De la vacance commerciale à la reconstruction
JARDIN PUBLIC
GALERIES LAFAYETTE
SAINT EMILION GRAND CRU
MAR CHE CAPITAINERIE
COSTA CROISIÈRES
CHEZ PEPONNE
CAFÉ MARITIME
De la vacance commerciale à la reconstruction
JARDIN PUBLIC
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SAINT EMILION GRAND CRU
MAR CHE CAPITAINERIE
CAFÉ MARITIME
De la vacance commerciale à la reconstruction urbaine et territoriale
Emeric FERCHAUD
Mémoire de Master - Repenser la Métropolisation
Xavier GUILLOT, Julie AMBAL
Delphine WILLIS, Aurélie COUTURE
Sous la direction de École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux
Février 2019
Venant d’une famille de commerçants dans un petit village du nord Gironde. J’ai rencontré des difficultés à comprendre, définir ce qu’est la métropolisation ou même l’accepter. Ce que je ne comprenais pas, s’est voir des vitrines vides, voir que certains commerçants étaient obligés de «fermer boutique». Voir certains villages se vider et assister à la montée en puissance de quelques grandes villes que l’on a fini par appeler « métropoles ». Comment pouvons-nous assécher certains espaces remplis d’Histoire pour en densifier d’autres qui me semblent être saturés ? C’est en travaillant sur Libourne que cette non compréhension c’est accentuée. Au cours de mes trajets quotidiens, de la gare de Cenon au quai du Priourat, la rue Gambetta affichait des pas de porte clos. C’est alors que je me suis interrogé et j’ai compris que des territoires souffraient d’un phénomène connu sous le nom de "dévitalisation". Apparu suite à la désindustrialisation dans les années 1970, c’est avant tout un processus dans lequel un territoire, une agglomération, une ville dite fertile sous diverses formes (économique, démographique, culturelle …) va être amenée à se modifier, devenant parfois un espace de « non vie ». De nos jours, le nombre de villes en décroissance augmente plus rapidement que celui des villes en croissance. Pour Margaux Darrieus « la désertification est un mal qui gangrène nos communes rurales françaises ».1 Pour tenter de comprendre comment nous pouvons enrayer ce phénomène, j’ai souhaité examiner le devenir d’une moyenne ville qui a souffert et qui se retrouve englobée dans un système métropolitain. M’interroger sur la présence de ces cellules vides qui parsèment le cœur de la ville qui m’a vu grandir.
Face à la montée en puissance de la mondialisation, des échanges, les métropoles s’imposent et ne cessent de croître. Elles se trouvent être au carrefour d’une multitude de routes (réelles, fluviales, virtuelles, mi réelles-mi virtuelles...)1. La métropole joue le rôle d’aimant en attirant les ressources, les énergies humaines et les informations. Elle s’impose comme générateur d’économie, de mobilité, de richesse. En instaurant sa propre gouvernance, celle-ci redessine le territoire, le transforme, le fractionne, le redimensionne et parfois l’assèche. De part sa fonction stratégique (organe décisionnel, foyer de l’innovation, centre économique et culturel), la métropole a joué dans la marginalisation de certains territoires et a participé à accroître les inégalités de développement et les disparités socio-économiques.
Considéré à l’époque comme un sujet épisodique, le dessèchement de nos territoires ne semble pas alarmer nos politiques publiques. À l’inverse des territoires métropolitains, les études urbaines sont presque inexistantes. Le manque d’information complique l’étude de ces entités « exclues ». Le peu qui existe est rattaché le plus souvent au milieu rural et a tendance à mettre la dimension urbaine de coté. Fragilisées par le haut, ces territoires perdent de leur intérêt. Ils rencontrent des difficultés au détriment de la valorisation de leur patrimoine ce qui peut paraître paradoxal quand on sait que la France est le pays de l’Union Européenne où il y a le plus de communes, soit 35 3572. Au fur et à mesure de l’intensification du développement des métropoles, ce phénomène s’est vu repris dans des écrits universitaires, essais, et a fini par se retrouver au cœur des débats politiques. L’émergence de l’approche globale et la fin de l’analyse singulière permet de rapprocher l’étude des moyennes villes de celle des aires urbaines. Les territoires sont alors envisagés comme des lieux de sociabilité et ne sont plus seulement étudiés sous le prisme de la géographie. A ce jour, le devenir des villes moyennes sur le territoire fait l’objet d’un enjeu national face à la dévitalisation qui grignote considérablement notre patrimoine territorial. En 2014, Christophe
1 PISANI, Francis, VAN EECKHOUT, Laetitia, «Jusqu’où va la ville ?», Le monde, Vendredi 17 Novembre
2 Source : Insee, La population légale des communes
Guilly décrit dans La France périphérique3 un décalage croissant entre métropoles mondialisées et petites et moyennes villes, ce qui pose les bases d’une fracture entre des élites et un arrière pays. Selon lui, «L’avenir de ces entités se trouverait peut-être si elles étaient envisagées en complémentarité de la métropolisation». Les villes moyennes touchées par ce phénomène de dévitalisation sont souvent représentées avec une population stagnante voir décroissante, des logements vacants, un niveau de vie en baisse mais aussi ce qui fait l’objet de notre débat, la hausse de la vacance commerciale. Celle ci ne se révèle être qu’un fait parmi tant d’autres qui nuisent à un tout global : celui de nos centres urbains des petites et moyennes villes.
Indicateur de mesure de la dévitalisation commercial, «la vacance commerciale évalue l’ajustement de l’offre de locaux d’un territoire à la demande»4. D’année en année, ce phénomène s’aggrave et impacte le centre des petites et moyennes villes, les quartiers mal desservis ainsi que les territoires ruraux où l’industrie est déjà faible. «Sur un panel portant sur près de 190 centres-villes, le taux de vacance moyen évalué à 6,1 % en 2001 s’élève à 10,4 % pour l’année 2015».5 Une conjoncture qui s’accélère et se dégrade encore plus en 2016 où la plupart des villes moyennes sont touchées mais à des degrés différents. Les centres urbains de ces moyennes villes n’attirent plus, tandis que les communes périphériques croulent sous les demandes de ménages aisés. La fermeture et la fuite de services publics tels que la poste, la gendarmerie, les équipements de santé, d’éducation et de culture sont vécues comme un traumatisme et affaiblit le dynamisme de ces villes. Pour comprendre comment les politiques publiques luttent contre la vacance commerciale, nous avons décidé d’appuyer cette étude sur un cas concret. Celui d’un territoire singulier qui intrigue tant par son rôle de centralité au sein d’un territoire rural que sa juxtaposition avec une métropole Bordelaise attractive6. Sous ses aires bucolique, la petite ville de Libourne en Gironde innove dans sa manière de se définir. Le terme «peri-métropolitain» invite à réfléchir à un entre deux qui fait écho à une stratégie de positionnement territorial où
3 GUILLUY, Christophe, La France périphérique, Paris, éd. Flamarion,2014
4 DUHAMEL P.-M., FREPPEL C., LE DIVENAH J.-P., Munch J., NARRING P., «La revitalisation commerciale des centres-villes», l’Inspection générale des finances et le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable, Octobre 2016, p.14
5 Ibid
6 GONZALEZ ALVAREZ, Antonio, «Cahier de la métropole Bordelaise», 11 mai 2017, p 18-19.
interdépendance et interritorialité se cottoient7. Pour Philippe Buisson, Maire de Libourne et Président de la Communauté d’Agglomération : «il ne s’agit pas de lutter ou de concurrencer la métropole, mais de jouer la carte de la complémentarité».
Face au phénomène de dévitalisation des centralités urbaines qui devient préoccupant, comment une ville moyenne qui se veut innovante par sa position singulière lutte contre la vacance commerciale ?
Dans une première partie il s’agira d’analyser de manière globale la vacance commerciale comme marqueur d’un processus général de dévitalisation. Grâce à cette analyse nous mettrons en évidence des déterminants socio-économiques et des leviers d’actions, qui font état d’une stratégie commune de reconquête commerciale et qui sous entend un redynamisme attractif. Dans une seconde partie, nous allons analyser le processus de vacance à partir du cas de Libourne. De jour comme de nuit s’en suit tout un périple de promenade urbaine pour tenter d’appréhender la spatialité que nous offre la ville. Au travers de microstrottoirs réalisés avec des commerçants, des usagers, des habitants, nous tenterons d’énumérer, d’imager les facteurs de cette vacance commerciale. La rencontrer avec des acteurs importants de la ville va nous permettre de comprendre comment, par l’élaboration de nouvelles dynamiques, la ville tente de se révéler. Nous finirons par nous apercevoir que les actions menées ne se cantonnent pas au centre historique mais s’étendent, s’articulent à l’échelle du territoire avec des acteurs complémentaires. Nous pourrons aussi juger, ou non, d’une éventuelle influence des métropoles, mais aussi de l’effet de Libourne « ville centre » par rapport à son territoire, son arrière pays. Pour terminer nous serons à même d’observer des éventuelles transformations sociales, économiques dans l’élaboration d’un renouveau urbain.
La vacance commerciale est généralement représenté par la fermeture de nombreux commerces qui participaient à façonner la vie de la cité. Ce déclin de l’activité commerciale influence le manque d’attractivité.
Fréjus, Perpignan, Cognac, Angoulême, Béziers, Avignon, Marmande, Guéret, Saint Quentin, Douai... Cette liste non-exhaustive ne donne qu’un aperçu de la répartition de la vacance commerciale en France. Du fait d’une activité économique prospérante, les grandes villes de plus de 200 000 habitants sont généralement moins concernées par ce phénomène. Restent les petites et moyennes villes comme «villes centre», «villes isolées», «villes de banlieue»1. Plus de 87 % des centres villes des communes du panel répertorié par la Mission ont vu leur taux de vacance augmenter entre 2001 et 2015. Selon un rapport du PROCOS (Fédération pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé) en date de Juin 2016, ce phénomène ne touche pas uniformément tous les centres villes. Des discernements s’opèrent en fonction de la population mais aussi de la localisation.
Pour mieux comprendre le sujet, il est important de s’attarder sur nos protagonistes, les « petites » et « moyennes » villes. Pour Roger Brunet : «La ville moyenne est un objet réel non identifié»2. Pour Hélène Mainet : «la définition de la petite ville n’est pas aisée : les seuils démographiques varient d’une étude à l’autre, les situations géographiques sont diverses et on lui confère une fonction d’intermédiaire entre les espaces ruraux et le monde urbain ».3 Ainsi, les petites et moyennes villes se caractérisent par un espace intermédiaire entre les réseaux des bourgs et des métropoles. Selon les chiffres de l’INSEE, les petites villes regroupent entre 2000 et 20 000 habitants. On considère qu’une ville moyenne en comporte entre 20 000 et 100 000. On désigne par grandes villes ou métropoles, des espaces dotés de fonctions et de services capables de satisfaire plus de 100 000 habitants. En 2017 plus de 22 millions de personnes vivent dans
1 DUHAMEL P.-M., FREPPEL C., LE DIVENAH J.-P., Munch J., NARRING P., «La revitalisation commerciale des centres-villes», l’Inspection générale des finances et le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable, Octobre 2016, p.16
2 BRUNET, Roger, Territoires de France et d’Europe, Paris : Belin, Raisons de géographe,1997
3 MAINET, Helene, «Qu’est-ce qu’une petite ville ?», Bulletin de l’Association de Géographes Français, 2008, p.13
des communes de 10000 à 100 000 habitants soit un tiers de la population vivant dans un territoire fragilisé par la vacance commerciale.4
Selon le rapport du Procos5, les centres urbains des petites et moyennes villes ont vu leur situation se dégrader. Entre 2014 et 2015 la vacance dans les cœurs d’agglomérations de moins de 50 000 habitants augmente de +1,8 point passant de 9,3% à 11,1%. Dans les agglomérations qui comprennent entre 50 000 et 100 000 habitants, la hausse de la vacance commerciale est moins importante : elle passe de 10,3% à 11,3%. Plus la taille de la ville augmente, moins l’augmentation est forte. Les cœurs d’agglomération compris entre 100 000 habitants et 250 000 habitants ont vu leur vacance progresser de 0,5 points. Les centres urbains des très grandes villes ont, quant à eux, un taux de vacance bien plus bas avec 6%.6 La vacance commerciale est souvent interprétée à l’échelle du centre ville mais il faut avoir à l’idée que c’est un phénomène qui englobe la ville et sa périphérie. Dans certains cas, la décroissance commerciale s’observe en premier lieu dans la périphérie et vient grignoter son centre ville. En confrontant des informations provenant de « l’Institut pour la ville et le commerce » avec des données foncières recueillies par la DGFIP, nous rendons compte qu’entre 2011 et 2015 ce même mouvement est à la hausse même si les résultats obtenus sont moins redondant car il s’agit d’une échelle plus large. Dans d’autres cas, ce phénomène amorce un déclin économique du centre ville qui a tendance à se propager en périphérie. Il induit une baisse de fréquentation mais aussi de population par un retrait de ses habitants en périphérie voire en milieu rural. D’une certaine manière, nous pourrions penser qu’il contribue à la croissance de l’étalement urbain. Revenons cepedendant sur le centre ville, qui se trouve être au cœur du problème. Désigné comme le noyau central et représenté par son cœur historique, il concentre les fonctions économiques, politiques et s’affiche comme représentatif du dynamisme du territoire. Sa taille, son
4 RAZEMON, Olivier, Comment la France a tué ses villes, Paris, Rue de l’échiquier, 2016
5 PROCOS, Le palmarès des centres-villes, Paris, janvier 2017 , http://www.procos. fr/images/procos/images_page_d_accueil/procos_palmares-vf.pdf
6 PROCOS, rencontre presse, Une nouvelle progression de la vacance commerciale des centres-villes en 2015, Paris, Juin 2016
Part de la vacance commerciale en 2018
influence, dépend de critères de nature socio-économique mais aussi de sa capacité d’actions sur la périphérie en terme de desserte, de services, d’attractivité ou plus globalement de polarisation.
Si l’on observe les résultats obtenus par la Mission7 en collaboration avec l’Institut pour la ville et le commerce, on s’aperçoit d’un mouvement global de dévitalisation commerciale qui concerne de nombreuses communes françaises. C’est un phénomène global qui s’aggrave mais dans des proportions qui diffèrent selon les villes observées. Concernée par ce 7 DUHAMEL P.-M., FREPPEL C., LE DIVENAH J.-P., Munch J., NARRING P., «La revitalisation commerciale des centres-villes», l’Inspection générale des finances et le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable, Octobre 2016,
phénomène, la ville de Béziers subit en 2015 une vacance commerciale de près de 24% soit le taux plus élevé parmi les villes moyennes en France. Les centres bourgs des villes moyennes sont en général plus touchés par cette vacance. Il existe différentes formes de vacance commerciale. La moins alarmante est celle que l’on considère comme conjoncturelle lorsque le taux est inférieur à 5%8, les chercheurs parlent de friction entre l’offre et la demande, qui fait partie d’un marché général. Pour Pascal Madry9, cette vacance conjoncturelle est la résultante de locaux inexploités pendant une courte période (changement de propriétaire). Au dessus de 10 %, il définit cette vacance commerciale comme structurelle. Jugée comme trop élevée, celle ci peut devenir alarmante et témoigne d’un dysfonctionnement structurel du commerce en centre ville. Selon la Mission10, l’analyse qui porte sur un panel de 187 villes en 2015, 7% des centres villes ont un taux inférieur à 5%, 38% ont un taux de vacance commerciale situé entre 5% et 10% et 55% ont un taux supérieur à 10% contre 27% seulement dans les grandes villes. En 2016, Libourne connaît une des plus fortes augmentations du taux, supérieur à 6 points.
La vacance commerciale s’accompagne en général de certains signes de fragilité socio-économique mais aussi d’un passé difficile.
8 RENARD, Camille, «Des centres villes de plus en plus déserts», France Culture, 27 Février 2017
9 MADRY Pascal, Dictionnaire Pratique du Commerce, Bruxelles : De Boeck Université, 2009
10 DUHAMEL P.-M., FREPPEL C., LE DIVENAH J.-P., Munch J., NARRING P., «La revitalisation commerciale des centres-villes», l’Inspection générale des finances et le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable, Octobre 2016,
Les mutations économiques et sociales liées à la fin des trente glorieuses ont terni l’attractivité des petites et moyennes villes. De 1945 à 1973, les petites et moyennes villes participent aux évolutions socio-économiques et spatiales de la France. A la fin des années 1970, on observe un déclin de la part des politiques vis à vis de ces territoires.1 Les mutations économiques mettent à mal la place de ces espaces dans le processus de production. L’industrie, très représentative à l’époque d’une activité économique sur un territoire, va finir par disparaître laissant ainsi le territoire déchu de toute ressource nécessaire à son attractivité. La désindustrialisation marque autant la fin des trente glorieuses que le début des difficultés rencontrées par son territoire d’accueil. Le développement du périurbain, le délaissement des espaces ruraux dû aux exodes provoquent une scission entre les grands espaces urbains et les territoires en marge de la métropolisation. Les mutations économiques liées à la fin des trente glorieuses ont permis aux espaces urbains les plus importants de se développer tout en entraînant une paupérisation des plus reculés. En 2007, la France compte 950 unités urbaines de 5 000 à 200 000 habitants, soit 3695 communes, représentant un total de 18,2 millions d’habitants. Les unités urbaines où vivent plus de 200 000 habitants se composent de 1212 communes et de 15 millions d’habitants. L’agglomération Parisienne compte 412 communes pour un total de 10 millions d’habitants. Outre La région Parisienne, 5 millions de personnes sont réparties sur des unités urbaines conséquentes. Le reste du territoire accueille plus de 45 millions de personnes ce qui prouve l’importance des communes touchées par la crise sur notre territoire.2 Malgré la baisse annuelle du nombre de communes, elles parsèment notre territoire et sont évocatrices de l’Histoire de la France. Pour Caroline Cayeux, Maire de Beauvais et présidente de l’association Ville de France: «les villes moyennes sont la colonne vertébrale du territoire français».3
1 SANTAMARIA, Fréderic, «les villes moyennes françaises et leur rôle en matière d’aménagement du territoire vers de nouvelles perspectives ?», Norois, 2012, n°223 p. 13-30 https://journals.openedition.org/norois/4180
2 RAZEMON, Olivier, Comment la France a tué ses villes, Paris, Rue de l’échiquier, 2016, p.42
3 VILLE DE FRANCE, Communiqué de presse, «Les élus de Villes de France se réjouissent du Plan d’action en faveur des villes moyennes et sont prêts à travailler sans attendre à sa concrétisation», Paris, 15 Décembre 2017, http://www.villesdefrance. fr
Villes moyennes
Grandes Aires
Aires métropolitaines
Paris
Ces territoires relégués au second plan ont nourri, construit l’activité économique de nos régions et de notre État.4 La pression de la mondialisation n’aurait-elle pas accentué la récession industrielle ? Malgré la facilité à s’ouvrir, partager avec le monde extérieur, il semblerait que la France ait oublié une de ses composantes dans la transformation. Plutôt que de les fuir, n’aurions nous pas pu chercher à les transformer, les réinventer, alors que 50 ans après nous cherchons des solutions pour leurs redonner vie ? Selon O. Razemont il n’y aurait pas que l’économie qui s’estompe, la géographie en subirait les mêmes aléas. La construction des autoroutes, l’ouverture des lignes de TGV rend les populations mobiles et affaiblit le maillage géographique. Pour Christophe Guilly, ce sont les métropoles qu’il faut incriminer. Selon lui, la France périphérique subirait les effets, les conséquences de la machine économique des métropoles.
D’un point de vue plus large, nous pourrions dire que la fin de la croissance économique des Trente Glorieuses a nourri les difficultés actuelles. Selon l’Insee, le secteur du commerce connaît un ralentissement par rapport au chiffre d’affaire généré et à l’évolution des effectifs salariés. On s’aperçoit que le revenu mensuel moyen est aussi en baisse. Ces deux indicateurs une fois croisés nous permettent d’observer une diminution de l’activité économique du secteur du commerce en France malgré l’arrivée en 2009 de nouveaux régimes. Le secteur du commerce est confronté à une demande de consommation peu dynamique, pourtant il s’agit du premier déterminant du développement d’un marché de consommation. De plus, on observe que le nombre de PME du secteur du commerce qui subissent des difficultés économiques au cours de leur vie augmente de 20% sur les quinze dernières années. Ces indicateurs confirment un équilibre économique fragile pouvant altérer des espaces hors métropoles. Ajouté à cette situation socio-économique qui laisse perplexe, les villes centre des communautés de communes ont une croissance démographique et un niveau de vie plus faible, ainsi qu’un taux de chômage et de logement vacant plus fort que les grandes villes. L’augmentation de la population dans les villes moyennes est de 4,3% entre 2007 et 2012 contre une hausse nationale de 7.5%. La démographie des villes moyennes est moins dynamique dans les villes centres qu’en périphérie. Nous faisons face à une paupérisation des centres urbains des villes moyennes et à un étalement de leurs périphéries qui finalement disposent de moyens plus importants.5 Le développement d’infrastructures routières mais ausi de zones commerciales recrée des polarités en périphérie et finit par rendre les centres villes obsolètes. La voiture, un des fondamentaux des Trente Glorieuses, serait en train d’exclure par la dispersion des activités sur un territoire, le cœur de la cité au profit d’une nouvelle manière de consommer.
Au travers de l’ouvrage de Patrick Mauger, Les centres commerciaux 1 , celui-ci explique que les centres commerciaux sont une réponse à notre mode de consommation, un symbole collectif qui répond à une nécessité économique mais aussi sociale, à travers l’échange. C’est à partir des années 1960 que la France connait une mutation de son commerce : «Le passage de la petite entreprise artisanale pratiquant la vente traditionnelle à la grande entreprise de distribution pratiquant la vente discount»2. Cette «révolution commerciale» est fortement liée à un mode de production industriel qui s’est vu intensifié par un marché de consommation urbain de masse. Cela entraine une modification de la structure commerciale par l’essor de grandes et moyennes surfaces (GMS) qui brouillent le paysage (figure 4). Ce type d’infrastructures s’est très vite imposé et réalise les 2/3 des ventes du commerce de détails en France3
A L’inverse, dans les années 1920, le commerce atteignait son apogée (1,5 millions de boutiques). De nos jours on en dénombre 850 000 alors que la population s’est vu accroître4. Cette diminution du nombre de boutiques explique la présence accrue de : «boites sans architecture posées au milieu d’immenses parkings»5. Les villes s’agrandissent autour de ses nouveaux pôles attractifs. La France, est le pays d’Europe où la présence de centres commerciaux est plus forte que celle de petits commerces. En 2008, La loi LME6 supprime la réglementation qui permettait aux comités départementaux, jusqu’en 2008, de refuser des implantations pour protéger le commerce local. C’est la commission européenne qui a condamné ce dispositif au motif que : « la procédure française se fondait pour une grande part sur des considérations de nature économiques insuffisamment précises et objectives et était mise au service non de l’urbanisme mais d’intérêt locaux »7. En France les comités départementaux qui donnent leur aval pour la création de zones commerciales sont qualifiés de machines à dire oui. En 2012, les élus de
1 MAUGER, Patrick, Les centres commerciaux, Le Moniteur, octobre 1991
2 BOUVIER, Marie, MADRY, Pascal, «La vacance commerciale dans les centres-villes en France», Les cahiers de l’institut pour la ville et le commerce, Paris, Mai 2017
3 ibid
4 BICARD, Daniel, «La vacance commerciale dépasse les 15% dans plus de 20 centres-villes en France», LSA Franchises, 23 juin 2016
5 MAUGER, Patrick, Les centres commerciaux, Le Moniteur, octobre 1991
6 Loi «LME», loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation
7 BLOG CREO URBANISME, «Urbanisme commercial / Causes de la surproduction de surfaces de vente...», [en ligne]
L’émergence des centres commerciaux
l’assemblée des communautés de France réclament une évolution de la réglementation. De nos jours, 62 % du chiffre d’affaire du commerce se réalise en périphérie, contre 25 % en centre et 13 % dans les quartiers environnants8. De cette fuite des équipements commerciaux vers les périphéries des villes, en découle une transformation de la forme urbaine, un étalement urbain de plus en plus conséquent, un allongement des entrées de villes ainsi que la dévitalisation de certains centres villes.
«Partout on avait gagné de l’espace, l’air et la lumière entraient librement, le public circulait à l’aise, sous le jet hardi des fermes à longue portée. C’était la cathédrale du commerce moderne, solide et légère faite pour un peuple de clientes»9. Cette évocation des grands magasins est l’amorce de ce que seront plus tard les centres commerciaux.
8 Ibid.
9 ZOLA,
Longtemps considérée comme un sujet conjoncturel, la vacance commerciale fut prise en compte tardivement par nos politiques. C’est à partir des années 2010 que les autorités publiques tentent de pallier le phénomène par différents programmes d’envergure nationale.
Depuis le 12 juillet 2010, la systématisation d’un volet commerce dans les SCoT (schéma de cohérence territoriale) est mis en place par le grenelle de l’environnement. La loi du 18 juin 2014, relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (ACTPE) a entraîné la fusion des procédures de permis de construire et d’autorisations commerciales. Le permis de construire pour une exploitation commerciale ne peut désormais être délivré qu’à condition que la CDAC (commission départementale d’aménagement commercial) ou la CNAC (commission nationale d’aménagement commercial) donne préalablement un avis favorable. Dans les zones touchées par une raréfaction des activités commerciales, cette même loi a induit un contrat de revitalisation artisanale commerciale (CRAC). Ce contrat permet de déléguer à des institutions publiques le droit de préemption des fonds de commerces. Durant le mandat du Président de la République François Hollande, la loi ALUR est mise en place et aborde la question de l’urbanisme commercial. Elle prévoit une densification des zones urbaines. La loi PINEL prévoit plusieurs mesures pour réguler le montant des loyers commerciaux et éviter ainsi que certains locaux commerciaux ne bloquent l’arrivée de nouveaux commerçants. La loi portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) permet de transférer le domaine de la politique locale du commerce aux communes. De son côté Le Grenelle de l’environnement qui vise à prendre des décisions à long terme en matière d’environnement et de développement durable soutient un enjeu d’équilibre d’armature et de cohésion d’ensemble des territoires.
En septembre 2017, Patrick Vignal, président de l’association « centre ville en mouvement » et député de l’Hérault met en garde le Président de la République Emmanuel Macron contre les dangers du délaissement
des petites et moyennes villes par les pouvoirs publics. Il insiste sur la nécessité de faire de la revitalisation la « grande cause nationale de 2018 ». Lors de la conférence nationale des territoires qui a lieu à Cahors le jeudi 14 décembre 2017, le nouveau gouvernement tente d’apporter une réponse aux enjeux de dévitalisation des centres villes. Le Premier Ministre Edouard Philipe annonce que l’État va investir 5 milliards d’euros sur un plan de 5 ans : « action cœur de ville » pour accompagner les municipalités dans la redynamisation des centres villes.1 222 villes sont sélectionnées pour bénéficier de cet accompagnement.
Cette démarche repose sur un nouvel outil contractuel (Michel Tendil « Jacques Mézard lance son plan « action cœur de ville, groupe caisse des dépôts, 15 décembre 2017) : l’ORT (opération de revitalisation de territoire) fait partie du projet ELAN (évolution du logement, de l’aménagement et de la transition numérique). Ce plan devrait permettre de renforcer l’ingénierie territoriale par un cofinancement de la direction du projet par l’ANAH et par des subventions pour les dépenses d’études, d’expertises et d’animations liées aux actions de revitalisation des centre villes.2 Jacques Mézard, Ministre de la cohésion des territoires, souhaite donner plus de pouvoir aux maires pour faciliter le blocage d’opérations de nouvelles grandes surfaces en périphérie. Le fond de soutien aux activités commerciales sera renforcé pour faciliter l’implantation de projets commerciaux dans les centres des villes moyennes et ainsi servir de locomotive à d’autres projets. Toutes ces actions permettent de comprendre que les administrations se préoccupent de la problématique structurelle de dévitalisation des centres villes.
2
Du terme déprise commerciale, il nous semble bon de nous intéresser à la notion de commerce. Il est avant tout un composant névralgique du centre ville. Il attire par ses diverses fonctions (commerces de proximité, shopping…). Longtemps perçu comme un élément de proximité, de partage social et pratiqué par tous pour satisfaire des besoins primaires, il se retrouve aujourd’hui affaibli par un contexte socio-économique difficile, une nouvelle manière de consommer (e-commerce) et une qualité de son environnement dégradée. Voué à l’affaiblissement de ses ressources, il dénote dans le paysage urbain du centre ville et accentue l’effet pervers de la « vacance ». En d’autres termes, sans commerces il n’y a plus d’attractivité, il n’y a donc plus de raison pour les usagers d’aller dans le cœur de ville qui alors s’éteint. Il ne peut donc y avoir de vitalité commerciale sans : «une démographie dynamique, une situation économique favorable, un environnement urbain adapté, un équilibre entre périphérie et centralité, une adaptation des commerces à l’évolution des modes de consommation»1. Le simple commerçant peut difficilement avoir assez de poids face à l’attractivité toute entière d’un centre ville. C’est en cela que la structure de l’appareil commercial doit être gérée par des personnes plus importantes, plus impactantes à l’échelle du centre, de la ville mais aussi du territoire. Selon le rapport de « revitalisation des centres ville » datant du 16 juillet 2016 : «C’est aux élus, responsables de la ville et de l’intercommunalité que revient le devoir d’engager, de mettre en œuvre une stratégie globale adaptée à leur position centrale au sein du territoire»2. Opérer une reconquête commerciale répond à deux problématiques : la place du centre ville dans l’armature territoriale ainsi que sa où ses fonctions attribuées (marchande, patrimoniale...). Il est donc difficile d’envisager la vacance commerciale de manière isolée. La sauvegarde, la survie de certains territoires n’est donc plus qu’un simple enjeu économique de dynamisme commercial mais une prérogative pour l’État et les collectivités dans le bien être de l’écosystème territorial.
Pour parfaire à ces évolutions, le rapport3 préconise le lancement
1 DUHAMEL P.-M., FREPPEL C., LE DIVENAH J.-P., Munch J., NARRING P., «La revitalisation commerciale des centres-villes», l’Inspection générale des finances et le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable, Octobre 2016
2 Ibid
3 Ibid
d’un agenda « commerce en cœur de ville ». Un outil permettant de donner une direction et une cohérence à une série d’actions qui repose sur 3 dynamiques : «une coordination à toutes les échelles pertinentes (association de commerçant), une capacité des collectivités locales à codéfinir avec des professionnels une stratégie globale et la mobilisation d’outils renforcés (appui financier) dans un cadre national»4. Celui-ci doit ainsi mobiliser 5 leviers d’actions : «définir des stratégies locales pour le développement du commerce, organiser l’offre commerciale avec un équilibre périphérie-centre, coordonner les différents acteurs, accompagner les commerçants dans leur adaptation aux commerces de demain et pour finir mobiliser et organiser le foncier par la puissance publique en cas défaillance du marché»5. Le plus souvent, un diagnostic de la situation, des forces et faiblesses de la ville et de son centre urbain est établi. Celui-ci est censé faire état d’un dysfonctionnement démographique (déclin), d’une dégradation socio-économique du bassin de vie et d’une perte d’image ou de dynamisme. Par cette étude, chaque ville peut être capable d’engager un projet de requalification adapté à la réalité de sa situation. Il est important de prendre en considération que la redynamisation commerciale s’effectue dans un contexte urbain qui s’appuie sur des atouts en interne (patrimoine, culture, capacité d’attractivité touristique ou économique).
Afin de mieux comprendre ces différentes préconisations, nous allons nous attacher à l’analyse du cas de la ville de Libourne qui au travers d’un travail effectué sur des déterminants ciblés (aménagement urbain, accessibilité, stationnement, diversité des services aux usagers et bien d’autres ...) tente de réinventer son offre commerciale.
PLACE PUBLIQUE
COURIR
Commune : Libourne
Région : Nouvelle-Aquitaine
Département : Gironde
PARKING 24h/24
Intercommunalité : La Cali (Communauté d’Agglomération du Libournais)
Population municipale : 24 866 HAB (2015)
Densité : 1205 hab / Km2
Population aire urbaine : 36150 hab
Géographie : Superficie : 20,63 km2
Altitude : > Min 2m > Max 28m
Taux de chômage : 19,7 %
Vacance commerciale en centre ville : 15,1%
A l’heure de la métropolisation, de la montée en puissance de certains sites, des territoires décident de se regrouper pour former des unités. Cellesci peuvent prendre la forme de communautés de communes ou bien de communautés d’agglomération comme dans le cas de La Cali, constituée en EPCI (établissement public de coopération intercommunal). Isolées, ces différentes communes peuvent difficilement lutter contre un paysage qui se transforme, elles tentent donc de réorganiser le maillage territorial. Ensemble, elles travaillent sur l’organisation des espaces vacants au sein de leurs territoires, s’entendent à développer les différents atouts d’un territoire mais aussi à renforcer les solidarités entre villes et espaces1. De par son nombre d’habitants, Libourne est considérée comme le siège de La Cali. Elle compte 45 communes pour plus de 90 000 habitants et s’étend sur le territoire du Nord Gironde. La Cali est à ce jour la plus grande communauté d’agglomération de la Gironde. Ce statut lui permet de combattre les difficultés que rencontrent les territoires voisins.
1 GRAND LIBOURNAIS, «L’établissement public», [en ligne], URL : https://www. grandlibournais.eu/le-pole-territorial/ (page consultée le 24 octobre 2018)
Ancienne Bastide Anglaise fondée en 1270 par Roger de Leyburne, la ville est construite sur un plan orthogonal où le centre de la cité se trouve à l’intersection des axes majeurs orientés Nord/Sud (Cardo) et Est /Ouest (Décumanus). Une bastide est une : «Ville neuve [...] servant de centre de peuplement et aussi de refuge en cas d’attaque»1. Situé au confluent de l’Isle et de la Dordogne elle est considérée comme une cité d’échanges 2, certains vestiges comme la Porte du grand Port témoignent de ce passé économique. L’objectif pour le Roi était de contrôler et de protéger les flux commerciaux avec l’Angleterre. L’Hôtel de Ville, édifié au 15ème siècle, devient le symbole des libertés accordées par le Roi. Il domine la place, qui joue un rôle économique important. Autour de celle-ci, les passages couverts (arcades) édifiés au XVIème siècle abritent de nombreux commerces et supportent des maisons de villes. En 1789, la ville de Bordeaux compte plus de 100 000 âmes, étouffant ainsi Libourne. Pour lutter et éviter de se faire dévorer, les libournais tenteront d’obtenir la création d’un département. Avant même que la vacance commerciale et la désertification ne fassent partie d’un problème récurrent de notre société contemporaine, la proximité d’une ville forte comme Bordeaux condamnait Libourne à rester une ville moyenne3. En 1912, la chambre de commerce voit le jour et reste le symbole d’une combat mené pour tenter de survivre. Au début du XXème siècle, Libourne rassemble de nombreuses artères commerciales ainsi qu’un habitat bourgeois. C’est une étape vers la métropole bordelaise qui attirera une certaine population originaire des départements voisins et qui finiront par peupler la cité. On retrouve de très beaux édifices tels que l’hôtel construit par Victor Louis en 1775 qui servira à accueillir une succursale de la banque de France affirmant ainsi le rôle de Libourne comme place commerciale face à Bordeaux. La ville regroupe dans la rue la plus ancienne de la cité les 3 formes de pouvoir : l’Hôtel de Ville, le tribunal et la sous-préfecture.
1 source : CRNTL
2 BAUD, Pascal, Bourgeat, Serge, Bras, Catherine, Dictionnaire de géographie, 5e édition, Hatier, Aout 2013.
3 CHAUME Alain, PESTANA Claude, Libourne, entre rivières et vignobles, éditions ALAN SUTTON, 2008.
Tout ceci nous montre à quel point la ville bénéficie d’une grande richesse architecturale et patrimoniale qui lui permet aujourd’hui de résister, de s’affirmer dans un maillage territorial.
En 1911, Libourne compte 20 085 habitants1, ce qui en fait la seconde commune la plus peuplée de Gironde et devance 4 communes de la banlieue bordelaise. L’évolution de la population est un aspect de la vitalité de la cité. A ce jour, hors agglomération bordelaise, Libourne est considérée comme la ville la plus dense après la Teste du Buch2
Sources : Insee, RP1967 à 1999 dénombrements, RP2010 et RP2015 exploitations principales.
1 CHAUME Alain, PESTANA Claude, Libourne, entre rivières et vignobles, éditions ALAN SUTTON, 2008.
2 Source : Insee, Populations légales en vigueur à compter du 1er janvier
{fig 9}, Évolution du nombre de naissance de la ville de Libourne {fig 10}, Évolution du nombre de décès de la ville de Libourne
Sources : Insee, RP1968 à 1999 dénombrements, RP2010 et RP2015 exploitations principales - État civil.
Comme nous le renseigne le graphique ci-joint, on observe une baisse de la démographie jusque dans les années 90 où elle comptabilisait un peu plus de 21 000 habitants. Depuis cette même date nous sommes face à une hausse de la population de plus de 4000 habitants. Si l’on regarde le graphique ci-dessus, on observe que de 1990 à 2015 le pourcentage de naissances est identique. A l’inverse, sur la même période le pourcentage de décès est en baisse de 2 points, on observe ainsi une population plus jeune. Les coûts du foncier abordables, l’opportunité d’emploi, les moyens de transport développés en font une ville propice pour certains ménages de la région. Cette hausse de la démographie ne semble pas être en adéquation avec les taux élevés de la vacance commerciale. Nous pourrions penser que la démographie présente sur le territoire reste propice au développement économique mais que cette population fuit les centres villes pour s’accrocher aux commerces et aux modèles de vie de la périphérie. Malgré un taux de naissance plus élevé, on s’aperçoit que les 15 à 29 ans sont moins représentés avec une baisse de 3 points entre 2008 et 20133. Ce manque de jeunesse au sein même de la ville peut jouer dans le dynamisme de celle ci.
3 CCI LIBOURNE, «Opération collective, réponse appel à projets 2016», collection FISAC, Libourne, Décembre 2016
En 2013, Libourne compte 11 824 ménages soit 430 de plus qu’en 20081 On remarque une concentration de ménages d’une personne plus élevé à l’échelle de la ville que du département. 55,6 % des ménages de Libourne sont locataires. Composée de foyers monoparentaux ou de ménages d’une seule personne au détriment des couples et des familles, Libourne cherche à attirer d’autres types de ménages plus à même de développer l’économie locale.
{fig 11}, Évolution des ménages sur Libourne, graphique modifié par l’auteur
Sources : CCI LIBOURNE, «Opération collective, réponse appel à projets 2016»
En 2013, le revenu moyen annuel des ménages libournais est de 20 589 euros, ce qui est inférieur à celui de la Gironde (24 935 Euros). Seulement 49% des ménages libournais sont imposables. Avec 17,8 %, le taux de pauvreté des ménages fiscaux est plus élevé que celui du département (12,1%). La part des prestations sociales est plus importante sur Libourne avec 7,2 % du revenu contre 5,6% sur le libournais et 4,8% sur la Gironde. Tout cela implique une baisse des impôts et une diminution du budget communal de la ville qui peut se ressentir dans le caractère vétuste de celle-ci.
Située dans le couloir de la pauvreté qui s’étend de la pointe du Médoc à Agen, Libourne souffre d’un taux de chômage supérieur à la moyenne. Comme nous le montre le tableau ci-joint, celui ci ne cesse de croître depuis l’année 2008 et atteint en 2015 un taux équivalent à 19,7% soit 8,7
1 Ibid
points de plus que la moyenne. À cela se rajoute un fort taux de personnes de moins de 65 ans bénéficiant du RSA en 20132. Sur les 24 866 habitants on recense au 1er juillet 2016 plus de 3101 demandeurs d’emplois.
Malgré cela, Libourne est considérée comme un bassin d’emploi essentiel en Gironde. Sur sa population totale, 5173 libournais vivent et travaillent sur place. De plus, Libourne accueille 7600 actifs qui viennent du Libournais ou de communes girondines. Favorisés par une desserte routière et ferroviaire de qualité, 645 libournais travaillent sur la métropole Bordelaise et 1477 bordelais viennent travailler sur Libourne3. La présence de grandes entreprises telles que CEVA santé animale, Schneider Electric, Fayat, l’hôpital Robert Boulin... permet de renforcer l’attractivité de la ville mais sur un temps imparti.
En 2015, l’Insee recense 249 créations d’établissements sur Libourne. Une chute de 7,1% depuis 2014 mais qui connait une hausse depuis 2015. À cette date le secteur des services représente 51,4%, celui du commerce, des transports, de l’hébergement représente 38,6%. Plus de 1583 établissement sont actifs, un chiffre issu de la fusion des fichiers consulaires de la CCI de Libourne et de la CMA région aquitaine. Sur ces 1583 établissements actifs sur Libourne, 1054 appartiennent aux secteur du bâtiment, du commerce et des services. On remarque ainsi que le secteur des services et du commerce est très présent sur Libourne. Le commerce de détail représente quant à lui 78% des entreprises commerciales. Malgré le fait que Libourne conserve un bassin d’emploi important en Gironde ainsi qu’une population qui augmente depuis 20 ans, la ville fait face à un bilan plutôt défavorable. Cela est en partie dû à une augmentation des ménages composés de personne seule et des ménages monoparentaux, d’un fort taux de ménages non imposables, d’un taux de chômage supérieur à la moyenne. La conjoncture socioéconomique actuelle laisse-t-elle entendre un rebondissement de la part de cette ville moyenne ? Comment ces différents facteurs se ressententils sur le centre urbain de la ville ?
2 Sources : Insee, Recensement de la population 2010 ; Caf ; MSA 2013).
3 CCI LIBOURNE, «Opération collective, réponse appel à projets 2016», collection FISAC, Libourne, Décembre 2016
Depuis quelques années, le centre ancien (cœur de bastide) a du mal à gagner en attractivité. Libourne n’échappe pas à la tendance nationale qui caractérise de nombreuses petites et moyennes villes. La vacance commerciale avoisine les 15,1% en centre ville. Ce phénomène peut être expliqué par un contexte socio-économique difficile vu en amont, mais aussi par la prolifération de zones commerciales en périphérie de la ville. L’installation de grandes surfaces a contribué à exacerber la déprise commerciale. Sur la carte ci-jointe, on observe 2 gros pôles attractifs, placés aux différentes entrées de ville. Ceux-ci se composent généralement de zones commerciales mais aussi de zones artisanales. On voit apparaître d’autres galeries marchandes, moins impactantes, mais toujours autant présentes dans le paysage urbain. A cela s’ajoute la présence de micros zones commerciales comme l’ensemble commercial «les Vignes Ouest. Il existe ainsi une dichotomie entre les entrées de villes où l’activité commerciale est attractive et le centre ancien où l’offre de commerces et de services se trouve fragilisée.
Zones Artisanales
Zones commerciales
{fig 13}, Contexte économique et commercial Carte modifiée par l’auteur , source : Élaboration du plan Local d’urbanisme
Pour rendre compte de la vacance commerciale sur le cœur urbain de Libourne, nous allons baser notre analyse sur une étude de terrain ainsi que sur le dossier FISAC (fond d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce). C’est un dispositif qui a pour vocation de répondre aux menaces pesant sur l’existence des services commerciaux et artisanaux de proximité dans les zones rurales ou urbaines fragilisées par les évolutions économiques et sociales1. L’analyse du FISAC se fait sur un périmètre défini. Il s’agit des principales rues commerçantes du centre ville historique de Libourne. Chaque année, la CCI enregistre dans le cœur bastide une vingtaine de nouveaux établissements. À partir du graphique ci dessous on observe une hausse de l’implantation d’établissements. Les porteurs de projet sont intéressés par la ville de Libourne. En Juin 2016, la mairie, la chambre de commerce et d’industrie de Libourne ont recensé 380 pas de porte. Ce repérage a permis d’identifier les activités présentes dans le cœur bastide mais aussi l’état de la vacance et des devantures dans le secteur piétonnier. Cette 3ème caractéristique montre l’intérêt que portent les élus à l’esthétisme de la ville. En 2016, le taux de vacance qui touche les pas de porte est de 23%. La rue Gambetta, l’axe commercial de la ville, recense 21 locaux fermés à la même date. Deux ans auparavant, on en comptait 30. De nos jours, on recense 17 locaux fermés. Une diminution de la vacance commerciale s’opère dans l’axe principal.
{fig 14}, Implantations annuelles d’établissement, source :Repérage terrain de la mairie et de la CCI de Libourne, 2016
{fig 15}, Nature des activités dans le Coeur Bastide source : Repérage terrain de la mairie et de la CCI de Libourne, 2016
1 AFE CREATION, «Aides du Fisac - Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce», [en ligne], URL : https://www.afecreation.fr/pid911/aides-du-fisac. html, (page consultée le 12 décembre 2018)
Répartition des activités économiques
Administrations
Commerces Alimentaires
Cafés, Hôtels, Restaurants
Commerces non alimentaires
Services marchands
Vacant
{fig 16}, Répartition des activités économiques Image modifiée par l’auteur Source : Repérage terrain de la mairie, de la CCI de Libourne et de l’auteur
Répartition des pas de porte vacants RueGambetta RueMontesquieu
CoursTourny
Administration
Pas de porte
Pas de porte Vacant
{fig 17}, Répartition des pas de porte vacants
Image modifiée par l’auteur
RueVictorHugo
RueThiers
Source : Repérage terrain de la mairie, de la CCI de Libourne et de l’auteur
À partir de la localisation des pas de porte vacants, nous sommes en mesure de préciser que la rue Gambetta, la rue Montesquieu, la rue Thiers et la rue Victor Hugo souffrent d’un taux de vacance supérieur à 25%. Dans la rue Gambetta ainsi que ses extrémités, la place Abel Surchamp et l’esplanade François Mitterrand, on recense 45 % d’entreprises indépendantes et 32 % de franchisées. Les franchisées sont en nombre inférieur, alors qu’elles peuvent servir de locomotives commerciales du fait de leur notoriété. En arpentant cette rue (fig 19), on observe que plus de la moitié des devantures ne sont pas en très bon état. Ajouté à cela un quart des locaux fermés, l’ambiance commerciale semble fragilisée et véhicule une image peu agréable. Cependant, la vacance commerciale s’évalue en fonction «du taux de cellules commerciales vides à un moment donné, rapporté au nombre total des cellules commerciales d’une aire donnée»1. Malgré un taux de vacance structurel supérieur à la moyenne, plus de 140 commerces composent le centre ville. Pour Flavien Bezi, urbaniste en chef du projet de revitalisation du cœur Bastide, ce chiffre parait surdimensionné par rapport à la taille de la ville et sa population de 24 866 habitants. Le nombre foisonnant de vitrines fait écho au passé, à sa fonction très structurante pour le bassin de vie de Libourne. Il faut maintenant prendre en compte l’arrivée de nouvelles formes de consommation comme le e-commerce mais aussi tout simplement l’avènement à grande échelle des centres commerciaux. Pour Flavien Bezi, il faut pouvoir assumer le fait de ne plus avoir autant de commerces et peut-être donner un second souffle, une nouvelle orientation à ces friches commerciales qui parsèment le cœur de nos villes.
1 SÉNAT, «Revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs : rapport d’étape», [en ligne], URL : https://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-676-notice.html, (page consultée le 16 décembre 2018)
II.2
Outre un contexte socio-économique compliqué, la vacance commerciale peut être envisagée comme la résultante de facteurs urbains liée au développement interne et externe de la cité.
De ces nouvelles polarités déployées en périphérie de ville, naissent des axes majeurs. C’est le cas de l’Avenue Verdun. L’ancien axe routier à l’est de la ville, qui permettait de liaisonner le centre ville au milieu rural, s’est vu doté d’une nouvelle fonction. Cet axe rectiligne qui, dans le temps affichait noblesse et prospérité, s’est transformé ces dix dernières années pour laisser place aux activités économiques. La modification fonctionnelle de cet axe remet-il en cause le déroulement de l’activité commerciale en cœur de bastide ?
Les maisons de maître ont été transformées en restaurants, en cabinets d’assurance, en banques. Certaines ont été détruites pour accueillir de nouveaux immeubles en R+1, de nouveaux bureaux prêts à la location. D’autres ont été démantelées pour être reconstruites à l’étranger. À leur place sont édifiées des machines à consommer. De vastes hangars qui proposent aux usagers boutiques de textile, de chaussures, de vins et spiritueux. Selon Stéphane Chandes, en charge du développement économique de la ville et de l’agglomération, la création de certaines zones commerciales permet de rapprocher le chaland vers le centre ville. Mise à part la présence, de quelques grandes entités commerciales (Boulanger, Carrefour, Leader Price, Intersport), cet axe semble attirer et proposer aux habitants et usagers une multitude de services (banque, assurance, office notarial, maître d’œuvre, agence immobilière, cabinet d’expert comptable...). La voiture est très présente et ne semble pas vouloir être effacée. Les mobilités douces sont inexistantes, de vastes parkings permettent d’accéder à ces différentes zones économiques. Etant une liaison entre le centre ville et le milieu rural, les flux liés aux activités économiques congestionnent cet axe aux heures de pointe. Pour
pallier l’ennui des automobilistes, les arbres ont été remplacés par une multitude de panneaux publicitaires. Devant cet aspect plutôt étrange, où les habitations ne cessent d’être transformées en locaux commerciaux, l’étalement urbain se fait ressentir par la présence de logements en seconde ligne. En se rapprochant du centre ville, on sent le tissu urbain se resserrer, les immeubles retrouvent des commerces en rez-de-chaussée, des habitations en partie haute et s’alignent à la rue. La sous-préfecture ,déplacée dans l’ancienne caserne ESOG, marque l’entrée et la sortie du cœur de bastide.
De nos jours, si l’on porte autant d’attention au développement des activités en périphérie c’est que l’on en connait les effets. Selon Ingrid
Voisin Chadoin, directrice du projet urbain Libourne 2025, s’il n’y a pas d’équilibre à travers un schéma d’aménagement commercial, le mouvement peut continuer de se poursuivre vers la périphérie, un mouvement lié à l’utilisation de la voiture. La répartition spatiale et le contrôle des activités sont plus qu’importants. Quand la grande surface Carrefour a souhaité s’agrandir, la ville n’aurait donné son accord qu’en contre partie de l’ouverture d’un Carrefour Market en centre ville. Si la périphérie se retrouve à proposer aux usager tout type de services, pour quelles raisons viendraient-ils pratiquer le centre ville ? Pour Stéphane Chandes cette répartition dont nous parle Ingrid Voisin Chadoin permettrait à la ville de lutter contre l’évasion commerciale. Ce qui fait attractivité est en réalité l’offre proposée.
Perçue comme un seuil, cette artère prend des airs d’entrée de ville. «D’un point de vue géographique, l’entrée de ville est traditionnellement l’endroit ou s’arrête la campagne»1. Dans le cas présent, cet espace situé en périphérie de ville correspond à un espace mono-centrique dédié aux activités économiques, où le prix du foncier y est plus faible qu’en ville et les espaces plus généreux. Etant une ancienne bastide, certaines réglementations des bâtiments de France contraignent rigoureusement les potentiels acquéreurs Libournais. Cependant une telle évolution de cette artère permet d’affirmer une activité économique de la ville en hausse. L’activité présente sur cet axe permet de faciliter l’accès aux
1 MARVILLET, Jacques, PESSEMIER Camille, GRANDJEAN, Denis, LE CLESIAU, Anne, DE LAJARTRE, Marion, «Entrées de ville et reconquête des franges urbaines», Paris, Sénat, note de synthèse Colloque, février 2017