Scilo n°99

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Été de rencontres, saison de récoltes

La mobilisation par le biais de l'alimentation avec Rencontre des Continents

une autre façon de lire le monde Bureau de dépôt : 1050 Bruxelles, 5 Agrément : P006706 n°99
témoignages Récits de nos volontaires parti·es en Europe et de leurs nouvelles pistes d’engagement
août
partenaires du sci La Cité S’invente, un écolieu liégeois qui accueille nos volontaires pour un projet de volontariat en
invité
Éditeur responsable : Pascal DutermeSiège : Rue van Elewyck, 351050 Bruxellesn°BCE : (0)410 661 673RPM : Tribunal du commerce de Bruxelles / Illustration © Clémentine Lenelle É té 2023

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Compte Triodos : BE09 5230 8029 4857

Communication : cotisation annuelle

Ont participé à ce numéro : Camille Berger, Sarah Planche, Pieter Cools, Maria Afroditi Deilogkou, Mélisande Pepermans, Bertrand Tréfois, Alexia Malaise

L'écriture inclusive au SCI

L’idée que le masculin représenterait l’universel est une des formes de la domination patriarcale dans la langue française. Le SCI encourageant et luttant pour l’égalité de genre, et le SCIlophone se voulant être un espace d’expérimentation de la langue, les rédacteur·ices et le comité de rédaction prônent les règles d’écriture inclusive et les appliquent au sein de chaque numéro. Cette écriture inclusive se traduit par l’utilisation de termes épicènes (équipe pédagogique au lieu de professeurs), des points médians (certain·es), des contractions (iel, iels), des doublets (ils et elles, résidentes et résidents) et par l’application de la règle de proximité selon laquelle l’accord de l’adjectif ou du participe passé se fait avec le nom le plus proche (mes doutes et mes joies sont ancrées).

Coordination de publication : Joëlle Mignon / Mise en page : Pauline Averty / Comité de rédaction : Joëlle Mignon, Isabel Lethé, Sabina Jaworek, Sergio Raimundo, Clémentine Tasiaux, Emmanuel Toussaint / Illustration originale : Clémentine Lenelle / Photos sans © : SCI – Projets Internationaux

Service Civil International (branche belge)

SCI – Projets Internationaux asbl / Bruxelles

Rue Van Elewyck, 35 · 1050 Bruxelles

T 02 / 649.07.38

SCI – Projets Internationaux asbl / Liège

Rue des Steppes 20 · 4000 Liège

Le SCI – Projets internationaux asbl est reconnu comme :

• ONG d’éducation au développement par la Direction générale de la coopération au développement (DGD)

• Organisation de Jeunesse par la Fédération Wallonie-Bruxelles

WWW.SCIBELGIUM.BE

Le temps des fruits

Il y a des saisons qui suscitent l’action. La saison du printemps se prête au changement. C’est le temps des graines et des fleurs. De la plantation de ce qui nourrit la biodiversité et rééquilibre nos lieux de vie, que ce soit en ville ou en dehors. Le printemps se prête à la guérilla jardinière, à une résistance verte. La « green resistance », comme on l’appelle, a été la thématique phare du cycle des Collectifs du SCI pendant l’année écoulée.

Ce cycle, au sein duquel les volontaires ont pu aborder différentes thématiques autour de la résistance verte et inclusive, a nourri la journée d’action du 27 mai dernier, où nous avons pris le parti de « réensauvager la ville » : lancer des bombes à graines, planter et laisser des plantes à disposition des passant·es, parsemer le quartier de messages fleuris… il était temps pour nous de nous réapproprier l’espace public en le partageant mieux avec la nature, à laquelle on doit tant.

Mais sommes-nous vraiment prêt·es à redonner sa place au sauvage dans nos quotidiens ? Et si non, comment faire pour l’accepter et l’accueillir même lorsque cela nous prive de ce à quoi nous sommes habitué·es ? Pouvons-nous nous préparer à cohabiter avec plus d’insectes et de nouvelles espèces animales, plus de verdures, de racines, de pollen et de graines qui s’envolent ? Dans tous les cas, c’est laisser fleurir les bourgeons que de profiter du printemps pour se questionner.

Et maintenant, nous sommes en été, lui aussi saison foisonnante d’activité. C’est le temps des premières récoltes, des fruits et des légumes qui respirent le soleil, des travaux au jardin qui se clôturent par des moments d’échanges autour d’un verre. C’est le temps du dehors. Au SCI, l’été est brulant de projets de volontariat. Des projets en tout genre, sur diverses thématiques :

aller au Togo pour soutenir un festival mettant la culture au premier plan, s’investir dans un jardin écologique en Thaïlande, coordonner un projet d’animation pour enfants en Belgique… On récolte les fruits nés des graines semées au printemps : on part, on s’immerge, on se rencontre.

Et le SCI est là pour ça, à chaque saison. Que ce soit sur les projets en Belgique ou en Afrique, en Asie ou dans la zone Midi, lors des formations et des animations, au sein des espaces de mobilisation, c’est toute l’année le temps de la rencontre et du travail collectif, des échanges et de la co-construction. Le temps de voir mûrir les rencontres interculturelles et de promouvoir le SCI à travers les saisons : représenter les valeurs du mouvement, célébrer l’implication des volontaires année après année… Et c’est d’ailleurs pour cela, entre autres évènements, que l’on se retrouve du 29 septembre au 1er octobre pour notre traditionnel week-end de rentrée. Soyez les bienvenu·es !

ÉTÉ 2023 3 ÉDITO
Camille

ÉDITO

Le temps des fruits page 3

TÉMOIGNAGES

Portugal

Écologie et camaraderie : une expérience de découvertes et de réflexions - page 5

Autriche

Le pouvoir derrière les bonnes intentions page 10

PARTENAIRES DU SCI

Focus sur La Cité S’invente

Un éco-lieu liégeois porteur de sens - page 14

REMERCIEMENTS

À bientôt Isa page 22

La Maison de la Laïcité de La Louvière

Un carrefour d’initiatives page 16

Tchéquie

Entre les arbres et les habitant·es de Merboltice, deux semaines pour apprendre à se dépasserpage 7

L'INVITÉ

Rencontre des Continents

L’alimentation et l’éducation permanente au cœur des luttes - page 18

SCILOTHÈQUE

SCIlothèque page 23

4 LE SCILOPHONE N°99 SOMMAIRE

Écologie et camaraderie : une expérience de découvertes et de réflexions

Je m’appelle Sarah. L’année dernière, j’ai été accueillie par les associations BioLiving et Verde à Valongo, près de Porto, au Portugal, pour un projet de volontariat. Deux semaines pour tenter de contrôler les espèces invasives, qu’est-ce que ça donne ?

Greener Park - Greener Future : un nom ambitieux

Le projet auquel j’ai participé, Greener ParkGreener Future, visait principalement à contrôler les plantes invasives au Parque das Serras do Porto, une réserve naturelle protégée. Bien sûr, nous n’allions pas changer le monde en deux semaines. Comme nous l’avons d’ailleurs remarqué à plusieurs reprises, la préservation de la nature est un travail permanent. Cette nécessité de continuité nous a parfois frustré·es : à quoi ça sert, s’il faut de toute manière recommencer dans quelques semaines ? Mais c’est là que les activités organisées par BioLiving et Verde ont pris tout leur sens : présentations par les volontaires internationaux·ales de la biodiversité dans leur pays d’origine, séminaires de sensibilisation au déclin de la faune et de la flore au Portugal, jeux et animations éducatives… Sans oublier toutes les activités qui ont permis de tisser des liens solides entre tous·tes les volontaires !

Intensité et amitiés : deux semaines marquantes

Il faut bien admettre que le programme était chargé. Réveil en musique à 7h, départ à 8h30 tapantes pour une journée de travail dans la réserve, activité culturelle ou sportive en fin de journée, repas, séminaire ou activité ludique… Le programme n’était pas de tout repos ! Mais ces deux semaines condensées ont forgé de belles amitiés, que ce soit autour d’un arbre invasif difficile à déraciner, d’une balade à cheval ou de quelques verres. Parce que pour moi, les projets de volontariat, c’est ça : se réunir autour d’une cause qu’on trouve juste, partager à la fois des efforts et des moments conviviaux, acquérir un tas de savoirs et de savoir-faire et nouer des amitiés précieuses.

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PORTUGAL
TÉMOIGNAGES
©BioLiving

Vent de panique à Valongo

Lorsque nous sommes arrivé·es dans la réserve, les coordinateur·ices du projet nous ont tout expliqué : quels outils utiliser, comment s’en servir, quelles plantes contrôler, quelles autres tâches réaliser… Pourtant, à ce moment-là, c’était la panique à bord : « mais qu’est-ce que je fais ici ? Je ne vais jamais y arriver, je ne vais jamais tout retenir ! » C’était sans compter sur la bienveillance des volontaires. L’entraide a sans conteste été le mot d’ordre. Qui plus est, un projet de volontariat, c’est apprendre beaucoup de choses sur le monde, mais aussi sur soi-même. Ma leçon à moi a été de me rendre compte que si tout le monde apporte quelque chose au groupe, peut-être que, finalement, moi aussi.

Le patriarcat s’invite

J’ai pu redécouvrir un lien précieux avec la nature mais aussi, malheureusement, avec des comportements patriarcaux. Nous avons quelquefois remarqué que certains garçons se positionnaient comme des « sauveurs » en portant les outils les plus lourds ou en proposant leur aide plus que nécessaire. Je me suis parfois retrouvée à vouloir leur prouver que, moi aussi, j’étais capable de faire ce travail physique. Ces situations ont mené à de longues discussions et réflexions entre les volontaires. Mes deux conclusions, que je tente désormais d’appliquer, sont d’avoir confiance en mes capacités (je sais réaliser des travaux physiques) et de ne plus chercher à le prouver (la perception des autres reflète en fait leur manière de penser, pas qui je suis). Une thématique éloignée de celle du projet, mais qui résonne pourtant toujours dans ma vie aujourd’hui.

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TÉMOIGNAGES
©BioLiving

TCHÉQUIE

Entre les arbres et les habitant·es de Merboltice, deux semaines pour apprendre à se dépasser

L'été dernier, j'avais besoin d'une aventure. J'avais terminé mes études et j'allais bientôt commencer mon premier emploi. J'ai choisi d'aller aider à rénover une vieille ferme à Merboltice, une petite ville en Tchéquie. Cette expérience a laissé une grande empreinte dans ma vie et m'a appris quelques leçons que je n'oublierai jamais.

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©Pieter Cools

Je ne suis pas une personne impulsive. Au contraire, je suis très prudent et prévoyant. Pourtant, lorsque je suis arrivé à destination pour mon tout premier projet de volontariat, j'ai été frappé par le doute. Qu'est-ce qui m’a pris ? Je venais de terminer mes examens, j'avais passé quelques heures à planifier, fait mes valises, voyagé en train pendant 14 heures... Et puis je me suis retrouvé dans une vieille ferme rénovée, entouré de papillons de nuit et de la lumière orange de lampes poussiéreuses. Soudain, j'ai perdu confiance en moi, j'ai même eu peur. J'étais au milieu de l'inconnu. Ma tête explosait sous l'effet de toutes ces nouvelles impressions. Mais les êtres humains sont très flexibles. Mes co-volontaires m'avaient convaincu de passer la première nuit à ciel ouvert, pour compter les étoiles. Et lorsque le soleil m'a réveillé le lendemain matin, mon anxiété a fait place à l'acceptation. Mon aventure allait commencer.

La construction de Spolek Hvozd

La petite ferme de Merboltice est bien plus qu'une ferme. C'est la maison de ses hôtes Lukáš et Eva et de leurs deux adorables enfants. C'est un lieu de rencontre pour tous·tes celles et ceux qui veulent en savoir plus sur la permaculture, la nature, un mode de vie durable, les sujets politiques, l'artisanat et la musique. La ferme comprend un jardin comestible où les propriétaires prévoient de récolter suffisamment de noix et de baies pour que toute la ville puisse en profiter. Et ce n'est pas fini : l'ancienne remise devant être rénovée en cuisine extérieure, nous devions construire une douche extérieure et fabriquer de nouveaux bancs, tables et chaises. Le jardin comestible ayant également besoin d'être entretenu, nous avons coupé l'herbe avec des faux, élagué les arbres, coupé le bois mort et nettoyé les piscines. Nous étions début juillet, c’était le moment de cueillir des baies et de préparer une délicieuse marmelade. Beaucoup de travail pour 12 bénévoles, mais rien d'impossible !

Étoiles et lucioles

Le travail était dur et fatigant et m'a confronté à mes limites physiques. Mais il m'a donné une énergie que je n'avais jamais connue auparavant. Être occupé au milieu de la nature, avec des gens que je commençais de plus en plus à apprécier, créer des choses qui avaient vraiment un but... Après chaque journée de travail, nous mangions ensemble et décidions comment nous allions passer la soirée. Nous avons escaladé une montagne et regardé le coucher de soleil, marché dans la forêt pour attraper des lucioles, parcouru 4 km jusqu'au bar le plus proche pour danser et être finalement invité·es à un feu de camp avec des locaux·ales. Par beau temps, nous dormions à la belle étoile. Par mauvais temps, nous jouiions à des jeux jusqu'à point d’heure. Malgré tout, nous avions beaucoup de temps pour réfléchir, pour parler, pour être seul·es. Nous avions du temps pour apprendre, pour découvrir et même pour enseigner. À la fin du projet, nous avons terminé la majeure partie du travail et nous avons aussi rempli nos têtes de nouvelles idées, nos cœurs de nouveaux et nouvelles ami·es et notre esprit d'une énergie renouvelée.

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TÉMOIGNAGES
©Pieter Cools

Leçons pour une vie pleine de sens

Ensemble, c’est mieux ! Je vous ai déjà parlé du choc culturel que j'ai subi à mon arrivée en Tchéquie, mais le choc à mon retour à la maison a été encore pire. La vie en Flandre est beaucoup moins détendue et plus individualiste que dans mes souvenirs. C'est comme si chacun·e vivait sur sa petite île et ne se souciait plus des autres. Merboltice m'a appris tout le contraire : il est important de s'occuper des gens qui nous entourent. En investissant dans votre communauté, vous la rendrez plus agréable à vivre, et vous en retirerez beaucoup ! Apprenez donc à connaître vos voisins, vos collègues et votre famille et montrez que vous êtes intéressé·e. C'est parfois difficile et bizarre dans le monde d'aujourd'hui, mais cela porte ses fruits.

La gentillesse a un impact ! C'est elle qui nous a fait grandir en tant qu'espèce et qui nous a amené·es là où nous sommes aujourd'hui. Nous sommes toustes confronté·es à des difficultés et, parfois, un petit coup de pouce supplémentaire peut faire la différence pour atteindre nos objectifs. Alors, faites le premier pas et faites preuve de gentillesse. Proposez votre aide ! Rendez visite à une tante isolée et rendez sa journée plus intéressante. Prenez le temps d'aider une association caritative locale. Soutenez les associations culturelles de votre ville. Ce n'est pas difficile, ce n'est pas cher et cela finira par rendre votre vie beaucoup plus riche. Dans la ville tchèque où j'ai séjourné, c'était tout simplement un mode de vie : le partage, l'échange de travail et l'aide sont ce qui maintient la ville en vie.

Réparer et reconstruire

En Flandre, je constate à quel point notre impact sur la nature est important. La biodiversité diminue, nous sommes à l'origine du changement climatique, la pollution est omniprésente... Nous ne sommes pas individuellement responsables de ces problèmes, mais nous pouvons contribuer à les améliorer en évitant d'aggraver la situation. À Merboltice, les habitant·es essayent de vivre de manière durable, en tant que partie intégrante de l'écosystème. Des jardins biodiversifiés sans clôtures, sans herbicides, une agriculture respectueuse de l'environnement... Le simple fait de se rappeler que nous faisons partie de la nature est déjà un grand pas en avant. Ici, en Belgique, il y a beaucoup de travail à faire. Nous pouvons commencer dès maintenant en faisant de nos jardins des paradis naturels et en proposant des solutions vertes au travail. Se rendre à Merboltice pour travailler et vivre dans une communauté pendant un certain temps n'a pas seulement été très amusant, cela m'a permis de voir la vie d'une manière complètement différente. Je suis reconnaissant des chances que j'ai eues, des personnes que j'ai rencontrées, des choses que j'ai apprises et j'emporterai ces leçons avec moi pour le reste de ma vie.

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Pieter Cools Volontaire au SCI ©Pieter Cools

Le pouvoir derrière les bonnes intentions

Dans un monde en constante évolution, où les héritages historiques persistent et les inégalités de pouvoir perdurent au « Nord » et au « Sud » du monde, il est essentiel que les individus remettent en question les structures qui perpétuent les oppressions, mais aussi leurs propres comportements envers les autres. En 2022, le SCI Autriche proposait deux formations sur le néocolonialisme et le « pouvoir des bonnes intentions » des organisations de volontariat international. Cet article reflète les points forts de ces formations, pour inspirer une action transformatrice venant de nous volontaires, mais aussi de nos organisations.

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©Maria Afroditi Deilogkou

Au-delà du néocolonialisme

La formation à Vienne m’a marquée par sa forme hybride, puisqu’elle combinait des sessions pour les participant·es qui étaient sur place et des sessions où des participant·es de pays noneuropéens pouvaient nous rejoindre et participer. Ce format a favorisé une dynamique enrichissante entre les participant·es de différents horizons et nous a permis d’inclure le regard des personnes les plus impactées par le néocolonialisme aux campagnes de sensibilisation sur lesquelles nous avons travaillé.

Au niveau du contenu, la formation a permis une analyse critique du néocolonialisme dans le contexte contemporain. Les participant·es ont pu prendre conscience de la manière dont les systèmes économiques, culturels et politiques perpétuent et reproduisent des structures oppressives. Nous avons parlé de phénomènes tels que l’appropriation culturelle, la fast-fashion et sa contribution à l’exploitation des populations et des ressources des pays du « Sud », mais aussi du néocolonialisme dans la culture occidentale et de la terminologie utilisée par les systèmes éducatifs des pays européens. Pendant la session d’espace ouvert, j’ai pris l’initiative de présenter des outils du SCI Belgique que nous utilisons avec le groupe Alter’anim1 pendant nos Formations Développement et Interculturalité (FDI), comme le Sudestan2 et les cartes-phrases sur les différentes approches du développement.

Etant donné que l’objectif de la formation était la production de campagnes anti-néocolonialisme, nous avons été introduit·es aux principes et aux stratégies de campagnes efficaces. Nous avons ainsi acquis les outils nécessaires pour remettre en question et déstabiliser les pratiques néocoloniales, en mobilisant le pouvoir de l'activisme. Nous avons pu approfondir notre compréhension des éléments essentiels d'une campagne réussie, allant de l'établissement

d'objectifs clairs à l'organisation des ressources et à la mobilisation du soutien nécessaire. L'importance de la conception et de la visibilité dans les campagnes a été mise en avant.

Pour ajouter du concret, les participant·es ont été invité·es à former des sous-groupes afin de travailler sur des cas spécifiques de néocolonialisme. Ces sous-groupes ont favorisé l'apprentissage collaboratif et nous ont permis d'identifier des voies de changement en nous concentrant sur des campagnes spécifiques. J’ai choisi de faire partie d’un groupe avec deux participantes ayant des origines équatoriennes, pour créer une campagne d’information sous forme de lettre sur l'exploitation massive des mines en Equateur et le profit qu’en font les grandes industries occidentales. Je me souviendrai toujours de la motivation avec laquelle j'ai cherché à en savoir plus sur le sujet afin de pouvoir fournir des informations précises pour notre campagne. Nous avons réussi à établir un contact avec un groupe d'activistes locaux·ales et nous nous sommes promis de traduire et d'envoyer la lettre aux acteur·ices locaux·ales de nos communautés, afin d'attirer l'attention sur le sujet et de faire pression sur le gouvernement pour qu'il revienne sur ses projets.

Cette formation à Vienne était un espace d'apprentissage et de collaboration important pour permettre à des jeunes actif·ves de lutter contre le néocolonialisme et œuvrer à des changements significatifs. Nous avons acquis des connaissances, des compétences et des perspectives essentielles pour notre engagement futur dans la défense des droits et la promotion de la justice sociale.

1 Groupe d’animateur·ices volontaires du SCI (à Bruxelles, à Liège et à La Louvière).

2 Outil pédagogique du SCI, qui met les participant·es en situation pour leur permettre de comprendre et questionner les mécanismes à l’origine du fossé entre les pays du Nord et du Sud globaux.

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Le pouvoir derrière les bonnes intentions

Lors de la seconde formation à Innsbruck, la lumière a été mise sur le décolonisation du volontariat international et la possibilité qu’ont les organisations qui envoient des volontaires à vraiment promouvoir des dynamiques plus équitables entre les volontaires qui partent et les populations locales. Nous avons commencé par un examen approfondi de l'histoire coloniale et de ses liens avec la société contemporaine, via le partage d’articles et d’images sur les murs. Nous avons pris conscience de l'impact durable de l'histoire coloniale et de l'interconnexion entre le passé et le présent, souvent par le biais de la notion de développement. Un des aspects que nous avons abordé est le lien entre l'histoire coloniale et le volontariat, ce dernier étant le produit d’une vision occidentale du développement qui a laissé des traces dans les projets actuels.

Nous avons abordé ce sujet difficile via l’histoire de Pierre Ceresole3, le fondateur du SCI, et des narratifs de l’époque où il a organisé les premiers chantiers internationaux en Inde après un tremblement de terre assez catastrophique. E. Marcussen raconte ce chapitre de l’histoire du SCI dans le livre Words About Deeds4 et celui-ci a été choisi par les formateur·ices pour nous faire comprendre les dynamiques que Ceresole a pu rencontrer quand les volontaires et lui-même sont entré·es en contact avec la population locale.

3 Pierre Ceresole (1879-1945) était un ingénieur suisse, pacifiste et objecteur de conscience. Il est le fondateur du Service Civil International, qu’il a fondé en 1920 afin de proposer un service volontaire comme alternative au service militaire.

4 Marcussen, E. Pacifism and colonialism : Earthquake relief in Bihar (India), 1934-37, in Words about Deeds : One hundred years of international voluntary service for peace. Service Civil International 1920-2020, Antwerpen, 2019.

12 LE SCILOPHONE N°99 TÉMOIGNAGES
©Maria Afroditi Deilogkou

Nous avons aussi analysé de manière critique les pièges potentiels et les conséquences involontaires du colonialisme dans le contexte du volontariat international aujourd’hui. Nous en avons conclu que la compréhension des motivations des volontaires et les outils pour les adapter sont des points cruciaux pour nos organisations. Nous avons utilisé un « arbre à problèmes » pour arriver à ces conclusions et nous avons créé l’arbre de post-its le plus complet que j’aie jamais vu, pour comprendre quels aspects sont des racines ou des conséquences du colonialisme au sein du volontariat international.

Un autre aspect clé de la formation a été la communication éthique, en particulier pour les organisations de volontariat international. L'accent a été mis sur l'importance d'une présentation du volontariat qui met en avant la découverte et la connexion entre les individus plutôt que l'idée d'aide ou le partage de connaissances pour résoudre les problèmes sur place. La préparation des volontaires a également été un point essentiel. Nous avons tous et toutes partagé des outils de préparation des volontaires utilisés dans nos associations respectives. Et nous avons aussi exploré différentes motivations possibles pour faire du volontariat, ainsi que des stratégies efficaces pour soutenir les volontaires.

Enfin, les sessions d'espaces ouverts ont été des moments durant lesquels toustes les participant·es pouvaient proposer des ateliers, partager leurs expériences et explorer de nouvelles perspectives sur des sujets émergents. Des sessions sur des thèmes tels que le genre, les chartes comme outils pédagogiques et même le théâtre des opprimés ont été proposées, enrichissant ainsi le parcours de formation. Cette formation nous a permis d'approfondir notre compréhension de l'histoire coloniale et du volontariat éthique et de développer des compétences essentielles pour un engagement responsable. Nous sommes reparti·es avec des connaissances approfondies et des perspectives nouvelles pour notre pratique future dans le domaine du volontariat international et de la justice sociale.

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Maria Afroditi Deilogkou Volontaire au SCI ©SCI Austria

La Cité S’invente, un éco-lieu liégeois porteur de sens

Un après-midi ensoleillé de mai, j’ai enfourché mon vélo direction un de nos nouveaux partenaires liégeois : la Cité s’invente. Le trajet fut si agréable, entre le chant des oiseaux et le bruissement du vent dans les hautes herbes, que j’ai cru quitter la ville l’espace d’une seconde. C’est là un des avantages qu’offrent les coteaux de la citadelle, une bulle de nature en plein centre-ville. C’est ici même que l’ASBL liégeoise a décidé de s’installer en 2006.

Cet éco-lieu a pour mission de sensibiliser aux techniques de construction, de consommation d’énergie et d’alimentation soucieuses de l’environnement, avec une attention particulière accordée aux habitant·es du quartier SaintLéonard.

Un éco-lieu qui encourage à la transition

La constitution de l’éco-lieu remonte à 2009, avec l’acquisition et la rénovation d’un bâtiment appartenant à la ville de Liège. Lors de la rénovation, ce sont des techniques de construction innovantes et respectueuses de l’environnement qui ont été utilisées, avec pour souhait d’avoir le moins d’impact possible en termes d’énergie. L’asbl offre une palette d’activités : des stages aux formations, en passant par des balades et des chantiers participatifs. Ces activités sont basées autour de quatre thématiques : la nature, l’énergie et l’habitat, l’alimentation et l’écoconstruction.

Les balades permettent la découverte de la biodiversité et l’impact que l’humain a sur cette dernière. L’objectif est de se questionner sur la manière de s’y inscrire avec le moindre impact. Lors de ma visite, une maisonnette a attisé ma curiosité et a bien illustré cela : celle-ci représente l’un des projets, la réinsertion des hérissons sur le site.

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FOCUS SUR
PARTENAIRE DU SCI
www.lacitesinvente.be
©SCI-Projets Internationaux

©SCI-Projets Internationaux

Le volontariat au cœur du projet

L’ensemble et l’essence du projet de la Cité s’invente, depuis ses débuts, s’est fait sur la formule du chantier participatif. Cette formule est le résultat d’une envie de partage de connaissances, de savoirs et savoir-faire, mais aussi et avant tout d’un partage humain. C’est la réunion d’un échange intergénérationnel et international autour d’un projet qui fait sens lorsque l’on parle de transition écologique et sociale. Comme mentionné ci-dessus, les attentes de la Cité en terme de projet de volontariat sont avant toute chose un échange humain respectueux envers les autres et la nature et l’apport de chaque personne, qu’il soit collectif ou individuel. La dynamique est différente pour chaque projet, elle se fait au cas par cas. Certaines personnes seront très autonomes, d’autres moins, certaines apporteront pleins d’idées qu’il faudra structurer mais la finalité restera toujours la même.

Du 17 au 31 août 2023, des volontaires internationaux·ales et locaux·ales se retrouveront à la Cité s’invente autour d’un projet de volontariat. Ils et elles seront amené·es à aider à l’aménagement de l’extérieur de l’éco-lieu en fonction de ses besoins, dans le but de permettre à chacun·e de trouver une tâche qui lui convient et de découvrir différentes activités. Au programme : la création d’un chemin d’accès, le terrassement et la pose de gravier de calcaire et de grès, la construction de mobilier divers, l’entretien des espaces verts, et plus encore.

Attirer et sortir cet échange de la Cité : un défi quotidien

Dans son optique de sensibilisation, le défi majeur de l’asbl est de parvenir à sortir de la Cité afin de faire fleurir chez les habitant·es des idées innovantes, expérimentales et idéales pour la biodiversité. C’est faire de la Cité s’invente un relais, soit pour transposer ces idées innovantes à la vie en ville, soit pour faire venir les habitant·es afin de faire des choses qu’ils et elles ne peuvent pas faire chez eux et elles. Notamment en proposant des ateliers sur l’écoconstruction, en discutant de comment utiliser sa chasse d’eau de manière responsable et écologique ou en réalisant des échanges de graines. C’est donner aux liégeoi·es la possibilité de penser et rêver une autre ville.

Mélisande Pepermans Permanente au SCI

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PARTENAIRE DU SCI

La Maison de la Laïcité de La Louvière : un carrefour d’initiatives

La Maison de la Laïcité de La Louvière est née, en 1986, du souhait des associations laïques louviéroises de disposer d’un lieu autonome pour se réunir et organiser leurs activités. Elle a progressivement développé ses propres projets dans une perspective profondément ancrée dans la libre pensée.

Ses axes de travail actuels sont : L’éducation à la citoyenneté, au travers d’outils le plus souvent construits par de larges partenariats associatifs : Commedia 2.0., un passionnant jeu de rôle au cœur de l’info web ou l’expo-animation ; En quête d’identité(S) qui sensibilise de manière ludique à la complexité de la construction identitaire.

Destination Sciences, un programme de vulgarisation des sciences qui permet d’aborder celles-ci de manière dynamique et accessible par le biais d’animations dans les écoles mais aussi de moments familiaux permettant de prendre conscience de l’importance des sciences dans notre environnement tout en s’amusant !

Les rencontres-débats, qui sont l’occasion de secouer les idées, d’analyser l’actualité ou de plonger dans l’histoire, de remettre en cause les tabous, d’échanger les points de vue et d’informer dans une perspective critique.

Les cérémonies laïques, qui offrent à celles et ceux qui souhaitent marquer un événement important de leur existence avec une dimension sociale et philosophique dénuée de références religieuses le moyen de le réaliser (parrainage et mariage laïques et fête laïque de la jeunesse)

T’y crois ? T’y crois pas ? Parlons-en, un projet de dialogue interconvictionnel à la découverte de l’autre, de ses convictions, doutes, rites et croyances.

16 LE SCILOPHONE N°99
PARTENAIRE DU SCI
©Maison de la Laïcité de la Louvière

D’autre part, elle met à disposition des associations qui le demandent (même si elles ne font pas partie du mouvement laïque, sous réserve de modalités à convenir) des locaux pour développer leurs projets, à condition qu’ils ne soient pas contraires aux droits humains et aient une portée culturelle et non lucrative. C’est de cette manière qu’est advenue la rencontre avec le SCI, et plus précisément son Groupe Altern’anim La Louvière (GRAAL)1. D’une « simple » demande de locaux pour organiser des réunions, se sont noués des contacts qui ont débouché sur l’organisation de certaines d’entre elles, en parallèle avec des rencontres-débats proposées par la Maison de la Laïcité et qui suscitaient l’intérêt des membres du GRAAL.

La collaboration s’approfondit actuellement avec la participation active du SCI au projet On Vote Citoyen·ne ?! qui a pour objectif de sensibiliser aux enjeux et mécanismes liés aux nombreux scrutins électoraux prévus en 2024. En effet, le SCI vient utilement compléter un programme axé sur la démocratie électorale par son animation Urbo2, permettant d’aborder la démocratie participative. Gageons que les deux associations, aux origines historiques différentes, trouveront sans aucun doute matière à poursuivre leur partenariat au bénéfice de chacune d’entre elles, mais surtout de leurs publics !

Directeur de la Maison de La Laïcité La Louvière www.laicite-lalouviere.be

1 Groupe d’animateur·ices volontaires du SCI, qui se réunit une fois par mois à La Louvière.

2 Outil pédagogique du SCI sur la transition écologique, à travers lequel les participant·es peuvent réinventer leur ville imaginaire

3 Un projet coordonné par la Maison de la Laïcité de La Louvière, en partenariat avec l’Info J du Centre Indigo, la Cellule Démocratie et Citoyenneté du Secteur Education permanente et Jeunesse de la Province de Hainaut, Soralia-régionale du Centre et de Soignies, Latitude Jeunes du Centre, Charleroi et Soignies, Régionale PAC du Centre, le CIEP-MOC-Hainaut Centre, la Compagnie Maritime, le SCI Projets Internationaux et le Réseau louviérois de Lecture publique.

On vote citoyen·ne !? 20243

L’année 2024 est une année électorale particulièrement chargée pour la Belgique avec la conjonction, en juin, des élections législatives fédérales, régionales/communautaires et européennes ainsi que des élections communales et provinciales en octobre. Pour sensibiliser aux enjeux et mécanismes liés à ces scrutins, le projet « On vote Citoyen !? » propose un parcours en plusieurs étapes :

La visite-animation de l’expo « La Fabrique de démocratie » destinée à susciter une réflexion sur la démocratie au sens large, pouvant être complétée par un ou plusieurs modules :

• L’expo-animation « Élections, mode d’emploi », qui appréhende la démocratie électorale. Elle peut se décliner en plusieurs versions (élections régionales, fédérales, européennes et/ou communales)

• L’animation « Partis politiques, mode d’emploi », qui présente les grandes orientations des différents partis politiques.

• « La démocratie participative, mode d’emploi », pour approfondir la démocratie par une plus grande place prise par les citoyen·es au travers de deux jeux de rôle : Urbo et Communa.

En dehors de ce parcours articulé pédagogiquement, une série de moments ludiques, réflexifs, littéraires, cinématographiques, scéniques sont également proposés « pour aller plus loin » sur l’un ou l’autre élément lié aux élections et à la démocratie.

ÉTÉ 2023 17
PARTENAIRE DU SCI

Rencontre des Continents, l’alimentation et l’éducation permanente au cœur des luttes

Lors d’une belle après-midi ensoleillée, j’ai pu m’entretenir avec Baptiste, responsable des « volonterres » et formateur à Rencontre des Continents, une ASBL qui éduque aux enjeux sociaux, politiques et écologiques à travers le thème de l’alimentation. Il nous parle de la mission de cette association présente à la Maison de la Paix1, mais aussi de son parcours en son sein et de l’importance de l’alimentation pour lutter contre les inégalités.

Peux-tu nous expliquer la mission de RDC ?

Bonjour Baptiste, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Baptiste, j’ai 34 ans et ça fait 2 ans que je travaille chez Rencontre des Continents, où j’étais volontaire depuis 2014-2015. J’ai été administrateur, je suis maintenant membre du Cercle Cœur 2 et je travaille comme formateur et responsable des « volonterres ».

1 Maison de plusieurs associations qui travaillent pour la non-violence, la solidarité et le respect de l'environnement, dont le SCI

2 Le Cercle Cœur est le conseil d’administration élargi de Rencontre des Continents, où se réunissent des envoyé·es de plus petits groupes de travail, appelés « cercles » (cercle Volonterre, cercle gouvernance…)

C’est une mission de sensibilisation, et même d’éducation au sens large, c’est-à-dire qu’on ne parle pas d’une éducation formelle, institutionnelle. Notre but, à partir des enjeux d’alimentation, est de toucher une série d’enjeux de société et de pouvoir éduquer et s’éduquer ensemble par le biais de l’alimentation. On fait beaucoup de formations et d’animations, toujours participatives. On fait aussi du travail de mise en réseau et d’organisation d’évènements. On participe à l’organisation de débats au Festival des Libertés, on organise des arpentages, des discussions-débats après des projections de films, souvent en partenariat avec d’autres ASBL, jamais tout seuls. On accompagne aussi des structures qui veulent former leur public ou leurs travailleur·euses et qui veulent se saisir du thème de l’alimentation ou monter un pôle d’éducation permanente chez elles.

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Nous sommes subsidié·es en éducation permanente2, donc quand je dis « éducation », on s’inspire pas mal des principes de l’éducation permanente, mais aussi de l’éducation populaire et d’autres formes d’éducation, toujours dans une optique participative, inclusive, active, vivante, qui donne place à des savoirs chauds. Toustes les participant·es ont des savoirs, des choses à dire et il faut les valoriser, pour créer un savoir collectif dans les dynamiques des groupes qu’on accompagne.

Comment as-tu découvert Rencontre des Continents ?

Je commençais une thèse de doctorat, je voulais comprendre les moteurs de l’engagement et les techniques de mobilisation qu’il y avait sur le thème de l’alimentation à Bruxelles, et puis je suis tombé sur RDC et sa philosophie d’éducation populaire. Ça m’a vraiment tapé dans l’œil parce que c’est une approche de la sensibilisation qui me parle. Souvent, la « sensibilisation » est pensée de manière descendante ou juste informative ou linéaire. Ici, c’est le contraire. L’alimentation durable n’est pas une fin en soi, mais un moyen pour révéler des enjeux, pour s’éduquer ensemble, pour être plus sensibles à des choses. C’est bien de la sensibilisation, mais d’une manière active, participative et non descendante.

Je me posais des questions : « Comment convaincre, comment procéder de manière éthique, sans écraser les autres, sans leur dire ce qu’ils et elles doivent faire ? Comment estce qu’on peut pousser les gens à se changer soi ? » Et c’est chez RDC que j’ai trouvé les réponses les plus convaincantes. Je me suis dit : « mais c’est génial ! », et je suis devenu bénévole, bénévole-chercheur, et puis petit à petit travailleur.

2 « L'éducation permanente met au centre de sa démarche le développement d’une citoyenneté active et critique. Elle concerne tous les citoyens, mais une attention particulière est consacrée au public défavorisé sur le plan socioculturel » (https://www.febisp.be/fr/secteurs/educationpermanente)

19 L'INVITÉ
©Rencontre des Continents

A plein d’égards. On sait qu’aujourd’hui on est face à une crise alimentaire : il y a entre 800 millions et 1 milliard de personnes qui sont sous-nutries et 2 milliards qui sont malnutries. Il y a vraiment un enjeu global au niveau de

la faim dans le monde et de la répartition de nos denrées, du gaspillage, et ce sont des enjeux d’’industrialisation, de mondialisation, de productivisme. On produit trop, on gâche 30% de notre alimentation et 800 millions de personnes souffrent de la faim. C’est révélateur d’un système qui gaspille, qui produit à outrance, qui exploite aussi. Il y a aussi des enjeux plus sociaux, quand on parle par exemple d’alimentation éthique et équitable, de juste rémunération des producteur·ices, de valorisation du métier de paysan·ne, mais aussi de faim en Belgique. C’est révélateur de l’inégalité de répartition des richesses. Et ça cause aussi des problèmes de santé, parce qu’on sait que les populations les plus vulnérables économiquement et culturellement sont celles qui se nourrissent le moins bien parce qu’elles n’en ont pas les moyens. Et je pourrais continuer.

Une autre manière de s’alimenter, de produire notre nourriture, de la distribuer et de la transformer peut amener à un plus grand respect du Vivant dans son ensemble et un plus grand respect des personnes qui la produisent ou qui la préparent. Ça peut réduire les inégalités d’accès à une alimentation de qualité.

Dans « durable », je ne mets pas que des enjeux écologiques. Je dirais plutôt « soutenable », d’un point de vue social et écologique. Et de manière générale, j’évite de

20 LE SCILOPHONE N°99
Tu dis que l’alimentation durable est au carrefour des luttes. En quoi est-elle révélatrice de ces luttes et des crises que nous traversons ?
Selon toi, comment l’alimentation durable peut-elle contribuer à un monde meilleur ?
L'INVITÉ
©Rencontre des Continents

parler d’alimentation durable car je trouve que c’est un peu connoté « développement durable » et que ça manque de potentiel de rupture. On est toustes d’accord qu’il nous faut une alimentation plus durable, mais il nous faut aussi une alimentation meilleure du point de vue des inégalités, de la solidarité et du respect du vivant. Ce n’est pas seulement le protéger, mais être dans une autre forme de sensibilité et de cohabitation avec tous les êtres vivants.

Comment le thème de l’alimentation permet l’engagement citoyen ?

Je ne pense pas que ça permet en soi l’engagement citoyen, c’est toujours un travail de sensibilisation et de mobilisation qu’il faut faire pour amener les gens à s’engager làdedans, quel que soit le thème. Mais c’est vrai que l’alimentation est un thème assez porteur. Pourquoi est-ce que l’alimentation est porteuse d’engagement depuis 10-15 ans ? Je n’ai pas de réponse toute faite à cette question. Mais je pense que la manière de s’alimenter touche directement à quelque chose de primaire, à notre corps, au plaisir de manger avec d’autres. C’est quelque chose qu’on fait 3 fois par jour. Et il y a un écho politique là-derrière, que les institutions mettent au-devant de la scène.

C’est aussi un secteur qui foisonne d’expérimentations, d’alternatives qui sont plus ou moins durables. Et ça, ce sont des possibilités pour s’engager. Il y a plein de projets d’agriculture urbaine, périurbaine, des formations… C’est quelque chose qui vit assez bien, ça donne des opportunités pour découvrir des alternatives et ça peut assouvir une quête de sens.

Peux-tu

?

Nous organisons deux cycles de cuisine écologique et politique, qui recommencent à la rentrée : un en dix journées et un autre en six soirées . Ce sont deux formules différentes pour approfondir, de manière plus ou moins

longue, la cuisine écologique et politique. On parle de cuisine écologique et politique parce qu’on veut mettre le pouvoir et la domination au centre. Ce n’est pas juste verdir et rendre nos pratiques plus écologique, c’est aussi changer un système alimentaire où certain·es dominent et d’autres sont dominé·es. Il y a un système agroalimentaire de plus en plus dominant, et on veut essayer de le nourrir le moins possible et de proposer d’autres systèmes.

Ces ateliers cuisine comprennent à chaque fois une partie théorique et une partie pratique. Le but, c’est de cuisiner ensemble, de manger ensemble autour de principes de cuisine qui ont été choisi·es par le formateur ou la formatrice et d’enjeux qui sont le thème de la soirée. Par exemple, une soirée sera sur l’agriculture paysanne : on va travailler des principes en cuisine pour mettre en avant les céréales ou les légumineuses et le/la formateur·trice et les bénévoles qui coaniment la soirée vont proposer un module théorique et un module pratique autour de cette thématique. On a un repère théorique qui est notre étoile des 7 critères de l’assiette écologique et politique. A chaque fois, les cycles de cuisine font le tour de cette étoile et explorent un des sept critères : bio, local, sobre, éthique/équitable, paysanne/artisanale, brute/naturelle, de saison/frais. C’est comme une boussole pour s’orienter.

ÉTÉ 2023 21
nous parler d’un évènement ou d’une formation que vous organisez bientôt
L'INVITÉ
Propos recueillis par Alexia Malaise Stagiaire au SCI

À bientôt Isa !

Notre collègue Isabel, chargé·e de com brillant d’un dynamisme de mille feux, garante inégalée dans l’équipe de la maîtrise technologique et des réseaux sociaux, dont la bonne humeur communicative vous a peut-être ébahi·es à plusieurs reprises, a fait ses valises pour une nouvelle vie loin du SCI.

Sa présence enjouée nous manquera, ainsi que son souci du détail, son sens de l’organisation, sa sensibilité, son œil attentif, son implication dans la vie d’équipe et ses intentions personnalisées.

Elle aura été une chargée de com digne des plus grand·es, et ce n’est pas de sitôt qu’on oubliera son vélo orange et son chignon haut !

On te souhaite beaucoup de joie dans tes projets futurs, entourée de nature et de vivant, avec toujours la fibre du volontariat comme étoile du berger. Ensemble et les mains dans la terre, on peut faire de grandes choses !

« Les couleurs automnales Qui sont tes préférées

Evoqueront les flammes

Que tu as allumées

Zinzibule la fauvette

Isa tu vas nous manquer

L’hirondelle gazouille

Isa tu vas nous manquer »

REMERCIEMENTS 22 LE SCILOPHONE N°99
©SCI-Projets Internationaux

Le Grand Traité de Jardin Punk

Dans nos jardins, potagers, terrasses, il est facile de succomber à la volonté de contrôle et de maîtrise : je vais planter ça ici, enlever ça là, tailler ceci, arracher les mauvaise herbes… Mais qu’est-ce qu’une « mauvaise » herbe et… qui le dit ? Et si nos jardins étaient un espace où nous pouvons désapprendre et expérimenter d’autres modèles ? Nous avons appris la productivité, l’utilité, l’organisation.

« Le Grand Traité de Jardin Punk » d’Eric Lenoir nous encourage à laisser faire la nature, à ne pas toujours intervenir. À l’observer et la comprendre avant d’agir. À choisir de ne rien faire parfois au lieu de vouloir agir, être productif·ve, rationaliser. À laisser la nature libre et à apprendre à être en paix. Au SCI, il nous semble que cette logique – d’observation, d’écoute, de confiance et de lâcher-prise – peut nous être utile dans bien d’autres domaines et situations. Laissons-nous aller à un peu d’inutile et de contemplatif en observant des pucerons sur les orties à la prochaine occasion. Cherchons la poésie et la beauté dans le chaos. Pratiquons le « punk ». Punk is not dead. Longue vie à nos jardins !

La SCIlothèque

L’équipe du SCI vous propose, dans chaque numéro, une sélection de bouquins qui nous ont marqués, étonnés, ravis ou interpellés. Ils sont accessibles à la « bibliothèque du SCI » et vous pouvez nous les emprunter à tout moment ! Voici les dernières recommandations de Sabina :

Utopies réalistes

Rutger Bregman, Seuil, 2017

Soyons réalistes, demandons l'impossible ! Il y a quelques années le SCI a consacré un dossier de son trimestriel le "Scilophone" au thème des utopies. Nous croyons toujours qu'elles sont vitales pour notre imagination, pour avoir un horizon et pour créer les nouveaux récits - elles ouvrent des nouvelles réalités. Rutger Bregman, auteur des « Utopies réalistes » trouve que ce n’est pas de l'optimisme qu'il nous faut, c'est de l'espoir. Dans ce livre, il défend la semaine de 15 heures, le revenu universel et un monde sans frontières en nous livrant le bilan de tests et études conduites dans différents pays ainsi que des histoires inconnues ou oubliées. Saviez-vous qu’avant la Première Guerre mondiale les passeports étaient rares et les frontières étaient principalement des tracés sur le papier ? « Ce n’est pas une tentative de prédire l’avenir. C’est une tentative de le débloquer. D’ouvrir en grand les fenêtres de notre esprit. Bien sûr, les utopies en disent toujours plus sur l’époque qui les imagine que sur ce qu’elles tiennent réellement en réserve. »

Boire des cocktails

Molotov avec Gandhi

Mark Boyle, Nautilus, 2022

Être pacifiste ne veut pas dire être passif. Mais comment trouver une juste posture face à l’écocide, le communicide et des violences que nous vivons individuellement ? Comment lutter sans rajouter de la violence à la violence ? Mark Boyle analyse comment la « Machine », ce système politique et économique qui nous conduit au bord de la catastrophe, peut être combattu. Selon lui, il faut remplacer « réduire, réutiliser et recycler » par « Résister, se Rebeller, Réensauvager ». Sommesnous prêt·es à dire « assez ! » à la Machine qui broie la vie, la nature et dont nous sommes une partie inhérente ? J’en retiens : ce constat d’un sentiment de perte profonde qui nous envahit quand nous revenons dans notre ville d’enfance et que nous voyons un terrain autrefois boisé transformé en parking de supermarché ; cette question : est-ce que la transformation de nos forêts ancestrales en meubles en kit est un acte violent ? ; cette définition de l’inaction : « une arme de destruction massive » !

ÉTÉ 2023 23 SCILOTHÈQUE

Participeà notre week-endderentrée ! Du29 septembre au 1er octobre àBraives

Cher·e volontaire, membre des Collectifs, animateur·rice, membre du CA, ami·e du SCI, nous avons le plaisir de t'inviter à notre immanquable week-end de rentrée. Il se tiendra cette année à la Ferme Limbort, à Braives, du 29 septembre au 1er octobre. Bloque déjà ce week-end dans ton agenda !

Le WER est un moment pour :

• Échanger et partager sur ton vécu avec d’autres volontaires

• Réfléchir et débattre ensemble sur plusieurs thématiques

• Fêter la diversité en musique et en danse

• Penser des actions concrètes pour s’engager pour plus de justice sociale et environnementale !

Inscriptions auprès de genevieve@scibelgium.be

Toutes les informations pratiques arriveront dans le courant du mois de septembre.

WWW.SCIBELGIUM.BE SCI-Projets internationaux @scibelgium

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