Soma #44

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NUMÉRO QUARANTE QUATRE / Fashion & performance






La Double de bienvenue

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soma n°

Guillaume Guénée F a k i e Ta i l B l o c k - S E N S © Nohan Ferreira.


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Ours

NUMÉRO QUARANTE QUATRE Juillet - Août - Septembre 2016

G a ë t a n D u c e l l i e r - F S C r a i l s l i d e p e n d a n t l a b o u m q u ’ o n a o r g a n i s é a u B e l h a r r a D I Y, A n g l e t © L o ï c B e n o i t .

PHOTOGRAPHES

& rédacteurs Directeur de la publication

Fred DEMARD 06 14 24 33 94 fred@somaskate.com

Graphisme

Seb JOLY Publicité

Corinne LASMEZAS 06 07 75 75 61 corinne@somaskate.com

Photographe maison

Loïc « LB » BENOIT Grand reporter

Lisa JACOB

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SOMA est édité par LES ÉDITIONS DU GARAGE SARL 13, rue de L’Isère 38000 GRENOBLE ISNN : 1959-2450 fred@somaskate.com

Davy Van Laere Nohan Ferreira Mike Chinner Tessa Fox Zack Gingg Thibault Le Nours Max Verret Félix Maurugeon Johan Verstappen Marie Ernest Clément Le Gall Alex Pires Teddy Morellec David Turakiewicz Nikwen Jean Terrisse Guillaume Dalonneau Loïc Benoit Gorka De France ILLUSTRATEUR : Morgan Navarro

Imprimé en France chez : IMPRIMERIE DES DEUX-PONTS Toute reproduction, même partielle, du contenu de ce magazine est strictement interdite et constitue un acte de roublardise qu’on voit d’un très mauvais œil, ici, au siège des Éditions du Garage. Si nous devions constater la moindre violation de ce principe, nous nous verrons contraints de soliciter les services de nos amis Covo & Guénée qui se feront un plaisir de couler dans le béton tout contrevenant. Vous voyez, à droite sur la photo, dans le tas de terre, à la place des pneus ? Avouez que ce serait balot quand même…



Sommaire

NUMÉRO QUARANTE QUATRE Juillet - Août - Septembre 2016

Sam Partaix est arrivé en retard à notre petite sauterie au Belharra DIY et il a plié le spot en deux minutes… Un vrai champion le mec. Hurricane © Loïc Benoit.

INTRO

GOD BLESS THE RAIN IN AFRICA

L’angoisse de la page blanche

Le making of du premier vrai skatepark d’Ethiopie

P.12

P.22

P.66

NO WIFI TOUR

LETTRE À NANARD

L’MATOS Méduses et Alma en force

P.14

P.36

P.74 CRAYON

SYRTAKI TOUR La rubrique économique du magazine

P.16

P.46

P.76

P.18 # 44

Enfin une chronique constructive de la vidéo Adidas

LE JEUNE

… est un skate-nerd

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Les téléphones ont pris le pouvoir

Oh tiens y’a plus de « Le Jeune » Oh tiens, y’a plus de « Le Vieux » non plus

DAAN VAN DER LINDEN

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Apprendre à faire la vaisselle en s’amusant

SOSH HIGHLIGHT

Le grand retour de Morgan Navarro sous vos applaudissements

SUAS

LE VRAC

La rubrique où l’on dit le moins de conneries

Mais qui est ce Gary Scott Davis ?

P.58

P.78



L’intro

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L’intro

Juillet - Août - Septembre 2016

I

l y a des jours où, pour peu qu’on ait connu l’époque, ancienne, où les équipementiers sportifs ne régnaient pas encore en maîtres absolus, des jours où on se demande comment on a pu en arriver là. Comment on a laissé faire… Parce qu’aujourd’hui, très clairement, l’affaire est pliée. On nous aurait dit ça à l’époque, on aurait éclaté de rire, mais là c’est sûr, on a déjà les coachs et les agents, le redbull, le « nine club », on va bientôt se taper les JO… Pincez-moi, je (mauvais) rêve. Et puis tout à coup, soudainement, au détour de nos pérégrinations quotidiennes sur les internets, on tombe sur la vidéo Dime, la Sour, Bombaklats, Josimards et j’en passe et des pas moins bonnes… On tombe alors sur un article parlant de la construction du premier skatepark Éthiopien (p. 22), on tombe sur Covo et Guénée qui bétonnent la rue à Anglet (p. 8 et 10), on se souvient du bouquin Skateistan posé sur la table du salon et d’un seul coup, tout n’est pas foutu. En fait, ces jours-là, on se rend compte que le skate n’a peut-être jamais été aussi appétissant qu’aujourd’hui, aussi épicé comme disent les jeunes. Si ça se trouve, on est là à se lamenter sur un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, sur Slap & Big Brother, sur la Eastern Exposure, alors que la meilleure période, on y est, c’est là, maintenant, en pleine dérive sportive… Alors oui, il faut choisir son camp, mais il se peut bien que le meilleur soit encore à venir, ou peut-être que pas du tout, que c’est vraiment flingué, mais dans le doute, ça vaut le coup d’y aller à fond, sans se poser de question, comme dans la GX1000 quand les mecs se jettent sans parachute dans les rues de SF. FD



L’matos

l’matos « LE SKATE C’EST LA LIBERTÉ, Y’A PAS DE RÈGLES… » HA HA HA, FOUTAISES ! SI T’AS PAS LE T-SHIRT QUI VA BIEN, LA BOARD QU’IL FAUT OU LES CHAUSSURES DU MOMENT, T’ES MORT MON P’TIT GARS ! 1

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# Boards 1 Alma : « Team model » : en attendant le pro model, avec la « pro release party », ça va être dingue… 2 Baker « Rowan Zorilla » : En inversant le N et le R ça fait « No War », trop puissant frèèèère ! 3 Cliché « Max Géronzi » : Bah ouais, il est tellement balèze en même temps, ça devait arriver. 4 Antiz « Remy Taveira » : Beau comme un camion ce bateau. Joli shape aussi. 5 Collapse "Beer Hunter" : Bizarrement, c'est celle-la que Covolan préfère... 6 Real « My favorite skater is… » : Oh putain, Mariano est chez Real ! 7 Skate Deluxe : Quoi une board de shop ? Béh oui, mais ils passent de la pub chez nous, on leur doit bien ça non ? Puis, c’est les mêmes que les autres hein ! 8 Element « Madars Apse » : Comment qu’vous allez avoir la classe avec celle-là !

# Chaussures 9 Vans « AV Rapidweld Pro » : Une Anthony Van Engelen plus légère et moins lourde. 10 Nike SB « Zoom Janoski Elite » : Attention, celle-ci « rend hommage aux valeurs communes du football de rue et du skate urbain ».

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11 Converse « Star Player » : Classique comme pas deux.

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12 Globe « GS Chukka » : Une bonne petite Mid comme au bon vieux temps.

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L’matos

l’matos # Chaussures

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13 DC « New Jack S » : On va pas s’mentir, on est sur de la chaussure de Teckos là… 14 La Méduse « Jer Chevallier » : La chaussure idéale ! On peut tout faire avec, demandez à Jérome. 15 Supra « Double Yellow Lines » : Avec les bandes comme sur les Jason Lee de l’époque, vous vous souvenez ? Non ? C’est normal, vous inquiétez pas.

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16 HUF « Brad Cromer » : Alors là « Top of the pop » les mecs, avec le Toe cap et tout.

# Wear etc

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17 Levi’s « Skate 504 Straight 5Pocket Laydown Turk » : Pourquoi Turk ? Aucune idée. 18 Carhartt « Michigan Chore Coat » : Petit fiting chasse et pêche de rue pour baroudeur urbain. 19 XSORIES « Snake Bendy » : pour GoPro, mais pas uniquement. 20 Skull Candy « Grind Wireless » : Pas de fil, pas de problème. 21 Oakley « Latch » : Petit look saltimbanque futuriste/néo-beatnik. Non ? 22 Neff : La casquette de bateau, juste pour cet été. 23 Tealer « monogram mockup » : « we ride, we roll, we smoke » qu’ils disent. Au moins ils s’en cachent pas…

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Daan Van Der Linden

DAAN VAN DER LINDEN Texte : Fredd.

Page de droite : Ollie up sur le banc puis BS Smithgrind BS 180 out.

Q

uel âge as-tu ?

Je viens d’avoir vingt ans.

Photos : Davy Van Laere.

Début juin, je me suis retrouvé invité par Vans au skatepark local de Daan Van Der Linden, à Eindhoven pour le lancement de sa chaussure. Je m’attendais à un gros truc, avec des gens de partout, mais je me suis retrouvé dans une session « à la cool » sans pression, avec Daan, ses potes et sa famille. Du coup, j’ai pu skater pépère cet incroyable park en attendant d’aller poser quelques questions au héros du jour. J’avais déjà « rencontré » Daan une fois. Il était venu avec Volcom pour détruire les spots de ma ville, mais il était malade donc il avait passé la journée sous sa capuche, sans parler. Il était juste monté deux fois sur sa planche et ça avait suffi à confirmer ce que je savais déjà, il est vraiment, mais alors vraiment, au-dessus du lot. Bien sûr, je l’avais aussi vu sur des évènements à droite à gauche et à chaque fois, il m’avait vraiment impressionné. Bref, pour être tout à fait franc, malgré le fait que je pourrais être son père (je ne connais pas sa maman) ( promis), j’appréhendais un peu d’aller lui parler. J’étais tout bêtement intimidé. Très clairement, je n’osais pas trop aller l’emmerder avec mes questions alors qu’il était tranquillement en famille, à donner des chaussures et payer des coups à ses potes. Mais, conscience professionnelle oblige, je suis quand même allé le voir et il a tout de suite pris les choses en main : « pas de problème, on va faire ça dehors plutôt, on sera plus tranquilles ». Il a ensuite répondu à mes questions comme un vrai pro. J’étais complètement bluffé à vrai dire. Pas si enfant loup que ça finalement…

lement dans le team depuis si longtemps, je ne sais pas pourquoi c’est allé aussi vite.

Tu t’attendais à avoir un colorway aussi tôt ? Vingt ans c’est quand même très jeune pour ce genre de choses, non ?

Peut-être parce qu’ils veulent te garder ? Ce qui est une bonne chose. J’imagine qu’on t’a déjà proposé d’aller voir ailleurs non ?

Oui carrément i ! Je le savais depuis un petit moment déjà. Ils (Vans) me l’ont dit assez rapidement en fait. Nassim (Guammaz) en a eu un il y a deux ans, en 2014, puis Sam (Partaix) a eu le sien l’an dernier et ils m’ont dit que pour 2016, ce serait mon tour…

Tu ne sais pas ?

(Clairement gêné par la question) Je ne sais pas.

Non (il sourit) Je suis… Troublé… Jelle Keppens (le photographe de Volcom) m’a dit que tu étais un vrai skate-nerd, que tu connaissais tout des vieilles vidéos, des vieux skateurs. Ça m’a un peu surpris, je te voyais plus comme quelqu’un qui se fiche un peu de tout…

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Ah ah, oui, je regarde un peu les vieilles vidéos. Pourquoi pas hein ?

Exactement, allons-y ! Mais c’est vrai que c’est allé très vite. Je n’étais pas officiel-

Lesquelles par exemple ?

« A Reason For Living » (Vidéo Santa Cruz de 1990) est une de mes


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Daan Van Der Linden

D VD L favorites, mais il y en a tellement. Je regarde pas mal les vieilles vidéos AntiHero aussi, parce qu’il y a cette atmosphère, l’ambiance camping, tout ça… C’est comme ça que je vois le skateboard… Dans ton interview dans Free, tu parles d’un gars qui a plus ou moins été ton mentor dans le skate. Un skateur plus vieux, qui s’est un peu occupé de ton « éducation » sur le plan du skateboard. Il est là aujourd’hui ?

Oui, il est là. Mais je ne dirais pas qu’il a été un mentor. Il m’a beaucoup influencé c’est sûr, il était plus vieux alors j’écoutais ce qu’il disait... Jeroen Sars, c’est le patron de « 100% skateshop » ici (à Eindhoven). Il skatait pour Anti-Hero, il skate tojours pour Anti-Hero d’ailleurs. C’est un bon gars, il sait de quoi il parle. Tu veux une bière ? Oui, carrément ! (il faisait deux mille degrés au soleil, on venait de skater pendant deux heures) (oh !)

Comment peut-on faire une interview sans bière ? Merci, à la tienne. Pour revenir à tes influences et au fait que tu sois un peu skate-nerd sur les bords. Qui sont les pros qui t’ont influencé ?

La plupart de mes skateurs préférés ne skatent plus, ou sont justes vieux. C’est difficile d’en nommer comme ça. Cardiel ?

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Bien sûr, il en fait partie, il est incroyable. Mais il y en a tellement… J’aime bien Fred Gall aussi, mais lui il skate toujours à bloc.

Tu lis encore les magazines, ou tu ne vas plus que sur internet ?

Non, bien sûr, je lis les mags. J’en ai un paquet en stock. Je lis Thrasher bien sûr, parfois The Skateboard Mag, mais pas souvent parce qu’on ne le trouve pas facilement ici. En voyage c’est plus facile, tu as accès à tous les mags, mais en Europe tu es un peu limité à Thrasher. J’aime beaucoup Confusion aussi. Lowcard bien sûr. J’aime les magazines. J’aime avoir quelque chose de concret dans les mains, pour le garder. Pareil pour les vidéos, je veux avoir l’objet, la boîte, le livret qui va avec, plutôt qu’un simple lien sur internet. Parle- moi des tours avec Anti-Hero, combien tu en as fait pour l’instant ?

J’en ai fait deux. Le « What’s up monkey trip » et récemment on en a fait un à partir de San Francisco, puis Boise, Idaho, puis le Montana, l’Oregon, puis Seattle je crois et retour à San Francisco. Ça m’a l’air d’être un bon programme.

C’était tellement bien. On a campé tous les jours ou presque. On s’est fait seulement un ou deux hôtels je crois. On campait dans les bois, tout le monde avait sa tente, on se faisait des feux tous les soirs. C’est vraiment comme dans les vidéos alors ?

Oui, pareil. Non ! C’est encore mieux en fait. J’étais curieux de voir ce que ça allait donner parce que j’adorais les vidéos Anti Hero et j’espérais que ce soit aussi bien que ça en avait l’air, mais c’est bien mieux en vrai. Ils ne se soucient pas vraiment de filmer. Ils sont juste là pour passer du bon temps. C’est tellement différent d’un trip Vans ou d’un trip Volcom où la mission est de filmer, faire des photos, faire des tricks… Alors que sur un trip Anti Hero, le but c’est juste de s’amuser, de faire du skate bien sûr, mais avant tout de s’amuser. Ce qu’ils arrivent à capter en vidéo ne représente qu’une partie infime de ce qui se passe vraiment. Ils loupent énormément de trucs, ce qui est totalement génial je trouve ! Le gars derrière la caméra est un génie aussi ! P-Stone ?

Oui, il est complètement génial. Je vais faire un documentaire sur lui un jour. Ça prendra le temps que ça prendra, mais je le ferais ! Ce gars est une légende. Si le courant passe avec lui, c’est instantanément ton meilleur pote. Et tu as d’autres trip prévus bientôt ?

Oui ! Je vais à New York avec Anti Hero et Volcom, ils font une collab. Une ligne de fringues. On va skater des pools, du street, boire, se marrer…

Ça a l’air d’être un sacré personnage…

Ça a l’air pas mal.

Oui, je ne l’ai jamais rencontré, mais j’aime vraiment ce que j’ai vu de lui sur internet. Il a l’air marrant, les sessions avec lui doivent être cool et il skate super bien.

Oui, ça va être cool, j’ai hâte. Bon bein je crois que j’ai tout ce qu’il me faut, merci.

Merci, c’était cool. Et rapide, c’est parfait…



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GOD BLESS THE RAIN IN AFRICA Texte : Lisa Jacob. Photos : Mike Chinner, Tessa Fox & Zack Gingg.

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in avril, une soixantaine de skateboarders du monde entier se sont envolés pour Addis Abeba, la capitale de l’Ethiopie. Une destination qui ne rime pas vraiment avec skate trip. En effet, nous n’étions pas là pour casser les spots mais pour en construire. Et oui, si vous n’êtes pas encore au courant, il y a désormais un skatepark en Ethiopie. Vous en avez peutêtre rien à foutre parce que vous vous en avez à ne plus savoir qu’en faire des parks et que vous avez, de plus, l’espace public dessiné par un jeune architecte admiratif de glisse urbaine. Mais là-bas ce n’est pas le cas et pourtant, la capitale possède une scène skate depuis bien cinq, six ans déjà, c’est dire s’ils attendaient notre venue, enfin surtout celle de leur skatepark, de pied ferme !

Sur celui-ci, nous étions donc une soixantaine, certains se connaissaient du dernier

projet à Myanmar six mois plus tôt ou d’autres diy. Pour moi, mis à part Jean-Marc, mon pote Baumi du Zwier (Skatepark à Hannovre) et mon pote Suisse Damian qui m’avait motivée à venir, c’étaient tous de parfaits inconnus et je ne suis pas peu fière de pouvoir dire que je connaissais les prénoms de chacun à la fin du séjour. Donc voilà, grâce à Damian j’ai postulé direct parce que je n’aime pas rater une occasion

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Daiki Hosoda, fs 50-50 dans les rues de Addis A b e b a © M i k e C h i n n e r.

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L’ONG Make Life Skate Life (MLSL) est à l’origine de ce projet en coordination avec le

collectif local Ethiopia skate. MLSL a déjà la construction de plusieurs skateparks à son actif dans les pays sous développés (ou en voie de développement pour être politiquement correct) dont le plus connu est PuraPura à La Paz (Bolivie). Des gens du monde entier viennent bénévolement plusieurs semaines pour travailler dans le cadre de ces différents projets de skateparks.


Ethiopie - God bless the rain in Africa

d’aller faire un truc chouette, surtout si c’est en rapport avec le skate. Et puis c’était aussi une bonne excuse pour aller visiter l’Afrique pour la première fois (le Maroc, ça ne compte pas qu’ils m’ont dit). Enfin pour ce qui est de faire les touristes, c’était un peu raté… Je connais super bien cette rue pavée qui allait de notre maison au chantier, avec le Blue Bar au beau milieu histoire de ne pas faire de détour pour des questions de ravitaillement existentiel… En effet, c’était pas évident de se croire en Afrique quand on passe son temps entre la maison et le chantier en compagnie de soixante personnes venues de partout sauf d’Ethiopie… J’exagère bien sûr, j’étais de toutes les missions downhills qui impliquaient de se lever à 6h du

khat (prononcez tchat, vous savez ces feuilles de coca qui sont illégales chez nous mais plus que légales là-bas : ça fait partie intégrante des mœurs sociales au même titre que boire un café). Pour en revenir au safari, je me demande bien

combien de touristes ont dû se faire bouffer par des crocos parce que là-bas on nous laisse tranquillement aller se balader le long de la rivière alors qu’il y a des crocodiles partout ! Au début, j’avais pas réalisé, on en apercevait sur la rive de l’autre côté, et aussi dans la rivière, c’est là que j’ai compris qu’il pouvait très bien y en avoir sur notre berge aussi, juste là où on marchait… Ni une ni deux, je suis vite remontée sur la falaise puis j’ai passé le reste du safari sur le toit du bus.

« . . . C ’ É TA I T PA S É V I D E N T D E S E CROIRE EN AFRIQUE QUAND ON

Enfin, retournons à ce qui nous intéresse : le skatepark ! Je ne

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savais pas trop à quoi m’attendre en arrivant sur place, j’avais pour P A S S E S O N T E M P S E N T R E L A M A I S O N seules infos, un semblant d’adresse où débouler en sortant de l’aéroE T L E C H A N T I E R E N C O M P A G N I E D E port. J’ai trouvé la maison plutôt grande mais ça c’était avant de S O I X A N T E P E R S O N N E S V E N U E S D E savoir qu’on allait y dormir à soixante. Autant vous dire que j’ai P A R T O U T S A U F D ’ E T H I O P I E … » posé mon matelas sur le premier mètre carré de libre. Un joli champ de matelas et de sacs de couchage, mat’ histoire d’être de retour sur le site dans la ça me fait toujours un peu bizarre aujourd’hui matinée, ainsi que de toutes les sorties nocde pouvoir me réveiller sans les pieds de Baumi turnes pour aller écouter du jazz éthiopien dans dans la gueule et de ne plus marcher dans un les bars, on a même vu Mulatu Astatké un soir cendrier géant. (la BO de « Broken Flowers »), gratos en plus ! Et puis les deux derniers jours on est partis en Après la nuit dans l’avion, j’étais un peu safari pour les trente ans de Sam, le belge, perdue le premier jour sur le chantier, En deux rendez-vous 5h du mat’ devant le Blue Bar pour coups de pelle j’ai réussi à me faire voler ma embarquer à vingt-cinq dans un bus, dont le paboard, mais bon, c’était normal apparemtron du bar, Abraham ! Le Blue Bar c’était ment là-bas, il y en a qui y ont laissé leur toute une institution pour nous mais en réalité matos photo... c’était une baraque d’à peine dix mètres carrés en tôle, qui ressemblait plus à un container qu’à C’est dingue quand j’y repense, ce jour-là, un pub, avec des bâches bleues, les mêmes y’avait rien, juste des monticules de terre et des qu’on utilisait pour couvrir les modules, en gens qui creusaient : un vaste terrain vague. Et guise de rideaux. Ça donne moins envie comme quinze jours plus tard : un énorme skatepark ça mais c’était un peu notre « Chez Justine » à en béton, deux fois plus grand que ce qui était nous et Abraham notre J-Mo, on y passait à prévu. C’était fou de voir l’avancée des travaux chaque pause, c’est à dire plusieurs fois dans la chaque jour, la plupart du temps je quittais le journée, boire une bière, mâcher un peu de chantier pour aller dîner et le lendemain matin


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Eyob, ollie par dessus le club des cinq Š M i k e C h i n n e r.

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La mini rampe la plus rastafarienne au monde Š M i k e C h i n n e r.


© M i k e C h i n n e r.

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Henok, pas le roi malheureusement, Henok tout court. Kickflip © Zack Gingg.


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l’on prend un outil et on se salit les mains, quand je revenais il y avait de nouveaux enfin, pas que les mains. On s’amuse tellement modules qui avaient été coulés pendant la nuit. qu’on ne compte plus les heures, parfois après Plus ça avançait, plus c’était excitant et je dîner on retourne même faire des heures sup’ voulais suivre l’avancée des travaux le plus tellement ça nous manque. D’ailleurs, je souppossible, on revenait le soir boire des bières et çonne les Belges d’être des vampires tellement regarder les quelques motivés qui allaient y pasils passaient de nuits sur le chantier. ser la nuit. « Let’s go watch TV » qu’on se disait avec Luke l’irlandais, c’était encore mieux qu’Arte et en plus y’avait pas de pub. En Il y a bien des gens, dont Jean-Marc, qui ont revanche, être volontaire pour le « night shift » dessiné des plans du futur park les premiers c’était dire adieu à son lit jusqu’au lever du jour. jours mais dans le feu de l’action, la création a Un soir, ils ont voulu faire un corner énorme, dépassé les créateurs et vu que personne ne ils ont commencé vers 20h, le temps de le remdisait à personne quoi faire ni quand, de nouplir de béton il devait être bien 22h, après le premier lissage il était pas « E N R E VA N C H E , Ê T R E V O L O N TA I R E loin de minuit (C’est dans ces eaux-là que j’ai éteint la télé). La nuit ça sèche moins vite, ils ont dû attendre encore P O U R L E « N I G H T S H I F T » C ’ É T A I T 2/3h pour pouvoir passer le magnésium puis pour la dernière finition je D I R E A D I E U À S O N L I T J U S Q U ’ A U vous laisse imaginer… Le « waiting game » qu’ils appellent ça, tout est L E V E R D U J O U R . » une question de timing, il ne faut pas trop travailler le béton s’il est trop humide et velles idées de modules émergeaient au fil des savoir attendre suffisamment entre chaque jours et étaient immédiatement coulées dans le étape. C’était assez rigolo du coup de croiser béton, prenant forme jusqu’à être figé au sol des gens qui rentraient se coucher tout plein de pour les siècles des siècles. Amen. C’était béton en revenant du site quand on se levait chouette, les gens devenaient créatifs et se pour s’y rendre. mettaient des missions. Par exemple, Baumi venait tout droit du Rwanda où il y a construit un skatepark à Kigali sous la mousson pendant Peu importe le genre de job, bosser avec des deux mois, du coup les premiers jours il flânait skateurs c’est vraiment plus détente, et encore sur le chantier sans trop avoir envie de mettre plus sur un chantier. Déjà, parce qu’on peut la main à la pelle. Mais d’un coup, il s’est boire et fumer sur le lieu de travail, y faire du réveillé de sa torpeur et s’est mis en tête de feu et écouter Black Sabbath à fond ahah mais faire un énorme cradle au fond du park, le plus pas seulement. On peut aussi y faire des siestes gros module quoi. Ce n’était pas une mince à des endroits plus ou moins confortables affaire vu qu’ils l’ont fait à la main, le béton comme allongé sur les sacs de ciment, le tas de avait du mal à tenir sur la vert. Mais au final, sable ou celui de gravier, les speed bump fraîil n’y avait jamais vraiment de problèmes, que chement construits, adossé à des parpaings ou des solutions et au pire « freestyle it » devenait tout simplement le nez dans la terre. un conseil de premier choix. On a aussi le droit de faire des blagues, de chanter et de gueuler. Mais le must c’est de ne Ce qui est assez drôle c’est que les kids voupas avoir de boss, personne pour te crier dessus laient un streetpark, normal la courbe ils en et ça c’est plutôt cool. Sur le chantier, tout va avaient jamais skaté de leur vie (à part peutde soi, les gens se réveillent quand ils se réveilêtre des micros en bois délaminé), et que tout lent et se rendent sur le site quand il leur plaît. le monde se mettaient à construire des tas de Une fois sur place, l’on check ce qu’il s’y passe, courbes, de volcans et de speedbumps en tout ce que les gens font et ce qu’il reste à faire, puis genre. Je vous rassure, on leur a quand même


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Lisa Jacob, 5-0 to fakie entre deux coups de truelle © M i k e C h i n n e r.

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Jerry Mraz, 3-6 flip pour la foule © M i k e C h i n n e r.


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@ Te s s a F o x .

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fait une petite partie « street league ». Les kids étaient plus motivés que jamais, c’était les premiers sur le chantier le matin, ils y passaient leurs journées, même les plus petits maniaient des pioches deux fois plus grandes qu’eux. Ils nous aidaient plus que certains bénévoles, ils avaient jamais école on aurait dit, il y en a même un qui dormait sur place…

connaître ladite destination. On a donc souvent mis deux heures pour faire dix kilomètres, il y en a qui ont raté Mulatu Astatke à cause de ça, certains ont dû pousser des taxis en panne, d’autres ont dû prendre trois taxis pour rentrer et beaucoup ont payé de leur 3G. La dernière semaine du chantier on passait encore plus de temps sur le site. L’Américain

from Oregon, Joey Martin de Dreamland, a pris un peu les choses en main à coups de meetellement eu le temps de faire du skate durant tings aux accents hollywoodiens, s’agissait de la période de construction. Mais il y a eu un booster le moral des troupes afin de finir le soir où un skateur canadien qui vit à Addis nous park en temps et en heure (c’est vrai qu’on a invités chez lui pour une session : barbecue, avait une deadline, l’inauguration devant se bières pression et une petite micro parfaite. dérouler le 16 avril). Ça a bien fonctionné Après deux semaines sans skate pour la plupart d’entre nous, je m’étais dit que ça allait être la guerre : une trentaine de « J ’ A I T R O U V É L A M A I S O N P L U T Ô T personnes (le reste était en night shift) qui tentent de dropper en même G R A N D E M A I S Ç A C ’ É T A I T A V A N T temps… Et bien même pas, c’est la première fois que j’ai apprécié skater D E S AV O I R Q U ’ O N A L L A I T Y D O R M I R une rampe je crois. Personne sur les plateformes, deux files indiennes de À SOIXANTE.. » skateurs, chacun son tour, à la queu leu leu. C’est bien la première fois que personne ne me snake, au bout de quinze ans puisque j’avais l’impression que tout se de skate, je n’y croyais plus, civilisés les mecs ! construisait en time lapse tellement ça allait Sinon, dans l’euphorie générale, la session a vite. J’appréhendais quelque peu le dernier vite vrillé, c’était à qui faisait le plus le clown, jour : celui où il restait « plus que » le flat. On ce qui est toujours très fun, et la palme d’or reétait censés être sur place vers les coups de huit vient à Mikkjel qui s’est porté volontaire pour heures du matin car pour une fois, l’aide d’un faire tenir la poubelle qui servit d’extension à camion et d’une pompe allaient nous aider dans la micro (il était dedans, question de poids), notre tâche. Le hic c’est que la veille, personne ainsi qu’à Jean-Marc qui s’est mis en tête de n’avait terminé le ferraillage du flat, du coup dropper ce truc…Je crois bien qu’il a fait une pendant que la plupart des gens étaient occupés sale tranche, ce qu’il lui a valu un pied tout à se battre avec les litres de béton qui s’écouniqué pour le reste du séjour. J’ai cru un laient de la pompe, avec deux, trois autres je moment qu’il jouait la comédie pour être finissais d’assembler les barres d’acier. Et là, dispensé de chantier, mais non il n’a pas même pas le temps de traîner, la pompe crachait en pu skater le park, ce dernier fini, le pauvre. continu le mix, c’était une mer de béton se réDu coup on a dû le traîner jusqu’à la rue pour pandant à vitesse grand V à quelques mètres prendre un taxi, ce qui devient vite une avende nous. Et j’avais moyen envie de patauger ture à Addis car on ne sait jamais quand on va dedans, beaucoup de ceux qui y étaient n’en arriver à destination, ni d’ailleurs si l’on va y sont pas ressortis indemnes, des sales brûlures arriver. Le truc, c’est que les chauffeurs n’ont de la taille d’une balle de ping-pong défiguaucune idée de où ils doivent vous déposer, raient leurs mollets, même avec des bottes. n’ont pas de GPS et ne vous diront jamais Ben, un belge, nous avait demandé de ne pas qu’ils ne savent pas où c’est, même si vous leur partir ce jour-là, même si on était fatigués. demandez quinze fois s’ils sont bien sûr de Comme il avait souvent raison, surtout quand

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Comme vous pouvez imaginer, on n’a pas


Ethiopie - God bless the rain in Africa

il disait des trucs insensés, je l’ai écouté et j’ai donc passé ma première nuit entière sur le site. Tout se passait plutôt bien, on voyait le bout du tunnel, on en était à la dernière finition, plus que quelques mètres carrés de flat. Vers 3h du mat’ j’étais à genoux sur un sac de ciment vide à étaler la crème du béton, musclant mon poignet comme jamais lorsque le drame est arrivé, le diable en personne : la pluie, et pas une petite bruine, un sale orage. « God bless the rain in Africa » qu’ils disent, tu parles d’une bénédiction… Tout le monde se met à hurler et à courir tous azimuts pour bâcher tout le flat et ramasser les outils qui traînent puis direction le container où la quinzaine de personnes restantes à cette heure tardive s’abrite. C’est là que le second drame arrive : Harry nous ramène un gosse éthiopien trempé jusqu’aux os, en plein coma éthylique. On a à peine la place de l’allonger par terre, entassés qu’on est au milieu des sacs de ciment et des outils. On a dû rester là une bonne heure à attendre que

« ... ON A MIS LE DES CAGETTES TRANSPORTER LE

La veille de l’opening day, le park était fini et sec, tout le monde ne pensait qu’à une seule

chose : le skater. Dès le matin, des groupes de bénévoles, boards sous le bras, se hâtaient vers la terre promise, j’en fis donc de même. Seulement, Baumi ne l’entendait pas de cette oreille car il était en train de passer la disqueuse sur un coping en granit et question de respect oblige, personne ne commence à skater le park tant que des gens, en l’occurrence lui seul, sont encore en train de bosser. Mais bon, empêcher un tas de kids de skater leur premier skatepark, c’est comme rester au bar sans boire : ça ne marche qu’en théorie. Le lendemain c’était le grand jour, les vacances, plus personne ne bossait, tout le monde se

lachait, ça a skaté jusque tard dans la soirée, il y avait une sacrée énergie, sûrement dûe à presque trois semaines de frustration à ne jamais vraiment pouvoir faire de session. Puis, le skatepark s’est transformé en dancefloor au fil de la nuit, ça vrillait gentiment G O S S E D A N S U N E mais sûrement. Nous célébrâmes, en bonne et due forme, la fin de ces vingt derniers jours de dur laQ U I N O U S S E R T À beur mais plus encore, attendu par les kids comme le messie, l’avèneB É T O N E T O N L ’ A ment du premier skatepark d’Ethiopie.

PORTÉ SOUS LA TEMPÊTE JUSQU’À NOTRE MAISON... »

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la pluie s’arrête, en vain, pour finir le taf pendant que le gamin se vomissait dessus dans son sommeil, ça suintait à mort et on commençait à cailler tellement on était trempés. On a finalement abdiqué en entendant les éclairs et le tonnerre redoubler de force, on a mis le gosse dans une des cagettes qui nous sert à transporter le béton et on l’a porté sous la tempête jusqu’à notre maison, la situation était assez cocasse je dois dire. Le plan B était désormais de mettre le réveil deux heures plus tard pour tenter de sauver le flat, j’avoue que, lorsque Max est entré dans ma chambre en me demandant si je venais, j’ai fait la morte : c’est mort je dors. Les courageux qui y sont retournés ont rattrapé le béton à l’aube, merci à eux.

Je n’ai jamais autant souhaité rater mon avion - déjà que j’avais

racheté un billet pour pouvoir rester une semaine de plus- ce qui a bien failli arriver. Déjà, le lendemain de l’opening je suis partie pour ce safari, ne sachant pas vraiment quand est-ce qu’on serait de retour à Addis, alors que j’avais mon avion le lendemain soir. Ça tombait bien, le lendemain en fin d’aprèm on décide de rentrer. Ce qui tombait moins bien c’est qu’après avoir fait à peine dix mètres sur la route, Joey se fait voler toutes ses affaires, dont son passeport, par une main d’enfant à travers la fenêtre du bus. J’avais mon avion ce soir-là et Joey le sien le lendemain, ce pourquoi on n’irait nulle part avant d’avoir récupéré ledit passeport. Pendant au moins deux heures, on était coincés là à regarder partout avec nos lampes torches, interroger les villageois et


Š Te s s a F o x .

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Session Downhill au petit matin Š M i k e C h i n n e r.


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© M i k e C h i n n e r.

occuper à déconner au fond du bus sur tout ce que Chuck Norris était capable de faire. A mon plus grand regret j’ai eu mon avion,

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ça m’a fait bizarre de quitter, d’un coup comme ça, tous ces gens avec qui j’avais vécu 24h/24 pendant ces trois semaines. On dormait peu mais on avait toujours la pêche, on était là pour quelque chose, c’était important pour tout le monde de se donner à fond, tous différents, venus des quatre coins du monde, mais unis par la même passion. Soixante personnes se défrayant ellesmêmes pour venir construire gratuitement un skatepark qu’elles ne skateront sans doute jamais plus, ça a quelque chose d’assez fascinant. Comme quoi, si vous regroupez pendant assez longtemps tout un tas de gens ordinaires, il se peut qu’il arrive quelque chose d’extraordinaire. Et comme l’a si bien rappelé, sur ce chantier même, en plein cœur de l’Afrique, le joyeux Albert d’Alis, « This is passion, not fashion ».

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discuter avec la police locale. Verdict, le passeport est au commissariat, une heure plus tard, Joey revient avec son passeport en nous priant de s’éloigner le plus vite possible de cet endroit qui ressemble à un camp de concentration, je crois qu’il y en a un qui a dû morfler à l’intérieur… Cela faisait un moment que tout le monde s’inquiétait pour mon vol et là, lorsque certains ont demandé à faire un break pour acheter des bières, Chris leur a bien fait savoir que c’était pas le moment, outré que l’on songe encore à perdre du temps alors que j’avais un avion à prendre quelques heures plus tard et qu’on était encore à quelques heures de la capitale. C’était la grande polémique du retour, savoir si j’allais avoir mon vol ou non. On me demandât si je ne voulais pas qu’on me dépose direct à l’aéroport et qu’on appelle quelqu’un pour amener mes bagages, ils commençaient presque à me stresser tous. Nan je déconne, je n’en avais rien à foutre, je voulais surtout pas me gâcher la fin du trip, j’étais trop

Adam Anderson, FSA © Mike Chinner


No Wifi Tour

NO WIFI TOUR T E A L E R

À

M A D R I D

Texte : Gorka De France. Photos : Thibault Le Nours.

D

écouvrir de nouveaux endroits, de nouveaux pays, de nouvelles cultures, apprendre à faire la vaisselle, à vivre en communauté, supporter les odeurs de pieds, survivre sans wi-fi, c’est aussi à ça que servent les « tours de skateboard ». Les voyages forment la jeunesse, mais la jeunesse peut aussi sérieusement casser les couilles si on ne protège pas assez ses arrières. Rester vigilant, même quand le but premier est de s’amuser, une main de fer dans un gant de velours, tel est le secret d’un tour bien réussi. C’était la première fois que je partais en tour avec la casquette de « team manager ». Je

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débute dans le métier, alors, c’est pas vraiment que je stressais, mais j’avais quelques interrogations sur la façon dont allaient se dérouler les évènements. Pour cette nouvelle expérience et pour ne pas être trop perdu, j’avais choisi

une ville que je connaissais bien. J’avais vécu deux ans et demi à Madrid, le temps de terminer mes études de neurologue et je savais que c’était l ‘endroit idéal pour ce premier tour avec mes soces de chez Tealer. Ou était-ce un diplôme d’infographiste ? J’ai oublié. Le fait est, que notre « petite » équipe se composait de mon acolyte / partenaire de crime Samuel Vroman et des p’tits jeunes Max Renaud, Macéo Moreau, Amiel Kornicky et Akim Chérif ainsi que Thibault Lenours, photographe de talent et Hugo Ghnassia le filmeur/souffre-douleur. On néglige trop souvent d’ailleurs le rôle du souffre-douleur dans un groupe. Pourtant, son importance est de premier ordre. Il permet de soulager les frustrations et désamorcer les tensions, mais si la cible est mal choisie ou les attaques trop virulentes, ou trop rapprochées, on court à la catastrophe. Tout est question de dosage et de savoir-faire. S a m V r o m a n Ici, Hugo était une cible idéale. Notre O l l i e .


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No Wifi Tour

Beagle français, sait très bien se mettre luimême dans la position de bouc émissaire, pour le plus grand amusement de ses camarades. Par contre, il est toujours opérationnel quand il s’agit de filmer, un vrai pro dans le fond… Partir avec des jeunes loups ou avec de vieux briscards qui ont déjà fait les 400 coups sont

deux choses totalement différentes. Vous auriez vu les gueules des plus jeunes quand on leur a expliqué comment se faire un lit avec trois coussins parce que l’appart qu’on avait loué était prévu pour quatre et qu’on était le double… Et surtout, le choc quand ils ont compris qu’ils allaient passer une semaine dans un appart sans WI-FI… Pas d’Internet ! Ça vraiment, c’était un coup dur. Il allait falloir se parler, se découvrir les uns les autres, jouer à des jeux de société, bref, s’occuper à l’ancienne.

« ... UNE SEMAINE DANS UN APPART SANS WI-FI… PAS D ’ I N T E R N E T ! Ç A V R A I M E N T, C ’ É TA I T U N C O U P D U R . »

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Une telle addiction à Internet nous a bien fait rire, Akim, Sam et moi et ça a marqué notre semaine. On s’est rendu compte qu’ils ne savaient vraiment plus rien faire sans Snapchat, sans Instagram, sans connexion au monde du virtuel…C’était presque flippant. Se faire à manger a été une autre difficulté insurmontable pour nos jeunes amis, ils ont bien tenté de se faire du riz, mais ils n’ont jamais réussi à percer les mystères du mode de fonctionnement du Rice-cooker… À la fin de la semaine, quand est arrivé le temps du grand rangement, c’était presque touchant de voir Max m’annoncer fièrement qu’il avait fini de laver la vaisselle, pour la première fois de sa vie… « Par contre, tu verras, l’évier est bouché, c’est chelou ». La vision d’horreur quand j’ai simplement enlevé à main nue les pâtes et autres restes de bouffe qui bouchaient l’évier. J’aurais pratiqué une insémination artificielle sur son chien que ça lui aurait fait le même effet. Belle leçon de vie en communauté pour Max… Ses parents peuvent

Amiel Kornicky Feeble grind.



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Amiel Kornicky Fs Feeble grind.


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Max Renaud Fs 50-50 tout du long.

Gorka De France Bs Noseblunt slide.


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Max Renaud Kickflip.

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Karim Cherif Fs Noseslide.


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# 44 No Wifi Tour


Macéo Moreau Fs Smith grind.

êtres fiers de lui aujourd’hui, c’est un homme, un vrai, qui sait faire la vaisselle. On prenait nos petits déj’ tous les matins chez les Hermanos Rodriguez (grosse dédicace à eux), d’abord Sam et moi, puis la

jeunesse finissait par nous rejoindre et enfin, Monsieur Akim entamait son café-clope pendant que tout le monde l’attendait plus ou moins patiemment. Ces rituels matinaux nous ont permis de découvrir la faune locale, du parapentiste shooté à l’adrénaline, au mec dans sa chaise roulante qui n’a pas bougé d’un centimètre de toute la semaine. Et puis c’était parti pour la mission skate jusqu’au soir ! Comme je vous le disais plus tôt, je connais assez bien Madrid donc l’exploration a été assez facile. La ville regorge de spots et n’est pas aussi rincée que Barce« ... SES PARENTS PEUVENT ÊTRES lone, et moins Sheitan aussi… Ce qui est une F I E R S D E L U I A U J O U R D ’ H U I , C ’ E S T bonne chose quand on a la U N H O M M E , U N V R A I , Q U I S A I T prétention d’être productif. Tout le F A I R E L A V A I S S E L L E . . » monde a donné de sa personne. On a skaté à bloc toute la semaine. On était aux anti-inflammatoires dès le premier soir… On a pourtant failli rentrer bredouilles en vidéo parce que dès le premier jour, au premier downhill, Hugo s’est mis une méchante tarte avec sa caméra à la main. Heureusement, plus de mal pour lui que pour le matos, ha ha… Tout au long du séjour, il a bien sûr fallu jouer au classique jeu du chat et de la souris avec, d’une part, la Guardia Civil et d’autre part, la pluie, mais je crois pouvoir dire qu’on a fait le job.

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donc plutôt bien déroulée. Aucune blessure, aucun mort à déplorer, un clip, un article dans Soma… Je vous laisse, faut que j’aille demander une augmentation à mon patron !

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Ma période d’essai au poste de team manager chez Tealer s’est

Macéo Moreau SW 180° Manual Revert.


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SYRTAKI TOUR G L O B E V O I R

V A S E F A I R E À A T H È N E S

Texte et photos: Loïc Benoit.

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Ryan Decenzo Kickflip Fs lipslide.

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Un séjour en Grèce aux frais de la princesse, ça ne se refuse pas. La destination est peut-être un peu à la mode dans le skate en ce moment, mais qu’importe, le pays est magnifique, ses bâtiments sentent le vieux, les gens vivent dehors, ils ont des dieux pour tout et n’importe quoi, des îles en veux-tu en voilà et ils sont tellement dans la merde sur le plan économique, que même nous autres français, du haut de notre petite crise économique, on a l’impression d’être riches. Et ça, c’est bon pour le moral. Quand Globe nous a demandé si on avait un photographe à leur proposer pour les accompagner à Athènes, on a tout de suite pensé à notre photographe maison : Loïc Benoit. Surtout qu’il y avait Charles Collet dans l’équipe et étant donné que les deux sont copains comme cochon, ça allait forcément bien se passer. Sauf que finalement, Charles n’a pas pu partir, du fait que le trip tombait en plein pendant ses exams de fin d’année. Du coup, le pauvre petit Loïc, qui n’est pourtant pas un louveteau de la dernière pluie, allait devoir partir uniquement avec des inconnus. Et il n’aime pas trop ça le gars, vu qu’il se donne toujours beaucoup de mal pour ne partir qu’avec ses potes. De plus là, il avait de très mauvais à prioris sur l’équipe : Ryan Decenzo, Danny Leon, Fries Taillieu, Dannie Carlsen et Anton Myhrvold. Que des machines de contest à casquettes redbull inintéressants, ou des plongueurs cascadeurs sans saveur (je ne fais que répéter ce que Loïc a pensé tellement fort que ça résonnait dans tout le bureau) (genre on a un bureau…). Bien sûr, les craintes de Loïc se sont envolées à la minute ou il a rencontré l’équipe et il a appris que les à prioris, c’est mal. Il est rentré de sa semaine en Grèce complètement à bloc, emballé comme pas deux, avec un beau petit bronzage de printemps et prêt à suivre la même équipe au bout du monde. Oh, et Charles a eu son diplôme d’ébéniste avec les félicitations (les nôtres). FD.


Syrtaki Tour

faire comprendre que dès le départ, j’avais n Canadien, un Suédois, un Danois, toutes les cartes en main pour tout faire foirer, des Espagnols, des Belges, un pour être le grain de sable dans leur belle Anglais (le tm) et même un Franmécanique huilée, le boulet, le maillon faible, çais, lâchés pour « vendre des le connard de service. chaussures » dans un pays en proie Alors qu’au final, je me suis pris une leçon dans à une violente crise économique, ça n’est pas la gueule à laquelle je ne m’attendais pas du banal. Vous pourriez vous dire aussi qu’on se tout. Tous ces gars que je détestais volontiers fiche pas mal de la santé économique des pays, sans même les connaître se sont avéré êtres des que ça n’a rien à faire dans un magazine de skagens intéressants, des « belles personnes » teboard. Oui, mais non, parce que déjà, ce n’est comme on dit aujourd’hui. pas vous qui décidez de ce que je dois écrire, Moi qui flippais de me retrouver dans des disou pas, et aussi parce que figurez-vous qu’en cussions dont je ne raffole guère : le gossip du quelques années de serrage de ceinture « skate game » et autres enculages de mouches extrême, le pays est peut-être à sec mais la sur untel ou tel trick… Et puis deux de ces casreprise (« modéré » selon Bruxelles) est prévue cadeurs sont dans l’écurie des champions : pour cette année, ou peut-être celle d’après (ou l’écurie des boissons peut-être pas). On qui donnent des ailes, est donc dans la « CE N’EST PAS UN HASARD l’aimant à beaufs, phase du pays qui donc je les avais tout repart de zéro et SI NOUS ÉTIONS LÀ de suite mis dans la qui suscite l’intérêt même catégorie que des marques : un AV E C TA M B O U R S E T ces braves gens qu’ils marché à attirent : des gros (re)conquérir d’un TROMPETTES, DES beaufs, dont j’essaie point de vue comde me tenir à l’écart mercial. Ce n’est V E D E T T E S I N T E R N AT I O le plus possible ! Mais pas un hasard si tout ceci n’était que nous étions là avec préjugés. J’ai passé tambours et tromNALES SOUS LE COUDE une super semaine pettes, des vedettes avec des gars super internationales sous ET UN PROGRAMME DE intéressants, ouverts le coude et un prod’esprit, supers programme de démos, DÉMOS, AUTOGRAPHES ductifs, efficaces sur autographes et tout les spots tordus, pas le tintouin pour ET TOUT LE TINTOUIN» rechigneurs, toujours faire rêver les gamins. motivés à continuer à « Créer la demande », se faire mal et sachant parler de sujets riches tel était donc le but de notre séjour en Grèce. et variés… Le contraire de l’image que j’en Et c’est là qu’ils m’envoient, moi… Le mec qui avais. Finalement, c’est peut-être moi le beauf ? passe son temps à cracher sur le skate business (mais qui essaye d’en profiter un max quand même), le gars qui a monté une marque de Bon, assez parlé de moi, passons un peu au skate avec ses potes et qui est parti au moment reste de la troupe. Et commençons par aborder où ça commençait enfin à ressembler à une le problème de la logistique. En deux mots : pas vraie société, le gars qui essaye de dire du mal facile. En effet, ce tour s’est fait sans aucuns des boissons énergisantes à chaque fois qu’il a frais d’hébergement ni de location de voitures l’occase d’écrire un texte dans un mag de ou autre van… Ici ce n’est pas Paris, ici c’est skate… la crise je vous le rappelle ! On a dormi chez la belle Renée (chargée de la distribution de Globe en Grèce) pour une moiPourquoi je vous raconte tout ça ? Pour vous

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Danny Leon Hardflip.

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F r i e s Ta i l l i e u Kickflip Bs Five-0.


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Danny Leon Fs Smith grind.

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Solon Lalas (Globe rider local)( très sympa) Bean plant tailslide & Nose manual romantique.


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F r i e s Ta i l l i e u Crooked grind to fakie.


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DANNY LEON, l’Espagnol : moi qui ne le tié du groupe et chez une amie à elle (absente, voyais qu’aux contests européens et qui croyait mais qui apparemment n’a pas pris tous ses le jeune simplement bon au skate dans un stade strings pour son déplacement) pour l’autre moiconçu à cet effet (un skatepark) et bien j’ai bien tié… Le tout conduit et piloté par miss Renée halluciné sur le petit Danny, un tueur en street, en personne et John, un Grec adorable et super toujours motivé, toujours souriant, jamais à dévoué. râler et surtout super doué pour faire le bruit Tous les jours, c’était un peu l’horreur pour du chiot qui se fait rouler dessus, un détail qui retrouver tout le monde mais heureusement, au ne fait pas forcément une ligne de plus à ton milieu de tout ce beau bordel auquel nous CV, mais ça fait bien marrer tes potes… Bref, avions droit tous les matins au point de rendezun sacré rigolo le Danny Leon. vous, nous avions Thanos, un dieu Grec, mais bien vivant ; vous savez c’est lui qui skate pour DANNIE CARLSEN, l’enfant sauvage de ChrisAntiz et qui s’est fait remarquer en tentant le tiana : rail kinké de HDV à Lyon. La fameuse boîte Attention au phénomène ! Moi qui ne le pensais horrible, c’est lui… Je vous rassure, il skate bon qu’à faire des blunts treflip out sur le plus encore, mais ce coup-ci, il a opéré en tant que haut quarter du Fise, je peux vous dire que je guide, une sacrée corde à notre arc. Super suis tombé de haut… guide le Thanos, Dannie est un tantinet encore merci mon « DES GARS SUPER renfermé, voir carréami ! I N T É R E S S A N T S , O U V E R T S ment timide, voir carrément à la limite de Et maintenant l’autisme parfois, l’équipe : « LA » D ’ E S P R I T, S U P E R S mais tellement effiteam comme disent cace sur un skate que les enfants. Avec, PRODUCTIFS, (...) LE c’est assez dingue à pour commencer, voir, même en Street. RYAN DECENZO : CONTRAIRE DE L’IMAGE Son style est propre, La star de l’équipe, efficace, jamais rien le ricain… Même Q U E J ’ E N AVA I S . qui dépasse, et quel s’il est Canadien, silence… chez nous, ça ne F I N A L E M E N T, C ’ E S T fait pas une grande FRIES TAILLIEU : différence. Ryan est P E U T- Ê T R E M O I L E attention les filles celui qui a le plus « lâché de street de bouteille et cela BEAUF ? » beau mec ». Grand, se sent, non pas beau garçon, puisdans sa façon de sant, stylé et fité comme un dieu : tout pour s’économiser sur les gros spots car à bientôt 30 plaire ! D’un point de vue skateboardistque piges, le bougre saute encore haut et loin. La le géant belge est très « à mon goût », toutombette est toujours son fond de commerce jours prêt à se ballarguer sur des spots rassurez-vous. Non, son expérience se ressent intéressants, jolis et engagés : ma came. En dans son intérêt pour les petites choses de la gros il n’est pas le genre à chiller la même vie, et oui « il n’y a pas que le skate dans la place de curbs des jours durant en vue d’afvie ». Ryan s’intéresse à beaucoup de choses et finer sa dernière ligne « à la mode » (slappies essaie toujours d’en savoir un maximum sur les noseslides et sex-change out…) déguisé en coutumes et autres détails de la vie locale, ça fan de sports collectifs avec des maillots « à fait plaisir à voir. Ryan est un vrai pro, rien à numéro ». Je vous le recommande vivement redire non plus là-dessus. Il connaît le job, sa pour vos soirées youtube. place, sa fonction : un tueur de l’autographe !


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Dannie Carlsen Alley oop Fakie Nose grind.

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Dannie Carlsen Fs flip.


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# 44 Syrtaki Tour


ANTON MYRHVOLD : Le grand teckos Suédois à queue-de-cheval, celui qu’on confond toujours avec l’autre de Sour Solution, le grand teckos Norvégien à queue-de-cheval, vu que lui aussi est chez Sour. Une machine à switchstance le mec, une sorte de Love Eneroth des temps modernes (comment ça plus personne ne se souvient de Love Eneroth ?). Anton a tout le temps le sourire, ne se plaint que très rarement et même quand les agents de sécurité s’en mêlent, il ne bronche pas, comment dire le moindre mal d’un mec pareil ? Et pour conclure, LA démo :

Sticker job au lazer, du professionnalisme de pointe, du public à gogo, des groupies à la pelle, des mecs avec des porte-clefs Pullin, des logos de boissons poisons, un MC sur-excité, du bon son brut pour les truands, des mamans que « I’d like to rencontrer »… Nous avions rendezvous en milieu de semaine au nouveau skatepark d’Athènes, pour la démo Globe : un très joli spectacle donc, les kids étaient aux anges. S’en est suivi un best trick avec les locaux, très chouette à voir, puis ce fut « le signing », les autographes. Alors là, je dois dire que c’était pour moi du jamais vu. Une queue de dingue, des kids à bloc, heureux comme Ulysse… D’après ce que nous disais John, notre guide, cette démo restera dans les annales en Grèce. On a carrément frôlé l’évènement historique, car même si beaucoup de skaters pros viennent du monde entier pour skater les rues grecques, peu viennent signer des autographes et faire « la démo » et qu’on le veuille ou non, les gamins raffolent de ces petites frivolités. Je me souviens avoir été jeune moi aussi une fois, c’était il y a longtemps, et en effet, j’aurais bien aimé que Globe passe dans mon village à l’époque… Je peux vous dire qu’en une démo, mes nouveaux potes ont sû créer la demande… Belle opération. On repart quand vous voulez les mecs !

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Anton Myhrvold Nollie 180° SW Five-0.


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# 44 shut up and skate


NUMERO QUARANTE QUATRE

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Jérémy GARCIA-ZUBIALDE - No comply fs wallride drop in - PARIS © Maxime VERRET


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Tom REIGNER - Drop in - MONTPELLIER / © Felix MAURUGEON


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Rémy Taveira - Fs five-0 - PARIS / © Maxime VERRET


Jérôme CHEVALLIER - Rock'n'Roll - MONTCUQ / © Johan VERSTAPPEN



# soshhighlight

Ben Botta met son pop au service de La Philharmonie de Paris - FS smithgrind p a r M a rie Ernest (au téléphone)

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SOSH HIGH LIGHT Texte : Fredd

n savait bien que ça arriverait un jour, qu’on n’y couperait pas. Ça n’est pourtant que le début, mais le constat est sans appel, ils ont gagné, eux les téléphones qui ont désormais une emprise totale sur l’espèce humaine.

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O

Inutile de lutter, ils nous sont déjà totalement indispensables. Ce sont eux qui nous réveillent le matin, eux qui nous empêchent de dormir le soir, ils sont notre mémoire, nos meilleurs compagnons dans les transports, nos meilleurs compagnons aux chiottes, ils seront très bientôt nos seuls moyens de paiement. Ils ne prennent pas encore la douche avec nous, mais ça ne saurait tarder. Même quand on va skater ils sont là. Quelle est la valeur d’une session si elle n’a pas été postée sur Instagram dans la foulée ? Qui croira que vous avez passé la soirée avec Sam Partaix si vous n’avez pas posté un selfie avec lui ?

En avril dernier, un opérateur mobile a même invité toute une ribambelle de vedettes du ska-

teboard à Paris pour les observer s’affronter dans un concours de smartphone pendant toute une semaine. Une sorte de joute de gladiateurs des temps modernes pour divertir les abonnés. Ça a un côté un peu flippant, mais nous sommes tous coupables, esclaves volontaires, au service de ces petites machines qui vibrent dans nos poches à longueur de journées pour mieux nous contrôler. C’est pas désagréable ces petites vibrations d’ailleurs… Oui on est foutus, parce qu’on le veut bien et parce que « Oh ! T’as vu l’dernier Ayephone comment qu’il filme trop bien ? ». La moitié des photos de l’article qui suit aurait été shootée au smartphone que je serais même pas surpris… Ça a donc Soshé sévère cette fameuse semaine à Paris. Je rappelle rapidement le concept aux

étourdis : huit trios (un skateur, un filmeur, un



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Un vraie photo de vainqueurs ! Alex Richard en wallie pour le téléphone de Clément Legall, c’est la photo qui a gagné le concours et franchement, il faut vraiment être tordu pour s’imaginer que ça a été shooté au téléphone.


photographe) dont six recrutés par Sam Partaix et deux recrutés sur les internets, tous logés à la même enseigne à Paris, avec pour mission de réaliser en seulement cinq jours le meilleur clip et les meilleures photos possibles. Le tout au smartphone bien sûr, puisque de toute façon, comme vous l’avez compris dans l’intro, on est flingués, « ils » ont pris le pouvoir. Ils ont remplacé les appareils photos et caméras high-tech, ils contrôlent nos faits et gestes, alors pourquoi pas nos contests de skate ?

« ...‘ILS’ ONT PRIS LE POUVOIR. ILS ONT REMPLACÉ LES APPAREILS PHOTOS ET CAMÉRAS HIGH-TECH...» On pourrait s’imaginer qu’en invitant 24 skateurs dans le même hôtel pendant une

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semaine, sans réel encadrement, Sosh prenait un risque inconsidéré. Je ne suis pas en train de dire qu’on ne peut pas faire confiance à des skateurs, surtout en groupe, mais, là quand même, les conditions étaient réunies pour que ça dégénère. Imaginez : tout le monde avait reçu un Iphone dernier cri ainsi que tout un tas d’autres cadeaux dès le premier jour. Ils ont même eu de l’argent de poche pour se restaurer toute la semaine, alors franchement, pourquoi est-ce que ce ne serait pas la déglingue tous les soirs ? L’envie de faire plaisir à Orange et Sosh ? Mouais… L’appât du gain ? Bof, tout le monde a très vite compris que l’équipe Belge (Jarne Verbruggen & Phil Zwijsen ) allait gagner de toute façon. Non, ce qui a motivé tout le monde à rentrer plus ou moins tôt le soir pour dérusher et se reposer, c’était la peur de passer pour des cons à la projection publique en fin de semaine… La perspective de voir son clip projeté sur écran géant devant tout le monde avait en effet de quoi vous mettre les chocottes. Alors bien sûr, ça n’a pas été des scouts de France pour autant, mais ils ont pris la compétition suffisamment au sérieux pour filmer tous les jours (pendant quatre jours) et s’appliquer à faire de leur mieux. Et quatre jours, c’est très court pour filmer et réaliser un clip qui tienne la route, d’autant plus que la consigne était claire, il fallait être inventif. Les


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To u j o u r s a u s s i c l a s s e c e R e m y Ta v e i r a . O l l i e u p t o f s w a l l r i d e pour le téléphone d’Alex Pires

Jarne Verbruggen, à peine sorti du Thalys et déjà en blindside flip to fakie sur le spot le plus incroyable de Paris. (une photo prise avec un vrai appareil photo, qui ne permet ni d ' a p p e l e r, n i d e t e x t o t e r )

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Tu r a d e r e t o u r c h e z S o m a ! L e t e m p s d’une photo avec Bastien Duverdier et la poussette de la petite Romane.


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Robin Bolian en route pour l’Actor’s Studio de Bondy – B s s m i t h g r i n d p o u r l e t é l é p h o n e d e Te d d y M o r e l l e c

juges, au-delà de la pure performance, allaient porter une attention toute particulière à l’aspect créatif et c’est pas ce qui est le plus simple à faire en peu de temps. Prenons d’ailleurs deux minutes pour rendre hommage à Julien Dellion

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sont toutes sur www.somaskate.com) et vous êtes donc forcément de mon avis quand j’affirme haut et fort que ce concours en valait la chandelle. Jarne est tellement incroyable dans ce clip ! Mais franchement, toutes les vidéos débaroulent, elles nous ont permis « . . . M Ê M E L E S P H O T O S P R I S E S A U d’apprendre entre autres choses que Robin Bolian et Sam Partaix ne seront jamais acteurs, T É L É P H O N E É T A I E N T C H O U E T T E S . » qu’il faut se méfier des meufs, se méfier de Tinder et qu’être papa n’est aucunement un frein à une carrière de et Alex Richard qui sont restés coincés dans leur street skater… C’était donc un chouette chambre avec une belle gastro chacun pendant concours, avec de chouettes personnes, de deux jours et qui ont donc eu moitié moins de chouettes rencontres, même les photos prises au temps pour boucler leur part. Pas idéal la gastro téléphone étaient chouettes, tout était tellement pour être créatif… chouette que tout le monde s’embrassait à la fin, sans dec, c’était une véritable orgie. Mais comJe pense que vous avez tous vu au moins « Je ment faisait-on avant les smartphones ? t’aime » la vidéo de Phil et Jarne (sinon, elles

Sam Partaix a eu un bol de fou sur ce coup-là ! Heureusement, Nikwen a eu le réflexe de faire une photo du mec avec son téléphone, ils vont pouvoir le retrouver ce con de motard !



La Lettre

LA LETTRE c’est hein, le boulot, les enfants…. Y’aurais bien le week-end pour en faire un peu mais le samedi je suis en course avec maman et le dimanche on mange le gigot chez mes beauxparents, Jacky et Michèle.

SALUT MON NANARD !

C’ est pas souvent que je t’ écris, mais là, ça en vaut la peine : l’autre jour, j’étais à SPORT 2000 pour acheter des chaussures de skate aux gosses. Ils vendaient aussi la vidéo de ta marque là, la ADIDAS “Away Days”. Je l’ai achetée et j’ai regardé ça tranquillement avec les gamins. Et bien bravo mon Bernard, je l’ai vraiment bien aimé ton film ! Je m’attendais à voir pleins d’ athlètes exceller dans leur discipline sur fond de “I will survive” de Gloria Gaynor, mais tu as su éviter les clichés et produire une excellente vidéo. Alors bien sûr, en bon businessman t’as réussi à leur refourguer deux/trois survêtements de fin de série mais bon, c’ est le sport hein, avec ses codes et ses règles. Ceci dit, ton film respire la rue, la vraie, celle des quatres coins du monde. En même temps, la rue, tu connais, t’as pas été Ministre de la Ville pour rien ! Après l’avoir vue, j’avais même envie de refaire du skate ! Mais tu sais ce que

Tiens, y’ a un passage qui m’ a bien fait rire dans ta vidéo, c’ est quand Blondey Mc Coy s’apprête à faire une figure sur un ledge mais y’a un gars habillé comme lui qui utilise le ledge pour faire ses étirements. C’est peut-être son entraîneur d’ailleurs ! Et là, Blondey, il s’impatiente un peu, alors que bon, après tout il fait du sport aussi le gars et puis c’est bien les étirements ! Peut-être qu ‘ils se sont mal compris sur les horaires d’ entraînement ! En même temps, je dis ça mais avec les copains, on n‘en fait plus trop des étirements. On préfère s’ asseoir, critiquer et refaire le monde à notre façon. Après tout, c’est aussi une forme d’ étirement intellectuel: c’est dur, ça fait mal mais au final c’ est pour notre bien ! Bon, je te raconte tout ça mais si ça se trouve t’y es pour rien dans cette vidéo! Peut-être que t’es sur ton yacht, dans ton jacuzzi et qu’ entre deux textos à Sarkozy tu élabores des plans pour couler les marques concurrentes ou pour racheter leurs athlètes ? Peut-être même que tu n’es plus le patron d’Adidas, que t’as tout revendu en faisant une belle plus-value que tu as ensuite dû rembourser par décision de justice et que c’est encore difficile pour toi d’en parler aujourd’hui ? Peut-être aussi que tous les gars de la vidéo ne te connaissent pas et s’ en portent pas plus mal ? Ils profitent du budget qu’ils ont pour voyager partout et nous faire rêver en essayant de vivre de leur passion. Du coup, dans le doute, je vais te laisser, on arrivera bien à se croiser un de ces quatre dans les loges du Stade des Princes. En attendant, je te souhaite plein de bonheur et de réussite professionnelle… Ah oui, une dernière chose : t’aurais pas l’adresse de François Pinault par hasard ? J’aimerai lui écrire au sujet de la vidéo VOLCOM !

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GUIllaume D.


« On n’a jamais eu Adidas mais on a !»

photo DR.

Pascal BERGER - Expert comptable - FIDUXIA GRENOBLE

FIDUXIA, VOTRE PARTENAIRE COMPTABLE ! Expertise comptable / Commissariat aux comptes

FIDUXIA GRENOBLE - Siège social 91 rue Général Mangin 38000 GRENOBLE info@fiduxia.net 04 76 23 00 70


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GARY SCOTT DAVIS DAY

S’il y a une chose de chouette dans le skateboard, c’est l’absence de règles, d’horaires d’entraînement, de contraintes, de survêtements de sport, de coachs, d’agents… Enfin, ça c’était avant, parce que les choses prennent parfois une drôle de tournure de nos jours. Il y a même une

plus investis organisent des petits événements, où toute la scène locale se retrouve. Du fait que « tout le monde » fait son truc dans son coin, il ne peut y avoir que des petits évènements locaux et ce sont quand même ceux-là les meilleurs. Ces « contests » où tu connais tout le

journée mondiale du skateboard, le Go Skateboarding Day, un jour où IL FAUT aller skater. C’est un peu agaçant de se faire dicter ce genre de chose. C’est pourquoi tous les ans, je me fais un malin plaisir de tout mettre en œuvre pour ne pas skater le jour du GSD. Par exemple en skatant à fond la veille pour être sûr d’être bien trop en mille morceaux le lendemain pour aller communier mon amour du skateboard avec tout le monde. Bien sûr, j’ai tort sur toute la ligne, comme souvent. Parce que le 21 juin c’est le moment où les skateshops les

monde, où il n’y a absolument aucune pression, où tout le monde n’est venu que pour se fendre la gueule, ou tu peux faire une course de tic-tac géante et où, au mieux, tu vas gagner une paire de chaussure pas à ta taille et un sac à dos. Vive le Go Skateboarding Day (et mort aux coachs).

A SKATEBOARDING ANNUAL Une année de Work In Progress

Si par miracle, il reste encore des « A Skateboarding Annual n°2» dans votre shop Carhartt local, vous seriez bien avisé d’aller en chercher un (ou deux). Sinon, allez voir sur leur site (carharttwip.com)(15 euros). Tous les projets Carhartt WIP de 2015 y sont joliment mis en valeur, mais aussi des interviews de Josh Pall, Felipe Bartolomé, Aaron Herrington, Max Palmer… Des dessins de Chris Milic, un texte d’Hugo Liard sur comment son expérience du skateboard l’a aidé à construire sa maison, un sujet sur Free skatemag, sur De Paris yearbook, sur les bancs, sur les roulements à billes, sur le totalitarisme öctagonal, le Japon, la Mongolie… 178 pages de papier de bois d’arbre, un grand et beau format. Foncez !

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L a g r a n d e c o u r s e d e Ti c - Ta c pendant le GSD organisé par Wa l l - S t r e e t à Ly o n . Le skate n’est pas mort… © Loïc Benoit

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LA COUPE DU MONDE DE MARSEILLE 26/6-2016

Aaaah, la vie reprend dans ce park qui croyait avoir tout vu… Depuis le premier Bowlrider en 1999, cela fait la 17ème compète internationale ici. Cette année, peu de grosses pointures étrangères, mais un tas de petits jeunes qui ont prouvé qu'on pouvait très bien s'amuser sans Pedro Barros. Ambiance bon enfant, avec un report des phases finales pour cause de France-Irlande diffusé sur place, le foot et le skateboard sont désormais un seul et même combat, c’est beau. Ou pas. Voir que Julien Benoliel se retrouve doyen du contest à 30 ans à peine, entouré de mineurs avec la bave aux lèvres, ça fait tiquer. Voir qu’il n’y a pas une seule marque de skate sur les bande80

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roles aussi… Bon, les finalistes : (les autres étaient très bien, mais pas la place pour en parler). On se dit qu'on a vieilli quand on voit Chris Senn débarquer avec son fils Anakin qui participe aux demi-finales. Ça doit être dingue de pouvoir dire « Anakin, je suis ton père… ». Pas de favoritisme cependant, puisque son père qui officiait comme juge n'en a pas voulu en finale. La façon de skater le park a évolué : les jeunes ont tendance à rester dans la partie à spine pour pouvoir attaquer le wall, qui figure au programme depuis 2002, en délaissant quelque peu le trèfle au fond. On ne se rend pas bien compte du niveau exceptionnel de ces jeunes gens si on oublie que la surface du park est de plus en plus abîmée, qu'il a fait extrêmement chaud comme d'habitude et que les trous ne sont pas rebouchés, sous la belle couche de peinture bleue sosh… Avant de parler des pros, une mention pour les kids (-de 18 ans), les amateurs et les filles qui ont fait leur show. Cette année, Jaime Mateu, le maillorcain

et ses backside boneless revert et invert revert sur le wall finissent deuxième. Pas mal pour un gars qui porte une minerve. Le petit Suédois Kalle Berglind, discret mais efficace. Robin Bolian, le gone surpuissant, Aurélien Giraud et sa maîtrise du flip qui ont effacé les frontières entre le street et le bowl. Le tueur de l'année, qui a donc gagné, c'était Ivan Federico. Il a beaucoup grandi et a fait des trucs monstrueux, vous verrez certainement tout ça en vidéo. Et le jeune Tyler Erdmayer qui prouve que la persévérance paye puisqu'il se retrouve en finale. Vous avez remarqué ? Pas de marseillais dans le dernier carré. Dommage pour Stéphane Boussac qui faisait de solides runs. Quand au héros local Vincent Matheron, il revenait de blessure et d'épreuves du bac. Merci à la moitié des finalistes de ne pas être sortis sur des civières comme en 2015. Bravo les djeunn's.

BAD PROFESSOR.

Robin Bolian, crailslide sur l’extension © Christophe Corso.





Rémy TAVEIRA FS Ollie PARIS © Davy VAN LAERE

« Quand on voit ce qu'on voit, que l'on entend ce qu'on entend et que l'on sait ce que qu'on sait, on a raison de penser ce qu'on pense. »

Pierre DAC


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