Scilo n°97

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TOUS LES VISAGES DE L’INCLUSION

DOSSIER

« Leave no one behind » : comment tendre vers du volontariat plus inclusif et solidaire ?

OPINION

Quelle est la place des hommes cisgenres dans les luttes féministes ?

TEMOIGNAGES

Un séminaire en Bulgarie et des récits de projets en Allemagne, en Italie, en Equateur et en Belgique.

Editeur responsable : Pascal Duterme –Siège : Rue van Elewyck, 35 –1050 Bruxelles –n°BCE : (0)410 661 673 –RPM : Tribunal d u commerce de Bruxelles Bureau de dépôt : 1050 Bruxelles, 5 Agrément : P006706 Le trimestriel du Projets Internationaux asbl
N° 97 OCTOBRE / NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2022 Une autre façon de lire le monde
L E SCI LOPHONE
Clémentine
©
Lenelle

04 Opinion

Déconstruire l’homme : 04 quelle place peuvent prendre les hommes cis dans le féminisme ?

06 Dossier

« Leave no one behind » 08

Les ateliers de rencontres 09 citoyennes « Arcadia », 2ème édition

La force du lien 10

« Le volontariat a augmenté 14 ma confiance en moi » : Fatou et ses expériences avec le SCI

Collectactif : un collectif de lutte 16 contre le gaspillage alimentaire et la précarité

Le journalisme comme outil 17 d’inclusion pour le mouvement SCI

L’inclusion au SCI Catalogne : 18 créer des espaces d’ouverture pour s’ouvrir plus encore

Vers une réelle réciprocité 19 entre partenaires africains et européens

Safe spaces pour toustes. 21 Comment le SCI travaille sur l’inclusion des genres

EQUATEUR / Un petit belge 24 dans la jungle

BULGARIE / Voyage au pays des Balkans 26

ALLEMAGNE / Sortir de sa bulle 29

BELGIQUE / Mon expérience avec 30 « Quartiers Libres »

ITALIE / CSA Roma, un nouveau 32 modèle d’agriculture communautaire 34 Mercis, Marjorie

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Le SCI – Projets internationaux asbl est reconnu comme :

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L'écriture inclusive au SCI

L’idée que le masculin représenterait l’universel est une des formes de la domination patriarcale dans la langue française. Le SCI encourageant et luttant pour l’égalité de genre, et le SCIlophone se voulant être un espace d’expérimentation de la langue, les rédacteurs·trices et le comité de rédaction prônent les règles d’écriture inclusive et les appliquent au sein de chaque numéro. Cette écriture inclusive se traduit par l’utilisation de termes épicènes (équipe pédagogique au lieu de professeurs) des points médians (certain·es), des contractions (iel, iels) des doublets (ils et elles, résidentes et résidents) et par l’application de la règle de proximité selon laquelle l’accord de l’adjectif ou du participe passé se fait avec le nom le plus proche (mes doutes et mes joies sont ancrées).

Ont participé à ce numéro : Barbara Lacoste, Caroline Franzen, Joëlle Mignon, Lys Gherels, Carmen Cabrera, Marie Marlaire, Letizia Messina, Mamadou Bailo Diallo, Céline Maquet, Fatouma Houssein Ardeyeh, Palomé Venot, Bogumila Hladki, Blanca Foti Mangriñan, Clémentine Tasiaux, Martial Kouderin, Kerry Hargadon, Sabina Jaworek, Pierre Boone, Julien Devilers, Badr Boutcha, Berolle Yepdo, Pascal Duterme

Coordination de publication : Joëlle Mignon / Mise en page : Pauline

Averty / Comité de rédaction : Joëlle Mignon, Sabina Jaworek, Marjorie Kupper, Isabel Lethé, Marie Marlaire, Sergio Raimundo, Clémentine Tasiaux, Emmanuel Toussaint / Relecture orthographique : Aline

Nonet / Illustration originale : Clémentine Lenelle, Jean-François

Vallée / Photos sans © : SCI-Projets Internationaux

28 Témoignages
35

Jeunesse et inégalités L’IMPORTANCE DE L’INCLUSION

En portant un regard global sur la jeunesse en Belgique, nombreux·ses sont ceux et celles qui se réjouissent de pouvoir « apporter leur grain de sel » pour construire une société en adéquation avec leurs valeurs, pouvoir donner de leur temps, de leur énergie et des moyens pour soutenir des projets qui ont du sens. Et c’est précieux. Néanmoins, un grand nombre de jeunes – même s’iels peuvent parfois rêver des mêmes choses - sont très éloigné·es de la réalisation de ces projets. En effet, si nous pensons à l’aspect pratique, il faut être doté·e de nombreuses ressources pour pouvoir partir en volontariat : financières et temporelles, mais aussi des ressources plus subtiles, comme le soutien de sa famille et de ses proches, ou simplement l’accès à l’information sur ce qui existe comme opportunités. Nous n’avons pas toustes les mêmes capitaux économique, social et culturel, et finalement, ce sont ceux-ci qui aident les jeunes dans la réalisation de leurs rêves.

En tant que tutrice de Mineur·es Etranger·es Non Accompagné·es (MENA), je remarque les nombreuses inégalités qui existent chez les jeunes en Belgique, notamment dans l’organisation de leur temps libre. Les MENA que j’accompagne sont tellement préoccupé·es par leur avenir et leurs besoins primaires qu’il leur est difficile de s’engager dans des projets de volontariat. Iels voudraient d’abord connaître la réponse à leur demande d’asile, s’iels auront un endroit où vivre, les moyens de se nourrir ou si leur famille pourra enfin les rejoindre en Belgique. À leur âge, mon esprit était bien plus libre de préoccupations… Comme - je pense la plupart des jeunes qui ont la chance de partir en volontariat. Mais alors comment rompre avec ce schéma qui nous paraît si inégalitaire et exclusif ? Comment permettre aux jeunes qui ont longtemps été exclu·es de pouvoir participer à des projets porteurs de sens ?

Au SCI, nous sommes conscient·es que le volontariat peut être source d’inégalités et d’exclusion. Que ce sont principalement des jeunes de milieux sociaux aisés qui participent à des projets de volontariat. C’est pourquoi, depuis plusieurs années, nous nous sommes donné comme mission d’inclure des publics plus diversifiés aux activités et volontariats qui s’organisent en Belgique et dans le monde entier.

La « cellule inclusion » travaille avec plusieurs partenaires pour permettre à des personnes exilées de participer à nos projets et à nos activités. Certain·es jeunes peuvent enfin rêver, se changer les idées, connaître d’autres environnements, s’échapper de leur quotidien et être entouré·es de personnes bienveillantes. Ça va maintenant dans les deux sens : pas seulement des projets de volontariat dans des centres d’accueil pour demandeur·euses de protection internationale, mais aussi d’autres projets avec des volontaires en exil, quel que soit leur statut. Cette mixité est enrichissante pour tout le monde, et c’est un chemin vers lequel il nous faut continuer d’avancer.

ÉDITO 3 © SCI - Projets internationaux
Barbara © SCI - Projets internationaux © Sabina Jaworek

DÉCONSTRUIRE L’HOMME

Quelleplacepeuventprendreles hommes cis1dans le féminisme ?

Les luttes féministes nous concernent toustes, que nous soyons homme ou femme, cisgenre ou transgenre, non binaire, gay, bi, hétéro, quelle que soit notre identité, notre appartenance, notre sexualité. En effet, afin de régler un problème qui s’applique au niveau de toute la société, nous devons le régler ensemble. Ainsi, chacun·e doit participer à la lutte féministe qui s'attaque à toutes les discriminations, qu'elles soient sexistes, sexuelles ou racistes, adoptant ici une vision intersectionnelle2 des luttes féministes. Le féminisme nous permet de nous détacher de la pression créée par les codes restrictifs imposés aux individus et de la masculinité toxique.

Cependant, bien que les hommes devraient être alliés des luttes féministes si nous voulons réellement avancer et changer les choses dans nos sociétés, il est complexe de dire qu’un homme cisgenre peut être lui-même féministe. C’est en effet un débat que l’on retrouve dans les luttes féministes : certains ne se sentent pas légitimes de se revendiquer féministes et se revendiquent en tant que sympathisants ou alliés, alors que d’autres considèrent que tout le monde se doit d’être féministe. Ces deux approches ont pourtant le même but de déconstruction des normes patriarcales imposées sur la société toute entière.

Alors pourquoi le fait de dire qu’un homme cis est féministe peut poser problème pour certaines personnes ?

Un homme cis, bien qu’il puisse déconstruire les idées sexistes qui l’ont formé depuis son enfance et se remettre en question, ne peut jamais perdre les privilèges que son statut de domination lui offre. Se dire féministe serait considéré comme une réappropriation de la cause qui condamnerait son propre statut. Le féminisme est la lutte des personnes sexisées, c’està-dire les personnes qui font face aux discriminations de genre. Les hommes cis sont donc bien des alliés. Pour mieux comprendre, on peut comparer la situation dont on parle à la suivante : il est accepté dans les mouvements antiracistes que les personnes blanches sont des alliées et non des membres du mouvement, car ce n’est pas une lutte qui les concerne directement. Il en est de même pour les hommes cisgenres, qui vivent les conséquences du patriarcat et non le patriarcat directement.

De nos jours, on entend revenir le débat sur les espaces en non-mixité choisie. Beaucoup s’offusquent du principe des réunions non-mixtes : la non-mixité est-elle un projet (éventuellement caché) de séparatisme des sexes animé par ce qui est parfois désigné comme une haine des hommes ? Pourtant, dans certains milieux féministes, les espaces en non-mixité sont considérés comme de véritables outils d’émancipation. En effet, la non-mixité :

1. Garantit aux femmes* le contrôle politique de leur lutte, c’est-à-dire d’être autonomes pour définir leurs revendications et les stratégies adoptées, sans l’influence des hommes cisgenres. Par exemple, dans un groupe ou une association luttant contre le sexisme, la non-mixité des postes de gestion et de direction est nécessaire.

1 Cisgenre : qualifie une personne dont l’identité de genre est en concordance avec le genre qui lui a été assigné à la naissance.

2 Intersectionnalité : notion qui étudie les formes de domination et de discrimination non pas séparément, mais dans leur intersection. Par exemple, une femme racisée peut être victime de discrimination à la fois en raison de son genre et de sa couleur de peau.

2. Permet la libre expression des femmes* et minorités de genre : les femmes* peuvent y adopter différents rôles et non pas seulement les rôles assignés par les normes de genre de la société. Des exemples dans l’histoire militante ?

4 LE SCILOPHONE 97 • OCTOBRE / NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2022 OPINION : DÉCONSTRUIRE L'HOMME

« un homme cisgenre, blanc, hétérosexuel et privilégié économiquement ne pourra jamais connaître ce que ressent une personne qui subit du sexisme, du racisme, de l’homophobie, etc. Il est donc important de s’informer et se questionner afin de comprendre comment on reproduit nous-mêmes le sexisme et les logiques patriarcales ancrées dans la société »

Femmes*

Ce mot est utilisé afin de désigner toute personne identifiée et/ou s’identifiant comme femme, femmes cis et transgenres, personnes trans, intersexes et non-binaires.

• Les groupes d’extrême gauche qui se constituent au fil des années 1960 et pendant les mobilisations de mai et juin 1968.

• Durant le Freedom Summer, en français « l'été de la liberté », en 1964 au Mississipi.

Dans ces deux exemples, mais dans beaucoup d’autres contextes également, les femmes ont été reléguées à des tâches subalternes telles que la cuisine, le ménage, ou d’autres tâches d’organisation matérielle de la vie militante. Les femmes ont également été délégitimisées dans leurs prises de parole et écartées des lieux de décision.

• Le Camp de femmes pour la paix de Greenham Common de 1981 à 2000.

Ce campement est exclusivement réservé aux femmes depuis 1982, afin de marquer leur volonté de s’affirmer dans un domaine strictement réservé aux hommes. De plus, « lorsque des hommes sont invités au camp dans le cadre d’actions et d’événements, il leur est spécifiquement demandé de participer aux crèches pour les enfants, à la cuisine et à d’autres formes d’assistance traditionnellement dévolues aux femmes »3.

La non-mixité ne s’applique pas uniquement à la non-mixité sans hommes cisgenre, il existe aussi des espaces en non-mixité queer, en non-mixité de personnes racisées ou de femmes racisées, etc.

Comment être un bon allié ?

Plusieurs associations et organisations de défense des droits des personnes sexisées ont publié des conseils destinés aux hommes cisgenres afin d’être de bons alliés du féminisme.

1. Se déconstruire

Mais comment ? La déconstruction est sûrement l’étape la plus compliquée, bien que la plus importante. Elle passe par la remise en question afin de comprendre ses propres privilèges et son propre comportement. Par exemple, un homme cisgenre, blanc, hétérosexuel et privilégié économiquement ne pourra jamais connaître ce que ressent une personne qui subit du sexisme, du racisme, de l’homophobie, etc. Il est donc important de s’informer et se questionner afin de comprendre comment on reproduit nous-mêmes le sexisme et les logiques patriarcales ancrées dans la société (ceci ne s’applique pas qu’aux hommes cisgenres, car toute personne est influencée par ces normes). Il faut donc s’écarter de la masculinité hégémonique et accepter de perdre ses privilèges. Afin de faciliter ce processus de déconstruction, il faut travailler sur son empathie, c'est-à-dire sa capacité à se mettre à la place, à comprendre les émotions et le vécu des autres.

Une partie de la déconstruction consiste aussi à se rendre compte des intersections entre les discriminations multiples. C’est le concept d’intersectionnalité. Les femmes* ne sont pas seulement discriminées sur base de leur genre, certaines femmes* sont discriminées également car elles sont noires, lesbiennes ou transgenres par exemple. La déconstruction est un travail constant tout au long d’une vie. Tu ne connais pas les concepts de white feminism ou d'intersectionnalité ? Une petite recherche Google pourra t'aider. Penche-toi sur le sujet et faistoi ta propre opinion ! De nombreuses ressources existent, telles que des textes, des podcasts, des documentaires, des articles, des sites internet, des comptes Instagram, et bien plus encore.

5 LE SCILOPHONE 97 • OCTOBRE / NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2022
3 Anna Feigenbaum dans « Le camp pour la paix exclusivement féminin de Greenham Common » , juin 2017.
L'HOMME
OPINION : DÉCONSTRUIRE

« Une partie de la déconstruction consiste aussi à se rendre compte des intersections entre les discriminations multiples. C’est le concept d’intersectionnalité. »

2. Apprendre à être actif sans être oppressant

Il est important, comme mentionné auparavant, que les hommes cisgenres ne s’approprient pas les luttes féministes, les espaces de parole, l’organisation des idées. Ainsi, il faut qu’ils apprennent à écouter activement, et accepter de ne pas tout savoir ou d’avoir tort. Ils doivent donc accepter de se mettre en retrait pendant un débat et se taire pour écouter l'avis des personnes concernées.

Dans cette logique, il faut éviter des réflexes tels que le mansplaining4, qui consiste, pour des hommes cis, à expliquer aux femmes, souvent avec condescendance, des choses évidentes qu'elles connaissent déjà. Le mansplaining peut aussi faire référence à quand les hommes cis parlent de féminisme aux femmes* en pensant mieux comprendre ou connaître une expérience sexiste qu’elles. Une autre pratique à éviter est le manterrupting5, c’est-à-dire l’action d’interrompre une femme* alors qu’elle est en train de parler. Ces pratiques sont compliquées à déconstruire car, souvent, les hommes cis ne se rendent même pas compte qu’ils le font. C’est pourquoi l’apprentissage et la compréhension de ces notions est importante !

3. Lutter contre les stéréotypes au quotidien

Agir ne se fait pas uniquement à travers le fait de militer dans la rue, cela se fait également dans ton environnement de tous les jours, que ce soit au travail, à la maison ou avec tes ami·es. S’il y a une manifestation, tu peux sortir montrer ton soutien, mais tu peux aussi proposer à ton/ta partenaire de rester à la maison pour t’occuper des enfants (si vous en avez) pour qu’iel puisse sortir dans la rue l’esprit tranquille. Tu peux également réduire la charge mentale de ton/ta partenaire en divisant les tâches sans attendre de remerciements en retour. Tu peux réagir aux comportements sexistes que tu observes autour de toi, sans remettre en cause la victime mais en écoutant sa parole. Il est aussi important d’arrêter de cautionner et normaliser le slutshaming (pratique qui consiste à juger une femme* pour sa sexualité active), le body shaming (pratique qui consiste à juger une personne pour son apparence physique), etc.

4 Contraction des mots « man » et « explaining »

5 Contraction des mots « man » et « interrupting »

Masculinité hégémonique

Ce terme fait référence aux caractéristiques associées à la forme dominante de représentation de la masculinité et du patriarcat dans notre société. C’est la représentation culturelle d’un idéal masculin supérieur au féminin. Cette masculinité est différente selon le moment historique, et est aujourd’hui caractérisée par la masculinité toxique : les « normes » du comportement masculin qui ont un impact négatif sur la société. La masculinité toxique est représentée par des caractéristiques telles que la force physique et l'utilisation de la violence, la suppression des émotions, la sexualité performante et compulsive et l’homophobie. Même si cette forme est dominante, il existe d’autres formes de masculinités. Les hommes ne se conforment donc pas tous à cette masculinité hégémonique, ce qui justifie les violences que subissent ceux qui en sont exclus.

« Le féminisme ne vise pas seulement l’amélioration du statut des femmes*, mais aussi la libération de toustes les membres de la société des normes genrées qui leur sont imposées. Déconstruire le patriarcat avec une perspective féministe, c’est mettre en lumière des inégalités qui existent dans l’autre sens : celui où les privilèges sont aussi un poids ! »

Mais qu’est-ce que j’y gagne ?

Le féminisme ne vise pas seulement l’amélioration du statut des femmes*, mais aussi la libération de tous les membres de la société des normes genrées qui leur sont imposées. Déconstruire le patriarcat avec une perspective féministe, c’est mettre en lumière des inégalités qui existent dans l’autre sens : celui où les privilèges sont aussi un poids ! Le féminisme peut donner l’inspiration aux hommes cis pour évoluer vers des amitiés et des relations plus coopératives et égalitaires, vers un plus grand partage des soins et des responsabilités professionnelles, ainsi que réduire la violence organisée et individuelle.

Avec une perspective éco-féministe, on peut même ajouter une reconnaissance des problématiques liées au climat. Pourtant, cette libération passe par le fait que les hommes cis doivent accepter de perdre leurs privilèges, de se séparer de cette logique dont le but est d’y gagner quelque chose. Comme le dit le compte Instagram @dou.interjection.dexasperation :

6 LE SCILOPHONE 97 • OCTOBRE / NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2022 OPINION : DÉCONSTRUIRE L'HOMME

« Arrêtons avec les injonctions du type “il faut lutter main dans la main”. Arrêtez de nous dire “pas tous les hommes”. Volontairement ou non, tous les hommes cis, à fortiori blancs, profitent, bénéficient, du patriarcat. C’est un constat, pas une attaque. S’ils doivent lutter, c’est par dégoût de leurs propres privilèges, par envie réelle de justice sociale, pas parce que ça les arrange, ça marche pas ce truc là. Si un mec cis profite de sa prétendue lutte féministe, c’est qu’il lutte pour lui-même. Si un mec cis a besoin qu’on lui explique ce que ça lui apportera de lutter pour l’égalité, avouez qu’on est pas rendus.»

POUR ALLER PLUS LOIN

• Collecti.ef 8 maars a publié une checklist des 9 commandements des hommes alliés à la grève du 8 mars

• ONU femmes : pour des informations et conseils pour être un bon allié du féminisme ainsi que pour s’informer

• Comptes Instagram : Womens march, Balance ton bar, Clit révolution, Paye_ton_mansplaining, Préparez_vous_pour_la_bagarre, Simone média fr, Meufcocotte, D’ou interjection d’exasperation

• Podcasts : Les couilles sur la table, Mansplaining et La poudre

• Documentaire : « Les hommes, féministes ou alliés ? » (2021), Kreatur #19, Marianne Skorpis, Arte

• BD : « Le pouvoir de l’amour » de Emma, sur emmaclit.com"

• Chaîne YouTube : « Pop culture detective » (essais vidéos sur la représentation de la masculinité dans les films et les séries)

7 LE SCILOPHONE 97 • OCTOBRE / NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2022
Caroline Franzen Stagiaire en animation au SCI
OPINION : DÉCONSTRUIRE L'HOMME
© Sabina Jaworek

« LEAVE NO ONE BEHIND »

Au SCI, la question de l’inclusion de toutes les personnes dans nos activités est une réflexion importante, pour laquelle on essaye de trouver des pistes de solutions à notre échelle. Mais il n’y a pas de formule magique qui pourrait s’appliquer pour toustes et partout. Il nous faut considérer la diversité des publics, la diversité des réalités de vie, proposer des formules qui conviennent à des besoins différents, remettre en question nos privilèges et, surtout, oser bousculer nos habitudes pour faire preuve d’adaptation. Comment, au-delà des mots mais dans les actes, sortir de l’entre-soi et permettre à tout le monde d’avoir accès à ce que l’on propose ? Comment rendre nos activités plus accessibles, financièrement et au niveau des infrastructures ? Comment accompagner justement les publics qui le nécessitent, sans les infantiliser mais sans nier leurs besoins spécifiques ? Comment faire pour que, véritablement, on ne laisse personne derrière ? Dans ce dossier, on s’attelle à ces questions à travers plusieurs angles, et on essaye de réfléchir à l’inclusion dans le volontariat de manière globale. En gardant toujours en tête ce qui est pour nous essentiel : continuer à créer des espaces de rencontre dans lesquels un volontaire est un volontaire, quel que soit son statut, son histoire et ses particularités. Nous nous sommes posé ces questions, notamment, lors de notre dernière réunion internationale du SCI*, qui avait pour thématique « le volontariat pour les jeunes comme outil d’inclusion ». Nous avons réfléchi ensemble à des manières de rendre nos projets plus accessibles, en prenant en compte la dimension intergénérationnelle du volontariat, mais aussi le handicap, la santé mentale, les identités de genre, la migration, les différentes réalités socio-économiques, etc. Dans ces pages, on vous propose un retour sur des conversations que nous avons eues avec nos partenaires polonais, béninois ou catalans à propos de l’inclusion dans leurs branches respectives et au sein du mouvement SCI. On donne également la parole à des volontaires avec un parcours d’exil, on revient sur les ateliers Arcadia, organisés en septembre en collaboration avec le service de santé mentale Ulysse (spécialisé dans l’accompagnement de personnes exilées), et on vous présente une initiative de soutien aux personnes sans-papiers, Collectactif.

*L’Exchange Platform Meeting, réunion annuelle du mouvement SCI, a eu lieu en Belgique en octobre 2022, grâce à l’aide du Bureau International de la Jeunesse et du programme Erasmus + de la Commission Européenne.

DOSSIER / « LEAVE NO ONE BEHIND »
8 LE SCILOPHONE 97 • OCTOBRE / NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2022
© Sabina Jaworek

LES ATELIERS DE RENCONTRES CITOYENNES « ARCADIA »

2ème édition

12 septembre 2022, 9h30. La salle Rosa Luxembourg de la Maison de la Paix sent bon l’encens et le café. La musique remplit l’espace. Des tissus colorés couvrent les tables. Les participant·es commencent à arriver. Marie passe le bâton d’encens dans tous les coins de la pièce. Ashraf rit : « C’est la mosquée, ici ! ». Lys échange avec Jorge autour des salutations angolaises : « Bom dia », « Bemvenido ». On ne se connaît pas encore et pourtant on va former une famille pendant deux semaines. On va rire, partager nos repas, nos questionnements, notre vulnérabilité et nos espoirs. On va en sortir plus fort·es.

Le groupe est presque au complet : 14 participant·es et 4 animatrices, aux groupes d’appartenances multiples et issu·es de 12 pays d’origine différents. Carmen commence à nous faire bouger. On réveille son corps, on se secoue et on apprivoise le lieu. Rachel occupe l’espace, elle se déploie. Ce sont ses deuxièmes ateliers : elle est à la maison. Le thème cette année c’est l’entre-deux, un espace où tout est possible, mais qui peut être difficile et effrayant si on ne l’apprivoise pas. Un thème qui servira de fil rouge, à décliner sous ses différentes facettes tout au long des ateliers. Il est déjà 13h. L’asbl Collectactif1 nous livre un repas délicieux : houmous, babaganoush, salade marocaine, falafel... Ça achève de briser la glace, et nous relance pour l’atelier de l’après-midi. 15h… Letizia nous invite à réfléchir ensemble aux « accords pour éviter les désaccords », qui pourront nous guider au fil des journées.

Depuis 2 ans, le SCI s’est associé au service de santé mentale Ulysse pour mettre en place des ateliers de rencontres citoyennes uniques, qui s’adressent, d’une part, aux volontaires du SCI et, de l’autre, aux personnes exilées en précarité du droit au séjour qui sont suivies par Ulysse2. Alliant les pratiques du SCI en éducation à la citoyenneté mondiale et l’expérience d’Ulysse en santé mentale communautaire, les ateliers favorisent la rencontre entre des personnes belges et venant d’ailleurs – qu’elles soient avec ou sans papiers, déjà actives dans la société belge ou à la recherche de pistes pour redevenir, un tant soit peu, actrices de leurs situation d’exil.

L’approche des quatre animatrices des deux services est interactive et participative. Elle alterne des moments de réflexion avec des temps d’expérimentation à travers le jeu et la créativité, ponctués par des moments conviviaux de repas partagés et de découvertes d’autres projets associatifs bruxellois. La mixité du groupe peut dès lors servir de levier pédagogique pour aborder des sujets comme l’estime de soi, la peur de l’autre, les préjugés et la discrimination, la communication, ainsi que les valeurs humaines qui nous lient malgré nos différences. Sentir la force du collectif.

Après deux ans, et deux offres d’ateliers, les participant·es témoignent de l’effet remobilisant du projet, et de la pertinence du croisement de regards qui en découle. Comme pour cette volontaire du SCI : « Les ateliers m’ont permis de découvrir la réalité de personnes exilées et de m’inspirer de leur détermination, ainsi que d’en savoir plus sur moi, la communication et le partage avec l’Autre. » Ou encore pour cette femme, confrontée au moment des ateliers à l’incertitude de pouvoir faire entendre sa demande de protection auprès des autorités belges : « J’ai appris qu’il faut m’ouvrir aux autres, rester motivée, laisser de côté les préjugés. Ici, nous avons partagé nos idées, mangé ensemble, beaucoup ri aussi … ça m’a redonné courage et détermination. »

• OCTOBRE / NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2022 DOSSIER / ATELIERS « ARCADIA »
1 Voir article dans ce numéro. Plus d’infos : collectactif.wordpress.com
2 www.ulysse-ssm.be
Lys Gherels, Carmen Cabrera, Marie Marlaire, Letizia Messina © SCI-Projets Internationaux

LA FORCE DU LIEN

Changer de pays, de culture, de mode de vie, d’habitudes. Perdre ses repères, se reconstruire ailleurs. Ce n’est facile pour personne... Surtout si on y est contraint. La clé : les liens humains, l’ouverture, la bienveillance, la déconstruction des préjugés. Simple mais indispensable. Rencontre avec Mamadou, guinéen, volontaire au SCI depuis 2019.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Mamadou Bailo Diallo, je suis originaire de Guinée. J’ai fait des études universitaires en sciences politiques et relations internationales. Dans mon pays, j’étais actif en tant que militant politique. Il faut savoir que le régime en place est un régime autoritaire. Après une succession d’événements, j’ai senti que ma vie était en danger. Pour ma sécurité, j’ai dû quitter mon pays. Je suis arrivé en Belgique en juillet 2019 en tant que demandeur d’asile. Après deux ans d’attente au centre d’Arlon, j’ai obtenu le titre de réfugié politique.

Comment es-tu arrivé au SCI ?

J’ai découvert le SCI un mois après mon arrivée en Belgique, grâce à une amie du centre d’Arlon pour demandeurs et demandeuses de protection internationale, qui avait déjà réalisé des activités avec l’association. Elle m’a mis en contact avec Marjorie. Je me suis immédiatement engagé comme volontaire. Je cherchais à faire des rencontres, à m’intégrer dans la vie sociale en Belgique et à aider des gens qui en ont besoin. Je suis très sensible aux thématiques sociales. J’aime aider les gens autour de moi. J’ai donc réalisé des projets de volontariat dans des fermes, dans des centres pour personnes porteuses de handicap, dans le cadre d’Oxfam Trailwalker à Saint-Hubert, etc. J’ai participé à plusieurs week-ends de rentrée du SCI également. Et j’ai réalisé un projet en Bulgarie centré sur l’éducation non formelle. Dernièrement, Manu m’a proposé d’animer un atelier et de partager mon expérience avec des jeunes qui partent en Afrique prochainement. Ils ont vraiment apprécié mon intervention, surtout nos échanges sur la culture africaine et nos modes de vie. Toutes ces activités avec le SCI m’ont permis de faire des rencontres et de connaître d’autres cultures, car il y avait toujours des personnes de différentes nationalités. D’ailleurs, je suis resté en contact avec certain·es volontaires rencontré·es pendant les projets.

10 LE SCILOPHONE 97 • OCTOBRE / NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2022
DOSSIER / LA FORCE DU LIEN
Diallo
© Mamadou

Quels sont tes souvenirs marquants avec le SCI ?

J’ai réalisé un volontariat dans une maison avec des personnes porteuses de handicap. Quand on est arrivé·es et qu’ils et elles nous ont aperçu·es, iels étaient vraiment content·es. On a joué au bowling avec eux et elles, on a été se promener, on a échangé… On a aidé certaines personnes qui ne savaient plus se mouvoir seules à se mettre sur le dos, d’autres à manger. Certain·es résident·es ne savaient pas marcher. On était là pour communiquer avec eux et elles, les sortir un peu de leur isolement. J’ai alors pris conscience de la chance que j’avais. J’ai remercié le bon dieu d’avoir toutes mes facultés physiques et mentales. Je l’ai remercié de pouvoir subvenir tout seul à mes besoins, sans l’aide de personne. Quand tout va bien, on ne se rend pas compte de la chance qu’on a. C’est une activité qui m’a beaucoup touché. Très intéressante et très poignante.

Je pense aussi à un autre souvenir interpellant pendant mon projet en Bulgarie. Durant mon séjour, j’étais le seul originaire du continent africain. Je me suis rendu compte que les autres participant·es avaient beaucoup d’idées préconçue à propos de l’immigration. La manière dont ils et elles voyaient les choses a évolué après mon témoignage. Je leur ai expliqué, à travers mon parcours personnel, ce qui pousse réellement les jeunes à émigrer. L’idée selon laquelle les migrant·es quittent leur pays de plein gré pour rejoindre l’Eldorado européen est encore très présente. Pourtant, dans la plupart des cas, nous quittons notre pays car nous y sommes contraint·es et forcé·es, parce que notre vie est en danger, parce que les populations sont réprimées par les pouvoirs publics autoritaires, parce qu’il n’y a pas d’emploi, pas d’aide de l’état, pas de sécurité sociale, parce que la pauvreté et la famine sévissent… Dans ces conditions, émigrer n’est pas un libre choix, c’est une question de survie. Si nous voulons vivre, nous devons fuir notre pays. Si toutes les conditions pour une vie décente étaient réunies dans nos pays d’origine (emploi, alimentation

« L’idée selon laquelle les migrant·es quittent leur pays de plein gré pour rejoindre l’Eldorado européen est encore très présente. Pourtant, dans la plupart des cas, nous quittons notre pays car nous y sommes contraint·es et forcé·es, parce que notre vie est en danger, parce que les populations sont réprimées par les pouvoirs publics autoritaires, parce qu’il n’y a pas d’emploi, pas d’aide de l’état, pas de sécurité sociale, parce que la pauvreté et la famine sévissent… Dans ces conditions, émigrer n’est pas un libre choix, c’est une question de survie»

suffisante, eau potable, régime politique démocratique, respect des droits de l’homme, etc.), il y aurait peu de migrant·es qui viendraient encore en Europe. C’est la souffrance, la pauvreté et le danger qui poussent à l’immigration de l’Afrique vers l’Europe. Cet échange m’a marqué car j’ai pris conscience que les participant·es, tous et toutes venu·es d’Europe, avaient une vision tronquée de l’immigration et des conditions de vie en Afrique. Il y a encore un long chemin à parcourir pour faire changer la manière dont les personnes exilées sont perçues en Occident et pour déconstruire les stéréotypes et les idées préconçues.

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DOSSIER / LA FORCE DU LIEN
© Mamadou Diallo

« Selon moi, c’est surtout en essayant de créer des contextes de rencontre entre les Belges et les étrangers que les nouveaux et nouvelles arrivant·es apprennent à appréhender plus facilement la Belgique. Je conseillerais donc de multiplier les moments de discussion et d’échanges sur les cultures, sur les expériences de chacun·e, sur les modes de vie, comme ça se fait souvent avec le SCI. »

Qu’est-ce que ton expérience en tant que volontaire a changé pour toi ?

Quand je suis arrivé de Guinée, l’aspect relationnel a été compliqué. Dans mon pays, nous vivons en communauté. C’est plus facile d’échanger avec d’autres personnes. Par exemple, nous nous réunissons souvent entre voisin·es avec tous les enfants. Nous passons des journées tous et toutes ensemble. Si tu as besoin de quelque chose ou juste de parler, tu peux demander à ton ou ta voisin·e. Ses enfants sont aussi les tiens, et inversement. Ici, c’est plus rare. En Belgique, la communauté, c’est la famille. Alors quand je suis arrivé, je pensais que j’allais retrouver le même mode de vie communautaire qu’en Guinée, mais pas du tout. Ce n’était pas facile car je n’avais personne avec qui communiquer. Je ne pouvais pas rentrer chez les gens et discuter avec eux et elles. Cette différence culturelle a été difficile pour moi pour m’intégrer à la société belge. D’autant plus que je vivais dans un centre pour demandeur·euses de protection internationale. Dans ce genre de lieu, nous avons tous et toutes des origines différentes et chaque nationalité a sa manière de vivre. Et en dehors du centre, il faut faire face à de lourds préjugés. Quand on est immigré·e, on est souvent la cible de comportements discriminants. Par exemple, dans un supermarché proche du centre, les vigiles demandent souvent aux personnes de couleur d’ouvrir leur sac pour vérifier qu’iels n’ont rien volé. Ce qu’iels ne font pas avec les blanc·hes. Je trouve ça très offusquant de faire la distinction entre les gens.

Toutes ces premières expériences au contact de la société belge et les différents chocs culturels que j’ai vécus m’avaient amené à construire, moi aussi, des préjugés vis-à-vis de la population. Je pensais que les Belges étaient peu enclins aux rencontres et au dialogue avec les personnes étrangères. Le SCI m’a prouvé le contraire. J’ai pu déconstruire ces a priori grâce aux rencontres que j’ai effectuées là-bas. En m’immergeant dans les activités du SCI, j’ai observé leur volonté d’aider les gens et d’inclure tout un chacun, leur dynamisme pour mettre en place un cadre d’accueil bienveillant qui favorise l’échange, leur capacité à créer des contextes conviviaux dans lesquels tout le monde est le bienvenu, où chacun·e se sent libre

d’interagir avec les autres et de venir déposer son expérience sans être jugé·e ou stigmatisé·e. Je me suis dit que si le SCI était capable de ce genre de démarche, alors que la plupart de ses employé·es sont européens, peut-être que c’était comme ça aussi dans le reste de la société. Pourquoi ne pas aller vers les autres, également, en-dehors de ce cadre ?

Mon expérience au SCI m’a permis de surmonter mes propres préjugés par rapport à la société belge, mais pas seulement. Je suis quelqu’un de timide. Donc au début, en arrivant en Belgique, j’étais plus réservé. Grâce aux rencontres que j’ai faites pendant les différents projets et animations, j’ai appris à être plus ouvert, à aller plus facilement vers les autres. Plus je communiquais, plus ça devenait facile pour moi, plus j’étais à l’aise pour aborder de nouvelles personnes. Je me suis rendu compte que les personnes en face de moi le ressentaient. Alors elles aussi devenaient plus ouvertes, et dans de meilleurs dispositions pour entamer une discussion. Donc je peux dire que le SCI m’a permis de m’intégrer plus facilement à la société belge. Il m’a apporté des rencontres et des apprentissages.

Quel conseil donnerais-tu à un·e personne immigré·e qui vient d’arriver en Belgique ?

Je pense que, quand on arrive dans un nouveau pays, c’est important d’essayer de s’intégrer. Pour y parvenir, une formation, courte ou longue, aussi petite soit-elle, peut être une bonne porte d’entrée (par exemple via le Forem). Et en tant que demandeur·euse de protection internationale, tu as aussi la possibilité de t’inscrire dans une école. De mon côté, en ce moment je suis des cours d’allemand car j’habite dans la communauté germanophone. C’est une bonne façon de s’intégrer, de rencontrer d’autres personnes, de voir comment les choses fonctionnent en Belgique, de percevoir la culture mais aussi d’entrer dans le marché de l’emploi une fois que tu obtiens ton titre de séjour.

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© Mamadou Diallo © Jean-François Vallée

Je conseillerais également de ne pas s’entourer uniquement de personnes originaires du même pays que soi, mais d’aller à la rencontre des Belges. Les centres pour demandeur·euses de protection internationale proposent des cours d’intégration durant lesquels on apprend quelques caractéristiques de la culture et du mode de vie belge. Iels organisent aussi des visites de lieux liés au patrimoine belge. C’est intéressant, mais ce n’est pas suffisant. Selon moi, c’est surtout en essayant de créer des contextes de rencontre entre les Belges et les étrangers que les nouveaux et nouvelles arrivant·es apprennent à appréhender plus facilement la Belgique. Je conseillerais donc de multiplier les moments de discussion et d’échanges sur les cultures, sur les expériences de chacun·e, sur les modes de vie, comme ça se fait souvent avec le SCI. Des moments pour parler un peu de soi, de comment on vit dans son pays, mais aussi pour entendre d’autres expériences de personnes qui vivent en Belgique. Ça permet d’être intégré·e plus facilement et de se sentir moins isolé·e.

Quels sont tes projets pour la suite ?

Dans un premier temps, j’aimerais trouver un emploi et contribuer au développement du pays qui m’a accueilli. Je recherche un travail dans une ONG, une institution gouvernementale ou parlementaire, en lien avec ma licence en sciences politiques, dans le domaine des relations internationales. Ensuite, j’aimerais créer une asbl dans le domaine de l’immigration. Une association qui se chargerait d’aider les immigré·es à s’intégrer à la vie en Belgique. Un organisme qui créerait ces espaces de rencontres entre immigré·es et Belges, qui proposerait de mettre en contact et de croiser ces différents publics. Une association qui aurait comme mission de faciliter les liens, l’interculturalité et donc l’intégration.

Propos recueillis par Céline Maquet Stagiaire en animation au SCI

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© Mamadou Diallo

« LE VOLONTARIAT A AUGMENTÉ MA CONFIANCE EN MOI »

FatourevientsursesexpériencesavecleSCI

Peux-tu te présenter ?

Je viens de la République de Djibouti. J’ai grandi dans une famille de 11 enfants. J’ai fait un bachelier de commerce international, et puis j’ai été assistante administrative pendant 12 ans. Je faisais aussi partie d’une association de sauvegarde du patrimoine. Il faut savoir qu’à Djibouti, il n’existe pas de musée, il y a peu de choses qui nous permettent de conserver notre culture et notre patrimoine. Le but était de partager cette culture. Je parle beaucoup de langues car j’adore apprendre : je parle français, somalien et afar mais aussi anglais, arabe et un peu chinois.

Qu’est-ce qui t’a amenée à devenir volontaire avec le SCI ?

Après avoir immigré, j’étais très mal dans ma tête, j’étais perdue. Je viens d’une culture dans laquelle on n’a pas l’habitude de parler de nos sentiments, d’être ouvert·es à partager là-dessus. On ne parle pas de santé mentale. On parle juste à nos ami·es proches, des petits ragots, mais pas plus. Quand je suis arrivée à Ulysse1, j’ai appris à parler, à m’ouvrir, et que ça faisait du bien de partager ce que je ressentais. C’est là que j’ai connu le SCI. J’étais déjà très active dans mon pays, je faisais beaucoup de choses, j’aimais aider autour de moi. Le fait d’aider les autres me permet de sortir de mon quotidien et de ne plus penser à tous mes problèmes.

1 Ulysse ssm, service de santé mentale spécialisé dans l'accompagne ment de personnes exilées

Quelle a été ta meilleure expérience de volontariat ?

C’était avec le projet « Les amis du Village », un projet de permaculture de deux semaines à Beauvechain. J’ai choisi ce projet car c’était l’opportunité de vivre proche de la nature, quelque chose dont je n’avais pas l’habitude du tout : c’était donc un gros premier pas. En plus, j’avais extrêmement peur des animaux et de tous les insectes, donc c’était un peu un drôle de choix ! Au début j’avais un peu peur, la personne en charge m’a paru très intense et directive. Mais au fur et à mesure, j’ai appris à la connaitre, j’ai compris que ce n’était pas du tout le cas. Tout était nouveau mais je me suis vite adaptée. On a dormi en tente, quelque chose que je n’avais jamais fait avant, et j’ai dû demander de l’aide aux autres qui m’ont aidée avec plaisir. C’était vraiment un bon groupe, iels étaient toustes plus jeunes et je me sentais un peu comme leur marraine. Nous prenions toustes soin les un·es des autres. Le groupe était aussi très multiculturel : il y avait des Mexicains, des Belges, une Espagnole. C’était une très belle première expérience !

As-tu eu d’autres expériences de volontariat avec le SCI ?

Oui, j’ai été volontaire au centre Le Merisier, un centre d’accueil pour demandeur·euses de protection internationale de la Croix-Rouge. Il y a eu un manque de communication et donc d’unité dans le groupe de volontaires, qui s’est divisé en deux. Le but était de créer des activités pour les résident·es du centre mais chaque groupe faisait un peu ses activités sur le côté sans se concerter avec le reste des volontaires. Personnellement, je me suis bien entendue avec tout le monde, j’essayais de comprendre ce qui n’allait pas et je me suis retrouvée un peu au milieu. Il n’y a pas eu de dispute directe, c’était juste une tension que l’on ressentait, un conflit interne uniquement, et tout le reste s’est bien passé. On a organisé des activités sportives avec les femmes et elles ont adoré.

J’ai pu aider un jeune et sa petite sœur avec le français, et les femmes et les hommes arabophones me faisaient confiance car j’étais la seule qui leur parlait en arabe. Iels s’ouvraient à moi pendant qu’on cuisinait ou pendant d’autres activités et je les écoutais. C’était dur émotionnellement car leurs histoires sont très intenses, mais ça me faisait plaisir de pouvoir être l’oreille dont ils et elles avaient besoin pour parler de ça, comme d’autres l’ont été pour moi à mon arrivée à Ulysse. Certain·es m’ont donné leur numéro de téléphone mais je n’ose pas les appeler car je ne peux pas les aider plus, quand moi-même j’ai besoin d’aide.

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DOSSIER / FATOU ET LE SCI © SCI Projets Internationaux

« J’ai pu aider un jeune et sa petite sœur avec le français, et les femmes et les hommes arabophones me faisaient confiance car j’étais la seule qui leur parlait en arabe. Iels s’ouvraient à moi pendant qu’on cuisinait ou pendant d’autres activités et je les écoutais. »

J’ai aussi eu une expérience de volontariat d’un jour avec le SCI, où on a fait du travail physique de rénovation pour une plaine de jeux pour enfants. On y a passé un très chouette moment. L’activité a eu lieu dans un jardin d’un village à Stoumont avec l’asbl Le Fagotin et tout s’est super bien déroulé !

C’était vraiment génial ! Il y avait des personnes de tellement d’endroits différents, une telle multiculturalité. Tout le monde était dans le partage, l’ouverture aux autres. C’était un espace unique de parole, de communication basée sur l’écoute active et le respect. Il y avait quelques personnes que je connaissais déjà (seulement deux ou trois), mais j’ai fait beaucoup de nouvelles rencontres. Pour moi qui adore rencontrer de nouvelles personnes, c’était vraiment parfait. J’ai aussi adoré apprendre une nouvelle danse folklorique qui a motivé tout le monde, ça s’appelle la gigue.

Qu’est-ce que tu aimerais dire aux gens à

La première expérience m’a appris à sauter vers l’inconnu et essayer de nouvelles choses, même si j’avais peur. La deuxième expérience m’a rappelé l’importance énorme de la communication. Les non-dits et le manque de partage des ressentis créent des conflits. Afin de construire de la confiance, il faut de l’empathie et du partage honnête. Ça m’a rappelé comment fonctionne un groupe et quelle est la base pour vivre ou travailler ensemble : la communication ! Ces valeurs sont apprises lors de la FDI, la Formation Développement et Interculturalité du SCI, et ces expériences ont montré à nouveau l’importance de faire des formations afin de se préparer à la coopération nécessaire lors d’un volontariat, quelle que soit la destination ou le projet.

J’adore ce que le SCI fait, je veux leur dire de continuer sur cette voie. Je conseille sincèrement le volontariat, ça nous permet d’avoir des moments de partage uniques. Évidemment, il faut garder en tête qu’il y a des hauts et des bas, comme dans la vie, mais il y a toujours des choses à apprendre et des choses à donner ou à partager. J’aime partager et aider, et le SCI me permet de faire cela. Si je le pouvais, j’aimerais apprendre toutes les langues. J’écris beaucoup et un jour j’aimerais écrire un livre. Le SCI m’a permis de me sentir bien avec moi-même et avec les autres, a augmenté ma confiance en moi. Le volontariat est bon pour l’esprit et pour le corps, et permet de nourrir notre sentiment d’utilité sociale, d’avoir une place dans la société, un rôle à jouer. J’essaye de me rendre utile dans ce monde et présenter mon aide dès que l’occasion se présente.

Propos recueillis par Caroline Franzen Stagiaire en animation au SCI

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Qu’est-ce que tu as appris de tes différentes expériences de volontariat ?
Tu as aussi participé au weekend de rentrée du SCI cette année, qu’est-ce que tu en as pensé ?
propos du volontariat avec le SCI ?
DOSSIER / FATOU ET LE SCI
© SCI Projets Internationaux

COLLECTACTIF

Quandlaluttecontrelegaspillagealimentaire etlaréductiondelaprécaritévontdepaire

Dans le cadre de divers événements organisés par le SCI, nous faisons appel au service traiteur de l’ASBL Collectactif. Collectactif a mis et continue de mettre en place différents projets autour de la sécurité alimentaire des personnes en précarité administrative et socio-économique. Ahmed, cuisinier et membre de l’asbl, nous raconte l’histoire de ce projet et de leurs activités.

Peux-tu présenter Collectactif ?

Collectactif est une asbl qui a pour but et pour valeur première la mise en place de travaux communautaires pour trouver des solutions structurelles pour les personnes en situation de précarité. C’est une initiative qui œuvre pour la sécurité alimentaire des personnes sans-abris et sans papiers et qui met un point d’honneur à réduire le gaspillage alimentaire. Les objectifs derrière nos actions sont de créer des espaces de rencontres autour de la cuisine, de la musique et de la culture, et de soutenir les participant·es dans une démarche collective et citoyenne.

Quelle était l’origine de ce projet ?

Le projet est né en 2013. Il a été fondé par plusieurs personnes sans papiers qui se sont rencontrées au sein du Collectif Sans Papiers Belgique et lors de la marche de solidarité au profit des personnes avec ou sans papiers. Ils et elles se sont retrouvé·es autour d’un objectif commun : aider les personnes en situation de précarité administrative et socio-économique en luttant contre le gaspillage alimentaire. Le projet a commencé par la récupération d’invendus au marché des abattoirs à Anderlecht et l’organisation de repas partagés et d'ateliers de cuisine (qui ont toujours lieu, les samedis de 15h00 à 21h00). Au fur et à mesure, nous nous somme fait connaître et de nouvelles actions ont pu être organisées.

différentes actions et d'inclure les participant·es dans des actions citoyennes. Des projets concernant d’autres questions que celle de la sécurité alimentaire ont aussi vu le jour avec les années. Un atelier de réparation de vélos a été installé : on peut venir y faire réparer son vélo gratuitement et se former à la réparation. D’autres ateliers ont ouvert, comme un atelier de menuiserie et un autre de musique : ces ateliers sont organisés par les fondateur·ices de l’association et des membres bénévoles, dans un but d’inclusion des citoyen·nes exilé·es à travers des formations “douces”. Des cours de langues (français et néerlandais) sont aussi proposés, ainsi qu’un suivi et un accompagnement dans les démarches administratives. Enfin, des démarches comme le café social ou les tables d’hôte du samedi sont des espaces de rencontres mis en place afin de soutenir l’inclusion de citoyen·nes sans papiers dans une démarche de citoyenneté.

Comment fonctionne le projet, et comment a-t-il évolué?

Aujourd’hui, Collectactif a développé plusieurs projets de récupération et de distribution alimentaire. Des colis alimentaires sont préparés tous les samedis et distribués à 60 familles. Des sandwichs sont préparés tous les jours et en moyenne 500 sandwichs sont distribués par semaine. De plus, un service traiteur a été mis en place. Ce sont les membres de l'association qui viennent participer en tant que cuisiniers et cuisinières. La cuisine que l’on propose est variée, elle dépend de différents savoir-faire et ce sont toutes des recettes végétariennes. Notre service traiteur a pour objectif de travailler en partenariat avec d’autres associations bruxelloises (dont le SCI) afin de financer leurs

Le projet fonctionne grâce à la participation de volontaires qui font vivre l’association, des membres fondateur·ices qui développent les actions spécifiques et de collaborations diverses et variées avec d’autres associations. Le service traiteur permet le financement de nos activités et la création d’un réseau associatif. Collectactif continue d’évoluer, avec des personnes qui partent et d’autres qui arrivent. De nouveaux projets sont en train d’être mis en place, comme un espace pour les femmes avec des ateliers pour les inclure au mieux. Cependant, nous rencontrons des difficultés pour trouver un local fixe. Nous avons un local à disposition pour une durée d’un an mais nous n’avons pas encore de solution pour après. Et c’est un frein à la mise en place durable de nos projets.

Propos recueillis par Palomé Venot Volontaire CES1 au SCI

1 Corps Européen de Solidarité, programme de volontariat financé par la Commission Européenne et dont le SCI est un organisme d’envoi. Plus d’infos chez Sergio : sergio@scibelgium.be

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Quelles sont les différentes actions que propose Collectactif aujourd’hui ?
©Collectactif

LE JOURNALISME COMME OUTIL D’INCLUSION

Pour le mouvement SCI

Lors de la réunion internationale du mouvement SCI, on a rencontré Bogumila Hladki, volontaire au SCI Pologne depuis 8 ans. Elle organisait un atelier sur le journalisme d’inclusion, ce qui m’a donné envie d’en apprendre davantage. Elle nous explique ce qu’elle entend par là, et nous témoigne de l’importance de donner une voix à toutes les catégories de population avec lesquelles nous travaillons.

L'idée du SCI et de Pierre Ceresole était de faire se rencontrer des personnes de pays différents. Pour qu’elles se rendent compte qu’il y a plus de choses qui les rassemble que de choses qui les divisent. Pour qu’elles n’aient pas peur les unes des autres. En Pologne, pendant de nombreuses années, il était difficile de partir à l'étranger. En ces termes, les possibilités de volontariat du SCI sont inclusives pour nous : elles ont permis aux Polonais·es d'être inclus·es dans le reste de l’Europe, de nous rapprocher et nous exposer à un monde différent du nôtre. Cela permet également de montrer que la Pologne est une capitale européenne et qu’il faut arrêter de la diaboliser comme à l’époque de l'ère communiste.

Qu’entends-tu par « journalisme d’inclusion » ?

Le journalisme d’inclusion, ça veut surtout dire donner la parole à ceux et celles dont la voix n’est pas entendue. Dans les médias, on parle toujours des réfugié·es mais on ne leur donne jamais la parole, et on laisse des experts masculins parler de la réalité des femmes. Il serait intéressant pour le SCI d'entendre non seulement les témoignages des personnes qui participent à des projets de volontariat, mais aussi ceux des personnes qu'ils et elles ont rencontrées sur leurs projets. Deux aspects sont importants dans le journalisme d’inclusion :

l’approche (quelles sont les solutions possibles à un problème social ? ), mais aussi le langage qu’on utilise (ne pas utiliser des termes qui pourraient accabler les populations dont on parle). Il est important aussi d’inclure les échecs ou les choses qui ne fonctionnent pas, mais qui sont une leçon à retenir.

Comment penses-tu que ce concept de journalisme d’inclusion peut être appliqué à notre mouvement ?

Je crois que le SCI a besoin de plus de contenu « pacifique ». En tant qu'organisation pacifiste, nous devrions parler des contextes de guerre. Quand il y a un conflit, les gens devraient pouvoir venir au SCI et demander de l'expertise à ce sujet. En tant que grand mouvement avec une longue histoire de pacifisme, nous devrions être en mesure de donner des opinions, des solutions et des idées sur ce qu'il faut faire. Nous pourrions, par exemple, être impliqués dans le plaidoyer pour la paix, par le biais de la communication.

Je pense également qu'il n'est pas nécessaire d'être journaliste pour être capable d'écrire. Il est utile d'avoir des écrivain·es amateur·ices, qui peuvent ainsi développer leurs compétences en tant que journalistes citoyen·nes. Il devrait y avoir plus de formation et d'attention à ce sujet, afin que le SCI puisse apporter une plus grande contribution.

L’idée est de proposer un journalisme de paix, et non un journalisme de guerre comme celui qu’on retrouve dans les médias occidentaux. Il ne faut pas seulement parler des problèmes, mais aussi des solutions. Et il est vraiment important de parler des « actes ». En tant que mouvement, nous mettons en œuvre différentes choses, et nous pourrions écrire à ce sujet. Les projets de volontariat sont des réponses aux besoins locaux. Nous pouvons en témoigner : « il y avait ce problème, et nous avons fait ceci pour essayer de le résoudre ». Dans un monde où il y a beaucoup de manipulation médiatique, c’est très important de parler aussi de ce qui fonctionne.

17 DOSSIER / LE JOURNALISME D'INCLUSION
Pour toi, est-ce que le mouvement SCI est inclusif ? Et comment pourrait-il l’être davantage ?
Propos recueillis par Joëlle Mignon Permanente au SCI

L’inclusionauSCICatalogne

CRÉER DES ESPACES

D’OUVERTURE

POUR S’OUVRIR PLUS ENCORE

L’inclusion… En voilà un terme aux mille facettes. En allant à la rencontre de Blanca et du SCI Catalogne, nous avons voulu savoir comment l’inclusion prenait vie au sein de leurs activités

Bonjour Blanca ! Pourrais-tu te présenter en quelques mots ?

Bonjour ! Je m’appelle Blanca Foti Mangriñan et je travaille au SCI Catalogne depuis 4 mois en tant que responsable du placement des volontaires. J’ai découvert le SCI en faisant un CES1 en Italie. Pendant cette expérience, j’ai pu découvrir les valeurs qui sont au centre du SCI et le travail que fait le mouvement. Ça m’a vraiment donné envie de travailler au SCI ! Et cette année, c’est la première fois que je participe à l’EPM2.

Peux-tu me parler des activités du SCI Catalogne ?

Au SCI catalogne, le travail est assez varié et la valeur centrale, c’est le pacifisme. Dans mon travail, ce que j’aime beaucoup c’est le lien avec les local groups. Ce sont des groupes composés de volontaires et d’activistes qui se réunissent pour réfléchir ensemble autour d’une thématique. Pour en faire partie, il n’y a pas vraiment de règle, on peut y atterrir parce qu’on a fait un projet à l’étranger, qu’on a participé à des activités dans le contexte local, ou encore qu’on a simplement entendu parler du local group et qu’on est intéressé·e par la thématique abordée. Ces groupes abordent différentes thématiques. Par exemple, il y a un groupe qui creuse la question du genre et un autre la justice climatique. Il y a aussi un groupe qui se spécialise en animation. De manière générale, ces groupes sont assez autonomes et organisent des ateliers ou des formations par eux-mêmes.

En plus des local groups, on envoie des volontaires sur des projets internationaux et on organise des projets. Par exemple, tous les

1 Corps Européen de Solidarité, programme de volontariat long terme financé par la Commission Européenne, pour lequel le SCI est un or ganisme d’envoi. Pour plus d’infos, contactez sergio@scibelgium.be

2 Exchange Platform Meeting : réunion internationale du mouvement SCI, qui a lieu tous les ans en octobre (cette année en Belgique).

ans le SCI Catalogne organise la « Peace week ». C’est une semaine pendant laquelle on travaille ensemble sur une thématique qui a du sens pour nous et qu’on met en lien avec la paix. L’année dernière, c’était à propos de la migration et du climat et, cette année, le focus est sur la communauté LGBTQIA+. En-dehors de la « Peace week », on organise aussi des formations, des séminaires…

Comme tu le sais, cette année, le thème de l’EPM c’est l’inclusion. Pour toi, l’inclusion au SCI, c’est quoi ?

Pour moi, l’inclusion dans le contexte du SCI, c’est d’abord n’être ni classiste, ni fasciste, ni sexiste, ni âgiste ni aucun autre mot en –iste d’ailleurs ! Etre inclusif·ve, c’est aussi ouvrir au maximum les activités qu’on propose en faisant tomber le plus de barrières possibles pour les rendre accessibles à toutes et tous.

Le SCI Catalogne a un programme pour l’inclusion qui facilite l’ac cès financier aux projets, un peu comme le SCI Italie avec son programme Tutti Inclusi*. Dans le même ordre d’idée, on propose des projets d’échanges internationaux qui sont plus accessibles d’un point de vue économique. Ces programmes d’échanges permettent d’apprendre et de découvrir l’univers du volontariat à moindre coût. De manière générale, on essaie de faire en sorte que nos activités, et même notre lieu de travail, soient des « safe spaces » dans lesquels les volontaires et les activistes se sentent à l’aise. Au sein des local groups, on veille à créer des cadres de sécurité pour que tout le monde puisse se sentir bien. Chaque groupe définit ses propres accords et ses propres limites. Ces règles sont ouvertes, mais elles sont prises collec tivement et chacun·e s’engage à les respecter. Si je devais résumer ça en un mot, je dirais que l’inclusion pour moi c’est ceci : créer un espace dans lequel chacun et chacune se sente bienvenu.e et en sécurité.

Propos recueillis par Clémentine Tasiaux

« TUTTI INCLUSI » - SCI ITALIE

Le projet Tutti inclusi signifie « tout le monde inclus ». C’est une initiative qui permet aux personnes qui ont des difficultés de participer à des projets de volontariat en Italie, dans des conditions sécurisées. Ces personnes sont accompagnées depuis le début du processus, en fonction de leurs attentes et leurs besoins. Sur les projets de volontariat, à l’exception du·de la coordinateur·ice de projet, personne ne sait que ces personnes font partie du projet Tutti Inclusi. Cela permet de mettre tous·tes les volontaires sur un même pied d’égalité. Des formations spécifiques sont également organisées pour permettre une meilleure inclusion de toustes. Un travail similaire est effectué par le SCI Belgique au sein de la cellule inclusion.

LE SCILOPHONE 97 • OCTOBRE / NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2022 DOSSIER / SCI CATALOGNE
Permanente au SCI © SCI Catalunya

Versuneréelleréciprocité

ENTRE PARTENAIRES AFRICAINS ET EUROPÉENS

Martial Kouderin, ingénieur agronome de formation, est le directeur exécutif de CREDI ONG 1, nouveau partenaire du SCI au Bénin. Il est venu à la réunion internationale du SCI. On a discuté avec lui de l’importance d’inclure différents types de publics, tant dans nos activités que dans nos équipes, et des freins qui résistent encore à une réelle réciprocité dans les échanges entre les pays africains et européens

Peux-tu m’expliquer en quelques mots ce que fait CREDI ONG, et dans quel but ?

CREDI ONG existe depuis 17 ans, et notre vision est de contribuer à l’émergence d’une génération de citoyen·nes du monde aptes à proposer des solutions locales pour un développement humain respectueux de l’homme et de la nature. Pour cela, on agit dans 3 domaines : la protection environnementale (gestion communautaire autour d’un parc naturel, « la Vallée du Sitatunga »), la promotion de l’agriculture durable avec des communautés locales (chasseur·euses, pêcheur·euses, agriculteur·ices, femmes, jeunes) et l’Education à la Citoyenneté Mondiale et Solidaire (accueil de jeunes volontaires et stagiaires, organisation de séminaires sur la préparation au voyage, la justice climatique, la rencontre de l’autre, etc). Notre public cible est assez diversifié. On travaille principalement en milieu rural ou en périphérie de zones urbaines, directement avec les communautés. On propose des activités avec les personnes qui ont la main dans la terre, à travers de la sensibilisation à l’agriculture durable.

On organise aussi des programmes d’autonomisation des femmes dans l’agriculture : soutien à l’équipement pour alléger le travail physique, outils de gestion de ressources financières, caisses d’épargne/de crédit auto-gérées (on leur explique le dispositif, et ensuite elles s’autonomisent). Selon nous, les femmes jouent un rôle très important dans les milieux ruraux : elles sont un poumon économique, et ce sont souvent elles qui soutiennent financièrement leurs familles.

On travaille également beaucoup avec des jeunes à travers l’éducation. On soutient des « clubs » dans les collèges, qui font des actions pour connaître et protéger la nature, comme la construction de potagers dans leurs écoles, des campagnes de salubrité ou encore du soutien naturaliste dans le parc naturel. On fait aussi partie du mouvement universitaire « Amis de la Nature », à travers lequel nos jeunes participent à des échanges internationaux et des réflexions sur des enjeux tels que les interdépendances mondiales, la justice climatique, le racisme, etc.

1 Centre Régional de Recherche et d’Education pour un Développement Intégré
DOSSIER / CREDI ONG
© Olivier Baltus

L’inclusion est déjà quelque chose que l’on essaye de mettre en place au sein de notre équipe. Pour chacun·e de nous, CREDI ONG est notre premier emploi. On donne ainsi accès au monde du travail à des personnes qui n’ont pas encore d’expérience, ce qui n’est pas si fréquent. On a aussi, par exemple, une personne sourde-muette dans notre équipe. Il possède des talents assez extraordinaires car ses autres sens sont extrêmement développés (il peut nous dire s’il y a un serpent qui se cache dans un arbre au-dessus de nos têtes). C’est une ressource précieuse car il s’occupe du soin des animaux sauvages blessés dans notre refuge animalier, et ça nous permet de le valoriser dans ses autres qualités.

Sur le terrain, on essaye aussi d’être le plus inclusif·ves possible, en orientant nos activités vers les femmes, considérées comme le « maillon faible » dans le travail agricole. Le challenge, par contre, est d’intégrer plus de femmes dans notre équipe aussi. Peu d’entre elles s’intéressent à ce domaine d’activité chez nous, et les 3 femmes de notre équipe (sur 12 personnes) travaillent dans la gestion administrative et non pas sur les aspects techniques. Nous avons envie de devenir une équipe plus mixte, et c’est donc un défi.

à la question de la réciprocité : que des volontaires puissent venir dans l’autre sens. Pas seulement des Européens en Afrique, mais aussi des Africains en Europe. On parle beaucoup de décolonisation, mais il faut travailler à une formule pour mettre ces idées en œuvre concrètement.

CREDI ONG faisait auparavant partie d’un réseau européen, le Global Learning and Education Network (GLEN), qui organisait des cycles d’éducation non-formelle pour former ce qu’on appelait des démultiplicateur·ices. Il s’agissait de séances de formation et de réflexion sur les interdépendances globales, puis de stages de 3 mois dans un pays du « Sud ». Le problème, c’est que c’était un réseau européen, pour des Européen·nes. On a compris qu’il y avait encore des structures de pouvoir et que les Béninois·es n’étaient pas, eux et elles, considéré·es comme démultiplicateur·ices. Il ne leur était pas possible de faire un stage dans un pays européen à leur tour. Il y avait un manque de transparence dans les objectifs.

De manière générale, je rêve de plus d’inclusivité dans le volontariat. La cible, en général, ce sont des personnes qui ont un certain niveau intellectuel, car c’est nécessaire dans les échanges. Mais c’est une de nos grandes interrogations et c’est un chantier à adresser : comment faire pour que le volontariat soit également possible pour des personnes qui n’ont pas fait d’études ? Le plus grand problème dans les projets internationaux, c’est la langue, qui entraîne des impossibilités de communication. Mais il est important de continuer à promouvoir la réciprocité dans les échanges : l’horizontalité, le respect mutuel, et que tout le monde soit traité d’égal à égal.

Ça permet une grande diversité d’opinions, de façons de faire. Ça permet aussi d’élaborer des projets plus en adéquation avec les personnes concernées. Enfin, ça permet une meilleure conjugaison des efforts, et une belle complémentarité dans les tâches effectuées et les fonctionnements proposés.

Je suis globalement content de prendre part à cette rencontre et de pouvoir échanger et créer des contacts et des partenariats avec des personnes de pays différents. C’est une bonne perspective pour le développement du volontariat par la suite. Ça me permet aussi de découvrir de nouvelles approches et de façons de faire du volontariat. Je suis curieux d’en apprendre plus sur le côté pratique, les outils de gestion, comment cela fonctionne réellement. Maintenant, il ne reste plus qu’à accueillir et pouvoir envoyer des volontaires.

Je vois dans le mouvement SCI une volonté de créer un espace où tout le monde et à l’aise, quels que soient ses choix, ses spécificités et ses particularités. C’est déjà très appréciable. Il faut maintenant s’atteler

recueillis par Joëlle Mignon Permanente au SCI

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On comprend que l’inclusion de différents types de publics dans vos activités est importante. Comment est-ce que ça fonctionne dans votre organisation ?
En quoi le fait d’avoir une équipe inclusive, ainsi qu’un public mixte, est un atout ?
Que penses-tu de l’inclusion au sein du mouvement SCI, duquel vous êtes récemment devenu·es partenaires ?
Qu’est-ce que tu retires de cette première expérience à une rencontre internationale du mouvement ?
/ INTERVIEW AVEC CREDI ONG
Propos
DOSSIER
© CREDI ONG

Safespacepourtoustes COMMENT LE SCI TRAVAILLE SUR L’INCLUSION DES GENRES

Avec Kerry, nous nous sommes rencontrées à l’EPM en Belgique. On s’est dit que ce serait bien qu’elle puisse nous partager son travail sur l’inclusion des genres au SCI (d’autant plus qu’on avait déjà cette thématique en tête pour le prochain SCIlophone), mais nous ne faisions que nous croiser entre différents ateliers, repas, réunions. Finalement, nous avons profité de cet automne trop doux, le dernier soir, pour nous installer au jardin. Et nous avons pris le temps pour qu’elle me raconte son travail.

Parle-nous de toi et de ton engagement au SCI

Je m’appelle Kerry Hargadon et j’étais volontaire au secrétariat international du SCI entre 2018 et 2019. Pendant cette période, j’ai beaucoup travaillé sur un projet sur le genre, « Gendered realites », qui avait pour but de comprendre la situation au SCI en ce qui concerne l’inclusion de différents genres, dans le contexte européen – quelles sont les expériences des volontaires, est-ce que nos activités sont safe et inclusives et comment on peut améliorer la situation. Ensuite, je suis restée dans le groupe « Gender Blender » du mouvement, et je travaille maintenant comme chargée de projets au secrétariat international du SCI.

« Aujourd’hui, on fait en sorte que le travail de care tourne, que des duos différents le fassent et que les tâches changent tous les jours. Il faut s’assurer que ça soit fait réellement, et pas seulement dans les paroles pour qu’ensuite ce soient les mêmes personnes (en l’occurrence les femmes) qui fassent ce travail.»

En 2018, le genre était un grand sujet sociétal. Il y avait une révolution en cours et on a parlé de différentes identités de genre, plus larges que le féminisme, comme la non-binarité, mais aussi des questions LGBT+, de la situation des personnes trans… L’idée est donc venue de travailler sur le sujet d’une manière structurée. La première activité était une rencontre en Albanie, où on a essayé d’avoir une compréhension commune du genre et de discuter de pourquoi c’est important quand on parle de l’inclusion. Les participant·es étaient de toute l’Europe et des Balkans. Quelques activistes ont rassemblé les idées qui ont émergé et une première publication-ressource a été proposée : « Free to be you and me1 », un toolkit destiné aux coordinateur·ices des activités pour les rendre plus safe et inclusives (et respectueuses de la différence).

1 À télécharger sur : https://sci.ngo/resource/free-to-be-you-and-me/

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Peux-tu nous parler de ces projets lancés en 2018 ? Quelle était la situation au SCI au départ, la big picture ?
DOSSIER / SAFE SPACE POUR TOUSTES
© Service Civil International

Ensuite, on a envoyé un questionnaire à plein de personnes qui ont participé aux activités du SCI (des volontaires locaux, des volontaires long terme) en leur demandant de partager leurs expériences sur nos projets : comment iels se sont senti·es, est-ce qu’iels ont vécu des micro-agressions 2, est-ce que le travail du care 3 était bien reparti entre les différents genres… On a partagé ça assez largement et on a eu un grand nombre de réponses, qu’on a inclues dans une autre publication « Time to face gender realites4 », où ont été compilés les résultats ainsi que des recommandations.

Par après, il y a eu pas mal d’actions locales dans le cadre de ce programme, comme par exemple un projet en Bulgarie avec des jeunes filles d’une zone rurale. Pour sortir de leur zone de confort, elles sont parties une semaine marcher dans la montagne pour expérimenter l’autosuffisance. La dernière activité du programme était un Campaign Training pour former les gens à apprendre à parler des problématiques de genre.

Selon vos observations, qui n’est pas assez inclus·e dans le volontariat ?

En ce qui concerne l’équilibre entre les genres, il y a beaucoup plus de femmes dans les projets de volontariat, à l’exception des projets plus pratiques où il a y plus d’hommes. Dans le passé, il y avait une condition de participation égale entre les participant·es femme et hommes dans les projets de volontariat : les places étaient réservées à égalité pour les deux sextes. On a décidé de ne plus rendre ça obligatoire, d’abord en proposant une troisième catégorie pour le sexe. Ensuite, on s’est dit que demander qu’il y ait des hommes et des femmes dans un projet renforçait l’idée de complémentarité (que les uns et les autres apportent quelque chose de différent aux projets), et que le fait d’avoir l’équilibre des genres ne garantissait pas la diversité. Ce n’était plus nécessaire. On n’a pas complétement supprimé ça, parce qu’il y a encore des projets en non-mixité, comme dans des centres pour femmes migrantes, mais on s’est davantage focalisé·es sur la binarité des genres, ou les identités de genre marginalisées : est-ce que nos activités sont bien adaptées pour ces personnes ?

On a découvert que les coordinateur·ices de projets n’étaient, souvent, pas assez vigilant·es à différentes identités de genre. On ne demandait pas aux personnes quels étaient leurs pronoms, les filles faisaient plus souvent les travaux de nettoyage, il y a eu des situations/jeux où les personnes se sont senties inconfortables, certaines personnes ont vécu des micro-agressions... On a constaté qu’il y avait un manque de formation pour plus d’inclusivité. Quelques situations :

• Une femme coordinatrice de projet à qui le partenaire local dit : « Comment peut-on faire ce projet avec toi, il implique du travail physique, on va devoir trouver un coordinateur homme ».

• Un participant qui, après avoir dit qu’il était gay, entend de la part du coordinateur : « Je ne sais pas dans quelles douches tu pourras aller, dans celles des hommes ou plutôt dans celles des femmes ».

Ce genre d’histoire change complètement l’expérience des volontaires qui les ont vécues et les ont fait ne pas se sentir en sécurité. Une grande partie du travail d’inclusion, de la part des organisations partenaires, c’est de préparer les volontaires à la réalité sur place : si par exemple ce n’est pas possible d’avoir des douches séparées (pour les hommes, les femmes ou neutres), il est important de le dire clairement pour que le ou la volontaire puisse prendre sa décision en connaissance de cause.

2 Comportements ou propos, d'apparence banale, envers une commu nauté et qui sont perçus comme péjoratifs ou insultants.

3 Le care désigne l’ensemble des gestes et des paroles visant le main tien de la vie et de la dignité des personnes (soins de santé mais aussi sollicitude, attention à autrui, activités de soin et de réconfort, etc), des tâches qui sont traditionnellement associées et réalisées par des femmes.

4 À télécharger sur : https://sci.ngo/resource/time-to-face-gendered-rea lities/

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Comment le travail du care se passe-t-il dans les projets ? Il y a 100 ans, dans les projets du SCI, les femmes participaient pour cuisiner et nettoyer pendant que les hommes faisaient le travail de construction et reconstruction… Comment est-ce que ça a évolué ?

Oui, et dans le temps le SCI se trouvait déjà très progressiste parce qu’iels admettaient des femmes dans les projets ! Aujourd’hui, on fait en sorte que le travail de care tourne, que des duos différents le fassent et que les tâches changent tous les jours. Il faut s’assurer que ça soit fait réellement, et pas seulement dans les paroles pour qu’ensuite ce soient les mêmes personnes (en l’occurrence les femmes) qui fassent ce travail. D’un autre côté, dans les projets où il y a du travail manuel, il faut aussi s’assurer que personne n’en est exclu ou ne se sent mal à l’aise par rapport à ses capacités. Que tout le monde ait l’espace pour participer à différents types de taches.

C’est

Oui, exactement, parce que souvent elles et ils n’ont pas eu beaucoup d’opportunités pour se familiariser avec ces types de travaux.

Comment le toolkit « Free to be You and Me » a évolué depuis ?

Le projet a eu pas mal de succès, on l’a partagé assez largement avec les branches et toutes ont reçu un exemplaire. On a été attentif·ves à son implémentation pratique. On s’est rendu compte que le toolkit est en anglais et que c’est souvent un frein à l’utilisation pour certaines branches locales. On a donc initié un grand projet de traduction durant la pandémie, en faisant appel aux volontaires qui l’ont traduit dans sa version courte et longue. Il existe désormais en espagnol, italien, français, serbe, macédonien, albanais, bulgare… Par ailleurs, cette année on fait un projet « genre » avec nos partenaires africains, pour avoir un regard frais. Les volontaires de différents pays africains se sont impliqué·es pour faire de nouvelles versions du toolkit et y ajouter leurs activités. On l’a transformé en un living toolkit, dans lequel on peut ajouter/enlever les activités adaptées aux différents contextes, pas uniquement au contexte européen.

Je trouve qu’il ne faut pas être totalement satisfait·e, mais tellement de travail a déjà été accompli. Je rêverais de continuer à travailler dans différentes régions, pas uniquement en Europe. Le projet en cours avec nos partenaires africains est très intéressant, ça a beaucoup de sens d’avoir des feedbacks mutuels et des échanges entre les régions, mais aussi accès à des ressources plus diversifiées. Je rêverais aussi de toucher plus de volontaires hommes dans les projets du SCI, je ne sais pas de quelle manière, mais on pourrait commencer par faire une recherche pour comprendre pourquoi les volontaires hommes sont moins nombreux…

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vrai que ce sont deux facettes de la question : il faut que les hommes fassent davantage le travail du care, mais aussi que les femmes puissent faire des tâches qu’elles n’ont pas l’habitude de faire, peut-être plus physiques et techniques.
Pour conclure, quel est ton rêve pour le futur du SCI, le futur féministe, l’inclusion des genres ?
En effet, ce serait intéressant de réfléchir là-dessus. Un grand merci pour ton témoignage !
Propos recueillis par Sabina Jaworek Permanente au SCI © Service Civil International

UN PETIT BELGE DANS LA JUNGLE

Mes débuts…

Après 15 heures de vol et 8 heures de bus à travers les beaux paysages d’Équateur, je suis arrivé dans la ville de Macas. J’y ai rencontré César, très calme, passionné, amical, mais surtout fondateur du projet dans lequel j’allais passer les 3 prochaines semaines. Je m’attendais à une immersion totale dans un milieu naturel inconnu, et j’ai été plus que servi. C’est au milieu de la jungle que j’ai découvert son lieu de vie : un regroupement de 8 cabanes le long d’un fleuve mouvementé, qui allait me servir à la fois de lave-vaisselle, de douche et de piscine naturelle. César vit seul quand il n’y a pas de volontaire (ce qui est rare). Les infrastructures sur place sont donc faites pour accueillir des jeunes et moins jeunes du monde entier. La flore est ce qui m’a le plus impressionné, majestueuse et haute en couleurs. J’étais seul dans cet environnement avec César pendant deux semaines, puis un autre volontaire nous a rejoint pour ma troisième et dernière semaine.

Rivière, bananiers, cabanes, bambous d’une dizaine de mètres, immersion totale à l'image de Tarzan ou encore langue indigène. Voici quelques mots qui résument mes 3 semaines de folle expérience en plein milieu de la jungle amazonienne en Équateur au sein de la communauté Shuar, pour le projet Selva y Vida avec le SCI. © Pierre Boone

Nos activités principales étaient la réparation de cabanes, le ramassage de feuillages pour les toits ou encore la coupe des arbres pour les structures. Grâce à cela, j’ai notamment appris à manier la machette. Concernant la nourriture, César se rendait toutes les fins de semaine à Macas pour faire des courses. Cependant, nous variions nos repas en allant pêcher à la ligne et au filet, en ramassant des chenilles (qui, une fois grillées, sont comestibles) ou encore en chassant, à l’aide de son piège pour animaux. Un jour, j’ai participé au processus d’abatage et de dégustation d’un cochon. C’est quelque chose de peu commun, car ça a un certain coût d’acheter une telle bête. C’était pour nourrir une dizaine de personnes qui avaient aidé à remplacer la lourde structure d’une cabane. Ce genre de tâche communautaire est évidente là-bas, car au sein de la communauté règne un sentiment de fraternité. C’est pour cette raison que, de temps en temps, nous nous rendions chez d’autres habitant·es pour proposer notre aide. Les divertissements durant le week-end ou après les journées étaient variés : balade dans l’immense jungle, partie hebdomadaire d’ECU-volley (volleyball à 3 contre 3, sport typique d’Équateur) ou sessions d’explications sur les vertus des plantes qui nous entouraient.

Des découvertes

J’ai vécu deux rencontres marquantes lors de mon projet : la première est César, le membre de la communauté Shuar qui possède le projet Selva y Vida. J’ai eu la chance d’avoir de longues conversations en sa compagnie, sur sa vision du monde et de la vie, qui m’ont ouvert les yeux sur beaucoup de thématiques. On communiquait en espagnol (langue principale en Équateur), mais il parle aussi sa langue, le shuar, ainsi que l’anglais. Au début de ma troisième semaine, j’ai également rencontré Samuel, d’origine angloallemande. Nous nous sommes naturellement bien entendus, par le biais de nombreux points communs : notre âge, l’amour pour la nature et même le goût pour l’aventure. Il m’a fait découvrir sa passion des champignons, ce qui m’a fasciné.

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TÉMOIGNAGE / ÉQUATEUR Équateur

J’ai été surpris quand j’ai découvert leur moyen de locomotion. Quand nous voulions rencontrer des membres de la communauté plus éloigné·es, nous attendions qu’un véhicule croise notre chemin. En effet, contrairement à ce qu’on pourrait croire, la jungle possède des voies carrossables. Plus ou moins toutes les heures, un bus traverse la communauté, mais nous avions plutôt l’habitude de faire du « stop payant ». Ce n’est pas très cher, pour une heure de trajet c’est maximum 5$. Je suis donc monté à l’arrière de quelques pick-up traversant la jungle à vive allure. La sensation était indescriptible. J’ai découvert de nouvelles sensations à travers mes cinq sens : goûter des fruits invraisemblables, voir des animaux que je n’avais vus que sur internet, écouter une langue unique, sentir quotidiennement l’odeur indéfinissable de cette jungle ou toucher à l’artisanat local. Cette expérience m’a aussi ouvert les yeux sur le fait que la société capitaliste nous incite toujours à consommer plus pour être heureux. C’est la première fois que j’expérimente une sobriété heureuse. Ainsi, j’ai pu me concentrer sur les plaisirs simples de la vie et me débarrasser des choses superficielles.

LA RECOMMANDATION DE PIERRE

Une autre culture

J’ai eu la chance, pendant mon expérience, de découvrir la croyance chamanique. En effet, César a un cousin qui est lui-même chaman. Il pratique des rituels pour toutes sortes de raisons spirituelles et médicales, en utilisant l’ayahuasca (un mélange de lianes et de feuilles, préparation typique de la jungle d’Amérique Latine). Parlant couramment espagnol, je ne m’attendais pas à être confronté à la barrière de la langue. Je pensais que la population parlerait la langue natale et l’espagnol, au vu de la géolocalisation. Ce n’était pas le cas. L’envie de sympathiser avec les personnes locales était plus forte que cette barrière. Je me suis senti, certes, un peu à l’écart des conversations au début, mais j’ai fait en sorte de m’adapter. J’ai cependant partagé des moments de jeux et de joie avec les enfants, qui ne prêtaient pas attention à mon origine.

La gestion du territoire sur place est assez particulière. Chaque famille/membre possède une parcelle de terrain d’environ 50 hectares. Ce territoire est divisé en deux parties : une pour chasser, pêcher, cultiver ou exploiter, et une autre qu’ils et elles laissent vierge pour protéger l’écosystème. Cette manière de procéder m’a beaucoup plu, car cela rentre dans mes valeurs de protection environnementale. Si tu aimes la nature, apprendre de nouvelles choses sur des faunes et flores introuvables en Occident, découvrir une autre culture (habitudes de vie, croyances chamaniques, modes de transport ou encore divertissements), alors ce projet est fait pour toi. Personnellement, il m’a permis de me ressourcer aux racines de notre existence, la Nature.

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Pierre
TÉMOIGNAGE / ÉQUATEUR
Le livre La sobriété heureuse de Pierre Rabhi © Pierre Boone

VOYAGE AU PAYS DES BALKANS

здрасти ! Tout commence en février 2022, lorsque les responsables de l’association Stowarzyszenie Jeden Świat m’annoncent qu’iels proposent d'accueillir des jeunes pendant un projet européen d'une semaine. Souhaitant profiter de cette dizaine de jours à l’étranger pour m’enrichir de connaissances et compétences nouvelles, je décide de postuler et je décroche mon ticket auprès de cette ONG polonaise. Après 4 mois d’attente à cause de la pandémie, l’Union Européenne accepte que l’on effectue le stage à Емен à partir de juillet 2022. Chose dite, chose faite : avec quelques pincements au cœur, je quitte les Canaries pour la Bulgarie.

Си Ви Ес… une boussole

Stowarzyszenie Jeden Świat (SJŚ) & Сдружение за доброволчески труд (Си Ви Ес) sont deux associations sans but lucratif. La première est localisée à Poznań et la deuxième à Sofia. Leurs objectifs sont l’échange international, le respect mutuel entre les cultures, la sensibilisation à l'environnement et à un mode de vie sain. Ces ONG promeuvent la paix et les valeurs sociétales, en encourageant un comportement responsable autour de la protection de la nature et de la justice sociale. Elles organisent des ateliers et séminaires sur divers sujets comme l'auto-développement et, dans ce contexte, elles ont collaboré pour mettre en place la formation « Learning Lab(oratory) - Quality non-formal education in the digital world ».

Nous nous sommes réuni·es à 28 partici pant·es pour découvrir ce cours du 7 au 14 juil let 2022 : nous avons reçu le gîte et le couvert dans une sorte d’éco-hôtel à Емен, créé pour revitaliser cet ancien village presque déserté par la population d'origine. Nous avions la chance d'être dans un lieu magique entouré par une nature paisible : nous réveiller le matin par le chant des oiseaux et nous coucher le soir par le scintillement des lucioles... un vrai petit coin de paradis ! Vous pensez peutêtre que cela n'a que peu d'importance ? Détrompez-vous ! La logistique a sans doute joué son rôle en facilitant les liens, les émotions positives et les amitiés.

La Quality Non-Formal Education, qu’est-ce que c’est ?

Le Learning Lab(oratory) - LLab pour les intimes - est un programme de mobilité internationale Erasmus+ cofinancé par l’Union Européenne. Cette formation s'adressait à des éducateur·ices, des (futur·es) dirigeant·es, des bénévoles et des animateur·ices de jeunesse, leur permettant de faire une semaine d'apprentissages à l’étranger. Quelle est la formule chimique derrière une éducation non formelle de qualité ? Est-ce possible dans le monde numérique ? Ces questions faisaient l'objet du voyage de réflexion qui nous a poussé·es à trouver nous-mêmes les réponses. Les formateur·ices sont bien sûr l'un des éléments les plus importants de la formule, comme nous l'ont très bien montré nos expertes Gośka Tur (SCI Poland) et Natalie Jivkova (CVS Bulgaria). Avec leur aide, nous avons exploré le rôle de facilitateur·ice et ce qu'il faut garder à l'esprit.

Lors de la formation, nous avons mieux compris ce qu'est un apprentissage non formel de qualité et comment offrir de telles expériences à toustes les jeunes. Nous avons appris des méthodes innovantes pour enrichir les processus d'apprentissage destinés aux jeunes. De plus, nous avons créé une liste des avantages et inconvénients des activités éducatives en présentiel et en virtuel. Nous avons exploré des outils pour soutenir l'apprentissage numérique et le volontariat en ligne. Nous avons trouvé des moyens créatifs et engageants pour transformer des activités éducatives

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TÉMOIGNAGE / BULGARIE Bulgarie
© Katerina Stoyanova

régulières en un format online. Nous avons discuté de la manière d'offrir des opportunités d'apprentissage polyvalentes et plus inclusives aux jeunes, y compris ceux et celles qui ont moins d'opportunités. Nous avons aussi exploré comment atteindre ces participant·es, comment les impliquer en modifiant légèrement le programme, quel type de soutien leur offrir, etc. Nous avons échangé des idées, des bonnes pratiques, des perspectives, et partagé des inspirations et des ressources (boîtes à outils, courtes vidéos, kit de survie et tout matériel apporté sur ce thème). Nous avons enfin planifié une action de suivi qui aura lieu dans notre communauté locale, pour passer de la théorie à la pratique !

En bref, la formation comprenait 46 heures de sessions sur une gamme de sujets comme les types d'apprentissage (formel, non formel, informel), le rôle d'un·e éducateur·ice, le cycle d'apprentissage, les zones de confort, la dynamique de groupe, les formats d'apprentissage (en personne, en ligne ou mixte), l'utilisation de divers outils numériques, les techniques de facilitation et d'animation, l'accompagnement avant, pendant et après, l'inclusion des personnes ayant moins d'opportunités dans l'éducation non formelle, etc.

« L’aspect humain en était vraiment le point fort. C'est pourquoi je suis véritablement convaincu de l’utilité des projets internationaux : ils entendent stimuler la sensibilité interculturelle dans un esprit de tolérance et d’ouverture.»

La façon dont nous avons découvert ces notions était tout aussi importante que ce que nous en avons appris. La formation elle-même nous a donné un très bon exemple de ce à quoi ressemble une éducation non formelle de qualité. Le processus doit être facilité par une variété de méthodes, en créant un environnement motivant et sans stress où le cerveau humain est en pleine capacité d'apprendre. Nous menant de la réflexion solitaire à la discussion en paires/groupes, puis en plénière et de nouveau en petits groupes, nous avons souvent travaillé pour obtenir les meilleurs résultats. Il faut rassembler les gens et les inciter à explorer leurs limites. Plus important encore : il est bien d’impliquer l'art (avec de nombreux visuels très colorés), la musique, les jeux et l'humour, et de donner aux participant·es un espace pour partager leur expertise avec les autres (séances et débats en fonction des besoins et des intérêts spécifiques).

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TÉMOIGNAGE / BULGARIE
© Katerina Stoyanova

Toutes ces choses encouragent la participation active, la créativité et l'initiative. À la fin de la formation, nous sommes tous·tes rentré·es non seulement avec ce que Gośka et Natalie avaient à nous enseigner, mais aussi avec les connaissances communes de l'ensemble du groupe... un grand plaisir ! C'est une expérience unique de mise en réseau avec des personnes de toute l'Europe partageant le même type d’idées ! En résumé, quels sont donc les aspects clés de l'éducation non formelle ? Au cas où je vous aurais perdu·es en chemin, vous devrez le découvrir par vous-même ! Mais si vous avez besoin d'aide, rassemblez un peu tous les éléments de cet article, et vous pourrez certainement espérer créer une ENF de qualité ! Si vous êtes passionné·es par le sujet et que vous souhaitez davantage d’informations, n’hésitez pas à jeter un œil sur le site du projet : https://poland.sci.ngo/project/en/learning-lab.

Et le groupe ?

Parlons du groupe maintenant. Dans notre cas, des participant·es de 9 pays différents ont été sélectionné·es, avec des racines depuis 3 continents. Chaque personne a pu trouver sa place, et la grande variété de nationalités présentes nous a permis de découvrir des pays que nous ne connaissions pas. Nous avons vu ce qu'un groupe diversifié, fortement motivé, riche en expériences, prêt à vivre simplement à la campagne pouvait accomplir, chacun·e avec son histoire, son talent, son sens de l'humour et ses rêves propres. Nous avons noué de nouvelles amitiés, bien plus à l'extérieur qu'à l'intérieur de la salle de conférence. Si vous demandez à une personne au hasard ce qui a rendu cette formation si spéciale, elle vous dira : le groupe avec lequel elle l'a partagée. L’aspect humain en était vraiment le point fort.

C'est pourquoi je suis véritablement convaincu de l’utilité des projets internationaux : ils entendent stimuler la sensibilité interculturelle dans un esprit de tolérance et d’ouverture. Une belle leçon de vie et des bons souvenirs. Tout comme les très chouettes rencontres avec les autres participant·es, j’ai beaucoup apprécié aussi l’implication de Gośka, Natalie et Katerina. Le SJŚ, le Си Ви Ес et tous les gens qui y travaillent sont une vraie inspiration pour apporter plus de beauté et de paix dans ce monde !

Futur ?!

Après cette formation, j’ai de plus en plus de cordes à mon arc ! Et ce n’est pas fini puisqu'il faut encore rédiger des articles dans les équipes nationales et développer une initiative personnelle : la co-organisation d’un évènement pour des volontaires au niveau local (atelier, webinaire, chantier...). Au final, cette nouvelle expérience m’a conforté dans mon dessein professionnel : je suis très intéressé par les missions écologiques (protection de l'environnement, agroforesterie, reboisement) et socioculturelles (sensibilisation, encadrement, travail avec les communautés locales). Je veux me rendre utile, mettre mes compétences au service de l'éducation, contribuer à divers programmes d'enseignement... Je veux m'impliquer dans le domaine de la gestion des forêts et des espaces naturels : je veux travailler pour et avec la nature. Mais pour le moment, je suis dans notre plat pays pour préparer mon projet d'Auxiliaire de conversation en Andalousie et aussi mon PVT en Australie… Довиждане !

TÉMOIGNAGE / BULGARIE © Katerina Stoyanova
Julien Devilers Volontaire au SCI

Allemagne& Espagne

SORTIR DE SA BULLE

Dans cet article, je vais vous parler de mes deux premières expériences avec le SCI : un projet en Espagne et un autre en Allemagne, en juillet et en août 2022

L’Espagne

Le premier a eu lieu en Catalogne à Arbúcies, un petit village se trouvant à 100 km de Barcelone, où nous étions logé·es dans une école. Le travail en tant que tel ne correspondait pas à ce qui avait été annoncé (nous devions juste creuser un trou sans en connaître la raison, car les organisateur·ices ne s’étaient pas bien renseigné·es à l’avance), mais nous avons très vite oublié ce problème car l’ambiance entre nous était juste incroyable : j’avais l’impression que nous nous connaissions toustes depuis des années, alors que nous venions de nous rencontrer. C’est un projet que je ne pourrai pas oublier car je me suis fait des ami·es venant de tous les horizons. Nous avions énormément de respect entre nous, et ça nous a permis d’avoir des souvenirs fantastiques, avec des fous rire à chaque coin de rue.

J’ai pu découvrir la culture et la pensée espagnole, qui est vraiment différente de la belge. J’ai eu l’impression que les personnes en Espagne étaient plus libres, ou du moins qu’elles avaient moins peur d'être qui elles sont. Mais mon apprentissage ne s’est pas limité à la culture espagnole, j’ai aussi découvert les cultures d’autres pays, comme la Slovénie, l’Italie ou le Mozambique. Cette première expérience m’a énormément aidé dans mon développement personnel et mon choix pour mes études futures. J’ai pu comprendre que je suis quelqu’un aimant voyager et incapable de rester à un endroit fixe, que j’aime rencontrer des gens du monde entier et apprendre d’elles et eux, et sortir de ma zone de confort tout en me faisant des souvenirs immuables.

L’Allemagne

Mon deuxième projet avec le SCI s’est passé en Allemagne, plus précisément dans la ville d’Alfter, près de Bonn. Le travail consistait à donner un coup de main dans une ferme, et pour cela nous étions logé·es dans des tentes à l’intérieur, où tout était à notre disposition. La première chose qui m'a marqué dans ce projet est la nourriture, car je n’avais jamais vu autant de choix différents dans les rayons vegans des magasins (comparé à la Belgique, l’Allemagne est vraiment avancée sur ce point). Ce type d’alimentation est tout aussi bonne, et cela m’a incroyablement surpris, au point que ce type de nourriture me manque déjà.

La deuxième chose que je garde est l’ambiance de la ferme où nous avons travaillé. C’était vraiment relaxant, et cela changeait du stress et de la pression habituelle qu’on a en ville. Les animaux y sont pour beaucoup, puisqu’ils étaient tous aussi adorables les uns que les autres, et devoir s’occuper d’eux était vraiment agréable (mention spéciale au mouton). L’ambiance entre les volontaires étaient moins forte que pour le projet en Espagne, mais cela restait sympathique. En revanche, j’ai adoré les moments passés avec les personnes locales, que j’ai trouvé vraiment enrichissants. Ils et elles étaient plein de bienveillance, et souvent drôles.

En troisième lieu, je retiens de ce projet le travail, que j’ai trouvé très apaisant et instructif. On a touché à un peu de tout, comme planter des fleurs, s’occuper des différents animaux (dont les moutons, les hamsters, les chevaux) ou encore nettoyer une zone remplie de déchets plastiques, qui pourra bientôt accueillir de nouveaux animaux. Les tâches n’étaient jamais ennuyantes, ni très difficiles. Nous faisions des pauses quand nous en avions besoin, et c’était toujours un grand plaisir de travailler avec les animaux. Pour conclure, je peux dire que j’ai vraiment adoré mon expérience avec le SCI. Je le conseille à tout le monde car c’est une vraie expérience à vivre, qui nous fait grandir. Cela permet d’en apprendre plus sur soi-même, tout en en apprenant plus sur notre monde, et je pense que cela n’a pas de prix.

LA RECOMMANDATION DE BADR

Je conseille fortement le film En Quête de Sens, écrit et réalisé par Marc de La Ménardière et Nathanaël Coste, pour approfondir les différentes choses qu'on peut apprendre en sortant de sa zone de confort.

29 LE SCILOPHONE 97 • OCTOBRE / NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2022
Badr Boutcha
TÉMOIGNAGE / ESPAGNE-ALLEMAGNE
Volontaire au SCI © Badr Boutcha

Belgique

Monexpérienceavec « QUARTIERS LIBRES »

Je m’appelle Berolle, je suis étudiante en master 2 en sciences politiques, économiques et sociales à l’Université de Mons. J’ai effectué un stage au SCI : j’ai participé aux animations et j’ai coordonné un projet de volontariat, le projet Quartiers Libres à Charleroi. Retour sur cette expérience.

Le projet

Comment je me sens à la veille du départ ? Qu’est-ce qui se passe en moi avant ce projet ? J’ai plein de questions en tête et aussi des émotions qui me traversent le cœur. Suis-je capable de mener à bien ce projet ? Est-ce que les volontaires se sentiront à l’aise avec moi ? J’ai peur et je manque de confiance en moi et en mes capacités. Mais tant pis, il faut y aller. Et j’ai envie d’y aller. Alors, allons-y.

Le groupe

Notre projet a lieu du 28 juin au 11 juillet 2022. Nous devions être 6 volontaires (Dide, Coline, Kevin, Marisol, Rocio et moi), dont deux coordinatrices (Coline et moi). Nous serons finalement 5, ce qui m’inquiète un peu car j’avais prévu qu’on forme des duos à certains moments. Il y a aussi deux personnes de contact : Marie pour le SCI et Despina pour ATL (Accueil Temps Libre), le partenaire du SCI. Ce qui est important, c’est de bien s’organiser : pour cela, nous créons un groupe WhatsApp. C’était utile pour les échanges d’informations et pour partager sa localisation : il arrive qu’une volontaire veuille prendre l’air seule, or la ville n’est pas toujours sûre et ce n’est pas si facile de retrouver son chemin.

Nous logeons à l’auberge de jeunesse de Charleroi. Nous devions avoir un espace cuisine pour nous seul·es, mais la réservation n’a pas été prise en compte. Grande a été notre déception, car nous avions prévu de cuisiner nous-mêmes pour pouvoir mélanger et découvrir nos cultures culinaires respectives : ça aurait été une chouette activité, en même temps qu’une découverte de repas d’ici et d’ailleurs. Tant pis. Le premier jour, Despina nous présente le projet Quartiers Libres en quelques mots et nous explique le programme pour les deux semaines. Nous faisons un brise-glace et un jeu interculturel sur les langues. Il faut dire que notre groupe est multiculturel : Dide est turque, Marisol est mexicaine, Coline est française, Kevin est belge et moi je suis camerounaise. D’où la nécessité de ce jeu pour apprendre à nous connaître et à découvrir nos origines.

Le 29 juin, nous démarrons à 9h pour être à 10h au parc Bivort Jumet. Là, nous mettons le matériel dans un camion pour les amener sur le lieu du projet, où nous organiserons des jeux et des activités avec les enfants du quartier. Nous serons au parc de 12h à 20h chaque jour (sauf les 4 et 5 juin, qui sont nos jours de repos). Nous serons disponibles pour tous les enfants qui voudront passer du temps avec nous : jouer au ballon, tirer à la corde, se faire grimer, réaliser un parcours avec des épreuves, courir, etc.

Donner, recevoir, découvrir

Le volontariat, c’est une adaptation à toute épreuve, une rencontre avec la culture d’un pays, une pause dans son voyage, un moment de partage, se confronter à l’inconnu, un nouveau regard sur les habitant·es et, enfin, donner son temps et son énergie à l’apprentissage quotidien. Quand on termine un projet de volontariat, on a tendance à se poser cette question : en quoi est-ce que j’ai pu apporter quelque chose ?

30 LE SCILOPHONE 97 • OCTOBRE / NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2022
TÉMOIGNAGE / BELGIQUE
© Berolle Yepdo

Pour y répondre, prenons l’exemple d’une des volontaires du projet, Marisol, qui avait pour objectif d’améliorer son français et qui, à la fin, nous a dit qu’elle se sentait outillée et très contente d’avoir perfectionné son français avec nous. Pour les enfants, adultes et parents des quartiers, notre présence a permis l’ouverture d’un espace d’évasion, de rencontre, d’expérimentation et une source d’inspiration. Avec cet objectif en tête, les jeunes que nous avons accompagné·es ont expérimenté des activités et des animations de la vie quotidienne, collective et interculturelle. J’ai l’impression d’avoir apporté quelque chose dans la communication que j’ai pu avoir avec les parents et leurs enfants. J’ai pris conscience que certains enfants ont vécu des choses difficiles et que la relation avec leurs parents est parfois difficile, voire brutale.

« Le volontariat, c’est une adaptation à toute épreuve, une rencontre avec la culture d’un pays, une pause dans son voyage, un moment de partage, se confronter à l’inconnu, un nouveau regard sur les habitant·es et, enfin, donner son temps et son énergie à l’apprentissage quotidien.»

Mais j’ai pu me mettre à leur écoute et récolter leurs confidences. Ceci dit, c’est difficile d’évaluer ce qu’on a apporté, et ça n’a pas beaucoup d’intérêt, parce qu’on ne le saura jamais vraiment. On fait tous et toutes des rencontres qui peuvent parfois changer notre vie et notre manière de penser, voire même d’agir. Parfois, une conversation qui a lieu par hasard peut avoir un impact considérable, en nous faisant prendre conscience que nous sommes sur la mauvaise voie, en nous éclairant sur le chemin à suivre ou encore en modifiant notre manière de voir les choses. En général, on ne le comprend qu’avec le recul. Et puis, petit à petit, la question « Qu’est-ce que j’ai pu apporter ? » devient « Qu’est-ce que le projet m’a apporté ? Qu’est-ce que les autres m’ont apporté ? ». On reconnait qu’on est dans l’échange, l’apport réciproque.

Cette expérience m’a amenée à rencontrer, certes, des enfants et des adultes, comme je l’ai déjà expliqué, mais aussi d’autres volontaires : des personnes qui sont prêtes à donner de leur temps, de leur expérience et de leur énergie sans attendre un retour financier, ce qui est assez rare de nos jours. Grâce à ce projet, j’ai aussi réalisé certaines tâches, nouvelles pour moi. En les faisant, non seulement j’ai appris des choses originales et inédites, mais je me suis aussi découvert de nouvelles compétences. Par exemple, nous avons utilisé un vélo qui fait du jus de fruit : en pédalant, on fait tourner un genre de moulinex, qui mixe des fruits et permet d’obtenir un jus délicieux. C’était étonnant et magique : on a pu faire du jus sans électricité. Nous avons aussi grimé tous les enfants du quartier. Et quand je dis tous, c’est vraiment tous : vous auriez vu la file de petites têtes souriantes et impatientes qui attendaient leur tour ! Et là, c’est la fierté qui a envahi mon cœur quand j’ai pris un peu de recul pour admirer les jolis dessins sur leurs joues : je n’avais jamais imaginé posséder un tel talent. Et quel plaisir de voir ces enfants si joyeux avec leurs grimages ! C’était très touchant.

Ce que je vais retenir

Au terme du projet, mes peurs se sont transformées en atouts. J’ai pris confiance en moi et en mes capacités. Mon sentiment de doute s’est mué en un sentiment d’accomplissement et de réussite. Je me suis rendue compte que coordonner un projet de volontariat est un acte autant égoïste qu’altruiste, car ces enfants t’apportent plus que tu ne leur apportes. J’ai appris à gérer le projet et à gérer un budget, à écouter les enfants et animer les stands, et j’ai appris à gérer le comportement des parents et de leurs enfants. J’ai autant appris d’eux et elles qu’ils et elles ont appris de moi. Ce que vous leur donnez, ils vous en donnent la force 10. La récompense est que vous vous levez le matin pour une cause qui vous anime et que vous participez, en quelque sorte, à construire un monde meilleur. Alors pour ceux et celles d’entre vous qui voudraient tenter cette expérience, je vous le dis : foncez !!!

31 LE SCILOPHONE 97 • OCTOBRE / NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2022
TÉMOIGNAGE / BELGIQUE
© Berolle Yepdo

Italie

CSA Roma

UN NOUVEAU MODÈLE D’AGRICULTURE COMMUNAUTAIRE

L’été dernier, après de longs mois de pandémie et de confinement urbain et alors que j’étais encore volontaire au SCI, j’ai eu envie de retourner à la terre. De me ressourcer dans un contexte nouveau, loin de ma réalité et de celle d’une société sur des rails que j’avais de plus en plus de mal à accepter. Je suis partie pour un projet au sein de Semi di Comunitá – une sorte de laboratoire d’agriculture communautaire qui m’a redonné foi en notre capacité à trouver des alternatives et à nous renouveler ensemble

J’étais très excitée à l’idée de passer deux semaines au plus près de la nature. Je venais de vivre deux ans à Bruxelles, entourée de béton et de conversations qui tournaient autour du virus et du confinement. J’avais soif de nouveautés, de sortir de ma zone de confort, de découvrir d’autres manières de vivre, de parler d’autres langues et de me laisser porter par les rencontres. J’ai été servie, tant grâce au groupe de volontaires internationaux et internationales que par les autres personnes rencontrées sur le projet : une bande d’italien·nes de cœur ou de souche, qui partagent avant tout l’envie commune de fonctionner ensemble, de réinventer nos modes de production et de consommation et de travailler la terre tout en prenant du bon temps, et en ne laissant personne sur le côté.

De l’agriculture soutenue par la communauté

Semi di Comunitá, c’est l’histoire d’une coopérative lancée par 3 jeunes qui aspiraient à une vie plus communautaire et plus solidaire et qui avaient de l’énergie et de l’audace à partager. Au départ, une parcelle de terre léguée par une communauté religieuse. Davide, Saverio et Riccardo, deux jeunes citadins et un fils d’agriculteur·ices, ont repris cette ancienne friche en 2018 et l’ont transformée en terres cultivables en suivant les principes de la permaculture et de l’agroécologie. Aujourd’hui, Semi di comunitá est une coopérative d’une centaine de personnes, qui parvient tant bien que mal à nourrir plus de 300 bouches dans toute la périphérie romaine.

Leur fonctionnement est simple et inspiré du modèle des Community Supported Agriculture (CSA)1 : la coopérative est divisée en 160 parts et, chaque mercredi, tout ce beau monde (ou ceux et celles qui en ont envie) vient récolter les légumes. L’entièreté de la récolte est ensuite répartie de manière équitable entre tous·tes les coopérateur·ices. Rien n’est vendu sur le marché et tous les bénéfices sont réinvestis dans la coopérative. Cela permet de partager tous les coûts, en production comme en investissement, mais aussi tous les risques. Et, rien que ça, c’est gage de solidarité : si les conditions sont mauvaises ou les récoltes insuffisantes, ce ne sont pas que les agriculteur·ices qui seront en difficulté. Tous·tes les coopérateur·ices sont « propriétaires », au même titre que Davide, Saverio ou Riccardo, et ça engage plus de responsabilisation des un·es et des autres.

1 CSA (agriculture soutenue par la communauté) : partenariat direct entre les producteur·ices et les consommateur·ices, grâce auquel les risques et les bénéfices d’une activité agricole sont partagés.

32 LE SCILOPHONE 97 • OCTOBRE / NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2022
TÉMOIGNAGE / ITALIE
© Joelle Mignon

Est-ce le modèle en lui-même ou simplement la somme des personnes investies qui font que ça fonctionne ? Je n’ai pas encore réussi à trancher. Toujours est-il que, quand je compare avec les différents collectifs autour desquels j’ai déjà gravité, tout le monde était nettement plus impliqué et volontaire. A la moindre demande, que ce soit pour construire un enclos ou vider une toilette sèche, les volontaires se portaient, justement, volontaires. La seule obligation, pour les membres de la coopérative, est de venir passer une soirée au champ de temps en temps. Pour autant, ils sont une bonne trentaine de volontaires actifs et actives, à venir donner un coup de main régulièrement. Ça nous a permis de passer du temps avec plusieurs d’entre elles et eux, et de comprendre à quel point leur implication dans ce projet leur apportait du sens et de la satisfaction.

La force du groupe

Dès le début, notre groupe de volontaires a fonctionné de manière fluide : il n’y avait pas vraiment de personnalités « leaders », qui prenaient plus de place que les autres. Nous fonctionnions dans le respect de chacun·e. Toute décision était prise de manière consensuelle et, petit plus qui a toute son importance, tout le monde semblait content·e d’être là. Nous n’avions pas de langue commune, ce qui aurait pu poser problème dans la communication : deux d’entre nous ne partageaient pas de langue du tout. Mais, quand bien même ils semblaient frustrés au début, à la fin ils riaient ensemble et se serraient dans les bras en répétant les mots en français, en anglais ou en slovène qu’ils s’étaient mutuellement appris.

Tout le projet s’est déroulé dans le rire. On venait de mondes différents mais on se retrouvait à travers l’humour, la musique, la cuisine ou le partage d’apéros qui commençaient parfois de grand matin. On se levait à l’aube, le travail était physique et les conditions de vie rudimentaires : retour aux joies du scoutisme et des nuits sous tente, des écorchures sur les jambes, des douches froides et des journées chaudes. Mais j’y ai trouvé ce que j’étais venue chercher, à savoir sortir du mental et sentir à nouveau mon corps. Et ça m’a fait du bien de me rappeler qu’on n’a pas besoin d’énormément pour se sentir bien, pour être en lien avec la nature et les gens, et pour se déconnecter du rythme trépidant de la vie à la ville.

« Je suis revenue de ce projet dans la campagne romaine avec beaucoup de baume au cœur. J’y ai rencontré des personnes formidables, j’y ai découvert un modèle d’engagement qui m’a impressionné par son efficience et par la force qui se dégageait d’un collectif. »

Les journées étaient toutes différentes : on changeait d’activité plusieurs fois par jour, toujours à plusieurs. Le mardi et le jeudi matin, c’était la récolte des courgettes et des concombres, le mercredi après-midi place aux tomates, aux carottes et aux plantes aromatiques. Pour le reste, ça variait, entre la récolte des légumes d’été, la préparation du terrain et la plantation des nouvelles variétés qui seraient cultivées la saison suivante. De quoi en apprendre sur toute une série de fruits et légumes, sous l’œil avisé de Davide qui nous partageait sa passion en nous expliquant pourquoi il utilisait telle technique pour telle variété et pourquoi telle plante se trouvait à côté d’une telle autre. Et c’était ça aussi, la joie de ce projet : les partenaires n’attendaient pas seulement de nous que nous faisions le travail, ils prenaient du plaisir à nous partager leur passion de la terre.

Je suis revenue de ce projet dans la campagne romaine avec beaucoup de baume au cœur. J’y ai rencontré des personnes formidables, j’y ai découvert un modèle d’engagement qui m’a impressionné par son efficience et par la force qui se dégageait d’un collectif pourtant assez imposant, et puis j’y ai puisé de l’énergie pour revenir à ma vie à Bruxelles avec plus de sérénité. J’en suis ressortie avec l’envie de découvrir toujours plus d’alternatives positives et d’expérimenter de nouveaux modèles. Et de continuer à chercher des projets collectifs. Car au fond c’est ça, la force du groupe : le sentiment de se mobiliser pour quelque chose de commun, et d’y voir du sens toustes ensemble.

Joëlle Mignon

Permanente (et ancienne volontaire) au SCI

33 LE SCILOPHONE 97 • OCTOBRE / NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2022
TÉMOIGNAGE / ITALIE
© Joelle Mignon

MERCIS, MARJORIE

Notre chère collègue Marjorie nous quitte, après une joyeuse décennie au sein de la famille du SCI. Elle part pour de nouveaux horizons chez Paysans Artisans, coopérative d’agriculture paysanne qui la rapproche de chez elle. Et nous, on souhaite lui dire, encore une dernière fois, merci.

« Il y a le merci poli, Celui-là qui vient par réflexe, parce qu'on l'a appris dès l'enfance, Il s'échappe spontanément de nos lèvres, par civilité, par bienséance. Il est important, au service de la cohésion sociale.

Il y a le merci officiel. Solennel, il accompagne les départs, célèbre les services rendus. Il est important, assouvissant le besoin vital de reconnaissance.

Et puis il y le merci qui jaillit du cœur et de l'estomac ; Celui-là n'obéit à aucune convention et n'est pas prémédité, on ne peut juste pas le retenir. Il appartient davantage à qui le reçoit qu'à qui le prononce.

Si tu as, Marjorie, droit aux deux premiers, bien emballés dans leurs paquets cadeaux, c'est en gerbe fleurie que jaillit le troisième de la part de toutes celles et ceux qui ont eu la chance de te côtoyer durant ces 10 années passées au SCI : volontaires, partenaires, collègues. Nous avons toustes pu profiter de ton énergie communicative, ta gentillesse simple et sincère, ta conviction profonde et sans concession dans les valeurs que nous défendons au SCI.

Aucun doute que ces qualités t'apporteront autant de succès dans ta nouvelle vie professionnelle.

Merci Marjo, mille fois, du fond du cœur. »

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REMERCIEMENTS
Pascal © SCI-Projets Internationaux © Sabina Jaworek © Sabina Jaworek

LA SCILOTHÈQUE pourvous!

Grandeur et décadence

Peu savent que l’autrice de BD sur le féminisme, le couple et l’amour a aussi réalisé une BD excellente sur le capitalisme, l’extrême richesse et les mécanismes de classisme ! Même format, même humour, mêmes dessins à la fois gribouillés et recherchés. Elle s’y moque des dirigeant·es d’entreprises insensibles au changement climatique, qui ont tout compris sur comment vivre le moment présent. Elle analyse l’invisibilité des classes pour ceux et celles qui proviennent des classes dominantes, nous familiarise avec Ayn Rand et la philosophie de Nietzsche, et elle imagine à la fin comment éradiquer l’extrême richesse. Pour tous les amateurs et amatrices d’humour décalé et de contenus socio-philosophiques, sous une forme revisitée.

Colère ! Contre les responsables de l’effondrement écologique

Eric la Blanche, Delachaux, 2020

C’est un essai qui rappelle qui est vraiment responsable de ce bouleversement climatique mondial : les puissant·es de ce monde, à la tête des multinationales de l’industrie et de la finance, qui possèdent les groupes de presse, financent les lobbies, ne paient pas leurs impôts et orientent les grandes décisions politiques. La colère c’est bien, elle nous indique que les limites ont été franchies, elle nous signale l’injustice. Accueillons notre colère et dirigeons-là, là où elle appartient. « Une grande enquête psycho-scientifico-politicoémotionnelle. J’ai eu mal au cœur, j’ai ri, et j’ai compris des trucs. Comme une sorte de rejeton d’Indignez-vous ! en plus marrant, en moins poli et en plus "vénère". » Pablo Servigne

Basculons ! Dans un monde vi(v)able – cahier militant

Tanguy Descamps, Maxime Ollivier, Romane Rostoll, Actes Sud, 2022

Basculons ! est un livre qui fait du bien. Dans ces pages, une rencontre intergénérationnelle entre des acteurs et actrices de la transition : des jeunes racontent les sources de leur engagement et inspirent par leurs actions ; des personnes investies depuis plus longtemps dans la militance pour sauver le climat partagent leurs parcours et apprentissages. On adore les citations et les ressources partagées après chaque témoignage : « L’utopie a changé de camp : est aujourd’hui utopiste celui qui croit que tout peut continuer comme avant » d’Angel Prieto, ou « Créez des communautés qui prennent soin du vivant mais n’oubliez jamais de prendre soin de vous ! » de Pascale d’Erm. Si vous cherchez une manière simple et efficace pour vous redonner de l’énergie, ce livre est pour vous !

BIBLIOTHÈQUE DU SCI
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DÉCEMBRE POUR RALENTIR...

L’année passe.

Au début de 2022, nous étions encore en pandémie, on travaillait sur le thème de la décolonisation en attendant de pouvoir enfin reprendre nos activités.

A partir de mars, tout s’accélère ! Toutes présentes à la manif du 8 mars pour les droits des femmes ! Nous accueillons enfin des stagiaires dans nos bureaux, on lance un séminaire entre pair·es, des formations, on cherche des coordinateur·ices de projet, on met en place les projets en Belgique et plusieurs journées de volontariat, on plante des arbres, on lance le potager…

L’été passe en un battement de cils – nous sortons le Carnet des volontaires, les volontaires partent en projet très loin et à coté, d’autres arrivent chez nous pour le séminaire Youth Green Deal, on démonte des pubs dans la rue avec les Collectifs et on discute de la notion de « développement » à l’AG.

Et l’automne ne nous ralentit pas : ce sont les ateliers Arcadia avec Ulysse, le week-end de rentrée, l’accueil de la réunion internationale du mouvement SCI, la formation Changement de système avec Agir pour la Paix… Et une grande réflexion sur la gouvernance et notre mode d’organisation.

C’était une sacrée année, pleine de frénésie, de rencontres, d’enthousiasme, de fatigue… Enfin décembre.

En décembre les nuits sont longues, les journées sont courtes, l’énergie baisse. Nous voudrions prendre l’inspiration de la nature et marquer un moment de pause, de ralentissement. Faites-le aussi. Le repos, le soin de soi sont essentiels pour pouvoir donner, s’investir, partager. Et pour partager il faut avoir de l’énergie. Prenez soin de la vôtre.

36 LE SCILOPHONE 97 • OCTOBRE / NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2022
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