NUMÉRO TRENTE-SEPT / contes en Cieux
NUMÉRO TRENTE SEPT Mars - Avril 2014
PHOTOGRAPHES
& rédacteurs Directeur de la publication
Fred DEMARD Rédaction
Fredd, LB, Jojo Publicité et Grande Gueule
Loïc BENOIT Publicité Web et Rédacteur 2.0
Joseph BIAIS Graphisme
Seb JOLY 8
soma
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Sybren Vanoverberghe Davy Van Laere Roberto Alegria Loïc Benoit Clément LeGall Yann Quenez Alberto Polo Yoris Couegnoux Maxime Verret Vincent Coupeau Florian Lanni Clément Chouleur Arnaud André David Manaud Fabien Ponsero Mathis Deglon Nohan Ferreira Antoine Besse Cédric Crouzy Joseph Biais
Jarne VERBRUGGEN FS Blunt, MALINES - BELGIQUE © Davy VAN LAERE
RÉDACTION SOMA est édité par LES ÉDITIONS DU GARAGE SARL 13, rue de L’Isère 38000 GRENOBLE ISNN : 1959-2450 info@somaskate.com
Imprimé en France. Toute reproduction, même partielle, publication, édition, ou sous n’importe quelle autre forme, est interdite. Sinon on envoie Covolan bétonner votre salon.
WWW.SOMASKATE.COM
NUMÉRO TRENTE SEPT Mars - Avril 2014
Maxime GENIN FS Tailslide, BARCELONE © Roberto ALEGRIA
JÉRÉMY GARCIA-ZULBIADE Il a l’air tout gentil comme ça, alors qu’en fait…
P.22 ANTIZ À ATHÈNES Les mecs d’Antiz s’entraînent pour les Jeux Olympiques.
P.34 SKATE MODERNE La revanche des bouseux !
P.46 SUAS C’est pas mal en grand aussi les photos…
P.54 10
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SO MM AI RE
ROMAIN COVOLAN Ses voisins l’adorent, un vrai p’tit ange.
P.64 BARCELONE Croyez-le ou pas, mais Barcelone c’est bien pour le skate.
P.72 JÉRÔME CIRCUS Ha ha ha, regardez-moi ce Zavatta ! Quel bouffon…
P.82 LE VRAC Patate arrête le skate et Joseph fait du neuf avec du vieux.
P.86
NUMÉRO TRENTE SEPT Mars - Avril 2014
INTRO Joseph BIAIS BS Ollie, AGADIR - MAROC / © Loïc BENOIT
La photo de couverture, c’est un truc qu’on prend particulièrement à cœur chez Soma. On ne fait pas
toujours les bons choix, c’est sûr, mais on essaye. Et puis c’est quand on pense avoir vraiment fait n’importe quoi (la couv’ avec Remy Taveira et Oscar Candon et leurs téléphones cassés), que ça marche le mieux et qu’on remporte des concours de couv’ (oui, ça existe). Avec cette photo de Joseph Biais en ollie entre deux plans inclinés super rad, on pensait avoir trouvé la parfaite photo de couv’. Un trick balèze, presque un wallride en plus… Un spot original et graphique, le skateur cadré à droite etc, tout était réuni pour que ça fonctionne. Et puis on s’est soudainement rappelé que Joseph, le mec qui saute, bossait désormais avec nous sur le mag et qu’on ne pouvait raisonnablement pas le mettre en couverture du magazine sans que tout le monde nous tombe dessus en criant au piston, au copinage, au meurtre et j’en passe. Je ne vais pas revenir une nouvelle fois sur le départ de Tura, mon ex-collègue, parti pour diverses raisons et notamment pour donner des ailes à son projet perso « à propos », un mag qu’on a hâte de voir, mais il se trouve donc qu’on a une nouvelle équipe et que Joseph en fait parti. Il écrit, il nous aide à vendre la pub et puis il ne va pas tarder à prendre en main la partie Internet et les réseaux sociaux. On avait besoin de quelqu’un de jeune (et bien fitté) pour faire chuter la moyenne d’âge dans l’équipe (et je reconnais volontiers que le fit’, c’est pas ma came). Bref, il a beau être sappé comme un dieu, pour la couv’, le Jojo, il est tricard. Il va falloir qu’il fasse au moins nollie saut per’ sur El Toro pour avoir une chance de se retrouver en « une » de Soma. Voilà, ceci est donc un message à ses sponsors, vous avez maintenant une bonne raison de le foutre à la porte…
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LE JEUNE
BS Air - LAS ARENAS - Photo : Clément LeGall
ROBIN BOLIAN Age : 15 ans Lieu de naissance : LYON Lieu de résidence actuel : à côté de LYON Années de skate : 5 ans Que fais-tu de ta vie ? Pour commencer
je vais au collège, je suis en troisième, après je passe mon temps libre à faire du skate. Vidéos de référence : Cliché « déjà vu », les vidéos Thrasher, la « Hold it Down » Première board : une mini logo Où seras-tu et que feras-tu dans 15 ans ?
Je sais pas. On verra bien. En tout cas, je continuerai à faire du skate Sponsors : Element ; DC shoes ; ABS Skateshop Lyon 16
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LE VIEUX
Nollie Heel - LAS VEGAS - Photo : Yann Quenez
THOMAS MERIOT "L'AIGLON DU 29" Age : 35 ans Lieu de naissance : Brest Lieu de résidence actuelle : Plougastel Années de skateboard : 24, dont 20 ans
au Plo Skate Club ! Première Board : Une daube Gordon Tennessee à 100 Francs puis une Vision Alphabetica en 1990. Vidéos de référence : Les Powell Peralta, Plan B « Questionable », Les 411 Où étais-tu et que faisais-tu il y a 15ans : Il y a 15 ans ? Du skate à gogo ! Sponsors : Aucun
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PAIX E N I HA
émy r é J e d w ie v r L ’ in t e e ld ia b u Z ia c r a G
Texte & Photos : Loïc Benoit
Est-il
totalement
schizophrène ? Déteste t-il
vraiment
tout
le
monde ? Pourtant il a plutôt l’air sympa. Pourquoi les
no-complies ? Mais qui est ce Jérémy Garcia-Zubialde d’ailleurs ? Et puis c’est quoi ce nom ?
ITW
JEREMY GARCIA-ZUBIALDE Soma
BS KickFlip, BRONX - NY
S
alut Jérémy, attaquons par les présentations. Ton age, d’où tu viens, combien d’années de skate, où tu vis en ce moment, tes premières motivations à faire du skate… ?
Je m'appelle Jérémy Garcia (-Zubialde pour le nom basque de ma mère). J'ai 23 ans, je viens de Saint-Jeande-Luz au Pays Basque, une petite ville de dix milles habitants et maintenant j'habite à Paris, grande ville aux millions d'habitants. Je crois être tombé dans le skate et la glisse assez tôt étant donné que je viens d’un coin où la plage est à cinq minutes à pied, les montages à une heure de route et les skateparks un peu partout. Je m’y suis mis petit parce que mes parents m'ont offert une banana board bleu fluo et que j'ai toujours eu une planche de skate dans mon garage. Mes motivations devaient être basiques au collège pour que j'y mette vraiment : faire le kéké devant les potes ou les filles fraîchement "femmes"… J'ai dû y prendre goût.
FS 360, STRASBOURG
Tu viens donc de ce qu’on appelle la Californie Française, ou le pays du Fun, comment définirais-tu cet endroit pour tous ceux qui n’ont pas « la chance » d’y vivre ?
Je peux pas te donner de définition… Le pays du fun c'est croiser des mecs en surf, en claquettes, en longboard, en roller, en skateboard, en banana board fluo ou avec une planche de snow sur la voiture, le tout dans la même journée. C'est aussi voir les mecs qui bossent dans l'industrie de la glisse, de la board culture, de l'extrême et qui viennent d'écoles de commerce. C'est aussi voir des mecs qui veulent à tout prix rentrer dans l'industrie de la glisse et les voir se prendre des vents.
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PAI
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Depuis que tu es Parisien, j’imagine que tu passes ton temps dans les manifs ?
En fait, je suis passé une fois avec les autres pour aller à un spot, on a dû traverser le cortège des manifestants. Je trouve que c'est vraiment triste ce qui se passe en moment, les gens ne se gênent plus pour exprimer leurs opinions racistes ou homophobes. Deux papas c'est peut-être plus cool qu'une famille monoparentale ou "traditionnelle". Enfin c'est de la politique, c'est un autre monde, bien moins fun que ce qu'on vit dans le monde fun de la glisse… Qui sont tes sponsors ?
Trauma Skateboards et Etnies international, mon prêt jeune Caisse d'Épargne, Bourse de Créteil, Pehene clothing et PN energy drink. Je te lance direct sur un sujet douloureux, le départ de Mister Candon (jeune fleuron du skate moderne et Français) de chez Trauma Skateboards... Pas trop dur? Comment vois-tu le futur d'une petite marque française comme Trauma ?
C'est vrai que c'est une sacrée perte, mais Oscar a bien défendu et représenté Trauma toutes ces années. Il a fait énormément pour la marque alors oui c'est dommage qu'il aille skater des planches chinoises, mais c'est la vie. Trauma restera, surtout avec François Andriès et Léo Cholet qui viennent de rentrer. Je pense que les gens et surtout les plus jeunes comprennent de plus en plus que c'est important de soutenir des petites marques françaises. Les gamins, ils savent qu'il y a des gars passionnés derrière qui se cassent le cul pour gagner
des miettes, et ils préfèrent, je pense, que leur argent aille dans les caisses de petites marques comme Trauma que dans les poches du PDG de Dwindle par exemple. J'avais envoyé un mail quand j'étais kids à Charly Mellec pour savoir s'il sponsorisait. Mais j'ai pas eu le courage de lui envoyer ma vidéo youtube. Trauma, c'est une sacrée image quand même, avec des décos assez cools et surtout à chaque fois un message percutant ou une référence particulière à un sujet. Il y a Brice (ou Sibu de son blase d'artiste) qui fait des supers belles illustrations, Nico (Rouquette) -et avant Charly- a de supers idées, assez piquantes pour faire passer des messages sur notre putain de monde qui ne
Shifty Flip, DIJON
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soma
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tourne pas vraiment rond. Trauma c'est vraiment une marque comme il en existe peu en France surtout, alors oui ça me fait super plaisir de skater avec et pour eux. Grâce à eux, j'ai pu être avec des kids cet été avec l'association MUC de Montpellier, et c'était chanmé, la tournée des parks avec eux super motivés, et puis quelques autres jours avec Nico (Rouquette) et Grilladin aux alentours de Montpellier. Et aussi de pouvoir aller en tournée entre copains quand les caisses le permettent. Je n’ai aucun intérêt à défendre Dwindle, mais je suis un peu surpris par ta réponse. Tu n’as pas l’impression de te tromper de cible ? Les boss sont d’anciens pros, donc de vrais skateurs, leurs marques me semblent tout à fait respectables (Dwindle est distributeur de Enjoi, Cliché, Darkstar, etc.). Bref, j’ai l’impression qu’il y a bien pire dans notre industrie, non ?
C’est sûr qu’il y a bien pire dans l’industrie du skate, mais quitte à choisir où va mon blé pour une board, je préfère aider des petites marques que de faire profiter des ricains qui s’en fouttent de nous. Et puis le PDG de Dwindle, ou Mr Burton et compagnie, je m’en tape un peu. J’préfère voir une belle board française que je suis sûr et certain, sera skatée à fond par Nico Rouquette ! Nous savons tous que tu rédiges le website "PN zine" peux-tu nous en dire un peu plus ?
D'abord c'est pas un putain de website ! C'est un magazine ou fanzine, comme tu veux, c'est presque pareil, sur le skate de la région sud-ouest, mais pas uniquement. L'histoire derrière le nom, c'est une expression que l'on utilise chez nous mais qui vient du Roi Heenok : « Pute Nègre ». On était trois à la base (avec Youri Fernandez et Mickael Brana), mais j’me suis motivé un jour sur un coup de tête, et « grâce » à une cheville de trois mois. C'est juste une expression familière et amicale entre nous. Du coup le mag, j'en fais un tous les trois mois, en principe, sauf que là, avec mon Master et mon stage qui commence, les derniers numéros se sont pas mal espacés dans le temps. Les six premiers numéros sont sortis uniquement sur Internet, parce que d'une part, je suis tout seul à faire ça, j'ai la FAC, le skate et d'autres trucs à côté. Et je me suis essayé à vendre des pubs pour l'imprimer, mais personne ne répond à mes mails ou c'était toujours négatif. J'ai pas la fibre commerciale et personne ne voulait m'aider, alors tant pis. Il est sorti uniquement sur Internet. Et puis l'avant-dernier numéro, je me suis sorti les doigts pour en imprimer une trentaine. Et ils sont partis en une petite semaine. En tout il y a huit numéros qui sont sortis dont deux sur papier (le second sera sûrement en vente quand sortira cette interview), et j'aimerais bien que ça continue un peu. Tant qu'il y a des gens qui sont motivés pour skater et surtout pour me donner des photos, moi j'suis à fond. Parce que le problème c'est qu'il y a plein de monde chaud pour me donner des images ou participer, mais, au final, ça reste souvent de la branlette verbale… Pas tout le monde heureusement, il y a Clément Chouleur, Alex Magné et Marion Monier (et pleins d'autres) qui m'aident beaucoup pour les photos, et c'est super de voir qu'un petit projet non-lucratif puisse motiver des gens. Ça redonne foi en l'espèce humaine. Pour ce qui est du ton, peutêtre que c'est pas commun de lire des textes avec un vrai sujet "critique", mais peut-être que si l'on réfléchit et que l'on connecte ses deux neurones, c'est pas vraiment normal de lire une interview du monde des Bisounours dans Soma ou Sugar.
HAINE
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JEREMY GARCIA-ZUBIALDE Soma
Darkslide, NY
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Et l'équipe de Sauce West, c'est tes potes ? Ou t'aimerais tous les voir crever dans des duvets pendus à des poutres ?
Non c'est mes srabs, Clément LeGall est super, il fait de sacrées photos et il a raison de faire son mag. Et puis nous n'avons pas les mêmes connexions. Eux, ont les photographes célèbres, moi j'ai les vrais, ceux qui sont sur le terrain, ceux qui sont passionnés et qui sont motivés de shooter autre chose qu'un hammer par une super star. J'ai été surpris pour ton côté "rentre dedans" à l’écrit, quand on te voit tu sembles tout timide, réservé, alors que souvent tes textes ont des cotés "à la MDV" (du défunt blog « sessioneverything » aka le blog de la haine), as-tu conscience de cette dualité dans ta personnalité ?
En fait, j'aime bien écrire comme ça. À la base, je suis nul en français, j'ai jamais suivi un cours, j'étais trop occupé à dessiner sur mon cahier. Mais depuis quelques années, j'ai appris à aimer lire. Et j'aime bien la manière que certains auteurs ont d'écrire, un peu crue, satirique, avec une bonne dose d'humour. Alors j'essaie à chaque fois d'écrire un texte sur un sujet qui touche tout le monde, j'essaie de caler une ou deux punchlines marrantes. Et si je me relis et que ça me fait marrer, alors je mets le texte dans le mag. C'est un peu ce que faisait MDV c'est vrai, et c'est du passé malheureusement. C'était marrant de le lire et ça a apporté un peu de fraîcheur dans le monde du skate. C'est je crois, humblement, ce que je veux apporter, même si, à la base, je le fais parce que j'aime bien écrire. Je ne trouve pas qu'il y ait une dualité entre les deux personnages. Si j'écris ça c'est que c'est passé dans ma tête. Mais c'est vrai qu'entre mes textes et ce que je dégage à première vue, on est deux personnes distinctes. Je suis juste bien éduqué, je crois, j'essaie d'être gentil avec les gens qui m'entourent, de ne pas être un fils de pute comme les millions de parisiens dans le métro à faire la gueule sans arrêt. Je ne parle pas beaucoup c'est vrai, et mes textes ne collent pas avec ma manière de parler. C'est justement le but, l'écrit est complètement différent de l'oral. On a plus le temps de réfléchir aux mots, à la tournure des phrases, au ton que l'on veut utiliser mais surtout au message que l'on veut faire passer. Ne serais-tu pas un peu "human racist" ?
Non, je crois pas, mais il y a quand même beaucoup de personnes qui ne pensent qu'à leur gueule, qui ne sont pas aimables, qui sont cons, racistes, homophobes et j'en passe. On est juste dans un monde perturbé et complexe, voilà tout. Pour en remettre une couche sur cette dualité, tu es addict au 2.0 (l'Internet en général, réseaux sociaux, vidéos etc.) j'ai pu m'en rendre compte quand on est allé ensemble à NYC. Et pourtant, tu fais des textes qui dénoncent ces dérives, ces addictions. Tu dénonces donc, mais en fait t'es le premier à être addict jusqu'au cou !
J'crois pas être addict au 2.0. J'ai pas Internet chez moi, ni de smartphone. Je suis né à une époque où à 12 ans, j'ai pu aller sur Internet sur l'ordi professionnel de mon père, puis avoir un
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Wallie - BROOKLYN
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JEREMY GARCIA-ZUBIALDE Soma
No-Comply Tail Smash - BROOKLYN
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ordi portable pas mal d'années plus tard. L'ordi, c'est comme la télé, et comme pour la télé-réalité, il y a Facebook, Instagram et tout ça. J'aime bien voir les photos de mes amis (ou cyber-friends que j'ai jamais vu), écouter les musiques qu'ils partagent ou parler, surtout depuis que je ne suis plus chez moi dans le Sud. J'utiliserais Skype, ça serait pareil pour moi sauf que j'utilise Facebook et voilà. C'est une évolution dans les rapports humains, et y a rien à dire d'autre de plus. Il y a des effets négatifs et positifs. Sans Facebook, PN Zine n'existerait sûrement pas, tous les "mails", discussions pour organiser tel ou tel article ou interview, envoyer et demander des photos, c'est beaucoup plus simple et rapide que de demander à telle personne par téléphone l'adresse email d'untel. Alors que je peux lui demander dans la seconde juste en tapant son nom. Et puis la plupart des gens checkent plus souvent leur Facebook que leur mail, alors Facebook, c'est cool. Ok, ok, laissons là le 2.0. Les skateparks, c’est ta came non ?
Les parks c'est bien, mais je crois qu’il faut pas y aller trop souvent, sinon on finit par avoir des oeillères et une fois en street, on réfléchit plus et on fait un trick que sûrement mille skateurs ont déjà fait… Et les contests ! Comment la jeunesse d'aujourd'hui voit-elle la Street League ? Dans quelle direction nous mènent ces grosses compètes ?
Je suis la jeunesse ? J'ai pas Internet, donc je ne regarde pas la Street League, mais je vois le principe, chacun son tour pour plus de suspens. En fait je sais que ça existe, mais ça ne m'intéresse pas vraiment. ça me fait autant d'effet de regarder un match de foot à la télé : pas grand-chose. Les contests c'est : "moi je sais faire ce trick, toi non, je suis premier, je suis le plus fort." C'est de la branlette pour égos surdimensionnés, même si j'avoue en avoir fait dans ma jeune jeunesse, mais c'était entre copains, des vrais amis pas des compétiteurs. Certains diront que la pression les motive, mais la pression en street est pour moi beaucoup plus saine. La direction du skate ? Elle ira où l'on veut qu'elle aille, si tout le monde regarde la Street League, oui, le skate finira au J.O avec Shawn White et Nyjah pour les U.S et tout le monde ira s’entraîner. Mais heureusement que tout le monde ne regarde pas la Street League. Mais que ça finisse aux J.O. ou dans la rue, le skate c'est qu'un putain de jouet. Et tant que je m'amuse en skatant, moi ça me va, même si je pense que sa place est plus en street qu'en lieu clos. Après, si tu veux savoir s'il est et sera crédible dans la rue, tu peux demander à Gala ou Paulette, ils te le diront, moi j'en sais rien. On s'en fout non ? Tu es adepte du pochoir sur le grip. Comment cela t'est tombé dessus ?
J'ai commencé le pochoir au Lycée en cours d'art plastique. On reproduisait des tableaux avec des pochoirs. J'ai direct accroché après sur Mark Oblow qui faisait plein de pochoirs pour les mecs de Gravis et vu que je suis une groupie, j'en ai fait sur ma planche.
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BS Lipslide No-Comply 270 Out - LYON
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JEREMY GARCIA-ZUBIALDE Soma
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HAINE PAIX
Jusqu’à combien de couleurs as-tu déjà utilisé pour un pochoir ?
Je suis allé jusqu'à quatre couleurs, après ça devient trop complexe et ça prend trop de temps à faire en sachant pour un pochoir à trois couleurs habituel ça me prend quatre bonnes heures de découpe. Tu continues ? Tu aimerais les exposer un jour ?
Je continue oui, chaque planche que j'ai eue depuis cinq ans, il y a un pochoir différent dessus, à part une ou deux fois. J'exposerai pas, à quoi bon ? Flatter mon ego ? Parlons maintenant de tes crises d’énervement… Avant de te laisser partir jouer avec tes amis sur les spots de la capitale, je voulais revenir une dernière fois sur ces dualités qui te caractérisent... Un nouveau trait de ta personnalité, tu t'énerves assez rapidement mais aussi violemment quand la figure désirée ne rentre pas. Il y a eu un souci dans ta jeunesse qui pourrait expliquer cela ?
C'est vrai que ça m'arrive de m'énerver, parfois assez violemment. Mais ça arrive à tout le monde de ne plus savoir faire un flip en flat alors que ça fait des années que tu le fais. Il y a des tricks comme ça où tu perds les moyens, ou que tu n'es pas dans une bonne journée, ou pour une autre raison, tu n'arrives plus à faire un trick que tu faisais parfaitement la veille. Alors oui, ça rend fou, je crie et ça repart avec une bonne dose d'énergie négative en moins. Ça fait du bien tout simplement. Une anecdote à ce sujet ?
Un pare brise cassé quand j'étais gosse… Ah ah !Mais non, pas d'anecdote récente, je laisse Guillaume Périmony essayer de filmer mes crises, mais il a du mal à capturer l'instant. Des remerciements ? Un dieu ?
Je voudrais remercier ma mère et mon père de m'avoir fait confiance et de m'avoir laisser faire du skate et surtout d'avoir compris que d'avoir une passion dans la vie, c'est primordial, même si à l'école les résultats sont moyens. Et sinon j'aimerais remercier ceux qui feuillettent mon magazine, ceux qui le lisent aussi, mais y en n’a pas des masses. Et voilà, je remercie Charly Mellec, Nico Rouquette, Grilladin et Brice pour Trauma, Julio pour les Etnies, Xan et Jean-Marie pour l'aide quand j'étais kid et surtout m'avoir appris les no-comply, impossible et pressure. Ma Lucie qui corrige mes textes. Et puis tous ceux avec qui j'ai partagé une session. Et je remercie pas ceux qui ne répondent pas à mes mails.
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CRISE
ANTIZ SOCIAL Soma
, s i k a l v u o S des
a c s ca& Geopolitique ‘
Antiz va se faire voir chez les grecs Les gars d’Antiz, grands amateurs de philosophie et plus particulièrement des grands penseurs de l’Antiquité, sont allés à Athènes rendre visite à leur correspondant Grec Thanos Panou, et débattre avec lui du glorieux passé de sa ville natale, berceau de la démocratie et d’un bon paquet de méchants spots de skate… Texte : Julien Bachelier Photos : Alberto Polo
Thanos Panou Frontside nosegrind.
out a commencé en ce équipe de douze (dont deux invalides, Rémi Taveira et début de soirée de l’été moi-même), débarquant à Athènes dans l’optique de pro2012 à Montpellier. longer notre été indien et de recharger nos batteries grâce Nous étions en plein à l’énergie débordante dont Thanos fait toujours preuve. « Marketing tour » et nous récupérions à la gare un certain Après avoir récupéré au compte-goutte l’intégralité de Thanos Panou débarquant directe- l’équipe, nous débarquons dans le skatepark DIY de ment d’Athènes. Un p’tit gars robuste Galaxy, où tous les locaux nous attendent de pied ferme. à qui on filait des boards par l’inter- Galaxy se situe en périphérie d’Athènes, c’est un peu le médiaire de notre distributeur Grec Chelles de Paris ou le Badalone de Barcelone ou encore et qu’aucun d’entre nous n’avait encore le Sanssat de Saint-Gérand-Le-Puy, mais ce dernier rencontré. exemple est peut-être un peu moins parlant que les deux Nous avions décidé de l’envoyer au autres. Bref, à part se bourrer la gueule au Metal bar ou casse-pipe grâce à un judicieux pro- traîner dans le square du coin, à échanger les derniers gramme que nous lui avions concocté, à base de « ON RESSENT RAPIDEMENT SON démos sous un soleil de plomb et sans une goutte INQUIÉTUDE VOIRE UN LÉGER d’eau, de couchage à même le sol et d’une nour- MALAISE À LA VUE DE L’ÉQUIPE. » riture essentiellement composée de pain sec et de houblon. Il faut les mater un peu ces jeunes prétentieux potins du quartier entre deux pitbulls suspendus aux (les fl(h)obos comme on les appelle), pneus d’une balançoire, il est difficile de s’occuper dans leur montrer qui sont les patrons ! cette cité dortoir.
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Hé bien, c’est lui qui nous a pliés en deux... Non seulement il a skaté
comme un champion, mais il nous a fait poiler comme pas possible et c’est lui qui couchait les « vrais hobos » le soir. Il nous a même convaincus de venir lui rendre visite à Athènes : « MEC, you have to come in Athens, it is paradise ! There is everything for you guys, no joke ... I’ll show you, Skate Rock Baby ! »... Il avait su nous convaincre et ses gallons étaient gagnés ! Chose promise chose due. Nous voilà donc un an plus tard, en petite
La scène locale est une bande de potes qui a grandi
ensemble et qui s’est appropriée l‘ancien terrain de basket du parc public. C’est là, tous les jours, que se retrouve le Galaxy crew pour y boire un café frappé, y improviser une session sur la nouvelle extension ou encore chauffer la braise du barbecue. Nous prenons vite nos repères, en attendant Marisa qui
nous sous-loue son appartement pour les deux prochaines semaines. On ressent rapidement son inquiétude voire un léger malaise à la vue de l’équipe. Thanos nous avait averti que l’appartement était petit, mais on ne s’attendait pas à devoir s’entasser dans un studio... Par chance, nous sommes au dernier étage d’un immeuble qui nous offre une magnifique terrasse et surtout, un accès direct
Dallas Rockvam Nollie.
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Gabriel Engelke Frontside boneless.
Yoga du soir ...
... vs yoga du matin.
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Samu Karvonen Ollie.
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« CHAQUE JOUR NOUS DÉCOUVRONS UN NOUVEAU QUARTIER AVEC UNE MULTITUDE DE SPOTS ORIGINAUX, SOUVENT ENGAGÉS, VOIRE CARRÉMENT SUPER BALÈZES »
au toit qui domine toute la ville. Nous campons donc à la belle étoile jusqu’à l’arrivée de la propriétaire un beau matin, quelque peu surprise de constater que sa locataire initiale s’est démultipliée en douze joyeux lurons incapables de s’exprimer dans sa langue. Je ne sais pas si c’est l’habitude des situations improbables ou notre charme indéniable, mais nous réussissons à nous sortir de ce bourbier par un magnifique bobard improvisé, sauvant par làmême notre petit nid douillet et la pérennité du bail de Marisa. Thanos nous a concocté un programme intense. Était-ce pour se venger de notre accueil musclé un an plus tôt ? En tout cas, on n’a pas chômé. Chaque jour nous découvrons un nouveau quartier avec une multitude de spots originaux, souvent engagés, voire carrément super balèzes, faisant le bonheur de certains et la frustration des autres. Nous sommes nombreux et ça ne facilite pas les déplacements. Malgré ce petit désagrément, tout se déroule à merveille et tout le monde en prend pour son grade. Hirschi nous démontre sa facilité à rentrer ses tricks first try ou à glisser sur des ledges très longs et dangereux sous les yeux ébahis du Galaxy crew. Peter skate les rails en switch, Dallas saute tout ce qu’il voit, Gabeeb s’impose par son trop plein d’énergie et Rémy répertorie les meilleures adresses de Souvlaki (fast-food grec) d’Athènes... Quand la nuit tombe et qu’une collation serait la bienvenue, notre hôte/guide/G.O. nous embrigade pour un dernier downhill sur les hauteurs de la ville afin de puiser dans les dernières ressources de Furones... À l’heure où Samu veut se coucher, il est temps d’improviser un barbecue chez les parents de Thanos puis de boire une dernière bière, généralement dans le square ou au Metal bar de Galaxy, tard dans la nuit. Fallait pas essayer de faire les mariolles avec Thanos à Barcelone, il est définitivement plus fort que nous… On ne peut pas nier que l’exceptionnelle hospitalité grecque a contribué au succès de notre voyage. Nous étions invités quasiment tous les soirs à dîner dans la famille de quelqu’un, à partager les spécialités culinaires du pays et à débattre de nos opinions sur l’Europe et la situation de la Grèce en ces temps difficiles (après « le Marketing tour », voici donc le « Géopolitique Tour »…). Alors bien sûr, on n’a pas vraiment mis l’accent sur les visites de l’Acropole et autres sites antiques ; mais nous avons eu la chance de faire de belles rencontres avec des personnes de milieux divers, d’échanger des moments simples, humains et précieux, sortez les violons. En fait, et ce sera là la seule pointe sombre de ce récit, on s’est
tellement bien acclimaté à la douceur de la vie grecque, qu’on a fait preuve d’un excès de confiance qui nous aura coûté assez cher. Surtout à Gabeeb et Samuel qui ont cru bon de laisser leur matos photo dans les voitures… On a rapidement repris contact avec le
sol en découvrant deux de nos bagnoles fracturées et les sacs photos envolés. C’est toujours terriblement frustrant, malgré notre part de responsabilité dans cette histoire. Nous avons donc passé notre dernière journée au commissariat du quartier. L’inspectrice, plutôt bien gaulée pour tout vous dire, tentait d’enregistrer notre déposition en essayant tant bien que mal de communiquer avec nous dans sa langue maternelle.
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Peter Molec bs 50-50.
« FALLAIT PAS ESSAYER DE FAIRE LES MARIOLLES AVEC THANOS À BARCELONE, IL EST DÉFINITIVEMENT PLUS FORT QUE NOUS… »
Hirshi Boardslide.
Samu Karvonen Frontside Nosegrind.
De notre côté, nous étions limités à quelques vulgarités, le genre de choses qu’on apprend très rapidement quand on débarque dans un pays, comme « Malaka » (Bâtard)… Elle nous répondait par des « voulez-vous coucher avec moi ce soir » qui ne nous laissait pas de glace... Bref, ça a duré six heures pour une déposition d’une page recto verso. Un instant de folklore dont on se souviendra un moment ! Pour conclure et pour en revenir un peu à ce qui nous préoccupe
dans ce magazine, Athènes est une ville qui pourrait bien devenir incontournable pour le skateboard en Europe. Des spots à foison, des locaux adorables, une inspectrice de police qui connaît l’essentiel en Français… Et dans notre cas particulier, l’accueil de Thanos, de ses potes et sa famille nous a démontré que la vie peut rester agréable malgré une situation économique et politique difficile. Les Grecs vivent sous tension, marqués par la crise. Mais malgré une forte amertume vis-à-vis du gouvernement et leur situation en général, les gens continuent leur routine et surtout à garder le sourire et la fierté de leurs origines en nous rappelant que cette capitale est le berceau de la démocratie et de la libre-pensée. Grâce au skateboard, attention ressortez les violons, encore une fois, nous avons vécu des moments intenses, riches en rencontres et il ne faudra pas nous pousser bien longtemps pour qu’on y retourne…
Ta lèmè ssidona !
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SKATE MODERNE Soma
Texte : Antoine Besse Photos : Yoris Couegnoux
Nous sommes en 2014 après Jésus-Christ, toute la Gaule est occupée par les contests, les sponsors et les techos. Toute ? Non ! Car une contrée peuplée d'irréductibles gaulois résiste encore et toujours à l'envahisseur…
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PREQUEL Le Périgord, la Dordogne même, est un fief assez rural où il est dur de trouver un spot digne de ce nom… Périgueux ? Une ville où il ne fait pas bon vivre pour un jeune planchiste… Malgré tout, c'est dans cet environnement qu'évoluent nos jeunes lurons, élevés aux grosses roues et au burin. Pierre, Benji, Daniel, Alex, Cédric, Florent, Jérémy, Loan, Mathias et Yoris. Des noms pas très connus hein ? Mais ils sont les protagonistes de cette vidéo… Ils skatent tous ensemble, des plus jeunes aux plus vieux, des meilleurs aux moins bons. Tous s'entraidant les uns les autres, le "groupe faisant leur force" comme dirait Pierre, personnage principal du "Skate Moderne". Dans ce drôle de patelin, ils ont eu la chance d'avoir le soutien d’une association ; Les activistes de la All Boards Family qui ont passé plus de dix ans au front pour obtenir un «skatepark». Vous voyez ces infrastructures un peu douteuses en tôle… ? On va abréger ce passage douloureux, mais ils ont quand même eu des bons souvenirs avec ce cadeau empoisonné. Fin 2000, retour à la case départ : ça roule plus. Heureusement, il en faut plus pour abattre un passionné. Le skate dans la tête, la main à la patte : Do It Yourself, ça squatte un hangar, ça fabrique des modules et ça ride (les fameux modules de la vidéo). Ce retour aux sources est le point de départ du film.
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Le casting du film au naturel. Moquez-vous, mais en Dordogne ils sont au top du fit.
GROSSESSE ATYPIQUE En dehors de la scène skate, peu de gens s'imaginent que le skate puisse être un sport, et encore moins un sport à la campagne. Sans aller jusqu'à refaire l'histoire du skate, tout le monde sait que "ça vient de la rue" (comme dirait IAM), alors, qu'est-ce que ça peut bien foutre ici ? En Dordogne ? Nombreux sont mes souvenirs d'ado où l'on se faisait jeter de tous les "semblants de spots" pour aller finir par skater les villages voisins où on était à peu près tranquilles. Les filles nous fuyaient, nous "traitant" de gamins, préférant aller récurer les bouches des mecs en G-Star blanc exhibant leurs derniers pots Ninja. Qualifiés de gosses aux yeux de nos parents, de voyous pour les anciens ("vous faites des traces sur les marches, vous faites du bruit..." bah oauis morray, c'est pas du scénario tout ça) et de “cas soss” aux yeux de nos professeurs, ça aurait dû en décourager plus d'un, mais non. Et surtout, l'avantage, c'est qu’on avait la facheuse tendance à se foutre royalement du "game", des contests et de tout ce qui fait que le skateboard est devenu une nouvelle case dans laquelle on se range. Les mecs ridaient dans la plus pure mentalité du skateboard. Je savais qu’un jour je ferais une vidéo sur le skate rural, et surtout ces mecs qui ridaient vrai. Trop de choses à dire pour les taire.
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Benjamin ANDRÉ-THANT Hardflip sur la street-Plaza du village.
NAISSANCE D'UN BATARD (SANS GLOIRE) Après une multitude de projets, l'idée était toujours là. Il me manquait plus qu'un détail, le traitement narratif et visuel, une ligne précise pour ne pas m'éparpiller. Il était hors de questions de rester dans les sentiers battus du fish-eye mais bel et bien de suivre la route de Spike Jonze. Il me fallait donc trouver la forme. Ca n'a pas tardé, un soir, je mattais “La Vie Moderne” de Raymond Depardon, grosse claque et surtout grosse révélation. Je n'avais jamais vu un documentaire traiter avec une telle poésie du monde agricole. Ça allait donc être ma base. Et si on partait sur un docu classique ? Non, entre l'écriture qui me demanderait beaucoup de temps et la gueule de nos "spots", pas de quoi casser trois pattes à un canard question narratif et graphique. Un clip ? Pourquoi pas, côté visuel/mise-en-scène/Direction artistique y'avait un truc à faire, surtout quand on connait les paysages Périgourdins. Un hybride des deux ? Banco ! En effet, je me ferais sûrement taper sur les doigts par tous mes aînés de la profession mais on s'en fout, mélangeons l'imagerie du clip à la sincérité des paroles de skaters. "Tu dois faire un choix, soit documentaire, soit fiction, c'est la règle", cette phrase que j'ai moulte fois entendue durant mes années d'études résonnait dans ma tête. "Okay bah on va faire ça pour internet". L’avantage ? La liberté totale ma gueule (à condition de ne pas dépasser 7 minutes…). Je me suis donc mis à penser à la structure et à chercher qui j'allais interviewer ou pas. Ce qui était sûr c'est que les frangins Bonami allaient être au centre du récit. Entre leur passé tumultueux et leur charisme respectif, ils allaient être mes personnages du réel ; j’ai décidé de prendre leurs parents au passage (16 années qu'ils baignent dans le skate malgré eux…), ils avaient forcément quelque chose à dire…
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Maintenant, il me fallait convaincre mes amis skater de me faire confiance, récupérer des costumes et trouver tous les spots. Pour ça je m'entoure d'une équipe de locaux expatriés : mamene Yoris et mamene Mehdi pour faire des photos, mamene Loan pour encadrer le tournage et m'aider à gérer la meute et enfin mam...euh Nastasia, pour composer des costumes façon paysans du siècle dernier (pour se rapprocher au plus près de “La Vie Moderne” et pousser le cliché à son paroxysme). Un team de créa’ Périgourdins pour un crew de skaters Périgourdin, une affaire locale (excepté un petit landais du koudbox venu en renfort les jours de grosses sessions). Première étape, trouver les spots, du rural, du naturel, rien qui ne perturbe l'oeil, pour en faire quelque chose d'intemporel. Ensuite, appeler Mamie et ses ami(e)s pour trouver les endroits adéquats et prendre un bonne claque visuelle. Rencontrer les familles, descendre café après "digeo" pour expliquer le projet, se faire prêter le tracteur... Il fallait aussi préparer mentalement mes poulains à "exploser" leurs boards, déjà que par chez nous on a l'habitude de les user vite… En échange, je m'engageais en tant que porteur du projet à trouver un sponsor pour les dédommager (voir plus loin). Deuxième étape, composer les costumes et convaincre mes amis de bien vouloir quitter leurs "five panels" et leurs "bob camo" (on a beau vivre en brousse, on suit la mode) pour rentrer dans un délire visuel, le Périgord du siècle dernier.
Jérémy POTARD Kickflip en sortant de la personal training facility.
TOURNAGE : 4x4 DE CHASSE, MODULES ET BALAIS. Premier matin, lever 6h, on récupère kickers, curbs et table de picnic à la Allboards (l’assos du coin, évoquée plus tôt. ndlr) et on file sur le premier décor, la scierie. Personne ne comprend rien, on installe le "spot" et on se met à shooter. Les mecs commencent à se chauffer mais c'est dur, il fait 0°, il est 8h du matin, ils skatent une patinoire et la réception est horrible. Les bûches s'enchainent mais la lumière est magnifique, enfin quelques tricks passent et passent bien (spéciale dédicace à Mathias). On est speed, 11h on change de décor, l'étable de la famille Dousset-Michel, là c'est n'importe quoi, on ride devant une cinquantaine de vaches, les tricks fusent, le sol glisse, il est terreux et chacun sait que chaque boîte peut lui faire goûter à un plafond de bovin. Quelques belles boîtes s'additionnent dont une des plus belles par Benji (le petit fermier dans le film, celui du Hardflip), ça se tapisse de boue et se lave au foin. On part tourner la séquence d'intro en suivant cinq riders qui cruisent pendant que je suis sur le toit de la caisse, caméra tenue en laisse. La route est tellement rugueuse et caillouteuse que mes izi riders galèrent pour rouler vite sur cette route de campagne. Certains en viennent à bout, d’autres prient pour que leurs appuis tiennent bon. Première tentative, trop de vitesse dans la descente, planches mal adaptées, trois bûches, dont une sévère pour Alex, mais c'est dans la boîte. C’est la fin de journée, il reste encore 9 jours, on est tous morts de fatigue mais étrangement tout le monde y croit à ce projet. Personne n'a l'intention de lâcher. Alléluia.
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CNPT
SKATE MODERNE Soma Les jours suivants, on se pose partout dès que le cadre déchire, on pose le curb, on cherche des nouveaux spots, on s'arrête dans les champs, toujours équipés de planches et de modules dans la remorque, on peut tout rider. On façonne au burin une grotte pour taper des wallride, Alex nous gratifie carrément d'un one foot sur la paroi. Gares désaffectées, villages historiques (la photo du Hardflip), tunnels d'autoroutes, rien ne nous arrête (ah oui pardon… Un gap de 3m50 a stoppé net les deux talons de Cedric, bon rétablissement mec…). Entre temps, on va à la ferme des Deltreuil pour tourner des scènes avec le tracteur dont la scène de fin. Un skate passe sous les roues du 4x4 et Daniel se fait cramer la tête avec un fumigène… Okey, bah on va galérer pour avoir la bonne prise. Au final on l’aura eu et tous rentrent sur le tracteur pour aller boire l'apéro de fin de journée, bien évidemment. Enfin, le dernier jour de tournage arrive, il me manque quelques tricks et quelques moments de vie. On a épuisé tous les spots et la pluie est au rendez-vous, ça sent pas bon. Mathias a alors une idée de génie : on va aller rider dans la ferme de sa mamie Colette. Le soir, grosse cogite : il va falloir aller plus loin que ce qu'on a fait, c'est le dernier jour, on va s'emballer et ça sera de l’impro. Arrivés sur place, on est tous d'accord, on doit créer un plan inc’ sur le mur du fond et on cale le kicker pour une sortie de grange. On enfume l'intérieur pour rendre le truc plus visuel et bim bam boum, la chatte à macdoom (slogan du tournage pour dire "emballé, c'est pesé" / Dixit B2o). Après 4h d'installation, tout est en place, Benji s'élance, ça kicke sévére, allez on sort la caméra. Ils s'élancent les uns après les autres, le plus beau trick de la journée reste le flip de Jérémy (Voir photo annexe), petit craquage vaudou/tribal et… Fin de tournage. Comme des paysans que nous sommes, on n’a pas bataillé, on est parti se mettre une berle au quartier général (la Demi’Eure), un subtil mélange du Macumba et du PMU du coin. Mais bon on kiffe, c'est chez nous et on avait quelque chose à fêter contrairement à d'habitude…
MONTAGE MAGENTA Quelques jours après, je ressors mon script, me fais couler une cafetière entière et commence LE dérush. Étrangement, ça va assez vite, j'ai à peu près tout ce que je veux, je commence à faire des tests, et putain ça a de la gueule. J'en sors un teaser pour démarcher une post-prod et surtout une marque de skateboard. À partir de là tout va très vite, Loan et Nastasia commence la com’, Mehdi et Yoris retouchent leurs photos. En quelques jours Dailymotion paye la post-prod et on a quatre médias qui nous assurent un relais, seul hic, il manque encore et toujours un sponsor pour les boards de nos gentils “cas soss“. Je contacte beaucoup de marques, quelques unes sont intéressées mais n'ont pas assez d'argent pour offrir des boards à tout le monde, et deux jours avant la sortie, toujours rien. Je suis au studio et là, comme dans les films, un messi débarque. Sous le patronyme de Mathias, officiant comme ingé son au studio Dailymotion, ascendant skater et soundesigner des vidéos Magenta. Il rentre donc par curiosité dans la salle de montage car il a eu vent d'une vidéo de skate. Je lui montre, a priori il a l'air d'apprécier et me dit qu'il est super pote avec Vivien Feil (Magenta Skateboards pour les incultes). J'envoie dans la foulée un montage à Vivien qui me dit "banco, tu la signes Magenta et on leur offre les boards". On se voit donc le lendemain soir autour d'un verre, je comprends alors sa motivation spontanée, c'était la marque adéquat au projet. Même philosophie de skate, même idée de skate indépendant et surtout une envie de renouveau dans un sport déjà bien trop gangrainé par les grosses marques et la compétition, où toute forme de développement a été annihilée. Evidemment "Le Skate Moderne", c'est pas des félins de la street mais c'est un film hybride, entre documentaire et fiction qui traite de manière onirique de la puissance vitale d'une passion (relis la phrase tu comprendras mieux); Je veux mettre l’accent sur cette idée de passion et de partage, un skateboard "allconnected". C’est cette philosphie qui nous a regroupés dans notre campagne, et d’une certaine manière, c'est ce que revendique Magenta, et vu le succès de ce film, je pense que c'est l'avenir du skateboard.
PROLOGUE Mercredi 29 janvier, le film sort et vous connaissez la suite. (Si c'est pas le cas, tape "le skate moderne" sur Gogole).
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NUMERO TRENTE SEPT
Danny WAINWRIGHT Ollie, ATHÈNES - GRÈCE © Davy VAN LAERE
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Matt DÉBAUCHÉ Kickflip drop-in, HOSSEGOR / © Clément LE GALL
Mickaël GERMOND Ollie to 50-50, LYON / © MaximeVERRET 58
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Sam PARTAIX BS Smith Grind, VILLEMOISSON-SUR-ORGE / © Vincent COUPEAU
Lucas PUIG Switch Ollie, SHANGHAI - CHINE / © Florian LANNI 62
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© Clément Chouleur.
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GROS VOLCAN Soma
« ÇA VA ÊTRE LA GUERRE ! »
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n aurait pu philosopher sur la mouvance D.I.Y., les spots renégats, la réappropriation de l’espace urbain... Pour se la jouer intellos à deux balles, comme on sait très bien le faire, on aurait pu par-
ler de revanche du prolétariat ou de nihilisme. Même pas peur. Vu de loin, ça aurait pu coller avec le personnage. Sauf qu’il est question ici de Romain Covolan et qu’il n’est pas homme à faire des chichis ou à arrondir les angles. On parle d’un mec qui a construit une réplique de l’Oregon dans le jardin de la maison familiale sans se demander une seconde si ça allait gêner les voisins, ou les parents. Il est question de motivation hors norme et à toute épreuve, il est question d’un banlieusard qui baigne dans le skateboard depuis le plus jeune âge, d’un skateur de courbes, en béton de préférence et toujours à la limite du skatable. Une grande gueule et une dégaine imposante qui contrastent avec une gentillesse limite louche. Un personnage haut en couleur qui ne laisse pas indifférent. Un tueur de coping. Un énervé de la truelle. Un gars comme on aimerait en voir plus ! Quoique, tout compte fait, je retire cette dernière phrase. Un comme lui, c’est déjà bien. Pour le voisinage déjà, et puis on ne va pas se mentir, personne n’a les épaules pour en gérer deux comme lui… Pas nous en tout cas.
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Légendes par Romain Covolan Illustrations par Faustink : www.faustink.fr # 37
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Feeble fakie – Covoland – Photo Arnaud André.
Cette courbe est bien trop rad mais au final bien fun. Y’a eu pas mal de bons tricks là-dessus et le feeble to fakie c’est une bonne sensas. C’est la première courbe que j’ai construite dans mon jardin. C’était en 2010 / 2011 je crois. C’est de là que c’est parti… Enfin, quand j’étais gamin, mon père nous avait construit une micro en bois pour mon frère et moi (ndlr : le père Covolan skatait dans les années 80, il est à l’origine de la vert’ rampe de Ste Geneviève-des-Bois et le frère ne skate plus, selon Romain il s’est fait bouffer par la banlieue, il fait de la muscu et met des chaussures Armani). Ça faisait un peu de bruit cette micro, les voisins gueulaient. Les flics étaient venus parce que des voisins s’étaient plaint. Ma mère les avait envoyés chier, en même temps, on faisait rien de mal, ils pouvaient rien dire. Maintenant que c’est en béton on n’a plus de problème, ça fait moins de bruit. Personne n’est venu se plaindre en tout cas. C’est surtout les fêtes qui font du bruit en fait. Une fois un voisin a gueulé parce que sa femme était morte et il disait que c’était de ma faute (on venait de se faire deux semaines de fiesta), mais le soir même il y a encore eu une fête… Maintenant, quand je le croise, il ne me regarde même plus. Mais, bon, ils font pas chier dans le quartier. L’immeuble en face c’est un ancien squat. Ils l’ont transformé en logements sociaux, mais ils ont remis les même dedans donc c’est cool. Y’a des bons cas dans le quartier, on avait un même un voisin qui se faisait son crack chez lui, dans sa cuisine, bref c’est pas le genre à gueuler… Mon père est parti vivre à Biarritz, mais ma mère est toujours là et ça ne la dérange pas. Elle kiffe. Là elle est en train de faire ses valises, elle part pour quatre jours donc je file à Carrefour acheter le stock de Stella. J’ai la maison pour moi, ça va être la guerre pendant quatre jours !
© Arnaud André.
Bs crailside – Covoland – Photo Arnaud André.
Ce spot est dur à skater, trajectoire tordue, difficile de garder la vitesse… Mais des potes m’ont poussé au cul pour que je fasse ce bs crailslide, alors après quelques bonnes zipettes et quelques grosses boîtes, ça a fini par passer. Depuis, quelques autres trucs sont passés, mais surprise, la vidéo arrive.
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Fs rock and roll – Torcy – Photo Vincent Coupeau.
C’était une journée de merde. J’étais tombé dans une sale embuscade la veille, donc je traînais une toute petite forme. J'avais proposé à Vins (Coupeau) d’aller voir des camions-bennes skatables dans une entreprise. Un bon spot pour shooter. À peine le premier camion nettoyé, les keufs sont arrivés, flingues en main, doigts sur les gachettes. Ils pensaient qu’on était des gitans venus voler du carburant… Du coup on a sagement décalé la session sur ce volcan. Le spot était mouillé quand on est arrivés, cafard… Je décide quand même d’essayer FS rock, histoire de ne pas repartir complètement bredouilles. C’était une bonne galère à cause de la petite marche entre la courbe et l’extention. Les roues avant tapaient dedans et j’ai plusieurs fois failli perdre mes chicos… Finalement ça a marché et j’ai encore toutes mes dents. Sympa les briquettes !
Blunt fakie – Ste Geneviève-des-Bois – Photo Florian Lanni.
Je me faisais chier chez moi ce jour-là, il faisait moche, alors j’ai appelé mon pote Flo Lanni. Je lui ai dis que j’avais une bonne idée pour nous occuper : faire un nouveau spot sous un pont à côté de chez moi. Deux jours après on l’avait fini. Première session la semaine suivante, c’est là que je me suis rendu compte que j’étais vraiment un abruti parce que c’était super rad. Comme chez moi… Mais du coup, grosse motiv’ et après quelques sessions j’ai mis ce blunt to fakie. Le jour du bétonnage il y avait une montre qui trainaît par terre, une à quartz, je l’ai incrustrée dans le ciment, face visible pour donner un côté un peu plus techno-futuriste au spot. Quelques jours plus tard elle avait disparue, des connards avaient pété le béton pour la récupérer.
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Fs Hurricane grind – Villemoisson-sur-Orge – Photo Florian Lanni.
Ce spot à briquettes doit avoir dans les 25 ans. J’allais au collège juste à côté. Mais c’est seulement récemment que j’ai tilté que c’était vraiment expoitable. C’est rad mais fun. Il y a un coup à prendre pour le skater mais quand tu as compris comment mettre tes pieds, ça passe… Le spot se trouve au milieu d’un petit lotissement paisible, le genre avec les bons pères de famille qui ne sortent la voiture que pour les vacances où les RTT. Ceux qui vont faire leurs courses de fin du monde un jour improbable quand t’es juste venu t’acheter un pack…
Rock fakie – Bordeaux – Photo David Manaud.
© Arnaud André.
Ce spot est chanmé ! C’est le D.I.Y. de Bordeaux, au hangar Darwin. Je suis tellement fan que j’y suis retourné plein de fois en quelques mois alors que j’habite à Paris. La première fois que j’ai skaté le spot, j’ai demandé à Seb Daurel s’il y avait déjà eu un truc de fait dans la fenêtre. Il m’a dit que non, alors je m’y suis collé. Cinq essais plus tard, c’était plié. C’était bien chaud mais finalement c’est allé assez vite. Je l’ai filmé avec Ben Chadourne la première fois puis j’y suis retourné avec le beau et grand Manaud pour le shooter.
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Je ne sais pas si vous vous souvenez du mois de mai 2013 ? En même temps, peutêtre que ça allait chez vous, mais chez moi, à Lyon, le printemps venait d’être annulé et l’été
bien
semblait ne pas vouloir se pointer non plus.
on
Une vraie météo de merde ! Des journées
le soir… Et bref, j’en
entières passées enfermé à guetter la moindre
ai un peu chié en mai 2013.
éclaircie, tout en mattant du skate sur l’ordi-
Tellement que j’en suis arrivé à la
nateur. Des sessions abrégées par le quart
conclusion qu’il fallait que je fasse mes
d'heure de pluie qui vous ruine toute une
valises au plus vite pour ne plus jamais
après-midi et votre motivation par la même
avoir à revivre ça. Aucune intention d’innover, je voulais
occasion. Toute cette frustration qu’on
être efficace. Je voulais fuir la grisaille,
engrange jours après jours… Du coup, qu’est ce qui se passe dans ces cas-là ?
je voulais des spots à profusion, du
Et bien inutile de se voiler la face : on
soleil, des compagnions de session, et
sort évacuer cette énergie négative en
tant pis pour le cliché : c’était décidé, je partais pour Barcelone ! J’ai donc
allant boire des coups le soir avec les potes. Une technique très répandue
sauté dans un bus à destination
mais dont l’efficacité reste tout de
d’une ville où les locaux se plai-
même à prouver. Parce que dans
gnent et s' emmitouflent quand il
mon cas, ça n’arrange rien. On rigole
fait 10°. Un endroit où quand il pleut c’est un évènemment. Où le prix
bien sur le coup, mais au final, ça ment de déprîme. Alors qu’est ce qu’on fait ? Et
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Texte & Photos Fabien Ponsero
ne fait qu’accroître le senti-
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ressort
de la vie est plus bas qu’en France. Fiesta, filles, plage et tapas comprises dans les options de base… Franchement, même si ça n’a rien d’original, partir s’installer un moment à Barcelone ça m’a soudainement semblé être une excellente idée…
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Alley oop BS Wallride
Can Boixeres
Dallas est un bon exemple de ce qui rend Barcelone incontournable. Il y est d’abord venu pour le skate. Pour ses spots et son climat favorable. Mais il n’est pas resté insensible à son côté festif, agréable à vivre et abordable financièrement. Comme beaucoup d’autres, il a donc succombé à ses charmes et s’y est même installé un certain temps. Il a rencontré des gens de tous horizons, découvert différentes cultures et il a même trouvé celle qui par la suite, est devenue sa femme. Cette ville est un lieu de passage, de va-et-vient ininterrompu. Elle est une fenêtre sur le monde et au delà des spots légendaires elle a toujours quelque chose à vous faire découvrir.
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Five-0
El Prat
Concentrez vous deux minutes sur ce rail s’il vous plait. Il est haut,
casse gueule, fait d’une matière bizarre et glissante et si vous tombez de l’autre côté vous n’êtes pas mort, mais presque. Passons maintenant au trick. Le fs five-0. Qui n’a jamais fait une zipette en fs Five-0 ? On est confiant, on l’a déjà fait plein de fois, et là hop ! La roue passe au dessus de l’arrête, et on s’enc… On tombe et on rentre chez sa mère. Barney Page, ce jour-là, a fait ce five-0 une bonne quinzaine de fois d’affilé parce qu’il était au milieu d’une line et que la vraie difficulté se situait ailleurs… Il est bon, il est bon.
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Double Boardslide
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Vall d’Hebron
À Barcelone, les spots mythiques se trouvent à presque chaque coin de rue, et c’est toujours
sympa de les voir en vrai. Le problème avec eux, c’est la liste de ABD. Il y a toujours un mec pour te rappeler qu'untel a déjà fait ceci ou celà. C’est franchement navrant parfois. À part rajouter un flip avant, après ou pendant ce qui a déjà été fait, sur certains spots, il n'y a pas trop de recours. Quand nous sommes arrivés sur ce spot qui en a déjà vu des vertes et des pas mûres, et pendant que les autres skataient les barres par la voix habituelle, Fred a tourné autour un bon moment. Il a finalement trouvé son propre chemin et a surpris tout le monde avec ce "double" boardslide.
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switch Flip
La saLut
Cette place est un rêve qui peut vite tourner au cauchemar pour nous autres.
Au premier abord, ça ressemble à un lieu en tous points conçu pour le skate. Ledges, curbs, marches, walls, tout y est ! Pour une fois, le sol roule bien et ça a l'air d’être un coin tranquille. Parfait en tout point ! Sauf que… Tout le monde a le sourire en s'élançant sur sa board ce jour-là, mais à peine a t-on claqué le premier ollie qu’on se rend vite compte que ce qui est en fait une cour d’immeuble, résonne particulièrement et que les résidents des 300 appartements surplombants le spot n’aiment guère être dérangés dans leur sieste quotidienne. Le bruit inssaissant des replaques a rapidement raison de leur patience et ils ne tardent pas à faire appel aux forces de polices. Dans ces cas-là, on est content d’avoir dans son équipe un gars comme Gustav Tönnesen à qui il n’a fallu que très peu de temps pour rentrer ce switch flip. Le trick mis en boîte on s’empresse de déguerpir pour échapper au traquenard.
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Halfcab up to bs smith bs flip out
El Prat
Skater et shooter dans le centre de Barcelone est marrant cinq minutes, mais ça devient vite stressant.
Premièrement, les flics sont partout. Il vous faut toujours poster une vigie pour pouvoir décamper avant qu'ils n'arrivent sur vous. Leur filer votre board et leur payer une amende n'est pas spécialement amusant (ou alors on n’a pas le même sens de l’humour). Et si vous êtes chanceux avec la Maréchaussée, il vous faudra essayer d'expliquer aux locaux, souvent âgés, que vous n' êtes pas là pour les emmerder mais pour vous amuser. Tout ça avec votre espagnol rudimentaire (là je parle pour moi, mais d’après ce que j’ai pu observer chez mes amis exilés, ça ne vole pas haut non plus). Vous devez aussi toujours avoir un oeil sur vos affaires, si vous ne voulez pas avoir à vous racheter un téléphone et votre caméra fraîchement acquise. Oui, ça casse un peu le mythe d’un seul coup… Il est donc parfois préférable de s'excentrer pour plus de calme et d'harmonie pendant la session. C'est le cas de ce spot. Vous pouvez y rester des heures entières sans aucun problème et vous concentrez sur votre trick sans avoir à batailler avec les passants. Pourquoi aller s’emmerder en centre ville quand on dispose de spots pareils ? Ici, Barney exploite ses avantages à fond pour plaquer un combo plutôt tordu.
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Bs air Tail Smash
El Masnou
Comment quelqu'un a t' il pu tomber sur ce spot ? En tant que néo-résident Barcelonais, c'est le genre de chose que j'ai encore beaucoup de mal comprendre. Alors que les spots pullulent dans le centre, celui-là se situe dans un village côtier perdu au nord de Barcelone. Pour s'y rendre, il vous faut prendre un train, grimper des collines abruptes, traverser une rivière asséchée, tourner à droite, à gauche, trouver le lampadaire bleu, suivre le chat botté et si vous êtes chanceux vous tomberez finalement sur cette place. Par contre, quand vous y arrivez, vous comprenez vite pourquoi ça valait le coup de misérer deux heures pour la trouver. C'est vide, calme, ombragé et le spot est vraiment beau. Le problème étant maintenant de trouver comment l'exploiter. Car comme souvent, il n’est pas évident à skater. Il y a des pavés, le sol est rugeux et un des deux côtés est vraiment rad. Ross fait appel à ses capacités d’adaptation hors normes pour dégainer ce bs air tail smash et ainsi égayer notre journée avant la marche de retour.
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Badalona Beach
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CLOWNERIE & CASCADES Soma
Jérôme Chevalier et le cir e misère
Il y a bien Primo Desiderio, freestyleur pro à nuque longue des années 80, à qui on doit notamment le primo slide (c’est gentil, mais fallait pas…), qui avait terminé sa carrière dans un cirque. Mais il reste plutôt rare qu’un skateboarder choisisse de faire sa reconversion sous un chapiteau. Pourtant, vous conviendrez qu’il y a deux ou trois Zavattas qui y ont toute leur place… Quand on a appris que notre pote Jérôme Chevalier allait bosser dans un cirque, on a hésité entre se faire du souci pour lui et trouver ça génial. Puis on est allé le voir, et il nous a complètement fait rêver !
Texte & Photos: Loïc Benoit Intro : Fredd 82
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Alors Jérôme peux-tu nous raconter comment tu t’es retrouvé à faire du skate dans un cirque ?
C’est un truc que j’avais toujours rêvé de faire. J’ai commencé en septembre 2011, mais avant moi, il y a eu Kévin Besset, puis Alexis Greusard. C’est Kévin qui m’avait présenté à la compagnie pour lui succéder, comme j’avais déjà l’expérience du spectacle avec des potes et mon groupe « Condkoï ». On montait différents spectacles avec ou sans skate, pour tous types de publics et même pour des écoles ou des comités d’entreprise... J’avais d’ailleurs pour projet d’acheter un chapiteau et de partir sur la route pour partager et faire découvrir cet univers magique du cirque, mais ce projet n’a jamais vu le jour. Et puis quelqu’un l’a fait à ma place, et après Kévin et Alexis, j’ai intégré la compagnie. J’ai apporté des idées qui ont été acceptées rapidement et on a bossé à fond ! Du coup, j’ai stoppé l’activité musique avec mes deux groupes, Condkoï et Roti-Bondage. J’étais ravi de commencer ce nouveau projet et de partir sur la route. Le côté éphémère du chapiteau, la vie à plusieurs, la création, jouer de nouveaux instruments (contrebasse, percus…), les caravanes. Il n’y a pas un moment où tu t’es tu dis : « ma carrière dans le skate français est fichue, tout le monde va se foutre de ma gueule ? »
Même avant ça, ma carrière était déjà bien inexistante car je ne suis pas trop dans l’auto promotion ou dans la reconnaissance médiatique. Mais là je suis en train de répondre à une interview... Allez, à trois, on se fout de ma gueule ! Un, deux… Mais ça me fait plutôt rire, et puis, ceux qui se moquent sont souvent les plus à plaindre ! Tu te considères comme un clown, un acrobate, un artiste ?
Il y a certainement un peu de tout ça… J’ai toujours aimé la cascade, le rire, la danse, le mime et les trucs un peu magiques. Mais en vrai, je ne suis ni l’un, ni l’autre, car je n’ai jamais étudié les arts du cirque, je suis autodidacte en tout. Je n’ai aucun diplôme à mon actif. Je fais trois numéros : -Le Street : j’évolue sur la piste ronde et trois de mes partenaires m’aident à skater en me proposant des obstacles qui sont intégrés dans le plancher (transferts, gaps, wallrides, hippy jumps..) -Le Free : je skate une micro planche avec des talons aiguilles et avec mes partenaires, on crée une danse. C’est mon numéro préféré car je roule juste, je fais des courbes, c’est la base du skate! Et en plus, j’ai même pas à pousser, ce sont les autres qui me drivent ! -La rampe : c’est un halfpipe (sans plat) mobile que mes partenaires manipulent avec moi dedans... C’est le numéro le plus classique mais aussi le plus dangereux car si un seul des gars n’est pas dedans, « sur le steak » comme on dit, ça peut être la catastrophe... Tu t’es déjà mis de bonnes boîtes, ou ta board est-elle déjà partie dans les dents d’une maman spectatrice ?
On m’a fait tombé deux fois avec les talons (ndlr : pour ce numéro, Jérôme est en slip et talons aiguilles sur une board des années 70 et ses collègues le poussent violemment pour le faire tourner le plus vite possible sur la piste, ça n’a l’air de rien, mais c’est vraiment chaud…), et j’ai effleuré trois ou quatre fois les gens du premier rang avec ma board, mais aucun n’est ressorti avec un bleu ! Ah si peut-être, une fois, un gars au deuxième rang a plongé direct au sol dans l’entrée public... En fait, à un moment je fais un arrêt en powerslide et je sais pas, mais le gars a dû flipper à mort, et il s’est jeté par terre ! Les chutes dans le halfpipe, t’évites au maximum… Une fois, la board est partie full speed dans le toit du chapiteau et une autre fois un de mes collègues l’a rattrapée alors que j’allais tomber de la plateforme. Après, au cirque, faut être sûr de soi, avoir bien répété. Ça arrive de louper, mais il n’y a pas de juges comme aux contests. Les gens sont indulgents. Plusieurs fois, j’ai fait des sorties de hafpipe directement dans la porte du chapiteau et là, ça fait un sacré vol ! Mais en général j’assure. Te connaissant et appréciant ta façon de skater couplée à cette façon peu probable de t’habiller, je pensais que la rigueur du cirque ne serait pas trop ta tasse de thé : les numéros appris par cœur, les costumes imposés… On est loin de la liberté qu’offre le skate. Pas trop dur de se mettre au pli ?
La rigueur en skate, tu en as forcément si tu ne veux pas finir trop souvent à l’hôpital. Mais cette rigueur est personnelle et donc plus facile à vivre. Tu sais que je suis capable de beaucoup de choses... Mais sur un projet de spectacle, si tu adhères au propos, ces contraintes sont nécessaires donc ça ne me pose pas de réel problème, surtout que, ayant passé 17 ans à jouer dans un groupe, plus les spectacles de jonglage, ça te forme déjà un peu aux répètes, à la scène, à la rigueur, à être un peu organisé. C’est comment une journée, voir même une tournée dans la peau de Jérôme Chevalier au sein du cirque Misère ?
On est dix, et on part minimum pour une semaine à chaque fois, car il y a la route, le montage du chapiteau, le montage de la piste et de tous les gradins, les lumières, le son... Puis on nettoie, on joue, et on démonte l’intérieur du chapiteau après le dernier spectacle. Le lendemain, on tombe le chapiteau, on sangle bien les remorques et on reprend la route. Sur place, certains sont en gîte et les autres en caravane. Au début, je squattais une petite caravane mais avec mes deux, puis trois chiens, ça devenait petit... J’ai donc décidé d’acheter une caravane plus grande et un camion pour la tracter car avec ma voiture, c’était trop dangereux. Quand on joue, on répète de 11h à 13h, on mange et on sieste. Deux heures et demie avant de jouer, on se rejoint sous le chapiteau pour faire la mise (préparer tout ce dont on a besoin, faire les dernières vérifs, piste, accessoires, pour qu’il n’y ait pas de mauvaises surprises au cours de la représentation), on se chauffe, on se costume et on accueille le public. Après on range les trucs qui craignent et on va manger. Les jours où on joue deux fois, on ne répète pas. Et on ne mange pas juste avant de jouer ! # 37
soma
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Ça paie bien ? Tu vas finir sur le plateau du Cabaret de Patrick Sébastien ?
cirque, j’ai eu le temps de pas grand-chose... J’ai fait quelques sessions avec des potes, mais rares. J’ai continué de retaper ma baraque aussi... J’ai fait plein de rencontres, mais je me suis aussi éloigné de mes amis et si j’arrête, c’est aussi pour pouvoir passer plus de temps avec mes amis, ma famille et mon skate ! J’avais pas mal perdu en skate, mais je commence à reprendre un peu la forme et j’ai bien envie de laisser des traces de gomme un peu
Ça paie bien, oui. En tout cas pour ma part. La compagnie est supportée par des institutions. Des scènes nationales des arts et du spectacle, par des pôles cirques, conseil général… Du coup, j’arrive à être intermittent sans problème. Il faut savoir que la plupart des autres compagnies se démerdent comme elles peuvent car elles n’ont pas les mêmes soutiens que nous, je suis donc privilégié en EN FAIT, À UN MOMENT JE FAIS UN ARRÊT EN POWER étant dans cette compagnie. Pour Patrick Sébastien, je ne suis SLIDE ET JE SAIS PAS, MAIS LE GARS A DÛ FLIPPER À pas sûr qu’on s’entende lui et moi donc je ne finirai pas sur son plateau. MORT, ET IL S’EST JETÉ PAR TERRE ! Et puis, c’est de la merde la télé, elle rend esclave ! J’ai appris que tu allais quitter la compagnie et qu’ils recherchent donc un nouveau skater.
Je quitte le spectacle fin juin pour des raisons très personnelles que je n’exposerai pas ici. Les problèmes de communication ont joué dans ma décision, ainsi que le fait de ne pas pouvoir skater comme dans la vraie vie... La piste qu’on utilise est en bois et je ne peux pas trop m’amuser à la skater car je la défonce et puis, ne faire que du flat avec des grosses roues molles… J’aime bien le flat, mais si je skate, c’est avant tout pour rouler des nouveaux spots, et avec des potes si possible. Le skate, c’est à la fois la découverte de soi, de son corps et la découverte ou redécouverte du monde qui t’entoure. Une annonce a été diffusée pour me remplacer. En fait, deux ont répondu mais personne n’est venu. Pendant toute cette période de cirque, tu n’as pas trouvé le temps de partir en tournée de skate ? Ou simplement de faire de bonnes vieilles sessions avec des potes ?
Je suis parti une fois je crois ? Mais en fait, pendant cette période
partout sur mon passage... Je traîne un peu sur Limoges car mon ex n’était pas loin et du coup j’ai revu un super vieux pote de skate et musique, Charly et ses groupes (Escobar-Stereozor). Il m’a tellement aidé récemment, je m’en souviendrai toute ma vie. Et Ced de Woodies, et Adrian et Alexis et les p’tits jeunes... Pareil, c’est des bons ! Merci à vous. Des projets pour la suite ? Et ne me dit pas « faire des gosses pour les emmener au cirque » !
Déjà finir ma maison, refaire de la musique, voir mes ami(e)s, ma famille et tout ça sur mon skate. Mais avant tout, prendre soin de moi, écouter mon corps, être humain même si c’est compliqué dans ce monde, écouter les autres et prendre le temps de vivre par le plaisir et non par le travail esclavagiste de cette société... En fait, vivre et partager ! Merci à Rekiem skateboards de préserver au mieux la planète, à Sirocco (Pierrot que j’appelle pas assez souvent et Bets... On reste connectés tonton...) et Vans... Et mes ami(e)s. Vive la vie et le skate !
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C’EST DÉCIDÉ, CE COUP-CI J’ARRÊTE LE SKATE Texte : Cédric “Patate“ Crouzy & Photo : Mathis Deglon
Non vraiment.
J'ai plus les jambes. Plus le dos non plus. Plus la force. Plus les potes... L'autre jour, je me suis fais violence pour aller faire un petit gap et le filmer. C’est bien de se mettre un peu la pression de temps en temps non ? Et bien j'ai mis trois jours pour m’en remettre. J'arrivais même plus à enfiler mes chaussettes le matin. Depuis quelques temps aussi, je ne trouve plus personne pour explorer la rue avec moi, pour voir les potes, il faut que j'aille au skatepark et ça, franchement... Alors bien sûr, il est très beau le park qu’ils nous ont fait (celui de Nîmes), mais c’est pas pareil. Et puis, faut bien se l'avouer, on a d'autres centres d’intérêts aussi maintenant. Je le vois bien quand je demande des nouvelles des (ex) collègues de session, on me répond : « oooh bein y s'est mis à bosser là », « Ah lui, il joue plus qu'au poker », « y'a la copine et le petit qui arrive », « Oh bein on est dans les travaux là, on construit la maison »... Arrive un moment dans la vie, que tu le veuilles ou non, il y aura des impondérables (tu m'fais pas chier et tu vas chercher ton dico).
à saturation, je n’en peux plus de la ville ! Le bruit, les gens, le stress… Je n'aspire plus qu'à une chose : fuir cet environnement hostile pour vivre en paix au coeur de la nature, en harmonie avec les éléments. Et puis tant pis pour le skate ! Quand mon pote Mathis m'a proposé l’autre jour de m'emmener prendre l’air dans la Drôme, en pleine nature, j’ai sauté sur l’occasion. Les discussions autour du
En fait, en y réfléchissant… Je finis toujours pas les recroiser sur une board ces gars-là. Ou à échanger au sujet du skate. Pareil pour ma pomme : je fais le malin à raconter que j’arrête, mais je suis tout le temps sur ma planche. Alors oui c'est sûr, je vais plus sur tel spot pour essayer un trick pendant trois heures, ou je ne fais plus la session qui dure toute l’après midi. Mais il n’y a pas un jour où je ne me déplace pas en skate. Et puis, même quand “on est dans les travaux” ou qu’on “attend le petit”, on essaye toujours, d'une manière ou d'une autre, de garder vive la flamme du skate. On se tient au courant via les mags et internet, on file un coup de main pour l'organisation du contest annuel. Certains ont créé une asso et organisent des sorties pour les kids ; lui est devenu graphiste et propose ses services pour créer l’affiche du contest évoqué juste avant, ou de faire un visuel pour la prochaine série de planches de la marque locale. L’autre, quand il a le temps, fait des vidéos pour tenter de médiatiser la scène locale. Pis y'a l'artiste, qui fait des trucs toujours en rapport avec le skate, même si ça fait longtemps qu'on l'a pas vu dessus...
poêle à bois, la cuisine avec les légumes du jardin, la petite balade digestive qui va bien… J’étais enfin en paix avec moi même, en paix avec les éléments. Je revivais et le skateboard était le dernier de mes soucis. Je me promenais donc sur un petit sentier qui serpentait dans la montagne, humant l’air, caressant la pointe des hautes herbes qui bordaient le chemin, et là, perdue au milieu de nulle part, en train de se ramollir dans l'herbe encore perlée de rosée, sur quoi je tombe ? Une planche de skate avec “Street Sucker” marqué dessus ! Je ne suis pas du genre particulièrement superstitieux, et je ne crois en pas grand chose, mais cette planche n’avait absolument rien à foutre à cet endroit et si ça c’était pas une sorte de signe du destin ou d’une force supérieure ou je ne sais quoi d’autre de mystique, alors c’était quand même un drôle de hasard.
“Skateur un jour, skateur toujours”, ça sonne cliché, mais c’est tellement vrai. Et donc, pour en revenir à moi et ma décision d’arrêter, laissez moi vous expliquer un peu : j’ai toujours été un grand fan du skate de rue, de la désobéissance civile, de l'utilisation alternative du milieu urbain, etc. Et bien malgré tout cela, j’arrive
Forcément, je l’ai prise avec moi et je suis allé me faire la seule pente de tout le patelin, en prenant le virage en mode surfeur accroupi qui laisse sa main frôler les gravillons… Chassez le naturel, il revient au galop. Finalement, j’arrêterai le skate une autre fois, plus tard, quand je serai grand...
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CINQ LIVRES POUR BRILLER EN SOCIÉTÉ Par FD
QUATRO SUEÑOS PEQUEÑOS Thomas CAMPBELL
Le film de Thomas Campbell (et Fred Mortagne) avec Javier Mendizabal et Madars Apse dont vous avez entendu parler un bon milliard de fois et que vous avez sûrement déjà vu, est vendu avec un vrai beau livre de photos de Brian Gaberman, Sem Rubio, Fred Mortagne, Antton Miettienen, Arto Saari, Todd Glaser, Rip Zinger, Thomas Campbell et d’illustrations de Nathaniel Russell. Vous l’aurez compris, c’est la grande classe. Alors bien sûr, on vous fait confiance pour vous démerder à chopper le film gratuitement sur internet, mais pour pouvoir crâner avec le bouquin sur la table basse, il va falloir passer à la caisse, soit dans votre skateshop soit sur http://umyeaharts.com
Voici un livre qui parle de ? Allez, un petit effort… De DE PARIS Paaaris, oui bravo, vous êtes décidément incollables ! Par Thomas « Zeb » BUSUTTIL L’année 2013 du skateboard parisien compilée en belles Édité par Aloud agency images, dans un beau livre, grand format, couverture rigide et tout le tintouin. Voilà une idée qui n’est pas banale, voire carrément surprenante, mais qui donne au final un bien bel ouvrage. J’avoue volontiers que quand Zeb, le gars derrière ce livre (un mec de Beauvais), me parlait de son projet, j’étais un peu sceptique, je ne voyais pas trop ce qu’il pouvait apporter de plus que « à Propos » par exemple, et puis finalement, une fois encore, j’avais tort. Ce « De Paris –2013 » première édition, est bluffant. Si vous êtes parisien, il vous le faut absolument, vous êtes peut-être même dedans. Vous le trouverez dans les skateshops de votre belle ville, et pour tous les ploucs de province, comme moi, il va falloir se démener comme des diables, comme d’hab’, pour mettre la main dessus, et ainsi espérer être un peu moins largués… http://www.deparisyearbook.com
Brian Gaberman est un mec discret, on pourrait facilement l’oublier à la station-service si on n’y prête pas attention. C’est le genre de gars qu’on ne remarque pas, qui passe inaperçu même à sa propre fête d’anniversaire. Pourtant, le mec a skaté pour l’une des marques de skate les plus cools des années 90 (Adrenalin) et il est dans le top trois des photographes préférés d’absolument tous les photographes de skate dans le monde. Personnellement, à sa place, je me la raconterais à mort, on ne verrait et n’entendrait que moi aux vernissages de mes expos que j’aurais toutes les semaines dans une capitale différente. J’aurais divorcé huit fois, eu vingt-quatre gamins que je n’aurais jamais reconnus et je refuserais de publier mes photos de skate dans de stupides magazines de planches à roulettes. Heureusement, je ne suis pas Brian Gaberman et il peut donc continuer à vivre une vie paisible à la campagne, loin de toute agitation tout en continuant à shooter les meilleures photos de skate possible. « A Life In Transition » est une compilation de ce qu’il a fait de mieux pour Element, avec qui il travaille depuis 2006, la préface est de Thomas Campbell (et une autre de Mat O’Brien) et au même titre que les bouquins Thrasher, ou Indy, est un must dans toute bibliothèque qui se respecte. A LIFE IN TRANSITION Brian GABERMAN Édité par Element skateboards
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Si vous skatiez dans les années 90, il y a fort à parier que vous ayez fantasmé sur le SF de l’EMB, Pier 7, Hubba Hideout et ce qui est le sujet de ce livre : FTC, le shop local... Avec sa clique, les Mike Carroll, James Kelch, Jovontae Turner, Lavar McBride, et non, je ne vais pas tous les citer. Tellement plus qu’un simple skateshop, c’était surtout l’épicentre de ce renouveau du street qui s’opérait à l’époque. Entre la MJC et la boutique classique, FTC était une seconde maison pour tout un tas de jeunes, un peu paumés, qui sont par la suite devenus des légendes plus ou moins glorieuses du skate moderne. Les Puma Clyde, les futals immenses, les capotes à roulements, les flips à outrance… Je le dis au risque de me prendre une fatwa sur le dos, tant cette époque est sacralisée par toute une génération : c’était l’enfer ! Je me demande encore aujourd’hui comment on a survécu à tout ça. Mais malgré cela, ce bouquin retraçant l’épopée du shop, et particulièrement durant cette décennie, est tout simplement génial. La question n’est pas de savoir si on a aimé ou pas cette phase du skate, elle reste quoi qu’il en soit l’une des plus importante et Seb Carayol, l’auteur, originaire de l’Aude mais qui connaît SF aussi bien que Narbonne, a fait un travail remarquable. Il a déterré un nombre incroyable de photos mythiques ou inédites et surtout, il a débusqué tous ceux qui ont écrit l’histoire du magasin, notamment ceux qui étaient les mieux cachés, comme Lennie Kirk ou Jovontae, pour récolter le plus d’infos et d’anecdotes possibles. Un bouquin à posséder absolument pour les nostalgiques des années 90 et même pour les autres, ceux qui ont souffert pendant toutes ces années de pseudo racaillerie… THE FTC BOOK Seb CARAYOL
BONOM, LE SINGE BOITEUX Par Vincent GLOVINSKI et Ian DYKMANS CFC éditions
Alors bien sûr, le rapport avec le skate ne saute pas tout de suite aux yeux ici. Mais quand on regarde un peu en détail on réalise que c’est Ian Dykmans, légende du skateboard belge, qui est l’auteur des photos de ce livre. Pendant cinq ans, il a suivi Bonom (Vincent Glowinski) dans ses missions nocturnes dans les rues de Bruxelles. Bonom peint des créatures géantes, monumentales, sur les façades des immeubles pendant que Ian capture la performance qui se rapproche parfois de la cascade. Si vous vous intéressez un temps soit peu au « street art » (désolé) il vous faut ce bouquin, et puis ça vous changera un peu de Banksy.
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ONZE MINUTES CHRONO Texte : FD Photo : Nohan Ferreira
Il est un lycée, perdu quelque part dans le Loiret, dans un patelin
dont vous avez peut-être vu le nom sur des panneaux d’autoroute, sans jamais y avoir mis les pieds. Un lycée coincé entre une cité communément qualifiée de « craignos » et un centre commercial tout aussi pourri. Un lycée dont on aurait pu se foutre royalement, comme tous les autres, s’il n’était pas un spot de skate absolument fabuleux. Il y avait déjà eu une photo de ce spot dans un vieux Freestyler datant de 1954, souvenez-vous, c’était les trente glorieuses, l’insouciance, le patchouli, etc. Et Benoît Fruitier était allé se frotter à cette gigantesque courbe qui venait juste d’être construite. La photo avait fait un peu jaser dans les chaumières, puis quand les gens se sont rendu compte que c’était loin, perdu et qu’il était franchement impossible d’y pénétrer sans se faire déloger en moins de temps qu’il ne fallait pour sortir la planche du coffre, cette courbe, si fabuleuse fut-elle, a fini par rentrer dans l’oubli. Jusqu’à ce que dernièrement, une bande d’une bonne vingtaine
de soiffards venus de région parisienne, emmenés par le même photographe qui avait traîné Benoît Fruitier soixante ans plus tôt, déboule sur le spot avec la ferme intention de se payer la session du siècle… À peine ont-ils eu le temps d’arriver, de se dérouiller les jambes après deux heures de bagnole, et surtout d’halluciner sur la courbe gigantesque qui encercle le bâtiment principal qu’il était déjà temps de décliner son identité à l’agent de police venu s’intéresser à leur cas. Onze minutes chrono… Allez les mecs, on se décourage pas, et on y retourne dans dix ans… 92
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Vincent Coupeau se chauffe avec quelques frontside airs, puis… Rien. Il se fait jetter comme tout le monde.
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LA REVANCHE DES NERDS Texte : Joseph Biais & Photo : D.R.
Vous en avez rêvé, il le fait. D’ailleurs vous vous en êtes sûrement déjà servi, ou alors vous devriez : skhateyou.com. Tous les spots que vous voulez skater, répertoriés, mappés, géo-localisés. Le mec qui se cache derrière toute cette masse d’information, c’est Stéphane Zanette, probablement le type qui passe le plus grand nombre d’heures sur Google Map, au monde. Le moteur de recherche aurait même hésité à le blacklister tant il bouffe la bande passante sur la street view ! Depuis combien de temps est-ce-que tu répertories les spots qui croisent ton chemin et qu’est ce qui a déclenché cette manie ?
J'ai toujours voué une admiration pour les spots, ces espèces "d'anomalies parfaites" de l'architecture. En 2006, j'ai passé un an à Barcelone, je touchais le chômage français et je skatais tous les jours. Comme j'avais pas grand chose à faire le matin, je me suis mis à lire des tutos pour apprendre les rudiments d'html et j'ai eu l'idée de faire le site. Au début je voulais juste garder un souvenir de cette année sabbatique, seulement ensuite j'ai compris le vrai intérêt que le site apportait. J'ai logiquement ajouté une carte de chaque ville que je visitais.
J’ai entendu dire qu’a Badalone la police était au courant de ton site, la rumeur t’es t’elle parvenue ? Tu penses qu’il y a quelque chose à risquer à répertorier des spots de skate sur internet ?
A Barcelone, les flics sont plutôt à cran au sujet du skate et ils ne comprennent toujours pas pourquoi il y a autant de skateurs. Je ne suis pas le seul à répertorier les spots de la ville en ligne, donc c'est normal qu'ils aient fini par entendre parler de ça. Je pense sincèrement qu'il n'y a aucun moyen de pénaliser quelqu'un qui prend des photos de bancs et de marches. Est-ce-que tu gardes quand même quelques spots secrets ?
Je garde des spots secrets dans le sens où je ne mets pas tout en
Je sais que tu passes un temps fou à chercher des spots, en te baladant, c’est quoi ta plus belle trouvaille ?
Je pense que mes plus belles trouvailles sont les combos de marches et de plans inclinés. Je pense, en Stéphane ZANETTE FS Feeble, SARAJEVO particulier à celui sur le port de Porto et un autre à ligne. Par exemple la carte de Rome, mais je ne garde jamais mes Vigo. À chaque fois c'était un peu au hasard, en quadrillant les ruelles. spots secrets pour mes potes ou si quelqu'un me demande où se trouve en particulier un spot, je le dis toujours. Est-il souvent arrivé que tu ne trouves pas ceux que tu cherchais ? Il y a encore pas mal de spots dont je ne connais pas l'emplacement, D'ou vient le nom skhateyou ? mais généralement, quand j'ai une info sur la zone, je cherche Je suis de la génération où le skate n'était pas un truc glamour et jusqu'à ce que je le trouve. J'adore la phase de collecte de renseij'ai toujours eu un peu la sensation de nager à contre courant... C'est gnements pendant laquelle je recoupe toutes les informations une manière de dire à tous ceux qui n'aiment pas le skate que je me possibles. Les vidéos de tournées sont des mines de nouveaux spots. fiche de leur avis. Ça fait bientôt 15 ans que je me fais des t-shirts Deux ou trois fois il m'est arrivé de revenir d'un voyage et de ne pas Skhateyou. pouvoir replacer un spot sur la carte, c'est assez frustrant.
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LUDO AZEMAR ET LA « CAFÉ-CLOPE » Texte : Joseph Biais & Photo : Loïc Benoit
Vous l’avez sûrement vue à l’heure qu’il est, la vidéo NOZBONE, pourtant elle a bien failli ne jamais voir le jour. Amis filmeurs, faites super gaffe avec le camping, c’est vraiment hyper dangereux pour les vidéos de skate… Trois mots qui te viennent à l’esprit pour chacun de ces nozboniens :
Sam Partaix : accessoires / wallride / soirée. Lisa Jacob : amie/ motive/ voyage. Jon monier : il / est / où ? Hugo Corbain : relou / jeune / motivé. Remy Tav : blog / #4Gbientôt / arty. Vincent Touzery : Blobys / gros pieds / jeune. Sylvain Tognelli : Red House / bonnet rouge / cheveux longs. Kev Rodriguez : madness / street / cheveux vraiment longs. Oscar Candon : bagarre / #pasdewisky / confident. Greg Cuardrado : switch big spin / guitare / ourlet. Martin Keller : belle gueule / style / lookbook. Akim Cherif : café/ clope / caca. Lionel Dominoni : discrétion / cheveux courts / massage. Mus Bennacer : batterie/ canon ball / fun.
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L’avant-première de la Café/Clope a failli se dérouler à Ouarzazate, au Maroc, tu peux nous expliquer ? (Rire) Ouais bah ouais... On était avec Loïc Benoit, Sam et tout le monde dans le désert 15 jours avant l’avant-première. On passe une nuit à Ouarzazate dans un camping. Le lendemain, on part super tôt et j’ai le petit pré sentiment d’avoir oublié quelque chose dans la tente... Quoi, je ne sais pas… Deux jours se passent, on arrive à Marrakech, puis encore un jour plus tard, on arrive à Agadir à 800km de là. On filme toute la journée et petit Lulu n’a plus de place sur sa carte SD, là je me dis: « il est où le lecteur de carte ? Hé béh il n’est pas dans le sac et s’il est pas dans le sac alors où est le petit disque dur avec tous les footages de six mois dont tous ceux de Nozbone ? Hé béh on ne sait pas ! » Du coup on a appelé à Marrakech l’hôtel où on dormait, pas de trace du disque dur. Petit bad pour Lulu ! Et là, on me rappelle que j’ai dormi à Ouarzazate (parce que j’avais un petit peu oublié). J’appelle le camping et ils retrouvent le disque dur. Donc à partir de là, ils remettent le disque dur au chauffeur du bus qui fait la liaison Ouarzazate-Agadir, le petit disque dur prend donc le bus tout seul et arrive à Agadir à l’heure, pour 50 dirhams, soit 5 euros. Tout était en état et ça m’a bien sauvé la vie. Je pense que je pourrais mettre le chauffeur de ce bus en remercîment principal car sans lui, il n’y aurait simplement pas eu de vidéo.
Simon DEPREZ Rock Fakie, HARELBEKE - BELGIQUE © Sybren VANOVERBERGHE
« Percé de part en part, complètement dégonflé, il se laissa tomber sur sa chaise, et, se couvrant le visage de ses mains, se mit à pleurer. Au bout de quelques minutes, cependant, il se ravisa, et prit quatre comprimés de soma. »
Aldous HUXLEY, Le Meilleur Des Mondes