CINEMA ET ARCHITECTURE ROYAL TENEMBAUMS - WES ANDERSON MATTHIEU SAMADET - L3CAV C. SIMOND
C’est l’histoire d’une famille à travers celle d’un homme qui vieillit. Cette famille c’est les Tenembaum, ils habitent une large maison, faite de briques, quelque part dans la banlieue new-yorkaise. C’est un film qui joue sur l’idée de structure, un film architecturé donc, très architecturé. Il rejoint et illustre parfaitement la phrase de Arthur C. Danto : « En ce point, le cinéma approche l’appréhension propre à l’architecture, qui n’est faite pour être seulement regardée mais traversée en mouvement, ce qui aura été intégré par l’architecte dans sa structure ». En effet ici le mot structure possède les deux sens que l’on lui connait. D’un côté la structure littéraire, narrative et de l’autre la structure physique, la science des ossements, la science du « comment cela tient ». Ce film a été réalisé par le réalisateur américain Wes Anderson, c’est le film qui le révèlera au grand public, son troisième. Nous avons tenté d’orienter notre réflexion autour d’une problématique qui dirige trois parties distinctes. Cela peut être vu comme une forme assez rigide d’expression, mais nous pensons qu’elle convient particulièrement bien ici tout comme le refus d’utiliser la première personne du singulier. De quelle manière la conscience architecturale s’exprime-t-elle dans ce film ? Tout d’abord nous ferons une présentation du film est de ses auteurs, ensuite nous analyserons une séquence particulièrement éclairante à propos de l’importance de l’architecture dans ce film, enfin nous verrons a quelle partie de la théorie architecturale nous pouvons rattacher ce type d’images. 1 — Le film — un style architectural 2 — Extrait 3 — Derrière l’analyse.
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Fiche technique Réalisation : Wes Anderson Scénario : Wes Anderson, Owen Wilson Production : Wes Anderson, Barry Mendel, Scott Rudin ; Touchstone Pictures Direction artistique : Carl Sprague Photographie : Robert D. Yeoman Décors : David Wasco Montage : Daniel R. Padgett, Dylan Tichenor Musique : Mark Mothersbaugh ; morceaux de Nick Drake, Van Morrison, Lou Reed, The Rolling Stones, The Beatles, Ramones, The Clash, Elliott Smith, Maurice Ravel, Erik Satie Budget : 21 millions de dollars américains1 Durée : 109 minutes Sortie : 14 décembre 2001 (USA), 13 mars 2002 (France) Distribution : Gene Hackman : Royal Tenenbaum Anjelica Huston : Etheline Tenenbaum Gwyneth Paltrow : Margot Tenenbaum Ben Stiller : Chas Tenenbaum Luke Wilson : Richie Tenenbaum Owen Wilson : Eli Cash Danny Glover : Henry Sherman Bill Murray : Raleigh St Clair Alec Baldwin : narrateur Seymour Cassel : Dusty Kumar Pallana : Pagoda Grant Rosenmeyer : Ari Tenenbaum Jonah Meyerson : Uzi Tenenbaum Stephen Lea Sheppard : Dudley Heinsbergen
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1 — LE FILM — UN STYLE ARCHITECTURÉ La famille Tenembaum est large et généreuse. Elle est aussi riche et étirée sur le temps. Pour contenir autant de choses il a fallu au réalisateur et a son décorateur — David Wasco, célèbre chef décorateur des films de Quentin Tarantino — les ranger dans une immense demeure de brique. On dirait une version citadine et résidentielle de ces larges immeubles de Glasgow que dessinait C. R. Mackintosh et les arts & carfts ou encore les maisons de brique de Philipp Webb. Elle est belle et elle est importante, la maison des Tenembaum se présente comme le centre de de gravité de trame narrative et des personnages. Un véritable fil rouge. D’où le choix de ce film dans le cadre de ce dossier. Cette construction impose sa structure à étage à tous les personnages, s’inscrivant à la fois dans une vision moderniste et fonctionnelle ainsi que dans une nostalgie assumée. L’action du film se déroule en partie au début ainsi qu’au milieu soixante-dix. Au niveau de la trame narrative est très bien résumée par une phrase qui pourrait être le synopsis allégorique du film : The Royal Tenembaums commence avec une bombe qui va pour s’écraser, le reste du film se déroule dans les décombres du désastre. Le père de famille s’appelle Royal de son Prénom. Il annonce à ses trois enfants Margot, Chas et Ritchie qu’il va partir de la maison. Les enfants sans être dévastés réagissent en posant à leur père question sur question, mis en scène dans le plus pur style Wes Anderson, en plan centré, symétrique, calculé. La mère, Etheline, s’occupe alors de l’éducation des trois enfants. Ils ont
Photo en haut à gauche : École d’art de Glasgow par C.R. Mackintosh
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par ailleurs trois personnalités assez affirmées, assez déterminées, écrites pour ne pas dire planifiées et surtout complètement différentes. Une reprise de Hey Jude en version instrumentale tourne en fond sonore tandis que Alec Baldwin le narrateur à la voix grave nous présente la maison du sous-sol au grenier de la même manière que le philosophe français Gaston Bachelard avait écrit son livre « la poétique de l’espace » qui a inspiré tant d’architectes dans les années soixante-dix. Ainsi pour suivre Bachelard, la maison s’impose dès les premières minutes du film comme étant le lieu de mémoire de la famille, le lieu de vie principal, une sorte de Market place familiale. Et avec la même logique appliquée au mot « structure », c’est-à-dire que l’on doit l’appréhender avec la totalité des sens qu’il représente, la maison, la famille, les frères et sœurs servent leur propre métaphore. Ils sont des eux même des maisons dans des maisons étant tous des êtres très fermés. Ce n’est pas un film ouvert, au contraire, il est très introverti. L’introversion en architecture peut s’exprimer par la façade, par son traitement intérieur et par l’extérieur privé. Appliqué ici on voit clairement que la maison ainsi que la famille sont introvertis, repliés sur eux-mêmes. On voit que l’écriture des personnages se pose en adéquation avec le caractère architectural de l’environnement filmique. Nous avons parlé d’un « style » Wes Anderson, que représente-t-il plus exactement il constitue d’une série de mouvement d’appareil et de cadrages bien particuliers qui peuvent être identifiés comme une sorte de grammaire filmique, un cadre pour cadrer duquel on ne sort que très rarement, ce cadre s’exprime par la symétrie, l’équilibre parfaitement classique — au sens de l’histoire de l’architecture — comme si chaque plan affirmait la volonté folle de recréer les cités idéales des perspectives de la renaissance, comme le panneau d’Urbino par exemple, perspective a point de fuite au centre. La caméra peut bouger, faire des travellings, des panoramiques, mais c’est toujours pour centrer exactement un élément précis, pour garder un point de repère physique. Le cadre chez Wes Anderson possède cette folle présence palpable et jouissive. Le premier architecte, écrivain et penseur de l’architecture pendant la renaissance est Alberti, il parlait de l’architecture comme étant una Cosa mentale. Wes Anderson par
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son affirmation du cadrage fait de même, dans le même effort classique d’aligner, de rendre absolu chaque composition cadrée. Là où il devient génial c’est quand il va introduire dans ses plans du mouvement, qu’il soit physique ou simplement (senti)mental. Les personnages de Wes Anderson sont très agités. Et cette idée il l’a empruntée au très architectural Stanley Kubrick. Il en va de la définition même de l’architecture habitée. Un objet pérenne qui traverse le temps transcendé par le mouvement constant des vies humaines. C’est l’échelle de la vie humaine qui représenté par cette maison, la maison des Tenembaum, 111 Archer Avenue. Après la longue séquence Hey Jude servant à présenter les éléments importants du récit — soit maison et personnages 22 ans plus tôt — commence une longue galerie des portraits. Les personnages principaux, les trois enfants et les parents ont vieilli. La maison, elle, est restée la même, chaque pièce est restée l’exact microcosme réservé à chaque personnage ou plutôt réservé à chaque enfant qui réside dans le cœur de chaque personnage. C’est de cette manière que Wes Anderson choisit de montrer que le sentiment temporel se ressent moins pour un objet construit que pour un être vivant, l’objet construit, quoi qu’il en soit, est durable. Il laisse des traces. Ici se sont des traces d’ambition. Les trois enfants étaient surdoués. Margot — qui est en vérité adoptée — rêvait d’écrire des livres et des pièces de théâtre. Chas était déjà un business man avec une machine à ranger les cravates et Ritchie voulait devenir tennisman professionnel. Ils ont tous les trois pu affirmer leurs désirs, mais tous les trois ne sont pas véritablement heureux dans leur vie. Margot — Gwyneth Paltrow — fume en cachette dans sa petite salle de bain sans rien dire à son mari joué par Bill Murray — un psychanalyste connu et ennuyeux. Chas — Ben Stiller — a perdu sa femme dans un accident d’avion, il a deux enfants qui lui ressemblent beaucoup, il ne porte plus le costume, comme on avait pu le remarquer sur sa version enfant, mais un survêtement Adidas rouge, ses fils ont exactement le même, on peut penser qu’il se laisse un peu aller. Et enfin Ritchie — Luke Wilson — qui était un grand joueur de tennis qui a tout abandonné parce qu’il voit sa sœur « adoptive » avec son mari lors d’un match parce que, oui, il est amoureux de sa sœur. De son côté Royal, le père, est fauché, il doit tout faire pour retrouver un toit et aider par le major d’homme indien, Pagoda, et par le Monsieur ascenseur de l’hôtel dans lequel il vivait depuis 15 ans il va se faire passer pour gravement malade. Etheline, la mère, archéologue de profession, vient de recevoir de la part d’un de ses associés, le comptable Mr Sherman - Danny Glover -
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une très sérieuse demande en mariage. Et c’est dans cette situation, au milieu du film que tous les personnages vont se retrouver sous ce même toit, celui du 111 Archer Avenue, justement la maison qui nous intéresse. Sans compter Eli Cash — Owen Wilson — qui est un des éléments mobiles, qui refuse donc la « mise en quarantaine » narrative, mais qui parfois se cache dans le placard de Margot avec qui il a une aventure secrète, il aimerait bien faire parti de la famille.
2-- 00:57:00 — 1:05:44 - ANALYSE DE SEQUENCE Mais pour mieux comprendre la complexité narrative et visuelle du film, nous avons décidé de faire une courte analyse de séquence. Le lien avec l’architecture doit se faire par rapport aux images non l’inverse, en tout cas c’est ce que nous pensons pour cet exercice. La séquence se situe donc au moment où tout le monde se réunit dans la même maison et où le père se fait passer pour malade pour pouvoir rester, bien que cela soit totalement bidon, il a quand même dans l’espoir de renouer avec sa famille qu’il n’a pas vu depuis une quinzaine d’années. Après un repas de famille, suivi d’une longue discussion à propos du futur mari de Etheline, Sherman, et du père récemment déclaré malade, Royal, Ritchie le tennisman avoue avoir placé son père dans sa propre chambre pour qu’il reçoive des soins, au grand désarroi du reste de la famille. Ritchie est plus proche de son père que les autres, il veut se réconcilier. Il lui offre sa chambre d’enfant. Cet univers doit être modifié si une personne étrangère à Ritchie entre, par « modifié » on entend « personnalisé ». Ainsi à la manière des Monty-Python dans The Meaning of Life, la pièce va être remplie d’appareils médicaux impressionnants. Ritchie reste près de lui, quand le frère, Chas, lui demande brutalement de partir. Le père obéit à Chas, mais fait semblant de tomber. Ils appellent alors le faux médecin qui lui ordonne de rester ici et de soigner calmement son « cancer à l’estomac ». Royal entreprend alors de se réconcilier avec chaque membre de la famille, un par un. Mais maintenant qu’il est faible et malade c’est les autres qui commandent, notamment le responsable Chas. Ritchie se réfugie dans son ancienne tante jaune au grenier — Bachelard dira que
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c’est « l’âme de la maison », à relier avec une puissance de l’inconscient — pour lire une pièce de sa sœur Margot à la lampe torche. Cette tante à la forme d’une cabane primitive. Chas ouvre d’un coup la « porte », sortant Ritchie d’une rêverie profonde. Chas reproche à Ritchie de soutenir trop leur père. Mais à l’image du père, Ritchie veut aussi se réconcilier avec sa famille. La nuit passe et on voit, caméra à l’extérieur fixant une fenêtre, ce qui n’est pas sans rappeler les plans de grue de la nuit américaine de Truffaut, Royal et son fidèle Pagoda fumant une cigarette. Puis Royal jette son mégot par cette même fenêtre. Quand soudain il aperçoit une jambe puis un homme entier descendre de la fenêtre de sa fille Margot. Cet homme c’est l’ami de la famille Eli Cash, auteur connu et orphelin. Tout s’enchaine de façon très naturelle, on découvre tous les endroits de la maison, même ceux que l’on a déjà aperçu, participant à une sorte de plan mental de cette même maison (voir illustration page précédente). Après avoir rapidement vu Etheline et sa fille adoptive, Margot, parler à propos de Eli avec qui elle trompe son mari, voici justement celui-ci qui arrive. Ils se retrouvent dans le jardin, dans l’endroit le plus protégé de la rue, à l’arrière de la maison. Ils discutent de leur couple ou plutôt de ce qu’il en reste, sans esclandre — jamais chez Wes Anderson, il a cette Lubitsch’ s touch, celle de tourner doucement autour de n’importe quel sujet sans faire de remous visible directement — Margot dit qu’elle ne veut pas rentrer chez elle. Il s’en suit d’un plan dans l’escalier et d’une confrontation entre le père et sa fille. On apprend que Margot était considérée comme un génie. Comme il faut utiliser les escaliers pour monter sur le toit, ce n’est qu’après que l’on peut suivre la confrontation entre Ritchie et le mari de Margot. Ritchie se renferme de plus en plus jusqu’à se trouver dans le petit bloc vitré qui sert de nid au faucon de la famille, Mordecai. Quand le mari annonce à l’amoureux Ritchie qu’il pense que sa femme le trompe avec quelqu’un, Ritchie sort de son calme légendaire et casse un des petits pavés de verre. Quand on doit montrer la fureur de quelqu’un chez Wes Anderson, cela passe par la destruction d’un élément du vocabulaire architectural, ici une vitre. Par la suite on retrouve Royal dans sa quête de réconciliation qui se met à l’entrée de la « chambre » de Chas qui ressemble plus à Wall
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Street qu’à autre chose. Royal se fait rejeter après avoir proposé aux deux enfants de sortir jouer dans la rue, Chas le fustige au grand désespoir des petits qui aiment bien leur « papy ». Royal descend au rez-de-jardin pour parler à son ex-femme. Il se plaint que Chas fasse travailler ses fils à la comptabilité, pour Etheline il n’a aucune leçon d’éducation à donner. Enfin de retour dans sa Chambre provisoire, le faussement cancéreux Royal propose de sortir encore une fois a Ari et Uzi les enfants de Chas, mais par l’interphone, sans se déplacer. Les enfants finissent par accepter — fin de la quarantaine — fin de l’extrait. Cette analyse est purement narrative, mais à la manière de la maison qui structure les personnages, elle va servir de structure à notre réflexion suivante. Qui y’a t’il derrière ces images ? Et ainsi encore une fois de quelle manière la conscience architecturale s’exprime-t-elle dans ce film ?
3 — DERRIÈRE L’ANALYSE Il assez frappant de voir a quel point cette théorie des cadres est révélatrice d’un effort particulier pour faire ressortir l’agitation intérieure des personnages. Ici, Royal ne veut pas partir il utilise beaucoup de stress et d’énergie pour mentir a toute sa famille alors qu’il veut juste les retrouver, même s’il n’a pas, pour l’instant, les meilleures intentions du monde à propos de Sherman le futur mari de Etheline. Les pièces de la maison comme témoignage d’un passé florissant sont beaucoup importantes qu’un simple décor. Elles sont matière temporelle. L’architecte américain Louis Kahn disait que la matière a une ambition, elle veut devenir quelque chose. On voit que la maison les aide. Les protègent, les soutient, comme si tous étaient des filles et fils de cette maison de brique. Chaque pièce revêt des couleurs et une décoration très diverses. Royal est le seul personnage que l’on voit arpenter ces murs, regretter cette maison, car c’est le seul qui n’a pas son espace, on a enlevé ses objets personnels. Il trouve son bonheur dans l’escalier, seul moyen de réelle salvation, lieu de rencontre ultime. Il va guetter dans les escaliers, pour voir Margot et Chas et chercher à se réconcilier avec eux. Encore une fois c’est la maison qui aide et qui offre des possibilités et l’on voit bien a quel point la structure de la maison et ses étages se mêlent à la structure de l’histoire ainsi qu’à la structure mentale des personnages. À propos,
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le personnage de Ritchie se tient à l’écart, replié sur son inconscient, au grenier dans le cerveau de la maison. Ce qui est très intéressant dans ce film c’est anthropomorphisme appliqué à la maison. Au lieu de parler d’architecture à son sujet, on devrait plutôt utiliser le mot « anatomie ». Ainsi le grenier peut être vu comme le profond subconscient de la maison, lieu des souvenirs. Il est intéressant de vérifier la logique du montage et du découpage. L’on découvre souvent au compte-gouttes de nouveaux angles de vue, de nouvelles perspectives, mais toujours de lieu généralement déjà aperçu a ce stade du film. Malgré tout chaque plan participe a cet effort cartographique. En architecture on appelle cela un relevé. Ici, il n’est pas question de système métrique, mais plutôt du degré émotionnel et nostalgique contenu dans chaque pièce. On voit bien de cette façon que le personnage de Ritchie n’est plus attaché à sa chambre, sans doute qu’elle est trop liée à son passé de Tennisman célèbre. Il préfère son enfance annexe, l’enfance où il a aimé Margot Tenembaum. Sans se l’avouer et surtout sans l’avouer aux autres il se retire comme un ermite barbu dans cet inconscient architectural. En revanche, Chas, ne quitte pas sa chambre, c’est le monde extérieur qui vient dedans. Wes Anderson a, pour créer un subtil effet comique, fait venir des figurants totalement inconnus et insipides jouant le rôle des nouveaux employés de Chas, le parfait homme d’affaires en survêt. Margot ne laisse entrer personne dans son espace, pas même la caméra, si ce n’est Eli Cash qui s’enfuit par la fenêtre. Encore une fois c’est la maison qui aide, qui propose sa fenêtre comme lui dramatique. À savoir que la maison en tant que décor a été extrêmement travaillée, elle est remplie d’objets, tapis, de tableaux, de jeux de toute sorte et chacun de ces éléments est potentiellement utile pour le déroulement de cette histoire. L’homme mobile qui sert de guide au spectateur est donc Royal qui lui ne cherche pas a s’échapper ni a fuir, il cherche la confrontation, la rencontre et la sédentarisation de sa famille autour d’une seule et même idée, critiquable, celle de sa soi-disant maladie. Et pour ce qui est de cet extrait cela marche même s’il a un cancer de l’estomac et qu’il mange un burger et qu’il boit un soda en faisant du bruit. Cela marche à merveille, les membres de la famille sont mine de rien heureux de se retrouver et se posent des questions sur leur façon de réagir a une telle situation, qui pourrait tourner au drame. À propos de l’architecture appliquée au logement, il y a ici toute la théorie, même toute l’utopie. Le rassemblement d’une famille divisée, les souvenirs, l’expérimentation de l’espace et une fonction attribuée à chaque pièce.
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On voit principalement de cette maison, les pièces destinées au travail, au repos et au divertissement — jamais de cuisine, jamais réellement de salle de bain et encore moins de sanitaires — cela participe à cette vision très utopique que Wes Anderson a de l’architecture, très « Maison de poupée ». Vision qui s’est vérifiée dans ses films suivants dont l’apothéose est sans doute le dernier, le plus assumée, The Grand Budapest Hotel (2014). Mais généralement cette idée de fuir le monde extérieur grâce à un élément architectural ce retrouve dans toute son œuvre de façon plus ou moins marquée.
En conclusion, c’est un film où la notion d’architecture est intégrée comme profondément maternelle et aimante, finalement personnifiée comme une divinité aidant les autres personnages dans leur quête personnelle. Par ailleurs le film — et les autres films de Wes anderson — est parsemé de plans fixes retournés de façon verticale, comme si c’était Dieu qui regardait. Dieu ou ici la maison. Et la maison n’est que très peu montrée en façade, c’est avant tout un intérieur, une coupe cinématographique et architecturale. Nous avons trouvé intéressant de faire ressortir cela surtout dans le cadre de cette matière. Le film et son auteur savent tous les deux que l’architecture existe, que c’est una cosa mentale, qu’elle se réfléchi en fonction d’un mouvement et d’une expérience spatio/ temporelle tant d’élément qui la rapproche de la définition même du cinéma. Nous finirons par une citation du cinéaste Stanley Kubrick qui n’hésite pas a comparé les deux disciplines en disant : « Writing about cinema is like dancing about architecture. »
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