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Safe spaces pour toustes Comment le SCI travaille sur l’inclusion des genres

Safe space pour toustes

COMMENT LE SCI TRAVAILLE SUR L’INCLUSION DES GENRES

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Avec Kerry, nous nous sommes rencontrées à l’EPM en Belgique. On s’est dit que ce serait bien qu’elle puisse nous partager son travail sur l’inclusion des genres au SCI (d’autant plus qu’on avait déjà cette thématique en tête pour le prochain SCIlophone), mais nous ne faisions que nous croiser entre différents ateliers, repas, réunions. Finalement, nous avons profité de cet automne trop doux, le dernier soir, pour nous installer au jardin. Et nous avons pris le temps pour qu’elle me raconte son travail.

Parle-nous de toi et de ton engagement au SCI

Je m’appelle Kerry Hargadon et j’étais volontaire au secrétariat international du SCI entre 2018 et 2019. Pendant cette période, j’ai beaucoup travaillé sur un projet sur le genre, « Gendered realites », qui avait pour but de comprendre la situation au SCI en ce qui concerne l’inclusion de différents genres, dans le contexte européen – quelles sont les expériences des volontaires, est-ce que nos activités sont safe et inclusives et comment on peut améliorer la situation. Ensuite, je suis restée dans le groupe « Gender Blender » du mouvement, et je travaille maintenant comme chargée de projets au secrétariat international du SCI.

« Aujourd’hui, on fait en sorte que le travail de care tourne, que des duos différents le fassent et que les tâches changent tous les jours. Il faut s’assurer que ça soit fait réellement, et pas seulement dans les paroles pour qu’ensuite ce soient les mêmes personnes (en l’occurrence les femmes) qui fassent ce travail.»

© Service Civil International

Peux-tu nous parler de ces projets lancés en 2018 ? Quelle était la situation au SCI au départ, la big picture ?

En 2018, le genre était un grand sujet sociétal. Il y avait une révolution en cours et on a parlé de différentes identités de genre, plus larges que le féminisme, comme la non-binarité, mais aussi des questions LGBT+, de la situation des personnes trans… L’idée est donc venue de travailler sur le sujet d’une manière structurée. La première activité était une rencontre en Albanie, où on a essayé d’avoir une compréhension commune du genre et de discuter de pourquoi c’est important quand on parle de l’inclusion. Les participant·es étaient de toute l’Europe et des Balkans. Quelques activistes ont rassemblé les idées qui ont émergé et une première publication-ressource a été proposée : « Free to be you and me1 », un toolkit destiné aux coordinateur·ices des activités pour les rendre plus safe et inclusives (et respectueuses de la différence).

Ensuite, on a envoyé un questionnaire à plein de personnes qui ont participé aux activités du SCI (des volontaires locaux, des volontaires long terme) en leur demandant de partager leurs expériences sur nos projets : comment iels se sont senti·es, est-ce qu’iels ont vécu des micro-agressions2, est-ce que le travail du care3 était bien reparti entre les différents genres… On a partagé ça assez largement et on a eu un grand nombre de réponses, qu’on a inclues dans une autre publication « Time to face gender realites4 », où ont été compilés les résultats ainsi que des recommandations.

Par après, il y a eu pas mal d’actions locales dans le cadre de ce programme, comme par exemple un projet en Bulgarie avec des jeunes filles d’une zone rurale. Pour sortir de leur zone de confort, elles sont parties une semaine marcher dans la montagne pour expérimenter l’autosuffisance. La dernière activité du programme était un Campaign Training pour former les gens à apprendre à parler des problématiques de genre.

© Service Civil International

2 Comportements ou propos, d'apparence banale, envers une communauté et qui sont perçus comme péjoratifs ou insultants.

3 Le care désigne l’ensemble des gestes et des paroles visant le maintien de la vie et de la dignité des personnes (soins de santé mais aussi sollicitude, attention à autrui, activités de soin et de réconfort, etc), des tâches qui sont traditionnellement associées et réalisées par des femmes.

4 À télécharger sur : https://sci.ngo/resource/time-to-face-gendered-realities/

Selon vos observations, qui n’est pas assez inclus·e dans le volontariat ?

En ce qui concerne l’équilibre entre les genres, il y a beaucoup plus de femmes dans les projets de volontariat, à l’exception des projets plus pratiques où il a y plus d’hommes. Dans le passé, il y avait une condition de participation égale entre les participant·es femme et hommes dans les projets de volontariat : les places étaient réservées à égalité pour les deux sextes. On a décidé de ne plus rendre ça obligatoire, d’abord en proposant une troisième catégorie pour le sexe. Ensuite, on s’est dit que demander qu’il y ait des hommes et des femmes dans un projet renforçait l’idée de complémentarité (que les uns et les autres apportent quelque chose de différent aux projets), et que le fait d’avoir l’équilibre des genres ne garantissait pas la diversité. Ce n’était plus nécessaire. On n’a pas complétement supprimé ça, parce qu’il y a encore des projets en non-mixité, comme dans des centres pour femmes migrantes, mais on s’est davantage focalisé·es sur la binarité des genres, ou les identités de genre marginalisées : est-ce que nos activités sont bien adaptées pour ces personnes ?

On a découvert que les coordinateur·ices de projets n’étaient, souvent, pas assez vigilant·es à différentes identités de genre. On ne demandait pas aux personnes quels étaient leurs pronoms, les filles faisaient plus souvent les travaux de nettoyage, il y a eu des situations/jeux où les personnes se sont senties inconfortables, certaines personnes ont vécu des micro-agressions... On a constaté qu’il y avait un manque de formation pour plus d’inclusivité. Quelques situations :

• Une femme coordinatrice de projet à qui le partenaire local dit : « Comment peut-on faire ce projet avec toi, il implique du travail physique, on va devoir trouver un coordinateur homme ».

• Un participant qui, après avoir dit qu’il était gay, entend de la part du coordinateur : « Je ne sais pas dans quelles douches tu pourras aller, dans celles des hommes ou plutôt dans celles des femmes ».

Ce genre d’histoire change complètement l’expérience des volontaires qui les ont vécues et les ont fait ne pas se sentir en sécurité. Une grande partie du travail d’inclusion, de la part des organisations partenaires, c’est de préparer les volontaires à la réalité sur place : si par exemple ce n’est pas possible d’avoir des douches séparées (pour les hommes, les femmes ou neutres), il est important de le dire clairement pour que le ou la volontaire puisse prendre sa décision en connaissance de cause.

Comment le travail du care se passe-t-il dans les projets ? Il y a 100 ans, dans les projets du SCI, les femmes participaient pour cuisiner et nettoyer pendant que les hommes faisaient le travail de construction et reconstruction… Comment est-ce que ça a évolué ?

Oui, et dans le temps le SCI se trouvait déjà très progressiste parce qu’iels admettaient des femmes dans les projets ! Aujourd’hui, on fait en sorte que le travail de care tourne, que des duos différents le fassent et que les tâches changent tous les jours. Il faut s’assurer que ça soit fait réellement, et pas seulement dans les paroles pour qu’ensuite ce soient les mêmes personnes (en l’occurrence les femmes) qui fassent ce travail. D’un autre côté, dans les projets où il y a du travail manuel, il faut aussi s’assurer que personne n’en est exclu ou ne se sent mal à l’aise par rapport à ses capacités. Que tout le monde ait l’espace pour participer à différents types de taches.

C’est vrai que ce sont deux facettes de la question : il faut que les hommes fassent davantage le travail du care, mais aussi que les femmes puissent faire des tâches qu’elles n’ont pas l’habitude de faire, peut-être plus physiques et techniques.

Oui, exactement, parce que souvent elles et ils n’ont pas eu beaucoup d’opportunités pour se familiariser avec ces types de travaux.

Comment le toolkit « Free to be You and Me » a évolué depuis ?

Le projet a eu pas mal de succès, on l’a partagé assez largement avec les branches et toutes ont reçu un exemplaire. On a été attentif·ves à son implémentation pratique. On s’est rendu compte que le toolkit est en anglais et que c’est souvent un frein à l’utilisation pour certaines branches locales. On a donc initié un grand projet de traduction durant la pandémie, en faisant appel aux volontaires qui l’ont traduit dans sa version courte et longue. Il existe désormais en espagnol, italien, français, serbe, macédonien, albanais, bulgare… Par ailleurs, cette année on fait un projet « genre » avec nos partenaires africains, pour avoir un regard frais. Les volontaires de différents pays africains se sont impliqué·es pour faire de nouvelles versions du toolkit et y ajouter leurs activités. On l’a transformé en un living toolkit, dans lequel on peut ajouter/enlever les activités adaptées aux différents contextes, pas uniquement au contexte européen.

© Service Civil International

Pour conclure, quel est ton rêve pour le futur du SCI, le futur féministe, l’inclusion des genres ?

Je trouve qu’il ne faut pas être totalement satisfait·e, mais tellement de travail a déjà été accompli. Je rêverais de continuer à travailler dans différentes régions, pas uniquement en Europe. Le projet en cours avec nos partenaires africains est très intéressant, ça a beaucoup de sens d’avoir des feedbacks mutuels et des échanges entre les régions, mais aussi accès à des ressources plus diversifiées. Je rêverais aussi de toucher plus de volontaires hommes dans les projets du SCI, je ne sais pas de quelle manière, mais on pourrait commencer par faire une recherche pour comprendre pourquoi les volontaires hommes sont moins nombreux…

En effet, ce serait intéressant de réfléchir là-dessus. Un grand merci pour ton témoignage !

Propos recueillis par Sabina Jaworek

Permanente au SCI

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