Le recyclage de l’urbanisme moderne de dalle

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LE RECYCLAGE DE L’URBANISME MODERNE DE DALLE

Démarche vers l'évolution d'un modèle singulier - Le cas Lyon Part-Dieu

Séminaire "Repenser la métropolisation"

Anthony Sanchis X. Guillot, A. Couture, D. Willis et J. Ambal Février 2019 - ENSAP Bordeaux couverture : Dalle Front-de-Seine/Beaugrenelle de Paris, © Samuel Gazé, 2011

LE RECYCLAGE DE L’URBANISME MODERNE DE DALLE

Démarche vers l'évolution d'un modèle singulier - Le cas Lyon Part-Dieu

ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE ET DE PAYSAGE DE BORDEAUX

MÉMOIRE DE MASTER

SÉMINAIRE REPENSER LA MÉTROPOLISATION

XAVIER GUILLOT - JULIE AMBAL - DELPHINE WILLIS - AURELIE COUTURE

ANTHONY SANCHIS

2018/2019

Remerciements.

Je tiens à remercier l'ensemble de l'équipe enseignante du séminaire "Repenser la métropolisation", plus particulièrement mes directeurs d'études Xavier Guillot, Delphine Willis, Aurélie Couture et Julie Ambal pour leur encadrement, leur suivi et leurs conseils tout au long de la rédaction de ce mémoire.

Je remercie également les architectes de l'AUC et de l'Agence Passagers des villes qui ont su m'accorder du temps en me transmettant leurs expériences, qui ont contribué à alimenter ma réflexion.

Je voudrais enfin remercier amis et collègues qui m’ont apporté leur vision, leurs conseils et leur motivation tout au long de ma démarche de recherche.

7
propos
la place des héritages modernes en ville au cas singulier de la dalle Introduction l’espace public qu’est ce que l’urbanisme de dalle ? pourquoi le recycler ? hypothèse, problématiques et déroulé du mémoire
De l’obsolescence de la dalle .. 01.1 état des lieux d’un objet technique : la raison du rejet 01.2 diagnostiquer les pathologies 01.3 le nouveau visage de la rue 02 .. Aux stratégies pour un renouveau l’optimisme du Barbican Estate : pourquoi ça marche ? 02.1 les enjeux du recyclage 02.2 comment tirer profit de la dalle 02.3 objectifs d’interventions
Analyse d’un processus en cours - le cas Lyon Part-Dieu 03.1 exploration du site 03.2 la «réinvention» du quartier 03.3 retour critique 04 Conclusion - ouverture Table des matières Bibliographie Table des iconographies Annexes 9 9 11 11 12 17 19 21 23 31 34 37 39 41 45 47 61 63 68 80 86 88 90 92 94 sommaire.
Avant
De
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Il y a des espaces dans la ville qui attirent plus que d’autres. Parce qu’ils renvoient à une vision historique, à un souvenir d’enfance ou à des habitudes que l’on ne veut pas perdre. Des lieux où l’on aime s’arrêter, se rassembler, se retrouver et profiter du calme qu’ils procurent. Puis il y en a d’autres qui repoussent, qui n’inspirent pas confiance et où peu de personnes osent s’aventurer. On les connait de nom, plus souvent de réputation ou simplement parce qu'ils figurent sur les cartes de transports en commun. Ils n’ont pas forcement pignon sur rue, les traces de vie et d’usures sont lisibles, la matière utilisée à outrance. Ils ne sont pas toujours la priorité des pouvoirs publics mais existent bel et bien.

Pour moi, ces endroits font référence à des ensembles architecturaux et urbains de la période moderne. Ce sont des espaces que j’apprécie, que je fréquente et qui m’intriguent. Issus de grandes théories, ces héritages semblent aujourd’hui s’essouffler, certainement dû à un manque de considération. Un d’entre eux attise plus particulièrement ma curiosité : l’urbanisme de dalle. Parce qu’en déambulant dans ces réalisations qui donnent une identité forte à leur quartier, un constat d’abandon confèrent à ces lieux un sentiment de désuétude, peinant à établir un dialogue avec le reste de la ville. Pour autant, elles donnent à voir un paysage différent de celle-ci en offrant une vision plus haute et en donnant libre circulation aux piéton sans qu’ils n’aient à se soucier de la voiture. Ce travail de recherche part alors d’une volonté de comprendre la place de cet héritage et ce qui semble l’avoir fait échouer.

La question de ces vestiges modernes s’ancre dans un contexte où les villes doivent repenser leurs modèles de renouvellement urbain. Plus que reconstruire des quartiers entiers, c'est opter pour des solutions de rénovation en incluant chaque élément existant comme des dynamiques de projet. C'est questionner la place de ce patrimoine et son potentiel pour éviter la table rase. Car face à cela, l’évolution des villes et la conquête à l’urbanisation des terres agricoles et/ou forestières repoussent sans cesse la limite urbaine de nos cités. Les constructions neuves émergent comme des champignons, dans une mécanique de surenchère où la relation au site et à son histoire semble se substituer à l'esthétique voulue par son architecte.

Je conçois la rédaction de ce mémoire comme un répertoire dans lequel serait analysées et confrontées différentes réalisations, de l’ébauche au concret, en favorisant les situations vécues. De plus, je suis régulièrement amené à me déplacer entre Bordeaux, Paris, Lyon et Montpellier. Chaque ville m’apportant un regard sensible sur son évolution.

9 avant propos.

De tout temps l’espace public a joué un rôle majeur dans la vie de la cité. Depuis l’agora grecque et le forum romain, ces lieux de rencontre, de partage et d’échange s’organisent autour d’entités propres à une ville ou à un de ses quartiers. La rue, la place ou encore le square représentent des lieux de passage, parfois de pause, à l’usage de tous. La ville est ce lieu où l’on marche, où l’on se déplace à vélo, où les différents transport publics se mêlent et se complètent. Aujourd’hui l’espace public représente un enjeu majeur du développement durable dont les trois piliers1 reposent sur des dimensions environnementales, sociales et économiques. Ces lieux fédérateurs de rencontres et d’interactions sociales doivent, pour perdurer, générer de la flexibilité. Ainsi ils peuvent s’adapter à travers le temps aux différents usages en s’appuyant, comme nous le rappelle E. Heurgon2 , sur les potentiels humains en intégrant les besoins d’écoute de dialogue et d’information

Cette notion d’«espace public», se substituant à celle d’«espace libre», est apparue dans les années 1970 au sein des ouvrages de R. Sennett3 et de J. Habermas4 en réaction à l’urbanisme moderne fonctionnaliste et rationnel. Ce dernier, issu de la Charte d’Athènes5 (Le Corbusier, 1942), systématisa les rues et places comme des espaces de stationnement et de circulation. D’une lecture horizontale de l’espace public répondant à un schéma « classique » de la rue (alignements, continuité avec les quartiers historiques), cette vision moderne a entrainé une conception verticale - en trois dimensions - permettant d’élargir l’espace de la rue. Cela aura pour conséquence de lui donner plus d’épaisseur, moins de limites et donc davantage d’espaces libres à l’image des Grands Ensembles. En créant de l’irréversibilité dans le paysage urbain par des « mégastructures », l’urbanisme sur dalle, par ses fondements et son trop rapide essoufflement, va alors apparaitre comme un terrain d’étude intéressant. Autrefois conçu pour la voiture, ce modèle doit aujourd’hui répondre à de nouvelles pratiques dans la ville qui se veut perméable, toujours plus verte et plus sensible aux modes de déplacement doux. En apparence figé, il semble légitime de s’interroger sur le devenir de ce modèle singulier d’espace public, véritable artefact qui persiste dans la ville.

1 Cf. schéma classique du développement durable est directement hérité du sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992.

2 HEURGON, É,. Les espaces publics urbains : un enjeu majeur pour les villes. In: Villes en parallèle, n°32-34, décembre 2001. La ville aujourd'hui entre public et privé. pp. 50-58.

3 SENNETT, R, Les tyrannies de l'intimité. In: Revue française de sociologie, 1980.

4 HABERMAS, J, L’espace public, archéologie de la publicité comme dimension constructive de la société bourgeoise, Paris, 1978, Payot.

5 À l'issue du IVe Congrès international d'architecture moderne, définit 95 points sur la planification et la construction des villes.

11 introduction.
> Fig. 1 © A. Sanchis, 2016, Superkilen, BIG Architecture, Copenhague

Réflechir aujourd’hui à la conservation et le recyclage de ce type de réalisation issu du mouvement moderne demande à s’intéresser de façon brêve à son histoire et ses prémisses.

L’utopique ville sur la ville. Traduction urbaine et architecturale de l’ère du tout-automobile au coeur des années 1960-1970, les constructions sur dalles vont profondément modifier en l’espace d’une décennie la morphologie des villes ayant fait le choix d’un urbanisme vertical. Cette nouvelle manière de concevoir l’espace public de toute pièce, en le dégageant des contraintes du sol naturel, aura pour but de donner un coeur vivant à la cité, lieu de travail, de transit et de loisir. Ce paradigme urbain exposé depuis sa fabrication, avec ses avantages et inconvénients, comme le produit d’une période de Reconstruction, trouve finalement ses fondements dans les grandes pensées modernistes du début du siècle.

Pour prétendre à une harmonie parfaite dans la ville, les architectes-urbanistes théoriciens représentés par Eugène Hénard (Rue future, 1910)6, Harvey Wiley Corbett (Ville du futur, 1913) et Ludwig Hilberseimer (Cité verticale, 1924) [fig.2] ou les cinéastes comme Fritz Lang (Métropolis, 1927) imaginaient d’ores et déjà au delà de leurs oeuvres, un paysage urbain démultiplié et rythmé par la superposition des voies de circulation. Au cours des différents CIAM (Congrès Internationaux d’Architecture Moderne) pour une architecture et un urbanisme fonctionnel, l’application concrète des représentations d’un Babylone moderne va être mis en pratique. Avec le Plan Voisin pour Paris (1925), la principale adaptation de la Ville Radieuse7 de Le Corbusier va explorer au maximum l’utopie réaliste d’une ville rationnelle. L'enjeu visait à atteindre un idéal d’efficacité grâce à la superposition et la séparation des circulations.

En contestation aux idées et réalisations modernes radicales et décontextualisées qui jonchent les villes, les groupements d’architectes/urbanistes8 pour une utopie non réalisable ont eux aussi mené des recherches sur la ville en trois dimensions, mobile et évolutive.

6 The cities of the future, Royal Institute of British Architects, Town Planning Conference London, 1015 Octobre 1910.

7 La Ville Radieuse (The Radiant City) est un masterplan urbain non réalisé de Le Corbusier,

présenté pour la première fois en 1924 et publié dans un livre éponyme en 1933.

8 cf. Yona Friedman (Ville Spatiale, 1959), Archigram (Ville vivante ou Living City, 1964), Superstudio (First City, 1971) ou Archizoom (No stop City, 1969).

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Qu’est ce que l’urbanisme de dalle ?

Le groupe britanique Archigram développa entre les années 1960 et 1970 des structures aériennes facilitant leur mise en œuvre car plus légères et reproductible. Elles permettent ainsi à l’Humain de retrouver mobilité et flexibilité, comme un nomade. Purement idéologiques, ces travaux de recherches de villes verticales sans fondations remettront en question l’importance du rapport au sol naturel en architecture.

L’automobile en ville.

Le développement des industries et la mise en place de nouveaux principes d’organisation du travail9 ont permis de révolutionner les chaînes de production en faisant de l’industrie automobile le fer de lance des grandes nations occidentales. Le développement de la «voiture du peuple»10 ou «automobile populaire» va faire émerger dans la société moderne un nouveau besoin d’équipement : la voiture particulière. Face à cette évolution croissante du parc automobile en France courant XXème, le paysage des principales villes du pays va subir une importante métamorphose afin d’accueillir les véhicules qui affluent de jour en jour. En 1950, 2 310 000 étaient en circulation, 6 240 000 en 1960 contre 13 710 000 en 197011. Cet outil à l’importance sociale évidente va devenir le support programmatique des grandes opérations d’urbanisme durant ces décennies.

À cette période les philosophies économiques prônent l’argument «No parking, no business»12, cette politique du tout-automobile va transformer les centres-villes en lieux de circulation et de consommation intenses. L’implantation de parkings silos ou souterrains ici et là ont ainsi permis à chaque automobiliste de se rendre et de stationner aisément dans les centres, laissant pour compte les anciens réseaux de tramways urbains et suburbains voués à disparaître. Ainsi s’est imposée l’idée que la ville a du s’adapter à la voiture et non l’inverse.

Application d’une doctrine moderne.

Durant les années 1950, dans un paysage urbain abimé par la Seconde Guerre Mondiale, est naît le besoin de reconstruire sur ce qui se manifeste comme une tabula rasa2. Composés le plus souvent de friches ou d’anciennes casernes militaires désertées, ces espaces ont représenté des poches vides au sein des villes, devenant de véritables laboratoires urbains. Dans la période euphorique des Trente Glorieuses13, les architectes et urbanistes

9 cf. O.S.T Organisation Scientifique du Travail

10 Traduction du terme Volkswagen issu de la politique d’accession à l’automobile pour tous durant l’Allemagne nazie.

11 BARRÉ, A, Quelques données statistiques et

spatiales sur la genèse du réseau autoroutier français, extrait de Annales de Géographie, t. 106, n°593-594, 1997, P.229-P.240

12 Bernardo Trujillo à propos de la société de consommation et la grande distribution.

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issus du mouvement moderne ayant foi en une organisation spatiale en rupture avec la ville classique, œuvreront vers une conception nouvelle de l’espace urbain : la dalle.

La décentralisation, le gonflement démographique des grandes villes et l’accroissement du secteur tertiaire vont amener ces dernières à se pourvoir d’équipements métropolitains (hôtels de région/département, centres de finances, préfectures, pôles culturels, …) et centres d’affaires. Ils prendront directement place dans ces quartiers sur dalle comme cela a pu être le cas à Bordeaux Mériadeck, La Défense, Lyon Part-Dieu ou CergyPréfecture. Ces « nouveaux centres » définissent des espaces dans la ville dont la centralité n’est pas géographique mais économique et politique14. Il contribuent à créer une identité et un rayonnement au travers d'artefacts concentrant toutes les fonctions sur deux ou trois plans en totale rupture avec la ville contiguë. Ainsi, la radicalité des principes mis en place par ce zonning vertical impose de toute part une nouvelle façon de concevoir, de se déplacer et de vivre la ville. En 1963, Colin D. Buchanan rédigea L'automobile dans la ville15, ou "Rapport Buchanan", pour le ministre des transports britanniques. Dans une volonté d’ordre et de clarification des flux dans la ville, les grands principes du dispositif de la dalle seront clairement identifiés. Extraits :

39. "Dans les grandes villes la seule chance de créer de véritables zones d’environnement capables d’absorber une circulation supérieure au minimum essentiel serait de les réaménager sur deux ou trois plans."

66. "Le contexte dans lequel, il nous faut, avant tout, considérer les problèmes de la circulation urbaine, est la nécessité de créer ou de recréer des villes dans lesquelles, au sens le plus large du terme, la vie vaille la peine d’être vécue; et ceci implique beaucoup plus que les libertés de se servir d’une automobile. C’est une combinaison de choses de toutes sortes : commodités, diversités, contrastes, architectures, histoire."

Organisée alors de façon à hiérarchiser par couches les différents modes de circulation, cette nouvelle écriture s’affirmera comme la traduction urbaine et architecturale de l’ère du tout-automobile. Au(x) niveau(x) souterrain(s) conçu(s) pour les transports en commun et chemins de fer métropolitains, se superposeront le niveau 0 (ou sol naturel) réservé

13 FOURASTIÉ, J, Les Trente Glorieuses ou la révolution invisible de 1946 à 1975, FAYARD, 1979.

14 OSTROWETSKY, S, Les centres urbains, in Penser la ville de demain : Urbanisme, Aménagement,

Sociologie urbaine, 1994.

15 BUCHANAN, C, Traffic in Towns : A study of the long term problems of traffic in urban areas (The Buchanan Report), Londres, 1963.

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Fig. 2 Vue du projet High Rise City (L. Hilberseimer, 1924) Fig. 3 Traffic in Towns (l’automobile dans la ville) ou « Rapport Buchanan » (illustration de Kenneth Browne, 1963)

aux automobiles et le niveau 1 (ou sol artificiel) réservé aux piétons. Cette manière avantgardiste de concevoir l’espace public de toute pièce en le dégageant des contraintes du sol naturel aura comme volonté de donner un cœur piéton vivant à la cité. La création d’un nouveau sol «constituant le rez-de-chaussée de la future ville»16 permettra de relier infrastructures, immeubles de logements et tours de bureaux par des dispositifs aériens. Ce nouveau type d’espace urbain abstrait symbolisa une nouvelle relation entre la ville et son cadre bâti. La mise en place de ce nouveau socle va impliquer de la part de ses utilisateurs des nouvelles pratiques en rupture avec la ville ancienne.

Dalle technique et dalle idéologique : dalle des «riches» VS dalle des «pauvres»8 L’état de conservation du système de la dalle est pour beaucoup dû à son exploitation et le contexte dans lequel elle évolue. Bien que catégoriques, ces deux notions renvoient à des modèles urbains certes basés sur un concept d’urbanisme commun mais qui diffèrent par leur composition et le programme qui prend place dessus.

La notion de dalle «technique» renvoie à une mégastructure renfermant dans ses entrailles diverses infrastructures : pôles multimodaux, voies de circulation, parcs de stationnement, zones de gestion technique, ... À celles-ci se superposent centres d’affaires, espaces commerciaux, logements, hôtels, etc. Bien équipé, ce modèle de dalle génère donc de l’activité autour d'elle et ce, sur un espace relativement réduit, répondant ainsi aux enjeux de densité. Souvent mieux gérées, ces réalisations représentent aujourd’hui des espaces majeurs dans les territoires dans lesquels elles se situent. Prenons pour exemple La Défense à Paris ou la Part-Dieu à Lyon pour les cas français, à l’étranger le Centro Direzionale de Naples ou le Barbican Estate à Londres.

En opposition, la dalle dite «idéologique» représente purement et simplement l’adaption des principes de séparation des flux générés par l’urbanisme de dalle dans n’importe quel lieu, peu importe le contexte. Ces réalisations, comme l’on en repère bon nombre dans la région parisienne, ne jouissent pas d’un programme aussi riche que les dalles «techniques». Il est très souvent question d’un rassemblement de logements annexés de quelques commerces et/ou équipements sans grandes ambitions. Elles sont aujourd’hui dans leur territoire la manifestion de quartier populaires et semblent malheureusement peu apréciées.

Cependant, affirmer qu’une catégorie plutôt qu’une autre a su générer plus d’intérêt n’aura, en vain, permis de résoudre la problématique de rupture entre sol naturel et sol artificiel.

16 André Prothin, directeur de rétablissement public responsable de la construction de La Défense, en 1968

17 Ateliers d’Été de Cergy, « L’urbanisme de dalles

: continuités et ruptures », Presse de l’École Nationale des Ponts et Chaussées, 1993

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Pourquoi parler de recyclage ?

Parce qu’un «déjà-là» est symbole d’une histoire et vecteurs pratiques, recycler un objet, une architecture ou un urbanisme, c’est lui donner une seconde vie en le réintroduisant dans un cycle d’utilisation nouveau. En architecture la notion de recyclage se rapproche de celle du réemploi, de la réutilisation. Il y a, suivant l’échelle abordée, différentes manières de mettre en pratique cette démarche consistant à tirer profit d’une matière, d’un existant. Cette action s’inscrit dans une dimension inhibant l’économie linéaire au profit d’une économie circulaire. Elle vise à utiliser les ressources disponibles tout en diminuant les conséquences sur l’environnement. L’aménagement - ou le réaménagement - d’un territoire, d’un morceau de ville ou d’une parcelle, doit dans une volonté de recyclage interroger les potentialités pour consommer moins.

Comme le montre ci-dessus le schéma des sept piliers de l’économie circulaire selon l’ADEME, chaque domaine d’action impose des comportements nouveaux permettant notamment d’allonger la durée d’usage d’un «objet» en prenant en compte ses propres capacités. D’un point de vue architectural et ubain, dépassons la vision Moderne pour interroger dans notre société contemporaine l’impact des déchets liés aux activités du BTP, de leur stockage et par conséquent, de l’énergie et de la matière nécessaire à l’extraction et la mise en place de nouveaux matériaux. Alors réparer plutôt que jeter, remettre en état de marche ce qui a été dégradé pour donner une seconde vie en augmentant ou créant des usages. Ainsi se posent les questions suivantes : Que conserver ? Pourquoi conserver ? Comment conserver ?

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La volonté de ce mémoire

Capturée en 2018 à Mériadeck (Bordeaux), la photographie ci-contre est en quelque sorte l'élément déclencheur de ce tavail de recherche. Étonné par tant d'abandon sur bon nombre d'autres réalisations, j'ai pour ambition de comprendre l'état d'obsolescence de ces espaces publics au sein de quartiers au rayonnement métropolitain. Il n'y aura certainement jamais d'équivalent à l'urbanisme de dalle et aux formes qu'il génère. Perturbant et envahissant pour certains, il est pour moi incontournable que ce modèle urbain doit survivre.

Hypothèse

Sujet indéniablement d’actualité, la thématique du recylage se veut cependant plus spécifique lorsqu'elle traite de l’urbanisme de dalle. Démontrer ainsi qu’il est possible, contrairement aux codes du Mouvement Moderne, de générer de la réversibilité en faisant évoluer un système en apparence figé. Tant sur le fond que sur la forme, tout n’est pas négatif dans la mégastructure de la dalle. Éviter la table rase et tirer profit au maximum du dispositif pour œuvrer vers une démarche de réparation. Le territoire de la dalle n’est pas inintéressant, c’est une situation singulière dans la ville qui attise la curiosité des plus aguerris et qu’il faut accroitre.

Problématique

Dans quelle mesure et sur quel(s) potentiel(s) peut-on baser le recyclage de l'urbanisme de dalle ?

Déroulé du mémoire

Je chercherai, dans une première partie, à aborder les différents facteurs qui ont pu mettre à mal ce modèle d'urbanisme. Il sera question d'évoquer le sentiment d'abandon et les différentes pathologies que présente le système. Cette partie sera aussi l'occasion de comprendre la concurrence que subit la dalle face au niveau de la rue, qui elle évolue sans cesse. Dans une dynamique de conservation, je consacrerai une seconde partie à distinguer les enjeux à recycler la dalle pour ensuite exposer les pour un renouveau. Ces dernières, classées par objectifs et par actions ciblées, permettront d'élaborer un répertoire de cas concrets en France et ce, sans dresser un inventaire exhaustif.

Enfin, j'exposerai dans une troisième partie le cas spécifique du quartier de la PartDieu à Lyon. L’analyse d’un cas d’étude, dont le processus de recyclage est engagé et non pas achevé, permettra de comprendre les différents mécanismes mis en place tout en observant l’évolution en temps réel.

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> Fig. 4 © A. Sanchis, mars 2018.
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De l’obsolescence de la dalle ..

[21] RECYCLAGE DE L’URBANISME MODERNE DE DALLE 01 01

état des lieux d’un objet technique : la raison du rejet

«- Mais il est où ce niveau d’accès aux tours !?!

- Voilà, je te présente l’urbanisme de dalle. La période actuelle est à la destruction des dalles, tours et autres barres, méthode radicale considérée par certains comme l’alpha et l’oméga des politiques de rénovation urbaine. Mesures souvent excessives, la violence de ces destructions dépassant celle des espaces censés être rénovés. Et puis cet urbanisme des années cinquante et soixante possède malgré tout des qualités. Qualités qui, pour être mises au jour, nécessitent de bien comprendre les raisons qui ont abouti à la faillite de cet urbanisme dit «moderne», sujet à critique dès le milieu des années 1970 18.»

L’érosion d’un système

Au cours des décennies qui ont suivi les premières opérations sur dalle (urbanisme opérationnel19) et malgré un rapide engouement pour ce système en apparence si novateur dans la forme et les usages, celui-ci va progressivement s’essouffler. Il manifeste une certaine obsolescence, tant dans la forme que de la fonction. De nombreux facteurs comme les chocs pétroliers de 1973 puis 1979 (remettant en question le modèle d’une croissance fondée sur une forte consommation d’énergie qu’il était possible d’acquérir à faible coût), le retour des transports en communs ou le développement des modes de circulation doux, renforçant l’attractivité du niveau 0, vont considérablement mettre à mal le mécanisme de la dalle. Moins séduisantes, parfois perturbantes voire envahissantes, difficilement accessibles et moins fréquentées, les rues hautes se sont vu amputées de leurs éléments fondamentaux. En supprimant certaines passerelles, en condamnant l'accès aux espaces propices aux attroupements par soucis de sécurité ou encore en fermant l'accès haut aux immeubles, la dalle se retrouve peu à peu vidée de ses utilisateurs.

Parce qu’elles créent une rupture avec la ville classique, l’application des théories modernes ne récolteront, dès leur début, les acclamations du publics. Jugées trop radicales, les formes brutalistes, bien que représentées sur le territoire

18 Les lignes de l’architecte, Libération, 7 juillet 2009

19 Regroupe l’« ensemble des actions conduites ayant pour objet la fourniture de terrains à bâtir, la construction de bâtiments ou le traitement de

quartiers et d’immeubles existants (recomposition urbaine, réhabilitation, résorption de l’habitat insalubre) » dé nition donnée par le Dictionnaire de l’Urbanisme et de l’Aménagement (éditions PUF).

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01.1
> Fig. 5 © A. Sanchis, septembre. 2018

français par des réalisations isolées, ont été ici mise en pratiques à plus grande échelle dans un ensemble urbain. L’exemple frappant de Mériadeck à Bordeaux comme application du Plan Voisin surprend par la discontinuité entre la ville de pierre et de béton. La fracture du style architectural couplée à une vision nouvelle dans la façon d’habiter ces quartiers laissera, un temps, logements et espaces publics vacants. La dalle est un objet technique ayant pour but de rendre service à l’Humain, celuici en assure sa pérennité. L’une des qualités d’un espace public étant basée sur les différentes pratiques possibles, le manque de flexibilité de la dalle a eu un impact fort sur l’appropriation de ces espaces. Ne s'assimilant pas au sol naturel, les individus s'y rendent pour une raison bien précise, sinon passent à côté, la contournent et l'ignorent. Même en rendant accessibles les logements et bureaux depuis le niveau 1, l’attractivité de la rue se veut toujours plus forte. Cette dernière oblige les bâtiments à revoir leurs accès car une fois de plus la personne qui marche et la même qui conduit. Les pratiques ont en quelques sorte renversé le système, brouillant la lecture que l’utilisateur doit se faire de la dalle.

Le manque de clarté et d’évidence dans l’appréhension de ce type d’urbanisme a vivement influencé les déplacements de ses utilisateurs. D’une culture horizontale de la ville classique, le passage soudain à une perception verticale combinée à un manque d’accessibilité et de lisibilité justifie le rejet du piéton. Rampes, escaliers ou emmarchements, ces circulations verticales qui représentent des organes vitaux en alimentant la dalle, semblent avoir été négligées. Elles n’assurent pas de continuité évidente depuis la rue traditionnelle. En résolvant les problèmes à long terme que pose l’augmentation de la circulation dans les zones urbaines et son impact sur les habitants, l’application du rapport Buchanan a paradoxalement eu tendance à générer danger et insécurité sur la dalle. Pourrait-on alors se questionner sur le fait qu'il existe une relation de cause à effet entre formes urbaines et l’insécurité ?

«Que ce soit à cause de la verticalité ou de l’horizontalité des bâtiments, de leur promiscuité ou de l’entretien des espaces ... Les dalles piétonnes sont souvent devenues des espaces sans contrôle, les sous-sols des lieux dangereux».20 Dû au fait que ces espaces soient en repli de la rue, du champ visuel et qu’ils développent une compléxité morphologique particulière qui a pour effet de créer des enclaves, des places entourées d’immeubles développant des "espaces de l'entre-soi 21" .

Ainsi les pratiques divergent et impactent le comportement social des utilisateurs.

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20 Alain BAUER, consultant en sûreté urbaine, extrait de l'article de FREDERIC, F, "URBANISME : le retour du débat securitaire", Le Moniteur, 30/03/2001. 21 TISSOT, S (dir.), « Les espaces de l'entre-soi », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 204, Seuil, Paris, 2014.

Une des dernières raisons ayant causé l’échouage urbain de ces mégastrucutres est le temps. Un projet, quel qu’il soit, nécessite une certaine durée, non seulement pour être accepté mais surtout pour s’inscrire dans la continuité. Dans Le succès d’un échec, l’architecte Charles Delfante22 souligne la comparaison de l’incomparable. La société moderne a cette facheuse tendance à confronter des espaces urbains «réussis» à l’image des grands places italiennes comme la place Saint Marc à Venise ou Saint Pierre de Rome, respectivement vieilles de 8 et 5 siècles, aux réalisations récentes. Loin d’être terminés, les espaces de la dalle souffrent de jugements trop précoces fragilisant leur popularité. Outre les critiques, l’interruption du développement du modèle de la dalle pour des raisons politiques, économiques et financières n’auront su donner du temps au temps et laisser le modèle prospérer. Le retour à la rue dans les années 1980, par des opérations de Zone d’Aménagement Concertée (loi n°76-1285 du 31/12/1976) obligatoirement compatible au Schéma de COhérence Territoriale, mettra définitivement un terme aux réalisations urbaines, singulières à l’image des dalles. Il deviendra ainsi impossible de leur donner une suite, sorte de valeur ajoutée. Bon nombre d’entre elles basculeront péniblement dans une logique classique de la constrution de la ville par parcelles et plus dans un ensemble solidaire raccordé par un sol artificiel.

L'ensemble de ces constats ayant été fait prématurèment, un coup de frein a été donné sur des opérations en cours, réduisant pour certaines leur surface de manière significative. Certaines se sont radicalement vu annulées.

Face à la puissance de la rue

La concurrence établie entre la dalle et la rue n’a eu qu’un gagnant si ce n’est qu’un seul participant. L’urbanisme de dalle, comme son nom l’indique, renvoie à cette fabrication de la ville sur sol artificiel. Mais pour porter ce nouveau niveau, les infrastructures en sous face faites de parkings et d’espaces techniques sont les seules à communiquer avec la rue traditionnelle. Par conviction, ces rues «corridor» sont les espaces les plus empruntés par les piétons et les automobilistes souhaitant traverser le quartier. Peu stimulantes en terme de qualités urbaines, les plans de reconquête des rues opérés depuis la fin du XXème siècle, visant à rejetter la voiture en périphérie, vont œuvrer sur les jupes de la dalle, au niveau 0. Cette forme d’aménagement urbain consistant à rendre les centres anciens piétons vise à rééquilibrer le partage modal de la rue. Il aura eu comme impact de renforcer les liaisons urbaines avec la rue traditionelle en délaissant la dalle. Le retour du tramway en centre ville comme outil politique de reconquête urbanistique et de réaménagement des espaces publics, est issu d’une volonté de favoriser les transports collectifs après une période de recul, marqué dans

22 Architecte et urbaniste nommé directeur de l’atelier municipal d’urbanisme de la ville de Lyon en

1961, porteur du projet de restructuration du centre de Lyon qui aboutira au quartier de la Part-Dieu.

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Fig 6 Dalle Mériadeck de Bordeaux. © A. Sanchis, octobre 2018.
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toutes les villes de province. L’implantation par exemple, à Bordeaux en 2003, de la ligne A au cœur du quartier sur dalle de Mériadeck a considérablement impacté les déplacements en rendant quasi unanime la non utilisation de la dalle. S’en suivent l’ouverture des accès aux immeubles institutionnels depuis le niveau zéro et, par conséquent, la fermeture des accès depuis la dalle, rendus insignifiants. Ainsi, la séparation des circulations déterminées à établir un retour au zoning horizontal ira péniblement à l’encontre de la densification recherchée par les géniteurs de l’urbanisme de dalle.

Le malheur des uns fait le bonheur des autres Désertée par certains, la surface de la dalle devient le terrain d’appropriation pour des pratiques alternatives. Les artistes et sportifs urbains deviennent d'autres utilisateurs et trouvent en ces lieux une zone de liberté d’expression car peu fréquentée et isolée de la « rue basse ». Leurs actions viennent ainsi mettre en place de nouveaux rapports à la dalle, ouvrant les possibilités à des utilisations autres que la circulation. Ici à la Part Dieu, à Lyon, le garde-corps d’un escalier condamné sert de rampe à un groupe de skateurs, là-bas à Mériadeck le bassin asséché de l’esplanade Charles De Gaulle invite aux performances artistiques. Bien souvent les formes et les matières si « seventies » deviennent de véritables espaces d’expression, leur conférant une ambiance quelque peu hors du temps.

[Fig. 7] Parce que la dalle est composée d’éléments géométriques parfois trop abstraits qui ne renseignent aucunement leur fonction, ils deviennent des structures destinées à la pratique du skateboard et du BMX. Le temps d’une soirée ils se transforment en lanceur, rampe ou tremplin.

[Fig. 8] Parce que la dalle est un espace perché à 6 ou 8 mètres du niveau de la rue, elle représente un espace sécurisé pour les jeux de ballon et ce, malgré les panneaux qui l’en interdisent. Les parents, sans scrupules, laissent leurs enfants se dépenser dans cet espace où un lampadaire fera office de panier de basket, où une jardinière de cage de football.

[Fig. 9] Parce que le revêtement fait de dalles sur plot est un élément peu perein, facilement friable est souvent manquant, Pierre Lebon s’imagine un paysage de la dalle creusé, décomposé, décaissé, démultiplié laissant libre cours à sa créativité.

C’est en parcourant ces espaces singuliers que l’on se rend compte de l’intêret de ces nouvelles pratiques sur le territoire de la dalle. Ces activités alternatives aux usages initiaux donnent à voir un tout autre paysage. Autour des œuvres d’arts urbaines implantées dans les années 1970 mais aujourd’hui peu considérées, les pratiques artistiques et sportives sur la dalle semblent avoir le vent en poupe.

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Fig. 7 (haut) Dalle Part-Dieu de Lyon. © A. Sanchis, novembre 2018. Fig. 8 (centre) Dalle Mériadeck de Bordeaux. © A. Sanchis, octobre 2018. Fig. 9 (bas) Dalle Part-Dieu de Lyon. © Pierre Lebon.
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Fig. 12 (bas gauche) Dalle Polygone de Montpellier. © A. Sanchis, Octobre 2018 Fig. 10 (haut gauche) Dalle Part-Dieu de Lyon. © A. Sanchis, Novembre 2018 Fig. 13 (bas droite) Dalle Mériadeck de Bordeaux. © A. Sanchis, Septembre 2018 Fig. 11 (haut droite) Dalle Front-de-Seine/Beaugrenelle de Paris. © A. Sanchis, Octobre 2018

diagnostiquer les pathologies

Au cours des années 1950, l’émergence du mouvement brutaliste qui se distingue par le caractère brut du béton ira de paire avec le développement de la dalle. L’architecture rigoureuse de ce mouvement en opposition au style beaux-arts exalte le vieillissement du béton comme esthétique nouvelle. Les réalisation sur dalle, par leur détachement de la rue traditionnelle, semblent suivre cette idéologie en vieillissant mal, loin du raffinement, proche de l’abandon. Face à cela les détracteurs de la dalle sont nombreux. Pouvoirs publics ou utilisateurs voient en ce modèle chaos et confusion. Ces espaces souffrent au quotidien d’une gestion difficile n’accentuant par leur attractivité.

Le vieillissement du système

À travers les décennies la lente dégradation des éléments qui constituent la dalle est monnaie courante. En effectuant un diagnostic des éléments «en danger» et en révelant les pathologies communes aux différentes réalisations, il devient possible d’engager une démarche de réparation. Dans son exécution le système présente en quasi totalité l’utilisation d’un dallage sur plot monté sur des parpaings. Ces plots en PVC ou blocs de béton permettent la gestion des eaux pluviales ainsi que le passage des réseaux. Aujourd’hui daté, il n’est plus d’usage de mettre en œuvre ce type de dispositif rustique, peu précis et difficile à entretenir. Les règlementations en vigueur imposent désormais aux dalles sur plot une distance maximum entre dallage et couche d’isolation (pour des questions de sécurité des usagers en cas de rupture de dalle). L’usure apporte un défaut d’étanchéité impactant les espaces en sous face. Ce dallage est amovible et facilement déplacable et cassable, il ne rend pas sécuritaire les déplacements en surface. Différents utilisateurs que j'ai pu interroger à Bordeaux ou à Lyon décrive nt un sol vestuste sur lequel il est dangereux de marcher (certains ayant même chuté à cause de l’absence de dallage). De plus, il s’agit d’une technique de revêtement qui ne permet pas de reprendre des charges conséquentes, ce qui limite les utilisations.

Dédale de la dalle

La combinaison des différents plans de la mégastructure composés d’un dédales de rampes, enmarchements, plateformes, etc. ne facilite pas la lecture du site. Pour le visiteur les directions sont multiples, le parcours plein d’embûches, il est souvent amener à traverser dans son érance, des espaces dont il n’a pas l’utilité (centre commercial, gare, ...) Le manque de repères s’amplifie avec la superficie de la dalle.

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L’appréhension de ce territoire n’est pas la même pour tous, chacun n’a pas la même aisance à le parcourir. Cela vaut plus particulèrement pour les personnes à mobilité réduite, celle-ci représentant une sixième de la population.

La problématique gestion au quotidien

La gestion de ces espaces pose actuellement de nombreux problèmes. La surface de la dalle appartient généralement au propriétaire qui en exploite la sous face (en tant que parking, espaces de stockage, bureaux, ...) et en a donc l'intendance. Il est donc difficile, notamment pour des raisons financières, de faire entendre à l’ensemble des copropriétaires - souvent rassemblés en associations syndicales - le besoin de réparation d’une telle structure. L’accès aux services d’entretien est rendu impossible car l’accessibilité est peu évidente. La structure initiale n’étant pas adaptée au passage d’engins, l’entretien de ces espaces publics coûte plus cher que sur le sol naturel. La dalle constitue ainsi une coupure cadastrale dans la ville et pose d’importants problèmes aux municipalités qui ne sont pas propriétaires des espaces.

Utilisation d’outils plus ou moins controversés. Outre l’aspect architectural ou programmatique, Nathalie Moutarde et Nathalie Coulaud nous rappellent23 la difficulté pour mettre en ordre les différents outils juridiques liés à la gestion de la dalle :

La copropriété : le statut de la copropriété a déjà été appliqué, mais il pose de nombreux problèmes. Il s’applique essentiellement à des ensembles homogènes. La copropriété prévoit que chaque copropriétaire est propriétaire d’un lot particulier et d’un lot indivis des parties communes. Lorsque la loi sur les copropriétés a été adoptée, le législateur n’a pas prévu de statut pour les millièmes indivis d’un lot appartenant à la puissance publique. Ils n’ont pas de nature juridique. En outre, la copropriété nécessite une connaissance définitive des immeubles.

Le bail à construction : cet outil permet au preneur d’édifier des constructions sur le terrain du bailleur, loué pour une durée déterminée contre un loyer. Il a été utilisé, mais pose des problèmes. Ils sont essentiellement dus au fait que les droits consentis par cette technique sont des droits temporaires, ce qui est assez mal compris et accepté par les promoteurs ou acquéreurs immobiliers.

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COULAUD, N, MOUTARDE, N, « Aménagement : L’urbanisme sur dalle à réinventer », Le Moniteur, 27 février 1998.

L’organisation en volume immobilier : c’est une solution inventée par les juristes. Elle combine le concept de volume immobilier avec celui d’un réseau de servitudes, nécessaire pour permettre la coexistence de l’ensemble des volumes immobiliers et avec la création d’associations syndicales libres pour gérer l’ensemble. Le volume immobilier permet d’être propriétaire d’un droit de superficie sur lequel peut exister un autre propriétaire (par exemple du tréfonds).

La rue corridor

Les épais socles de parking superposent des plateaux sans âmes dans lesquels s’accumulent de bruyants moteurs diesel. Donnons leur comme avantage de créer de saillantes perspectives dans la ville. Le Corbusier s'entêtait pourtant à «tuer la rue corridor», composée de rues étroites, avec peu lumière, cotoyées de bâtiments hauts.

Mais le cas d’école de l’urbanisme de dalle, dans ses généralités, s’est pourtant attaché à créer de part et d’autre de la voirie des murailles brutalistes. Mais la rue qui se voudrait vivre par ses balcons et ses passerelles ne parvient pas à trouver d’animation. Comme une salle de théâtre, l’architecture est bien là prête à vibrer, à résonner mais l’écho des spectateurs lui est absent.

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Fig. 14 Croquis d'interprétation de Le Corbusier.

le nouveau visage de la rue

Parce que dans sa réalisation et son utilisation le rapport de la dalle avec le niveau de la rue est indéniable, l’une ne va pas sans l’autre mais l’autre peut vivre sans l’une. Les nouvelles pratiques urbaines ont fortement impacté le statut et l’appropriation de la dalle.

Vers un partage de l’espace public : la rue multifonctionelle. La place de l’automobile dans la ville comme principal mode de déplacement, a profondément influencé ce type d’urbanisme jusqu'à en délaisser le véritable utilisateur de l’espace public : le piéton. Cette personne qui conduit est aussi celle qui marche dans la ville. En réponse à une politique du tout automobile, certains exemples (notamment aux États-Unis et en Europe Occidentale sous la forme de malls ou rues piétonnes) démontrent que la mise en place d’un secteur strictement piétonnier n’apportera pas les solutions durables à l’espace urbain. La stricte séparation des flux ne crée donc pas d’urbanité, elle ne fait que la fragiliser. L’urbanité24 est cette caractéristique propre à la ville. Son espace s’organise pour favoriser les intéractions : on parle alors de mixité sociale et fonctionnelle. Cette dernière notion va ainsi permettre d’enrichir le débat sur l’organisation de l’espace de la rue. La volonté de faire cohabiter les différents flux entre eux pour une juste répartition de l’espace public est un enjeu phare dans la réinvention de l’urbanisme sur dalle. L’exemple hollandais du woonerf, (apaisement des l’emprise de l’automobile dans les zones résidentielles) amorcé dans les années 1970, traduit un intéressant partage de l’espace de la rue. Sa fonction première de circulation des voitures s’entremêle aux espaces dédiés aux piétons créant ainsi un caractère multifonctionnel.

La reconquête des rues s’effectue notamment par un partage modal où chaque entité a sa place. Redonner vie aux rues autrefois consacrées à l’automobile nécessite un juste équilibre entre les différents modes de déplacement. Limiter la place qui est donnée à la voiture (les infrastructures qui leurs sont réservées occupent près de 40% des aires urbaines)25 permet de rééquilibrer l’occupation de la voie publique. Dans ce sens, la municipalité de Bordeaux développe dans son Plan Déplacement Urbain (PDU) le partage selon la règle du 50/50 : « Ne pas affecter plus de 50% du domaine public ou privé routier aux modes motorisés pour toute création de voie urbaine, hors contrainte particulière. Tendre vers cette règle dans le cas

24 LÉVY, J, Penser la ville : Un impératif sous toutes les latitudes. In: CEMOTI, n°24, 1997. Métropoles et métropolisation. pp. 25-38

25 Département du transport et des routes principales du Queensland, https://www.tmr.qld. gov.au.

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d’un aménagement de voierie urbaine existante avec un minimum d’affectation de 30% du domaine public routier pour les modes doux hors voie contrainte.»26 Appliquée aux quartiers sur dalle, la part grandissante d’espace consacré au piéton au niveau de la rue doit inciter l’aménagement sur le niveau artificiel de la dalle à se rattacher à cette logique de confort piéton. Rendre évident le cheminement ruedalle permettrait de renforcer attractivité de cette dernière en proposant un espace presque insolite aux utilisateurs.

Vers un partage de l’espace public : la rue végétalisée. Le manque d’intêret pour les réalisations sur dalle est entre autre dû à la qualité de ses espaces publics. Le sol naturel profite d’aménagements classiques dans les quartiers bourgeois, de tentatives alternatives dans les faubourgs "hipster" ou d’espaces contemporains dans les ZAC fraichement sorties de terre. Le confort en ville est lié à divers facteurs comme l’acoustique, l’éclairage, la sécurité, le mobilier urbain mais aussi la végétation. Cette dernière constraste avec un paysage minéral, apporte fraicheur par évapotranspiration en période estivale, contribue à limiter l’effet de serre par photosynthèse ou encore valorise l’usage des déplacements doux au quotidien. Ainsi la place de la végétation en ville est une question majeure du développement de la ville durable.

Parler de végétation c’est aussi parler de sol fertile, suffisament profond pour qu’un sujet se développe, plus ou moins abondant en eau pour irriguer ses racines. À six ou huit mètres au dessus de ce sol, l’ouvrage dalle ne peut le concurencer. La structure béton/acier limite le poids et donc la quantité de terre, l’évacuation de l’eau est trop souvent problématique, l’apport en minéraux restrinct, l’accès pour les engins d’entretien peu évident, tant d’obstacle au développement de la végétation.

26 Extrait du Guide de conception des espaces publics communautaires de la Communauté Urbaine de Bordeaux, A’urba, Janvier 2009

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02 .. Aux stratégies vers un renouveau

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l’optimisme du Barbican EstatePourquoi ça marche ?

Cela ne marche pas à tous les coups mais soudainement cela peut marcher, le cas londonien du quartier de Barbican Estate démontre bien que des jours meilleurs sont envisageables.

Au plus fort de la Seconde Guerre Mondiale, un raid aérien de la Luftwaffe rasa au sol un site de 35 acres, laissant ainsi un trou béant au cœur de la ville de Londres. En outre, l’application des théories du mouvement moderne, de l’esthétique brutaliste et du Rapport Bucchanan, les architectes ont cité Venise comme modèle pour les systèmes piétonniers du Barbican, le décrivant comme «le meilleur exemple de ville où la circulation des piétons et des services est complètement séparé. C’est une ségrégation qui a fonctionné pendant de nombreux siècles et il n’y a aucu inconvéniant pour que le principe ne soit pas appliqué de manière aussi efficace dans la ville de Londres».

La création d’un espace atypique par sa morphologie urbaine ne repousse pas mais intrigue et donne envie au piéton de s’y aventurer. Un lac et des jardins artificiels ont offert aux utilisateurs un espace extérieur commun généreux; rare dans une zone fortement construite de la ville, faisant de cet oasis un lieu peu ordinaire à la fois attractif et identitaire. En deçà des espaces publics, la mixité programmatique établie depuis la construction du complexe nourrie le site en usages et en pratiques. En faisant l’effort d’accèder à la dalle, on accède à l’un des plus grands centres culturels d’Europe. Sur le même sol artificiel s’articulent théâtres, salle de concert, librairies, cinémas, restaurants, commerces ainsi qu’une serre tropicale. Les espaces extérieurs abondants, propices à la déambulation et à la pause, offrent un espace agréable, isolé du reste de la ville. Au delà de la fonction, c’est également la forme et sa mise en œuvre qui a fait la destinée de Barbican. Le mélange entre histoire et modernité ne fait pas de ce morceau de la ville un artefact, il puise des éléments urbains et architecturaux dans une histoire symbolique, où les briques altérées des ruines d’un bastion du XIIIe siècle persistent et dialoguent avec le béton gris des structures monolithiques situées au-dessus.

Barbican représente aujourd’hui la conviction que l’urbanisme de dalle n’est pas condamné et peut être considéré comme un cas prospère dans la conservation et l’évolution du système de la dalle.

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> Fig. 15 © James Creedy, juillet 2012

Construction

Rejet

Destruction

Enjeux de requalification

Réhabilitation

Augmentation

Utilisation

Cycle de recyclage appliqué à la dalle

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Table rase Parcelle vide Fig. 16 © A. Sanchis.

les enjeux du recyclage

Économiser la matière en réutilisant un lieu est une philosophie de réaménagement de l’espace dans lequel nous vivons. La dalle c’est à la fois le dessus et le dessous, le bas et le haut, le ciel et la terre, l’endroit et l’envers. Cette megastructure brute de béton, certainement trop coûteuse à démolir, impose aujourd’hui de travailler avec. Il s’agit là d’un réemploi de la matière bien spécifique porté sur des enjeux paysagers, urbains et économiques.

Requalifier un espace public dont la qualité et l’usage initiaux se sont progressivement perdus. L’objectif est de trouver ou de rétablir un équilibre entre l’usage fonctionnel du lieu et son attractivité. La requalification passe par une réorganisation des circulations, un traitement des matériaux, la végétalisation, la mise en place de nouveaux mobiliers urbains...

De l’importance de réparer l’architecture du XXe siècle À l’image de la dalle, parce que les héritages urbains de la période moderne n’ont eu et n’auront certainement jamais d’équivalent dans la création architecturale et urbaine, naît la nécessité de comprendre leur richesse et leurs avantages à faire perdurer. Cette période de passage progressif de la campagne à la ville évoluant dans un contexte de changements sociaux, économiques, politiques et techniques, a fait émerger des théories et réalisations qui donnent aujourd’hui une réelle identité aux espaces concernés.

Le modernisme a su se diffuser dans le monde entier appliquant son écriture de brutaliste, facilement reconnaissable. En France, la promotion de ce patrimoine exeptionnel, défendu par des associations comme Docomomo (DOcumentation et la COnservation des édifices et sites du MOuvement MOderne) ou, reconnu depuis 1999 par le Ministère de la Culture sous le label Patrimoine du XXe siècle, permet d’éveiller la conscience à la reconnaissance de la valeur de cet héritage parfois mal considéré.

Lors du 3e Comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC), réuni autour du Premier ministre à l’ENSA Lyon en 2016, le Gouvernement a annoncé le lancement d’un programme de recherche en architecture dont l’objectif est de valoriser le patrimoine récent. Ce programme intitulé « Architecture du XXe siècle, matière à projet pour la ville durable du XXIe siècle » est porté conjointement par plusieurs ministères dont celui de la Culture et de l’Environnement.

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L’exercice du « re- »

> re-cycler, ré-utiliser, ré-habiliter, re-structurer, ré-affecter, ré-nover, ...

Il existe dans la pratique architecturale différentes manières d’intervenir sur un existant, sur un cadre bâti. Depuis des décennies la ville se construit par extension, apportant avec cela des problématiques liées aux mobilités urbaines. Le gaspillage du foncier par l’étalement urbain s’effectue comme une onde partant des centresville vers la périphérie. Les enjeux de développement durable, mis en exergue dans le rapport Brundtland publié par l’ONU en 1987, soulève notamment la question de la densité. Pour contrer cette artificialisation des terres, une gestion économe de l’espace, tout aussi facile et agréable à vivre, doit permettre de limiter l’extension et ce malgrè un pression foncière évidente. La densification va ainsi de paire avec la notion de forme urbaine, qui caractérise la relation entre des éléments (parcelle, immeuble, rue, îlot, place, ...) et le système selon lequel ils s’articulent. Ce phénomène consistant à faire vivre d’avantage de personnes sur un même territoire s’applique par un outil urbain basé sur le recyclage de ressources bâties et urbaines. La notion de renouvellement urbain, réponse littérale à l’étalement urbain, vise à réinvestir les tissus urbains vacants ou en friche généralement par démolition puis reconstruction

Parler de recyclage urbain revient à questionner les ressources bâties et foncières d’une ville, en traitant différentes problèmatiques permettant de rendre réversible une réalisation. Est réversible qui peut revenir en arrière, qui peut se produire en sens inverse ou, dans un second sens, se dit d’une étoffe, d’un vêtement qui peuvent être mis à l’envers comme à l’endroit27. Pour être qualifiée de durable, terme contemporain assez vaste dans sa désignation, une ville se doit, entre autre, de répondre à une batterie de critères comme la densité, la gestion entre mobilités douces et transports en commun, d’une modération du système automobile ou encore d’une part croissante de trames vertes. Cette notion, bien distante du paradigme moderne et comme décrit par Françoise Choay28 , présente un modèle de ville émergeant responsable qui ne se veut pas figé et étanche à une quelconque évolution. Cette ville réversible répond à une époque, à ses contraintes sociales et économiques en s’adaptant à la transition. C’est donc cette capacité de mutation à répondre à l’innovation ou la régénération qui va venir qualifier de durable un urbanisme ou une architecture. L’urbanisme de dalle impose cependant un recyclage spécifique.

Tout n’est en apparence pas négatif dans ce système, c’est pour cela qu' il est primordial de tirer parti du dispositif, en faisant un état des lieux mettant en avant ce qui est bon de garder et, par opposition, ce qui est nécessaire d’enlever. Un urbanisme de

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27 Définition
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du dictionnaire Larousse
CHOAY, F, Urbanisme, utopies et réalités. Une Anthologie, 1965

« recyclage » pourrait être la solution à un urbanisme d’ « extension » plus gourmand en foncier. La prise en compte d’un "déjà-la" comme amorce du projet permet de mettre en avant les forces et les pratiques en place afin de repenser et d’améliorer l’espace.

Démolition ou conservation, comment choisir ?

Il est important pour amorcer la conservation et la transformation d’un existant de s’appuyer sur différents facteurs. Comme nous le décrit François Bailly, il existe «dans bien des cas trois groupes de considérations conduisant à des conclusions divergentes où il faut alors privilégier un des facteurs et composer avec les autres»29. On pourrait alors appliquer aux réalisations sur dalle les préoccupations suivantes.

- La première concerne l’intérêt qualitatif en se questionnant d’une part sur sa valeur historique (est-elle classée, inscrite ou non ?), d'autre part sur son intêret architectural (témoin important et à quelle échelle de son appartenance à un mouvement ?) et enfin sa préoccupation sociale (la réalisation a-t’elle marqué la vie de leur ville ?).

- La seconde traite des considérations techniques en analysant plusieurs points comme la capacité structurelle à être réemployée, la récupération de matériaux de second œuvre, l’étanchéité à l’eau et/ou à l’air, l’adaptation possible aux règles de sécurité, accessibilité aux personnes à mobilité réduite ...

- La troisième interroge les considérations fonctionnelles des volumes et des espaces au travers des usages et des pratiques et savoir ci ceux-ci fonctionnent actuellement et dans un futur proche. La démarche de recyclage, plutôt que de reconstruction, demande donc d’établir un diagnostic précis. Dans le cadre de l’opération de réinvention de la Part-Dieu à Lyon, la Société Publique Locale a adopté une logique visant à interroger un existant. Dans le cadre d’une opération d’urbanisme négocié, le maître d’œuvre est ,dès le début, amené à repenser la matière qui s’offre à lui, prenant en compte ses avantages et inconvénients.

En somme je définirai la notion de recyclage appliqué à la dalle comme une double démarche. Chercher dans un premier temps à établir un diagnostic pour savoir ce qui est «augmentable» ou non, tout en conservant ce qui fait l’identité du site. Puis dans un seconde temps, tisser le la dalle avec son territoire pour ne plus faire de ces espaces des mégastructures isolées dans leur contexte urbain et pouvoir «digérer» ces corps étrangers.

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29BAILLY, F, Recycler aussi les bâtiments, Extrait de Reconstruire la ville sur la ville, éd. ADEF, 1999

comment tirer profit de la dalle ?

Putôt que de s’attarder à ressasser ce qui ne fonctionne pas, intéressons-nous aux éventuels avantages qu’offre l’ouvrage de la dalle. La sensibilité de notre regard d’architecte, urbaniste et/ou paysagiste doit nécessairement faire émerger les richesses ainsi que les situations particulières du système afin d’activer les possibilités. Architectes du patrimoine et des Bâtiments de France s'accordent aujourd'hui à mettre en avant ce patrimoine Moderne.

Démultiplication de l’espace

L’exploitation du potentiel vertical, du sol au ciel, semble aujourd’hui être une prérogative dans toute ville qui évolue et dont le territoire ne semble pas infini. Il est donc un enjeu technique concernant la dalle visant à augmenter et à tirer profit de son espace. La dalle est un sytème autonome, à l’image de la cité, et permet dans des cas de regagner l’espace «perdu» par les infrastructures de la ville, à savoir les faisceaux des voies de circulation, voies ferrées, ... qui ne cessent de se développer.

Un balcon dans la ville

Dans sa globalité, le système de la dalle met à l’abris des nuisances occasionnées par la circulation automobile rendant les déplacements plus agréables. Elle ne démontre pas d’obstacles en hauteur (en d’autres termes elle «touche le ciel»), permettant d'y développer multiples activités. Un habitant de la dalle des Olympiades à Paris décrit les espaces sur dalle comme « des lieux où les enfants peuvent jouer tranquillement, relativement protégés du bruit. Au pied de chaque tour, il s’est créé une sorte de vie de village où les gens se connaissent ». Située entre la rue et le logement ou le bureau, ce sol artificiel représente un seuil, sorte d’espace d’entre deux où les pratiques communes prennent place.

« La notion du seuil s’impose comme un élément important à contrôler pour gérer les zones partagées et celles réservées aux occupants, résidents ou travailleurs. »

Jérôme Lapierre, Les salons urbains.

Un territoire atypique

Les grandes théories qui ont fait naître la dalle ont permis de faire émerger des espaces aux qualités urbaines originales. Parce qu’il s’agit d’un sol artificiel isolé, les contraintes en terme d’aménagement diffèrent d’un urbanisme traditionnel. Ces espaces publics fantasques assez bien conçus deviennent ainsi le support de diverses transformations et réalisations, comme à La Defense avec l’évènement Forme Publique, biennale de création de mobilier urbain.

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> Fig. 17 Chantier de la dalle Front-de-Seine/Beaugrenelle. © Martin Argyroglo. 2011
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objectifs d’interventions

En se basant sur les potentialités offertes par la dalle, le recyclage de ces mégastructures de béton se manifeste au travers de différents types d’interventions: par des actions de réparation, de la plus banale à la plus originale. L’action de recycler, telle que définie précédemment, peut dans certains cas imposer des destructions partielles afin de rendre le système plus performant. Les cas suivant démontrent à leur manière comment, d’un point de vue de la mâitrise d’œuvre et/ou d’ouvrage il est possible de mieux intégrer dans des dimensions sociales, urbaines ou paysagères les quartiers sur dalle au reste de la ville.

Objectif 1 / Renforcer le confort en surface

S'il est une des raisons pour laquelle les utilisateurs boudent la dalle au quotidien, cela est indéniabement dû à l’athmosphère de désuétude et le manque d’aisance à fréquenter ces lieux. En intervenant sur la qualité des espaces tant dans une dimension fonctionnelle que formelle, les aménageurs doivent suggérer à l’utilisateur l’envie d’accéder au sol artificiel. Ainsi l’incitation à monter sur la dalle joue à la fois sur ce qu’il est donné à voir depuis le bas et ce qui rend attractif en haut (paysage, programme, ...). Ce travail de réparation plus que de création demande une nouvelle fois d’analyser les dynamiques exitantes pour les augmenter, les rendre plus vivantes. Pour qu’un individu lambda se rende sur la dalle, celle-ci doit susciter une intention de singularité, répondant ainsi à une question simple : «pourquoi j’irai là haut ?». L’enjeu pour les intervenants concerne donc l’attrait que dégage la dalle afin de parvenir à imposer au piéton d’emprunter un escalier, un rampe et à accéder à niveau 1.

Action 1 / Reprendre les revêtement obsolètes

D’après l’enquête de terrain menée à la Part-Dieu, l’état de dégradation des sols représente un véritable frein à l’utilisation de la dalle. Comme expliqué précédement, cette pathologie commune à de nombreuses réalisations est un paramètre incontournable à corriger afin de favoriser l’appropriation de ces espaces. La reprise des revêtements des sols représente l’élément le plus visible et sans doute le plus efficace lorsque l’on reste en surface. On retrouve cette intention dans la quasi totalité des dalles réhabilitées qui, dû aux difficultés de gestion, souffrent d’un héritage des dallages et ornements désuets. En réponse, il y a dans certains cas des opérations menées avec une approche plus sensible du site et de son contexte qui se démarquent des autres.

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Dans le cadre de l’opération de réhabilitation livrée en 2009 sur la dalle Tonkin de Villeurbanne (69), les architectes/urbanistes de l’agence Passagers des villes ont cherché à répondre à la question de "comment vit-on sur la dalle? ". À travers d’une concertation destinée à prendre en compte les usages et les pratiques, ces derniers ont travaillé sur les éléments sur lesquels ils avaient la main. Réparti en 4 «sous-dalles» à la taille et aux activités différentes, l’ensemble bénéficie d’une esthétique qui ne manque pas de caractère : « bordures béton à gros galets serpentant autour des plantations, motifs façon bulles sur les sols aux entrées des immeubles et dans les halls traversants, serrureries tubulaires des rampes d’escaliers, ... 30 » Considérée comme une véritable qualité, la conservation de l’héritage décoratif signe d’identité du lieu à été repris et/ ou complété à certains endroits. Par la reprise de l'asphalt ou des sols souples, les architectes se sont attachés à offrir une vision plus fluide et sécuritaire de l’espace tout en l’adaptant aux normes actuelles d’espace public. Ce travail au cas par cas plus que dans l’ensemble, alliant restauration et touche contemporaine, a su faire émerger les éléments autrefois oubliés comme les édicules d’extracteurs d’air en béton aux formes particulières tout juste repeints.

Action 2 / Faire de la dalle un lieu de pause et d’activités.

Les théories et fondements de ce type d’urbanisme ayant véhiculé (au sens second du terme) un usage de transit - au comportement intraverti - pour relier un point A et B, s’est difficilement vu approprié si ce n’est que pour des pratiques alternatives. Maîtres d’œuvres et maîtres d’ouvrage s’entendent à ce propos : il est nécessaire aujourd’hui d’envisager les dalles comme un espace public à part entière où la vie collective s’épanouie grâce à un support approprié.

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Fig. 18 Dalle Tonkin. © Passagers des villes. 20 «Rénovation Urbaine - Des quartiers sur dalle mieux intégrés à la ville», Le Moniteur N°5533, 11 décembre 2009.

Lors du lancement en Novembre 2012 de la concertation citoyenne du projet «Grand Centre» porté entre autre sur la requalification de la dalle CergyPréfecture (95), nombre de cergypontains évoquaient le souhait d’aménager le lieu en un «espace pour prendre son temps, se promener, flâner, s’arrêter».30 Après 9 années de concertation, l’opération de réhabilitation des espaces publics et de recyclage de la dalle, confiée à l’agence Richez Associés en 2018, ouvre la voie aux pratiques nouvelles. De la grande à la petite échelle, la surface de la mégastructure tire profit d’un espace entierement piéton en intégrant des séquences vertes ponctuées par des lieux de pause et aires de jeux. L’importance de générer un mouvement d’arrêt sur la dalle remet en question son statut d’espace de passage pour un espace d’usages.

Action 3 / Intégrer les dynamiques de végétalisation.

«Green is the color». La place relativement limitée de la végétation parmi les espaces artificialisés dans le milieu urbain est de nos jours au cœur des enjeux d’amélioration du cadre de vie des habitants afin de leur offir un environnement sain, confortable et durable. Avec ou sans support pré-existant, verdir les espaces sur dalle agit sur la qualité d’un site mais demande cependant, des aménagements particuliers. Le travail dans l’épaisseur de la structure peut permettre de planter en pleine terre, la plastique du béton vient créer du relief et des jardinières, les toituress visibles deviennent plantées..

La mutation en 2011 du parking aérien de la dalle Paul Grimault situé à Annecy (74) en esplanade végétale a d’une part permis l’ouverture de l’espace public sur la rue et d’autre part de faire émerger des pratiques nouvelles dans

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Fig. 19 Vue projetée de la dalle de Cergy-Pontoise. © Richez et Associés. 30 Plaquette «Grand Centre : le projet - ACTE 3», communauté d’agglomération de Cergy- Pontoise, Agence François Leclercq, base, D. blondin, A. Devouard, P. Lhomel, L. Pagès, 2013. figure 20 © Guilhem Vellut Métamorphose complète de l’esplanade Paul Grimault d’Annecy, chasser les automobiles pour offrir plus d’espaces verts au quartier. ©

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