Pourquoi les marchés matures, comme les Etats-Unis, sont-ils importants pour votre entreprise? Les Etats-Unis ont une approche très différente des nouvelles technolo-
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À PROPOS D’ANDRÉ KUDELSKI André Kudelski est président du conseil d’administration et CEO du Groupe Kudelski, leader mondial en sécurité numérique coté à la bourse suisse. Il est également président du conseil d’administration d’Innosuisse et vice-président du conseil d’administration de la Swiss-American Chamber of Commerce. Il siège au Strategic Advisory Board de l’EPFL, ainsi qu’au conseil de surveillance de Publicis Groupe et a précédemment été premier vice-président du conseil d’administration de l’Aéroport international de Genève, ainsi qu’administrateur de Nestlé, HSBC Private Banking Holdings (Suisse), Edipresse et Dassault Systèmes. 62 PME MAGAZINE | AOÛT 2019
Quels conseils donneriez-vous aux PME suisses qui voudraient se développer sur les marchés matures? Il faut impérativement aller sur place pour se rendre compte des réalités. Le second élément consiste à savoir si, en tant qu’entreprise, vous avez une valeur ajoutée intrinsèque ou si cette valeur est liée à des réglementations particulières. En Europe ou en Suisse, il y a des opportunités liées à des réglementations qui font que vous êtes obligés de disposer d’une solution particulière pour résoudre un problème. Des marchés comme les Etats-Unis ou l’Australie peuvent avoir des règles différentes; il est donc très important de comprendre la valeur ajoutée que l’on peut apporter en tant que PME.