Sparse 06 (mar. 2014)

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sparse | numéro 06 | trimestriel | mar. avr. mai. 2014

guide moderne de dijon | gratuit

dossier les élections municipales à dijon interview les candidats répondent enfin aux vraies questions analyse que veulent dire les affiches de campagne ? immersion un dimanche avec mon gun au stand de tir de la police reportage ambiance au salon des pierres précieuses tony truant ce mec a inventé le rock & roll black rebel motorcycle club Lorenzo lamas à la vapeur patrick buisson «je ne l’ai pas fait exprès» + bomb the gig la dame d’aquitaine belle époque yves calvi diaporama roman-photo guestlist courrier Des lecteurs



« Et puis va voter, sinon tu pourras pas te plaindre après. Ou alors casse tout, mais fais quelque chose si tu veux garder le droit d’ouvrir ta grande gueule » - mon père, 2014.

édito. Salut c’est Sparse. La couv’ a de la gueule, dans tous les sens du terme, il faut bien le reconnaître. Cependant, autant vous le dire tout de suite, il n’y aura pas d’article sur Igor et Grichka Bogdanoff dans ce numéro. Une image est bien plus parlante. Comme on a gagné le trophée 2013 CercleCom de la meilleure revue (on ne sait toujours pas à quoi ça sert, mais on a bien kiffé le buffet), on se prend plus que jamais au sérieux. Et on vous livre encore une fois un magazine qu’on peut aisément qualifié d’aussi gonflé que notre égo. On a mis notre nez dans la campagne de municipales, pour vous filer des informations essentielles. Et aussi pour rencontrer le mec le plus cool de Bourgogne : Lilian Melet. On vous parle de musique faite sans ordinateur, ce qui va faire bizarre aux plus jeunes de nos lecteurs, on a laissé notre spécialiste gastro Tonton Stéph payer ses additions au restaurant, on a traîné dans les salons les plus improbables, ou encore testé quelques flingues, décontract’. Ah, et on touche le fond du trou avec des pages mode. Tout ça, sans aucune pudeur. C’est toujours gratos, profites-en. Parce qu’au rythme ou ça va, on va tous retourner vivre chez nos mères. Et celle de notre rédac’ chef habite en Crimée. Sparse, le seul magazine sans Pharrell Williams dedans. Chablis Winston


sommaire amuse-bouche 3. édito 5. guestlist 6. ok podium 7. CONTRIBUTEURS 8. COURRIER DES LECTEURs 10. the pulitzer sessions 12. RETOUR SUR CES TROIS DERNIERS MOIS 14. STORY IMMERSION 16. UN DIMANCHE avec mon gun On a testé le stand de tir de la police

ours Ce magazine est édité par Sparse Média. Siret : 750 725 806 00012 - APE : 9499Z www.sparse.fr - contact@sparse.fr Directeur de publication et rédacteur en chef Pierre-Olivier Bobo Contributeurs Alice Chappau, Anthony Ghilas, Antoine Massot, Arthur Gérard, Cédric Cuccia, Chablis Winston, Estelle Vonfeldt, James Granville, Jeff Buckler, Léa Signe, Lilian Elbé, Louise Vayssié, Marie Tello, Martial Ratel, Mr. Choubi, Nicdasse Croasky, Nicolas Bey, Régis de Saint-Amour, Sophie Brignoli, Tonton Stéph, Valentin Euvrard Direction artistique internetinternet

PhotographIes Alexandre Claass, Louise Vayssié, Vincent Arbelet Illustrations David Fangaia, Estelle Vonfeldt, Hélène ‘Microbe’ Virey, Pierre Roussel DÉVELOPPEMENT COMMERCIAL Apolline Dujon, Juliette Bordy, Romain Calange RELECTURE Aurore Schaferlee, Chantal Masson, Sophie Brignoli Couverture Avec l’aimable autorisation d’Igor et Grichka Bogdanoff - 21 fév. au Trinidad (Dijon) Photo : Alexandre Claass Imprimeur Chevillon Sens Dépôt légal : à la sortie du magazine ISSN : 2260-7617 La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, cellesci n’engagent que leurs auteurs. Tous droits réservés © Sparse 2013-2014 Merci à nos partenaires et annonceurs, ainsi qu’à toutes celles et ceux qui ont permis la réalisation de ce numéro.

DOSSIER : les élections municipales 22. INTERVIEW

Les candidats répondent enfin aux vraies questions. 28.

LA CAMPAGNE À LA LOUPE

Que veulent dire les affiches de campagne ? 32.

AVEC OU SANS CRAVATE ?

L’oeil de Lilian Melet sur les grandes soirées électorales.

PORTRAIT 36. RICHARD PARSONS

Le créateur des péniches-hôtels habite à Dijon et espère toujours relier Paris à Moscou avec son bateau.

REPORTAGE 40. AU COEUR DU SALON DES PIERRES PRÉCIEUSES Bienvenue dans le monde des collectionneurs.

MODE 42. ELLE A TOUT D’UNE GRANDE DIAPORAMA 44. FRONTIÈRES GRILLAGÉES

Dernière tendance dijonnaise : barrer totalement ou en partie certains passages de la ville.

FOODAGE DE GUEULE 48. LA DAME D’AQUITAINE MUSIQUE TONY TRUANT

50.

Des Dogs aux Wampas... rendez-vous avec une tête brulée. 54.

BLACK REBEL MOTORCYCLE CLUB

« Faut trouver le moyen de faire la paix avec le Démon » 58.

BOMB THE GIG

Un collectif, une colloc’, une émission de radio... du punk rock.

dessert 62. CINÉMA : LE NUMÉRIQUE, ET APRÈS ? 64. ROMAN-photo 68. SÉLECTION DE DISQUES 70. MÉDIAS Troubles de l’élection. 72. cRASH TEST Tu t’es vu quand tu fais tes courses ? 74. RÉTRO T’avais 15 ans dans les années 80 à Dijon. 76. FICTION Maudit Jacky. 80. LEXIQUE 82. cartographie


GUESTLIST PAR la rédaction photos : DR

BRUNO LÉDION Journaliste, rédacteur en chef du site Infos-dijon.com

Surprise ! C’est toi qui es finalement élu maire en 2014. Ta première mesure ? Planter des arbres rue de la Lib’. Mais des vrais cette fois... Fusionner avec la Franche-Comté, ça nous permettrait d’avoir de la saucisse de Morteau moins cher. Mais, soyons sérieux, quoi d’autre ? Demande aux élus de l’Yonne et de la Nièvre qui ont déjà du mal à se rendre régulièrement à Dijon ce qu’ils pensent de devoir se faire le trajet une fois sur deux jusqu’à Besançon. Ce n’est pas moi qui le dis, mais la ministre des Collectivités, Marylise Lebranchu. Tu as déjà été invité à la dégustation du Beaujolais nouveau au Bien Public toi ? Non et toi ? Mais comme je ne suis pas candidat à aucune élection, ça ne peut être que pour ca. Bon, t’as acheté quoi pendant les soldes à la Toison d’Or ? J’ai refait mon stock de chemises si tu veux tout savoir. Je veux bien faire bosser aussi les commerçants du centre-ville. Mais il se trouve que, et je ne suis pas le seul à le déplorer, la Toison est ouverte entre midi et deux. Suivez mon regard... Pourquoi a-t-on l’impression que le site Infos-dijon.com n’a pas de design ? Est-ce que le design, ça booste l’audience sur la longueur ? Parce que j’en connais qui aimerait bien avoir celle de mon « grand frère » de creusot-infos.com. Quel est le secret des vieux beaux comme Rebsamen pour se conserver ? Le tennis le dimanche et le tennis le dimanche. Et le café clopes les autres jours ».

AURÉLIEN GROSS DAMIEN LE NET

MYLÈNE HUARD Directrice du Zénith de Dijon

Directeur artistique et gérant du bar-club Belle Époque, 3 rue Claus Sluter

Où as tu pris ta plus grosse cuite à Dijon ? Chez Eddie, à La Place. T’en penses quoi, de la fête de la musique ? C’est de la merde. Ton petit magasin fêtiche du centre-ville, celui dans lequel tu aimes flâner, il se situe où ? On n’a pas le temps de flâner. La dernière fois que tu es allé au Chat Noir, c’était pour quelle occasion ? Le Chat Noir ? Un mot à dire à cette jeunesse ivre qui shoote les poubelles la nuit ? C’est pas cool les jeunes, faites du sport plutôt ! Kir, pour toi, c’est avant tout un lac ou une boisson ? Une boisson. Un peu d’honnêteté : elle sert à quoi, la ville de Saint-Apo, au juste ? Aucune idée, on n’a pas encore eu la chance d’y aller. Ton spot idéal pour diner ? Chez Septime. Pourquoi les videurs du Chat Noir proviennent des Balkans ? Le Chat Noir ? Le dernier concert qui t’a marqué à Dijon ? Vitalic. Y-a-t-il un commerce à Dijon dans lequel tu as trouvé les patrons ou serveurs particulièrement désagréables ? Joker. Des dijonnais se baigneraient au lac Kir, est-ce bien sérieux selon toi ? Ils aiment l’alcool non ? Peut-être une confusion entre les deux...

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Pour la vente des Hospices de Beaune, les stars présentes en 2013 étaient, entre autres, Cali et un DJ provenant de l’émission de W9 « les Ch’tis à Ibiza». En dehors du pinard, Beaune, c’est un peu une ville de tocards, non ? « Beaune » et « e n dehors du pinard », ça ne fonctionne pas dans la même phrase. Les Go Fast l’ont déjà adopté, et toi, tu vas y faire des pointes de vitesse avec ta R19 Chamade, sur la Lino ? Oui, grâce à elle mon trajet domicile-travail sera de 5 minutes contre 15 auparavant. Parmi les 148 festivals dijonnais, c’est lequel ton préféré ? Le festival « À pas contés ». Quel est le patelin limitrophe de Dijon le plus swag ? Longvic ? Ouges ? Sennecey? Plombières ? Sennecey, à l’évidence. C’est le fief de Muriel, la responsable communication et événement du Zénith. Tu les trouves bons, les churros et les croque-monsieurs vendus par tonnes à la Foire gastronomique, toi ? Je ne les tente pas. Plutôt kébab ou Mc Do ? Hamburger B comme Burgui ! Tu aimerais voir qui au concert de rentrée en 2013 ? Sidi d’Iltika, Lou di Franco, Quatuor Hypérion, Daniel Fernandez et Jean-Marc Poignot. Ton spot idéal pour diner ? Gallery 412 de l’Holiday Inn et L’autre entrée des œnophiles.


OK podium

Les dix raisons qui nous font dire que...

les municipales, c’est vraiment ta came par julian-pietro giorgeri

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de Côte d’Or le lendemain de Précoce, tu es allé à ta première réunion publique du PRG et un t-shirt Bernard Tapie. Drive Méga re premiè ta eu t’avais que Même union. ta comm

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Tu n’oublies pas l’enjeu ultime : le buffet crémant-gougères du candidat gagnant, cette dépense somptuaire qui donnera sens à un de tes dimanches soirs de l’année.

Les « problèmes d’élection » dans la pub de la ville t’ont mis la rage : toi, t’es plutôt le genre de votant avec le zizi tout dur. Tu te prononces même en faveur d’amendes contre les citoyens indifférents n’allant pas voter, comme en Belgique. Ou de sanctions physiques humiliantes.

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Tu as fait signer ta casquette UDI par Fran Joigny. Tu envisages peut-être d’emména çois Sauvadet un matin sur le marché de ger avec ta femme dans son fief à Vitteaux.

Tu suis toutes les émissions « spéciales municipales » prévues sur France 3 Bourgogne. Dix heures de « Mots croisés » animées par l’excellent Lilian Melet, un homme de télé que tu apprécies et que tu vas d’ailleurs retrouver dans ce magazine.

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Tu fais des selfies deva nt la permanen Houpert. Tu les postes ensuite sur Instce de campagne d’Alain et hashtag #soutienhoupert2014. T’es agra m avec filtre bleu magnifique !

T’es bouillant quand on te parle des municipales de Châtillon. Paul Brossault, maire divers gauche de Maiseyle-Duc, a-t-il les moyens d’inquiéter la majorité sortante ? Toi, t’es de ceux qui ont une idée là-dessus.

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dat FN T’es abonné au Facebook d’Edouard Cavin, ce candi ses saillies si jeune et si charismatique, qui t’emerveille par ! pleines de verve, de bon sens et de pertinence. LOL

Tu es très à l’aise dans un bureau de vote. Le jour de l’élection, tu sers des pognes aux administrés, tu connais les assesseurs par leurs prénoms et tu as ton isoloir individuel. Celui de droite, toujours.

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Tu as ri à la blague de La Gazette. Une blague qui donnait « Alain joue au Houpert gagne ». Ça t’a fait ta semaine !

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contributeurs PAR LA rédaction photos : DR

Mr. Choubi Mr. Choubi a été cryogénisé en 1979 et vient de se réveiller. Hibernatus. Du coup, personne n’ose lui avouer que les pattes d’eph’ et le sous-pull orange ne se portent plus ou que l’expression « c’est giga » ne s’emploie plus. Comme il reste chez lui pour dessiner les bédés de Sparse et écouter Michel Legrand, il ne s’en rend pas compte lui-même. « Good bye Lenin » likes this. Valentin Euvrard Valentin est une machine journalistique créée par un ordinateur. Un cyborg 2.0 du reportage du 21ème siècle. Il a été conçu dans le seul but de profiter du 13ème mois et de l’abattement fiscal auxquels lui donne droit sa carte de journaliste. Et il se gave de petits fours. Sophie Brignoli Sophie Brignoli n’aime pas qu’on parle d’elle mais déteste encore plus qu’on n’en parle pas. Elle ne daigne se déplacer pour Sparse que pour les stars de la musique internationale, qui la mérite, et qu’elle travaille avec un sourire et un accent du Kentucky à couper au couteau. Elle corrige aussi les fautes d’orthographe des enfoirés comme moi qui ne se relisent pas. Ce qui fait qu’on la pardonne pour tout le reste. Si par malheur elle s’éloigne de son Macintosh plus de 15 minutes, elle s’évanouit. Antoine Massot Antoine Massot, c’est la jeune garde de cette revue. Après avoir contribué à plusieurs blogs porno chic, il s’est fait une place au sein de la rédaction en flattant l’ego de l’équipe en place. Le malin. Antoine Massot refuse de tirer sur une ambulance ou de frapper un homme à terre. Ce qui le rend suspect aux yeux de pas mal de monde... Gentil n’a qu’un œil, comme disait ma grand-mère. Pierre Roussel Pierre Roussel est l’ancien chanteur de Louise Attaque et de Tarmac. Il a séduit la France grâce à l’émotion que transmet sa voix. Il en est aujourd’hui à son 2ème album solo. On pourra le retrouver au festival des Giboulées au Creusot au mois de mai... Ah ! Mais merde, ça c’est Gaétan Roussel ! Ah, ben je ne sais pas qui est Pierre Roussel alors. Il est illustrateur dans Sparse ? Bien, bon job. Yves Calvi Yves Calvi n’a qu’un rêve : quitter RTL, France 2, France 5 et tous ces trucs inutiles pour rejoindre Sparse. Il le fait en janvier 2014. Tout ça pour nous proposer un papier sur « la crise financière et son rôle dans les rapports Nord-Sud ». Non mais sérieux ? Qu’est-ce qu’on s’en tamponne ?! Chez Sparse on parle de musique et des gens trop cools ! Des trucs importants ! On n’a pas de temps à perdre avec ces banalités. Du coup, Yves Calvi s’est fait dégager sans ménagement. Arthur Gérard Mec le plus en retard de tout le culturo-journalisme Côte-d’Orien, impossible pour lui de rendre un article à l’heure. Comme tout bon chroniqueur musical, et tout bon chroniqueur de Sparse, il pense que c’est important de parler d’albums que surtout personne ne connaît, en employant 2-3 termes bien techniques glanés ici et là dans les revues spécialisées. Poudre aux yeux. C’est possible que certains albums aient été purement et simplement inventés par lui. Pierre-Olivier Bobo On te l’a déjà dit, Pierre-Olivier Bobo est le rédac’ chef de ce magazine. Il impose donc son portrait dans chaque numéro. Il est propre, poli et toujours bien mis. Il ne te dira jamais que ton article est tout pourri. Il laissera les gens se moquer de toi après la publication. Le salaud. Pierre-Olivier Bobo nous donne des ordres et nous, on obéit.

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courrier des lecteurs

Merci pour toutes vos lettres, d’amour ou d’insultes. Ça fait chaud au cœur. ÉCRIVEZ-NOUS : CONTACT@SPARSE.FR

« Salut la beaufaille, Pourquoi dans Sparse, vous parlez de foot dans presque tous les articles ? Êtes-vous conscients que certains de vos lecteurs ne s’intéressent pas à ce sport grossier ? » Marie-Ange, Hauteville-lès-Dijon

Réponse de la rédaction Oui, c’est vrai qu’une partie de la rédaction est fan de football. On essayera de ne pas en faire trop à l’avenir. Mais, vous savez, on parle aussi de danse, de théâtre et d’expos dans le magazine comme sur notre site. Des choses moins grossières et peut-être plus fédératrices.

« Salut les fans de Fauve, Pourquoi dans le magazine, vous parlez de trucs contemporains tout pourris, machins de hipsters où y’a que 25 personnes fragiles qui vont aux spectacles ? » Dylan, Saint-Jean-de-Losne

Réponse de la rédaction Oui, c’est vrai qu’une partie de la rédaction est fan d’art contemporain et de spectacle vivant. On essayera de ne pas en faire trop à l’avenir. Mais, vous savez, on parle aussi de football dans le magazine comme sur notre site. Des choses plus viriles et peut être plus fédératrices

« Salut Sparse, Je viens d’être élu Mister Bizu par les mecs de la corpo. Je dois donc organiser un événement culturel au Chat Noir le mois prochain. Peut-on envisager un partenariat ? » Théo, Gray

Réponse de la rédaction Qui t’a donné cette adresse? N’écris plus ici s’il te plaît. Bon courage quand même.

« Dites moi, vous vous la joueriez pas un peu chez Sparse, depuis que vous avez obtenu le trophée de meilleure revue par le CercleCom, cercle des professionnels de la com’ en Bourgogne ? Francis, Dijon

Réponse de la rédaction Si.

« Salut la haute, Euh, vous allez continuer, là, vos articles philo ? Parce que bon... c’est compliqué. Je me suis arrêté à « l’épuration qui sublime les passions négatives qui ne manquent pas d’advenir dans la cité... » Nicolas, Selongey

Réponse de la rédaction Cher Nicolas, tu dois être complètement con. Cette phrase est à la portée de n’importe quel enfant de sept ans biberonné à l’école de la République. Ça veut dire que... Enfin tu vois, quoi. Tout le monde comprend. Pour la peine, on va continuer un peu la philo. Tonton Stéph, notre spécialiste, a la dernière interview de Jean-Edern Hallier en stock. Exclu.

« Salut Sparse, Ne penses-tu pas comme beaucoup de nos concitoyens que le lobby judéo-maçonnique est trop influent à Dijon ? » Eric, Paris

Réponse de la rédaction Dis donc, toi ! Tu crois qu’on t’a pas vu venir avec tes gros sabots ? T’essayerais pas de nous faire faire une quenelle en public par hasard ? Pour ensuite poster ça sur Internet et foutre la honte à la rédaction du magazine ? Hé bien pour te répondre : non, on ne le pense pas.

« Bonjour Sparse, Je n’aime pas vraiment ton magazine de mecs qui se croient cool, et je suis loin d’être le seul à le penser ! À part ça, j’organise des soirées à Dijon, vous pourriez me faire un peu de promo quand même ? » Adrien, Chenôve

Réponse de la rédaction Salut Adrien ! Ben alors, on ne t’a pas appris les bonnes manières ? Tu sais que c’est pas bien de cracher dans la soupe ? Allez, va, content de voir que tu nous lis malgré tout avec beaucoup d’intérêt. Et si t’as envie de t’abonner, va voir la dernière page.

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VOS ÉMOTIONS

EN LIVE

ONK P A K A H S IVAL T S MAÉ E F O R C I T S S U Z M A O Z OEN ROIT ALA T B E R D E D T U S I O O B E EN LE COMTE D ELUXE OLIVIER DE B KEV ADAMS &D N ESTI A R O M F E E S C E N N I E H R C FLO BOSC H U E D L K A C M N L A E R GAD AT F B I A Z M I H A BR ... US 2014 : O -V Z E D N E VOS R

/zenithdijon

@ZenithDijon


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2manydjs // Gaëtan Roussel

Créa : Fred Morin

©Photo : Oram S. Dannreuther Photography

BB Brunes // The Inspector Cluzo

The Hacker // Jackson & His Computer Band HollySiz // Cascadeur // Virus Syndicate Von Pariahs // Nasser // Heymoonshaker Elephanz // Brns // Tristesse Contemporaine Pethrol // AuDen // Data // Isaac Delusion

+ concerts gratuits, spectacles enfants, contest de skate www.lesgiboulees.com


CE QU’IL NE FALLAIT SURTOUT PAS RATER CES TROIS DERNIERS MOIS

par TONTON STÉPH & JULIAN-PIETRO GIORGERI

Mardi 7 janvier

Jeudi 19 décembre

Deux jours que les buggies du Dakar sillonnent les déserts d’Argentine. Stupeur au bivouac et vive émotion dans le clan Balavoine : aucun mort pour l’instant ! Bagnole toujours, à Montceau-les-Mines, un jeune conducteur encastre sa Peugeot dans le mur d’un pavillon. Et termine sa course dans la salle de bain d’un couple d’octogénaires. Mamie n’a rien, l’évier est cassé.

Jean-Marie Le Pen se prend direct 5.000 euros sur le coin de la gueule pour avoir décrété que les roms, « comme les oiseaux, volaient naturellement. » Edouard Cavin, candidat local du Rassemblement Bleu Marine qui lance sa campagne le lendemain, doit être ravi. Et combien pour Mourad, qui s’amuse à faire une quenelle devant la Marianne de la mairie de Dijon ?

Vendredi 10 janvier

Breaking news. Emmanuel Bichot (UMP) sera bel et bien candidat aux municipales à Dijon, en plus d’Alain Houpert (UMP). La nouvelle fait vaciller la droite locale, pourtant Bichot dit être « prêt à fusionner à tout moment. » En fait, Emmanuel Bichot, c’est San Goku.

Dimanche 22 décembre

Jour de messe. Madjid Bougherra, footballeur algérien natif de Longvic, donne une interview à la presse locale. Son but a envoyé son pays à la Coupe du monde, mais il ne craint pas de devoir le préciser : « Je ne suis pas un héros. » Daniel Balavoine apprécie. Il y avait d’autres informations primordiales dans le journal ce jour-là, puisque une ado a été surprise volant une bague à quatre euros. Journalisme d’investigation, mon pote.

Vendredi 17 janvier

Haro sur la réforme du redécoupage territorial ! On voudrait nous accoler à ces ploucs de Francs-Comtois et faire fusion des deux régions. Nous mélanger à Vesoul et à la « Haute-Patate » ? J’appelle ça un mesclun !

Vendredi 27 décembre

Ephémèride : il y a 90 ans mourait Gustave Eiffel. Un grand homme, du cru en plus. Pendant ce temps, sur Twitter : « On m’a dit que j’avais la même voix que Pharrell Williams. » Signé Patrick Juvet.

Samedi 18 janvier

Un candidat du Front National (!) habitant à Genlis (!!) est condamné à six mois de prison avec sursis. Le bougre arnaquait des mamies (!!!) en encaissant rapidement leurs chèques avant le célèbre délai de rétractation : il leur vendait des extincteurs (!!!!). Il y a vraiment des vies qu’on envie. Des vies qui font sens.

Dimanche 29 décembre

Lors d’un spectacle de Noël à Arc-sur-Tille, un clown excédé aurait giflé un des enfants présents sur place. Il est vraiment temps que les fêtes de fin d’année cessen. Un homme, lui, l’a bien compris dans le 92, puisqu’il a entrepris de buter un SDF et de boire son sang. Glauque.

Mercredi 22 janvier

Le tirage du Keno du jour : 1, 2, 7, 11, 17, 18, 29, 31, 35, 36, 38, 39, 40, 41, 49, 50, 52, 57, 59, 52 (midi) et 4, 5, 8, 12, 17, 20, 24, 28, 30, 32, 40, 42, 44, 50, 53, 56, 57, 60, 61, 70 (soir). Numéros Joker + : 4 525 631 (midi) et 0 669 642 (soir).

Samedi 4 janvier

Deux automobilistes finissent par se foutre des beignes pour obtenir une place de parking dans la sublime rue d’Auxonne. Bonne année !

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Mercredi 12 février

Mardi 28 janvier

David Lanaud du Gray souhaite démolir le centre Dauphine, reflet selon lui « d’habitudes de consommation passéïstes. » En fait, David a en tout huit projets de centres commerciaux dernier cris pour l’agglomération et voudrait raser le quartier de la Chouette, reflet d’un patrimoine vieillissant, pour bâtir un centre de loisir thermal.

Pour Emmanuel Bichot, l’ambition d’une candidature one-man à Dijon a fait long feu. Dernier épisode d’une télénovela qui nous a longtemps tenu en haleine. Bichot accepte la main tendue de son « rival » Alain Houpert, lui aussi candidat pour la droite dijonnaise. À voir le rictus de constipation que Manu Bichot affiche lors de son entrevue avec Houpert, on comprend que l’homme s’est fait salement humilier. UMP Côte-d’Or = club SM.

Jeudi 13 février

Facebook, cet encombrant copain. En plus de faire dans le recel de données privées, le réseau social préféré des Français nous propose pour ses dix ans de concevoir une rétrospective de nos années passées. Comme le diaporama en musique que ta bellesœur a fait pour ton mariage. Où on passe sur la musique d’Amélie Poulain de ta gueule de cassos au collège à ces photos du barbecue avec ta petite famille et du bonheur parfait 20 ans plus tard. Ça défile !

Mercredi 29 janvier

Une enquête de Rue89 place Dijon au 85ème rang des villes les plus pauvres de France. Comprendre par là : il n’y a pas de mendiants à Dijon. Ou si peu. Ici, c’est Dubaï ! On le savait, Dijon n’est pas une ville de prolos. Où un habitant sur deux est pédiatre. À côté, Besac’ qui compte 20% de défavorisés, c’est Porte de Clignancourt ! Les stock-options et les green de golf : le pain quotidien du Dijonnais.

Vendredi 14 février

Mardi 4 février

Bonne Saint-Valentin aux Dijonnais ! Dont un sur deux serait célibataire, quand même. Voilà qui explique au moins en partie la surconsommation locale de sextoys, mais en revanche pas cette info selon laquelle un Britannique se tapait le staffordshire bull terrier de sa valentine. Probablement pour fêter les activités de leurs femmes ce soir-là, une compagnie de CRS en provenance de Bergerac est dépêchée dans les rues de Dijon, pour «lutter contre la délinquance. »

Une journée comme une autre en absurdie. Un automobiliste, rendu visiblement euphorique par l’ouverture de la Lino, prend l’A39 à Chevigny à contresens pendant quatre kilomètres. Sans lien apparent, une quinzaine de jeunes se réunissent Place Granville, quartier Toison d’Or, armés de couteaux et de battes pour se mettre sur la tronche. Ailleurs encore, une patiente de l’hôpital de Chalon-sur-Saône se prend le faux plafond de sa chambre sur la gueule. Dans le même temps, pas très loin, une soirée nocturne à l’espace nautique tourne à la débauche, trois jeunes ayant décidé de faire des danses du ventre, nus, dans le hammam.

Samedi 15 février

Des logements étudiants ont été refaits à neuf du côté des résidences Mansart sur le campus. Les toilettes y sontelles encore collectives ? Cela noue des liens. Dans tous les cas, les étudiants peuvent compter sur un investissement massif de leurs professeurs pour faire passer la pilule, ainsi, l’hypothèse-à-la-con du jour est signée M. Chapuis, professeur émérite de géographie à l’université de Bourgogne : « Et pourquoi pas Dole, capitale d’une région Bourgogne-Franche-Comté ? »

Lundi 10 février

Dimanche 16 février

La confédération helvétique se fend d’un nouveau référendum ultra-droitier. Un vote qui montre la parano d’un pays courbé sur lui-même, offrant une boîte de chocolats à tout immigré ayant fait le vœu de quitter le pays. Bien entendu, la mesure ne devrait pas concerner l’équipe de France de coupe Davis qui pourra toujours planquer son magot. Sinon Le Bien Public propose sur son site des vidéos des premiers usagers automobiles de la Lino.

Selon Louis de Broissia, ancien président du conseil général de la Côte-d’Or, Alain Houpert devrait « mettre le turbo » s’il veut avoir une chance aux municipales. C’est vrai qu’une Fuego avec un turbo, bordel, ça en jette. 13


story

CATERING STORY On retrouve le chef Mathieu Munier alors qu’il est en train de préparer un os à moelle, une mousseline de carottes et un filet de cabillaud dans sa cuisine du BHV, place de la Libération, prêt à nous raconter son expérience de cuistot à La Vapeur entre 2005 et 2009. Chronique de quatre ans de cuisine, de musique et d’anecdotes. Croustillant. par JAMES GRANVILLE, en cuisine photo : alexandre claass

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mathieu munier

« J’avais déjà baigné dans le milieu culturel, j’ai même été roadie dans les années 90, c’était l’époque mayonnaise et An-Fer, pour te dire, j’ai quand même porté les amplis des Boo Radleys. (rires) Pour moi, le catering de La Vapeur, c’était la formule idéale : indépendance totale, budget confortable et donc la possibilité de servir quelque chose de qualité. »

« Il m’est arrivé de me mettre en quatre pour certains artistes et de n’avoir rien eu en retour. J’ai par exemple préparé un poisson pour Patrice, il ne l’a jamais touché. Bon, heureusement, ça reste marginal. »

« Lorsque tu t’occupes d’un catering, il faut être souple, préparer des omelettes à 10 heures du matin ou en quatrième vitesse des plats végétariens. Par contre, si tu sens qu’il y a une mauvaise ambiance, c’est souvent parce que la tournée se passe mal, et ça tu dois l’accepter. »

« Il faut toujours préparer un menu sans porc et éviter tout ce qui est ragoût ou mélange de légumes. Qu’il y ait donc du choix et que tous les ingrédients soient frais bien évidemment. »

« Mon meilleur souvenir au catering : j’étais en train d’écouter De La Soul dans la cuisine et un des membres d’Antipop Consortium a entendu le morceau, il m’a emprunté le CD, l’a immédiatement samplé et l’a joué le soir-même avec le groupe. Je me souviens même qu’ils avaient répété le morceau dans la cuisine… »

« Pendant ces quatre ans à La Vapeur, j’ai essayé de proposer une cuisine vraiment familiale, pour que les artistes se sentent comme chez eux. Par la suite, il fallait que j’évolue, j’ai donc repris la Brasserie de l’Hôtel de Ville, le milieu culturel m’a suivi et ça aussi c’est vraiment gratifiant. »

« Cuisiner pour les jazzmen, c’est très gratifiant, ce sont des connaisseurs, ils font vraiment attention à ce que tu leur prépares. Par contre les reggaemen, c’est tout autre chose. Un jour, je me souviens qu’il y en a même qui sont partis avec une planche à découper et des couteaux… Je n’ai pas vraiment eu le temps de courir après le tour bus. »

« Je suis un grand fan de Dominic Sonic, mais je pense qu’à force de tourner, il oublie un peu sa géographie. (rires) Lorsque je lui ai proposé une bouteille de Bourgogne, il a été surpris, il pensait qu’il était à Colmar… Le violoniste de Miossec a aussi gardé mon fils tout un après-midi, c’était plutôt surréaliste. » // J.G.

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lifestyle

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bang bang!

Un dimanche matin au stand de tir de la police. Vite fait. par CHABLIS WINSTON photos : alexandre claass

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immersion

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ais qu’est-ce que ça veut dire ? Vous vous prenez pour Vice chez Sparse ? Vous voulez du trash ? Des enfants morts et des femmes toutes nues et poilues en couverture ? Qu’estce que tu veux trouver au stand de tir à part des beaufs en plein mythe sécuritaire américain ? Je ne sais pas. C’est vrai qu’a priori, s’entraîner à mettre des coups dans la gueule de quelqu’un, on trouve déjà pas ça très malin ! Alors s’entraîner à tirer sur quelque chose... Mais écoute mon grand : le jour de la guerre civile, qui semble approcher à grands pas si je m’en fie à « Jour de colère ». Pas le film avec Tom Cruise et des bagnoles, ça c’est Jours de Tonnerre. Là je vous parle de la manif’ de droite genre ligue des années 30, France tranquille, Valeurs actuelles, Civitas, quenelle, tout ça. Hé bien ce jour-là, tu seras bien emmerdé en te rendant compte que le type de la milice d’autodéfense avec lequel tu te retrouves nez à nez dans les rues de Dijon un soir d’émeute a beaucoup plus d’atouts que toi pour rester en vie. Dont un, nonnégligeable : une pétoire à la ceinture. Et au moment de la sortir, il se posera moins de questions que toi quant à la décision à prendre. À partir de cette réflexion positive sur l’avenir, on s’est dit qu’un peu d’exercice ne nous ferait pas de mal.

réalité, c’est qu’on se tue de moins en moins dans la société française, malgré ce que disent les médias », assure Laurent Mucchielli, sociologue et chercheur au CNRS, que tu vas avoir du mal à contredire vu son titre. Aux USA, on peut expliquer la propension des habitants à taper le carton par l’histoire du pays. Moins en France, qui passe pour un pays de poules mouillées parce qu’on n’a pas gagné une guerre, tout seul, depuis Napoléon.

Face à l’absence apparente sur les réseaux sociaux de vendeurs d’armes « direct from ex-Yougoslavia », on est désemparés. Comment qu’on fait pour trouver des flingues ? On doit passer par les voies légales. En France, malgré le discours sécuritaire ambiant, c’est pas si facile que ça de s’offrir un joujou qui tire à balles réelles. Y’a des démarches : « On ne peut pas savoir combien il y a d’armes illégales en circulation, par définition. Les chiffres alarmistes avancés dernièrement -plusieurs millions- sont complètement fantaisistes. La

- Votre « propre défense (...) si la nature et le lieu d’exercice de votre métier vous exposent à des risques sérieux pour votre sécurité », nous dit-on. Pour votre propre défense ? Ça, c’est le point flou. C’est quoi, des « risques sérieux » ? Parce que si je m’en fie à la presse locale, tous les habitants de Dijon courent des risques sérieux.

Les flingues sur le territoire sont théoriquement traçables avec des numéros de série. Pour pouvoir posséder une arme à feu (il existe plusieurs catégories d’armes, j’te fais pas la liste), il y a quand même quelques formalités. Il faut en gros être âgé d’au moins 21 ans et présenter une raison valable. Et une raison valable, c’est : - La pratique du tir sportif (examen théorique et pratique), avoir un carnet de tir et te faire contrôler trois fois par an, posséder au maximum 12 armes (avec 1.000 cartouches par arme et par an), à utiliser dans un stand de tir, naturellement. On ne va pas se mentir, 1.000 cartouches par arme... avec 12.000 balles, il y a des chances que tu puisses te farcir deux ou trois types avant que les flics t’arrêtent. Ce qui va pas être simple pour eux.

Tu dois aussi posséder un coffre-fort ou une armoire forte. Histoire d’empêcher que d’autres personnes s’emparent de ces armes. 18


UN DIMANCHE AU CLUB DE TIR

avec de vraies balles, donc à l’extérieur, forcément. Nos cibles sont à 25 mètres. À 50 mètres, les cibles sont automatisées, tu appuies sur le bouton et elles reviennent toutes seules. À 25 mètres, on ira les chercher nous-mêmes. On s’installe sur le pas de tir, les uns à côté des autres. En face de nous, nos cibles et un grand talus de terre tassée, bien haut. Heureusement parce que j’évaluais la possibilité qu’un gamin jouant dans le parc de la Colombière voisin puisse prendre une de mes balles perdues. Rassuré. Quoi que. Ces messieurs sortent l’attirail. Des flingues, t’en vois depuis que tu as l’âge de comprendre ce que c’est. J’avais quatre ans et le commissaire Moulin dézinguait huit gangsters dans le mythique épisode Moulin et les cowboys déjà, et Arnold descendait toute l’armée des méchants qui n’avait qu’à pas enlever sa fille dans Commando avec une seule sulfateuse. Plus quelques trucs à plombs de tes potes d’enfance qui faisaient les malins. Mais quand le gars sort sa mallette pleine de calibres, tu fais pas le fier. Et tu te rappelles bien que ces trucs peuvent faire en sorte que tu décèdes. Ce qui n’est pas ton envie du moment.

« Tu mets rien dedans ce matin, c’est parce que t’as tout mis dans le mille hier soir à la maison, hein ? » Et « conserver les munitions et les armes de façon séparée ou alors démonter l’arme pour la rendre inutilisable par toute autre personne.» Bon, si t’as fait plus de trois mois de taule, que tu es sous tutelle ou que tu as des troubles mentaux (le médecin est censé le voir), normalement, tu ne peux pas posséder d’armes. Si t’es alcoolique, tu as le droit, légalement. Comme on aimerait bien ne pas avoir à sortir notre casier judiciaire devant une autorité quelle qu’elle soit, on va au tir sportif. On a appris que les licenciés du club de tir de la police de Dijon pouvaient avoir des invités qui s’essayent au tir sous leur supervision. Si l’invité veut revenir plusieurs fois, il prendra sa licence. Et comme on l’a appris par quelqu’un qui est lui-même licencié, on va en profiter. On ne savait pas qu’on connaissait ce genre de mec. Maintenant on le sait. On prend rendez-vous un dimanche matin de février. Le taulier nous accueille dans une petite cahute style prêteur sur gage du ghetto. Y’a des photos de lui : plutôt un physique à la Pierre Ménès poivre et sel, déguisé en Maya l’abeille dans l’entrée. Déconne. Il nous donne les cibles neuves, les casques et quelques boites de cartouches. L’intérieur du stand n’a pas dû bouger depuis les années 80. Ça sent la sueur. Nous, on tire

T’as plus du tout envie de jouer au cousin qui revient se venger dans Menace to society, t’as envie d’écouter ce qu’on te dit. Les instructeurs sont des passionnés qui nous reçoivent à la cool, contents de pouvoir donner des conseils à des petits jeunes. Les gens se connaissent tous. Ça se fait des petites blagues : « Tu mets rien dedans ce matin, c’est parce que t’as tout mis dans le mille hier soir à la maison. Hein ? » Ambiance. Y’a pratiquement que des hommes. Forcément. Juste une fille, la trentaine, maquillée, talons hauts, qui tire avec un énorme magnum à la Dirty Harry juste à côté de nous. « Elle doit pas être bien stable avec ses talons. » Et puis un minot d’environ 11 ans qui s’exerce avec ce qui semble être 19


immersion

Comme vous pouvez le voir, les cibles n’ont pas la forme de bouteilles...

son père sur un gros calibre aussi. Next generation. 22, 32, 9 mm, revolver 38. On essaye quelques calibres mis à notre disposition. Bien sûr, après tout un tas de recommandations sur la sécurité du lieu. Le 32, c’est mon petit préféré. Si quelqu’un en a un à vendre... Salves. Arrêt. Tous les tireurs se parlent. « C’est bon ? » On va regarder les cibles et on recommence. Toute la matinée. On se prend au jeu. On se débrouille pas trop mal. Les cibles ont forme humaine alors tu te rends assez vite compte des dégâts.

mal d’anciens militaires. Nostalgiques. Les autres ont surtout connu par intermédiaire d’amis ou grâce aux portes ouvertes une fois par an, où les gens peuvent s’essayer. Par contre, pas de sensation de puissance. Un peu déçu. En fait, même les plus gros calibres qu’on a essayés font pas tant de bruit que ça (tout est relatif, t’as un casque quand même). Et comme on n’a pas essayé de fusil à pompe non plus, tu prends peu de recul à cause de la puissance. Même si ça te désaxe. Par contre, vider des chargeurs à une main en marchant, c’est impossible. Jason Statham se fout de notre gueule. Le truc cool, c’est de te concentrer et de bien viser. Comme aux fléchettes et au tir à l’arc. Avec le petit côté cow-boy en plus. Commissaire Moulin. Soyons honnête, à aucun moment on ne nous a parlé de protection de sa famille, d’agression dans la rue ou de sentiment d’insécurité. Faut dire qu’avec un 9 mm dans ton sac, tu te sens rarement en insécurité. On nous parle surtout de sport, de faire le vide et de bons moments entre potes. De fait, le comptoir du bar du stand est toujours le lieu où il y a le plus d’agitation. Je suis à peu près sûr que certains boivent des coups entre copains sans tirer un seul coup de feu. Ce qui est plutôt rassurant. En vérité, on n’a même pas vu un gars bourré. Ou qui aurait l’air d’avoir trop bu avant de tirer. Ou bien ils encaissent comme il faut. Ce qui n’est pas à exclure. En fait, les mecs vont là comme au club de foot ou de pétanque. Tu te concentres, tu t’exerces, tu bois des coups en rigolant après, tu te programmes des bouffes entre potes du club, mais tu joues avec des trucs beaucoup plus dangereux qu’un ballon. Les gens sont cools. Sincèrement. Et c’est pour ça qu’on est un peu mal à l’aise quand certains envoient des lyrics bien sales : « Et toi p’tiot, t’en as des copains bougnoules à l’école ? Tu nous les ramèneras, on saura quoi en faire. » Jour de colère. Rappelle-toi. La décision. // C.W.

« Là, c’est moyen, t’es un peu extérieur. » - Ah bon ? Mais il a déjà quatre balles dans les épaules, je suis pas sûr qu’il aille bien loin. « Le but, c’est le centre. C’est un sport. » Ah ouais, il faut faire des « gruppier », comme l’Allemand de La 7ème Compagnie, tout mettre au centre. « Le guidon, le guidon. Toujours le guidon. » Le guidon, c’est la marque sur le dessus de ton arme. Tu le cales au centre de la cible en visant avant de tirer. « Faut pas trop tarder avant de tirer. Sinon tu fatigues ton bras et tu perds ta visée. Stable sur les pieds. Bouge tes pieds plutôt que ton bras... C’est pas un sport de tapette. Tiens, essaye celui-là, je l’ai tuné, c’est du tuning. Il est plus long, donc l’avant tombe. Faut compenser. » Je remarque la crosse personnalisée avec un cep de vigne d’un de nos instructeurs. « Moulée à ma main ! Tiens, essaye l’autre. » Il me tend un 9 mm, le plus puissant qu’on ait eu en main. « Il a fait du bougnoule. » - Ah... ? Il a fait l’Algérie ? « Non, l’Afghanistan. » - Ah oui, quand même... Merci monsieur. » En fait, il n’y a pas tant de flics que ça. Des anciens flics et pas

À consulter : clubdetirctpcodijon.fr

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Dossier

élections municipales 2014

INTERVIEW

Les candidats aux municipales à Dijon répondent enfin aux questions que tout le monde se pose. Interprétations, notes et scores prévisionnels (page 22)

la campagne à la loupe

Que veulent dire les affiches de campagne ? Analyse sémiologique avec Jean-Jacques Boutaud, spécialiste des signes et de la communication (page 28)

au coeur de la soirée électorale

Entretien avec Lilian Melet, journaliste politique à France 3 Bourgogne (page 32)


dossier

« J’aime beaucoup Sabine Paturel, Dorothée et Tchaikovsky » LES CANDIDATS AUX MUNICIPALES RÉPONDENT ENFIN AUX VRAIES QUESTIONS par chablis winston photos : dr merci à jonas jacquel et didier grandperret

D

errière les candidats aux municipales se cache toujours une femme ou un homme, avec un p’tit coeur, des avis personnels sur la vie de tous les jours, et des soirées à occuper. Façon test-psycho du magazine Marie Claire, la référence, on leur a envoyé quelques questions qui, l’air de rien, en disent long sur un état d’esprit. Autant se le dire tout de suite : si c’est pour nous cracher à la gueule en disant que la politique c’est du sérieux, que ça change la vie de nos concitoyens et

qu’on ne devrait pas prendre ça à la légère, passe directement à l’article suivant, espèce de rabat-joie. Et va lire Libé, Le Monde ou Le Miroir Mag. Parce qu’on ne va pas parler programme. Ou pas trop. On n’avait pas envie d’aller voir les candidats pour qu’ils nous vendent leur soupe, ou pire, qu’on se mette à vouloir devenir leur pote. Distance, objectivité, mauvaise foi. On ne s’est intéressé qu’aux têtes de listes, on aime les vitrines. Certains ont répondu, d’autres non. Et en plus, on parie sur les scores. Pour que tout le monde puisse bien se moquer si on se trompe.

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Isabelle de Almeida

Liste « Dijon, l’humain d’abord » Front de gauche

43 ans, membre du Conseil national du PCF. Lookée maîtresse d’école dans les années 90. C’est sa deuxième candidature (2,46% en 2008). Elle a fait partie de l’équipe de Rebsamen entre 2001 et 2008. Qu’est-ce qui tourne dans votre autoradio, chaîne hifi ou iPod ? Alain Bashung , Cesária Évora et Stromae. ---- Classique, avec le côté ouvrier de Bashung et du Stromae pour plaire au plus grand nombre. Bien joué.

Quel âge a Laurent Bourguignat ? Je ne sais pas , cela ne m’intéresse pas, mais je dirais moins de 30 ans ---- Ça ne l’intéresse pas mais elle répond quand même, hein ? Et elle doit être renseignée pour être si près de la vérité.

Un souvenir de concert à Dijon ? Un aller et retour à pied, avec des amis du quartier Greuze, au Forum pour voir Touré Kunda, un bon souvenir. ---- Greuze, moi aussi j’y allais à pied pour acheter du shit quand j’étais au lycée stigmatisation -. Par contre, Touré Kunda, c’etait bien funk au début.

Pourquoi, comme Jean-Pierre Foucault, les 3/4 des Parisiens pensent que Dijon est un bled tout paumé ? Je ne sais pas ce que pensent les Parisiens de Dijon. Y a-t-il eu une enquête ? Et les remarques de Jean-Pierre Foucault ne m’intéressent pas. ---- « Je ne sais pas... » Hé ben il faut se renseigner. Il faut monter à la capitale de temps en temps, ça aère. Il y a effectivement eu une enquête : 99,8% des Parisiens ne savent pas ce qu’Isabelle de Almeida pense de Paris. Pas très drôle Isabelle.

Où sortez-vous entre amis pour vous détendre ? Chez les uns et les autres, au restaurant ou à l’apéro dans un bar à vin. ---- C’est tellement peu détaillé. Pas n’importe où quand même ? Il faut faire des choix. Pas un nom d’établissement dijonnais. Ça sent la tristesse.

CRÉDIBILITÉ

coefficient culturel

puissance de séduction

degré d’humour

bonus street gangsta

score prévisionnel

2/10

4/10

1/10

1/10

9/10

4%

Elle voit ce qu’il se passe au premier tour et elle mendie 2 ou 3 places au PS pour le second, s’il y en a un. PC style. Faut bien bouffer.

Apparement rien depuis les années 80.

Transparent.

Au vue des réponses, pas d’effort. Je suis sûr qu’elle est plus drôle que ça en vrai en plus... Pfff.

Elle s’est faite embarquer (puis relâcher vite, hein) par les flics en 2011 pour avoir graffé des pochoirs pro-palestiniens dans les rues de Dijon. Banksy likes this !

claire rocher

faux entretien

Pas plus.

Liste « Lutte Ouvrière - Faire entendre le camp des travailleurs » LO

Claire Rocher n’a pas souhaité nous répondre. Comme on est plein de préjugés et d’imagination, on a répondu à sa place. Donc les réponses qui vont suivre sont imaginées, hein. Pas la peine de porter plainte. 36 ans, candidature de principe, faut se montrer. On ne connaît pas son pseudo de guerre (ils en ont chez Lutte ouvrière). Travailleur, travailleuse. Colère.

Qu’est-ce qui tourne dans votre autoradio, chaîne hifi ou iPod ? Essentiellement Le Chiffon Rouge de Michel Fugain. Et aussi Bra, de Cymande. ---- Bra ! Un de mes morceaux préférés. Quel hasard ! Groove déstructuré. Bien joué, Claire. Et Michel Fugain... éternel respect. Un souvenir de concert à Dijon ? Le concert de Cobra, punk légende au Deep Inside en fin d’année 2013, organisé par l’asso Sabotage. ---- Ah ah ! Faut pas nous la faire. On sait très bien qu’il n’y a eu qu’un seul spectateur pour ce concert (ce qui est un score honorable pour un concert Sabotage). Et on le connaît. C’est donc un vilain mensonge. Où sortez-vous entre amis pour vous détendre ? J’aime traîner à la Jam ou au Smart après deux heures du matin les jeudis. On y trouve une foule de travailleurs interlopes.

---- Oui effectivement, et maintenant que vous le dites, je me rappelle vous avoir croisée au Flash Bar à l’époque. Vous étiez aux platines. Quel âge a Laurent Bourguignat ? Laurent a 32 ans, c’est mon mec. ---- Oui, effectivement, et maintenant que vous le dites, je me rappelle vous avoir croisé au Flash Bar avec Laurent Bourguignat à l’époque... Brad et Angelina. Glamorous. Pourquoi, comme Jean-Pierre Foucault, les 3/4 des Parisiens pensent que Dijon est un bled tout paumé ? Parce qu’il est à la solde du grand capital qui méprise les ouvriers dijonnais. ---- Après vérification, des ouvriers en France, il en reste 71. À Dijon 4. Donc JeanPierre ferait mieux de mépriser les intermittents, il aurait plus de boulot...

CRÉDIBILITÉ

coefficient culturel

puissance de séduction

degré d’humour

bonus ibiza style

score prévisionnel

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10/10

2/10

0/10

9/10

1%

Absente. Point de vue com’, pas un site Internet, pas un compte Twitter... 20ème siècle.

Sinon, elle nous aurait répondu.

Elle a réalisé un remix du fameux tube In da boss’ ass de Léon Trotsky pour la compil’ DJ Kicks. House éthérée. Ricardo Villalobos likes this !

Comme d’hab’.

Il y’en a qui nagent. Il y’en a qui braillent au bord de la piscine. Toi, tu brailles.

Quand on cite Michel Fugain, on est quelqu’un de bien. C’est tout. Note maximale.


ÉDOUARD «DOUDOU» CAVIN

Liste « Dijon Bleu Marine » Front national

24 ans, fils de Charles, défunt ancien candidat FN à Dijon. Dynastie. Club d’échecs du collège. Geek trop propre, en plus hargneux. Qu’est-ce qui tourne dans votre autoradio, chaîne hifi ou iPod ? Of Monsters And Men – Little Talks (Thomas Jack Remix) ; Aaron Smith – Dancin (KRONO Remix) ; Niagara - Quand la ville dort ; Michel Polnareff - Lettre à France.

rendez-vous, sans parler de l’excellente cuisine. ---- Qui a déjà croisé Doudou au Quentin ? Il nous baratine un peu là, non ? Quel âge a Laurent Bourguignat ? Laurent Bourguignat a 30 ans de retard, comme son mouvement politique l’UMP.

---- Polnareff, la France. Obligé. Symbole. Et deux remixes dance de boîte tout pourris. Je ne dirai rien de mal sur Niagara.

---- Oh ! On ne s’y attendait pas. Edouard Cavin nous a fait rire. Bonne vanne.

Un souvenir de concert à Dijon ? Mon meilleur souvenir de concert à Dijon fut aussi le dernier, je suis allé au concert de Stromae. Un véritable artiste, qui a une réelle présence sur scène.

Pourquoi, comme Jean-Pierre Foucault, les 3/4 des Parisiens pensent que Dijon est un bled tout paumé ? Certainement parce que 3/4 des Parisiens ne connaissent pas notre ville. Pourtant, nous avons de nombreuses choses à leur faire découvrir. Notre architecture, notre gastronomie, nos vignes aux portes de Dijon... Ils ne sont qu’à 1h40 de chez nous, je les invite à venir visiter Dijon.

---- Stromae, grand public. « Je suis comme vous ». Comme tout le monde. Il n’est pas allé au concert depuis un moment. Où sortez-vous entre amis pour vous détendre ? Pour boire un verre, je me rends régulièrement au Quentin et chez Bruno. Pour déjeuner ou dîner je vais chez Pépé Joseph rue Marceau ou à La Fringale rue Jeannin. Ce sont des endroits où nous sommes toujours très bien reçus et où la convivialité est au

---- Bonne réponse politique, mais des années 50. Y’a d’autres choses à Dijon Doudou maintenant. Faut sortir. Au Quentin par exemple.

CRÉDIBILITÉ

coefficient culturel

puissance de séduction

degré d’humour

bonus god bless america

score prévisionnel

1/10

2/10

1/10

5/10

9/10

12%

«Bourguignat, 30ans de retard ». Il relaye les articles de Sparse.fr qui le défoncent. Il joue le jeu.

Il veut armer la Police Municipale. Ça pue le fait divers. La page 5 du BP likes this !

Peut-être bien. Aïe, ça pique.

T’imagines le p’tiot aux commandes de la ville ? Sérieux ? la moitié de l’équipe des cultureux de Sparse n’aurait plus de boulot... dingo.

Stromae / boite de nuit. Mauvais combo

« Pine d’huître », le scout d’Antoine de Caunes.

DAVID LANAUD DU GRAY

Liste « Dijonnons ensemble avec David Lanaud du Gray »

41 ans. Coluche Dijonnais ? Le candidat champagne, dans tous les sens du terme. A abandonné avant l’élection en 2008. Cette fois il reste et on n’aurait pas parié dessus. Au départ, c’est de la pub dans La Gazette, beaucoup de pub, un beau coup de com’. Puis le mec s’emporte après un sondage (qu’il n’a pas fait lui-même) le créditant de 5%, avec des médias qui le sollicitent. David s’emballe. Il essaye même de se crédibiliser un peu. Campagne 100% réseaux sociaux.

Qu’est-ce qui tourne dans votre autoradio, chaîne hifi ou iPod ? Dans mon autoradio ? Je n’ai pas de voiture, je suis un éco-citoyen, je prends le tram régulièrement, je marche beaucoup et je dois être encore un des rares Dijonnais à avoir encore ma carte de Vélodi. Une chaîne hifi ? Entre nous, les gens qui délirent en déclarant que les chaînes hifi sont tellement mieux... Avec un son tellement plus chaud... Je les comprends. Mais pour ne pas vous mentir, je suis plutôt iPod, je suis beaucoup en déplacement à droite, à gauche, en avant... Et quand on bouge beaucoup, pas évident de se déplacer avec sa chaîne hifi un peu partout ! Localement, j’ai plutôt le réflexe d’écouter Campus pour leur prog’ musicale, qui me permet de toujours découvrir des artistes que je n’aurais pas l’occasion d’avoir connus de moi-même. Et France Bleu pour me tenir informé des infos locales (campagne électorale oblige). Sinon 24

en national, Europe 1 pour l’info le matin (pour écouter régulièrement les interviews de notre sénateur-maire que l’on entend peu sur les radios locales) et France Inter depuis des années. Sinon en musique, j’aime beaucoup Sabine Paturel et Dorothée, mais j’avoue que ça fait très longtemps que je n’ai pas trouvé de nouveaux albums les concernant. Je suis aussi fan de Tchaikovsky… (ça c’est vrai !), surtout du concerto pour violon qui a été popularisé dans le film Le Concert. Je regrette beaucoup qu’il ne sorte plus de nouveaux albums depuis un petit moment. ---- Houla ! Nous raconte pas ta vie non plus David. C’est cher, l’imprimeur. La radio, c’est bien. Autrement niveau musique, tu pèses mec. Docteur de Dorothée reste un mythe.


Un souvenir de concert à Dijon ? Le dernier concert de rentrée sur la place de la Libération, bien que je sois plutôt pour des concerts de sorties que des concerts de rentrée... Qui terminent un peu plus tard que 23h30/minuit ! On est à Dijon, on n’est pas à Menton ! Quoique, parfois je commence à me le demander… « Ville douce à vivre ». J’adore ce moment de grand rassemblement populaire où toute la population locale se retrouve, qui mêle aussi bien des artistes locaux en première partie et artistes nationaux. J’ai beaucoup apprécié la présence de Woodkid cette année, que j’avais eu la chance de rencontrer lors d’un concert privé à la Tour Eiffel il y a bientôt trois ans alors qu’il n’était pas encore très connu du grand public et lors d’une cérémonie des Lions à Cannes pour son clip de lutte contre le Sida qui était une pure merveille. Mais bon, quand je serai maire de Dijon, on aura l’occasion d’avoir beaucoup plus le choix de souvenirs de concert à Dijon ! ---- Pote de Woodkid, concert privé, Cannes, champagne, paillettes. République de la fête. Où sortez-vous entre amis pour vous détendre ? Lorsque je souhaite passer une soirée avec de vrais amis pour me détendre, j’aime beaucoup les soirées en appartement. Peut-être aussi parce que l’offre que propose Dijon ne me semble pas suffisamment diversifiée et satisfaisante. J’ai l’impression que la politique de la ville ne souhaite pas développer la vie nocturne à Dijon. Le nombre de lieux où l’on peut sortir après deux heures du matin se comptent presque sur les doigts d’une seule main si vous enlevez les bars à entraîneuses qui ne m’intéressent pas encore. Pour les petits cafés où l’on peut me croiser régulièrement, il y a la buvette du marché des Halles, le bistrot Quentin, le bar à vin Chez Bruno où l’on peut y croiser un mélange d’habitués et de touristes de passage à Dijon, où tout le monde se met à parler ensemble. J’aime beaucoup aussi la Péniche Cancale qui a une offre diversifiée d’évènements et où j’aimerais aller beaucoup plus souvent. Le café O’bareuzai aussi le samedi. L’été je suis très « terrasse », de notre plus belle place de la ville, face à mon futur bureau, de notre plus beau monument dijonnais du palais des Ducs de Bourgogne, place de la Libération. Et sinon, j’aime bien aussi prendre un TGV pour me retrouver seul un peu loin de tout face à moi-même pour lire face à la mer pendant un ou deux jours, où je ne croise personne qui me connaît. Enfin… presque ! ---- L’offre à Dijon n’est pas diversifiée... ? Oh non, pas toi David ! Je ne peux pas accepter ça ! Après deux heures du matin, c’est là que tu vas chez tes potes ! Ou en boîte si tu n’as aucun goût. Avant deux heures, il y a tellement de choix, c’est incroyable. Prends un vendredi lambda et choisis. Non mais il existe encore des gens qui trouvent qu’à Dijon il n’y a rien à faire... Carton rouge, David. Really. En allant chez Bruno et au Quentin, tu dois croiser Edouard Cavin, non ? Le petit malin... Quel âge a Laurent Bourguignat ? C’est grâce à vous que nous le savons ! Je suis un fidèle lecteur de votre magazine et de votre site Internet. Et je l’ai lu dans un de vos articles. Pourquoi ai-je retenu son âge ? Bonne question !

Mais j’avoue que je ne vois pas ce que cette question fait au milieu des quatre autres. Un mauvais copier-coller du journaliste qui me les a faites parvenir, sans aucun doute ! ---- Cette question est là parce que l’âge de Laurent Bourguignat est quand même la chose la plus incroyable à Dijon. Par contre, c’est un peu gros la lèche pour Sparse là, non ? Pourquoi, comme Jean-Pierre Foucault, les 3/4 des Parisiens pensent que Dijon est un bled tout paumé ? Ah, Jean-Pierre Foucault…. Même si je suis celui qui est à l’origine du buzz national suite à sa petite phrase qui critiquait Dijon à l’occasion de sa venue pour le gala de Miss France, je pense que malheureusement, il n’a pas totalement tort. Mais je n’aime pas que l’on attaque ma ville, parce que je l’aime et parce que j’y suis attaché. Dès que nous l’attaquons, je monte au créneau tout de suite pour la défendre et à cette occasion, j’ai prouvé que je savais le faire avec mon communiqué « Foucault fous le camp ». Nous avons la chance d’habiter une ville qui a un patrimoine historique, une architecture sublime. Et même si notre ville a beaucoup changé, nous n’avons pas su créer de vrais événements novateurs d’envergure, réels et originaux, qui ne se passent qu’ici pour donner envie réellement d’y venir. Lorsque l’on sait que les deux évènements qui fédèrent le plus de monde à Dijon sont les Fêtes de la vigne et la Foire internationale de la gastronomie, qui sont des événements poussiéreux qui n’ont jamais été réaménagés depuis 80 ans, on a presque tout dit. Dijon est touristique, mais pas assez vivante. On doit réussir à allier l’avantage de notre patrimoine historique tout en ayant une image de ville novatrice et moderne. Il est temps d’y organiser un réel grand festival populaire qui prendrait une ampleur nationale voire internationale, ou un grand carnaval comme il y en a dans de nombreuses villes où toute la population est invitée à participer et à se mêler les uns avec les autres, façon carnaval de Venise. Les Dijonnais ont un peu de mal à se lâcher pour faire la fête, et le fait d’être costumé permet de mieux profiter et de plus s’amuser sans retenue. L’ouverture d’un vrai club-boîte de nuit-restaurant avec une programmation artistique digne de ce nom dans l’église Saint-Philibert à moitié désaffectée ferait de Dijon la première ville de France à avoir une boîte de nuit dans une église alors que cela existe dans de nombreux pays, même très pratiquants. Il faut que notre ville soit identifiée au niveau national par des évènements originaux qui ne se passent que chez nous. Et là, on aura beaucoup plus de chance de donner envie à Jean-Pierre Foucault de dormir à Dijon, pour s’y réveiller plusieurs jours de suite. Dijon ne sera plus jamais choisie par Patrick Chirac comme une ville de beaufs, comme ce fut le cas dans le film Camping. ---- Alors là, c’est Dave l’animal politique. Il parle en « moi je ». Déjà, s’il y a un club dans St Philibert, file-nous la prog’. Et encore cette histoire de grand festival fédérateur... Bon ben il y a l’Oeno Music Festival en juillet, on va voir ce que ça donne. Tu vas kiffer David, y’a « oeno » dedans. Mais est-ce que ce serait pas des trucs comme ça qui font un peu beauf ?

CRÉDIBILITÉ

coefficient culturel

puissance de séduction

degré d’humour

bonus REAL TV

score prévisionnel

2/10

5/10

7/10

8/10

8/10

1%

On le voit un peu à droite à gauche dans les lieux culturels. Pas non plus dans les trucs indés, et plus au comptoir qu’ailleurs. Mais il connaît, l’David.

Le panama, le petit sourire complice, le mec sait communiquer.

Il fait des blagues et se moque de lui-même. Sa candidature, c’est de l’humour. Il est drôle. Et puis son site :

Il a offert des places par tirage au sort sur sa liste. Deviens une star de la republique. C’est même passé dans Libé. André Manoukian likes this !

Désolé. Ce mec ne sera jamais maire de Dijon, mais il en a dans le futal. Et ça fait du bien à la campagne.

Le maire au Club St Philibert, déglingué à cinq du mat’ ? Pourquoi pas, mais bon.

prochainmairededijon.com

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FRANÇOIS REBSAMEN

Liste « Dijon avec vous » PS, MoDem, EELV, Cap21...

Maire sortant. Sénateur aussi, tiens ? A gagné deux élections municipales après en avoir perdu deux. La mèche, la voix, le sourire, le port de tête. La virilité brute. Rebs nous a fait des trucs bien voyants : Zénith, piscine olympique, centre piéton, concert de rentrée, tram... et les gens l’ont bien vu. Ils en redemandent. Il a sa binette dans les médias nationaux. Comme en 2008, il va dérouiller tout le monde dès le premier tour. La dette ? On s’en tampone, on a Bob Sinclar qui est passé à Dijon. Qu’est-ce qui tourne dans votre autoradio, chaîne hifi ou iPod ? Si vous parlez au candidat sortant aux élections municipales à Dijon, je dirais Get Lucky de Daft Punk ou encore Toi plus Moi, cette jolie chanson de Grégoire. L’actuel maire de Dijon vous répondra Jean-Philippe Rameau, que la ville a commencé à mettre à l’honneur en 2014 à l’occasion des 250 ans de sa disparition, y compris comme belle et énergique musique d’attente de notre standard téléphonique. Quant au citoyen François Rebsamen, il fait tourner encore volontiers quelques mesures de Coltrane à la maison. ---- Get Lucky, c’est le son du clip de campagne. Plus balèze que Stromae. Pro. Grégoire par contre, c’est -1 point au coeff’ culture... d’office. Pas de ça chez nous. Coltrane : calme, serein le type. Un souvenir de concert à Dijon ? Bob Marley, Frank Zappa… Je n’ai jamais oublié les rares concerts légendaires, particulièrement sous l’impulsion de Daniel Linuesa dans les années 70, qui se sont tenus à Dijon. Je pense aussi à quelques beaux moments – particulièrement Stromae - lors des concerts de rentrée place de la Libération.
Mais le Zénith de Dijon - que nous n’avons pas trouvé dans les cartons en 2001 et que nous avons bâti comme premier signal d’une ville qui voulait rayonner à nouveau - m’a offert aussi son lot d’émotions : Santana pour fêter le cinquième anniversaire ou encore Manu Chao qui a transformé notre arène de 8.000 places (aujourd’hui homologuée à 9.000) en véritable corrida à la fois bouillante et sentimentale…
À l’opposé, quoique, je tire mon de chapeau au Ring de Wagner mis en scène à l’Auditorium en 2013 par Laurent Joyeux. Le défi a été relevé et restera comme un succès public incontestable (près de 18.000 entrées) mais aussi comme un événement qui a permis, une fois encore et de fort belle manière, d’inscrire Dijon sur la carte des villes qui « résonnent » à l’échelle européenne. ---- Redoutable. Il te place le Zénith et le concert de rentrée (c’est moi qui l’ai fait), plus 2-3 légendes de la musique. Inattaquable. Par contre, le Ring de Wagner à l’Audito, c’est 2 millions d’euros. À 18.000 spectateurs (on s’accorderait sur 13.000), ça fait 112 euros dépensés par spectateur. Oui, je sais, c’est dégueulasse de faire ce genre de calculs. Mais quand même, là, ça fait flipper. Où sortez-vous entre amis pour vous détendre ? Il y a, à la vérité, beaucoup d’endroits à Dijon où je me sens bien, et depuis longtemps. Partout dans cette ville où brille une petite étincelle d’art de vivre qui n’attend que d’être

partagée, je me sens bien. Ce qui est à ravir, c’est que je découvre encore de nouveaux lieux, notamment à mi-chemin entre le bar et le restaurant, avec un sens du design et de l’accueil particulièrement soignés. Le quartier Antiquaires-Chaudronnerie-Rousseau est de ce point de vue-là exemplaire. ---- La petite étincelle... J’ai envie de chialer. Mais nous on veut des noms François ! C’est lisse. L’Alchimia ? Le St-Nicolas pour un petit billard ? Chez Bruno avec Dave Lanaud Du Gray et Doudou Cavin ? Le Madison, c’est fermé maintenant... Quel âge a Laurent Bourguignat ? Il n’y a pas d’âge pour faire de la politique. La seule chose qui doit avoir de l’importance, pour mériter le respect, c’est la maturité de vos idées, de votre connaissance des dossiers pour porter un projet sincère et, à travers la gestion d’une municipalité, une vision de la société. Et si, particulièrement dans le cadre de cette campagne électorale, la seule vraie question en la matière était : depuis quel âge aimez-vous Dijon ? ---- Ok, on n’attaque pas sur l’âge, les vêtements et les mères. Pourquoi, comme Jean-Pierre Foucault, les 3/4 des Parisiens pensent que Dijon est un bled tout paumé ? Ce n’est plus vrai, on parle de Dijon, de ses projets, dans les médias de tous horizons. Nous avons en 12 ans construit les équipements et les logements nécessaires, reliés par le tramway. Parallèlement aux hectares de foncier économique que nous avons aménagés, Dijon s’affirme un peu plus chaque jour comme une capitale de l’art de vivre et nous sommes prêts à le faire savoir, si j’ose dire, au monde entier. Après, l’animateur des Miss France que vous évoquez s’est platement excusé d’avoir dérapé, sous la pression réelle de Thierry Ardisson (j’ai testé), surtout en amont d’un des directs télévisuels les plus suivis de notre pays. Ce qui est remarquable, c’est la mobilisation locale et citoyenne qui a suivi, notamment sur les réseaux sociaux, pour remettre à sa place l’auteur de cette mauvaise plaisanterie. Fiers d’être Dijonnais, plus que jamais, cette expression a du sens aujourd’hui. Dijon a un rayonnement national et international incontestable. ---- On n’aurait jamais dû poser cette question. Il en a profité pour se faufiler dans la brêche et placer son bilan. Pro, je vous dis. Après « échelle européenne, rayonnement international », c’est l’artillerie lourde.

CRÉDIBILITÉ

coefficient culturel

puissance de séduction

degré d’humour

bonus gunfighter

score prévisionnel

9/10

6/10

9/10

5/10

9/10

54%

On ne tient pas deux ans à tourner sur toutes les télés de France avec le fameux sketch « Le cumul c’est trop cool quand t’es sénateur » sans avoir un certain talent et un peu de second degré.

« Manuel Valls sait être au service de sa popularité » Bim ! Uppercut. Bernard Razzano likes this.

Au premier tour. Une boucherie.

Pote du président de la République. What else ? Par contre, on se rappelle tous du : « J’ai choisi Dijon ». Alors, ministre ou pas après le remaniement ? Parce que sinon, on envoie les questions directement à Colette Popard, la N°2 sur la liste.

Il s’en passe partout La meilleure idée de François dans la ville depuis a clairement été de se raser la 10 ans. Par contre, le moustache dans les 90’s. Top 10 buffet prend cher à des vieux beaux français. Machine chaque fois. Il avait de guerre du sourire-poignée de 7/10 mais on compte le main-bonjour qui te fait croire -1 pour Grégoire. On qu’il t’a parfaitement reconnu. n’a pas oublié. Et tout ça avec costard ajusté The Kooples. Petit bémol : la couleur cassis du tram... Dur. 26


ALAIN HOUPERT

Liste « Changeons d’ère » UMP-UDI

56 ans, maire sortant de Salives (280 habitants quand même). Sénateur. Essaye de faire du François Rebsamen jusque dans le

cumul mais n’y arrive pas. Il aime poser en jeans et main dans la poche mais ne parvient pas à être cool. Même avec la veste négligemment jetée sur l’épaule. Si la droite n’a pas envoyé un ponte à Dijon et a laissé quelqu’un d’aussi peu charismatique monter au front, c’est parce que tout le monde sait que c’est déjà plié. Au mieux, il va grappiller quelques sièges au conseil municipal et se faire un peu connaître à Dijon. Ce qui va bien aider pour le futur. Quel âge a Laurent Bourguignat ? 32 ans, sérieux sans se prendre au sérieux.

Qu’est-ce qui tourne dans votre autoradio, chaîne hifi ou iPod ? En ce moment, j’écoute Morcheeba, une voix d’ange. On en a besoin en campagne.

---- Oui, Alain connait Laurent. Et même si c’est à peine croyable, Laurent, qui est N°3 sur sa liste, prend plutôt bien le fait qu’on s’étonne qu’un mec de 32 ans en paraisse 50. Pas rancunier. On l’embrasse. Ça fatigue la politique...

---- Il faut bien reconnaître que c’est pas loin d’être la réponse la plus pointue de tous les candidats... c’est dire la pauvreté de la culture musicale des autres. Il a regardé la prog de l’Oeno Music Festival. Malin.

Pourquoi, comme Jean-Pierre Foucault, les 3/4 des Parisiens pensent que Dijon est un bled tout paumé ? Parce qu’ils ont aussi vu Camping 1. Il faut faire rayonner Dijon. Dijon est autre chose que la capitale de la moutarde.

Un souvenir de concert à Dijon ? Murray Head au Palais des Sports, l’acoustique était médiocre mais quelle ambiance !

---- Blague. Bien. Congrats’ Alain. Réponses courtes. Tu nous racontes pas ta vie et tu as bien compris que Sparse n’en avait rien à péter d’avoir des paragraphes de retape politicienne.

---- Murray Head, « One night in Bangkok ». Coquin. Où sortez-vous entre amis pour vous détendre ? Justement, chez des amis. ---- Oh... non. Il ne sort pas notre Alain. C’est mal. -1 en coeff’ culture.

CRÉDIBILITÉ

coefficient culturel

puissance de séduction

degré d’humour

bonus TEA PARTY

score prévisionnel

4/10

4/10

3/10

6/10

10/10

28%

Sénateur, c’est pas mal. Je vous rappelle qu’on était à deux doigts d’avoir Emmanuel Bichot en tête de liste. Alors sénateur, c’est pas mal.

L’Abreuvoir à Salives, c’est quand même une bonne petite salle avec une programmation pas dégueu. Il avait 5, il prend -1, il ne connaît pas les lieux culturels dijonnais.

Ça présente pas trop mal mais c’est poussif. Ça ne marche pas, c’est faussement détendu mais ça fait notaire. Pas fun.

L’âge de Laurent Bouguignat, c’est une blague franchement ?

« Les Dijonnais ne se sentent pas en sécurité. À Dijon, ces derniers mois, on a eu 4 homicides dont 1 mort ». Lourd. Punchline politique de l’année. Edouard Cavin likes his !

La déroute.

les résultats du premier tour (exclusivité sparse-bfm-RMC)

% exprimés

François rebsamen

Alain houpert

édouard cavin

isabelle de almeida

david lanaud du gray

claire rocher

54%

28%

12%

4%

1%

1%

Liste « Dijon avec vous »

Liste « Changeons d’ère »

Liste « Dijon Bleu Marine »

Liste « Dijon, l’humain d’abord »

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Liste « Dijonnons ensemble avec David Lanaud du Gray »

Liste « Lutte ouvrière Faire entendre le camp des travailleurs »


dossier

la campagne à la loupe jean-jacques boutaud, spécialiste de la communication et des signes, a examiné avec nous les affiches et photos officielles des candidats. par MARTIAL RATEL, À LA FACULTÉ de langues et communication photos : dr merci à jonas jacquel et didier grandperret

P

our bien comprendre ce qu’on essaye de nous vendre à travers le magnifique appareil de propagande électorale, et en particulier via les affiches et les photos officielles des candidats aux municipales, on est allés rencontrer Jean-Jacques Boutaud, sémiologue et professeur à l’université de Bourgogne. Munis des images qu’on avait glanées sur les sites Web, comptes Facebook ou Twitter officiels des candidats, on a passé une heure à écouter ce spécialiste décortiquer les postures, les sous-entendus et les messages subliminaux qui vont, à coup sûr, nous inciter à voter pour l’une ou l’autre des têtes de liste les 23 et 30 mars 2014. En clair, on a voulu savoir si les communicants et spin doctors avaient bien fait leur boulot*. Mais d’abord, comment évaluer une affiche de campagne ? « C’est très difficile d’être créatif, c’est comme les figures imposées au patinage artistique. L’affiche électorale est une scène de genre, on ne peut pas faire n’importe quoi. Ça donne beaucoup de contraintes formelles. Par exemple, il ne faut pas sur-personnaliser... mais la personne doit être seule. La communication du candidat doit être porteuse d’un espoir, c’est la logique du Père Noël : votez pour moi, le monde changera. Il doit être capable de s’installer dans la figure du réenchantement : ‘Je sais bien qu’on ne peut pas y croire à 100% mais quand même...’ L’affiche de génie est difficile à trouver. » Pour cela, on va donc analyser les invariants qui doivent ressortir.

La distance. « Une affiche électorale est toujours un jeu de tension entre un être qui tente d’avoir, dans le même temps, une image de proximité mais qui cherche à montrer une certaine distance. Il ne doit pas être trop proche, sinon il a l’air trop sympa et il n’a pas la capacité à installer sa stature, sa figure. C’est une tension entre la personne en propre, son caractère, la légitimation de la fonction, un naturel et la figure du commandeur. Il faut trouver cette alchimie pour bien faire la promotion du candidat. » L’expression. « Sourire ou pas ? Et très important, le regard : regard de braise, regard vers l’horizon... ? » La posture. « Figure sur pied, en tronc, plan serré ? Elle exprime une stature ou la proximité. La posture est-elle ouverte ou fermée ? » L’affiche. « Revisite-t-elle des standards ? Un homme politique est dans la logique différentielle. Une info, c’est une différence sur une différence. Donc il faut trouver sa marque, son territoire. » Le décor et le cadre. « Il y a plusieurs solutions. Soit on choisit un univers connoté d’arrières plans, même si en politique c’est compliqué. On a ainsi le choix de l’église, du marché ou de choses modernes. À Dijon, ce serait les Halles, l’auditorium ou le tram. Soit on évacue l’espace et on capitalise sur la figure. »

* Tout le matériel de campagne n’étant pas encore arrivé quand on a réalisé ce sujet, il est possible que les éléments de communication de certains candidats aient été un peu modifiés. Par ailleurs, Claire Rocher, tête de liste « Lutte Ouvrière - Faire entendre le camp des travailleurs », n’a pas de site Web et n’a pas pu être évaluée.

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ÉLECTIONS MUNICIPALES

FranÇois Rebsamen « C’est la figure dominante, donnée gagnante. Et ça, ça influence. On le voit en plan serré avec ce slogan : ‘Dijon avec vous’. Un portait en buste, posture et figure classique. Pour le critère d’expression, c’est une expression en trois quarts qui garde quelque chose d’un peu figé, et je suis gentil quand je dis ça. La photo marche mieux quand on l’élargit. Le message de ce portrait classique joue sur une mise en abyme : c’est l’homme posé à l’intérieur de la pose. ‘Il sait que...’, c’est la figure légitime. Mais dans cette posture, il manque l’énergie, l’enthousiasme. L’énergie vient de la typographie, et là c’est un peu ringard : on fait pencher pour être dynamique et on met un point d’exclamation, la marque énonciative classique. Cette image de Rebsamen essaye de montrer le syncrétisme entre l’homme et le peuple de Dijon. À l’intérieur du document de campagne, on voit des gens -parce qu’ils se sentent obligés de mettre des gens- mais de dos, pour des questions de droit à l’image. Il peut y avoir quelque chose de gênant de manière subliminale. Littéralement, le peuple tourne le dos à l’action. L’action du maire ! Derrière le candidat, c’est moins marqué parce que c’est un effet de foule. Le fond de l’image nous dit que l’action politique de François Rebsamen s’inscrit dans le fond de la population dijonnaise, à qui elle est dédiée. Le point fort de ce visuel, c’est le code couleur : il y a une connotation rouge assez nette. Même si on voit bien que ce n’est pas rouge. On est proche d’un rose framboise/cassis, qui est la couleur du tram. Ce qui est fort, c’est que mine de rien, à travers cette couleur, il y a comme un signe subliminal. En ville, quand je vois le tram, quand je vois un certain nombre d’éléments de communication, je reviens à la campagne de François Rebsamen. Ses adversaires ne peuvent pas se saisir de ces éléments dijonnais. On est dans la filiation chromatique. C’est extrêmement fort, puisque ça veut dire qu’il a marqué la ville en terme d’identité visuelle. Et en général, dans l’identité visuelle, le premier élément qui s’impose, c’est la couleur. C’est l’opérateur symbolique le plus fort. Chaque fois qu’on va se balader en ville, la couleur réapparaît. En revanche le point faible, c’est le dynamisme par la typo. Avec ça, on est dans le monde des stratégies commerciales, comme les promos dans les magasins. Mais c’est contrebalancé par ce ‘Dijon avec vous’. C’est le principe de triangulation : le terme ‘Dijon’ est

mis en parallèle avec ‘Moi, Rebsamen’ et derrière on a le ‘Vous’. Une trinité se créée : Dijon - François Rebsamen - Vous. C’est bien fait techniquement même si ça manque de souffle. On peut aussi voir làdedans le classique ‘nous-vous’, qui est la marque de l’énonciation de la proximité. Sa moustache qui a disparue depuis 2001 ? Ça, c’est la règle du genre. Il faut éviter les visages barbus et les visages à moustache parce qu’on estime qu’il faut une certaine transparence. Pour ça, il faut le caractère lisse du visage qui doit apparaître dans sa complète sincérité. La moustache connote plus l’image du tribun de gauche. Il y a un côté gaulois ou stalinien. Cette moustache marchait quand il était dans l’opposition à Robert Poujade. Dans la même idée, un homme politique ne peut pas changer de coupe de cheveux du jour au lendemain, il doit être stable dans son image. Il ne doit pas être tout blanc, il doit être bronzé. Toute la tyrannie du genre s’impose. Globalement, c’est une communication qui n’est pas mauvaise mais qui manque un peu de souffle. »

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alain houpert « Lui, il doit composer avec tout ce qu’on vient de dire sur Rebsamen pour se démarquer. Quand on regarde l’ensemble des images à notre disposition, on découvre que c’est plus difficile pour lui de se trouver une vraie identité graphique. C’est intéressant de comparer ce qui semble être son affiche de campagne actuelle et celle d’avant. Ces deux images nous posent quand même un problème : il y a une difficulté à se stabiliser en terme d’image. À travers les formes, les symboles, il y a des changements de fond. Sans être trop critique, on peut dire que normalement, c’est très important de stabiliser l’image, le cadre, la posture… Si on veut être gentil, on dira qu’il essaye de décliner l’image. Une fois, il va jouer ‘nature et environnement’. Une autre fois, il va jouer avec le cœur névralgique de la ville, la place de Lib’. Résultat de ce changement : on est sur de l’image diffuse. Ce qui pourrait plaider pour la déclinaison, c’est sa posture sur les deux images. Là, sur la première image, on a une posture plus hiératique, plus droite. Sur la deuxième, une posture plus décontractée, plus bonhomme, veste ouverte, cravate un peu de biais. C’est moyennement bien perçu, cette cravate un peu lâche, il vaut mieux la redresser. Sur la première photo, l’expression visuelle est un peu plus marquée que sur la deuxième, où il a l’air un peu benêt. Ils ont bien travaillé aussi le bronzage et la lumière. Mais le problème, c’est qu’un homme politique ne peut pas se présenter en posture assise, parce qu’il doit être dans l’action. L’image doit être inchoative, c’est-à-dire au départ de l’action. Si vous êtes

assis, c’est que vous êtes installés. Et face à des problèmes comme le chômage ou la crise, on aura envie de vous dire ‘Bouge-toi le cul’. Dans l’expression, l’image est bien mais dans la loi du genre, la posture est contreproductive. Il y a le jeu de mots : changer d’ère. Et une loi de proximité entre le slogan et le visage, une équivalence. Donc le jeu de mots et l’expression sont importants. On nous dit : changeons d’air/ d’ère, donc de visage. On glisse, il y a ‘ère / visage d’Alain Houpert’ et l’assonance ‘ère/Houpert’. Ces images fonctionnent comme des rébus. Mais je trouve que le choix photographique n’est pas super. Si on demandait à des électeurs si ce visage exprime des choses fortes comme l’action, l’énergie, l’autorité, l’implication... Pas sûr qu’ils répondent oui. Enfin, rien dans l’image n’exprime le changement. Il n’y a aucun élément de mobilité. Soit on est sur une image d’intercorporalité, de proximité mais on perd la légitimation, donc avec un gros risque. Soit on est sur une figure de la légitimation, mais on est trop distant. Pour ces deux exemples, Rebsamen et Houpert, on ne peut pas parler de communication de gauche ou de droite. Là, on est dans un gros magma central qui croise les codes. Pourquoi les deux principaux candidats utilisent-ils comme support de communication une écharpe ? Déjà parce que c’est plus fort qu’un pin’s qu’on porterait sur le revers de sa veste. L’écharpe, c’est quelque chose que l’on porte sur le cou, la prégnance corporelle est forte. Il y a quelque chose d’intime avec l’écharpe, elle vous entoure le cou. C’est un signe identitaire visible. En terme d’adhésion et d’incarnation, l’écharpe fait corps avec l’électeur. » david lanaud du gray

« C’est le poil à gratter. Il va jouer sur un registre décalé. Dans son programme, il dit vouloir revisiter le centre-ville, raser le centre Dauphine. Il n’est pas dans la volonté de réhabiliter. Il est dans la volonté de balayer. Dans la provoc’. Il est très fier de son chapeau. C’est son gimmick. C’est un chapeau un peu classe, avec les codes de Deauville, d’une aristocratie de campagne. Le chapeau, c’est un peu la figure du chef. L’homme coiffé, signe d’un pouvoir, mais ici utilisé à contre-emploi, comme signe de la décontraction, dans la logique de la proximité. Il n’a pas de cravate, d’ailleurs. Sur le visuel utilisé sur sa page Facebook, on a un arrière-plan coloré. Une figure qui assume un certain degré de narcissisme dans l’auto-promotion. C’est tout le contraire de Rebsamen et Houpert, qui dans une tension contradictoire doivent être présents, mais presque pas là pour eux-mêmes : ils doivent être là pour l’intelligence collective. C’est le don de soi pour la collectivité. Or ici, David Lanaud du Gray s’assume beaucoup plus dans cette figure narcissique. Il essaye d’accrocher en son nom propre tandis que les autres doivent accrocher à travers leur nom pour aller vers le collectif. Un vrai homme politique doit être incarné et désincarné. Il doit être autre chose, comme un mannequin pour un défilé. Lanaud Du Gray est dans la décontraction, il n’est pas dans cette figure distante, il assume sa présence. En terme de 30

légitimation, il manque un palier. C’est la figure du copain, on est proche de l’instantané privé. Avec lui, on ne construit plus la légitimité mais le transgressif et le décalé, en se mettant en scène sous toutes les postures. C’est le trouble-fête. D’ailleurs, il est sur l’isotopie, la redondance fête. On le voit notamment avec des femmes assez peu habillées en soirée. Un politique classique ne pourrait jamais montrer ce genre d’images. Il n’y a aucune limite entre sa vie privée et sa vie publique de candidat. C’est disruptif, il peut jouer avec son image donc il a un grand espace de liberté. Les autres candidats sont dans la re-création du personnage : ils doivent passer de l’image d’homme ordinaire à celle de ‘figure’. Alors que lui est dans la récréation. »


ÉDOUARD CAVIN « Ce qui est intéressant avec le Front National, c’est le changement de contexte par rapport aux autres candidats. La grande différence, c’est l’ombre tutélaire de Marine Le Pen et du père d’Edouard Cavin, ancien élu FN. Tout à l’heure, je vous parlais d’un changement de degré entre un homme et une figure, avec le phénomène de re-création. Pour Edouard Cavin, c’est difficile, puisqu’il y a déjà des figures qui font entrave à son émergence en tant que sujet. Il y a l’ombre portée et c’est fondamental par rapport aux autres candidats. Sa problématique, c’est comment exister en tant que personne ? J’irais même plus loin en disant : est-ce qu’on lui demande vraiment d’exister ? Je n’en suis pas

sûr. C’est un cas unique. On lui demande juste d’être un relais. Donc à la limite, plus il s’efface et plus il laisse la voie libre à la politique prônée par Marine Le Pen. Il est un candidat clone, clonable ou cloné. Ce n’est pas une figure de la présence, puisque qu’il est là pour un vote protestataire. Personne n’est dans l’hypothèse que le FN gouvernera la ville demain. Pour sa communication, il doit juste se demander comment ne pas faire écran à Marine Le Pen. Il ne faut pas de surpersonnalisation puisque tout l’édifice repose sur elle. Il n’est pas dans la figure de la légitimation comme les autres candidats mais dans celle de l’acceptabilité. Et par où va passer l’acceptabilité ? Par la jeunesse, soit l’innocence, la fraîcheur, la candeur, l’absence de lien avec les anciens du parti. Il peut dire : ‘Regardez, je n’ai pas une tête de facho’. Visuellement, il y a peu d’éléments : le candidat, le blason, l’arrière-plan de la ville de Dijon. Mais ils sont mal utilisés. Du point de vue de la syntaxe, le blason est rapproché du front du candidat, c’est assez malheureux. Tout comme les éléments en surimpression qui reviennent sur son corps. On a voulu insister sur le bleu marine du ciel. Derrière lui, on trouve les toits mais il n’y a pas d’éléments qui rappellent tout de suite, métonymiquement, Dijon. Bon, il faut dire aussi qu’on est entravé parce qu’il y a un peu une figure de gros poupon rose quasi bourbonien qui nous installe presque dans les figures royalistes. Son visage s’inscrit même dans la tradition du portrait d’extrême droite. Il a une bonne figure d’hériter, de descendant. Si on vous dit que c’est le fils de Louis XIV ou Louis XVI, vous n’êtes pas choqués. Cette pauvreté de la construction correspond à tout ce qu’on a dit. En tant que figure de substitution, c’est réussi car dans son apparente candeur, on garde l’image de Marine Le Pen en arrière-plan. »

ISABELLE DE ALMEIDA « Dans l’ADN du Front de Gauche, on va refuser tous les phénomènes de légitimation, de personnification ou d’incarnation. Dans cette culture-là, on est moins dans la chair que dans le verbe. Le distinguo est facile, on est dans la culture du collectif, du manifeste. Tout ce qui renvoie à l’image est suspect. C’est presque du ronéotype ! Là, on est dans la culture du stencil, de la manif’. De temps en temps, on va trouver de l’image mais cette image dira : ‘Je n’existe pas en tant que personne’. C’était le cas de Philippe Poutou du NPA à l’élection présidentielle de 2012, qui disait qu’il n’avait pas demandé à être là. ‘Je fais le job et après je me tire’. Ça le rendait sympathique dans son apparente naïveté. Mais il ne faut pas oublier que ce sont des hommes d’un appareil, ils savent construire un discours politique mais ils sont dans une autre logique. Le gros problème, c’est que dans des logiques saturées par des images, l’incarnation, le superlatif, la logique du Père Noël, le storytelling... vous ne pouvez plus lutter. Ils sont contre la communication elle-même. La communication joue sur le sens 31

commun et eux, ils sont contre le consensus, le compromis. En temps révolutionnaire, c’est extrêmement bon, mais pas là. Finalement, on est dans la tradition. À la limite, ils sont comme des hard-discounter, ils font exprès de casser les codes commerciaux. » // M.R. avec J.-J.B.


dossier

Avec ou sans cravate ? par MARTIAL RATEL, À FRANCE 3 BOURGOGNE photos : ALEXANDRE CLAASS

Plongée au coeur de l’interview politique avec Lilian Melet, journaliste à France 3 Bourgogne et co-animateur des deux grandes soirées électorales prévues les dimanches 23 et 30 mars.

Quoi

de plus beau qu’une soirée électorale ? Un chronomètre qui égraine les dernières secondes. Une tension en attendant les premiers résultats. Des phrases sibyllines. Des attitudes à décrypter. Une cravate de travers. Un chemisier trop ample. Une mèche qui rend déjà l’âme. Et des journalistes qui n’en peuvent plus de répéter : « Plus que quelques secondes ». Zapping sur les chaines d’info. Petit passage sur Internet, la presse francophone pour les dernières tendances et les premiers résultats à la « sortie des urnes ». Ça va bientôt tomber... re-zapping. TF1, France 2, France 3, i-Télé, France 24. Hein, France 3 ? Tiens, il n’y pas Zorro ou Tout le sport ? Non ! En lieu et place du vengeur masqué, Lilian Melet et toute sa bande. Lilian, la figure du journalisme politique en Bourgogne. Lilian, ancien journaliste sportif au début des années 2000, qui pour bien des gens

incarne les grandes heures de la JDA. Depuis plusieurs années maintenant, il est l’intervieweur par excellence de tout ce qui passe par la moulinette électorale de Sens à Mâcon, de Cosne-sur-Loire à Auxonne. Un mec classe à l’antenne et dont jamais on ne nous a dit de mal, professionnellement parlant. Chose rare. Ça y est, c’est bon, feu vert. Quatre zéros après le vingt. Les fameux résultats, en route pour une grosse soirée télé avec de la tension dramatique, de la mauvaise foi, des chiffres à gogos, des résultats en bâtons, des noms de villes inconnues et parfois, des rires et des larmes. Nous sommes allés à la rencontre de notre chevalier de la politique, Lilian Melet, pour en savoir un peu plus sur ce grand barnum du dimanche soir. Il nous explique le boulot de l’intérieur et nous dresse une sorte de portrait idéal, le sien, de l’intervieweur politique. Avec tout ça, vous ne pourrez plus vous faire rouler dans la farine par le premier politique apparaissant dans la lucarne. Surprise, Lilian instaure immédiatement le tutoiement. Preuve sans contestation possible qu’on doit faire partie du grand bain. 32


ÉLECTIONS MUNICIPALES

« L’autre jour j’ai bu un café avec Lilian Melet... super sympa le type ! »

Selon toi, qu’est-ce qu’une bonne interview politique ? De mon point de vue, c’est d’abord une interview qui satisfait les gens qui nous regardent. Mais la subtilité, c’est qu’une bonne interview ne se mesure pas forcément aux réponses qu’on obtient. Les gens que l’on interroge ont une maîtrise de la parole et de l’argumentation suffisamment forte pour ne pas faire les réponses qu’ils ne veulent pas faire. En revanche, souvent, la satisfaction retirée par les téléspectateurs relève des questions que l’on va poser. L’existence d’une question, sa forme, est en elle-même un élément important. Comme en escrime, on ne va pas toucher du premier coup. On prépare notre interview en se disant : « Il va répondre ça, et derrière je vais pouvoir dire ça ». Il y aura donc une part anticipée, mais il y a aussi le moment où il se passe quelque chose qui n’était pas prévue. La différence entre une bonne interview et une très bonne interview, elle est donc là. Parfois, c’est juste une anecdote très forte et très touchante. Il faut faire la différence entre l’interview et le débat. L’interview « tête-à-tête » est une chose, le débat est une alchimie encore plus complexe. Il faut que nos téléspectateurs soient satisfaits et que les personnes présentes sur l’émission aient un espace équivalent. Il est rare en région d’avoir des gens qui ont le même niveau de technicité. Un député, un représentant d’une interprofession ou une personne de la société civile, ce n’est pas la même chose. Le rôle d’un modérateur de débat, c’est à la fois de vraiment poser les questions mais aussi de mettre cette personne de la société civile en capacité de se sentir bien par rapport aux autres. Un débat, c’est comme un attelage avec plusieurs chevaux : il faut réussir à faire en sorte que ça aille vite mais que tout le monde aille en même temps.

exemple en voyant certaines de mes interviews. D’ailleurs, dans cet exercice, on est entouré de gens qui ont « un avis ». Encore plus que dans le reste du journalisme, il faut prendre en compte le fait que l’on déplaît à des gens. Tu vas dîner avec des politiques pour entretenir les rapports ? Non, très peu. France 3 est une chaine régionale, on a vocation à couvrir toute la région... Donc ça ferait trop de repas ? Merci, je vois que tu as remarqué ma tendance à l’embonpoint. (rires) Non, c’est que ça nous donne une distance relativement salutaire. On est à Dijon et les points chauds politiques se jouent ici. Il arrive qu’à certaines périodes, des élus souhaitent te rencontrer. À France 3, durant les périodes électorales, la règle est qu’on refuse. En dehors, je ne vois pas le problème. Quand quelqu’un vient à France 3 faire une émission, on va discuter après l’émission, pendant une heure parfois, de choses et d’autres. Donc on peut en parler dans un restaurant. C’est public. Mais pas pendant une période électorale. Et c’est vrai qu’il y a un certain nombre d’élus qui essayent de le proposer parce que... c’est de l’affichage. Et dans ce genre de rencontres, on glane de l’info ? (L’air gourmand) Oui ! Ça balance sur les autres, ça donne gentiment de l’info sur soi ? C’est comme partout, on va échanger sur le monde dans lequel on évolue les uns et les autres. En général, celui qui propose la rencontre, c’est qu’il a une question à poser ou une information à faire passer. Après, cette info fera son chemin. C’est aussi une façon de se parler réellement. On est dans des mondes où on ne se parle pas beaucoup. Les élus, surtout au niveau national ou les maires de grandes villes, ont des emplois du temps très compliqués. Il nous arrive souvent de traiter avec les gens qui travaillent pour eux : directeurs de cabinet, attachés parlementaires... Donc, ça veut dire qu’on se retrouve à parler avec des gens que l’on ne connait pas bien. Les rencontrer, ça peut présenter cet intérêt-là aussi. Ce n’est pas de la connivence, c’est la connaissance de son sujet !

Comment elle se prépare, cette interview ? Ça demande une connaissance du sujet. Moins on sait et plus on est vulnérable par rapport à la personne en face de nous. Il y a deux manières de préparer une interview : je liste un paquet de questions, je les pose, la personne va répondre, et puis voilà. Deuxième manière, à un moment donné, je ne vais peut-être pas être d’accord avec la réponse. Et là, je dois être le porte-parole des gens qui nous regardent en disant : « Non, vous ne pouvez pas dire ça, ce n’est pas vrai. » Pour ça, il faut avoir la matière et surtout avoir le temps de préparer. On sait que dans la presse, le manque de moyens et de temps peuvent vous rendre vulnérable. Les gens pensent souvent qu’on a des pressions, que les gens appellent pour se plaindre - ça peut être vrai en fonction des médias - mais la plupart du temps, la situation de vulnérabilité n’est pas là. Elle est dans le fait de ne pas être prêt, de ne pas connaître son sujet ou d’envoyer au feu des gens qui ne le connaissent pas. Connaître les gens, c’est une bonne manière de préparer. On sait ce que l’on peut faire, ce que l’on peut obtenir plus facilement. À l’inverse, on peut dire que bien connaître ses invités génère de la connivence. Moi, je n’ai pas cette sensation. On peut penser ça, des gens ont pu avoir cette impression, par

Pour la plupart des gens, ce que tu viens de dire signifie que politiques et journalistes politiques sont comme « cul et chemise ». Oui, mais est-ce que connaître les gens dont on parle, c’est de la connivence ou des qualités professionnelles ? Si ça se faisait avec fréquence, avec affichage, avec contrepartie, ce serait de la connivence. Pour être très honnête, nous, dans nos situations de télévisions régionales, c’est extrêmement rare. À titre personnel, il ne m’est jamais arrivé de solliciter un déjeuner avec un politique. Jamais. 33


dossier

« Les soirées électorales sont souvent des grandes soirées de sciage de langue de bois (...) Je me souviens par exemple avoir posé trois fois la même question à un homme politique sans avoir la réponse »

Je pense que l’on peut très bien faire notre boulot sans. Mais, si quelqu’un souhaite me rencontrer pour parler de quelque-chose, s’il ne va pas en faire un usage politique, je n’y vois pas d’inconvénient.

techniciens, une centaine de personnes, plus tous nos bureaux extérieurs. La soirée électorale s’inscrit pour nous dans une séquence qui dure toute l’année. Pour cette fois, on a décidé de ne faire que des débats sur des thèmes de société. Notre analyse, c’est qu’on est dans une période de réforme. En novembre/décembre, on a entamé une série d’interviews avec les maires des grandes villes, avant le temps de campagne, comme ça on peut les interroger sur le bilan, avant la campagne. Le 15 février, on a attaqué une série de débats dans les grandes villes de Bourgogne, ce qui va nous amener jusqu’au premier tour. Ensuite, dans les moyens, il n’y a pas un très grand choix. On est sur notre plateau. Les résultats sont donnés dans les préfectures donc on devra être dans les préfectures. Est-ce qu’on doit aller dans des endroits où il va se passer des choses comme à Chalon ou à Sens, deux villes importantes? On analyse les chiffres électoraux antérieurs et on regarde où on va faire du reportage.

Est-ce que tu utilises des « off » que l’on te confie et comment ? (Il sourit) C’est un grand truc à la mode, ça... Alors, je vais la refaire autrement. Il y a quelques années, un homme politique français de tout premier plan est passé à Dijon. Il a fait une déclaration officielle extrêmement importante, à résonance nationale. Moi, je ne couvrais pas sa venue. Le soir-même, je rencontre des journalistes qui me disent qu’en off, aux journalistes présents, il leur a confié le contraire de ce qu’il avait officiellement déclaré. Et ça, ça passe sous le tapis pour tout le monde. L’info ne sort pas. C’est un peu compliqué. Très clairement, je te disais que pour connaître un sujet, il faut avoir accès aux gens. Et pour avoir accès aux gens, aux sujets, à la matière politique, tout ce qui se trame - toutes ces petites briques qui une à une ne sont pas un sujet, mais prises en totalité sont la vie politique - il y a une dimension de proximité. Dans la proximité, il va y avoir un certain nombre d’éléments dont tu vas te servir ou pas. Si d’entrée, tu brises cette proximité... Ça s’arrêtera là.

La mise en scène d’une soirée électorale reste solennelle, c’est d’une grande sobriété. Oui, mais on ne travaille pas la solennité même si elle est formidable parce qu’elle nous rappelle notre place. C’est là que tu te rends compte que tu sers à quelque chose. On est « public », on travaille pour tout le monde, toute la région, tous les électeurs. Tu te rends compte de l’enjeu ! La soirée n’est pas que solennelle. Quand tu regardes bien, tu vois que par moment, on met un peu de sourire, d’échange. En revanche, les hommes politiques mettent de la solennité. Finalement, ce sont eux qui font une partie de la soirée. Les choses ne nous appartiennent pas. Ils décident parfois de ne pas venir en plateau pour rester chez eux en famille ou avec leurs électeurs pour vivre cette soirée. On mesure là qu’on n’est pas si important que ça pour eux. Et puis, les gens qui perdent n’ont pas forcément envie de se montrer. Enfin, il y a ceux qui veulent venir alors que tu ne les as pas invités...

Oui, mais ça fait une info... Ce qui est difficile, c’est que pendant longtemps, ces petites briques n’étaient pas des infos, de mon point de vue. Les médias étaient des mono-supports. On était une télé, une radio ou la presse écrite. Point. Aujourd’hui on est une télé et un blog spécialisé. Les briques vont trouver leur place en fonction des différents endroits. Maintenant, il y a deux sortes de off. Ce truc qu’on te dit, pour que tu comprennes quelque chose, avec la consigne de ne rien sortir. De fait, si tu sors ça, ce sera invalidé parce que ce n’est pas une info ferme. Ou alors, tu gardes ton info que tu ressortiras à un autre moment, sur un autre support. Si ce n’est pas sur le premium (radio, presse ou télé), ce sera sur Internet ou un petit truc de brèves. Tu diras : « Aujourd’hui, c’est vrai que, mais sachez qu’il y a deux mois... » Là, ça te servira. Après, il y a les off sur la vie privée ou la santé, qui ne trouvent pas de place dans les histoires que l’on raconte. Le off que tu décris, aujourd’hui, avec la multiplicité des supports, ça n’est plus tenable. À côté des médias classiques, il y aura quelqu’un de plus rapide que toi pour en faire état. Et cette concurrence fera que nous aussi, on anticipera et qu’on en fera état. Le off va disparaître de plus en plus. On tombera, alors peut-être, dans la culture de transparence à l’américaine.

Pourquoi ces soirs-là, ce sont toujours des stagiaires que vous envoyez au fin fond de l’Yonne ou du Morvan ? Non, ce n’est pas vrai ! Ce sont des équipes de la rédaction. On fait gaffe à ne pas envoyer un stagiaire dans un endroit trop périlleux. (rires) Avec Eric Sicaud, l’autre journaliste, vous vous répartissez les rôles : le gentil et le méchant ? Non, si tu regardes, il y a avec nous l’anchorman, et dans notre duo, Éric s’occupe plutôt des interviews alors que je suis plus dans l’analyse. Éric et moi, on aime bien travailler ensemble. Qu’est-ce qu’on ne peut pas dire dans une soirée électorale ? On ne peut pas se tromper de nom d’invité, ce serait un manque de respect. Après, un lapsus, ça arrive.... Notre peur, c’est de travailler sur des chiffres, des résultats qui ne sont pas les bons. Faire une mauvaise analyse. On peut considérer qu’il faut rester dans une interview policée. Je pense que parfois, il ne faut pas se priver de montrer de l’indignation, presque de la colère ou du sourire, parce qu’il y en a dans la vie donc dans le traitement de la politique aussi.

Est-ce que tu as déjà conseillé ou coaché des politiques ? Parfois, quand certains veulent te parler, c’est pour avoir ton avis bien sûr. Mais il ne faut pas confondre les rôles, sinon on perd une part importante de crédibilité. Combien de personnes travaillent sur une soirée électorale, comment ça se prépare ? Ici, tout le monde ! Toute la rédaction de Dijon et nos 34


ÉLECTIONS MUNICIPALES

D’ailleurs, tu t’en sors assez souvent avec le sourire, comme une pirouette, pour dire « oui, j’ai bien compris ce que vous disiez ». Parfois, tu dois montrer aux gens qui te regardent que tu n’auras pas la réponse mais que tu n’es pas dupe. Les soirées électorales sont souvent des grandes soirées de sciage de langue de bois. Il faut qu’on arrive à introduire un peu de distance dans tout ça. Clairement, le camp perdant trouvera toujours qu’on est du côté du camp gagnant et inversement. Dans une interview, il n’est pas question de mettre l’homme politique dans des circonstances particulièrement favorables. Il y a la courtoisie, l’honnêteté, un peu de sourire, en revanche, après on est dans la discussion. Je me souviens par exemple avoir posé trois fois la même question à un homme politique sans avoir la réponse. On ne doit pas s’interdire les choses...

avoir la chance d’interviewer pendant une campagne quelqu’un qui sera le candidat majeur ou le président de la République, journalistiquement ça ne se discute pas ! Mais j’irais plus loin. Quand on fait un débat avec des parlementaires d’ici et des asso’ locales, je pense qu’on va plus au fond des choses que quand tu interviewes un élu national sur une chaîne d’info en continu, parce qu’on a de la confrontation d’idées. La politique locale, c’est de la politique nationale. Depuis quelques années il y a un renouvellement du personnel politique dijonnais. Comment est-ce que tu perçois cette évolution ? Il faut bien voir qu’à Dijon, il y a eu un long règne de Robert Poujade et qu’un autre s’est ouvert. Ceux qui arrivent en place, notamment les nouveaux parlementaires, étaient déjà dans les tuyaux politiques avant. Ils avaient pu par exemple travailler pour des hommes politiques plus âgés. Et là, il y a une nouvelle génération très rodée au jeu médiatique, il y a une vraie différence, on le sent. Après, il faut bien prendre conscience que la politique, ce n’est pas que son apparence médiatique. Il ne faut pas la limiter à cela. Il y a aussi des parlementaires qui font bien leur travail sans pour autant avoir de réel intérêt pour la publicité qui peut en être faite. Il y a le « faire » et le « fairesavoir ».

Un des plaisirs de journaliste, c’est de pouvoir bousculer les politiques, de leur rentrer dedans, de les contredire. C’est un des seuls types d’invités avec qui on peut faire cela. Oui, avec cette limite qu’un jusqu’au-boutisme va apparaître comme une prise de position. D’où parfois, le sourire, que tu remarquais tout à l’heure, qui va permettre de montrer que ça ne sert à rien de continuer. Les pires moments d’une soirée électorale ? Il n’y en pas vraiment à part les pains techniques ou quand les résultats mettent du temps à tomber et que ça fait trois fois que tu contextualises.

« Je pense que l’objectivité n’existe pas, on doit tendre à l’honnêteté. Moi, journaliste du service public, j’ai tout le temps à l’esprit l’idée de satisfaire tout le monde, tout en faisant mon travail du mieux possible »

Est-ce que les politiques te passent des soufflantes après les émissions ? Non, je n’ai pas souvenir de m’être fait engueuler, et quand bien même. La plupart des problèmes se situent avant une émission, pour les convaincre de venir : qui sera là à ce débat, qui sera à côté d’eux ? Certains refusent d’être l’un à côté de l’autre ? Peu. Vraiment très peu. Dans ces cas-là, les gens ne veulent pas venir. À l’inverse, il faut tordre le cou au fantasme : « Embrassons-nous, tous copains, tous coquins ». Ces cas de détestation extrême, c’est surtout dans des élections locales. C’est arrivé sur certains débats, avant l’émission, mais c’est rare. Et je pense à des gens qui se présentent lors de ces élections.

C’est vrai que vous mettiez plein de temps à maquiller Jean-pierre Soisson, pour cacher sa couperose ? Non, pas plus que les autres. Moi, on met plein de temps à me maquiller compte tenu de mon absence de cheveux.

À Dijon ? Je pensais plutôt à l’ensemble de la région mais à Dijon... oui. Tu vas me demander qui mais je ne te répondrai pas.

La cravate est obligatoire pour une soirée électorale ? Obligatoire, je ne sais pas. Elle est souhaitable compte tenu de solennité du moment. Mais comme à titre personnel je n’en porte pas... Je pense que pour bien faire les choses, il faut se sentir bien. Quand j’ai commencé, je n’étais pas hyper à l’aise dans le costume imposé. Et il y a des moments pour certaines choses. Dans La Voix est libre le samedi, on n’est pas obligé de mettre la cravate.

Et toi, tu en détestes ou en détestais certains ? (Silence) Je cherche. En tout cas, à titre professionnel, je m’impose comme règle que « non ». Il y a des gens avec qui on peut avoir des atomes crochus, qu’on peut trouver sympathiques ou intelligents. On peut apprécier certains aussi parce qu’on sait que ça fera une bonne émission. Mais de toute façon, avec mon rôle public, ma réponse doit être « non ».

Oui, le samedi tu es sans cravate, avec une chemise un peu ouverte... Arrête de te fiche de moi ! (rires)

Ce n’est pas compliqué de ne pas pouvoir donner son avis ? Je le donne à mes enfants. Les gens me disent : « Arrivez-vous à être objectif ? » Je pense que l’objectivité n’existe pas, on doit tendre à l’honnêteté. Moi, journaliste du service public, j’ai tout le temps à l’esprit l’idée de satisfaire tout le monde, tout en faisant mon travail du mieux possible. Je tends au maximum à enlever ma part individuelle en n’étant pas dupe du fait que je suis un être avec une histoire, une éducation, une vie quotidienne, avec des choses qui par moment peuvent interférer.

Mais, non, je remarque qu’il y a des codes... Oui, il y a des codes, mais ils doivent correspondre au moment. Et il n’y a pas un moyen de casser ces codes ? Si. Par exemple, en faisant systématiquement l’émission du samedi sans cravate, c’était une façon de casser une forme de codes. Tu voudrais quoi ? Tu as une envie particulière ?

C’est pas un peu chiant de ne s’intéresser qu’à la politique locale ? Mais on ne s’intéresse pas qu’à la politique locale.

Pas de cravate le dimanche soir pour la soirée électorale. Ça te ferait plaisir ?

C’est pour cela que tu as interrogé Hollande lors de sa campagne ? Dès qu’un homme politique national passe, tu lui sautes dessus ? Attends,

// M.R.

Oui, tu peux faire ça pour nous ? On fera attention à ça dimanche soir.

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Pimp my barge

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portrait

par SOPHIE BRIGNOLI PHOTOS : ALEXANDRE CLAASS

Toujours à la tête d’une société de tourisme fluvial à 76 ans, le créateur des pénicheshôtels Richard Parsons espère encore relier un jour Paris à Moscou avec son bateau le long des canaux et rivières d’Europe. Portrait d’un aventurier anglais tombé amoureux de la Bourgogne et de ces monstres de fer flottants.

entrave - devient alors le premier hôtel flottant. « Nous pouvions accueillir 18 passagers à bord, mais le confort restait très sommaire ; on entendait les clients se brosser les dents tellement les cloisons étaient fines et il n’y avait que deux toilettes et deux douches pour les passagers et l’équipage. Le luxe n’était pas encore une priorité. Tout ce qui importait, c’était de s’amuser et de profiter de la croisière. À vrai dire, je pense que c’est surtout grâce au chef français que les clients repartaient satisfaits. Une bonne cuisine peut faire oublier beaucoup de choses. »

P

La première croisière a lieu au printemps 1966, sur l’Yonne et le canal de Bourgogne, avec des passagers britanniques. « On a eu un coup de chance terrible dès le départ. Une dame du London Times qui avait reçu notre brochure a écrit un article sans même avoir fait la croisière. Grâce à elle, les Anglais ont commencé à venir. » Il faut préciser qu’à cette époque, le tourisme en France n’existait pratiquement pas en dehors de Paris, Nice et de la Loire. Alors imaginez-vous ces groupes de visiteurs prenant d’assaut les troquets des villages bourguignons, dévalisant les stocks de whisky et de gin... « Tout le monde était si chaleureux, les clients raffolaient de cette France profonde. » Les embouteillages avec les péniches de commerce sont alors fréquents sur les canaux, et certains modèles, encore dépourvus de moteur, sont toujours tirés par des ânes. « Je me rappelle une fois avoir fait la queue devant une écluse où nous étions 64ème dans la file ! »

our comprendre la genèse de sa passion pour les bateaux, il faut remonter à la fin des années 50, en Angleterre, dans la région de Birmingham. C’est là que vit Richard, alors âgé d’une vingtaine d’années, avec son frère John. Journaliste pour l’agence de presse Reuters, il cherche à l’époque à acheter un logement mais déchante très vite lorsqu’il réalise qu’il faut s’endetter sur trente ans. Les deux frangins décident alors d’acheter un narrow boat, petite péniche de deux mètres de large, parfaitement adaptée à la navigation sur les étroits canaux anglais. Utilisée alors comme moyen de transport entres les différentes usines pour le fret du gasoil et autres pièces manufacturées, les jeunes propriétaires, eux, transforment l’embarcation en lieu de vie. « C’était l’aventure, on pouvait partir en navigation quand on le voulait, et même au milieu de la nuit ! C’était aussi l’occasion pour nous de faire des rencontres, puisque nombreux étaient les Anglais qui possédaient un bateau. Après la guerre, la livre ne valait plus grand chose et pour éviter que les gens partent dépenser leur argent à l’étranger, le gouvernement s’est mis à entretenir les canaux. Enfin, ce sont les gens qui se sont alors portés volontaires pour les restaurer à travers des associations de bénévoles. Chaque week-end, ils chaussaient leurs bottes pour réparer les écluses et sortir les détritus du canal. C’est devenu très populaire de passer ses vacances ainsi. »

L’année suivante, l’écrivain et journaliste Emily Kimbrough va passer deux semaines à bord du Palinurus. De retour aux États-Unis, elle publie un livre retraçant ses aventures : Floating Island, sorti en 1968, va faire découvrir ces croisières aux Américains. Dès lors, ils vont supplanter leurs cousins anglais sur les péniches-hôtels et constituent encore aujourd’hui la vaste majorité des clients. « Au départ, il y avait beaucoup de soldats américains qui gardaient un souvenir très vif de leur passage en France pendant la guerre. Ils étaient très enthousiastes, bien plus que les Anglais d’ailleurs. Ils ont tout de suite été séduits par cette nouvelle manière de voyager. » Mais avec la venue en masse des Américains, la concurrence se développe. Quelques passagers fortunés rachètent à leur tour des péniches pour les aménager en hôtels, les modernisent en y ajoutant des salles de bain privatives et la climatisation, élément indispensable pour eux. Richard Parsons, lui, s’associe avec Guy Bardet, un ancien journaliste, et fonde Continental Waterways (Continentale de croisières) en 1969. « On ne prenait pas ça très au sérieux au début et on était assez mal vu des autres bateaux, plus beaux et plus luxueux. Pourtant nous recevions des clients richissimes à bord, des couples qui se plaignaient de la qualité de leur séjour à l’Hôtel Meurice à Paris et qui débarquaient ensuite sur notre épouvantable navire ! » Le Palinurus vogue alors sur tous les canaux de Bourgogne et c’est parfois à coups de machettes que les deux associés se frayent un chemin entre deux écluses.

Quelques années plus tard, Richard est envoyé à Paris en tant que correspondant, c’est à ce moment qu’il découvre les péniches Freycinet, ces énormes monstres de tôle de 38 mètres de long qui parcourent la Seine en transportant des marchandises. Intrigué, le jeune Anglais part à la rencontre de mariniers qui vont l’emmener avec eux pour son tout premier voyage sur la Marne. « On n’a pas idée de la beauté des canaux en France, moi j’ai trouvé ce monde fantastique ! C’est voyager à travers l’histoire du pays et découvrir son patrimoine : les vignobles, les cours d’eau, toutes ces vieilles pierres... » Le narrow boat est donc vendu et Richard achète une ancienne péniche à charbon qu’il va entièrement transformer à Saint-Polsur-Mer, près de Dunkerque. Le Palinurus - du nom du pilote d’Énée qui se sacrifia pour permettre à la flotte des Troyens d’atteindre l’Italie sans 37


portrait

Grand prince, notre hôte nous a même servi le goûter.

« Le problème en France, c’est qu’il y a beaucoup de canaux mais pas assez de bateaux »

L’hôtellerie fluviale va connaître une période faste, longue de trente ans, la flotte de Continentale de Croisières comptant jusqu’à 15 pénicheshôtels à la fin des années 90. Et à raison d’une vingtaine de passagers par semaine, sur une saison touristique qui s’étend de fin mars à début novembre, ce sont des dizaines de milliers d’Américains qui vont découvrir la France à travers ses canaux. Représentant une manne financière importante pour le tourisme en Bourgogne, ces croisières ont également le mérite d’avoir réinvesti des lieux laissés à l’abandon depuis des décennies. « Le problème en France, c’est qu’il y a beaucoup de canaux mais pas assez de bateaux », déplore Richard. Et quand on part en croisière sur le canal, on est plus souvent amené à parler anglais que français puisque la majorité de ses usagers sont anglo-saxons. C’est d’ailleurs le leader mondial de la croisière fluviale, le géant américain Grand Circle Travel qui va racheter en 2003, Continentale de Croisières. Après le traumatisme des attentats du 11 septembre 2001, le nombre de passagers américains chute violemment, entraînant la faillite de plusieurs sociétés. Celle de Richard, installée à Dijon, est elle-même durement touchée.

l’aventure plusieurs fois : « Lors de mon dernier voyage il y a trois ans, nous sommes allés jusqu’à Varsovie où nous avons dû faire demi tour, le niveau du fleuve ne nous permettant pas de continuer au delà. » Sur son blog, From Paris to Moscow by barge, il répertorie depuis des années des cartes de cours d’eau et des photos de ses voyages à l’Est. « En théorie, ce voyage est possible, mais en pratique je n’ai pas encore réussi à trouver la bonne voie ! Il faudrait arriver à sensibiliser les autorités sur place pour qu’ils entretiennent les canaux. Et puis ça me paraît compliqué de passer par l’Ukraine en ce moment. » Depuis 2009, il a repris des parts dans une petite société de navigation qui gère le Caprice, entre Dijon et Saint-Léger-sur-Dheune (en Saôneet-Loire), ne lui laissant que peu de temps pour se consacrer à son grand projet. Pourtant, Richard ne s’est jamais résigné. Et quand on le questionne sur une éventuelle retraite loin des bateaux, il sourit. « Si ça ne tenait qu’à moi je vivrais toute l’année sur mon bateau, c’est comme ça que je me sens libre et d’après mon expérience, voyager lentement et en toute ignorance permet de vivre les meilleures aventures. » // S.B.

Propriétaire d’une ancienne ferme dans la vallée de l’Ozerain, Richard habite à huit kilomètres du canal de Bourgogne et de l’écluse 52 où est amarré son bateau, le Xanthos. Il y passe ses étés en famille et loue sa ferme comme gîte. Tout son temps libre est consacré à l’étude des cartes fluviales européennes ; cela fait trente ans qu’il cherche le meilleur moyen de rejoindre Moscou en bateau depuis la France. Richard a déjà tenté 38


Quelle carte

Sportunit est faite pour moi ? Je fais du sport Dans un club, une association ou pour moi-même

OUI

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Promis, je commence demain

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OUI Mon truc à moi c’est Supporter

BR

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Il vous faut la Carte Sportunit Multisport qui vous aide à payer vos activités sportives.

Assis dans mon canapé

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Je lis Sparse et c’est parfois du sport

Dans les tribunes de Gaston Gérard ?

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FIFA 2014 ? RHHA LOVELY!!!!!

Au palais des Sports pour soutenir les filles du CDB

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NON Vous êtes Supporter du DFCO, Il vous faut la Carte Goal Average

Je prépare Le prochain Contest FIFA By Sparse

Faut que j'aille m’oxygéner aux Ateliers Sport by Sportunit

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reportage

GEMME DIJON Bienvenue dans le monde des collectionneurs de pierres. par VALENTIN EUVRARD PHOTOS : LILIAN ELBÉ

C

hez Sparse, certains aiment écouter du gros hip-hop US, du rap sale et de la trap qui cogne fort. En plus de ça, on a déjà longuement parlé des filles qui s’effeuillent et des grosses bagnoles tunées. Il ne restait alors plus qu’un élément pour boucler notre saga du parfait gangsta : les pierres précieuses, mon pote. Direction le Parc des Expositions de Dijon, un triste samedi de janvier. À l’intérieur, aucun bandana sur les têtes, pas de baggy non plus mais plutôt des chemises bien rentrées dans le futal et des petites lunettes au bout du nez. On est très loin des codes du rap game, même si j’ai aperçu quelques jeans délavés façon années 90 et une paire de Requins multicolores. Non, ici on est entre gens sérieux. Ça et là, les stands se concentrent au milieu d’une large salle rectangulaire. Les exposants sont tranquillement assis derrière leur tas de pierres précieuses et papotent avec les visiteurs. On est au salon annuel des minéraux et des fossiles. Allez viens, je t’emmène.

avec un accent germanique. Un pur stand. Ses morceaux de roches sont méticuleusement mis dans de petites boîtes transparentes, avec une étiquette mentionnant le blase scientifique du roc. Il y en a tellement que ça forme tout un pan de pyramide. Le sommet arrive au niveau de mon front. Il est occupé avec un client qui a l’air de peser dans le milieu. Ce dernier paie en chèque pour cinq larges boîtes de rangement, « d ’exposition », et quelques minéraux colorés. Mais avant toute chose, il demande l’autorisation à sa femme, assise un peu plus loin, en train de draguer mon photographe. D’un signe de tête, son épouse valide le deal, notre Allemand vient de se faire un bon paquet de biff. Il faut dire aussi qu’il fait très pro et son matos n’a pas l’air pourri, vu le prix qu’il coûte. La preuve, un pré-ado attendait son tour avant de se désister sur les conseils de sa mère. Le vendeur et le passionné se quittent en échangeant une dernière fois leurs impressions sur une petite firme de joaillerie sudaméricaine. Je ne capte pas un mot tellement les deux sont à fond. La tête sur une autre planète, fiévreux après avoir assisté à un tel échange, je me réfugie vers le stand médecine de l’expo.

TÊTES DE MORT. Premier truc marquant pendant ma balade : pourquoi y a-t-il autant de crânes sculptés ? Il y en a pour tous les goûts. Des têtes gravées dans du quartz, d’autres qui sont transparentes avec une lumière à l’intérieur, il y en a même qui sont tachetées avec plein de couleurs différentes. J’ai presque envie de dire que je les trouve jolies, notamment celles qui sont faites en jais. Ces formes polies brillant sous les spots, ces arrêtes saillantes, ces orbites cadavériques… Hé mais, attendez. Elles se ressemblent toutes là ?! « On ne les sculpte pas nous même. On en est capable, mais ça demande du temps. Celles qui sont présentées ont été créées par des Chinois. On leur donne les pierres et eux font le boulot », me confie un exposant. C’est vrai que quelque chose me faisait cogiter. En y prêtant attention, il y a des éléments récurrents : la forme du nez et l’intérieur des narines présentent une signature particulière sur pratiquement l’ensemble de la collection du salon. « I l y en a beaucoup en ce moment parce qu’on s’adapte à la demande », continue-t-il. La demande ? « Depuis Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal, elle a explosé. » Ah ouais, carrément, Harrison Ford régule le marché du caillou. D’ailleurs, il y a une histoire d’alien dans le film, non ? « Les têtes qu’on a aujourd’hui sont classiques, mais on a un client américain qui nous a demandé 2.000 tronches d’extra-terrestres. Alors on en a fait avec des pointes, d’autres avec des yeux en amande façon Roswell, quelques-uns avec le crâne allongé… » Ça ferait classe sur ma cheminée.

MAUVAIS CHAKRA. L’étal est très long. Il croule sous les colliers et bracelets en pierres précieuses. Au niveau des spots lumineux sont affichées des petites pancartes explicatives. Parmi elles, il y a le schéma des différents types de chakra et leur localisation sur le corps humain. Interloqué par le truc, je demande au petit vieux de vendeur quel est le rapport entre les « centres spirituels » et les cailloux qu’il vend ? « C’est tout simple. Vous savez ce qu’est un chakra ? Bon, hé bien chacun des sept chakras est lié à une couleur. Par exemple, quand vous avez mal au foie, quelle est la couleur associée ? » Je donne un coup d’œil à la planchette et je constate que le chakra est vert. Telle est ma réponse Jean-Pierre. «Vert ? Mais non, voyons, quand vous avez mal au ventre vous êtes plutôt jaunâtre, votre peau devient jaune. » Ok grand-père, mais tes petits dessins disent que le jaune, ce sont les reins. Papy s’en fout et continue. « Une fois que vous avez détecté quelle était l’origine de votre mal, il suffit de porter des pierres de la couleur du chakra. » Ok... En écartant la conception du chakra, en faisant fi qu’une partie du corps humain est associée à une couleur, en omettant l’étrangeté de mettre une pierre de la même couleur sur le point lié, comment un simple bout de rocher peut soigner une pathologie ? Pas de réponse claire mais une chose est sûre, « ça a été prouvé, et ça marche. » C’est Hildegarde de Bingen qui est à l’origine de cette pseudo-médecine, la lithothérapie, inventée au 12ème siècle. « Et vous savez où sont passés la plupart de ses ouvrages ? L’Union Européenne en détient une bonne partie, tout comme le Vatican. » Bizarre, pour une bonne femme canonisée en 2012 par Benoît XVI.

STEINHERZ. Le salon des minéraux et des fossiles, c’est beaucoup de camelots qui viennent vendre leur caillasse et finalement assez peu de collectionneurs acharnés. Mais il y en a un qui représentait fièrement les chercheurs de minerais. Un grand type, chemise rouge et cheveux blancs, 40


pierres précieuses

PETITES GRAINES ET GROS FOSSILES. « C’est quoi ta couleur préférée ? », me demande l’illuminé de l’exposition. Je lui réponds aléatoirement le bleu, il me rétorque alors que je suis particulièrement sensible aux problèmes de gorge et de thyroïde, de tout ce qui est angine et bronchite. Merde, la fin me guette, il faut que j’arrête de fumer maintenant chef ? « Il faudrait que tu portes du lapis-lazuli. Dès qu’on est attiré par une couleur, on est plus sensible aux problèmes de santé qui y sont liés. Donc il faut se parer des pierres précieuses en conséquence. » 45 € le collier pour me guérir, pas de prise en charge par la sécu, c’est hors de mon budget. Sinon, ici, ce n’est pas que le salon des jolies pierres, c’est aussi celui des fossiles. Juste à côté du stand « suce ce caillou pour stopper toute métastase », il y a un Marocain. Tout seul et sans aucun client, je me décide à lancer la discussion pour le sortir de son désespoir. Sur ses tables, il y a deux coffrets remplis de dents. Elles viennent d’où ? « C’est des dents de vieux requins, d’il y a plusieurs millions d’années », me rétorque-t-il dans un français bancal. Il mange ses mots, j’ai du mal à comprendre. Quoi ? Elles viennent en fait de reptiles préhistoriques ? Dans sa collection, on trouve aussi de grandes pierres brunes et plates, sur lesquelles se sont fixés des organismes indéterminés. « C’est des graines fossilisées ça. » Drôle de gueule. « Mais non, il dit n’importe quoi ! Avec son accent on ne comprend rien aussi », balance une femme qui écoutait notre conversation, « en réalité c’est une sorte d’anémone. » Involontairement, j’ai lancé un débat houleux. Les badauds donnent chacun leur avis sur la chose et le pauvre Marocain n’arrive pas à se faire comprendre. Graines, plantes, anémones ou bout de corail, le fossile reste affreusement moche, mais ça, je me suis bien gardé de le dire.

fossilisés. En fait, il n’y a plus rien d’original tant tout semble être générique. Je parie que plus de 80% des gemmes sculptées proviennent de Chine ou d’un pays du tiers-monde. Les affichettes qui arborent fièrement le logo de la CB (à partir de 15€ quand même) sont coincées tous les 50 centimètres de table. Je m’attendais à quelque chose de plus intime, de plus personnel, avec des pierres trouvées soi-même, des collections qui suent la passion, des gravures faites à la main. Par chance, je tombe sur un exposant qui répondait à ces critères. Baskets aux panards, chemise en jean, chewing-gum goût menthe. Lui, c’est Joshua. Placé pratiquement à l’entrée, j’étais passé devant sans l’apercevoir. Et pourtant, sa collection est une des plus diversifiée. Il y a d’étonnantes roches sculptées en parfaites sphères lisses mais brisées pour que l’on puisse observer l’intérieur, irrégulier et rempli de minéraux. Il a aussi plein de pierres « qui viennent tout droit de Madagascar », d’où il est originaire. Comme il est jovial et qu’il a visiblement envie de discuter, je lui demande d’où lui vient cette étrange passion. « C’est avant tout une histoire de famille. Mon père faisait ça sur l’île, mon grand-père aussi. J’ai alors continué dans la même veine, mais je me suis nomadisé et je voyage pour exposer et vendre », m’expliquet-il chaleureusement. « Après, tu peux me dire que je n’ai fait que reprendre leur métier, mais je te réponds alors que cette passion, c’est aussi celle de la terre. On a un rapport très particulier avec elle, à Madagascar. » Et tu fais ça tout seul ? « Non, nous sommes une entreprise familiale. Les miens sont restés au pays. Eux, ils recherchent les minéraux, c’est ce que je faisais aussi avant. Désormais je le fais beaucoup moins, j’expose dans plusieurs salons en France. Demain, je serai ailleurs. Par contre ne me demande pas où, j’ai complètement oublié. » Pierre qui roule n’amasse pas mousse. // V.E.

CONNEXION MALGACHE. Les stands se suivent et se ressemblent. Mêmes couleurs, mêmes formes, mêmes bijoux, mêmes animaux marins

N. B. : lors d’une prochaine sortie au Vieux Léon, il faudra bien penser à avoir sur soi un collier de topazes.

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Ci-dessus : Top bleu-nuit Emmaüs collection hiver ; Pantalon Hollande 1974 de chez Décat’ ; Escarpins empruntés à la mère du modèle. À droite : Chemisier or Le Bon Coin acheté à Nanou21 ; Slim taille 36 pas plus ; Bottines cuir véritable ; Pneu Pirelli.


Photos : Vincent Arbelet Maquillage et coiffure : Mathilde Gwozdieski Modèle : Léa Singe Accessoires chouraves à Monoprix Série réalisée au Consortium (Dijon)


diaporama par MARTIAL RATEL, à dijon PHOTOS : ALEXANDRE CLAASS

Grille : Grillum, grimas. Lat. Élément métallique utilisée par de riches romains égoïstes soucieux de se couper du reste du monde pour préserver leur intimité. Contraire : atrium. Pour mémoire, les grillum n’ont pas empêché la chute de l’Empire. Plus tard, les barbares utiliseront les restes de ces barrières métalliques sur leurs feux de camps. Voir : grillade, barbecue, apéro. Au XVIIeme, les riches bourgeois garniront leurs fenêtres de grilles pour se protéger des voleurs. Ces derniers utiliseront de longues barres munies de crochets pour accéder à l’intérieur des demeures. Depuis, cet accessoire social est tombé en désuétude. (Encyclo. approx. sparsienne, tome I)

Depuis plusieurs années, la dernière tendance dijonnaise est à l’érection de frontières grillagées entre la rue, le monde et un espace privatisé souvent considéré à tort par le passé comme public. Aujourd’hui, ces grilles barrent totalement ou en partie ces passages. Même si ça ne sert à rien, ce doit être un signe de puissance ou de richesse. Reportage photo.

Ruelle du Chez Nous (RUE musette) Typique de la privatisation d’un haut-lieu public. Honnêtement, à quoi ça sert ?

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frontières grillagées

Passage rue Berbisey (RUE BERBISEY)

Pourquoi ? Ralentir l’avancée inexorable des francs-maçons qui se réunissent dans cette ruelle ?

MontÉe de guise (perspective au bout de la rue Berb´)

Non, mais sans rire... C’est pour protéger les apparts HLM ou les Velodis des pauvres du foyer de la Manutention qui crèchent à deux pas? Ça donne peut-être le sentiment aux habitants de ces espaces collectifs de vivre dans une résidence privée de grand standing. En plus, esthétiquement parlant, c’est un désastre.

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diaporama

Rue Jeannin

Plusieurs générations de jeunes se sont soulagées la vessie dans ce qui était devenue la plus grande pissotière à ciel ouvert. Maintenant, c’est Fort Knox.

Palais des Ducs

Oui, bon, là on comprend. Rebsamen a fait monter ça contre les attaques de Houpert.

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frontières grillagées

Tour St. Nicolas (rue jean-jacques rousseau)

Oui, au bout de ce passage, il y a une tour du XIIème siècle qui donne son nom au rade à côté. Un spot rare mais essentiel pour les meilleurs de nos touristes. À quoi sert cette grille ?

rue charrue

Variation de la grille : la privatisation totale d’un passage en espace commercial. Avant par cet endroit, on passait de la rue Amiral Roussin à la rue Charrue. Pratique pour aller au pain et éviter l’étalage de costards à une plaque. Mais ça, c’était bien avant.

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FOODAGE DE GUEULE

LA DAME D’AQUITAINE

par NICOLAS BEY ILLUSTRATION : ESTELLE VONFELDT

Avant que Dijon ne devienne « Cité internationale de la gastronomie », Sparse vous propose une étude prospective des établissements qui pourraient faire sa renommée (ou pas). Mais d‘abord, posons les bases et rappelons ce qu’est la gastronomie. Un art qui consiste à préparer avec soin des plats ou des mets dans le respect de la qualité, de la quantité et de la sélection des produits. Premier rendez-vous de notre série : La Dame d’Aquitaine, place Bossuet à Dijon.

Cela faisait longtemps que j’avais envie d’essayer cette adresse, sans doute à cause du côté mystérieux de son porche moyenâgeux ou de sa grande salle voûtée qui donne le sentiment d‘être réservée à la Franc-maçonnerie. Ceci dit, La Dame d’Aquitaine, c’est un peu cher. Mais pour cette revue, plutôt que de mettre de côté pour les soldes ou pour la facture EDF qui promettait d’être salée, j’ai encore opté pour la bouffe. Je vous raconte... Ce test a été réalisé début janvier 2014

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L’accueil. Si ce n’est la petite erreur de parcours qui nous a conduits tout droit dans la loge du personnel, avec deux gros chiens aboyant comme si nous étions entrés par effraction, l’accueil était parfait. Il faut dire que l’entrée du restaurant ne se situe pas directement en face de vous quand vous empruntez ce fameux porche. Et de nuit, attiré comme des papillons vers la lumière, nous nous sommes faits avoir. Ne le faites pas, c’est très embarrassant. Sans rancune, un serveur nous a emmenés à notre table et nous a débarrassés de nos manteaux. À première vue, c’est du service haut de gamme, on se sent chouchoutés.

Le lieu. La photo sur le site Web n’avait pas menti. Les voûtes de la salle de restaurant sont vraiment impressionnantes. On apprendra par la suite qu’il s’agit d’un vestige de l’ancienne église abbatiale Saint-Jean, datant du XIIIème siècle. Un petit bémol cependant pour la déco, on est à la limite du kitsch avec un mélange de vert pastel et de blanc. Un piano, blanc lui aussi, marque encore davantage ce qui s’apparente à du mauvais goût en entrant en contraste avec quelques vitraux assez peu mis en valeur. Pour terminer, sur les tables, des sous-assiettes en acier renforcent le côté sado-maso des grilles de la cave et du vestiaire. Heureusement, on a faim. On verra bien ce qu’il se passera à la fin du repas.

La carte. Tiens ? Ce n’est pas la même que celle affichée à l’entrée. Même certains prix sont différents. On ne serait pas devant une belle grosse fraude, là ? Le pire dans tout ça, c’est que la première carte que nous avions vue était très alléchante, alors que celle qui nous a été remise une fois à table faisait carrément pitié. Peu de choix, des assemblages pseudo-créatifs et douteux, des prix toujours aussi élevés, nous décidons cependant qu‘il faut peutêtre savoir prendre des risques. Nous choisissons le menu le plus cher : la ronde des saveurs à 49 €.

Dans l’assiette. Après le traditionnel amuse-bouche du chef, sur lequel il est inutile de s’attarder, on entame les hostilités avec l’entrée. Foie gras de canard, dans l’esprit d’un Pim’s, chocolat blanc et confit d’orange. C’est froid, assez écœurant et beaucoup trop gras, l’équilibre n’y est pas du tout. Sur le plan gustatif, c’est pareil, le foie gras seul n’a aucun goût. On a l’impression de manger de la margarine. Dommage qu’une petite feuille de salade ne soit pas venue rafraîchir notre palais. On passe au plat avec le lièvre à la royale. Vin rouge, sang et abats de la bête, foie gras, chocolat, épices et fruits rouges. Ce repas n’en finit pas de s’appesantir. C’est triste à dire, mais bien que les quantités soient loin d’être exagérées, on a du mal à terminer notre assiette. C’est encore une fois écœurant, et tiède. À ce stade, on a envie de s’en aller digérer quelques heures avant de pouvoir passer au dessert, mais le plateau de fromages arrive. Il est énorme ! Là, le choix est vraiment important mais on n’a plus faim. Tant pis, par amour du fromage nous allons en choisir trois morceaux.

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Arrive enfin le moment du dessert, un palet breton surmonté de pommes caramélisées façon tatin. La légèreté ne sera donc pas le mot de la fin.

La Dame d’Aquitaine 23, place Bossuet fermeture lundi midi / dimanche

Le service. Peut-être le seul point sur lequel La Dame d’Aquitaine atteint la hauteur de ses prétentions. Très maniéré, presque théâtral, rapide et attentionné, c’est un service comme on aimerait en voir plus souvent. En somme, il est quasi irréprochable. Conclusion. La Dame d’Aquitaine, loin de ce que l’on peut attendre d’un établissement gastronomique, fut une expérience plutôt décevante. On attendra le prochain numéro de Sparse pour savoir quel restaurant saura faire la renommée internationale de Dijon, Cité de la gastronomie. // N.B.


MUSIQUE

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tony truant

U

ne rencontre avec Tony Truant, ce n’est pas rien. En tout cas pour moi. Ce guitariste-chanteur a composé un des meilleurs albums rock -fait par des Français, chanté en anglais- de tous les temps : Too Much Class For The Neighbourhood. Un album du groupe rouennais les Dogs, sorti en 1982. Oui, avant Phoenix et a fortiori Daft Punk, un groupe français pouvait brandir avec fierté sa production. Too Much Class... est un album mais également une chanson-titre calée au milieu du disque. Si la plupart des morceaux sont exclusivement écrits par Dominique Laboubée, le leader, le titre Too Much Class For The Neighbourhood est co-signé par Antoine Masy-Perier alias Tony Truant. Je pourrais vous expliquer par le menu pourquoi ce disque est un concentré ultime de rock & roll agonisant dans ce début d’année 1980 et dans le même temps une bombe d’énergie quasi punk-rock. Je pourrais insister sur la surprise d’entendre sûrement pour la première fois un album rock par des frenchies qui ne singent pas les Américains ou les Anglais. Je pourrais finir en soulignant lourdement que cet album, comme son nom l’indique, respire la classe, l’aisance, transpire le naturel au milieu des codes musicaux alors étrangers de ce côté-ci de la Manche. Tout ça prendrait beaucoup trop de place, allez plutôt écouter le disque. La place, là, est réservée à la rencontre avec ce bourlingueur des bayous hexagonaux ou cajun qu’est Tony Truant. Des poils, des cheveux et des pattes grisonnantes sous un chapeau sûrement troqué avec un des derniers chamans de la Nouvelle-Orléans. Ensuite, c’est la voix un peu éreintée mais toujours rapide, aiguë et joyeuse. Voilà le premier contact avec Tony qui, ce matin, passe à Dijon. Presque par hasard, il vient enregistrer avec des musiciens du coin. Pas par hasard, le jeune Antoine a commencé à tâter du manche, ici, à Dijon.

«La musique aujourd’hui c’est bizarre, je n’ai encore pas bien compris comment ça marchait »

Tu es de Dijon ? Non, je suis de Paris. Je suis né à Neuilly-sur-Seine. Je suis venu ici parce que mon père avait une ferme dans le coin. J’étais à Dijon de la 6ème à la 4ème et je me suis fait virer du lycée Carnot à la fin de la 4ème, en 1975. Mais j’avais un an d’avance. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? T’as fait un truc qu’il fallait pas ? Sans doute. (rires) Dès que tu es en âge, tu fais de la musique ? J’ai toujours adoré la musique. En 5ème, j’ai échangé une guitare contre trois cassettes. À cette époque, j’adorais Dylan. J’imagine que vers tes 15 ans, tu as commencé à faire des groupes. Oui, j’ai fait un petit peu de musique à Nuits-Saint-Georges, après j’étais à Brochon, j’ai fait différents bahuts, et là j’ai rencontré des mecs, c’était le début du punk-rock... Mon premier vrai groupe, ça a été les Snipers, avec un copain qui s’appelle François Huet.

par MARTIAL RATEL, au jacquemart ILLUSTRATION : MR. CHOUBI

À l’époque, en 1975-1977, comment sait-on à Dijon qu’il se passe quelque chose en musique du côté des États-Unis, de l’Angleterre ? C’est grâce à Rock & Folk et Philippe Garnier. Dans ses articles, il y avait un truc, je sais pas quoi, qui nous touchait. Donc ça m’intéressait d’écouter la musique qu’il défendait. Comment vous chopiez les disques ? Ben, il fallait aller à Paris. Moi, j’allais au magasin Music Action. Sinon, il n’y avait aucune solution... (silence) Si ! Il y avait un magasin dans la rue Musette ! La Boite à Disques. Quand j’étais tout gosse, j’étais allé acheter un disque de Dylan et le vendeur trouvait que j’étais trop petit pour acheter un disque de Dylan. Il m’avait vendu Serge Kerval chante Bob Dylan, en français. Je l’ai toujours et je crois que c’est le premier 33 tours que j’ai acheté. C’était assez affreux mais maintenant ça me fait marrer. 51


MUSIQUE

Vous étiez combien à être concernés par ces nouvelles musiques ? Parce qu’à l’époque, la tendance, c’était encore le rock psyché et progressif, avec des groupes comme Magma, Gong... On était une dizaine. Je traînais avec des gens plus vieux que moi, des autonomes ou des gens comme ça. On rentrait dans des concerts, gratoche, par derrière ou en défonçant des portes. Gong, je les ai vus en concert, c’était assez marrant, mais bon...

Comment s’appelaient ces groupes ? Oh, il y avait ce groupe de babas, des espèces de sous Ange (groupe franc-comtois de rock progressif, NDLR). Je ne me rappelle plus de leur nom. Nous, on avait un espèce de style particulier, on était un peu les seuls comme ça. Il y avait les Vinyl Junkies, un bon groupe, mais eux ils étaient punk. Ils étaient branchés Buzzcocks et nous, on était Dogs, Flamin’ Groovies, The Saints.

Il y avait des concerts à Dijon, des salles ? Ouais... Les Flamin’ Groovies ont failli passer mais ça a été annulé. Je ne me souviens pas super bien, c’est un peu... Tu vois, les gens racontent des faux trucs. (silence) Il n’y avait pas tellement de concerts de rock & roll. C’est venu assez tard. Les choses rock & roll, c’était plutôt à Colmar, je crois. Mais moi je ne connaissais pas. Il y a quand même Little Bob qui est venu avec Dominique « Ginger » Guillon à la rythmique, c’était vraiment bien. Comme j’étais gosse, on me faisait rentrer partout. Ça les faisait marrer de voir un espèce de gosse s’intéresser à la musique. Les gens étaient assez sympas avec moi.

Quand tu fais du rock à la fin des années 1970, à Dijon, comment es-tu vu dans le milieu musical ? T’es le pestiféré ou au contraire, t’es le mec super cool ? On avait plutôt la cote. On allait dans un bistrot, le Chez Nous où j’avais super la cote. Les gens étaient sympas avec moi. Avec les Snipers tu restes... Un an, un an et demi, après j’ai raté mon bac et je me suis cassé. Un pote, Gilles Tandy, m’a appelé pour faire une fiesta à Paris. Pendant la fiesta, on a décidé de faire un groupe, les Gloires Locales. Il venait d’arrêter les Olivensteins. Je suis rentré chez moi, j’ai pris mes affaires, mon père m’a dit « Qu’est-ce que tu fais ? » ou je sais pas quoi, j’avais le choix d’aller à l’école, mais je me suis cassé à Rouen. Avec ma guitare. J’allais encore à l’école là-bas, on faisait les Gloires Locales, j’allais voir les Dogs répéter, et je commençais à jouer avec eux...

À l’époque, tu étais bien à Dijon ou tu rêvais d’ailleurs ? Moi, j’habitais dans la campagne comme je m’étais fait virer. Donc je n’étais pas très bien, non, je ne crois pas... À la fin des années 1970, il y avait la libraire Les Doigts dans la tête, tenue par Zekri (voir Sparse N°5). C’est là, que j’ai rencontré la première fois François Huet avec qui on a fait les Snipers. Il avait un badge des Groovies, ou un 45 tours. Il y avait plein de disques de free jazz et à côté un petit bac de punk. J’adore le free jazz, j’adore le blues, des artistes comme Big Bill Broonzy. Quand j’étais à Carnot, j’étais pote avec un grand gars - qui est devenu fou et qui est mort – qui était fan de free et de blues.

Dans la mythologie rock, pour moi tu étais à Dijon, tu étais fan des Dogs qui existaient à Rouen depuis quelques années, tu pars les voir et tu leur dis : « Il faut que vous me preniez dans votre groupe » !? C’est un peu ça. Je leur téléphonais quand mon père n’était pas là. Je les appelais une fois tous les 15 jours chez le disquaire-label rouennais Mélodie Massacre, je tombais sur le patron Lionel Hermani et je lui demandais si les Dogs n’avaient pas besoin d’un nouveau guitariste. J’avais trainé avec Dominique Laboubée des Dogs à un concert de David Johansen, des New-York Dolls, et il m’avait dit : « Wouah, comme David Johansen, un de ces quatre, on prendra un deuxième guitariste.» Donc j’appelais tous les 15 jours. Et Lionel, me disait : « Mais non, pas du tout. » (rires)

Il semble qu’autour de cette librairie, il y avait un véritable fourmillement. Oui, moi, j’étais en plein là-dedans. On allait à la librairie mais on ne faisait pas vraiment partie de... On y allait un petit peu mais quand même, il nous a prêté sa cave. La première répète qu’on ait faite avec François, c’était dans cette cave, et j’ai explosé mon ampli Vox ! François, il avait une Rickenbacker. Quand il est parti à New York, il m’a rapporté une Les Paul Junior, comme Johnny Thunders. Je l’ai toujours ! Et je joue avec encore souvent.

Et puis, finalement ça se fait, tu intègres les Dogs à partir de 1981 jusqu’en 1993. En 1982, vous faites selon moi un des sommets du rock français : Too Much Class For The Neigbourhood. Comment se passent l’écriture, l’enregistrement ? Les Dogs venaient de se faire virer de chez Phonogram, parce qu’ils ne vendaient pas assez. Moi, je venais d’intégrer le groupe, avant je faisais simplement des bouts de concerts, des rappels avec eux. Et là, j’ai commencé à répéter des nouveaux morceaux avec eux. On faisait des maquettes et Dominique Laboubée allait démarcher des maisons de disques à Paris. Deux mecs, chez Epic, étaient intéressés et ils nous ont signés. À l’époque, ils avaient Trust dans leur catalogue, ils avaient gagné du fric avec eux et du coup, ils nous ont envoyés dans un studio en Angleterre avec Tony Platt qui avait bossé avec AC/DC et Bob Marley.

Bernard Zekri, tu l’as déjà recroisé ? Oui, de temps en temps. Et comme vous avez ce passé, ce truc là en commun, sans pour autant vous donner des grandes tapes dans le dos, vous... Hum... Peut-être qu’on a davantage que ça en commun... (rires) Quoi, des dettes ? Non, pas des dettes... Une copine ? (rires) Qu’on eut eu. Les Snipers, ça démarre quand ? En 1978-1979, on a répété du coté de l’église St Bénigne et après rue Audra, dans des caves aménagées qu’on partageait avec des groupes.

Il y a ce titre et cette chanson qui sont énormes... Oui, celle-là, je l’ai composée avec Dominique. 52


MUSIQUE

À l’écriture, c’est le titre ou la musique qui vient en premier ? C’est un peu en même temps, je crois.

Negra, deuxième guitariste) a envie de faire autre chose que les Wampas. Et voilà.

Au départ, il y avait une idée, une direction pour l’album? Non. C’est venu comme ça. Tony Platt était venu nous voir répéter à Rouen, pendant une semaine, on jouait les morceaux comme ça. Et puis après on est partis enregistrer.

Tu écoutais les Wampas ? Non. J’avais juste écouté leur album ...Vous aiment quand ça venait de sortir et je trouvais ce disque vraiment chouette. Ça ne doit pas être évident de bosser avec Didier Wampas. Non.

Et aujourd’hui, je ne dois pas être le seul à vous dire que cet album est génial. Oui, j’ai ce genre de retour assez souvent. Mais moi ce n’est pas mon préféré. Je préfère le suivant, Legendary Lovers, parce que l’enregistrement avec le producteur Vic Maile, c’était chouette. C’était en Angleterre aussi et il y a dans cet album un petit quelque chose, un truc que j’adore.

Mais ça ne doit pas être évident de bosser avec toi non plus. Comment ça se passe vous deux ? On s’entend super bien, quand on joue. Et quand vous ne jouez pas ? On ne se voit pas. C’est bien comme ça parce qu’on est vieux et on a chacun un certain caractère. (rires)

Avec les Dogs, tu es revenu jouer à Dijon ? Oui, c’était marrant, à chaque fois qu’on jouait dans le coin, il y avait plein de potes qui venaient, c’était super. On a joué à Marsannay-la-Côte, dans une salle polyvalente, et dans plusieurs autres endroits.

Sur scène, tu remues dans tous les sens. Il ne t’a jamais demandé de te calmer, en te disant « c’est moi, le chanteur » ? Non, au contraire. Enfin, maintenant, sur scène je joue plus que je ne remue. Avant c’était l’inverse.

Tu parlais de ton père tout à l’heure. Il venait te voir ? Ah, non. Je me suis cassé de chez moi et je ne l’ai revu qu’une fois, cinq minutes et plus jamais après.

Tu as gardé des contacts avec des gens à Dijon, tu suis les groupes d’ici ? Un tout petit peu. J’ai deux-trois copains qui sont encore là et il y en a plein qui sont morts... Je suis les Romanée Counteez et sinon je vais faire de la musique avec Isabelle des Calamités (ancien groupe pop-rock 80’s mythique de Beaune, NDLR).

Ton aventure avec les Dogs dure 12 ans, jusqu’en 1993. Pourquoi est-ce que tu pars ? Il y a eu pas mal de changements de musiciens dans le groupe. Et puis quand Hugues, le bassiste, s’est cassé du jour au lendemain, en 1988, le groupe a été déstabilisé... J’avais des chansons que j’écrivais dans mon coin, en français. La musique collait avec les Dogs mais pas le ton. J’avais envie de changer un peu, ouais. Et puis avec Dominique, on n’était plus vraiment d’accord sur la musique. On l’est redevenu par la suite. Il était plutôt branché par des trucs comme Aerosmith. Pas moi. Mon premier album a quand même été enregistré avec les Dogs.

Quel rapport entretiens-tu avec la musique ? Pour moi, c’est un peu comme jouer aux mousquetaires ou aux pirates. Tu rêves ta vie, quoi. Et tu essayes de le faire. Mais je crois que la musique n’est plus tout à fait pareille aujourd’hui. Tout est vachement plus accessible. C’est bizarre, je n’ai encore pas bien compris comment ça marchait. Comme tout est plus accessible, c’est moins magique. Enfin, je ne sais pas...

Nouvelle étape avec les Wampas, que tu intègres en 2005. Philippe Almosnino, qui a remplacé Marc Police (guitariste des Wampas, de 1984 à 1991, NDLR), traînait avec les Dogs et a enregistré toutes les guitares sur mon premier album. Dix ans plus tard, je le croise à Pigalle, il me dit qu’ils ont besoin d’un guitariste remplaçant quand Joe (Dahan, ex-Mano

Du coup, ça fait quoi d’être un rockeur ? Moi, ce que j’aime, c’est la musique. Par exemple, là, je suis allé en Louisiane avec un de mes groupes préférés, Lil’ Band O’ Gold, avec des mecs extraordinaires. Alors oui, ça me fait encore rêver. // M.R. 53


« faut trouver le moyen de faire la paix avec le Démon » Black rebel motorcycle club


black rebel motorcycle club

Créé en 2000 par deux potes de lycée (Peter Hayes et Robert Levon Been), Black Rebel Motorcycle Club - en référence à la bande de motards menée par Marlon Brando dans l’Équipée Sauvage - continue son road trip au cœur du rock US. Avec un son crasseux, saturé de guitares, influencé aussi bien par le shoegaze que l’americana, le trio californien a fait de cette synthèse du rock leur marque de fabrique. En tournée depuis la sortie de leur septième album Specter at the feast en mars 2013, les BRMC étaient de passage à La Vapeur sur une date du festival itinérant les Nuits de l’Alligator, en février dernier. Rencontre avec les deux membres fondateurs, quelques heures avant leur passage sur scène, pour parler bécane, pognon et Super Bowl. par SOPHIE BRIGNOLI & ANTHONY GHILAS, à LA VAPEUR Photos : ALEXANDRE CLAASS

Le dernier album, Specter at the feast, avait une connotation particulière pour vous, suite au décès du père de Robert qui était, entre autres, l’ingénieur son du groupe. Vous en êtes où, un an après ? (Pete) Je ne réécoute jamais vraiment les albums une fois sorti, mais nous en sommes fiers, comme pour les autres d’ailleurs. Parfois j’ai l’impression qu’il faut du temps aux gens pour s’approprier l’album, il faut toujours compter un an, mais bizarrement pour celuici, c’est allé assez vite. Quant à l’investissement émotionnel, je pense qu’on n’est pas censés digérer totalement ces sentiments. Ce sont des choses auxquelles tu te raccroches et qui te permettent d’avancer. J’ai l’impression qu’on est en train de sortir du brouillard, si tu vois ce que je veux dire.

Vous travaillez déjà sur le prochain album ? (Pete) Plus ou moins, on aime bien improviser un peu pendant les balances mais sur cette tournée on essaie d’être sympa avec les autres groupes et de ne pas trop empiéter sur leur temps de répétition. En loges, on a parfois le temps et l’envie de composer. Mais au moment de sortir Specter at the feast, on s’est longtemps demandé si on n’allait pas faire un double album, donc on a déjà des morceaux prêts. Vous avez récemment réalisé la bande son d’un film, quand va-t-il sortir ? (Robert) Le film s’appelle Life after Beth, il était présenté à Sundance en avant-première où il a rencontré un bon accueil, il devrait sortir bientôt. Le réalisateur Jeff Baena est un ami à moi, il nous avait proposé de faire quelques morceaux au départ puis finalement nous avons composé toute la bande son. Nous l’avons enregistrée avant que le film soit tourné, mais c’est vrai qu’on ne savait pas trop à quoi s’attendre, avant qu’on nous oblige à le regarder. (Pete) Parfois nous avions de la chance et les prises lui convenaient tout de suite. Pour d’autres scènes, il voulait quelque chose de vraiment particulier et ça nous a demandé du temps. C’était une super expérience en tout cas. (Robert) Oui, nous avons surtout appris qu’il était aussi difficile et fatiguant de faire une bande son que de faire un album.

Vous avez préservé un son très puissant, couillu, alors que la plupart des groupes tentent des expérimentations tout au long de leur carrière... Comment gardez-vous cette pureté sonore ? (Pete) C’est sympa que tu dises ça parce que certaines personnes ne perçoivent pas ces similarités, mais j’imagine qu’on essaie de ne pas s’égarer, et aller trop loin. On a pas mal évolué au niveau des parties de batterie, ça part plus dans tous les sens. Par contre je ne pense pas qu’on ait jamais été purs, donc il n’y avait pas vraiment d’enjeu à ce niveau. (rires)

Vous aimeriez faire la bande son d’un film de bikers ? (Robert) Pourquoi, tu es en train d’écrire un scénario ?

Où avez-vous enregistré cet album ? (Pete) On a fait comme d’habitude, on a enregistré la batterie chez Dave Grohl, pas à Sound City qui a fermé en 2011 mais dans son nouveau studio, dans lequel il a réinstallé l’ancien matériel. Ensuite, on a ramené ça à la maison, à Los Angeles. On a fait quelques chansons dans le désert, à Joshua Tree en Californie. Tu y es déjà allé ?

Et vous faites tous de la moto ? (Pete) Oui, tous les trois, parfois même pour aller à Joshua Tree. Nous avons une Triumph, une Honda Shadow et une Honda CB. (Robert) Leah (Shapiro, la batteuse du groupe, NDLR) et moi y sommes allés une fois... C’était une expédition pas mal chargée, mes souvenirs sont plutôt flous.

Non, je ne prends pas de psychotropes. (Pete) Ce ne sont pas que des psychotropes là-bas, je crois qu’ils ont du speed aussi. 55


à gauche : Peter Hayes à droite : Robert Levon Been

Que pensez vous du fait que les Arctic Monkeys se soient mis à la moto et aient déménagé à L.A. ? (Pete) Ils sont à Los Angeles maintenant ? Wow, laisse-moi cinq minutes pour y réfléchir... Ils ont intégré un gang de motard ? (Robert) Moi je les trouve assez bons en live, il y a une vraie énergie rock dans leur production. Alex Turner est un très bon parolier, il y a quelque chose d’assez unique dans leur façon de raconter une histoire et de faire sonner les rimes sur les rythmiques.

concert qui les a marqué. Comme lorsque Joy Division a vu les Sex Pistols – bien que l’on ne fasse jamais d’association d’idées entre ces deux groupes – pourtant c’est comme ça que tout a commencé. Les mecs se sont dit : « On peut essayer de faire mieux que ça. » Quant t’es assez arrogant pour penser ça, tu commences à en rêver... Nous avons vu Brian Jonestown de la même manière dans une baraque, quand on habitait encore à San Francisco. (Pete) La jalousie est un bon moteur aussi. (Robert) Ce qui est intéressant, c’est que ça permet d’exalter ce qu’il y a de meilleur mais aussi de pire en toi. J’imagine ces groupes qui viennent nous voir et ressortent inspirés alors qu’en même temps, ils n’ont qu’une envie c’est de nous défoncer en faisant mieux. C’est cette partie de toi toujours en colère qui fait que tu passes tes nuits à travailler comme un chien sur tes productions.

Vous pourriez expliquer votre titre : Specter at the feast ? (Robert) À l’époque, le mot spectre revenait beaucoup dans nos conversations et nous avons vu cette pièce à New York Sleep no more qui nous a beaucoup inspirés, comme lorsque tu découvres pour la première fois un album qui va devenir ensuite un de tes préférés. C’était une adaptation de McBeth, Sleep no more est un des chapitres, tout comme Specter at the feast. C’est Leah qui a trouvé ça et comme on ressentait tous cette présence dans la pièce mais que c’était compliqué d’en parler, on l’a matérialisée comme ça. C’était plus un sentiment que l’on partageait.

La sensation qui te fait dire : « Pourquoi pas moi ? » (Pete) Ouais, il y a un peu de ça. Mais il peut y avoir une connotation de mérite si tu penses comme ça et monter sur scène, ça ne se mérite pas. Tout dépend comment tu conçois le « pourquoi pas moi ». Pete, tu apparais dans le documentaire légendaire DIG! sorti en 2004. Combien de temps as-tu joué avec le Brian Jonestown Massacre ? (Pete) Pas très longtemps mais si tu veux toute l’histoire, je vais te raconter… Comme disait Robert, la première fois qu’on les a vus jouer, c’était dans une maison. On était tous les deux au fond du salon, sur une chaise pour essayer de voir ce qu’il se passait.

Comment préservez-vous l’entente au sein du groupe, pendant ces longues tournées ? (Pete) Ça fait 13 ans qu’on est en tournée... (Robert) Je dirais qu’il faut savoir être créatifs, on est obligés de se renouveler pour que ça reste une aventure excitante pour tous les trois. (Pete) Maintenant, on sort les costumes en latex et on distribue des fessées. (Robert) De manière métaphorique, oui.

À San Francisco ? (Robert) Ouais, c’était leur première formation. (Pete) Ils nous inspiraient vraiment, ils assuraient. À l’époque, on jouait déjà tous les deux et notre projet commençait à prendre forme. On connaissait un pote de Michael (ancien membre du groupe) qui travaillait sur l’album Take It From The Man! [1996 – Bomp! Records]. (Robert) Oui, et puis Anton (Newcombe, fondateur du Brian Jonestown Massacre, NDLR) voulait que je lui parle de mon père et de son groupe, The Call. Il était obsédé, comme seul lui sait l’être, par The Call à cette époque-là. Je les ai mis en contact et ça s’est tassé au

J’ai lu que vous aviez tous été très touchés par la performance de Jónsi lors d’un concert au Japon. Vous avez fait d’autres concerts remarquables depuis ? (Robert) Leah et moi avons assisté à un concert de Patti Smith qui a été assez marquant. Ces moments impromptus que l’on peut partager ensemble, on essaie de ne pas trop en parler après coup, de manière à les préserver. Mais ça nous aide ensuite à avoir une meilleure compréhension du travail de composition de l’autre. Beaucoup de groupes se sont créés après être allés voir un 56


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« Il y a toujours des groupes qui pensent qu’ils ont réussi parce qu’ils ont de l’argent ou d’autres qui veulent pouvoir dire à leurs parents : Je vous avais dit que musicien ça rapportait, vieux cons ! »

au bout d’un moment et puis, ils ont eu besoin d’un guitariste. (Pete) C’est vrai qu’à cette époque-là, je faisais pas grand-chose. Moi, j’ai vu ça comme une occasion d’apprendre et de récolter des contacts dans des clubs. Ensuite, je pouvais me casser et continuer ce qu’on avait commencé. Mais je pense qu’ils m’ont surtout engagé parce que j’avais un camion ! Un minibus tout pourri, ils en avaient besoin pour aller jouer à SXSW. Ils ont pris mon camion pour aller jusque là-bas, j’y crois toujours pas… Pareil pour DIG!, j’étais simplement là quand la réalisatrice filmait. Mais elle a loupé tellement de choses… Tu sais, la façon dont c’est raconté… Je sais qu’il a bien fallu résumer et conclure mais c’est pas comme ça que les choses se sont passées.

En gros, vous n’avez pas reçu votre cachet encore ? (Pete) Tu sais, le monde ne marche plus comme ça dorénavant… Maintenant, ils savent bien où ils se placent, ils savent qu’ils tiennent les musiciens par les couilles. Ils vont te dire : « T’as besoin de nous, tu ne vends plus de disques, tu ne vends plus ceci ou cela. » Avant, tu pouvais te faire un max de thunes, vivre de la musique. Un groupe commençait, marchait et ça explosait pour eux. Maintenant, ils savent qu’ils peuvent te filer beaucoup moins. Mais c’est pas plus mal, c’est plus juste, dans un sens. Je préfère qu’il n’y ait pas de millions qui circulent. C’était ridicule, fallait bien redescendre sur terre un jour. (Robert) C’est plus sain que les groupes qui se demandent : «J ’espère que notre musique sera prise pour une marque de basket » ou « il faut qu’on passe à la radio coûte que coûte ». Tu vois le genre de conneries. Nous, on préfère se dire que ça paiera pas le loyer plutôt que d’attendre que Coca-Cola vienne nous sauver. Mais il y a toujours des groupes qui pensent qu’ils ont réussi parce qu’ils ont de l’argent ou d’autres qui veulent pouvoir dire à leurs parents : « Je vous avais dit que musicien ça rapportait, vieux cons !» Ceux qui veulent prouver que le rock, c’est un métier sérieux.

Par exemple ? Une anecdote ? (Robert) C’est plus au niveau de la narration. (Pete) Carrément, et puis elle s’était trop attachée au groupe, à toute cette histoire. Et évidemment, il y a plein de choses qu’elle n’a pas pu montrer. Le film dit qu’on s’est séparés à Detroit ou Atlanta… Tu sais, quand je me casse à Detroit (Chicago dans le documentaire, NDLR), enfin quand on croit que je me casse, en fait, j’étais parti convaincre Matt Hollywood de revenir, il ne voulait plus entendre parler du groupe. Puis je l’ai perdu, ils m’ont perdu et heureusement, ces cons-là ont finalement décidé de venir me chercher. Le groupe s’est séparé une deuxième fois, à Atlanta, c’est là qu’elle nous a quittés, en même temps que le batteur et un des guitaristes. Donc Matt, Joel, Anton et moi on a continué en acoustique. On s’est séparés définitivement à la Nouvelle Orléans. Ma seule mission, c’était de tenir aussi longtemps que je pouvais. S’ils abandonnaient, j’abandonnais. J’ai fait mon boulot, tu vois.

Donc vous ne jouerez pas au Super Bowl l’année prochaine ? (Pete) Tu sais, on n’a jamais dit que la musique, c’était ceci ou cela. On n’est pas comme ça, moi je pense qu’il y a de la place pour tout le monde. On n’est pas plus hype qu’untel ou untel. J’ai horreur de ça. Et si on a dit ça sur nous, c’est des conneries. Ceci étant dit, le Super Bowl ? Grave !

Quand tu réalises un documentaire, il te faut un angle et c’est vrai que c’est plus facile de montrer le pire. (Pete) C’est pas ce je veux dire, non, non, c’est un bon film. (Robert) C’est une bonne conteuse et elle a tout donné pour ce documentaire. Elle y a consacré sept ans. Un copain à moi entendait sans arrêt des gens dire que ce film ne sortirait jamais. Ça lui a pris des années, c’était un montage sans fin. C’était impressionnant cette persévérance, elle aurait pu abandonner mille fois.

En parlant de ça, vous avez pensé quoi des Red Hot Chili Peppers qui jouaient avec les guitares débranchées avec Bruno Mars pendant le dernier Super Bowl ? (Robert) Ah oui, j’en ai entendu parlé…Moi je dirais aux journalistes : « Hein, quoi ? Je savais pas qu’on était en playback, c’est la première fois qu’on le fait, je vous jure.» De toute façon, ils n’ont besoin que de la voix sur les plateaux de télé et ensuite, ils te font passer pour un con. Je pense qu’ils avaient trop de musiciens sur scène (Bruno Mars et son groupe) donc ils ne voulaient pas prendre de risque. Et puis, c’est pas ton concert, c’est NBC qui organise. Est-ce qu’un groupe a déjà joué en live pour eux ? (Robert) Il y a des choses plus importantes. Tout le monde sait que les Red Hot Chili Peppers sont de bons musiciens, moi j’allume pas le Super Bowl pour écouter les Red Hot, je les connais. Ce qui m’a étonné, c’est la performance de Bruno Mars : c’était pas un show aussi énorme visuellement que celui de Beyoncé et pourtant j’ai lu qu’il avait fait la meilleure audience depuis cinq ans. Il a fait son truc, un peu à la James Brown, pas besoin de paillettes. (Pete) Tu sais, si on me demandait de faire un truc pareil, je dirais : «Vas-y, vire les enceintes, débranche ma guitare, je joue pas ton mensonge de grande envergure à la con. » Il a dû leur dire d’aller se faire foutre, qu’il voulait pas mentir, je sais pas…

Et vous, votre tournée va-t-elle s’achever un jour ? (Robert) Qui veut nous achever ?! (Pete) Ouais, on touche à la fin… Mais on a eu de la chance que ça se fasse. À chaque fois qu’on sort un album, on essaie de le maintenir en vie aussi longtemps que possible parce qu’on veut qu’un maximum de monde puisse l’écouter. Pour ça, tous les moyens sont bons, même si on doit mourir d’épuisement ! On nous a donné l’occasion de faire cette partie-là de la tournée, on l’a fait même si ça fait presqu’un an qu’on voyage à travers le monde. Et puis quand tout ça sera terminé, on ne sait jamais, peut-être qu’un single va décoller aux États-Unis et tout ressusciter. Mais encore une fois, on est très heureux d’être là. Une de vos chansons a été utilisée pour le jeu vidéo Assassin’s Creed 4 – Black Flag, ce n’est pas rien... (Pete) Ça s’est fait finalement ? (Robert) Je sais pas trop ce qu’on va en tirer… (Pete) On a fait ça nous ? (Robert) Je sais pas si on va être dans le jeu.

J’avais pas vu ça comme ça. (Pete) Hé ouais, faut être malin, faut trouver le moyen de faire la paix avec le Démon. // A.G. ET S.B. 57


musique

(Yoshi) Une Chouffe pour moi ! On est une bande de potes et le meilleur moyen de voir des concerts qu’on aime bien, c’est de les organiser nous-mêmes en rencontrant les groupes. Comment se passe concrètement un booking de concert Bomb The Gig ? (Matthieu) Ça commence par un bon petit plat vegan, ensuite les groupes sont logés à la colloc’, on leur laisse un défraiement et en échange, ils nous offrent une putain de prestation scénique. (Félix) Si tu veux Bomb The Gig c’est du partage ! On prétend être le premier public de nos concerts un peu comme des fans, mais on cherche surtout à faire partager la scène punk rock aux dijonnais. (Matthieu) On est une sorte de… C’est quoi le mot déjà ? (Benoît) Consensus ? (Félix) Moteur ? (Matthieu) Ah j’ai trouvé ! On est le chaînon manquant entre le public et l’artiste au niveau punk rock. L’organisation d’un concert peut se faire trois mois à l’avance ou à l’arrache quelques jours avant.

bomb the gig Un collectif, une colloc’, une émission de radio… du punk rock. paR ANTOINE MASSOT, rue cazotte photos : A.M. Ci-dessus : aurais-tu réellement envie de devenir le pote de ces mecs-là ?

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e les ai connus en concert dans un caveau dégoulinant de sueur, à marcher au plafond, à faire le rameur, des pyramides humaines, de la danse synchronisée, du twostep… C’était au Deep Inside. Là où une bande de potes a décidé de poser son drapeau d’organisateurs de concerts affublé de deux mots inséparables : punk rock. Bon sang, ça sonne grave comme intro n’est-ce pas ? Seulement, quand ils m’ont assuré être partants pour se faire interviewer et que le rendez-vous était au bar Les Berthom, j’ai tout de suite senti le traquenard. Je ne m’étais pas trompé, arrivé 19h30 pendant l’happy hour, l’interview débutera quatre heures plus tard dans l’appart où ils vivent en collocation. J’ai tout de même réussi à leur poser quelques questions jusqu’à ce qu’ils confondent mon dictaphone avec un talkie-walkie. «Allô Sparse ? Ici Bomb The Gig » On va la démarrer à l’ancienne, vous êtes qui ? Vous faites quoi ? Qu’est-ce que vous buvez ? (Benoît) Maredsous. Nous ne sommes pas une association loi 1901, sache-le ! (Félix) Chouffe en pinte stp. Le terme exact, c’est « association de fait ». C’est-à-dire une asso qui n’existe nulle part… (Matthieu) Je vais prendre une Vézelay. On est un collectif qui organise des concerts punk rock au centre-ville de Dijon, au bar le Deep Inside. Nous sommes tous réunis autour d’une passion commune : l’amour de la musique. 58

Okay et vous n’avez pas peur de vous faire coffrer par la SACEM ? (Félix) Ne nous lance pas là-dessus. (rires) (Benoît) Je ne crois pas qu’on nous ait déjà mis des menottes. Mais c’est vrai que c’est un peu la mafia musicale ce truc… (Matthieu) Non, jamais de problème à ce niveau là mais on s’est déjà fait surprendre par la police à coller des affiches en ville. Après, tout le monde le fait… (Yoshi) C’est cliché de dire ça mais le système SACEM, on ne le sent pas vraiment proche des artistes. On fait de mal à personne, on tape juste des concerts en do it yourself. On ne gagne pas d’argent, juste du plaisir. Vous ne m’avez toujours pas dit qui fait quoi quand vous organisez une date ? (Félix) Matthieu s’occupe de notre agenda et de l’adresse mail pour réceptionner les demandes des groupes. Après, on a plus ou moins un rôle. Pas mal d’amis à nous participent aux entrées par exemple. Et Benoît, lui, c’est le cuisinier. (Benoît) Exact ! N’étant pas vegan à la base, je blinde généralement mes plats de riz. Ensuite, j’agrémente le tout d’un tas de subterfuges gastronomiques : légumes, betteraves pour la couleur, maïs, épices pour relever le goût. (Matthieu) Si tu veux, dans le milieu D.I.Y. et punk rock, la bouffe vegan est très courante et moins coûteuse. (Félix) On fait des repas vegan parce que la majorité des groupes qu’on fait jouer le sont. Mais on ne te cache pas que si on pouvait foutre une petite entrecôte de temps en temps, on ne cracherait pas dessus. D’où viennent les groupes que vous faites jouer ? (Yoshi) Ça peut être autant de l’Ardèche que du Canada. (Félix) On essaye de faire jouer la scène française et des groupes locaux. Sinon, des groupes américains comme RVIVR, des Hollandais (Sweet Empire, Antillectual), des Allemands, des Espagnols, des Hongrois, des Anglais (Apologies I Have None, Crazy Arm) et récemment Not On Tour d’Israël.


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(Matthieu) Il me semble que le groupe israélien est le seul qu’on ait fait venir de l’hémisphère sud. (Benoît) Euh... Israël n’est absolument pas en-dessous de l’équateur, mec ! En tout cas, on a fait jouer un paquet de groupes et ça représente beaucoup de soirées et de rencontres. Et admettons que je souhaite faire jouer mon groupe à l’un de vos concerts, comment je dois m’y prendre ? Faut passer par un tremplin sponsorisé par une banque ? (Matthieu) Tu n’as ni besoin d’être interviewé par Sparse et encore moins sponsorisé. (rires) Tu pètes un mail, t’envoies du son, audible et cool si possible, et on te répond. (Yoshi) On reçoit environ trois demandes de booking par jour. Du coup, comme on ne peut pas faire jouer tout le monde, on fait un vote pour savoir si le collectif accroche ou pas avec le son. (Félix) On tente d’organiser un concert par mois. Après, si rien ne nous botte, on n’organise rien. La majorité de vos concerts se déroulent au Deep Inside, pourquoi avoir établi votre QG là-bas ? (Benoît) Je trouve que c’est rare d’avoir des concerts live au centre-ville de Dijon. Et le Deep Inside offre cette chance de pouvoir organiser pas mal de concerts alternatifs. Pour ça on remercie Olive, le patron du bar. (Félix) Ouais, c’est le mec qui ne se prend pas la tête avec des conneries. S’il voit que ça sonne et que l’organisation se déroule bien, en général il est partant. (Yoshi) Bon, hé bien moi c’est pas tout mais je bosse demain, bonne nuit Sparse ! Bonne nuit Yoshi. Vous pourriez décrire un concert Bomb The Gig aux lecteurs ? (Félix) Un défouloir. Tu transpires, tu sues, tu ne ressembles à rien mais tu t’en fous. Tu te vides complètement. (Benoît) Ce sont des gens tournés vers la même chose, tu vois ? Réunis autour d’un même but : se faire plaisir, danser et échanger avec les artistes. C’est de la magie. (Matthieu) C’est un groupe sur scène, devant un public, qui partage sa musique. Vous avez aussi organisé des concerts aux Tanneries, il me semble ? (Matthieu) On a fait quelques concerts en partenariat avec Maloka. C’était cool de participer à l’orga avec eux. Mais c’est plus facile pour nous d’organiser au Deep. L’endroit est plus intime et proche de notre colloc’. Et puis, on n’a pas toujours les épaules pour organiser aux Tanneries car c’est un sacré espace à remplir. Comme avec le restaurant Best Bagels, avec lequel vous aviez monté un mini festival à la rentrée 2013 ? (Félix) Fred et Arnaud, les gérants de Best Bagels, écoutent du punk rock à longueur de journée. Fred organisait aussi des concerts à une époque au Deep. Il est batteur dans les groupes de hardcore Splint! et Never Again. Arnaud, on le connait bien parce qu’il fait des chroniques dans notre émission de radio.

(Matthieu) En proposant des groupes acoustiques, il était possible de les faire jouer à l’intérieur du restau. Et comme la veille on avait aussi une date de prévue, on s’est dit qu’on pouvait faire une sorte de petit festival étalé sur trois jours. Parlons-en de cette émission de radio justement. (Benoît) Elle se nomme Foutrack Factory, tous les dimanches à 17h, sur les ondes de Radio Campus. (Matthieu) L’émission est apparue avant notre collectif et grâce à notre pote Matthias Cortet à qui on doit tout. Il a réussi à dénicher un créneau à l’époque où il était en stage à Radio Campus. (Félix) L’idée, c’était de se réunir entre potes autour de micros et faire découvrir des groupes punk rock en donnant nos avis respectifs.

« Un concert Bomb The Gig, c’est un défouloir. Tu transpires, tu sues, tu ne ressembles à rien mais tu t’en fous. Tu te vides complètement » 59

Les bureaux de la multinationale Bomb The Gig, à L.A.


musique

Dans le punk rock, on appelle ça « Faire l’amour à son micro »

Yoshi, fournisseur officiel de blagues de la bande, s’appelle Etienne, en vrai.

Sur votre site web, on peut lire la phrase : « des groupes chiants à mourir ont inspiré les plus brillants. » Le punk rock, c’est mieux maintenant ? (Matthieu) Disons qu’on vit avec notre époque. Bien sûr, il y a des bases à connaître. Comme quand tu vas en cours pour apprendre le théorème de Pythagore et ensuite pouvoir construire ta baraque. Pour pas mal de styles musicaux, c’est la même chose. Tu as une base de groupes et ça évolue par la suite. On fonctionne simplement par passion, le son nous plaît ou ne nous plaît pas. Mais on ne va pas s’arrêter seulement aux paroles et à la notoriété. Certes, il faut connaître le passé musical mais faut aussi accepter l’évolution. (Félix) On écoute beaucoup ce qu’on pourrait voir en concert. C’est aussi pour ça qu’on est focalisé sur des groupes actuels et pas sur les pionniers du punk rock ou du hardcore. (Benoît) Je ne suis pas très fan des trucs à la 7 Seconds, Minor Threat, Bad Brains ou Black Flag… On aime écouter des groupes avec un son plutôt propre. À part certains groupes à la NOFX qui ont su travailler leur son au fil du temps, il y en a pas mal qui ont un son vraiment dégueulasse. Il faut aussi avouer que c’est une époque où les enregistrements n’étaient pas toujours de qualité. Mais jouer dégueulasse pour jouer dégueulasse, non merci. Et la France, elle est punk rock ? (Matthieu) Il est où mon chien ? (Félix) (rires) Bon okay, c’est vrai que tu as ces groupes qui tapent des chansons à trois accords en racontant que la société va mal. Mais il y a aussi une scène méconnue qu’on tente tant bien que mal de faire connaître. (Benoît) On est plutôt punk à chat pour tout te dire. (Matthieu) Punk à labrador aussi, ça dépend… Quels sont les trois groupes que vous écoutez, à ne rater sous aucun prétexte ? (Benoît) Nine Eleven (époque City of 60

« On est trop des branleurs pour former un groupe de musique, donc on joue aux jeux vidéo » Quartz), Lamb of God et La Dispute. (Félix) Apologies, I Have None, Hot Water Music et Red Hot Chili Peppers. J’ai grandi en écoutant ça. (Matthieu) Latterman, Iron Chic et Uncommonmenfrommars. Quand vous n’organisez pas de concerts, où est-ce qu’on peut vous voir ailleurs qu’aux Berthom ? (Félix) Au cinéma Devosge. Je suis allé voir la rediffusion de The Grand Master mais j’ai rien compris. Sinon tu peux nous retrouver au Kébab du coin. (Matthieu) Au Best Bagels. (Benoît) Récemment, j’étais aux Tanneries pour fêter l’anniversaire du label Guerilla Asso avec Justin(e), Guerilla Poubelle, etc. Vous avez votre collectif, votre colloc’, votre émission de radio…Vous faites beaucoup d’autres choses ensemble ? (Félix) On est trop des branleurs pour former un groupe de musique donc on joue aux jeux vidéo. (Matthieu) On boit des bières devant la saga Harry Potter… Si tu veux, Harry, il a une arme plus forte que Voldemort, c’est l’amour. Et ça nous touche beaucoup. On aura beau se faire massacrer, on renaîtra plus fort que jamais. Bomb The Gig, c’est d’abord une histoire d’amitié avant une histoire de concerts. // A.M. À consulter : bombthegig.fr



cinéma

le numérique dans les petits cinés : et après ? Quasiment deux ans après l’arrivée définitive du numérique, où en sont les cinés Art & Essai à Dijon ? Quelles sont les conséquences de ce bouleversement ? Et surtout, ces cinés vont-ils survivre ?

D

ix-huit juillet 2012 : le numérique était définitivement installé au cinéma Devosge de Dijon. Quelques mois plus tard, c’était au tour de l’Eldorado, rue Alfred de Musset. Mais c’est quoi, le numérique dans un ciné au juste ? Rien de moins qu’un tout nouveau système d’installation avec projecteurs, serveurs numériques et le TMS, le Theater Management System, qui sert à centraliser et planifier toutes les infos pour assurer une bonne projection. Finis les bons vieux projos 35mm avec le bruit de la pellicule qui défile, place à de gros ordinateurs qui font circuler des tonnes de fichiers. Un nouveau système qui est censé enrayer le piratage des films avant leur sortie et garantir une qualité optimale de l’image comme du son. Pour les cinés Art & Essai, la pilule a eu du mal à passer, ne serait-ce que pour le coût astronomique du changement. En plus du nouveau matériel, il a fallu également faire des travaux dans les cabines, par exemple pour ajuster la température du lieu. Du côté du Devosge, selon son directeur Cyril Jacquens, l’équipement en numérique a coûté entre 50.000 et 80.000 €. Un tarif obtenu grâce à l’appartenance du cinéma au groupe CinéAlpes.

par alice chappau illustration : estelle vonfeldt

d’opérateur meurt à petit feu. Reste uniquement l’arrêté du 15 juin 1961 qui rend la présence de l’opérateur toujours obligatoire en cabine, ne serait-ce que pour assurer la sécurité du public. Bon, le Devosge comme l’Eldo ont gardé leurs anciens projecteurs pour nous proposer encore quelques séances en mode rétro, comme pour celle organisée par Sparse en janvier avec la copie de 1982 de Mad Max. Toujours est-il que ce métier forcément intrigant (surtout si on a vu Fight Club) est en train de disparaître. On ne trouve d’ailleurs quasiment plus de formation à ce métier dans les écoles spécialisées. Pour les boulots qui n’ont rien à voir avec le 7ème art, on a désormais un informaticien qui vient effectuer la maintenance, comme les mises à jour de logiciels, tous les ans. Car le personnel de cabine n’est pas du tout habilité à démonter les nouveaux projecteurs. Il se limite à changer les filtres et les lampes ainsi que nettoyer la cabine. Il est donc nécessaire pour lui de s’adapter au mieux pour survivre. Et du côté du public ? La majorité semble satisfaite du numérique, même si Cyril Jacquens regrette un son très « froid » et « métallique ». Un truc peut-être trop parfait et trop clean. Seuls les nostalgiques du 35 et les vrais cinéphiles ne sont pas les plus grands fans du nouveau dispositif. Alors ok, c’est pratique, ça prend moins de place, plus d’énormes bobines lourdes à transporter ni de vieilles pellicules bousillées à force d’être baladées aux quatre coins du pays. Il y a aussi une offre beaucoup plus importante et la possibilité de stocker pas mal de films. Mais les pannes sont imprévues et ne peuvent être rapidement résolues. Les majors américaines empêchent les exploitants de vérifier les copies au préalable, comme pour le Hobbit, par exemple.

Comment ça fonctionne, au juste ? Adieu assemblage de pellicules et montage de bobines, on programme maintenant des fichiers tout en créant une playlist. Le film est envoyé en trois parties. Et chaque morceau est protégé par un code qu’on appelle KDM. C’est simple, s’il te manque un KDM, tu ne peux pas ouvrir le film. Adieu la séance. S’il y a une erreur entre le KDM, l’enregistrement du film et celui du serveur, pas de projection non plus. Les joies de l’informatique. Cyril Jacquens se souvient notamment que pour la suite du Hobbit, en décembre dernier, le studio Warner avait tellement peur du piratage, qu’en plus de limiter les avant-premières, seules certaines parties du fichier furent envoyées à l’avance. Sans compter qu’il y avait 17 versions du film. De quoi s’emmêler les pinceaux. Résultat : le Devosge a reçu les fichiers et tous les KDM seulement quatre minutes avant la première projection, le jour de la sortie. Ce ne fut pas le cas pour tous les cinémas, puisque certains durent annuler la séance, le jour de la sortie, pour une suite ultra attendue à la fin de l’année... Mais le plus gros risque reste le bug informatique, dont le système n’est jamais à l’abri. À partir de là, personne ne peut faire quoi que ce soit. Car c’est bien là le problème, avec le numérique, de nouveaux métiers s’immiscent dans le cinéma. Et d’autres disparaissent... Les projectionnistes ne diront pas le contraire. Malgré la mise en garde du Congrès des exploitants, le métier

Quid de l’avenir dans tout ça ? Il est loin d’être rose pour le directeur du Devosge. Les cinés Art & Essai, comme les gros multiplexes, sont tous logés à la même enseigne. En plus d’une réduction des coûts et du personnel, « beaucoup d’intermédiaires se sont greffés et ils n’ont aucun rapport avec les métiers du cinéma. En outre, ils s’intéressent de plus en plus à la rémunération des salles. » Une nouvelle ère contre laquelle on ne peut pas faire grand chose. « On est sous le règne de la technologie. On est dépendant d’un informaticien, d’un vendeur de matériel, d’un producteur de copie, de plein de personnes dont les métiers n’ont rien à voir avec le cinéma, et qui rentrent dans l’économie des salles, ce qui n’était pas le cas avant. » En plus de ça, le numérique implique, à terme, la disparition des petites structures qui n’auront pas les moyens de renouveler le matos d’ici cinq ou dix ans. Les cinémas Art & Essai sont en première ligne... // A.C.

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sélection musicale par arthur gérard

Hardcore Traxx : Dance Mania Records 1986-1997. Quiconque a la prétention de faire danser les gens dans le noir devrait commencer par l’écoute sérieuse de cette anthologie du label Dance Mania, dont la ghetto house alterne entre boîtes à rythmes saturées, lignes de basse sous speed et nappes aquatiques. Ça parle de corps qui dansent, de gros culs, de cul et d’amour en général mais avec un sens de l’hédonisme si forcené que c’en est désarmant de beauté. Le dancefloor, place stratégique, redevient alors un lieu de rencontres rythmiques et sensuelles. Bilan : préférez l’altérité cheesy d’un I want you in my life à l’onanisme relou d’un I’m sexy and I know it.

Jaakko Eino Kalevi – Dreamzone. Regardez-moi cette tête d’ahuri, l’œil mi-clos, ravi d’apprendre que les recherches scientifiques sur le LSD ont repris. Je hais ces gars qui pensent vivre des expériences mystiques alors qu’ils ont juste les neurones en train de péter comme du pop-corn. Mais pour leur décharge, si le dédoublement de personnalité est la clé pour produire une musique aussi cool que cet EP, je retire tout ce que j’ai dit. Je donnerais tous mes bitcoins à qui me donnera un peu plus de ce funk neurasthénique et de ces batteries sèches et précises. Puis merde, ces solos de saxophone égalisent les meilleurs massages prostatiques, quoi.

Actress – Ghettoville. Top des reconversions musicales des joueurs de foot français : 4) Youri Djorkaeff sort en 2000 un titre R&B dégueu vraisemblablement écrit par Charly et Lulu. 3) Jean-Pierre François et son indéboulonnable Je te survivrai. Tuez-moi putain. 2) Basile Boli feat. Chris Waddle, touchants comme New Order et son hymne pour la World Cup 90. 1) Cantona est l’exception : il écrit des albums OK pour sa femme belle comme le jour. À Londres, on va plus loin. Darren Cunningham oublie sa carrière avortée à West Brom avec cet album chopped and screwed brûlé à la soude, intraçable, indansable et pourtant indispensable.

Splash Wave - Guilty of Being Rad. En donnant la parole aux ados mal dans leur peau, les comédies de John Hughes ont eu pour effet de rendre cool un certain mode de vie de gros bébé adulescent, égocentrique et qui veut ne rendre de compte à personne. Ces freaks sont soit devenus youtubeurs-chômeurs, historiens de micro-scènes éphémères, libertariens de l’Internet, ou créateurs de t-shirts humoristiques. Cet esprit du temps est incarné par Splash Wave, défenseurs d’un slacktivism à synthétiseurs. Ces Rennais ont réussi à donner des couilles au cul à la musique des bornes d’arcade, et deviennent ainsi maitres de leur propre univers : leur chambre.

Alpha Wann – Alph Lauren. Je suis toujours heureux de comprendre ce que les rappeurs ont à me dire. Entre les ricains qui me perdent, les demeurés qui éructent, et ceux qui parlent avec du sable dans la bouche, il y a Alpha Wann, prodige du crew 1995, dont le flow est distinct et clair. Les productions sont super propres, ça file droit sur l’autoroute de la G-Funk. Phaal nous fait part de son amour fou pour la beuh, et c’est encore là qu’il est le meilleur. Ça se gâte quand il se perd en explications fumeuses pour justifier son ascension sociale qu’il assume mal. Alpha, écoute le sage Mokobe qui dit : « Les jaloux vont maigrir ». Vrai.

AT/NU - Psi Grove. Je prévois d’atteindre bientôt la plus pure forme d’ataraxie. Ainsi ma nourriture n’est plus composée que de poudres hypoallergéniques sans goût, je prends de longs bains dans un ersatz de liquide amniotique favorisant la régénération des cellules. Je n’écoute plus que de la musique générée de façon algorithmique à partir de l’analyse du Top 100 par année depuis 1965. J’occupe la position couchée 22h par jour et j’ingère des flux cosmiques. S’il m’arrive parfois de me sentir seul, il y a bien entendu ma petite fleshlight calée sous mon coussin à mémoire de forme. Je rêve de la sonde Voyager, je vole avec elle.

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médias par MARIE TELLO

Automne 2013, les pouces en l’air fleurissent un peu partout à Dijon. Pour inciter les habitants à s’inscrire sur les listes électorales, la mairie lance une campagne intitulée « Troubles de l’élection ». La toile s’enflamme. Alors, message déplacé, jeu de mots pourri ou coup de génie ?

«

Je te salue, ma belle Dijon... » Ah, ça, tu peux être fier, mon coco. Prends garde, le chauvinisme est à ta porte ! Car oui, on parle de Dijon, et pas qu’un peu. Pourquoi ça ? Parce que notre cher maire a posé ses balloches sur la table et nous a sorti une campagne de communication du tonnerre : « Troubles de l’élection ? Ça se soigne ! » Et paf, dans ta tronche ! Oui, ça a du chien, et ça a tellement de la gueule que le site LesEchos.fr a fait de cette campagne l’un des cinq buzz qu’il ne fallait pas rater en 2013. Une merveille je te dis. Bon, on est quatrième, derrière Carambar, Serge le lama et Amazon, mais quand même, quoi. On a devancé la Fnac. Et toc. Si tu as vécu cloîtré dans ton 16m2 rue Berbisey, si tu étais trop saoul ou si tu n’es pas Dijonnais, je te refais le topo : une belle affiche sur fond bleu, un texte ravageur et un pouce en l’air pour que les jeunes « aiment ». L’audace par excellence, mêlée à une pointe de technologie, pour qu’avec tes lunettes et ta chemise à carreaux de hipster tu te dises : « Mais oui, Monsieur Rebsamen me comprend, il est comme moi, il FAUT que j’aille voter ! » Relayée par des journaux de la France entière (Le Parisien mon pote, on prend du grade), c’est un « coup de génie », c’est « gonflé », c’est « un trait d’esprit inattendu » dont on parle. Et voilà que Dijon sort de son éternelle moutarde pour donner une image jeune et connectée de ses habitants. On a même vu, et là j’espère que t’es bien accroché à tes baskets, un certain Jacques Chambon monter une pièce de théâtre qui porte le doux nom de notre célèbre slogan. Mais si, JACQUES. Merlin dans Kaamelot. Ah ça y est, tu remets. Une comédie sur scène qui raconte la disparition du candidat favori d’une petite ville le jour des municipales et qui a été jouée presque à guichet fermé à Lyon. Je te l’avais dit ou pas que c’était de la folie ? Je te l’avais dit. Oui, sauf que voilà. Toi, tu es comme moi, t’es moyen dupe. Voire pas dupe du tout. Ça a fait un buzz parce que, oulalah, ça sous-entend du sexe ! Et en plus, y’a un pouce en l’air, comme sur Facebook ! Oui, mais on a beau être jeunes, on est grands maintenant. Déjà, Facebook, c’est out. Maintenant c’est Twitter, c’est Instagram, c’est Vine, et de toute façon, t’as accepté trop de gens chelous sur le réseau bleu foncé et t’en as marre de faire le ménage. Ensuite, l’allusion au sexe. Wouahou. On n’avait pas fait ça depuis Gainsbourg et sa déclaration enflammée à Whitney Houston. Allez, disonsle, ça t’a fait l’effet d’un reportage sur TF1 où ils auraient pas flouté une cigarette. « Tiens, on voit une clope ! », « Tiens, on parle de cul ! » Même combat. C’est ta vie de tous les jours que tu vois indéfiniment édulcorée dans les médias, et d’un seul coup,

hop ! On a l’impression qu’ils se rappellent ce que c’est de vivre normalement. Avec des blondes et des bites. Et c’est là que survient le drame. Déjà, à cause de moi, tu as perdu toute l’euphorie du début de ta lecture, et en plus, tu n’es pas au bout de tes déceptions. Car l’accusation arrive, et en plus, comble de l’horreur, elle vient de chez nous. Le Bien Public a en effet fait une révélation déroutante : ON A TOUT PIQUÉ AUX BELGES. Alors, c’est comme ça ? On prend les idées de slogans et même pas celle des maisons closes ? Ah, dans quel monde on vit. Car oui, mon petit, ce slogan a été lancé en 2012 par le Conseil des Femmes Francophones de Belgique. Une belle affiche a été faite, avec une femme médecin, stéthoscope à l’appui, qui promeut la présence des femmes en politique. « Troubles de l’imagination », nous balance le quotidien 20 Minutes. Ça, ça fait mal au chauvinisme. Bon, tu adhères ou tu adhères pas, le message est quand même là. On en a beaucoup parlé, c’est l’essentiel, j’espère que t’as pas oublié de t’inscrire. Oui, j’aurais dû te prévenir dans le numéro de décembre pour être plus efficace, parce que maintenant c’est trop tard, mais peu importe. À noter quand même que le combat contre les troubles de l’élection, ça sert aussi à prévenir les embouteillages de fin d’année. Car comme m’a dit l’employée de ma commune le 31 décembre à 16h30, devant mon dossier d’inscription et la file d’attente d’au moins 20 personnes derrière moi : « C’est bien de s’inscrire, mais bon, y’en a qui ont un réveillon à préparer quoi.» À bon entendeur... // M.T.

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crash test

Tu t’es vu quand tu fais tes courses ?

Descriptif faussement sociologique de différentes enseignes locales lors de tes achats quotidiens. Sache, jeune ou moins jeune Dijonnais, qu’à travers tes lieux privilégiés de consommations, Sparse is watching you. Edouard Snowden aime ça. Emballé c’est pesé.

par jeff buckler, À LA CAISSE illustration : HÉLÈNE VIREY

Colruyt

(Velars-sur-Ouche)

monoprix (Centre Dauphine) Parce que deux entrées au cœur de l’hypercentre historique. Parce que t’as vu la taille du rayon picole. Parce que les escalators, feignasse. Parce que la caisse secrète près de l’ascenseur. Mario et Luigi aiment ça. Parce que c’est ton endroit de prédilection pour chourave. Parce que comme Highlander et Jean-Pierre François, il te survivra. Tu es : un salarié lambda. Ou un lycéen en plein apprentissage de la vie.

Parce qu’après leur implantation massive en plaine de Saône, ils s’attaquent à la vallée de l’Ouche. Parce que j’ai trop de respect pour leur logo orange. Parce que pour une fois que les Belges nous la mettent. Parce que c’est le seul ticket de caisse au format A4. Parce que t’aimes pas avoir le choix. Parce que tu peux remplir le coffre de ta caisse en moins de 20 minutes au cul du hangar. Tu es : le propriétaire d’un break. Ou un intermittent du spectacle (cf : les principaux habitants de la vallée de l’Ouche).

supÉrette berbisey

Le marché des halles

(94, rue Berbisey)

Carrefour

(Grand Marché, Quetigny)

Parce que putain, depuis 1967, prends ça la Toison d’Or. Parce que t’es pas agoraphobe. Parce qu’en fait t’aimes bien les balades en famille. Parce que pour toi le combo parfait du samedi c’est : Carrefour + Décathlon + Fly + Mc Do + Ciné Cap Vert = <3. Parce que tu as toujours eu un rapport privilégié depuis ton enfance jusqu’à ton permis avec ton caddie. Parce que pour toi le combo plus que parfait du dimanche c’est : Téléfoot + Repas dominical + Départ de Formule 1 + Tour du lac Kir + Vivement Dimanche = <3<3. Tu es : un habitant de la plaine de Saône. Ou tu es bientôt un habitant de la plaine de Saône.

leclerc drive

(Les Halles)

Parce que tel un candidat aux élections municipales, tu peux serrer des paluches à la chaine en faisant tes courses. Parce que la ferme en ville. Parce que, comme John Hammond dans Jurassic Park, tu aimes dépenser sans compter. Parce que c’est la seule raison qui te force à te lever le week-end. Parce que tu achètes local et par là-même tu t’achètes une bonne conscience. Parce que finalement c’est le café en terrasse avec tes ami(e)s dans un bar alentour que tu préfères. Tu es : l’auteur de cet article. Ou l’auteur de l’article précédent.

Parce que c’est la plus classe des épiceries de nuit. Parce que ton alimentation se compose principalement de gâteaux apéros et de boissons alcoolisées. Parce que tu peux parfois aussi, par nécessité, acheter une pomme et du PQ. Parce que les 35 heures, les fermetures le dimanche et les lois sur la réglementation du temps de travail en général. Parce que « Bonsoir Missieur ». Tu es : @sparsedijon. Ou à l’arrache.

norma

(54, rue de Dijon, Daix)

Parce que pour toi la crise, c’est pas qu’un concept. Parce que t’as pas mis ton alimentation au centre de ta vie. Parce que c’est sympa d’avoir le choix entre une marque allemande et une autre marque allemande, prends ça Jean Moulin. Parce que les shampoings en bidon de 10L. Parce que le casier bazar et ses produits improbables. Parce que ça fait du bien d’avoir l’impression d’être un peu riche ou un peu moins pauvre. Tu n’as pas d’âme. Ou tu l’as déjà vendue au diable.

La vie saine

(ZAE Dijon Nord)

(29, rue Musette)

Parce que toi, tu as mis ton alimentation au centre de ta vie. Parce que faut pas non plus déconner, tout le monde ne gagne pas 4.000€ par mois. Tu es : un fondamentaliste du goût. Ou Bernard Tapie.

Parce qu’Internet c’est ta vie. Parce que ta bagnole c’est ton autre vie. Parce que t’as déjà passé bien trop de temps chez IKEA. Parce que pendant ce temps-là, ton mec est au Soccer 5 avec ses potes. Parce que tu n’as aucun respect pour le métier de caissier. Parce que t’en as rien à battre des têtes de gondoles. Tu es : une working girl. Ou tu es enceinte.

R.I.P. Suma, Mammouth, Champion. Notre honneur nous a imposé de ne pas fréquenter une AMAP.

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rétro

par MR. CHOUBI image : DIJONAVANT.COM

Souviens toi, quand t’avais 15 ans dans les années 80 à Dijon.

Pour te goinfrer un semblant de Big Mac, t’étais obligé d’aller au Inn’Burger, avenue Foch. En colo, tu répondais « oui, oui... » à la question : « Dijon, c’est la moutarde, non ? » Pour rien au monde, t’allais t’aventurer au-delà de l’avenue du Drapeau. C’était la jungle. Tes parents galéraient pour garer leur 405 place de la Lib’. T’hésitais à supporter le Cercle Dijon ou le Dijon FC… en finale, tu trippais sur Szarmach et l’AJA.

Pour soigner ta coupe mulet, t’allais au Studio Jacques, rue du Bourg.

Tes frangins te racontaient qu’ils provoquaient des pogos à l’Acropole juste pour essayer leurs nouvelles Doc Martens à bout coqué.

Les fiertés locales s’appelaient les Calamités, Résistance ou Norma Loy, mais toi, t’allais écouter Etienne Daho au Forum.

T’essayais de voler des K7 audio à Prisu. La devanture Art déco du cinéma Grangier te faisait kiffer. Enfin, surtout parce que c’était un ciné porno.

Pour crâner le lundi, tu disais que t’étais allé boire de la Jenlain au Bar Déco.

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Tu te sentais un peu comme un banlieusard avec ta carte Transco. Tu prenais sur toi pour aller boire une menthe à l’eau au Lion afin de mater deux-trois p’tites pépées de la fac de Droit. Enfin, tu croyais que c’était Poujade qui avait fondé Dijon…


« Le lien idéal entre la beauferie populaire et le snobisme culturel »

tous les jours sur www.sparse.fr

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fiction

maudit jacky par CÉDRIC CUCCIA ILLUSTRATIONs : HÉLÈNE VIREY

Dijon, vendredi 5 janvier 2001.

L

a télévision projetait sa lumière bleutée sur les murs blancs du salon familial. La pièce s’illuminait et devenait soudainement sombre au rythme des images du journal de vingt heures. Au-delà de la luminosité de la pièce, toutes les habitudes des Bouzon étaient rythmées par la télévision : l’heure des repas le midi dépendant des horaires du jeu télé du moment, la publicité, qui octroie le droit d’aller aux toilettes ou encore la douche matinale, qu’il faut aller prendre après la chronique médicale de la deuxième chaine. Pourtant déjà bien avancée sur ce point, la petite lucarne avait presque terminé de débiliser cette petite famille. Plaquée sur le verre bombé, Claire Chazal continuait à présenter les informations de façon grave, passant pourtant de la découverte d’un squelette possiblement relié à Emile Louis aux improbables fiançailles de Kevin Costner avec une gamine. Coline regardait tout cela du fond de son canapé. Non, elle ne se contentait pas de regarder : elle s’en nourrissait. Comme si, l’espace d’un instant, elle oubliait sa vie de merde en se projetant dans celle des autres, pourtant souvent guère plus réjouissante. Jacky, lui, s’en contrefoutait. Il était là parce qu’il n’avait pas d’autre endroit où aller. Oh, il avait tenté, une fois ou deux, d’aller boire des bières avec les copains et de rentrer très tard mais Coline avait tellement été en colère qu’elle ne lui avait pas adressé la parole pendant plusieurs jours. Et, même si elle ne raconte jamais rien d’intéressant, Jacky aime l’entendre parler, sa Coline. Cela occupe l’espace et le temps. Alors il avait arrêté de voir ses potes. Et puis de toute façon, avec quel argent aurait-il continué ? « Mémère », comme il l’appelle, passait ses journées sur le canapé à regarder des téléfilms aussi niais les uns que les autres. Bien entendu, elle levait son gros derrière parfois pour repasser un T-shirt ou pour prendre une douche. Elle sortait même faire quelques courses parfois quand Jacky lui laissait la carte bleue. Tous les matins, Jacky partait au boulot, trimait toute la journée à l’usine pour ne revenir que le soir et s’apercevoir que sa femme avait avalé l’équivalent de la moitié de son salaire du jour en sucreries et autres saloperies. Puis, ils dinaient. Jacky écoutait patiemment les plaintes en tous genres

de Coline. Elle avait toujours un truc qui clochait. Et enfin, comme ce soir, ils se retrouvaient devant la télévision pendant que leur fille, Jennifer, s’enfermait dans sa chambre. Jacky commença à en avoir ras-le-bol de ce train-train. Il sentait que les douze dernières années de sa vie, pauvres en émotions et riches en emmerdes, n’étaient qu’un avant goût de sa vie future. Mais il l’acceptait. Pour l’instant. Alors que le générique du journal de la Une retentissait dans la pièce, Jacky fut pris par une soudaine envie d’uriner. Il se leva du canapé et se dirigea vers les toilettes. Il ouvrit la porte et une voix, provenant du fin fond du canapé, le fit sursauter : « Et t’en fous pas partout comme d’hab, hein, pépère ?! » Il ne put se souvenir depuis quand la voix de sa femme l’agaçait autant qu’une invasion de moustiques l’été, au camping. Elle lui avait presque coupé l’envie de pisser. Pour l’emmerder, il fit exprès de disperser quelques gouttes, par-ci par-là, et de laisser la lunette des toilettes relevée. Il pensa malgré tout à tirer la chasse au cas où leur débile de gamine passerait après lui. Si elle daignait un jour sortir de sa chambre. À sa sortie des toilettes, Jacky fut accueilli par les sauts de joie de Bunny, leur chienne bâtarde. Une espèce de mélange entre un yorkshire et un caniche. Une bestiole, mignonne lorsqu’elle n’avait que quelques semaines, finalement devenue ignoble à faire flipper les 101 Dalmatiens, Croc-Blanc et peut-être même le chien des Baskerville. En juillet 1998, Jacky était tellement heureux de la récente victoire des potes de Laurent Blanc qu’il avait fait plein de conneries. L’une d’elle a été, contre l’avis de sa femme, d’acheter ce chien à leur fille, alors âgée de 9 ans. Jennifer était si heureuse qu’elle lui avait donné le nom de cette gamine de dessin animé qui parle à un chat avec une lune collée sur le front. Bunny. La télévision avait donc même décidé du nom du chien. Bunny sautait et gratouillait les cuisses de Jacky. Elle n’avait d’yeux que pour lui puisque, de toute façon, il n’y avait plus que lui qui s’occupait d’elle. Sa fille s’en était très vite lassée. Il faut dire que s’il eut été possible de mesurer le quotient intellectuel des chiens, celui de Bunny aurait largement été inférieur à la moyenne. Jacky

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maudit jacky

regarda l’heure. 20h30. Bunny devait avoir envie d’arroser les rues de Dijon. Jacky prit cela comme une aubaine : il allait pouvoir respirer, hors de cet appartement. Il enfila une veste chaude et attrapa la laisse. Bunny montra sa joie en sautant sur elle-même de façon ridicule. Jacky avertit Coline de sa sortie. Cette dernière ne lui répondit que par une sorte de grognement. Voyant sa femme terminer un cône glacé les yeux rivés sur la télévision, Jacky se hâta de sortir et claqua la porte. Il prit ensuite les escaliers pour dévaler les trois étages qui le séparaient de la rue Jean-Jacques Rousseau. Une pluie fine tombait mais Jacky respira l’air frais, en prenant une grande inspiration. Bunny tira sur sa laisse, par à-coups. Comme une invitation à la suivre. Ou un ordre. Puisque, comme d’habitude, c’est Bunny qui choisira le trajet de la balade. Elle tirait à gauche puis à droite selon ce que sa truffe reniflait. Jacky et Bunny se retrouvèrent rapidement rue Jeannin où elle posa, juste devant le numéro quatre de la rue, une crotte d’une taille fantastique pour un chien de son gabarit. Elle gratta le bitume et tira Jacky dans la rue de la Chouette, quelques

mètres plus loin. C’est ainsi que, dix minutes après avoir quitté sa femme et tout ce qu’elle représentait de médiocre dans sa vie, il se retrouva nez à nez avec la Chouette. L’emblème de la ville de Dijon. L’emblème de sa ville. La vision de cette forme, polie par les mains droites de milliers de touristes et par les mains gauches des locaux, provoqua en lui quelque chose que l’on pourrait décemment appeler une révélation. Comme ces relents ignobles après avoir abusé de croûtons à l’ail dans sa soupe de poissons, des bribes de souvenirs se mirent à voler devant ses yeux et il se vit, lui, quelques années plus tôt, au même endroit. Il n’avait que 18 ans à l’époque. C’était un 14 février, soir de la St Valentin. Il était sorti, mentant à ses parents sur l’éventuelle jolie jeune fille qu’il devait rejoindre au restaurant. Son père était si fier que son fils sorte enfin avec une fille qu’il lui avait donné deux cents francs pour qu’il la régale. Ces parents ne savaient pas, qu’en réalité, personne n’attendait leur boutonneux de fils. Ils ne savaient pas que personne n’avait jamais attendu celui que ses camarades de l’école appelaient le jardinier tant il collectionnait les râteaux.


fiction

Le jeune Jacky avait passé sa soirée à errer dans le froid hivernal bourguignon. Il passait devant les fenêtres des restaurants aux travers desquelles il pouvait apercevoir et envier une foultitude de couples se regardant dans les yeux en se disant, pensait-il, des mots d’amour, en se touchant les mains et le cœur. Il traîna de longues minutes, l’âme en peine, jusqu’à tomber nez à nez avec cette excroissance sur l’église Notre Dame. À cet instant précis, il en était sûr : cette chouette allait réaliser son vœu le plus cher, celui de trouver très rapidement la femme de sa vie. Il colla à trois reprises sa main gauche sur le corps lisse de l’animal et ferma les yeux : le vœu était fait. Croyait-il sincèrement que celui-ci allait se réaliser ? Sans doute. Mais, quelques semaines plus tard, lorsqu’il rencontra Coline, la fille d’un copain de chasse de son père, Jacky ne pensait déjà plus à cette froide nuit de février. Bunny avait enroulé la laisse autour des jambes de Jacky, pendant que celui-ci, posté devant le volatile rocheux, se souvint de ces moments. Il fit un rapide lien avec sa vie actuelle et tout lui sembla clair : la chouette avait réalisé son vœu. Il avait rencontré Coline, cette grande brune sportive à l’époque, qui était devenue la femme de sa vie et la mère de sa fille. Il rebroussa chemin, tirant par la laisse la pauvre Bunny qui voulait continuer la balade. Sur le trajet du retour, il se remémora comment il était devenu père seulement deux années après la rencontre avec la Chouette. Comment il dut assumer cette enfant, stopper ses études et revoir ses ambitions à la baisse. Il revit le jour de son mariage où sa future femme, même engoncée dans la plus belle des robes, était devenue une femme comme une autre pour ses yeux myopes. Il se remémora quand ils avaient dû venir vivre dans cet appartement miteux étant donné ses revenus, trop faibles pour nourrir trois bouches et leur offrir un cadre de vie fabuleux. Il se remémora quand Coline entama une lente connexion psychique et physique entre elle, le réfrigérateur et le canapé du salon. Grimpant les escaliers de l’immeuble Jacky se souvint de toutes ces choses en maugréant. Il expira un grand coup et ouvrit la porte. « Quelle vie de merde », pensa-t-il en entrant dans son appartement.

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Il libéra Bunny de sa laisse et se dirigea vers le salon. Sa femme était toujours le nez rivé sur la télévision. Cette femme qu’il avait souhaitée. Il l’avait devant lui, prenant un peu plus de place que prévu sur le canapé. L’avait-il souhaitée telle qu’elle était désormais ? Elle avait ouvert une des rares boites de chocolats qui avait tenu le coup de Noël à ce vendredi soir. Il avait surement dû oublier de préciser à la Chouette quel type de femme il souhaitait chérir. Coline continua à s’empiffrer sous ses yeux, enchaînant les chocolats comme Yoshimitsu et les coups de sabre. Obnubilée par la télévision, elle n’avait même pas détourné son regard lorsque Jacky était entré dans la pièce. Il avait zappé tant de choses lors de son souhait. Des bruits de pas derrière lui signifiaient que sa fille était sortie de sa chambre. Au milieu des fautes de conjugaisons, Jacky compris que Jennifer voulait le dernier CD deux titres de Zazie. Jacky ne répondit pas. Il sentit la chaleur de la colère monter en lui. « Quelle vie de merde ! » pensa-t-il à nouveau. Il serra les poings. Jennifer venait de repartir dans sa chambre en le traitant de radin. Lui qui lui avait pourtant tout donné. Il le savait désormais : il allait commettre l’irréparable. Il devait le faire. Une voix dans sa tête le lui ordonnait. Sans dire mot, il sortit de l’appartement en claquant à nouveau la porte. Il descendit les escaliers et ouvrit leur cave. Il chercha quelques instants dans le capharnaüm pour en extraire une boite à outils de laquelle il sortit un large marteau. Maintenant, il pouvait commettre l’irréparable. Remettre les choses à leur place pour peut-être revenir en arrière. Quelques minutes plus tard, il se trouva devant elle. Celle qui avait gâché toutes les dernières années de sa vie. Il était seul avec elle. Il s’assura que personne ne put voir ce qu’il allait lui faire. Elle ne vit rien arriver non plus. Comment en aurait-il pu être autrement ? Jacky sortit le marteau qu’il avait caché sous son survêtement. En une seconde, il le brandit dans les airs et le laissa s’abattre sur celle qui avait ruiné sa vie. Dans un bruit sourd et sinistre, le marteau frappa une première fois la cible. Jacky observa rapidement la marque que son arme avait faite sur son ennemie qui demeurait immobile. Il fut envahi par une incroyable excitation. Il souleva à nouveau le marteau au-dessus de sa tête et frappa, plus fort cette fois. Ses yeux se fermèrent par réflexe lorsque son visage fut mitraillé par des projections. Lorsqu’il les rouvrit, il fut déçu de ne voir qu’une marque de plus. Il lui en fallait plus. Jacky frappa à nouveau. Une dernière fois. La haine avait donné assez de force à ce dernier coup de marteau pour briser sa victime. Il sentit le marteau continuer sa course. Jacky jubila en voyant des morceaux gicler dans tous les sens et ce, malgré la douleur vive que lui octroya un nouvel éclat en percutant son œil gauche. Il contempla son œuvre de son œil valide. Ce dernier coup avait emporté une partie de la face. Jacky sourit. Un sourire d’enfant béat qui se fit plus large lorsqu’il s’aperçut que toute la partie gauche de l’excroissance architecturale avait volé en éclat, la privant de son aile gauche. L’oiseau totem n’était plus. Jacky porta enfin son regard sur les morceaux de roches qui jonchaient pitoyablement le sol. Se sentait-il mieux désormais ? Bien entendu, oui. Elle lui avait gâché la vie et il était désormais vengé. La Chouette ne maudirait plus personne. Car il l’avait brisée. Maudit Jacky. // C.C.


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lexique par la rédaction illustration : david fangaia

Catering : Dans le domaine du spectacle, c’est la cantine, les repas servis aux artistes, membres du personnel, techniciens, etc. Un endroit également où l’on peut croiser tout un tas de parasites, gratteurs de nourriture et personnages toujours prêts à « te prendre un p’tit café ».

Gig : Date de concert. Ce mot anglais est également très utilisé par les DJ français qui veulent paraître intéressants. « J’ai un gig ce week-end » ; « Ah cool, où ça ? » ; « À Limoges ». Booking : Réserver un hôtel, un train, une date pour un concert. Organiser un événement. Ce mot anglais est également très utilisé par les DJ français qui veulent paraître intéressants. « Je suis booké sur un gros plateau ce week-end » ; « Ah cool, où ça ? » ; « Au Hit-Club ».

Vegan : Végétalien. S’alimente uniquement de végétaux en supprimant tous les produits d’origine animale comme le lait et les œufs. Hipster : Vient de « hype ». En fait, c’est un terme des années 40 : les jazzeux branchouilles à contre-courant fans de Charlie Parker. Est utilisé depuis quelques années pour désigner les mecs branchouilles fans de musique ultra indée, trop à la mode mais un peu fauchés de New York. Puis de Dijon. Stylé slim, chemise de bûcheron, pull islandais avec motifs chevreuil, barbe longue et cheveux bien courts sur le côté. Désormais, le terme est galvaudé, il est utilisé par des gens moins fins, moins cool et qui ont moins d’entregent que toi. On est tous le hipster de quelqu’un.

Do it yourself

: Qu’on peut lire parfois « D.I.Y. ». Philosophie consistant à faire les choses par ses propres moyens.

République de la fête : Système politique et social idéal instauré en France en 2014 par David Lanaud du Gray. Bobo : N’est pas seulement le nom de famille du rédac’ chef de ce magazine. Un bobo (bourgeois/bohême), c’est plutôt quelqu’un de cultivé, bien

pensant, un peu friqué qui consomme bio et fair trade parce qu’il a les moyens de le faire. Il fait monter le prix des loyers dans tous les quartiers encore cool mais fait vivre la plupart des structures culturelles de la ville. Désormais, le terme est galvaudé, il est utilisé par des gens moins instruits, moins cools et qui ont moins d’argent que toi. On est tous le bobo de quelqu’un.

Val de Saône ou Dirty Saône Valley : Le petit Nevada Bourguignon. La plaine, les patates, les oignons, l’amour entre frères et sœurs, la

peur de l’autre, les fusils, les faits divers.

Wawache ou ouaouache : Quelqu’un de gentil, plein de bons sentiments, et terriblement naïf. Il peut porter des dreads et des sarouels. Il veut

rencontrer des gens et partager avec eux en sauvant l’Afrique. Qui l’attend bien entendu. Et, bien qu’il puisse avoir 15 ans comme 40 ans, il n’a encore pas compris que derrière le mot responsabilité se cachait des gens qui comptaient sur lui. Mais il est sympa, et n’a pas son égal dans le maniement des bolas enflammées. Désormais, le terme est galvaudé, il est utilisé par des gens moins optimistes, moins cools, et qui payent plus d’impôts que toi. On est tous le wawache de quelqu’un.

Fange : Déviance dangereuse du wawache. Quand le wawache est devenu sale et crâmé sous substance en permanence. Bref, qu’il a perdu son côté bisounours c’est une fange. Il cache sa feignantise avec des diatribes anti-système. II a troqué des bolas pour un chien, le partage pour la taxe, les tatouages au henné pour des trucs en métal plein la gueule. Boue épaisse de fond de caniveau. Pimp : À la base, c’est le proxénète, le maquereau. Très prisé des rappeurs US et largement utilisé maintenant dans l’argot, le mot signifie aussi « tuner» (de tuning) lorsqu’il est utilisé en tant que verbe, mais aussi « cool » ou « stylé » quand il devient un adjectif. Par exemple, tu pourras maintenant dire à tes potes américains : Sparse is a pimping magazine !

Snapchat : Application mobile qui consiste à prendre des photos ou des vidéos et à les envoyer à des gens avant qu’elles ne disparaissent au bout de quelques secondes. Genre, c’est top secret. Ou c’est ta bite. Comme ça le lendemain de cette soirée arrosée, t’as oublié, et ton téléphone aussi. En espérant que la demoiselle n’ai pas fait une capture d’écran...

Barge : En anglais, c’est la péniche. Et pour une fois, ce sont les britanniques qui nous ont piqué ce mot qui est en fait du vieux français. Voire du très vieux français (origine attestée en 1.300 selon Internet).

Spoiler : Quand un mec te gâche ton plaisir et te raconte la fin du film. Exemple : « T’as vu le Sixième sens ? » ; « Non». « Hé ben Bruce Willis, il est mort depuis le début du film en fait. » Saloperie de spoiler.

Anchorman

: C’est le présentateur principal d’une émission de télévision, celui qui « passe les plats » à ses contributeurs, chroniqueurs, reporters, etc.

E.P.

: Terme anglais. Extended player. Contraire de L.P. : Long player. Un long player, c’est ce qu’on appelle un album. Un E.P., ça contient 4 ou 5 morceaux. Quand j’étais minot, j’appelais ça un maxi. L’artiste peut le sortir quelques mois avant l’album, pour te préparer. Ou s’il n’a pas assez de pognon pour sortir un album, mais qu’ils veut quand même pouvoir faire écouter sa musique à des gens qui pourraient le faire jouer sur scène. Ce qui est le seul moyen de gagner sa vie pour un musicien depuis la crise du disque. Et depuis que tous les gamins sont habitués à avoir du son pour pas un rond. 81


cartographie

Ces délinquants sexuels qui nous enTOURENT aube Il se masturbait à la sortie du collège: quatre mois de prison 17 octobre 2013 (Troyes)

haute-marne

Exhibition sexuelle : 18 mois ferme pour un multirécidiviste

Exhibitionniste suite à une opération des testicules

04 février 2014 (Sens)

19 juillet 2013 (Essertenne-et-Cecey)

L’exhibitionniste du canton de Mirebeau a été arrêté

côte d’or

02 mai 2013 (Renève)

yonne Un jeune de 18 ans exhibait fièrement son sexe devant les passants

haute-saône

Il s’exhibait devant les infirmières 14 janvier 2014 (Is-sur-Tille)

25 janvier 2014 (Besançon)

29 juin 2012 (Dijon)

Il se masturbait dans sa voiture 15 mars 2013 (Dijon)

Ils se masturbaient aux yeux de tous, place Darcy 30 juin 2012 (Dijon)

Il se promenait à moitié nu sur la place Chaméane à Nevers

Exhibitionnisme : un élu de Besançon en mauvaise posture

Interpellé en train de se masturber dans la rue

Doubs

111 novembre 2012 (Dijon)

À 76 ans, il se masturbait devant deux mineurs 05 septembre 2013 (Chenôve)

Saint-Jean-de-Losne : corruption ou exhibition ?

24 août 2013 (Nevers)

23 mai 2012 (Saint-Jean-de-Losne)

nièvre

jura

Il se masturbait en public régulièrement

saône-et-loire

06 juin 2013 (Chalon-sur-Saône) 82


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Dans le cadre d’Action, 5ème édition - atheneum VEN.21 MARS à 19H MONSTRES-MOI Théâtre Clown | par Catherine Gourdon

JEU.27 MARS à 20H30

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L’ÉVIDENCE MÉRITE-T-ELLE UNE EXPLICATION ?

LA PROMENADE DES ÉLOIGNÉS Théâtre Jonglé | par Frédéric Pradal

Dans le cadre du Festival INTERLUDE avec CirQ’ônflex VEN.4 AVRIL à 20H30

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JEU.10 AVRIL à 19H : atheneum et à 20H30 : TM

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le PESM et le Département de Musicologie de l’uB JEU.17 AVRIL à 20H30

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Rens./ Résa. 03 80 63 00 00 - www.theatre-mansart.com

ÉCLOSION 5ÈME ÉDITION Théâtre | par le Théâtre Universitaire de Dijon

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Pratiquer ou observer la danse et/ou la musique | par la Cie Numb

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