Penser l’après-automobile pour les villes moyennes. Le cas d’étude de l’agglomération de Bayonne, An

Page 1

PENSER L’APRÈS AUTOMOBILE POUR

LES VILLES MOYENNES

Le cas d’étude de l’agglomération de Bayonne, Anglet, Biarritz

EMONET PAULINE

Mémoire de master - REPENSER LA MÉTROPOLISATION - ENSAP BDX - 02.2019

Couture,

Xavier Guillot, Aurélie Delphine Willis, Julie Ambal

EMONET PAULINE

Février 2019

PENSER L’APRÈS AUTOMOBILE POUR LES VILLES MOYENNES

Le cas d’étude de l’agglomération de Bayonne, Anglet, Biarritz

REPENSER LA MÉTROPOLISATION

ENSAP BORDEAUX

Enseignants: Xavier Guillot, Aurélie Couture, Delphine Willis, Julie Ambal

INTRODUCTION

Qu’est ce qu’un TCSP ou système de transport en commun en site propre ? Les lignes de TCSP en France

01.

LES LIMITES DU TOUT TRAMWAY

1.1 LE RETOUR DU TRAMWAY

1.2 POURQUOI LE TRAMWAY SÉDUIT-IL LES MUNICIPALITÉS ?

1.3 OUTRE CETTE IMAGE PORTEUSE QUE VÉHICULE-T-IL-DE PLUS QUE LE BHNS ?

1.4 LA SOLUTION N’EST-ELLE PAS DANS L’HYBRIDATION ?

1.5 LE TRANSMILENIO DE BOGOTA, PRÉMICES DU BHNS FRANÇAIS ?

02.

VERS DE NOUVELLES ALTERNATIVES, LE CAS DU BHNS DU BAB.

8 -

2.1. LA DÉMARCHE

2.2 MISE EN PLACE DU BHNS

2.3 LE TRAM’BUS COLONNE VERTÉBRALE DE TOUS LES DÉPLACEMENTS

2.4 REQUALIFICATION URBAINE

2.5 RENOUVELER L’IMAGE DU BUS

03. VERS UNE MULTI-MOBILITÉ ?

3.1 JOUER LA COMPLÉMENTARITÉ BUS - TRAM - VÉLO - MARCHE À PIED.

3.2 LES TRANSPORTS FLUVIAUX, NOUVEAU SERVICE PUBLIC

3.3 LA MOBILITÉ CONNECTÉE

5
SOMMAIRE
CONCLUSION ANNEXES BIBLIOGRAPHIE ICONOGRAPHIE
15 47 - 50 51 - 52 53 - 54 55 - 69 60 - 78 79 - 82 83 - 85 32 - 34 30 - 32 35 - 37 38 - 42 43 - 45 25 - 27 19 - 20 21 - 22 22 - 24
6
FIG.1 Jouer de la ville comme d’un clavier.

« A chacun son film, à chacun sa ville, selon sa vitesse et sa manière de bouger. Le cinéma est l’inverse optique du mouvement urbain. Reconstitution imaginaire de la continuité. Les fragments photographiques de l’existence urbaine sont comme les lettres et les mots disponibles à la production d’autant de récits cinématographiques qu’il peut y avoir de trajectoires existentielles. L’art du montage, souvent considéré comme le coeur de la cinématographie, est l’analogue parfait d’une vie urbaine faite de séquences successives, de « tranches de vie » empruntant à des lieux et milieux divers leur couleur et leur sens. »

Georges Amar

7

INTRODUCTION

« La mobilité est devenue un quasi-droit social, comme la santé ou l’éducation, un bien public, comme l’eau ou l’électricité1. »

Souvent subie et non souhaitée, la mobilité de par la multiplication des déplacements commence à changer de sens et de valeur. Le terme même de « mobilité », récemment mis au devant de la scène et intrinsèquement lié à ceux de transport, déplacement, trafic, circulation, souligne donc cette évolution. Il indique notamment que, par le biais de différents systèmes de déplacements qui en sont finalement les outils, la mobilité devient alors un mode de vie et de fonctionnement propre à notre société2. Aux yeux des gens, la mobilité est de plus en plus perçue comme créatrice de liens, d’opportunités et de synergies, plutôt que de pur franchissement de distances à des vitesses variables. A ce titre, elle est devenue et est considérée comme norme sociale à l’image de la santé et l’éducation comme le dit Georges Amar dans son livre « Homo mobilis, le nouvel âge de la mobilité. »

C’est alors que le concept de reliance3 apparait dans le cadre de la mobilité, englobant et dépassant la relation vitesse-distance qui dominait le cadre du transport. Cette évolution se traduit par une série de transformations du point de vue des usages, dans la manière dont les gens vivent leur mobilité.

Le temps de transport, par exemple, n’est plus conçu comme une perte de temps, la notion d’attente elle-même, devenant grâce à l’information en temps réel un instant de pause utilisable.

La notion de lieu est elle aussi affectée: les étapes et lieux destinés aux flux urbains (gares, stations...) deviennent des lieux à haute valeur de la ville. En fait, le passage « transportmobilité » s’inscrit dans une transition globale appelée « la ville mobile ». Le paradigme du transport est centré sur l’efficacité, la fiabilité et la sécurité de la « gestion de flux ». Autant que les usages, le changement de paradigme se manifeste dans les outils et les offres de service.

Le changement en cours affecte une notion centrale de la mobilité, celle du mode de déplacement. C’est l’émergence de la transmodalité4, une nouvelle manière d’innover qui touche tous les modes de transports, publics ou privés, au delà des identités modales traditionnelles, leurs métissages ou « croisements génétiques » constituent un vaste champ d’innovation.

On voit alors apparaitre des concepts tels que la voiture partagée, le vélo public, le pédibus, ou encore le bus-métro, le tram-train, et bien d’autres, devenant ainsi de nouvelles figures du transport.

Les nouveaux processus d’innovation privilégient le software et l’hybridation modale, et produiront un nombre croissant de modes de transports. Ainsi, l’optimisation de la mobilité d’un territoire ne consiste plus en la recherche du mode idéal, du transport « dernier cri »,

2 ibid. p.25

3 ibid. p.38

4 ibid. p.188

8
1 AMAR, Georges, Homo mobilis, le nouvel âge de la mobilité, 2ième Edition, Paris, FYP, 2010, p. 17
9
».
FIG2 : « Quel est le moyen le plus efficace pour 50 personnes pour se rendre au travail
?

mais la variété elle-même, intégrant modes rapides et modes lents, mécanisés et doux, individuels et collectifs. La multimodalité la plus large s’impose désormais: il faut la considérer comme un principe d’écologie urbaine5. On va alors constater une intensification en terme d’innovation. C’est ainsi que l’accent longtemps mis sur la puissance de transit - c’est-à-dire les interfaces et l’accessibilité, les lieux et les parties « immobiles » de la mobilité, la facilité d’usage, la relation et les services, les aspects soft - va finalement être mis sur l’intelligence, que l’on appelle le « smart » et les usages de la puissance, plutôt que son seul accroissement qui font l’objet de l’innovation.

L’information sous toutes ses formes devient l’ingrédient essentiel des systèmes de transports. Au delà de sa fonction classique de signalétique spatio-temporelle ou de mode d’emploi, l’information est à présent le software6 d’un système dont les véhicules et les infrastructures sont le hardware 7. L’intelligence est rassemblée pour être ensuite redistribuée au niveau des individus mobiles équipés de smartphones de plus en plus performants qui viennent d’ores et déjà transformer la gestion en temps réel de la mobilité.

Le principe de reliance, qui caractérise le paradigme de la mobilité au plan des usages, inspire également les nouvelles formes d’optimisation et d’innovation. La mise en correspondance des moyens de déplacement appelée l’intermodalité, l’interconnexion des réseaux sont des facteurs d’efficacité aussi importants, sinon plus, que la performance de chaque mode de transport ou réseau pris indépendamment.

L’innovation technologique dans les transports n’a plus pour seul objet l’automatisation des processus, mais aussi l’enrichissement des capacités d’interaction des individus et la reliance.

Elle se caractérise en trois points:

- Le passage du transport à la mobilité, transformant les usages et les valeurs.

- Le passage du hardware au software renouvelant outils et moyens.

- La mutation des acteurs, stratégies et métiers vers l’opérateur de service mobile.

Il est de plus en plus évident que le développement des mobilités ne sera soutenable que s’il est innovant. Les solutions héritées du XXème siècle, ne semblent pas suffisamment convaincantes bien que certaines paraissent plus soutenables que d’autres. Mais il y a aussi le champ des énergies qui impacte à l’heure actuelle celui de l’innovation: pouvant entraîner le développement de technologies propres. Enfin, la globalisation économique entraine une forme de compétition par l’innovation. L’impression qui a prévalue jusqu’à lors dans le domaine du transport urbain est que l’innovation est lente, difficile, soumise aux politiques et aux financements. Il y a finalement peu de véritables inventions dans ce secteur depuis maintenant près d’un siècle.

5 HUGUENIN-Richard, Florence, Mobilité urbaine : de l’automobilisme à l’éco-mobilité. Un long chemin…., Paris, Armand Colin, pp.109-137, 2010.

6 AMAR, Georges, Homo mobilis, le nouvel âge de la mobilité, 2ième Edition, Paris, FYP, 2010, p. 56.

7 REDONDO, Belinda, « Tramway et territoire : quel urbain en perspective? », Revue Géographique de l’Est, vol. 52, 2012.

URL : http://journals.openedition.org/rge/3572

10

Aujourd’hui, les transports publics sont de plus en plus reconnus et occupent une place considérable comme entités essentielles et fédératrices d’une ville fonctionnelle et durable. Force est de constater qu’un grand nombre de villes pâtissent d’une mauvaise qualité de service, ainsi que d’un manque d’infrastructures ayant une capacité limitée à répondre aux demandes de transport des usagers. Par conséquent, ces villes souffrent d’embouteillages, particulièrement au niveau des centres anciens actuellement en perte d’attractivité. Pour autant, ils sont régulièrement sujets d’opérations d’amélioration de leurs transports publics, contrairement aux zones urbaines plus isolées et aux périphéries des villes. En effet, il est plus courant que celles-ci soient mises en marge des grandes opérations de transport. C’est le cas dans plusieurs villes de banlieue à qui profiteraient indéniablement ces améliorations, évitant ainsi une trop forte dépendance de l’usage de la voiture et par extension aux énergies fossiles.

Cela fait environ dix ans que des recherches ont été développées démontrant que les transports publics peuvent fournir un service adapté aux besoins des usagers dans les banlieues et les lieux moins denses. La solution serait notamment d’offrir une alternative performante à la mobilité individuelle.

Cette tendance est de plus en plus commune dans les projets de planification urbaine en Europe. Elle est accompagnée d’une attention portée sur les infrastructures de mobilité déjà en place, à leur gestion, tout comme à leur intégration au sein d’un ensemble urbain. Le réseau des métropoles est alors structuré, offrant un service tout au long de la journée.

Cette qualité de service passe aussi par un niveau de confort convenable, une fréquence de passage soutenue, des prix les rendant accessibles, et surtout des horaires et dates de passages clairs.

Les transports en commun en site propre connaissent un développement majeur dans les agglomérations françaises.

C’est au travers du tramway que les TCSP (Transports en Commun en Site Propre) ont fait majoritairement leur apparition. Toutefois, même si celui-ci a été depuis une vingtaine d’années le choix de prédilection des collectivités, aujourd’hui la programmation des projets de TCSP entre dans une nouvelle ère. En effet, les agglomérations souhaitent évaluer d’abord la pertinence de l’ensemble de ces modes de transports, avant de faire un choix en adéquation avec leurs besoins. Parallèlement, elles souhaitent disposer d’un point de comparaison avec les autres réseaux pour mieux apprécier leurs propres résultats ou prévisions. Ainsi, en phase amont de définition de projets de transport, le choix du mode est devenu une étape essentielle. La prise en compte de l’ensemble des paramètres techniques et financiers d’un TCSP constitue une phase incontournable pour les collectivités.

11
12
FIG.3 Illustration personelle. Carte de France des transports en commun en site propre , 2018.

Qu’est-ce qu’un TCSP ou système de transport en commun en site propre ?

Le CERTU (Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques) en propose une définition :

« Les transports en commun en site propre sont donc des systèmes de transport circulant sur une voie ou un espace réservé. Le TCSP peut être défini par un système incluant, un matériel roulant performant, disposant de priorités aux carrefours, un bon niveau de service (fréquence, amplitude horaire, capacité...), une plateforme protégée de la circulation. Le TCSP constitue l’armature du réseau de transport collectif et se positionne comme une ligne structurante du réseau8. »

On note divers modes de transports bénéficiant d’un site propre:

• Le métro, qui est un TCSP circulant uniquement sur une voie qui lui est dédiée et généralement en souterrain, voire parfois en viaduc et ne croise aucun autre mode de transport, ni voies piétonnes.

• Le tramway qui est un transport en commun qui se caractérise par des véhicules ferroviaires qui circulent majoritairement en zone urbaine.

• Le BHNS (Bus à Haut Niveau de Service) qui est un concept de transport routier qui se caractérise par un matériel roulant sur pneu. Le BHNS est d’un niveau de service supérieur aux lignes de bus traditionnelles et tend à s’approcher des performances du tramway.

• Le Tram Train qui est un système de transport collectif qui permet à un même véhicule de circuler à la fois sur les voies de tramway en zone urbaine, mais également sur le réseau ferroviaire et ainsi de relier des stations situées en zone périurbaine.

D’autres formes plus atypiques de TCSP existent comme les téléphériques, les funiculaires, les « people mover », les monorails, etc... Mais les enjeux et les caractéristiques de chacun restent très éloignés des TCSP que l’on trouve classiquement dans les agglomérations. Dans un contexte de développement durable, une prise de conscience est nécessaire. La baisse du pouvoir d’achat, la hausse du coût des carburants poussent de nombreuses agglomérations à développer leur réseau de transport pour faire face aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux de notre société ainsi qu’à la densité du trafic automobile. Cette volonté passe souvent par la création d’une ligne de TCSP jugée plus performante, et offrant un niveau de service capable de proposer une réelle alternative à la voiture particulière. La bonne réponse à apporter passe cependant par une bonne connaissance des différents modes existants.

13
8 RIVOIRE, Marion, Les transports en commun en site propre (TCSP) en France. Conception d’une base de données pour la société Egis Rail, Mémoire, Gestion et management, Vaulx-en-Velin, 2008.

Les lignes de TCSP en France

Le territoire français apparaît comme relativement bien doté en réseaux à TCSP. Treize agglomérations se sont tournées exclusivement vers le tramway. Les villes de Toulouse et Rennes sont équipées d’un métro de type VAL et cinq agglomérations disposent de plusieurs modes associés (Lyon, Paris, Nantes, Rouen, Marseille et Lille). Aujourd’hui, dans le cadre d’une politique privilégiant l’usage des transports en commun, les agglomérations semblent vouloir poursuivre cette logique de développement des réseaux de transport. Ainsi, les projets de TCSP sont de plus en plus nombreux. La taille des villes est un élément clé contribuant ou non à la mise en place d’un transport en commun en site propre. En effet, comme le montre la dernière étude du CERTU, le choix du mode de transport est confronté à des effets de seuil.

De façon globale, il apparaît que les villes millionnaires ont d’abord opté pour les transports guidés de type métro, pour ensuite se consacrer à leur réseau de surface avec le tramway et le BHNS. Il s’agit des villes de Lille, Lyon et Marseille. En revanche, les villes plus petites se tournent directement vers le tramway.

Ainsi, le choix du mode de transport est une phase essentiellement réservée aux villes moyennes qui ne disposent pas d’un potentiel de population suffisant pour envisager le métro, mais qui ont une taille suffisamment importante pour envisager un vrai axe structurant.

Tout au long de mon mémoire je me suis intéressée au renouvellement des transports en commun dans les villes moyennes et plus particulièrement à « l’après tramway ». Une première partie viendra donc expliquer l’ère du tout tramway face aux enjeux majeurs générés par l’utilisation à outrance de la voiture, jusqu’à l’apparition du bus à haut niveau de service en France. Elle proposera une comparaison entre ces deux modes de transport en montrant le tournant qu’emprunte les villes aujourd’hui afin de proposer un maillage plus performant de leur territoire. Pour finir, deux exemples seront exposés dont un plus particulièrement, celui de Bogota, le Tramilenio, afin de montrer les influences de projets internationaux.

La seconde partie exposera mon cas d’étude. Elle portera sur la mise en place d’un bus à haut niveau de service dans l’agglomération du BAB (Biarritz, Anglet, Bayonne). Elle pointera du doigt l’impact à différente échelle de l’intégration d’un transport en commun en site propre. Elle exposera les différents impacts de manière gradiente en partant de l’échelle du grand territoire pour finir sur l’objet Tram’bus lui-même. Enfin, ma troisième partie montrera finalement que la restructuration d’un territoire passe parfois par la mise en place d’un moyen de transport lourd mais que celui-ci ne peut fonctionner que grâce à sa mise en réseau avec d’autres moyens de déplacements. Dans cette dernière partie nous parlerons de multi-modalité. La complémentarité entre, bus-tramway, vélo et marche à pied sera abordée. Pour enfin conclure sur les initiatives privées dans le domaine du transport mettant à mal l’espace public. Pour ce faire, j’ai réalisé des enquêtes de différentes natures. Un, visant les municipalités afin d’affiner mes connaissances sur mon cas d’étude. L’autre, est un entretien de terrain porté sur la perception du projet par les habitants de l’agglomération.

14
15
FIG.4 Part de chaque type de transport en commun en site propre en kilomètre et dans les voyages
16
FIG.5 Place du réduit, Bayonne,1902. FIG.6 Place de la mairie, Bayonne, 1903.

PARTIE 1LES LIMITES DU TOUT TRAMWAY

1.1

LE RETOUR DU TRAMWAY

Aujourd’hui, un des systèmes de transport en commun en site propre qui nous est le plus familier est le tramway. Pourtant, il faut savoir qu’il a fait son entrée il y a bien longtemps. Apparu en 1830, le tramway a modelé nos villes. Il est donc considéré comme étant un élément fort du paysage urbain comme le rappelle Hasse-Klau en 1990, « Le tramway et le chemin de fer détermineront la croissance urbaine le long de corridors clairement définis, en particulier en ce qui concerne la localisation des arrêts et des stations9. »

Jusqu’aux années 1950, la plupart des grandes villes françaises en sont alors dotées, il est le transport en commun numéro un français à cette époque.

Mais dans les années 1960, la voiture individuelle se généralise et la ville s’adapte à de nouvelles pratiques de mobilité. Les réseaux de tramways sont alors démantelés pour accueillir de grandes infrastructures routières. Seules trois villes résistent à cette pression de la culture du « tout-automobile » et conservent leur tramway : Lille, Marseille et St Etienne. Georges Pompidou disait, « Il faut adapter la ville à la voiture10.»

Il faut finalement attendre les années 1970-1980, pour entrevoir un renouveau des transports collectifs. Au début des années 1980, un important processus de décentralisation se met en place au profit du tramway. Les collectivités locales comprenant les communes, les départements, ainsi que les régions sont responsables de l’organisation des transports publics. Le Plan de Déplacements Urbains (PDU) devient le principal outil de planification des transports11

En effet, le choc pétrolier de 1973, conjugué à de nouvelles préoccupations environnementales ainsi qu’une politique volontariste de l’Etat, vont contribuer à la réalisation de la première ligne de tramway à Nantes en 1985, suivie par Grenoble en 1987. La voiture est alors perçue de manière négative et devient symbole de stress, de pollution et d’embouteillages impactant fortement la qualité de vie de tout un chacun.

Aujourd’hui, le tramway semble être entré dans une nouvelle phase car dix-neuf agglomérations françaises ont équipé leur réseau de transport d’au moins une ligne de tramway.12

Le succès du tramway français moderne s’explique donc en partie par un contexte de

9 HASS-KLAU, Carmen, Políticas de transporte integrado para las grandes áreas metropolitanas de Europa, Sistema, Madrid,1990.

10 Paris, l’automobile,les transports (Georges Pompidou),1971.

11 CC, Loi n° 82-1153, 30 décembre 1982, Loi d’orientation des transports intérieurs, LOTI.

12 Villes équipées d’au moins une ligne de Tramway: Angers, Aubagne, Besançon, Bordeaux, Brest,Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble, Le Havre, Le Mans, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Mulhouse, Nancy, Nantes, Nice, Orléans, Paris, Reims, Rouen, St Etienne, Strasbourg, Toulouse, Tours, Valenciennes.

17

décentralisation favorable. Dans les années 1990 jusqu’à 2000, l’Etat par sa politique de subventions, incite les collectivités à construire de nouveaux transports en commun en site propre en surface, en partageant l’espace public entre les différents modes.

C’est réellement à cette période que l’on peut situer la réapparition du tramway français. Nous pouvons citer comme exemple la construction des premières lignes de Strasbourg, Rouen et Montpellier.

Mais dans les années 2000, l’Etat prend la décision de renforcer le processus de décentralisation et veut réduire ses déficits publics. Il demande donc aux collectivités locales de prendre totalement en charge leurs politiques de transports et met fin aux subventions. Malgré cela, le tramway continue à se développer en France. Mulhouse, Valenciennes et Clermont-Ferrand inaugurent leurs tramways en 2006. Nice et Le Mans ont ouvert leur première ligne en 2007. Puis c’est au tour d’Angers en 2009, de Reims en 2010, sans compter les nouvelles lignes ou extensions de Saint-Etienne, Lyon, Montpellier.

Ce succès reste tout de même décrié. La voiture demeure omniprésente dans les villes, les partisans du vélo estiment que les frais engendrés par des projets de TCSP empêchent de développer les autres modes alternatifs à la voiture individuelle. Même chez les défenseurs des transports collectifs, le tramway ne fait pas l’unanimité. Pour certains d’entre eux, le tramway n’a pas assez de poids dans la ville: seul le métro permet d’accéder au rang de métropole. Ce débat renvoie à la question essentielle de l’image (de dynamisme, de modernité) donnée à la ville par son réseau de transports publics et n’épargne pas les promoteurs du tramway eux-mêmes, qui se sont parfois lancés dans une course à l’innovation incertaine et coûteuse. Pour d’autres, le tramway est au contraire un mode trop intrusif, trop lourd et trop coûteux. Jusqu’à 50 000 voyageurs/jour, le bus à haut niveau de service peut constituer une réponse suffisante en termes de capacité, exigeant un investissement moindre et ne nécessitant pas une technologie ou un savoir-faire particulier.

Le tramway paraît coûter cher parfois, c’est vrai, mais nous avons vu qu’il n’était pas qu’un outil de transport et qu’il intégrait souvent des coûts directs d’aménagement ou de développement urbain qui peuvent faire varier le coût du kilomètre de ligne entre 12 et 35

18
FIG.7 Le tramway Bordelais, Strasbourgeois, Nantais et Montpelliérain.

millions d’euros.13

Si les coûts directs du tramway sont faciles à cerner et sont considérables, les recettes qu’il peut générer sont plus difficiles à apprécier. Les recettes commerciales, par exemple, suffisent probablement à équilibrer les charges d’exploitation sur les lignes de tramway bien fréquentées. Cependant, le taux de couverture des charges par les recettes est souvent calculé au niveau du réseau et le tramway pâtit de l’image de système déficitaire qui affecte le transport public considéré dans sa globalité. On essaie de prendre en compte aussi, au titre des recettes, la réduction des coûts externes du transport que permet l’introduction du tramway, qu’il s’agisse de la pollution de l’air, du bruit, de sécurité routière, mais ces effets restent difficiles à appréhender.

Il faudrait pourtant aller au-delà. Si l’on s’accorde à dire que le tramway est un outil d’aménagement ou de développement urbain, il faut aller au bout de ce concept et essayer d’évaluer aussi ce que rapporte cet outil à la collectivité ou à la société. Si l’on est capable de chiffrer ce que rapporte le tramway en termes de réduction de la consommation d’espace, de revalorisation du tissu urbain, de cohésion sociale, d’image globale de la ville... alors on pourra espérer aboutir à une évaluation juste du tramway. Ce faisant, on comprendra un peu mieux les raisons de son succès passé et on saura mieux s’assurer des conditions de sa réussite future.

On assiste alors depuis quelques années à un retour des politiques de transport en commun et notamment au retour du tramway. Mais ces projets ne résultent plus d’une simple envie de développer un transport.

La démarche va bien au delà, ils s’inscrivent dans une stratégie plus globale de requalification urbaine. Mais avant d’être un engagement en faveur de la disparition progressive de l’automobile au sein de nos villes et de leurs centres, ou une envie forte de « souder » des territoires victimes de l’étalement urbain, le tramway est d’abord vecteur de modernité, d’une image de renouveau. Il est pour des villes moyennes, le gage de poser un pied dans la cour des « grands », de se lancer dans cette compétitivité métropolitaine face à ceux qui depuis longtemps ont franchi le pas.

1.2

POURQUOI LE TRAMWAY SÉDUIT-IL LES MUNICIPALITÉS ?

En accord avec le ministère de l’équipement, l’industrie ferroviaire a assuré la promotion du tramway depuis les années 1980, avec l’aide persuasive de subventions. Ainsi, cela conforte les maires et les amène à penser qu’ils font le bon choix en optant pour le tramway alors qu’ils ne sont que les victimes d’un phénomène de mode: celui du « tout tramway ».

13 GOUIN, Thierry, Planification urbaine et tramway en France: les leçons de l’expérience du tramway français moderne, CERTU, France,2011, 8p.

19

Le tramway ne vient jamais seul et apparaît souvent être un prétexte à la constitution d’autres projets urbains. Plus généralement, l’installation d’un tramway, c’est souvent l’assurance de conserver, voire de renouer avec des dynamiques économiques.

Le tramway n’est plus uniquement appréhendé comme un moyen de transport mais devient un outil indispensable aux élus locaux, répondant notamment aux attentes actuelles en terme de développement durable. Il passe alors du statut de « moyen de transport » à un objet technique roulant synonyme d’enjeu électoral. Il est finalement un acteur de mise en scène mais aussi un objet scénarisé dans la ville. Nous passons d’un discours de prime abord technique au sujet du tramway, qui peu à peu se transforme en mise en récit. L’architecture objet se mettant en scène dans nos villes, l’urbanisme, vient se substiter à la narration. L’apparition de designers, de plasticiens et bien d’autres corps de métiers viennent augmenter ce phénomène on parle alors « d’objet icône ». A Strasbourg par exemple, l’accompagnement du projet de tramway par des oeuvres d’art, des installations sonores, participent de manière évidente à sa mise en scène.

Ainsi, le cas de Bordeaux et de son tramway est la démonstration d’une ville ouverte et dynamique. Le moyen de transport serait le vecteur d’un sentiment d’appartenance, le signe d’une identité commune. Il est fait pour attirer le regard et devient même objet de valorisation de la population. Un soin particulier est apporté à l’esthétisme du tramway, à sa couleur, sa forme, à l’image d’un objet de propagande. Mais ce soucis d’esthétisme et de design servent-ils vraiment à la requalification urbaine ? Une approche multisensorielle s’opère, le tramway se transforme en objet ludique. Mais pas seulement, il est accompagné de mobilier de voirie finement dessiné ceci le projetant sur les devants de la scène et le mettant en avant dans l’espace urbain qui l’entoure.

L’apparition à Tours d’une narration beaucoup plus étendue allant jusqu’au design de la ligne intégrale du tramway, alliant projet de transport et projet urbain, pointe du doigt une globalisation marquée du design. A l’image d’une vedette, des goodies font sa promotion, ses maquettes sont données à voir. Il est sans arrêt étudié, réétudié pour le rendre le plus attractif possible. Il vient s’adapter aux saisons, aux différentes temporalités auxquelles il fait face.

Mais finalement, ce basculement d’ingénierie de réseaux à une narration soulève une question majeure: celle de la misère symbolique que peut, par la suite, engendrer ce dispositif14

20
14 GWIAZDZINSKI, Luc, « Des tramways nommés désirs. Les réseaux de transport collectif, nouveaux instruments de l’urbanisme fictionnel », Métropolitiques, 2015, p.1-6.

1.3

OUTRE CETTE IMAGE PORTEUSE QUE VÉHICULE-T-IL-DE PLUS

QUE LE BHNS ?

Un réseau de tramway coûte très cher pour des municipalités soumises à de multiples dépenses. Il faut compter en moyenne 25 millions d’euros au kilomètre. Cela sans compter les sommes considérables qu’il restent à débourser aux opérateurs du tramway afin d’en assurer l’entretien et la gestion… Parmis eux nous pouvons citer Systra15 ayant participé à un grand nombre de réalisations de tramways ou encore Egis16. A titre indicatif, le tarif d’un voyage en Tramway dans l’agglomération grenobloise (un euro quarante), ne couvre que 15% des frais de fonctionnement. Ou encore, à Bordeaux, le tickarte d’un montant de 1,40 euros pour voyager une heure est l’un des tarif les moins élevé de France. Ce montant permet de couvrir seulement un tiers des dépenses liées à l’exploitation du tramway. Cette dernière implique des frais massifs liés à la rémunération de son personnel, à l’entretien du matériel et des lignes ainsi que les dépenses en énergies nécessaires. Ce sont 160 millions d’euros par an versés à l’entreprise Keolis soit un douzième du budget de la communauté urbaine17

Face à cet engouement pour le tramway, le bus n’avait cessé jusqu’alors de connaître une baisse de fréquentation due aux critiques massives à son égard. Il est perçu comme un transport social souffrant d’un manque de technologie et de fonctionnalité évident. Pour reprendre l’exemple Bordelais, malgré les dépenses considérables liées au tramway, le bus reste le moyen le plus déficitaire pour l’agglomération. En particulier des lignes peu utilisées. Pour autant, il faut rappeler que le tramway ne dessert, pour l’instant, que 40% de la population de la CUB et est considéré comme nécessaire au maintien d’une certaine équité entre les 28 communes de l’agglomération. Comme le dit Christophe Duprat, vice-président de la CUB en charge des transports: « Les bus permettent au réseau de transport de jouer un vrai rôle de service public. »18

Chiffres clés - Systra:

563 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009

7 300 salariés à travers le monde

400 professionnels de l’ingénierie

20% de l’activité réalisés à l’étranger

Chiffres clés - Egis :

252,6 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009

2 510 salariés dans le monde

Des projets dans 350 villes et 150 pays

80% de l’activité réalisés à l’international

15 Réalisations de Systra en France: Nantes, Orléans, Bordeaux, Lyon, Mulhouse, Marseille, Nice, Saint-Étienne, Reims, Brest, Île-de-France, Tours, Le Havre, Besançon, Lens.

16 Réalisations d’Egis en France : Besançon, Brest, Bordeaux, Dijon, Grenoble, Lyon, Montpellier, Nice, Orléans, Paris, Strasbourg, Toulouse.

17 ROUSSET, Julien, « Bordeaux : ce que coûte vraiment le tramway. », Sud- Ouest, 2013, p.1-2.

18 ibid. p.1-2.

21
FIG.8 Chiffres clés Sytra/Egis par le Ministère de l’Écologie, du Développement.

De plus, la question de l’intégration du tramway au tissu urbain et plus globalement à nos villes du 21ème siècle est à souligner. Les villes et les dynamiques qui les traversent sont en changement perpétuels et se recomposent, parfois indépendamment des politiques urbaines. Le tramway en site propre est alors perçu comme un véritable monolithe et constitue, à l’image de ses rails, un objet difficilement adaptable à l’oscillation perpétuelle des forces urbaines.

Comme le souligne François Beaucire: « c’est paradoxalement en se parant du caractère du tramway que l’autobus est en train de se réinventer, non plus comme véhicule mais comme système complet. »19

L’idée serait peut-être de lier les atouts du bus et ceux du tramway afin de trouver une alternative intéressante pour le système de transport en commun de demain ?

1.4

LA SOLUTION N’EST-ELLE PAS DANS L’HYBRIDATION ?

Après des années d’impopularité, le bus revient sur le devant de la scène! On lui avait préféré le tramway, qui avait une image vertueuse et moderne mais aujourd’hui, la plupart des villes y reviennent. Fini les dépenses exorbitantes liées au tramway, place au BHNS moins coûteux et aussi efficace. Il reprend tous les ingrédients qui ont fait le succès de son prédécesseur pour s’imposer comme une alternative convaincante. Un nouveau vocabulaire apparait donc dans le « paysage français des transports collectifs : le BHNS (Bus à haut niveau de service) laissant deviner un renouveau de l’autobus, alors qu’à l’origine ce terme date des années 80. »20 Les villes de grandes envergures l’adoptent toutes, parfois même comme complément d’un système préexistant de transports.

19 GONZALEZ, Ruben,PAZOS OTON, Miguel, WOLFF, Le tramway entre politique de transport t outil de réhabilitation urbanistique dans quelques pays européens: Allemagne,Espagne, France et Suisse , annales de Géographie, 2013, pp 619-643.

20 VILLE, Frédéric, « Quand préférer le BHNS au tramway ou au bus classique ?», La gazette des communes, 2014. URL: https://www.lagazettedescommunes.com/253799/quand-preferer-le-bhns-au-tramway-ou-au-bus-classique/

22
FIG.8 Emissions issues de la phase construction des différents transports en commun en site propre.

L’autobus serait lui aussi devenu un « système de transport» et non seulement un concept. Il ne serait plus un véhicule roulant autonome, mais plutôt un produit à part entière organisé autour d’un aménagement de l’espace public.

Contrairement aux premiers bus, on ne se contente plus d’installer de simples bancs en guise d’arrêts.

Tout comme le tramway, les arrêts deviennent de véritables stations aménagées. Elles sont dessinées et conçues pour devenir des lieux intégrés à la ville dans laquelle ils sont implantés. Leur accessibilité est optimale, tant pour l’accès au bus que pour monter sur le quai intégrant parfaitement les personnes à mobilité réduites. De plus, l’accent est mis sur l’information voyageur avec la mise en place d’écrans affichant les horaires d’arrivée des bus ainsi que les anomalies sur les lignes. Parfois même, des applications sont créées laissant la liberté aux voyageurs de planifier leur itinéraire ou d’obtenir directement des informations les concernant.

Enfin, à l’image du tramway, les distributeurs de billets rejoignent le quai afin que les voyageurs achètent au préalable leur ticket. Cela évite de déranger le conducteur et donc inévitablement de perdre du temps.

L’aménagement de ces stations fait partie intégrante de la requalification urbaine opérée par la mise en place de BHNS.

En effet, la proximité immédiate s’en trouve modifiée laissant une plus grande place aux déplacement doux et freinant ainsi l’utilisation à outrance de l’automobile. La mise en site propre entraine la requalification des voies et leur réaffectations. La place des piétons et cyclistes s’accroit avec la mise en place systématique d’espaces qui leurs sont dédiés.

L’arrivée du tramway dans une ville est certes couteuse mais elle est bien souvent signe de rénovation, de requalification. Les quartiers sont rénovés, se dynamisent et les populations y habitant se retrouvent plus connectées. Ce sont tous ces attributs que le BHNS essaye de se réapproprier.

23
FIG.9 Tableau comparatif du tramway et du Bus à Haut Niveau de Service.

Le BHNS, par ses caractéristiques et objectifs (cadence, information voyageurs, rapidité, accessibilité, amplitude...) peut être vu comme un transport intermédiaire situé entre l’autobus traditionnel et le tramway, offrant la même qualité de service mais à l’image d’un tramway « discount ». Il a pour objectif d’offrir un service adapté, performant à une clientèle variée et de devenir la solution adéquate revalorisant ainsi les transports publics urbains. Le concept de BHNS reste un système relativement souple permettant de s’adapter aux différents contextes locaux. En effet, il se décline et s’enrichit en fonction des configurations urbaines très variées. Il est inévitable dans un contexte de transition écologique de parler de transports « propres ». Grâce à l’innovation technique, de plus en plus de bus électriques apparaissent et commencent à s’imposer dans les villes. Après l’échec du bus hybride, trop coûteux, la course à l’électrique est lancée. Deux systèmes se concurrencent: le bus « autonome » d’une part, pouvant parcourir 200km en moyenne sans recharge. Mais les batteries restent malgré tout lourdes et coûteuses. D’autre part, des bus « semi-autonomes » possédant des systèmes de recharge en service qui sont aujourd’hui étudiés afin que ces derniers rechargent leur batterie en moins de 10 minutes. Dans les deux cas ces deux techniques ne permettent pas au bus électrique de concurrencer le coût du bus diesel. Malgré la lourde différence financière, l’image véhiculée par un nouveau transport en commun « propre » séduit bien souvent les municipalités et joue en la faveur du bus électrique.

On se rend finalement compte que sur le long terme, le coût de l’installation du tramway rejoint celui du BHNS. En effet, les coûts d’entretien d’un tramway sont moins importants et la durée de vie du matériel n’est pas la même. Un bus ne peut d’être exploité qu’une quinzaine d’années tandis que la durée de vie moyenne d’un tramway est de quarante ans. Le tramway permet aussi d’anticiper l’augmentation de la fréquentation de la ligne, là où le BHNS va être beaucoup plus facilement saturé.

Finalement, l’investissement lié au tramway est très fort lors de la création de la ligne, ce qui impacte fortement et subitement le budget municipal, mais, de nos jours, les politiques cherchent de plus en plus l’efficacité immédiate et c’est dans ce domaine que le BHNS reste en tête.

Cependant, le BHNS reste pour la majorité des villes, même à coût équivalent, la solution la plus adaptée. D’une part en terme de capacité, d’autre part en terme d’échelle car il est parfois plus adaptable à certain quartiers plus difficiles d’accès.

Il reste plus attrayant qu’un bus classique car en plus de sa vitesse plus élevée et de son confort, sa fréquence reste nettement supérieure.

24

1.5

LE TRANSMILENIO DE BOGOTA, PRÉMICES DU BHNS FRANÇAIS ?

Le « Bus Rapid Transit « (BRT), est le métissage de deux transports pratiqués et connus en France: celui du bus et du tramway. Les villes pionnièrse dans ce domaine ont été Curitiba et Bogota, au Brésil et en Colombie. En France, la transition est en cours de transcription sous le nom de « bus à haut niveau de services » (BHNS).

Le Transmilenio a vu le jour en 2000 à Bogota en Colombie. Ce système de transport semble offrir toutes les caractéristiques requises d’un système de transport durable. Premièrement son efficacité et son coût ont permis de trouver une alternative entre des bus peu coûteux mais peu efficaces et un métro efficace mais trop coûteux pour une ville aux finances limitées.

Sa capacité de transport est en effet comparable à celle d’un métro mais son coût est entre 10 et 20 fois moins élevé. De plus sa vitesse commerciale, évaluée à 26km/h, est supérieure à celle des nouveaux tramways français et permet une très nette réduction des distancestemps entre les différents lieux desservis.

Ce système de transport s’inscrit aussi dans un projet de ville durable, visant l’amélioration de la qualité de vie des citadins, la réduction de la pollution mais aussi des inégalités et de l’insécurité.

L’entreprise en charge du Transmilenio se fonde ainsi sur l’idée que le Transmilenio véhicule l’image d’une Bogotá avant-gardiste en matière d’urbanisme. Le système de transport serait un élément clé pour agir sur la ville, la rendre plus vivable, plus sûre, plus accessible et plus désirable pour tous les citadins, et pas seulement pour les usagers des transports collectifs.

Le Transmilenio constitue une innovation en matière de transports urbains à Bogotá.

Après plusieurs tentatives, la Colombie adopte le modèle de transport de masse mis au point à Curitiba entre 1966 et 1980. Il s’agit d’un système de transport formant un « réseau intégré de transport », que les Anglo-saxons ont dénommé Bus Rapid Transit (BRT).

La grande particularité de Curitiba repose sur l’idée qu’un système de transport ne se définit pas en terme technologique mais par la manière dont les moyens techniques sont mis en œuvre et inscrits dans un tissu urbain.

Le moyen de transport est intimement lié à la nature du véhicule (bus, métro, train…), mais concernant le mode de transport, il est déterminé par le type d’usage.

C’est pourquoi dans ce projet, les bus roulent en mode « bus » sur la chaussée mixte ou dans des couloirs de bus, mais aussi en mode « métro », dans un site propre qui inclut des stations. Le mode « métro » introduit un tiers d’espace entre l’espace urbain et l’espace interne du véhicule de transport : l’espace du réseau, dont l’accès se fait par les stations. Les bus de rabattement sont connectés aux couloirs en site propre par des stations. Dans un souci d’efficacité urbaine, le Transmilenio assure la connexion entre les quartiers résidentiels les plus peuplés et les principaux pôles d’emplois.

Aujourd’hui, les BRT sont de véritables références en terme de transport collectif en Amérique du Sud (Colombie, Brésil...), alors qu’en Europe les systèmes de tramways sont dominants. Le

25

système de BRT ont désormais montré leur efficacité et leur économie dans plusieurs villes d’Amérique du Sud (par exemple Bogotá). Ils possèdent la même capacité que des tramways et comme on peut le constater avec l’exemple de Bogotá, avec des aménagements spéciaux ils peuvent atteindre le débit d’un métro. La mise en place d’un BRT ne demandant pas la construction d’infrastructures lourdes, ces systèmes sont beaucoup moins coûteux et peuvent être mis en place rapidemment. Ils sont aussi plus flexibles. Ils offrent donc aujourd’hui un excellent rapport entre leur coût et leur efficacité. Les aménagements qui lui sont consacrés influences largement ses performances.

Le Transmilenio de Bogotá, avec ses deux voies de circulations qui lui sont dédiées, transporte jusqu’à 40 000 voyageurs par sens en heure de pointe. Les bus à haut niveau de transit classiques, eux, peuvent transporter jusqu’à 12 000 voyageurs par sens à l’heure ce qui dépasse les performances du tramway21. Aussi, son coût d’investissement est largement inférieur à celui du tramway ne nécessitant pas le déplacement des réseaux ou la création d’une voie ferrée. Le succès du Bus Rapid Transit se mesure autant en termes de performance et de faible prix d’investissement qu’en termes de réduction de pollution. Les mesures effectuées à Bogotá font état d’une réduction de près de 40% de la pollution atmosphérique, due à la réduction des embouteillages et du trafic routier. Le report modal de la voiture vers les transports collectifs a été estimé à 10% de la clientèle du TransMilenio22

21 Institut Veolia Environnement, Rapport n°6 – La contribution des transports publics au développement durable, « Le TransMilenio : un excellent rapport coût-efficacité », septembre 2006.

URL: https://www.institut.veolia.org/fr

22 DANCOURT, Flora, TransMilenio ou l’organisation des transports collectifs de Bogotá. Le cas d’un système de transports en commun exemplaire dans une métropole latino-américaine, mémoire, Paris, 2011.

URL: http://www.institut-gouvernance.org/fr/experienca/fiche-experienca-25.html#h6

26
27
FIG.11 Le transmilenio de Bogota.
28
FIG.12 Carte 1

PARTIE 2VERS DE NOUVELLES ALTERNATIVES, LE CAS DU BHNS DU BAB.

Ces dernières années l’agglomération Côte Basque - Adour a vu un épisode de constructions immobilières très important ayant mis à mal et banalisé les cadres de vie et les paysages par la méconnaissance des équilibres et les besoins locaux. Le développement que souhaite aujourd’hui Côte Basque - Adour pour son territoire est ambitieux : il vise « la haute qualité de ville pour mieux préserver la qualité de vie de ses habitants ».

L’Agglomération est le premier centre urbain en façade littorale au sud de la NouvelleAquitaine. Elle est donc le coeur battant des enjeux en termes de développement économique et démographique, mais également en matière de grands équipements et de services à la population. L’idée est donc ici de composer avec les points forts du territoire, aujourd’hui en mutation, afin de mieux le structurer. Mais l’un de ses plus grands points faibles est sa dépendance à la voiture individuelle. Il est donc essentiel que le projet de transport urbain entrepris vienne s’appuyer sur la ville déjà constituée tout en favorisant les développements à venir sur l’articulation et la complémentarité à deux échelles celle de la proximité et celle du grand territoire.

L’idée ici est de connecter le BAB « au global comme au local ». Il faut alors permettre une évolution tendant vers des mobilités alternatives à la voiture individuelle. L’armature de la mobilité étant un des socles majeurs et déterminants de la durabilité du nouveau modèle de développement de l’Agglomération.

La grande singularité de ce territoire est sa densité et l’imbrication des fonctions urbaines. Ici, les notions classiques de centre et de périphérie ne parviennent pas à rendre compte de la réalité de ce territoire aux parcours très courts où tout est à proximité. Cette structure urbaine présente donc des avantages essentiels à un aménagement et un développement plus durables de ce territoire. Ces atouts sont à préserver afin de mener à bien le projet de restructuration par les mobilités. Mais, elle présente également des faiblesses. En effet, l’agglomération est bien trop dépendante de la voiture individuelle, la qualité de son cadre de vie est menacée et plusieurs besoins de sa population restent inassouvis.

Le BAB veut faire de son système de transport l’armature générale de son territoire calquée sur son articulation multipolaire. L’objectif est de coordonner l’aménagement urbain et le système de transport, en privilégiant un urbanisme rationnel et non l’étalement urbain. Le réseau structurant de transport collectif se veut donc constituer une zone d’intensification urbaine sans pour autant opter pour un aménagement linéaire le long des axes routiers. La politique d’aménagement et d’urbanisme entreprise se base donc sur trois points permettant d’accompagner et de mettre en œuvre l’évolution des pratiques de déplacements. Premièrement, il s’agira de développer des modes de déplacements alternatifs aux déplacements automobiles, ce qui implique notamment de repenser l’aménagement

29

de l’espace public et de renforcer les équipements (circulations piétonnes et cyclistes par exemple). Deuxièmement, chercher à optimiser les liens entre développement urbain et transports, en privilégiant l’intensification urbaine autour du maillage structurant de transports collectifs. Pour finir, d’encadrer au mieux les circulations. Pour cela, c’est vers le bus en site propre (BHNS) que l’agglomération du BAB (Biarritz-Anglet-Bayonne) a choisi de se tourner. Il s’agira donc du Tram’Bus : un projet alliant l’efficacité du tramway et la souplesse du bus, que les membres du Syndicat des Transports ont choisi de voir circuler sur deux lignes structurantes du réseau à l’horizon 2019.

Ce projet est conçu afin de répondre à une triple nécessité23 :

• Apporter un service de transport moderne, rapide et économique.

• Réduire le trafic automobile de transit.

• Préserver l’environnement.

2.1. LA DÉMARCHE

A cette occasion, dans une approche de concertation et de co-construction, des réunions publiques ont été organisées dans chacune des communes concernées par la mise en place du plan de réorganisation. Elles associaient le grand public et des représentants de diverses associations en rapport direct avec le projet: associations de commerçants, des transports ou encore d’acteurs économiques locaux. L’objectif premier était de présenter la démarche afin de prendre notes des principales préoccupations ou thèmes majeurs ainsi que de sensibiliser les populations aux enquêtes en ligne et aux ateliers de travail mis en place à cette occasion. C’est ainsi que l’enquête en ligne, portant essentiellement sur les besoins de mobilité, a permis la prise en compte de 263 réponses. Exploitées par la suite, ces dernières ont permis de fournir des informations précieuses sur la perception du stationnement notamment, les difficultés observées au coeur des villes, la perception des voitures individuelles causant des problèmes importants de congestion sur les axes routiers majeurs; mais aussi sur la qualité des transports collectifs ainsi que les modes doux (le vélo notamment). L’atelier de travail et les entretiens individuels avec les associations ont permis de valider les besoins exprimés lors de l’enquête sur les demandes de mobilité ainsi que d’évaluer la hiérarchie des enjeux issus des ateliers thématiques. La diversité des associations présentes et concernées par les aspects de mobilité (associations de protection de l’environnement, de cyclistes, de personnes handicapées, de parents d’élèves, de commerçants…) ont permis, de part leur diversité, d’enrichir le projet.

30
23 Compte-rendu PLUi agglomération Côte-basque/Adour, prescrit le 4 mars 2015, projet de PADD mis en débat dans les Conseils municipaux et en Conseil communautaire en novembre et décembre 2016.

Un des aspects les plus importants et singuliers au projet de transport est incontestablement l’étroite collaboration des communes concernées et l’envie de créer un projet non pas à l’échelle d’une ville mais d’une agglomération. Plusieurs réunions de travail concernant le contenu des scénarios se sont tenues dans chacune des sept communes en novembre 2013 afin de faire l’état des lieux de la gestion actuelle du réseau routier, de partager une vision du réseau de déplacements, ainsi que de définir les critères de hiérarchisation à retenir et le processus commun à engager.

Avant d’engager une stratégie globale, différents enjeux de mobilité ont été identifiés à partir de plusieurs documents et études ainsi que par la concertation. En matière de réseau de circulation et d’espace public, le constat montre qu’une place prépondérante est donnée à l’utilisation de la voiture (76% de part modale quotidienne à l’échelle de l’agglomération24) avec une saturation encore plus marquée en période estivale.

L’agglomération comporte une trame polycentrique qu’il va falloir prendre en compte pour connecter au mieux les différentes villes la composant. La place laissée aux modes doux est très hétéroclite en fonction des communes étudiées. Il est donc impératif de mieux associer

24 Plan de déplacements urbains, syndicat des transports de l’agglomération Côte-basque/Adour, 2015.

URL: http://www.agglo-cotebasque.fr/fileadmin/user_upload/fichiers/Les_missions/Transport/PDU_STACBA_4.1_ETAT_ LIEUX_STRATEGIE.pdf

31
FIG.13 Dessin des différents enjeux du BAB, projet participatif lié à l’installation du BHNS

les transports et les aménagements urbains, en permettant par exemple une densification des zones desservies mais également en limitant le développement urbain dans les espaces où les infrastructures ne peuvent répondre aux besoins de déplacements. De même, il y a un lien très net entre les formes urbaines et la pratique de la marche à pied. Pour certaines voies ou certains sites confrontés à des enjeux particuliers ou complexes à gérer, il serait intéressant de pouvoir mettre en place une démarche spécifique afin de proposer des solutions adaptées. C’est le cas par exemple dans le secteur d’Ametzondo où l’arrivée de plusieurs activités (centre commercial avec Ikea, clinique, bureaux et habitat) nécessite une réflexion approfondie en matière de déplacements et de solutions à apporter.

2.2 MISE EN PLACE DU BHNS

Actuellement, en matière de transport public au sein de l’agglomération du BAB la part de marché des transports en commun est très faible, de l’ordre de 4 % à l’échelle de l’agglomération mais avec une concentration de 2 % à Anglet25. C’est pourquoi cette restructuration du réseau de transport urbain Chronoplus, mise en œuvre début 2012 par le biais de deux lignes de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) a été engagée. Ce projet représente 25 kilomètres au total et plus de 60 stations sur deux axes. L’enjeu est d’augmenter les dessertes des secteurs périurbains très faibles actuellement en terme de transport tout en réorganisant les points d’échanges intermodaux existants (gares de Bayonne et Biarritz, place des Basques, etc.).

La carte suivante révèle les différentes problématiques liées aux transports publics sur l’agglomération de Bayonne. La représentation des flux quotidiens entre le cœur urbain formé par les communes d’Anglet, Bayonne et Biarritz témoigne de l’importance des échanges que supporte l’agglomération du BAB, ceci est particulièrement marqué sur les grands axes pénétrants dû à l’absence d’alternative attractive en transports collectifs. On note ici, la présence de parc relais favorisant ainsi le rabattement des automobilistes. Le projet de TCSP entend constituer une solution à la voiture particulière en cœur d’agglomération.

Le BHNS porte sur deux lignes structurantes, de 25,2km au total et possédant un tronc commun de 1,6km26. Ces deux lignes, viennent donc en complément du réseau de bus Chronoplus préexistant dans les villes du BAB et permettent un véritable maillage du territoire.

25 Syndicat des transports de l’agglomération Côte-basque/Adour, La qualité de ville pour une meilleure qualité de vie, Rapport du plan de déplacements urbains, 2015, p.6-54.

URL: http://www.agglo-cotebasque.fr/fileadmin/user_upload/fichiers/Les_missions/Transport/PD

26 ibid. pp.6-32.

32
33
CARTE DE SYNTHESE DES ENJEUX EN MATIERE DE TRANSPORTS PUBLICS FIG.14 Carte 2

L’agglomération ne dispose pas de véritable pôles d’échanges multimodaux, en dehors de la gare de Bayonne, qui reste néanmoins à aménager. Il en est de même pour celle de Biarritz constituant pourtant un pôle d’échanges potentiel pour le sud de l’agglomération. En ce qui concerne plus particulièrement l’organisation des hubs multimodaux, et alors qu’un seul pôle d’échanges existe réellement (celui de la gare de Bayonne) plusieurs lieux ont été rélevés: la gare de Biarritz, le rond-point de Barbarenia (entre Biarritz et Bidart), le rondpoint de l’Europe à Biarritz, le futur parc relais de l’entrée sud, le rond-point de Maignon à Anglet, le futur parc relais de Garros à Tarnos, le futur parc relais de la Côte de Navarre à Bayonne, le secteur d’Ametzondo, ainsi que d’autres espaces de stationnement à proximité des lignes structurantes du réseau de transport urbain. Ces sites potentiels doivent donc être hiérarchisés selon la vocation d’intermodalité qu’ils peuvent assurer. Dans le cadre du BHNS, afin de répondre à ces différentes problématiques de liens entre les réseaux et d’interfaces entre la ville et les transports publics, les participants ont suggéré la mise en place de démarches focalisées sur quelques sites « clés » où les enjeux nécessitent une approche plus fine (axes d’entrée de ville, gares, etc.).

Ainsi, en matière de transports publics, alors que le projet de TCSP va être l’occasion d’impulser une nouvelle dynamique aux transports collectifs du BAB, une réorganisation des lignes qui desservent actuellement le territoire pour permettre d’accompagner cette évolution. Nous l’avons donc compris, l’amélioration des liaisons locales et de leur performance constitue l’enjeu principal du projet. L’enjeu majeur de sa mise en place est d’assurer une offre de transports publics efficace et de qualité, accessible à tous. C’est pourquoi, des mesures visant à répondre aux attentes de tous les usagers sont entreprises depuis 2010. L’accessibilité aux transports publics est un des enjeux majeurs des villes. Le BAB veut donc un projet s’inscrivant dans une politique de mobilité durable venant prendre place dans le territoire comme un élément essentiel et constituant. Mais pour aller plus loin, au-delà d’une approche orientée seulement sur la mobilité et les déplacements, ce projet garantit aussi l’égalité et l’intégration de tous par l’accession à une plus grande autonomie. La mise en place du Tram’Bus est un moyen performant de requalifier les villes concernées au bénéfice de toutes les catégories de populations. Les aménagements de voirie, les cheminements et stations accessibles à tous en seront des éléments clefs.

34

2.3

LE TRAM’BUS COLONNE VERTÉBRALE DE TOUS LES DÉPLACEMENTS

L’ensemble des collectivités partagent l’envie de faire des transports alternatifs à la voiture individuelle les modes de déplacements structurants du territoire, ce qui, comme nous pouvons le voir, se traduit schématiquement à la page suivante. Cela s’opère d’une part par la hiérarchie des réseaux. Ceux routiers, destinés à accueillir les flux de transit, d’accès au territoire et d’échanges à l’intérieur de celui-ci. Ceux détisnés aux transports en commun dont le rôle est de relier les principales polarités. Enfin, à ce réseau se connecte un maillage secondaire qui vient irriguer les différents quartiers. Cela se traduit aussi par l’apaisement des circulations. Les centralités historiques du territoire ont été particulièrement identifiées comme lieux privilégiés de la marche. En parallèle du réseau routier structurant, un réseau secondaire sera identifié. Il aura pour vocation d’accueillir des circulations apaisées, à l’écart des flux de transit. Ces conditions seront favorables à la pratique sécurisée et confortable du vélo. Le réseau secondaire sera également envisagé pour permettre d’autres usages de l’espace public : le jeu, la déambulation, le repos, la rencontre, le commerce…

Le schéma témoigne aussi d’une envie importante d’intermodalité. Isolément, aucun mode ne peut être aussi complet et efficace que la voiture. Associés, ils deviennent très compétitifs sur une large proportion des déplacements. Le schéma d’organisation multimodale identifie les principaux lieux permettant le passage d’un mode à l’autre. L’agglomération du BAB se structure autour d’un pôle urbain composé de trois communes Bayonne Anglet et Biarritz qui se répartissent les principales fonctions urbaines ainsi que l’accueil de populations et d’emplois. Cette organisation génère de nombreux déplacements à l’intérieur et en direction du pôle urbain.

L’Acba, syndicat des transports de l’agglomération a sélectionné Irizar une société basque espagnole pour dessiner le nouveau moyen de transport qui doit désengorger le trafic routier du BAB.

Initialement, dix propositions avait été transmises et c’est finalement Irizar qui a remporté l’appel d’offre. Cette société, située non loin de la côte basque française, n’est pas récente puisqu’elle est vieille de 127 ans. Elle est installée à Ormaiztegi, en Guipuzcoa. Elle possède de nombreux centres de production d’autocars dans six pays différents et vend ses véhicules sur la totalité des continents. C’est surtout le design du bus qui a pesé dans la décision finale, la proximité ayant joué en dernier. Malgré tout, il est important de souligner l’atout majeur d’Irizar se trouvant à seulement 70 kilomètres du BAB et garantissant ainsi, en cas de problème, des techniciens sur place rapidement. Le modèle choisi pour l’agglomération bayonnaise est long de 18 mètres et possède 140 places27. Il est pensé entièrement électrique dans un soucis de réduction d’émission de gaz à effet de serre.

35
27 Syndicat des transports de l’agglomération Côte-basque/Adour, Tram’bus : le temps des travaux ! , Rapport du projet de BHNS du BAB, 2017.

Pari réussi, puisque ce dernier s’engage à avoir un bilan carbone nul plaçant ainsi le BAB sur le devant de la scène en terme de transports en commun. Le syndicat des transports a acquis 18 de ces véhicules pour un total de 11,25 millions d’euros soit 625.000 euros l’unité28. Le caractère innovant du projet passe également par son design unique, se rapprochant fortement de celui d’un tram, avec un « nez » arrondi. Afin de faciliter l’éclairage naturel à l’intérieur du véhicule, les surfaces des parois vitrées seront maximisées. La mise en place de « caches-roues » permet de lisser la forme du véhicule.

28 ibid. pp. 5-16.

SCHEMA D’ORGANISATION MULTIMODALE DES DEPLACEMENTS

FIG.15 Carte 3

37

2.4

REQUALIFICATION URBAINE

Comme nous le comprenons bien, le but n’est pas de venir créer un réseau à part entière dédié au Tram’bus mais de constituer des interconnexions notamment avec d’autres modes de transports interurbains, routiers et ferroviaires. Ces deux lignes contribueront à dynamiser l’ensemble du réseau Chronoplus. Ainsi sera créé ou renforcé le maillage de l’ensemble du territoire. La mise en place d’un réseau structurant au sein même du territoire induit donc une requalification urbaine.

Le Tram’bus a pour but non seulement d’apporter une meilleure offre de transport mais aussi de changer le visage de l’agglomération basque.

« Le Tram’bus n’est pas seulement un moyen de transport qui se prépare, c’est le nouveau visage de l’agglomération qui se construit29 » :

• un réaménagement urbain des espaces publics, places et rues, sur tout le parcours.

• deux lignes avec des stations équipées de quais, aux fréquences élevées, capables de transporter jusqu’à 1 600 voyageurs/heure/sens.

Rues, places, quais et voies urbaines, le Tram’bus réinvente l’espace public du BAB. Sur son parcours, l’arrivée du Tram’bus redonne un nouveau visage aux villes impactées par le projet et propose des espaces publics plus ouverts et accessibles. Les rues sont repensées, les places sont réorganisées pour une appropriation par les usagers et les commerçants, et les voiries sont partagées pour faciliter les mobilités douces et la pratique cyclable. Le long de l’itinéraire des lignes de Tram’Bus, l’espace public permettra de placer les mobilités au cœur du quotidien en y intégrant les lieux d’échanges entre le Tram’Bus et les autres modes de transport. Par exemple, les pôles majeurs du projet comme celui de la gare de Bayonne voit non seulement son parvis mais aussi l’ensemble de son quartier réamanagé afin d’impulser une nouvelle image. Il sera le nouveau lieu multimodal de la ville accueillant les deux axes de bus à haut niveau de service, les trains régionaux et nationaux, le projet de « tram-train transfrontalier », une gare routière interdépartementale, et pourquoi pas ultérieurement une navette fluviale…

Recouvert de bitume, le parvis qui fait aujourd’hui office de plateforme d’accès à la gare complètement saturé de voitures, laisse dévoiler un plateau minéral et épuré doublé de volume. Il vient maintenant accueillir sur son nouveau pavage les arrêts d’autocar, les stations de vélo ou encore les arrêts des Tram’bus. De grandes percées sur des cadrages clefs du quartier sont mis en place ainsi que le rafraîchissement de façades typiques au pays basque.

38
29 Agglomération du BAB (Biarritz, Anglat, Bayonne, Plaquette descriptive du projet de BHNS, Bayonne, 2017.

Quant aux espaces cyclistes piétons de Bayonne, Anglet et Biarritz, ils seront renforcés toujours en lien avec le projet. Les aménagements seront apaisés avec des trottoirs sécurisés et confortables, en totale accessibilité aux personnes à mobilité réduite. Pour les cyclistes, l’ensemble de l’itinéraire leur sera accessible. Des pistes et des bandes cyclables adaptées permettront de sécuriser l’évolution des vélos. Les itinéraires seront doublés, partout où les emprises disponibles le permettent, d’une continuité cyclable inexistante aujourd’hui. Afin de mettre à distance les piétons et les cyclistes des voitures, une bande végétale viendra suivre l’espace consacré aux vélos et aux piétons. Les projets de requalification des centres villes sont lancés. Tarnos et Anglet s’appuient sur le projet TCSP pour recomposer les espaces publics le long des axes structurants qui les traversent en faveur de l’ensemble des modes alternatifs, ce qui sera également le cas à Bayonne, dans le secteur de Montalibet. Le secteur des centres commerciaux d’Anglet sera également une cible privilégiée pour réduire l’impact de la voiture. Le futur boulevard du BAB, coeur du projet, débute par un premier carrefour, situé sur le secteur de Larochefoucauld, entre Anglet et Biarritz. L’aménagement du secteur Larochefoucauld et des rues adjacentes suit l’étude préalable réalisée dans ce secteur en 2015 par le cabinet Patriarche30, comme le dit le premier adjoint en charge de l’urbanisme d’Anglet, Jacques Veunac31: «Le même cabinet d’urbanisme doit permettre d’assurer une cohérence entre deux projets voisins», Les avenues, rues et boulevards majeurs de l’agglomération s’offrent aussi de nouveaux visages. L’avenue de la reine Victoria, avenue centrale de la ville de Biarritz, laisse place en son centre à une voie dédiée au Tram’bus. Il en est de même en ce qui concerne le réaménagement urbain le long du boulevard du BAB. Ces réaménagements visent à réduire la vitesse tout en cherchant la fluidité du trafic, ce qui implique d’organiser les traversées de l’axe et de renforcer les fonctions urbaines de proximité, de manière ponctuelle et régulière. Pour la première fois une municipalité intervient sur le boulevard rapide du BAB. Celui-ci est d’ores et déjà ralenti à 50 km/h pour prendre en compte tous les modes de déplacements doux.

30 Cabinet d’architecture et d’urbanisme engagé dans une urbanisation durable. Il est composé d’architectes, ingénieurs, paysagistes et urbanistes .

31 1er Adjoint délégué à l’aménagement et au développement urbains de la mairie d’Anglet, à l’étude et à la réalisation d’équipements communaux, aux déplacements

39
FIG.16 Coupe: Avenue de Bayonne, Anglet centre. Reconfiguration de la voirie pour le projet du BHNS.
40
FIG.17 Travaux place de la République, Bayonne: reconfiguration de la voirie, restructuration de la place. FIG.18 Travaux Pont Grenet , Bayonne: reconfiguration de la voirie, réaménagement des quais de l’Adour.
41
FIG.19 Travaux Avenue Henri Grenet, Bayonne: reconfiguration de la voirie, espace planté afin de délimiter les différentes voies.

«Cette voie rapide coupait Anglet en deux. Nous souhaitons transformer son usage, avec un terre-plein central, un aménagement paysager et de larges trottoirs. Une contre-allée sera réservée à la desserte riveraine, ou le passage d’un transport en site propre », Jacques Veunac.

La Ville d’Anglet travaille également sur d’autres projets concernant deux quartiers : le Coeur de ville et Sutar. Les travaux de la ligne 1 du tram’bus reliant les Hauts-de-Sainte-Croix de Bayonne et le centre-ville de Biarritz ont d’ailleurs déjà été entamés.

Les axes de TCSP desserviront également un ensemble de parkings relais, des nœuds d’échanges avec les réseaux de transports collectifs urbains et interurbains, l’aéroport et la gare de Biarritz. Enfin, dans un contexte du « tout piéton » la question de la voiture est soulevée. La réponse n’est pas radicale, il ne s’agit pas ici d’exclure définitivement la voiture car, après concertation avec les commerçants, les différentes mairies ont jugé nocive pour les commerces, une disparition totale de la voiture en ville. Elles auront donc à l’extérieur: des parc–relais aménagés en périphérie - au nord-est : le parking Navarre; au nord, à Tarnos et au sud de Bayonne - qui seront équipés de bornes de rechargement électrique pour les véhicules électriques. Mais également en ville, des arrêts limités à trente minutes de stationnement afin que les usagers puissent déposer leur voiture dans un temps bref afin de faire leurs courses rapides.

42
FIG.20 Coupe: Avenue de la Reine Victoria, Biarritz centre. Reconfiguration de la voirie pour le projet du BHNS.

2.5

RENOUVELER L’IMAGE DU BUS

Ces dernière années l’image du bus n’a eu de cesse d’être mise à mal par son manque de fiabilité. Le choix du BHNS pour le BAB traduit l’envie d’allier l’image du tramway, moderne, à celle du bus, souple et plus facilement adaptable à la demande. Rien que son nom « Tram’bus » témoigne de ce souhait. Comme le tramway ou le bus, le BHNS basque a son propre design, un design novateur et unique, des performances environnementales élevées, il intègre aussi les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. Chaque véhicule compte une capacité de 140 personnes en moyenne avec des places dédiées aux personnes à mobilité réduite. D’ailleurs, de nombreux établissements destinés à l’accueil et l’hébergement des personnes en situation de handicap sont implantés sur le territoire. Le réseau a donc été réfléchi de manière à situer les arrêts à proximité immédiate de ces établissements.

« Comme un bus, le BHNS Basque s’adapte à la ville avec la souplesse d’insertion dans la circulation suivant les situations et peut donc être dévié et garantir son service avec32 » :

- une grande amplitude horaire

- un cadencement élevé

- la rapidité

- des stations innovantes

- des parkings relais.

- un lien avec les pôles d’échanges multimodaux et les mobilités douces,…

Une fréquence élevée

Nous verrons donc dix de ces BHNS sur le tracé de la ligne 1 en juin 2019 allant du Leclerc de Bayonne Nord au centre-ville de Biarritz. Huit seront consacrés à postériori à la ligne 2, de Tarnos à Anglet Sutar. Ces lignes possèdent chacune des terminus (Bayonne-Nord/AngletSutar) équipés de parkings relais pour les automobilistes.

Une amplitude horaire adaptée

Ces bus à l’allure de tramway circuleront de 5heures du matin à 0h30, et passeront toutes 32 ibid.

43
FIG.21 Image de synthèse du futur BHNS électrique du BAB.

les 10 minutes sur la 1, et toutes les 15 minutes sur la 2. Le choix a été fait de déléguer en totalité la maintenance des infrastructures à la société créatrice Irizar, un système de location de batteries a donc été instauré.

Charge rapide

Les caractéristiques techniques du projet ont fortement joué. Le projet d’Irizar prévoit entre autre un système de charge rapide à chaque terminus.

L’électricité embarquée nécessaire à la propulsion des véhicules est contenue dans des batteries nouvelle génération. La recharge des Tram’bus sera assurée à chaque terminus de la ligne 1, par des infrastructures dédiées de charge rapide (3 à 5 minutes). La connexion entre le Tram’bus et la station de charge sera assurée par un système de pantographe, sorte de bras articulé niché sur le toit qui se connecte au système de charge. Une recharge lente des bus sera également assurée la nuit, au dépôt, via un système novateur de charge intelligente.

Un i-bus ?

Pour un bon fonctionnement du réseau il est aujourd’hui crucial de développer les outils de connaissances des mobilités individuelles afin d’améliorer les réponses publiques et collectives de transport. Un système permettra donc de connecter les bus au central ce qui permettra de diffuser en temps réel des informations concernant le trafic routier. Autrement dit, toutes les anomalies sur la machine, les éventuels problèmes rencontrés, sont transmis à l’opérateur ce qui permet une meilleure fiabilité, une intervention à distance immédiate et donc un meilleur service.

Des écrans se trouveront également dans les lieux phares de la villes: gares, centres commerciaux, centres médicaux ainsi que sur les quais. Notons que ces quais seront équipés de bornes et d’une billetterie dématérialisée.

Des distributeurs automatiques de tickets

La billettique aussi va changer avec l’arrivée des Tram’bus. On passe aux tickets et cartes sans contact rechargeables. Ils pourront s’acheter à distance sur une boutique en ligne (sur internet) ou encore sur les quais aux arrêts avec la mise en place de distributeurs automatiques.

Les différents entretiens effectués auprès de la population, rassemblant des caractéristiques diverses (âge, niveau de revenu, profession, lieu d’habitation…), font ressortir que pour le plus grand nombre le doute est omniprésent face à l’installation du bus en site propre. En effet, peu convaincu, chacun exprime l’envie que ce nouveau moyen de déplacement, qui sera bientôt présent dans leur ville, fonctionne et puisse les inciter à laisser de côté leur voiture pour pouvoir l’emprunter. Cependant, connaissant pour la plupart le réseau de Bus Chronoplus actuellement en fonctionnement, la peur de retrouver les même failles dans ce nouveau transport est grande.

44

Cette remise en question n’est-elle pas compréhensible quand à l’heure actuelle le bus peut mettre jusqu’à 1h30 à certaines heures de pointe pour rejoindre les centres de Tarnos et Bayonne quand la voiture met 15 minutes ?

Chaque matin les enfants des périphéries se rendant au lycée, les adultes travaillant dans les villes majeures (Anglet, Biarritz ou Bayonne) trouvent fastidieux de prendre le bus car la voiture peut mettre presque 10 fois moins de temps que les transports en commun. Ajoutée à cette contrainte horaire la liberté offerte par la voiture ne permet donc pas au transport en commun de rivaliser.

De plus, chacun n’habite pas à proximité des grands axes de desserte. Pour cela des navettes sont en service, devant en théorie faire le lien entre les lignes principales et celles desservant les villes périphériques. Ceci peu paraitre à prime abord séduisant puisque l’usager n’a pas à déplacer sa voiture mais peut se rendre exclusivement en bus à son lieu de destination. Cependant, cela pourrait être plus intéressant si les horaires de bus coïncidaient avec ceux des navettes, ou encore que les correspondances étaient assurées… Attendre autant de temps pour prendre sa correspondance que le premier trajet effectué ne joue pas en la faveur des transports en commun…

D’après l’étude menée par le syndicat des transports du BAB, le taux de correspondance moyen est de 1,10, ce qui est faible. Cela démontre que le réseau n’est pas pensé comme un « maillage » (c’est-à-dire basé sur les correspondances) mais plutôt sur un réseau classique de lignes directes proposées en réponse à des captifs essentiellement scolaires. Une deuxième solution s’offre alors à eux, celle de positionner leur voiture le long des axes majeurs de desserte afin de prendre le bus par la suite. Mais incite-t-elle réellement à prendre le bus ? A l’heure actuelle l’usager met plus de temps à trouver une place de stationnement que de se rendre directement à son lieu de destination en voiture. Un manque cruel de parkings relais en périphérie se fait ressentir. C’est pourquoi dans le nouveau plan d’aménagement du bus à haut niveau de service, l’installation de stationnement en périphérie a été un point majeur. Force est de constater à l’issue des entretiens ainsi que par mes déplacements personnels, que la majorité des personnes empruntant les transports en commun de manière quotidienne sont : soit contraints de les prendre - car non motorisés ou ne possédant pas le permis de conduire - soit à proximité des axes majeurs, ne devant donc pas effectuer de changement. Les profils présents sont donc majoritairement des étudiants le matin entre 7h et 9h (correspondant à 20% de la demande de la journée), le soir vers 17h se rendant au lycée ou repartant. Ceci vient confirmer les entretiens effectués révélant une pratique des transports en commun chez les moins de dix huit ans.

45

PARTIE 3VERS UNE MULTI-MOBILITÉ ?

Le covoiturage, l’autopartage, la mobilité augmentée... La ville actuelle, celle que nous vivons quotidiennement, est porteuse des modes de transports urbains de demain. Le déplacement individuel qui domine aujourd’hui, celui généré par la voiture, est omniprésent mais pour combien de temps encore ? Ces dernières années la voiture est le mode à abattre pour les pouvoirs publics. Encouragée par les politiques de transport mises en oeuvre, elle est vivement concurrencée par de nouveaux modes de déplacements et par le développement de stratégies multimodales innovantes.

Le sujet est-il vraiment le suivant: « S’agit-il aujourd’hui de trouver LE transport en commun qui stoppera la présence nocive des voitures dans nos villes ? ». Métro, tramway, bus en site propre… peuvent-ils à eux seuls subvenir aux déplacements des acteurs de nos villes ? La réelle question est de substituer au comportement monomodal actuel des stratégies de déplacement visant à combiner les modes de transport. Voiture, bus, vélo, marche... Il faut qu’à l’avenir, le citadin puisse choisir son mode de déplacement en fonction de ses besoins. Il sélectionnera son type de transport selon un critère de pertinence et d’efficacité pour son déplacement.

Il ne faut pas se méprendre, multimodalité n’est pas synonyme d’intermodalité33, consistant à utiliser plusieurs modes de transports pour effectuer un seul et même trajet. La multimodalité est issue du champ de la logistique34. Il désigne l’articulation des différents modes de transport dans un lieu choisi. Elle est récemment devenue le moyen de penser la situation des usagers des transports urbains. Ce qui amène à repenser les liens entre la ville et les transports, la gestion publique ou privée, les modes collectifs ou individuels, ainsi que la vitesse des déplacements qu’ils soient rapides ou lents. Alors que l’automobile, permettant une logique de déplacement porte à porte continue à envahir nos villes, les transports collectifs ne peuvent devenir concurrentiels que s’ils gagnent en vitesse, en souplesse d’usage et permettent surtout d’assurer des interconnexions. Dans ce modèle de développement urbain, les stations multimodales sont des noeuds fondamentaux et fédérateurs dans nos villes pour cela ils se doivent d’être vastes et bien équipés. Pour se faire, il est fondamental de donner une place majeure à la signalétique permettant de trouver rapidement comment l’on peut passer d’un mode de transport à un autre. Ce modèle virtuel commence à être appliqué, comme en témoigne l’attrait des vélos municipaux dans certaines métropoles.

33 OUDANI, Mustapha, Optimisation des problèmes de transport multimodal. Modélisation et simulation, thèse pour l’Université du Havre, 2016.

34 SOUCHON, Aurélie, De l’intermodalité à la multimodalité : enjeux, limites et perspectives, mémoire de fin d’étude, Gestion et management, 2006.

46

3.1

JOUER LA COMPLÉMENTARITÉ BUS - TRAM - VELO - MARCHE À PIED.

Le projet d’un TCSP: l’opportunité pour l’agglomération de réorganiser et de dynamiser son réseau ? Qu’apporte un nouveau réseau de transports en commun à une ville ? Métro, tramway, ou autobus en site propre selon l’échelle de l’agglomération : le premier bénéfice d’un tel réseau est l’amélioration des conditions de déplacements, en temps et en confort. Il désencombre le centre et les axes radiaux d’une partie du trafic automobile, réduit le niveau de bruit et de pollution ainsi que les accidents. C’est aussi le moyen indispensable pour accompagner la restructuration d’une agglomération; si celle-ci veut adopter la multipolarité, ce réseau devra relier le centre principal aux centres secondaires et orienter vers ces derniers les flux venant de la périphérie. Enfin, la mise en place d’un tel réseau constitue une occasion unique pour améliorer la qualité du paysage urbain et le maillage du territoire.

La voiture représente près de 70% des déplacements quotidiens, une part très élevée par rapport aux autres agglomération françaises35. A l’inverse, les transports y sont peu utilisés et la pratique de la marche à pied est faible. Cette situation est due notamment aux trois communes complémentaires de taille similaire ainsi qu’aux discontinuités urbaines qui handicapent les modes alternatifs. Et, plus récemment, à un développement rapide des territoires périurbains entrainant l’utilisation de la voiture. Elle est également le résultat de l’organisation actuelle des réseaux comprenant des voies routières à forte capacité qui pénétrent au cœur des villes, une offre de stationnement abondante et à bas coût attirant dans les centres les automobilistes ainsi qu’un réseau de transports collectifs qui s’adressent aux « captifs ».

35 Plan de déplacements urbains, syndicat des transports de l’agglomération Côte-basque/Adour, 2015.

URL: http://www.agglo-cotebasque.fr/fileadmin/user_upload/fichiers/Les_missions/Transport/PDU

47
FIG.22 Parts modales : utilisation des différents modes au BAB

Avec près de 60% des gaz à effet de serre produits par les déplacements dans le BAB36, l’enjeu actuel est de préserver son attractivité tout en repensant l’organisation des déplacements. Ceci passe essentiellement par une démarche multimodale mise en oeuvre. Le nouveau réseau de transports collectifs urbains est pensé comme un maillon d’une politique globale. Celle-ci se veut tout d’abord en complémentarité du réseau ferré avec un aménagement de hubs multimodaux. Les transitions entre la voiture et les transports collectifs doivent alors être réfléchis afin que la transition s’opère de la façon la plus naturelle possible. Enfin, un soin particulier est accordé à la politique de développement des modes doux: bonne desserte des centres, des commerces, des plages ainsi qu’une bonne accessibilité piétonne et cyclable…

L’agglomération du BAB a d’ailleurs décidé de mettre en place dans ses villes des vélos en libre service. Faciles à identifier, depuis le 16 juillet dernier les deux roues bleus électriques circulent dans les rues de Biarritz. Jusqu’en septembre prochain, la mairie et le syndicat des transports de la Communauté d’agglomération Pays basque expérimentent ce dispositif, avec deux stations pour les vélos, l’un place Clemenceau, l’autre à la Côte des Basques. Deux places stratégiques dans la ville se trouvant à proximité de la nouvelle ligne de BHNS mise en place, jouant donc en complémentarité avec le Tram’bus.

Afin de palier à la topographie marquée de la ville, les vélos possèdent une assistance électrique et ont une autonomie de 20km. Les gestionnaires parlent pour l’instant de «retours positifs», le système électrique se révélant pratique pour affronter les nombreuses côtes biarrottes. Une application smartphone «Biarritz – vélo libre service» a été crée pour leur location. Les 10 premières minutes sont gratuites ce qui laisse le temps de se rendre d’une station à l’autre. Le prix est ensuite fixé à 2 euros par heure entamée. Il faut entrer un code donné par l’application pour stopper la location du vélo. Leur utilisation en libre-service se veut la plus simple possible. Mais pour qui ? Colette une habitante Biarrote âgée de 76 ans nous fait part de ses appréhensions:

« Je pratique souvent le vélo mais il est vrai que dans Biarritz cela devient assez compliqué. C’est une ville très vallonnée. Quand j’ai appris qu’il y aurait des vélos à assistance électrique proposés par la ville de Biarritz j’ai trouvé ça génial. Malheureusement mon portable est un vieux dinosaure je ne peux pas avoir l’application, donc je ne peux pas accéder au vélo. C’est super que le monde soit connecté mais il ne faut pas oublier les autres… ».

Il est vrai que les applications mises au service des transports facilitent l’accès pour le plus grand nombre. En un clic nous pouvons savoir la disponibilité des vélos ainsi qu’en réserver un. Mais cette pratique reste plus accessible à la jeune génération; on note que la gestion via les smartmophones est souvent un frein pour les plus anciens ce qui est regrettable pour une ville comme Biarritz où la population est vieillissante (les plus de 75 ans représentent un quart de la population37).

36 Institut national de la statistique et des études économiques, Rapport sur la pollution causée par l’automobile en France, Paris, INSEE, 2011, 263 p.

37 Plan de déplacements urbains, syndicat des transports de l’agglomération Côte-basque/Adour, 2015.

48

« 82 % des français pensent qu’il faut diminuer le nombre de voitures circulant dans les villes»

(d’après une étude TNS Sofres / Chronos)

49
FIG.23 Photographie des vélos en libre-service, Biarritz.

Aujourd’hui, la moyenne de l’emprunt du vélo est de 20 minutes et on compte déjà plus d’un millier de locations38. C’est une expérimentation qui s’avère donc réussie. Le syndicat des transports ne souhaite pas en rester là; il veut à l’avenir que les vélos puissent être déposés hors des stations afin d’inciter d’avantage les gens à les emprunter. En effet, le fait de pouvoir poser les vélos où les gens le souhaitent permettrait une plus grande facilité d’utilisation et un effet porte-à-porte apprécié chez la voiture. Il compte aussi étendre l’offre à l’ensemble de l’agglomération. En effet, Bayonne et Anglet ne possèdent pas à l’heure actuelle de vélos en libre-service mais seulement un service de location au mois.

« Le vélo par Chronoplus » est un service proposé par le Syndicat des mobilités Pays BasqueAdour, dont la gestion est confiée à Keolis39 Côte Basque-Adour. Le service permet de posséder un vélo personnel pour une période de 1 mois (renouvelable 1 fois) afin de circuler au sein de Tarnos, Bayonne, Biarritz, Anglet, Bidart, Boucau, Saint Pierre d’Irube. Le service est accessible aux personnes âgées de 16 ans minimum, il doit, en outre, avoir sa résidence principale dans l’une des communes du syndicat des mobilités Pays Basque-Adour, les mêmes citées prédemment. Ils seront acceptés dans les rames du Tram’Bus, en fonction bien sûr de la place disponible.

Développer le vélo en ville : une idée d’avenir ?

Sans parler d’exemples emblématiques comme le Vélib’ que nous connaissons tous, il est possible de mener une politique globale du vélo à l’échelle des agglomérations. Cette stratégie est aujourd’hui développée à Strasbourg par exemple, élue capitale du vélo40. Sans recourir à l’expérience de « vélo en libre-service », il est possible de promouvoir la pratique du vélo.

Deux points sont essentiels afin de mettre en place une stratégie de développement du vélo en ville. D’une part, la communication est fondamentale car du point de vue du citoyen ce mode de déplacement apparait à la fois comme un transport non polluant, peu coûteux, accessible au plus grand nombre et souple d’utilisation.

D’autre part, du côté des pouvoirs publics, il ne faut pas perdre de vue que transports en commun et vélos sont complémentaires, et tous deux concurrents de la voiture. De plus, une politique en faveur des déplacements doux intègre un système d’amélioration plus flexible que les transports en commun.

Toutefois, cette politique de soutien au vélo doit impérativement participer à l’amélioration de la sécurité des cyclistes. Cet engagement passe, comme on le voie sur le cas d’étude cité en partie deux celui du BAB, par la définition d’un espace propre au vélo qui peut être partagé, sous conditions, avec les autres modes de transport. Mais aussi doit être pensé dans une démarche multimodale en complémentarité avec les transports collectifs. Les modes doux doivent s’insérer dans les chaînes de déplacement. Les systèmes de location ou de prêt dans les parties centrales des agglomérations sont à développer.

38 OERTHEL, Luc, «Biarritz : des vélos électriques en libre-service », Sud-ouest Biarritz, 20 septembre 2018.

URL : https://www.sudouest.fr/2018/07/20/biarritz-des-velos-electriques-en-libre-service-5249164-4037.php

39 Opérateur privé de transport public franco-québécois du secteur des transports de voyageurs.

40 RAZEMON, Olivier, « Strasbourg consacrée capitale du vélo », Le Monde, 16 mars 2018.

URL : https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/03/16/strasbourg-consacree-capitale-du-velo

50

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.