NUMÉRO QUARANTE / Glandeurs & décadence
NUMÉRO QUARANTE Juin - Juillet - Août 2015
PHOTOGRAPHES Directeur de la publication
Fred DEMARD 06 14 24 33 94 fred@somaskate.com
Graphisme
Seb JOLY Publicité
Corinne LASMEZAS 06 07 75 75 61 corinne@somaskate.com
Photographe assermenté
Loïc « LB » BENOIT
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Davy Van Laere Manuel Schenck David Turakiewicz Bertrand Pelfresne Thibault Le Nours Alberto Polo Alex Irvine Nikwen Alex Pires
Vincent Coupeau Romain Del Duca Benoit Potier Fabien Ponsero David Tchaghatzbanian Kevin Metallier Coburn Huff Guillaume Dalonneau
& rédacteurs Kevin Metallier Guillaume Desauzier Guillaume Dalonneau Romain Covolan
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somaskate
Nassim Guammaz – Fs ollie © Davy VAN LAERE
RÉDACTION SOMA est édité par LES ÉDITIONS DU GARAGE SARL 13, rue de L’Isère 38000 GRENOBLE ISNN : 1959-2450 info@somaskate.com
Imprimé en France chez IMPRIMERIE DES DEUX-PONTS
Toute reproduction, même partielle, même animale, est strictement interdite. C’est pas parce qu’on se donne beaucoup de mal pour vous faire croire qu’on est cools, qu’on l’est vraiment. On n’hésitera pas à vous envoyer les cousins Lopez, Djo, David et les autres, pour vous apprendre les bonnes manières.
NUMÉRO QUARANTE Juin - Juillet - Août 2015
Mazaki UI Ollie – BORDEAUX / © Manu SCHENCK.
INTRO
#PLEASECHARGE
CHAAAAARLES COLLET
Talk Shit or Die
Les mecs de Converse Europe écoutent Drake à Las Palmas
Même pas vous imaginez le bordel que ça a été de faire cet article. Le texte a changé environ deux mille fois.
P.10
P.26
P.66
L’MATOS Tout qu’est ce qui vous faut
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JAKE COLLINS Lui attention, c’est un bon. Il se casse le genou en mille morceaux et il revient quelques mois plus tard, toujours aussi balèze, comme si de rien n’était.
P.12
P.36
LE JEUNE
CHAI FERRARA
Alerte Rasta blanc ! Bon lui ça va, c’est l’exception qui confirme la règle.
La maison qu’on rêve tous d’avoir…
P.14
P.46
SHUT UP AND SKATE
URYANN – QUENTIN – ANTO
L’article dans lequel on écrit le moins de conneries
Une adaptation moderne des « Trois Petits Cochons » par ce vieux loup de LB.
P.16
P.54
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ADRIEN BULARD Le nose bump, le feeble et le ollie ont été shootés au cours de la même session, entre deux averses… Un vrai bourreau de travail le mec.
P.74 CHET CHILDRESS Un personnage haut en couleurs et en décibels ! Il ne s’arrête jamais et c’est très bien comme ça.
P.82 LE VRAC Des chaussures écologiques made in pas loin de chez moi, un almanach De Paris, un almanach Of London, la vidéo Antiz, Chris Pfanner et my man Ludo.
P.90
NUMÉRO QUARANTE Juin - Juillet - Août 2015
INTRO AVANT - PROPOS SOUS PRÉTEXTE QU’ON A MIS UN PEU DE TEMPS À SORTIR CE NUMÉRO (DEPUIS LES PIXELS EN COUV’ DE L’AUTRE FOIS…) ET QUE QUELQUES MAGAZINES EN EUROPE ONT EU L’ÉTRANGE IDÉE DE METTRE LA CLEF SOUS LA PORTE DERNIÈREMENT, ON A SENTI COMME UN COURANT D’AIR FROID NOUS PASSER DERRIÈRE LA NUQUE. QUELQUES PERSONNES POURTANT BIEN INTENTIONNÉES NOUS VOYAIENT DÉJÀ AVEC UN PIED DANS LA TOMBE ET L’AUTRE DANS UN SEAU DE PLUMES ET DE GOUDRON ALORS QUE PAS DU TOUT. VOYEZ, ON EST TOUJOURS LÀ, IL N’Y A PLUS DE PIXELS VISIBLES, NI MÊME DE BELGE, SUR LA COUVERTURE, ET ON N’A AUCUNE INTENTION DE DÉPOSER LA MOINDRE CLEF SOUS QUELQUE PORTE QUE CE SOIT. ON EST JUSTE UN PEU PLUS LENTS QUE LA MOYENNE, C’EST TOUT.
ans ce numéro de Soma, nous débattrons de l’influence désormais incontournable des réseaux sociaux dans le skate, faut-il en avoir peur, faut-il s’en ficher totalement, faut-il contourner le problème, ou juste changer de forfait de téléphone ? Autant de problématiques que nous ne manquerons pas de développer. Nous aborderons ensuite un sujet resté tabou au sein de notre microcosme, à savoir les ravages de l’alcool et ses dérives sur nos champions. Comment les pros gèrent-ils la mise à l’écart inhérente à la fin de carrière, quelle reconversion, quelle voiture choisir quand la famille s’agrandit ? Rien ne sera éludé. Par ailleurs, rien ne sera vraiment élucidé non plus. Nous conclurons enfin par une étude comparative, avec des tableaux compliqués comme pas deux, du niveau de revenu des skateurs de l’hémisphère Nord par rapport à celui des skateurs de l’hémisphère Sud et de la place de la femme dans l’industrie du Skateboard. Des gays aussi. Et des nains.
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Certains auront saisi, peut-être, l’ironie déployée ici, à l’égard d’un autre magazine français de petite taille à propos duquel nous ne pensons pourtant que le plus grand bien. Nous pensons en effet qu’il est assez sain de se foutre un peu de la gueule des gens, même quand on les aime bien. Ça s’appelle le talk-shit, ou « dire de la
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merde » en bon français, c’est une des plus vieilles traditions du skateboard et cela permet de bien se marrer quand on regarde une vidéo, de passer agréablement le temps quand on assiste à un contest, de pimenter les sessions et ne pas vouloir s’y plier serait un manque de respect envers notre communauté. Après réflexion, ne pas vouloir s’y plier ferait également un bien fou à tout le monde, donc finalement, c’est à vous de voir. Bien sûr, rien de ce qui est évoqué plus haut ne sera réellement abordé dans ce magazine (sauf peut-être les réseaux sociaux, l’alcool, l’après-carrière pro…). On a juste, encore une fois, fait un mag de skate avec des photos de gars qui font des figures, parfois sur des murs, mais pas uniquement, les mecs partent en tour, répondent à des interviews, y’en a qui dessinent un peu, d’autres qui filment, c’est déjà pas mal... Soyez les bienvenus dans le quarantième Soma !
L’ MATOS
BOARDS : Une Antiz de type défense de la liberté d’expression pour ce bon Samuel Partaix et une planche un peu plus consensuelle avec une chouette ou un hibou, toujours chez Antiz. Suivent deux Element « Brandon Westgate » parce qu’il fait pas les choses à moitié le mec. Sk8mafia s’engage ensuite pour la cause féminine, surtout si elle est méga bonne et humide. Mickaël Jakson passe pro chez Girl sous le pseudo ridicule de Mariano. Et on termine cette série de boards en beauté avec une Trauma peinte par Jérome « Cloben » Romain, oui, peinte.
CHAUSSURES : NikeSB Free de course de ouf pour briller en société / Vans Old Skool Pro pour se prendre pour les mecs de la Propeller / Converse KA3 pour avoir le même style que Kenny Anderson / DC « Fernandel » de Mike Taylor / LAKAI Select, parce que c’est la classe quand même / EMERICA Figgy livrées avec les lacets.
ACCÉSSOIRES : Beau bouquin - DVD CLICHé Gypsy-Life illustré par Chet Childress / Écouteurs SKULLCANDY Grind, comme ceux de Malto / Caméra vidéo miniature portative GOPRO Hero4 à glisser dans la poche et surtout pas pour accrocher à un selfie stick à la mort moi le nœud.
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Sweeper - ARCUEIL - Photo : David Turakiewicz
LE JEUNE
© Thibault Le Nours
GUILLAUME GUÉNÉE
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21 ans - skate depuis 10 ans St Germain des Près (45) Première board : une Powell nude bleue Sponsors : Vans flow – Chill or Die – et Cream skateshop, même si c’est fini…
« Parlons du grand et beau rasta blond. C'est un bon débile, toujours présent pour aller skater ou pour construire un spot. C’est le mec qui te motive sur la session, c’est aussi le genre de connard qui te hurle dans les oreilles tout en renversant sa bière sur ta board , un peu comme moi… Ha ha ! C’est un mec qui innove, qui a plein de tricks dans son sac et qui skate du rad. Un bon Le Jeune qui fait plaiz’, on en croise rarement des comme ça. Bref, c’est le meilleur, je l’aime mon rasta. Mais bordel arrête de geindre et te plaindre que t’as mal partout, baltringue ! » - COVO-
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Daan VAN DER LINDEN BS Ollie, COPENHAGUE © Davy VAN LAERE
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Roman Gonzales FS Wallride, SAINT MANDÉ / © Alex PIRES
David STENSTRÖM BS Nosepick no grab, BIARRITZ © Manu SCHENCK 20
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Harry LINTELL Drop in, BIARRITZ © Manu SCHENCK # 40
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Benjamin PEREZ 3-6 Flip, PALAISEAU © Bertrand PELFRESNE 22
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Sam PARTAIX Hellblock, ARENYS DE MUNT (SP) © Davy VAN LAERE # 40
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Vincent COUPEAU Wallride FS Five-0, RICCIONE (IT) / © Thibault LE NOURS
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#PLEASECHARGE Texte par Greg Cuadrado. Photos par Alberto Polo
GRAN CANARIA
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Remy Taveira - Heelblock.
ON ÉTAIT DÉBUT MARS, IL FAISAIT CE QU’ON APPELLE PARFOIS EN TERMES TECHNIQUES « UN TEMPS DE MERDE » À PARIS, MAIS JE M’EN FICHAIS PAS MAL PUISQUE JE VENAIS DE PRENDRE UN AVION POUR LES ÎLES CANARIES AVEC UNE PARTIE DU TEAM CONVERSE EUROPE.
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e n’était pas ma première fois sur cette île, donc je savais un peu à quoi m’attendre.
Octavio Barrera, Carlos Cardenosa, Palli (le TM) et Alberto Polo le photographe. Et puis, il y avait l’équipe de France : Remy Taveira, Paul Grund, Ben Chadourne, LeLuidgi (le TM) et moi-même.
J’avais donc pris mon maillot de bain et mes lunettes de C’est cool de skater au soleil au milieu des palmiers soleil. Mais attention, le but de ce en plein hiver. Ça recharge les batteries comme on dit voyage était d'avancer sur un projet et on se sent pousser des ailes. En ce qui me concerne, vidéo, en plusieurs épisodes. Une j’étais bien à bloc et dès le premier spot, dans le sud sorte de focus sur un rider de chaque de l’île, à Maspalomas, en à peine dix minutes, j’ai pays, le tout monté par the one and réussi à me faire une cheville. Ça m’a bien calmé pour only Ben Chadourne. Il y aura aussi, tout le trip… après la vidéo, un bouquin avec les photos des photographes dont c’est le métier DE NOS JOURS, L’ACCESSOIRE mais également celles des riders. Bref, on n’était pas venu INDISPENSABLE EN TRIP C’EST à Las Palmas pour se gratter le ventre au soleil, ni pour L’ENCEINTE PORTABLE... brosser les pêches. Comme je l'ai dit, l'équipe était Européenne. Il y avait le crew des
Il n'a pas fallu beaucoup plus longtemps à Carlos pour en faire autant sur le deuxième spot. Deux chevilles en
Anglais composé de Jerome Campbell, Harry Lintell et James Cruickshank qui filme. Les Espagnols :
deux spots, c’est ce qu’on appelle un bon début. Et vous savez ce qu’on dit ? Oui, jamais deux sans trois. Et bien figurez-vous que sur le troisième spot : PAF ! Rien, pas même un ongle cassé, personne ne s’est fait la moindre petite égratignure, comme quoi, les dictons…
tâches comme aller chercher de l’eau, ou des bières, en fonction de l’heure. Luidgi m’avait aussi filé un appareil photo jetable, que du coup, j'ai fini en seulement deux jours. J’ai même fait le coach. Sans moi, Paul n'aurait pas trouvé une seule idée de trick. C’est bien simple, il me doit tout. De nos jours, l’accessoire indispensable en trip c’est l’enceinte portable. Vous savez ces petites "box" qui per-
mettent de lire la musique de votre smart phone via bluetooth. Tout le monde avait apporté la sienne ! Et pourtant, la playlist du trip est resté bloquée sur quatre
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Harry Lintell - Nollie Back Heel
Comme j’étais « out », j’ai donc été assigné à diverses
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morceaux, alors au bout du cinquième jour, ça a commencé à en agacer certains... Remy par exemple a essayé de temps en temps de changer de registre, mais après deux Black Sabbath, c’était retour à ce bon vieux Drake !
LA PLAYLIST ? HARRY ÉTAIT PLUS OU MOINS LE DJ OFFICIEL, DONC ÇA DONNAIT ÇA : • DRAKE (KNOW YOURSELF) (ENVIRON 100 FOIS PAR JOUR) • SKEPTA (THATS NOT ME ) • JESSE WARE (SWEET TALK) • BIG SEAN (I DONT GIVE A FUCK) Dans le centre de Las Palmas, c’est donc très chouette, les spots font foison, vous avez compris
qu’il y faisait beau, qu’il y avait des palmiers, mais ce que le guide touristique ne dit pas, c’est qu’il faut savoir jouer au chat et à la souris avec la police locale. Après un premier contrôle en règle, ils nous ont prévenus qu'ils n'avaient pas intérêt à nous recroiser dans le coin... Le message était clair. Du coup il a fallu prendre quelques précautions. Paul par exemple, a dû partir en mission solo (avec Alberto et Ben) pour shooter le grind sur la place rouge. Un trip à douze personnes c’est vraiment du fun garanti, mais il y a tout de même quelques petits
Jerome Campbell - 360 Flip
aléas avec lesquels il faut savoir jongler, comme quand tu te retrouves avec le ronfleur de la bande dans ta chambre, quand tu ramasses la savonnette dans la douche collective ou quand on s'arrête deux minutes pour acheter de l'eau et que ça fini par prendre une heure parce que tout le monde traîne et revient au final avec un café con leche ou des bocadillos. On a même réussi à oublier Rémy à l’auberge alors qu’on était partis dîner.
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Harry Lintell - Flip 50-50
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On avait deux cameramen ce qui est plutôt rare mais à douze ça devient nécessaire. Jerome qui est
maintenant le team manager UK, a vraiment trop bien skaté, la classe absolue. Harry lui c'est vraiment n'importe quoi, limite frustrant, il peut filmer cinq méchants tricks sur un spot en 30 minutes, et si jamais cela venait par prendre plus de temps, il reste super calme et finit toujours par mettre son trick. Petite leçon pour tout le monde… Remy skate tous les spots comme d'hab’, il a même tenté un "cactus plant", mais ça n’a pas marché. Ou plutôt si, ça a tellement bien marché qu’une épine a réussi à traverser la semelle de sa chaussure. ‘sont balèzes les cactus à Las Palmas… Octavio a réussi à skater un petit ditch aux pieds d'une trentaine d'éoliennes, le vent était tellement fort qu'au bout de dix minutes tout le monde est allé se mettre à l’abri dans le van, sauf Octavio qui a fini par remonter le truc avec le vent de face. Mais le MVP reste Ben Chadourne qui était là pour filmer mais qui en a aussi profité pour niquer tous les spots, quel champion !
été choqué par le nombre de touristes Anglais, Hollandais et Allemand, facilement reconnaissables à leur couleur rouge et la tenue réglementaire composée d’un marcel, d’un short et de l’indispensable combo sandales/chaussettes. La nourriture locale est vraiment cool, petite overdose de tapas sur les derniers jours, mais c’est plutôt surmontable. Bref je vous conseille fortement un trip sur l'île, avec des potes c’est mieux, n’oubliez pas votre crème solaire, même en hiver et vos speakers bluetooth.
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Paul Grund - 50-50 Gap Out
Las Palmas est un endroit assez particulier, l'île est située juste en face du Maroc, juste au-dessus du niveau du Sahara, mais appartient à L'Espagne. C’est surtout un haut lieu de villégiature, j'ai
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FS Air to Wall Bash – WOLVERHAMPTON – © Alex IRVINE
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JAKE COLLINS CETTE INTERVIEW S’EST FAITE EN PLUSIEURS FOIS, CAR JAKE N’ÉTAIT PAS VRAIMENT DISPONIBLE, VIA LE SYSTÈME DE MESSAGERIE FACEBOOK QUE JE N’APPRÉCIE PAS PLUS QUE ÇA… AUTANT DIRE QUE C’ÉTAIT UN PEU LABORIEUX, MAIS ON Y EST ARRIVÉ ! IL VENAIT DE PASSER QUELQUES JOURS CHEZ MOI POUR ET J’Y AI DÉCOUVERT UN JAKE PLUTÔT POSÉ ET RÉFLÉCHI DANS CE QU’IL FAIT, ALORS QUE JE LE CROYAIS RELATIVEMENT
© Nikwen.
FAIRE DES PHOTOS ET FILMER UN PEU,
FOUFOU. COMME UNE SURPRISE DONC. Texte par Vincent Coupeau.
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BS Boneless – Buena Vista Pool, SANTA CRUZ (CA) – © NIKWEN
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résente-toi rapidement s’il te plait.
Je m’appelle Jake Collins, je viens de Newport au Pays de Galles, mais j’habite maintenant à Londres.
Tu viens juste d’emménager il y’a quelques jours non ? Et pourquoi Londres ?
Ouais c’était il y a une semaine à peine. Il se passe beaucoup plus de choses à Londres qu’à Newport, et je me sens vraiment bien ici, j’aime beaucoup cette ville. Ma copine aussi d'ailleurs, alors on a décidé d’emménager ensemble. Est-elle de Newport elle aussi ?
Elle vient d’une petite ville à 15 kilomètres de Newport, qui s’appelle Cwmcarn. C’est le coeur de la vallée du Pays de Galles (rires). En fait il n’y a rien là-bas, il doit y avoir un magasin et environ 15 personnes… Tu as été malin alors, tu as choisi la seule fille de toute la vallée ! Tu ne crois pas que ça va lui faire un gros changement d’habiter à Londres alors qu’elle vient d’un petit village ?
En fait, ma copine a été à l’université à Londres pendant 3 ans. C’est d’ailleurs à ce moment-là que je l’ai rencontrée. Elle est ensuite retournée au Pays de Galles à la fin de ses études, mais elle a toujours voulu retourner là-bas donc c’était le parfait moment pour nous. Elle a donc eu le temps de s’accommoder à la vie londonienne. Allez, si on se concentrait un peu plus sur
le skateboard. Tu penses que le fait de bouger vers la capitale va t’apporter de nouvelles choses ? Et donc par conséquent, penses-tu que tu étais un peu éloigné de « tout ce qu’il se passe » dans le skate en habitant à Newport ?
Oui c’est même certain ! Je vais faire beaucoup plus de choses ici avec le skate. Ça fait à peine une semaine que je suis là et je suis déjà sorti quasi tous les jours pour faire des photos et filmer. Je suis à fond, c’est vraiment super ici, tu as l’opportunité de faire beaucoup de choses ! Pas mal pour une première semaine en effet. Après avoir été plusieurs fois chez toi à Newport, je me suis toujours demandé pourquoi est-ce qu’on n’entend pas où très peu parler de la scène skate locale. Alors qu’il faut l’avouer, elle est assez impressionnante.
C’est assez dingue en effet parce que tous ces gens de Newport sont incroyables, la scène skate est folle. Je pense tout simplement que c’est une de ces villes dont personne ne parle, et donc si on veut s’en sortir, il faut beaucoup voyager. C’est bien dommage. Je t’ai rencontré il y a 4 ou 5 ans, mais je pense que tu aurais pu être connu du public bien avant. Tu as été pas mal blessé, notamment du genou. Je sais que ce n’est jamais très agréable de revenir là-dessus mais peux-tu expliquer ce qu’il t’est arrivé ?
Ces saloperies de genoux ! En gros tout a commencé aux UK Champs 2012 (championnats du Royaume-Uni), j’ai essayé de faire un gros frontside air disaster sur un wall bien raide et je me suis raté, j’ai manqué de faire hang up alors j’ai sauté directement au sol et c’était vachement haut… Je me suis explosé les ligaments croisés. J’ai fait de la rééducation pendant 6 mois et j’ai repris le skate parce que je ne voulais pas me faire opérer. J’utilisais une armature de genou, mais c’était pas vraiment suffisant et au Vans Spring Classic en 2013, je me suis ré-explosé le genou. À ce moment-là, je me suis rendu compte que je n’avais pas d’autre choix que de passer sur le billard. J’ai dû attendre 4 mois avant que ça ait lieu, puis après l’opération j’ai eu droit à 6 mois de rééducation, que j’ai pris très au sérieux. Si on met tout bout à bout, toute cette histoire m’a fait
« À CE MOMENT-LÀ, JE ME SUIS RENDU COMPTE QUE JE N’AVAIS PAS D’AUTRE CHOIX QUE DE PASSER SUR LE BILLARD. »
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« CETTE MARQUE A JUSTE RÉUNI UNE BELLE BANDE D’IDIOTS EN FAIT, ON S’AMUSE BEAUCOUP
LLINS
rater 16 mois de skate… Une longue histoire ! C’est dingue, tu as donc pas mal skaté avec cette armature en fer comme Hans Claessens à l’époque ? J’avais vu que les secours avaient eu du mal à te l’enlever au moment de la mauvaise chute au Spring Classic d’ailleurs.
ET C’EST LE PRINCIPAL. »
depuis un long moment maintenant. Et puis Joe Habgood, Marc Churchill… Cette marque a juste réuni une belle bande d’idiots en fait, on s’amuse beaucoup et c’est le principal. Pendant ce trip en Bolivie avec Levi’s j’ai rencontré Erik Cole aussi, un Australien qui vient aussi d’intégrer les rangs de Witchcraft, et on s’est tout de suite bien entendus. Ce mec est une légende ! Et donc, à ton avis, comment se fait-il que Witchcraft soit si populaire au Royaume-Uni et si inconnu en France ?
Oui, je la détestais cette attelle. Je pense que ça fonctionne pour certaines personnes mais c’était pas mon cas. Vraiment cette opération a été la meilleure chose que j’ai faite pour mon genou, et pour mon skate.
Sûrement parce que les Français ne se rendent pas compte à quel point c’est génial !
Au jour d’aujourd’hui, est-ce qu’on peut dire que tu es complètement tiré d’affaire ?
Ah ah, ok, bonne réponse. Je sais aussi que tu fais partie de ce truc mystérieux pour nous autres petits français, CRV WKD (Carve Wicked). Peux-tu nous en parler ?
J’ai vraiment l’impression que mon genou est beaucoup plus solide maintenant, oui. Tant mieux. C’est jamais très agréable de parler de ça et j’en suis désolé, je pense qu’on en a fini avec les blessures. C’est assez insolite de te poser des questions alors qu’on skate pour la même marque et qu’on commence à assez bien se connaître mais je pense qu’il faut qu’on parle de Witchcraft parce que c’est quelque chose qui reste assez inconnu en France. Peux-tu nous en toucher deux mots ?
On a commencé CRV WKD parce qu’on s’est rendu compte qu’on était toute une bande de potes et qu'on pouvait Carver (entendez rouler à fond dans les bowls) et qu’on était tous un peu Wicked (le dictionnaire nous donne « cool mais diabolique »). Réellement ça vient de là. C’est donc un truc du Pays de Galles à la base.
Witchcraft ! Je suis super heureux de rouler pour cette marque, tous ces gens dans le team sont géniaux, je suis super pote avec tout le monde. C’est vraiment une bonne chose. Tu connaissais tous ces gens auparavant ? Rikk, Tibs etc ?
Je connaissais plus ou moins tout le monde de près ou de loin. J’ai toujours traîné avec Arbel (Samsonov), qui vient de la même ville que moi. J’ai appris à connaître Rikk (Fields) qui vient de Wigan près de Manchester, et toi je t’ai rencontré un peu plus tard, en même temps que Steve (Forstner) qui est la « nouvelle recrue » et Tibbs (Mark Tidbury) qui est dans le team
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Une belle brochette de vainqueurs ! Parlons maintenant du futur, qu’est-ce que tu as de prévu pour les prochains mois, pas mal de voyages j’imagine ?
Ouais ! Je fais un trip avec Monster, on part d’Innsbruck en Autriche et on va jusque Bilbao en Espagne. Ensuite j’ai ce trip Nike en Espagne donc ça s’enchaîne bien. Puis je vais à Amsterdam et j’enchaîne direct avec un trip Witchcraft en Autriche ! Ça va me laisser seulement quelques pauvres jours de
FS Crailslide – BIRMINGHAM – © Alex IRVINE
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Slappy Crooks – SAN JOSÉ – © NIKWEN
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Ollie up to FS Hurricane Grind – VILLEMOISSON – © Vincent COUPEAU
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« EN FAIT, QUAND JE PARS EN TRIP AVEC CRV/WKD, C’EST ASSEZ DÉSORGANISÉ ET ON NE SAIT JAMAIS TROP CE QU’IL VA SE PASSER ... »
repos, le mois de Mai va être super dur pour moi (rires) ! Ça a toujours été comme ça pour toi ou bien c’est quelque chose de nouveau ?
Les dernières années, j’ai commencé à vraiment bouger de plus en plus. Et c’est pas près de s’arrêter apparemment. Après, je viens de m’installer à Londres et j’ai envie d’y passer un peu de temps aussi donc ça ne va pas être simple. Et ta copine, ça ne l’embête p a s q u e tu voyages autant ?
Bizarrement non, elle a toujours été super cool avec ça. Quelle chance !
Ouais je sais ! C’est super bien qu’elle le prenne comme ça. Comment fais-tu pour gérer le fait que tu skates à la fois pour de petites marques indépendantes qui se veulent « Core » telles que Witchcraft et
CRV/WKD et de grosses firmes mainstream telles que Nike ou Monster ?
Je pense que c’est super bien comme ça parce que c’est un bon équilibre. En fait, quand je pars en trip avec CRV/WKD, c’est assez désorganisé et on ne sait jamais trop ce qu’il va se passer mais c’est toujours super fun. Alors que les trips Nike ou Monster, tout est programmé et j’essaie de m’investir à fond dans mon skate et du coup de récolter le plus possible de bonnes images. Ok, ok, tu souhaites faire des remerciements ?
Oui, j’ai fait une petite liste : Ma famille, ma copine, James et Charlie Vooght, Colin Kennedy, Tom creasy, Alex Irvine, Lee dainton, French, Alan Glass, Grim Paulo. Arbel « Roundhouse » « King Kobra » Samsonov, Erik Cole, Rikk fields, Steve Forstner, Vincent Coupeau, Rybo, Marc Churchell, Joe Habgood. Nicky Tyler Howells, Sam Pulley, Caradog, Jess Young, Sox, Colin Adam, Juju, Ben Devine, Dan « skinny » Hill, TB, Bean Head, SJ, Sam Beckett, Denis Lynn, Tuppy, Tom Tanner, Mike, Tina, Lewy, Bobby, Gully, Kyle Howells, Rob Smith, Philly Willy, Scal, Danny Carlsen, Alis crew, MIP crew, Alan « odd job » Harris, John Vincent, Tim Zom, Harry Deane et son frère Ben the guff, Sean Barns, Matt Davies, Ben Grove.
Kicked out of school crew, les gars de Cinq Cinq
AK47, Jed Cullen, Chris Jones, Mad Eddy, Josh 'tin ed’ Young, Ostrich, David Hunter Snaddon.
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© Benoit POTIER.
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Le Chai Ferrara
« En viticulture, le chai est le lieu où se déroule la vinification. Le terme est aussi utilisé pour indiquer le lieu où sont conservés en tonneaux (tonnelets, fûts, barils, etc.) les vins ou les eaux de vie. » Voilà ce que nous dit wikipédia qui a toujours son mot à dire sur tout. Sauf que dans le cas qui nous préoccupe ici, le chai Ferrara est surtout un lieu où se déroulent de bonnes vieilles sessions de bowl, en famille et/ou entre amis.
TEXTE : GUILLAUME DESAUZIER
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Se lancer dans un tel projet de construction avec sa bande de pote est déjà quelque chose d’assez exceptionnel, mais alors tout seul et dans son propre salon, c’est juste complètement ahurissant. Les gars de Defocus skateboards, chargés aujourd'hui du "gardiennage" du spot peuvent être content d'avoir un jour croisé le chemin de ce Jérémy Ferrara... © Famille FERRARA.
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Peter Bocalini BS CrailSlide. © Romain DEL DUCA.
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uel spot ! Un véritable bowl en béton de 17 mètres de long à l’intérieur d’un chai. Bienvenue dans le Médoc, au beau milieu des vignes dans la maison de Jérémie Ferrara, shaper et ex-pro longboarder de son état (en surf), qui a décidé de faire de sa baraque un petit paradis de la planche à roulette. Jérémie s’est lancé plus ou moins tout seul dans cette aventure en écoutant bien les conseils des uns et des autres et le résultat n’a rien à envier aux skateparks construits par des professionnels. Pas mal donc pour un coup d’essai ! Pour remercier Simon (Léauté) des conseils prodigués et de l'aide apportée dans la construction de son jouet en béton, Jérémy s'est proposé d’organiser un week-end pour le team Defocus afin d'inaugurer
et valider le bowl fraîchement terminé. C’est ainsi que Simon et ses potes Martial Leblay, Wissem Bensalem, Peter Boccalini et quelques autres ont posé leurs valises, le temps d’un week-end dans le nouveau « secret spot » du Médoc. Le vendredi soir, après le déluge qui nous est tombé sur la tête et suite à quarante minutes de négociations
houleuses avec un GPS peu coopératif, nous découvrons finalement l’univers de Jérémie. Un chai immense, retapé par ses soins, où il a installé sa petite famille, son atelier de Shape de planches de surf, et donc, un bowl planté au beau milieu de la cuisine, du salon et des chambres. À table ! Au menu du soir : béton et sa poussière,
accompagnés de margelle. En effet, à notre arrivée, le bowl était très glissant à cause du produit de cure du béton. C’était même totalement inskatable. Nous avons alors cravaché dur comme fer pour perdre le moins de temps possible. Après avoir poncé, balayé, gratté, propulsé trois litres de coca, rincé à l’eau chaude, passé au karcher, raclé le tout, nous voilà enfin heureux comme une cougar au salon de l’étudiant !
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« APRÈS AVOIR PONCÉ, BALAYÉ, GRATTÉ, PROPULSÉ TROIS LITRES DE COCA, RINCÉ À L’EAU CHAUDE, PASSÉ AU KARCHER, RACLÉ LE TOUT, NOUS VOILÀ ENFIN HEUREUX COMME UNE COUGAR AU SALON DE L’ÉTUDIANT !
«
Simon Léauté FS TailSmash. © Romain DEL DUCA.
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Wissem BENSALEM FS Kickflip. © Romain DEL DUCA.
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Le bowl fonctionne à merveille, même s’il n’est pas toujours évident à dompter. La partie haute est bien rad et il y a peu de plat, ce qui complique un peu la tâche, mais avec les bonnes lignes, ça passe (presque) tout seul et les premiers tricks s’enchaînent rapidement. L’ambiance est chaude, tout le monde se motive, l’atmosphère parfaite d’une bonne grosse session entre potes. Le déflorage du bowl se déroule à merveille. Après une nuit passée à l’intérieur d’an-
ciennes cuves à vins réaménagées en chambres, le week-end se poursuit dans une très bonne énergie. Peter nous fait une démonstration de force en fracassant la margelle ! Wissem est chaud bouillant et Simon prend de la hauteur. Nous avons également pu admirer le jeune Thomas Couteille, qui malgré sa côte en vrac, s’est bien défoncé dans la partie vert' et Mickael ''Mika'' Blondelle qui nous a encore sorti des tricks de nulle part (boneless front nose blunt ?). Après deux jours très paisibles passés dans ce chai, à chasser les poules, skater,
boire des coups, becter du bon sauciflard, on repart avec le sentiment du devoir accompli, et avec 12 bouteilles de rouge offertes par les voisins ! On remercie Jérémie et Axelle pour leur accueil, ainsi que Hogs et son compère (les deux pseudos chiens qui dorment 23h/24) et on se promet de revenir…
2015 A P P E L AT I O N M É D O C C O N T R O L É E MISE EN BÉTON À LA PROPRIÉTÉ
13 % 750 ML
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à TROIS
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URYANN RAUDET QUENTIN BOILLON
ANTO FOROT
PHOTOS SAUF
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LOÏC
MENTIONS
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BENOIT
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ROIS EST UN CHIFFRE MAGIQUE À CE QU’IL PARAÎT. IL FAUT TROIS PIEDS POUR FAIRE TENIR UNE TABLE.
TOUS LES TRIANGLES ONT TROIS COINS, PAS PLUS, PAS MOINS. ET QUELQUE PART DANS LA TRINITÉ, ANCESTRALE ET MYSTIQUE, ON OBTIENT 3 COMME CHIFFRE MAGIQUE… LES FANS DE RICK HOWARD ET MIKE CAROLL LE SAVENT BIEN ET EUX SEULS PEUVENT COMPRENDRE CETTE TRADUCTION APPROXIMATIVE DE CE MORCEAUX DE BOB DOROUGH « THREE IS A MAGIC NUMBER », MAIS JE NE SUIS PAS SÛR QUE LES TROIS QUI NOUS INTÉRESSENT AUJOURD’HUI COMPRENNENT BIEN L’ALLUSION. VU QUE ANTO AVAIT TROIS ANS ET URYANN ET QUENTIN VENAIENT TOUT JUSTE DE NAÎTRE QUAND « MOUSE », LA VIDÉO GIRL, EST SORTIE. ON A DONC AFFAIRE LÀ À TROIS AUTHENTIQUES JEUNES LOUPS, DU TYPE QUI REPOUSSENT LES LIMITES, QUI INNOVENT ET QUI, MÊME S’ILS S’EN DÉFENDENT, METTENT LES VIEUX AU PLACARD. ILS SONT TOUS LES TROIS LYONNAIS, SKATENT À BLOC ET PRATIQUEMENT TOUT LE TEMPS ENSEMBLE . IL SEMBLERAIT D’AILLEURS QUE CE SOIT UNE RECETTE QUI FONCTIONNE PARCE QU’ILS FONT SACRÉMENT PLAISIR, COMME VOUS ALLEZ VOUS EN RENDRE COMPTE SUR LES PHOTOS QUI SUIVENT…
Quentin Boillon early grab HDV, LYON.
Uryann Raudet « tout drop droppable… » QUAIS DU RHÔNE, LYON.
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Anto Forot Kickflip – CONFLUENCES, LYON.
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À3 URYANN RAUDET 19 ans - Non baptisé
En fin de dernière année d'un BTS commerce internatonal. Skate à temps plein et je fais des déménagements ou des boulots dans le bâtiment quand j'ai besoin de blé. Né et élevé à Lyon. Sponsors : ABS skateshop, Antiz skateboards, Doble wheels et une petite aide de Vans. Trois vœux : 1 : Faire du skate et du surf à fond jusqu'à la fin de ma vie. 2 : Vivre en communauté dans une barraque près de l'océan avec les potos. 3 : Monter un business dans le skate qui nous permettra de vivre dans ce paradis jusqu'à la fin de nos jours.
ANTONY FOROT 22 ans - Non baptisé
Je taffe actuellement pour une école de comptabilité, je fais le facteur dans l'école... Originaire de Montluel une petite ville à côté de Lyon et je suis arrivé sur Lyon à 12 ans. Sponsors : Blaze Supply, Etnies skateboarding et ABS Lyon. Trois vœux : 1 : Habiter avec mes potos dans une maison au bord de l'océan. 2 : Surfer la fameuse vague de Tehahupo, me mettre un énorme barrel ! 3 : Faire un skate & surf trip de ouf en Californie
QUENTIN BOILLON 19 ans - Né et baptisé à Sainte Foy-lès-Lyon.
Je loue l’appart d’Hugo (Liard) sur les quais de Caluire à 10 minutes d’HDV et je skate tous les jours. J’ai reçu un héritage qui me permet de ne pas trop me soucier de l’argent pour payer le loyer et la nourriture, mais j’essaye d’y toucher le moins possible et de me débrouiller autrement. Sponsors : Antiz skateboards, ABS skateshop, Macadamia wheels et Vans comme Uryann. Trois vœux : 1 : Apprendre le surf avec les srabs. 2 : Voyager le plus possible avec ma board, San-Francisco, New-York, Berlin, Athènes (Thanos I’m comin' bro!)… 3: Serrer la meilleure pote de la meuf d'Anto.
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Uryann Raudet Nose bomb drop – CONFLUENCES, LYON.
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Quentin Boillon fs wallride par-dessus la deathbox – LYON.
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Anto Forot Gap to bs tailslide – LA SUCRIÈRE, LYON.
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QUESTIONS
RÉPONSES
ANTO FORO QUENTIN BOILLON URYANN RAUDET
Trois bonnes raisons de rester à Lyon ? A : Les potos, la meuf et ce bon vieux downhill de la Croix Rousse. U : Le skate ( HDV et toute la scène), La Famille, La NaNa ! Q : HDV, les spots, les potes.
Trois bonnes raisons de partir de Lyon ? A : Les autres spots, le changement et surtout, y'a pas d'océan ici. U : Le skate, le surf et pour quitter le cocon. Q : HDV, le monde entier, les autres potes.
Les trois meilleures video parts de tous les temps ? A : 1) Cody McEntire « Digital - Smoke and Mirrors » - 2) Lewis Marnell « Almost - Cheese and
Crackers » - 3) Tommy Sandoval « Zero - Cold War » ( j'pense qu'on est tous d'accord sur celle-ci ) U : 1) Jon Dickson « Baker Has A Deathwish » – 2) Tommy Sandoval « Zero - Cold War » - 3) Bryan Hermann « Baker 3 » Q : Nick Trapasso "Toy Machine - Suffer The Joy", la nouvelle de Yaje Popson "SK8RATS", Chris Milic "It’s A Secret"
Les trois meilleurs skateurs Lyonnais dans le passé ? A : Ali Boulala / Sylvain Tognelli / JB Gillet. U : JB Gillet / Hugo Liard / Marley (Grégory Laufersweiler ) / Ali Boulala. Q : JB, Boulala et Hugo.
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Quentin Boillon Ollie champêtre LYON.
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QUESTIONS
RÉPONSES
ANTO FORO QUENTIN BOILLON URYANN RAUDET
Les trois meilleurs skateurs Lyonnais aujourd’hui ? A : Adrien Coillard suivant ses périodes, Mickael Germond aka le ricain
et le petit Robin Bolian. U : Ryan Bourg, Adrien Coillard quand il s'y met, Georget l'animal. Q : Adrien Coillard, Robin Bolian et Ryan Bourg.
Anto Forot half cab flip In HÔTEL MERCURE, LYON.
Uryann Raudet Fs shove-it wallride – BARCELONE / © Fabien PONSERO.
Comment appelle t-on une bouteille de 3 litres de champagne ? A : Une bonne soirée (si la bouteille est à moi !). U : Une arnaque. Q : Un smic ? Trois choses indispensables en skate-trip ? A : Ma board, normal, mon ukulélé et la masse de paire de chaussettes. U : Ma board, des chaussettes et des chaussures. Q : Ma board, mes potes et des bièèèèèères.
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© Loïc BENOIT.
Bienvenue dans la maison Collet, ébénisterie d’art et sculpture sur bois. La photo du skateman sur le mur ? C’est lui quand il était jeune. Oui, il a été champion de skate au début du siècle, il faisait partie des meilleurs, des grands noms de la planche à roulettes. Et puis il y a eu les blessures, les moments de doute et finalement il est devenu le grand ébéniste que vous connaissez tous aujourd’hui, en 2035… La visite va commencer, merci de ne pas toucher les œuvres du maître…
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50-50 - GRENOBLE – 2007 © David TCHAGHATZBANIAN.
I
l était tout petit, tout mignon, le
« p’tit Charles », avec ses cheveux milong, mi-bouclettes et un ticheurte dix fois trop grand pour lui. Il avait déjà une sacrée gâchette en kickflip, mais je n’aurais pas parié qu’il finirait un jour professionnel de skateboard, à voyager à travers le monde, squatter les pages des magazines et fournir des parts pour de grosses productions vidéo. Pas parce qu’il n’avait pas le talent, mais juste parce que ce genre de chose n’arrive jamais normalement. Pas à l’époque en tout cas, et certainement pas quand on vient d’une petite ville en France. Et pourtant, le nom de Charles Collet a été sérigraphié sur des milliers de boards, des
roues, sur une chaussure même (un colorway à l’époque d’Etnies). Mais aujourd’hui, il a plus ou moins décidé de tourner le dos à tout ça alors qu’il tient encore debout sur une planche, plutôt très bien d’ailleurs. Que ses fans se rassurent, il n’arrête pas le skate, loin de là, mais il va juste prendre un peu de recul, et se consacrer à… L’ébénisterie. Il m’avait vaguement parlé de son projet un soir. J’avais l’intention de le motiver à filmer une vraie bonne part, mais il m’a cloué sur place en m’expliquant qu’il allait entamer une formation d’ébéniste pour mieux utiliser son temps libre. Il parlait de son projet avec un tel enthousiasme que j’ai été forcé de me ranger à ses côtés, et de penser moi aussi que c’était une super idée !
« MAIS AUJOURD’HUI, IL A PLUS OU MOINS DÉCIDÉ DE TOURNER LE DOS À TOUT ÇA ALORS QU’IL TIENT ENCORE DEBOUT SUR UNE PLANCHE. » Je l’ai donc appelé quelques temps après. Je l’ai cueilli au réveil, un lendemain de cuite, il était vulnérable comme jamais et je n’ai pas été déçu du
résultat. Ça faisait trois jours qu’il enchaînait les soirées, entre la célébration de la sortie de la chaussure de son pote Sam Partaix chez Vans, l’anniversaire d’un autre pote le lendemain, puis une autre fête pour fêter un autre truc vraiment très important, ou pas, le soir d’après… Il avait donc une toute petite forme, ne comprenait pas trop pourquoi je l’appelais à midi du matin, mais comme je n’avais que trois petites questions rapides à lui poser, je ne culpabilisais pas vraiment de le bousculer un peu. Je voulais juste en savoir un peu plus sur cette histoire d’ébénisterie et sur sa vision du skateboard professionnel pour remplir les pages de ma feuille de choux. Ça allait être un petit article de deux pages, avec une vieille photo et basta. Ce que je n’avais pas prévu, c’est que la discussion dure une heure et demie et surtout qu’elle soit d’une telle intensité. Conseil à mes confrères « journalistes » du skate : toujours planifier vos interviews les lendemains de cuite, ça marche du feu de dieu ! Sauf que dans le cas qui nous intéresse ici, ça a tellement bien marché, Charles n’a tellement pas vu venir le coup, qu’il s’est livré comme s’il s’adres-
sait à son psy (non, il n’a pas de psy en vrai). Quand il s’est finalement rendu compte que ça allait un peu loin, il a fini par mettre son veto sur l’interview. J’étais pourtant assez fier d’avoir profité de sa faiblesse passagère pour le diagnostiquer dépressif et le forcer à tout balancer sur sa vie, ses inquiétudes,
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ses regrets, ses failles… J’avais, sans trop le vouloir, appuyé là où ça faisait mal, et ça l’a même perturbé pendant plusieurs jours. Il était tout chose le Loulou… Et il s’est donc mis en tête d’écrire lui-même un texte pour remplacer l’interview et pour ne pas passer pour un fou dépressif dans la presse. Il a bossé à fond tous les soirs pendant une semaine jusqu’à accoucher d’un texte encore plus sombre, plus déprimant que l’interview. Ce coup-ci, c’est moi qui ai dû mettre mon veto, il allait vraiment passer pour un dingue, au bout du rouleau... Vous ne verrez donc ni l’un, ni l’autre. Ni l’interview, ni le texte. Car malgré ce que laissaient entendre ces deux joyaux de la littérature, Charles va très bien, plutôt même mieux qu’avant qu’il ne se décide à prendre son destin en main. Bien sûr, il a quelques inquiétudes quant à ce qui l’attend, sa formation d’ébéniste, l’éventualité d’un vrai travail à l’horizon, ce qui peut se comprendre aisément vu qu’il n’est pas allé à l’école depuis environ 64 ans, et qu’il n’a jamais bossé de sa vie. Mais il est convaincu d’avoir fait le bon
« IL N’A AUCUNEMENT DÉCIDÉ DE SUBITEMENT SKATER AVEC UN STYLE DE MERDE ET DE FAIRE DES TRICKS DE CHOCHOTTES… » choix, il a la patate comme jamais, il n’a plus aucune raison de se plaindre ni de sa cheville, ni d’autre chose, il skate toujours aussi bien et s’il a pris la décision de ne plus être pro, il n’a aucunement décidé de subitement skater avec un style de merde et de faire des tricks de chochottes… Mais qu’y avait-il dans cette interview de si inavouable, vous
demandez-vous ? Rien de bien méchant finalement, c’était juste sa façon de présenter les choses qui foutait bigrement le cafard. Extrait : « J’ai toujours un peu tendance à aller du côté négatif des choses, surtout quand il s’agit de moi. Dans le skate aussi, c’est quelque chose qui ne m’a pas aidé à me mettre en avant. Ça c’est un gros problème pour moi. Je ne conçois pas de me mettre en avant, de me vendre. » En gros ce qu’il expliquait, c’est qu’il a galéré pendant des années à cause d’une cheville complètement flinguée, qu’il a fini par faire opérer, mais un peu tard. Le fait de ne pas pouvoir skater à 100% de ses capacités, pendant des années alors qu’en tant que professionnel de skateboard, on attendait de lui qu’il soit toujours au top, avait créé une énorme frustration. Le fait aussi de devoir se plier aux nouvelles exigences du métier de skateboarder, comme
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Kickflip dans le trou de l’aiguille - BORDEAUX © Manu SCHENCK.
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l’autopromotion à travers les réseaux sociaux, n’allait pas vraiment dans le sens qu’il envisageait. Il en était arrivé à un point où il n’appréciait plus le skateboard autant qu’il aurait dû et cette décision aujourd’hui de s’éloigner de la tourmente du business du skate allait lui permettre de reprendre goût au skateboard dans sa forme la plus pure. Parce que s’il y a autre chose, en plus d’être incapable de parler de lui, que Charles ne sait pas faire, c’est tricher. Il ne fait pas semblant, et dans un monde autant basé sur le paraître que le nôtre, peut-être que le travail du bois, l’artisanat, lui semblait correspondre de plus près à ses attentes de la vie. Allez hop, je vous glisse un autre petit extrait de l’interview, on ne dira rien à Charles : « Je sais qu’il y a des gens pour qui ça paraît ahurissant (de ne plus vouloir être pro) mais j’ai pas envie de m’accrocher à mon statut de pro à tout prix, pour faire durer le plus possible, pour au final n’arriver à
« J’AI PAS ENVIE DE M’ACCROCHER À MON STATUT DE PRO À TOUT PRIX, POUR FAIRE DURER LE PLUS POSSIBLE, POUR AU FINAL N’ARRIVER À RIEN… » rien… J’ai pas envie de ça (…). T’imagines pas comme je suis content et soulagé de faire autre chose. J’ai l’impression que je vais vraiment commencer à construire quelque chose. Ça fait tellement longtemps que je me vois aller nulle part avec le skate. Le seul truc que j’arrivais à faire, c’était me déchirer la gueule le soir avec mes potes. Sérieusement, j’ai l’impression que tout ce que le skate m’apportait, c’était de boire, faire la fête… J’en suis arrivé à un point où je fais beaucoup trop la fête et j’en oublie le skate. J’ai vraiment besoin de passer à autre chose, pour me recadrer. Si ça se trouve, je vais me prendre une grosse claque, mais en tout cas je veux essayer. Essayer de travailler, de faire quelque chose de concret. » Alors voilà, malgré une propension hors norme à assombrir le ta-
bleau quand il parle de lui, surtout après un marathon de trois jours de festoyances, ce qu’il faudra retenir de toute cette histoire, c’est qu’on ne verra plus son nom sur une planche mais que tout va très bien pour lui.Il n’est même pas dit qu’on le voit moins dans les médias à l’avenir, regardez, il n’est pas encore retraité qu’il a déjà réussi à transformer un petit article qu’on avait prévu de faire sur lui en un vrai gros truc de huit pages. C’est un malin le gars !
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BS Air. - CHATILLON D’AZERGUES © Loïc BENOIT.
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INTERVIEW
ADRIEN
BULARD Texte et photos : Kévin Métallier. Entretien réalisé via Skype, fin mars 2015.
Très honnêtement, on n’y croyait pas du tout à cette interview de Adrien Bulard. On avait déjà essayé une fois, mais il avait l’air tellement peu motivé par la perspective d’avoir un article dans Soma qu’on s’était fait à l’idée que ça ne se ferait pas. Et puis finalement, avec Kévin Métallier qu’il connaît bien, il semblait plus ouvert à cette éventualité. Voici donc ce qui a filtré entre deux tartines de Nutella et deux averses de pluie. FD
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alut Adrien ça roule ?
C’était cool ?
Ça va et toi ? Tu me vois là ? Moi j’te vois pas… Ah ça y est c’est bon j’te vois…
Ouais c’était vraiment bien. Je me suis juste fait niqué avec le taxi en arrivant à l’aéroport à Athènes. J’ai payé deux fois le taxi !
Moi je ne te vois pas par contre, mais c’est pas bien grave, on s’en fout…
Ah attend, je dois accepter la cam dans les paramètres, je crois… Attends deux secondes… Ça y est ça marche ! Oh là tu t’es rasé le crâne ? T’en avait marre de tes cheveux roux ou quoi ?
Pourquoi, c’était pas assez cher ?
Si si ça va ! En fait, Nike avait déjà payé le chauffeur, mais j’ai complètement zappé que je le savais et comme le gars du taxi s’est bien gardé de me le dire, je l’ai payé une deuxième fois… Sinon, après ce trip en Grèce j’ai enchaîné direct une semaine aux Canaries pour continuer à filmer ma part pour Jart et ensuite j’ai passé quelques jours à Barcelone pour filmer des tricks pour Nike… Je voulais filmer des tricks que j’avais déjà faits, il y a quelques temps. J’essaie de me bouger pas mal en ce moment…
Je viens de tout me couper aux ciseaux, mais bon « ... JE BOUGE DÈS QU’ON ME PROPOSE il faut que je me les rase bien parce qu’ils sont cou- UN TRUC ET J’ESSAIE DE MON CÔTÉ pés complètement à l’arrache. C’est pas la même DE ME MOTIVER À FAIRE PAS MAL DE longueur partout, bref… Et en plus avec mes lunettes PETITS TRIPS. » toutes rayées… Il faut que je change ça aussi, mais il ne font plus ce modèle et c’est celui que C’est cool, t’es motivé ! C’est mieux que de rester moije préfère… sir chez toi à Rouen… Ouais, je bouge dès qu’on me propose un truc et j’essaie de mon côté de me motiver à faire pas mal de petits trips. Tiens d’ailleurs je me posais la J’ai envie de filmer des nouveaux tricks. Surtout qu’il va question l’autre jour, tu peux skater y avoir ma part Jart qui devrait sortir à la fin de l’année sans lunettes ? Non ! C’est impossible. En plus, là il et je suis aussi en train de finir une part pour Nike qui va vraiment falloir que je change de devrait sortir dans peu de temps, ça me motive bien. paire, parce que celles-là sont vraiment trop rayées à force de tomber. Et entre les trips, quand tu es à Rouen comment ça se Il va falloir que je m’habitue aux passe ? nouvelles, en plus j’ai changé de cor- C’est cool aussi, j’en profite pour voir mes potes et je vais rection, c’est pas gagné ! beaucoup skater au park, histoire de garder le rythme, d’essayer d’apprendre quelques nouveaux tricks… Sinon, on fait un peu de street de temps en temps, quand il fait Et pourquoi tu ne skates pas avec beau, mais là par exemple, il pleut ! Mais c’est cool, il y des lentilles de contact ? Parce que c’est une vraie galère… a quelques nouveaux spots de street apparemment en J’ai déjà essayé et je les ai perdues ! ville. Y’a un gros gap, je crois que ça vaut le coup d’aller y faire un tour… Ah ok ! Sinon quoi de neuf depuis notre trip à Puerto Rico ? Tu rentres d’un trip en Grèce là non ?
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Notre conversation s’interrompt subitement suite à un petit problème de connexion. Au bout de quelques
NoseBonk – ROUEN –
BS TailSlide – SUAN JUAN PUERTO RICO –
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minutes, nous parvenons à être de nouveau connecté, tandis qu’Adrien est en train d’avaler une tartine de pâte à tartiner riche en huile de palme en guise de dîner… Ça va, elle est bonne ta tartine ?
Ouais ! T’en veux une ? Non ça va merci. Sinon, tu peux nous en dire un peu plus sur Rouen et la planche à roulettes ?
chaque fois, mais je ne suis encore jamais allé à L.A. ou à New York et j’aimerais vraiment découvrir ces villes, skater là-bas quelques temps. Ils ont une autre approche du skate là-bas, y’a grave de niveau, plein de truc à voir aussi, c’est immense… C’est sûr que c’est une autre vie que d’habiter ici à Rouen.Ça m’attire pas mal, surtout L.A., ce serait un vrai challenge ! Mais c’est clair que les opportunités en skate sont plus là-bas qu’ici, surtout si tu arrives à te faire remarquer… J’irais bien pour voir comment ça se passe déjà, si je vois que c’est impossible de sortir du lot, je me rentre et si j’arrive à me faire remarquer, je reste un peu histoire de voir ce que ça donne…
Ouais mais y’a pas grand-chose à raconter. C’est fini le skate à Rouen, y’a plus rien, plus aucun skateur, D’ailleurs, avant d’être chez Jart, tu skatais pour Enjoi, c’est mort mon pote ! Nan, j’dé- comment ça s’est fini ? conne ! Ça va, ça skate, y’a quelques Ben rien de spécial, ils ne me payaient pas, je galérais mecs motivés, des jeunes aussi, c’est parfois pour avoir des planches et au bout d’un moment cool. On est juste envahis par les trotinettes, y’en a « ...ON EST JUSTE ENVAHIS PAR LES partout de ces merdes, au park, dans la rue, par- TROTINETTES, Y’EN A PARTOUT DE tout, c’est l’enfer ! J’étais pas trop là ces derniers CES MERDES... » temps, mais sinon je squatte beaucoup au park avec les autres… Jart m’a proposé un contrat en me payant tous les mois, du coup j’ai décidé d’accepter leur proposition. Et là Et c’est quoi le dernier trick que tu ça fait quelques mois que j’ai un pro modèle chez eux, as appris au park ? donc c’est plutôt cool. J’attends de recevoir les nouDéjà j’en apprends moins qu’avant veaux graphiques là… des tricks, forcément, mais là récemment j’ai rentré un nouveau combo : Tu skates quoi comme board en général ? nollie heel noseslide nosewheeling Je skate du 8’25 ou du 8’125 des fois, ça dépend des nollie flip, ce genre de trucs… stocks… Et tu te vois rester vivre à Rouen encore longtemps ?
Bon sinon parlons un peu de choses qui fâchent… Ta scolarité par exemple ; tu as arrêté d’aller à l’école quand ?
Pour le moment je n’y suis pas trop, mais c’est cool quand j’y suis. Après, je pense que d’ici quelques temps, je vais me bouger. Je me donne encore un an ou deux, ensuite j’irai voir ailleurs comment ça se passe…
Euh, quand j’étais en terminal… Euh, nan en première en fait. J’étais en première STG, je faisais de la gestion…
Où par exemple ?
Barça pourquoi pas, dans un premier temps. Je sais, c’est pas très original comme réponse mais c’est cool comme ville pour skater. Et ensuite pourquoi pas tenter l’expérience aux States. J’y suis déjà allé quelques fois en trip, à San Francisco, à San José, à Tampa en Floride, pour le contest… C’était vraiment cool à
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Ça te va bien la gestion pourtant ! Pourquoi tu as arrêté ?
Parce que j’avais une mauvaise moyenne et que je voulais avoir plus de temps pour skater. Mais honnêtement je ne regrette pas d’avoir arrêté les cours. Je ne pense pas que j’aurais pu faire grand chose de mieux en suivant des études de gestion… Déjà que s’arrêter au Bac ça ne sert plus à rien, il aurait fallu que je fasse des études plus longues après pour espérer obtenir un job pas trop pourri, j’avais vraiment pas la motiv’ ! Je vais faire sans, tant pis ! De toute façon maintenant c’est un peu tard… A moins que tu te vois reprendre des études plus tard ?
BS FeebleGrind avec puis sans couvre-chef – ROUEN –
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Ollie – ROUEN –
Pivot to Fakie – SAN JUAN PUERTO RICO –
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Nan c’est mort ! Et s’il n’y avait pas eu le skate dans ta vie, qu’est ce que tu crois que tu serais devenu aujourd’hui ?
Je pense que j’aurais continué à faire du foot à fond. Si ça se trouve, je serai millionnaire aujourd’hui mec ! (Adrien se met à rire en se préparant une nouvelle tartine… ). Ça va, je plaisante, mais sincèrement s’il n’y avait pas eu le skate, je ne pense pas que j’aurais arrêté les entraînements de foot. J’aimais vraiment ça. J’ai dû en faire de l’âge de 8 ans jusqu’à 15-16 ans. Je faisais pas mal de sport quand j’étais plus jeune. J’ai fait un peu de basket, du judo aussi, du ping-pong… Mais le foot, j’en ai vraiment fait beaucoup. Je jouais milieu de terrain, ça me plaisait bien… Et qu’est ce qui fait que tu as décidé de privilégier le skate plutôt que le foot ?
Le skate c’était plus cool, tu n’as pas besoin des autres pour jouer ! Et il n’y a pas d’entraîneur pour te saouler ! Maintenant que tu as ton nom sur une planche de skate et que tu es davantage considéré comme un professionnel, est-ce que le skate est toujours un jeu pour toi ou estce que tu vois ça davantage comme un job, avec des obligations à remplir, des objectifs à atteindre, etc ?
Sa réponse est complètement inintelligible car il a la bouche pleine d’une énième tartine… Et la bouche vide ça donne quoi ?
Ouais, excuse ! C’est bon là, j’ai fini ! Euh, non c’est pas trop un jeu, j’essaie de faire ce qu’on me demande, d’être sérieux, de skater un maximum sans me blesser et de tout faire pour pouvoir skater le plus longtemps possible en essayant de gagner ma vie au mieux avec ça. Mais, ça va je ne vais pas me plaindre, ça se passe plutôt bien pour le moment. Après, ça reste un vrai plaisir de skater, les sensations que ça procure, le fait d’apprendre des nouveaux tricks…
Tu fais toujours autant de contests ?
Non moins. Déjà je ne fais plus les Championnats de France, il n’y a pas assez de thunes. Je me concentre sur quelques gros contests, genre la Simple Session en Estonie, le Far&High… Cette année, je n’ai pas pu aller à Tampa, mais je compte vraiment y aller l’an prochain. J’aime bien les contests en général, c’est cool de voir plein de monde, y’a souvent une bonne ambiance, tu revois plein de gens que tu ne vois pas souvent, tu skates des nouveaux modules… C’est toujours une bonne source de motivation, t’as envie de faire un bon résultat. C’est aussi lors d’un contest que tu as commencé à te faire connaître quand tu étais plus jeune…
Ouais, le Teenage Tour. J’avais 14 ans à l’époque je crois, ça devait être en 2004. C’est un pote de Rouen qui m’avait inscrit au contest. On y était allé ensemble et j’ai finalement gagné dans ma catégorie. Il y avait eu la démo éS à la fin, c’était ouf, j’avais été choqué ! Il y avait Bastien aussi qui était là, il avait tué le park ! Et niveau blessures, tu t’en sors plutôt bien jusqu’à présent…
Ça va ouais. Je me suis niqué la malléole y’a quelques temps, en faisant un switch front board sur le rail du Mans pendant la compète… C’est la seule fracture que je me suis faite pour le moment, heureusement. Je me suis ouvert l’arcade aussi, mais bon j’essaie de faire gaffe. Bon, sinon Facebook, Instagram, t’es à fond ou tu t’en tapes ?
Non j’aime bien, j’ai un compte Facebook, un compte Instagram, je poste des vidéos, des photos de temps en temps… Facebook c’est cool pour chatter avec tes potes, Instagram c’est bien pour les photos… Je suis un peu plus actif sur Instagram dernièrement. Et les magazines de skate, tu en achètes, tu en lis ?
J’en achète assez souvent, quasiment tous les mois, j’aime bien ça et quand je n’ai pas le temps je regarde sur internet ce qui se passe… Par contre c’est con qu’ils se cassent tous la gueule, je viens d’apprendre que Kingpin c’était fini… Il faut espérer qu’il y en aura de nouveaux qui vont se monter. Un petit mot sur notre récent trip à Puerto Rico, c’était une bonne expérience ?
Ouais, c’était vraiment cool. Bonne équipe, appart’ chanmé, on a bien rigolé… Beaucoup plus de bons spots que ce que j’imaginais et puis c’est cool aussi de pouvoir aller à la plage se détendre après la session… C’était bien exotique comme destination, on y retourne quand tu veux !
Adrien est soutenu par Nike SB, Jart Skateboards, Hawaii Surf, Dakine, Bones, Skull Candy, Mountain Dew, Tealer…
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BS Smith Grind. © Coburn Huff.
C’ÉTAIT LA VEILLE DE L’AVANT-PREMIÈRE DE LA VIDÉO CLICHÉ À PARIS. JE NE SAVAIS PAS ENCORE QUE CHET CHILDRESS Y TENAIT LE RÔLE DE MONSIEUR LOYAL / AMUSEUR DE GALERIE. PAS À CE POINT EN TOUT CAS. ON AVAIT PASSÉ UNE BONNE APRÈS-MIDI AU BOWL BIEN RAD DE CHÂTILLON D’AZERGUES À ESSAYER DE TOUCHER LE COPING AVEC UNE PETITE ÉQUIPE, DONT CHET. SANS VRAIMENT SE FOULER, IL ÉTAIT PLUTÔT EN MODE DISQUE-JOCKEY, IL AVAIT EU LE TEMPS DE DÉGAINER QUELQUES BS SMITH GRIND COMME SI DE RIEN N’ÉTAIT, HISTOIRE DE RAPPELER À TOUT LE MONDE QU’IL EN AVAIT ENCORE SOUS LE CAPOT. MAIS CE N’ÉTAIT PAS LA GROSSE DÉMO NON PLUS, LE GARS N’AVAIT APPAREMMENT PAS L’INTENTION DE NOUS EN METTRE PLEIN LA VUE. DEVANT LE MICRO PAR CONTRE, ET APRÈS QUELQUES BIÈRES DE BON AUGURE, IL NOUS A SCOTCHÉS SUR PLACE…
P
eux-tu commencer par nous expliquer ce qu’on fait ici, chez Cliché ?
Je collabore avec les gangsters de chez Cliché. C’est vraiment cool. On bosse ensemble, je dessine et je traîne avec eux. Je pars en voyage avec eux et ils me soutiennent, mais vraiment, surtout, ils m’aident à ce que je me sente comme une personne à part entière. Quelle est ta fonction précise chez Cliché ?
Concierge ! Nettoyer les chiottes, faire la vaisselle, dessiner des trucs bizarres. Jérémie Daclin : Et boire tout notre vin !
Et boire tout leur vin, oui. Les assommer de questions aussi… Tu vois, des choses simples dans le genre. Ok, ok, et donc demain on va à la première de la Gypsy Life. J’imagine que tu es dedans. Tu l’as déjà vue ?
Oui, je l’ai vue. Je suis dedans… En tant que meneur de troupe. La vidéo est vraiment cool, ils ont fait du super boulot. Les jeunes skatent vraiment super bien. Et toi tu es la mascotte donc.
Non, je suis juste moi, ou peut-être que oui, un peu. Mais je suis juste un gars qui skate et qui a la chance d’être invité sur ce genre de trip et de faire partie de l’équipe. Je suis plutôt bon pour pousser les jeunes à faire des trucs. Pour les motiver. Je suis bon pour faire marrer les gens aussi. Je suis bon pour boire leurs bières et tirer sur leurs joints…
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CE QUE JE SAIS, C’EST QUE JE NE VEUX PAS DE L’ÉTIQUETTE D’ARTISTE. JE NE SUIS PAS UN ARTISTE. Et tu es bon pour dessiner, c’est toi qui a fait tous ces petits dessins dans la vidéo et sur la jaquette n’est-ce pas ?
Les dessins sont justes… Je déteste le terme « organique », déjà parce que je ne sais même pas comment l’écrire, mais c’est juste que je fais tous ces dessins, tous les jours, tout le temps. J’aime dessiner. J’aime me réveiller le matin à 6h30 ou 7h00, boire mon café et me mettre à dessiner. C’est ce que je fais tous les jours. Tous les jours ?
Tous les jours.
Et tu dessines depuis toujours ?
Oui, j’ai commencé à dessiner quand j’étais gamin, mais je ne savais pas encore ce que je faisais. Je ne sais toujours pas ce que je fais… Ce que je sais, c’est que je ne veux pas de l’étiquette d’artiste. Je ne suis pas un artiste. Je me souviens d’un vieil article de Slap dans lequel tu avais déjà des dessins.
Oui, le truc, c’est que j’ai grandi en faisant du skate, en voyant Gonz, Jason Jessee et tous ces gars géniaux -Gonz est un artiste- et donc je voyais ces gars peindre, faire tous ces trucs. Et… Je voulais faire pareil, moi aussi je voulais être un artiste ! Mais plus maintenant, je ne veux plus être un artiste. Je vais continuer à dessiner des trucs, mais je ne veux pas d’une putain d’étiquette, je ne veux pas avoir à parler à des gens qui veulent être des artistes. Tu vois, j’utilise toujours cet exemple : il y a cette femme qui bosse dans une sandwicherie, et elle fait ses sandwichs avec tellement de style… Elle ne veut pas du titre d’artiste, mais ce qu’elle fait c’est vraiment de l’art. Pour moi c’est de l’art. Mais depuis quelques temps, j’en n’ai plus rien à foutre. Si quelqu’un me demande de faire quelque chose, je ne peux pas le faire, je n’y arrive plus. Je continue à faire mes trucs, mes dessins, mes peintures, dans mon coin mais c’est plus une sorte de comportement compulsif que je ne contrôle pas. C’est ce qui me permet de rester en activité. Aller se promener, faire du vélo, dessiner, ça fait partie des choses que je me dois de faire pour réussir à trouver le sommeil le soir. Les gens me disent « donc quand tu arrêteras le skate tu vas devenir un artiste ». Va te faire foutre ! Je serai facteur, ou je ne sais quoi mais certainement pas un artiste. Mais en même temps, même si tu ne veux pas du titre, tu es une sorte d’artiste, tu as fait tous ces trucs pour cette vidéo Cliché.
Avec Cliché c’est différent, c’est cool. On fait du bon boulot avec Eric (le directeur artistique) et je m’amuse à faire ce genre de chose. Mais s’il s’agit de faire une expo avec mes peintures et avoir ces gens qui viennent en marchant comme ça (il fait semblant d’avoir une coupe de champagne et de s’extasier devant une œuvre d’art), c’est juste pathétique ! Tu sais, la seule raison pour laquelle les gens s’intéressent à ce que je fais, mes dessins, mon « art », c’est parce que je fais du skateboard. Si je ne faisais pas de skate, si je n’étais pas ce gars un peu connu dans le skateboard, personne n’en aurait rien à foutre de ce que je fais. Je suis un skateur, pas un artiste, c’est tout. Mais c’est la même chose avec Mark Gonzales, s’il n’était pas « the Gonz », personne ne s’intéresserait à son art.
Je ne sais pas... Jay Z achète ses œuvres ! Pour moi Gonz est une sorte de personnage magique, d’une sagesse absolue. La façon dont il appréhende la vie, les challenges qu’il décide relever… Il est incroyable. Je veux dire, t’as déjà essayé de faire Eggplant sur une mini-rampe ? Comment, en 1990, sans aucune référence, aucun exemple à suivre, comment il a créé une nouvelle façon de skater. C’est du pur génie pour moi. Il n’y avait pas de ce putain
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d’Internet, je ne sais pas comment il Et toi dans tout ça. a ne serait-ce que pensé à tous ces Moi ? Je ne suis pas un si bon skateur. Je fais juste du trucs. Ce qu’il a fait à l’époque, est skate. toujours aujourd’hui ce qui s’est fait C’est marrant, plus jeune j’aimais « faire la démo », tu de plus incroyable dans le skate- sais quand t’es gamin et que t’es là « hé matte ça » et que board. Pour moi en tout cas. Peut- tu veux toujours être le meilleur, faire le meilleur trick être que les gamins aujourd’hui ne que ton pote, dominer la session, tout ça… Mais avec le réalisent pas son influence, mais ils temps, ça disparaît. Je m’en fiche maintenant. n’étaient même pas dans les couilles de leurs pères, que ce gars a créé de Tu n’as plus rien à prouver. toutes pièces la moitié des tricks Rien à prouver. Je ne suis plus comme ça. qu’ils font aujourd’hui. Qui a sauté Parfois, quelque part, ça me fend le cœur de ne plus être Wallenberg en premier ? Qui en a ce gamin que j’étais… Mais maintenant, quand je skate, seulement eu l’idée ? Il n’a jamais c’est par pure passion, pas pour être plus fort que les auété « Skater Of The Year », il est le tres. Quand ça marche tant mieux, et ça me suffit. Ça « skater of a lifetime ». marche mieux dans les situations bizarres d’ailleurs… Et Et tu vois quand il monte sur ce banc je suis alcoolique ! et qu’il fait boardslide shove-it out sur ce rail qui « SI JE NE FAISAIS PAS DE SKATE, SI zigue zague ? (référence à sa part dans Video Days) JE N’ÉTAIS PAS CE GARS UN PEU C’était fou ce truc, et puis il te fait un frontside in- CONNU DANS LE SKATEBOARD, vert en rampe juste derrière… PERSONNE N’EN AURAIT RIEN À Et donc, c’est ce qui en fait un artiste selon toi ?
FOUTRE DE CE QUE JE FAIS. »
Il est le Bob Dylan du skateboard. Il est meilleur que Tony Hawk. Tony Hawk est le meilleur skateur de tous les temps, mais Gonz c’est encore autre chose… Jérémie Daclin : Pour moi, les vrais Z-Boys, les vrais pionniers du skate, ce sont Gonz et Natas.
Natas a fait des trucs cool oui. Eric Dressen, Jason Jessee, Charles Bukowski… Ce sont tous de très bons skateurs.
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Je ne suis pas vraiment alcoolique, mais j’aime boire. Tu
(rires) ...
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sais, j’ai eu et j’ai toujours des gros problèmes dans la vie, j’ai le cerveau complètement cuit et il faut que je fasse des milliers de choses par jour, juste pour avoir le sentiment d’être vivant. C’est un réel problème, une vraie maladie. Il faut que je sois occupé en permanence. Ça n’a l’air de rien mais je ne souhaite ça à personne parce que c’est horrible en réalité. JD : Tu fais de l’hyper activité.
Oui, je suis hyper actif. Très hyper actif. Je vois des gens qui arrivent à faire des siestes au milieu de la journée, qui arrivent à prendre le temps de vivre, de se relaxer, mais ça ne marche pas pour moi.
pas se mettre sur pause… Mais bon, c’est comme ça. En même temps, tu en as conscience et tu sais que ton hyper activité est ce qui te permet de faire tout ce que tu fais, d’être créatif…
Il y a un équilibre à trouver. Ma copine me conseillait de prendre des médicaments pour me calmer, des drogues, mais je ne veux pas renoncer à cette énergie qui me garde en mouvement, qui m’oblige à aller marcher,
Comment ça s’est passé à l’école ?
Oh l’école ? Facile, aucun problème, j’étais premier de ma classe.
« C’EST UN RÉEL PROBLÈME, UNE
Je demande parce que souvent, les enfants hyper actifs ont du mal à l’école, enfin je crois.
SOIS OCCUPÉ EN PERMANENCE. »
VRAIE MALADIE. IL FAUT QUE JE
Non, non, pour moi c’est le skateboard qui a déclanché ce truc. En 96/97, quand je suis devenu pro en skateboard. Ça allait quand j’étais gamin, c’est après, avec le skate que ça a été la merde.
faire du vélo, skater, dessiner des trucs à la con, camper… Tu sais, avec l’âge, tu apprends à mieux te connaître. Parfois c’est bien, parfois non.
JD : Mais vaut mieux ça, qu’être une larve et ne rien faire de ces journées.
Oui, ma copine me le dit… JD : Elle ne te dit pas de ralentir un peu la cadence plutôt ?
Mmmm, elle essaye… Mais c’est un vrai problème, je suis toujours à la limite de la folie. Par exemple aujourd’hui, à table, j’ai réalisé à quel point j’étais dingue, parce que je n’arrivais pas à m’arrêter de parler, de poser des milliers de questions alors que ces pauvres gentlemen avec qui j’étais, essayaient simplement de profiter du repas en silence. Mais je les bombardais de questions bizarres, j’étais incapable de me taire parce que mon cerveau ne voulait
Je pense qu’on peut s’arrêter là-dessus. Je pense qu’on est bons là…
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De Paris X Of London
© G. DALONNEAU
Ils ont mis les bouchées doubles chez « De Paris » cette année. Deux fois plus de pages, une édition Londonienne, une « full lenght » vidéo et surtout, ce De Paris est encore mieux que celui de l’an dernier. On a bien cru qu’il allait nous claquer dans les doigts le p’tit Zeb sur la fin… Courrez chercher le(s) votre(s) !
LA CHANCE à pas de faute Vous vous souvenez de cette photo ? On avait pris l’audacieuse décision de la publier dans sa version pixellisée en couverture de notre précédent numéro. Une idée novatrice, faisant fi de toutes les conventions, qui n’a pourtant, pas plue à tout le monde… Voici donc pour nos amis rétrogrades et conformistes, une version nette et sans bavure de ce bs kickflip de Jonathan THIJS par ce bon vieux Davy VAN LAERE qui n’avait même pas remarqué que sa photo était mal imprimée. Il ne fait pas attention à ce genre de détails sans importance, lui au moins…
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Les deux almanachs en chiffres : - 4 tonnes de papier stockées dans un appartement. - 1 camion de livraison éclaté. - 304 pages pour De Paris et 174 for Of London. - 1 Alex Irvine en charge de l’édition Londonienne. - 2 expos, une à Paris et une à Londres. - 90 tirages photo mis sous cadre. - Plus de 600 personnes au vernissage Parisien dont - 27 minutes : durée de la vidéo « Nouvelle Vague » réalisée par Guillaume Périmony avec 4 réalisateurs invités : Olivier Fanchon, Francisco Saco, Shota Sakami et Hugo Campan. - 50 photographes. - D’innombrables petits coups de mains, sans qui rien n’aurait été possible. - 7 produits dérivés (de la montre Nixon de ouf aux roues Haze Wheels encore plus de ouf). - 1 édito hilarant de Seb Carayol. - 1 édito pas drôle du tout mais très bon de Jacob Harris. - Seulement 2 filles dans le De Paris (dont une à poil…) - 1 Zeb, chef d’orchestre. Édité par Aloud Agency / Stéphane Borgne www.deparisyearbook.com
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10 QUESTIONS à Ludo AZEMAR à propos de la vidéo Antiz
© LB Ludo Azemar a officiellement remplacé Polo Labadie à la tête du département vidéo chez Antiz skateboards. C’est donc une page qui se tourne et une nouvelle ère qui commence avec cette vidéo « Out Of The Blue » dispo sur vos internets en juin. On a posé quelques questions à Ludo pour en savoir plus sur sa nouvelle position dans la multinationale Lyonnaise.
dans l’ensemble ça va avec tout le monde. Qui est le meilleur DJ ?
Y’a une petite collection de CDs dans le van, ça va des compiles de hardrock au best of d’Edith Piaf… Pourquoi deux vidéos ? Est ce que tu fais aussi la deuxième ?
Il y a eu combien de trips ? Et où ?
Maroc, Barcelone (deux fois), Europe de l’Est, Grèce (deux fois), Finlande, Italie (deux fois), Bretagne et Marseille. Ça fait 11 tours « officiels », plus quelques trucs à droite à gauche…
Deux vidéos, tout simplement parce qu’ils sont beaucoup dans le team… Puis ça permet de faire quelque chose de pas trop long, de facile à regarder. Puis ça laisse du temps à certains pour filmer. Et oui, je m’occupe de la deuxième aussi.
Combien d'années de filming ?
Quand sort la deuxième vidéo ?
Deux ans et demi je pense… On a commencé après la vidéo des dix ans, avec le tour au Maroc.
En fin d’année prochaine, on n’a pas de date exacte encore… Faut se remettre sur la route avec le « blue van » d’abord !
Qui prend le moins de douches en Tour entre toi et Hugo (Liard) ?
Tu as donc pris la place de Polo qui a fait toutes les vidéos Antiz depuis le début. Quel était le problème ? Il prenait trop de douches ?
Oulaaaah… Je pense qu’on est à peu près au même niveau (ndlr : très peu), mais lui transpire beaucoup plus, donc on s’en rend encore plus compte ! Qui est le plus hobo de tous ?
Elle est dure celle-la… C’est quand même bien « hobo land »… Mais c’est sûrement Hugo ! Qui est le plus relou en Tour ?
Ah ah ah ! À la fin de certains tours c’est vrai que ça peut être compliqué avec certains… Mais ça ne dure pas bien longtemps, donc 92
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C’est ça ! Polo était beaucoup trop propre, et les cheveux bien trop courts pour continuer l’aventure. Enfin, c’est ce qu’on m’a dit quand je suis allé voir les patrons au dernier étage de leur tour d’argent. Pour la version officielle, il n’y a jamais eu de soucis entre Polo et moi, on était même censés s’en occuper tous les deux, faire le montage ensemble. Puis il s’est trouvé que je suis plus parti en Tour que lui, j’avais un peu plus de temps et au final, Polo nous a dit qu’il n’aurait absolument pas le temps de s’en occuper, du coup j’ai récupéré le projet !
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PFAG of tricks CHRIS PFANNER est absolument génial, il a encore réussi nous glacer le sang avec ses cascades à 100 à l’heure dans la vidéo Vans. Une excellente part, encore une fois, dans l’une des meilleures vidéos de ces dernières années, alors que, on ne peut pas dire qu’il soit le gars le plus technique sur un skateboard… On l’a attrapé au vol, en plein tour du monde pour la promotion de Propeller, il venait de se taper les avant-premières de Los Angeles, Toronto, Melbourne, Shangai et Berlin en quelques jours, et on a pensé que le moment était bien trouvé pour lui annoncer qu’il était vraiment nul en O.U.T.
© LB J’aimerais qu’on parle de tricks si tu le veux bien, parce que tu n’es pas connu pour être un gars qui a des tonnes de tricks sous le coude. Ce sont souvent les mêmes tricks qui reviennent à chacune de tes parts…
C’est clair, je ne suis pas le mec qui a le plus gros sac de tricks. Mais attention, que les choses soient très claires, je préfère cent fois voir un gars comme toi ou Westgate faire les mêmes tricks « de base » dans chacune de leur video parts, plutôt qu’une sorte de jongleur capable de n’importe quel combo. Même si bien sûr, un gars comme Daewon est génial, ce n’est pas ce que je veux dire, mais bref, là où je veux en venir c’est que je me demandais comment ça se passe quand tu fais un Game of S.K.A.T.E. avec tes potes ? Est ce que tu as quand même quelques bottes secrètes ?
Non, même pas. Mais tu sais, j’aime tous les styles de skate, et c’est
« LES SKATERS NE VOIENT PAS LES TROTTOIRS COMME DES TROTTOIRS, ILS NE VOIENT PAS LES RUES COMME DES RUES, ILS NE VOIENT PAS LES MURS COMME DES MURS. TOUT A ÉTÉ REDÉFINI. LES GENS QUI NE FONT PAS DE SKATE VOIENT LE MONDE DE FAÇON TOTALEMENT DIFFÉRENTE. » -IAN MCKAYE, DANS « DRIVE » - 2002
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ce qui est beau dans ce qu’on fait : tout le monde peut pratiquer le skate comme il l’entend. Mais en ce qui me concerne, je veux juste rester en mouvement, je veux juste pouvoir sauter par-dessus des trucs, grinder le plus longtemps, aller le plus vite possible. Je ne suis pas du style à chercher à faire le trick le plus technique, le combo le plus difficile… Ça peut sembler bizarre pour certaines personnes, mais il y a certains tricks que j’aime faire et avec lesquels je me sens en confiance. Ça me suffit pour aller de spot en spot. Pour moi, le vrai challenge, c’est le spot. Tant que je peux aller vite et me faire un peu peur, je suis content. Même aujourd’hui que j’ai des enfants, les gens me disent : « mais tu n’as pas peur de faire ces trucs », « peut-être que tu devrais calmer le jeu »… Fuck no ! On sait de quoi on est capable et il faut savoir s’écouter. Si on ne le sent pas, il ne faut pas y aller, mais si on se sent en confiance, il faut foncer ! C’est pour ça que je continue de faire ces tricks avec lesquels je me sens bien. Mais quand tu bosses sur une video part, il n’y a pas des moments où tu te dis « ah mince, j’ai déjà filmé tel trick, il faut que je trouve autre chose à faire » ?
Bien sûr, j’essaye. J’apprends des nouveaux trucs tous les jours, mais comme je te le disais, j’essaye surtout de pousser mes tricks le plus loin possible. Plus loin, plus vite…
Exactement ! C’est ce que j’ai appris à faire avec mes potes de chez Yama et c’est toujours ce que j’ai envie de faire ! Très bonne réponse, merci.
Ça va, c’était facile…
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VERKOR Chaussures d’activistes
Créer sa propre marque de chaussures de skate en 2015, après
que Nike et consorts aient totalement gagné la bataille, je ne suis pas certain que ce soit le genre de plan de carrière qu’on vous conseille dans les écoles de commerce. Si vous leur dîtes en plus que vous voulez faire appel à une main d’œuvre et une chaîne de production 100% française, c’est carrément un coup à ce qu’ils appellent les flics. Pourtant, c’est bien ce qu’a choisi de faire le gars barbu et néanmoins sympathique sur la photo. Fabien Ternay, c’est comme ça que nous l’appellerons, d’ailleurs c’est son vrai nom, ça tombe bien, est originaire de Haute-Savoie. Il a brûlé sa jeunesse à faire du skateboard et d’autres sports encore plus fun comme le snowboard et le
surf, et aujourd’hui donc, il s’est mis en tête de faire des chaussures de skateboard « Made in France » et éco-conçues par ce qu’il ne trouvait pas (à part peut-être, à petite dose, chez Etnies), quelque chose qui le satisfaisait sur le marché. Ah ah, le con ! Après un nécessaire contrôle d’alcoolémie, qui s’est révélé négatif, j’ai pu vérifier qu’il était tout à fait sérieux et qu’il semblait même très bien savoir où il allait. Remarquez au passage que je n’ai pas dit « dans quoi il mettait les pieds » qui aurait été une belle boutade, mais chez Soma, comme vous pouvez vous en rendre compte, c’est quand même un autre niveau… Les prototypes des chaussures qu’il m’a alors montrés avaient carrément de la gueule. Elles étaient bien pensées, tout ce qu’il y a de plus skatables, ce qui a sa petite importance, fabriquées avec de bons matériaux (0% de produits d’origine animale) et on pouvait même les utiliser pour parader en ville sans passer pour un clown. J’étais donc agréablement surpris. La production, m’a t-il expliqué, se fait à Romans, en Isère, au pied de la chaîne montagneuse du Vercors sans k. Il m’a expliqué aussi qu’il avait bossé pendant dix ans comme designer pour une marque de bagagerie. Un job qui l’a amené à souvent se rendre en Asie pour visiter les unités de production et que ce qu’il y a vu, l’a décidé aujourd’hui à ne surtout pas faire produire ses chaussures, comme tout le monde, en Asie… Ses chaussures sont donc éco-conçues, éco-responsables, éco-tout-ce-que-vous-voulez, et elles seront, au moment où sort ce magazine (fabriqué en bois d’arbre qui participe activement à la déforestation de notre planète), disponibles en direct sur le site « verkor.fr ». Parce que, et c’est le revers de la médaille d’être éco-sympa, le coût d’une production de qualité en France ne permet pas de se payer le luxe de passer par des intermédiaires. Allez donc voir de quoi il en retourne sur l’Internet, et n’hésitez pas à vous faire plaisir, c’est bien d’être respectueux des conditions de travail et de tout ce bordel écologique de temps en temps.
ZEMMOUR, gloire et beauté Par Guillaume Dalonneau Cette kronik (oui, bon ça va hein ! Si on ne peut plus mettre des K partout) a pour but de vous faire partager nos valeurs de tolérance, respect de l’autre, amour de nos prochains et protection de l’identité française. Le débat d’idées et les divergences d’opinions seront les bienvenus dans la mesure ou celles-ci seront identiques aux nôtres. Les personnes visées bénéficieront d’un droit de réponse dans toute publication de presse qu’elles jugeront utiles, exceptée la nôtre. Pour cette première, je voudrais vous raconter ce qui s’est passé la nuit dernière : J’ai fait un rêve, J’ai fait un rêve dans lequel les skateurs étaient moqués, rejetés… Nous étions considérés plus comme des parasites que comme des icônes de mode. Nos proches nous demandaient régulièrement quand est-ce que l’on allait arrêter de jouer au skate et les riverains nous criaient d’aller jouer ailleurs. J’ai fait un rêve dans lequel on allait au shop acheter notre matériel, discuter, partager, regarder l’une des quatre ou cinq vidéos annuelles. Un rêve où le skate intéressait plus les multinationales du jouet que celles du sport. 96
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Un rêve dans lequel les contests ne commençaient jamais à l’heure. On y gagnait une board, un sweat et quelques billets pour les plus chanceux. Ils étaient retransmis à la fin de la rubrique sport sur la télé régionale… Ushuaïa et les Nuits de la Glisse étaient nos représentants à la télé et au cinéma; et Yves Noël notre présentateur fétiche (pas vous ? Ah bon, dommage). J’ai bien dormi cette nuit-là (sauf au moment de Yves Noël). Le lendemain, j’ai regardé une de ces grandes séries de contests que l’on voit partout. J’y ai vu des athlètes, des chaussures de sport, des sponsors énergétiques, des notes comme au patinage artistique et des chèques à faire pâlir la mère Béthencourt. Tout y était beau et neuf (beauf quoi), le spot était parfait, la pelouse bien entretenue et le marquage tracé au millimètre, le match était retransmis en direct et les actions commentées par des spécialistes. Seules les coiffures des joueurs m’ont fait réaliser que ce n’était pas du foot mais bien du skate. J’ai mal dormi la nuit d’après… Rendez-moi mon jouet putain !
Anto FOROT - 3-6 Flip LYON © Loïc BENOIT
« Un livre est un fusil chargé dans la maison d'à côté. Brûlons-le. Déchargeons l'arme. Battons en brèche l'esprit humain. Qui sait qui pourrait être la cible de l'homme cultivé ? Moi ? Je ne le supporterai pas une minute. » Ray Bradbury - Fareinheit 451