Sparse 40 (Décembre 2022)

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10 ans d’infos pures, et de vérités brutes à deux pas de chez toi

sparse | numéro 40 BEST OF 10 ans | trimestriel déc. jan. fév. 2022 - 2023 • www.sparse.fr Imprimé à beaucoup d’exemplaires À lire sur le trône GRATUIT BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ
148 pages de légende Depuis 2012

édito.

Été 2012, Sparse est un blog dijonnais créé depuis 2 ans, qui cause de culture et de musique avec un ton un peu déglingue et qui marche plutôt pas mal. On est à l’époque du premier algorithme Facebook, les clics et les likes pleuvent comme des codes promo dans une vidéo d’instagrameur. C’est Pierre-Olivier Bobo (c’est son vrai nom), qui l’a crée avec une petite équipe, vite rejoint par certains membres de Radio Campus à Dijon, dont je faisais partie. C’est pendant cet été 2012 que Pierre-Olivier Bobo m’a glissé sans ciller : «On va faire un magazine, un magazine papier, ça va être cool, et ça va marcher.» Je lui ai répondu «Arrête de dire n’importe quoi, plus personne ne s’intéresse au papier à part nous, reprends une bière et redescends.» Comme quoi j’étais un putain de visionnaire… Depuis, Pierro est parti vers de nouvelles aventures mais il est bon de redire que tout ça, c’est grâce à lui. Ça a marché tout de suite, dès le numéro zéro, sorti en septembre 2012. Au départ on n’opérait que sur Dijon, depuis les locaux de Radio Campus (forcément, on y travaillait). Et c’est pour ça que Campus sera toujours le frangin de Sparse. Depuis on a développé, on a créé de l’emploi. On a travaillé les images, les textes, et fait grandir notre réputation de branleurs sérieux. (Auto-analyse, Freud, si tu nous lis). Et puis on est allés dans toute la BourgogneFranche-Comté à partir de 2014. À l’époque, la grande région n’existait pas et les Bisontins nous regardaient avec des gros yeux (« Mais qu’est-ce que vous faites ici ? »). Maintenant, c’est devenu nos potes et de grands lecteurs de Sparse. On aime la Région, on s’y trimballe tous les jours. On a des correspondants à Besac, Chalon ou Mâcon. On a nos ronds de serviettes à Montbéliard, Nevers ou Belfort... LA BFC, c’est 3 millions d’habitants, des initiatives originales dans tous les sens, des gens qui veulent faire vivre leur coin, des villes qui bougent... Tout un tas d’énergies qui ne nous font pas regretter de ne pas être montés à Paris faire «carrière» comme beaucoup. On a des partenaires aux 4 coins de la Région, on se fait confiance, on les voit avec plaisir, et on les met en valeur avec passion. (Wahou ! la phrase qui tire les larmes...). Les anglais disent home, on dit BFC.

Le magazine que vous avez dans les mains est une sélection soignée des 10 dernières années. Ça a été extrêmement difficile de choisir, on aurait bien tout gardé, mais c’était compliqué de faire un Best Of de 3000 pages. On a essayé de montrer de manière chronologique ce qui a fait le mag depuis sa création. Les gonzos des débuts, les interviews, les enquêtes, les fameuses immersions, les BD, les fausses pubs, les rubriques, les faux publireportages dont on nous demande à chaque numéro si ce sont des vrais... La culture, la musique bien sûr, mais aussi les phénomènes de sociétés et les problématiques environnementales qui traversent la Région, et un peu de déglingue. Vous trouverez un peu de tout. Un peu de tout ce qui fait Sparse. On a aussi voulu montrer la richesse de tous les contributeurs (rédacteurs, photographes, graphistes...) qui sont passés par Sparse. Ce Best Of en compte une petite quarantaine sur les presque deux cents qui ont donné de leur temps et de leurs talents pour pas un rond. Certains sont là depuis le début, d’autres viennent d’arriver. Certains sont restés deux mois, sont repartis, revenus, certains sont partis vivre ailleurs mais continuent de participer...

Vous trouverez la substantifique moelle de ce qu’on a pris tant de plaisir à faire ces dix dernières années et qu’on espère que vous prenez tout autant de plaisir à lire. Eh ! On a fait un Best Of mais c’est pas fini, hein ? Le mag sera toujours gratuit, et garanti sans publireportage. On se retrouve dès le mois de mars pour le numéro 41. J’ai envie de chialer. Merci à tous ceux qui construisent Sparse avec nous, à tous les partenaires qui font des choses dont on peut parler, aux relecteurs, aux diffuseurs, à Pierre-Olivier Bobo, à Frank Le Tank qui a pris la suite, à Mr Choubi pour la couverture de ce Best Of et à Cédric de Montceau pour sa mise en page, à Nils Bruder pour Besac, à la Péniche Cancale, à Radio Campus, à Sophie Brignoli, Alex Claass et Martial Ratel depuis le début. Merci à Est Imprim’ pour le geste.... Et à beaucoup d’autres... J’en profite pour embrasser mes parents, ils sont cools. Bisous.

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Par Chablis Winston

ils ont fait Sparse ces 10 dernières années

Rédacteurs, rédactrices, photographes, relecteurs, relectrices, illustrateurs, illustratrices, diffuseurs... Ils sont passés, ils sont partis, ils nous ont rejoints, ils sont revenus, ou ils sont encore là... Merci.

Isabelle Alonzo

Vincent Arbelet

Germain Arfeux

Giorgio Armagnac

Jean-Christophe Auroy

Mr B

Géraldine Baby Badneighbour

Jérémie Barral

Loïc Baruteu

Nicolas Bey

Baptiste Binet

Thierry Binoche

Thierry Blandenet

Alix Blk

Stéph Bloch

Amélie Bobo

Pierre-Olivier Bobo

Nicolas Boeuf

Myriam Bouayed

Aline Bonnefam

Juliette Bordy

Victoire Boutron

Sophie Brignoli Nils Bruder Jeff Buckler

Mlle Caleuleu

Anne-Sophie Cambeur

Romain Callange

Alice Capezza

Gilbert Carpentier

Hélène Cassis

Maëlle Caugant

Aline Chalumeau

Martin Caye

Bobby Chapatte

Alice Chappau

Zoé Charrier

Laëtitia Chauvin

Pauline Chevalier

Mr Choubi

Alexandre Class

Chloé Cloche

Florentine Collat

Guillaume Constant

Vincent Courtois

Steeve Crétiaux

Nickdass Croasky

Cédric Cuccia

La Cuvette

Laëtitia Dechambenoit

Georges Deep Delphine Depetro

Lucie Desbrosses

Alexis Doré Matthias Douriaux

Paul Dufour

Sophie Dumanche Apolline Dujon

Lilian Elbé

Valentin Euvrard

Nathalie Eyraud

David Fangaia

Charlotte Félix

Paul Ficcione

Pierrick Finelle Matthieu Fort Maître Fougnard

Cerize Fournier

Bastien Francoulon

Frank Le Tank

Vittorio Fratello

Delphine Fresard

Simone G

Simon Galley

Antoine Gauthier

Roxane Gauthier

Axelle Gavier

Arthur Gérard

Antony Ghilas

Marion Godey

James Granville (RIP)

Jean-Paul Gouter

Yannick Grossetête

Arthur Guillaumot

Clément Guillet

Chloé Guillot

Raphaël Helle

Béatrice Jannin

Clara Jodon

Kevin Keagagne

Le Kiosque

Amandine Klos

Emma Lahalle Erika Lamy

Thomas Lamy Julien Lasota Mathilde Leconte

Stephanie Legnaro Lise Lejoncour Antony Looser Bruno Louchin Ludo Machin Fabrice Magniez

Julien Marras Marie-Juliane Marques Lucas Martin Chantal Masson Antoine Massot Mhedi Merini

David Meugnot

François Meylan Maïa Mignotte Mireille Yvan Moal

Renaud Monfourny Cédric de Montceau

Maria Mood

Jacques Moreau Ophélie Morel

Aurélien Moulinet

Benjamin Moreux Benjamin Moutte Yas Munasinghe

Kenza Naimi

Thomas Naulin

Suzy O Marine Pataille Marion Payrard

Elena Pearl

Elodie Perret

Thaï-Binh Phan-Van Julian Pietro-Giorgeri Cyrille Pichenot

JC Polien

Jean-Pierre Porno

Jean-Paul Pupillin

Katy Purry

Martial Ratel

Ladislas René

Riddim Dim

Doug Ritter

Coline Roos

Pedro Rosa Marine Roucou

Edouard Roussel

Pierre Roussel Nathan Roux Max Rozzi

Régis de Saint Amour Ornella Salvi

Michaël Sallit

Aurore Schaferlee

Jean-Charles Sexe Léa Signe

Bruno Simon Caroline Sire

Tonton Steph

Charlie Suchaut

Christophe Tassan

Marie Tello

Léo Thiery

Augustin Traquenard

Romain Tremoy

Pierre-Loup Vasseur

Louise Vayssié

Nicolas Vayssié

Leos Van Melckebeke

Emmanuelle Vein

Ricardo De La Vella

Géraldine Vernerey

Pierre Veschambre

Hélène Virey

Estelle Vonfeldt

Nicolas Waltefaugle

Chablis Winston

Laurence Yalamow

Pierro Yap

Léa Zamolo Diego Zebina

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musicale E. Askren mise en scène D. Pitoiset

Le Tour d’écrou Britten

26 fév. – 2 mars granD théâtre Belleville 2022 © Opéra national de Bordeaux 2008 –Licences L-R-20-10149, L-R-20-10150, L-R-20-10151, L-R-20-10152 2022 2023 opera-dijon.fr
opéra direction

ours

Ce magazine est édité par Sparse Média Siret : 750 725 806 00038 - APE : 5814Z www.sparse.fr - contact@sparse.fr media.sparse.fr - boutique.sparse.fr

DIRECTEUR DE PUBLICATION

Alexandre Claass

RÉDACTEUR EN CHEF

Antoine Gauthier

CONTRIBUTEURS

Frank le Tank, Loïc Baruteu, Pierre-Olivier Bobo, Sophie Brignoli, Nils Bruder, Jeff Buckler, Mr Choubi, Nicdasse Croasky, Maître Fougnard, Delphine Fresard, James Granville Forever, Yannick Grossetête, Arthur Guillaumot, Clément Guillet, Erika Lamy, Le kiosque, Antoine Massot, Cedric de Montceau, Aurélien Moulinet, Martial Ratel, Doug Ritter, Mathieu Roussotte, Augustin Traquenard, Léos Van Melckebeke, Chablis Winston.

DIRECTION ARTISTIQUE

Cédric de Montceau

PHOTOGRAPHIES

Vincent Arbelet, Steph Bloch, Alexandre Claass, Vincent Courtois, Paul Dufour, Raphaël Helle, Thomas Lamy, Julien Lasota, Antoine Massot, Cédric de Montceau, JC Polien, Edouard Roussel, Léos Van Melckebeke, Louise Vayssié.

ILLUSTRATIONS

Pierre-Olivier Bobo, Loïc Brunot, Mr Choubi, David Fangaia, Yannick Grossetête, Cédric de Montceau, Yas Munasinghe, Michaël Sallit, Hélène Virey.

COMITÉ DE RELECTURE

Aline Chalumeau, Léa Dalloz, Paul Dufour, Camille Franck, Marion Godey, Coline HejaziKenari, Lise Le Joncour, Thomas Lamy, Maïa Mignotte, Oranne Mignotte, Aurore Schaferlee.

COUVERTURE

Mr. Choubi.

IMPRIMEUR

Estimprim (25)

Dépôt légal : à la sortie du magazine ISSN : 2260-7617

Tous droits réservés © 2022-2023

Merci à nos partenaires ainsi qu’à celles et ceux qui ont permis la réalisation de ce numéro. Prochain numéro : mars 2023

Sparse bénéficie du soutien du Ministère de la culture et de la communication, fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité, et de la DRDJSCS au titre du Fonds de développement de la vie associative (FDVA)

sommaire 3. ÉDITO 4. HOLLYWOOD BOULEVARD 6. SOMMAIRE 8. BD GAUTEL & RATIER 10. CABINE FEVER 12. METRONOMY 16. SCRABBLE 20. COULISSES 22. LE VÉLO 26. COULISSES 28. CLUB SANDWICH 32. COULISSES 34. LA MONTÉE QUI DESCEND 38. MADMIKE 42. CURLING 46. THE BLAZE 48. FASHION WEAK 50. COULISSES 51. BD GAUTEL & RATIER 52. JEUNES ET MUSCLÉS 58. PÊCHE AUX GROS 60. STAGE DE SURVIE 66. T’AS PRIS TA PILULE ? 72. POSTER 74. GROS BALÈZES 82. UN SACRÉ NUMÉRO 84. DESTIN D’ENTREPRENEUR 86. PLANNING FAMILIAL 92. BORDEL À LA FRONTIÈRE 100. GUSTAVE DE KERVERN 104. SANS EAU QU’UN DOUBS 106. LE FOOT 110. DESTIN D’ENTREPRENEUR 112. LE MORVAN À POIL 116. OMELETTE ROUMAINE 120. JUSTICE 122. ON VA TOUS CREVER 126. DES GENS TOUT NU 132. MONNAIE DE SINGE 138. ROMAN PHOTO 140. BD LE BON COIN 142. HOROSCOPE 144. ABONNEMENT / BOUTIQUE 146. BEST OF TITRAILLE - 6 -
lavapeur .com Scène de musiques actuelles Dijon Pomme Tryo Suzane Lujipeka Aurélie Saada Archive Marie-Flore Deen Burbigo Popof Oldelaf Lolo Zouaï Matmatah Staples Jr. Singers Regarde les Hommes Tomber Ann O’aro Johan Papaconstantino Chloe And Also The Trees Michel Cloup House Of Love Nout Py Ja Ma Cory Seznec Calling Marian Moictani ... En 2023...

sparse numéro 11 juin. jui. août. 2015

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Vestiges

2013, on est allés immortaliser les dernières cabines téléphoniques de Dijon.

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DIAPORAMA

METRONOMY THE LOOK OF THE YEAR

Metronomy fait l’unanimité ici à la rédac’ ; chacun a son titre préféré, et c’est forcément jamais le même (ce qui est souvent gage de qualité). Hé ouais, tous les morceaux de ce troisième album sont des tubes. Et après avoir entendu Pigeon John et son groupe chanter a capella “The Bay”, pendant qu’ils finissaient leur dessert lors du festival Dièse, il a bien fallu se rendre à l’évidence : Metronomy était en train de conquérir la planète avec leurs morceaux doucement pop, lissés par une électro impeccable. La prouesse de cette formation étant d’arriver à rassembler des auditeurs de tous bords en nous offrant un album à la fois simple d’approche et pourtant riche en nuances.

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INTERVIEW
Par Sophie Brignoli (avec Monsieur Pop), à la Vapeur Photos Vincent Arbelet et P.O. Bobo

Le numéro zéro était un numéro d’essai, un petit magazine avec un mix de certains articles du site qui avaient bien marché et quelques inédits. Ce Metronomy est l’une des premières interviews de Sparse en papier, et l’une des dernières de James Granville (aka Mr Pop) avec nous - RIP.

Vous êtes au beau milieu de la tournée en ce moment ? Oui, on vient de finir la tournée en Angleterre, on va maintenant passer quatre jours en France et ensuite direction les États-Unis. C’est assez excitant.

Je voulais qu’on parle d’abord de l’aspect production sur l’album : es-tu toujours le seul à t’occuper entièrement de toute cette partie ?

Oui ! En fait, c’est comme ça que j’ai toujours travaillé, alors je trouverais ça difficile de confier cette partie de ma musique à quelqu’un. En revanche, sur ce nouvel album j’ai travaillé avec un ingénieur du son qui m’a aidé pour la partie studio. Je connais un peu ce domaine mais sans lui, j’aurais passé des heures et des heures sur l’ordinateur…

C’est la raison pour laquelle «The English Riviera» sonne très propre par rapport aux autres albums ? Je pense oui. Avant j’utilisais des instruments que tout le monde peut avoir, des trucs un peu cheap.

Comment expliques-tu que ça a décollé vraiment pour Metronomy avec cet album, alors que c’est déjà votre 3ème ? Peut-être que les autres albums étaient plus abrasifs. Mais c’est le travail de production à mon avis qui a fait que les gens se sont plus tournés vers cet album là. Peut-être qu’il est plus agréable à écouter, plus grand public et moins agressif. Ce qui est important de rajouter quand même, c’est que tout cela vient de la même personne, je n’ai pas changé, il n’y a pas d’autres producteurs sur l’album.

Est-ce que ça a quelque chose aussi à voir avec l’état dans lequel tu étais quand tu as écrit l’album ? Oui bien sûr, il y avait une partie de moi qui voulait prendre une autre direction. «Nights Out» était beaucoup plus nerveux, avec pas mal de chansons très rythmées. Après ça, tu as envie de faire autre chose, pas forcément l’opposé mais quelque chose de différent. En tout cas il n’y a pas eu de volonté de faire un album commercial, et si personne ne l’avait acheté on serait quand même en train de le jouer en concert !

Tes albums précédents étaient plus mélancoliques, celui-ci un peu moins. Quel est le sentiment qui pourrait s’en dégager ? En fait, «Nights Out» était vraiment un album de rupture pour moi. On peut le sentir dans les chansons, même si certains ne l’ont pas perçu comme ça et voyaient uniquement le côté festif de l’album. Et là, il y avait cette envie de faire des chansons qui parlent du sentiment d’être amoureux, d’être bien dans sa vie. Peut-être aussi que les paroles sont moins cyniques. Je me rends compte maintenant en regardant «Nights Out» avec un peu de recul que c’était sombre…

Est-ce que tu vas continuer à faire des remixes ?

En fait, je faisais des remixes quand personne ne savait qui était Metronomy, et c’était une façon intéressante de vivre la musique. Et plus j’en faisais, plus je me rendais compte que finalement je donnais certaines de mes idées aux autres. Maintenant je préfère me concentrer sur mes propres productions ou sur des collaborations. Alors oui j’ai fait celui pour Lady Gaga il n’y a pas longtemps car c’était marrant mais sinon je refuse à peu près toutes les propositions.

As-tu refusé beaucoup de monde qui voulait remixer les morceaux de «The English Riviera» ?

Euh, pas tellement, peut-être un ou deux. Comme je ne suis pas DJ, j’en écoute pas tellement et j’en joue pas tellement non plus. En revanche, ce que je peux dire c’est que celui d’Erol Alkan est impressionnant. On est toujours heureux quand on entend ça.

C’est ton remix préféré ?

Oui clairement. Il a fait le morceau comme j’aurais voulu qu’il sonne. Tu vois ce que je veux dire ? Il a repris les éléments déjà présents pour en faire une bombe house.

Quelle est la prochaine étape pour Metronomy ? On va continuer la tournée aux États-Unis. Le programme est bouclé jusqu’au mois d’avril 2012. Quand tu sors un nouvel album et que tout à coup tu touches plus de gens, tu as très vite envie de leur proposer plus de musique. Mais quand les choses se passent bien, tu dois commencer par faire de la promotion et cela passe par une tournée. Ensuite, nous essaierons de refaire un album très vite.

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GRATUIT CULTURE, LIFESTYLE LE MEILLEUR DE TA VILLE EN 52 PAGES NUMÉRO INÉDIT www.sparse.fr sparse guide moderne de dijon

J’ai appris que vous aviez fait une tournée avec Justice. Que penses-tu des nouveaux morceaux (Civilization et Audio Video Disco) ?

Je les ai entendus les deux mais j’ai dû les écouter sur mon ordinateur déjà pour regarder les clips, dont je suis généralement bien fan. J’ai pas vraiment imaginé ce que ça pouvait rendre dans un club. Ç a a l’air intéressant, j’aimerais beaucoup entendre le reste de l’album pour savoir ce qui se cache derrière ces extraits. Je ne vais pas dire que je n’aime pas les morceaux, ce sont des amis. Le truc que j’ai remarqué à propos de ce style d’électro française c’est que le son de manière générale évolue lentement, ça sonne un peu comme leurs productions plus anciennes.

Ca sonne 2007… Oui peut-être… Si tu voulais être cynique, peut-être que tu dirais ça, mais je ne le pense pas. J’ai besoin de l’écouter encore.

Tu sais qu’ils ont fait un film sur leur tournée US où ils se lâchent pas mal… Comment ils étaient lors de votre tournée ensemble ?

Je ne pense pas qu’ils apparaissent forcément à l’écran comme ils auraient voulu être perçus. En tout cas nous, on a passé un super moment avec eux pendant cette tournée. Ils connaissaient pas tant de monde que ça en Angleterre donc on a souvent été amenés à traîner ensemble. Ce dont je me souviens c’est qu’ils prenaient des amendes tous les jours parce qu’ils fumaient en loge. En France, tu peux t’en tirer facilement pour ce genre d’offense mais en Angleterre les mecs le prennent vraiment mal. Il ne s’est rien passé de dingue, mais on finissait pas non plus la nuit avec eux.

Tu portes un t-shirt «Calvi on the rocks», c’est de cette année?

Oui on a joué là-bas cet été, c’était à la fois un moment incroyable et horrible.

Pourquoi horrible ?

Quand je voyage beaucoup, il y a un truc qui se produit : je dois être sensible à la pression de l’air. Donc on était là, en train de jouer à Calvi, il y avait un super orage derrière nous et mon nez s’est mis à saigner sur la scène. C’était horrible parce que tu sais que les gens vont tout de suite penser que c’est lié aux drogues. Alors que c’était pas le cas. J’étais juste là à faire les cent pas, avec la tête en l’air, une serviette dans le nez… Mais l’endroit est très beau.

Quel est selon toi, l’artiste ou l’album à surveiller cette année?

Estime-toi chanceuse si t’as une réponse déjà, car ça fait bien longtemps que j’ai pas pris le temps d’écouter quelque chose !

Que penses-tu de James Blake par exemple ?

Dans le groupe on pense tous que c’est… bof. Je suis pas du tout réceptif à son travail. Je trouve ça drôle parce qu’il a une voix presque blessée, affectée d’une certaine manière. Alors que quand il parle, il parle comme moi. Mais quand il chante, ça fait comme ça : «woaaahhh» (Joseph prend une voix chevrotante). Je trouve ça vraiment étrange. Tout le monde aime sa voix, pourtant tout le monde pourrait chanter de cette manière. Bref, je choisirais donc un ami à moi, Michael Lovett qui a ce groupe, Nazca Lines. Ils ont sorti un single qui s’appelle Compass Point. Il est encore jeune mais ça va vite devenir très intéressant. C’est une sorte de version mâle de La Roux

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MOT COMPTE DOUBLE DANS TA FACE

Des fois c’est toi qui descends le Scrabble, et des fois c’est le Scrabble qui te descend. Mon mercredi soir à la maison de retraite des Marguerites avec le Scrabble-Club dijonnais.

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IMMERSION

Une immersion bien gonzo comme on les aimait à l’époque. Mais sympa celle-là (parce qu’on en a fait des plus crados pas sympas mais on ne les met pas dans le best of...) On n’a plus de nouvelle d’Antoine Massot, dommage.

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À

quand remonte votre dernière partie de Scrabble? La mienne date de l’époque où mes yeux dépassaient à peine la table du salon de mes grands-parents. Je devais prendre appui sur le rebord pour mieux apercevoir mes lettres, ces petits carrés blancs disposés sur ce qui ressemblait à un minuscule banc gris. Étrange support tournant le dos aux joueurs trop curieux mais surtout à ce plateau imposant, rempli de cases vides n’attendant plus que nos ingénieuses trouvailles orthographiques. La guerre des mots commençait ici, et autant vous dire que mes grands-parents étaient des champions. Pas facile de se faire sa place quand ton pépé jongle avec les consonnes et les voyelles sous tes yeux, pour en faire un mot que tu n’entendras qu’une seule fois dans ta vie. Même si le but du jeu consiste à scorer un max et traumatiser ses adversaires à coups de vocables bien placés, il résidait un esprit d’entraide indéniable. Ensemble, nous cherchions à maltraiter ce croupier invisible mais coriace : la langue française. La partie venait de commencer et pourtant j’avais la forte impression que nous étions assis là depuis trois jours. Un vrai calvaire. Je priais de toutes mes forces pour qu’un léger tremblement de terre vienne inopinément défoncer la partie et plonge ces foutues lettres dans un monde post-apocalyptique où les lois linguistiques seraient réduites à néant : « Bon j’ai pas trouvé mieux que « ejzokrpzrae » en 11 lettres, aussi synonyme de « ripejkrjakper. » Le deuxième Z compte double, à toi mamie ! ». Voilà mes derniers souvenirs scrabblesques et peut-être avez-vous les mêmes… Qu’on se le dise, ce jeu nous a tous rendus cinglés à un moment ou à un autre, quitte à jouer à celui qui osera poser « e.n.c.u.l.e.r », mot en sept lettres, (on appelle ça faire un Scrabble, NDLR), ce qui fait 59 points tout de même.

DROGUÉ PAR LES LETTRES. Aujourd’hui, les choses ont changé. Je ne collectionne plus les cartes Pokémon mais les refus des recruteurs, le chômage quoi. Et ce qu’il y a de troublant pendant cette période délicate, c’est le fait de se focaliser sur des choses pour le moins inhabituelles. Un peu comme dans le film Paranoïak où un ado purge sa peine à domicile, bracelet électronique sur la cheville: le jeune malfrat joue avec sa bouffe, geek comme un malade et espionne ses voisins. Assurément, je n’en suis pas à ce stade mais c’est de cette

manière que mon intérêt pour le Scrabble a dépassé les soixante secondes. J’avoue que ma nièce de dix ans n’y est pas non plus pour rien. C’est elle qui m’a récemment initié à ce Léviathan du jeu de société dans sa version junior. Les règles sont à peu près identiques, à la différence qu’un mot ne peut pas excéder cinq lettres. Pas si évident que ça mais je suis parvenu à faire mes preuves avant que ma nièce n’ait trouvé l’idée de se prendre pour Zorro, armée des fameux supports à lettre. Je pouvais la comprendre, elle perdait et moi je claquais du compte double sans scrupule. Je devenais bon et j’adorais ça. L’addiction se faisait sentir à tel point que si un pote sortait un mot improbable, je comptais les points dans ma tête. Les lettres n’avaient jamais eu une telle signification pour moi, elles s’accompagnaient désormais d’une gymnastique neuronale et d’une légère pensée : «Ah ouais, il pourrait pas mal rapporter ce mot-là ! » Après ma nièce et sa version junior, je me suis rapidement mis à défier tout le reste de la famille sur le modèle Deluxe à cases creuses (les lettre ne se baladent pas sur le plateau, c’est hyper pratique). Ça envoie du compte triple et du compte double dans tous les sens, un vrai carnage… Mais très vite, les choses se sont essoufflées. Mon entourage en avait ras-le-bol de ce challenge constant et quelque part de moi et du Scrabble. Il était temps de changer d’arène, de me mesurer à des pros.

« Les Marguerites », maison de retraite pas très loin de la place de la République, accueille le club de Scrabble dijonnais du même nom. Ce mercredi, l’entraînement est à 20h15. « Le lundi après-midi il y a plus de monde mais ce soir on aura d’excellents joueurs ! » m’assure Huguette, présidente de l’asso et arbitre de la partie. En poussant les portes de l’arène, je suis tout de suite interpelé par Armelle, une habituée. « On ne t’a jamais vu toi ? Tu es quelle série ? » Euh, j’ai peur de ne pas bien comprendre, c’est ma première fois. « Alors tu es série 7, moi je suis en 3B. Tu joues beaucoup ? Je connais un site web super pour s’entraîner. »

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«
On ne t’a jamais vu toi! Tu es quelle série ? »

J’ai cette sensation d’être dans ce club depuis toujours avant même d’avoir pu poser ma première lettre. On m’accueille comme le nouveau, celui qui doit se présenter au groupe. Je ne déroge pas à la règle et me tiens debout devant la vingtaine de participants. Assis face à moi, chacun est équipé d’un curieux Scrabble miniature... Je suis inquiet. La confusion s’empare de moi mais je m’en tiens à ma présentation sans omettre de raconter l’anecdote de la partie endiablée avec mes grandsparents. « Tu prononces mal le mot Scrabble ! » me coupe Bernard, un moustachu planqué au fond de la salle. Je corrige mon erreur (je prononçais à l’américaine) et j’annonce mes victoires en précisant que ma nièce ne s’en remet toujours pas. Tout le monde éclate de rire, on s’installe sans plus attendre et personne ne m’a encore dit pourquoi leurs Scrabbles sont rétrécis. C’est là que Mireille entre dans la partie, elle est ma coach attitrée pour la soirée. Pendant les préparatifs, Mireille démystifie tout. Je la blinde de questions : pourquoi nos lettres sont toutes petites ? C’est quoi ce plateau géant au milieu de la pièce ? À quoi servent les ordinateurs ? T’es quelle série ? Elle prend le temps de tout m’expliquer.

MIND-FUCKING GAME. Il existe deux types de Scrabble. La forme la plus commune est celle qu’on connaît tous mais elle ne se pratique que très rarement en entraînement. Doté d’un facteur chance et laissant place à la stratégie et autres fourberies, le Scrabble classique s’apprécie plutôt en compétition à en croire les adeptes. Pour s’entraîner efficacement, il existe une deuxième façon de jouer : le Duplicate.

Ce soir, c’est à ce jeu auquel je vais m’initier. On m’apporte un mini plateau et l’intégralité des lettres de l’alphabet qui n’ont plus de secret pour moi. Les règles sont similaires au Scrabble classique à la différence qu’ici, chacun joue les mêmes lettres tirées par un arbitre. On ne joue pas les uns contre les autres mais on se mesure aux résultats de l’ordinateur. En gros, le but est de taper un max de points grâce aux lettres tirées, jusqu’à ce qu’un logiciel calcule le mot qui fera le meilleur score. Chacun pose alors le mot de l’ordi sur son mini Scrabble personnel et l’arbitre tire de nouvelles lettres. Le logiciel établit les meilleures solutions possibles et imaginables pendant que les joueurs tentent de s’en approcher. Un énorme plateau est disposé dans la salle afin que personne ne soit perdu.

BIENVENUE DANS LA MATRICE. Avant que la partie ne démarre, on applaudit tous Guy pour une raison qui m’échappe encore. J’ai souvenir qu’il était question de « rang n°103 », de «qualif» et de championnat de France. Maintenant qu’on parle palmarès, j’apprends qu’un jeune de 17 ans présent dans la salle a participé au championnat du monde au Québec. Respect ! Mireille a fini d’installer son environnement de jeu confectionné par ses soins (lettres aimantées, plateau customisé), on peut commencer la partie. Tout de suite, les trois minutes accordées permettant de constituer son mot paraissent trois secondes. À ce moment précis, je perds mes moyens en oubliant que « BAFFLE » prend deux F, qu’il n’y a pas de E à YETI et que YOLO n’apparaît pas dans le dico officiel du Scrabble bien que WECH et KEUF soient tout à fait acceptés (selon le petit livret des nouveaux mots 2012 de Mireille). « La technique c’est d’abord penser aux terminaisons, 75% des mots posés sont conjugués, ne l’oublie pas!» déclare ma coach tout en posant KEA (nom d’un perroquet de Nouvelle-Zélande, ndlr), trois lettres disposées de façon précise qui récolteront 41 points. Une feuille permet d’écrire ses mots, son score et le cumul des points. J’ai vite abandonné l’idée de cumuler les points pour me focaliser sur les lettres. Je n’ai pas le temps de réfléchir, ça fonce à toute allure, le Scrabble junior me manque. Une heure de jeu et mon cerveau subit déjà les dommages collatéraux. Je bois les généreuses paroles de ma coach mais devant moi, les chiffres et les lettres se mélangent. Mireille voit clair dans son jeu et ne panique à aucun moment. De mon côté, je

vois une putain de matrice défiler. « INQUILIN ! » martèle l’arbitre. Mireille lève les yeux et fronce les sourcils. « Je ne le connais pas celui-là ! », elle s’empresse de le noter, je fais de même. Agitation dans la salle, tout le monde veut connaître la signification du mot. L’arbitre calme la foule en promettant de divulguer sa définition à la fin de la partie. Je ne suis absolument pas rassuré mais Mireille me conforte et m’assure que c’est normal. Un papier est déposé sur notre table, il est sèchement marqué d’un trait rouge. Le mot qu’avait trouvé ma coach a été refusé par l’arbitre, il n’existe pas. « Je pensais que « DELUTIVE » passerait, mais non… ». Elle se mange un zéro qui ne la pénalisera pas pour autant, croyez-moi. La partie se déroule et je me sens comme enfermé à l’intérieur d’une bulle. J’ai des pulsions destructrices qui surgissent mais heureusement, une panne informatique transformée en pause bonbon viendra écourter mon angoisse. « Alors, tu te sens comment ? » me demande la présidente du club en me tendant un bec. Je sens que je vais claquer au deuxième round et vomir quelques voyelles. Malgré tout, on attaque la deuxième heure qui s’avère moins chaotique. Je place un petit « MARCHA » à 24 points, suivi de « NOYÉE » rapportant 34 points et une « LOUVE» à 10 points. Ça score ! Mais, je suis encore très loin derrière Mireille qui fait de l’ombre aux algorithmes du logiciel, occupée à produire des mots qui me sont tout bonnement inconnus (MOYEU, NIMBER, LLOYD, AFAR, BAROUFE et j’en passe). Il est 22h30 et il ne reste pratiquement plus de lettres à placer. L’arbitre annonce la fin de la partie. Certains se félicitent, échangent leur score avec le voisin, se complimentent d’un joli coup, se disent déçus d’un autre… Mireille range ses lettres et comprend ma surprise quant à la difficulté et la rapidité d’une telle performance. « Au début, c’est pas évident ! Mais en persévérant ça porte ses fruits ». Après l’annonce du classement où ma coach aura frôlé les 1000 points, des joueurs s’impatientent de connaître mes impressions. Je leur témoigne mon admiration et avoue vivre un certain traumatisme. Chacun repart le Scrabble sous le bras, quelques retraités regagnent discrètement leur chambre et moi je ressors de là complètement vidé. Des consonnes plein la tête et ce surprenant sentiment de rupture. Celui de m’être fait plaquer par la langue française. // A.M.

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« Je pensais que DELUTIVE passerait, mais non... »

BANG BANG!

Par Chablis Winston Photos : Alexandre Claas
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Coulisses

On est passés tester le stand de tir de la police, à Dijon, dans un des premiers numéros. Et je dois dire qu’on a été estomaqués par l’ambiance disons «on n’aime pas trop les bronzés» qui régnait là-bas à ce moment là... On débutait dans le métier, alors on ne s’est pas pris la tête au moment de publier la photo d’un enfant de 10 ans une arme à la main sans rien demander, ni à lui, ni à son père qui lui avait filé le calibre... Bravo ! Bien joué les gars, très professionnel... Ça s’est réglé entre avocats et ça nous a coûté du pognon, forcément. Pan sur les doigts ! Pourtant elle était trop puissante cette photo, mais tellement impubliable. On était un peu débiles à l’époque.

«Allo Sparse ? C’est la justice, ça va vous coûter de l’argent...»
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JUY À TOUTE VITESSE

Dijon, berceau du vélo ? Pas tout à fait... En fait, si, on ne va pas y aller par quatre chemins : sans Lucien Juy, la montée du boulevard de Strasbourg serait une vraie galère et André Darrigade, Coppi ou Anquetil n’auraient jamais été aussi beaux. Là, juste en dessous, quand le texte devient plus petit, ça vous explique pourquoi.

Ça commence par la fin. 1985, banqueroute. La société de Lucien Juy met la clef sous la porte et le nom passe sous le tapis. On en oublie jusqu’à son existence - presque - puisque notre Lucien a une rue à son nom dans Dijon. Tout ça à cause d’une pièce en Delrin®, une pièce en plastoque, fierté chimique et succès industriel mondial importée du Delaware dans les années 60. La patte de Delrin® intégrée dans l’invention de Lucien Juy s’use vite, trop vite. Elle est plus légère mais elle supporte mal les frictions et elle se déforme. La réputation est ternie à tout jamais. On ne jettera pas pour autant le Delrin® avec l’eau du bain chimique, on fait encore d’excellents médiators avec. Et puis, il y a la concurrence internationale. Une bonne invention, ça inspire, ça se copie. Lucien Juy a déposé des brevets en France, aux ÉtatsUnis, mais visiblement pas au Japon. Depuis 1956, une entreprise alors spécialisée dans le pignon libre a décidé de passer à la vitesse supérieure. Du haut de son borsalino, Shozaburo Shimano sort son propre modèle, simple copie de l’objet de Lucien Juy. [Vous ne savez toujours pas de quel objet il est question ici, hein, sauf si bien entendu vous avez regardé l’illustration de David Fangaia qui accompagne ce papier. C’est un simple procédé narratif pour vous

tenir en haleine. L’histoire étant finalement assez banale, il s’agit de créer de l’histoire dans l’histoire pour bien la raconter.]

Donc, pour notre Lucien, les temps sont durs. Surtout qu’il lui reste encore une vingtaine d’années à vivre, il passera de l’autre côté du guidon en 1976. Grâce à son opiniâtreté, il maintiendra le cap. Jusqu’en 1972, il sera leader mondial de son secteur. 1972, l’année où l’usine de Juy, située au 75 rue du Général Fauconnet, sortira le modèle SLJ. Selon l’ancien coureur cycliste canadien Mike Barry, qui fait visiblement autorité sur les blogs-vélos anglo-saxons (il est cité à tour de bras), le SLJ est clairement le meilleur modèle de tous les temps. Et M. Barry s’y connaît extrêmement bien en techniques et autres artifices pour être « meilleur » sur un vélo : le mec a côtoyé Lance Armstrong de 2002 à 2006 au sein de l’équipe US Postal ou de la Discovery Channel, finissant par accrocher une honorable 99ème place sur le Tour 2010 avec la T-Mobile, autre référence en la matière. L’entreprise de Juy diversifiera elle aussi son activité. Associée à Manufrance ou Peugeot, elle produira des vélos, des modèles de freins, certains au design assez joli, avec des petites ailes sur les manettes, genre Hells Angels. Mais ça, c’est la fin. →

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HISTOIRE
- 23CHANGEMENTSDE VITESSES 75 rue Général-Fauconnet D ijon L ucien J uyprésente

Avant, en 1935, Lucien Juy marque à jamais l’histoire du cyclisme, et c’est la deuxième fois que ça lui arrive, à notre ingénieur. Il sort son modèle « Super-Simplex ». Il n’y a qu’à voir le nom pour savoir que là, ça cause. [Si le suspens devient pour vous vraiment intenable, si vous ne l’avez pas encore fait, vous pouvez maintenant regarder l’illustration. Je vais dévoiler d’ici quelques mots ce que notre Juy inventa.] Ce modèle de 1935, issu du cerveau de ce génie bourguignon, est tout bêtement le premier dérailleur à parallélogramme articulé. Autrement dit, dans les grandes lignes, le système qui permet encore aujourd’hui de changer les vitesses sur son vélo. Son invention, c’est le truc à l’arrière, sur votre roue, collé aux pignons, qui s’articule et qui comporte deux parties mobiles. Il existait un autre modèle évolué pour changer les vitesses, aujourd’hui totalement oublié. L’invention était suisse, le changement se faisait par l’avant, en gros au niveau des pédales. Imaginé par l’ancien coureur Oscar Egg, son modèle « Super-Champion » était en 1937 le seul dérailleur autorisé sur le Tour. Ce choix exclusif allait poser problème. L’année suivante, en 1938, c’est l’affaire René Vietto : « Le Roi René ». Une légende, comme Paulo-la-Science aime les raconter sur France Télévision au mois de juillet. C’est le fameux gars qui, sur la même étape en 1934 dans les Pyrénées, face aux coups du sort, avait donné sa roue, puis, plus loin son vélo à son leader et ami Antonin Magne, futur vainqueur du Tour. Une légende du Tour, on vous dit. Homme de classe, il en vient aux mains avec les organisateurs, au Vésinet, dans le village-départ, parce qu’à l’arrière de sa machine est fixé le fameux « Super-Simplex ». Les organisateurs lui interdisent le départ. Les gendarmes séparent Vietto, alors porteur du tricot jaune, et les commissaires de course qui s’empoignent. On n’avait pas vu une aussi belle défense de l’honneur dijonnais depuis l’attaque de la ville en 1513 par les... Suisses (tiens, tiens). On lui fixe au cadre le modèle helvétique. Humiliation suprême pour lui, Roi René, en contrat, testeur de la marque et grand ami de Juy. Il arrache la plaque de fer blanc « Egg », symbole du déshonneur. Lancé dans la course, il finira... hors délai. Non repêché. Disqualifié. Sous le regard, qu’on imagine goguenard, du jury des commissaires. Mais avec cette histoire de dérailleur, Vietto ajoutait une ligne à sa légende (Paulo) et s’assurait certainement quelques années de contrat de plus avec Simplex.

Juy menait très bien son entreprise. Ses dérailleurs novateurs étaient exportés à travers le monde : États-Unis, Pays-Bas, Angleterre, Allemagne... Ayant compris le jeu du marketing et les rouages (jeu de mots) de la pub, il sponsorisait les plus grands : André Darrigade, Anquetil, Coppi, Robic, Magne, plus tard Hinault. Les cadors roulaient pour Simplex (sans jeu de mots). Depuis 1936, ses dérailleurs étaient équipés de 6 vitesses. En 1939, une pub présente Simplex comme ayant « la plus forte production mondiale », soit plus de 40.000 dérailleurs par an. Dijonnais mais pas seul, Simplex est associé à l’autre grande marque locale de cycles : Terrot. Juy équipe les plus beaux modèles avec ses dérailleurs depuis au moins 1932. Sur le catalogue Terrot, on peut aussi composer son cycle et acheter en option les dernières nouveautés Simplex. Pourtant, dans les premiers temps qui suivirent sa première grande invention, Lucien Juy, luimême ancien coureur, fut confronté au fameux conservatisme du peloton. En 1928, sur Paris-Roubaix, des cyclistes mettent pied à terre. Pas question de rouler. Les coureurs de l’équipe Alcyon, équipe number one des années 1920, refusent de prendre la route avec ce truc tout bizarre que leur ont fixé les mécanos. Le seul truc qu’ils sont capables de comprendre, ces forçats de la route, c’est qu’il y a écrit sur

En 1939, une pub présente Simplex comme ayant « la plus forte production mondiale », soit plus de 40.000 dérailleurs par an.

l’objet « Simplex ». Depuis leurs leçons à la Communale, le latin, ça ne leur inspire rien de bon, rien de mieux que des règles de déclinaison. En plus, ils font partie des favoris. Ils viennent d’enquiller un Tour de France et la même année, un deuxième d’affilée s’offrira à eux. Ils n’ont aucune intention de devenir des cobayes. Mais surtout, ils ne savent pas ce que peut leur apporter un dérailleur à galet Simplex. Lucien Juy vient de l’inventer. Son système repose sur une idée simple(x ?) : Juy utilise une poulie pour la tension de la chaîne et des plaques de guidage pour pousser cette chaîne sur deux pignons. C’est le principe de base encore communément utilisé aujourd’hui pour changer de vitesse. Mais ça, les mulets de la team Alcyon ne le savent pas. En 1928, Simplex innove et contre toute morale, André Leducq, le leader d’Alcyon, gagnera Paris-Roubaix, « l’enfer du Nord ». Auparavant, pour changer de vitesse, quand votre vélo était équipé de deux pignons, il fallait stopper, dévisser la roue arrière. D’un côté des rayons : pignon grande vitesse. De l’autre : pignon petite vitesse. La tourner, puis tout revisser et enfin, placer votre attaque « surprise ». Le cyclisme était alors une science de l’anticipation et du vissagedévissage.

Depuis 1895, des systèmes de changement de vitesse moins laborieux étaient testés mais aucun n’avait atteint l’efficacité et la robustesse du dérailleur Simplex. Il avait eu le temps d’y penser le jeune Lucien, sur son vélo. Des bornes, il en avait avalé sans dérailleur ; assez pour se faire un nom dans le gotha local avec une centaine de victoires régionales à son palmarès. Il avait surtout remporté la « classique » du coin. LA course : Dijon-Auxonne-Dijon. La course aux oignons, rapport aussi sûrement à l’état des fesses posées sur les selles en croûte de cuir. En 1923, le jeune Lucien âgé de 22 ans remporte le bouquet (d’oignons ?). Ici, personne ne le connaît vraiment. Il n’est pas d’la capitale, il s’est fait un petit nom dans son patelin mais personne ne devait le donner gagnant. Son nom, c’est Juy. Il voit le jour à Langres en 1899. À sa naissance, ses parents sont contents mais déjà inquiets pour l’avenir du petit. Sera-t-il médecin, avocat, officier militaire, fromager à Langres ? Peut-être cheminot. Deux ans avant, en 1887, Langres innove. Pour relier la gare à la ville haute, « la place-forte », on inaugure le premier train à crémaillère de France, un système extravagant. Pour conserver l’adhérence en pente (des roues en acier sur des rails, ça patine mais ça n’avance pas sur un plan incliné), la locomotive à vapeur était équipée d’une roue motrice centrale dentée qui s’agrippait à un rail cranté - un système dit à échelons, mis au point par un ingénieur français, Niklaus Riggenbach mort en... Suisse (décidément) l’année où le petit Lulu pointait le bout de son nez. On raconte que le jeune Lucien était fasciné par cette merveille de la mécanique. Dans un premier temps, la scène amusa ses parents, puis cette obsession les inquiéta. Ils pensèrent d’abord que c’était le chapeau de fumée crachée par la loco qui hypnotisait l’enfant, à moins que ce ne soit le bruit ou sa facilité à gravir la côte. Plus tard, une fois les pédopsychiatres éloignés, les historiens comprirent. Ce système ressemblait comme deux gouttes d’eau (d’huile ?) à une chaîne et un pignon. // M.R.

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ANATOMIE COMPARÉE DES EXPOSITION Musée du château des ducs de Wurtemberg MONTBÉLIARD 17 SEPTEMBRE 2022 ▶ 12 MARS 2023
: Arnaud Rafaélian — Conception : Tristan Fellmann
Illustration

BFC for the first time

À l’époque notre camarade Jeff Buckler y allait de sa petite chronique sociologique dans le mag. Cellelà a son importance, car c’est tout simplement, devant vos yeux ébahis, la première fois que Sparse a posé son regard sur ce qu’on appelle la BFC dans ce magazine. La première fois qu’on en a fait une entité à part. Une sorte de première pierre, de traité de Rome de la BFC. Le début d’une belle histoire, vain dieu.

Vous pouvez remarquer qu’à l’époque y’avait des mots croisés dans le magazine. La classe !

Coulisses
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L’Ouverture de Toussaint Conférences Rodia ● Dub Inc Mercyless ● Charlie Winston Rootikaly Yours #7 ● Léaud Bertrand Belin ● Matmatah Napalm Death ● Lorenzo Amenra ● Exhorted ● Black Voices Allo Cosmos ● Pomme ● Igorrr Support your local band ● ... Hiver 2023 4 av. de Chardonnet à Besancon www.larodia.com ● info@larodia.com

L’article pour lequel on a eu le plus de retours. Pour le titre.

DAUNAT SUMMER

Si tu aimes la bonne bouffe, que tu privilégies les circuits courts, si tu préfères déguster des aliments qui ont du goût, et qui ne se dissimulent pas derrière un bel emballage, alors, tourne la page. Je m’adresse à toi qui, à la pause de midi, veut manger « quelque chose», peu importe quoi, mais juste bouffer un truc. Laisse moi te dire que c’est mal ! Le sandwich que tu as acheté vite fait, qui est tout beau, tout propre, n’a pas été fabriqué avec amour, mais plutôt avec la rage de l’ouvrier qui n’en peut plus de satisfaire tes désirs de glandeur. Bienvenue dans le monde féerique de la fabrication du club sandwich Daunat ; c’est une belle usine à Sevrey, dans la banlieue de Chalon, dans un coin de rêve, au bord de l’autoroute du soleil. Allez, pose tes baskets, ta casquette et ton cellulaire, et enfile ta combi, ton masque et ta petite charlotte.

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ENQUÊTE

Après avoir passé tes années lycée à manger à la cantine, et tes années fac à déjeuner au resto U, tu pensais enfin que tu allais être débarrassé de tes maux de ventre et tes gaz de 14h36? Mais non ! Maintenant t’es au boulot, t’es content, t’as une paye, mais toujours pas de temps ; alors tu files à l’Inter le plus proche, tu prends un petit sandwich Jambon Emmental de la gamme Plaisir Vrai de chez Daunat. Évidemment, le plaisir tu ne l’as pas en le mangeant, ni en le digérant. Faudra peutêtre penser à consulter ! Le géant du sandwich a tout fait pour que tu bouffes vite, et tu continues à l’engraisser avec ta carte sans contact. Mais faut avouer que Daunat c’est tentant, et c’est surtout un choix délirant, rien que sur les sandwichs club, on compte plus de trente recettes différentes, et ce n’est qu’une infime partie de ce que produit la marque. Daunat c’est le leader du petit pain garni, cent millions d’unités vendues chaque année, on est loin de la boulangère qui vend 10 jambon-beurre dans la journée. Excuse-moi, tu préfères sans doute le duo bacon-chèvre, ou alors le poulet-brebis. J’avoue qu’on salive déjà à l’idée de tirer la languette pour laisser s’échapper l’odeur du grand air....

Maxime Soulas, le PDG et tout son petit personnel pro de la com’, ont pensé à tout pour t’inciter à croquer chaque instant1. Un petit générateur d’idées de menus Daunat est disponible sur le site de la marque. Si t’as envie de générosité avec de la charcuterie, par exemple, le géant du sandwich te propose un petit wrap jambon-brebis sauce yaourt !

Par contre, si tu veux savoir d’où provient ta tranche de jambon, t’auras beau lire tout l’emballage, tu trouveras pas. Chez Daunat, on pétrit le pain, on assure « un maximum de fraîcheur dans vos pauses snacking », nous dit le service com’. Ça a de la gueule ça, « snacking », alors que ça veut juste dire manger vite et salement. Par contre pour la provenance de la viande, c’est silence radio. L’UFC-Que-Choisir a mené une enquête à travers laquelle on découvre que Daunat est l’une des rares marques à ne pas indiquer d’où provient la viande qui compose ses produits. Le leader du sandwich ne balance pas ses sources. Mais bon Maxime Soulas vient d’une famille d’agriculteurs, et se définit comme « un grand amoureux des produits » d’après le site Lsa-conso. fr. Ça prouve que Daunat est à la recherche de l’authenticité et du bon goût !

« Mets en rouuuute ! »

Pour confectionner un sandwich Daunat, il faut plusieurs ouvriers sur une ligne : un qui s’occupe du pain, un autre qui tartine le beurre, puis un qui pose la tranche de jambon, et encore un autre qui dépose le morceau d’emmental. Et on n’oublie pas celui qui referme le sandwich, et celui qui le met en boîte. Bon, autant dire que ça fait du monde à payer. Quand tu manges Daunat, tu participes à la création de valeur et d’emplois, c’est beau (d’ailleurs à Chalon, c’est l’argument emploi qui prévaut. On ne touche pas à Daunat, comme Amazon, parce que ça file du boulot). Chez le géant du sandwich, on a opté pour le taylorisme : on divise le travail. Imagine une usine similaire à celle de Chaplin dans « Les temps modernes » : tu ajoutes des combinaisons blanches et une odeur de bouffe industrielle, et tu touches un peu du doigt l’ambiance chez Daunat Bourgogne.

Alors que ça te prend 5 minutes à peine à l’engloutir, pense un peu à ce qu’un ouvrier fait pour le créer ton sandwich ! Déjà il doit aller

à Sevrey, et quand t’habites Chalon, c’est la loose de bosser à Sevrey.

Au bord de l’A6, l’usine t’attend. Tu gares ta bagnole, tu traverses la petite passerelle, tu chopes une magnifique combinaison blanche, à ta taille, quand tu en trouves une. Ensuite, tu t’habilles, tu enfiles tout ça, ça te prend bien 10 minutes cette histoire. Attention, il faut être couvert, tu te diriges vers le grand froid. Tu traverses un long couloir, et de là, tu peux voir les autres bosser, tu peux voir ce qui t’attend.

Pour la chaîne de fabrication, tu descends en zone rouge, c’est la pire. Tu chopes des bottes, tu passes dans une petite mare pour les laver. Te voilà maintenant dans l’antre du Diable. En plus de l’odeur, tu dois supporter le bruit, « en un mot : horrible, je sais même pas si ça définit bien l’ambiance.... l’enfer, c’est le bon terme », se souvient Caroline2 qui a travaillé à Daunat pendant ses études. Mais là, ce n’est qu’un début, on n’a pas encore mis la main à la pâte. Pas de chichi, tu enfiles tes gants et tu vas vers ta chef d’équipe, c’est la dame qui a une bande rouge sur sa combi, comme un brassard. Et là, elle te dirige vers un chef de ligne (brassard bleu) qui te confie une tâche. Ça y est, tu es parti pour plusieurs heures d’aliénation sans interruption ; c’est à ce moment que tu t’en veux d’avoir lu Marx, le salaud, il t’as mis des idées en tête. Eh bien maintenant tu fermes ta gueule, et tu fais ce qu’on te demande. Tu n’es plus rien, tu n’es plus personne, tu es un outil de production. C’est le système qui veut ça. Il n’y a pas que chez Daunat qu’on demande à l’ouvrier d’effectuer une tâche ingrate et répétitive. Disons seulement que le numéro un du sandwich illustre bien le concept d’aliénation.

Parmi cette multitude de tâches, toutes plus ingrates les unes que les autres, tu fais un classement dans ta tête, de la pire à la moins pire, et tu espères ne pas te retrouver à poser le jambon, par exemple. « Faut arriver à prendre 3 tranches, les aligner dans une forme particulière et insérer tout ça dans le sandwich sans déborder sur Madame salade derrière ! » témoigne Sarah qui, elle aussi, a travaillé dans la grande usine chalonnaise. Il faut toujours faire plus vite. « Les cadences sont infernales, rien à voir avec les autres entreprises » raconte Caroline qui a travaillé par la suite dans d’autres boîtes du secteur agro-alimentaire. L’entrepôt de production est divisé en deux parties : dans l’une se trouvent les lignes pour la confection des sandwichs en triangle (sandwich club), l’autre partie, c’est pour les baguettes. Dans cette seconde section, tu peux profiter de la vue sur l’autoroute. Si tu es bien placé sur la ligne, et que tu maîtrises ton job, tu peux donc te payer le luxe de contempler les Renault Scenic et les camions. Côté triangle, les tranches de pain de mie avancent sur un large tapis roulant bleu, par à-coups, et les cadences augmentent si la demande augmente, c’est la loi du capitalisme. Chaque ouvrier est face à la ligne, une caisse remplie d’un ingrédient est accrochée à côté de lui. Tu plonges tes mains dans le poulet congelé, attrape une pincée, et la dépose délicatement sur la tranche de pain de mie recouverte de mayonnaise. Au bout du deux-millième sandwich, forcément tu fatigues. T’es tellement mal que tu préférerais assister au spectacle de Didier Gustin et Patrick Bosso réunis avec en fond sonore du Patrick Sébastien, plutôt que d’être accroché à cette ligne. Si un incident arrive, que la ligne s’arrête, tu fais craquer ta nuque, tu lèves les yeux et tu te sens revivre, mais quelques secondes plus tard, tu entends au loin : «Mets en rouuute ! » et là, toute la machinerie se relance, le bruit et les voyants lumineux t’agressent de nouveau, et la ligne reprend sa cadence infernale.

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«
La salade sans goût, elle trempe dans le chlore »

Le jambon est rose fluo, la rosette et le poulet n’ont pas d’odeur, sans parler du thon, qui est composé de miettes de miettes de miettes de thon. Et la salade sans goût, elle trempe dans le chlore. Pour être sûr que tout est propre, on coupe les laitues, on les passe dans une machine qui les recoupe encore, et là, tous ces petits morceaux trempent dans une flotte remplie de substance dont se dégage la bonne odeur de la piscine, oui, le chlore. Abordons la question des œufs aussi. Les audacieux les mangent, ou peut-être les fous. À Daunat, il y a les œufs que le commun des mortels connaît, et puis, il y a les tubes. C’est un peu dans le même esprit qu’un rouleau de pièces. Ces tubes sont remplis de tranches d’œufs durs, la tranche du milieu, là ou le jaune est bien présent, un jaune étincelant, qui peut t’écœurer rien qu’en le voyant. L’ennui c’est que ces œufs en tube, rangés dans un emballage bleu sac poubelle, sont trempés dans je-ne-saisquoi, mais c’est liquide, et on ne dirait pas de l’eau, et je pense pas non plus que ça soit de la goutte. Pour le bonheur de tes papilles, pour la planète et pour la société toute entière, Daunat fait le max.

Daunat : l’expérience de la vie

Lorsqu’on consomme ou qu’on fabrique du Daunat, on subit une violence, elle est gustative d’un côté et sociale de l’autre. Le géant du sandwich ne laisse personne de marbre, il marque nos vies à jamais. Je n’ai pas d’exemple, mais j’ose espérer que les plus grands cuistos de demain ont déjà croqué dans un petit pain garni de chez Daunat. Et que c’est après cette expérience qu’ils décideront alors de s’investir pour ne plus jamais subir cette violence. Daunat est à l’origine de plein de grandes carrières dans tous types de secteurs. « Je suis contente de l’avoir fait (travailler chez Daunat) car ça a renforcé mon goût pour les études, oui ! Et j’en parle avec plaisir, c’était une bonne expérience » confie Sarah, qui aujourd’hui est au max, niveau études. Pour Matthieu, l’expérience Daunat a été intéressante, « même si on se dit qu’on ne veut pas y finir. Quand on peut se permettre de faire des études pour « choisir » son travail, ça donne un coup de boost de se dire : l’usine, c’est pas pour moi». Daunat quand on essaye, on se dit «plus jamais ça », et on met tout en œuvre pour ne plus jamais y retourner. Mais, il y a du monde qui bosse là-bas, tout le temps. Les types se

mettent en 4 pour que tu bouffes ton casse-dalle, ils en chient pour que tu bouffes vite et que tu perdes pas tes précieuses minutes de pause dans ton bureau tout propre équipé d’une bouilloire USB. Les travailleurs de chez Daunat se sont mis en grève en avril 2014, pour demander une réelle majoration des rémunérations sur les dimanches travaillés. C’est un début. Enfin, toi-même tu sais, la lutte finale n’est pas encore arrivée. Mais elle viendra, j’ai espoir. Pour finir, je m’adresse à toi et toi et toi, le bouffeur de sandwichs Daunat, si tu aimes toujours ça, okay, gobe ça vite, mais cache-toi, et balance l’emballage dans la poubelle jaune. // A.N.

1 « Daunat, croquez chaque instant » est l’un des slogans de la marque.

2 Les prénoms ont été changés.

3 Le siège de Daunat, après nous avoir baladé pendant plusieurs semaines, n’a pas répondu à nos questions. Toutes les informations de cet article sont basées sur le témoignage de personnes ayant travaillé dans l’usine de Sevrey.

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« Avec Daunat on subit une violence, elle est gustative d’un côté, et sociale de l’autre »

Capitaine Crochet

Par Doug Ritte, à Dijon Photos : Stef Bloch Coulisses

« AAHH MAIS C’EST QUOI ÇA ?! »

L’article pour lequel on a eu le plus de retours, outrés ça va sans dire. On l’avait mis au centre du magazine pour que le lecteur tombe dessus directement. Coquins. Beaucoup de cris, de gros yeux, de mails outrés... De belles photos et un bon article pour une pratique pas si zinzin que ça, en fait.

PARANORMAL

J’IRAI PISSER SUR LA CÔTE

Un petit bout de monde bourguignon à l’envers, LA MONTÉE QUI DESCEND. Diablerie ? Miracle ? Faille gravitationnelle ou encore un complot de la CIA ?

Savigny-lès-Beaune, c’est une commune du 21 posée entre la Montagne de Corton et celle de Beaune. À 5 km au nord-ouest de la ville aux hospices. Gros spot à pinard, entre Pommard et Ladoix-Serrigny. Si tu passes par là-bas avec la faim et la soif, t’es foutu … Ou béni des dieux !

Mais ce ne sont pas les vins « nourrissants, théologiques et morbifuges » du terroir savignien qui ont retenu mon attention. Non, ce village a toujours sonné à mes oreilles comme un lieu magique. Un endroit de Bourgogne qui cache pudiquement à sa frontière sud une route mystérieuse. La montée qui descend. Une côte, qui, en fait descend. Depuis gamin, j’entends parler de cette route enchantée. Y’aurait-il des druides et des sangliers d’or, voire la Dame Blanche perdue une nuit de pleine lune sans son gilet fluo de sécurité ? Je décide de mettre à l’épreuve mes délires de gosse. La réalité brutale et prosaïque du monde est adulte. Elle se lave les mains du folklore bucolique et surnaturel. Rendez-vous à la mairie de Savigny-lès-Beaune pour éclaircir le sujet et tuer mes derniers fantasmes de morveux.

Louis Chenu, adjoint à la voirie, m’accueille dans une mairie flambant neuve. Lumineuse. L’homme charpenté l’est tout autant : le regard azur, les cheveux blancs et des paluches calleuses qui ont du lever pas mal de vignes. Aussitôt il me lance : « Je vous préviens tout de suite, c’est une connerie ! ». Il sait déjà de quoi je suis venu parler…  L’enfant au fond de moi se déchire. Les farfadets et le dahu sont dévorés tout cru dans l’instant.

« Maurice Vollot vous en aurait mieux parlé que moi, mais il n’est plus là. Il aurait eu plein de choses à vous raconter! ». Bon sang, l’alchimiste qui s’occupait de l’affaire s’en est allé. Un coup des illuminatis ? Une francmaçonnerie obscure ? Un enlèvement par les extra-terrestres ? Le sage est parti avec son savoir sans rien laisser à la postérité. Le secret est dans sa mémoire. Paix à son âme. « Le mieux, c’est d’aller voir ! », mon guide m’invite à le suivre. Nous nous rendons sur le site. Une route communale étroite et usée par le temps qui vous éloigne du bourg et du

vignoble. Un chemin vicinal qui relie la petite cité bourguignonne à Bouzelès-Beaune. La curiosité est située là, sur une portion de route montante. La route de Bouze. Le paysage végétal est dense et généreux comme un mois d’août. Rien d’extraordinaire à priori ! Mais c’est en se mettant dans le sens inverse que le décor change d’allure. Devant moi la voie magique donne l’impression de monter. J’enlève le frein

à main, et laisse la bagnole au point mort. La voiture avance dans le sens de la montée, toute seule, sans les mains, le véhicule file doucement au sommet. Effet garanti !  Sur le moment je me dis que c’est l’endroit idéal pour faire le beau en vélo ou bien faire une partie de pétanque surréaliste et absurde. Bref, la route monte à mes yeux, mais descend pour la règle universelle de la pesanteur. Mystère. Le monde est à l’envers.

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TEXTE ET PHOTOS : CÉDRIC DE MONTCEAU RECHERCHE ET ARCHIVE : STÉPHANIE LEGNARO
«
Je vous préviens tout de suite, c’est une connerie ! »
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Alors, c’est dans quel sens que ça monte ?

De nuit, ça fait encore plus flipper.

Pour apprécier le spectacle à 100% et démonter les théories fumeuses, l’exercice consiste à bien regarder ce que l’on a devant soi. Sur la droite, l’A6 dégueule son flux d’automobiles pressées, sur la gauche un petit chemin descend franchement puis la forêt s’épaissit. En face, au milieu, une douce montée fend le paysage sans horizon. C’est elle, La montée qui descend. L’œil envoie une image erronée à cause de l’environnement. La perspective de la végétation alentour joue également son rôle dans la perception du phénomène. Depuis l’endroit où est placé l’observateur jusqu’au point de fuite, la route ne fait que monter. La configuration est idéale pour vous la faire à l’envers. L’absence d’horizon brouille vos rapports avec la verticalité. Difficile de juger la pente d’une surface dans ce cas. Les objets que l’on pourrait normalement supposer être plus ou moins perpendiculaires au sol (comme les arbres) peuvent effectivement être penchés, compensant la référence

visuelle. Champ magnétique ? Anomalie gravimétrique ? Pas du tout, c’est une illusion, un vrai effet d’optique, ni plus, ni moins. « L’autoroute a été construite en 1970, c’est depuis ce temps-là, que ça fait parler. Dans les années 80, il y avait pas mal de monde qui venait voir cette escroquerie. A l’époque, on avait même voulu mettre un panneau avec écrit dessus: piège à cons en chinois… mais ça n’a pas été voté au conseil municipal », Louis Chenu est perplexe quant à mon intérêt mais amusé par ma curiosité. Il me distille ses petites infos entre deux évocations de ses douleurs corporelles et la dégradation du monde actuel. « Sans compter que les vendanges vont êtres maigres cette année ! Une catastrophe. On n’a pas vu ça depuis un bon moment ». En partant on me laisse entendre que l’origine de la découverte est presque honteuse. « C’est un groupe de bordelais qui faisait la tournée des caves qui s’en est rendu compte. Ils avaient bien gouté les produits locaux. L’envie de vider leur vessie était pressante

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et inévitable. Ils se sont arrêtés sur cette route et voilà… » C’est donc un pipitémoin de bordelais qui a créé le mythe bourguignon. Damned !

Ce genre de phénomène se retrouve dans bon nombre de coins du globe.

En France, la plus célèbre et la plus spectaculaire se trouve à Lauriole dans l’Hérault, entre Carcassonne et Béziers.

est une colline hantée par des fantômes. Bullshit ! Malgré mon esprit aérien et mon goût assumé pour l’irrationnel, je reconnais l’effet d’optique volontiers.

Mais la magie subsiste parce que ça fonctionne pour nos petits cerveaux d’humains. Alors peu importe que ce soit une «connerie», il y a bel et bien un phénomène. Un phénomène de perception.

Une hallucination collective tangible.

On en trouve aussi dans la Loire. À l’étranger par exemple, on en réfère notamment au Bom Jesus à Braga chez nos amis portugais et au Pakistan à Ladakh. Au Quebec, à Chartierville ou à Moncton dans le Nouveau-Brunswick, The Magnetic Hill, préfère assurer le mystère en prétextant une anomalie magnétique due à une concentration de minerais. En Floride, The Spook Hill

Quand la nature et les constructions des hommes s’accouplent, il arrive parfois qu’elles donnent naissance à de petites curiosités joyeuses dans notre paysage. Donc lors d’une escapade gourmande en amoureux, d’une descente de cave entre potes, d’un dimanche merdeux ou d’un jour de vacances où il faut occuper les gosses, tentez l’expérience de La montée qui descend. C’est gratos ! // C.D.M

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C’est donc un pipi-témoin de bordelais qui a créé le mythe bourguignon.
L’été en pente douce.

INTERVIEW

Rencontre avec Mad Mike, leader d’Underground Resistance. Une légende de la techno. Un artiste et patron de label qui mêle depuis une quarantaine d’années recherche musicale et activisme social.

Mad Mike incarne presque à lui seul la techno made in Detroit, villeberceau de cette musique. Une techno froide influencée par les rythmes de la ville autant que par la musique de Kraftwerk. Un son parfois dur qui pourtant fait une place à un groove inspiré du P-Funk. Figure discrète mais influente depuis le début des années 1990, le patron du label Underground Resistance (UR) se fait aussi producteur, apparaissant aux crédits de quelques 300 morceaux. Les disques UR, sélectionnés, bichonnés par Mad Mike participèrent aux premières heures glorieuses des raves et des free parties. Sous le panache d’UR, des Jeff Mills, Robert Hood, Suburban Knight ou Mark Flash sortirent quelques hymnes techno à l’image de DJ Rolando, sous l’alias The Aztec Mystic, et l’imparable,

hypnotique, entêtant The Jaguar, en 1999. Au-delà de la musique, c’est la communauté black de Detroit, une communauté de laissés-pour-compte dans une Motor City qui capote toujours, l’industrie automobile ayant perdu depuis 2008 plus de 400.000 emplois, se délestant avant tout des salariés les moins qualifiés - venant rejoindre ceux qui déjà étaient sans emploi-, qu’UR tente de donner une direction, une image positive à travers une musique électro reconnue internationalement. Fait extrêmement rare pour un homme avare de paroles médiatiques, à l’occasion d’un day-off, Mike, qui a des connexions à Dijon, a passé plus d’une heure en notre compagnie pour évoquer sa ville et sa musique, mais aussi son passé musical comme guitariste dans les années 1980 et son apprentissage du travail en studio aux côtés de George Clinton.

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PAR MARTIAL RATEL, AVEC SOPHIE BRIGNOLI, MATHIEU ROUSSOTTE ILLUSTRATION : YAS MUNASINGHE PHOTO : MISTER B

Comment ça va Underground Resistance ?

Actuellement, on entraîne encore et toujours de nouveaux gars. Ça me fait plaisir que les gens soient toujours intéressés par ce que l’on fait. C’est d’ailleurs étrange comme la techno est arrivée à Detroit parce que personne ne connaissait ça et pourtant certains ont réalisé quelques-uns des meilleurs disques... Maintenant c’est différent, plein de gens arrivent et veulent être le «meilleur DJ», le DJ jetset qui va tourner dans le monde entier. Avant, le DJ voulait juste enregistrer un disque et le sortir. Aujourd’hui, le but c’est devenir une star et tourner dans le monde entier. C’est assez difficile de trouver des gens vrais, qui ne sont pas influencés par la techno du reste du monde et qui veulent sortir un titre brut, de leur cave. La vraie musique de Detroit, c’est : pas d’influence du reste du monde. C’est ça qu’on cherche. On arrive à en trouver des gars comme ça, même si c’est dur.

Ça fait quoi d’être Mad Mike, cette figure mondiale de la techno ?

Oh, tu sais, ca n’a rien de génial. Ça m’a surtout permis de créer des connexions à droite et à gauche avec des vrais mecs qui aiment comme nous la musique et nous soutiennent vraiment comme Dimitri Hegemann du club berlinois Tresor. Je l’avais aidé il y a 25 ans et lui nous a renvoyé l’ascenseur quand on a eu besoin. Mais il y a une grande ironie à être «Mad Mike». Il y a deux jours, je tuais un rat chez moi et là, je fais une interview. L’avion est un instrument cruel du changement (rires). Il faut faire attention, parce que tu peux vraiment déprimer à cause de ça, j’en connais à qui c’est arrivé. Tu vois tellement de choses bien en Europe (transports en commun, services publics) et... tu rentres à Detroit. C’est un retour en arrière. Donc quand je viens en Europe, je joue et je me dépêche de rentrer. Même si cette ville n’est pas parfaite, j’ai besoin de Detroit pour travailler. Si les morceaux ne sont pas parfaits, d’un point de vue esthétique ou propreté, c’est qu’ils sont à l’image de la ville.

Avant de devenir Mad Mike et de fonder UR, tu étais musicien dans un groupe qui tournait avec Parliament ? Oui, le groupe s’appelait Cherry Boom et on a aussi tourné avec Funkadelic. Des fois, aux concerts, les mecs de Funkadelic ne venaient pas alors on devait les remplacer

(rires) J’ai beaucoup travaillé en studio avec George Clinton, il me donnait des conseils sur le son. Il ne faut pas croire que George Clinton est un juste un type fantasque sous ses airs de rigolo, c’est un vrai Monsieur avec qui j’ai appris énormément de choses dans la maîtrise du son, du studio, il m’a donné mes premières leçons. C’est un monstre en studio. Il sait exactement ce qu’il veut faire. Lui et son ingé son sont responsables des boucles avec des bandes magnétiques ! Ces boucles, ça a révolutionné l’industrie du hip-hop et toute la musique actuelle. Tous les producteurs savent de quoi je parle. Quand tu fais une boucle, tu utilises une invention de Detroit ! George a créé beaucoup de hits grâce à cette technique. Ça permettait de donner une profondeur, un son énorme! Il dupliquait la section rythmique de 2 à 20 pistes ! Il nous disait aussi comment il voyait l’industrie de la musique : fais ton propre truc et si tu dois intégrer l’industrie, dépenses un max d’argent en studio, comme ça ils seront obligés de transformer ton morceau en hit !

Undergroud Resistance, vous avez souvent associé musique et politique. Sur le disque UR 88, Dookie Machine/ Dangerous, vous évoquez une crise de l’eau. De 2014 à 2016, il y a eu une énorme contamination au plomb à Flint, une ville à côté de Detroit.

Sur la pochette, on donne une solution pour le traitement de l’eau. Une dépollution pour un coût réduit mais cette solution n’a jamais été acceptée par les autorités. L’eau ressemble tout simplement à du caca, de la rouille. Ce disque a été produit par Marc Taylor. Ensemble on a décidé que ce serait le sujet de ce projet et grâce à ce disque on aimerait porter ce problème au niveau international.

Sur le disque précédent, UR 87, il y a un titre Moment In Marseille. Il s’est passé quoi à Marseille ? Ho ! C’était il y a longtemps, une des premières dates de Timeline hors de Detroit était à Marseille. On avait fait une interview radio. En tant que producteur, j’écoute plein de choses, comme du hip-hop, je rencontre des gars et il m’arrive de dire « combien de temps tu vas encore jouer des trucs comme John Coltrane ? Ça a 50 ans, c’est pas ça l’avenir.

» Par contre soyons clair : j’ai toujours été un gros fan de Stanley Clarke, Chick Corea ou Jean-Luc Ponty, tous ces mecs qui expérimentaient et qui avaient un vrai

- extrait du manifeste d’UR

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« Underground Resistance est le label d’un mouvement. Un mouvement qui veut le changement par la révolution sonore. Nous vous exhortons à rejoindre la Résistance et à nous aider à combattre la médiocrité des programmations sonores et visuelles destinées aux habitants de la Terre. Ces programmations entretiennent la stagnation des esprits, édifient un mur entre les races et s’opposent à la paix mondiale. C’est ce mur que nous allons détruire »

sens du jeu. Ils poussaient les barrières du jazz ! Ils n’étaient pas considérés dans le milieu mais nous, qu’est-ce qu’ils nous ont influencés ! Là, ces gars à la radio ont compris, écouté... Ils ont compris que la musique électronique allait devenir le nouveau jazz ! J’ai su à ce moment à Marseille, dans la discussion, que nous aussi on allait complètement laisser tomber le côté jazz traditionnel qui restait dans notre musique pour vraiment développer notre techno. C’était une vraie épiphanie.

On compare souvent UR à Public Enemy. Qu’est-ce que tu as pensé du retour sur le devant de la scène de Chuck D, le leader de Public Enemy, dans le projet musical anti-Trump, Prophets Of Rage ? J’adore tout ce que fait ce gars ! Les gens se demandent si ça vaut encore le coup de se battre, de résister, Fight The Power, comme le chantait Chuck D... Tout ce que je dis, c’est qu’à Detroit, une ville ravagée par le crime et la drogue, les radios, au lieu de choisir des programmes adaptés, poussent en Top 1.

le titre I’m In Love With The Coco. Estce que c’est le message que l’on veut véhiculer, après 40 ans de lutte ? Il n’y a pas de Carl Craig, pas de Flying Lotus pas

de Prophets Of Rage sur les grosses radios ! C’est un enjeu d’éducation ! Ça crée des stéréotypes et ça détruit des potentiels. Les radios indés et les Prophets luttent contre ces radios qui stigmatisent les musiques : ça c’est pour les blacks, ça pour les latinos, etc. On ne peut pas se battre contre les grosses radios mais ne t’inquiète pas, la technologie va nous permettre de gagner contre ces dinosaures. Les communautés pourront écouter ce qui est bien pour elles. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé pour nous dans les années 1980 grâce aux DJ-radio Alan Oldham ou Electrifying Mojo, ils envoyaient un vrai message positif, de l’espoir pour la communauté. Ils nous apportaient des artistes comme B-52’s, Prince ou David Bowie. La musique, la radio était libre. Le marché était pourri. Personne ne s’intéressait à Detroit. Personne n’avait d’argent pour acheter quoi que ce soit, alors les DJ passaient ce qu’ils voulaient, ce qu’ils pensaient être bien pour la communauté, c’était très bien. Clairement, c’est la radio qui a créé la techno à Detroit. C’est aussi puissant que ça. Il n’y avait pas de génies parmi nous, il y avait juste des mecs extrêmement talentueux comme Jeff Mills ou Carl Craig ou Robert Hood. L’éducation culturelle, c’est ça. Pas besoin d’aller au lycée, c’est ce qui t’arrive dans les oreilles. Il faut

toujours imaginer quelque chose de différent et de meilleur. Penser le futur, c’est penser ce qui est porteur d’espoir.

Avec quel artiste du label, ça a été le plus difficile de travailler ? Bonne question. (silence) Jeff (Mills) et Rob (Hood), certainement, à cause de l’intensité, DJ Skurge aussi. Rob et Skurge au même niveau. Ils sont tellement critiques par rapport à eux-même. Ils veulent la perfection. Tout le temps. C’est difficile de travailler avec eux. Des fois, c’est sur l’artwork que c’est compliqué. Mais c’est aussi difficile de travailler avec moi. UR, c’est un camp d’entraînement. Le boss ici, c’est moi, je suis parfois obligé de dire : « Si tu mets trop de temps à finir ton morceau, hop, je le passe à la poubelle ! Quelle décision tu prends ? » (rires) Ça peut faire partir les artistes que je leur parle comme à des enfants. Mais ce n’est pas grave, ils grandissent dans UR et ils volent de leurs propres ailes ailleurs. Tout ce qu’on demande, c’est qu’ils ramènent quelque chose à UR après. Et je peux dire que Robert Hood et Jeff Mills ont ramené beaucoup pour UR. Quand il n’y a plus d’argent dans les caisses, quand on va te couper le courant... Ces potes sont là, sans oublier Carl Craig ou Kenny Dixon.

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// M.R.
«
La techno a permis à des personnes de toutes nationalités de partager du plaisir ensemble sous un même toit simplement par le son »
- extrait du manifeste d’UR
Mike, de dos, lors de la venue d’UR au Consortium à Dijon en 2011. Dédicace signée par Mike dans les bureaux de Radio Dijon Campus.
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ICE
ICE
BABY

La pratique du curling ne laisse personne de marbre, un comble pour un sport qui utilise des pierres en granit. Apparu, selon la légende, il y a environ 200 ans en Ecosse, dans les Highlands, le curling est passé d’une activité récréative sur les lochs gelés à un sport olympique. Bien souvent moqué pour son utilisation originale du balai, il en reste un sport très complet. Retour depuis la patinoire de Besançon, live in the flesh, sur une activité sportive atypique : 1,2,3 balayez !

D’ailleurs commençons tout de suite par balayer les idées reçues sur ce sport. Non cet article n’est pas un pamphlet haineux contre un sport qui est souvent considéré comme risible voir ringard. Vous ne trouverez donc pas de blagues lourdes (ce n’est bien évidemment pas mon genre) concernant la capacité des techniciennes de surface, ou même pire des femmes, à réussir dans ce sport, puisque évidemment l’élément qui dérange ici c’est l’utilisation de ce balai sur la glace. Alors à quoi sert-il ? À frotter bien sûr mais pas que, et ça nous l’avons appris un peu plus tard, sur la glace…

Un mardi soir, 20 heures, patinoire de Besançon, nous avons rencard avec l’un des deux seuls clubs de BFC (l’autre étant à Prémanon à côté des Rousses). Le président Wilfrid Coulot et son équipe ont eu la gentillesse de nous accueillir pour parler curling et surtout pour nous faire une initiation grandeur nature. À ceux qui se demandent pourquoi il n’y a pas de piste de curling à Dijon (et la question est revenue à plusieurs reprises), c’est que la glace qui est employée pour la pratique du curling est traitée de façon particulière, afin que les pierres puissent glisser uniformément. Toutes les patinoires n’ont pas de pistes dédiées à la pratique ou, comme à Besançon, n’acceptent pas d’altérer la glace pour un entraînement par semaine (ce qui implique de solliciter l’homme sur sa machine à glace que l’on appelle d’ailleurs une surfaceuse). Cet aspect technique qui peut paraître dérisoire s’apparente tout de même à un frein dans la pratique de ce sport encore peu développé en France. Seulement 400 licenciés à ce jour, pour une vingtaine de clubs, principalement situés dans l’est, près des Alpes et surtout de la Suisse, un des pays phares de la pratique. En parlant de pays phares, Simon Pagnot, membre de l’équipe de France et licencié

du club de Besançon nous en a un peu parlé ; le Canada et les pays scandinaves (en particulier la Suède et la Norvège), sont les vrais dominants de la pratique. Les Ecossais, inventeurs, malgré un parcours en dents de scie, ne sont pas très loin, tandis que l’empire du milieu rattrape son retard vitesse grand V, pour assouvir sa soif de médailles. Au Canada, on retrouve même des démonstrations de curling sur toutes les patinoires extérieures à l’approche de Noël, et le nombre de licenciés avoisine le million. Selon Simon, il existe le même engouement pour le curling au Canada que pour le rugby à 15 en France. Le sport a même sa superstar, Glenn Howard, qui est au curling ce que Wayne Gretzky est au hockey sur glace. Cependant en creusant un peu, on voit que même les superstars de la discipline n’en vivent pas ; Glenn Howard étant manager dans une fabrique de bières au Canada. Même si ces joueurs sont considérés comme professionnels, le sport business autour du curling n’en est donc qu’à ses balbutiements, rendant la pratique assez difficile car non exclusive dans la vie de ses pratiquants. En résumé, le curling c’est une affaire de passionnés, et nous sommes là pour le découvrir. Pour ceux qui ne connaissent pas les règles de l’art on peut comparer ça, grosso modo, à une pétanque sur glace. Le lanceur doit faire glisser la pierre de 20 kg dans la maison (ou home pour les anglophones) qui représente la cible au bout de la piste d’une quarantaine de mètres. Le skip, ou capitaine, est placé dans la maison, et donne ses indications de direction mais aussi de rotation.

Rotation, car la pierre doit être envoyée avec un mouvement rotatif (dans le sens des aiguilles d’une montre ou l’inverse) afin d’arriver à bon port. Si vous essayez de la lancer droite, elle va forcément partir en rotation non maîtrisée, et finir dans les choux. Enfin, deux balayeurs accompagnent la pierre, et en fonction

de sa vélocité, de leur jugement et des directives du skip, frottent ou non la glace avec leur balai afin que la pierre s’arrête dans la maison. Il est important de noter que ces positions ne sont pas fixes, et que les lanceurs seront balayeurs et également dans la maison à un moment de la partie. Le jeu est divisé en ends, ou manches. À chaque manche, chaque membre de l’équipe lancera deux pierres, soit 16 pierres en tout par end. Pour le comptage des points, cela marche de la même façon que la pétanque: la pierre la plus proche du centre prend le point, si la deuxième pierre appartient à la même équipe, cela fait deux points, etc. De la même façon il est possible de tirer les pierres, de gêner en se mettant devant la pierre de l’adversaire, et toutes autres techniques bien connues des boulistes. Les ronds de couleurs qui composent la maison n’ont aucune incidence sur les points, ce que l’on pourrait penser de prime abord, un peu comme à un jeu de fléchettes. Détail rigolo, on a le droit de frotter avec son balai pour faire sortir la pierre adverse quand celle-ci a dépassé la ligne médiane de la maison, pas très Coubertin pour un sport qui pourtant se pratique sans arbitre, et qui prône les valeurs du fair-play.

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«
DÉCOUVERTE
Le sport a même sa superstar, le Canadien Glenn Howard, qui est au curling ce que Wayne Gretzky est au hockey sur glace »

Au niveau du matériel, le curling ne serait rien sans cette pierre de 19,96 kg qui vient d’une carrière unique en Ecosse sur la minuscule île de Ailsa Craig. Vous imaginez le lobbying de la fabrique de Kays qui commercialise les pierres ? Il n’y a plus beaucoup de granit disponible dans la carrière, alors la marque fabrique seulement des inserts au centre avec le vrai granit, pour pouvoir continuer d’en produire. Et à plus de 600€ la pierre on peut dire que le business est lucratif. D’autre part, dans la panoplie du curler on trouve également le balai, qui coûte tout de même la bagatelle de 100€ avec une mousse à remplacer assez souvent. On peut le dire, l’investissement de base au curling est assez onéreux, sans compter les tenues traditionnelles à sortir pour les matchs de gala ! Enfin, il est important d’avoir soit des chaussures spéciales, ou une patinette afin de glisser sur un des deux pieds pendant le lancer de la pierre.

D’ailleurs c’est par là que nous avons commencé notre initiation. Ce qui choque immédiatement au curling c’est que l’on peut marcher tranquillement avec ses chaussures sur la glace. Comme je le disais plus haut, la glace est traitée de façon à ce qu’elle soit plus compacte: un des curlers arrose la glace avec de fines gouttelettes d’eau appelées pebbles qui vont permettre à la pierre de ne pas « ventouser ». C’est donc plutôt agréable

de pouvoir marcher tranquille et même courir lorsque l’on balaie, sans risquer de tomber tout le temps. Le seul qui glissera pendant la manche, c’est le lanceur qui met un patin sous sa chaussure, façon grand-mère qui venait de lustrer son parquet et qui ne voulait pas de taches d’un hooligan en Atemi comme vous. On commence l’initiation par le lancer, élément fondamental du curling. Un starting block, appelé hack, est installé au bout de la piste. Un des deux pieds (le droit ou le gauche en fonction de votre pied d’appui) partira de là, l’autre est sur la glace avec la patinette pour pouvoir glisser ; on s’appuie d’un bras sur la pierre, et le deuxième sur son balai, pour gagner en équilibre. Après un petit balancier façon rasta rockett, je m’élance sur la glace et lâche la pierre en lui faisant faire sa rotation. Je manque de

m’en prendre une superbe avec la patinette qui rend le truc vachement glissant; autant être honnête j’ai clairement l’air d’un con sur la glace et mes deux accompagnants se moquent de moi et trépignent de moins en moins à l’idée de lancer la première pierre. Il y a pas mal de paramètres à prendre en compte lors du lancer ; le glisser, l’appui sur le balai, la rotation de la pierre, la distance d’élan et la force que l’on met dedans. Cependant après une dizaine de lancers on commence à comprendre la technique (je ne dis pas que je ne me suis pas vautré une bonne paire de fois) ; le curling n’est pas un sport de bourrin et le lancer doit être véritablement mesuré afin que la pierre arrive tranquillement dans la maison. Après cette préparation au lancer carrément fun, on passe au balayage, qui lui n’est pas cool du tout. C’est la partie violente du sport. Quand j’ai demandé à Simon au début de l’activité si celle-ci était physique, il m’avait prévenu sur le balayage. Effectivement il ne m’avait pas menti, et frotter sur 10 ou 20 mètres devant la pierre s’avère carrément fatigant, surtout si vous recommencez cela toutes les minutes et demie en match. Cela dit la technique est beaucoup moins difficile pour cette activité, et le coup de main, si je puis dire, on le connaît déjà.

On a vu à peu près tous les aspects basiques du sport, alors pourquoi ne pas se lancer dans le grand bain et faire un match ? On se retrouve face à une équipe de jeunes licenciés, qui ont rejoint le club depuis environ 6 mois et sont ok pour nous défier. Simon, notre formateur joue avec nous et se place en position de skip pour nous coacher. La partie se passe pas trop mal, c’est toutefois vraiment dur de lancer la pierre avec la bonne intensité, j’ai tendance à lancer trop fort. Les copains n’ont pas

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Avec un petit zigouigoui pour l’attraper, c’est mignon.

besoin de balayer mais cela ne fait pas marquer de points pour autant. Les gars d’en face ont clairement le niveau pour nous mettre une bonne piquette, mais je les sens fair-play et pas particulièrement en veine ce soir. On finit la partie en se prenant tout de même deux points dans les jumelles ; on a beau avoir réussi à tirer une pierre, on peut dire qu’on a joué comme des patates. D’ailleurs j’en profite pour vous dire que le bruit d’une pierre qui en tire une autre est tonitruant, et plutôt jouissif. Nous sommes convaincus par la convivialité du sport et si nous n’étions pas là depuis déjà deux heures, nous aurions bien enchaîné sur la revanche ou éventuellement sur la troisième mi-temps ! Simon nous confie qu’entre les matchs les perdants payent un coup aux gagnants, mais qu’il faut faire attention en compétition car il y a un match toutes les heures et demie et il vaut mieux y aller mollo sur le destroy. D’ailleurs, la légende veut que le curling était à la base un jeu à boire, et que c’était une excuse pour ingurgiter une quantité astronomique de whiskys. Ah ces Écossais… Du côté de Besançon, ils sont moins attachés aux traditions, et le whisky peut se transformer aisément en Pontarlier (excellent breuvage anisé du cru) qui remplace au pied levé l’alcool tourbé.

Je profite de la fin de l’entraînement pour m’entretenir avec Wilfrid Coulot, président du Curling Club, plusieurs fois champion de France Junior, capitaine de l’équipe de France Senior, membre de l’équipe olympique et curler depuis tout jeune. Je lui pose tout de même la question de base lorsque l’on rencontre un curler ; comment en vient-on à jouer et à aimer le curling ? La réponse est d’ailleurs unanime, c’est souvent un heureux hasard. Wilfrid est venu à la patinoire pour le patin à glace, il est tombé sur le curling et ne s’est jamais arrêté. Les bons résultats en championnat de France junior ne l’ont que conforté dans la pratique et le développement du sport. Naturellement, on en vient à parler avec lui de l’état du curling aujourd’hui et des freins à son évolution, lui qui côtoie le sport depuis plus d’une dizaine d’années. Selon lui, le sport évolue de façon positive, les gens sont de moins en moins dans la moquerie, ils sont aujourd’hui ok pour tester le sport, et même parfois curieux, chose impensable selon lui il y a encore dix ans. Les Jeux olympiques ont fait du bien à la pratique ; cependant le sport est encore trop confidentiel, en France notamment. Aucun salarié de structures, ni de professionnels, il en résulte une promotion très compliquée du sport. Les résultats en demi-teinte de l’équipe de France au

JO de Sotchi (élimination lors des barrages) ont entaché quelque peu la motivation et mis un frein, ponctuel selon lui, à l’évolution du curling en France. Pourtant Wilfrid reste motivé et arrive à transmettre la passion qui l’anime aux licenciés du club ; il est sûr que le curling a de beaux jours devant lui. Je lui parle d’un groupe de métal suédois hyper connu là-bas, qui a fait un clip avec l’équipe nationale de curling, il connaît déjà et trouve que c’est une super idée de promotion pour le sport. Selon lui, ce serait possible de faire la même chose en France avec un truc un peu décalé, en adéquation avec la vision du sport ici ; il me propose Michaël Youn et je pense ma foi que c’est pas trop une mauvaise idée ! Wilfrid a une vision très claire de son sport et de l’image qu’il renvoie, cependant je peux vous assurer qu’une fois sur la glace, même les réfractaires ne peuvent que s’amuser. Si vous en doutez encore, on ne peut que vous inviter à vous rendre à Besançon au mois de mai pour les week-ends d’initiation, c’est gratuit et vous pourrez juger de votre appétence avec la pierre qui glisse et qui sait, dans quelques années défendre le drapeau tricolore. Le curling a besoin de vous ! // F.L.T.

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«
La playlist du curling Ice, Ice Baby – Vanilla Ice Hearts on Fire – Hammerfall LMFAO – Yes ! That Curling Song – The Bog Boys Howlin’ For you – The Black Keys The Curler’s Song – Andrew Murdinson
Les gens sont de moins en moins dans la moquerie, ils sont aujourd’hui ok pour tester le sport, et curieux, chose impensable il y a encore dix ans » Wilfrid Coulot, membre de l’équipe de France de curling

Johnatan et Guillaume Alric, les deux cousins de The Blaze ont retourné le petit monde de la musique ces derniers mois en passant, comme ça se fait souvent, par internet. À base d’électro planante et de clips léchés, beaux et fous, dont on ne ressort pas indemne du visionnage. Ils ont tellement foutu le bordel sur la toile que tout le monde les attend au tournant du live. Petit entretien exclu avec un duo qui maîtrise son temps et qui essaie de se faire discret dans les médias pour garder son intimité. On fait le point avec eux au moment où ils s’apprêtent à passer des écrans d’ordinateur aux scènes des grands festivals d’Europe. The Blaze, next Big Thing ?

Le thème de la virilité et de la bromance sont centraux dans le clip Virile mais aussi dans Territory. Il y a un problème avec les filles ?

Pas du tout, on s’est juste intéressés au thème de la masculinité sur ces deux clips et à comment faire ressortir une certaine part de féminité qui existe chez les hommes. Ce sont souvent des choses que l’on oppose dans nos sociétés, nous essayons de les réunir avec poésie.

Le projet The Blaze, c’est deux cousins. Les thèmes de la famille et des retrouvailles sont abordés dans le clip de Territory avec beaucoup d’émotions. C’est inspiré par vos histoires personnelles ?

Oui, beaucoup. Le clip de Virile pourrait être une allégorie de ce qu’on vit quand on est en studio, en dansant, fumant etc... Et pour Territory, par exemple, la scène du gorille est directement inspirée de ce que nos grands frères nous faisaient pour jouer avec nous quand on était gosses.

Vous avez marqué les esprits avec vos vidéos. Vous n’avez pas peur que ça fasse passer la musique au second plan et et qu’on ne retienne que ces vidéos ?

Pour nous les deux sont indissociables car on travaille les deux en même temps. Ce qui nous offre le luxe de pouvoir revenir à tout moment sur l’un ou sur l’autre. Beaucoup de gens nous disent connaître les chorégraphies de nos clips par cœur mais pour les faire ils ont forcément besoin de la musique qui vit aussi de son côté en

étant diffusée sur les radios ou dans les soirées.

Alors, qu’est ce que ça donne en live, le côté vidéo ?

C’est encore secret, on vous invite chaleureusement à venir le découvrir à nos concerts !

Vous n’avez pas l’impression qu’en ce moment, on ne peut rien vous refuser, que vous pourriez tenter ce que vous voulez. Vous le sentez comme ça ? C’est allé trop vite ?

Les choses sont allées vite, c’est vrai. Mais on garde la tête froide en restant concentré sur notre musique et notre cinéma. Il n’y a que ça qui nous importe. On tentera toujours des choses quoi qu’il arrive.

On a l’impression que ça bosse pas super vite, que vous prenez votre temps. C’est juste une impression ? Vous êtes des gros feignants ?

On est au studio tous les jours et on travaille beaucoup ! Le temps que l’on prend est le temps dont on a besoin pour faire ce que l’on fait. Entre le son, les clips et le live, c’est énormément de boulot et surtout, avant de sortir quoique ce soit, on veut être certains que c’est exactement ce que l’on cherche. On se remet énormément en question.

Vous avez dû en faire des conneries pendant les week-ends et les vacances quand vous étiez mômes. Ça se passait dans quel coin ?

On s’est toujours vus chez notre grand-père

dans le sud pour Noël et pendant les vacances d’été. Des conneries, on en a fait un paquet, mais on ne vous dira rien !

Guillaume, tu viens de la Nièvre, tu as vécu un moment sur Dijon, on te connaissait. Tu es aussi reconnu dans le milieu Dub sous le nom de Mayd Hubb. Ç a marchait fort pour toi. Tu continues à produire et à tourner ?

Aujourd’hui The Blaze me prend tout mon temps donc mis à part les quelques dates qu’il me reste, je mets Mayd Hubb en pause pour quelque temps. Je pourrai produire ou jouer ponctuellement mais rien de plus pour l’instant.

Passer du dub à l’électro, c’est une question de maturité dans ton parcours de musicien ou c’est juste pour gagner plus de pognon et serrer des meufs ?

C’est surtout quelque chose que je n’ai pas calculé. J’ai toujours avancé en faisant ce que j’aime et en essayant de rester un maximum ouvert à de nouvelle expérience. The Blaze est né d’une vraie rencontre mais aussi d’une histoire d’amour avec l’electro et le cinéma. // C.W. et A.T

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INTERVIEW
PAR CHABLIS WINSTON ET AUGUSTIN TRAQUENARD ILLUSTRATION : LÉA
ZAMOLO
« Beaucoup de gens nous disent connaître les chorégraphies de nos clips par coeur »
La toute première interview de The Blaze était dans Sparse, avant tous les autres. C’est normal y’a un mec de Clamecy dedans. On l’embrasse.

sparse numéro 14 | mars. avr. mai. 2016

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LA PAGE MODE

à gauche

Maillot/short : sales d’après l’entraînement.

Chaussettes : sans protège-tibias. Interdit.

Chaussures : pour terrain synthétique. Montre : Rolex avant 50 ans.

Cocktail : 2cl de rhum, 8cl de Roundup, 5cl d’un truc italien trop stylé, 15cl de 33 Export.

Pose : « Ah ouais, je vois ce que tu veux dire ». Ambiance : léopute.

à droite

Blouson : extrêmement cintré. Gants : contrat pour la mafia.

Maillot : Jacques Abardonado for ever Pose : Non au paquet neutre. Ambiance : les affranchis du BTP.

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Photos : Vincent Arbelet Série réalisée à Dijon Merci au Messire bar et à Lydie Jean-Dit-Pannel

La lady en Une du magazine n’a que modérément apprécié son apparence sur la couverture du n°19 de Sparse. Elle se trouvait pas bien, elle trouvait que ça nuisait à sa réputation d’artiste... Elle nous l’a exprimé fort fort au téléphone. Mais nous, avec notre service juridique ultra compétent, on savait qu’on avait le droit de publier cette photo, pour tout un tas de raisons. Mais on ne voulait pas que cette dame dépense inutilement son argent en frais de justice. Alors on lui a filé un encart pub dans le numéro suivant pour sa boîte de presta événementielle.

À la fin elle s’est calmée, elle a compris, et on est repartis bons potes. Franchement, en plus, elle est top cette photo d’Alex Claass, le photographe officiel des couv’ de Sparse pendant des années. La patte Sparse dès le début, c’est lui.

Coulisses
«
Vous allez me retirer ça tout de suite ou je porte plainte ! »
sparse | numéro 8 sep. oct. nov. 2014 2022 2023 ThéâTre Dijon Bourgogne réinventer les frontières t DB c D n théâtre dijon bourgogne centre dramatique national infos résa 03 80 30 12 12 tdb-cdn.com Licences d’entrepreneur du spectacle 1‑006910 / licence / 2‑006916 / 3‑006922 Photo → Les Innocents, Moi et l’Inconnue au bord de route départementale © Jean‑Louis Fernandez Création graphique → Brest Brest Brest 2023 c D n théâtre dijon bourgogne centre dramatique national infos résa 03 80 30 12 12 tdb-cdn.com 2022 t DB Licences d’entrepreneur du spectacle 1‑006910 / licence / 2‑006916 / 3‑006922 Photo → Les Innocents, Moi et l’Inconnue au bord de route départementale © Jean‑Louis Fernandez Création graphique → Brest Brest Brest

Salut les Musclés

Pourquoi et comment les gamins d’aujourd’hui se gonflent le corps à grands coups de muscu.

En 2017, Les salles de sport sont pleines, les muscles saillants, les torses épilés, les aliments pesés... Que nous dit ce phénomène sur la génération Z ? Quel risque pour la santé ? Peut-on encore parler de sport ? Petite enquête avec des profs, des chercheurs, des gérants de salles, des anciens… et bien sûr, les jeunes en question.

« Je ne peux plus m’arrêter, j’y ai trop pris goût. J’ai besoin de dépasser mes limites ». Romaric a 18 ans. Un petit gars trapu, bien massif pour sa petite taille, ce qu’il n’était pas du tout il y a encore un an en arrière, quand il a commencé la muscu. Il va à la salle 6 jours sur 7. Même son de cloche pour Louison, 20 ans. « C’est une addiction, c’est clair. Je suis triste si je ne m’entraîne pas ». Ce grand gars speed est étudiant en STAPS à Dijon et hyperactif. « J’y vais tous les jours. Ça donne une rigueur, une certaine hygiène de vie ». Romaric et Louison ont vraiment l’air différents. Un petit trapu timide et un grand gars à l’aise. Pourtant, ils sont tombés dans la muscu tout jeune tous les deux et semblent avoir des muscles qui ne correspondent pas du tout avec leur corps. Quand j’étais gamin, dans les 90’s, mon frangin pratiquait la muscu à haute dose. Il avait un corps surdimensionné,

et en général, les gens le prenaient pour une bête curieuse. Un dingo. Jacky Biondi, propriétaire d’Athletic Gym à Dijon depuis 27 ans, nous confirme la tendance de l’époque. « Dans les 90’s, on était quelques-uns au sous-sol de la salle. On soulevait. On voulait juste prendre de la masse. On nous appelait les gros. Maintenant, c’est fini ». Et c’est vrai que Jacky, bien que musclé, n’est plus hypertrophié comme sur les photos qui traînent çà et là sur les murs de son établissement. Maintenant, les jeunes qui se musclent ne se planquent plus au sous-sol d’une salle de sport. Ils se montrent. Beaucoup. Et s’assument dans la rue. Il y en a partout. Le phénomène est général. La musculation s’est démocratisée. Jacky le pense aussi : « À Dijon y’a 20 ans, t’avais 4 ou 5 salles, maintenant tu en as 40. Ça va de la low-cost à la plus chic, y’en a pour tout le monde. Et on a de plus en plus de jeunes, même si le phénomène est plus large que ça ». En effet, selon Benoit Caritey, historien et sociologue du sport à l’université de Bourgogne, la tendance est transversale. « C’est intéressant parce que ça concerne tous les âges, mais aussi toutes les couches sociales ». C’est plus voyant chez les jeunes parce que ces générations ont envie de prendre du volume. Jacky les voit tous les jours. « Les jeunes, ils veulent faire de la force. Arraché, épaulé-jeté, etc... Ils oublient que le principal c’est le cardio. T’as beau avoir une belle carrosserie, si t’as pas de moteur... »

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Par Chablis Winston et Pierre-Olivier Bobo, à Dijon Photos : Alexandre Claass
ENQUÊTE

Salles et crossfit

Le boom de la salle de sport a eu lieu dans la 2ème moitié des années 2000. On a vu apparaître aussi des salles de sport à bas coût, dans les centres-villes, les zones commerciales et même les campagnes. Dans une ville de la taille de Dijon, il y a des établissements dans presque tous les quartiers. La salle de sport est devenue un véritable commerce de proximité. Et de rencontres. Chez Magic Form à Dijon, par exemple, on propose des petits-déjeuners, des soirées Halloween « pour que les gens se parlent », appuie Anthony Pemjean, le gérant. Et puis c’est comme les restos. Y’a des trucs à junk food et des 3 étoiles. Faut choisir. « Dans certaines salles, t’as personne, pas un prof, personne pour donner des conseils, s’agace un peu Jacky Biondi . Pas étonnant quand l’abonnement coûte 19,99 par mois. Ils te font cours avec des vidéos sur des écrans dans la salle ». Pas sérieux. Romaric va chez Gigagym. « Parce que c’est à côté de chez moi… C’est dommage, ils laissent faire, ne donnent pas trop de conseils aux débutants. Au début, j’ai fait de la merde. Je suis les conseils d’un coach, mais c’est juste un client comme moi, plus expérimenté » Gigagym et Amazonia appartiennent à la holding Nextalis. Un mastodonte de la salle de sport. « Chez Amazonia, on vient surtout pour s’entretenir, pour perdre du poids. C’est

une logique plutôt de contrainte » indique Mathilde Etheve, directrice marketing et développement. Pas de coach chez Amazonia, c’est de la vidéo, ça coûte moins cher. « Par contre on produit nous-mêmes les vidéos, on travaille les décors, etc. » Un fonctionnement sans accompagnement du client que déplore aussi Anthony Pemjean, de Magic Form. Sa salle est bien connue des Dijonnais en raison de ses énormes vitres qui permettent aux passants de voir les sportifs courrir sur des tapis à l’intérieur. Chez lui, il y a des profs (certains salariés, d’autres indépendants), même si bien sûr, ça fera un peu plus mal au portefeuille. Certaines salles offrent des suivis personnalisés et des profs diplômés pour tous les cours. Oui, les cours, car une salle de muscu, ce n’est pas que pousser de la fonte. Même s’il suffit d’y passer une tête pour se rendre compte que les plus jeunes soulèvent, presque exclusivement. Zumba, jumping, biking, pilates, gym douce et bien sûr… Crossfit. Le Crossfit, c’est fou. C’est LE truc fou du moment. Louison ne jure plus que par ça. En fait, c’est un type d’entraînement où tu mixes plein d’autres entraînements. Une espèce de parcours muscu. Pour Louison, c’est le plus complet. En un parcours, tu fais du rameur, de l’haltéro, etc. Toutes les facettes de la muscu en une. Il y a même des clubs affiliés Crossfit dans le monde entier. Louison fréquente assidûment celui de Dijon. Crossfit, en fait, c’est une marque. Un truc

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This is « la salle ».

inventé par Reebok. Si une salle veut pratiquer le Crossfit, elle paye, comme pour la Zumba. Un mec veut donner des cours de Crossfit ? Il paye. « Moi ça fait longtemps que je fais ça, mais on appelle ça ‘parcours sportif’. Reebok a fait un bon coup avec quelque chose qui existait déjà... » Le phénomène Crossfit inquiète un peu Carole Cometti, du Centre d’expertise de la performance à Dijon (CEP), établissement reconnu dans la France entière pour le sérieux de son travail. « Le Crossfit n’est pas adapté à la performance. L’objectif, c’est d’en faire le plus possible. C’est pas bon. » Pour elle, toutes les formes de musculation se travaillent, en fonction de ce qu’on veut muscler.

« Au Crossfit, on fait tout. Alors que chaque exercice devrait nécessiter un placement impeccable. Il faut apprendre les bases de la muscu avant de se lancer dedans. Quand je vais dans des salles, c’est souvent un peu léger, un peu amateur. C’est important d’être accompagné ». On ne vous parle même pas de ceux qui le font en mode street workout (en extérieur, seul ou avec les potes, voir magazine Sparse n°17) ou ceux qui apprennent via des tutoriels sur internet. Internet justement, parlons-en. Anthony Pemjean y voit une influence énorme sur les gamins. « Notamment avec les Youtubeurs comme Tibo Inshape ». On les appelle des « influenceurs », ils fédèrent des communautés, ils se filment ou se prennent en photo sur Instagram et Twitter. Vincent Issartel, Ross Enamait sont extrêmement actifs sur les réseaux sociaux, et particulièrement suivis. C’est la tendance, c’est ainsi, les stars des réseaux sociaux sont aussi des coachs sportifs ou des types qui se gonflent ou prennent des photos de leurs repas. La communauté des adeptes de la salle aime échanger des bons tuyaux sur internet, mais aussi se retrouver toutes les semaines pour papoter. Comme pour n’importe quel autre sport, comme le remarque Philippe Guyon, ancien directeur du SUAPS à Dijon, le service universitaire des activités physiques et sportives qui a lui aussi bénéficié de l’essor monstrueux de cette pratique. « Les filles, notamment, aiment bien venir sur les mêmes créneaux horaires chaque semaine ». La salle comme vrai lieu de rencontre, un moment de détente. Georges Delgrosso, enseignant en musculation au SUAPS, valide la thèse et se félicite de l’engouement. Le service universitaire, qui est gratuit pour les étudiants et le personnel, a d’ailleurs pris 4.000 inscriptions depuis 2014, date à laquelle s’est ouvert sur le campus un espace de 130 mètres carrés pour 27 machines. Auparavant, la muscu se passait à la cité Maret en centre-ville. Dorénavant, c’est open 6 jours sur 7, les créneaux sont blindés

et il y a des profs à disposition. « Au SUAPS, notre mission est d’accompagner les pratiquants afin qu’ils soient ensuite autonomes », précise Georges Delgrosso. Le point important pour Carole Cometti, c’est que tout ce qui est muscu à la base, c’est fait pour préparer, dans le but d’exercer un sport. La muscu, ce n’est pas un sport, c’est une préparation spécifique pour être performant dans un sport. Louison l’avoue : « Le Crossfit, à la base, c’était pour la prépa du foot. Mais j’ai tellement aimé ça que c’est devenu mon sport. Même si je fais encore du foot et de la natation, je dirais que mon sport, c’est le Crossfit ». Un sport à part entière. C’est quoi ton sport ? La muscu… Tu pratiques quoi, toi ? Le tennis ? Non, la salle. La salle, c’est devenu un sport comme les autres. Un peu comme si un mec pratiquait la cuisine, mais sans se poser la question de ce qui va se passer quand il va manger.

Healthy way of life

La muscu, ce n’est plus seulement un sport, c’est aussi un mode de vie. Quand on avait 18 ans, sans vouloir faire le vieux con, on jouait au foot, au basket, au tennis On pratiquait beaucoup et on pouvait même se considérer comme sportif : entraînements, matches. Mais je peux te dire qu’après l’entraînement et les week-end, on bouffait des gros kebabs, on buvait des bières et on fumait des... clopes à volonté. Ce qui n’est pas forcement malin, c’est juste un constat. Parmi tous les jeunes rencontrés pour cette enquête, pas un ne fume, ils évitent l’alcool au maximum, font très attention à leur sommeil. Pour Louison, ça fait partie du sport : « C’est un tout, si tu fais gaffe à tout ça, ça ira forcément mieux dans les études ». Et ils ont une alimentation contrôlée. Très contrôlée. Même si Romaric et Louison avouent un écart junk food de temps en temps « pour se faire plaisir », ils font très attention à ce qu’ils mangent. Romaric nous a donné rendez-vous chez Starbucks parce qu’il peut y trouver des boissons peu sucrées… Ah ouais ? chez Starbucks, sérieux ? « Pendant les périodes de sèche, je pèse ce que je mange ». Parce que ces jeunes ont une période de prise de masse et une période de « sèche ». Tout est sous contrôle, on vous dit. Il y a des temps pour faire du muscle, pour se gonfler, où il faut manger protéiné, et d’autres pour faire sécher le muscle, le rendre tonique, élégant, pas trop gras. Franchement, on voit que c’est sain, mais c’est pas très fun… ça doit pas être la fête de la vanne en soirée. Il faut ajouter à ça tous les compléments alimentaires. Ça, ça fait flipper la plupart des parents. Ça va de la « whey », la protéine basique à base de lactose, jusqu’aux mixtures obscures. Pendant la période pré-internet, mon frère devait commander ça aux USA, par correspondance. Maintenant tout est trouvable en boutique ou sur le net. Tout le monde reconnaît que les salles ne poussent pas à la consommation. Il ne faut pas en abuser, et comme pour les exercices, demander des conseils. Ça ne semble pas être l’ultime marché de la drogue. Mais attention, l’ANSES, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire « déconseille l’usage » de ces compléments (protéine de lait, créatine, DHEA, brûleurs de graisses) aux personnes « présentant des facteurs de risque cardiovasculaire » ou souffrant d’insuffisance rénale, d’une altération des fonctions du foie ou de troubles neuropsychiatriques dans un rapport de 2016. Restez sains les jeunes ! Là où certains font hyper gaffe, d’autres continuent à faire n’importe quoi tout en se gonflant à mort.

«
J’ai des étudiants qui ont des deltoïdes énormes dont ils ne se serviront jamais  »
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Benoit Caritey, historien et sociologue du sport.

10 kilos pour un volant de bagnole ? Un peu lourd.

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!!!!
MmmmmMMMMMmmMmmmmmmhhhhhhh

« Franchement, les étudiants ne savent pas se nourrir », se marre Georges Delgrosso du SUAPS. « On essaie de faire de la sensibilisation sur la nutrition avec AgroSup, l’institut des sciences agronomiques de l’université de Bourgogne » Quelque part, c’est rassurant. Un autre mythe voudrait que ce soit dangereux de se muscler avant ses 18 ans, parce que le corps n’est pas encore « fini ». Déjà, l’hygiène de vie ultra saine joue. Ensuite, Carole Commeti balaie ces inquiétudes : « Ça peut stimuler la croissance. Il ne faut pas en faire trop, bosser sur le spécifique ». En gros, le problème, c’est que les gamins y vont comme des bourrins, pas qu’ils sont trop jeunes. « Regardez les skieurs ou les gymnastes, ils font de la muscu pour renforcer, éviter de se blesser. Ça peut être utile, ça peut les protéger. Mais il faut adapter au sport du jeune ».

L’apparence l’emporte sur la fonction

Que les jeunes veuillent être sains, qu’ils veuillent faire du sport, on peut le comprendre, même si on trouve ça un peu triste, la façon dont ils le font : dans une salle. Mais pourquoi est-ce qu’ils se déforment en se gonflant comme ça ? Benoit Caritey, historien et sociologue du sport, a une explication : « Le morphotype du sportif a changé. Le morphotype de la force aussi. Avant, c’était Lino Ventura. Des gars avec un buffet énorme. On ne cherchait pas à sculpter ». Selon lui, il y a un objectif qui est largement autant social que sportif. « La force n’a plus la même utilité sociale. Être musclé, avant ça servait au travail de l’homme de peine. Aujourd’hui, il y a moins de travaux de force, la force n’exprime plus une réalité sociale. Comme ça ne sert plus, on est passés dans l’esthétique de la force ». Benoit reconnaît facilement qu’ « un culturiste, malgré ses muscles, ne pourrait pas faire le boulot d’un docker », qui développait ses muscles en fonction de ses

besoins. On n’est plus dans le sport, on est dans l’apparence. Pour la muscu, selon Benoit, « l’apparence l’emporte sur la fonction ». La force n’est pas le but, paraître fort, c’est le but. « Maintenant, vous regardez les acteurs, c’est plus Ventura. Ils sont retravaillés à la musculation. Comme on se fait refaire le nez ou les seins. » Le rapport au corps a évolué, les canons esthétiques ont changé. La virilité s’est déplacée depuis longtemps, s’exprime par le haut du corps, le visible. Les gars se gonflent le haut et en oublient souvent le bas. On dirait les athlètes d’Astérix aux Jeux Olympiques. « C’est pas bon. Le haut c’est plus facile à développer. Le bas, c’est pourtant la partie du corps la plus éprouvée tous les jours, c’est important comme muscles », pense Carole Cometti. « J’ai des étudiants qui ont des deltoïdes énormes dont ils ne se serviront jamais » renchérit Benoit Caritey.

Éviter de se faire emmerder par plus balaise que soi

Finalement, la musculation et toutes ses composantes ont changé d’utilité ces 10 dernières années. Il y’a une musculation dans un but de prépa physique, pour les sportifs, qui peut dériver vers des choses too much qui te font bobo si tu y vas comme un bœuf. Y aller comme un bœuf, c’est souvent ce que font ceux qui y vont dans un but social ou esthétique. Ceux qui en avaient peut-être marre de prendre des gifles par de plus balaises qu’eux. On y va pour donner l’apparence d’un mec qu’on n’a pas envie d’emmerder, un mec bien dans sa peau. Romaric avoue que le fait de pratiquer la salle à haute dose lui a redonné confiance en lui. « J’étais plutôt timide, je me trouvais un peu gros. Les filles ? Maintenant elles me regardent plus sur la plage, c’est sûr. » On serait tenté de rajouter un petit paramètre psychologique à la question de départ. Louison : « Les filles, ça marchait déjà avant. Et j’ai pas l’impression d’être plus confiant. Je l’étais déjà pas mal avant ». Première catégorie pour lui. Deuxième pour Romaric. Ils se rejoignent en tout cas sur le fait qu’ils nous parlent de « leurs corps » tout le temps. Comme si c’était leur meilleur pote, et avouent que leur génération pense plus à eux-mêmes. Romaric assume : « Avant, les gens fumaient plus, buvaient plus, se musclaient moins… Mais est-ce que c’était mieux ? On sera peut-être moins malades ». Pas faux, mais moins drôles aussi. Les p’tiots s’en tamponnent d’être subversifs. Ils pensent à leur corps, à eux, et à aller à la salle.

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P.-O.B.
C.W. et
L’apparence l’emporte sur la fonction . La force n’est pas le but. Paraître fort, c’est le but.

Un concours de pêche aux carnassiers à Mâcon un matin d’automne.

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Man Wine Man Wine

On a tenté le stage de survie en Bourgogne.

La survie, c’est méga à la mode. Au départ, on a vu Tom Hanks dans le film, puis Bear Grylls le balaise. Maintenant, il y en a pour tout le monde, même pour les pécores comme nous. C’était l’occaz’ rêvée de retourner à l’état sauvage tout en restant pas trop loin de chez nous…

Par Frank Le Tank, dans les Hautes-Côtes de Nuits Illustrations : Michael Sallit
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a vous est déjà arrivé de survivre à un crash d’avion et de vous retrouver seul au milieu d’une forêt sans téléphone, sans vivres, sans rien ? Ben moi non plus. Mais je me prépare au pire, car c’est comme ça la vie moderne, la vie sous le régime Macron, en marche ou crève, un peu comme un roman de Stephen King sans clown mais avec le couteau entre les dents, prêt à tout pour se maintenir à flots. Grâce au stage de survie que je vais vous narrer maintenant, je pourrais (presque) subsister au cas de figure précédent. Prends ça dans les babaches, Mike Horn.

Tu connais le topo ?

Le rendez-vous est pris : 9h samedi matin sur le parking de Reulle-Vergy, dans les Hautes-Côtes de Nuits pour une balade un peu particulière de 24h dans les bois. Ok. Je sais, ReulleVergy, c’est pas l’Amazonie mais faut bien faire avec ce que l’on a dans le coin, et étant donné mes connaissances en milieu forestier sauvage, cela me convient très bien. Cependant, pour corser un peu le niveau du stage, j’ai décidé de sortir la veille, de m’alcooliser et de dormir très peu, histoire d’être bien à fond. D’ailleurs, cela se vérifie très vite car je me pointe avec 20 minutes de retard au rendez-vous. Damien m’attend, c’est un ancien sergent parachutiste et il sera mon professeur de survie avec les 8 autres candidats de ce stage aux accents

au groupe d’échanger, et de se rapprocher rapidement dans l’adversité. Je fais équipe avec une nana qui a l’air aussi douée que moi, probablement pas une fan des balises de l’époque. Si seulement je pouvais enclencher Google Maps... Merci Bouygues Telecom et son zéro réseau dans les Hautes-Côtes. Heureusement, dans le groupe on a aussi un couple père-fils de ferrailleurs qui ont fait le chemin depuis Vichy, et qui ont l’air sacrément à l’aise dans la forêt. Ils prennent le lead jusqu’au premier point-relais, sous le regard approbateur de Damien.

Règle n°1 : Ne pas toujours croire les trucs de

grand-mère

Damien, c’est le genre de mec que tu débarques au pôle nord avec un slip de bain pour tout vêtement sans une brosse à dents et que tu vois rappliquer le lendemain après-midi au bord de ta piscine avec le sourire jusqu’aux oreilles, les poches bourrées de pesos (cette expression issue du film En Terrain Miné est également valable pour Steven Seagal période 80-90). Ce qui est bien avec lui, c’est qu’il a la vulgarisation facile. En plus de te donner des tips et astuces pour te repérer, il te raconte les trucs qui ne marchent pas du tout comme poser la boussole sur la bagnole. Comme les gendarmes font avec Corinne Touzet dans les séries nulles, sauf que le métal ça te fausse ton nord géographique et que t’es de la baise pour retrouver ton chemin dans le bois. Par contre, pour s’orienter, ce qui est un peu la base de la survie, on peut se fier au soleil. En prenant sa montre, si on en a une, et en déterminant l’heure solaire (une heure de moins que l’heure actuelle en été, et deux en hiver) ou en reproduisant un cadran solaire sur le sol on peut retrouver le nord easy. Par contre, Damien nous explique que la mousse sur les arbres qui indique le nord, selon les dires de nos grands-mamans, n’est pas forcément un truc qui marche : « les conditions d’ensoleillement et d’humidité jouent un rôle majeur, et je ne parle pas de l’hémisphère sud ou de la jungle, où tout pousse partout ». Ah oui forcément vu comme ça…

de Koh-Lanta. Après un bonjour rapide, je m’occupe de mon paquetage. Damien me refile une ration de survie de l’armée, le grand luxe pour moi qui n’avais pas eu le temps de petitdéjeuner. Je récupère également une gamelle, un couteau, une bâche, une carte, une boussole, une lampe frontale ainsi qu’un litre et demi de flotte. Sans oublier le duvet rapporté par mes soins et pas du tout adapté à la saison. Je sais ce que vous vous dites : ce mec est aussi équipé que pour taper deux semaines sur le GR20, ce à quoi je vous répondrai que la survie niveau 1, ça se prépare mon p’tit monsieur. Après seulement quelques mètres, Damien nous montre que l’on peut manger un peu tout lorsque l’on se retrouve dans la nature, à condition de savoir ce que c’est. « Si tu connais pas, tu manges pas ». Me voilà donc en train de déguster des orties à 9h30 un samedi matin. Pas mauvais ma foi, mais un peu léger pour remplacer un english breakfast. Pas le temps d’imaginer les saucisses ruisselantes de sauce Worcestershire, puisque nous sommes déjà sollicités pour nous orienter sur la carte IGN. Pour les plus grands fans de course d’orientation, ce n’est peut-être qu’un détail, mais pour moi, à 9h45 ça veut dire beaucoup… d’abnégation. Tu te rappelles comment on oriente la boussole ? Comment on lit une carte IGN ? Que veulent dire toutes ces lignes concentriques ? Personnellement mes souvenirs ne sont pas frais et cela permet

Et qu’est-ce que l’on dit au gentil braconnier ?

Les heures avancent, et on a l’impression de développer des skills de malade, un peu comme Bear Grylls quand il échappe à l’ours polaire dans la première saison. Nous, on fait des pièges de fou pour choper des lapins de garenne, c’est pareil. Enfin, pas tout à fait, car braconner c’est interdit en France, et il vaudrait mieux pas que l’on se fasse choper par l’ONF ou autres Walker Texas Rangers des forêts. Mais pour Damien, c’est quand même important de nous montrer, en cas de survie, comment ça se passe. J’en profite pour aborder la question des survivalistes avec lui. Vous savez, ces mecs bas-du-front, à la limite du faf, qui se préparent à l’éventualité d’une fin du monde en accumulant des boîtes de haricots dans un abri antiatomique tout en tenant des discours débiles. Pour Damien, rien à voir avec son activité, le but du stage ici « est de montrer que la forêt peut être un endroit inhospitalier qui a ses règles. Si vous êtes confrontés un jour à une situation dangereuse, j’espère que mon stage pourra servir ». Effectivement rien à voir, ce n’est pourtant pas la première fois que l’on fait le rapprochement entre son activité et les survivalistes adeptes

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Ç
Damien me refile une ration de survie de l’armée : c’est Byzance, même chez moi, je n’aurais pas rêvé mieux.

de théories fumeuses. « Quand j’ai lancé ma boîte Time on Target, les gendarmes sont venus me voir pour vérifier ce que je faisais. En tant qu’ancien militaire, ils se sont posés quelques questions sur mes intentions ». Cependant Damien ne pense pas à mal, au contraire, il partage son goût pour la nature, il est d’ailleurs aujourd’hui référent pour des émissions de télé-réalité célèbres basées sur la survie. « C’est sûr que c’est un effet de mode télévisuelle qui attire les gens aux stages ».

De la flotte et des joues de porc pour John Rambo

La matinée se passe entre apprentissage et randonnée tranquille, la pluie nous guette, elle a été annoncée de longue date mais pour l’instant on passe à trav’. Vers les 13 heures, mon bide commence à crier famine, heureusement on s’arrête pour entamer le module « eau ». La journée de stage, vous l’avez sans doute compris, est divisée en modules d’apprentissage avec différents pôles d’enseignements majeurs. La flotte en fait bien évidemment partie. Le postulat de base étant : comment trouver de l’eau quand on n’en a pas. Bon, en l’occurrence j’ai 1.5 litre dans mon sac que je dégomme allègrement. Autant vous dire que je n’ai rien écouté du pourquoi du comment on récupère de la flotte si on n’a pas de Cristalline… J’ai un peu de mal à me concentrer, surtout que ma ration de survie me

fait méchamment de l’œil. J’attends sagement la fin du module pour me ruer sur mon en-cas, un peu à la manière de Solid Snake dans Metal Gear Solid pour les plus geeks d’entre nous. En ouvrant le carton, je tombe sur une quantité de bouffe incroyable, des barres vitaminées, des gâteaux secs sucrés et salés (infâmes au passage), du potage, du fromage fondu, du thon à l’escabèche, des compotes, du bœuf en salade… J’ai même un réchaud de poche pour faire chauffer mon plat principal : de la joue de porc en raviole. C’est Byzance. Même chez moi, je n’aurais pas rêvé mieux, c’est un peu comme si Paul Bocuse venait me servir dans les bois. Je garde le chaud pour le soir et commence à déguster différents mets raffinés, Damien nous explique que ce sont des rations de l’armée qui sont destinées aux militaires à l’étranger, avec lesquelles les soldats peuvent tenir au moins 3 jours. Bon, le club des petits gros s’en chargera en 24 heures, la randonnée ça creuse… Malheureusement Damien n’a pas pensé au module digestion dans sa journée, vous savez, l’activité qui consiste à bailler aux corneilles en se racontant des souvenirs. Il nous reste de la route à faire pour atteindre notre camp pour la nuit, sachant que l’on doit encore apprendre à monter notre abri, créer une tyrolienne et faire du feu. Easy Peasy, comme dirait nos voisins anglosaxons.

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Bed and Breakfast dans la forêt de Sherwood

« Comme on fait son lit, on se couche », vous connaissez probablement ce proverbe d’un ancien temps, qui prend malheureusement tout son sens dans les bois, en particulier quand vous n’avez pas de tente. Car comme je le mentionnais en préambule, la bâche que l’on a dans notre sac sera notre « sleeping bad » (analogie de « sleeping bed », expression déposée par moi-même à l’INPI). Il est donc important de savoir comment l’installer avant qu’il ne fasse nuit noire. Comme d’hab’, Damien nous fait ça comme un chef en deux temps trois mouvements, entre deux arbres. Il est important de considérer le vent (pour ne pas être trop exposé), et de se construire 4 piolets à base de noisetiers, histoire de bien maintenir la base, un peu comme vos sardines de tente 2 secondes en festoche. Une fois que cela est monté, on cherche de la mousse pour installer son nid douillet pour passer la nuit, mais nous aurons l’occasion de revenir sur ce point un peu plus tard… Nous continuons nos pérégrinations en forêt, la digestion et mon manque de sommeil commencent à se faire sentir, et pour en rajouter une couche, c’est à mon tour de m’occuper de la topographie avec ma collègue Cécilia. Cécilia, c’est le genre de nana sportive, fondue de crossfit (ce sport estampillé par Reebok qui a remplacé la zumba dans les salles de sport), et désireuse de se dépasser dans les activités. C’est d’ailleurs pour ça qu’elle s’est inscrite. Malgré son expérience dans les bois, la topographie n’est pas son fort, et comme elle me confie que son sens de l’orientation est très approximatif, je décide de lui demander par instinct où elle irait. En prenant l’inverse de son conseil, nous voilà à nouveau sur le bon chemin. Efficace. On passe donc à la vitesse supérieure avec la tyrolienne. Contrairement à ce que l’on peut penser, la tyrolienne c’est pas le truc marrant que l’on fait gamin pour traverser des bacs à sable (ça c’est une poulie), ou le mec qui chante sur les montagnes suisses (ça c’est Eric des Musclés). La tyrolienne, ici, consiste à tendre une corde au dessus d’une étendue d’eau ou d’un truc dangereux pour passer en toute sécurité. Bon, le truc que j’ai pas compris de prime abord, c’est qu’il y a quand même bien quelqu’un qui doit se bourrer de passer le rapide ou le ravin pour attacher la corde de l’autre côté, mais bon passons. Ce module n’est vraiment pas évident, outre la batterie de nœuds qu’il faut connaître pour fixer la tyrolienne, il faut par la suite grimper dessus en cochon pendu, puis se retourner à la force des bras, passer la corde entre ses parties intimes sans finir eunuque avant de traverser à même le vide. Perso, je n’étais pas très chaud pour le faire. J’aurais dû suivre l’exemple d’un autre participant, un informaticien venu lui aussi avec son fils, et qui nous a évoqué un sombre problème d’épaule (on peut d’ailleurs légitimement se demander pourquoi ils viennent tous avec leur fils, visiblement toutes les mères de familles offrent un doublé survie à leur rejeton et leur mari pour passer un week-end pépouze avec le facteur). Pour en revenir à cette tyrolienne, touché tout de même dans mon ego surdimensionné, j’ai essayé de franchir l’obstacle avant de m’arrêter à l’étape 2, c’est-à-dire juste avant de me vautrer comme une merde.

Je te fais le feu  !

La journée continue et je dois avouer qu’elle passe bien plus vite que dans mes pires appréhensions. Et puis, il faut dire que l’on arrive sur l’activité phare, celle dont tout le monde m’a parlé avant le stage : apprendre à faire du feu ! Bien évidemment, il commence à flotter juste à l’évocation de ce nouveau module, de quoi rendre la tâche un peu plus ardue. Alors c’est simple, pour faire du feu, il faut : de la paille sèche, des herbes sèches, de la brindille sèche et du bois sec. Bref, des trucs secs. Quand il pleut c’est le plus dur à trouver. Nous voilà repartis en groupes de trois pour rassembler tout ça. Deux façons de faire un feu sans briquet : la technique de l’archer (ou celle du bout de bois qui tourne dans une cavité, le genre de truc impossible où même McGyver galère) et l’autre, à savoir frotter son couteau contre un firestarter, ou plus communément une pierre à feu. En gros, on frotte le magnésium avec le couteau, ce qui va créer des étincelles et permettre à la paille de prendre feu, puis aux brindilles, puis au bois. Sur le papier, aucun problème. Le problème ici, c’est la fucking pluie. Il est super difficile de trouver de la paille ou de l’herbe sèche. Après une demi-heure d’essais infructueux, j’hésite une seconde à prendre le briquet que je viens de retrouver dans ma poche. Comme je sens que le truc n’est pas très Coubertin, on continue un peu, jusqu’à réussir à faire prendre la paille. Mais c’est là que les problèmes arrivent. Il faut être très attentif à ne pas recouvrir le feu trop

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Je ressens mes lacunes en pleine nature. J’en chie comme un Russe pour trouver de la mousse, avant d’arrêter de regarder par terre pour me rendre compte qu’elle pousse en abondance sur le tronc des arbres.

tôt, sinon c’est le fail assuré. Selon Damien, « le feu doit tenir 5 minutes, avant de savoir si celui-ci va être pérenne pour des heures ». À force de travail, on obtient le résultat escompté, avec une belle dose de fierté. Et puis on éteint le feu avant de repartir, frustrés. Il est temps d’installer notre camp pour la nuit.

Un soir au camp d’été…

Le voilà le gros morceau du stage : dormir dans la forêt fin octobre sans tente, de quoi calmer les lecteurs qui doivent penser qu’à ce stade là de l’article, j’étais en vacances dans les bois ! On s’enfonce un peu plus dans la forêt pour trouver un endroit à l’abri, c’est-à-dire loin d’un chemin balisé, et suffisamment couvert en cas de pluie, pluie qui a d’ailleurs fini par se calmer depuis l’épisode du feu. En arrivant sur le site, on met en action les cours de l’aprèm. On installe nos bâches par binôme, c’est d’ailleurs le moment de vous présenter mon nouveau collègue, celui avec qui je vais avoir l’honneur de passer la nuit : Gérard ou Gégé pour les intimes que nous ne sommes pas (encore). Gérard est un médecin généraliste de 71 printemps, qui aime dépasser ses limites. Adepte du saut en parachute et ancien médecin pénitentiaire, il vit pour l’adrénaline. Un peu comme moi, mais en plus prononcé quoi. Malgré des talents évidents de survie, notre aventure pour fixer la bâche n’est pas si bien partie que ça. On galère à mort pour attacher le truc et mes pauvres piolets taillés dans le noisetier, qui font pourtant le taf, ne satisfont guère Gérard qui part dans un complexe procédé de calage à base de troncs d’arbres. Qu’à cela ne tienne, je m’affaire à trouver de la mousse avant que la nuit tombe. Je n’ai pas peur de dire que je suis carrément citadin, mais là je ressens clairement mes lacunes dans la nature, et j’en chie comme un Russe pour trouver de la mousse, avant d’arrêter de regarder par terre pour me rendre compte qu’elle pousse en abondance, et au sec, sur le tronc des arbres ! Cette réflexion, pourtant simple m’a pris tout de même bien 10 minutes. Je prépare désormais mon lit de mousse à la frontale. Gérard, qui cogite toujours à plein tube sur son système, me dit qu’il n’a pas besoin de mousse. Chic, je me fais un matelas digne d’un Bultex ©. Pendant ce temps, mes collègues plus alertes, aka la famille de ferrailleurs Damien et Cécilia, ont déjà réussir à faire partir un feu. On peut enfin tous se retrouver autour du brasier pour la collation. À moi les joues de porc qui me faisaient de l’œil depuis le matin ! Le repas se passe dans le calme, on est tous un peu fatigués de la journée, même si on n’a pas énormément marché, environ 15 km. Il fait désormais nuit noire, on profite du feu pour réchauffer potages et autres denrées. Le litre et demi d’eau s’est tari et je me dois de les provisionner pour la nuit. Pas d’harmonica ou

d’histoire type chair de poule, après le repas tout le monde part se coucher. Demain, debout 5h30 pour lever le camp.

When the night has come …

Lorsque l’on s’enfonce dans son duvet, on a peur, peur de se les cailler à mort, peur d’être mouillé par le sol qui à défaut d’être détrempé, est bien humide. Par contre, je suis très agréablement surpris par la mousse. Cela permet de conserver le corps au sec, et même d’apporter une certaine forme de confort. Les premières minutes, on est galvanisé par le bruit du vent dans les feuilles, par le sentiment, un peu cucul de plénitude qui nous entoure. « On n’est pas grand-chose, hein Gégé ? » Et puis ensuite, ben on a froid. Ok, ce n’est pas la mort car ce mois d’octobre a été plus que clément mais une nuit à 8 degrés, c’est quand même pas la fête. Damien nous l’avait dit : « il y a de grandes chances que vous dormiez par intermittence ou pas du tout ». Heureusement vu mon état de fatigue, je me place dans la première catégorie. Ce qui est bien avec ce genre de nuit, c’est que le réveil se passe sans accroc, pas de place pour les grasses mat’. Après avoir ravivé le feu, on s’assoit ensemble pour parler des expériences plus ou moins traumatisantes de la nuit passée en partageant un café lyophilisé avec un goût pas des plus légaux (les amateurs reconnaîtront). Pour les plus accrocs à l’hygiène, et pour ceux auxquels il reste un peu d’eau, on peut même se brosser les dents à la cendre froide, qui représente une excellente pâte à dent. Après quelques minutes de torpeur généralisée, on doit tout de même plier rapidement et faire le chemin inverse… À la frontale. Hé oui, il fait encore nuit noire et on s’est pas mal enfoncés dans le bois pour trouver notre coin douillet. Après une heure de marche accompagnée d’un superbe crépuscule, le soleil pointe le bout de son nez. On discute avec les participants comme si on les connaissait depuis un moment, des camarades de galère avec qui on voit le bout du tunnel ! Avant de retrouver nos voitures respectives et de retourner à la civilisation, Damien me demande comment ça s’est passé et me lance un petit « ça te tente de venir faire la survie niveau 2 ? Ça se passe en février, cette fois on part sans sac, sans eau, sans bâche. Juste avec un couteau. » Je me laisse le temps de la réflexion… En attendant, je retrouve la civilisation avec un regard neuf, ces routes grises et ces gens bruyants, acculés par des problèmes futiles. Je me dis que plus jamais je n’irai dans un centre commercial, ces palais consuméristes. Avant de passer devant le Super U de Fixin et de voir sa promo sur les pains chocos, trois pour le prix d’un. Demi-tour rapide, je klaxonne une vieille qui gueume au feu rouge, avant de poser un frein à main sur le parking. Que voulez-vous, il faut bien survivre. // F.L.T.

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NE PAS AVALER

Comment la pilule , symbole de la libération des femmes dans les années 70 et moyen de contraception vedette pendant de nombreuses décennies est-elle devenue aujourd’hui un objet de défiance pour certaines femmes ? Éléments de réponse à travers les témoignages d’utilisatrices et de professionnelles de santé de la région.

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Par Sophie Brignoli Illustrations : Mr. Choubi
SANTÉ

« La pilule je l’ai prise pendant 16 ans sans interruption et sans me poser de question. Et puis un jour, parce que j’étais fumeuse et célibataire, j’ai décidé d’arrêter pour voir... Le changement a été brutal mais salvateur, et malgré le retour de l’acné, des cheveux plus gras et des cycles déréglés à 30 ans passés, cette décision m’a permis de reconnecter mon corps et ma tête, de les faire dialoguer à nouveau. Comme si j’étais enfermée depuis tout ce temps dans une sorte de prison hormonale. Comme lorsqu’on arrête la cigarette. On retrouve une certaine forme de lucidité, de simplicité aussi. » A 33 ans, Diane*, installée à Dijon, semble avoir retrouvé une certaine sérénité en mettant un terme à des années de contraception hormonale. Selon une étude de l’agence nationale de santé publique publiée en 2017, elles seraient un million et demi de françaises à avoir arrêté la pilule au profit d’autres méthodes ces six dernières années.

Cinquante ans plus tôt, le 19 décembre 1967, la loi Lucien Neuwirth autorisait la fabrication et l’importation de contraceptifs en France. Utilisée par 5% des femmes dès 1968, la pilule hormonale s’est imposée comme le premier moyen de contraception des françaises grimpant jusqu’à 57% en 2000. Pourtant, elle connaît, depuis 15 ans, une certaine désaffection qui s’est accélérée depuis le scandale des pilule de 3ème et 4ème génération en 2012. Sur les blogs féminins, en guise de statut sur les réseaux sociaux et dans les cabinets de leurs médecins, certaines femmes remettent en cause ce moyen de contraception au point de le délaisser au profit d’autres méthodes alternatives. Jugée à la fois trop contraignante, trop dosée en hormones, mais aussi, bien souvent, loin de leurs parcours de vie et de leurs préoccupations, la pilule ne fait plus l’unanimité.

Le rapport bénéfice/risque . À la tête de la PMI d’Auxerre depuis 11 ans, le docteur Eva Saute-Guillaume est aussi directrice de la Protection Maternelle Infantile de l’Yonne, regroupant 8 centres sur le département. Au contact quotidien d’adolescentes en pleine découverte de leur sexualité, la prescription de la pilule est, pour elle, une évidence : « La contraception orale est efficace, le rapport bénéfice- risque est bon et les contre-indications chez les jeunes sont très rares. C’est aussi beaucoup plus facile que la pose d’un implant ou d’un stérilet ». Longtemps réservé aux femmes ayant déjà eu des enfants, le recours au dispositif intra-utérin (DIU) est depuis 2004 pourtant recommandé par la Haute autorité de santé aussi chez les nullipares, les femmes n’ayant pas encore eu d’enfant. Reste que son utilisation, qui augmente doucement depuis 10 ans, est encore très limitée.

Virginie, jeune généraliste trentenaire travaillant en campagne dans le 71, l’explique ainsi : « les pratiques évoluent doucement et les généralistes se réapproprient petit à petit cet acte de poser un DIU. Dans le milieu rural il y a une vraie demande pour d’autres contraceptifs, souvent motivée par une remise en cause des hormones en tout cas sur nos générations et les plus jeunes, assez peu chez les femmes plus âgées. » Mais alors comment, dans la formation des futurs médecin est abordé le chapitre contraception ? « J’ai eu un stage de gynéco-pédiatrie de 6 mois, entre consultation en pédiatrie et planification mais je n’ai reçu aucune formation aux gestes techniques. J’ai posé deux DIU dans ma vie et j’ai dû regarder sur internet comment faire. Pareil pour les implants, je me suis formée sur le tas ». Peu familiers des techniques de pose de ces moyens de contraception alternatifs (stérilet cuivre non hormonal) ou nouveaux (implant), la plupart des médecins restent très frileuse quant à leur pose : « ça implique moins la responsabilité du médecin de donner la pilule que de poser un stérilet, s’il y a un problème au niveau du geste technique. Ensuite, notre formation reste très théorique, on est encore formé par les vieilles générations qui restent très ‘pilule-centrée’, mais aussi très centrées sur la sexualité masculine ».

Derrière l’administration de la pilule, l’épouvantail IVG . La médecin le reconnaît d’ailleurs aussi volontiers. Difficile de parler de tout – de surcroît de contraception – quand une patiente vient consulter pour une angine... Lorsqu’on évoque avec elle les effets potentiellement indésirables de la pilule (saute d’humeur, prise de poids, migraine, la pollution...), elle rappelle que : « pour chaque médicament, la liste des effets secondaires potentiels est longue comme le bras, on ne peut pas tout aborder. Nous

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Selon une étude de l’agence nationale de santé publique publiée en 2017, elles seraient un million et demi de françaises à avoir arrêté la pilule au profit d’autres méthodes ces six dernières années.

nous intéressons d’abord au caractère pathologique ; la pilule vient prévenir avant tout un élément indésirable qu’est la grossesse non désirée. » Ce lien entre IVG et contraception a été soulevé par toutes les praticiennes que nous avons rencontrées pour ce sujet. Pour Myriam Borel, sociologue et autre trentenaire, actuellement en pleine rédaction d’une thèse sur un sujet voisin : « l’IVG est toujours pensé comme un échec de la contraception par les professionnels de santé, alors que d’une part, le nombre d’interruptions est stable depuis des décennies en France et que d’autre part, les moyens de contraceptions se développent ». La corrélation entre les deux ne serait donc pas si évidente, bien que la contraception reste envisagée par la plupart des médecins comme le moyen le plus efficace pour éviter d’avoir recours à cette procédure, expliquant en partie, l’administration quasi-automatique de la pilule.

Prends la pilule et tais-toi « À 16 ans, ma mère m’a envoyée en consultation. Je n’allais d’ailleurs pas chercher un moyen de contraception, j’allais chercher directement la pilule. On m’en a donné une de 3ème génération, sans me proposer autre chose, on ne m’a rien dit » explique Virginie. Même chose du côté de Barbora, interne de 27 ans d’origine tchèque et installée en France depuis 2013 : « on se posait pas trop la question non plus, la pilule c’était le plus sûr, le plus facile et tout le monde le faisait. Et puis c’était un peu la solution à tout : les règles douloureuses, l’acné, l’endométriose... » Sous pilule dès l’âge de 17 ans, Barbora décide de l’arrêter à 21 ans suite à sa séparation avec son copain de l’époque, elle ne l’a jamais reprise depuis. « L’arrêt de la pilule m’a bouleversé, je me souviens d’avoir retrouvé l’énergie que j’avais eu à 15/16 ans, comme si je m’étais réveillée, physiquement et psychiquement. Sous pilule, j’étais tout le temps pareille, comme aplatie émotionnellement. » En quête de bien-être et recherchant des méthodes plus naturelles, les témoignages de femmes ayant arrêté la pilule au profit d’autres méthodes abondent sur la toile. Hausse de la libido, reconnexion avec leur cycle et de façon plus globale leur féminité, pour certaines femmes cet arrêt est vécu comme une libération, une véritable prise de conscience aussi. Ce phénomène naissant dont les femmes parlent en consultation à leur médecin mais aussi sur le net met en lumière de nouvelles pratiques, autrefois défendues au sein des plannings familiaux. « En Bourgogne, il ne reste plus qu’un seul Planning Familial à Chalon-sur-Saône alors que d’autres antennes de cette association féministe militante sont très actives et mieux soutenues par les politiques en France. Par opposition, on trouve de nombreux centres de planification (PMI) dans notre région, qui, eux, de fait, sont institutionnalisés et portent un discours plus volontiers médical, et donc raccord avec la vision qu’ont les professionnels de santé de la contraception et de l’IVG. Leurs équipes sont constituées en partie de médecins, ce qui n’est pas le cas au Planning où l’on trouve une conseillère conjugale et familiale et des bénévoles. Il y a une vraie polarité entre les deux structures notamment au niveau

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À 16 ans, ma mère m’a envoyée en consultation. Je n’allais pas chercher un moyen de contraception, j’allais chercher directement la pilule. » Virginie, médecin

de l’indépendance statutaire, la liberté de pouvoir parler féminisme et la posture éducation populaire qui prône une autre approche dans les interventions auprès des jeunes favorisant l’expression libre » précise Myriam. Les femmes se font donc directement le relai de ces alternatives, se réappropriant par la même occasion cette question cruciale du choix de leur contraception et plus largement de leur sexualité.

De nouveaux professionnels de santé font bouger les lignes . Les nouvelles générations de médecins qui s’installent sont aussi plus à l’écoute des besoins et des aspirations de leurs patientes. « Avec le déficit de gynécologue-obstétricien en campagne, nous sommes amenés à pratiquer de plus en plus d’actes gynécologiques. Cela s’explique aussi par le fait que nous sommes plus accessibles financièrement mais aussi au niveau du délai de prise en charge. Ces nouvelles demandes nous force à actualiser nos connaissances en matière d’évolution des moyens de contraception » s’enthousiasme Virginie. Quant à Barbora, la future généraliste, elle compte bien proposer à ses patientes différents moyens de contraception et pas uniquement la pilule : « Les gens veulent être heureux et c’est aussi vrai pour les femmes qui souhaitent désormais vivre pleinement leur féminité. Si une jeune fille me demande un jour la pilule, je respecterai son choix mais je prendrai également soin de lui proposer des alternatives ». L’existence de cercles de discussion de femmes notamment à Dijon va également en ce sens. Le partage d’information entre elles étant la première étape vers une meilleure connaissance des moyens de contraception disponibles, leur permettant ensuite de faire un choix en toute conscience. Car l’hégémonie de la pilule vient aussi du tabou que représente la sexualité féminine dans son ensemble. Il a fallu attendre la rentrée des classes de septembre 2017, pour que les collégiens découvrent pour la première fois dans les manuels de biologie la représentation réelle du clitoris, qui n’est plus juste un point sans nom, mais, bel et bien, un organe entourant le vagin et dédié au plaisir.

Bien évidemment, cette question de la contraception féminine reste toujours éminemment politique, 50 ans après sa légalisation. On pourrait aussi s’interroger sur le nonremboursement du préservatif, 2ème moyen de contraception derrière la pilule chez les 15-17 ans, permettant de se prémunir des maladies sexuellement transmissibles et du risque de grossesse non-désirée. Ou aussi se demander pourquoi, les moyens de contraceptions masculins sont si peu développés en France, alors que dans d’autres pays comme le Mexique et la Chine la vasectomie est pratiquée sur respectivement 49 % et 34 % des hommes. Elle concerne 15 à 20 % des hommes au Royaume-Uni et aux

Pays-Bas. Autorisée en France depuis 2001, la stérilisation contraceptive ne peut intervenir qu’après un délai de réflexion de quatre mois. Alors que la procédure de stérilisation en elle-même dure environ 15 minutes, et nécessite seulement une anesthésie locale. En France, ils sont près d’un millier à avoir fait ce choix ! C’est dire le poids des vestiges d’une longue politique nataliste française. // S.B.

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L’hégémonie de la pilule vient aussi du tabou que représente encore la sexualité féminine. Il a fallu attendre 2017, pour que les collégiens découvrent pour la première fois dans les manuels de biologie la représentation réelle du clitoris, qui n’est plus juste un point sans nom.
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Passage en force

Soulever des charges de 200 kg, tirer des tracteurs d’1 tonne et demie, faire rouler des meules de foin, boire de la gnôle. Tous les ans, au bord de l’Arroux, les costauds, les têtes brûlées et les marlous du coin viennent se défier, simplement pour le plaisir, dans le concours de force le plus détendu de France, où tout commence et tout finit au centre du monde : la buvette. On était à la 21e édition de L’homme le plus fort du Morvan.

Par Chablis Winston , à Étang-sur-Arroux Photos : Raphaël Helle
PUISSANCE

On appelle le candidat n°16 au micro. C’est Jérôme, grand chauve souriant qui s’approche dans le coin de l’arène chauffée à blanc qu’est devenu le stade municipal. Jérôme s’approche de l’énorme pneu de tracteur posé sur l’herbe, harnache sa ceinture de force sur ses reins, se tartine les mains de magnésie pour ne pas riper, se penche lentement, et commence à forcer comme un bœuf. 350 kilos à retourner. Le pneu, c’est l’épreuve-reine. Jérôme pousse des petits cris, Jérôme sue comme un cochon, Jérôme donne tout ce qu’il a, les veines qui parcourent son crâne luisant sont prêtes à exploser. On a tous peur que Jérôme explose ou fasse un arrêt cardiaque. « Mon dieu, on dirait qu’il va se chier dessus », ose ma voisine en tribune. Puis Jérôme coupe son effort, ré-essaie, tente de trouver une prise plus pratique. Le public massé dans ce coin du terrain l’encourage en hurlant. Jérôme est à fond, mais Jérôme n’y arrivera pas… La minute

impartie pour l’épreuve est passée. Le juge arbitre fait signe à Jérôme que ce n’est plus la peine. Il repart à sa place, la tête basse et le souffle court, mais le sourire aux lèvres sous les applaudissements nourris. 350 kg à bout de bras, c’est dur, même quand on a la carrure d’une armoire bretonne.

Cet après-midi, tout le Morvan s’est donné rendez-vous à Étang-sur-Arroux, au pied du Mont Beuvray, pays de petites montagnes vertes en pleine Bourgogne ambiance Comté du Seigneur des anneaux, la Charolaise en plus, où les hivers sont aussi durs que les étés brûlants. On vient d’Autun, de Luzy, du Creusot, pour voir les colosses. Plus de 2000 personnes sur le petit stade de la ville écrasé par le soleil du début de l’été. Des gens du coin, des Morvandiaux, quelques touristes anglais ou hollandais qui fondent sur la région l’été. Beaucoup de familles qui peuvent aussi profiter du videgrenier et de la petite fête foraine, installés pour l’occas’ à côté du champ de bataille. On transpire à grosses gouttes, la buvette tourne à plein régime. Jeannine Bonabé a installé sa chaise à l’ombre contre la main courante. À 86 ans, cette habitante d’Étang-sur-Arroux n’a jamais raté une édition de

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Le kop, juste avant de craquer des fumis.

Les Basques ont leur concours de force depuis la nuit des temps. Pourquoi pas les

Morvandiaux  ?

l’Homme le plus fort du Morvan. « Mon fils l’a déjà gagnée, et mon petit-fils, Thibault, participe encore cette année ». Elle a l’air d’aimer la compet’, « l’important, c’est pas de participer, c’est de gagner. Faut gagner.» 25 gars se sont inscrits à l’épreuve. « On en a refusés beaucoup cette année », annonce Samuel, le speaker et juge-arbitre en chef improvisé de la compétition. Il faut dire que le concours a déjà sa réputation. Plus de 20 ans que les mâles se défient à Étang à la fin juin.

Julien

Dray, Intervilles et

la buvette. Tout a commencé en 1997 à la buvette du stade après un match de foot. Des dirigeants et des joueurs du club se toisent à savoir qui est le plus balaise. Roger Fouillet est un de ceux-là. Et reste un des responsables de l’organisation depuis tout ce temps : « En fait, tout part de Julien Dray, vous connaissez ? » Julien Dray ? L’ancien député socialiste ? Touche pas à mon pote ? Les grosses montres ? Non. L’autre, l’homonyme, le Strongman. Pour les moins connaisseurs en concours de force, Julien Dray a gagné le titre de l’Homme le plus fort de France en 2013. À la fin des années 90, Julien Dray participe à Intervilles plusieurs fois (ouais, Intervilles, TF1, les vachettes, Olivier Chiabodo, etc.) en tant que capitaine de l’équipe du Creusot, ville située à une vingtaine de bornes d’Étang. « À la télé, il n’arrêtait pas de répéter : je suis l’homme le plus fort du Morvan ». À la buvette ce fameux soir, Roger et ses collègues ont décidé de lui disputer le titre. « Un des gars était maçon. Il a sorti des sacs de ciment et on a lancé un concours. Le premier. On a décidé de l’officialiser, on l’a ouvert à tous, et maintenant c’est devenu une institution dans le coin ». Les Basques ont leur concours de force depuis la nuit des temps. Pourquoi pas les Morvandiaux ? On ne va pas se mentir, l’homme aime montrer ses muscles et se frotter à ses congénères en prouvant qu’il en a une plus grosse que lui depuis des lustres. Mais il a été obligé de structurer ça sans se massacrer, parce qu’une guerre et des centaines de morts à chaque

fois, ça fait désordre. Les concours de force de type compétition à épreuves (et pas juste coup de poing dans la gueule) remontent à... pfou... beaucoup. Les plus prestigieux, les highlands games, concours de forces et d’agilité écossais, remontent au 11e siècle. Les seigneurs les utilisaient pour savoir qui d’eux avaient les guerriers les plus valeureux, ou alors juste pour entrainer leurs armées.

Au Pays Basque, les hommes se défient pour l’honneur de leur village ou de leur ferme depuis un temps que les historiens n’arrivent même pas à dater. Là-bas, les épreuves correspondent aux travaux des champs; lever des bottes de paille, scier du bois, soulever des charrettes... Un peu comme dans le Morvan. On appelle ça « force basque » ou Herri Kirolak (sports du peuple en Basque). Ce genre de concours aura une énorme popularité à la fin du 19e siècle au Canada et aux USA, plutôt en mode freak show que compétition, avec des champions comme Louis Syr, le Québecois. Plus près de nous, The world’s strongest man, créé en 1977, est le concours mondialisé.

Des fédérations dans tous les pays (les strongmen), des retransmissions télé, des plages aux Bahamas pour cadre, des bimbos, des sponsors en masse... Et des golgoths farcis aux protéines. De la poésie.

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Tom a toujours le pneu qu’il faut pour sa Clio. Qui est chaud pour un bras de fer ?

Le concours dans le Morvan ? À peu près le même que tous les concours de force classiques, à ça près qu’ici, y’a pas de bimbos ni de sponsors, mis à part le supermarché du coin, et que tout le monde met la main à la pâte pour la prépa. Le tracteur d’1 tonne et demie à tirer sur 15 mètres est prêté par un agriculteur du coin, les bottes de foin à faire rouler aussi. Les barils remplis de béton sont filés par le garagiste, etc. Tellement une institution que l’année dernière, Strongman France, une des structures officielles des concours de force du pays, les a contactés pour qu’ils deviennent une des étapes de championnat. « On a accepté, d’autant qu’on connaissait bien Julien Dray, qui est venu plusieurs fois, nous confie Roger Fouillet , mais on ne le refera pas. Ces gars-là, ils font des galas sur des parkings de supermarché. C’est pas drôle, pas impressionnant, pas authentique ». Donc cette année, c’est retour aux sources, c’est annoncé sur la com’. C’est l’Homme le plus fort du Morvan. Donc le mec doit venir du Morvan. Ou de Bourgogne en tout cas. Tu viens de Lyon ? Tu dégages. De Paris ? Tu dégages. Ça se passe à l’ancienne, avec les gars du cru. Même s’il n’y a pas de contrôle à l’inscription. D’un point du vue sécurité aussi, y’a pas beaucoup

de contrôles. Hormis une décharge signée par les concurrents déclarant ne pas avoir de problème de santé, pas grand-chose à part une consigne du speaker : « Vous vous blessez pas les gars hein ? ». Et pour les secours : « Y’a les pompiers pas loin ». De l’authentique, y’en a, et des gros morceaux. Les concurrents viennent des patelins alentours mais aussi de Nevers, Mâcon, Chalon-sur-Sâone. Tom, le tenant du titre, est de Château-Chinon et son pote Sylvain, de Saulieu. Nico, petit trapu, est routier à Paray-leMonial, et passe ses journées de boulot à porter des quartiers de viande charolaise. Il nous propose de la goutte. « Y’a pas de contrôle anti-dopage ». Jérôme, lui, vient de la Nièvre et s’est pointé avec sa mère, relax. Didier, catogan et marcel ajusté sur sa panse à bière, participe avec Mickaël, son fils de 18 ans : « J’ai vu mon père au concours et je me suis dit : dès que j’ai l’âge, j’en suis ». On trouve aussi les rugbymen d’un club voisin, venus se tester entre potes. Y’a une belle ambiance de camaraderie, de 18 à 52 ans. Les gars se tapent dans les mains, s’encouragent entre eux, mais le panel est plutôt hétérogène. Quelques golgoths des salles de sport, mais pas tant que ça. Des maçons, des gars du bâtiment, des rugbymen,

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De dos, Jeannot, catégorie vétéran.

LES 8 TRAVAUX D’HERCULE

LA MARCHE DU FERMIER

2 poids de 50 kg à porter à bout de bras pendant 1 minute.

LA REMORQUE

350 kg à soulever et tourner pendant une minute.

LE JOUG. 2 bidons remplis de ciments de 150 kg chacun accrochés à une barre horizontale. À porter sur les épaules le plus loin possible pendant 1 minute.

LES BRAS EN CROIX . Tenir à bout de bras tendus des bouteilles d’eau le plus longtemps possible. Pas que de la force pure.

LES CHARRETTES Tirer un tracteur d’1 tonne et demi sur 15 mètres, puis pousser une brouette de 280 kg sur 20 mètres.

LES BOULES DE L’ATLAS 4 boules (80, 90, 100, 110 kg), à décoller du sol et poser sur une table (solide, la table).

LE PNEU Énorme pneu de tracteur de 350 kg à retourner autant de fois possible en 1 minute.

LE FINAL Une meule de foin à pousser sur 20 mètres, une croix en métal de 140 kg à porter sur 20 mètres, un attelage de 900 kg à porter sur 20 mètres. Une boucherie.

de belles baraques mais aussi des carrures beaucoup moins impressionnantes, des mecs là pour déconner, qui vont jouer le jeu, mais qui n’ont pas non plus l’intention de se casser les reins. On le ressentira à la présentation publique des concurrents à la foule. Certains annoncent être venus « surtout pour boire des bières », d’autres espèrent « ne pas se péter une veine du cul », Jérôme est là pour « passer un dimanche tranquille », un des balaises du jour est carrément égaré à la buvette au moment du début officiel de la compet’. On le ressentira pendant les épreuves aussi. Certains n’arriveront à rien et boiront de la gnôle tout l’après-midi, d’autre se tireront la bourre sur les différents travaux d’Hercule de la compet’.

Côté public, on vient ici comme on passerait au vide-grenier du coin. Hervé, la trentaine, venu avec sa compagne : «Certains organisent des tournois de pétanque, eux, c’est ça. C’est original, c’est bien ». Roger renchérit : « Ici, on est un peu loin de tout, alors on doit s’arranger pour faire bouger le coin nous-mêmes ». Rémi Bonabé, fils de Jeannine et ancien gagnant, grosse moustache et béret sur la tête, est là pour ravitailler ceux qui le veulent en gnôle fraîche. Son avis de spécialiste nous éclaire : « Nom de Dieu, ce que je peux dire, c’est qu’ils en chient comme des hélices ». Les spectateurs sont massés autour de l’aire de force, qui n’est autre que le terrain de foot du village. Ça crie, ça chambre, ça applaudit, et c’est très impressionné. « Quand ils y arrivent pas, on a envie d’aller les aider ».

Remorque de 350 kg, tracteurs et gros pneu.

Malgré l’ambiance bon enfant d’une foule qui a l’air de ne pas se rendre compte qu’elle assiste certainement au plus grand concours de force indépendant du pays, dans l’arène, c’est du lourd. Une ambiance digne d’une énorme kermesse, mais un concours à en faire pâlir les pros. Une petite dizaine de concurrents sont des monstres, tout simplement. Tom, un métis de 2 mètres de large, David, déjà gagnant 2 fois ici-même, une masse bodybuildée, Sylvain, encouragé par sa petite amie qui a l’air d’avoir la même passion pour la salle de muscu que lui, Thibault, le local de l’étape et petit-fils de Jeanine, qui a intérêt à gagner s’il veut pas prendre une trempe, et quelques 2e et 3e lignes de l’ovalie. Les bidons de 50 kg chacun à porter à bout de bras, que toi tu portes sur 4 mètres maximum ? Eh bien David il fait 168 mètres avec. Un joug de 150 kg posé sur les épaules ? Tom fait 87 mètres avec à l’aise. Une remorque de 350 kg à déplacer? Pas de problème, demande à Sylvain. Tom et David plient le game au moment de déplacer le tracteur et une brouette de 280 kg. Que Jordan, un gigantesque gars à crête ne parviendra jamais à bouger. Le pneu de 350 kg finira de départager les costauds, seuls 4 concurrents arriveront à le retourner. « Cette année, c’est une grosse année. Avec des grosses performances », nous précise Samuel, le speaker/ arbitre. Tom ne pense pas que ce soit seulement un truc de bourrin : « c’est 50 % force, 50 % technique ». En effet quelques épreuves sont vicieuses. Les ‘bras en croix’ consiste à tenir le plus longtemps possible les bras tendus avec une

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«  Nom de Dieu, ce que je peux dire, c’est qu’ils en chient comme des hélices  »
Caca dans la culotte.

bouteille d’eau pleine dans chaque main. Pas facile. À ce jeu-là, c’est Didier, notre catogan, loin d’être le plus balaise en force pure, qui fume tout le monde. Pour les boules de l’Atlas aussi, c’est technar’. Quatre boules de pierre de 90 à 110 kg à décoller et à poser à un mètre du sol. « Y’a pas de prise, c’est lisse. Faut connaître le truc pour arriver à les attraper », nous explique Sylvain. Oui… avant ça, faut être capable de porter 100 kg quand même. Pour certains, l’entraînement, c’est la salle, ou le boulot. Pour d’autres... « L’entraînement ? Ah, ça se passe pas. Je m’entraîne pas du tout. C’est le seul concours que je fais dans l’année. Dans la vie, mon boulot c’est de faire des confitures, je suis artisan ». Sans entraînement, à la cool, Tom gagnera encore le concours cette année, devant David (beaucoup plus entraîné lui mais peut-être moins cool), d’une courte tête. Michaël, le fils de Didier, terminera loin derrière pour sa première expérience. « J’en ai chié, c’est dur, mais je vais revenir ». Son père connaît la raison de son échec relatif : « Il bosse sur les chantiers, mais aujourd’hui les sacs de ciment, ils sont moins lourds qu’avant ». Nico, notre routier, est loin aussi mais là n’est pas le problème, il a bu quelques canons entre potes. Thibault a fini 5ème, sa grand-mère sera fière quand même, va.

Pour le plaisir. Tom n’empochera rien. Pas de prize money ici. L’homme le plus fort du Morvan, c’est pour la gloire, c’est tout. Tous les concurrents le savent. « Il n’est pas question d’argent, sinon ça pourrirait le truc », nous explique Roger Fouillet. Régis, son fils, qui tient la table de marque toute la journée, enchaîne : « Le concours a été créé par le club de foot du village, tous les bénéfices vont au club, pour acheter des ballons, des chasubles et tous ces trucs-là aux gamins ». Et certainement à remplir la buvette. Samuel, qui est aussi le président dudit club aime cet état d’esprit. « Côté public, ça fait un vrai événement populaire qui marche, et côté concurrents, tout le monde bosse demain, personne n’est là pour se casser ». Le trophée sera remis au vainqueur par Miss Val d’Arroux, c’est dire l’importance de l’événement. Les filles aussi ont eu leur concours parallèle, pendant deux éditions. « Mais on a arrêté, avoue Roger. C’était trop compliqué à organiser, trop long, trop d’épreuves ». On a qu’à faire une année sur deux. Allez Roger… Le mieux, en fait, ce serait d’organiser aussi un concours où il faut porter les verres à la buvette. Du comptoir jusqu’à sa bouche. Parce que là, on a croisé quelques champions qui ont soulevé plusieurs tonnes en une journée. Des athlètes, tout simplement, des grands. // C.W.

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Sylvain, 3ème Tom, vainqueur. David, 2ème
Pete Doherty Gilberto Gil Laurent Garnier Etienne de Crecy Antibalas Helena Hauff Bachar Mar-Khalifé The Limiñanas Benjamin Epps Piers Faccini Aloïse Sauvage Hubert Lenoir Malik Djoudi Deluxe BCUC Ichon ... ET TOUS LES AUTRES LE PLATEAU DE RÊVE EST SUR SPARSE.FR Ils sont passés en BFC, on les a pas raté. Les interviews d’artiss’, cest sur sparse.fr (à l’onglet «interview», c’est écrit dessus)

Malgré deux chocs pétroliers, les normes anti-pollution et les trottinettes électriques, la Peugeot 205 refuse obstinément de disparaître de la circulation. Plus stylée qu’un Bic 4 couleurs et solide comme un tank, cette petite bagnole est même devenue culte, une icône française comme le jambon persillé ou le commandant Cousteau. Pour Peugeot, la « deux cinq » fut même un putain de miracle, produite à plus de 5 millions d’exemplaires entre 1982 et 1998, elle a sauvé la marque au lion de la faillite. La 205, c’est en quelque sorte la Jeanne d’Arc de l’automobile française. Complètement obsolète, il y en aurait encore 600.000 en circulation. C’est petit, ça pollue, mais c’est devenu une vraie madeleine.

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DIAPORAMA
Texte et photos par Édouard Roussel
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Steeve GAYFREINE-LEE un

Fraîchement sorti de son SUV Nissan X-trail, Steeve nous accueille sur le parking de sa toute nouvelle salle Puissance Max’form, dans une zone commerciale du fond d’un trou de banlieue quelconque. «J’ai eu cette idée de salle de sport à bas prix en Hongrie dans les années 90. Toutes les filles étaient bombardées aux UV, oranges, et tous les mecs étaient gonglés et tatoués, il y avait une salle de muscu et un solarium tous les 20 mètres». Au départ, ce culte du corps, Steeve ne le pense pas transposable ailleurs. C’est son ami Kévin qui le

persuade. «Il m’a dit : les Français ne sont pas moins cons que les autres, ils vont s’y mettre». «Et il avait raison ce con, dès la fin des années 2000, tous les gamins ont voulu se gonfler ». Steeve ouvre sa première salle dans l’ancien Brico-déco de Pouilly. « À l’époque, on avait 2 haltères et une télé avec des clips qui tournaient en boucle, c’est tout ». Très important la télé dans les clubs. Tout s’emballe très vite pour celui qui ne se voyait pas comme un entrepreneur. «Moi au départ, je faisais plutôt dans la vielle dame qui m’entretenait, c’est pour ça que j’ai commencé à me muscler ». Déjà 80 clubs en France à l’heure où on se parle et 3 qui ouvriront avant la fin du mois. «Tu prends un hangar à 100 euros dans une zone commerciale toute pourrie, 6 tapis de courses et 2 vélos élliptiques, tu fous des télés, des couleurs vives, une gonzesse canon à l’accueil en stage. Tu proposes l’abonnement à 12 euros par mois, les gens deviennent fous. Tant qu’ils peuvent se garer c’est bon, c’est le plus important pour eux ». D’où vient d’après lui, revival healthy ? Retour de la santé au premier plan ? Envie d’un mode de vie sain pour tous ? « Ahah, fais-moi rire, rien de sain dans tout ça. Avec internet, les gamins veulent ressembler à des acteurs de films de fion, ou à Les Chti’s Vs. les Marseillais et toutes ces conneries de télé réalité, c’est leur référence. C’est fini les acteurs et les sportifs. Pas un poil sur le corps et des abdos surdéveloppés. Et en plus, je crois qu’ils ont un peu peur de se faire taper par d’autres, donc ils se musclent trop, pour impressionner, ce qui n’a jamais empêcher de se prendre une droite dans la gueule». C’est ça, en fait, qui les motive, la peur. La peur, et le cul.

« T’as beau leur expliquer comment faire ça bien, ils veulent tous prendre de la masse. Donc c’est gras et pas beau, rien à voir avec un corps bien dessiné. Ils ont des énormes bras et de toutes petites jambes, on dirait les mecs dans Astérix aux jeux Olympiques. Ils bouffent comme des porcs pour prendre, et le jour où ils arrêtent de pousser de la fonte, et bien ils deviennent obèses». Ils ne peuvent pas arrêter, alors ils gardent leur abonnement à la salle. «Et c’est moi qui récupère l’oseille, t’as tout compris».

La clientèle est de plus en plus jeune. La moyenne d’âge des clients des clubs Puissance Max’form frôle les 17 ans, ces derniers temps. « Maintenant, je m’installe essentiellement en campagne et à côté des lycées, là-bas ils sont zinzins, j’ai tous les lycéens qui viennent à la pause déjeuner tous les jours ». Et Steeve a de la suite dans les idées : « Je vais ouvrir un salon de dé-tatouage. Aujourd’hui tout le monde est tatoué, ça n’a plus rien de subversif. Le vrai rebelle en 2017, c’est celui qui n’a pas de tatoo. En plus, quand tu vois les merdes que certains ont sur le corps, tu dis qu’il y a forcement un moment où ils vont redescendre et se rendre compte de leurs erreurs. Et là, je serai là, avec un terminal CB bien calé au comptoir : «Bonsoir madame, alors on veut enlever ce vilain dauphin qu’on a sur l’épaule ? C’est 2000 euros». Allez hop terminé bonsoir !»

// C.W.
Grâce à sa chaine Puissance Max’form, Steeve a réussi en quelques années ce que tous les Français devraient vouloir faire selon le nouveau Président de la République, devenir millionnaire.
PAR CHABLIS WINSTON PHOTO : DR - 84 -
entrepreneur en forme
sparse, le futur. instagram.com/sparsemagazine

Il faut sauver le

planning familial

Des locaux cosy avec musique douce et canapés confortables, une table basse, une bibliothèque. Vous vous croiriez dans un salon de thé tendance avec déco insolite, mais des détails interpellent. Un boa violet accroché à une plante verte, des vagins en crochet, un bac à jouets avec pénis en latex et capotes. Sur les murs, des affiches rétro du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception, sur le miroir une galerie de portraits avec Mona Clito, Draclito, Clitopunk et l’incontournable clito freudien. Pas de doute, vous êtes dans un repère de militant.es de l’éducation sexuelle. Des qui s’assument et qui appellent un chat une chatte. Ça sent la conviction et la dérision. Vous voici propulsés dans l’ultime planning familial de Bourgogne-Franche-Comté, le dernier bastion des irréductibles gaulois.es.

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RENCONTRE
À Chalon-sur-Saône, le mouvement militant est le dernier des mohicans de Bourgogne–Franche–Comté.
Une bite. Une bibliothèque. La Bourgogne-Franche-Comté.

Il y a eu la pilule, l’avortement, l’éducation à la sexualité à portée de tous et de toutes. Des acquis durement gagnés par des générations de militants convaincus, dont les fondateurs du planning familial. Seulement voilà, le sexe n’est plus ce qu’il était. Sujet accessible à tous ? Pas tout à fait. Sujet tabou ? Peut-être, encore. Une approche plus médicalisée que militante ? Certainement. Devenue un droit voire une obligation soi-disant intégrée à la scolarité, l’éducation à la sexualité s’est « standardisée ». L’information a remplacé les convictions.

Les plannings familiaux s’accrochent à leur pré carré. Ils se battent pour continuer de vivre. Exemple : le planning familial de Chalonsur-Saône, dernier bastion des plannings de Bourgogne-Franche-Comté. Le dernier de la région. Avant, les structures maillaient le territoire. Mais ça, c’était avant. À la fermeture du planning du Creusot en 1985, l’association de Chalon-surSaône se retrouve seule sur le département, puis seule sur la région. La région élargie n’a pas suffi. De Bourgogne à Bourgogne-Franche-Comté, la situation ne s’est pas améliorée. Les chalonnaises

seules sont restées.

Le planning familial de Chalon se conjugue au féminin. Deux salariées et un conseil d’administration de 10 personnes, quasi exclusivement des femmes. Leur local, avec ses affiches et ses œuvres d’art clitoresques, annonce d’entrée la couleur. Ici, pas de tabou. Ça se revendique et ça s’affiche, sans pour autant chercher à choquer. Démarche militante il y a, dans le respect de l’autre et de ses convictions. Les gonz’ du planning accueillent, écoutent, guident. Elles sont là pour le public, quel qu’il soit. Elles sont là, mais elles galèrent. Les subventions baissent, les dossiers s’accumulent, les soucis financiers explosent. Elles nous ont interpellés et nous les avons rencontrées. Emilie Stolarek, Claire Leglise, Aurélie Dallerey. Trois militantes – salariées, salariées – militantes, militantes –bénévoles (l’ordre varie selon les intéressées). Nous avons échangé sur leur quotidien pas si simple, leurs actions, leur structure et les origines du mouvement. Des origines indispensables pour comprendre les enjeux actuels. Alors, retour en arrière avec une pointe de pédagogie.

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Il est complètement art contemporain ce clito.

Emilie, du planning familial de Chalon-sur-Saône

Au commencement étaient… les mouvements de lutte des années 50 décidés à faire changer la loi interdisant l’avortement et l’utilisation de toute contraception. L’un de ces mouvements devient en 1960 le mouvement français pour le planning familial (MFPF), dit planning familial. Un mouvement féministe d’éducation populaire, œuvrant contre les inégalités sociales et pour l’égalité hommes – femmes. En 1967, la contraception est légalisée, en 1975 l’avortement autorisé. L’association ne s’arrête pas à cette victoire et ouvre des lieux d’information sur la planification. En parallèle, l’État met en place des centres de planification et d’éducation familiale (CPEF) que l’on confond aujourd’hui très souvent avec le planning familial. Les deux structures offrent des fonctions proches mais le premier apparaît médicalisé et institutionnalisé tandis que le second se veut associatif et… militant. Schématiquement, dans l’un vous irez récupérer une ordonnance de pilule, dans l’autre vous pourrez parler de votre sexualité. « On ne se fait pas de concurrence sur les services », précise Emilie, la militante-salariée. Coordinatrice et conseillère conjugale, elle exerce au planning familial depuis plus de 10 ans. «Nous, on souhaite que notre démarche soit partagée par le plus de structures possibles. La différence, c’est que l’on a une structure mise en place par l’État et une autre militante, ça change beaucoup de choses. Si on accueille un trans en pleine réflexion, il faut pouvoir l’écouter sans le juger. Il n’y a pas que du médical là-dedans, il y a de l’écoute et de l’humain ». Le planning familial n’est pas seulement là pour informer. Les « conseillères » n’en sont justement pas. Elles ne se posent pas en sachantes, mais livrent des clés pour accompagner l’autre dans sa réflexion personnelle, afin qu’il fasse ses propres choix, sans influence. « La personne doit pouvoir décider par elle-même, sans se situer par rapport aux autres, que ce soit sa famille, son entourage ou même les professionnels de santé. On accompagne l’autre dans son chemin. Nous sommes des miroirs », dit Emilie. Il faut donc des organismes complémentaires, comme le sont les centres de planification et les planning familiaux. Ils ne répondent pas au même besoin. Créer des centres de planification c’est bien, soutenir également les planning familiaux, c’est mieux.

Quelles sont d’ailleurs concrètement les actions du planning familial ? D’abord l’écoute, le conseil et l’éducation à la sexualité. Comme nous l’explique Aurélie, militante bénévole et membre du conseil d’administration : « C’est sans rendez-vous. Nous sommes là, disponibles, à l’écoute des demandes. Nous pouvons aiguiller, conseiller ou simplement écouter. Nous avons toutes sortes de demandes: des questions sur la contraception, des avortements trop tardifs, des problèmes de religion ou juste des mecs qui ont besoin de parler ». Les raisons de pousser la porte du planning sont bien plus nombreuses qu’on pourrait l’imaginer : une aide dans le choix de sa contraception, un accompagnement « technique» et moral dans une interruption volontaire de grossesse (IVG), mais aussi une écoute sur sa sexualité, des conflits familiaux pour des raisons culturelles ou religieuses, un questionnement sur son orientation sexuelle ou même son genre. Le planning ne reçoit pas seulement des jeunes filles d’une vingtaine d’années mais des femmes, des hommes, des couples, des publics très variés. Tous bénéficient de la même attention. « Nous ne recevons pas derrière un bureau, on s’assoit sur des canapés, face à face, d’égal à égal », précise Emilie. Hors des permanences, l’association a mis en place un numéro vert avec des structures partenaires. Au bout du fil, une vraie personne avec une vraie voix. Pas besoin de taper 1 ou 2 pour revenir, dépité, au menu principal. Vous parlez avec un humain, de surcroît qualifié. L’équipe intervient aussi dans les écoles, d’où les gadgets façon sextoys exposés sur la table basse. L’éducation à la sexualité fait partie du programme scolaire et les écoles peuvent choisir leurs intervenants : l’infirmière scolaire, un enseignant ou un organisme extérieur comme le planning dont les interventions sont payantes. Faute de moyens, les établissements font souvent appel à du personnel en interne. Le planning intervient essentiellement sur Chalon auprès d’adolescents. Parler sexualité avec des ados, de quoi leur tirer le chapeau. On imagine déjà les rires étouffés et les blagues graveleuses, mais au fond est-ce si gênant? Dans l’équipe, c’est Claire qui est en charge de la partie administrative et des interventions extérieures. Notons au passage qu’elle se définit comme salariée – militante et non militante – salariée.

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«
Il ne s’agit pas seulement de sauver le planning de Chalon mais de poser des questions de fond. Comment aujourd’hui traîter de sexualité de façon militante en Bourgogne-Franche-Comté ? »

« Moi, c’est arrivé dans l’autre sens. Quand j’ai été recrutée, j’étais convaincue, mais pas militante. C’est après que je le suis devenue ». Concernant les interventions, elle précise : « Nous ne sommes ni des enseignants ni des médecins scolaires. Ce que l’on veut, c’est partir des questions des jeunes. Il faut libérer la parole. Pas de censure. Les gamins peuvent parler de bite, couilles, même d’enculés si ça fait avancer. On s’adapte à ce qui se dit. On a notre boîte d’accessoires avec Popol le pénis et Rosine le vagin et on les sort ou pas. Ça dépend des remarques des gamins. La séance se construit dans l’instant ». Pas de cours, d’interro, juste un dialogue. Audelà d’éducation et de prévention, il s’agit aussi d’amener les jeunes vers une sexualité épanouie, leur sexualité. Un sujet fondamental mais délicat qu’il faut savoir manier.

« On part du corps, pas d’expérience personnelle », dit Emilie. « Il faut avoir la posture juste et être formée, ça ne s’improvise pas ».

Le contact avec le terrain, que ce soit lors des permanences ou en intervention, fait naturellement du planning familial. Un excellent relai d’information. « Ce que l’on entend dans la salle, on le fait remonter. Ça nous permet d’alerter les autorités compétentes». Exemple, l’avortement.

« Aujourd’hui, il y a de plus en plus de contraintes matérielles pour se faire avorter. La santé prend cher et la santé sexuelle encore plus. C’est encore considéré comme du confort, c’est pas vital », assure Emilie. Fermeture des lits, clause de conscience exercée par les médecins, obligent les femmes à se déplacer de plus en plus loin, ce qui fragilise les femmes en situation de précarité. En alertant sur ces sujets, le planning joue un véritable rôle politique et fait bouger les lignes. « Seulement, à Chalon, on manque de visibilité. Nous sommes trop isolés. Quand tu es nombreux, tu es présent et on a du mal à te faire taire. Quand tu es seul à Chalon, c’est plus difficile ».

Nous arrivons là à l’enjeu majeur de notre planning chalonnais. La petite structure voudrait essaimer dans la région, tisser des liens. Ne plus être seule pour avoir une plus grande force de frappe. «On aimerait retrouver un maillage des Plannings Familiaux dans toute la région et investir des villes étudiantes comme Dijon ou Besançon», précise Aurélie. « Seulement, localement on bataille juste pour exister ». Les actions sur le terrain demandent du temps. Le temps, c’est de l’argent et l’argent ne coule plus. Les subventions s’étiolent. Il faut faire de nouvelles demandes de subvention, ce qui prend du temps et le temps c’est de l’argent... Sans caricaturer, l’équipe a parfois l’impression de passer plus de temps sur les recherches de financements que sur les projets eux-mêmes. Elle cherche donc des alliés. Bénévoles, institutions et associations partenaires, élus, appuis politiques et financiers. « Il ne s’agit pas seulement de sauver le planning de Chalon mais de poser des questions de fond. Comment aujourd’hui traîter de sexualité de façon militante en BourgogneFranche- Comté? », questionne Emilie. Si le planning familial de Chalon met la clé sous la porte, les jeunes trouveront toujours un conseil en contraception ou une ordonnance de pilule, mais où seront-ils écoutés, sans rendez-vous et sans jugement ? Où pourrons-nous parler sexualité et épanouissement? Si le planning de Chalon disparaît, c’est un lieu indépendant et laïc d’écoute et de tolérance qui disparaît. S’il se renforce, il ramènera sur le devant de la scène des valeurs fondamentales que notre époque aurait tendance à oublier. Les acquis ne le sont pas forcément définitivement. Il convient de rester vigilant. Les Chalonnaises poursuivent leurs actions, avec leurs valeurs comme moteur. Le local cosy, la boîte à accessoires, Popol et Rosine en guest star. Elles avancent, garantes de libertés acquises et à venir. // E.L.

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« Aujourd’hui, il y a de plus en plus de contraintes matérielles pour se faire avorter. La santé prend cher et la santé sexuelle encore plus. C’est encore considéré comme du confort. » Emilie, du planning familial de Chalon-sur-Saône

l’impression

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de vos passions

TOBLERONE

RIEN À DÉCLARER

Des entreprises qui embauchent, un salaire médian avoisinant les 5.700 euros et un taux de chômage au plus bas depuis 10 ans... Bienvenue en BourgogneFranche-Comté Suisse  ! Un eldorado salarial certes, mais au prix de conditions de travail souvent plus difficiles qu’en France et surtout d’une hyper-flexibilité du marché du travail. Chaque jour, en BFC, ce sont près de 30.000 frontaliers qui patientent quotidiennement dans les bouchons pour passer la frontière…

6:00 PM. Col-des-Roches, entre Villers-le-Lac et le Locle. Incessant défilé de rutilantes cylindrées allemandes. Ils sont des milliers, ouvriers, horlogers, infirmières, secrétaires, employés dans l’hôtellerie, la restauration... à affronter, matin et soir, la route, les bouchons, les lacets, la neige et le verglas en hiver, pour aller gagner leur vie de l’autre côté de la frontière. Depuis 2002, le nombre de ces travailleurs frontaliers a doublé en Suisse, passant de 160.000 à plus de 320.000. « La recrudescence des travailleurs frontaliers a commencé avec la signature des accords bilatéraux sur la libre circulation des personnes en 2002, mettant fin

aux quotas de travailleurs étrangers dans les entreprises suisses. La crise de 2008 a également contribué à cette explosion... Non seulement les entreprises recrutent - le pays compte moins de 4% de chômeurs - mais les salaires y sont deux à trois fois plus élevés. Un cadre qui, de prime abord, a de quoi faire rêver bon nombre de salariés français ! » détaille Alexandre Moine, professeur de géographie à l’université de Franche-Comté et Président du Forum transfrontalier. « Le canton de Neuchâtel, qui est le seul canton en Suisse à avoir adopté un SMIC, l’a d’ailleurs fixé à 3.480 CH (environ 3.200 euros), le salaire minimum le plus élevé au monde ! »

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Delphine Frésard, à Besançon Illustrations : Michael Sallit
Par
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« Tu peux arriver le matin au boulot, être remercié à midi et rester chez toi pendant la durée du préavis, c’est assez brutal ! ». Mais le rêve suisse est cependant à nuancer ; salaire élevé rime ici avec flexibilité et précarité (tu peux lire cette phrase avec la voix de Bernard de la Villardière). Bénéficiant d’un droit du travail beaucoup plus souple et libéral, le CDI helvète est par exemple révocable à tout moment, sans motif ni indemnités de départ. « Tu peux arriver le matin au boulot, être remercié à midi et rester chez toi pendant la durée du préavis, c’est assez brutal », témoigne Caroline, horlogère au Locle. Un siège éjectable facilement actionnable qui en a déjà plongé plus d’un dans la galère. « Beaucoup viennent des quatre coins de la France pour s’installer ici et travailler en Suisse, ils pensent que c’est l’Eldorado. Lorsqu’ils reçoivent leur premier salaire, certains croient qu’ils ont gagné au loto, ils investissent dans une belle voiture, etc. Du clinquant, quoi. Seulement ils oublient les impôts, le coût de la vie plus élevé dans les régions frontalières mais surtout le risque d’être licencié. Beaucoup se retrouvent endettés », constate Florian, domicilié à Morteau. Dans son ouvrage intitulé Bienvenue au paradis !, la journaliste Marie Maurisse, expatriée en Suisse, fait également état d’une réalité bien moins rose que celle habituellement présentée, à commencer justement par le code du travail qui comprend « deux cents articles contre quatre mille dans le recueil français ». La Suisse a notamment été, en 2005, l’un des derniers pays en Europe à avoir instauré le congé maternité payé ! Le revers de la médaille, c’est aussi un temps de travail moins favorable qu’en France : la loi prévoit une durée maximum de travail qui varie entre 45 et 50 heures par semaine (toutefois, grâce à certaines conventions collectives, la durée du travail hebdomadaire est de 42 heures en moyenne) et quatre semaines de congés payés par an. « La plupart des usines d’horlogerie du canton de Neuchâtel ferment durant les ‘ vacances horlogères’, soit 3 semaines imposées entre juillet et août. Ça laisse donc peu de jours de congés flexibles en réserve ! » confie Caroline. C’est sans compter les attentes implicites envers le salarié qui doit se donner totalement à son entreprise quitte à laisser ses soucis de côté quand il en a : « Quand il y a un surcroît d’activités on fait des heures sup’, c’est comme ça, il n’y a pas de convenances personnelles qui tiennent. C’est très mal vu de refuser et tu accrois tes chances d’être dans le viseur lors d’une prochaine vague de licenciement… » continue Caro.

Audi - boulot - dodo. Si le frontalier semble apprécier le confort ouaté de son habitacle allemand, il n’en reste pas moins que les trajets demeurent l’inconvénient majeur. « Si la moyenne est de 45 mn de transport, certains peuvent passer deux à trois heures par jour dans leur voiture... » précise Alexandre Moine. En cause, les interminables bouchons aux douanes mais aussi la zone plus étendue du lieu d’habitation des frontaliers: « concernant les frontaliers de l’arc jurassien, ils se situaient avant dans un rayon de 10 km autour de la frontière, le périmètre s’est maintenant élargi à l’axe Valdahon - Besançon ». Des frontaliers pressés, qui roulent vite, très vite, et qui empruntent (salement) les petites routes pour contourner les bouchons. C’était sans compter la colère des riverains voyant se transformer leurs chemins de campagne en nationales, « régulièrement, les itinéraires bis empruntés pour contourner les bouchons sont coupés à la circulation par les Suisses à l’heure de passage des frontaliers » rapporte Chloé, horlogère à LaChaux-de-Fond. « Je ne prends aucun plaisir à prendre mon véhicule tous les jours et participer à ce flot de voitures. Seulement on n’a pas vraiment d’autres choix, l’offre ferroviaire est insuffisante... » continue-t-elle. Un constat que partage Alexandre Moine : « La ligne des horlogers qui relie Besançon à la Chaux-de-fond est très bien empruntée par les frontaliers, ça commence à monter à partir de Valdahon, les trains sont archi pleins ! Le problème, c’est effectivement les fréquences. Deux fréquences de plus matin et soir et on résorberait peut-être un tiers de ces foutus bagnoles ! Ce n’est pas un manque d’attention de la part de la Région, c’est une politique très longue et très lente à mettre en place. Là, ils viennent de rajouter une navette, c’est déjà pas mal, mais la ligne doit être réhabilitée, les voies ne sont pas stables, ça coûtes des dizaines de millions d’euros... Seulement l’urgence climatique est là, on n’a plus le choix et il faut donc mettre des moyens en face. On ne peut pas dire aux gens « vous polluez ! » et ne rien proposer en face. À un moment, il faut les aider… en plus il y a une vraie demande ! » Même conclusion du côté de la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports. Pour eux, au vu du nombre de véhicules qui traversent chaque jour la frontière franco-helvétique, la ligne des Horlogers pourrait accueillir bon nombre d’usagers supplémentaires. Pour rénover la ligne, la Région Bourgogne-Franche-Comté pourrait investir près de 37 millions d’euros pour moderniser la voie

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entre Morteau et le Locle. Les travaux sont prévus en 2021. En attendant un désengorgement du trafic automobile lié à la modernisation de cette ligne, les frontaliers sont encouragés par les entreprises helvètes à préférer le co-voiturage, réservant ainsi, en priorité, leurs places de parking aux employés choisissant ce mode de transport. « Ce n’est pas toujours évident de faire du co-voiturage en raison des impératifs persos. Quand on choisit de faire la route seul c’est la galère, je ne peux pas me garer sur le parking de mon entreprise réservé uniquement aux co-voiturages. De plus, il n’est plus question de garer sa voiture dans le village de la boite, les Suisses n’en peuvent plus des voitures de frontaliers, ils appellent la fourrière ... » détaille Chloé. La mobilité, et plus particulièrement l’usage de la voiture, est devenue en effet un axe de tension majeur entre les frontaliers et les Suisses. « Les habitants du Locle et de La Chaux-

de-Fond prennent cher. Des milliers de voitures sur un axe urbain qui ralentissent, s’arrêtent aux feux, accélèrent, s’arrêtent au stop, redémarrent… c’est lourd en termes de pollution de l’air, de pollution sonore, c’est aussi des places de parking en moins... Je comprends leur colère. Si le travailleur frontalier se comportait comme un Suisse en allant au travail, c’est-à-dire en empruntant les transports en commun, la logique frontalière serait ignorée, les frontaliers se donnent à voir à cause du manque de transports en commun. Ils sont visibles dans de grosses voitures diesel, tandis que les Suisses ne roulent pas en diesel, il y en a très peu, ils détestent ça... C’est sur cet engorgement que les partis d’extrême droite jouent ! », précise Alexandre Moine.

Les frouzes, les shadoks, les froquards . La grogne se cristallise également depuis de nombreuses années sur d’autres aspects que la mobilité : crainte du dumping salarial, de la concurrence déloyale ou encore d’un accès réduit à certaines professions… La présence des frontaliers en Suisse suscite de vifs débats d’un point de vue marché du travail. « C’est une aberration car la Suisse sans les frontaliers ne pourrait de toute façon, pas tourner ! » commente Alexandre Moine. Pris en étau entre un besoin de main d’œuvre étrangère et une crainte de l’envahissement, la Suisse s’est peu à peu laissée gagner par les thèses populistes de l’Union Démocratique du Centre (UDC), conservatrice et nationaliste, devenue premier parti du pays. Sauf qu’en Suisse, les étrangers ce sont aussi les Français. Ceux-ci sont à la Suisse ce que les Roms sont à l’Italie et les Maghrébins à la France : des boucs émissaires. « Le frontalier est à la fois visible et invisible… C’est la cible idéale ! » commente Alexandre Moine. Pour la journaliste Marie Maurisse, « lentement, subrepticement, les Suisses se sont mis à penser que leurs cousins de l’hexagone étaient gentils, certes, mais trop nombreux, un peu trop bruyants… Un sentiment anti-français s’est développé, on ne peut le nier ! ».

Les frontaliers ne font pourtant pas que travailler et toucher leur argent. Une partie d’entre eux s’implique dans les relations avec leurs collègues de travail, des activités de loisirs, voire associatives. Loin de l’image des “mercenaires” habituellement colportée, explique Alexandre Moine. Mais si certains frontaliers s’investissent peu dans la vie locale en Suisse, c’est notamment en raison des trajets qu’ils sont amenés à effectuer au quotidien. « C’est surtout le cas pour les pères ou les mères de famille qui ont des enfants en bas âge et qui ne peuvent pas rester le soir pour des activités extra-professionnelles », relève le chercheur. Du point de vue de Nicolas, travaillant à Neuchâtel, « concernant les termes frouzes, shadoks… — ndlr

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Lorsqu’ils reçoivent leur premier salaire, certains croient qu’ils ont gagné au loto, ils investissent dans une belle voiture, etc. Du clinquant, quoi. Seulement ils oublient les impôts, le coût de la vie plus élevé dans les régions frontalières mais surtout le risque d’être licencié. Beaucoup se retrouvent endettés.
florian, mortuacien

pour toi le jeune : les Shadoks sont les personnages d’un dessin animé des années 70, des oiseaux rondouillards dont l’activité emblématique est de « pomper et encore pomper » — on les a tous entendus au moins une fois. Pour eux c’est une sorte d’habitude de langage pour désigner les Français, ce n’est pas forcément méchant mais plutôt taquin disons... Mais effectivement on peut faire un parallèle avec la France où les minorités sont parfois victimes de certains qualificatifs limite, voire, franchement racistes. Ces surnoms sont davantage haineux sur le canton de Genève où les rapports entre Suisses et Frontaliers sont particulièrement tendus ».

Le problème c’est que les quolibets, moqueries et autres taquineries d’hier ont fait boule de neige et ont donné, petit à petit, du grain à moudre à l’UDC. En 2014, une initiative populaire initiée par ce parti sur « l’immigration de masse » a d’ailleurs introduit la « préférence nationale » dans la Constitution fédérale. Elle s’est traduite dans la loi par l’introduction de la « préférence indigène light » entrée en vigueur l’été dernier dans l’idée de diminuer le nombre de recrutements de frontaliers, qu’ils soient français, allemands ou encore italiens, en donnant une longueur d’avance aux locaux.

Les employeurs doivent donc désormais informer prioritairement les demandeurs d’emplois suisses concernant les professions affichant un taux de chômage supérieur à 8 % (très très peu), puis 5 % en 2020, en publiant les postes vacants aux Offices régionaux de placement 5 jours avant les agences d’intérim et autres plateformes d’offres d’emploi. Il aura tout de même fallu trois ans pour que la mesure puisse réellement voir le jour, le Conseil fédéral suisse ayant eu du mal à modeler cette “préférence indigène” pour la rendre conforme à la législation européenne...

Ironie de l’histoire, de position de force, la Suisse pourrait basculer, dans quelques années, en position de faiblesse. En effet, jusqu’en 2030, les baby-boomers partiront chaque année de plus en plus nombreux à la retraite, or, le taux de natalité ayant chuté depuis, ils ne pourront pas tous être remplacés. Une évolution qui commence à filer des sueurs froides aux responsables économiques helvètes. Nos voisins suisses vont à l’avant de gros problèmes de recrutement. De « voleurs d’emploi », les frontaliers pourraient bien devenir des sauveurs d’emploi.

La Suisse, tu l’aimes ou tu la quittes . Fatigue, précarité de l’emploi, stress, manque de considération, impact sur la vie familiale, salaires pas si avantageux que ça en fin de mois… Des frontaliers, déçus ou épuisés, finissent par quitter le marché du travail suisse de leur plein gré. « Je souhaitais mettre un terme à ce rythme de vie plus

que particulier. Les trajets me rendaient dingues, une vraie perte de temps à mes yeux. Tu as le fric, ok, mais tu en oublies totalement tes hobbies. Puis, une fois payés l’assurance-maladie privée, l’essence, l’entretien de la voiture, la nounou - sur de larges horaires - pour ceux qui ont des enfants... il ne reste pas forcément grand-chose. L’autre inconvénient est que je n’avais aucune sécurité en termes de contrat, j’enchaînais les contrats intérim. Je n’ai jamais compris ces gens qui passent des années en Suisse, pour toucher leur biffe, passent 3h dans leur bagnole et laissent leur gamins à 5h du mat’ chez leur nounou.... Cette vie n’était clairement pas faite pour moi ! » témoigne Sophie, revenue travailler à Besac. « De nos jours, les gens privilégient de plus en plus leur confort de vie, leur vie de famille… et il est clair que la vie de frontalier n’est pas idéale pour cela ! De plus, comme ils partent tôt et qu’ils reviennent tard le soir, ils sont parfois peu intégrés dans leur commune de domicile et se coupent ainsi doublement de leurs liens sociaux », constate Alexandre Moine. Une vie sociale particulièrement compliquée pour ceux, qu’on appelle dans le Haut-Doubs, les « nouveaux frontaliers », des gens venus des 4 coins de l’hexagone attirés par le vernis de façade du marché du travail suisse. « Ceux qui ne sont pas nés ici comme nous ont du mal à se faire des amis », raconte Florian, le Mortuacien. « Certains louent un petit studio et rentrent chez eux le week-end pour retrouver leur famille. Ceux qui viennent de plus loin, des Bretons, des Normands, des Marseillais, se

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Et on ne parle pas de nos voisins du Pays de Gex ou le m 2 atteint, en ce moment, les 4.346 € !
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retrouvent et forment une communauté de nouveaux arrivants. C’est un peu une vie d’expatriés. Pour beaucoup d’entre eux, la Suisse est une parenthèse et un moyen de mettre de l’argent de côté, ils repartent ensuite ! » témoigne Olivier, propriétaire de logements locatifs dans le Haut-Doubs horloger.

Mon Haut-Doubs va craquer. Trafic, croissance démographique, taux de l’immobilier en hausse, coût de la vie plus important… Le problème avec cet aimant que représente la Suisse, c’est que les campagnes d’autrefois se retrouvent désormais confrontées à de véritables problématiques urbaines. En témoigne le prix moyen des transactions immobilières entre particuliers. Selon une récente étude de l’Observatoire transfrontalier de l’Arc jurassien, il dépasse ou approche les 2000 euros/m² le long de la frontière suisse dans les communautés de communes « Station des Rousses - Haut-Jura », « Lacs et montagnes du Haut-Doubs » et « Grand Pontarlier » alors que la moyenne régionale de la BFC se situe autour des 1.370 euros/m². Ces niveaux de prix des transactions classent l’immobilier résidentiel de la bande frontalière parmi les plus onéreux de la région avec les agglomérations de Dijon et de Besançon et la côte viticole située entre Dijon et Mâcon… Et on ne parle pas de nos voisins du Pays de Gex ou le m 2 atteint, en ce moment, les 4.346 € ! Ces prix sont devenus comparables à certains départements en périphérie de Paris. D’un point de vue écologique, cette hausse démographique a bien évidemment un impact, notamment en raison de l’artificialisation des sols. Sur l’Arc Jurassien, la surface artificialisée pour construire de nouveaux logements, et notamment de la fameuse maison individuelle, a augmenté de 860 hectares entre 2012 et 2018. La quasi-totalité a été prélevée sur des terres agricoles converties en zones d’habitation et en zones industrielles... Au-delà de cette problématique, le train de vie des frontaliers ne rime, de toute façon, clairement pas avec écologie. Loin de l’image de l’ouvrier gilet jaune prolétaire, le frontalier nouveau riche avec son 4x4 et sa grosse maison, n’est, à priori, pas le plus à plaindre. Perdre sa vie à la gagner n’est pourtant pas le statut le plus enviable. // D.F.

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devenue premier parti du pays.

Belfort s’agite dans son grand cinéma, moquette rose. C’est Entrevues, le festival des premiers films audacieux et des rétrospectives des grands maîtres. Normal d’y retrouver Gustave Kervern, aka Gustave De Kervern, un vrai audacieux. Depuis 10 films, avec son comparse Benoît Delépine, il fabrique un cinéma social qui dit les maux de la société. Entretien avec un vrai cinéaste des gens.

Par Arthur Guillaumot, à Belfort (90)
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Photos : Vincent Courtois, Entrevues, festival international du film
INTERVIEW

Si je ne me trompe pas, après une école de commerce, tu voulais travailler dans une maison de disques. Tout à fait. J’ai fait des études commerciales parce que je ne savais pas ce que je voulais faire exactement. Je voulais pas travailler tout de suite. Le commerce pour les mecs pas très bons, c’est à peu près le seul truc que tu peux faire. J’ai quitté Nice. Je me suis dit je monte à la capitale, je vais essayer de travailler dans les maisons de disques. Sauf que quand tu arrives comme ça, la fleur au fusil et que tu crois que les portes vont s’ouvrir, forcément, rien ne s’est ouvert. Donc j’ai jamais travaillé dans les maisons de disques.

Ça a dégénéré, parce que là on n’est pas aux Eurocks, on est à Entrevues, finalement c’est le cinéma. Oui, oui, finalement, c’est le cinéma. Mais quand dans la musique les portes se sont fermées, ça a été plutôt la télé. Je voulais un domaine où je m’amuse un peu. Je suis né à l’Î le Maurice, une mauricienne qui bossait chez Sabatier m’a fait rentrer sur Avis de recherche. C’est comme ça que je suis rentré à la télé. Ça n’a pas été terrible non plus. Je me suis fait lourder au bout d’un an. Après j’ai eu de la chance, je suis tombé sur les émissions les plus cools. C’était une autre époque, tu rentrais plus facilement... Il y avait quand même Canal + qui était en pleine bourre. Il y avait de la création, de l’audace. Maintenant ça n’existe plus.

Groland, ça pourrait se lancer aujourd’hui ? Non. Bien sûr que non. C’est impossible. Déjà, chaque année on a peur que ça s’arrête. On se dit que c’est un miracle que ça continue dans les circonstances actuelles. Groland, c’est l’équivalent de Charlie Hebdo, de cette école-là. Maintenant les gens ne veulent plus de ça. Moi, ce qui me fait peur, c’est qu’on est la seule émission d’humour hebdomadaire. Tu te rends compte ? Sur 500 chaînes.

On a fait 26 ans. On dit qu’on a eu la peau de Thalassa qui était notre concurrent. Des chiffres et des lettres, on finira par les avoir. Le jour du seigneur, non. On est dans les 3 émissions les plus vieilles du PAF. C’est hallucinant. Quand je suis rentré là-dedans, je me suis dit ça va durer un an, deux ans…

Totale liberté ?

Oui, oui. On écrit vraiment ce qu’on veut.

Ça a été quoi le déclencheur vers le cinéma ? C’est un peu par hasard. À un moment donné, avec Benoît Delépine, on écrivait des sketchs en commun. On a fait toute une série qui s’appelle Toc Toc Toc. Un truc complètement absurde. Un cadre, un lit, une armoire, une porte. Moi, j’étais au lit. Benoît rentrait en disant des trucs en vieux français : « Je suis fourbu, je vais mettre mon manteau dans la penderie ». À chaque fois, il y avait mon amant, Maurice Pialat, Joey Starr… On a fait 10 épisodes comme ça. On a vu qu’on écrivait bien ensemble, qu’on se marrait. On avait un copain qui était le copain de Poelvoorde, qui avait fait C’est arrivé près de chez vous. Il nous a dit de lui en parler si on avait une idée. On a pensé à cette histoire de road movie en chaise roulante. On est allés le voir. Il a dit : « Ah oui ça c’est pas mal, bonne idée, vous écrivez le scénario, on se retrouve dans un mois, moi je trouve l’argent ». Il a trouvé l’argent d’un notaire flamand qui voulait

investir dans le cinéma. On est partis, personne n’était payé. Le but, c’était d’aller boire un coup avec le réalisateur finlandais Aki Kaurismäki. On a écrit 40 pages. On est partis à 8 ou 9 en camionnette. On a fait le film comme ça, en noir et blanc. Il s’appelait Aaltra Ça a bien marché. On s’est dit qu’on allait en faire un deuxième. Puis un troisième. Et là on en est au dixième. Parallèlement à Groland. Pendant les vacances. C’est nos films de vacances. Juillet, août.

C’est une hygiène de travail en fait. Oui, et puis c’est pas la même chose qu’un sketch. Pas besoin que ça soit drôle, pas besoin de chute. On peut se permettre de mettre des trucs plus profonds, de l’émotion. Des trucs qui nous correspondent plus.

Les sketchs, ça permet peut-être de plus coller à l’actualité. C’est vrai. Mais nous, on est toujours un peu en retard. Avec internet, quand tu es en hebdomadaire, il y a 50 mecs qui ont fait des vannes sur le même sujet. Mais, comme on suit l’actu à un haut point, on a parfois eu la pré-science. Même dans les films. Tu vois, par exemple, Le Grand Soir, ça se passait sur les ronds-points. À force d’imagination et de lire l’actualité, parfois tu tombes pile dans la réalité. Le prochain film, c’était les gilets jaunes. On avait écrit le film et puis il se trouve que les gilets jaunes sont arrivés alors on a réécrit le film. Ça reste trois ex-gilets jaunes. Mais, à la base, c’était ça, un mec qui avait un problème avec son diesel, qui habitait en zone périurbaine.

On a eu la peau de Thalassa»

Votre cinéma avec Benoît Delépine, c’est un cinéma social, mais c’est quoi un cinéma social ?

Un cinéma de sociologie. Prendre un pas de côté pour raconter des histoires. Je ne sais pas pourquoi Benoît et moi on est vachement branchés là-dessus. L’économie, les injustices.

On est proches de la classe moyenne. Groland s’est toujours adressé à des gens simples. Des gens de la campagne, de la province, beaucoup de mecs de la sncf, des fonctionnaires. Ça fédère beaucoup de gens. Des gens laissés pour compte. Qui se retrouvent un peu dans nos films.

Tu fais du cinéma pour qui toi ? Justement, pour les gens qui ne vont pas au cinéma (rires). Je pense que c’est du cinéma pour essayer de comprendre le monde. Que les autres se reconnaissent. Et comme dans les sketchs, mettre le doigt sur les trucs qui vont pas. Refléter les absurdités.

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«

J’ai l’impression qu’il y a une détresse dans tous vos films. Je pense à Near Death Experience , avec Michel Houellebecq, Gérard Depardieu dans Mammuth , à celle de Dupontel dans Le Grand soir, à celle de Poelvoorde dans Saint Amour, à celle de Dujardin dans I Feel Good .

On se rend pas vraiment compte que les films sont durs. Les gens nous le disent après. C’est vrai. Tu peux mettre de l’humour, mais le fond est souvent triste et glauque. Mais moi, j’adore ça. Justement quand une scène peut être vue sous l’aspect tragique et l’aspect comique. Le tragicomique, c’est la plus belle chose qui soit. La réalité est dure.

De vos films, je retiens certaines scènes qui marquent. Je pense à une scène de Mammuth. Gérard Depardieu mange dans un boui-boui. Il n’y a que des hommes seuls aux tables. Et l’un appelle sa gamine, et il se met à pleurer. C’est le genre de scène où tu peux rire et pleurer. C’est ridicule et magnifique. Comment est-ce qu’on capte un tel niveau d’intimité ?

J’ai toujours aimé les films avec des représentants de commerce. Souvent, c’était des films avec Jean-Pierre Marielle. C’est vrai qu’on s’est retrouvés parfois, avec Benoît, dans des petits restaurants de province en faisant les repérages. On se retrouvait avec que des mecs, seuls ou à deux-trois à table. Une espèce de looserie avec les lumières un peu tamisées, la serveuse qui arrive fatiguée. Tu te nourris de tout ça. Une scène qui fait rire et pleurer, c’est cette scène-là qui est vraiment la représentation excellente de ça.

C’est du cinéma de la vraie vie. C’est le cinéma qu’on aime bien. Je viens de voir un film qui s’appelle La Salamandre d’Alain Tanner. Il m’a beaucoup plu dans son naturel. On adore Joël Séria. Joël Séria c’est Les

Galettes de Pont-Aven, c’est Jean-Pierre Marielle quoi, c’est la province. Jacques Rozier, Claude Sautet, c’est des films dans les bars, c’est la vie. Notre cinéma on dit qu’on fait tâble d’hôtes. On boit des coups avec les patrons de bars, les serveurs.

D’où ça vient le fait que toi, tu joues parfois ? Je dois faire 3 films par an, oui. J’y ai pris plaisir depuis Dans la cour avec Pierre Salvadori. Je te cache pas que je l’ai fait aussi parce que j’ai toujours peur que Groland s’arrête. Mais j’aime bien les ambiances de tournage. Je suis tout seul chez moi à écrire, donc, quand il y a un tournage, c’est toujours très intense, c’est une équipe, une solidarité. J’adore ces ambiances. J’ai l’impression que jouer, ça a cassé ton image bourrue, t’es beaucoup sur des rôles où on voit ta délicatesse.

Le problème c’est que c’est toujours un peu les mêmes rôles. Ça commence un peu à me faire chier. J’ai pas envie de refaire à chaque fois la même chose. J’attends un scénario un peu plus péchu. Je suis pas un bisounours. Ce côté un peu nounours-là ça me fait chier. Je vais y mettre un frein.

Qu’est ce que tu trouves encore transgressif ? Eh ben il y a plus grand chose de transgressif justement. C’est même catastrophique. À la limite, quand tu vas voir une expo de peinture de mec d’il y a 300 ans, c’est parfois plus transgressif que maintenant. Le Caravage, c’est plus transgressif que n’importe quelle œuvre de maintenant. Le Joker, avec Benoît on était sur le cul. Qu’un film américain dise « Tuez les riches ». Comment les américains peuvent envoyer une bombe pareille et pas nous. Ça veut dire qu’on est au fond du trou. Tous les mecs un peu hards se font éclipser. L’époque ne veut pas ça et ne l’a jamais trop voulue, d’ailleurs. Toi, dans ton magazine, tu peux écrire ce que tu veux. Vous avez une liberté qui est bien. // A.G.

«
Le tragicomique, c’est la plus belle chose qui soit. La réalité est dure »

À SEC !

Et au milieu ne coule plus de rivière. Tous les ans, le Doubs est un peu plus à sec...

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Photos Raphaël Helle
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INTERVIEW

L’INSTIT’ L’INSTIT’

ÉLISE BUSSAGLIA, DU FOOT À L’ÉCOLE.

4 championnats de France, 5 Coupes de France, le championnat allemand, la Coupe d’Espagne, 188 sélections en équipe de France, une demi-finale de Coupe du monde, 2 finales de Ligue des Champions, un but en quart de finale de Coupe du monde entré dans la légende, Barcelone, Lyon, le PSG... Élise Bussaglia est un mythe du foot et elle a choisi de finir sa carrière à... Dijon. Dingue. Rencontre avec une fille qui s’apprête à retourner à sa vie d’institutrice après avoir contribué à construire l’histoire du foot féminin.

Par Chablis Winston, à Dijon (21) Illustrations : Loïc Brunot

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Comment t’as vécu le fait d’être une fille dans un «sport de mecs » dans les années 90 ? Je l’ai bien vécu. J’étais la seule fille jusqu’à mes 15 ans. J’étais un peu protégée et comme je jouais mieux que la plupart des garçons... En général les gens étaient surpris : « Oh, y’a une fille. On va gagner ». Quand ils me voyaient jouer, le discours changeait. En plus, j’ai toujours donné des coups. Mon père m’a appris à ne pas me laisser faire sur le terrain. Donc, ça m’a jamais perturbée d’en recevoir non plus. Ça fait partie du jeu. Surtout au milieu du terrain (son poste, ndlr).

À 15 ans, t’es repérée pour aller à l’INF Clairefontaine, (institut national du football - centre de formation national), alors que tu n’as encore pas joué dans une équipe féminine. Je ne jouais qu’avec des garçons en club, mais en sélection du département ou de la région. Il y avait quelques équipes de filles, c’est là que j’ai été repérée. D’ailleurs c’était difficile pour moi les sélections féminines, le niveau... Certaines filles ne savaient pas jouer. À cette époque-là (fin des années 90, ndlr), y’a pas beaucoup de clubs féminins et pas beaucoup de bonnes joueuses. Chez moi dans les Ardennes, y’en a que 2 ou 3 qui savent jouer. C’est une autre époque. Par contre, quand je suis arrivée à Clairefontaine, j’ai vu qu’il y avait un gros niveau, avec des joueuses bien plus fortes que moi. Ça m’a motivée.

Donc à 15 ans, t’es à Clairefontaine près de Paris la semaine, et le week-end, tu reviens jouer au foot chez tes parents ?

Heureusement que mes parents étaient là pour tous les trajets. Quand on jouait à l’extérieur, je rentrais chez mes parents juste pour repartir illico avec l’équipe ailleurs en France, comme on était en première division quand même. J’ai ce rythme-là depuis que j’ai 15 ans. Là, j’arrive sur la fin, donc je vais pouvoir prendre du temps.

On a l’impression que ta carrière a évolué en parallèle du foot féminin français. Dans les années 90, y’a très peu d’équipes, puis dans les années 2000, le foot n’est encore pas pro. Finalement, en 2019, on sort d’une Coupe du monde en France, le sport est médiatisé, certaines footballeuses sont des stars. T’es consciente d’avoir participé à ça ?

Oui, j’ai un peu tout connu. Quand je jouais au foot, petite, je savais même pas qu’il y avait une équipe de France féminine. J’avais pas de référence. Marinette Pichon (la joueuse la plus connue des années 90 – jamais passée pro, à l’époque ça n’existait pas, ndlr), je l’ai découverte quand j’ai eu 15 ans, en jouant avec elle, à St-Memmie. Quand je débarque, ce qui m’intéresse, c’est le niveau de jeu, pas de devenir professionnelle. J’imaginais même pas ça puisse

« y’a pas grand monde qui me reconnaît si je suis pas dans un contexte sportif. J’ai pas l’impression d’être une legende du foot... »

exister. Marinette Pichon, c’etait la meilleure et, pourtant, à côté, elle bossait pour la mairie de la ville. Donc, pour moi, c’etait logique de continuer les études. J’allais pas en faire un métier. C’est bien plus tard (au milieu des années 2000, ndlr) que le Président Nicollin a commencé à investir à Montpellier et à faire quelques contrats. Le Président Aulas a suivi à Lyon. Moi j’ai pris le train en marche. Au début, je faisais des petits boulots en plus pour payer mon loyer, comme tous les étudiants.

Tu as un diplôme d’instit’ ? Oui, après mon diplôme, j’ai fait une année scolaire, pendant que je jouais au PSG. Ensuite, je me suis mis en dispo quand on m’a proposé d’être pro à Lyon, en 2012.

Comment on s’organise quand on est instit’ en plus d’être une joueuse de haut niveau ? C’est intense. Y’a pas de temps mort. Le matin, je vais à l’école avec les enfants, ça passe à une vitesse folle. En fin d’après-midi, je prépare mes cours, le soir, je vais au foot, je rentre, je me couche. Y’a rien d’autre. Et le week-end, y’a match. Mais ce qui est bien, c’est que tu te nourris de l’énergie des enfants. Je pense que j’aurais pas pu continuer comme ça plusieurs années. C’est pas compatible avec le sport de haut niveau.

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La fin de ta carrière, c’est dans quelques mois, à la fin de la saison. Tu vas refaire instit’ ? Bien sûr. C’est la suite logique. C’est un métier qui demande aussi beaucoup d’efforts. Ça va être intense.

Elise Bussaglia à Dijon, c’est un peu comme si Paul Pogba signait à Dijon pour faire le parallèle. T’es un peu une légende du foot français. Tu passes par Lyon, Paris, Barcelone, Wolfsburg, Montpellier et tu te retrouves à Dijon. C’est pour avoir du temps de jeu ? Oui, tout simplement. Je voulais faire la Coupe du monde et je jouais pas beaucoup à Barcelone. J’avais des propositions en Angleterre et en Suède. Pour être honnête, continuer l’aventure à l’étranger, ça me tentait plus, mais la coach de l’équipe de France (Corine Diacre, ndlr) m’a dit qu’à 6 mois de la Coupe de monde, ce serait mieux que je signe en France si je voulais être sélectionnée. Donc moi, ce que je veux, c’est du temps de jeu. Je voulais finir ma carrière sur le terrain, et pas sur un banc. Et tant qu’à faire, autant ne pas être loin de mes parents qui vivent à Sedan.

Tu as pas mal bourlingué pour une joueuse de ta génération : Espagne, Allemagne... Ouais. Je voulais voir d’autres cultures, au-delà du foot. Je l’ai fait grâce au foot, c’était plus simple. J’aurais pu finir ma carrière à l’étranger.

Wolfsburg, comme ça, ça fait pas rêver… Même quand on y est, ça fait pas rêver. (rires) La ville de Volkswagen, Autostadt... La ville fait pas rêver mais dans le foot féminin, ça fait rêver. C’est un des plus gros clubs du monde.

Le top de ta carrière, tu considères que c’est quand ? Je dirais 2011-2012. Y’a le trophée de meilleure joueuse du championnat de France, le but en Coupe du monde.

Ce but en quart de finale en 2011, c’est le plus beau moment de ta carrière ?

Oui, c’est un de mes meilleurs souvenirs. Même si j’aurais bien gagné une Coupe du monde ou une Ligue des champions.

Y’a toute une génération avec toi qui arrive en fin de carrière, qui a mené l’équipe de France jusqu’au dernier carré de la Coupe du monde en partant de rien: Camille Abilly, Gaetane Thiney, Louisa Necib. T’es confiante pour la suite ?

Oui, plus il y’aura un football de masse chez les filles, plus y’aura de bonnes joueuses. À l’époque, c’était facile de faire ta liste des 23 parce qu’il n’y avait pas tant de joueuses que ça qui avaient le niveau. Maintenant, c’est plus compliqué. c’est très bien pour le foot féminin.

Même ma mère, elle sait qui est Elise Bussaglia, alors qu’il y a 10 ans, le nom des footballeuses, personne ne les connaissait. T’es consciente d’avoir participé à ça ?

Non, pas vraiment. On me dérange pas dans la rue, y’a pas grand monde qui me reconnaît si je suis pas dans un contexte sportif. J’ai pas l’impression d’être une légende du foot...

Quel regard tu as sur le DFCO, toi qui est arrivée depuis 1 an ?

C’est un club jeune, surtout la section féminine. Mais le club peut viser beaucoup plus haut. Y’a des personnes vraiment investies, impliquées. Et par rapport aux filles, bien sûr, il faut mettre des moyens. Financiers et aussi matériels. Les conditions d’entraînement... Aujourd’hui, on s’entraine sur un terrain synthétique, on n’a pas de vestiaires dédicacés (sic) seulement à l’équipe féminine... C’est des petites choses. Et on a encore des joueuses qui bossent à côté, ça nous empêche de nous entrainer la journée… Il reste des choses bancales, mais ça évolue dans le bon sens.

L’égalité salariale dans le foot ? (rires) Ahah ! On en est loin ! Mais ça évolue dans le bon sens, quand même. // C.W.

« Wolfsburg, la ville, quand t’y es, ça fait pas rêver

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»

destinées d’entrepreneur

destinées d’entrepreneur

De plateaux en plateaux, de lives en lives, de BFM à C dans l’air, Stéphane Ragoin est devenu un personnage connu de notre petit écran. Sympathique, bienveillant, toujours impeccable, il gratifie le paysage audiovisuel français de ses plus fines analyses. Mais d’où vient Stephane Ragoin, prince des experts des plateaux télés ?

Stéphane vient d’une famille modeste de Haute-Saône. Après une enfance chaotique, il monte à Paris « pour réussir» À l’âge de 19 ans, «là, où tout a foiré». De petits boulots en petits boulots, le Stéph, comme on l’appelle, galère et squatte chez des amis de la capitale : «J’ai été instit’ remplaçant quand j’étais plus jeune. Du coup, dans le quartier, les gens m’appelait souvent ‘le prof’». Ce quartier, c’est justement celui du siège de RMC/BFM TV, dans le 15ème arrondissement. Et ce surnom de ‘prof’ va l’amener, sans le savoir, là où il est actuellement, sur le toit des médias. C’est un jour de 2016 que tout bascule pour lui. Pour réagir à l’actualité en Syrie à l’époque, une équipe de BFM cherchait un spécialiste du Moyen-Orient. Comme d’habitude, les délais sont serrés. L’info en continu, c’est un rythme à tenir. «Ils avaient 10 minutes pour trouver un type. Je buvais un coup au bar d’en bas où les gens m’appelaient ‘le prof’. Je prenais le café avec mon pote Abdel. Banco, les journalistes m’ont dit de monter avec

eux». Sur le plateau, bien que novice, Stéphane se débrouille extrêmement bien: «Je répondais avec des phrases toute faites que j’avais déjà entendues, comme l’influence de Daesh dans le nord de la Syrie est considérable»

La prestation de Stéphane en entraîne d’autres, car il est vite remarqué par CNEWS, LCI, ou autre Dorcel TV : «J’étais plutôt à l’aise, ils m’appellent tous les jours maintenant»

En effet, toutes ces chaînes ont un point commun, il leur faut des experts, vite. Et sur tous les sujets. «Il ne leur faut pas le meilleur expert, mais celui qui peut se rendre le plus vite en studio : Allo, c’est LCI ! Vous pouvez être là en 10 minutes ?

— Bien sûr.

— C’est pour parler du conflit interethnique du moment au Togo.

— Pas de problème Je suis le plus proche, donc celui qui sera invité. C’est la théorie de l’expertkilomètre. »

Ou le Uber du consulting ! Tu mets

expert en dessous de ton nom et Professeur devant, avec une chemise propre, ça passe. Stéphane vient de

Le bon expert ?

C’est celui qui habite à côté des studios de la chaîne TV.

créer une école d’experts, à Paris et au cœur de l’actu. Ces jeunes vont apprendre à connaître un maximum de vocabulaire sur le plus de sujets possibles en un temps record. Une pédagogie de combat. Avec la nouvelle Expert Media Consulting School of Business, tout le monde peut devenir expert. Une chemise, un rasage frais, une paire de lunettes, un peu d’aisance à l’oral et surtout, une proximité géographique certaine avec les locaux des chaînes d’infos en continu. Le tour est joué.

« Tu veux faire quoi, petit, quand tu seras grand ? — Expert !» // CW

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Stéphane Ragoin, consulting boss en partenariat avec la Expert Media Consulting School of Business

Rasé de près

Comment la monoculture intensive de résineux détruit toujours plus le Morvan.

Les forêts couvrent près de la moitié du massif du Morvan, un chiffre en constante progression depuis les années 50. Pourtant, ce reboisement cache une réalité peu réjouissante : les forêts historiques de feuillus sont progressivement remplacées par des monocultures de résineux cultivés de façon intensive. Alors que les sécheresses répétées et les invasions de scolytes (des insectes parasites) déciment déjà les peuplement d’épicéas, affolant certains acteurs de la filière bois, nombreuses sont les voix qui s’élèvent contre cette industrialisation de la forêt au détriment de la biodiversité et des écosystèmes qu’elle abrite.

ENQUÊTE

Historiquement omniprésente dans le paysage du massif morvandiau, la forêt a toujours représenté un enjeu économique majeur pour la région. Pendant plus de trois siècles, les forêts morvandelles vont servir à alimenter Paris en bois de chauffage. L’arrivée du charbon met un terme à ce commerce et la forêt, dont les sols sont appauvris, est en partie délaissée au profit de l’agriculture. Puis vient l’exode rural ; la forêt morvandelle regagne du terrain, une tendance favorisée au lendemain de la 2ème Guerre mondiale par le Fonds forestier national qui va inciter les propriétaires à replanter des monocultures de résineux. Et depuis les années 1950, le taux d’enrésinement s’emballe, passant de 25% à plus de 45% aujourd’hui. Le Morvan concentre près de la moitié des surfaces forestières de peuplement de douglas et d’épicéas de Bourgogne, c’est également la première région productrice de sapins de Noël de France. Ici, les forêts sont privées à 85%, un taux supérieur à la moyenne nationale, et le parcellaire forestier est très émietté. « Les exploitants forestiers, les coopératives et les grands propriétaires étudient précisément les cadastres et leurs achats de petites parcelles, même isolées, leur permettent de rayonner ensuite plus largement», déplore Ghislaine Nouallet. Co-gérante du Groupement forestier pour la sauvegarde des feuillus du Morvan (GFSFM) basé à Autun, cette retraitée a terminé sa carrière d’ingénieure agro au ministère de l’Agriculture en travaillant auprès des lycées agricoles sur «l’enseignement à produire autrement » en 2015. Elle regrette que ces réflexions sur d’autres méthodes de production n’aient pas touché à l’époque le monde forestier, pourtant lui aussi rattaché à ce ministère. « La forêt est sous l’emprise de lobbies de la filière bois très puissants, qui dictent depuis des décennies quelles essences la forêt doit produire, quelles tailles de grumes les forestiers doivent sortir... Depuis la tempête Lothar de 1999, le rythme s’est accéléré : l’industrie impose son allure à la forêt. Une fois les parcelles investies, l’exploitation consiste à raser totalement les forêts de feuillus, considérées comme inintéressantes économiquement pour mettre à la place de la monoculture en ligne, le plus souvent actuellement de douglas ».

Importé de Californie, le douglas est un

bois qui se plaît beaucoup sur les terrains acides du Morvan, il y pousse vite et se vend très bien. Planté dès 1950, on commence à récolter depuis quelques années les premières plantations arrivées à maturité, pour un volume total de bois sur pied très conséquent. Selon Cyril Ginet du syndicat SNUPFEN Solidaires et technicien forestier à l’Office national des forêts (ONF) dans la Nièvre, c’est là un des enjeux actuels du secteur : « le problème, c’est la monoculture, pas le douglas. Les forestiers se questionnent depuis longtemps sur ces sujets mais l’ONF ne prend pas

ration de la gestion productiviste des forêts publiques suite au traumatisme des tempêtes de 1999, qui a entraîné un véritable malaise au sein des techniciens forestiers.

côté

«L’ONF devrait être un établissement qui s’occupe des forêts. Et si on arrive à sortir du bois, ça ne nous choque pas de couper des arbres mais si c’est pour faire de la monoculture et fabriquer des palettes qui vont transporter des produits merdiques de Chine, ça colle plus. » Fin janvier, le nouveau directeur de l’ONF, Bertrand Munch, a annoncé aux agents la modification prochaine du code forestier qui va encourager le recrutement de salariés de droit privé. « Un signal qui ne va pas dans la bonne direction », selon le technicien forestier nivernais. « On n’a rien contre ces agents, ce que l’on craint c’est d’avoir des personnels qui, à cause de leur statut, n’ont pas les moyens de dire non.» Malgré tout, de nouvelles tendances se dessinent : l’office a notamment interdit l’usage des pesticides en 2019. Les enjeux du réchauffement climatique obligent aussi le service public à interroger ses pratiques: « Il y a de plus en plus une réflexion autour de la futaie irrégulière qui est venue du terrain bien souvent. La hiérarchie est réticente encore mais on ne désespère pas ! » En opposition à la futaie régulière, ce type de forêt se caractérise par des peuplements d’arbres de différents âges, et de différentes essences. Dans cette sylviculture plus proche de la nature où l’on prend en compte la globalité de l’écosystème, chaque arbre fait l’objet d’une observation et d’un suivi particulier afin d’être prélevé au meilleur moment.

le problème à bras-le-corps. Une fois que vous réalisez que ce n’est pas le miracle attendu, faut-il persévérer là-dedans ? À l’heure actuelle, il serait impossible d’éradiquer le douglas du Morvan, il faudrait pourtant essayer de le gérer différemment car lorsqu’on fait de la plantation monospécifique, on ne travaille pas pour la forêt mais pour produire du bois. Le problème c’est qu’on ne parle pas tous de la même chose. D’un côté, il y a la forêt en tant que milieu et de l’autre, on vous parle de bois, d’un produit. » L’ONF, qui a vu son nombre de salariés passer de 15.000 en 1985 à moins de 9.000 aujourd’hui, traverse une crise financière et sociale sans précédent : vague de suicides au sein des agents publics, déficit aggravé au fil des ans et qui devrait s’élever à 20 millions d’euros pour 2018. En cause, le financement du service public qui est soumis aux contraintes du marché du bois, et l’accélé-

Pro Silva est l’une des associations qui prône ces techniques depuis une trentaine d’années. Le groupement forestier autunois a d’ailleurs confié la gestion de ses 17 forêts, soit 300 hectares, à Tristan Susse, un expert forestier Pro Silva. « Avec cette sylviculture on ne met pas la forêt sous cloche, explique Ghislaine Nouallet, il faut d’abord protéger la biodiversité, mais la forêt doit aussi assurer une fonction sociale : être un endroit privilégié pour se balader, ramasser des champignons... La production ne peut intervenir que si la forêt est équilibrée. Il y a l’idée de produire en harmonie avec la nature. » Encore très minoritaire cette sylviculture a pourtant un avantage économique certain, sa gestion n’engageant que peu de frais. Jacques Hazera, vice-président de Pro Silva France, affirme même que « la forêt ne coûte rien si ce n’est un peu d’observation et couper

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«
D’un
il y a la forêt en tant que milieu et de l’autre, on vous parle de bois, d’un produit »

quelques arbres régulièrement. C’est une machine très puissante qui se développe toute seule, il suffit de la piloter à la marge pour avoir du bois de qualité». Cet expert et gestionnaire forestier installé dans le Massif Landais a abandonné la sylviculture traditionnelle après le passage de l’ouragan Martin en décembre 1999. « À l’époque, je faisais simplement comme mes voisins. La pratique des coupes rases qui sont une déflagration terrible et le reboisement sur labour entraînaient une réduction progressive de la valeur du patrimoine, et beaucoup de frais. » Largement dénoncées par les associations (et par le Parc naturel régional du Morvan), ces coupes à blanc mettent à mal la biodiversité et contribuent à l’appauvrissement des sols. « Les arbres coupés jeunes produisent un bois de qualité médiocre, voire mauvaise, ce qui condamne les débouchés nobles. D’autant plus qu’on coupe en toute saison, on met tous les curseurs de la qualité vers le bas », déplore Jacques Hazera. Le douglas, dont le prix ne cesse de grimper, a vu son âge de récolte baisser ces dernières années : ils peuvent être prélevés dès 40 ans, ce qui n’est pas sans conséquence. « Pendant leur jeunesse, les arbres sont des prédateurs des minéraux du sol et à mesure qu’ils vont vieillir, vers l’âge de 60-70 ans, ils vont commencer à les restituer. Si vous les coupez avant ce seuil, vous ne faites que détruire votre outil de production.» Plantés eux aussi en masse après la guerre, les épicéas du Morvan sont décimés depuis quelques années par le scolyte. La faute aux hivers doux et aux longues périodes de sécheresse qui affaiblissent les arbres et favorisent le développement de ce dernier. « Le cas des épicéas est particulier car on les a plantés dans des milieux qui n’étaient pas leurs milieux de prédilection. On les a descendus des montagnes vers les plaines,

et aujourd’hui on paye les pots cassés. » Face au réchauffement climatique, certains défendent l’idée d’importer des essences méditerranéennes comme le pin laricio de Corse ou encore le cèdre de l’Atlas. «Cette idée qui consiste à tout détruire et à importer des essences exotiques ne tient pas debout ! Ces arbres sont peut-être capables d’encaisser la sécheresse mais qu’en est-il de leur résistance face aux autres dangers ? On est dans l’inconnu total et on joue aux apprentis sorciers », peste Jacques Hazera. « En France, on va vers une malforestation. Chez moi dans les Landes on y est déjà à plein tube et dans le Morvan, c’est en cours ».

Dans la forêt de Montmain, sur les hauteurs d’Autun, on peut encore se promener au milieu des hêtres, des charmes et des vieux chênes. Pour sauver ces 30 ha, le groupement forestier, la mairie d’Autun et le Conservatoire national des sites bourguignons se sont portés acquéreurs ensemble, en 2003. Grâce à ses 750 associés, le groupement forestier a ainsi pu acheter 16 autres forêts morvandelles. Un deuxième groupement, le Chat Sauvage, leur a même emboité le pas sur le secteur de Lormes, dans le nord Morvan. « On a la foi mais on n’est pas dupes », confie Ghislaine Nouellat. « S’il n’y a pas de modification de la loi, il ne va pas se passer grandchose ». Justement, la forêt est sur la table des politiques depuis quelques mois. Une commission d’enquête citoyenne intitulée « Forêt bien commun » et menée par la députée La France Insoumise Mathilde Panot, venue en novembre dernier dans le Morvan. En parallèle, le gouvernement a lui aussi lancé une mission forêt et bois. Mais ici, on reproche au gouvernement de beaucoup trop écouter les professionnels de la filière bois... De plus, le Parc naturel régional, qui n’a pas l’attribution de gestion de la forêt, mais appelait à limiter les coupes rases, s’est vite vu menacer par l’État de se faire enlever son titre de parc naturel (avec 120.000€ d’aides à la clé), s’il n’arrêtait pas de se mêler de ce qui « ne le regarde pas ». Que veut l’État ? Avec près de 440.000 emplois, autant que dans l’industrie automobile, la filière bois est un marché prometteur, la forêt ne pesant pour l’instant que 1,1% du PIB français. Pourtant, à cause des changements climatiques, le fragile équilibre de cette gestion insoutenable des forêts pourrait bien s’effondrer demain. // S.B.

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Importé de Californie, le Douglas est un bois qui se plait beaucoup sur les terrains acides du Morvan, il y pousse vite et se vend très bien.
Ghislaine Nouallet, co-gérante d’un groupement forestier, lutte contre les coupes rases.
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Verdun, 1917. Allez, ça file chez IKEA !

ENQUÊTE

La guerre des champotes

Depuis 8 ans, des cueillettes organisées clandestinement par des entreprises espagnoles embauchant des travailleurs roumains se répètent chaque automne dans le Jura. Le précieux se nomme lactaire sanguin, champignon délaissé par les locaux mais très prisé chez nos voisins du Sud pour agrémenter leurs potages. Depuis 2019, les communes regroupées dans un triangle entre Poligny, Champagnole et Arbois tentent une contre-attaque en organisant un ramassage légal. La guerre des champi’ aura-t-elle lieu ?

Clandés saisonniers, locaux agacés.

Piller les ressources à l’étranger est un sport international prisé. En France, on a des idées, comme interdire de filmer la police en train de tabasser des manifestants, mais pas de pétrole. La convoitise de nos voisins espagnols ne se niche donc pas dans les hydrocarbures absents de notre sous-sol mais

dans... des champignons présents dans l’humus des forêts jurassiennes. Pas de quoi déclencher un conflit géostratégique mais une situation qui agace les élus et les habitants des communes impactées par des cueillettes répétées et intensives, et qui laissent des traces dans les forêts : « Chaque année, on ramasse entre 7 et 8 m3 de déchets», indique André Jourd’hui, adjoint à la mairie de Poligny. Cabanes de chasses squattées et dégradées voire brûlées, camping sauvage. En 2019, « 150 à 200 cueilleurs roumains se regroupaient le matin au centre-ville de Poligny » Patrons de bars excédés par les travailleurs clandestins qui défilent pour faire leur toilette, caissiers de supermarchés paniqués par les suspicions de vols, accusations de recrudescence de prostitution, difficile de démêler préjugés et réalité. Cependant, le phénomène est indiscutable et assez massif : Claude Giraud, vice-président de l’agglomération Champagnole-Nozeroy-Jura, in-

dique dans les colonnes de L’Hebdo 39, en octobre dernier, « l’arrivée de 400 à 600 cueilleurs clandestins chaque automne (...) À Montrond, on compte une centaine de fourgonnettes tous les jours, pendant environ 2 mois ».

Trimer dans les forêts, se faire tabasser.

Le travail ingrat et souvent sous-payé des immigrés dans les champs en Europe ne fait pas la une de la presse. Pourtant, en période de COVID, l’Italie a dû régulariser en urgence 200.000 étrangers pour la cueillette des légumes. En Espagne, ils sont officiellement 150.000 étrangers employés temporairement dans le domaine de l’agriculture. La France n’est pas en reste : dans l’Ain en 2018, un réseau de travail agricole dissimulé employait des Polonais payés 5 euros de l’heure. Droit du travail

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Comment lutter contre le pillage massif des lactaires dans le Jura ?
Par Augustin Traquenard, dans le Jura Illustrations : Yannick Grossetête
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« à Montrond, on compte une centaine de fourgonnettes tous les jours, pendant environ 2 mois »
CLAUDE GIRAUD, VICE-PRÉSIDENT DE L’AGGLOMÉRATION CHAMPAGNOLE-NOZEROY-JURA, DANS LES COLONNES DE L’HEBDO 39.

inexistant, conditions d’hébergement précaires, l’exploitation des travailleurs clandestins apporte son lot de misère et de situations dramatiques inhabituelles dans les petites communes jurassiennes, plus habituées à voir passer des touristes hollandais en camping-car que des travailleurs roumains en estafette. Une habitante de la région polynoise témoigne : « une année, une amie d’origine roumaine a été contactée par la gendarmerie de Poligny pour la traduction des propos d’un jeune travailleur clandestin qui souhaitait porter plainte : il disait faire partie d’un groupe de cueilleurs roumains et se plaignait de maltraitances, d’être régulièrement battu. On l’a finalement hébergé quelques jours afin de trouver une solution en lien avec une association pour qu’il soit finalement rapatrié ».

La comcom contre attaque.

En 2019, à l’instar d’expériences ayant déjà été menées en Bourgogne ou dans l’Ain, les élus des communes et communautés de communes d’Arbois-Poligny-Salins-Cœur du Jura et Champagnole-Nozeroy-Jura, en lien avec l’Association des communes forestières du Jura tentent d’organiser la cueillette légale des lactaires pour contenir « l’invasion roumaine » : il s’agit de recruter une armée locale en délivrant des « permis de cueillir». Délivrés en mairie, gratuits pour tous, l’obtention se fait en échange d’un justificatif de domicile ainsi que d’une photo et d’une pièce d’identité. En lien avec une entreprise vosgienne, La Forestière du Champignon, chargée de commercialiser les récoltes, les points de collecte, notamment à Champagnole, permettent de convertir la récolte en cash (4 à 6 euros le kilo selon les prix du marché). Une offre alléchante puisque les bonnes années, l’abondance de lactaires permet de

DROIT DU TRAVAIL INEXISTANT, CONDITIONS D’HÉBERGEMENT PRÉCAIRES, L’EXPLOITATION DES TRAVAILLEURS CLANDESTINS APPORTE SON LOT DE MISÈRE ET DE SITUATIONS DRAMATIQUES INHABITUELLES DANS LES

PETITES COMMUNES JURASSIENNES.

ramasser 40 à 50 kilos par jour et par personne assez facilement.

La main invisible du marché.

Dans la guerre jurassienne du lactaire, les bons vieux axiomes du capitalisme vont assez vite se rappeler aux élus et aux habitants épris de justice et soucieux de défendre l’intégrité des forêts contre les pillards. Dès le mois de novembre 2019, La Forestière du Champignon jette l’éponge. Les clandés revendraient les lactaires à bas prix (2 euros le kilo), ce qui plomberait le marché. Pas question cependant pour les élus de lâcher l’affaire, on cherche des solutions pour les années à venir. La solution, selon Dominique Bonnet, maire de Poligny, passerait aussi par « faire peur aux organisateurs », d’autant que « les points de

regroupement du trafic sont parfaitement connus de toutes et de tous », explique-t-il à L’Hebdo 39.

Cet automne 2020, confinement oblige, la guerre du lactaire est en pause. Pas sûr que l’espoir rêvé par certains de saisir l’opportunité de la crise du COVID pour transitionner vers un monde fait de sobriété et de solidarité qui prendrait ses distances avec le consumérisme et le capitalisme sauvage se concrétise. En attendant, les forêts jurassiennes ont été désertées par les promeneurs et les cueilleurs de champignons... laissant le champ libre aux chasseurs qui eux, sont autorisés à « réguler » les populations de cerfs, chevreuils et sangliers. Monde d’avant, quand tu nous tiens. // A.T.

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conseil justice conseil justice

Maître Fougnard,

Bonjour Poney M.

Merci de votre question, qui en rejoint beaucoup d’autres sur ce thème, venant de lecteurs de Haute-Saône, ce qui éclaire d’un jour nouveau le déclin démographique de ce département. Malheureusement, les possibilités légales de marquer ton attachement à ton poney sont plus restreintes que celles dont tu disposes auprès des membres du club des majorettes Les Iris de Vesoul, sous réserve qu’ils soient devenus majeurs bien entendu. La cour d’appel de Dijon a ainsi condamné en 2006 un agent de l’administration pénitentiaire pour sévices sexuels infligés à son poney. En effet, « le prévenu avait pratiqué des actes de sodomie sur le poney Junior dont il était propriétaire, et avait reconnu qu’il s’agissait d’un jeu ». La cour d’appel a considéré que « ces actes, subis par l’animal qui ne pouvait exercer quelque volonté que ce fût, ni se soustraire à ce qui lui était imposé et était ainsi transformé en objet sexuel, étaient constitutifs de sévices au sens de l’article 521-1 du code pénal ; que, les faits étant constants, l’excuse du jeu n’était pas recevable ». La cour de cassation a confirmé l’arrêt en considérant que « des actes de pénétration sexuelle commis par une personne sur un animal constituent des sévices de nature sexuelle au sens dudit texte ». Si la cour d’appel de Dijon semblait entrouvrir la voie à un élargissement des possibilités de complicité interespèce, sous réserve de rapporter la preuve que l’animal pouvait exprimer sa volonté par des hennissements caractéristiques, avait la possibilité de se soustraire à la pénétration en trottant librement et n’était pas ainsi transformé en objet sexuel mais était un acteur libre de son corps, la cour de cassation semble bien avoir fermé la porte à cette avancée sociétale audacieuse en posant que toute pénétration sexuelle d’un animal était un sévice au sens de l’article 521-1 du code pénal. Il ne te reste plus qu’à espérer une harmonisation de la législation européenne sur ce point. La France est en effet le seul pays à avoir pris depuis 2004, des mesures législatives pour réprimer la zoophilie. Le Code pénal de 1791 avait dépénalisé les comportements homosexuels et zoophiles en vertu de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme, selon lequel « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». La loi du 9 mars 2004 et l’article

521-1 du code pénal répriment désormais « le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves ou de nature sexuelle ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité », faits punis de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende. C’est toujours moins que la peine capitale infligée en 1601 à Claudine de Culam, née à Rozay-en-Brie, âgée de 16 ans, domestique chez M. le Prieur de Reverecourt depuis quatre ans, « bien et dûment atteinte et convaincue d’avoir eu habitation charnelle avec un chien blanc tacheté de roux ».

À la réflexion, je ne peux donc que vous recommander vivement de vous adonner plutôt à la pratique du kart. Maître Fougnard.

Si vous ne savez pas comment emmerder le monde, n’hésitez pas, nous pouvons vous aider : posez votre question, nous y répondrons (ou pas).

« Bonjour étant natif de Vesoul, je suis naturellement très sensible à la cause animale et particulièrement à celle des poneys. Je souhaiterais connaître les limites légales de mon attirance pour les Shetlands, mâles et femelles ? Y a-t-il des questions de limite d’âge ? De consentement ? Vu ce qui se passe avec le mouvement Metoo, L.214 et tout ça, je préfère être prudent. Poney M.
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ANTHRO POCENE DE CRIME

Vos sneakers fabriquées par des mômes avant de traverser la planète en porte-containers ; Bayer qui saupoudre des champs de céréales ; la France qui artificialise ses sols sur l’équivalent d’un département tous les sept ans… Ce sont autant de facettes de l’anthropocène, une « nouvelle époque géologique dans laquelle nous sommes récemment entrés et qui se caractérise par la pression sans précédent que les humains font peser sur l’écosystème terrestre. » Ça, c’est la définition qu’en donne Michel Magny, Directeur de recherches émérite au Laboratoire de Chrono-Environnement de l’Université de Franche-Comté. Pour dire si c’est un calibre, il est Médaille d’argent du CNRS et auteur du Que saisje ? sur le phénomène qui, selon lui, relève autant d’une crise de la nature que d’une crise de l’humain. Autant dire qu’on n’est pas sortis du sable…

Par Nils Bruder Photos deep web

Dans les granDes lignes, c’est quoi l’anthropocène ?

Le terme a été popularisé, au début des années 2000, par le météorologue Paul Crutzen (Prix Nobel de chimie en 1995). Il associait l’apparition de ce phénomène à la Révolution industrielle, ayant débuté dans la seconde moitié du XVIIIème siècle avec la mise au point de la machine à vapeur par Watt en 1784. Cela étant, les impacts de l’humain sur la nature ne sont pas brutalement apparus à cette période-là. Les traces des premières agressions fortes sur la biodiversité remontent aux chasseurs-cueilleurs du paléolithique, en -12000. L’émergence de la civilisation agricole, au néolithique, marque l’apparition d’une économie productive qui viendra amplifier les impacts sur l’environnement. En -3000, près de 20 % des forêts d’Europe et d’Asie étaient déjà perturbées par les humains. En parallèle à tous ces changements, les sociétés se transforment avec de fortes stratifications. Par exemple, l’esclavage remonte au néolithique. Bien entendu, il n’y a pas d’égalité originelle, mais c’est à partir de ce moment-là que les choses deviennent clairement inégalitaires du point de vue de la richesse.

les relations De l’humain à la nature seraient Donc le reflet Des relations Des humains entre eux ?

Oui, et à ce titre, la crise écologique qu’on connaît aujourd’hui est aussi une crise qui s’étend à l’ensemble des sociétés. C’est pourquoi j’insiste sur deux grands « communs » dans mes ouvrages. Tout d’abord, l’humain appartient toujours à une société. N’en déplaise aux néolibéraux, il n’y a pas d’individus isolés. On se souvient de Margaret Thatcher qui, dans les années 1980, expliquait qu’il n’y avait pas de société, seulement un marché. Or, l’humain n’a pas émergé tout seul. En remontant entre six et sept millions d’années, les paléoanthropologues nous apprennent que l’apparition de Homo sapiens n’est pas un miracle de l’évolution, mais que celui-ci s’est développé en même temps qu’émergeait la société.

idéologie néolibérale qui prône une croissance infinie.

cette croIssance, le cluB De rome la remettaIt DÉJà en questIon en 1972. or, ce DIscours n’a pas eu De rÉels effets sur nos polItIques ou sur nos moDes De vIe…

En effet, et en tant que scientifiques, on voit tout cela comme une tragédie... On a une perception toujours plus aiguë des problèmes qui apparaissent et on a l’impression d’être assis à l’arrière d’une voiture qui fonce droit dans le mur, sans que les politiques assis au volant ne réagissent. À de rares exceptions près, on a dépassé le stade du climato-scepticisme, mais les décideurs reflètent encore le manque de formation et de sensibilisation générale quant à la gravité et à la rapidité des phénomènes en cours. On se fait rattraper par le climat, mais il faut avoir conscience que le pan écologique n’est que l’aspect le plus emblématique de la crise actuelle. C’est la société dans son ensemble qui ne se porte pas bien, comme en atteste la montée des populismes ou l’épisode des Gilets Jaunes. D’ailleurs, les bouleversements viendront peutêtre du côté social, autant que des menaces climatiques et environnementales.

comment la situation peut-elle changer ?

Comme je l’évoquais, il y a un travail d’alphabétisation scientifique à mener auprès des responsables politiques, des acteurs du monde économique et de l’opinion publique.

On voit que les rayons de librairies se remplissent de livres traitant ces questions et il faut s’en réjouir. Mais le pourcentage de personnes averties reste trop limité pour inciter les politiques à bouger. Pour cela, il faudrait une poussée très forte de la société. Et plus on agit tôt, plus la casse sera limitée. L’enjeu est de taille quand on sait qu’il y a, par exemple, une inertie d’environ 90 ans sur l’effet des émissions de CO2. Les actions actuelles dans ce domaine n’auront donc pas d’effets immédiats.

vous semBlez pessimiste quant aux capacitÉs De l’humain à inflÉchir la tenDance…

quel est le seconD « commun » Dont vous parliez ?

Outre la société, l’humain appartient aussi à la « communauté du vivant ». Celle-ci réunit les organismes – animaux, végétaux – qui vivent tous en interdépendance au sein de la biosphère, elle-même inscrite dans un système Terre aux ressources limitées. C’est un leitmotiv récurrent de la littérature scientifique que de parler des limites planétaires, mais il y a aujourd’hui une véritable révolution copernicienne à opérer pour affirmer la primauté de la préservation de nos deux « communs » face à une

Je refuse de voir la question sous cet angle : le rôle du scientifique n’est pas d’être pessimiste ou optimiste, mais d’être lucide. Nous ne sommes pas là pour faire peur, mais pour partager avec le public les réalités telles qu’elles sont perçues par la communauté scientifique. Quand je parle de lucidité, c’est aussi prendre conscience qu’il n’est pas possible de continuer notre bonhomme de chemin en espérant qu’un « miracle technologique » nous sortira de l’ornière.

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« On est assis à l’arrière d’une voiture qui fonce droit dans le mur, sans que les politiques assis au volant ne réagissent »

Là encore, je suis un scientifique et mon propos n’est pas d’écrire un Manuel du changement par temps de crise. L’enjeu est de construire collectivement de nouveaux projets pour les sociétés et pour la planète. Cela passe par le développement de connaissances scientifiques partagées, par une prise de conscience générale, mais aussi par l’émergence de nouveaux désirs. La notion de bien-être commun doit être opposée à l’idéologie néolibérale de la compétition. On en revient aux « communs » qui constituent une boussole pouvant nous guider pour éviter la catastrophe.

et plus concrètement ?

Des collectifs de scientifiques vont dans le détail avec, par exemple, des travaux autour des émissions de gaz à effet de serre. Sans surprise, ils appellent à la sobriété et à l’arrêt des subsides aux énergies fossiles. En 2020, celles-ci recueillaient encore 2 800 milliards d’euros.

une rÉponse peutelle être apportÉe à l’Échelle inDiviDuelle ?

Les études font ressortir que l’action à la portée des individus représente environ 25 % des émissions de gaz à effet de serre. Le reste dépend des responsables politiques et économiques. Certes, 25 % ce n’est pas négligeable et la contribution de chacun compte, mais la somme des actions individuelles reste insuffisante. Nous faisons face à une crise systémique et c’est toute la structure du monde qu’il faut remettre en cause.

Il est vrai qu’en deux siècles, nos conditions de vie se sont améliorées. Mais c’est ambivalent. Face à l’industrialisation sauvage du XIXème siècle, rappelons que les luttes sociales ont été dures et difficiles. Même aujourd’hui, on a tendance à sous-estimer ce qui se passe dans le monde du travail. Il y a des dérives massives et des lois tentent tant bien que mal de limiter les régressions sociales. Soulignons aussi qu’on a externalisé les structures les plus discutables de la production industrielle vers les pays en voie de développement. On se souvient des vieilles photos du XIXème siècle montrant des gamins de huit ans dans des ateliers à tisser, en France ou aux États-Unis, mais il faut rappeler que près de 150 millions d’enfants travaillent aujourd’hui, à travers le monde.

on en revient à la primautÉ Du marchÉ…

Et aux inégalités qui s’amplifient à grande vitesse depuis les années 1980. De nombreux rapports, comme celui d’Oxfam parmi les plus récents, mettent en lumière les disparités croissantes dans la distribution des richesses. Par exemple, quand on regarde l’évolution de la distribution des revenus mondiaux entre 1980 et 2016 – récapitulée par le Rapport sur les inégalités mondiales 2018 –, on observe que les disparités atteignent un niveau d’une obscénité insupportable : sur cette période, les 1 % les plus riches au monde ont capté autant de revenus que les 70 % les plus pauvres, et dans le détail, les 0,1 % les plus riches autant que les 50 % les plus pauvres.

on est loin Du Bien-être commun Dont vous parliez…

Et cela souligne toute l’urgence qu’il y a à restaurer à la fois la communauté des vivants et les sociétés. C’est un projet politique global et forcément long à mettre en œuvre. Il n’y aura pas de « grand soir ». Comme pour la trajectoire d’un paquebot, le changement de direction demande du temps. Surtout quand on tarde à engager la manœuvre, alors que l’urgence environnementale et sociale devient de plus en plus pressante.

pour aller plus loin Michel Magny sera à l’affiche de Sur Terre #1, à Besançon. Du 9 au 15 novembre, ce temps fort organisé par Les 2 Scènes réunit des artistes et des scientifiques qui sondent les grands enjeux environnementaux et sociétaux du moment. Au programme notamment, Inside, une conférence-performance de Bruno Latour. Natif de Beaune, ce philosophe des sciences est actuellement considéré comme le penseur français le plus influent au monde (genre Jean-Paul Sartre, le strabisme en moins)… + d’info : les2scenes.fr

citation

« Entre 1980 et 2016, les 0,1 % les plus riches au monde ont capté autant de revenus que les 50 % les plus pauvres. C’est une obscénité insupportable. » Michel Magny.

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Dès lors, quels sont les leviers D’action pour amÉliorer la situation ?
les technologies n’ont-elles pas ÉtÉ un facteur De progrès ?
« Les bouleversements viendront peut-être du côté social, autant que des menaces climatiques et environnementales. »

Dans le numéro 35, il y avait un cahier central avec le (très bon) travail des élèves du collège des Lentillères à Dijon. En voyant cet article dans le même numéro, les profs ont enlevé tous les cahiers centraux de leurs cartons de Sparse avant de les donner à leurs élèves de 14 ans...

Ah, le tatouage creux de reins...

Le ciel, le soleil & les p oils

Avec 2,6 millions de Français qui le pratiquent régulièrement et plus de 500 espaces dédiés, la France est la première destination naturiste mondiale. Et la Bourgogne Franche-Comté n’est pas la dernière à se mettre à nu. On a fait tomber slip et t-shirt pour un reportage en immersion chez les naturistes.

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Texte et photos par Léos Van Melckebeke & Clément Guillet

« Bienvenue au Club du Soleil de Dijon ! » Joël m’ouvre le portail tout sourire en tenue d’Adam. Situé à Diénay, à une vingtaine de kilomètres de Dijon, au bout d’un chemin de terre en bordure de forêt, une minuscule pancarte en bois indique l’entrée du club. Trois hectares, soigneusement clôturés, sont dédiés à la pratique du naturisme. Joël, la soixantaine, est le président de l’association depuis 2004 qui compte aujourd’hui une soixantaine de membres. Pétanque, barbecue, ping-pong, piscine ou bronzette, les activités proposées ici sont simples et bucoliques, sauf qu’elles se pratiquent à poil. À peine arrivé, comme une évidence, je fais aussi tomber le short et le slip pour mieux m’imprégner de mon sujet. On me tend deux boules et je commence une partie de pétanque avec mes hôtes.

« C’est la première fois que tu te mets nu ? » me lance Joêl. « Et bien tu pourras plus le dire ! » Entre naturistes, le tutoiement s’impose très vite assez naturellement. Une fois déballée son intimité, difficile de continuer à se vouvoyer. « Ici on a un rapport plus direct aux gens, on fait tomber la chemise, mais aussi, l’uniforme. Ici, pas de médecin, de pompier, ou de prof : on est tous pareil quand on est à poil » explique Joël.

« Une manière de s’accepter »

« J’ai découvert le naturisme sur une plage vers Perpignan, j’ai beaucoup aimé le contact du soleil, de l’eau et du vent sans maillot de bain ». Nelly, la cinquantaine, fait partie du club depuis 2014. « J’avais fait de la chirurgie esthétique, puis, je me suis mise au naturisme. Le naturisme décomplexe car il permet de voir d’autres corps et d’accepter les différences et les formes. » Paradoxalement exposer le corps ferait l’oublier, alors que l’habiller soulignerait les formes et serait plus propice aux comparaisons. « C’est dans les lieux naturistes que l’on rencontre le plus de personnes en situation de handicap. Elles se sentent peut-être moins jugées ». renchérit Joël. « Aujourd’hui, je n’ai plus de complexes en voyant les gens en maillot de bain » conclut Nelly. L’écologie du naturisme. Proust naturiste ?

Une madeleine de Proust naturiste

Contrairement à ce que pense Joël, ce n’est pas la première fois que je me retrouve cul-nu en public. Jusqu’aux premiers jours de mon adolescence, mes souvenirs de vacances familiales ressemblent à tous ceux des enfants ayant connu les joies simples du camping en été : piscines bondées, sanitaires collectifs en béton et barbecues au milieu des guêpes. À un détail près : du maquis corse aux dunes des Landes, tout le monde autour de moi était parfaitement nu, excepté les jours de pluie. « Ah mais je ne savais pas que tu étais naturiste ! » Lorsque j’évoque ces souvenirs, les réactions vont souvent du simple étonnement au léger malaise jusqu’au soupçon d’inceste parental et d’exhibitionnisme, voire aux amalgames avec le monde du libertinage. De mon côté, je me souviens plutôt avec nostalgie de ces

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«
On fait tomber la chemise, mais aussi, l’uniforme. Ici, pas de médecin, de pompier, ou de prof : on est tous pareil quand on est à poil »
explique Joël

étés ensoleillés où la nudité était absolument naturelle et vite oubliée par tous, des fous rires partagés avec mes cousins et cousines lorsque mon oncle accrochait ses lunettes de soleil sur son pénis pour égayer les journées de baignade ou encore d’une rencontre atypique avec un couple de nains amis de PassePartout. Bref, des souvenirs de vacances heureuses et bucoliques. Venir au Club du Soleil allait-il faire remonter le plaisir du naturisme ? Me mettre cul nu avec Joël, ne serait-ce pas là ma madeleine de Proust naturiste ?

En Bourgogne FrancheComté, chaque département compte aujourd’hui sur son territoire au moins un espace naturiste affilié à la Fédération Française de Naturisme (FFN) – association, club ou camping – avec plusieurs centaines de membres. Le Club du Soleil de Dijon est le plus ancien de la région et accueille toute l’année ses adhérents. Créé en 1954 par un précurseur qui achète puis aménage le terrain, il a compté jusqu’à 250 membres dans les années 70. Mais

lorsque Joël devient président de l’association en 2004, seuls 13 personnes poursuivent l’aventure. Joël va alors donner une nouvelle impulsion au club : création du site internet, achat d’une piscine... Mais toujours sans eau courante ni électricité « Plus on est écolo mieux ça vaut » précise-t-il. « Seuls deux panneaux photovoltaïques ont été installés en 2016 pour la piscine » précise Joël. Pour les toilettes, l’eau de pluie est captée dans des réservoirs. En effet, l’écologie et le respect de la nature sont intrinsèquement liés au mouvement naturiste, comme le précise la FFN, qui définit ce dernier comme « une manière de vivre en harmonie avec la nature, caractérisée par la pratique de la nudité en commun, et qui a pour but de favoriser le respect de soi-même, le respect des autres et celui de l’environnement. » C’est notamment ce qui le distingue du simple nudisme – qui consiste à pratiquer des activités nu et notamment la baignade – tandis que le naturisme intègre une dimension comportementale voire philosophique : proximité avec la nature, style de vie sain et préservation d’un environnement naturel.

Les débutants ont encore la marque du slip.

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Le naturisme décomplexe car il permet de voir d’autres corps et d’accepter les différences et les formes.

« Le confinement a réenclenché mon envie de liberté et ce besoin de communion avec la nature pour retrouver le lien avec les autres, après cette longue période enfermée dans mon appartement ». Christelle, adhérente depuis quelques mois, a commencé le naturisme avec ses parents à l’âge de 5 ans. Pendant que je fais une partie de ping-pong avec elle, elle se confie : « On partait chaque été dans des grands campings sur la côte atlantique. Se baigner dans les vagues toute nue, c’est une impression extraordinaire de communion avec les éléments. À l’adolescence c’était un peu plus complexe entre jeunes, et certains restaient habillés ». Après de longues années sans pratiquer, la pandémie de Covid-19 a été l’occasion pour elle de renouer avec ses souvenirs d’enfance. « Le confinement a réenclenché mon envie de liberté et ce besoin de communion avec la nature pour retrouver le lien avec les autres, après cette longue période enfermée dans mon appartement. Dans l’état d’esprit du naturisme je retrouve une ambiance bienveillante ».

Les textiles

La communauté s’organise-t-elle autour d’un séparatisme assumé contre les textiles – les campeurs et baigneurs habillés dans le jargon ? Au club de Dijon, la nudité n’est jamais imposée brutalement. « Un jour un membre m’a demandé si sa femme pouvait venir habillée » raconte Joël. « J’ai accepté et au bout de quelques semaines elle a essayé et ça lui a plu !» D’ailleurs, la nudité n’est pas systématique et dépend fortement des aléas météorologiques. « Quand quelqu’un a froid, il reste habillé. Et quand on fait des randonnées hors du club, on garde nos vêtements ! ».

Tous les membres n’en parlent pas avec la même facilité à leur entourage. Comme Christelle qui ne l’évoque pas avec ses proches. « Mes enfants me charrient un peu mais n’ont jamais critiqué mon choix », explique Nelly. Joël, ancien pompier, en parlait plus librement : même les colonels étaient au courant.

Cohabitation avec les voisins

Comment se passe la cohabitation avec les voisins ? « On a de bonnes relations avec les habitants. Avant ils nous appelaient les « culs-nus » mais maintenant ça se passe très bien ». explique Joël. « Le maire m’invite régulièrement aux réunions des associations » . Certains curieux se sont cependant risqués à entrer sans faire partie du club. « On était en train de jouer aux boules quand on

a entendu des branches bouger dans la forêt. » raconte Nelly. Joël acquiesce : « Je n’ai pas pu le choper, sinon je lui aurais dit bonjour ! ». Mais ces cas sont exceptionnels et les intrus sont plus souvent liés à l’environnement. Si l’entretien du terrain requiert l’investissement de tous, la faune locale s’invite ainsi parfois aux festivités. « J’étais à poil sur le tracteur quand j’ai vu des sangliers sur le chemin, quatre, huit et puis douze ! » raconte Joël. « On a rebouché les trous dans le grillage ».

Doyenne du naturisme

Parmi la soixantaine d’adhérents du club, on retrouve des enseignants, policiers, médecins et beaucoup de retraités. « Certains viennent avec leurs petits-enfants ! » fait remarquer Joël qui a commencé à 14 ans avec un oncle naturiste. « J’ai continué et pendant des années j’ai fait du naturisme sauvage dans la Vallée de l’Ouche, avant de découvrir le club. ». Si les plus jeunes membres ont une quarantaine d’années, la plupart sont plus âgés tandis que la doyenne du club a fêté ses 91 ans. « Il paraît que les naturistes vivent plus longtemps » rigole Joël. À l’image de Christiane Lecocq, pionnière du naturisme en France décédée à 103 ans (voir encadré).

Journées galette des rois, cueillette du muguet et buffet de Noël rythment l’année, sans oublier les diverses journées portes ouvertes qui permettent aux curieux de découvrir la pratique du naturisme. Les activités ressemblent à celles de n’importe quelle association amicale : parties de pétanques, trempette dans la piscine et barbecues. Joël aimerait que plus de jeunes viennent découvrir le club : « J’ai même commandé une balançoire, pour les jeunes parents ».

Il n’est plus nécessaire de fournir un certificat de bonnes mœurs, un extrait de casier judiciaire et un certificat médical, comme c’était le cas dans les premiers clubs naturistes du début du siècle. Pourtant, l’adhésion au Club du Soleil de Dijon n’est pas automatique. « On demande une lettre de motivation, puis les nouveaux membres sont à l’essai pendant un an. » explique Joël. « Après si quelqu’un veut découvrir le club il suffit de passer un coup de fil et il pourra venir une journée ».

Avis aux lecteurs ! Pour ma pomme, l’été prochain, je n’hésiterai pas à partir bronzer sans mon slip.

Né en Allemagne au XIXème siècle, le naturisme apparait en France au début du XXème siècle. Les véritables pionniers et initiateurs du naturisme pendant l’entredeux-guerres sont deux frères médecins, André et Gaston Durville, qui fondent la Société naturiste en 1927 puis le camp de Physiopolis en région parisienne et enfin en 1932 le domaine d’Héliopolis sur l’île du Levant

au large du Var. Le mouvement se démocratise aprèsguerre, notamment sous l’impulsion des époux Albert et Christiane Lecocq, naturistes militants qui créent les premiers Clubs du Soleil, puis le désormais célébrissime Centre Héliomarin de Montalivet et enfin la FFN –Fédération française de naturisme en 1950.

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L’ arrivée du naturisme en France

Le naturisme intègre une dimension comportementale voire philosophique : proximité avec la nature, style de vie sain et préservation d’un environnement naturel.

Je crois que j’aperçois le cochonet.

Après la diffusion de cet (excellent) article, la sœur du principal intéressé a menacé de nous traduire en justice. On est sans nouvelles depuis...

clepto monnaie

Crime en col blanc à Dijon pour l’une des affaires les plus rocambolesques des milieux financiers français. Un précédent qui fera date et qui met en scène des personnages de fiction, avec en tête d’affiche Vincent Ropiot, golden boy de Beaune, fondateur du fonds d’investissement RR Crypto désormais en liquidation judiciaire, aujourd’hui sous le coup de multiples chefs d’accusation et menacé de mort par ses anciens investisseurs après la perte de plus de 40 millions d’euros de fonds placés sur le marché des crypto-actifs. Un scénario de polar pour une escroquerie stupéfiante conduite par des amateurs irresponsables et marquée par l’omerta du milieu des affaires et la faillite de milliers de victimes.

Par Loïc Baruteu Illustrations : Michael Sallit LA PLUS BELLE ARNAQUE AU BITCOIN EST BOURGUIGNONNE.
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SALUT, JEUNE ENTREPRENEUR

Il était une fois Vincent, jeune Beaunois d’une vingtaine d’années à l’ambition dévorante. Dans la vie, Vincent veut mailler. Il découvre la crypto-monnaie en 2013, comme il le confie en février à Dijon l’Hebdo, et commence à investir dans les actifs numériques avec ses économies en 2016 ; d’après le Figaro, il passe à l’aise de 3 000€ à 300 000€ en l’espace de quelques mois grâce à ses investissements judicieux sur le marché et l’effet « bull run » de l’époque, une période de forte croissance. Une réussite fulgurante qui impressionne dans le milieu des affaires dijonnais et Vincent se retrouve à la tête de son propre fonds d’investissement début février 2019 : RR Crypto. Tous les matins, il gare sa Ferrari devant les immenses locaux de sa boîte à Longvic, orientée start up nation avec salle de sport et babyfoot. L’ambiance est au beau fixe, le bouche à oreille fonctionne à fond et les investisseurs affluent, amadoués par la vingtaine de conseillers tellement engagés dans le projet que la plupart « y ont placé leurs propres économies », nous confie l’un d’eux qui, comme la plupart des intéressés dans ce dossier, préfère rester anonyme. Des investisseurs qui pèsent, pour certains plusieurs millions d’euros, tels des hommes d’affaires de la région ou des personnalités du sport, qui font tourner à leur carnet d’adresse. Dans son entretien à Dijon l’Hebdo en février, Vincent annonce fièrement 1 500 investisseurs ralliés à la cause. Pourtant, depuis le lancement de la société, une sonnerie d’alarme résonnait à l’oreille de certains initiés ; Emmanuel (le prénom a été modifié), un homme d’affaires dijonnais qui a rencontré le jeune PDG et plusieurs collaborateurs, présentés comme des fondateurs et intervenants, au début de l’aventure RR Crypto se souvient de l’aplomb de ses interlocuteurs malgré le caractère opaque de leur projet : « c’est un univers nouveau et nébuleux et ils n’avaient pas d’habilitation auprès de l’AMF. » L’AMF, c’est l’Autorité des marchés financiers en France, qui décerne le statut de Prestataire de service sur actif numérique (PSAN) pour les entreprises qui gèrent des fonds d’investissement en crypto-monnaies. Un agrément que ne possède pas RR Crypto, montée en association loi 1901, une aberration phénoménale puisque ce type de structure ne peut générer des bénéfices majeurs sans être en infraction avec la loi française. Claire, qui évolue professionnellement dans cet univers financier complexe, se souvient : « dès le début on pouvait deviner ce qui allait arriver. Ce qui est fou, c’est que Vincent Ropiot ait

pu continuer aussi longtemps avant que ça ne pète ». Les vrais fonds d’investissements sont habilités par des organismes officiels afin d’éviter les escroqueries et ils sont évidemment plus armés face aux menaces telles que le piratage d’un compte ou le craquage mental d’un trader. Au cours du même entretien de février, Vincent se défend du statut de sa société et explique préparer un dépôt de dossier auprès de l’AMF. Tu mens, Vincent. Le gendarme financier s’est par la suite dédouané, précisant qu’aucun dossier n’a été déposé par RR Crypto. Cet argument d’une procédure en cours, ses conseillers s’en servaient pourtant lors des entretiens avec les clients.

KRYPTONITE

Avec le bouche à oreille croissant et les multiples confinements, les conseillers de RR Crypto proposent des rendez-vous collectifs par visio-conférence. Nous avions participé à l’un d’entre eux en avril dernier, alors que Vincent Ropiot savait déjà que le compte de la société pointait à zéro euro. Comme dans tout bon système de Ponzi, les injections de fonds tout frais venant de nouveaux investisseurs auraient permis de financer les soit-disant bénéfices de l’association après la disparition du capital de la boîte. Lors de ces fameux rendez-vous, le conseiller ancien coach sportif, un profil exotique, démarre par l’introduction d’usage sur la genèse récente de la société et ses valeurs : savoir-faire, écoute, bienveillance. Le sujet tant attendu vient ensuite :

« DÈS LE DÉBUT ON POUVAIT DEVINER CE QUI ALLAIT ARRIVER. CE QUI EST FOU, C’EST QUE VINCENT ROPIOT AIT PU CONTINUER AUSSI LONGTEMPS AVANT QUE ÇA NE PÈTE » - 134 -

la moula. Faisant miroiter ses bénéfices colossaux en moins d’un an, étalant son relevé de compte bancaire perso truffé de chiffres, le conseiller sait faire briller les yeux des potentiels clients, tout en mettant en garde de temps en temps sur le caractère spéculatif de l’affaire mais rassurant sur la politique de la boîte qui investit uniquement sur des crypto-monnaies stables, entre deux étalages de chiffres qui donnent le tournis. Yoan, qui participait à la séance, est convaincu : « pour moi, des pros allaient gérer mon fric ». Les 18% de commission pour les traders sur ses futurs bénéfices lui paraissent dérisoires. Ce qui l’a sauvé des griffes de RR Crypto, c’est le conseiller qui avait perdu son dossier. Savoirfaire à fond.

«

Je connais quelqu’un qui a vendu sa voiture pour investir » raconte Mehdi*, lésé de 2 000€. Ce type de réunion aurait donc permis de faire grimper le chiffre de 1 500 investisseurs avancé par Vincent Ropiot en février à 4 500 au moment de la chute de RR Crypto, le 20 juin. Cet appel du 20 juin, les clients s’en souviendront longtemps. Ce jour-là, Vincent apprend à tous ses investisseurs par le biais d’un email que « le portefeuille de cryptoactifs ouvert sur la plateforme Binance, sur lequel l’ensemble des fonds confiés en gestion par nos clients sont conservés, a été réinitialisé ». Autrement dit, le pognon de tout le monde s’est volatilisé. « Je recevais des notifications toutes les deux secondes dans les conversations entre clients et conseillers sur Telegram, les gens devenaient fous » raconte Mehdi. Vincent explique avoir déposé une plainte auprès de la gendarmerie le 17 juin et s’identifie comme « le seul et unique responsable de cette situation. Les conseillers n’étaient pas au courant, ils se justifiaient comme ils pouvaient auprès des clients. Ils ont perdu leur épargne mais aussi leur taff » continue Mehdi. C’est là que débute la tempête pour le PDG de RR Crypto avec ce premier cas français d’arnaque sur des investissements en crypto-monnaie ; les journaux locaux et les médias nationaux se paraphrasent les uns les autres, les cabinets d’avocats se jettent sur l’occasion et le Parquet de Paris s’empare de l’enquête.

On n’avait pas connu un tel emballement médiatique dans la région depuis le mec qui fracasse un Apple Store à la boule de pétanque ou la réunion des Tchétchènes de France aux Grésilles. On apprend ainsi de plus en plus de détails sordides, comme le statut d’association loi 1901 de la société, le déni de l’AMF et surtout la disparition des fonds dès mars, soit trois mois avant le mail de Vincent. “On recevait des faux relevés de compte tous les mois pendant cette période, avec le solde du 1er au 1er du mois suivant, le total en USDT, une crypto-monnaie stable, et sa valeur en euros” explique Mehdi. Tu mens encore, Vincent.

EN BANDE ORGANISÉE

« J’ai investi en fin d’année dernière après qu’un ami qui venait d’investir m’en ait parlé. Comme j’avais envie de débuter dans la crypto-monnaie, je leur ai donné un pourcentage de mon capital que je souhaitais répartir ». Olivier Champion a perdu 7 000€ et il est surtout l’un des rares à s’exprimer publiquement sur l’affaire du côté des bourses détroussées : « Je n’étais pas choqué car c’était un risque à prévoir et j’y avais déjà pensé » explique lucidement celui qui est aussi coach mental dans la vraie vie. Si certains avaient envisagé une perte, la plupart ne s’y attendait pas : « le risque identifié, ce sont les gens qui font des crédits pour investir » explique Claire. Outre ceux qui ont perdu toute leur épargne, d’autres n’ont vraiment pas apprécié ce dénouement, en particulier les investisseurs impliqués dans des activités illégales

et profitant de l’association pour du blanchiment d’argent. Si un établissement bancaire nous confirme que « tout dépôt en espèces doit pouvoir être justifié » quelle que soit la somme, dans le but évidemment d’empêcher le blanchiment d’argent au guichet, les possibilités offertes par la crypto-monnaie, relativement anonyme, attirent désormais ce type d’investisseurs, surtout au sein d’une structure comme RR Crypto qui ne vérifie pas la provenance des fonds, selon plusieurs clients rencontrés. Claire, notre experte en actifs numériques, nous explique qu’il existe différentes méthodes pour acheter des crypto-devises en espèces : « t’as des adresses pour ça ; tu peux faire un mandat cash avec Western Union vers un compte offshore pour ensuite acheter des cryptomonnaies depuis ce compte, il existe aussi quelques distributeurs de bitcoins en France, des cartes prépayées ». Pour l’heure, les charges retenues par les enquêteurs sont « vol en bande organisée, atteintes à un système de traitement automatisé de données et blanchiment en bande organisée » et de nombreuses victimes ont déposé plainte pour « faux, usage de faux, escroquerie, abus de confiance, exercice illégal d’une activité de prestataire sur actifs numériques, démarchage financier et direction d’un organisme de placement collectif sans agrément ». Plusieurs cabinets d’avocats, parisiens et dijonnais, se sont rués sur l’affaire, médiatique, et ont monté des groupes de victimes, qu’on peut intégrer moyennant minimum 600€, plus honoraires...

LE POGNON DE TOUT LE MONDE S’EST VOLATILISÉ

PREMIER DE CORDÉE

Ce que l’enquête pénale du Parquet de Paris devrait permettre de comprendre, c’est surtout comment cette faillite spectaculaire est survenue car plusieurs pistes sont à l’étude. La première, c’est celle avancée par Vincent : le compte de l’entreprise réinitialisé par Binance. La plate-forme s’en est défendue, se réservant même la possibilité de poursuivre le PDG pour diffamation, et a révélé au passage que RR Crypto ne possédait aucun compte d’entreprise . « C’est techniquement impossible que Binance ait fait disparaitre les fonds, c’est un broker qui met simplement en contact acheteurs et vendeurs », explique Claire. On découvre ainsi le fonctionnement de la société pour investir le pactole de ses clients : selon elle, RR Crypto ouvrait d’abord un compte sur la plateforme au nom de ses investisseurs grâce aux pièces fournies à l’inscription comme les justificatifs d’identité, puis transférait ensuite ces nouveaux fonds sur le compte personnel de Vincent. L’angoisse. L’autre piste, c’est celle qui découle de l’association entre le Beaunois et un avocat estonien obscur, Karmo Neider. En Estonie, la création d’une SA est quasiment à la

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CLIENTS
SOUVIENDRONT
CET APPEL DU 20 JUIN, LES
S’EN
LONGTEMPS...

portée d’un gamin de dix ans, et Vincent se lie avec Karmo, expert dans la création d’entreprises spécialisées en cryptomonnaies dans le pays. Des entreprises pour la plupart épinglées par le régulateur financier anglais. L’Estonien se retrouve ainsi au board de la boîte enregistrée chez lui. Vincent a ensuite avoué avoir « fait confiance à la mauvaise personne », alors qu’une vingtaine de millions d’euros en provenance de l’association de Longvic ont été retrouvés en Estonie, bloqués. La dernière théorie, c’est que Vincent aurait abandonné ses idées d’investir sur des crypto-monnaies stables comme il l’annonçait à sa clientèle pour miser sur des actifs plus rapidement rentables mais forcément plus risqués.

Il faudra prendre son mal en patience pour connaître le fin mot de l’histoire ; un procès contre les dirigeants de RR Crypto devrait se tenir entre 2023 et 2025 d’après les estimations des avocats, où le Parquet pourra finalement rendre les conclusions d’une enquête complexe. Pour l’heure, Vincent Ropiot est placé sous protection judiciaire pour échapper à ses clients les plus virulents après avoir reçu des menaces de mort. Qu’il s’agisse des anciens employés aujourd’hui au chômage ou des investisseurs aux poches retournées, on reste silencieux, sans doute écrasés par la honte de s’être fait duper comme des bleus.

« C’était plus intéressant qu’un Livret A » se souvient Yoan. Pas trop finalement. Pour Claire, le fondateur de l’association a été

VINCENT ROPIOT EST PLACÉ SOUS PROTECTION JUDICIAIRE POUR ÉCHAPPER À SES CLIENTS LES PLUS VIRULENTS APRÈS AVOIR REÇU DES MENACES DE MORT.

dépassé par la cascade d’événements : « au début ça marchait et il s’est retrouvé noyé ; il a pris de mauvaises décisions ». Si l’origine du mal partait sans doute de bonnes intentions, elles auront donc pavé la route de l’enfer qui s’est ouvert sous les pieds des clients de RR Crypto et de Vincent Ropiot, qui ne roulera plus jamais en Ferrari.

BITCOIN, BLOCKCHAIN, LE NOUVEAU LANGAGE DE L’ UNIVERS CRYPTO.

La cryptomonnaie, c’est le nouvel Eldorado. Le principe ? Des transactions par voie numérique entre vendeurs et acheteurs à l’aide de monnaies digitales traçables et valorisées selon l’offre et la demande, sans intermédiaire et donc sans frais bancaires, comptabilisées par un système extrêmement pointu et inviolable ; la “blockchain”. Les premières crypto-monnaies apparaissent en 2009, avec le Bitcoin comme devise numérique la plus célèbre, et jouissent d’une réputation sulfureuse à leurs débuts puisqu’elles sont utilisées pour des transactions de flingues et de narcotiques sur le dark web. Beaucoup se sont enrichis avec les effets «bull run» des dernières années, une période sur laquelle le cours de certains actifs numériques s’envole, et tout le monde veut s’y mettre aujourd’hui, sans y comprendre grand chose la plupart du temps.

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en loge...

Après 10 ans d’existence, Sparse est enfin reconnu par ses pairs comme le magazine ultime. Frank Le Tank et Chablis Winston ont été invités à Los Angeles pour se voir remettre un prix. Ils y vont par politesse, parce que franchement, ils n’ont pas que ça à foutre, mais bon, faut bien contenter le public.

je déclare ouverte la cérémonie des world magazines awards !

ça me fait rater le prime de la star ac’, après je vais plus rien comprendre...

si ça dérape, on se lève et on se casse.

c’est la plaie ces remises de prix.

tu crois qu’il y aura polanski ?

pour le trophée tant convoité du meilleur magazine de ces 10 dernières années...

le prix est attribué à...

...

ah, c’est le meilleur moment de la réssoi !

c’est qui ces vieux ? ils pouvaient pas nous foutre des stars plutôt ?

C’est vincent boloré non ? il veut racheter notre mag ? j’y fait au prix fort.

et voilà !

sparse magazine !

bien sûr, qui d’autre ?

on a déjà gagné les trophées du cercle com’ de dijon en 2014, celui-là on pouvait pas le rater ! à part mode et travaux, personne peut nous battre.

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bonsoir à tous.

mais quand je vois ce parterre de stars, je me dis qu’avec le pognon que vous vous faites, vous pourriez nous acheter plus d’encarts pubs franchement!

On est très fier de mériter ce prix plus que les autres.

et tout ça, sans un seul publireportage, bravo !

je rêve ou c’est lionel jospin derrière moi ?

ils sont tellement puissants, ils dégagent quelque chose.

quand tu penses que leur mag est gratos...

ce serait la moindre des choses.

Vous croyez qu’un magazine gratos ça se finance comme ça avec l’argent de papa ?

et on voudrait remercier la distillerie Guy, d’où on tire notre force.

j’suis content qu’il n’y ait pas Will Smith cette année.

quand je serai grande, je veux être comme eux.

j’suis vraiment fan de ce que vous faites !

comme beaucoup ma petite dame.

quand je pense à toutes ces années de galère... non je rigole, on n’a jamais galéré.

voilà, c’est la fin du discours, maintenant on va bouffer.

j’vous préviens, j’vais péter !

y’a des gens qui taffent à l’usine en 3/8... alors les gars qui montent sur cette scène pour se plaindre que leur boulot est dur, j’ai envie de leur mettre des tartes dans la gueule.

love sparse

kévin, t’es cancel, tu dégages !

désolé.

on peut faire un selfie s’il vous plait ? c‘est ça les jeunes aujourd’hui, ils n’ont plus de souvenirs dans la tête, tout est sur le téléphone. tu préfères pas une photo dédicacée ? on les vend 40 balles.

serrez-vous un peu bordel !

PHOTOS ORIGINALES Paul Dufour

SCÉNAR & DIALOGUES Chablis Winston

STARRING

Frank le Tank, Chablis Winston, Clint Eastwood, Mel Gibson, Brad Pitt, Jessica Chastain, Matt Damon Julia Roberts Meryl Streep

azy appuie sur le bouton qu’on aille boire du champ’.

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MONTAGE Nickdasse Croasky Cédric de Montceau
- 140 - sparse | numéro 37 | mars avr. mai. 2022

horoscope

10 ans, pour le Mayas, c’est l’âge du feu et de la mecanique auto. Enfin, à ce qu’il parait !

Il y a dix ans, vous étiez bélier. Dans 10 ans, vous serez encore bélier. Bel effort ! Vous êtes invités le 2 janvier dans les salons d’honneur de l’Elysée pour recevoir la médaille d’or de la régularité astrologique, remise par Elisabeth Tessier. 2e décan : votre train risque d’être en retard, faites gaffe.

Vous vous cherchez. Vous recherchez. Mais peut-on trouver ? Et solutionner, n’est-ce pas s’enfermer ? Vous doutez. En rond vous tournez. Votre passé simple vous brûlez, et votre avenir vous craignez. 3e décan ou nés le 22 : les verbes du 1er groupe vous détestez.

Les questions, c’est pour les losers, soyez simples. Vous avez les cheveux blonds ? C’est un atout séduction majeur dans votre vie sentimentale et vous en prenez pleinement conscience le 23. Par contre, nés le 12, vos yeux sont marrons. « Yeux marrons, yeux de cochon. » On n’y peut rien.

Les balances fréquentent assidûment salles de sport, restaurants végés, bars détox et tout autre lieu équilibré qui ferme à 20h, passque sinon l’équilibre du sommeil est rompu et il faut tout reprendre à zéro, avec une cérémonie de rebirth en eaux troubles... DUR ! Nés le 12 : oubliez l’heure d’hiver.

Jean-Pierre Foucault est sagittaire. S’il était désagréable, il dirait : « je ne voulais pas être sagittaire, car quand on s’endort sagittaire, on se réveille sagittaire ». Prends ça, la punchline directe à l’estomac, OUILLE ! Le transfert astral a commencé et pour les dix ans à venir, vous êtes JeanPierre Foucault. Quoi dire de plus ?

L’eau est LA ressource précieuse : merci les verseaux ! On tient à vous pour les 10 ans à venir. Rendez-vous à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) en 2023, pour le congrès mondial des verseaux : vous remplirez généreusement les mégabassines pour nous sauver du désastre, et ça, ça fait plaisir.

Une légende urbaine tenace vous colle cette étiquette de bourrin(e), toussa à cause des bêtes masculinistes furieuses entraînées pour ambiancer les corridas. Mais il existe aussi des taurielles qui aiment les papillons et au printemps dansent nues dans les fleurs. ARRÊTEZ de dire que vous êtes vierge, vous faussez les statistiques astrales !

C’est la guerre des divinités dans la voie lactée et la maison du cancer est en ruines. Et tout le monde s’en fout. Que ce soit sur Twitter, où le Hashtag #le_cancer_en_feu fait un flop, ou à l’ONU, aucune réunion d’urgence en vue. Tout le monde fait la fête, sauf vous : HONTEUX !

Vous êtes un signe de milieu de tableau et comme dans le championnat de foot Panini - Ricard, vous êtes un peu le ventre mou de l’horoscope. Vous stagnez. Peu de chance d’être au top, pas de risque d’être relégué… Depuis toujours, vous êtes un centriste contrarié.

Au lieu de vous prendre la tête, achetez des bitcoins avec un crédit Cofinoga. Vous pourrez profiter sans fin des plaisirs de l’existence. Célibataires : votre pouvoir de réduction sera à son apogée, et vous finirez en sauce savoureuse et onctueuse. Vous entendez bien rester ivre !

Stop les capricornes ! Je vous demande de vous arrêter ! Et j’annonce que mon WhatsApp, mes lignes téléphoniques, mes bureaux à Paris, Amsterdam ou aux Iles Caïman vous sont fermés : JE NE CONNAIS PAS LES CHIFFRES GAGNANTS DU LOTO. Enfoncez-vous ça dans le crâne !

Il faudrait écrire l’horoscope à l’envers et débuter avec les poissons, car laissezmoi vous dire qu’arrivé au dernier signe, franchement on en a marre de toutes ces conneries, et la flamme qui vacille au verseau s’éteint au poisson. Un bon conseil, les truites : passez au Sudoku !

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- 143DÉC/JAN/FÉV WWW.POUDRIERE.COM O?NI .Rap + COEURCODEINE .Rap + AKIRA .Rap + DARCY .Punk rock + COMING WOLVES .Metal + AKAB .Punk rock celtique + MIEL DE MONTAGNE .Électro pop + URSA MNR .Synthé pop + JONAS ET LE CHANT DES ROSEAUX .Rap baroque + LES NUITS avec MICROSIPHON .New wave + BLACK LILYS .Pop folk + THE WOODEN WOLF .Indie folk + JOYSAD .Rap + CHILOO .Rap + JULIEN GRANEL .Électro pop + AMOURE .Pop rock ... Vous avez flashé sur nos concerts ?

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