Jeu d’acteur dans l’accueil des réfugiés en France : un non-accueil institutionnalisé par l’Etat ? Il n’est pas un jour depuis le mois de septembre 2015 sans que soit mentionnée dans les journaux français et européens la « crise des réfugiés » ; depuis le jour où un jeune enfant, Aylan Kurdi, est retrouvé mort échoué sur une plage de Turquie. Le flot médiatique s’emballe alors, portant au jour la question des déplacements de populations, notamment syriennes, face aux persécutions faisant rage dans leur pays. Cette question devient omniprésente en Europe, et constamment tournée et retournée dans les médias français. Toutefois, quelle est la vérité de ce qu’on appelle maintenant communément « crise » ? Les termes alarmistes employés font-t-ils référence à un réel afflux massif de personnes, ou sont-ils le fait d’une opacité d’action des hautes sphères du pouvoir, menant à un sentiment d’inquiétude ? Où se place la France dans l’accueil réservé à ces populations migrantes, quelle est son attitude dans cet évènement présenté comme sans précédent ?
Une politique nationale imbriquée et opaque. La France, du fait de son passé révolutionnaire prônant l’accueil dans des principes d’égalité et de fraternité de toute personne qui verrait sa liberté menacée, a longtemps été perçue comme une terre d’accueil pour les populations en exil. Toutefois, au vu des récents discours prononcés en faveur d’un contrôle accru des frontières et d’une limitation des arrivées de personnes, on peut se poser la question de ce qu’il en est aujourd’hui de la politique française en matière d’immigration. Comment est géré l’afflux de personnes au niveau étatique ? Quelle est la procédure actuelle après être entré dans le pays pour effectuer une demande d’asile ? De très nombreux témoignages d’actuels ou d’anciens demandeurs d’asile tendent à qualifier notre système de « tunnel administratif ». Pour entamer cette procédure et la mener à bien, il faudra en passer par un nombre certain d’étapes plus complexes les unes que les autres, jalonnées d’un temps d’attente semblant interminable. Tout d’abord dans un Guichet Unique pour Demandeurs d’Asile (GUDA), puis à l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII), avec un agent de la préfecture, et enfin à l’Office Français de la Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), aux yeux d’une personne en cruelle difficulté, le processus pouvant durer de six à vingt-et-un mois se fait un combat pour l’obtention du statut de réfugié. Tout ce temps se fera dans une quasi solitude, sans possibilité d’avoir un emploi, avec l’adversité de la barrière linguistique et des décisions lointaines prises dans une totale opacité. Les lois qui émergent, comme en 2014 le règlement dit « Dublin III »1, vont majoritairement dans le sens d’une régulation du nombre d’arrivées sur le sol français. Celles-ci apparaissent comme une menace, et sont liées à une augmentation de contrôles policiers et de manœuvres de surveillance. Ce processus d’une infinie complexité prend des teintes de repli identitaire, avec une détermination quelque peu floue mais non moins omniprésente entre celui qui serait étranger, réfugié, immigré et l’autochtone. Pour l’anthropologue Michel Agier, ceci n’est que le reflet des manœuvres mises en place par les élites et les institutions pour créer ce qu’il appelle une « fiction 1.
Le règlement Dublin III attribue à un seul Etat de l’Union Européenne la responsabilité de l’examen d’une demande d’asile déposée dans l’espace Schengen : soit par le premier pays d’entrée soit par le pays de délivrance du visa. Voir UE, « Règlement n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 » (consultable sur urlz.fr/66h5).