PENSER L’APRÈS AUTOMOBILE POUR
LES VILLES MOYENNES
Le cas d’étude de l’agglomération de Bayonne, Anglet, Biarritz
EMONET PAULINE
Mémoire de master - REPENSER LA MÉTROPOLISATION - ENSAP BDX - 02.2019
Couture,
Xavier Guillot, Aurélie Delphine Willis, Julie AmbalEMONET PAULINE
Février 2019
PENSER L’APRÈS AUTOMOBILE POUR LES VILLES MOYENNES
Le cas d’étude de l’agglomération de Bayonne, Anglet, Biarritz
REPENSER LA MÉTROPOLISATION
ENSAP BORDEAUX
Enseignants: Xavier Guillot, Aurélie Couture, Delphine Willis, Julie Ambal
INTRODUCTION
Qu’est ce qu’un TCSP ou système de transport en commun en site propre ? Les lignes de TCSP en France
01.
LES LIMITES DU TOUT TRAMWAY
1.1 LE RETOUR DU TRAMWAY
1.2 POURQUOI LE TRAMWAY SÉDUIT-IL LES MUNICIPALITÉS ?
1.3 OUTRE CETTE IMAGE PORTEUSE QUE VÉHICULE-T-IL-DE PLUS QUE LE BHNS ?
1.4 LA SOLUTION N’EST-ELLE PAS DANS L’HYBRIDATION ?
1.5 LE TRANSMILENIO DE BOGOTA, PRÉMICES DU BHNS FRANÇAIS ?
02.
VERS DE NOUVELLES ALTERNATIVES, LE CAS DU BHNS DU BAB.
8 -
2.1. LA DÉMARCHE
2.2 MISE EN PLACE DU BHNS
2.3 LE TRAM’BUS COLONNE VERTÉBRALE DE TOUS LES DÉPLACEMENTS
2.4 REQUALIFICATION URBAINE
2.5 RENOUVELER L’IMAGE DU BUS
03. VERS UNE MULTI-MOBILITÉ ?
3.1 JOUER LA COMPLÉMENTARITÉ BUS - TRAM - VÉLO - MARCHE À PIED.
3.2 LES TRANSPORTS FLUVIAUX, NOUVEAU SERVICE PUBLIC
3.3 LA MOBILITÉ CONNECTÉE
« A chacun son film, à chacun sa ville, selon sa vitesse et sa manière de bouger. Le cinéma est l’inverse optique du mouvement urbain. Reconstitution imaginaire de la continuité. Les fragments photographiques de l’existence urbaine sont comme les lettres et les mots disponibles à la production d’autant de récits cinématographiques qu’il peut y avoir de trajectoires existentielles. L’art du montage, souvent considéré comme le coeur de la cinématographie, est l’analogue parfait d’une vie urbaine faite de séquences successives, de « tranches de vie » empruntant à des lieux et milieux divers leur couleur et leur sens. »
Georges Amar
INTRODUCTION
« La mobilité est devenue un quasi-droit social, comme la santé ou l’éducation, un bien public, comme l’eau ou l’électricité1. »
Souvent subie et non souhaitée, la mobilité de par la multiplication des déplacements commence à changer de sens et de valeur. Le terme même de « mobilité », récemment mis au devant de la scène et intrinsèquement lié à ceux de transport, déplacement, trafic, circulation, souligne donc cette évolution. Il indique notamment que, par le biais de différents systèmes de déplacements qui en sont finalement les outils, la mobilité devient alors un mode de vie et de fonctionnement propre à notre société2. Aux yeux des gens, la mobilité est de plus en plus perçue comme créatrice de liens, d’opportunités et de synergies, plutôt que de pur franchissement de distances à des vitesses variables. A ce titre, elle est devenue et est considérée comme norme sociale à l’image de la santé et l’éducation comme le dit Georges Amar dans son livre « Homo mobilis, le nouvel âge de la mobilité. »
C’est alors que le concept de reliance3 apparait dans le cadre de la mobilité, englobant et dépassant la relation vitesse-distance qui dominait le cadre du transport. Cette évolution se traduit par une série de transformations du point de vue des usages, dans la manière dont les gens vivent leur mobilité.
Le temps de transport, par exemple, n’est plus conçu comme une perte de temps, la notion d’attente elle-même, devenant grâce à l’information en temps réel un instant de pause utilisable.
La notion de lieu est elle aussi affectée: les étapes et lieux destinés aux flux urbains (gares, stations...) deviennent des lieux à haute valeur de la ville. En fait, le passage « transportmobilité » s’inscrit dans une transition globale appelée « la ville mobile ». Le paradigme du transport est centré sur l’efficacité, la fiabilité et la sécurité de la « gestion de flux ». Autant que les usages, le changement de paradigme se manifeste dans les outils et les offres de service.
Le changement en cours affecte une notion centrale de la mobilité, celle du mode de déplacement. C’est l’émergence de la transmodalité4, une nouvelle manière d’innover qui touche tous les modes de transports, publics ou privés, au delà des identités modales traditionnelles, leurs métissages ou « croisements génétiques » constituent un vaste champ d’innovation.
On voit alors apparaitre des concepts tels que la voiture partagée, le vélo public, le pédibus, ou encore le bus-métro, le tram-train, et bien d’autres, devenant ainsi de nouvelles figures du transport.
Les nouveaux processus d’innovation privilégient le software et l’hybridation modale, et produiront un nombre croissant de modes de transports. Ainsi, l’optimisation de la mobilité d’un territoire ne consiste plus en la recherche du mode idéal, du transport « dernier cri »,
2 ibid. p.25
3 ibid. p.38
4 ibid. p.188
mais la variété elle-même, intégrant modes rapides et modes lents, mécanisés et doux, individuels et collectifs. La multimodalité la plus large s’impose désormais: il faut la considérer comme un principe d’écologie urbaine5. On va alors constater une intensification en terme d’innovation. C’est ainsi que l’accent longtemps mis sur la puissance de transit - c’est-à-dire les interfaces et l’accessibilité, les lieux et les parties « immobiles » de la mobilité, la facilité d’usage, la relation et les services, les aspects soft - va finalement être mis sur l’intelligence, que l’on appelle le « smart » et les usages de la puissance, plutôt que son seul accroissement qui font l’objet de l’innovation.
L’information sous toutes ses formes devient l’ingrédient essentiel des systèmes de transports. Au delà de sa fonction classique de signalétique spatio-temporelle ou de mode d’emploi, l’information est à présent le software6 d’un système dont les véhicules et les infrastructures sont le hardware 7. L’intelligence est rassemblée pour être ensuite redistribuée au niveau des individus mobiles équipés de smartphones de plus en plus performants qui viennent d’ores et déjà transformer la gestion en temps réel de la mobilité.
Le principe de reliance, qui caractérise le paradigme de la mobilité au plan des usages, inspire également les nouvelles formes d’optimisation et d’innovation. La mise en correspondance des moyens de déplacement appelée l’intermodalité, l’interconnexion des réseaux sont des facteurs d’efficacité aussi importants, sinon plus, que la performance de chaque mode de transport ou réseau pris indépendamment.
L’innovation technologique dans les transports n’a plus pour seul objet l’automatisation des processus, mais aussi l’enrichissement des capacités d’interaction des individus et la reliance.
Elle se caractérise en trois points:
- Le passage du transport à la mobilité, transformant les usages et les valeurs.
- Le passage du hardware au software renouvelant outils et moyens.
- La mutation des acteurs, stratégies et métiers vers l’opérateur de service mobile.
Il est de plus en plus évident que le développement des mobilités ne sera soutenable que s’il est innovant. Les solutions héritées du XXème siècle, ne semblent pas suffisamment convaincantes bien que certaines paraissent plus soutenables que d’autres. Mais il y a aussi le champ des énergies qui impacte à l’heure actuelle celui de l’innovation: pouvant entraîner le développement de technologies propres. Enfin, la globalisation économique entraine une forme de compétition par l’innovation. L’impression qui a prévalue jusqu’à lors dans le domaine du transport urbain est que l’innovation est lente, difficile, soumise aux politiques et aux financements. Il y a finalement peu de véritables inventions dans ce secteur depuis maintenant près d’un siècle.
5 HUGUENIN-Richard, Florence, Mobilité urbaine : de l’automobilisme à l’éco-mobilité. Un long chemin…., Paris, Armand Colin, pp.109-137, 2010.
6 AMAR, Georges, Homo mobilis, le nouvel âge de la mobilité, 2ième Edition, Paris, FYP, 2010, p. 56.
7 REDONDO, Belinda, « Tramway et territoire : quel urbain en perspective? », Revue Géographique de l’Est, vol. 52, 2012.
URL : http://journals.openedition.org/rge/3572
Aujourd’hui, les transports publics sont de plus en plus reconnus et occupent une place considérable comme entités essentielles et fédératrices d’une ville fonctionnelle et durable. Force est de constater qu’un grand nombre de villes pâtissent d’une mauvaise qualité de service, ainsi que d’un manque d’infrastructures ayant une capacité limitée à répondre aux demandes de transport des usagers. Par conséquent, ces villes souffrent d’embouteillages, particulièrement au niveau des centres anciens actuellement en perte d’attractivité. Pour autant, ils sont régulièrement sujets d’opérations d’amélioration de leurs transports publics, contrairement aux zones urbaines plus isolées et aux périphéries des villes. En effet, il est plus courant que celles-ci soient mises en marge des grandes opérations de transport. C’est le cas dans plusieurs villes de banlieue à qui profiteraient indéniablement ces améliorations, évitant ainsi une trop forte dépendance de l’usage de la voiture et par extension aux énergies fossiles.
Cela fait environ dix ans que des recherches ont été développées démontrant que les transports publics peuvent fournir un service adapté aux besoins des usagers dans les banlieues et les lieux moins denses. La solution serait notamment d’offrir une alternative performante à la mobilité individuelle.
Cette tendance est de plus en plus commune dans les projets de planification urbaine en Europe. Elle est accompagnée d’une attention portée sur les infrastructures de mobilité déjà en place, à leur gestion, tout comme à leur intégration au sein d’un ensemble urbain. Le réseau des métropoles est alors structuré, offrant un service tout au long de la journée.
Cette qualité de service passe aussi par un niveau de confort convenable, une fréquence de passage soutenue, des prix les rendant accessibles, et surtout des horaires et dates de passages clairs.
Les transports en commun en site propre connaissent un développement majeur dans les agglomérations françaises.
C’est au travers du tramway que les TCSP (Transports en Commun en Site Propre) ont fait majoritairement leur apparition. Toutefois, même si celui-ci a été depuis une vingtaine d’années le choix de prédilection des collectivités, aujourd’hui la programmation des projets de TCSP entre dans une nouvelle ère. En effet, les agglomérations souhaitent évaluer d’abord la pertinence de l’ensemble de ces modes de transports, avant de faire un choix en adéquation avec leurs besoins. Parallèlement, elles souhaitent disposer d’un point de comparaison avec les autres réseaux pour mieux apprécier leurs propres résultats ou prévisions. Ainsi, en phase amont de définition de projets de transport, le choix du mode est devenu une étape essentielle. La prise en compte de l’ensemble des paramètres techniques et financiers d’un TCSP constitue une phase incontournable pour les collectivités.
Qu’est-ce qu’un TCSP ou système de transport en commun en site propre ?
Le CERTU (Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques) en propose une définition :
« Les transports en commun en site propre sont donc des systèmes de transport circulant sur une voie ou un espace réservé. Le TCSP peut être défini par un système incluant, un matériel roulant performant, disposant de priorités aux carrefours, un bon niveau de service (fréquence, amplitude horaire, capacité...), une plateforme protégée de la circulation. Le TCSP constitue l’armature du réseau de transport collectif et se positionne comme une ligne structurante du réseau8. »
On note divers modes de transports bénéficiant d’un site propre:
• Le métro, qui est un TCSP circulant uniquement sur une voie qui lui est dédiée et généralement en souterrain, voire parfois en viaduc et ne croise aucun autre mode de transport, ni voies piétonnes.
• Le tramway qui est un transport en commun qui se caractérise par des véhicules ferroviaires qui circulent majoritairement en zone urbaine.
• Le BHNS (Bus à Haut Niveau de Service) qui est un concept de transport routier qui se caractérise par un matériel roulant sur pneu. Le BHNS est d’un niveau de service supérieur aux lignes de bus traditionnelles et tend à s’approcher des performances du tramway.
• Le Tram Train qui est un système de transport collectif qui permet à un même véhicule de circuler à la fois sur les voies de tramway en zone urbaine, mais également sur le réseau ferroviaire et ainsi de relier des stations situées en zone périurbaine.
D’autres formes plus atypiques de TCSP existent comme les téléphériques, les funiculaires, les « people mover », les monorails, etc... Mais les enjeux et les caractéristiques de chacun restent très éloignés des TCSP que l’on trouve classiquement dans les agglomérations. Dans un contexte de développement durable, une prise de conscience est nécessaire. La baisse du pouvoir d’achat, la hausse du coût des carburants poussent de nombreuses agglomérations à développer leur réseau de transport pour faire face aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux de notre société ainsi qu’à la densité du trafic automobile. Cette volonté passe souvent par la création d’une ligne de TCSP jugée plus performante, et offrant un niveau de service capable de proposer une réelle alternative à la voiture particulière. La bonne réponse à apporter passe cependant par une bonne connaissance des différents modes existants.
Les lignes de TCSP en France
Le territoire français apparaît comme relativement bien doté en réseaux à TCSP. Treize agglomérations se sont tournées exclusivement vers le tramway. Les villes de Toulouse et Rennes sont équipées d’un métro de type VAL et cinq agglomérations disposent de plusieurs modes associés (Lyon, Paris, Nantes, Rouen, Marseille et Lille). Aujourd’hui, dans le cadre d’une politique privilégiant l’usage des transports en commun, les agglomérations semblent vouloir poursuivre cette logique de développement des réseaux de transport. Ainsi, les projets de TCSP sont de plus en plus nombreux. La taille des villes est un élément clé contribuant ou non à la mise en place d’un transport en commun en site propre. En effet, comme le montre la dernière étude du CERTU, le choix du mode de transport est confronté à des effets de seuil.
De façon globale, il apparaît que les villes millionnaires ont d’abord opté pour les transports guidés de type métro, pour ensuite se consacrer à leur réseau de surface avec le tramway et le BHNS. Il s’agit des villes de Lille, Lyon et Marseille. En revanche, les villes plus petites se tournent directement vers le tramway.
Ainsi, le choix du mode de transport est une phase essentiellement réservée aux villes moyennes qui ne disposent pas d’un potentiel de population suffisant pour envisager le métro, mais qui ont une taille suffisamment importante pour envisager un vrai axe structurant.
Tout au long de mon mémoire je me suis intéressée au renouvellement des transports en commun dans les villes moyennes et plus particulièrement à « l’après tramway ». Une première partie viendra donc expliquer l’ère du tout tramway face aux enjeux majeurs générés par l’utilisation à outrance de la voiture, jusqu’à l’apparition du bus à haut niveau de service en France. Elle proposera une comparaison entre ces deux modes de transport en montrant le tournant qu’emprunte les villes aujourd’hui afin de proposer un maillage plus performant de leur territoire. Pour finir, deux exemples seront exposés dont un plus particulièrement, celui de Bogota, le Tramilenio, afin de montrer les influences de projets internationaux.
La seconde partie exposera mon cas d’étude. Elle portera sur la mise en place d’un bus à haut niveau de service dans l’agglomération du BAB (Biarritz, Anglet, Bayonne). Elle pointera du doigt l’impact à différente échelle de l’intégration d’un transport en commun en site propre. Elle exposera les différents impacts de manière gradiente en partant de l’échelle du grand territoire pour finir sur l’objet Tram’bus lui-même. Enfin, ma troisième partie montrera finalement que la restructuration d’un territoire passe parfois par la mise en place d’un moyen de transport lourd mais que celui-ci ne peut fonctionner que grâce à sa mise en réseau avec d’autres moyens de déplacements. Dans cette dernière partie nous parlerons de multi-modalité. La complémentarité entre, bus-tramway, vélo et marche à pied sera abordée. Pour enfin conclure sur les initiatives privées dans le domaine du transport mettant à mal l’espace public. Pour ce faire, j’ai réalisé des enquêtes de différentes natures. Un, visant les municipalités afin d’affiner mes connaissances sur mon cas d’étude. L’autre, est un entretien de terrain porté sur la perception du projet par les habitants de l’agglomération.
PARTIE 1LES LIMITES DU TOUT TRAMWAY
1.1
LE RETOUR DU TRAMWAY
Aujourd’hui, un des systèmes de transport en commun en site propre qui nous est le plus familier est le tramway. Pourtant, il faut savoir qu’il a fait son entrée il y a bien longtemps. Apparu en 1830, le tramway a modelé nos villes. Il est donc considéré comme étant un élément fort du paysage urbain comme le rappelle Hasse-Klau en 1990, « Le tramway et le chemin de fer détermineront la croissance urbaine le long de corridors clairement définis, en particulier en ce qui concerne la localisation des arrêts et des stations9. »
Jusqu’aux années 1950, la plupart des grandes villes françaises en sont alors dotées, il est le transport en commun numéro un français à cette époque.
Mais dans les années 1960, la voiture individuelle se généralise et la ville s’adapte à de nouvelles pratiques de mobilité. Les réseaux de tramways sont alors démantelés pour accueillir de grandes infrastructures routières. Seules trois villes résistent à cette pression de la culture du « tout-automobile » et conservent leur tramway : Lille, Marseille et St Etienne. Georges Pompidou disait, « Il faut adapter la ville à la voiture10.»
Il faut finalement attendre les années 1970-1980, pour entrevoir un renouveau des transports collectifs. Au début des années 1980, un important processus de décentralisation se met en place au profit du tramway. Les collectivités locales comprenant les communes, les départements, ainsi que les régions sont responsables de l’organisation des transports publics. Le Plan de Déplacements Urbains (PDU) devient le principal outil de planification des transports11
En effet, le choc pétrolier de 1973, conjugué à de nouvelles préoccupations environnementales ainsi qu’une politique volontariste de l’Etat, vont contribuer à la réalisation de la première ligne de tramway à Nantes en 1985, suivie par Grenoble en 1987. La voiture est alors perçue de manière négative et devient symbole de stress, de pollution et d’embouteillages impactant fortement la qualité de vie de tout un chacun.
Aujourd’hui, le tramway semble être entré dans une nouvelle phase car dix-neuf agglomérations françaises ont équipé leur réseau de transport d’au moins une ligne de tramway.12
Le succès du tramway français moderne s’explique donc en partie par un contexte de
9 HASS-KLAU, Carmen, Políticas de transporte integrado para las grandes áreas metropolitanas de Europa, Sistema, Madrid,1990.
10 Paris, l’automobile,les transports (Georges Pompidou),1971.
11 CC, Loi n° 82-1153, 30 décembre 1982, Loi d’orientation des transports intérieurs, LOTI.
12 Villes équipées d’au moins une ligne de Tramway: Angers, Aubagne, Besançon, Bordeaux, Brest,Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble, Le Havre, Le Mans, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Mulhouse, Nancy, Nantes, Nice, Orléans, Paris, Reims, Rouen, St Etienne, Strasbourg, Toulouse, Tours, Valenciennes.
décentralisation favorable. Dans les années 1990 jusqu’à 2000, l’Etat par sa politique de subventions, incite les collectivités à construire de nouveaux transports en commun en site propre en surface, en partageant l’espace public entre les différents modes.
C’est réellement à cette période que l’on peut situer la réapparition du tramway français. Nous pouvons citer comme exemple la construction des premières lignes de Strasbourg, Rouen et Montpellier.
Mais dans les années 2000, l’Etat prend la décision de renforcer le processus de décentralisation et veut réduire ses déficits publics. Il demande donc aux collectivités locales de prendre totalement en charge leurs politiques de transports et met fin aux subventions. Malgré cela, le tramway continue à se développer en France. Mulhouse, Valenciennes et Clermont-Ferrand inaugurent leurs tramways en 2006. Nice et Le Mans ont ouvert leur première ligne en 2007. Puis c’est au tour d’Angers en 2009, de Reims en 2010, sans compter les nouvelles lignes ou extensions de Saint-Etienne, Lyon, Montpellier.
Ce succès reste tout de même décrié. La voiture demeure omniprésente dans les villes, les partisans du vélo estiment que les frais engendrés par des projets de TCSP empêchent de développer les autres modes alternatifs à la voiture individuelle. Même chez les défenseurs des transports collectifs, le tramway ne fait pas l’unanimité. Pour certains d’entre eux, le tramway n’a pas assez de poids dans la ville: seul le métro permet d’accéder au rang de métropole. Ce débat renvoie à la question essentielle de l’image (de dynamisme, de modernité) donnée à la ville par son réseau de transports publics et n’épargne pas les promoteurs du tramway eux-mêmes, qui se sont parfois lancés dans une course à l’innovation incertaine et coûteuse. Pour d’autres, le tramway est au contraire un mode trop intrusif, trop lourd et trop coûteux. Jusqu’à 50 000 voyageurs/jour, le bus à haut niveau de service peut constituer une réponse suffisante en termes de capacité, exigeant un investissement moindre et ne nécessitant pas une technologie ou un savoir-faire particulier.
Le tramway paraît coûter cher parfois, c’est vrai, mais nous avons vu qu’il n’était pas qu’un outil de transport et qu’il intégrait souvent des coûts directs d’aménagement ou de développement urbain qui peuvent faire varier le coût du kilomètre de ligne entre 12 et 35
millions d’euros.13
Si les coûts directs du tramway sont faciles à cerner et sont considérables, les recettes qu’il peut générer sont plus difficiles à apprécier. Les recettes commerciales, par exemple, suffisent probablement à équilibrer les charges d’exploitation sur les lignes de tramway bien fréquentées. Cependant, le taux de couverture des charges par les recettes est souvent calculé au niveau du réseau et le tramway pâtit de l’image de système déficitaire qui affecte le transport public considéré dans sa globalité. On essaie de prendre en compte aussi, au titre des recettes, la réduction des coûts externes du transport que permet l’introduction du tramway, qu’il s’agisse de la pollution de l’air, du bruit, de sécurité routière, mais ces effets restent difficiles à appréhender.
Il faudrait pourtant aller au-delà. Si l’on s’accorde à dire que le tramway est un outil d’aménagement ou de développement urbain, il faut aller au bout de ce concept et essayer d’évaluer aussi ce que rapporte cet outil à la collectivité ou à la société. Si l’on est capable de chiffrer ce que rapporte le tramway en termes de réduction de la consommation d’espace, de revalorisation du tissu urbain, de cohésion sociale, d’image globale de la ville... alors on pourra espérer aboutir à une évaluation juste du tramway. Ce faisant, on comprendra un peu mieux les raisons de son succès passé et on saura mieux s’assurer des conditions de sa réussite future.
On assiste alors depuis quelques années à un retour des politiques de transport en commun et notamment au retour du tramway. Mais ces projets ne résultent plus d’une simple envie de développer un transport.
La démarche va bien au delà, ils s’inscrivent dans une stratégie plus globale de requalification urbaine. Mais avant d’être un engagement en faveur de la disparition progressive de l’automobile au sein de nos villes et de leurs centres, ou une envie forte de « souder » des territoires victimes de l’étalement urbain, le tramway est d’abord vecteur de modernité, d’une image de renouveau. Il est pour des villes moyennes, le gage de poser un pied dans la cour des « grands », de se lancer dans cette compétitivité métropolitaine face à ceux qui depuis longtemps ont franchi le pas.
1.2
POURQUOI LE TRAMWAY SÉDUIT-IL LES MUNICIPALITÉS ?
En accord avec le ministère de l’équipement, l’industrie ferroviaire a assuré la promotion du tramway depuis les années 1980, avec l’aide persuasive de subventions. Ainsi, cela conforte les maires et les amène à penser qu’ils font le bon choix en optant pour le tramway alors qu’ils ne sont que les victimes d’un phénomène de mode: celui du « tout tramway ».
13 GOUIN, Thierry, Planification urbaine et tramway en France: les leçons de l’expérience du tramway français moderne, CERTU, France,2011, 8p.
Le tramway ne vient jamais seul et apparaît souvent être un prétexte à la constitution d’autres projets urbains. Plus généralement, l’installation d’un tramway, c’est souvent l’assurance de conserver, voire de renouer avec des dynamiques économiques.
Le tramway n’est plus uniquement appréhendé comme un moyen de transport mais devient un outil indispensable aux élus locaux, répondant notamment aux attentes actuelles en terme de développement durable. Il passe alors du statut de « moyen de transport » à un objet technique roulant synonyme d’enjeu électoral. Il est finalement un acteur de mise en scène mais aussi un objet scénarisé dans la ville. Nous passons d’un discours de prime abord technique au sujet du tramway, qui peu à peu se transforme en mise en récit. L’architecture objet se mettant en scène dans nos villes, l’urbanisme, vient se substiter à la narration. L’apparition de designers, de plasticiens et bien d’autres corps de métiers viennent augmenter ce phénomène on parle alors « d’objet icône ». A Strasbourg par exemple, l’accompagnement du projet de tramway par des oeuvres d’art, des installations sonores, participent de manière évidente à sa mise en scène.
Ainsi, le cas de Bordeaux et de son tramway est la démonstration d’une ville ouverte et dynamique. Le moyen de transport serait le vecteur d’un sentiment d’appartenance, le signe d’une identité commune. Il est fait pour attirer le regard et devient même objet de valorisation de la population. Un soin particulier est apporté à l’esthétisme du tramway, à sa couleur, sa forme, à l’image d’un objet de propagande. Mais ce soucis d’esthétisme et de design servent-ils vraiment à la requalification urbaine ? Une approche multisensorielle s’opère, le tramway se transforme en objet ludique. Mais pas seulement, il est accompagné de mobilier de voirie finement dessiné ceci le projetant sur les devants de la scène et le mettant en avant dans l’espace urbain qui l’entoure.
L’apparition à Tours d’une narration beaucoup plus étendue allant jusqu’au design de la ligne intégrale du tramway, alliant projet de transport et projet urbain, pointe du doigt une globalisation marquée du design. A l’image d’une vedette, des goodies font sa promotion, ses maquettes sont données à voir. Il est sans arrêt étudié, réétudié pour le rendre le plus attractif possible. Il vient s’adapter aux saisons, aux différentes temporalités auxquelles il fait face.
Mais finalement, ce basculement d’ingénierie de réseaux à une narration soulève une question majeure: celle de la misère symbolique que peut, par la suite, engendrer ce dispositif14
1.3
OUTRE CETTE IMAGE PORTEUSE QUE VÉHICULE-T-IL-DE PLUS
QUE LE BHNS ?
Un réseau de tramway coûte très cher pour des municipalités soumises à de multiples dépenses. Il faut compter en moyenne 25 millions d’euros au kilomètre. Cela sans compter les sommes considérables qu’il restent à débourser aux opérateurs du tramway afin d’en assurer l’entretien et la gestion… Parmis eux nous pouvons citer Systra15 ayant participé à un grand nombre de réalisations de tramways ou encore Egis16. A titre indicatif, le tarif d’un voyage en Tramway dans l’agglomération grenobloise (un euro quarante), ne couvre que 15% des frais de fonctionnement. Ou encore, à Bordeaux, le tickarte d’un montant de 1,40 euros pour voyager une heure est l’un des tarif les moins élevé de France. Ce montant permet de couvrir seulement un tiers des dépenses liées à l’exploitation du tramway. Cette dernière implique des frais massifs liés à la rémunération de son personnel, à l’entretien du matériel et des lignes ainsi que les dépenses en énergies nécessaires. Ce sont 160 millions d’euros par an versés à l’entreprise Keolis soit un douzième du budget de la communauté urbaine17
Face à cet engouement pour le tramway, le bus n’avait cessé jusqu’alors de connaître une baisse de fréquentation due aux critiques massives à son égard. Il est perçu comme un transport social souffrant d’un manque de technologie et de fonctionnalité évident. Pour reprendre l’exemple Bordelais, malgré les dépenses considérables liées au tramway, le bus reste le moyen le plus déficitaire pour l’agglomération. En particulier des lignes peu utilisées. Pour autant, il faut rappeler que le tramway ne dessert, pour l’instant, que 40% de la population de la CUB et est considéré comme nécessaire au maintien d’une certaine équité entre les 28 communes de l’agglomération. Comme le dit Christophe Duprat, vice-président de la CUB en charge des transports: « Les bus permettent au réseau de transport de jouer un vrai rôle de service public. »18
Chiffres clés - Systra:
563 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009
7 300 salariés à travers le monde
400 professionnels de l’ingénierie
20% de l’activité réalisés à l’étranger
Chiffres clés - Egis :
252,6 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009
2 510 salariés dans le monde
Des projets dans 350 villes et 150 pays
80% de l’activité réalisés à l’international
15 Réalisations de Systra en France: Nantes, Orléans, Bordeaux, Lyon, Mulhouse, Marseille, Nice, Saint-Étienne, Reims, Brest, Île-de-France, Tours, Le Havre, Besançon, Lens.
16 Réalisations d’Egis en France : Besançon, Brest, Bordeaux, Dijon, Grenoble, Lyon, Montpellier, Nice, Orléans, Paris, Strasbourg, Toulouse.
17 ROUSSET, Julien, « Bordeaux : ce que coûte vraiment le tramway. », Sud- Ouest, 2013, p.1-2.
18 ibid. p.1-2.
De plus, la question de l’intégration du tramway au tissu urbain et plus globalement à nos villes du 21ème siècle est à souligner. Les villes et les dynamiques qui les traversent sont en changement perpétuels et se recomposent, parfois indépendamment des politiques urbaines. Le tramway en site propre est alors perçu comme un véritable monolithe et constitue, à l’image de ses rails, un objet difficilement adaptable à l’oscillation perpétuelle des forces urbaines.
Comme le souligne François Beaucire: « c’est paradoxalement en se parant du caractère du tramway que l’autobus est en train de se réinventer, non plus comme véhicule mais comme système complet. »19
L’idée serait peut-être de lier les atouts du bus et ceux du tramway afin de trouver une alternative intéressante pour le système de transport en commun de demain ?
1.4
LA SOLUTION N’EST-ELLE PAS DANS L’HYBRIDATION ?
Après des années d’impopularité, le bus revient sur le devant de la scène! On lui avait préféré le tramway, qui avait une image vertueuse et moderne mais aujourd’hui, la plupart des villes y reviennent. Fini les dépenses exorbitantes liées au tramway, place au BHNS moins coûteux et aussi efficace. Il reprend tous les ingrédients qui ont fait le succès de son prédécesseur pour s’imposer comme une alternative convaincante. Un nouveau vocabulaire apparait donc dans le « paysage français des transports collectifs : le BHNS (Bus à haut niveau de service) laissant deviner un renouveau de l’autobus, alors qu’à l’origine ce terme date des années 80. »20 Les villes de grandes envergures l’adoptent toutes, parfois même comme complément d’un système préexistant de transports.
19 GONZALEZ, Ruben,PAZOS OTON, Miguel, WOLFF, Le tramway entre politique de transport t outil de réhabilitation urbanistique dans quelques pays européens: Allemagne,Espagne, France et Suisse , annales de Géographie, 2013, pp 619-643.
20 VILLE, Frédéric, « Quand préférer le BHNS au tramway ou au bus classique ?», La gazette des communes, 2014. URL: https://www.lagazettedescommunes.com/253799/quand-preferer-le-bhns-au-tramway-ou-au-bus-classique/
L’autobus serait lui aussi devenu un « système de transport» et non seulement un concept. Il ne serait plus un véhicule roulant autonome, mais plutôt un produit à part entière organisé autour d’un aménagement de l’espace public.
Contrairement aux premiers bus, on ne se contente plus d’installer de simples bancs en guise d’arrêts.
Tout comme le tramway, les arrêts deviennent de véritables stations aménagées. Elles sont dessinées et conçues pour devenir des lieux intégrés à la ville dans laquelle ils sont implantés. Leur accessibilité est optimale, tant pour l’accès au bus que pour monter sur le quai intégrant parfaitement les personnes à mobilité réduites. De plus, l’accent est mis sur l’information voyageur avec la mise en place d’écrans affichant les horaires d’arrivée des bus ainsi que les anomalies sur les lignes. Parfois même, des applications sont créées laissant la liberté aux voyageurs de planifier leur itinéraire ou d’obtenir directement des informations les concernant.
Enfin, à l’image du tramway, les distributeurs de billets rejoignent le quai afin que les voyageurs achètent au préalable leur ticket. Cela évite de déranger le conducteur et donc inévitablement de perdre du temps.
L’aménagement de ces stations fait partie intégrante de la requalification urbaine opérée par la mise en place de BHNS.
En effet, la proximité immédiate s’en trouve modifiée laissant une plus grande place aux déplacement doux et freinant ainsi l’utilisation à outrance de l’automobile. La mise en site propre entraine la requalification des voies et leur réaffectations. La place des piétons et cyclistes s’accroit avec la mise en place systématique d’espaces qui leurs sont dédiés.
L’arrivée du tramway dans une ville est certes couteuse mais elle est bien souvent signe de rénovation, de requalification. Les quartiers sont rénovés, se dynamisent et les populations y habitant se retrouvent plus connectées. Ce sont tous ces attributs que le BHNS essaye de se réapproprier.
Le BHNS, par ses caractéristiques et objectifs (cadence, information voyageurs, rapidité, accessibilité, amplitude...) peut être vu comme un transport intermédiaire situé entre l’autobus traditionnel et le tramway, offrant la même qualité de service mais à l’image d’un tramway « discount ». Il a pour objectif d’offrir un service adapté, performant à une clientèle variée et de devenir la solution adéquate revalorisant ainsi les transports publics urbains. Le concept de BHNS reste un système relativement souple permettant de s’adapter aux différents contextes locaux. En effet, il se décline et s’enrichit en fonction des configurations urbaines très variées. Il est inévitable dans un contexte de transition écologique de parler de transports « propres ». Grâce à l’innovation technique, de plus en plus de bus électriques apparaissent et commencent à s’imposer dans les villes. Après l’échec du bus hybride, trop coûteux, la course à l’électrique est lancée. Deux systèmes se concurrencent: le bus « autonome » d’une part, pouvant parcourir 200km en moyenne sans recharge. Mais les batteries restent malgré tout lourdes et coûteuses. D’autre part, des bus « semi-autonomes » possédant des systèmes de recharge en service qui sont aujourd’hui étudiés afin que ces derniers rechargent leur batterie en moins de 10 minutes. Dans les deux cas ces deux techniques ne permettent pas au bus électrique de concurrencer le coût du bus diesel. Malgré la lourde différence financière, l’image véhiculée par un nouveau transport en commun « propre » séduit bien souvent les municipalités et joue en la faveur du bus électrique.
On se rend finalement compte que sur le long terme, le coût de l’installation du tramway rejoint celui du BHNS. En effet, les coûts d’entretien d’un tramway sont moins importants et la durée de vie du matériel n’est pas la même. Un bus ne peut d’être exploité qu’une quinzaine d’années tandis que la durée de vie moyenne d’un tramway est de quarante ans. Le tramway permet aussi d’anticiper l’augmentation de la fréquentation de la ligne, là où le BHNS va être beaucoup plus facilement saturé.
Finalement, l’investissement lié au tramway est très fort lors de la création de la ligne, ce qui impacte fortement et subitement le budget municipal, mais, de nos jours, les politiques cherchent de plus en plus l’efficacité immédiate et c’est dans ce domaine que le BHNS reste en tête.
Cependant, le BHNS reste pour la majorité des villes, même à coût équivalent, la solution la plus adaptée. D’une part en terme de capacité, d’autre part en terme d’échelle car il est parfois plus adaptable à certain quartiers plus difficiles d’accès.
Il reste plus attrayant qu’un bus classique car en plus de sa vitesse plus élevée et de son confort, sa fréquence reste nettement supérieure.
1.5
LE TRANSMILENIO DE BOGOTA, PRÉMICES DU BHNS FRANÇAIS ?
Le « Bus Rapid Transit « (BRT), est le métissage de deux transports pratiqués et connus en France: celui du bus et du tramway. Les villes pionnièrse dans ce domaine ont été Curitiba et Bogota, au Brésil et en Colombie. En France, la transition est en cours de transcription sous le nom de « bus à haut niveau de services » (BHNS).
Le Transmilenio a vu le jour en 2000 à Bogota en Colombie. Ce système de transport semble offrir toutes les caractéristiques requises d’un système de transport durable. Premièrement son efficacité et son coût ont permis de trouver une alternative entre des bus peu coûteux mais peu efficaces et un métro efficace mais trop coûteux pour une ville aux finances limitées.
Sa capacité de transport est en effet comparable à celle d’un métro mais son coût est entre 10 et 20 fois moins élevé. De plus sa vitesse commerciale, évaluée à 26km/h, est supérieure à celle des nouveaux tramways français et permet une très nette réduction des distancestemps entre les différents lieux desservis.
Ce système de transport s’inscrit aussi dans un projet de ville durable, visant l’amélioration de la qualité de vie des citadins, la réduction de la pollution mais aussi des inégalités et de l’insécurité.
L’entreprise en charge du Transmilenio se fonde ainsi sur l’idée que le Transmilenio véhicule l’image d’une Bogotá avant-gardiste en matière d’urbanisme. Le système de transport serait un élément clé pour agir sur la ville, la rendre plus vivable, plus sûre, plus accessible et plus désirable pour tous les citadins, et pas seulement pour les usagers des transports collectifs.
Le Transmilenio constitue une innovation en matière de transports urbains à Bogotá.
Après plusieurs tentatives, la Colombie adopte le modèle de transport de masse mis au point à Curitiba entre 1966 et 1980. Il s’agit d’un système de transport formant un « réseau intégré de transport », que les Anglo-saxons ont dénommé Bus Rapid Transit (BRT).
La grande particularité de Curitiba repose sur l’idée qu’un système de transport ne se définit pas en terme technologique mais par la manière dont les moyens techniques sont mis en œuvre et inscrits dans un tissu urbain.
Le moyen de transport est intimement lié à la nature du véhicule (bus, métro, train…), mais concernant le mode de transport, il est déterminé par le type d’usage.
C’est pourquoi dans ce projet, les bus roulent en mode « bus » sur la chaussée mixte ou dans des couloirs de bus, mais aussi en mode « métro », dans un site propre qui inclut des stations. Le mode « métro » introduit un tiers d’espace entre l’espace urbain et l’espace interne du véhicule de transport : l’espace du réseau, dont l’accès se fait par les stations. Les bus de rabattement sont connectés aux couloirs en site propre par des stations. Dans un souci d’efficacité urbaine, le Transmilenio assure la connexion entre les quartiers résidentiels les plus peuplés et les principaux pôles d’emplois.
Aujourd’hui, les BRT sont de véritables références en terme de transport collectif en Amérique du Sud (Colombie, Brésil...), alors qu’en Europe les systèmes de tramways sont dominants. Le
système de BRT ont désormais montré leur efficacité et leur économie dans plusieurs villes d’Amérique du Sud (par exemple Bogotá). Ils possèdent la même capacité que des tramways et comme on peut le constater avec l’exemple de Bogotá, avec des aménagements spéciaux ils peuvent atteindre le débit d’un métro. La mise en place d’un BRT ne demandant pas la construction d’infrastructures lourdes, ces systèmes sont beaucoup moins coûteux et peuvent être mis en place rapidemment. Ils sont aussi plus flexibles. Ils offrent donc aujourd’hui un excellent rapport entre leur coût et leur efficacité. Les aménagements qui lui sont consacrés influences largement ses performances.
Le Transmilenio de Bogotá, avec ses deux voies de circulations qui lui sont dédiées, transporte jusqu’à 40 000 voyageurs par sens en heure de pointe. Les bus à haut niveau de transit classiques, eux, peuvent transporter jusqu’à 12 000 voyageurs par sens à l’heure ce qui dépasse les performances du tramway21. Aussi, son coût d’investissement est largement inférieur à celui du tramway ne nécessitant pas le déplacement des réseaux ou la création d’une voie ferrée. Le succès du Bus Rapid Transit se mesure autant en termes de performance et de faible prix d’investissement qu’en termes de réduction de pollution. Les mesures effectuées à Bogotá font état d’une réduction de près de 40% de la pollution atmosphérique, due à la réduction des embouteillages et du trafic routier. Le report modal de la voiture vers les transports collectifs a été estimé à 10% de la clientèle du TransMilenio22
21 Institut Veolia Environnement, Rapport n°6 – La contribution des transports publics au développement durable, « Le TransMilenio : un excellent rapport coût-efficacité », septembre 2006.
URL: https://www.institut.veolia.org/fr
22 DANCOURT, Flora, TransMilenio ou l’organisation des transports collectifs de Bogotá. Le cas d’un système de transports en commun exemplaire dans une métropole latino-américaine, mémoire, Paris, 2011.
URL: http://www.institut-gouvernance.org/fr/experienca/fiche-experienca-25.html#h6
PARTIE 2VERS DE NOUVELLES ALTERNATIVES, LE CAS DU BHNS DU BAB.
Ces dernières années l’agglomération Côte Basque - Adour a vu un épisode de constructions immobilières très important ayant mis à mal et banalisé les cadres de vie et les paysages par la méconnaissance des équilibres et les besoins locaux. Le développement que souhaite aujourd’hui Côte Basque - Adour pour son territoire est ambitieux : il vise « la haute qualité de ville pour mieux préserver la qualité de vie de ses habitants ».
L’Agglomération est le premier centre urbain en façade littorale au sud de la NouvelleAquitaine. Elle est donc le coeur battant des enjeux en termes de développement économique et démographique, mais également en matière de grands équipements et de services à la population. L’idée est donc ici de composer avec les points forts du territoire, aujourd’hui en mutation, afin de mieux le structurer. Mais l’un de ses plus grands points faibles est sa dépendance à la voiture individuelle. Il est donc essentiel que le projet de transport urbain entrepris vienne s’appuyer sur la ville déjà constituée tout en favorisant les développements à venir sur l’articulation et la complémentarité à deux échelles celle de la proximité et celle du grand territoire.
L’idée ici est de connecter le BAB « au global comme au local ». Il faut alors permettre une évolution tendant vers des mobilités alternatives à la voiture individuelle. L’armature de la mobilité étant un des socles majeurs et déterminants de la durabilité du nouveau modèle de développement de l’Agglomération.
La grande singularité de ce territoire est sa densité et l’imbrication des fonctions urbaines. Ici, les notions classiques de centre et de périphérie ne parviennent pas à rendre compte de la réalité de ce territoire aux parcours très courts où tout est à proximité. Cette structure urbaine présente donc des avantages essentiels à un aménagement et un développement plus durables de ce territoire. Ces atouts sont à préserver afin de mener à bien le projet de restructuration par les mobilités. Mais, elle présente également des faiblesses. En effet, l’agglomération est bien trop dépendante de la voiture individuelle, la qualité de son cadre de vie est menacée et plusieurs besoins de sa population restent inassouvis.
Le BAB veut faire de son système de transport l’armature générale de son territoire calquée sur son articulation multipolaire. L’objectif est de coordonner l’aménagement urbain et le système de transport, en privilégiant un urbanisme rationnel et non l’étalement urbain. Le réseau structurant de transport collectif se veut donc constituer une zone d’intensification urbaine sans pour autant opter pour un aménagement linéaire le long des axes routiers. La politique d’aménagement et d’urbanisme entreprise se base donc sur trois points permettant d’accompagner et de mettre en œuvre l’évolution des pratiques de déplacements. Premièrement, il s’agira de développer des modes de déplacements alternatifs aux déplacements automobiles, ce qui implique notamment de repenser l’aménagement
de l’espace public et de renforcer les équipements (circulations piétonnes et cyclistes par exemple). Deuxièmement, chercher à optimiser les liens entre développement urbain et transports, en privilégiant l’intensification urbaine autour du maillage structurant de transports collectifs. Pour finir, d’encadrer au mieux les circulations. Pour cela, c’est vers le bus en site propre (BHNS) que l’agglomération du BAB (Biarritz-Anglet-Bayonne) a choisi de se tourner. Il s’agira donc du Tram’Bus : un projet alliant l’efficacité du tramway et la souplesse du bus, que les membres du Syndicat des Transports ont choisi de voir circuler sur deux lignes structurantes du réseau à l’horizon 2019.
Ce projet est conçu afin de répondre à une triple nécessité23 :
• Apporter un service de transport moderne, rapide et économique.
• Réduire le trafic automobile de transit.
• Préserver l’environnement.
2.1. LA DÉMARCHE
A cette occasion, dans une approche de concertation et de co-construction, des réunions publiques ont été organisées dans chacune des communes concernées par la mise en place du plan de réorganisation. Elles associaient le grand public et des représentants de diverses associations en rapport direct avec le projet: associations de commerçants, des transports ou encore d’acteurs économiques locaux. L’objectif premier était de présenter la démarche afin de prendre notes des principales préoccupations ou thèmes majeurs ainsi que de sensibiliser les populations aux enquêtes en ligne et aux ateliers de travail mis en place à cette occasion. C’est ainsi que l’enquête en ligne, portant essentiellement sur les besoins de mobilité, a permis la prise en compte de 263 réponses. Exploitées par la suite, ces dernières ont permis de fournir des informations précieuses sur la perception du stationnement notamment, les difficultés observées au coeur des villes, la perception des voitures individuelles causant des problèmes importants de congestion sur les axes routiers majeurs; mais aussi sur la qualité des transports collectifs ainsi que les modes doux (le vélo notamment). L’atelier de travail et les entretiens individuels avec les associations ont permis de valider les besoins exprimés lors de l’enquête sur les demandes de mobilité ainsi que d’évaluer la hiérarchie des enjeux issus des ateliers thématiques. La diversité des associations présentes et concernées par les aspects de mobilité (associations de protection de l’environnement, de cyclistes, de personnes handicapées, de parents d’élèves, de commerçants…) ont permis, de part leur diversité, d’enrichir le projet.
Un des aspects les plus importants et singuliers au projet de transport est incontestablement l’étroite collaboration des communes concernées et l’envie de créer un projet non pas à l’échelle d’une ville mais d’une agglomération. Plusieurs réunions de travail concernant le contenu des scénarios se sont tenues dans chacune des sept communes en novembre 2013 afin de faire l’état des lieux de la gestion actuelle du réseau routier, de partager une vision du réseau de déplacements, ainsi que de définir les critères de hiérarchisation à retenir et le processus commun à engager.
Avant d’engager une stratégie globale, différents enjeux de mobilité ont été identifiés à partir de plusieurs documents et études ainsi que par la concertation. En matière de réseau de circulation et d’espace public, le constat montre qu’une place prépondérante est donnée à l’utilisation de la voiture (76% de part modale quotidienne à l’échelle de l’agglomération24) avec une saturation encore plus marquée en période estivale.
L’agglomération comporte une trame polycentrique qu’il va falloir prendre en compte pour connecter au mieux les différentes villes la composant. La place laissée aux modes doux est très hétéroclite en fonction des communes étudiées. Il est donc impératif de mieux associer
24 Plan de déplacements urbains, syndicat des transports de l’agglomération Côte-basque/Adour, 2015.
URL: http://www.agglo-cotebasque.fr/fileadmin/user_upload/fichiers/Les_missions/Transport/PDU_STACBA_4.1_ETAT_ LIEUX_STRATEGIE.pdf
les transports et les aménagements urbains, en permettant par exemple une densification des zones desservies mais également en limitant le développement urbain dans les espaces où les infrastructures ne peuvent répondre aux besoins de déplacements. De même, il y a un lien très net entre les formes urbaines et la pratique de la marche à pied. Pour certaines voies ou certains sites confrontés à des enjeux particuliers ou complexes à gérer, il serait intéressant de pouvoir mettre en place une démarche spécifique afin de proposer des solutions adaptées. C’est le cas par exemple dans le secteur d’Ametzondo où l’arrivée de plusieurs activités (centre commercial avec Ikea, clinique, bureaux et habitat) nécessite une réflexion approfondie en matière de déplacements et de solutions à apporter.
2.2 MISE EN PLACE DU BHNS
Actuellement, en matière de transport public au sein de l’agglomération du BAB la part de marché des transports en commun est très faible, de l’ordre de 4 % à l’échelle de l’agglomération mais avec une concentration de 2 % à Anglet25. C’est pourquoi cette restructuration du réseau de transport urbain Chronoplus, mise en œuvre début 2012 par le biais de deux lignes de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) a été engagée. Ce projet représente 25 kilomètres au total et plus de 60 stations sur deux axes. L’enjeu est d’augmenter les dessertes des secteurs périurbains très faibles actuellement en terme de transport tout en réorganisant les points d’échanges intermodaux existants (gares de Bayonne et Biarritz, place des Basques, etc.).
La carte suivante révèle les différentes problématiques liées aux transports publics sur l’agglomération de Bayonne. La représentation des flux quotidiens entre le cœur urbain formé par les communes d’Anglet, Bayonne et Biarritz témoigne de l’importance des échanges que supporte l’agglomération du BAB, ceci est particulièrement marqué sur les grands axes pénétrants dû à l’absence d’alternative attractive en transports collectifs. On note ici, la présence de parc relais favorisant ainsi le rabattement des automobilistes. Le projet de TCSP entend constituer une solution à la voiture particulière en cœur d’agglomération.
Le BHNS porte sur deux lignes structurantes, de 25,2km au total et possédant un tronc commun de 1,6km26. Ces deux lignes, viennent donc en complément du réseau de bus Chronoplus préexistant dans les villes du BAB et permettent un véritable maillage du territoire.
25 Syndicat des transports de l’agglomération Côte-basque/Adour, La qualité de ville pour une meilleure qualité de vie, Rapport du plan de déplacements urbains, 2015, p.6-54.
URL: http://www.agglo-cotebasque.fr/fileadmin/user_upload/fichiers/Les_missions/Transport/PD
26 ibid. pp.6-32.
L’agglomération ne dispose pas de véritable pôles d’échanges multimodaux, en dehors de la gare de Bayonne, qui reste néanmoins à aménager. Il en est de même pour celle de Biarritz constituant pourtant un pôle d’échanges potentiel pour le sud de l’agglomération. En ce qui concerne plus particulièrement l’organisation des hubs multimodaux, et alors qu’un seul pôle d’échanges existe réellement (celui de la gare de Bayonne) plusieurs lieux ont été rélevés: la gare de Biarritz, le rond-point de Barbarenia (entre Biarritz et Bidart), le rondpoint de l’Europe à Biarritz, le futur parc relais de l’entrée sud, le rond-point de Maignon à Anglet, le futur parc relais de Garros à Tarnos, le futur parc relais de la Côte de Navarre à Bayonne, le secteur d’Ametzondo, ainsi que d’autres espaces de stationnement à proximité des lignes structurantes du réseau de transport urbain. Ces sites potentiels doivent donc être hiérarchisés selon la vocation d’intermodalité qu’ils peuvent assurer. Dans le cadre du BHNS, afin de répondre à ces différentes problématiques de liens entre les réseaux et d’interfaces entre la ville et les transports publics, les participants ont suggéré la mise en place de démarches focalisées sur quelques sites « clés » où les enjeux nécessitent une approche plus fine (axes d’entrée de ville, gares, etc.).
Ainsi, en matière de transports publics, alors que le projet de TCSP va être l’occasion d’impulser une nouvelle dynamique aux transports collectifs du BAB, une réorganisation des lignes qui desservent actuellement le territoire pour permettre d’accompagner cette évolution. Nous l’avons donc compris, l’amélioration des liaisons locales et de leur performance constitue l’enjeu principal du projet. L’enjeu majeur de sa mise en place est d’assurer une offre de transports publics efficace et de qualité, accessible à tous. C’est pourquoi, des mesures visant à répondre aux attentes de tous les usagers sont entreprises depuis 2010. L’accessibilité aux transports publics est un des enjeux majeurs des villes. Le BAB veut donc un projet s’inscrivant dans une politique de mobilité durable venant prendre place dans le territoire comme un élément essentiel et constituant. Mais pour aller plus loin, au-delà d’une approche orientée seulement sur la mobilité et les déplacements, ce projet garantit aussi l’égalité et l’intégration de tous par l’accession à une plus grande autonomie. La mise en place du Tram’Bus est un moyen performant de requalifier les villes concernées au bénéfice de toutes les catégories de populations. Les aménagements de voirie, les cheminements et stations accessibles à tous en seront des éléments clefs.