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Vers une réelle réciprocité entre partenaires africains et européens
Martial Kouderin, ingénieur agronome de formation, est le directeur exécutif de CREDI ONG 1, nouveau partenaire du SCI au Bénin. Il est venu à la réunion internationale du SCI. On a discuté avec lui de l’importance d’inclure différents types de publics, tant dans nos activités que dans nos équipes, et des freins qui résistent encore à une réelle réciprocité dans les échanges entre les pays africains et européens.
Peux-tu m’expliquer en quelques mots ce que fait CREDI ONG, et dans quel but ?
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CREDI ONG existe depuis 17 ans, et notre vision est de contribuer à l’émergence d’une génération de citoyen·nes du monde aptes à proposer des solutions locales pour un développement humain respectueux de l’homme et de la nature. Pour cela, on agit dans 3 domaines : la protection environnementale (gestion communautaire autour d’un parc naturel, « la Vallée du Sitatunga »), la promotion de l’agriculture durable avec des communautés locales (chasseur·euses, pêcheur·euses, agriculteur·ices, femmes, jeunes) et l’Education à la Citoyenneté Mondiale et Solidaire (accueil de jeunes volontaires et stagiaires, organisation de séminaires sur la préparation au voyage, la justice climatique, la rencontre de l’autre, etc). Notre public cible est assez diversifié. On travaille principalement en milieu rural ou en périphérie de zones urbaines, directement avec les communautés. On propose des activités avec les personnes qui ont la main dans la terre, à travers de la sensibilisation à l’agriculture durable.
1 Centre Régional de Recherche et d’Education pour un Développement
Intégré On organise aussi des programmes d’autonomisation des femmes dans l’agriculture : soutien à l’équipement pour alléger le travail physique, outils de gestion de ressources financières, caisses d’épargne/de crédit auto-gérées (on leur explique le dispositif, et ensuite elles s’autonomisent). Selon nous, les femmes jouent un rôle très important dans les milieux ruraux : elles sont un poumon économique, et ce sont souvent elles qui soutiennent financièrement leurs familles. On travaille également beaucoup avec des jeunes à travers l’éducation. On soutient des « clubs » dans les collèges, qui font des actions pour connaître et protéger la nature, comme la construction de potagers dans leurs écoles, des campagnes de salubrité ou encore du soutien naturaliste dans le parc naturel. On fait aussi partie du mouvement universitaire « Amis de la Nature », à travers lequel nos jeunes participent à des échanges internationaux et des réflexions sur des enjeux tels que les interdépendances mondiales, la justice climatique, le racisme, etc.
© Olivier Baltus
On comprend que l’inclusion de différents types de publics dans vos activités est importante. Comment est-ce que ça fonctionne dans votre organisation ?
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L’inclusion est déjà quelque chose que l’on essaye de mettre en place au sein de notre équipe. Pour chacun·e de nous, CREDI ONG est notre premier emploi. On donne ainsi accès au monde du travail à des personnes qui n’ont pas encore d’expérience, ce qui n’est pas si fréquent. On a aussi, par exemple, une personne sourde-muette dans notre équipe. Il possède des talents assez extraordinaires car ses autres sens sont extrêmement développés (il peut nous dire s’il y a un serpent qui se cache dans un arbre au-dessus de nos têtes). C’est une ressource précieuse car il s’occupe du soin des animaux sauvages blessés dans notre refuge animalier, et ça nous permet de le valoriser dans ses autres qualités.
Sur le terrain, on essaye aussi d’être le plus inclusif·ves possible, en orientant nos activités vers les femmes, considérées comme le « maillon faible » dans le travail agricole. Le challenge, par contre, est d’intégrer plus de femmes dans notre équipe aussi. Peu d’entre elles s’intéressent à ce domaine d’activité chez nous, et les 3 femmes de notre équipe (sur 12 personnes) travaillent dans la gestion administrative et non pas sur les aspects techniques. Nous avons envie de devenir une équipe plus mixte, et c’est donc un défi.
En quoi le fait d’avoir une équipe inclusive, ainsi qu’un public mixte, est un atout ?
Ça permet une grande diversité d’opinions, de façons de faire. Ça permet aussi d’élaborer des projets plus en adéquation avec les personnes concernées. Enfin, ça permet une meilleure conjugaison des efforts, et une belle complémentarité dans les tâches effectuées et les fonctionnements proposés.
Que penses-tu de l’inclusion au sein du mouvement SCI, duquel vous êtes récemment devenu·es partenaires ?
Je vois dans le mouvement SCI une volonté de créer un espace où tout le monde et à l’aise, quels que soient ses choix, ses spécificités et ses particularités. C’est déjà très appréciable. Il faut maintenant s’atteler
© CREDI ONG
à la question de la réciprocité : que des volontaires puissent venir dans l’autre sens. Pas seulement des Européens en Afrique, mais aussi des Africains en Europe. On parle beaucoup de décolonisation, mais il faut travailler à une formule pour mettre ces idées en œuvre concrètement.
CREDI ONG faisait auparavant partie d’un réseau européen, le Global Learning and Education Network (GLEN), qui organisait des cycles d’éducation non-formelle pour former ce qu’on appelait des démultiplicateur·ices. Il s’agissait de séances de formation et de réflexion sur les interdépendances globales, puis de stages de 3 mois dans un pays du « Sud ». Le problème, c’est que c’était un réseau européen, pour des Européen·nes. On a compris qu’il y avait encore des structures de pouvoir et que les Béninois·es n’étaient pas, eux et elles, considéré·es comme démultiplicateur·ices. Il ne leur était pas possible de faire un stage dans un pays européen à leur tour. Il y avait un manque de transparence dans les objectifs.
De manière générale, je rêve de plus d’inclusivité dans le volontariat. La cible, en général, ce sont des personnes qui ont un certain niveau intellectuel, car c’est nécessaire dans les échanges. Mais c’est une de nos grandes interrogations et c’est un chantier à adresser : comment faire pour que le volontariat soit également possible pour des personnes qui n’ont pas fait d’études ? Le plus grand problème dans les projets internationaux, c’est la langue, qui entraîne des impossibilités de communication. Mais il est important de continuer à promouvoir la réciprocité dans les échanges : l’horizontalité, le respect mutuel, et que tout le monde soit traité d’égal à égal.
Qu’est-ce que tu retires de cette première expérience à une rencontre internationale du mouvement ?
Je suis globalement content de prendre part à cette rencontre et de pouvoir échanger et créer des contacts et des partenariats avec des personnes de pays différents. C’est une bonne perspective pour le développement du volontariat par la suite. Ça me permet aussi de découvrir de nouvelles approches et de façons de faire du volontariat. Je suis curieux d’en apprendre plus sur le côté pratique, les outils de gestion, comment cela fonctionne réellement. Maintenant, il ne reste plus qu’à accueillir et pouvoir envoyer des volontaires.
Propos recueillis par Joëlle Mignon
Permanente au SCI