LE dIALOGUE CITAdIn / AGRICULTEUR dAnS LA
COnSTRUCTIOn d’Un TERRITOIRE MéTROpOLITAIn. Le cas d’Angers. par Mathilde SPRIET
Xavier GUILLOT
Aurélie COUTURE
Delphine WILLIS
Julie AMBAL
«Repenser la métropolisation»
EnSAp Bordeaux, Février 2019
LE dIALOGUE CITAdIn / AGRICULTEUR dAnS LA
COnSTRUCTIOn d’Un TERRITOIRE MéTROpOLITAIn. Le cas d’Angers. par Mathilde SPRIET
Xavier GUILLOT
Aurélie COUTURE
Delphine WILLIS
Julie AMBAL
«Repenser la métropolisation»
EnSAp Bordeaux, Février 2019
Tout d’abord je tiens à remercier mes professeurs de séminaire pour leur implication et leur conseil tout au long de ce mémoire. Plus particulièrement je remercie Aurélie Couture et Xavier Guillot qui m’ont suivi de près ce semestre.
Un grand merci à David Gélineau, Denis Laizé, Élodie Taillandier, Aurélie Dumont, Sonia Palau Pla et Bertille Thareau pour avoir répondu à mes questions, m’avoir transmis vos connaissances sur le territoire angevin et sur la réalité du métier d’agriculteur périurbain. Sans les entretiens que vous m’avez accordé, ce mémoire aurait été radicalement différent.
Enfin je tiens à remercier mon père, Zoé et Pablo pour m’avoir soutenu pendant tout le processus de réflexion et d’écriture, ainsi que pour tout ce travail de relecture.
La Révolution Industrielle a provoqué l’évolution des techniques ce qui a permis d’ouvrir une nouvelle offre d’emploi peu ou pas qualifié en ville. Ces emplois potentiels ont attiré toute une population en ville ayant l’espoir d’élever son niveau de vie. L’attraction fût tellement forte qu’on a pu observer au fil du XXe siècle un exode rural et une explosion démographique des villes. Ce phénomène a eu plusieurs effets notamment au niveau de l’agriculture.
Une grande partie de la population est partie du monde rural où la principale source de revenu provient de l’agriculture. Elle vient s’installer en ville où il n’y pas assez d’espace pour accueillir tout cette population. Les villes s’étendent donc pour accueillir à la fois l’industrie qui se développe et la population qui vient y travailler. La ville s’étale donc sur ces terres les plus proches : la ceinture maraîchère traditionnellement en bordure de ville.
Ce phénomène vient bouleverser des dynamiques de relation entre la campagne et ville jusqu’à présent inscrites dans le territoire.
Prenons tout d’abord l’exemple de la ceinture maraîchère. Schématiquement, jusqu’à la fin du XIXe siècle on trouvait une ceinture maraîchère qui faisait un espace de transition entre le citadin et le paysan. Selon Roland Vidal1 , cette ceinture maraîchère était comme « une zone intermédiaire » qui « remplissait un rôle à la fois spatiale et sociale » entre la ville et la campagne.
Toujours selon R. Vidal, le maraîcher cultivait la terre comme les paysans dans les campagnes éloignées. Il vivait aussi au contact des citadins, dû à sa proximité de la ville, mais aussi au fait de vendre sa production en ville. Sa manière de travailler en coopération avec d’autres maraîchers le rapproche de l’« organisation corporative » qu’on retrouve chez les ouvriers en ville. Ces parcelles maraîchères ont une échelle urbaine (ce sont des parcelles de petites tailles) et une proximité directe avec la ville. La typologie de ces parcelles étant adaptées au développement de la ville ce furent donc les premières urbanisées lors de l’expansion des villes. On observe rapidement un changement de statut de cette ceinture maraîchère du XIXe siècle qui est passée de productrice au service de sa ville à une réserve foncière très vite urbanisée.
Les maraîchers perdant leur outil de travail avec l’expansion urbaine, ils se sont relocalisés à l’extérieur de la ville, et pas forcément sur ses nouvelles limites car la terre n’était pas toujours propice à ce type de culture. La ceinture maraîchère a donc peu à peu disparu et avec elle l’interface qui donnait aux citadins un lien avec l’agriculture. L’exode rural a aussi fait que peu à peu au fil du siècle dernier une grande majorité de la population a délaissé l’agriculture. Cela a entrainé une diminution considérable du nombre d’exploitants agricoles en périphérie des villes mais aussi en milieu rural. Cela a participé à une deuxième vague plus lente de déconnexion avec le monde agricole et le mode de vie rural.
Avec la disparition de la ceinture maraichère on voit aussi la structure de la relation ville / campagne évoluer en rendant floue la notion de transition entre la ville et la campagne. Les campagnes se vidant, son image et ses fonctions évoluent.
1 VIDAL Roland, « Entre ville et agriculture, une proximité à reconstruire », Métropolitiques, 18 avril 2011
Traditionnellement, la campagne est agricole et offre un mode de vie rural, c’est à dire à l’extérieur d’une aire d’influence urbaine. Seulement, depuis la Révolution Industrielle, la campagne a d’abord vécu un exode rural, questionnant l’usage de ses terres. Parallèlement, l’aire d’influence des villes a tellement augmenté qu’elles viennent parfois créer une continuité entre deux pôles importants.
De plus, la ville industrielle réduisant leur qualité de vie, les citadins ont commencé à idéaliser la campagne, avec cette vision romantique datant de la Renaissance, de la campagne comme réservoir de nature, où la population vit en communauté.
La campagne serait donc un espace pour se ressourcer.
La campagne est alors définie par son paysage qui se veut naturel et devient un espace de loisir pour les citadins. L’aspect paysager de la campagne est renforcé plus tard par la préservation des modes de culture du terroir qui forment un paysage propre au territoire, par exemple, les vignes en Gironde, qui font la réputation de la région bordelaise. C’est « l’évolution du rôle de l’agriculture dans son rapport au territoire » (M. Banzo, 2009), l’enjeu devient plus de préserver le paysage que de nourrir.
Cet aspect de l’image de la campagne est en lien avec le développement des espaces de loisir et autres lieux récréatifs que nécessitent les citadins pour leur permettre d’échapper à la ville durant leur temps libre.
L’image attractive de la campagne incite aussi les citadins à vouloir se rapprocher de la campagne pour profiter de ses avantages. S’éloigner du centre, c’est bénéficier d’une meilleure qualité de vie. L’air y est plus frais et les températures sont moins élevées lors des canicules que dans les centres, souvent lieux où se forment des îlots de chaleurs. Les habitants périurbains ont pour principal objectif d’avoir un jardin, un espace de nature privé, de garder le confort apporté par la ville, tout en s’émancipant de la nature. En somme, c’est une volonté de ville à la campagne ou d’habitat en limite de ville-campagne. Il donne l’avantage à l’habitant d’avoir plus d’espace, le foncier étant moins cher en s’éloignant du centre.
L’inconvénient de cette dynamique c’est qu’elle participe largement à l’étalement urbain qui se propage en général sur le foncier agricole. Cette volonté des citadins de devenir propriétaire d’un pavillon avec jardin accompagne le besoin d’origine de la ville de s’agrandir face à l’explosion démographique. L’étalement urbain se développe donc de manière plus diffuse autour des villes. Ce phénomène fait lui aussi évoluer la structure de la relation ville / campagne en rendant les limites de la ville peu identifiable et en perpétuelle évolution.
Le problème majeur de l’étalement urbain c’est qu’il participe activement à la détérioration environnementale actuelle. Ce processus d’urbanisation diffuse, en plus d’augmenter les distances de trajets, et donc d’augmenter l’utilisation de la voiture, imperméabilise les sols et fait reculer ou atrophie les espaces naturels et agricoles. Ces terres sont pourtant essentielles afin de préserver la biodiversité présente, voire de la régénérer. À l’heure où l’on prend conscience qu’il faut penser les métropoles de manière résiliente, il est important de préserver ces terres qui ont un fort potentiel biologique et productif en termes d’alimentation.
Une autre problématique liée à l’environnement est la manière de cultiver et de distribuer les productions agricoles. Avec l’industrialisation, la main d’œuvre a quitté le monde rural et les machines ont permis de la remplacer. Après la Seconde Guerre Mondiale, les autorités ont demandé de produire plus pour pouvoir nourrir tout le monde
avec un nombre d’agriculteurs décroissant. C’est à ce moment que l’intensification de l’agriculture a explosé. Seulement, en caricaturant, cette intensification a poussé les agriculteurs à traiter leurs terres, à développer de la monoculture sur de grandes surfaces où il n’y a pas d’obstacles (par exemple les haies) pour ne pas contraindre le passage des engins agricoles. Cela entraine la pollution des sols d’une part et une perte de la biodiversité sur ces terres. Ensuite dans sa distribution, la production entre en grande majorité dans des filières longues à niveau national voir international. Son déplacement sur de grande distance participe à la production de gaz à effet de serre et ne valorise pas le travail de l’agriculteur à l’échelle locale.
Aujourd’hui plus de 50% de la population mondiale vit en ville. Sur la planète 55% des terres sont contrôlées, seulement 10% de ces terres sont urbaines. On observe que 75% des énergies consommées le sont par les villes et qu’elles produisent 80% des gaz à effet de serre. On remarque aussi que pour des raisons hygiénistes et d’acquisitions foncières, la nature a fortement reculé dans la ville, devenant des évènements urbains. L’espace de la ville est donc le lieu où il faut intervenir pour faire face à la catastrophe écologique actuelle.
Selon Eloi Laurent2 , la définition du territoire est le produit de son espace et du pouvoir appliqué au lieu. On conclut donc que le territoire, ici, la ville et sa zone d’influence, est une échelle pertinente pour enclencher des actions d’amélioration de l’environnement de nos villes et donner un tournant positif face aux événements environnementaux effrayant.
Ses enjeux pour une transition social-écologique sont :
- le «bien-être territorial», par le levier de la participation citoyenne aux projets ;
- la «résilience sociale» qui est la capacité des sociétés humaines à supporter collectivement les chocs écologiques ;
- la «résilience territoriale» un « territoire soutenable » afin de perdurer.
Une « écologisation » du territoire est donc nécessaire ainsi qu’une « diversité institutionnelle » afin du pouvoir mettre des plans d’actions cohérents sur le territoire. Il faut donc selon lui intégrer ces concepts afin de proposer des politiques publiques pertinentes pour accomplir ses objectifs de ville résiliente.
Une majorité de grandes métropoles se sont emparées du développement de ville résiliente, comme étant l’enjeu des villes de demain. La notion de ville résiliente touche les thématiques de l’environnement mais également de l’alimentation, de l’économie, de l’attractivité et de la cohésion sociale. L’agriculture, qui a sa place dans toutes ces thématiques, est un volet important de la ville résiliente.
Elle prend sa place dans la thématique environnement car les agriculteurs cultivent le territoire et leur manière de faire a un impact conséquent sur les sols mais aussi sur l’air et l’eau. Ils ont aussi un impact sur les écosystèmes du territoire et la biodiversité : selon leur mode d’exploitation ils peuvent participer à la sauvegarde de certaines espèces comme nous le verrons plus tard dans ce mémoire. L’agriculture est d’ailleurs au milieu de plusieurs controverses amenant une partie de la population citadine à voir les agriculteurs comme des « pollueurs ». En particulier, vis à vis de l’utilisation excessive d’eau pour l’irrigation, de la pollution diffuse des sols ainsi que de la pollution atmosphérique, sa contribution au réchauffement climatique et à l’atteinte
aux paysages traditionnels et à la biodiversité3 Cependant l’agriculture est aussi un levier pour rendre des services écologiques à la population. Comme les forêts, les terres agricoles absorbent du CO2. Leur exploitation permet leur gestion. Par exemple pour Bordeaux Métropole cet entretien représente une économie pour les collectivités, environ 15 millions d’euros par an pour la collectivité, ont estimé l’Agence TER4 . Sans oublier le service des cultures envers la biodiversité, par exemple le potentiel polinisateur pour les abeilles, des cultures horticoles.
De plus, depuis décembre 2012, un plan d’agro-écologie5 a été mis en place au niveau national. Il vise à « verdir » la politique agricole française, en favorisant la formation des agriculteurs, la mise en place de l’agriculture biologique, en limitant l’arrachement de haie et en replantant sur les cultures intensives. Tout est question d’équilibre entre performance économique et performance écologique.
Agriculture et alimentation sont étroitement liées car c’est une évidence de souligner le rôle essentiel de l’agriculture dans l’alimentation.
L’alimentation fait tourner l’économie et participe à l’attractivité d’une ville notamment en terme de terroir. En effet le secteur primaire qu’est l’agriculture sert le secteur secondaire lié à l’alimentation. Il peut donc stimuler l’activité et l’emploi de deux secteurs. L’agriculture joue un rôle dans l’attractivité d’une ville car elle peut véhiculer l’image de « ville verte » chère aux collectivités territoriales. Par exemple à Bordeaux au moment symbolique où la ville est passée de communauté urbaine à métropole, Alain Juppé maire influent de la commune de Bordeaux, a fait passer un message clair : « Dès le 1er janvier 2015, la Communauté urbaine de Bordeaux deviendra Bordeaux Métropole.[…] L’ambition pour nous tous est double : se hisser au rang des grandes métropoles européennes tout en préservant notre qualité de vie. […] Ce bien vivre est un atout majeur. Il provient notamment d’une forte présence de la nature en ville (50% de notre territoire) et d’une grande variété du patrimoine naturel : marais, forêts, terres agricoles, jardins potagers… La nature productive, avec une agriculture périurbaine dynamique et soutenue par notre Établissement public, est une des éléments constitutifs de notre qualité de vie. Dans le cadre de son soutien à une consommation responsable, la CUB a édité une carte des circuits courts qui recense une bonne partie des moyens de s’alimenter autrement » 6
Enfin l’agriculture prend part aux problématiques de cohésion sociale de la ville car l’agriculteur a toujours une place sociale importante sur le territoire car c’est en effet l’une des professions les plus ancrées dans son territoire. La relation entre les agriculteurs et le reste de la population est d’autant plus importante aujourd’hui que l’on constate une perte du lien avec l’agriculture mais aussi avec la perte de signification du mode de vie rural.
« L’agriculture est dépendante de la terre qu’elle exploite. »7
3 Ministère de l’Agriculture de l’Agroalimentaire et de la Forêt et CGAAER, « Les agriculteurs portent atteinte à l’environnement », Controverse documenté à propos de quelques idées reçues sur l’agriculture, l’alimentation et la forêt, avril 2014.
4 Equipe Agence TER, Stratégie Métropolitaine. Vers une métropole capitale verte européenne, 55 000 Hectares pour la Nature, Bordeaux, 2016 p 84
5 Ministère de l’Agriculture de l’Agroalimentaire et de la Forêt et CGAAER, « Les agriculteurs portent atteinte à l’environnement », Controverse documenté à propos de quelques idées reçues sur l’agriculture, l’alimentation et la forêt, avril 2014, p 15.
6 Édito de Alain Juppé dans le Journal d’information de la Communauté urbaine de Bordeaux, n° 29, quatrième trimestre 2014, p 3.
7 Citation tirée de l’entretien avec Bertille Thareau chercheure à l’ESA à Angers.
Dans ce mémoire je développerai la notion d’agriculture périurbaine plutôt que rurale ou urbaine parce que c’est une forme d’agriculture spécifique à son territoire, ici le périurbain qui est un territoire fort de beaucoup d’enjeux liés à l’avenir des villes. La ville périurbaine ou la « ville émergente »8 est en effet au cœur de nombreux questionnements et de recherches déjà approfondi depuis plusieurs décennies. Ce territoire questionne aussi la relation de la ville avec la campagne. On peut l’identifier comme un espace de transition entre ces deux « monde ».
Comment peut-on définir l’agriculture périurbaine ?
De manière géographique comme le fait Bertille Thareau : c’est « l’agriculture qui s’exerce dans l’aire urbaine ». L’influence de l’aire urbaine se ressent au niveau du foncier et notamment de la spéculation foncière ainsi que de l’impact possible de projet d’aménagement lié au développement de la ville. Elle s’identifie aussi au niveau de l’accès à de nombreux services proposés dans la ville au niveau personnel pour l’agriculture et mais aussi professionnel en terme d’infrastructures ou d’opportunités de marché. L’aire d’influence peut aussi se mesurer grâce aux documents d’urbanisme, des outils que disposent les collectivités tels que le SCoT ou le PLUi9 Ces documents permettent de déterminer des périmètres où les collectivités développent leurs politiques de développement territorial.
« La périurbanisation […] concerne 44% des exploitations agricoles en France (AGRESTE, 2002) »10 .
Étudier l’agriculture périurbaine, c’est étudier l’impact de la proximité de la ville sur l’agriculture. Cette proximité se ressent de manière différente selon le territoire et le type de culture et d’exploitation. Selon Pierre Donadieu11 , cette proximité permet de développer une diversification des activités des agriculteurs. Notamment en générant un revenu complémentaire ayant un aspect plus commercial ou d’animation, par la vente directe ou des activités pédagogiques liées à l’agriculture.
Lors de mon entretien avec Bertille Thareau, chercheure en sociologie et agronomie à l’ESA à Angers, elle a distingué quatre différents types d’agriculture périurbaine selon son expérience du territoire angevin.
La première différenciation est faite au niveau du « lien fonctionnel avec la ville ». Lorsque le lien est fort : « on a des agricultures qui s’exercent sur de petites surfaces et qui sont très intensives en termes de capitaux et de main d’œuvre, en particulier le maraîchage et l’horticulture et qui ont besoin d’une très forte proximité pour des raisons logistiques. Ils doivent faire partir leurs produits deux fois par jour en général. Ils ont besoin de proximité à la ville pour des raisons de main d’œuvre » Mais il y a aussi : « d’autres types d’agriculture qui vont plus valoriser le marché urbain avec des diversifications du type vente directe. Maintenant on voit aussi des agriculteurs qui développent des conférences des accueils. C’est varié, mais en résumé ils développent leur projet en lien avec le consommateur urbain, eux peuvent avoir des productions assez diversifiées »12. Lorsque le lien fonctionnel peut paraître plus faible, le type de culture ressemble à la dominante régionale, il peut paraître plus classique. La présence de la ville se fait
8 CHARMES Éric, LEGER Jean-Michel, Retour sur « La Ville émergente », Flux 2009/1, p. 80-98.
9 SCoT : Schéma de Cohérence Territoriale
PLUi : Plan Local d’Urbanisme intercommunal
10 GERMAIN Pascal et al., « la re-territorialisation du développement agricole : le cas de l’agriculture périurbaine d’Angers », Revue d’Économie & Urbaine, 2006/3, p. 375
11 DONADIEU Pierre, Campagnes urbaines, Éditions Actes Sud – École Nationale Supérieure du Paysage de Versailles, Le Méjan, 1998, pp 159-162
12 Citation tirée de l’entretien avec Bertille Thareau chercheure à l’ESA à Angers.
tout de même sentir car les exploitations « se développent avec un risque foncier fort […] Cela amène ces agriculteurs à avoir des stratégies préventives d’agrandissement. Ces exploitations sont un peu plus grandes dans les couronnes périurbaines qu’ailleurs. »
Toujours en lien avec le foncier, il y a un troisième type d’agriculture qui touche à la valeur du patrimoine immobilier ainsi qu’à l’évolution des structures d’exploitations agricoles. « En fin de carrière ces agriculteurs vont rester habiter dans leur maison parce qu’elle a une valeur d’usage très importante puisqu’elle est près d’une ville. On a donc une agriculture plus résidentielle qui se met en place. Donc en fin de carrière ils vont vendre les terres qui vont agrandir les voisins et garder la maison. Là on a une espèce de processus qui maintient un agrandissement de ces fermes en couronne périurbaine »
Enfin, elle décrit un dernier type d’agriculture : « l’agriculture de loisir, qui est assez présent aussi »13, cette agriculture est plus une agriculture d’amateur que l’on retrouve dans les jardins collectifs, les parcs etc… ou l’agriculture liée aux loisirs des citadins tels que les centres équestres. C’est un type d’agriculture que l’on retrouve aussi en agriculture urbaine.
Dans ce mémoire, je propose d’utiliser cette dernière grille d’analyse pour étudier l’agriculture périurbaine du territoire angevin car ces recherches sont plus récentes et ont été établies au cours de terrains sur ce même territoire angevin.
La proximité de la ville pour l’agriculture soulève plusieurs problématiques. L’une d’elle est la gestion du foncier agricole, par rapport à l’étalement urbain de la ville en lien avec l’expansion démographique mais aussi par rapport au développement de nouvelles infrastructures et aux projets de développement urbain. Le développement de ces projets d’aménagement questionne aussi la gouvernance et les politiques autour de ces projets ainsi que la concertation des agriculteurs.
Cette proximité induit la proximité de citadins, qui, comme nous l’avons vu précédemment peuvent avoir perdu leur lien avec le monde agricole. Il y a donc un enjeu autour de la relation qu’a l’agriculteur avec ses voisins, et la place sociale qu’il prend au sein de son territoire. La gestion de l’environnement est aussi un volet important de l’agriculture périurbaine car la proximité avec les citadins fait que cette agriculture est la vitrine du monde agricole. Nous verrons aussi que la communication prend une place importante sur ces territoires.
Enfin cela nous amène à la question de l’évolution du métier d’agriculteur, à la fois dans ses manières de produire : en conventionnel ou en bio ; mais aussi avec le phénomène de diversification de ses activités. Ces diversifications sont liées aux opportunités formées par le marché de consommateur du bassin de vie que représente la ville. Elles font évoluer le métier moins dans la production que dans les manières de commercialiser et communiquer.
Ces évolutions amènent à s’interroger sur la place de l’agriculture périurbaine pour répondre aux problématiques de la ville de demain et notamment à la volonté de développer des villes résilientes.
En quoi l’agriculture périurbaine peut être un levier dans l’évolution des villes et comment cela se traduit-il ?
Comme nous avons pu voir les problématiques de la ville de demain sont liées au développement d’une forme de résilience qui pousse à revoir son propre mode d’évolution. L’idée n’est plus forcément de viser une croissance infinie à la fois économique et démographique. Les politiques peuvent se tourner sur une évolution vers le mieux-vivre.
Ce mieux-vivre répond à des attentes liées à la qualité de l’environnement (qui passe par sa préservation), à la qualité de l’alimentation et à l’accès à l’emploi et au logement. Cela tient également à une cohésion sociale.
L’une de mes hypothèses vis à vis du développement du mieux-vivre c’est qu’il est possible d’apporter plus de qualité dans le fonctionnement d’une ville en reterritorialisant son économie. L’environnement offert par une ville serait déterminé par les stratégies d’aménagement pensées par les collectivités. Enfin le lien social se formerait autour de grands questionnements et revendications communs. En cela l’agriculture périurbaine me parait être un levier pour répondre à différentes attentes de ce mieux-vivre. Comme nous l’avons elle touche différents sujets qui vont au-delà de la fonction première de l’agriculture de produire des denrées alimentaires, elle prend sa place autour des sujets de stratégie d’aménagement, et de préservation de l’environnement. Avec de nouvelle stratégie alimentaire, l’émergence d’une économie circulaire parait possible.
La situation particulière de l’agriculture périurbaine vient même interroger un rôle de transition à la fois du point de vue fonctionnelle et paysagère mais aussi social entre la ville et la campagne. L’agriculteur périurbain pourrait-il remplacer l’agriculteur des ceintures maraîchères du XIXe siècle ? Ce lien qu’ont les agriculteurs avec leurs voisins et les citadins me parait avoir le potentiel être un moteur d’évolution du métier d’agriculteur sur ces territoires.
Pour vérifier ces hypothèses, j’ai décidé d’étudier la communauté urbaine d’Angers. À première vue, il y a toujours beaucoup d’agriculture en première et deuxième couronne de la ville d’Angers et notamment une grande diversité de cultures. On retrouve aussi un développement de l’agriculture biologique ainsi que de circuits courts. Il paraît donc intéressant d’analyser les leviers d’une telle présence de l’agriculture sur ce territoire.
Angers Loire Métropole est similaire à Bordeaux dans sa volonté de maintenir sa qualité de vie reconnue, tout en se développant en tant que métropole compétitive. Cette volonté se retranscrit dans les objectifs de son SCoT :
- Donner une nouvelle ambition au territoire angevin (attractivité et rayonnement) ;
- Organiser un développement solidaire dans un territoire multipolaire (déplacement et développement) ;
- Préserver et valoriser les richesses naturelles, patrimoniales et paysagères (identité et diversité des paysages).14
Cependant contrairement à Bordeaux, la métropole a un engagement plus prononcé auprès de l’agriculture : elle en fait l’un de ses leviers pour se développer. On retrouve notamment sur le territoire angevin, le pôle Vegepolys qui a un rayonnement mondial en terme d’innovation végétale. On retrouve aussi sur Angers un pôle de formation et de recherche sur l’agriculture important qui est attractif au niveau régional et national.
Dans une volonté d’une politique en adéquation avec le développement de l’agriculture en territoire périurbain, l’agglomération angevine a notamment signé la charte de Terres en villes en 2003. C’est une association qui a pour but d’étudier des alternatives à l’urbanisation que l’on a vu se développer sur nos territoires depuis plusieurs décennies. Elle accompagne ses territoires partenaires à « rechercher des aménagements et développement durable équilibré, qui intègre la mise en place de politiques agricoles et forestières périurbaines »15 . Angers a participé aux expériences sur deux volets développés par l’association : la « co-construction des politiques agricoles périurbaines » et l’ « économie agricole et gouvernance alimentaire des agglomérations ». Angers Loire Métropole s’est d’ailleurs portée volontaire pour participer à une évaluation croisée avec Amiens de sa politique agricole en 2013.
La démarche que j’ai eu pour réaliser ce mémoire a consisté à cibler dans un premier temps un sujet particulier autour de la relation ville et campagne. Au fil de mes recherches sur l’agriculture périurbaine je me suis intéressée à la communauté d’agglomération d’Angers. J’ai commencé par rassembler des éléments factuels autour de l’agriculture périurbaine d’Angers puis je suis allée sur place rencontrer les acteurs du territoire. J’ai pu m’entretenir avec trois agriculteurs situés en première et deuxième couronne autour d’Angers, la responsable du projet agricole d’Angers Loire Métropole, la responsable du pôle Angers Loire Confluence de la Chambre d’Agriculture et une chercheure à l’École Supérieure d’Agriculture. Ce sont des entretiens semi-directifs qui ont été enregistrés puis retranscrits, deux d’entre eux ce sont déroulés par téléphone. Mes questions ont tourné autour de quatre grandes thématiques :
- L’impact de l’urbain sur le monde agricole sur le plan foncier ;
- La co-construction des politiques de développement de la ville ;
- L’évolution des pratiques agricoles en lien avec son contexte urbain ;
- L’évolution de l’image de l’agriculteur et de l’agriculture auprès des urbains.
Ces rencontres m’ont permis d’avoir une vision plus concrète et approfondie sur les problématiques de l’agriculture périurbaine du territoire angevin.
Dans une première partie, je développerai le cas d’Angers et ses spécificités liées à son territoire. Je souhaite présenter les formes d’agriculture présentes sur le territoire angevin, suivant la définition et la grille d’analyse que j’ai développé précédemment. J’enchainerai ensuite sur la présentation des différents acteurs du territoire liés à l’agriculture périurbaine. Enfin, j’exposerai les différents leviers de développement de l’agriculture périurbaine.
Dans une deuxième partie, je m’intéresserai aux modes de gouvernances présentes sur le territoire. Je m’attarderai sur la relation qu’ont les différents acteurs entre eux ainsi que sur la genèse de cette relation. J’évoquerai pour finir comment les agriculteurs sont intégrés dans l’élaboration des projets de développement de la ville et les problématiques liées à leur représentation.
Dans une troisième partie, je me focaliserai sur la relation des agriculteurs avec les citadins. En quoi le voisinage de ces « deux mondes » pousse à une adaptation de chaque partie et en quoi la compréhension mutuelle est importante. Ces problématiques mènent à développer des espaces de médiations entre le monde de l’agriculture et le monde des urbains. Nous verrons donc comment la ville et l’agriculture peuvent se rendre mutuellement des services notamment autour de l’alimentation.
15 Présentation de l’association sur le site : http://terresenvilles.org/lassociation/presentation/
Dans ce mémoire je souhaite étudier plus spécifiquement la communauté urbaine Angers Loire Métropole. Il me paraît intéressant de me limiter à l’étude de la communauté urbaine pour y étudier l’agriculture périurbaine car c’est le territoire où l’on ressent le plus la proximité de la ville d’Angers. La Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire qui s’est aussi restructurée en le 1er janvier 2018, consacre l’une de ses 20 unités territoriales au secteur Angers Confluence qui prend place sur la communauté urbaine d’Angers. C’est donc le périmètre d’action des acteurs publics en terme de développement économique et d’aménagement.
Jusqu’au 1er janvier 2018 le périmètre d’Angers Loire Métropole et celui du SCoT appelé le Pôle Métropolitain Angers Loire était plus restreint (voir figure 1 et 2). Ce territoire est composé anciennement par quatre pays : Angers Loire Métropole (à l’ouest), la communauté de communes du Loir (au nord-est), la communauté de communes Vallée-Loire-Authion (à l’est) ainsi que la communauté de communes de Loire-Aubance. Aujourd’hui, la communauté de communes Vallée-Loire-Authion a fusionné en une seule et même commune : Loire Authion et a été rattachée à la communauté urbaine Angers Loire Métropole.
Après la fusion de plusieurs communes, la communauté urbaine d’Angers compte 31 communes rassemblant 290 000 habitants sur 68 000 hectares. Sur ces 31 communes certaines sont très peuplées et donc urbaines, comme Angers avec 148 803 habitants en 2011, d’autres, sont beaucoup moins peuplées et peuvent s’apparenter à première vue à des communes plus rurales, comme Cantenay Épinard comptant 2 059 habitants en 2011.
Suite à cette fusion d’Angers Loire Métropole avec Loire Authion, le périmètre du SCoT s’est lui aussi agrandi pour englober toute l’aire d’influence d’Angers, s’étendant au sud-ouest du territoire jusqu’à Chalonnes sur Loire. Il se structure actuellement en 3 pays : Angers Loire Métropole, la communauté de communes Anjou Loir Sarthe au nordest et la communauté de communes Loire Layon Aubance.
Les restructurations de la communauté urbaine Angers Loire Métropole et du Pôle Métropolitain Loire Angers étant récente, une grande majorité des données récoltées sur le territoire se réfèrent aux périmètres précédents. C’est notamment le cas pour le rapport Portrait de l’agriculture périurbaine du Pôle métropolitain Loire Angers sur lequel je me suis basée pour répondre à mes questionnements.
Source : https://pole-metropolitain-loire-angers.fr/qui-sommes-nous/territoire/
Le territoire angevin très marqué par la présence de la confluence de plusieurs rivières : la Mayenne, la Sarthe et le Loir dans la Maine, mais aussi de la confluence de la Maine, de l’Authion et de l’Aubance dans la Loire. Le réseau hydrique est donc très conséquent et constitue une réserve hydrique importante, car elle est aussi complétée par un réseau de rivières intermédiaires et d’étangs. C’est un bon potentiel pour l’agriculture, notamment pour les cultures nécessitant beaucoup d’irrigation. Cette forte présence de l’eau marque aussi le territoire par l’expansion des rivières et du fleuve en hiver. De nombreuses terres sont inondables et la seule manière de les valoriser passe par l’agriculture (voir figure 3).
Ce réseau hydrique couplé au relief faible (moins de 100 mètres de dénivelé) mais présent sur le territoire permet un panel important de milieux entre les milieux humides, semi-humides et secs. Ces différents milieux permettent l’installation d’une large biodiversité sur le territoire. Cela implique aussi un large panel de paysage, allant du marais aux vignes en passant par le bocage angevin et aux vergers. Pour le climat, « la douceur angevine » de Joachim du Bellay est aussi clémente pour différents types de cultures. Trois types de climat océanique se déclinent : le climat océanique humide, le climat océanique à été sec et le climat océanique à nuance continentale. En général, les températures restent stables, 16°C en moyenne hautes et 6,5°C en moyenne basse, il y a peu de gelées. La vallée Loire forme un couloir d’entrée de flux océanique qui influence aussi le climat sur des zones précises. Ces microclimats où le temps est adouci ont permis l’installation de certaines productions agricoles spécifiques comme l’horticulture ou le maraîchage.
La géologie des territoires angevins engendre aussi une diversité de types de sols. Angers est un point de rencontre du massif armoricain et du bassin parisien, la présence du fleuve et des rivières a pour résultat une vallée alluvionnaire. On y retrouve des roches sédimentaires (métamorphique et magmatique) et des roches filoniennes, c’est une vraie richesse géologique sur un petit périmètre.
Les caractéristiques du territoire font d’Angers Loire Métropole une communauté urbaine riche d’une grande diversité de culture agricole, mais aussi de paysages qui forment des réserves de biodiversité. Les vallées telles que la vallée de la Loire ou les basses vallées angevines ont été classées zone Natura 2000, ce qui protège ces terres de l’urbanisation. D’autres secteurs telle que la zone de bocage naturel et de mares à l’ouest de Saint Lambert la Potherie sont identifiées zone ZNIEFF et sont à protéger mais n’ont pas de dispositifs particuliers de protection à part le classement de ces terres dans le PLUi.
La présence de l’agriculture sur ces territoires est importante vis à vis des enjeux environnementaux actuels. Une exploitation adaptée de ces terres peut permettre de préserver la biodiversité présente sur ces sites. Leurs activités permettent de lutter contre l’étalement urbain et artificialisation des sols.
Prenons l’exemple de l’élevage extensif. Il est important pour la pérennité des paysages de bocages angevins. En effet, ce sont les agriculteurs qui entretiennent les haies arborées (3576 km de linéaire de haie sur Angers Loire Métropole en comptant la commune Loire Authion) et fauchent les herbages ou font paître leurs animaux. Cela empêche que le bocage ne se transforme en friche et change de fonction.
Depuis les années 2000, les éleveurs ont pris conscience de l’importance de ce bocage,
URL : https://www.enpaysdelaloire.com/activites/a-pied/gr-de-pays-des-basses-vallees-angevines
qui permet la présence d’une forte biodiversité, dont des espèces en voie de disparition comme l’oiseau Râle des Genêts. Les éleveurs angevins ont donc fait en sorte de valoriser leur production afin de pouvoir continuer à élever leurs troupeaux de manière extensive. Pour cela, accompagné par les collectivités et d’aides agro-environnementales, ils ont développé une association « Éleveurs des Vallées Angevines ». Cette association prône la préservation de l’élevage dans les basses vallées angevines, avec une exploitation dans le respect des espèces faunistique et floristique présentes sur le territoire (voir figure 4). Afin de valoriser les savoirs faires et modes d’exploitation traditionnels ils ont mis en place la marque de viande bovine « L’éleveur et l’oiseau ».
Sur le territoire d’Angers Loire Métropole on retrouve une grande diversité de culture, le plus souvent liée à son territoire (voir figure 5). Sur les vallées inondables, particulièrement au nord-ouest de la ville il s’est développé de l’élevage, en majorité bovine, en vaches allaitantes et en vaches laitières. Au nord de la vallée de Loire les terres ont été assainies depuis le Moyen Age pour accueillir des cultures végétales spécialisées, on y retrouve donc de l’horticulture, du maraîchage et de la semence. Au sud de la Loire, les terres étant plus en altitudes, il s’est développé une majorité de viticulture. Au nord-est de la communauté urbaine une grande diversité de culture cohabitent : de l’arboriculture, de la polyculture-élevage, des semences et de l’horticulture.
L’une des problématiques du contexte périurbain c’est l’étalement urbain et la perte de foncier agricole. Depuis la Seconde Guerre, l’urbanisation a fortement augmenté, les espaces agricoles ont beaucoup reculé. La proximité de la ville a dans un premier temps fragilisé la profession d’agriculteur. La périurbanisation amène avec elle des contraintes pour les exploitants. Elle a morcelé certaines terres, rallongé la distance et le temps de trajet entre les terres et la ferme, certains conflits peuvent éclore entre citadins et agriculteur.
Comme nous l’avons vu précédemment la pression foncière peut aussi inciter les agriculteurs à vendre leurs terres périurbaines pour aller exploiter des terres plus éloignées. De plus, avec la mécanisation agricole, les pratiques agricoles ont changé les manières d’exploiter les terres agricoles. Les agriculteurs, en particulier ceux qui font de la grande culture, sont donc demandeurs de surfaces plus large et d’espace pour faire passer leurs machines : la proximité de la ville n’est donc pas la situation la plus pratique ni la plus rentable.
En observant les différentes cartes d’affectation des sols et l’évolution entre 1996 et 2011, j’ai pu remarquer qu’Angers avait été touchée par l’urbanisation et la métropolisation des villes mais que la communauté urbaine avait réussi à limiter son impact sur ces terres agricoles. La « tâche d’huile » de la périurbanisation s’arrête à une première couronne, pour ensuite retrouver une urbanisation polycentrique en périphérie. On peut distinguer deux types d’urbanisation sur le territoire angevin :
- à l’ouest, la Maine a fait une sorte de barrière naturelle contre l’urbanisation, l’étalement s’est construit autour des axes routiers pour, petit à petit rattraper Avrillé et Beaucouzé ;
- à l’est, la ville d’Angers qui n’avait pas de barrière naturelle s’est plus étalée en englobant notamment Saint-Barthélemy-d’Anjou, Trélazé et les Ponts-de-Cé ;
- au sud, elle ne s’est pas étalée sur Saint-Gemme-sur-Loire afin de préserver la zone horticole exceptionnelle ;
- au nord, elle a été contrainte par les aléas des crues de la Sarthe et a donc stopper son développement avant Écouflant.
Sur la communauté urbaine Angers Loire Métropole (comprenant Loire Authion),
on remarque que les terres agricoles sont encore très présentes. En effet, les terres agricoles se concentrent sur 42 947 hectares sur les 68 139 hectares (AURA, 2011)16 de sa surface totale. 12 584 hectares sont artificialisés, le reste ce sont des espaces ouverts. En plus des espaces agricoles, on retrouve des espaces récréatifs, des espaces boisés et naturels et des surfaces en eau.
En quinze ans, les espaces agricoles ont diminué de 1 808 hectares au profit d’espaces urbanisés. Mais l’urbanisation n’est pas l’unique manière de perdre des terres agricoles. Les surfaces de terres agricoles peuvent aussi diminuer au profit des espaces naturels et boisés ou des espaces de loisir tels que des promenades aménagées, cela ne concerne cependant qu’une minorité des espaces agricoles perdus. Selon l’AURA et la Chambre d’Agriculture de Maine-et-Loire, « les surfaces agricoles évoluent sous l’effet conjugué de la pression urbaine, des loisirs, du boisement »17 .
Dans son rapport de 2014, l’AURA et la Chambre d’Agriculture affirment que « la consommation d’espaces agro-naturels s’est globalement ralentie » Cela laisse à penser que les politiques d’aménagement sont parties dans le bon sens pour un ralentissement de l’étalement urbain et la relégation des agriculteurs toujours loin des villes. Durant mon entretien avec Aurélie Dumont, responsable du projet agricole à Angers Loire Métropole cette tendance m’a été confirmée : « nous sommes vraiment dans une logique de reconstruire à l’intérieur des limites de la ville, de remobiliser du foncier qui était à l’abandon. […] notre volonté s’est traduite par la réduction du nombre d’hectares de fonciers pris sur les terres agricoles. Nous sommes passés d’une moyenne annuelle de 90 ha à 66 aujourd’hui »18 .
En introduction nous avions vu les différentes typologies d’agriculture dans le périurbain. Nous allons voir maintenant leur transposition sur le territoire angevin et quels effets elles ont sur l‘évolution et le développement des exploitations agricoles. Nous verrons aussi que certaines typologies se prêtent plus à certains types de production.
Nous avions vu avec Bertille Thareau que la première différenciation entre les différentes agricultures se trouvait au niveau du degré de « lien fonctionnel » avec la ville.
Un « lien fonctionnel » signifie une certaine dépendance aux services et aux opportunités offertes par la ville. Par exemple une agriculture dépendante des infrastructures de la ville ou de son bassin de vie en termes d’accès à la main d’œuvre ou de commercialisation de sa production a un fort lien avec la ville. Les exploitations qui ont généralement un fort lien fonctionnel à la ville sont les exploitations de cultures de végétaux spécialisés tels que l’horticulture, le maraîchage et l’arboriculture.
Comme décrite par Bertille Thareau, ces exploitations se développent majoritairement sur de petites surfaces : seulement quelques hectares, par exemple un maraîcher peut s’installer sur deux ou trois hectares. Les exploitations maraichères, et leur production de denrées fraîches ont besoin d’une commercialisation rapide. La proximité de la ville est importante pour capter une clientèle suffisante pour vendre cent paniers en AMAP par
16 AURA, Chambre d’Agriculture de Maine-et-Loire, Portrait de l’agriculture périurbaine du Pôle métropolitain Loire Angers, aura, 2014, p 19.
17 Ibid, p 30.
18 Citation tirée de l’entretien avec Aurélie Dumont responsable du projet agricole Angers Loire Métropole.
exemple, faire de la vente directe ou faire les marchés, qui sont nombreux sur la commune d’Angers (il y a cinq le samedi par exemple). Les exploitations telles que l’horticulture nécessitent de lourds investissements et beaucoup d’innovations pour intensifier au maximum leurs petites surfaces. En cela, elles ont un développement presque industriel et une gestion d’entreprise. Elles doivent pouvoir envoyer facilement leurs productions : les infrastructures sont donc importantes. Les besoins en main d’œuvre non qualifiée sont importants, notamment en saison.
Ces exploitations se situent majoritairement sur le triangle de Saint-Gemme-surLoire, leur position historique, et sur la commune Brain-sur-l’Authion. Les surfaces d’horticulture et de maraîchage ont globalement régressé sur Angers Loire Métropole : moins 145 hectares en 2011 par rapport aux 1 647 hectares identifiés en 1996. Cependant cette filière a continué à se développer sur l’ancien périmètre d’Angers Loire Métropole en passant de 840 hectares en 1996 à 906 hectares en 201119. C’est la commune Loire Authion qui a été affecté en perdant en 15 ans 211 hectares de surface agricole utile au profit de la semence en maïs20. Aujourd’hui le recul des productions horticoles et maraîchères devront se maintenir pour au moins 25 ans sur Saint-Gemmes-sur Loire car une ZAP21 vient d’être crée en octobre 2018. Elle permet notamment la règlementation de l’affectation des terres, et n’autorise pas plus de construction neuve afin de lutter contre l’agriculture diffuse et morcelée22 (voir la carte des surfaces agricoles générales en figure 6).
Pour l’arboriculture, on constate aussi une régression des surfaces agricoles. Elles passent de 1 220 hectares en 1996 à 1 023 hectares en 2011. On observe que l’évolution de ces surfaces est très liée au poids de la concurrence avec l’Amérique du Sud, l’Asie et l’Europe de l’Est. En effet, entre 1996 et 2005, les surfaces arboricoles avaient augmenté de près de 16% sur Angers Loire Métropole (hors commune Loire Authion) qui représente la majorité des vergers de l’aire d’influence, pour ensuite perdre 6% de sa surface entre 2005 et 2011. On en conclut que les surfaces exploitables varient en fonction des injonctions du marché.
Pour les exploitations dont le « lien fonctionnel » peu apparaître faible on fera référence aux exploitations spécifiques à la région. Elles paraissent ne pas être impactées par la ville. Sur Angers Loire Métropole ce sont les exploitations de type polyculture élevage ou les grandes cultures. Ces exploitations ont tout de même une particularité : c’est le risque foncier. Ils emploient en général une stratégie d’agrandissement préventif comme David Gélineau, éleveur à Cantenay Épinard :
« La commune répond à une demande d’ALM qui demande de développer de la maison individuelle, pour pouvoir loger tout le monde. C’est une métropole qui se développe énormément. […] De ce fait on perd des terres, notre outil de travail. Maintenant quand on le sait, c’est une chose qui finit par être acceptée. Mais finalement moi je ne fais que grossir en nombre d’hectares parce que les exploitants qui partent à la retraite ne sont pas tous remplacés par des jeunes. »
Les exploitations de polyculture élevage se situent principalement au nord et à l’ouest d’Angers, les territoires les plus impactés par l’expansion des cours d’eau par exemple les
19 AURA, Chambre d’Agriculture de Maine-et-Loire, Portrait de l’agriculture périurbaine du Pôle métropolitain Loire Angers, aura, 2014, p 60.
20 AURA, Chambre d’Agriculture de Maine-et-Loire, Portrait de l’agriculture périurbaine du Pôle métropolitain Loire Angers, aura, 2014, p 60.
21 ZAP : Zone Agricole Protégée
22 Nous approfondirons cette démarche en partie 2 en exemple d’action menée par les collectivités conjointement avec les agriculteurs.
basses vallées angevines se situent sur un bassin de rétention d’eau de 9 000 hectares23 , ces terres sont exploitables pour l’élevage bovin. Les terres hautes servent à la culture de céréales, ce sont celles qui sont impactées par l’urbanisation. L’exploitation de ces prairies implique un mode d’élevage extensif, qui peut être conventionnel ou bio.
Les exploitations de grandes cultures, principalement ayant une production de céréales et de semences se situent principalement à l’est d’Angers sur la commune Loire Authion. Les semences font partie des exploitations liées au pôle d‘innovation et de recherche du végétal. Elles sont largement développées au sud de la commune Loire Authion. On y retrouve notamment la FNAMS24 , la fédération qui promeut et vient représenter les intérêts des agriculteurs face aux professions qui travaillent avec eux. Elle permet de créer un vrai réseau d’agriculteurs multiplicateurs qui pourront s’entraider et établir de vraies stratégies sur un même territoire. La FNAMS entourée des entreprises et des centres de recherches permettent de valoriser et pérenniser l’agriculture en périphérie d’Angers.
Les cultures de céréales sont généralement des types d’exploitations intensives. Ce sont principalement des monocultures. On rentabilise au maximum les surfaces agricoles, en agrandissant les surfaces exploitables, les haies arborées des bocages disparaissent, les espaces de natures autour des champs aussi. Les espaces agricoles sont standardisés pour les passages d’engins d’agricoles. Ce sont des exploitations conventionnelles, qui utilisent des produits phytosanitaires pour traiter leurs terres.
Les exploitations situées le long de la vallée de la Loire, ne ressentent pas le risque foncier car la zone est classée inondable elle est donc inconstructible. C’est ce que témoigne Denis Laizé, producteur de semences à la Bohalle : « Se faire prendre des terres massivement, par exemple 30 ou 50 hectares, pour des projets d’aménagement urbain nous à la Bohalle on est protégé grâce à la zone inondable ». Cependant la proximité de la ville se ressent par la proximité des citadins :
« Sur la commune on est sur un habitat assez dispersé, il y a beaucoup de champs qui sont à côté de maisons, la relation aux autres on l’a finalement assez rapidement […] Il peut y avoir des confrontations, qui s’exacerbent de plus en plus avec les idéologies montantes. Là en plus avec la question des phytosanitaires, il y aura un lien avec un changement éventuel de pratiques, surtout à côté des maisons »25
Une autre différenciation des exploitations vient de l’importance de la part de production agricole dans les revenus de l’agriculteur. Elle est liée à la diversification des activités de l’agriculteur en lien avec la proximité de la ville.
Cette diversification intervient au niveau de deux dynamiques. La première est liée au ralentissement des activités agricoles de l’agriculteur préparant son départ en retraite, si son exploitation n’est pas reprise, ce qui est courant au niveau national et aussi sur le territoire angevin : « Ce qui se passe aujourd’hui, alors que pourtant on est une région dans les plus dynamiques au niveau français dans le renouvèlement des exploitations agricoles, aujourd’hui, on remplace pourtant à peu près un agriculteur sur deux. »26
L’agriculteur peut commencer à vendre ses terres qui viendront agrandir les exploitations voisines (qui sont dans une stratégie d’agrandissement face au risque foncier). Cependant il va garder sa maison, voir le corps de la ferme, et va utiliser les avantages de son patrimoine immobilier. L’oncle de David Gélineau, éleveur à Cantenay Épinard est un bon exemple : « Mon oncle, celui auquel j’ai repris les terres, je n’ai pas
23 Information tirée de l’entretien avec David Gélineau, éleveur à Cantenay Épinard.
24 FNAMS : Fédération Nationale des Agriculteurs Multiplicateurs de Semences.
25 Citation tirée de l’entretien avec Denis Laizé, agriculteur à la Bohalle (commune de Loire Authion).
26 Citation tirée de l’entretien avec Sonia Palau Pla, responsable de l’antenne Angers Confluence de la Chambre d’Agriculture Pays de la Loire.
repris la maison. Il l’a sorti du contexte agricole et a créé dans sa longère une salle des fêtes qu’il loue tous les week-ends. »27
La reprise des exploitations agricoles ne concernant qu’un agriculteur sur deux, tous les types de production sont concernés. Particulièrement les exploitations nécessitant beaucoup de surface agricole comme l’élevage ou les grandes cultures.
L’agriculture de loisir, comme la typologie précédente, va développer ce que Bertille Thareau appelle de « l’agriculture résidentialisée »28 Ce sont des exploitations où le producteur n’est pas forcément considéré comme agriculteur professionnel car ce n’est sa première source de revenu. Ces exploitations sont le souvent de petites tailles avec peu de surface permettant de s’adapter au mieux au contexte du périurbain où l’habitat est diffus et peut morceler les surfaces agricoles utiles (SAU) : « dans les interstices de l’espace périurbain, se logent des logiques d’agriculture de loisir, d’attente ou de repli, qui épousent les fonctions résidentielles et façonnent un métissage entre (agri)cultures agricoles et citadines »29 . Tous les types de production sont concernés mais sont à petite échelle, on retrouvera d’ailleurs généralement une production diversifiée : un peu d’élevage, du maraîchage, du verger etc...
c) Des
Sur le territoire angevin le développement est en lien avec l’activité agricole. On y retrouve l’industrie agroalimentaire nécessaire à la transformation de la production agricole. Un pôle d’innovation agronomique sur la culture de végétal spécialisé prend de l’ampleur depuis dix ans. Un pôle de recherche et de formation conséquent y est aussi implanté, il a un rayonnement au niveau régional et national. Il est intéressant d’avoir à proximité ces pôles car ils viennent dialoguer avec l’agriculture et la valoriser.
Les industries agroalimentaires se trouvent majoritairement sur Angers Loire Métropole. En 2010, on y trouve 23 établissements sur les 30 du PMLA, soit 1 924 emplois sur le total de 2 421. Ce pôle agroalimentaire est plutôt en lien avec les filières de l’élevage pour la production de viande et de lait (voir figure 7).
Les entreprises de transformation de viande dominent avec 7 entreprises et 1 287 emplois. Vient ensuite les entreprises de pain et pâtisseries industrielles et artisanales, la fabrique de fromages (273 emplois), les entreprises d’alcools distillés, de préparation alimentaire, de transformation de poisson, de confiserie et de chocolat, d’aliment pour animaux de ferme et enfin une meunerie.
Toutes ces entreprises de transformation contribuent au dynamisme du bassin d’emploi, leur présence est donc un avantage économique pour la communauté urbaine.
Pour les éleveurs, avoir des abattoirs et des entreprises de transformation de viande à proximité est indispensable pour leur activité. Un accès trop difficile à ces sites leur font perdre du temps et de l’argent et peut être une motivation pour s’éloigner de la ville.
Selon Sonia Palau Pla : « Un éleveur quand il s’installe, il a besoin d’avoir à proximité un marchand de lait, d’avoir un abattoir, donc il ne va pas aller s’installer où la filière n’est
27 Citation tirée de l’entretien avec David Gélineau, éleveur à Cantenay Épinard.
28 SOULARD Christophe, THAREAU Bertille, « Les exploitations périurbaines : diversité et logiques de développement », Innovations Agronomiques, mai 2009, p. 37.
29 SOULARD Christophe, THAREAU Bertille, « Les exploitations périurbaines : diversité et logiques de développement », Innovations Agronomiques, mai 2009, p. 37.
pas installée »30 . Cela montre l’importance d’avoir à proximité les équipements et les aménagements adaptés à la production sont essentiels.
Si la filière n’est pas implantée cela oblige l’agriculteur à faire les transformations lui-même dans sa ferme ce qui prend du temps et qui peut nécessiter l’embauche de main d’œuvre. Cette manière de faire peu correspondre à des modèles d’exploitations qui commercialisent leurs produits vente directe ou qui développent leurs circuits courts. Ce pôle de transformation est tout de même important pour les exploitations à production conventionnelle utilisant les filières dites longues. Leur présence autour d’Angers montre que la filière notamment de d’élevage de vache allaitante et de vache laitière est implantée.
Ce qui fait la particularité du territoire angevine ce sont ses exploitations tournées vers la culture végétale spécialisée. Cette filière est particulière par rapport aux autres filières de l’agriculture. En effet, cette filière nécessite peu de foncier mais la production y est intensifiée. D’ailleurs, selon Denis Laizé, producteur de semences, « l’horticulture partage beaucoup de nos enjeux mais c’est une agriculture très spécifique. Elle se rapproche des modes de production de l’industrie. En terme de modèle, elle se rapproche plus de la Chambre de Commerce et Industrie que de que la Chambre d’Agriculture »31 De forts investissements sont nécessaires, à tel point que finalement dans les stratégies de développement les agriculteurs privilégient ces investissements par rapport à leurs terres. Certains ont donc une vision différente vis à vis de l’urbanisation des terres agricoles. C’est ce qu’explique Bertille Thareau : « Il y a une partie de la profession qui avait ça en tête comme vision de la vie de l’entreprise, tous les 20 ou 30 ans, le fait de vendre les terres permet de se moderniser ». La valorisation financière de leur terre à urbaniser leur permet financer leurs nouveaux équipements (comme des serres ou des systèmes de chauffage). Pour eux la délocalisation est relativement facile car ils n’ont besoin que de quelques hectares. C’est ce qu’il s’est passé dans les années 1970 et 1980 avec une migration des filières horticoles du sud d’Angers et des Ponts de Cé vers Brain sur l’Authion qui fait actuellement parti de la commune Loire Authion.
Comme il a été cité précédemment, Angers est la première zone horticole de France. L’investissement et l’évolution des techniques étant primordiaux dans cette filière, il est nécessaire d’avoir un pôle de recherche en innovation agronomique afin de pouvoir faire évoluer la filière et rester compétitif face à la concurrence d’autres pays.
À Angers, ce pôle de compétitivité du végétal a une vocation mondiale. On y retrouve des leaders français, européens voir mondiaux du végétal tels que le producteur de graine France Hortensia ou le légumier Bonduelle.
Ce qui fait cette filière porteuse du dynamisme angevin et de la région Pays de la Loire, ce sont les 4 000 entreprises employant 25 000 personnes répartis en majorité sur Angers mais aussi au sein de toute la région des Pays de la Loire.
Afin que les acteurs de la filière végétale soient au complet, sont aussi présents des structures qui créent du lien et accompagnent les acteurs du développement de la filière :
- l’association Vegepolys (40 emplois, 320 adhérents) fondée en 2005 ;
- le Bureau Horticole Régional ;
- le Groupement national interprofessionnel des semences et plants.
30 Citation tirée de l’entretien avec Sonia Palau Pla responsable de l’antenne Angers Confluence de la Chambre d’Agriculture des Pays de Loire.
31 Citation tirée de l’entretien avec Denis Laizé, producteur de semences à la Bohalle (Loire Authion) et élu à la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire.
Vegepolys est d’ailleurs l’élément phare dans ce pôle compétitif, car « elle va fusionner l’année prochaine avec un autre pôle de compétitivité sur plutôt le côté semence et végétal, plutôt céréale pour faire un pôle de compétitivité végétal, toute filière confondue au niveau national »32.
Tout est fait pour mettre en réseau les acteurs de la filière et d’innover afin d’améliorer de la productivité et la compétitivité des entreprises du territoire. Mais aussi innover afin de s’inscrire dans le volet environnement du développement durable et faire évoluer les métiers liés à l’agriculture. La présence de ce pôle est un gros avantage pour les filières végétales car : les innovations sont réfléchies et testées sur le territoire donc dès qu’elles sont mises en place ça bénéficie rapidement aux producteurs du territoire »33
Ces dynamiques font que les activités du végétal restent relativement stables depuis les années 2000 notamment en terme de surface. Elles mettent en avant les spécialités angevines, par exemple pour les légumes : l’asperge et l’échalote.
Ce pôle a permis à la région Pays de la Loire d’être leader français en horticulture et en pépinière, en production de pomme, en plantes médicinales et en champignons. C’est aussi le troisième vignoble français.
En parallèle de ce pôle de compétitivité plutôt réservé aux spécialistes, Angers a aussi fait le pari de faire du végétal son attrait touristique et son activité en ouvrant en 2010 le parc Terra Botanica. Il a pour vocation de sensibiliser le grand public à l’univers du végétal et sa biodiversité.
En traçant l’histoire de six siècles de mode de cultiver la terre, il valorise le savoirfaire angevin et son territoire. Il est d’ailleurs situé entre Angers et Avrillé au bord des basses vallées angevines qui est classé zone Natura 2000. Ce parc permet d’éduquer au respect des milieux naturels et agricoles ainsi que d’enseigner l’intérêt de faire vivre ces espaces, notamment à proximité des villes.
La région Pays de la Loire concentre 450 chercheurs et plus de 2 500 étudiants autour des questions de l’agriculture et notamment de la culture du végétal. Une majorité se trouve sur Angers (voir figure 8). Sur la communauté urbaine Angers Loire Métropole, on ne dénombre pas moins de :
- cinq centres de recherches dont l’INRA, l’Institut National de Recherche Agronomique ;
- sept centres de formation comprenant des lycées agricoles, un IUT, une école de fleuriste et le CNPH et le Centre National de Promotion Horticole ;
- deux centres de formations et de recherches composés de l’Agrocampus de l’Ouest et de l’École Supérieure d’Agriculture, fondée en 1898.
Comme le pôle Vegepolys pour la filière de végétal spécialisé on peut s’interroger sur les effets bénéfiques qu’a ce pôle de recherche et de formation sur l’agriculture locale, sur les exploitations existantes ou de potentielles installations sur le territoire. Le pôle de formation rayonnant au niveau régional et national, les étudiants ne s’installent pas forcément sur le territoire angevin. Selon Sonia Palau Pla, « la plupart de porteurs de projet, ou des gens qui souhaitent s’installer, souhaitent avoir une expérience professionnelle avant de se lancer dans un projet professionnel de ce type là, ce qui s’entend tout à fait et qui est très raisonnable ».
32 Citation tirée de l’entretien avec Sonia Palau Pla responsable de l’antenne Angers Confluence de la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire.
33 Citation tirée de l’entretien avec Sonia Palau Pla responsable de l’antenne Angers Confluence de la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire.
Le pôle de formation et de recherche se nourrit plus de l’agriculture locale qu’elle ne la nourrit. Cela tient aussi au fait du type de formation proposé : « qu’on sait que nos centres de formations sont loin d’être complets et que les besoins en compétence sur le territoire ne correspondent pas toujours aux sorties des promotions. […] On a le coté ingénieur qui se développe beaucoup mais le coté technicien expert on l’a de moins en moins et pourtant aujourd’hui on en a toujours besoin »34 .
Lors de mes entretiens, j’ai pu rencontrer, Bertille Thareau, l’une des chercheurs de l’ESA, qui est sociologue de formation ingénieure agronome zootechnicienne. Ses thèmes de recherche concernant notamment l’agriculture périurbaine et Angers faisant parti de ses terrains d’investigation, j’ai pu lui poser de nombreuses questions concernant les sujets abordés dans ce mémoire.
L’une d’entre elle a concerné la place de ce pôle de formation et de recherche, plus particulièrement de l’ESA vis à vis d’Angers Loire Métropole : « Elle nous soutient dans nos activités, dans l’organisation de séminaires et de colloques à destination des étudiants ou à un public local […] il y a un soutien à la recherche. On s’inscrit dans la dynamique du pôle d’excellence Végétale. Tout cela fait que je pense que l’agglomération pense qu’on est sur des axes stratégiques pertinents pour le territoire.
On a aussi des sollicitations de l’agglomération pour alimenter leur réflexion, là je n’ai pas une vision d’ensemble, c’est ponctuel mais par exemple, ils nous ont sollicité pour une étude sur le regard des angevins sur l’agriculture. […] Ils savent nous solliciter sur des enjeux très précis si besoin. »
Le pôle de recherche et formation a donc une place dans les dynamiques agricoles du territoire mais qui concerne majoritairement des études sur le territoire qui permettent de mieux cerner les besoins des agriculteurs.
a) La genèse de la gouvernance agricole
Angers est une ville marquée par son agriculture, elle a été prise en compte par les élus assez tôt pour obtenir le maintien actuel de ses activités sur le territoire. De 1963 à 1977, la ville d’Angers a eu pour maire un horticulteur. Jean Turc s’est tourné vers la politique jeune : il a fait des études de droit puis a intégré l’École Libre des sciences politiques. Il est issu d’une famille d’agriculteur, il reprend donc l’exploitation horticole et intègre l’union des Indépendants et paysans d’actions sociales. C’est pendant son mandat, en 1976, que la profession agricole prend part aux discussions institutionnelles autour de l’aménagement du territoire dans une volonté de lutter contre le mitage par le biais du Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU)35 .
Suite à cela un premier partenariat entre les collectivités et les agriculteurs en 1979 s’est établi. Nommé le Syndicat Intercommunal de la Coupure Verte, il visait à développer l’agriculture notamment l’élevage, développer les espaces de nature récréative telle qu’une promenade qui faisait le lien entre les communes membres et enfin l’entretien de quatre cours d’eau présent sur le périmètre. Ce partenariat concernait sept communes au nord-est d’Angers : Angers, Écouflant, Saint Barthélémy d’Anjou, Le Plessis Grammoire, Saint Sylvain d’Anjou, Pellouaille les Vignes et Villevêque.
Cependant ce qui a enclenché un véritable débat entre la profession, les associations de protection de la nature et les collectivités, fut autour des basses vallées angevines. Bertille Thareau évoque des « conflits historiques » autour de ce territoire depuis les années 1970. L’enjeu était de préserver ce site naturel exceptionnel tout en autorisant une activité. Il a donc fallu travailler pour trouver un équilibre entre les attentes des naturalistes, des agriculteurs et des collectivités. Au fil des décennies, le dialogue a abouti à une OGAF (Opération Groupée d’Aménagement Foncier) en 1993 qui développait des solutions agro-environnementales puis en 2004 au classement du territoire en zone Natura 2000.
« Cela a été une occasion de dialogue, de négociation, qui a été considérée par à la fois les élus et les agriculteurs comme une réussite parce qu’on a dépassé des conflits historiques et parce c’est un territoire remarquable et que la ville beaucoup communiquer autour de ce projet »36
Depuis les années 2000 l’objectif a été de co-construire des projets en se nourrissant des savoirs et de la vision du monde agricole sur le territoire. La relation entre l’intercommunalité et la Chambre d’Agriculture s’est structurée au fil des années. En 2002, la Chambre à contribuer à l’élaboration du projet d’agglomération de la ville. L’année 2006 est une date clé car elle correspond à la structuration de la parole des agriculteurs avec la Commission Agricole du Pays Loire Angers et la signature d’une convention cadre de partenariat entre la communauté urbaine et la Chambre d’Agriculture. Cette convention s’est renouvelée une deuxième fois en 2009.
« Cette Convention a une durée de 3 ans. Il y en a eu une en 2009, puis une en 2012. Ensuite il y a eu une volonté de faire une évaluation des politiques conduites. La Collectivité avait des questionnements à propos des politiques agricoles, et certains sujets qu’elle voulait inscrire dans le projet agricole. Donc en 2015, quand cette évaluation s’est réalisée, il y a eu plusieurs constats dont le fait que la Collectivité se sentait à présent
35 Angers Loire Métropole et la Chambre d’Agriculture du Maine et Loire, L’agriculture périurbaine – Dossier presse, octobre 2009, p 5.
36 Citation tirée de l’entretien avec Bertille Thareau, chercheure à l’ESA.
Source : https://pays-de-la-loire.chambres-agriculture.fr/
légitime après ces années d’expérience pour apporter certains sujets à traiter avec la profession. »37
Au fil des décennies nous pouvons observer que la relation entre les collectivités et la profession d’agriculteur s’est structurée. Notamment en passant par le biais de la Chambre d’Agriculture. Dernièrement celle-ci s’est d’ailleurs restructurée formant une équipe au contact de celle de la communauté urbaine Angers Loire Métropole.
La Chambre d’Agriculture est un organisme consulaire qui vise à faire le lien entre les agriculteurs, les conseiller et les accompagner dans leur développement. L’autre volet est de représenter les agriculteurs auprès des collectivités et de faire le lien entre eux. Depuis le 1er janvier 2018, les Chambres d’Agriculture sur tout le territoire français se sont restructurées en passant de Chambre départementales et régionales à une seule Chambre régionale rassemblant tous les départements. La Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire a décidé de créer des antennes territoriales chacune liée à une dynamique territoriale particulière. On en dénombre 20 sur la région. Le département Maine et Loire a été subdivisé en 5 de ces antennes et l’une d’entre elle correspond à la communauté urbaine Angers Loire Métropole, elle se nomme Angers Confluences (voir figure 9).
« Sur ces 20 antennes, il y a des équipes dédiées et un responsable d›antennes qui fait le lien avec la profession au niveau territorial et les ambitions de la profession à un niveau plus régional. »38
Nous verrons plus tard en quoi la relation entre ces deux équipes fonctionne actuellement ainsi que comment fonctionne leur lien avec les agriculteurs, quelle est leur implication dans l’évolution de leur territoire.
En plus de la structuration de la relation Angers Loire Métropole / Chambre d’Agriculture, une autre démarche a permis de renforcer cette réflexion de la ville sur la manière de mener une politique vis à vis du développement du territoire en partenariat avec la profession agricole. En 2003, Angers Loire Métropole et la Chambre ont adhéré à l’association Terres en Villes. Cette association à une réflexion sur la manière de préserver et développer les potentialités des espaces agricoles et forestiers en périphérie de ville. Elle est présente au niveau national en associant avec de nombreuses villes et métropoles telles que Paris, Lille, Lyon ou Marseille mais aussi Lorient, Amiens, Besançon ou Perpignan. Elle compte en tout 28 aires urbaines membres. En 2015, le réseau formé a été reconnu Organisme National à Vocation Agricole et Rurale (ONVAR).
Terres en villes a été créé en 2000 à Grenoble dans le contexte d’un étalement urbain sans limite et sans prise en compte de la déprise agricole dans les territoires périurbains. Son but encore aujourd’hui est une mise en valeur de l’élaboration d’un projet urbain conjoint à une politique agricole et alimentaire cohérente avec son territoire.
Ces politiques doivent pouvoir mettre en valeur l’agriculture urbaine et faire en sorte que les exploitations puissent s’adapter face aux évolutions du territoire.
37 Citation tirée de l’entretien avec Aurélie Dumont, chargée de missions Agriculture/ENS.
38 Citation tirée de l’entretien avec Sonia Palau Pla responsable de l’antenne Angers Confluence de la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire.
Selon la fiche de présentation de l’IUFN39, l’association forme un réseau d’acteur et à trois missions :
- « échanger les savoirs faires entre ses membres et ses partenaires » ;
- « expérimenter en commun dans les territoires actions » ;
- « contribuer au débat français et européen sur la ville et son agriculture ».
Pour rentrer dans le réseau de l’association les membres doivent signer la charte de Terres en villes qui prônent une agriculture périurbaine :
« Pérenne, économiquement viable et socialement vivable, respectueuse du milieu naturel et du territoire, prenant en compte les demandes urbaines et qui est engagée en faveur de la qualité de ses produits, de ses services et de ses pratiques »40
Les agglomérations doivent aussi s’engager à :
« Associer l’ensemble des acteurs à la gouvernance territoriale, rechercher un aménagement équilibré du territoire […], préserver ses espaces agricoles, naturels et forestiers […], économiser et préserver l’énergie, valoriser la production agricole locale sur le bassin de consommation et prendre en compte les demandes des agriculteurs» 41 .
Cela passe par redonner une voix aux agriculteurs lors de l’élaboration des projets d’aménagements. Plus l’étalement urbain s’est propagé et que déprise agricole augmentait sur les territoires urbains et leurs périphéries, moins la profession d’agriculteur était présente au sein des élus locaux.
La solution n’est pas forcément d’élire plus d’agriculteurs mais au moins de les concerter sur les questions qui les concernent directement : comme la modification du territoire, qui est leur espace de travail. C’est pour cela qu’en terme de gouvernance l’association a décidé de mettre en place deux collèges à voix délibératives :
- le collège des Collectivités locales : représentant les villes membres ;
- le collège des Chambres d’Agriculture : affiliées aux villes membres. Une assemblée générale a lieu au moins une fois chaque année afin que les différents acteurs puissent échanger, élaborer des actions et des réflexions communes mais aussi afin d’élire le Conseil d’administration. Ce conseil est composé de huit membres de chaque collège ainsi les intérêts des agriculteurs peuvent être entendus par les collectivités locales.
Pour intégrer l’agriculteur dans la planification urbaine, l’association va plus loin et engage dès 2006 une équipe pluridisciplinaire nommée « l’AgriSCoT ». Leur démarche sera d’étudier la question agricole sous trois approches : les espaces agricoles, l’activité agricole et le type d’agriculture. Suite à cela, elle a fait des préconisations pour l’élaboration et les révisions des SCoT.
Selon le Cerema42 , la préconisation prend la forme de cinq étapes :
- « Sensibiliser et mobiliser les acteurs politiques professionnels et associatifs ;
- Organiser la concertation et co-construire la gouvernance ;
- Réaliser un diagnostic et identifier les enjeux majeurs ;
- Élaborer un projet politique intégrant l’agriculture ;
- Mettre en œuvre, suivre et évaluer le SCoT. »
39 BURBAN Tiphaine, « Terres en villes, réseau national – France » Fiche IUFN Acteur, IUFN, 2014.
40 Les valeurs de Terres en villes sont à retrouver sur le site : http://terresenvilles.org/lassociation/presentation/
41 Ibid.
42 Centre d’étude et d’expertise sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement : explication de la démarche du Cerema disponible sur le site : https://www.cerema.fr/fr/actualites/agriculturescot#toc-les-principes-de-la-d-marche-agriscot-
Cette étude a mené à la publication d’un premier ouvrage en 2009 puis un second en 2012 : L’agriculture dans les SCoT.
Être membre de l’association Terres en villes est une opportunité pour Angers car cela lui permet d’établir un réseau d’acteur et d’accepter des savoirs faire sur les questions de la relation ville et agriculture au niveau national. Cela lui donne l’opportunité d’expérimenter des solutions mais aussi de se comparer aux autres villes françaises de différentes échelles. Nous développerons ces différentes implications vis à vis de l’association au fil du mémoire. Elles tournent autour d’une évaluation globale d’Angers Loire Métropole dans la co-construction des politiques agricoles périurbaine ainsi que d’études sur deux démarches de renforcement de l’agriculture périurbaine : le triangle horticole de Saint-Gemmes-sur-Loire et l’élevage dans les basses vallées angevines.
En 2013, dans le cadre de son appartenance au Réseau Terres en villes, Angers s’est proposée afin de faire évaluer, par l’association, sa politique en matière agriculture périurbaine. Afin d’avoir des points de référence et de comparaison, l’évaluation est croisée avec celle d’Amiens. Cette évaluation s’inscrit dans la démarche de « coconstruction des politiques agricoles périurbaine d’agglomération » engagée par Terres en villes depuis 2008.
Cette évaluation permet à Angers et Amiens de faire un point sur la pertinence de leur politique et de donner de nouveaux objectifs pour la suite. Suite à l’évaluation des préconisations sont d‘ailleurs précisées.
La charte de Terres en villes est utilisée pour cadrer l’évaluation. Cette charte donne des objectifs pour l’agriculture périurbaine et les agglomérations mais prescrit aussi une manière de faire dialoguer l‘agriculture et la ville. On y retrouve « l’éducation des acteurs et des habitants à l’agriculture et à la ville » et « la co-construction des politiques agricoles périurbaines – les projets agri-urbains – entre élus locaux et monde professionnel »43
Les politiques publiques angevines sont plutôt bien perçues par l’association44 : « Le Projet Agricole du Pays Loire Angers semble avoir permis de donner au volet agricole une place essentielle pour l’agglomération, au-delà du SCoT, favorisant sa prise en compte dans d’autres politiques sectorielles ou transversales (exemple : gestion de la circulation des engins agricoles). »
L’association met tout d’abord en avant la construction de sa politique d’agriculture urbaine. Comme nous l’avons vu dans un point précédent, un partenariat a été établi entre la profession agricole et les collectivités depuis plusieurs décennies. Terres en villes souligne qu’une réelle co-construction a été engagée par Angers Loire Métropole quand elle a signé en 2006 une convention cadre avec la Chambre d’Agriculture du Maine et Loire.
Terres en villes rappelle aussi que les projets agricoles d’Angers Loire Métropole se sont basés sur le projet agricole du Pays Loire Angers qui lui avait été établi à partir de 2005 par les agriculteurs réunis dans la Commission Agricole du Pays Loire Angers (CAPLA). Ils prônent45 notamment une urbanisation de densification, une valorisation du développement économique des différentes activités agricoles, un intérêt porté au
43 TERRES EN VILLES, Évaluation croisée des politiques agricoles périurbaines Angers-Amiens, 2013, p 4.
44 TERRES EN VILLES, « Fiche territoire : Angers », Politiques alimentaires territorialisées – États 0, 2015, p 2.
45 Ibid., p 6.
renouvellement des actifs afin de pérenniser les exploitations, valoriser les services que l’agriculteur peut rendre à l’environnement et valoriser l’image de l’agriculteur auprès des urbains.
Différentes actions liées aux politiques agricoles périurbaines d’Angers Loire Métropole ont été particulièrement appréciées par l‘association. Elles concernent l’Observatoire du foncier qui entre en jeu pour la préservation du foncier. Mais aussi des actions qui rendent plus faciles les pratiques agricoles au quotidien comme le plan de circulation d’engin agricole. Son engagement dans la préservation de l’environnement par le biais de l’agriculture est aussi un volet important.
Ces différents points positifs qu’a soulevé l’association Terres en villes viennent de la capacité d’Angers Loire Métropole à dialoguer pour faire évoluer ses différentes politiques et projets liés au territoire, impactant les exploitations agricoles.
« En tant que politique, on peut intervenir sur la règlementation. »46
Sur la communauté urbaine Angers Loire Métropole on retrouve deux échelles de gouvernance : les municipalités (31 communes) et l’intercommunalité (Angers Loire Métropole). Chacune a des responsabilités différentes. Angers Loire Métropole porte les politiques et les projets globaux à l’échelle de toute la communauté urbaine. Les différentes municipalités portent les projets d’aménagement du territoire qui découlent des politiques globales d’Angers Loire Métropole ainsi que des projets à l’échelle de la commune. Tous ces projets d’aménagement peuvent affecter d’une manière ou d’une autre les exploitations agricoles au niveau foncier ou dans leur fonctionnement. David Gélineau m’a fait part de quelques exemples, ceux-là principalement lié à la perte de foncier agricole.
« Le meilleur exemple c’est quand le maire [de Cantenay] arrive le mardi matin en nous disant : « vous allez perdre cette parcelle-là vendredi ». Là on n’est absolument pas prévenu parce qu’il a le maire de la ville d’Angers dans sa voiture et qu’il fallait trouver une maison d’Alzheimer autour d’Angers et qu’ils avaient ciblé Cantenay, et donc il fallait trouver un terrain. »
« Le maire d’Avrillé a décrété qu’en limite communale qu’il fallait une ceinture verte boisée. Donc il a acheté les parcelles au fil du temps et il boise environ 100 à 200 mètres de large autour de la commune. Il achète donc du terrain agricole pour en faire du terrain forestier.»
Dans cette partie nous allons nous pencher plutôt sur Angers Loire Métropole qui a une compétence sur l’aménagement et le développement du territoire. Il y a d’ailleurs un pôle dédié aux différents projets et à l’élaboration des différentes politiques menées sur le territoire angevin. L’une de ces compétences est l’élaboration des documents d’urbanisme qui mettent en œuvre une réglementation en lien avec les stratégies de développement du territoire.
Le premier Schéma de cohérence territorial (SCoT) du Pôle Métropolitain Loire Angers a été validé en 2011, il concerne 68 communes dont les 31 communes appartenant à la communauté urbaine Angers Loire Métropole. Le SCoT s’appuie sur un diagnostic
46 Citation tirée de l’entretien avec Aurélie Dumont, chargée de missions Agriculture/ENS.
global du territoire afin de développer une stratégie commune en cohérence avec les dynamiques présentes sur tout le périmètre de son territoire.
Ce document traite des différents thèmes essentiels au fonctionnement d’un territoire : le développement de l’habitat, des activités économiques et des infrastructures et comment viennent-ils s’inscrire dans des dynamiques territoriales actuel et traditionnel. Il vise à faire grandir un projet territorial qui respecte les objectifs du développement durable.
« Il y a une vraie prise de conscience par rapport aux années 90 que les aménagements doivent être conçus de manière raisonnée, on est dans l’obligation de mieux maîtriser le foncier de par l’environnement durable. C’est un vrai changement culturel à propos de l’aménagement du territoire. On est vraiment dans une logique de reconstruire à l’intérieur des limites de la ville, de remobiliser du foncier qui était à l’abandon. »47
Dès 2011, l’agriculture est identifiée comme un potentiel de dynamique du territoire grâce à sa diversité et sa renommée au niveau national. Afin de permettre un développement de l’agriculture sur le territoire, les collectivités ont affirmé leur volonté de préserver le foncier urbain et de concentrer le développement urbain sur Angers et sa première couronne puis sur les plus petites polarités des communes périurbaines.
Le SCoT est une base pour les documents d’urbanisme à l’échelle de la commune tels que les PLU (Plans Locaux d’Urbanisme) et les Cartes Communales. Les plans d’occupation des sols de 2011 montrent que l’urbanisation tend toujours à s’étaler mais toujours selon une logique de développement multipolaire (voir figure 10).
« Nous sommes passés d’une moyenne annuelle de consommation de foncier agricole de 90 hectares à 66 aujourd’hui. »48
On voit par exemple que la commune d’Avrillé va être définitivement englobée dans la continuité de la ville d’Angers. Les zones proches de la Mayenne ont été classées à urbaniser, certainement avec la ligne de tramway qui s’est installée dans ce quartier. De même, entre Saint-Sylvain-d‘Anjou et Pellouailles-les-vignes des zones à urbaniser sont prévues pour conforter le pôle périurbain de la commune nouvelle Verrières-sur-Anjou.
La direction de l’Aménagement et le Développement du Territoire a donc une volonté de développement de son territoire rural de soutien de l’agriculture 63% de la surface total de la communauté urbaine étant agricole. Plusieurs personnes de Angers Loire Métropole travaillent donc au développement de l’agriculture périurbaine par exemple autour du projet agricole le projet alimentaire territorial, l’animation Natura 2000. Au cours de mes entretiens j’ai pu échanger avec la responsable du projet agricole, Aurélie Dumont. Son parcours au sein des services de l’intercommunalité lui a permis d’acquérir des contacts et des connaissances avec le monde agricole ce qui l’a amené à son poste actuel.
« Le fait d’être rentré par l’aménagement du territoire était intéressant, car au travers du site Natura 2000, il y a des outils de mesure agro-environnementale et climatique qui sont une très bonne liaison avec l’aménagement du territoire, l’environnement et l’activité agricole. Cela m’a amené à travailler de manière plus partenariale avec la Chambre d’Agriculture, à apprendre ce qui s’y faisait et dialoguer avec eux. »
Il en ressort que la stabilité des techniciens et des élus en place permet l’installation de relation de travail et de confiance entre la Chambre d’Agriculture et
47 Citation tirée de l’entretien avec Aurélie Dumont, chargée de missions Agriculture/ENS.
48 Citation tirée de l’entretien avec Aurélie Dumont, chargée de missions Agriculture/ENS.
Angers Loire Métropole. Par exemple Aurélie Dumont travaille au sein d’Angers Loire Métropole depuis 2005. Le fait de se connaître et d’évoluer ensemble permet d’établir un vrai dialogue autour des problématiques de l’agriculture périurbaine.
« La Chambre d’Agriculture, en tant que Chambre Consulaire est associée à toutes les stratégies d’aménagement du territoire, mais on peut aller plus ou moins loin en terme de partenariat dans l’élaboration de ces outils stratégiques. »
« Nos relations avec le monde agricole les a amenés à s’interroger sur la façon dont le monde agricole percevait leur territoire, pour comprendre quelles étaient leurs problématiques […] Quels sont les territoires sur lesquels ils sont particulièrement vigilants à ce qu’il n’y ait pas d’étalement urbain ou de grandes infrastructures qui risqueraient de fracturer leurs territoires et mettre à mal leurs activités. Au final, toutes ces réflexions, ces expertises ont permis d’alimenter le SCOT. »
Il est alors constitué deux équipes de techniciens qui travaille ensemble sur les différentes problématiques de l’agriculture périurbaine. Elles peuvent être lié au foncier, à la préservation de l’environnement, aux stratégies liées à l’alimentation etc… des thématiques qui vont au-delà de la planification urbaine.
Du côté de la Chambre d’Agriculture le constat d’un dialogue établi est le même, comme le confirme Sonia Palau Pla :
« Nous avons un réel échange et une réelle confiance entre les élus mais aussi entre les équipes. Nous on se rencontre au minimum une fois par mois pour faire le point sur les actions du projet agricole et globalement sur l’agriculture et comment faire le lien entre la collectivité et l’agriculture. »
Au jour le jour les deux équipes échangent autour des projets de la Chambre d’Agriculture ou d’Angers Loire Métropole, le plus en amont possible afin de faciliter la mise en place des projets et de prendre en compte au mieux le monde agricole.
« Cela dépend du niveau du projet, [...] il y a une facilité d’échange entre la collectivité et Mr Béchu, président d’ALM et maire d’Angers, et notre président de Chambre, François Beaupère. Dès qu’il y a un projet considéré comme étant impactant pour l’agriculture, il y a un échange en amont et tout au long du projet pour rationaliser les choses. De son côté l’agriculture ne va pas mettre son veto à chaque projet, parce qu’il faut aussi que les villes se développent et puissent évoluer. Du côté de l’agglomération, le projet va être réfléchi de façon à impacter le moins possible les exploitations agricoles, selon le principe national : « éviter de nuire et compenser ». Mais pas que. On est surtout dans l’éviter aujourd’hui, c’est à dire que quand il y a la volonté de créer une nouvelle zone d’activité, on va plutôt l’implanter sur ce foncier le moins porteur pour l’agriculture plutôt que sur une terre riche pour la production. »49
a) L’inclusion des agriculteurs dans les projets territoriaux
Depuis les années 1990, les collectivités locales ont les compétences pour établir des politiques agricoles. Le développement agricole relève donc de la responsabilité des acteurs locaux. Cette décentralisation du pouvoir permet de faire des propositions plus pointues en lien avec le contexte territorial. Cela passe par l’intégration des agriculteurs dans la prise de parole vis à vis du projet de développement territorial.
Selon Pascal Germain50, entre les années 1960 et 1990, l’agriculture est vue comme une filière parmi d’autres, son développement a donc consisté à répondre à des objectifs de rendements. Le contexte de l’agriculture très en lien avec son territoire n’a pas été forcément pris en compte. Au moment où l’on a vu la filière décliner, ce ne fut pas toujours des solutions venant du territoire qui ont été proposées : on a commencé à donner des aides et essayer de protéger le foncier à l’échelle nationale voir européenne.
« On nous a demandé après la guerre de produire en grande quantité pour nourrir tout le monde. […] Mon père est un agriculteur à qui on a demandé de produire donc il a produit. Après c’est au moment où l’on a reçu des subventions que les problèmes ont commencé à naître, on s’est rendu compte si le prix du litre de lait était faible l’agriculture ne pouvait pas survivre. Aujourd’hui l’agriculture a abusé en fait, elle a trop traité. On a oublié ce que les anciens savaient faire. »51
Dans le contexte actuel où l’agriculture est en difficulté et qu’une partie du problème vient de la périurbanisation, les collectivités doivent trouver un moyen de faire cohabiter les activités agricoles et urbaines. Selon Pascal Germain :
« Cette périurbanisation contemporaine entraîne donc le développement agricole dans une dynamique de territorialisation, qui intègre l’agriculture en tant que profession et activité économique et sociale liées à des bassins d’emploi et de vie sociale. »52
La périurbanisation urbanise en quelque sorte le métier d’agriculteur.
L’agriculture étant située, son développement se pense en fonction de son territoire, son contexte environnemental et son jeu d’acteurs. Pascal Germain évoque un développement agricole qui se définit actuellement à travers :
- « une nouvelle échelle spatiale », qui est celle de la métropole ou « communauté d’agglomération » ;
- « la création de dispositifs pluriacteurs » où le monde agricole et les citoyens peuvent s’impliquer.
- « une redéfinition de l’excellence professionnelle » qui visent des objectifs différents notamment vis à vis de l’environnement et mène à « de nouvelles formes d’exercice du métier et de nouvelles positions socioprofessionnelles »53 .
« Ce qui a changé dans les années 2000, c’est l’obligation de prendre en compte les espaces agricoles, qui s’affirment de plus en plus et qui fait que même sur le plan procédural maintenant il y a une consultation de la profession il y a une consultation
50 GERMAIN Pascal et al., « la re-territorialisation du développement agricole : le cas de l’agriculture périurbaine d’Angers », Revue d’Économie & Urbaine, 2006/3, p. 374.
51 Citation tirée de l’entretien avec David Gélineau, éleveur à Cantenay Épinard
52 GERMAIN Pascal et al., « la re-territorialisation du développement agricole : le cas de l’agriculture périurbaine d’Angers », Revue d’Économie & Urbaine, 2006/3, p. 376.
53 Ibid, p 376.
sur le foncier qui font que l’élaboration des politiques d’aménagement et d’urbanisme impliquent de consulter la profession agricole et de travailler avec eux. »54
Dans cette nouvelle vision du développement agricole, on a pu observer que l’agriculteur angevin avait une place lors de l’élaboration des politiques territoriales de la communauté urbaine Angers Loire Métropole. Cela passe par la consultation et la concertation des agriculteurs et de leurs organisations en amont des projets territoriaux. Trois types d’implications des agriculteurs par les collectivités locales ont été identifiés par Pascal Germain55 Elles sont graduelles en terme d’influence de la prise en compte de l’avis de l’agriculteur dans la manière de construire ces politiques.
L’objectif dans ces différents dispositifs est la récolte de connaissances sur le contexte agricole local. Cela donne ensuite une légitimité aux collectivités qui conçoivent les projets et politiques publiques. Cela peut permet de faire des propositions plus cohérentes avec les enjeux territoriaux à petite échelle. Ce qui est important pour les territoires angevins, car la diversité de culture entraine une nécessité d’adaptation à chaque type de culture.
Il y a d’abord la « concertation interinstitutionnelle » qui a été utilisée pour l’élaboration du projet d’agglomération angevine puis pour le projet agricole, où ont été convoqués des représentants du métier.
La concertation interinstitutionnelle du projet d’agglomération d’Angers a été engagée dès 2001. Elle a consisté en un dialogue avec des élus et des techniciens intercommunaux et des habitants dans le conseil de développement. Cependant cela reste la collectivité qui a le pouvoir final de décision.
Ce conseil, au rôle consultatif, était formé pour la représentation de cinq élus à la Chambre d’Agriculture du Maine et Loire, de la FDSEA56 et de la Confédération Paysanne. L’objectif était de permettre aux élus d’avoir plus de connaissances sur le monde agricole qui parfois pourrait leur être étranger. Comme nous l’avons vu précédemment les élus qui siégeaient dans ce conseil n’étaient pas spécialisés sur les sujets de l’agriculture périurbaine au niveau local. La Chambre d’Agriculture a voulu améliorer cette représentation des agriculteurs périurbains en mettant en place la Commission Agricole Pays Loire Angers (CAPLA) en 2006. Ce sont sur les préconisations et les réflexions de ce groupe que s’est basé Angers Loire Métropole pour élaborer ses différents projets agricoles.
« Cela a été un organe un important pour traiter entre agriculteurs des problèmes spécifiques à l’échelle de l’agglomération et pouvoir contribuer à l’amélioration des politiques en étant capable réellement d’être porte-parole des agriculteurs. La constitution de ce groupe de la CAPLA a été faite sur la base du volontariat en essayant de représenter la diversité des productions et la diversité des appartenances à des syndicats professionnels. Il y a eu un véritable effort d’information et de mobilisation mais ce dont j’ai un peu discuté à l’occasion de ma thèse c’est que comme c’était basé sur le volontariat cela impliquait que l’on adhérait au projet. Ce projet qui consiste à dire : on veut préserver l’agriculture dans le territoire périurbain. Cela paraît à priori très consensuel mais en pratique ça ne l’est pas. »57
Ce qu’explique Bertille Thareau c’est que de préserver les terres agricoles en zone périurbaine peut aller à l’encontre des intérêts personnels des agriculteurs particulièrement lorsqu’il s’agit de valoriser leur patrimoine immobilier au moment
54 Citation tirée de l’entretien avec Bertille Thareau, chercheure à l’ESA.
55 GERMAIN Pascal et al., « la re-territorialisation du développement agricole : le cas de l’agriculture périurbaine d’Angers », Revue d’Économie & Urbaine, 2006/3, p 382.
56 FDSEA : Fédération Départemental des Syndicats d’Exploitants Agricoles.
57 Citation tirée de l’entretien avec Bertille Thareau, chercheure à l’ESA.
de la retraite. Mais cela peut aussi être un intérêt professionnel pour un groupe qui reste minoritaire mais qui base sa stratégie de développement sur la vente de ses terres à urbaniser pour ensuite délocaliser son exploitation et enfin pouvoir réinvestir. Cela touche principalement les filières de cultures végétales spécialisées où les terres en elle-même sont un enjeu moindre face à l’investissement en équipement que doit faire l’agriculteur.
Bien que ce groupe d’exploitants soit minoritaire, on peut conclure que n’adhérant pas aux objectifs de la Commission, la représentation de tous les agriculteurs n’est pas complète. Cependant, ces buts étant partagés par l’intercommunalité l’avis et l’expérience des agriculteurs membres de la commission intéresse Angers Loire Métropole.
La concertation interinstitutionnelle évoqué par Pascal Germain a évolué sur le territoire d’Angers afin d’améliorer la représentation des agriculteurs mais en orientant ses réflexions sur un parti-pris qui n’est pas porté par tous. Un poids est donné à la parole des agriculteurs mais se limite aux voix des agriculteurs qui vont dans le sens de la Chambre d’Agriculture mais aussi d’Angers Loire Métropole.
Ensuite vient la « consultation » des agriculteurs pour mettre en place la réglementation liée aux outils de planification, par exemple pour de l’écriture des PLU. Elle est réalisée par le moyen de l’enquête publique et d’audit d’agriculteurs concernés par l’évolution de la commune, réalisé par la Chambre d’Agriculture mais aussi par des réunions proposées par les municipalités. L’un ou plusieurs de ces outils sont utilisés en fonction des projets.
Selon Aurélie Dumont, chargée de mission Agriculture à Angers Loire Métropole, dans l’élaboration du PLUi, le dispositif va au-delà de la consultation :
« Cela dépend du dimensionnement du projet et de qui porte le projet. Quand on se demande à quoi va ressembler demain le territoire de l’Agglomération, alors on échange plus avec la Chambre d’Agriculture qui se charge, elle, d’interpeler les agriculteurs à des échelles de sous territoires. Dans l’élaboration du PLUi, il y a vraiment des travaux avec des représentants du monde agricole. Par exemple, à l’échelle de Loire Authion, qui est une commune nouvelle qui vient d’intégrer la communauté urbaine, sur chaque thématique qui va les concerner, il y a un petit groupe d’agriculteurs qui a été constitué par la Chambre d’Agriculture et que nous rencontrons pour leur expliquer le projet et leur permettre de faire des propositions. Il y a un véritable échange et ensuite il y a une adaptation du projet initial présenté par les urbanistes préalablement à ce qu’il soit posé dans le marbre. »
Cependant, Élodie Taillandier témoigne de la consultation des élus à l’échelle de sa commune : « Au niveau de la commune nous ne sommes pas concertés et d’ailleurs il y a eu plusieurs hectares qui sont partis en lotissement. Cela passe par la Chambre d’Agriculture qui nous contacte éventuellement si nous sommes concernés. En revanche, tous les ans un technicien de la Chambre vient faire un point et l’on passe en revue ce qu’on a comme exploitation et si on entend parler de projet. »
Toutes les communes ne sont pas égales au niveau de la consultation de ses agriculteurs. David Gélineau, lui, évoque un dialogue établi avec le maire de sa commune. Il note une évolution dans la manière qu’ont les agriculteurs à communiquer à propos des différents projets qui touchent à leur outil de travail.
« J’ai dit au maire : « lorsqu’il y a un aménagement venez nous voir, on discutera et on trouvera un arrangement, avec du dialogue on finira par se comprendre ». Il ne faut pas arriver en criant dans les réunions, ça c’est fini, ces exploitants ils ne sont plus écoutés de toutes façons. Ils ne sont pas invités aux réunions. »
Enfin, Pascal Germain évoque la « concertation », où un projet territorial est vraiment co-construit entre les agriculteurs et les élus. Ce fut le cas pour la plaine horticole de Sainte-Gemmes-sur-Loire et les Ponts-de-Cé58. Sur ce projet, qui vise au développement agricole en limite de la ville d’Angers, on ressent une évolution de l’organisation du métier d’agriculteur. Les différentes exploitations agricoles du site se sont réunies et ont porté le projet avec les organismes liés et les collectivités. Les agriculteurs se sont groupés en formant une association : l’Association Pôle Végétal Loire Maine (APVLM) composée de représentants des entreprises présents sur la plaine ainsi que deux représentants du lycée agricole lui aussi implanté sur la plaine. La Chambre d’Agriculture et Angers Loire Métropole participent en finançant l’association et en formant un comité de pilotage qui vise à valider ses projets. Cela amène les collectivités et la Chambre d’Agriculture à consolider les projets de l’association en mettant en place une réglementation et des stratégies de planification urbaine allant dans leur sens.
b) La concertation et la représentation des agriculteurs
Sur le périmètre d’Angers Loire Métropole une équipe de 11 personnes travaille pour accompagner et conseiller les agriculteurs ainsi que pour des projets sur les différentes thématiques de développement et de diversification de l’agriculture. Ces thématiques sont liées aux projets territoriaux et à l’urbanisme, à la protection de l’environnement, à la gestion de l’eau, au développement d’une économie circulaire autour de la production d’énergie ainsi que du conseil en agronomie et à l’installation et la transmission des exploitations.
A l’occasion de mes entretiens j’ai pu échanger avec Sonia Palau Pla qui est responsable de cette antenne et qui s’oriente plus sur les projets territoriaux. « Dans mon poste j’ai plusieurs facettes, dont l’accompagnement de l’équipe et le développement des activités en lien à la fois avec les agriculteurs mais aussi avec les collectivités du secteur ». La Chambre d’Agriculture est donc l’intermédiaire entre les agriculteurs et les collectivités.
« On a un réel échange et une réelle confiance entre les élus mais aussi entre les équipes. Nous on se rencontre au minimum une fois par mois pour faire le point sur les actions du projet agricole et globalement sur l’agriculture et comment faire le lien entre la collectivité et l’agriculture. »
Elle a un rôle de représentation des agriculteurs.
Au sein de la Chambre d’Agriculture les équipes de représentants ne sont pas uniquement constituées de techniciens, on retrouve des élus agriculteurs comme Denis Laizé que j’ai rencontré mais aussi des groupements tels que les CUMA, les coopératives, ou les syndicats. La Chambre réunit toutes les formes de représentation d’agriculteurs tels que les syndicats FDSEA, la Confédération Paysanne ou les Jeunes Agriculteurs. À l’issu des dernières élections en 2013, 46 personnes ont été élues pour représenter les agriculteurs au sein du département du Maine et Loire.
La question de la représentation des agriculteurs est importante car on a pu voir qu’elle a chuté au fil des décennies au sein des collectivités territoriales. Sur le Pôle Métropolitain Loire Angers, en 2008, il restait seulement six maires agriculteurs, dont un seul sur Angers Loire Métropole, et 9,1% d’agriculteurs dans les conseils municipaux
58 Ce cas sera développé en partie II – 2 – a : Expérience de politique publique de développement de l’agriculture
(voir figure 11) . En 1965, il y a 30 maires agriculteurs (sur 68 communes de l’ancien périmètre du Pôle Métropolitain Angers Loire) et 53,8% d’agriculteurs dans les conseils municipaux. On voit donc qu’il reste peu de personnes qui seraient en capacité de défendre les intérêts de la profession au sein même des collectivités. Cette baisse de la représentation s’explique par la diminution du nombre d’agriculteurs.
« De manière générale, il y a de moins en moins d’agriculteurs donc ils sont de moins en moins représentés. Il faut être partout. Et comme tout le monde les agriculteurs s’engagent de moins en moins. »59
Il y a aussi un problème de temps passé à la représentation. Denis Laizé explique : « Cela prend déjà beaucoup de temps. Pour la Chambre d’Agriculture je crois que je suis à 50 vacations à l’année. Ça fait une journée par semaine, avec les Jeunes Agriculteurs parfois ça rajoute quelques journées. Entre les réunions les journées syndiquées et les présentations, finalement cette semaine ça me prend 3 jours. Heureusement, ce n’est pas toutes les semaines comme ça. Après dans le champ j’y suis 5 jours par semaine. » On peut donc comprendre que certain type d’exploitation limite la possibilité de s’investir en tant qu’élu à la Chambre d’Agriculture s’il est seul sur son exploitation, notamment pour les éleveurs qui doivent se rendre disponibles pour leurs bêtes chaque jour.
« Moi je n’ai qu’une semaine [de vacances] voire deux par an. C’est vrai que c’est plus facile avec les fruits rouges parce qu’ils peuvent attendre le lundi matin et que le dimanche il n’y a pas besoin de travailler. »60
Lors de mes entretiens j’ai pu remarquer différents degrés d’implication des agriculteurs vis à vis de la Chambre d’Agriculture mais aussi dans la représentation en général des agriculteurs au sein de leur commune ou d’un collectif.
Selon Élodie Taillandier : « Tous les ans un technicien de la Chambre vient faire un point et on passe en revue ce qu’on a comme exploitation et si on entend parler de projet. »
Elle ne s’implique pas dans la Chambre d’Agriculture plus que nécessaire car cela prend trop de temps et cela lui semble trop politique, ce ne sont pas ses priorités. Elle ne considère pas que les élus de la commune fasse appel à elle pour concerter les agriculteurs sur les projets de la ville. Cette agricultrice s’engage principalement à l’échelle de son exploitation et de sa commune. D’une part par son choix de se tourner vers l’agriculture biologique, un mode de production meilleur pour l’environnement, en développant de la vente directe. D’autre part par son dialogue avec les habitants de sa commune leur permettant de mieux appréhender les pratiques agricoles.
David Gélineau s’implique dans la représentation des agriculteurs au niveau local au sein de sa commune, il y a un dialogue d’instauré avec les élus de la commune et ponctuellement avec les habitants. Lors de notre entretien l’éleveur m’a cité un exemple sur sa commune.
« A Cantenay, on est plusieurs exploitants à passer dans un lotissement et les aménagements ont été pensés pour que nous puissions passer. Les habitants voulaient passer à 30 km/h, on est donc obligé d’y installer des chicanes pour faire ralentir mais il ne faut pas mettre d’arbustes ou de barrières comme ça on peut faire passer nos outils au-dessus. […] Ils voulaient un dos d’âne pour ralentir mais nous avons besoin d’un dos d’âne sur plateau. C’est à dire qu’on monte puis on redescend parce que sinon nos engins peuvent se retrouver bloqués si l’on n’arrête pas. Et finalement j’ai l’impression que les habitants sont contents de qui ce qui a été aménagé. Les autres agriculteurs me
59 Citation tirée de l’entretien avec Denis Laizé, producteur de semences à la Bohalle (Loire Authion), élu à la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire.
60 Citation tirée de l’entretien avec David Gélineau, éleveur à Cantenay Épinard.