L’essor de la démarche de réemploi. La commande publique et privée comme levier d’action

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Fanny L’Hostis

L’ ESS or d E LA dém A rc HE ré E m PL oi

La commande publique et privée comme levier d’action

se projeter

avoir une vision globale

Proposer

prendre conscience de son pouvoir d’agir

comprendre le système fabricationdede la ville

Sous la direction de Xavier Guillot, Aurélie Couture et Delphine Willis

ENSAP Bordeaux - Juin 2019 -

Séminaire - Repenser la métropolisation

Mémoire de Master

Fanny L’Hostis

L’essor de la démarche réemploi

La commande publique et privée comme levier d’action

Sous la direction de Xavier Guillot, Aurélie couture et delphine Willis

ENSAP Bordeaux - Juin 2019 -

Séminaire - repenser la métropolisation

mémoire de master

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Remerciements

Un mémoire ne s’écrivant pas seul, j’aimerais remercier chaleureusement les trois enseignants encadrants Xavier Guillot, Aurélie couture et delphine Willis, qui m’ont suivi au cours de ce travail, pour leurs précieux conseils et remarques ainsi que leurs critiques avisées. Par leurs expériences, connaissances et intérêts, ils ont su m’éclairer afin que je constitue une réflexion qui ira bien au-delà de ce séminaire.

Je tiens à remercier les personnes qui m’ont accordé de leur temps pour alimenter ce travail. Chacun a sa manière a su m’apporter ses connaissances et sa vision du réemploi. Grâce à leur bienveillance et leur disponibilité, ce travail a pu s’enrichir au fur et à mesure.

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mon intérêt premier autour de l’économie circulaire est né d’une réelle découverte lors d’un appel à candidatures pour un workshop, organisé à l’université technique de Munich. Le texte présentant les objectifs de ce travail appelait à une prise de conscience. Les deux premières phrases évoquaient deux constats. Le premier rappelant que la population se trouve plus importante en zone urbaine qu’en zone rurale, et ce, depuis 2009. Le deuxième annonçant que le secteur de la construction se révèle être le plus grand consommateur de matières premières dans le monde, alors même que les ressources disponibles diminuent de jour en jour.

La candidature devait s’accompagner d’une première idée. J’ai effectué des recherches afin de matérialiser ce concept d’économie circulaire au travers de projets d’architecture déjà réalisés sur le sujet. Ainsi cette recherche a abouti sur un article présentant le « pavillon circulaire », expérimentation architecturale de l’agence Encore Heureux, installée à l’occasion de la COP 21, sur le parvis de l’hôtel de ville de Paris. cette réalisation-manifeste m’a particulièrement enthousiasmée dans la mesure où je n’avais jamais été sensibilisée à ce mode de pensée auparavant.

Enfin, c’est ce que je pensais. Bien qu’à une échelle tout autre, un souvenir m’est revenu. Celui de mon grand-père qui, à chaque voyage à la déchetterie, revenait souvent plein d’entrain car il avait trouvé quelque chose à réutiliser ou retaper. Plus récemment, j’ai pu faire l’expérience lors d’un week-end dans les alpes allemandes, du mode de vie frugale d’une dame qui a fait le choix de vivre avec peu. Elle expérimente la récupération (matériaux, containers, vieille caravane, vieux camion de pompier) au travers de projets de Tiny Houses. ces deux démarches m’ont fortement inspirée dans le choix de mon sujet de mémoire. Elles constituent pour moi un indice, ce que nous considérons à tort comme des déchets peut se révéler être une mine d’or et de créativité.

Ce questionnement autour de la matière et du réemploi, préfigure des transformations non seulement territoriales mais aussi dans la pratique même de la profession d’architecte. il fait naître des questions et débats en moi, tant en termes économiques et juridiques que environnementaux, historiques et citoyens. Cette matière scientifique me donnera l’opportunité d’y puiser des clés et des outils qui teinteront ma future position d’architecte

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Avant-propos

Sommaire

Introduction

PA r T i E i - Vers le retour à une frugalité heureuse des villes

A. La revalorisation, un principe du métabolisme urbain

1. L’urbain comme gisement au XiXème siècle

2. La linéarisation progressive des flux urbains

3. Le développement durable et la revalorisation des matières secondaires

B. La démarche zéro déchet, essentielle pour une ville durable

1. La démarche zéro déchet, une des clés de la Transition

2. Les grandes lignes de la démarche zéro déchet

3. Le scénario zéro déchet à l’échelle des collectivités territoriales françaises

C. Une pédagogie au service du réemploi

1. Une filière qui s’inspire du développement des éco-matériaux

2. des labels et mesures incitatives

PA r T i E ii - L’essor du réemploi par les maîtrises d’ouvrage publiques

A. L’ADEME, soutien important de la réflexion sur le réemploi

1. Les premiers pas de la démarche réemploi en France

2. La mise en place d’outils référentiels

.10 .14 .16 .24 .30 .36 .39 8 |

B. Des structures pionnières du réemploi et inspirantes à l’échelle nationale

1. Bellastock

2. Encore Heureux

C. La diffusion du réemploi à échelle régionale

1. Mettre le réemploi à l’échelle des maîtrises d’ouvrage du Pays Basque

2. Un outil: le clausier technique

3. Une prise de position commune à beaucoup de régions

D. Des plateformes numériques pour développer la filière

PAR t I e III - Des projets avec une plus-value

Les trois cas d’études

A. Des bénéfices énergie + carbone -

B. Une mise en valeur du savoir-faire des artisans

C. Un outil de dialogue avec les futurs usagers

D. Des projets à fort pouvoir esthétique et symbolique

C onclusion Glossaire Bibliographie .44 .48 .52 .54 .56 .58 .61 .64 72 74 76 .67 | 9

Le 1er août 2018, l’empreinte écologique de l’humanité a dépassé la bio capacité de la planète1. cette date marque le moment où l’Homme a consommé la totalité des ressources naturelles que la Terre est capable de regénérer en une année. L’empreinte écologique des humains se caractérise par la surface utilisée pour pêcher, élever, cultiver, déboiser, construire et brûler des énergies fossiles. La bio capacité représente la surface nécessaire à la planète pour résister à ces pressions. Depuis 1970, cette date ne cesse de reculer. Si le monde entier vivait sur un mode de vie français, nous entrerions en déficit écologique dès le 5 mai.

Cette consommation à outrance résulte de notre approche linéaire de l’économie. Celle-ci pourrait se résumer comme ceci : Extraire – Produire – Jeter. Les industries extraient les matières premières afin de fabriquer leurs produits, pour ensuite les vendre à leur clientèle, qui jettera le produit acheté dès lors que sa fonction première sera dépassée. Selon une étude réalisée par le Commissariat général au développement durable (CGDD), l’empreinte matière s’élevait à 13,2 tonnes par habitant en 2014, soit 873 milions de tonnes sur l’ensemble de la France2. La prise de conscience de la finitude des ressources naturelles et de la volatilité de leur prix apporte une tension certaine chez les entreprises, qui doivent désormais prendre position sur leur stratégie d’adaptabilité. En conséquence toute réflexion autour de solutions pour réduire les besoins et la dépendance des industries en matières premières leur permettra à l’avenir, une compétitivité certaine.

Un modèle économique plus vertueux émerge donc, celui de l’économie circulaire. En France, elle est reconnue officiellement comme l’un des objectifs de la Transition énergétique et écologique et comme l’un des engagements du développement durable. L’un des critères forts de ce mouvement est de supprimer la notion de déchets. Le code de l’Environnement (art. L541-1) définit le déchet comme ceci : un déchet est « tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien, meuble abandonné ou que son détenteur destine à l’abandon » . Supprimer cette notion signifierait donc qu’un produit serait créé et optimisé de manière à pouvoir être désassemblé et réutilisé à tout moment de son cycle de vie. Cette ambition est de plus en plus mise en avant non seulement par la feuille de route économie circulaire publiée à la 23 avril 2018 par le Ministère de la Transition écologique et solidaire, mais aussi plus localement par le biais de ressourceries.

1 «Earth Overshoot Day 2018 is August 1». Le 23 juillet 2018. Site Footprintnetwork. https://www.footprintnetwork.org/2018/07/23/earth-overshoot-day-2018-is-august-1-the-earliest-date-since-ecological-overshootstarted-in-the-early-1970s-2/. Consulté le 15 octobre 2018.

2 commissariat général au développement durable. rapport du 17 avril 2018. L’empreinte matière, un indicateur révélant notre consommaton réelle de matières premières.

Introduction
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Avec 40 millions de tonnes de déchets par an dont plus de 90% directement issus de chantiers de démolition et de réhabilitation3, le secteur du bâtiment apparaît comme l’un des premiers concernés. L’émergence de ce modèle économique constitue une réelle opportunité. Afin de faire évoluer les connaissances sur le sujet, des études se mettent en place dans le but d’élaborer des stratégies pour récupérer et valoriser ce que l’on appelle encore aujourd’hui, à tort, déchets. Ces études, encore marginales il y a peu, se multiplient dorénavant sur l’ensemble du territoire français. Il s’agit de faire l’inventaire des structures existantes qui travaillent déjà en réemploi en France pour ensuite déterminer les actions possibles en faveur d’une nouvelle manière de concevoir et construire les villes. Tout cela a pour but d’enrayer le phénomène de surconsommation des matières premières tout en limitant la production de déchets.

des acteurs se sont engagés pour le réemploi des matériaux et composants de seconde main bien avant la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) adoptée en juillet 2015. ce sont notamment des architectes dont l’ambition est de «redécouvrir le réemploi» si l’on cite Julien choppin et Nicolas delon4, architectes-associés de l’agence d’architecture Encore Heureux. redécouvrir, c’est repenser notre manière de faire en valorisant la matière secondaire comme cela a été fait jusqu’à la fin du XIXème siècle, et repartir de cet enseignement afin de l’adapter à nos villes d’aujourd’hui. Les acteurs de ce mouvement veulent anticiper la potentielle pénurie de ressource en choisissant de réaliser en réemploi dès aujourd’hui, afin de structurer les filières.

La préservation des ressources et la prévention des déchets s’organisent en trois temps hiérarchisés, que l’on appelle couramment les 3r: réduire, réutiliser et recycler. ce mémoire sera consacré plus particulièrement au réemploi. Par abus de langage, ce terme englobe plus largement une démarche de projet qui voudrait user de deux principes : le réemploi et la réutilisation. Le réemploi signifie que des substances, matières premières ou produits qui ne sont pas obsolètes, sont utilisés de nouveau pour un usage similaire à celui pour lequel ils ont été initialement conçus. La réutilisation désigne toutes substances, matières ou produits obsolètes que on vient utiliser de nouveau. Le recyclage est, lui, utilisé en dernier recours. il désigne une revalorisation de tout déchets qui sont retraités en substances, matières ou produits pour une même fonction ou à d’autres fins.

malgré tout le bon sens que représente la pratique du réemploi, le développement de celleci se confronte à plusieurs freins. Premièrement d’un point de vue fiscal, puisque selon un rapport du ministère de la Transition écologique et solidaire, en 2013, une tonne de matières sortantes (déchets) était en moyenne taxée vingt-six fois plus qu’une tonne entrante (matières premières)5 deuxièmement d’un point de vue sociétale, l’invention de la poubelle par Eugène

3 Chiffres issus d’un rapport de la Fédération Française du Bâtiment

4 Propos reccueillis par Fè V r E Anne-marie. «Encore Heureux, réeemploi de la matière forte». Le 3 octobre 2014. Sur le site https://next.liberation.fr/design/. Consulté le 24 février 2019.

5 commisariat général au développement durable. rapport du 1er novembre 2017. La fiscalité matières, une opportunité pour une économie circulaire

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Poubelle et l’image véhiculée des bidonvilles conduisent à une représentation négative des matériaux à réemployer. Le troisième frein est réglementaire, la pratique du réemploi étant dite non-conventionnelle, elle fait face à une certaine frilosité, notamment du côté des assureurs.

Les actions engagées ces dernières années tendent à faire évoluer les mentalités de chaque partie prenante d’un projet. Ces actions se traduisent de différentes manières: rapports d’études à partir d’expérimentations sur chantier, colloques et journées organisés sur le sujet, expositions, projets manifestes, plateformes et sites internet dédiés. des rapports d’études engagés par l’AdEmE, établissement public sous la tutelle de trois ministères (ministère de l’Ecologie, du développement durable, des Transports et du Logement, ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche et du ministère de l’Economie), en partenariat avec des architectes engagés dans le réemploi comme Bellastock et Encore Heureux Architectes ont constitué des bases solides pour l’émergence du réemploi. Les actions engagées depuis, sont parvenues à faire émerger une culture des bonnes pratiques. celles-ci fait naître, chez les maîtres d’oeuvre et maîtrises d’ouvrage sensibilisés au sujet, une volonté forte de faire bouger les choses.

A travers ce mémoire, j’ai voulu explorer la manière dont la commande publique peut acter en faveur d’un changement de comportement dans la construction des villes d’aujourd’hui et de demain. rares il y a encore de cela quelques années, les maîtrises d’ouvrage qui s’emparent du sujet du réemploi tendent à se multiplier. Privilégier la sobriété et la frugalité tout en offrant un cadre favorable aux innovations et à la créativité, voilà leur volonté. Ce mémoire je l’ai donc voulu représentatif de ce retour à cette pratique ancestrale, qui fut malheureusement happée par l’industrialisation. Le processus a été d’aller me confronter directement aux acteurs qui ont oeuvré pour cette prise de conscience, en les invitant à me dresser les lignes du réemploi actuelles et futures. Il est donc question ici d’identifier les actions passées et présentes qui portent le réemploi, mais aussi de découvrir les dynamiques entre les différents acteurs qui permettent de le mobiliser concrètement au sein d’un projet. ce chemin est notamment l’occasion d’explorer l’engagement de chacun de ces acteurs dans la cause du réemploi. Pour la première partie il a donc été question d’explorer la relation des villes à la matière du XIXème siècle à nos jours, de la matière naturellement valorisée à l’apparition de la notion de déchets. Cette première partie s’appuie sur des recherches bibliographiques. Par la suite, nous explorons l’émergence d’une nouvelle approche au sein des villes, la démarche zéro déchet, qui a été un point de départ dans l’émergence de la pratique du réemploi. La deuxième partie traite de la manière dont le réemploi a su infiltrer progressivement la commande publique pour la placer aujourd’hui comme le maillon essentiel de son futur développement. cette phase s’appuie sur des entretiens téléphoniques ou en personne avec des acteurs qui se mobilisent pour faciliter la pratique du réemploi. La troisième partie explore les plus-values que le réemploi peut offrir au projet d’architecture. Celle-ci s’appuie sur l’analyse de trois cas d’étude, le bâtiment du syndicat mixte Bil Ta Garbi et le centre de recyclage du Havre Nord et le Pavillon circulaire de la cop21, qui présentent tous trois des éléments communs à de nombreux projets en réemploi.

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Illustration réalisée pour le catalogue de l’exposition Matière Grise © Bonnefrite

PARTIE I

Vers le retour à une frugalité heureuse des villes

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Cette partie contextualise les difficultés et ambitions que font naître le retour à des principes vertueux tels que le réemploi, fondamentaux d’une économie durable. il y a plus d’un siècle la valorisation de matériaux et de la matière en général était une pratique courante. Les décisions politiques ainsi que les changements de mode de vie dûs au progrès technique ont participé à l’oubli progressif de cette pratique vertueuse. Face à une consommation toujours plus accrue de ressources naturelles, les politiques publiques s’attachent de plus en plus à accompagner l’engouement certain des citoyens français de modifier leurs habitudes pour un environnement plus sain. cette accompagnement est rendu possible grâce à des structures, associations ou encore certifications environnementales qui diffusent les bonnes pratiques.

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1. L’urbain comme gisement au XIXème siècle

Les villes n’ont pas toujours été en conflit avec les déchets qu’elles généraient. Il s’agit dans cette première sous-partie de retracer la manière dont les villes comme Paris et Naples, considéraient et traitaient les gisements urbains au XiXème siècle dans le but de mieux comprendre par la suite les enjeux actuels auxquels la pratique du réemploi tente de répondre. Pour cela, nous nous appuierons sur les analyses menées par Sabine Barles1 et roberto d’Arienzo2. Tous deux se sont intéressés au métabolisme urbain, respectivement pour la ville de Paris et de Naples. Leurs analyses mettent donc en lumière que les deux villes ont toutes deux connues une période où la valorisation « des sous-produits urbains » était largement répandue. L’évolution de cellesci est intéressante à décortiquer dans la mesure où, du XIXème siècle à nos jours, leur rapport aux déchets a évolué de manière similaire. Selon Sabine Barles, professeure d’urbanisme et d’aménagement à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, « les deux premiers tiers du XIXème siècle peuvent être vus comme l’âge d’or de la valorisation des sous-produits urbains »3

A la fin du XVIIIème siècle, les gisements sont alors loin d’être considérés comme des déchets. Le mot déchet qualifiant à l’époque les chutes issues de l’industrie. La récupération des excrétas urbains gagnent en intensité à partir de 1770 à Paris mais aussi vraisemblablement à la même époque à Naples. En effet, la croissance de la population en ville induit une intensification de l’activité de la construction mais aussi une demande croissante de denrées alimentaires provenant des campagnes environnantes. L’une des premières préoccupations va donc être d’augmenter les rendements agricoles afin de nourrir cette population grandissante. La forte demande va faire naître une recherche d’efficacité. Il va donc être décider que les villes doivent se charger de rendre sous forme d’engrais ce qu’elles ont consommé en provenance de la campagne. Les mesures prises vont être doublement bénéfique. D’une part, elles vont contribuer à l’essor du maraîchage urbain et d’autres part, elles vont permettre une plus grande salubrité au sein des villes. «A Naples, des cycles trophiques intenses sont instaurés entre le milieu construit et les campagnes environnantes; des restes urbains divers sont récoltés en de grandes quantités en ville et amenés extra-muros, pour participer à la fertilisation de la plaine agricole proche». L’agriculture et l’industrie cultive donc une double relation avec la ville, lieu de vente de leurs productions mais aussi mine de matières premières en permettant l’élaboration.

La revalorisation, un principe du métabolisme urbain
1 CHOPPIN, Julien et DeLON, Nicola, Matière grise : Matériaux/Réemploi/Architecture , catalogue de l’exposition éponyme (Paris, Pavilion de l’Arsenal, 26/04/2014 - 04/01/2015), Paris, Pavilion de l’Arsenal, 2014.
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2 D’A RI e N z O, roberto, Métabolismes urbains. De l’hygiénisme à la ville durable, Naples, 1884-2004, Genève, MētisPresses, 2017, 336 p.

Pourvoyeuse de matières premières, la ville prête alors la plus grande attention à ses sousproduits urbains. ceux-ci ne sont autres que: les excréments et urines des citadins, les boues composées des ordures de ceux-ci mais aussi de la boue produite dans les rues, du fumier produit par les animaux et des sous-produits des bâtiment (salpêtre, gravats, tuiles et pièces métalliques). il faut se représenter les rues du XiXème siècle pour comprendre l’intérêt que présente cette boue pour la ville. Les rues de Paris sont alors peu pavées et très humides. Les eaux jetées à même la rue et les eaux de pluie stagnent généralement à la surface du sol. Cette humidité mixée aux déjections animales dûs à la circulation des chevaux et du bétail, compose une boue journalière4.Les habitants ou le personnel de maison pour les plus riches, ont alors obligation de balayer devant leurs portes jusqu’à l’axe de la chaussée. Cette boue est féconde puisque son traitement génère plusieurs métiers de la récupération.

LaDémolitiondesmaisonsduPont-au-Changeen1788 , Hubert Robert, huile sur toile, Paris, musée Carnavalet. © Musée Carnavalet / Roger-Viollet 3 contribution de Sabine Barles dans l’ouvrage suivant : CHeVALLIeR, denis et tASteVIN, Yann-Philippe, Vies d’ordures: de l’économie des déchets, Paris, Editions Artlys, 2017.
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4 ibidem

Citons d’abord le chiffonnier. Celui-ci fouille à l’aide de son crochet ces tas de boue. Malgré son nom trompeur, il ne s’arrête pas qu’au textile, il s’occupe de récupérer os, papier, métal, bouts de cigare et de bougie, tout ce qu’il jugera intéressant à négocier auprès de marchands de chiffons et d’autres grossistes. « Le voyez-vous, cet homme qui, à l’aide de son croc, ramasse ce qu’il trouve dans la fange et le jette dans sa hotte?… Ce vil chiffon est la matière première qui deviendra l’ornement de nos bibliothèques, le trésor précieux de l’esprit humain », écrit Louis-Sébastien mercier dans son Tableau de Paris 5 en 1781, afin d’évoquer la métamorphose du chiffon usé en papier. Les os provenant des animaux, voient leur utilisation secondaire démultipliées : matière pour fabriquer des objets ou encore des allumettes inflammables, transformation en gélatine, charbon animal pour le raffinement du sucre. Les graisses animales, elles, serviront plus tard à la fabrication de bougies.

Une fois le tas de boue analysé par le chiffonnier, il ne reste plus qu’à emporter le reste. Cette évacuation s’éxécute de deux manières. dans certains cas, les cultivateurs viennent les récupérer eux-mêmes après avoir vendu leur production aux marchés. dans d’autres cas, la ville fait appel aux boueux, sortes d’agents municipaux, qui emportent la matière afin de l’épandre dans des voiries spécifiques. Cette boue mûrira jusqu’à 3 ans avant d’être revendue aux cultivateurs. La ville du XiXème siècle est donc génératrice de ressources et foyer d’une grande variété de métiers de récupérations et de transformations des excrétas urbains. cette valorisation était donc source de revenus pour ces individus qui récupéraient et revendaient ces matières dont les citadins n’avaient plus utilité.

Chiffonniers au XIXème siècle. Crédits : © Eugène Atget
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5 mErciEr Louis-Sébastien. Le Tableau de Paris. Paris. Publié entre 1781 et 1788.

2. La linéarisation progressive des flux urbains

Les décennies suivantes vont marquer peu à peu le divorce des villes avec leurs gisements. La demande en matières premières des industries, notamment de celles du papier ne cesse d’augmenter. Les prix des marchands de chiffons devenant prohibitifs, l’industrie se met à chercher des méthodes alternatives. L’arrivée de la pâte de paille suivie de celle de bois met en péril l’activité des chiffonniers. Dans un premier temps, les villes vont tenter de les maintenir, ces métiers de la récupération représentant un intérêt économique dû aux taxes appliquées. mais les épidémies de choléra successives vont inciter les villes à adopter des mesures hygiénistes afin d’assurer une plus grande salubrité. A Naples, cette période annonce l’écriture de documents de planification ayant pour optique « l’adaptation de la ville ancienne aux exigences contemporaines »6. Paris comme Naples vont perdre peu à peu leurs facultés à valoriser leurs gisements avec l’adoption de nouvelles méthodes d’élimination et la mise en place de nouveaux modes de traitement des déchets. Les métabolismes de ces deux villes deviennent donc progressivement linéaires. Cette linéarité s’exprime par le fait que la quantité de flux entrants et sortants est accrue par rapport au recyclage qui lui est amoindri. L’insuffisance des gisements par rapport à la demande, notamment par l’évolution des modes de vie (disparition progressive des chevaux dans les villes) et l’utilisation de nouvelles matières premières (utilisation de matières alternatives, découverte de nouveaux procédés de fabrication) va sonner la fin de ces pratiques vertueuses. « Le 30 novembre 1946, roger Verlomme, alors préfet de la Seine, signe un règlement qui interdit le chiffonnage»7. L’interdiction de cette pratique va ainsi gagner les villes françaises dans les années 1950.

ce divorce progressif avec la matière se présente sous la forme d’un objet, aujourd’hui complétement intégré à notre vie quotidienne. Les récipients communs destinés à contenir les ordures ménagères sont instaurés par l’arrêté du 24 novembre 1883, dans la capitale. ceux-ci prendront le nom de celui qui fut à l’origine de cette décision, le préfet Eugène Poubelle. Cet événement marque un premier pas vers la dévalorisation de ces sous-produits que l’entre-deuxguerres finit d’achever. Les trois boîtes en bois sont les ancêtres du tri sélectif: une est destinée aux matières putrescibles, une autre aux papiers et chiffons et enfin, une pour le verre, la faïence et les coquilles d’huîtres. cette nouvelle mesure est très mal accueillie par les habitants. Les propriétaires ne veulent pas d’une nouvelle charge, les locataires et concierges s’opposent à ces tâches supplémentaires réservées aux chiffonniers, qui eux y voit la disparition même de leurs métiers. Les trois récipients sont donc abandonnés au profit d’un seul bac. En 1890, le mot « Poubelle » entre dans Le Grand dictionnaire Universel du XiXème siècle. cependant, l’utilisation du récipient mettra un certain temps à entrer dans les moeurs françaises, si bien que «l’usage courant des poubelles ne se fera que vers la Seconde guerre mondiale»8

6 D’A RI e N z O, roberto, Métabolismes urbains. De l’hygiénisme à la ville durable, Naples, 1884-2004, Genève, MētisPresses, 2017, 336 p.

7 Bé GUIN, Marine, « L’histoire des ordures : de la préhistoire à la fin du dix-neuvième siècle », VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement [Online], Volume 13 Numéro 3 | décembre 2013, en ligne depuis le 30 December 2013, consulté le 23 mars 2019. UrL : http://journals.openedition.org/vertigo/14419 ; DOI : 10.4000/ vertigo.14419

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A la fin du XIXème siècle, la pratique de l’incinération débute en Angleterre puis s’étend aux pays européens ainsi qu’aux Etats-Unis9. Elle se présente comme l’une des meilleures solutions, dans des pays où la quantité d’ordures ne cessent de s’accroître, saturant les décharges. Les hygiénistes y voient une technique qui s’impose « comme la réponse la plus radicale à la menace de l’immondice : elle associe la purification par le feu et la disparition, la volatilisation des déchets»10. Les agronomes s’insurgent face à «la perte irrémédiable d’une source précieuse d’engrais organiques»11. Mais face aux bénéfices que procure l’incinération, notamment en terme d’émission de chaleur, peu à peu tout est brûlé. Ces pratiques, peu vertueuses prennent alors le pas des principes ancestraux tels que le recyclage, la valorisation et l’économie de matières.

dans les années 1930 apparaît le mot « déchet ». dès lors ces sous-produits perdent de leurs valeurs et finissent abandonnés à la nature. La production industrielle s’intensifie à la suite de la seconde guerre mondiale. La puissance économique qui marque la France durant les trentes glorieuses accompagne une linéarisation du métabolisme urbain qui contribue à la dégradation de l’environnement et à l’épuisement des ressources. Les préoccupations sociétales et politiques sont à l’époque plus tournées vers le progrès et l’industrie pétrolière que vers l’environnement. C’est ainsi que la France se défait de l’emballage consigné à la fin des années 60. Les matériaux utilisés, notamment plastiques, pour créer les objets de la vie quotidienne deviennent de plus en plus complexes. Ce processus de mise à distance des déchets et d’industrialisation massive participe à la rupture avec la pratique ancestrale du réemploi.

Les années 1970 marquent l’éveil d’une conscience environnementale et la création de ministères de l’environnement au sein des pays européens. Sous l’impulsion de Georges Pompidou, le 8 janvier 1971, le ministère de l’environnement voit le jour. La même année, les 24 pays membres de l’ocdE - organisation de coopération et de développement économique - dont la France, adoptent le principe de pollueur-payeur. Les acteurs économiques sont dès lors, dans l’obligation de prendre en charge les pollutions générées par leurs activités. En mars 1972, le club de rome se fait connaître mondialement par une publication intitulée The limits to Growth - publié en France sous le nom de Halte à la croissance. Le groupe de réflexion est constitué de scientifiques, d’économistes et de fonctionnaires internationaux. L’étude réalisée par une équipe de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology s’appuyant sur des calculs mathématiques, alarme à l’époque quant à la surexploitation des ressources naturelles face à la croissance économique et démographique. Ce rapport suscite de nombreux débats et critiques mais affirme le Club de rome comme l’un des précurseurs du développement durable et de l’empreinte écologique. En juin 1972, la première conférence des Nations Unies sur l’environnement humain se déroule à Stockholm en Suède. Elle pose pour la première fois les droits et devoirs de l’humanité envers l’environnement. A partir du 15 juillet 1975, les collectivités locales sont dans l’obligation de collecter et d’éliminer les déchets des ménages dans des lieux agrées. cette loi est promulguée

8 G OUILLIARD, S. et Le G e NDR e, A. 2003, déchets ménagers. écologie, environnement industriel et développement soutenable, Economica, Paris. Guerrand.

9 BARBIeR, r., 1997, Les déchets dans la ville : un parcours historique, Traverse, 2, pp. 83-99

10 L HUILI e R, d. et C OCHIN, Y. ,1999, Des déchets et des hommes, Desclée de Brouwer, Paris.

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dans le but de combattre les décharges sauvages qui ne cessent de se multiplier. ce n’est qu’en juin 1991, que Brice Lalonde, ministre de l’environnement à l’époque, engage un retour au tri sélectif, soit près d’un siècle et demi après l’arrêté du préfet Eugène Poubelle. dès lors une nouvelle ère se dessine, celui de la prise en compte de l’impact de l’humain sur son lieu de vie.

Nicolás García Uriburu, coloration du Grand Canal, Venise, 1968. Collection de la Fondation García Uriburu. © Nicolás García Uriburu
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11 De SILGUY, C., 1996, Histoire des hommes et de leurs ordures : du Moyen-âge à nos jours, Le Cherche Midi, Paris.

3. Le développement durable et la revalorisation des matières secondaires

Les années 1990 s’impose comme le tournant décisif dans le traitement des déchets. En juin 1992, le terme «développement durable» est consacré lors du premier «Sommet de la Terre» des Nations Unies. Le concept officiellement défini dans le rapport Bruntland en 1987, est basé sur l’idée que les sociétés humaines doivent répondre à leurs besoins sans compromettre la capacité des générations futures à faire de même.170 états signent alors un programme d’actions pour le XXième siècle: l’Agenda 21. ce dispositif a pour but de proposer un cadre de travail aux collectivités afin de mettre en oeuvre à l’aide de leurs citoyens des projets intégrant les principes du développement durable. La même année, la France, obéissant à des directives européennes promulgue lois et décrets qui ambitionnent un changement de cap. La loi 13 juillet 1992, prévoit qu’en 2002, seuls les déchets ultimes devront être stockés dans des décharges contrôlés. Audelà de la réduction de la production de déchets, elle préconise « de valoriser les déchets par réemploi, recyclage ou toute autre action visant à obtenir à partir des déchets des matériaux réutilisables ou de l’énergie»12. Les déchets issus des conteneurs poubelles redeviennent des ressources renouvelables qui font l’objet de tri. A la même époque sont créés l’Agence de l’environnement et de la maitrîse de l’énergie (AdEmE) ainsi que Eco-emballages. ces deux structures en assurant une mission d’informations et de coordination, vont permettre de faciliter et d’encourager le recyclage systématique des déchets.

cependant cette démarche de tri sélectif, bien que nécessaire et positive, ne se trouve pas être la plus efficace en termes d’économie et de gestion des ressources naturelles. « Entre 1990 et 2011, les dépenses totales de gestion des déchets en France ont augmenté de près de 300%. Nous dépensons ainsi 9,8 milliards d’euros chaque année pour le seul service public de gestion des déchets »13 ces préoccupations environnementales liées au traitement des déchets feront naître le Centre national d’information indépendante sur les déchets - Cniid - en 1997. Créé à l’initiative d’associations soucieuses de la protection de l’environnement, ce centre mène une campagne en faveur d’une gestion écologique des déchets, en prônant la réduction à la source et le détournement de l’incinération et de la mise en décharge.

A cette époque le zéro déchet est encore une démarche plutôt méconnue en Europe. il s’agit alors pour l’association d’opérer un rôle de lanceur d’alerte afin d’informer la population et les représentants politiques quant aux dangers de l’incinération et de la mise en décharge des déchets. Les émissions et rejets de ces deux activités sont alors très peu réglementées. Au début des années 2000, l’une des missions prioritaires de l’association est donc de diffuser une information indépendante expliquant les enjeux autour de la gestion des déchets et du gaspillage des ressources naturelles. Le mouvement zéro déchet prend peu à peu de l’ampleur, le Cniid change de nom au profit de Zero waste France en 2014, intégrant ainsi un mouvement international.

12 Loi n°92-646 du 13 juillet 1992 sur les déchets

13 BeRLINGeN, Flore, Le scénario zéro waste [zéro déchet, zéro gaspillage], Paris, Editions rue de l’échéquier, 2014

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Régis Légier, Affiche pour la COP21, 2015, 60 x 80cm. ©Dugudus

1. La démarche zéro déchet, une des clés de la transition

Face à une évolution constante du nombre de déchets à traiter, les collectivités s’engagent de plus en plus dans une modification drastique de leur fonctionnement métabolique. La collecte et l’élimination des déchets deviennent un enjeu majeur au sein de celles-ci et certaines ambitionnent dorénavant de mener leur territoire vers le «zéro déchet» (voir encadré). Le succès des deux appels à projet [territoires zéro gaspillage, zéro déchet] lancés par le Ministère de l’Environnement en 2014, puis de nouveau en 2015, montre tout l’intérêt que suscite cette démarche. Pas moins de 153 territoires se sont engagés dans le projet, comptabilisant au total 33,7 millions d’habitants. cet intérêt grandissant pour le zéro déchet s’est constitué au fur et à mesure grâce à des collectivités pionnières en Europe. A l’image de Capannori, petite ville italienne, qui s’est engagée dès 2007 dans la démarche à la suite de protestations suite à un projet d’usine d’incinération à proximité. La ville est alors la première en Europe à adopter une position politique forte, en s’engageant à ne plus mettre de déchets en décharge d’ici 2020. Par la mise en place de collecte en porte à porte, la pédagogie réalisée auprès des habitants, la valorisation des déchets verts par le compostage et la création d’un centre de recherche Zero Waste, la ville avait déjà réduit de 40% les déchets ménagers résiduels en 20131 ce succès est non seulement intéressant sur les questions environnementales, mais aussi économiques. La mairie de Capannori avait déjà économisé 2 millions d’euros en 2009, soit deux ans après leur engagement dans la démarche.

A travers la démarche zéro déchet, c’est aussi le mouvement-concept de «transition» que les collectivités territoriales mobilisent. ce mouvement prend le relais du modèle du développement durable, sans pour autant s’imposer comme un énième modèle, mais plutôt comme des principes à mettre en oeuvre. L’essence de la démarche de la Transition se veut porteur d’un processus d’accompagnement au changement. Le mouvement des villes en transition cherche à fédérer autour de l’idée que la clé du changement de nos sociétés est psychologique. Ainsi, l’être humain a besoin de solutions détaillées, réalistes et crédibles pour accepter de changer un comportement nuisible. Le mouvement se présente donc comme une utopie située, qui apporte des alternatives concrètes et singulières au sein de tissus locaux. Par sa philosophie positive, la notion de transition fait naître un engouement et des ambitions, qui sont venus supplanter peu à peu le modèle du développement durable.

La démarche zéro déchet, essentielle pour la ville durable
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1 BeRLINGeN, Flore, Le scénario zéro waste [zéro déchet, zéro gaspillage], Paris, Editions rue de l’échéquier, 2014

Les grands principes de la démarche zéro déchet

Paul Connett, professeur en chimie environnementale à St-Lawrence aux Etats-Unis, travaille depuis 30 ans sur les impacts de l’incinération et de la gestion des déchets. Son engagement est né en 1985, année où il débute une lutte contre un projet d’incinérateur prévu dans le comté de sa ville. En 2013, il publie un livre intitulé «The Zero Waste Solution»2 cet ouvrage présente les 10 grands principes de la démarche. Ces étapes visent à réduire et à valoriser au maximum tous les déchets issus des poubelles, les matières organiques comme résiduelles. En 2014, le Cniid change de nom au profit de Zéro Waste France afin de rendre plus lisible sa démarche. Au moment de cette décision, le mouvement zéro déchet prend de plus en plus d’ampleur en Europe. L’association propose et promeut les démarches individuelles et les politiques publiques qui permettent de limiter le gaspillage de ressources et la production de déchets. L’association Zero Waste France publie en 2014, un ouvrage reprenant les principes de Paul Connett, il s’intitule «Le scénario Zero Waste [ zéro déchet, zéro gaspillage]».

Si cette démarche enthousiasme tant, c’est grâce aux nombreux exemples de villes (San Francisco aux états-Unis, capannori en italie, etc..) qui ont su s’engager et démontrer qu’elle avait de nombreux avantages à offrir. A l’échelle d’une ville, le zéro déchet permet en effet de faire des économies sur les coûts induits par le traitement des déchets, de créer des emplois locaux, de préserver les ressources naturelles mais aussi de développer le réemploi et le recyclage.

Les étapes de la démarche zéro déchet Collecte en porte-à-porte

tri à la source

Compostage

Initiatives de prévention des déchets

Réutilisation

Réparation

Déconstruction

Recyclage

Incitations économiques

Déchets résiduels

Structures de recherches

Meilleure conception industrielle

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2 C ONN ett, Paul, The zero waste solution, unstrashing the planet one community at a time, Chelsea, Chelsea Green Publishing, 2013.

Le S 12 étAP e S D e LA tRANSI t ION de rob Hopkins3

1. constituer un groupe initiateur et planifier dès le départ sa dissolution

2. Sensibiliser

3. Jeter les bases

4. organiser une grande libération

5. Former des groupes de travail

6. Utiliser des forums communs

7. développer des manifestations pratiques et visibles de votre projet

8. Faciliter la grande requalification

9. créer des liens avec l’administration locale

10. rendre hommage aux ainés

11. Laisser les choses aller là où elles veulent aller...

12. créer un plan d’action de descente énergétique

rob Hopkins se présente comme l’initiateur de ces nouvelles pratiques. Activiste écologique et enseignant en permaculture en irlande, il aborde ce mouvement de la Transition lorsqu’il réalise l’imminence du pic pétrolier. il prend appui sur les études de nombreux experts indiquant le prochain basculement de l’accroissement au déclin jusqu’à épuisement total de la ressource pétrolière. En 2008, il souhaite renverser une tendance à la minimisation des problèmes environnementaux, de changement climatique et de développement économique en rédigeant le manuel de la Transition basé sur l’exemple local de Totnes en Angleterre. ce livre échelonne 12 étapes pour proposer une «initiative de transition».

Dès lors, on peut donc observer une convergence de l’association Zéro Waste vers la philosophie première de la transition, la résilience. Les deux démarches arrivent à un constat similaire, nos modes de production et de consommation ne sont plus viables. d’une part, ils sont gourmands en ressources naturelles et d’autre part ils sont générateurs de nombreux déchets dont certains particulièrement polluants et ce, même lorsqu’ils sont correctement collectés. ces constats augurent de nouveaux modes de vie durables. La démarche s’inscrit dans l’économie circulaire puiqu’elle cherche à favoriser la conception zéro déchet tout en privilégiant la récupération et la réutilisation des objets.

Le concept d’économie circulaire est entré dans les débats publics très récemment. L’objectif étant de passer d’une économie linéaire où les biens sont produits, utilisés puis jetés à une économie circulaire où les biens sont optimisés afin d’être plus robustes et réparables. Prenons l’exemple de la société d’imprimantes Xerox. celle-ci est passé de la vente d’imprimantes et de photocopieurs aux institutions publiques et sociétés privées à la vente de l’usage de ces biens. Cette pratique incite Xerox qui en reste le propriétaire à optimiser la conception ainsi qu’à entretenir ces biens en les réparant, les réutilisant, les remanufacturant et les recyclant. des acteurs publics ou de l’économie sociale et solidaire prennent également part à ces pratiques de

3 HOPKINS, rob, The Transition Handbook: From Oil Dependency to Local resilience, Chelsea, Chelsea Green Publishing, 2008, 240 pages.

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don ou de prêt, à l’image d’Emmaüs ou des bibliothèques municipales. La démarche se veut aussi numérique puisque le site internet LeBoncoin facilite depuis longtemps l’achat et la vente de biens d’occasion entre particuliers. de nouvelles plateformes sont mises en place quotidiennement comme l’application Vinted qui permet l’achat, la vente ou l’échange de vêtements de seconde main. Les FabLab rencontrent aussi un grand succès. Elles permettent au grand public d’avoir accès à des compétences et des outils afin de réparer ou de produire leurs propres objets. ces pratiques ne sont pas nouvelles, puisqu’elles retranscrivent des pratiques anciennes (vides greniers, dons familiaux) dans un contexte numérique sécurisée et ouvert à un plus large nombre de personnes.

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Guide zorro déchet en papier recyclé, livret pour s’initier à la pratique du zéro déchet ©Zorro Déchet |

3. Le zéro déchet à l’échelle des collectivités territoriales françaises

ces problématiques autour de la gestion durable des déchets ne sont pas forcément source d’inquiétude pour les villes. Les collectivités se familiarisent peu à peu à celles-ci en faisant appel à des expertises variées qui les aideront à mieux valoriser leurs déchets locaux. On retrouve là l’essence de la démarche de la Transition: proposer un accompagnement au changement. A travers l’appel à projets [territoires zéro gaspillage, zéro déchet] évoqué précédemment, ce sont des outils permettant la mise en oeuvre d’action de réduction et de gestion des déchets qui sont mis à disposition des villes. Les collectivités lauréates de cet appel à projets intègrent donc une réflexion de «remise à plat» de leurs politiques de prévention et de gestion des déchets produits sur leurs territoires. Elles s’engagent à mobiliser tous les moyens nécessaires pour mettre en place des solutions concrètes qui leur permettront de devenir à leur tour exemplaires. En créant cet appel à projets, les pouvoirs publics se montrent donc ouverts et actionnent des leviers pour soutenir les initiatives vertueuses. L’Ademe soutient les actions engagées par les collectivités lauréates en leur offrant leur expertise technique afin de mettre en place une méthodologie. L’organisme public leur apporte également un soutien financier de l’ordre de 20 000 euros par an, sur trois ans, afin de constituer leurs équipes et de participer aux réseaux d’échange entre collectivités participantes. Ce soutien financier peut atteindre 100 000 euros par an4, pour les communes qui en expriment le besoin dans le but de mettre en place une animation territoriale dédiée à la démarche.

Les villes se sont donc engagées à réduire de 10% leurs déchets di’ici 2020 (par rapport aux chiffres enregistrés en 2010), afin d’éviter plus d’1 millions de tonnes de C02 et d’économiser plus de 100 millions d’euros, en mobilisant toutes les parties prenantes ( citoyens, associations, entreprises, commerces et administrations locales). En prenant pour point de départ un cahier des charges établi dans la lignée de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les villes ont établi différentes méthodes. La communauté urbaine de Bordeaux a mis en place un appel à projet local pour soutenir les initiatives sur la métropole bordelaise. Depuis 2018, 15 structures ont été désignées lauréates de cet appel. Les objectifs fixés par Bordeaux métropole suivent les directives de [Territoire zéro gaspillage, zéro déchet]. il s’agit donc de: « développer la gestion locale des biodéchets, et des déchets verts [...] et lutter contre le gaspillage alimentaire, favoriser le réemploi et la réparation [...], favoriser les changements de comportement [...] par la réalisation d’actions de sensibilisation et le développement d’animations à destination de tous les publics, soutenir l’économie circulaire en ciblant notamment la réduction et une meilleure valorisation des déchets produits par les entreprises, promouvoir les thématiques «zéro déchet - zéro gaspillage» via la réalisation de manifestations/évènements spécifiques, favoriser le geste du tri et la valorisation matière». Parmi les établissements participants, on retrouve des structures plus spécialisées dans le réemploi tel que l’Atelier d’éco solidaire, recyclerie créative soutenue au titre de la valorisation du réemploi, ou encore les compagnons Bâtisseurs Aquitaine qui en partenariat avec la fédération française du bâtiment et l’Ademe ont

4 Site internet source: https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/, Dossier [Territoires zéro déchet, zéro gaspillage],

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fiche «Dispositif d’accompagnement par les pouvoirs publics». 2014.

créé Soli’bât, une plateforme de récupération et de réemploi de matériaux du bâtiment destinés à des chantiers solidaires. Cette plateforme, inaugurée en décembre 2016 à Artigues-PrèsBordeaux, s’inscrit dans l’économie sociale et solidaire. Elle s’occupe de collecter les invendus de la grande distribution, les matériaux non utilisés en fin de chantier ou encore tout matériau réemployable à l’issue d’une déconstruction. Ces matériaux sont ensuite reconditionnés puis réorientés vers des chantiers solidaires (chantiers-école, ateliers participatifs, réhabilitation de logements de personnes en situation de précarité..). La structure propose dorénavant l’acquisition de matériaux de seconde main (chauffage, parquet, mobilier de cuisine, etc..) sur une plateforme dématérialisée présente sur leur site internet5

ce nouveau cap des décideurs publics en faveur d’une gestion durable des déchets contribue donc à la réapparition du concept de la ville comme source inépuisable de matières à valoriser. Par l’utilisation actuelle d’expressions telles que «mine urbaine» ou encore «métabolisme urbain» afin de décrire la ville, on peut percevoir cette perception nouvelle des déchets. Ces deux expressions viennent appuyer l’ambition des acteurs du réemploi, qui tentent de mettre en lumière ces gisements présents au cœur des métropoles. L’expression « métabolisme urbain » en vient même à devenir le titre d’une étude commanditée par Plaine Commune, organisation de 9 villes situées au nord de Paris. Cet établissement public territorial, suite à développement urbain considérable composé de nombreux projets d’envergure dont le futur village olympique et paralympique, s’engage dans un modèle d’aménagement du territoire durable tourné vers l’économie circulaire. Sur ce projet, dont le mandataire n’est autre que Bellastock, association d’architecture expérimentale dont nous parlerons plus précisément un peu plus tard, plusieurs axes ont été dégagés. il s’agit donc de construire la démarche sur ce territoire en expérimentant la démarche des 3r sur 30 projets pilotes, de quantifier et caractériser la mine urbaine, d’accompagner le déploiement de circuits de valorisation locale des matériaux, de mettre en place des plateformes de tri, de stockage et de valorisation pour ces chantiers, de développer un outil numérique en vue de généraliser l’économie circulaire dans le BTP et enfin d’accompagner la montée en compétence des acteurs locaux grâce à des temps de formations. Les organismes publics s’engagent donc dans le développement de la filière réemploi, en se tournant vers des spécialistes du réemploi et en finançant des outils et études basés sur leur territoire. 5 Site

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internet: https://nouvelle-aquitaine.soli-bat.fr/

Une pédagogie au service du réemploi

1. Le modèle des filières des écomatériaux

Le développement d’une filière impose d’élaborer de prime abord une stratégie pertinente. Celle-ci permettra de soulever de nombreux enjeux à étudier sur plusieurs années. On peut identifier trois étapes dans cette stratégie. Il faut tout d’abord assurer un état des lieux réaliste des structures engagées dans la filière et des projets construits, qui permettra de réaliser par la suite un suivi rigoureux des progrès réalisés ainsi que des domaines d’améliorations possibles. il faut ensuite mobiliser les décideurs publics afin de créer une dynamique d’appropriation du sujet et un partage des connaissances afin d’orienter vers de nouveaux objectifs. Ces discussions favoriseront un contexte de coopération et de diffusion les bonnes pratiques et les actions conjointes entre acteurs engagés. Tout ceci pour à terme, réunir les initiatives éparpillées pour former une vraie filière réemploi.

mais ces enjeux ne peuvent aboutir que par la forte volonté d’acteurs engagés dans le lobbying de leur filière. Ainsi dans le catalogue de l’exposition Matière Grise, Dominique Gauzin-Müller, architecte, professeur et rédactrice en chef d’EK/EcologiK, fait état des éléments ayant permis l’expansion de la filière forêt-bois et qui pourraient inspirer la structuration de la filière réemploi en France. L’engouement pour la construction en bois a pu voir le jour grâce à la reconnaissance de l’Etat du secteur forêt-bois. La déclaration en 2013 en tant que «filière industrielle d’avenir» a donné lieu alors à une concertation «entre l’amont ( forestiers, scieurs) et l’aval (charpentiers, menuisiers)»1. Ce dialogue entre acteurs a permis de mettre en avant les qualités de la filière (innovations, durabilité, source d’emplois importante) afin d’attirer les investissements. Des banques se sont donc naturellement engagées à soutenir la filière, c’est le cas du Crédit Agricole. Un soutien fort de l’Etat pourrait donc grandement servir la cause de la filière réemploi en France selon Dominique Gauzin-Müller. « Si le gouvernement débloquait des fonds publics et encourageait les investissements privés pour les matériaux de réemploi, comme il le fait actuellement pour les biosourcés, une vraie filière pourrait émerger. Des incitations fiscales, telles une TVA réduite sur l’achat de ces matériaux, auraient un effet moteur, avec à la clé des emplois, entre autres dans l’économie sociale et solidaire.»2

1 Contribution de Dominique Gauzin-Müller dans le catalogue d’exposition : cHoPPiN, Julien et dELoN, Nicola, Matière grise : Matériaux/réemploi/Architecture , catalogue de l’exposition éponyme (Paris, Pavilion de l’Arsenal, 26/04/2014 - 04/01/2015), Paris, Pavilion de l’Arsenal, 2014.

2 ibidem

3 GeLOt, élizabeth, «L’objectif légal de valorisation de 70 % des déchets du BTP est un mensonge blanc», Matériauxréemploi, 27/05/2018. U.r.L: http://materiauxreemploi.com/objectif-legal-valorisation-dechets-btpmensonge-blanc/

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L’architecte n’est pas la seule à défendre cette position concernant la nécessité de créer des mesures fiscales incitant au réemploi afin d’engager une prise de conscience quant à la modération nécessaire de la consommation de ressources naturelles. La loi relative à la transition énergétique a fixé un objectif de valorisation de 70% des déchets de chantier à l’horizon 2020. cependant Elizabeth Gelot, avocate en droit de l’environnement spécialisée en économie circulaire y voit «un mensonge blanc»3. Elle indique que le Conseil constitutionnel a spécifié que cette loi entrait dans la catégorie des lois programmatives et non normatives. Ainsi, les maîtres d’ouvrage privés n’ont aucune obligation quant à l’application de cette objectif, les marchés publics qui ne prévoient pas d’atteindre cette objectif ne peuvent être annulés et il n’est pas possible de sanctionner le non-respect de cette objectif. La loi reste cependant intéressante dans la mesure où elle permet d’offrir un référentiel aux acteurs de la construction et de la démollition. Un rapport publié en novembre 2017 par le commissariat général au développement durable, intitulé La fiscalité matières, une opportunité pour une économie circulaire parvient à une conclusion similaire: «Les principaux leviers pour favoriser la transition vers une économie circulaire résident dans les progrès technologiques, le développement de modèles économiques peu intensifs en matières (recyclage, réemploi, économie de la fonctionnalité...), et l’évolution de la réglementation. La fiscalité pourrait jouer un rôle pour renforcer ces leviers.»4 (voir schéma). Des taxes appliquées au royaume-Uni sur l’extraction de granulats, ont déjà fait leurs preuves en renforcant l’utilisation de granulats recyclés, portant leur consommation à cinq fois plus que la moyenne observée en Europe.

Au-delà de la fiscalité, la filière réemploi présente les mêmes freins que beaucoup d’autres avant elle. Pour Dominique Gauzin-Müller, il faut veiller à fournir les efforts nécessaires: « valider scientifiquement des qualités prouvées empiriquement depuis des siècles, adapter la réglementation (incendie, thermique, acoustique, etc..), renforcer la formation des professionnels (architectes, ingénieurs, artisans, bureaux de contrôle), passer du marché de niche à une production industrielle. Sans oublier, quand elles n’existent pas encore, la rédaction de règles professionnelles afin d’apporter aux maîtres d’ouvrage les garanties dont ils ont besoin, en particulier en termes d’assurances.»5. Afin d’évoluer, la filière réemploi doit donc se plier aux exigences qu’ont traversées avant elle les filières du bois et des fibres végétales (chanvre, paille, chaume). Il lui faut donc fédérer les acteurs afin de faire progresser les réglementations d’une même voix tout en assurant la sécurité face aux normes incendie par exemple, des produits réemployés. La stratégie adoptée par le cluster Holzbau-Kunst en Autriche pour développer l’utilisation du bois est admirable. Ses trois ingrédients : « valorisation de tous les acteurs à travers un palmarès de la construction en bois, amélioration des compétences par un programme de formation initiale et continue, travail de lobbying et de communication soigné»6. La valorisation de la filière réemploi passe également par la prise en compte du sujet des déchets et des ressources naturelles au sein des labels reconnus.

4 MOHKAM, Kambiz, «La fiscalité matières, une opportunité pour une économie circulaire», Paris, Commissariat général au développement durable, ministère de la Transition écologique et solidaire. Novembre 2017.

5 Contribution de Dominique Gauzin-Müller dans le catalogue d’exposition : cHoPPiN, Julien et dELoN, Nicola, Matière grise : Matériaux/réemploi/Architecture , catalogue de l’exposition éponyme (Paris, Pavilion de l’Arsenal, 26/04/2014 - 04/01/2015), Paris, Pavilion de l’Arsenal, 2014.

6 ibidem

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ressources naturelles

Fi S c AL i T é mAT ièr ES

- entrées -

Ré G L e M e N tAt ION

INNOVAt ION

éco-conception

écologie industrielle et territoriale

économie de la fonctionnalité

Réemploi

Réutilisation

Réparation

Recyclage

Valorisation

Fi S c AL i T é mAT ièr ES

- sorties -

déchets Schéma - La fiscalité matières comme instrument pour développer l’économie circulaire

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2. Des labels et mesures incitatifs

HQE, BBCA, E+C-, BrEEAM ou encore LEED, autant de certifications et labels environnementaux qui permettent aux maîtres d’ouvrages volontaires de valoriser une opération de construction ou de réhabilititation en lui insuflant des ambitions respectueuses de l’environnement. Ces démarches permettent de mettre en avant les initiatives exemplaires. Le réemploi des matériaux dans ces labels a toute sa place, puisqu’il permet de limiter le gaspillage des ressources naturelles mais aussi l’impact environnemental des matériaux utilisés.

Ces certifications HQE pour la France, BrEEAM pour le royaume-Uni et LEED pour les Etats-Unis prennent en compte de multiples thématiques: eau, énergie, matériaux, déchets, transports, santé, bien-être, mais aussi écologie et biodiversité. La certification Haute Qualité Environnementale - HQE - cible donc des objectifs d’éco-construction, d’éco-gestion, de confort et de santé dans les nouvelles constructions. Son but est donc de favoriser des constructions saines et confortables intégrant un souci d’économies d’énergie et de ressources. La notion de réemploi des matériaux de construction est intégrée dans les différents labels et permet de répondre à des exigences variées allant des déchets de construction à l’ambition de développement d’une économie circulaire.

Le label français E+C-, quant à lui, sert d’expérimentation en vue de la future réglementation environnementale de 2020 (rE 2020) qui viendra remplacer la réglementation thermique de 2012 (rT 2012) pour les constructions neuves. cette nouvelle réglementation intégrera, en plus d’une notion de performance énergétique comme dans les précédentes réglementations, une notion de performance sur les émissions de gaz à effet de serre afin de promouvoir les bâtiments à faible empreinte carbone. Le label E+c- aborde donc deux thématiques : l’énergie et l’impact carbone des constructions. Le label français BBcA mise sur le développement les bâtiments bas carbone.

Les certifications et labels dont les thématiques abordent le réemploi des matériaux de construction vont être précisées ci-dessous.

Les déchets de construction - BrEEAm, LEEd, HQE

Le secteur de la construction étant le premier production de déchets en France avec pas moins de 228 millions de tonnes en 2014, l’intégration de stratégies de réduction de la quantité de déchets produites au cours d’un chantier est récurrente dans les certifications environnementales. ces stratégies se traduisent par un suivi régulier de la quantité de déchets produits, de leur pourcentage de valorisation (matière et énergétique) et par le respect des objectifs fixés. Les entreprises peuvent donc mettre en place différentes manières d’y parvenir: préfabrication, commandes en gros afin de diminuer les emballages, tri bien maîtrisé, etc...

Cela passe ensuite par différentes procédures qui peuvent être mises en place sur le chantier par les entreprises : recours à la préfabrication, commandes en gros pour limiter les emballages,

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tri sur chantier, recyclage, etc. Le réemploi d’un matériau issu d’une déconstruction, d’une erreur de commande ou d’un surplus, permet d’allonger la durée de vie du matériau et donc de réduire l’impact environnemental de l’enfouissement des déchets.

L’utilisation raisonnée des matériaux - BrEEAm, LEEd, HQE

La raréfaction des ressources naturelles telles que le pétrole, le sable ou encore les métaux rares, impose une meilleure utilisation des matériaux de construction dans le but de limiter l’extraction de matières premières. Afin de répondre à cet enjeu, les certifications environnementales mettent au point diverses stratégies: réhabiliter un bâtiment ancien plutôt que de démolir pour reconstruire, privilégier une architecture dont la conception sera réfléchie afin de limiter les chutes tout en valorisant le réemploi de matériaux et les matériaux biosourcés et/ou provenant de filières de recyclage. Afin de répondre à cette thématique, le réemploi s’impose tout naturellement car il évite l’extraction de nouvelles ressources et préserve l’énergie nécessaire à la fabrication d’un nouveau matériau tout en prolongeant la durée de vie d’un matériau déjà existant.

L’approvisionnement responsable en matériaux - BrEEAm, LEEd

Cette thématique responsabilise quant à l’origine des matières premières nécessaires et la manière dont elles ont été extraites. La gestion durable des forêts pour le bois certifié PEFC ou FSc, les isolants biosourcés issus de l’agriculture raisonnée et biologique, les matériaux issus de filières de recyclage (ex: isolant Métisse lancé par Le relais), matériaux issus de filières locales, réemploi de matériaux, autant d’alternatives qui rendent possible l’approvisionnement responsable en matériaux pour un chantier. La certification LEED insiste sur ce point en obligeant les fabricants à faire preuve de transparence quant à l’origine des matières premières qu’ils utilisent. Le réemploi de matériaux assure cette traçabilité en étant transporter, le souvent sur un même territoire, d’un chantier A à un chantier B.

L’économie circulaire - HQE, BBcA

Déjà évoquée précédemment, il convient d’opérer un changement de nos modèles de fonctionnement linéaires, vers une économie circulaire. ce cercle vertueux permettrait de produire durablement tout en privilégiant la frugalité dans la consommation de ressources naturelles et en limitant la production de déchets. Le déchet d’un chantier faisant la ressource de l’autre. cette thématique réunit plusieurs stratégies pour le secteur du bâtiment. il s’agit de réemployer les matériaux, de rendre l’évolutivité et la déconstruction sélective d’un bâtiment possibles dès sa conception, d’avoir recours le plus souvent possible aux filières locales, de mutualiser des espaces afin qu’ils puissent servir au plus grand nombre tout en limitant le besoin de nouvelles constructions. Le matériau démontable et réemployable a donc toute sa place dans ce cercle vertueux qu’est l’économie circulaire.

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L’Analyse de cycle de vie - BrEEAm, LEEd, HQE, E+c-, BBcA

L’analyse de cycle de vie propose de prendre en compte les impacts d’un bâtiment sur l’environnement durant toutes les phases, de sa construction à sa déconstruction. Il s’agit donc de prendre en compte les ressources, l’énergie et le transport qui a été nécessaires à la fabrication de ses matériaux, sa consommation en eau et en énergie durant sa construction et son exploitation puis son traitement de fin de vie. La méthode permet d’analyser ses impacts sur le réchauffement climatique, sur sa production de déchets, sur les diverses pollutions de l’air et de l’eau que le bâtiment a engendré.

Cette thématique fait partie intégrante des certifications BrEEAM, LEED et HQE qui s’intéressent à l’ensemble des impacts environnementaux, tandis que les labels E+C- et BBCA se focalisent principalement sur les émissions de gaz à effet de serre du bâtiment, responsables du réchauffement climatique. Pour engager des constructions bas carbone et à faibles impacts environnementaux, il est donc possible d’utiliser des matériaux biosourcés et/ou locaux, de réemployer des matériaux, de maîtriser les quantités de matériaux utilisés et en cas de surplus de proposer ces matériaux à d’autres chantiers afin de limiter la dépose en décharge. Le réemploi, encore une fois, présente des avantages sur cette thématique puisqu’il n’engendre pas l’utilisation de nouvelles matières premières et peut rester local.

«Néanmoins, la question de la bonne prise en compte du réemploi dans l’analyse de cycle de vie d’un bâtiment se pose. En effet, les impacts environnementaux des produits de construction sont issus de Fiches de déclaration Environnementale et Sanitaire (FdES) qui proviennent de la base de données française INIES (pour la certification HQE et pour les labels E+C- et BBCA notamment). Or dans cette base, il n’existe pas de fiches pour des matériaux de réemploi. Dès lors, comment bien valoriser ces matériaux dans les analyses de cycle de vie ?»7

La future réglementation environnementale de 2020, que le label E+C- préfigure, devra donc veiller à intégrer ce type d’études. Un cadre sécurisé et adapté, grâce à des fiches de traçabilité et de déclaration de bon état, paraît donc primordiale pour que les matériaux de réemploi puissent bénéficier de la confiance des maîtrises d’ouvrage publiques tout en étant correctement valorisés, au même titre que les matériaux biosourcés.

7 PARDON, Julie, ingénieure en construction durable, «Construction : Le réemploi dans les certifications environnementales», Linkedin. Publié le 26 mars 2019. U.r.L : https://www.linkedin.com/pulse/construction-ler%C3%A9emploi-dans-les-certifications-julie-pardon/

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PARTIE II

L’essor du réemploi par les maîtrises d’ouvrage publiques

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cette partie propose une analyse de la structuration progressive de la filière réemploi. il est donc question ici de mettre en lumière les différentes structures qui participent à la création de cette filière. Ces structures de lobbying et/ou de mise en oeuvre pousse la réfléxion sur une pratique qui jusqu’à très récemment était marginale. L’ambition de cette partie est donc de découvrir comment ces structures se dynamisent entre elles pour asseoir le réemploi dans des projets de plus grande envergure. Afin d’en apprendre plus à ce sujet, je suis donc allée à la rencontre des acteurs oeuvrant pour le développement du réemploi.

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Fig.1. Page de couverture de REPAR#2 ©Bellastock

Au cours de mes lectures et de mes recherches concernant le réemploi, j’ai pu m’apercevoir à l’image de la page de garde de rEPAr#2 ci-jointe (Fig.1.), que le logo et le nom de l’AdEmE apparaissaient fréquemment dans les recherches ou publications dédiées au sujet du réemploi. il m’est donc apparu que l’organisme avait constitué un rôle important dans l’éveil du monde de la construction (maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’oeuvre et entreprises) à la pratique du réemploi. dans cette première sous-partie, il s’agira donc de présenter tout d’abord l’organisme de manière générale puis par la suite, au travers de propos recueillis auprès de Sylvain Bordebeure, coordinateur prévention, mobilisation et valorisation des déchets du BTP au sein de l’AdEmE, leurs actions en faveur du développement de la pratique du réemploi.

L’AdEmE - Agence de l’Environnement et de la maîtrise de l’énergie - est un établissement public à caractère industriel et commercial qui voit le jour en 1991. Elle réunit à cette époque trois agences : AQA (agence pour la qualité de l’air), AFmE (agence française pour la maîtrise de l’énergie) et ANrEd (agence nationale pour la récupération et l’élimination des déchets). cette organisme est aujourd’hui sous la gouvernance conjointe du ministère de la transition écologique et solidaire et du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. il s’agit donc d’une organisation publique qui participe à la mise en oeuvre des politiques publiques concernant les domaines de l’environnement, de l’énergie et du développement durable. cette organisation assure également, depuis sa création, des missions de coordination, d’animation et de réalisation d’opérations dont l’objectif est la protection de l’environnement et la maîtrise de l’énergie. ces missions s’articulent autour des domaines suivants: déchets, pollutions des sols, transport, qualité de l’air, bruit et qualité environnementale. Leurs compétences sont de trois types: scientifiques et techniques (afin de trouver les meilleures solutions environnementales) expertise et conseil (afin de faciliter les décideurs dans leurs projets) et la diffusion des bonnes pratiques. Pour mener à bien ces missions, l’organisation dispose d’un budget de 690 millions d’euros. Ce budget leur permet d’intervenir de différentes manières. L’ADEME peut financer un programme de recherche et agir en qualité de conseiller et d’expert mais aussi entreprendre la création d’outils méthodologiques et la formation de différents acteurs.

Le budget alloué au programme de prévention et de gestion durable des déchets, est estimé pour l’année 2018, à 163 millions d’euros. Ce budget permet de soutenir les dispositifs mis en place qui concourent à la politique Déchets établie par la loi de transition énergétique pour une croissante verte d’août 2015. Préalablement à son intérêt portée sur le réemploi, l’agence était déjà très active dans le domaine de la prévention des déchets. Le programme national prévention déchets 2014-2020 intègre dorénavant des clauses concernant le réemploi.

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L’ADeMe, soutien important de la réflexion sur le réemploi

1. Les premiers pas de la démarche réemploi en France1

L’Ademe commence à initier des études sur le réemploi lorsque les inititatives sur le sujet se multiplient à l’échelle européenne, notamment en Belgique et en Angleterre. La pratique, fonctionnant sur un principe de bouche-à-oreille, reste alors marginale en France. L’organisme commande alors une étude intitulée « Identification des freins et leviers au réemploi de produits et matériaux de construction» qui sera rendu publique en 2016. Afin de faire évoluer la pratique, il était important de réaliser de prime abord, un état des lieux. Pour Sylvain Bordebeure, il s’agissait de répondre à la question suivante: «Comment faire en sorte que cela aille mieux?».

Lors de cette étude, l’Ademe constate d’un côté une certaine réticence de l’ensemble des acteurs ( maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’oeuvre, entreprises du BTP). ces craintes sont alors de plusieurs natures: normes, réglementation, assurances, capacité de mise en oeuvre par les entreprises. mais d’un autre côté, une volonté de faire changer les choses se fait pressentir. La mairie de Paris, par exemple, avait pris l’engagement de conserver les pavés enlevés afin de les réemployer sur de nouveaux chantiers. Le dossier se voulait alors être une mise en lumière de la pratique dans l’optique qu’elle évolue. Elle a permis de mettre en avant l’important frein psychologique engagé dans cette nouvelle pratique, induit notamment par cette réglementation floue combinée à un manque de connaissance quant à la valorisation d’un matériau sorti de son statut de déchet.

L’Ademe s’intéresse alors à la manière de professionnaliser le réemploi dans la perspective d’asseoir la filière. Il fallait mettre en avant les initiatives et méthodologies déjà existantes afin d’influencer de nouveaux comportements. L’Ademe, en tant qu’organisme générique sur l’environnement, se positionne en conseil dans de nombreux domaines. ils ont donc commencé à travailler avec des structures plus spécialisées telles que l’Agence Qualité Construction, association opérant un état des lieux des bonnes et mauvaises pratiques dans la construction en France. Dans le bâtiment il était difficile d’inciter la maîtrise d’ouvrage à intégrer le réemploi dans leur méthodologie, alors que la filière n’avait pas été encore clairement identifiée. Il a donc fallu d’une part, donner les clés aux maîtres d’ouvrage quand à leurs possibilités face au réemploi; la traçabilité et la transaction des matériaux étant des sujets à bien maîtriser dans le domaine des matériaux de seconde vie. Et d’autre part, enrayer la frilosité qui entourait la pratique.

L’agence a donc décidé à ce moment-là de mettre en avant les trois types d’acteurs en mesure de faire évoluer la situation. Les maîtres d’œuvre, tout d’abord, ont été appelés pour les rapports

rEPAr 1 et rEPAr 2 que nous évoquerons par la suite. Les entreprises qui mettent en œuvre et prescrivent (exemple du couvreur qui réutilise des ardoises provenant d’autres chantiers, il s’engage alors sur la qualité du matériau auprès de son assurance) ainsi que les entreprises qui se spécialisent dans le réemploi.

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1 restitution de mon entretien téléphonique avec Sylvain Bordebeure, le 14 avril 2019.

2. La création et mise à disposition d’outils référentiels

Le programme de recherche et expertise sur le réemploi intitulé rEPAr, fut l’un des lauréats de l’appel à projets Déchets Bâtiment Travaux Publics 2012. L’appel à projet s’est opéré dans un contexte où la prévention et le recyclage des déchets du BTP était l’une des priorités des politiques européennes. L’AdEmE a donc vu en cette opération un moyen de mettre en avant la recherche et développement dans ce domaine. Tout ceci dans le but, de favoriser l’écoconception des ouvrages ainsi que le recyclage des produits en fin de vie ou d’usage du BTP

Ce programme met en lumière la méthode établie par Bellastock pour mettre en oeuvre le réemploi, «dans une logique de projet par projet et dans une logique de montée en généralité»2 Le projet s’est déroulé en deux volets. Le premier rEPAr#1 a proposé l’étude en amont de la filière de réemploi en construction. il a donc été question d’étudier la collecte dans le cadre notamment de démolition sélective, aussi appelée déconstruction. Bellastock a utilisé le travail mené dans le cadre du chantier de l’Eco-quartier fluvial de l’Île Saint-Denis en étude de cas pour constituer la base du premier volet de rEPAr. Sur ce chantier, ils se sont chargés de diagnostiquer les matériaux réemployables provenant de la déconstruction des entrepôts Printemps situés sur la ZAC de l’éco-quartier. La conservation de certains matériaux, parmi lesquels des poteaux en béton armé, a permis d’expérimenter des solutions en réemploi. Ces premiers essais ont abouti à un prototype de banc réalisé grâce aux poteaux en béton récupérés. ce premier projet a permis la réalisation et la validation d’un premier scénario réemploi générique.

rEPAr #2 s’inscrit dans la continuité de ce travail. il a été lauréat de la seconde édition de l’appel à projets. Le programme s’est étendu sur une période allant de 2014 à 2018. Ce second volet a mis l’accent sur l’aval de la filière en questionnant le projet d’architecture comme débouché pour les produits de réemploi. A l’occasion de ce projet, Bellastock s’est entouré de multiples acteurs tels que le cSTB, pour l’analyse économique de la viabilité de la démarche et d’experts ( maîtres d’ouvrage, ingénieurs techniques et environnementaux, architectes et entreprises de construction et de démolition). La volonté de ce nouveau volet était de participer à l’actualisation des outils courants de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’oeuvre tout en étudiant la faisabilité de différents assemblages en réemploi grâce à la mise en oeuvre d’un protocole de caractérisation des matériaux associés.

Malgré la présence d’études et de plateformes numériques dédiées sur le réemploi, la diffusion des connaissances reste encore complexe. L’Ademe cherche donc aujourd’hui les moyens de disséminer encore plus le réemploi et plus largement l’économie circulaire dans les maîtrises d’ouvrage, considérée par Sylvain Bordebeure comme le maillon le plus important. d’un côté

l’organisme collabore sur un programme avec circolab, association créée en 2018, qui compte

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2 Propos de Sylvain Bordebeure, entretien téléphonque du 14 avril 2019.

parmi ses adhérents, la banque d’assurance Groupama ou en encore l’opérateur immobilier Nexity. circolab est un laboratoire de l’économie circulaire qui réunit des maîtres d’ouvrages qui s’opposent au modèle classique de l’économie linéaire.

Le ministère de la transition écologique met aussi en place de son côté des référentiels techniques matériaux par matériaux, afin de faciliter les initiatives. Ces projets viennent répondre à la stratégie de développement de la pratique du réemploi en France. il faut avant tout débloquer le verrou technique. Ce verrou entoure deux aspects: l’assurance quant à la qualité du matériau réemployé et la capacité des entreprises à apporter les soins nécessaires à ces matériaux. Il faut ensuite faire preuve de beaucoup de pédagogie auprès des maîtres d’ouvrage afin de leur donner l’envie de se lancer. En effet il y a beaucoup d’inertie, de procédures dans le bâtiment. Il y a donc des maîtrises d’ouvrage qui ne souhaitent pas prendre de risques, et d’autres qui acceptent de faire évoluer leur méthodologie et de travailler main dans la main avec la maîtrise d’œuvre.

Le rapport rEPAr 2, avait pour ambition de proposer une méthodologie sur la réutilisation de béton par exemple. La diffusion d’une grande majorité de résultats a permis à d’autres acteurs de s’engager sur le sujet. Cela a été rendu possible grâce à la réalisation de catalogues qui répertoriaient les matériaux et leur potentiels de réemploi.

Le financement proposé par l’Ademe s’effectue cas par cas sur deux types de projets. Le premier type concerne les maîtrises d’ouvrage qui souhaitent faire intervenir du réemploi nécessitant une ingénierie particulière dans leur projets. Le deuxième type de financement concernent le développement de ressourceries physiques, avec notamment l’exemple de Solibat sur Bordeaux. L’équilibre financier et la logistique de ces platesformes restent toutefois encore compliqué. Le modèle de mutualisation entre deux chantiers reste le plus intéressant en termes de logistiques et de coûts.

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Les structures pionnières du réemploi et inspirantes à portée nationale

Bellastock et Encore Heureux Architectes s’inscrivent comme les précurseurs du mouvement du réemploi en France. A travers des études réalisées, des retours d’expériences ou encore des architectures manifestes, leur but a été d’expérimenter et de diffuser une culture de la pratique du réemploi. Cette envie commune de faire du réemploi à l’échelle de la France trouve son origine dans des projets réalisés à l’étranger. rural Studio aux Etats-Unis ou encore le collectif d’architectes rotor en Belgique ont su démontrer tout l’intérêt du réemploi. Bellastock et Encore Heureux sont des structures très actives dans le développement du réemploi en France et en Europe. Lors d’évènements organisés sur l’économie circulaire et le réemploi, ils sont très souvent invités à partager leurs expériences. Dans cette sous-partie, il sera donc question de les présenter et de présenter leurs travaux afin de comprendre pourquoi les deux structures tiennent un rôle si important dans la diffusion de la pratique du réemploi dans toute la France.

1. Bellastock, la recherche au travers d’expérimentations in situ

Bellastock est une association d’architecture expérimentale qui fut créée en 2006 au sein de l’école d’architecture de Paris-Belleville. Elle trouve son point d’origine dans l’initiative de trois étudiants qui face à un manque de culture constructive, décident de pratiquer les matériaux en construisant par eux-mêmes. ils s’aperçoivent rapidement que le réemploi des matériaux est l’opportunité rêvée pour expérimenter et construire à moindre frais et en limitant le gaspillage. L’année de sa création, l’association lance son premier festival d’architecture expérimentale, qui propose chaque année une thématique différente en lien avec le territoire qui accueille. En 2012, le thème fut donc celui du réemploi en architecture. Bellastock développe une expertise sur le réemploi dans la construction, notamment au travers d’Actlab. Ce laboratoire du réemploi, financé par l’ADEME, la région Île de France et la Banque Publique d’Investissement est situé au coeur de la ZAC de l’écoquartier fluvial de l’Île Saint-Denis. Ce lieu ouvert au grand public durant le chantier leur a permis de démontrer les potentiels du réemploi. L’association compte dorénavant 8 salariés à temps plein. Bellastock travaille aussi en partenariat avec un réseau composé d’une vingtaine d’artisans aux compétences variées et est rattachée à un réseau de 150 adhérents pluridisciplinaires ( professionnels du BTP, architectes, étudiants en architecture, sociologues, enseignants...) qui participent à ses actions. L’association est soutenue financièrement par différents organismes, citons pour exemple: la région Île de France, le Ministère de la culture et de la communication, des fonds européens...

L’association, en plus d’oeuvrer dans la recherche et développement au travers d’études commandées par l’ADEME, se positionne en tant qu’assistance à maîtrise d’ouvrage réemploi.

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Leurs missions s’étendent donc du diagnostic des gisements matériels et humains présents sur un chantier ou à l’échelle d’une agglomération, aux faisabilités techniques, logistiques et économiques.

Ainsi ils ont participé à des projets intégrant le réemploi en région parisienne mais aussi au Havre. Les enseignements tirés de la pratique du réemploi au sein de rEPAr#2 proviennent en partie du projet de centre de recyclage du Havre, l’un des cas d’études de ce mémoire.

Sur ce projet livré en 2017, Bellastock est intervenu dans le groupement de maîtrise d’oeuvre dont le mandataire était Er architectes, agence implantée à Pantin. En tant que bureau d’étude expertise réemploi, ils ont premièrement identifié les lots les plus propices à intégrer du réemploi. Cette première analyse effectuée, ils ont ensuite réalisé un repérage des gisements récurrents et disponibles sur l’agglomération havraise. cette expertise a permis au projet de bénéficier de briques uniques car issues de la déconstruction d’une école datant du XiXème siècle, qui ont constitué les murs de façade non porteurs du centre de recyclage. Le projet a aussi réemployé des matériaux plus ordinaires tels que des granulats de déchets inertes qui ont permis de réaliser des gabions et des Alphablocs issues de l’ancienne déchetterie pour les fondations.

Bellastock continue d’oeuvrer pour le réemploi au travers de différents projets tels que métabolisme urbain, un projet commandé par Plaine commune, et dont l’association est mandataire. Elle a fait appel à différentes structures pour développer cinq axes de travail autour du réemploi sur 3 ans. Leur but est de développer au travers de 30 projets

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Expérimentations sur chantier ©Bellastock

pilotes des solutions techniques afin de faciliter l’identification des matériaux réemployables et la synergie entre chantiers d’un même territoire.

L’association s’engage aussi à échelle européenne en collaboration avec le collectif rotor pour porter le réemploi dans un projet intitulé FcrBE pour «Facilitating the circulation of reclaimed building elements» - faciliter la circulation des éléments récupérés du bâtiment. ce projet fait parti du dispositif interreg, programme de coopération entre pays européens. ce projet qui réunit huit partenaires belges, français et britanniques, s’échelonnera sur trois ans. il a pour ambition d’accélérer le retour à la pratique du réemploi grâce à l’utilisation et la création d’une méthodologie et d’outils communs entre les trois pays. « Nous sommes dans une phase de transition où les difficultés sont encore nombreuses. Les travaux de recherche associés aux retours d’expérience font cependant évoluer les situations surtout lorsque acteurs publics et privés travaillent ensemble»1 assure Mathilde Billet, architecte au sein de Bellastock. Pour Julie Benoît, architecte de Bellastock, qui a travaillé sur le projet rEPA r: «Beaucoup de projets émergeaient mais sans vision d’ensemble, d’où la réflexion menée avec l’Ademe pour amorcer des filières. Nous travaillons sur les retours d’expérience avec des méthodes qui se ressemblent d’un chantier à l’autre. Nous ne sommes plus dans une phase expérimentale, on peut voir que ça mène à un travail collaboratif, un changement de métiers et des réflexes qui apparaissent. Il faut faire des coups d’éclairage pour encourager le réemploi.»2

Pavillon Circulaire ©Cyrus Cornut
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1 MONCEL, Catherine, «Le projet FCrBE facilite le réemploi dans la constructionBellastock et Collectif rotor engagés dans ce projet européen Interreg», L’écho circulaire. 14 janvier 2019. U.r.L: https://lecho-circulaire.com/le-projet-fcrbefacilite-le-reemploi-dans-la-construction/

2. Encore Heureux, faire la démonstration du plein potentiel du réemploi

Encore Heureux architectes est un collectif d’architectes créé en 2001 par Julien choppin et Nicola Delon. En 2014, ils commissionnent une exposition au Pavillon de l’Arsenal à Paris, intitulé «matière Grise». cette exposition-manifeste a démontré le potentiel du réemploi au travers de 75 projets. Leur position est de privilégier l’intelligence collective et la matière grise afin de consommer moins de matières premières. Le catalogue de l’exposition réunit 30 interventions de différents acteurs (architectes, historiens, ingénieurs, enseignants-chercheurs, etc...) ambitionnant de déterminer les enjeux, les freins et tous les potentiels du réemploi.

L’année suivante, ils réalisent le Pavillon circulaire à l’occasion de la COP21 de 2015. Ce pavillon est entrepris du début à la fin en suivant les principes de l’économie circulaire. Cette expérimentation réussie a fait l’objet d’un retour d’expérience au sein de l’ouvrage rEPAr#2. A l’occasion de l’exposition Lieux Infinis, qui prenait place au sein du pavillon français lors de la biennale de Venise 2018, ils réitèrent leur vif engagement pour le réemploi. Les panneaux de bois composant la scénographie ont été récupérés de l’installation Studio Venezia, créée à l’occasion de la biennale d’art de Venise en 2017, par Xavier Veilhan, artiste plasticien français. Bellastock a donc refait appel à eux afin de participer au projet Métabolisme Urbain porté par Plaine Commune. Leur mission lors de ce projet sera de développer un outil numérique qui permettra de rendre visible les gisements disponibles tout en comptabilisant les externalités induites par la mise en place de la démarche circulaire.

Aujourd’hui l’agence apporte ses connaissance de la pratique du réemploi sur des projets de plus grande envergure telle que la réhabilitation de l’immeuble morland, projet lauréat de réinventer Paris. La stratégie réemploi adoptée pour ce projet se reflète directement dans la maison de projet, les ouvrants initiaux du bâtiment ont été réutilisés pour constituer les façades de ce lieu de rencontre temporaire. La structure, entièrement démontable, pourra être déplacée à la fin du chantier. «A l’heure actuelle, l’agence ne peut pas construire en tout réemploi, mais s’engage à la favoriser lorsque cela est possible» m’indique Sonia Vu, architecte au sein de l’agence Encore Heureux, lors de notre entretien téléphonique.

Le projet de la Grande Halle à Caen a été une nouvelle occasion de porter la pratique du réemploi auprès de la maîtrise d’ouvrage publique, Normandie Aménagement. celle-ci a pour objectif de porter avec ce projet, une philosophie qui questionne les modes conventionnels de la fabrication de la ville. Ainsi, il a été décidé de créer un lot spécifique au réemploi sur ce projet. L’appel d’offre a été remporté par l’association Le Wip. Elle s’occupe de repérer les gisements de matériaux de construction issus de démolitions et de déconstructions pour ensuite les préparer et les mettre à disposition des entreprises. Par la mise en place systématique d’un diagnostic ressources et la création d’un lot réemploi, l’agence permet l’expansion de la pratique du réemploi dans des projets de plus grande envergure.

2 rAoUT, christine, «réemploi de matériaux : les bonnes recettes de la grande halle de colombelles», Le moniteur, le 1er avril 2019. U.r.L: https://www.lemoniteur.fr/photo/calvados-la-grande-halle-de-colombellespionniere-du-reemploi.2030520/

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l’échelle régionale

Grâce aux actions menées par l’Ademe, Bellastock et Encore Heureux architectes, le sujet s’immisce aujourd’hui de plus en plus au sein de la commande publique. de nombreuses structures ont enfin pris conscience des enjeux environnementaux et économiques que représente la pratique du réemploi, tout ceci, grâce à la pédagogie véhiculée au travers d’études et de journées consacrées au sujet. Les acteurs de la région Nouvelle-Aquitaine se sont euxmême emparés de ce sujet en s’inspirant des actions réalisées en région parisienne. A l’occasion de journées et conférences organisées sur l’économie circulaire et le réemploi, j’ai donc pu en rencontrer quelques-uns, actant sur le territoire de la métropole bordelaise ou encore sur celui de la communauté d’agglomération du pays basque. dans cette partie, il est donc question d’analyser les actions qui ont été portées sur ces deux territoires au travers de l’expérience d’Habitat Sud Atlantique pour le pays basque et du collectif cancan pour la Fabrique Bordeaux métropole.

1. Mettre le réemploi à l’échelle des maîtrises d’ouvrage du Pays Basque

Habitat Sud Atlantic est un office public de l’habitat rattaché depuis le 1er janvier 2017 à la communauté d’Agglomération Pays Basque. La structure, actrice de l’habitat social en Pays Basque et Sud Landes, réalise des opérations d’aménagement. Habitat Sud Atlantic construit ou participe à la construction de logements locatifs à loyers modérés. La structure gère directement la gestion de son patrimoine locatif et commercialise chaque année des logements en accession à la propriété. L’office, malgré une connaissance du sujet du réemploi par la presse spécialisée, n’avait pas la volonté d’engager une telle démarche. Leur engagement sur le réemploi s’est fait peu à peu, de par les aspirations individuelles des collaborateurs et la maturation de leur ambition d’intégrer une réelle dimension environnementale à leurs projets. La sollicitation de 3Ar, association Aquitaine des Achats Publics responsables, dont ils étaient adhérents depuis 2016, a permis de concrétiser cette nouvelle direction.

L’association est un réseau lancé en 2006 avec le soutien de l’AdEmE et de la région NouvelleAquitaine. L’association aide les acteurs publics (collectivités territoriales, établissements hospitaliers et médico-sociaux, établissements d’enseignement, bailleurs sociaux, etc..) à prendre davantage en compte les critères sociaux et environnementaux dans leurs commandes. 3Ar a répondu, en collaboration avec le Syndicat Bil Ta Garbi et Nobatek/INEF4, à un appel à projet initié par l’Ademe Nouvelle-Aquitaine. celui-ci s’intitulait «prévention et valorisation des déchets du bâtiment et des travaux publics». il est intervenu peu après la publication, en avril 2018, de la feuille de route nationale sur l’économie circulaire. Le syndicat mixte Bil Ta Garbi, établissement

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La diffusion du réemploi à

public de coopération intercommunale, a donc sur ce projet, apporté ses compétences de mise en oeuvre de politiques de tri, de réduction et de valorisation des déchets ménagers et assimilés. Il pilote le projet Territoires «Zéro déchet, Zéro gaspillage», en partenariat avec ses deux collectivités adhérentes, la communauté de communes du Béarn et la communauté d’Agglomération du Pays Basque. depuis janvier 2018, la strcuture s’occupe également de la gestion des déchets inertes sur la communauté d’agglomération du pays basque. Nobatek, quant à lui, est un centre de ressource technologique privé. Depuis 2013, ils font partie des Instituts pour la Transition énergétique crées dans le cadre du programme investissements d’Avenir. Le centre s’intéresse au secteur de l’aménagement, de la réhabilitation et la construction durable. ils accompagnent les maîtrises d’ouvrages, les architectes et les bureaux d’étude dans le but d’améliorer les performances énergétiques et la qualité environnementale des bâtiments.

Les trois structures ont donc entrepris un projet intitulé « Accompagnement au développement de l’utilisation des matériaux de réemploi ou recyclés dans les bâtiments». ce projet avait pour objectif de développer une dynamique d’économie circulaire sur la région et de positionner la commande publique comme levier des bonnes pratiques de gestion déchets et de préservation des ressources naturelles en imposant dans les consultations publiques l’usage de matériaux recyclés et de réemploi. Les trois structures ont donc sollicité Habitat Sud Atlantic afin d’expérimenter le premier clausier du réemploi. Elles ont donc collaboré à la réalisation d’un clausier technique dont pourraient s’inspirer les professionnels du bâtiment et des travaux publics afin d’intégrer à leurs projets des matériaux recyclés ou de réemploi.

2. Un outil : Le clausier technique

Ce clausier technique est un tableau réunissant pour chaque lot (Voirie et réseaux divers, Gros oeuvre, Menuiseries, Peinture, etc...), des spécifications techniques toutes faites pouvant être intégrées aux ccTP - cahier des clauses Techniques Particulières. il est apparu pour Bil Ta Garbi, Nobatek et 3Ar, que les volontés d’intégration de matériaux recyclés ou de réemploi devaient être formulées au plus tôt dans un projet.

L’une des premières contraintes rencontrées par Habitat Sud Atlantic dans ce projet a été de trouver des maîtres d’œuvre souhaitant s’engager dans cette démarche au sein de ceux avec lesquels ils avaient l’habitude de travailler. Face à la réticence de ces architectes, il a donc fallu intégrer dans le marché, une contrainte des maîtres d’œuvres de mettre à profit le clausier réalisé. Au préalable, l’Office a réalisé du «sourcing», c’est-à-dire qu’elle a recherché les initiatives et filières déjà existantes, afin de s’assurer de la possibilité d’exécution d’un tel projet. Pour Laurence dartiguelongue, directrice maîtrise d’ouvrage au sein d’Habitat Sud Atlantique, «il était important de vérifier que notre volonté est en adéquation avec ce que les entreprises du secteur peuvent réaliser»1. Le premier objectif était donc de réaliser un travail de consultation et de sensibilisation. Habitat Sud Atlantic a donc engagé cette contrainte sur tous leurs projets, et non pas sur un projet

1 Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique réalisé le 9 avril 2019.

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dit «pilote». «il fallait envoyer un signal fort au territoire»2. Leur objectif étant, de par leurs projets de donner un élan aux entreprises, favorable au réemploi. La volonté était donc dès le départ de s’emparer de ce clausier afin de montrer le potentiel présent et à venir, et de créer du volume dans le but de pousser les entreprises à faire preuve d’innovation par la création de nouvelles filières. La démarche intégrant le clausier s’applique donc tout aussi bien aux grands projets de 180 logements de l’Office qu’à des projets d’échelle plus modeste (4 à 6 logements).

Dans leur cas présent, leurs projets ne bénéficient pas de l’accompagnement et du financement de l’Ademe, cependant le cadre sur lequel s’appuie leur évolution et leur méthodologie a été en partie financé par l’Ademe. Actuellement en phase esquisse, les premier freins potentiels se font pressentir. il s’agit du frein économique, concernant le coût du projet mais aussi le frein de la mise en œuvre, avec des entreprises intégrant le modèle de l’économie circulaire, qui peuvent avoir des prescriptions de mise en oeuvre complexes.

3. Une prise de position commune à beaucoup de régions

Cette prise de conscience touchant les maîtrises d’ouvrage s’effectue partout en France. En effet au delà de Habitat Sud Atlantique située à Bayonne, des initiatives sont prises à Caen, au Havre, à Bordeaux. La démarche s’étend donc dorénavant bien au-delà de la région parisienne. Cette volonté d’agir transparait par la création de structures et d’actions destinées à aider les maîtrises d’ouvrage publiques et privées dans cette démarche encore naissante. circolab en est l’exemple, puisqu’elle fédère des entreprises engagées, telles que Vinci Construction France, Groupama, Generali ou encore Plaine commune.

«cela intéresse d’autant plus les maîtrises d’ouvrage qui s’inscrivent dans une pérennité», m’indique Sylvain Bordebeure de l’Ademe. A Bordeaux, La Fab Bordeaux métropole aborde la question du réemploi à l’aide du Collectif Cancan, engagé dans une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage. En 2017, La Fab a confié à ce collectif, une mission d’évaluation du potentiel global de recyclabilité et de réemploi des chantiers de démolition en cours et à venir. A l’issue d’une phase étude, préfigurant la mise en place d’une méthodologie réemploi propre à la métropole bordelaise, une démarche expérimentale a été lancée en janvier 2019. cette accord-cadre de 5 ans, en partenariat avec un groupement de quatre associations actives sur le marché du réemploi (dont Soli’bât»), a abouti à une première expérimentation sur l’ancien bowling de Mérignac. Il s’agissait du premier bâtiment témoin de déconstruction/récupération de matériaux préalable à la démolition. cette opération a permis la récupération de bois d’ossature lamellés-collés. Tout ceci s’est effectué avec l’aide de structures récupératrices issues de l’économie sociale et solidaire, dont Soli’bat faisait partie.

Lucas colombies, responsable de projets au sein de Seine Saint-denis Habitat, donne les intérêts du réemploi pour un bailleur social comme ceci: « Le réemploi présente des intérêts multiples: un intérêt contextuel et environnemental, l’évolution de la réglementation sur la réduction de

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1 Propos de Laurence dartiguelongue recueillis lors d’un entretien téléphonique réalisé le 9 avril 2019.

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