CARNET D’ANALYSE FILMIQUE TRAFIC - JACQUES TATI RHÉTORIQUE DU (ET) CINÉMA - GUILLAUME SOULEZ MATTHIEU SAMADET - L3 CAV - S1
INTRODUCTION
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LE CHEMINEMENT POÉTIQUE DANS L’EXTRAIT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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L’UNIVERS DE JACQUES TATI, OBJET RHÉTORIQUE EN SOIT. . . . . . . . . . . . .
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DU BURLESQUE AU DISCOURS CRITIQUE
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CONCLUSION
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ANNEXE
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TRAFIC (1971) JACQUES TATI EXTRAIT 1 : 13 - 1 : 18
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INTRODUCTION Trafic est le dernier film de Jacques Tati sous les traits du nonchalent monsieur Hulot. C’est un film post-playtime. Il a été réalisé en 1970-71 alors que Tati croulait sous les dettes dûent aux coûts de fabrication et d’exploitation Tativille, le fameux décor de Playtime son film phare - créés de toutes pièces. Après Playtime la critique du cinéma dite globale a pris la facheuse habitude de «ranger» Jacques Tati dans la case de l’antimoderne, celui qui critique la modernité et l’architecture. Il y a cette partie du discours mais il y en a aussi d’autres. Ainsi on pourra voir à travers ce dossier les différentes «couches» du cinéma de Jacques Tati, nous en avons décelé trois principales. La première est l’objet : Dans jour de fête (1949) c’est le vélo du facteur, ce bon vieux vélo peugeot qui se présente comme le vaillant et indestructible ami de ce facteur droit et rapide «comme les américains», dans Mon Oncle (1958) c’est la «maison d’architecte» comme il est convenu de dire, dans playtime (1967) c’est tout un quartier moderne - on pourrait le voir aujourd’hui comme fait à l’image de la Défense alors que l’on pourrait s’avancer à dire que c’est l’inverse ! - et enfin, nos objets d’analyse, Trafic (1971) et la voiture. Dans cette première couche de la pensée de Jacques Tati on observe un mouvement ascendant dans l’échelle de l’objet - compte tenu que cette «couche n°1» parle d’un objet - Le vélo, les bateaux, la maison et le quartier. Ainsi Trafic marque une rupture, certains parleront de pas en arrière, nous pensons plutôt que pour Tati dans ce film le pas en avant ne se place pas dans la «couche n°1» de compréhension. Ainsi il s’intéresse à la voiture, c’est comme si il l’avait oublié, mais il faut noter que le film s’appelle «Trafic» et non pas «Voiture», sous entendu que l’échelle de regard de la caméra sera le plan d’ensemble lors d’un Trafic - et c’est par ailleurs le cas - Il va développer à travers cette ambiguïté une théorie beaucoup plus poussée selon nous que dans ses autres films. Il va s’attaquer au «concept» et de manière moins grandiloquante il va décrire - de façon scientifique,
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toujours - la ligne, les alignements et les comportements humains. C’est cette analyse, en filigrane, qui constitue «la couche n°2», le film libéré de son sens figuratif. En outre Jacques Tati se comparait à un peintrea filant dans l’abstraction, il s’attaque à la forme des choses, aux molécules. Comme si il regardait au microscope les formes vagues d’un embouteillage rempli d’hommes zigzagant sous leur parapluie noirs, les hommes de Magritte, les hommes pluie, les hommes tout court apréciant le spectacle des femmes en couleurs qui font hurler le moteur de leurs bolides jaunes. «La couche n°3» est bien évidemment au delà de tout concept et de toute idée, c’est le caractère scientifique du film. Après avoir vu et entendu se détruire la parole par la parole, les langues par les langues, les lignes par les lignes jacques Tati analyse la société comme un peuple de molécules - finalement c’est ce que nous sommes - de façon distante et lointaine mais rarement on a été aussi proche de la réalité des habitudes, des tocs, des rires et des situations cocasses. C’est ainsi que nous avons pensé que Trafic ferait un excellent objet d’analyse filmique étant en lui même un film pensant, un film conscient et vivant. Derrière le voile burlesque il est difficile de déceler le vrai du faux. Tati comme dans sa dernière apparition récente en Illusionniste, égal à lui même devant ou derrière l’œil de la caméra. Nous nous arrêterons sur l’extrait où le personnage «caméléon» de Maria - l’Hollandaise en voiture jaune croit que son chien est mort écrasé sous la roue de sa voiture. Cet extrait dure environ 4min30 il met en scène une plaisanterie un peu lourde d’une bande d’adolescents hippies envers Maria et son chien. La scène possède une grande force comique et reflexive nous pouvons ainsi y faire jouer les diverses lectures étudiées. Ainsi les trois «couches» explicitées plus haut a
D’après une interview de Jacques Tati à propos de son césar et de la ressortie de Jour de Fête dans les années ‘70 chez Druker
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vont se recouper avec une lecture rhétorique, une lecture poétique. Cette introduction nous fait penser à une question qui fera office de problématique : En quoi dans cet extrait, Jacques Tati met-il en jeu tout son discours critique à travers un retournement des rôles et des sentiments spectateur/acteur/auteur ? Tout d’abord nous verrons la place de la poétique dans l’extrait, ensuite nous ferons une lecture rhétorique en parlant de la rhétorique globale de Tati et enfin nous essaierons d’analyser la portée d’un tel discours transpercé par le comique burlesque de situation. Nous essaierons de voir en quoi ici Tati ne critique plus si fort le mouvement moderne mais plus globalement les lignes qui selon on tendance à enfermer les hommes. I. LE CHEMINEMENT POÉTIQUE DANS L’EXTRAIT Nous commençons cette analyse par une lecture poétique de l’extrait. Elle nous servira à découvrir qu’est ce qui chez Tati provoque le rire. Ici malgré la difficulté de faire cette lecture poétique car il faut bien l’avouer surtout présente par son absence. Rappelons l’extrait : Une bande de jeunes hippies menée par «le chef» en rouge passent en s’amusant près de la belle voiture jaune de Maria la responsable de Altra - la marque de voiture pour laquelle Mr Hulot travaille -. L’équipe de Mr Hulot à pour but de rejoindre d’une traite Amsterdam où se tient au même moment le salon de l’auto, Altra veut y participer pour exposer son modèle camping ultra moderne. L’équipe a essuyé tout un tas d’ennuis qui les ont empêché d’avancer en ligne droite. C’est ainsi qu’après divers accidents et carambolages, Mr Hulot et ces acolytes se retrouvent bloqués chez un gentil garagiste Hollandais ou Flamand pour le moins démonstratif. Pendant qu’ils déjeunent dans le Camping car, la bande de jeunes - que le spectateur ne connait pas du tout - en profite pour cacher le chien chéri de Maria par un manteaux en fourrure blanche assez identique à celle du chien et de placer ce simulacre sous
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la roue de la voiture jaune. Tout l’humour réside dans les minutes suivantes quand Maria viendra chercher son chien qui répond - où plutôt qui ne répond pas - au nom de «Pitow». La lecture poétique est intéressante dans le cas de cet extrait car à l’inverse de beaucoup de scène de Playtime ou de Trafic même, celle-ci offre une réelle présence d’un récit. Ainsi on se place au 3/4 du film, on a compris plus ou moins les personnages et leur quête. Ce qui est fascinant avec ce film c’est la simplicité apparente de l’histoire : Une équipe appartenant à une conscession automobile doit rejoindre le salon, effectuer un rapide et efficace Paris-Amsterdam. Ce n’est pas possible de faire plus simple. Le pitch est une ligne droite, comme la volonté des personnages mais pas tout à fait comme ce qu’ils en font. Ainsi voici le personnage de Maria confrontée à celui de Mr Hulot, c’est ce rapport qui nous intéresse ici. Hulot dans notre histoire est concepteur de la voiture, mais il reste, malgré son métier important, un maillon quelconque de la chaîne de production de la voiture. On sait, une fois la plaisanterie faite, que l’équipe d’Altra n’est pas au courant, ils n’ont pas vu la scène. Nous si. Le discours poétique de Tati est de l’ordre moléculaire voire colorimétrique. On reconnait des types de personnages alors que l’on s’en rapproche jamais. À savoir que Jacques Tati détestait le gros plan, ou en tout cas il n’a jamais voulu s’en servir pour ses films. Nous avons relevé quelque chose d’étonnant c’est que dans Trafic Tati ne filme jamais l’intérieur de la voiture en tant que telle, il n’y a qu’un seul plan «voiture» c’est quand Maria et le chef de la police sont allongés dans les banquettes à l’arrière. La poétique se joue aussi ici dans ce que l’on voit. C’est à dire à la manière du Cuirassé Potempkine, Trafic sera intéressant avant tout au niveau poétique de la plastique. La diégèse dans cet extrait nous sert juste à faire un lien comique entre le caractère - on pourrait même parler de type - des personnages. Ainsi dans plusieurs plans du films nous verrons la même agitation moléculaire
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que l’on pouvait trouver dans le Cuiassé Potempkine. Alors malgré tout nous parlons de cheminement poétique car il y a un cycle intéressant dans le récit. Il est difficile malgré tout d’analyser la Poétique chez Tati car c’est la chose qu’il veut par tous les moyens supprimer. Par le son, et la musique.. La question que l’on peut se poser c’est à l’aide de quoi Jacques Tati fait rire ? Nous penson sque cette question peut nous aider à comprendre le véritable lien que l’on peut établir entre Tati et Chaplin ils font rire tous les deux grâce à la rhétorique et une rhétorique très elaborée. En effet, si la poétique est afaiblie la rhétorique elle n’est que plus forte. La poétique peut être ainsi considérée comme étant formelle dans cet extrait, Tati prend la décision de filmer deux axes comme dans un décor de théâtre coupé en deux. Et dans la structure de la plaisanterie on retrouvera la coupure. Il y a la blague, le repas et la découverte on retrouve le discours rhétorique dans la forme du syllogisme.
II. L’UNIVERS DE JACQUES TATI, OBJET RHÉTORIQUE EN SOIT C’est dans la forme et dans la logique de la plaisanterie que l’on va trouver la portée rhétorique. Et c’est ici que la notion Eikos - vraisemblable - va devenir importante pour cet extrait. Ainsi nous avons dit cette plaisanterie se présente en trois parties, comme un syllogisme rhétorique. Il n’est pas vraisemblable pour nous car on a vu le dessous, les coulisses. On a vu les hippies - on suppose qu’ils le sont - placer le manteau/faux-chien sous les roues de la voiture jaune. On a tout vu. Et c’est ici que ce joue l’art de Tati, c’est de brouiller les pistes. Alors que l’on est, naturellement, en train d’imaginer la réaction de Maria à la vue de cette mauvaise plaisanterie, on change d’angle et un chat noir passe devant nous et en
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quelques secondes totalement brouillées on se retrouve projetés dans leur déjeuner. Le filmage est classique, plan fixe, camera sur pied. Mais il y a une originalité évidente - ou pas - celle qui nous place en tant que voyeur de ce repas. On ne comprend pas les mots, ni le sens réel de leurs rigolades, on cherche à comprendre en revanche, on s’en arrache les cheveux - mais pourquoi Tati nous refuse le récit ? - sans crier pour autant à la manipulation, il y a influence certaine dans cette série de plans ou en tout cas volonté d’anticipation qui vise à totalement destabiliser le spectateur. Le chat, le repas, le camping car, les rires, Maria... Le personnage de Maria n’agit pas directement comme un signifiant, dans notre inconscient on se demande vaguement quand est-ce qu’elle va se lever pour voir son chien car on est sur que cela va arriver. Cette scène de brouillage sert au niveau rhétorique à injecter de l’eikos dans le regard du spectateur. On ne voit plus la voiture, on l’oublie et on pense à autre chose, on ne pense même plus au film puisqu’on ne comprend pas les dialogues. Ainsi on devient aveugle, aveugle à la plaisanterie. Et petit à petit à force de tourner autour de cette table de camping - la caméra étant aux trois angles d’un triangle équilatéral, par ailleurs on retrouve la figure du syllogisme dans le triangle - la porte du garage derrière Hulot se ferme toute seule, coupant le plan en deux en même temps que Maria s’enerve contre son patron. Maria se lève et sort. Dans le plan suivant on ne voit plus personne à part elle, il n’y a plus d’ambiance elle est seule et comme dans un vidéo-gag on s’attend à nouveau la chute, mais cette fois le temps est passé et on compatit plus avec elle, on y croit un peu plus. C’est peut être son chien sous cette roue - mais non ce n’est pas son chien ! - Les images alors les plus claires, comme celle de la blague burlesque, sont elles aussi brouillées. Et le panoramique sur Maria nous emmène sur la fameuse voiture et le fameux manteau. C’est ici, au dernier moment, en un instant magique que le rire revient à la même vitesse à laquelle Maria qui met les pieds dans le plat Celle-ci s’emballe, met son beret rouge de caméleon - car en effet dans le film elle change sans cesse de peau, de vêtements, nous y reviendrons - elle
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rentre dans sa voiture, elle tapote son siège pour faire venir «pitow» le chien au long poil blanc. Sentant bien qu’il y a tout de même un problème elle s’approche de la portière de façon apeurée, jusqu’à voir l’horrible chose, l’horreur funeste, son chien adoré écrasé par sa propre voiture - donc se dit elle «sans doute par moi !» - «pitow !» c’est le seul mot qui sortira de sa bouche pendant les minutes à venir. Minutes de pure comédie Burlesque. Il faudra s’attarder sur les trois «preuves» de la lecture rhétorique pour appuyer le rapport que l’on va trouver entre le personnage - sauveur simple - de Mr Hulot et celui de naïve jeune femme qu’est Maria. Nous nous sommes arrêté plusieurs fois auparavant sur une certaine forme de Logos en abordant la critique de la ligen droite de Tati dans ce film, mais ici le Logos est différent. On se place dans un moment de zig-zag du film. En effet pour comprendre ce mouvement du récit il faut rapidemment regarder un autre extrait - quelques secondes seulement - du film qui vient directement renseigner sur l’existence très claire d’une certaine guerre de la ligne. Mr Hulot marche le long de l’autoroute pour trouver de l’essence (ligne droite), il a et on a comme un pressentiment que ce n’est pas la bonne méthode pour trouver de l’essence que de marcher droit. Il va alors couper l’autoroute et suivre un autre automobiliste qui cherche lui aussi de l’essence à la vue de son bidon caractéristique des «chercheurs d’essence» - comme la coupelle pour les chercheurs d’or - Et cet effet cinématographique, celui que de couper l’autoroute que l’on peut intégrer dans une sorte de rhétorique viuelle de la famille du logos de Jacques Tati. C’est Tati qui parle et qui critique le système des lignes en créant des personnages gauches comme Mr Hulot = Mr Toutlemonde qui s’en sort en trouvant des chemins cachés, des chemins qui résument pas le monde au vecteur AB. Cet expliquer trouvons. détourné,
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intervalle explicatif peut justement servir à le moement du film dans lequel nous nous Nous sommes actuellement dans un chemin justement. Et ce à tous les niveaux sauf le
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rhétorique, ce chemin est le juste chemin de la pensée rhétorique, du syllogisme à l’état pur. Par essence Mr Hulot est personnage rhétorque à la fois biscornu et binaire. Il représente la branche personnage du syllogisme rhétorique - il tend à s’amuser grâce aux images avec une certaine idée du vraisemblable. Ainsi, revenons à notre extrait, le personnage de Hulot arrive en courant, habillé, coiffé de son éternel chapeau et effectuant son éternelle démarche - on le connait - mais également sorti de nulle part, il était censer manger, quoi qu’il en soit il sort. il voit : une femme qui pleure même plus il voit la jolie MARIA pleurer. il va la consoler. Même si il a envie de fuir, comme il a fuit à chaque fois qu’il devait prendre les devant. Il y va toujours de manière incertaine, comme un débutant. Le personnage de Hulot est un homme timide et nous avons parfois envie de dire que c’est l’homme enfouit où non de beaucoup d’entre nous. Là encore nous trouvons dans l’attitude du personnage - sans parler de l’ethos parce que ce n’est pas encore réellement une attitude d’orateur mais plutôt l’image qu’il renvoie - fait intervenir le logos de l’auteur du film qui par chance est Jacques Tati, aussi interprète de Mr Hulot. Il y a une sorte de recette de cuisine rhétorique qui permet au tout de prendre la forme de telle ou telle scène. Ici le personnage de Hulot, dans son attitude fait parler l’auteur au sujet de l’homme dans sa globalité. Hulot ne représente pas les femmes selon nous, mais seulement les hommes. En revanche Maria, elle, est LA femme. Elle est vive, elle est piquante, elle est caméléon, elle est volage, elle n’est pas sérieuse mais elle commande. D’une première vue cette attitude pourrait être un point de vue totalement misogyne mais il ne l’est pas et nous allons essayé de démontrer pourquoi. Le personnage de Maria dans cette scène comme dans beaucoup de scène est la source des inconvénients du parcours le long de cette ligne Paris-Amsterdam. Or on connait déjà les idées de Tati au sujet des grandes villes, des grandes routes, des grands constructeurs et fabricants de voitures. Il n’aime pas trop. Maria est un
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électron libre. Elle roule à une vitesse folle, elle n’est pas prudente, jamais, elle est créative, elle est amoureuse et elle toujours au mauvais endroit au mauvais moment. Dans son attitude elle est ce que l’on a décrit plus haut. On pourrait s’attendre à ce que le logos qui s’applique à se personnage corresponde à son attitude alors que c’est tout l’inverse et par une étonnante théorie des genre. Le personnage de Maria est l’inverse du personnage de Hulot aussi littéralement qu’elle est une femme est lui un homme. Maria crie, roule vite, pleure, flirte ouvertement elle n’a pas froid aux yeux. C’est elle qui a provoqué l’accident fantastique qui est aussi une scène culte du film - LA scène culte visuellement de ce film - dit autrement elle est la raison du scène d’anthologie. Et elle vient courcicuité un système trop bien huilé qui aurait fortement besoin de revenir vers le ciel, la terre, le concret. C’est une partie du logos appliqué à Maria un virus d’une extraordinaire capacité à créer le chaos et d’en tirer de la beauté. D’autre part ce qui différencie le personnage de Maria de tous les autres, cela se place encore d’un point de vue rhétorique, c’est l’usage du pathos avec elle. C’est la seule à avoir une juste idée de la morale, de la justice - elle va se disputer avec la police au sujet du camping car saisie pour aucune raison à la douane - et surtout avoir des sentiments. Elle pleure pour de vrai quand elle croit son chien écrasé ! Elle se sent bête, elle a honte, elle voudrait qu’il revienne. Elle est aveuglée par ses sentiments et ses émotions. Et c’est précisément dans cette scène que l’on voit le plus cet usage. III. DU BURLESQUE AU DISCOURS CRITIQUE Cette analyse ne nie en aucun cas le caractère spontané de la scène, elle ne nie pas non plus l’explosion comique qu’elle peut procurer et même au contraire. C’est un film qui s’appuie sur la rhétorique dès sa construction il est rempli de jeux visuel tout à fait intéressant nous y reviendront rapidemment en annexe, ce sont des contrepèteries visuelle qui servent à la fois le discours burlesque et critique. Dans cette troisième et dernière
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partie du développement nous allons parler d’un motif cher à Jacques Tati dans ce film encore plus que dans les autres c’est la question du regard - du regard voyeur. Et le mélange intéressant est le regard voyeur dans le cas de la comédie - ainsi on parlera plus de regard moqueur. Dans notre extrait dont nous allons analyser la fin, il y a une chose qui elle aussi est très intéressante, c’est la façon de filmer. Nous sommes loin de la scène en plan large voire plan d’ensemble, il y a peu de plans coupe et la voiture, comme un trophé est placé sur axe de rotation identique que l’on dans angle ou dans l’autre. Dans cette distance il y a l’effet du «voisin», celui qui regarde par dessus la barrière et qui analyse, on est James Stewart dans Rear Window. Nous somme donc d’emblée dans cette position d’analyste, il est difficile de rester passif dans ce film car tout est fait pour transformer l’œil du spectateur avec ou contre son gré en sonde à image. Nous nous étions arrêté lorsque Mr Hulot découvre que ce qui était sous la roue de Maria n’était pas un chien. Il va donc tenter d’expliquer à Maria, sans parler, comme dans un célèbre jeu de société, qu’est ce que représente cet objet étrange. Sachant que l’handicap pour notre cher Hulot est que Maria est complètement aveuglée par ses émotions. Il commence par s’essuyer les pieds dessus - à savoir cet objet est bien une veste - Maria alors croit qu’il s’essuit les pieds sur le cadavre de «pitow» elle trouve ça logiquement horrible. Il va ensuite le reprendre dans les bras et lui arraché le bouton de pull-over noir qui lui servait de nez, encore une fois Maria hurle de chagrin - qu’est ce que me veut ce français, pourquoi mutile-t-il les restes de mon chien - Le public pendant ce temps rit à gorge déployé et il y a de quoi ! Ce pauvre Hulot s’essuie les chaussures sur une veste en poil de mouton et puis tout le monde connait la plaisanterie, on l’a connait tellement que l’on en vérité à travers l’œuil voyeur de la caméra assimilé au groupe de jeunes - aux auteurs de la plaisanterie ! Et c’est ainsi qu’à travers ce
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moment d’humour très puissant on se sent coupable, tout comme les véritables auteurs devraient se sentir. On ne sait pas où ils sont, ils ont tout bonnement disparus aussi rapidemment qu’il étaient apparus quelques minutes auparavant. Mr Hulot continu sa dure tâche que de consoler la pauvre et triste Maria pendant que le spectateur-farceur jubile avec culpabilité dans son coin derrière l’écran. Maria submergée par l’horreur s’évanouit dans sa voiture. Sans aucun sous entendu Hulot tente de la rattraper, quand soudain Marcel sort de la maison de garagiste. C’est un humour de la coïncidence, et le rire éclate de nouveau - nous voilà en plein dans ce que nous avons appelé une contrepèterie visuelle - et encore plus fort car nous ne sommes pas les seuls voyeurs ! Ce qui fait aussi beaucoup rire dans cette séquence ce sont les antécédents de Marcel qui encaisse depuis le début du film les pires humiliations - il dort dans une barque alors que Maria à la péniche, il conduit le pire des camions, il ne parle pas du tout l’Hollandais, il voit des mirages Une fois que Maria se réveille Hulot a compris que l’objet canin est en réalité une veste il va donc l’enfiler sur le dos - à la manière des chasseurs indiens - il va se tourner pour exhiber le fruit de sa chasse à Maria qui dans un dernier effort pour exprimer sa tristesse va s’agripper à Hulot. Et dans se moment, montré de loin mais où s’exprime le pathos relatif à Maria et l’absence d’émotion de Hulot le chien réapparait par un raccord regard. La fête est finie. Ce qu’il faut voir ici c’est une des expressions les plus fines de l’humour de Tati imprégné par celui de Chaplin. Au début de The immigrant de Chaplin il y acette scène visionnée en cours où l’on croit voir Chaplin vomir sur le pont d’un bateau. Tout le monde est malade sur ce bateau, pourquoi pas Chaplin. Il se relève tout fier de lui avec un immense poisseon au bout du fil. Ce que ressent le sepctateur est assez simple est direct. Chez Tati ce sentiment là est ressenti par le personnage de Maria et par un astucieux jeu de miroir nous ressentons une reflet de ce sentiment plus ce que nous savons déjà.
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IV. CONCLUSION On peut voir que le retournement sous entendu dans la problématique était une sorte de jeu de miroir, un jeu visuel étonnant mis en place par Jacques Tati interprété par son avatar filmique Mr Hulot et mis en relief par son pendant féminin et non des moindre la pétillante Maria qui courcircuite le système, et avec la manière. Ainsi le voyeurisme au service de la comédie est un moyen comme un autre d’exprimer son avis et de faire sous entendre des idées.
ANNEXE - QUELQUES CONTREPÈTERIES VISUELLES Ce que l’on appelle contrepèterie en littérature c’est l’art de décaler les sons d’un mot, donnant il faut bien l’avouer, un caractère souvent très douteux aux phrases. On parle de certaines figures comme étant contrepétogènes. Et Tati est fervent de ce genre de logique puisque c’est à l’écran qu’il les adapte. Nous avons dans le film Trafic récoltés quelques petits exemples. Il s’est avéré que le maître en la matière est le chauffeur - Marcel - qui croit à chaque fois voir la lune alors que c’est le soleil. Ici Marcel croit voir une femme plantureuse exhibant sa poitrine, les mystères de la Hollande. En vérité c’était le postérieur d’un bébé, voyez comme le personnage de Marcel est embêté, le spectateur en revanche quand il s’en aperçoit ne peut que rire ou sourire.
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