Sparse 10 (mar. 2015)

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sparse guide moderne de dijon | gratuit

www.sparse.fr • gratuit • nascar sh*t

sparse | numéro 10 | trimestriel | mar. avr. mai. 2015

enquête berthom, la firme interview BDSM : « j’ai 30 soumises » rencontre posse’tillon : rap de zuluS immersion ivre à la saint-vincent du 8-9 typologie le plus malin que les autres exclu à l’intérieur des nouvelles tanneries À L’ANCIENNE les tambours du bronx se racontent histoire grésilles, 60 ans de fantasmes urbains et sociaux + la cuisine de sparse miroir mag laurent bourguignat bastien lallemant nevers le creusot roman-photo courrier Des lecteurs


Clameur (s) 3e RENCONTRES LITTÉRAIRES

DU 12 AU 14 JUIN 2015

LES VOIX SONT LIVRES À DIJON

s e r i a d i S ol PALAIS DES DUCS ET DES ÉTATS DE BOURGOGNE

ÉVÉNEMENT GRATUIT COUR DE BAR ET CUISINES DUCALES

clameurs.dijon.fr

BIBLIOTHÈQUE CENTRE-VILLE LA NEF – JARDIN DE LA NEF PLACE ÉMILE ZOLA ET PLACE DU BAREUZAI

03 80 48 82 30 www.dijon.fr Le cri de la plume


« Teste-moi, déteste-moi » Priscilla, 2002

édito.

Chablis Winston 12 février 2015, 11h11, petit message impromptu sur la messagerie de Sparse. « L’opinion que j’ai des Dijonnais -de Sparse- : Chauvins, bobos, autocentrés, pseudo hipsters, élite culturelle qui ne se reproduit qu’entre elle depuis 20 ans tellement persuadée d’être les sauveurs d’une contreculture indé qui se veut ouverte aux autres alors qu’elle est tout le contraire, incapable de prendre du recul sur soi-même… Oufff, ça va mieux… - Del, dijonnaise depuis plus de 30 ans. À bon entendeur. » Oui, Del. Ça va mieux depuis ton petit message d’amour j’espère... ? Respire. Ce n’est pas grave. On souhaite que tu prennes quand même du plaisir dans la vie, tout comme on souhaite que tu pourras encore haïr ce que tu vas découvrir dans ce numéro du magazine auquel tu as l’air de t’intéresser, sans vraiment comprendre. Dans ce numéro, nous te proposons le tout nouveau « carnet international bourguignon » (avec un voyage au Creusot ou à Nevers), parce qu’on est super autocentrés. De l’histoire avec un grand H, avec les Grésilles entre autres, pur quartier de bobos-hipsters. De la street music, avec Les Tambours du Bronx et Posse’Tillon : tu la sens l’élite culturelle, là ? Et des coquineries un peu sexuelles pour attirer le chaland. Du taf de terrain, des étoiles plein les yeux. Mais aussi pas mal de vannes sur des enfoirés de bobos de centre-ville comme nous, ou des gens comme toi... petite espiègle. Bonne lecture ! Sparse, le magazine que tu aimes détester.

Chablis Winston


sommaire amuse-bouche 3. édito 6. guestlist 8. CONTRIBUTEURS 10. COURRIER DES LECTEURs 12. the pulitzer sessions 13. SHOPPING 14. RETOUR SUR les dernières semaines enquête 16. berthom, la firme de la bière

ours Ce magazine est édité par Sparse Média. Siret : 750 725 806 00012 - APE : 9499Z www.sparse.fr - contact@sparse.fr

rencontre posse’tillon : rap de zulus

18.

interview 20. BDSM : « j’ai 30 soumises » sport DFCO, le patient dijonnais

Directeur de publication Pierre-Olivier Bobo

24.

rédacteur en chef Chablis Winston (Antoine Gauthier)

28.

Contributeurs Aurore Schaferlee, Arthur Gérard, Chablis Winston, Chantal Masson, Franck Le Tank, Jérémie Barral, Jeff Buckler, Julian-Pietro Giorgeri, Lilian Elbé, Germain Arfeux, Katy Purry, Louise Vayssié, Martial Ratel, Mr. Choubi, Nicdasse Croasky, Simon Galley, Tonton Stéph, Valentin Euvrard, James Granville forever Direction artistique internetinternet

PhotographIes Vincent Arbelet, Alexandre Claass, Louise Vayssié Illustrations David Fangaia, Hélène ‘Microbe’ Virey, Mr. Choubi, Pierre Roussel DÉVELOPPEMENT COMMERCIAL Romain Calange RELECTURE Aurore Schaferlee, Chantal Masson, Léa Signe, Marion Godey, Tonton Stéph Couverture Aurélien Galland alias « Punk » Photo : Alexandre Claass Retouches : Louise Vayssié Imprimeur Chevillon Sens Dépôt légal : à la sortie du magazine ISSN : 2260-7617 La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, cellesci n’engagent que leurs auteurs. Tous droits réservés © Sparse 2014-2015 Merci à nos partenaires et annonceurs, ainsi qu’à toutes celles et ceux qui ont permis la réalisation de ce numéro.

quoi de neuf à l’étranger ? nevers : la légende tambours du bronx 32. le creusot : la commune de 1871 immersion 34. la saint-vincent tournante à chablis page mode 38. ink master typologie 40. le plus malin que les autres TRIBUNE 44. looking for charlie diaporama 46. les nouvelles tanneries la cuisine de sparse fish me : le wok de l’amour 52. foodage de gueule : les restos chinois 50.

roman-photo nicdasse, gourou de l’amour

54.

FICTION 58. Dijon 2050 médias miroir, mon beau miroir

60.

légende 62. le shaker, bar mythique des 80’s welcome to my hood 64. grésilles, concrete jungle Dessert 68. LA SÉLECTION MUSICALE D’ARTHUR 69. CRASH-TEST 70. CARTOGRAPHIE



guestlist PAR la rédaction photos : DR

bastien lallemant Musicien nouvel album « La Maison Haute »

À ton avis, c’est quoi le secret d’Édouard Cavin pour avoir un tel charisme solaire ? Inconnu au bataillon. C’est qui ce naze ? C’est qui le meilleur DJ qui se produit régulièrement à Dijon pour toi ? Mes amis Perrichet, ils mixent des concerts acoustiques chez eux et ça sonne bien. Où est-ce qu’il faudra monter des barricades quand les chars et les soldats de Vladimir débouleront à Dijon comme les Prusses en 1870 ? Impasse Quentin, deux mètres de large, vingt mètres de long, un café caché au fond. Imprenable. Impeccable. Tu préfères zoner à la fête foraine ou faire un bowling à Marsannay ? Il y a trente ans, les pizzas du bowling de Marsannay étaient correctes. Depuis, je ne sais pas. On peut te croiser dans quel rade pour boire un verre ? Le Chez Nous n’est plus - pour moi - ce qu’il a été, et rien trouvé d’autre. Du coup je ne bois plus (à Dijon). Combien as-tu de potes parisiens qui savent placer Dijon sur une carte ? Mes copains parisiens viennent souvent jouer ici. Quant à placer Dijon sur une carte, c’est une autre question. Ton quartier préféré à Dijon ? La campagne. Sais-tu pourquoi les Bisontins nous détestent, alors qu’on les adore ? C’est où Bisontin ? Imagine Dijon en 2025. Quoi de neuf ? Une place Yves Jamait.

maxime schoech Journaliste Virgin Radio

Allez, les forces de l’ordre regardent ailleurs pendant une demi-heure, t’as un jerrican d’essence et un bon briquet, à quel établissement dijonnais tu fous le feu ? Le Carré. Ça leur permettrait de ravaler la façade qui tombe en ruine. Manuel Valls fait péter le 49-3 pour faire passer sans débat démocratique les lois Macron. Quel décret tu aimerais imposer aux 150.000 habitants de ta ville, toi ? Qu’ils arrêtent de s’enflammer dès qu’on critique leur belle cité des Ducs ! Une proposition de nom pour la future région Bourgogne Franche-Comté ? Et réponds pas la Bourcomté bordel, sois original. Les Burgond Furies, ça aurait de la gueule. Et tant pis pour le Comté. Tu lis quel journal et écoutes quelle radio ? En PQR, je lis le BP. Sinon je ne rate pas un So Foot. En radio, en plus de la mienne, j’écoute France Info et RMC le soir. On peut chopper de la bonne weed à Florissimo, à ton avis ? Trouves-y le Roi Heenok et demande lui « où est l’hydroponique ».

laurent bOurguignat Conseiller municipal de Dijon

Qui utilise encore le Velodi ? Ceux qui ont la chance de tomber sur un vélo en état de marche. Un concert que t’as kiffé dans le coin ? Il y a La Vapeur sur mon canton. J’y ai récemment accompagné Virginie Voisin (ma binôme aux élections départementales) pour voir Émilie Simon. Un bon moment. Ton lieu préféré pour voir des expos à Dijon ? Les Bains du Nord sur le marché, même si l’espace d’exposition reste limité. On peut te croiser dans quel établissement pour boire un verre ? Comme tous les Dijonnais… dans le dernier qui vient d’ouvrir ! Imagine Dijon en 2025. Quoi de neuf ? Une nouvelle municipalité initie le 183ème projet d’embellissement de la place Grangier… Donne-nous un argument en faveur de l’existence du quartier de la Toison-d’Or. Sérieusement, c’est un quartier de Dijon que j’aime. Il y a beaucoup de familles qui habitent là-bas. Ça crée une atmosphère vraiment sympa.

À la maternité de Chenôve, on t’apprend que ta grosse va avoir des jumeaux. Un garçon, une fille. Comment tu les nommes : François et Colette, Jackie et Michel ou Djaysie et Rihanna ? Ta gueule, je suis né à Chenôve ! Hé ouais mon gars. Du coup, je dirais : Bernard et Bianca !

Un nouveau pub vient encore d’ouvrir rue d’Auxonne, il se nomme le Leprechaun. Pourquoi les Dijonnais sont à ce point portés sur l’alcool selon toi ? Ils se sentent abandonnés par Rebsamen. Ils noient peutêtre leur chagrin…

Le dernier concert que tu as aimé à Dijon ? Feu ! Chatterton. Ils sont promis à un bel avenir.

Sérieux Laurent, donne-nous ton âge... ? C’est un des mystères les plus impénétrables de la cité des Ducs…

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KULTUR’MIX 2015 NOUVELLE FORMULE : À VOUS DE JOUER ! Univers des jeux vidéo Inscriptions aux ateliers sur www.mydijon.fr à partir du 30 mars 2015 Renseignements : kulturmix2015@gmail.com


contributeurs PAR chablis winston et pierre-olivier bobo photos : DR

Lilian Elbé En bon vieux fan de Lorànt Deutsch, Lilian Elbé te narre les belles histoire de ton quartier. Les anecdotes bien senties et les secrets d’alcôve... Sauf que Lilian a pris soin de se documenter avant d’écrire. Ce qui lui permet de ne pas raconter n’importe quoi. Par contre, il n’atteindra jamais le potentiel artistique de son idole dans Le Ciel, les oiseaux et ta mère. Chacun son boulot.

Julian-Pietro Giorgeri Julian écrit sur le DFCO. Uniquement sur le DFCO. Il propose des papier à la rédaction sur le DFCO. À croire qu’il habite dans les travées du stade. À mon avis, c’est le gars qui nettoie les chasubles après les entraînements de l’équipe première, parce qu’il est rudement bien renseigné.

Pipo Rigatto Pipo est le mec qui a inventé le roman-photo de Sparse. C’est de son cerveau malade que naissent les péripéties rocambolesques de Nicdasse Croasky. Storyboard ciselé, storytelling impeccable. Digne des meilleures années de AB productions. Hashtag showrunner.

Jérémie Barral Désormais, l’équipe de Sparse s’étoffe de correspondants de haut vol à l’étranger. Auxerre, Chalon, Mâcon... Genre Charles Enderlain à Jerusalem. Sauf que Jérémie est à Nevers. Moins d’intifadas mais plus de rock’n’roll. Allo Jérémie, vous êtes en direct, vous nous recevez ?

Chan Haut les Badges Mémoire vive des 80’s dijonnaises, Chan sort des Bégonias, sa maison de retraite, tous les 3 mois pour nous raconter ses souvenirs new wave-punk-indus-déglingue, et pour bien faire comprendre aux jeunes que désormais, ils ne sont que des petits joueurs ridicules qui croient être subversifs en allant à la boom des Tanneries. « Sors une bouteille de Jack et une cuillère gamin, j’vais te montrer, moi, comment que ça se passait ! »

Martin Weil Ce mec se présente comme un journaliste d’investigation chez Canal+, la rédaction de Sparse l’a donc engagé pour couvrir les points chauds de la ville. À peine arrivé à la Fontaine d’Ouche, Tintin s’est retrouvé dans le coffre d’une Clio pour finir dans un bois à Couternon, où on l’a récupéré, soulagé de ses effets personnels et de ses vêtements. Don’t mess with my hood. La prochaine fois, on envoie Lilian Elbé.

Chablis Winston Entre deux réponses acidulées aux blogueuses parisiennes, Chablis Winston prend du galon pour s’occuper dorénavant de la rédaction en chef de Sparse. Autorité, rigueur et discipline. Un titre qui ne veut strictement rien dire mais qui lui permettra sans doute de tripler son potentiel attraction en soirée, d’autant plus depuis son apparition choc dans une revue fémino-branchée qu’on ne citera pas. Merci pour ce moment.

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JEUDI 23 AVRIL - LA VAPEUR

ICI l onde ´ ICI l onde ´ ICI l onde ´ musIque musIque musIque Art Au Centre d ´ Art Au Centre d ´ Art Au Centre d ´ le ConsortIum le ConsortIum le ConsortIum — dIjon — dIjon — dIjon AVrIl—juIn. 2015 AVrIl—juIn. 2015 AVrIl—juIn. 2015

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Mars Mai 2015

SLO JOE & TH GINER CCIDNT ODSPED YOU! BLCK EPERO SOCIL CLUB // KDEBOSTNY UBLIC SEVIC BRODCASTIG OUTAIN BIK // UTS AIE BLTHAA // LOFOFOA A QUEN OF HERT LY JOHSON OUHT CLI ... www.lavapeur.com


courrier des lecteurs

Merci pour toutes vos lettres d’amour ou d’insultes. ÉCRIVEZ-NOUS : CONTACT@SPARSE.FR

Réponse de la rédaction Oui, tu as raison. Bisous Diane.

« Bonjour les bouseux, J’étais à Besançon ce week-end et ça déchire comme ville. Les gens sont super sympas, ils t’accueillent à bras ouverts et t’offrent de la drogue. Pas comme vous, bande d’autistes prétentieux Dijonnais froids qui vont au Chat Noir. » diane (paris)

« Salut Sparse, Je viens de vous découvrir avec curiosité, je me permets de supporter votre initiative qui est la bienvenue. Je trouve votre ton décalé et original, ce qui diffère de manière saine avec le Rien Public (ou Mal Privé c’est selon), ou la Gazette Publicitaire. » arnaud (saint-apollinaire)

« Re, Vous devriez taper un peu sur Chevigny, c’est triste et sans âme la-bas aussi. » arnaud (saint-apollinaire)

« Re re, En vous lisant, quelque part j’ai pensé très fort : Ces petits fumiers lisent So Foot et leur ont piqué nombre d’idées. » arnaud (saint-apollinaire)

Réponse de la rédaction Oh merde ! Alors il y a vraiment des gens à St Apo. Bonjour messieurs-dames...

Réponse de la rédaction Ah tu ne nous lâches pas Arnaud, on ne te la fait pas... Oui, c’est vrai, on aime bien lire les titres de So Press, pas que So Foot d’ailleurs.

« C’est encore moi, Dans le dernier numéro, à la page traitant des rades légendaires, vous évoquez un club situé au dessus des falaises de Saint Romain, la Dominière ! À la vue de cette coquille gigantesquissime, mes yeux pleuraient, et je me demandais comment des érudits boboisés ultra cultivés et méga classieux tels que vous avaient pu violer le nom de cette boîte mythique dans laquelle de nombreux jeunes branchés de la côte, chalonnaise à dijonnaise, allaient s’énivrer et tenter vainement de séduire quelques étudiantes en manque d’amour en écoutant les derniers tubes indies ! Ce n’est pas la Dominière, mais la Demignère. » arnaud (saint-apollinaire)

« Salut Sparse, Toi qui es bien renseigné, le 13 mars tombant un vendredi cette année, t’aurais pas un tuyau pour les chiffres du loto ? YORICK (LONGECOURT-EN-PLAINE)

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Réponse de la rédaction

Merci Arnaud, c’est gentil.

Réponse de la rédaction Là, tu nous as pas raté mon salaud ! L’auteur de l’article, - Mr Choubi pour ne pas le citer payera sa tournée pour cette erreur de débutant. Arrange-toi directement par mail avec lui : beaugosschoubidu21@gmail.com. Cordialement.

Réponse de la rédaction Ah désolé, on avait que les chiffres pour le 13 février, pas pour le 13 mars. C’est balot. Essaye l’As, ça marche toujours.


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Berbisey Village 2015, cuvée supérette Vartan (6,50€) « Vinification en grappes entières perceptible par la touche végétale et le côté sauvage. Bouche d’un magnifique équilibre. Bouche sur la réserve, matière fine et ciselée, grande pureté. Sur le 2015, le nez est chargé de petits fruits rouges (fraise, framboise) et de violette et compose ainsi un bouquet d’une belle typicité. Note vanillée apportée par les 20 % de barrique neuve. Avec le temps, il évoluera vers le fruit mûr épicé, le pruneau ou vers la truffe, le sous-bois et l’animal. Riche, bouqueté et complexe, ce vin à la structure solide et durable est à la fois moelleux et soyeux grâce à des tanins caressants ». Vartan va te mettre là-dessus des Curly et des Délichoc de derrière les fagots. Il a aussi de la Despé et de la Hoegaarden. 2015. → Supérette Berbisey, 94 rue Berbisey

DVD Today you die - Double riposte, avec Steven Seagal (1€) Depuis que t’as fait ta soirée plateau TV du vendredi au dimanche devant les Césars et les Oscars, on te tient plus. Et puis en plus, depuis, t’as vu La Famille Bélier. Putain de cinéphile. T’es au moins Jean Douchet. Voilà donc une recommandation maison. Je me contenterai de reproduire un avis glané sur Priceminister : « Pour moi c plus grand acteur du cinéma il a la classe je recommande au amateur de films d action et d art martiaux ». Merci Sajez36. → Cash Converters, 14 rue Charrue

shopping PAR TONTON STÉPH Ton mag’ te rencarde sur les meilleures affaires dénichées dans l’agglomération

Combinaison à capuche (17,95€) « Combinaison réalisée à partir de 2 couches de matière. Assemblage étanche par soudures aux ultra/sons. Cagoule, élastique de serrage aux poignets et chevilles. Agrée CE catégorie 3, de type 4 (étanche aux pulvérisations de produits dangereux) et de type 5 (étanche aux particules dangereuses). Traité antistatique selon norme EN 1149/1. » Gros swag en perspective de la rue de la Lib’ au parc des Argentières. La dernière mode du côté de Shibuya. Indispensable pour épandre des pesticides dans tous les potagers collectifs bio bobo de bouffeur de courges et tous les autres espaces verts encore à peu près sains. → Jardiland, ZI rue de Longvic, Chenôve.

T-shirt Truand 2 la galère (20€) Une fois n’est pas coutume, nous incitons notre aimable lectorat à dépenser ses précieux deniers hors de la cité. Notre partenariat radio très ancien avec le grand Morsay nous pousse à vous proposer ce t-shirt Fruit of the Loom qui ne deviendra grisâtre qu’après deux ou trois lavages : largement de quoi tenir un an ou deux sur le ter-ter. → Clignancourt, à côté des puces de Saint-Ouen

Panneau grillage Akela bleu (33,90€) « Ce panneau rigide Akela en acier galvanisé bleu de maille rectangulaire est très résistant à la corrosion grâce à son enveloppe plastique. À monter sur poteaux, il vous permettra de créer une clôture rigide selon vos besoins. » Marre de tous ces clodos avec leurs bébés-chiens qui squattent la devanture de votre banque ? Osez la mise à distance en douceur, et offrez un havre de sécurité à vos clients. La couleur bleue, ode au pacifisme et à l’ouverture, sera une invitation à la conversation en toute sécurité : chacun chez soi. → Castorama, zone Acti Sud avenue Jean Moulin, Marsannay

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ce qu’il ne fallait surtout pas rater ces dernières semaines

par TONTON STÉPH, CHABLIS WINSTON & julian-pietro giorgeri

Lundi 19 janvier Tu te plains d’avoir déjà claqué tes RTT, attends un peu. Les salariés de l’enseigne de grande distribution, évacués pendant l’assaut lancé contre les frères Kouachi, devront rattraper leurs heures. Prends ça, Charlie.

Dimanche 21 décembre Un dingo renverse 11 personnes à Dijon intentionnellement. C’est le début des emmerdes...

Mardi 23 décembre On apprend que Patrick Balkany est rattrapé par l’affaire Bygmalion. Allez mon champion, tu vas y arriver à aller en taule.

Samedi 31 janvier Fin de la hype : le DFCO se fait pétave 3-0 par la rivale auxerroise. Chez eux. On se consolera en se rappelant à quel point c’est une ville de dégénérés et d’environ dix rues. Ouais, on est complètement vexés.

Mercredi 14 janvier Salut les quiches, temps humide sur Dijon. On parle d’Amédy Coulibaly, l’un des connards de la semaine dernière et c’est caustique. On apprend dans le quotidien 20 minutes que le terroriste aurait acheté ses deux kalachnikovs à l’aide d’un crédit Cofidis. Un français moyen en somme. Ce matin, il est vain de vouloir avoir son numéro de Charlie. Rupture de stock chez tous les buralistes dijonnais. J’y suis allé quand même, j’ai acheté un briquet Johnny et un Hot Vidéo.

Mercredi 5 février Un habitant de Miami déclare avoir eu une histoire d’amour tumultueuse et passionnelle avec un Dauphin. Pénétration et dialogue à base d’ultrasons, tout y est passé. Ils ont rompu. Sinon Nafissatou Diallo, l’ex femme de chambre du Sofitel de New York a ouvert son restau. Les affaires tournent, elle n’astique désormais plus que des fonds de casseroles. Et pour finir, Marion Maréchal Le Pen est en visite à Dijon. L’atout charme du FN est là pour faire des gros câlins à son Doudou.

Jeudi 15 janvier Le New York Times classe la Bourgogne 15ème lieu du monde où il faut absolument voyager. Afflux de Yankees à prévoir de Bourbon-Lancy à Pontailler-sur-Saône, de Varzy à Genlis. L’office du tourisme d’Is-sur-Tille en frétille d’avance. À moins que le fameux journal ne fasse référence qu’à l’axe Dijon-Beaune. Ah ouais, merde.

Samedi 7 février Hey gros, quand est-ce que tu viens rembourser ton chrome à l’Orient Express kébab ? Dans tous les cas, au cas où tu oublierais que t’es un petit joueur : le traiteur libanais Noura réclame 41.000 euros de repas impayés à Jack Lang et sa femme. Damned ! Ça en fait de la sauce blanche.

Vendredi 16 janvier La grâce est toujours une histoire d’innocence. À Brest, un homme, invité par les policiers à présenter ses papiers, a sorti de sa poche trois grammes de drogue dure, sans faire exprès. Champion.

Dimanche 8 février Bolivie : 2000 manifestants obtiennent davantage de «Simpson» à la télévision. Ravi d’apprendre que tous les problèmes sociaux et économiques ne sont que des lointains souvenirs grâce à Evo Morales.

Dimanche 18 janvier

Lundi 9 février

Les policiers dijonnais ont interpellé, en ce dimanche aprèsmidi, un homme de 18 ans qui se baladait dans la rue avec une machette à la ceinture, du côté de la gare. C’est tout de même plus classe qu’un vulgaire glock. De qui s’agissait-il ? Était-ce un bûcheron ? Un Hutu ? Un Tutsie ? L’histoire ne le dit pas.

Cyprine et féromones frétillantes à gogo : le nanar prude pseudoémoustillant 50 nuances de grey est annoncé dans toutes les salles de Bourgogne pour cette semaine. De Clamecy à Sens, de Cluny à Châtillon, les soirées Tupperware cèdent la place pour un temps à la stimulation collective de libido. 14


Samedi 21 février

Mardi 10 février

Jul, rapper ghetto Marseillais et disque d’or, est soupçonné d’avoir sorti un calibre dans les rues de Dijon pour impressionner le chaland après son show à la Centrale. Et se voit signifier par la maréchaussée que ça ne se fait pas. En tout cas pas à Dijon. L’info, là-dedans, c’est que ce mec est disque d’or.

Le chiffre du jour : 19, ou le nombre de buts inscrits depuis le début de la saison par l’ASPTT Besançon, meilleure attaque de Division d’Honneur devant Saint-Vit (18 buts) et Belfort Sud (17 buts).

Jeudi 12 février #Diane #Parisoire #Buzz. Alain Houpert se rend compte qu’un débat concerne la ville dont il a souhaité devenir maire. L’impétrant déconfit se contente sur tweet : « Débats futiles sur #Dijon ! » suivi d’un lien vers ton site préféré. Un anonyme le dézingue en deux minutes : « Dans ce cas, pourquoi les relayer ? »

Dimanche 22 février Un pauvre petit gérant de bar à vin situé rue Musette a serré ses petits poings de colère quand un de ses clients de 21 ans n’a pu payer l’addition : 509 euros de pinard, pour 1,30 grammes. Un établissement qu’on imagine tout ce qu’il y a de plus honorable, et qui mise avant tout sur la consommation responsable de ses clients. Le tout avec bienveillance.

Samedi 14 février Bravo à ce meurtrier confondu par... Les selfies qu’il a pris avec les corps de ses victimes. Bravo à l’ivrogne de Nancy tellement déchiré qu’il s’est mis en tête de conduire des bus en plein centre-ville. Bravo au nouveau président du Cerclecom. Bravo.

Lundi 23 février Merci encore à Daesh qui se ridiculise sur Twitter en menaçant d’attaquer Rome, et « de jeter ainsi les homosexuels du haut de la tour de Pizza (sic) ». Les mecs ont décidément un problème, de près ou de loin, avec la gravité.

Dimanche 15 février Laurent propose des soirées libertines à.. Digoin, 180 euros pour les hommes seuls, gratuit pour ces dames. Bon, le problème, c’est qu’il encaisse toute la thune sans déclarer : le procureur de la République apprécie moyen. Par contre, Dodo la saumure likes this.

Mardi 24 février Sache que Sarko coûte 125.000 dollars la soirée. En effet, des journalistes taquins se sont fait passer pour une asso d’étudiants américains en école de commerce, et ont envoyé un mail pour consulter le tarif pour sa présence à une chouille organisée le lendemain des élections départementales – pour voir s’il s’en foutait. La réponse semble positive. L’ESC Dijon saura comment follement animer ses soirées.

Lundi 16 février Jean-Luc Lahaye a fait une grosse bêtise...

Mardi 17 février Une espèce de pseudo-imam taré devient la risée du net en expliquant dans une longue vidéo pourquoi, selon lui, l’Occident ment en affirmant que la Terre est ronde. Argument imparable : si c’était le cas, un hélicoptère en stagnation changerait d’endroit si elle tournait. Wow.

Mercredi 25 février

Un nouveau Quick va ouvrir ses portes du côté de Quetigny, apprend-on sur le site Internet de nos confrères du Bien Public. Il sera situé juste en face de Norauto (tentation de s’y restaurer pendant la réparation de la courroie de votre Ford Fiesta), ressemblera à un cube et proposera 136 places assises. Ah, et si on descend un peu sous l’article, on trouve quelques commentaires, dont celuici sorti de nul part : « Je n’aime pas les hamburgers etc..... HALAL Non merci ! » Bonne journée !

Vendredi 20 février Un jour comme un autre dans la Nièvre, plus exactement à Guérigny où une femme tue son mari à coups de hache. Toutes les Nivernaises étant bûcheronnes. 15


enquête par MARTIn caye PHOTOS : M.C.

berthom : venez comme vous êtes The place to be version 18-30 ans s’est matérialisée dans les rues dijonnaises courant juillet 2012. Rue Monge, le Sé Bar est à vendre. Séb, le proprio, en a marre. Ou plus de pognon. Ou les deux. Bref, il vend. Plusieurs propositions émergent, dont la famille Fadda, sentant le vent juridique porter des relents de roussi pour le Cappuccino. Que nenni ! La force de frappe du groupe Berthom balayera d’un revers de la main tous les prétendants. Le 32 rue Monge sera Berthom, ou ne sera pas. Le fric est versé, donc il sera. Alea Jacta Est. Les Berthom ont mis un pied à Dijon.

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ui, LES Berthom, parce que le groupe (français, quand même, le général De Gaulle peut dormir tranquille) ne date pas d’hier. 1994, et l’ami Herbert Grégoire ouvre « Pierre qui mousse » à Nancy, en pleine guerre du Golfe. Il est rejoint en janvier 1998 par Thomas Kolb. Cette année qui, en juillet, marque l’an 1 de l’histoire contemporaine française est également celle du commencement pour les Berthom (Herbet + Thomas, pour ceux qui ne suivent pas). Comme tous les envahisseurs, ils passent par la Belgique et entérinent un partenariat avec Duvel. César ne disait-il pas que « de tous les peuples gaulois, les Belges sont les plus braves ? » Puis s’enchaînent les conquêtes : Strasbourg, Clermont, Tours, Chaumont, Grenoble, Nancy, Lyon V, Lyon I, Dijon, Troyes, Angers, Montpellier et Rouen. Seuls l’OM de Basile Boli, ou Frank Michael, sont aussi victorieusement passés par autant de villes. C’est avec ces pans de l’histoire de France que je pousse la porte du Berthom (à partir de maintenant, cher lecteur, LES Berthom désigne le groupe et LE Berthom désigne le bar). Première impression : bigre, c’est sombre. Pour un bar, on n’y voit goutte. Effectivement, les joyeuses moquettes

et tables façon aire d’autoroute de votre adolescence ont été remisées aux Emmaüs. Place à l’ambiance urbano-rustique. Des tons gris/orange blafards dominent le bar. Les murs sont finis au ciment. Du faux lierre pend de fausses failles. Quelques pièces de métal finition rouille et affiches façon France des années 50 ajoutent une gaieté toute soviétique dans cette atmosphère un brin fade, toute en nuances de gris. Pas très sexy, pourtant. Ah, un mot sur la touche perso : les murs sont ornés de saynètes présentant des personnages croqués d’un trait de peinture noire. Du rockeur à l’alcoolique en passant par le gendarme. Tous un verre à la main. Cela rajoute un côté « marge de Fluide Glacial » à l’ambiance. La marque d’un illuminé du design dijonnais ? Pas du tout. L’agence Billiotte & Co. s’est chargée de tout. Rien ne ressemble plus à un Berthom qu’un autre Berthom. Ça commmence bien. Une place auprès du comptoir se libère. Enfin. Les tabourets semblent un brin étriqués pour un cul flasque de presque trentenaire comme le mien. Mais être assis est l’ausweis indispensable à l’obtention de la moindre conso. A peine 20h à ma montre Casio. J’ai encore au moins une heure d’Happy Hour devant moi. De l’autre côté du bar, on remarque que je ronge mon

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frein. C’est Alex qui vient me voir. Sourire. Avenant. Presque le type surfer californien. Il me tend la main et me salue avec vigueur comme si on était potes. La stratégie de com’ est grossière, mais je cède : « Une pinte de ce que tu as de moins cher, s’il te plaît... » Ah oui, au Berthom, les serveurs sont 18-30 ans, la clientèle est 18-30 ans, la musique est 18-30 ans et même les meubles sont 18-30 ans. Alors pas de vouvoiement, non non non ! La grande Chouffe. La tête me tourne. Mon ventre crie famine. Il est temps de tester leurs amuse-gueules. Parce que ce n’est pas avec leur foutu mélange salé que je vais me combler une dent creuse. C’est même le summum du sadisme. Un dé à coudre de cacahuètes et autres saloperies qui donneraient soif à un dromadaire saharien. Donc je bois. Bien joué les Berthom. Mais voici qu’arrive devant moi un ramequin de Comté débité en cubes. Alors oui, je sais qu’on ne va pas dans un bistrot pour y déguster des queues de langouste. Mais tout de même, certains artistes du bout de la rue Berbisey ont su allier le bien-boire au bien-manger, même si cette époque est un peu révolue. Fichtre. Ce fromage est tout simplement... fadasse. J’imagine qu’ils s’en sortent mieux au Berthom... de Savoie. Vous l’avez ? →


Ce qu’en pensent les collègues bistrotiers

Le Berthom en 7 chiffres

2,90. Le prix en euros du demi de Bel pils. On a goûté plus dégueu. 12. Le nombre de bières pressions dispos. Et encore, il reste des tireuses libres. 2. La durée, en heures, de l’happy hour. La pinte d’un bon paquet de bières pressions au prix du demi. Bim. 110. Le nombre de places assises. Environ. On a bien trouvé un 112 qui traînait. 0. Le nombre de gens servi debout. Pas de numéro, pas de conso, bro’. 2500. Le nombre de clients par semaine. À la louche. Rapporté à une année, ça donne la population d’Amiens. Diane, si tu nous lis... 19. L’âge de la petite Manon que j’ai échoué à pécho malgré le renfort de la Maredsous 8°. Monde de merde.

Octopus

Un peu plus tard, me voici à discuter à l’extérieur avec l’Alex sus-cité. Il m’explique avoir commencé dans la hiérarchie Berthom comme serveur à Grenoble, puis centre de formation, puis… Attends, centre de formation ? Vraiment ? Et le voilà catapulté manager, sous la responsabilité de Vincent, directeur du rade dijonnais. Ça me rappelle curieusement le sytème de promotion interne d’un célèbre vendeur de cheeseburgers. Et Berthom, c’est une franchise ? « On ne parle pas de franchise, c’est un réseau. » Un sacré réseau, avec sa hiérarchie interne, ses promotions et sa stratégie de communication. « Les serveurs sont recrutés sur critère d’âge ou d’esthétique ? » Réponse : « En fait, Berthom ne propose que des mi-temps, donc ce sont forcément des jeunes, des étudiants qui postulent à ce genre d’offres». Forcément. Retour à l’intérieur. L’ambiance est plutôt bonne. À ma droite, un quarantenaire,

Jean-Marie (L’Assommoir, tome II) : « C’est un plus pour la rue, pour le quartier. D’ailleurs, les gens qui y sont refusés se rabattent parfois à l’Assommoir. Mais bon, ce bar, il est un peu sans âme. Quitte à me faire une mousse, je préfère le Barbarian’s ». Nicolas (The Barbarian’s) : « On s’entend vraiment bien avec eux. Ce ne sont pas vraiment des concurrents, on n’est pas sur le même créneau. On a tendance à se renvoyer la clientèle. Vincent (le directeur) est un mec cool ». Olivier (Deep Inside Klub Rock) : « C’est le Mc Do, ce bar... ».

Batterie de missiles anti-aériens.

probablement le seul ce soir, m’interpelle : « J’ai entendu que vous étiez de Sparse. Il était vraiment mauvais l’article sur le Cintra, une vraie caricature ». Je lui réponds qu’il a raison, mais que ce n’est pas le sujet aujourd’hui. Le type embraye « moi, je viens ici pour les bières, l’ambiance, et parce que les serveurs sont sympas ». Un point pour lui. Difficile de critiquer le choix des pressions : Maredsous, Cuvée des Trolls, Vedett, Chouffe, etc. Saint Raff lui-même y aurait trouvé son compte. Trois pintes plus tard, l’horloge tourne et le ballet des serveurs continue : « Dernière conso avant la fin de l’happy hour, il vous faut quelque chose ? » Incitation à la consommation. Mais tel un automate, je vide ma choppe et commande sa petite sœur derechef. Décidément, cette Happy Hour est vraiment une arme de destruction massive… L’addition.

Délesté

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de

plusieurs

dizaines d’euros (j’ai craqué de nombreuses fois, bien après la clôture de l’Happy Hour), vient le temps, comme le disait Victor Hugo, de « faire le bilan, calmement, en se remémorant chaque instant... » À l’échelle d’un groupe comme les Berthom, on ne peut plus parler de philosophie, mais de vraie stratégie. Un décor standardisé, des cadres souriants et dynamiques, des prix compétitifs à en faire pâlir l’industrie chinoise et une véritable gestion de la frustration… Il y a de quoi faire grincer les dents des adeptes du bistrot de quartier. Mais il faut rendre à César ce qui est à César : le Berthom est un rade plutôt agréable, aux tarifs attractifs pendant l’Happy Hour, avec un staff qui, s’il fait plutôt clairement dans le chiffre, fait aussi dans la qualité, et tout ça au moins avec le sourire. Tous les troquets « authentiques » de Dijon ne peuvent pas en dire autant. Alors que celui qui n’a jamais craqué me jette la première... bière. // M.C.


Hooligans style

rencontre

RAP de

zulus

Zeko, Instinktif, Sekos, Arcelvice, Time Waster. Après leurs petits camarades Jabrail et SEAR, mais dans un tout autre style, les vilains garnements du rap dijonnais sortent un EP, La Guerre du Feutre, qui nous fait dire que Posse’Tillon est passé à la division du dessus. Sans perdre leur énergie brute et avec des idées bien précises sur ce qu’ils doivent faire. Ou pas.

par CHABLIS WINSTON PHOTOS : Alexandre Claass, matthieu bégel

Q

uand t’as rendez-vous avec les 5 mecs de Posse’tillon, déjà, il viennent à 4. Arcel navigue entre Paris et Dijon. Les autres ne savent pas vraiment où il est. D’ailleurs le type n’est pas venu non plus à La Vapeur pour le dernier concert du groupe... « C’est le côté bordel, ça ». Le côté bordel de Posse’tillon, on le connaît. Posse’Tillon a fait sa réputation en inondant la ville de stickers et d’affiches à son effigie. Bordel sur les murs, bordel sur scène, bordel en backstage. C’est avec cet a priori qu’on accueille la sortie de l’EP. On s’attend à écouter une boucherie à l’image des clichés boxon qui entourent le groupe. On sait que depuis les débuts, Zeko, Instinktif

et Sekos ont été rejoints par Time Waster, qui est devenu le DJ de la troupe, et par Arcelvice -rappeur parisien à la base- qui avait déjà une petite réputation nationale avec des crews comme la Mannshaft, et qui est devenu pote avec Zeko à force de se croiser en graffant les murs de France. Après la sortie de l’EP de Jabrail et Ancery, Tour De Garde, il y a quelques mois, ou l’album de SEAR en 2014, la barre du rap game dijonnais avait été placée haute : productions léchées, flows ciselés, textes classieux et originaux. Peut-être pas le meilleur moment pour sortir un disque qui subira forcément la comparaison. Dès l’intro, ça saute aux oreilles : les mecs se sont appliqués. La production, le 18

choix des instrus, l’ambiance du skeud. Pour l’EP, Arcel et Time Waster se sont partagés la production. Et le tout a été mixé au studio Triphon. Comment les zulus de Posse’Tillon ont-il sorti un truc aussi propre ? Le côté Arcel, c’est du boom bap 90’s à s’en casser la nuque. Le côté Time Waster, c’est tout le reste. Et on se dit que c’est ça la valeur ajoutée : Time Waster, basé à Besançon. Waster ne vient pas du hip hop. Il a commencé par le dub, qu’il n’a jamais lâché. Et tâtonne pas mal de sons électro, qu’il travaille, triture, bidouille. Le son est moderne, pue le rap d’aujourd’hui. Sans aller dans le cliché de la trap codéinée. Pour l’album à venir, c’est Time Waster qui produira tout. →


« Les vrais gangsters, ils font pas de rap, ils sont tranquilles à écouter du James Brown ou du France Gall »

Un condensé des 20 dernières années du hip hop digérées. Côté rap, c’est un flow rafale en continu. Qui reste compréhensible par un non-initié. De la rage et pas mal d’histoires de rue. Les flows et les textes sont moins groove et moins chill qu’un Jabrail. Plus bruts, plus rauques, plus noirs. Les gars sont visiblement pas là que pour chopper des meufs. Et sont en colère contre pas mal de choses. Instinktif : « C’est pas un rap pour les mômes, c’est quand même assez cru. On n’a pas fait ça pour que tout le monde comprenne ». Quand on s’étonne qu’ils ne parlent que d’eux, Sekos, qui n’est pas le plus bavard, réagit. « On fait pas de storytelling. On n’aime pas faire ça. On parle de nous, mais on fait pas dans l’egotrip. On ne fait que raconter qu’on est bons. On rap ce qu’on vit. Mais on fait pas les gangsters non plus » Instinktif : « Les vrais gangsters, ils font pas de rap, ils sont tranquilles à écouter du James Brown ou du France Gall ». Zeko : « On veut pas parler de la vie d’un autre, on aurait l’impression de mentir. Y’a presque pas de fiction dans ce qu’on dit. Mais le mec qui vit pas ce que tu racontes, pour lui, c’est une fiction. Il se fait l’idée qu’il veut. Il interprète ce qu’on dit. S’il écoute plusieurs fois, il peut prendre du recul. Découvrir le second degré ». Pour le moment, les textes sont travaillés chacun de leur côté. Mais pour l’album,

ça va changer. Zeko : « On va reprendre les clefs de la cave pour écrire l’album, il y a déjà quelques trucs prêts ». Le côté colère et bordel, ils tiennent à la garder, parce que c’est une partie d’eux. Mais pour se démarquer, il fallait passer la seconde. Instinktif : « Des groupes de rap, y’en a un par cage d’escalier, il a fallu qu’on prenne le temps de faire les choses bien. On est assez jeune mais ça fait longtemps qu’on est là. Les open mics, on les a traînés, les petites scènes dans les cafés, les caves avec 50 types avec des capuches, on les a faites. Même des scènes slam... Y’en a qui sortent des vidéos avec 3 lyrics alors qu’ils sont jamais allés se confrontés aux autres. Les vidéos, on les a déjà faites aussi ». En effet, Posse’Tillon s’est fait connaître il y a quelques années avec les « Casiers Jeudiciaires » (ça sortait en ligne le jeudi, tu vois le jeu de mots), série de vidéos où tout le hip hop dijonnais de moins de 30 ans y allait de son petit lyrics, en extérieur, dans la ville. Va mater ça. Zeko : « Des vidéos, on en pond 5 par semaine si on veut avec tout ce qu’on a comme textes qui dorment, mais on ne veut plus faire comme ça, on y va par étape, on travail le son avec Waster, alors ça prend du temps ». Par étape. Les vidéos, les open mics, la scène, l’accompagnement

(ils ont eu une résidence à La Vapeur et sont maintenant accompagnés pour tout ce qui est production non musicale), la sortie de l’EP, puis l’album, l’année prochaine. Sur scène, ça commence à s’étoffer. Un live mémorable au festival d’adieu aux Tanneries 1 en juin, la première partie de La Rumeur, puis d’Arsenik. Instinktif : « Les premières parties dijonnaises, c’est bien, ça veut dire que notre travail est reconnu. Bon, y’a toujours des rageux pour t’en vouloir parce tu fais de la scène et pas eux. C’est un sentiment humain. Nous aussi on en a déjà voulu à d’autres. On essaye de pas y faire attention ». Zeko : « Maintenant, ce qui suit, c’est aller se confronter à un public qu’est pas le nôtre. Parce qu’à Dijon, on a bien fumé les salles, les gens vont finir par en avoir marre, et on pense qu’il est temps. Y’a une date à La Rodia à Besançon. On y était déjà allé avec notre pote Jabrail à Besac’, ça c’était bien passé. Maintenant qu’on a l’EP, on va pouvoir démarcher ». Et sortir l’album. Ce serait bien de retrouver Arcel maintenant, parce que le mec a du talent. Et avec les 3 autres sur un album produit intégralement par Time Waster, ça peut faire très mal. Le clip Posse’Tillon Anthem est programmé sur MTV France à partir de mi-mars, sans déconner. Ça a l’air de rouler. // C.W. Posse’Tillon - La Guerre du Feutre sortie le 2 mars 2015

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interview

Amour 2.0, soumission et domination PaR valentin euvrard ILLUSTRATIONs : david fangaia

Personne n’y a échappé. 50 Nuances de Grey est sorti au cinéma le 11 février dernier, trois jours avant la Saint-Valentin, c’était même précisé sur l’affiche du film. Si tu n’en as jamais entendu parler, sache que c’est l’adaptation d’un bouquin du même nom. Un bouquin qui a la particularité de marquer le retour en grâce d’un genre mineur : la romance érotique. Mais l’amour, c’est parfois violent. Le livre aborde de manière décomplexée tout ce qui touche au bondage, à la domination, à la soumission et au sadomasochisme. Et là, tu as tout de suite cette image de la combinaison en latex qui te vient à l’esprit. Mais qu’est-ce qu’est véritablement le BDSM ? J’ai découvert, par un savant mélange de lait, de café et de vodka, qu’un bon ami à moi le pratiquait depuis un moment. Après notre gueule de bois commune, il a longtemps réfléchi avant de donner cette interview. Finalement, Clément* a choisi de s’exprimer. Il a 21 ans, il est étudiant à Dijon et bourlingue depuis un moment dans le milieu. Certains choisissent de se faire asservir pas des femmes, lui, il guide, il dirige, il donne les ordres. Il est dans la domination. On l’appelle « maître » et ses nombreuses conquêtes sont ses « soumises ».

Quand est-ce que tu as franchi le pas ? Ça fait 3 ans que je suis dans le BDSM. J’ai commencé à l’époque du bac. Pendant le bac, pour être précis. C’était complètement par hasard. Je n’avais pas envie de réviser et plutôt que de passer mon temps à dormir, j’allais sur des chats. Je traînais sur l’énorme site d’Omegle, je draguais vite fait en anglais, puis je suis passé sur des sites francophones. Le premier contact, c’était avec une femme de 40 ans. Je suis toujours en relation avec elle d’ailleurs. On écrivait pas mal de scénarios. Des histoires en gros. Des scénarios de cul ? Ouais, de cul. On posait un contexte, une ligne directrice et l’un s’exécutait pour l’autre. On le faisait de temps en temps, puis régulièrement. Et puis une fois, sur feu MSN, je suis sorti de nos contextes habituels et je me suis mis en position de dominant. Et tout ce qui allait avec, comme les insultes. Elle, ça lui plaisait, et moi ça me convenait qu’elle aime ça. Dans un premier temps, tu ne faisais ça qu’à

distance du coup ? Oui. Avec elle, je me suis rendu compte que je n’étais pas mauvais pour ça. Mais quel genre d’excitation ça te procure ? C’est seulement un plaisir psychologique ou vous joignez aussi le physique en vous masturbant? Ça peut être les deux en même temps. Mais ce qui m’importe véritablement, c’est de faire plaisir à l’autre. Y compris lorsque les scénarios prennent des tournants que je n’apprécie pas forcément. Tant que je contribue au plaisir, ça me va. Mais si à l’autre bout de mon écran, je sens que la personne n’éprouve pas de plaisir charnel, qu’elle ne le stimule pas non plus, je ne fais pas, car mon but est avant tout de donner du plaisir et d’amener ma partenaire à l’orgasme. Les échanges sont purement textuels ? Avec ma première, oui, on ne faisait que s’écrire. Après, ça dépend des meufs. On s’imagine souvent que le sexe 2.0 c’est du cam-to-cam, ce n’est absolument pas mon cas. Moi, quitte à choisir, à distance, entre l’image, l’écrit ou le 21

son, je prends le dernier. C’est plus spontané, c’est immédiat. Il y a beaucoup d’éléments indescriptibles à l’écrit mais qui se perçoivent à la voix. L’écrit implique une latence aussi, c’est moins pratique. C’est des plaisirs différents à chaque fois. Des filles peuvent très bien écrire alors que d’autres seront plutôt démonstratives à l’image. Comment tu peux deviner que ton interlocutrice est intéressée pour jouer la soumise ? C’est au feeling, tu sens quand il y a l’étincelle ? Au tout début, je demandais un peu au hasard pour savoir si elles étaient intéressées. Mais avec l’expérience, ça se sent facilement et en un instant. Plus facilement qu’en face à face ? Peut-être. À l’écrit ça se lit directement. Mais il faut au préalable au moins une photo de la personne. En général, ça aide à confirmer une impression. Sa façon de s’habiller, de prendre soin d’elle, tous ces petits détails. C’est un peu comme dans la série Sherlock, les signes apparaissent tout de suite évidents. →


De tout ce que tu me racontes là, ça s’apparente à du sexe virtuel. Quand estce que ça devient BDSM ? Elle est où la différence ? Il y a autant de dominations et de soumissions différentes qu’il y a de dominants et de soumises. Je ne fais pas les mêmes choses avec toutes les filles dont je suis le maître. Ça devient clairement BDSM lorsqu’on définit clairement ce qu’on va faire et qu’on établit un rapport de force, un ordre hiérarchique. On peut même établir un contrat. Un contrat ? Du genre vous partez sur un CDD de 2 heures de soumission consentie ? Ouais. Certain(e)s contractualisent ça sur papier mais je trouve ça assez étrange, ou tout du moins hors de ma vision de la chose. Mon contrat à moi sera plus tacite, ou sera exprimé une fois à l’oral ou l’écrit durant un échange, mais rien de signé. Ça prend plusieurs formes, on impose des codes, on formalise le rapport. Par exemple je me fais vouvoyer par des femmes de 30 ans et plus. Ça passe aussi par des formes d’insultes ou de titres. Mais à mon sens c’est une forme de respect, tu détermines les limites du rapport, on évite telle ou telle insulte, par exemple. La majeure partie du temps je suis à distance – je n’aime pas dire relation virtuelle, ça n’a pas de sens, ce qu’on fait est réel – et il y a toujours la problématique du « est-ce que je parle à une personne physique ou à un fake ? Et si c’était un détraqué ? » Légitimement, la fille en face va se demander si elle ne parle pas à un dingue. C’est là où la confiance va entrer en jeu. Si tu es une soumise, tu te mets aux ordres de quelqu’un et tu es en position de faiblesse. Le maître connaît l’intimité de ses filles. C’est

« À mon sens, c’est une forme de respect » mon job d’instaurer ce climat de confiance. Je ne suis pas là pour foutre en l’air leur vie privée en balançant des dossiers. Une relation BDSM à distance ne doit pas durer le temps d’un simple rapport, sinon c’est illusoire. Donc c’est impossible de faire de sa soumise un plan cul jetable. Tu te sens obligé d’entretenir la relation même une fois que tu as terminé ton affaire ? Ouais, complètement. C’est ma façon de faire. Pour deux raisons. La première est pratique : si jamais je trouve quelqu’un à mon goût et qui est partant pour recommencer une prochaine fois, bah je ne perds pas de temps à chercher quelqu’un d’autre. La deuxième : à partir du moment où

tu t’entends bien avec quelqu’un, je ne vois pas pourquoi on ne garderait pas contact. Comment tu protèges ton identité sur Internet ? Déjà, via les pseudonymes. C’est d’ailleurs un excellent moyen d’évaluer la personnalité des gens derrière. Quelque chose comme « poupi21 » en dit déjà assez. Ensuite, j’ai plusieurs comptes mail. Idem pour Skype, j’ai mon compte perso ou un dédié. Et quand je me sens bien avec des soumises, je lui file mon compte personnel. Sur le compte dédié, il n’y a rien qui me relie à Facebook ou à mon identité. Après, la plupart des personnes avec qui je parle ne se protègent pas très bien et apparaissent même dans mes suggestions Facebook. Au passage, on n’y prête pas attention, mais l’appli Messenger synchronise les contacts avec le répertoire du portable sur lequel il est installé, et tu peux donc retrouver l’identité de numéros que tu avais ajoutés précédemment. Du coup, je fais assez attention à chaque mise à jour, parce que des soumises pourraient avoir des données sur moi. Ça a l’air de te prendre du temps d’établir une relation durable avec une soumise… Ouais, mais ça dépend. Certaines peuvent être braquées, et même en insistant, ça ne passe pas et elles refusent catégoriquement la soumission. Et d’autres non. D’ailleurs ça m’énerve les filles qui cherchent le frisson de la domination mais qui sont fermées comme des huîtres, qui ne donnent aucune information, aucun détail. Elles ne comprennent pas que c’est un échange dans les deux sens, je m’expose aussi dans les relations. Comment peuvent-elles prendre du plaisir avec un dominant qu’elles voient comme un danger ? Ça n’a pas de sens. T’as combien de relations actives en ce moment ? Une trentaine. T’as 30 soumises à tes ordres ?! Elles ne le sont pas toutes. Certaines ont un peu quitté le jeu de la soumission. On se reparle juste pour le plaisir de se parler. On n’a plus forcément de rapport là-dedans, des fois on devient de bons potes. Mais pour les autres, oui, il suffit que je claque des doigts, et hop, on y va. Tu prends mon portable, tu vas dans le répertoire, tu peux le descendre et tu verras directement les soumises : il y a leur prénom, leur ville et la mention soumise ou un terme plus cru quand elles sont un peu plus affamées. Bon, ok, tu as un harem à distance, mais est-ce que tu enclenches des fois la phase charnelle ? Pas avec toutes, mais oui, bien sûr. Ça arriverait dans 80% des cas si je n’étais pas limité par ma condition d’étudiant, par

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mes ressources et mon temps. Et par mes déplacements aussi, je n’ai pas encore le permis. Et une fois en face-à-face, comment fonctionne la soumission ? C’est un peu comme à distance finalement. On reste dans notre rapport hiérarchique, mais on concrétise, les insultes deviennent réelles, même chose pour les échanges plus brutaux et violents. Enfin je tiens à préciser que je ne blesse personne, et que ce sont des traitements que je réserve à celles qui les demandent. Mais il faut veiller à ne pas traumatiser l’autre, à ne pas faire des choses qui bloquent. La plupart du temps je suis avec des filles de mon âge, qui n’ont pas vraiment beaucoup d’expérience dans le domaine, donc on se contente souvent des rôles, bien que certaines ont eu l’occasion de me surprendre en permettant des rapports moins « limités ». C’est quoi le truc le plus hardcore que tu aies pu faire en vrai ? (Il réfléchit longtemps) C’est souvent plus hard à l’écrit qu’en vrai. C’est difficile à dire même en interview, mais si tu veux un petit exemple qui me semble plus avouable ici c’est d’avoir initié une meuf à la gorge profonde et à avaler. Bon, fallait que ce soit un peu extrême alors je me suis retenu pendant trois jours avant l’acte. Tu me parles d’une branche du BDSM, mais est-ce qu’en face-à-face tu explores de nouveaux champs déviants ? Une fois, un mec avait répondu à une de mes annonces sur un chat. Il m’expliquait qu’il n’arrivait pas à satisfaire sa copine. Il venait de Dijon, sa meuf était pas mal. Du coup je l’ai baisée sur son lit, pendant que son copain, que j’avais attaché sur une chaise, nous regardait. On l’insultait, des fois on lui mettait des coups. Il aimait bien être dominé et vivait bien son union. Après, je n’aime pas vraiment toucher les hommes. Je me considère comme un performer. On me demande un service, si j’y trouve mon intérêt et les autres le leur, alors ça marche, j’essaye du mieux que possible de donner ce qu’ils désirent. Tu me dis que c’est donner du plaisir qui t’excite, mais il y a forcément cette perspective de passer outre les barrières du sexe « normal » qui doit t’attirer… Oui, bien sûr. Il y a un truc que j’adore, c’est de mener quelqu’un, assez prude, assez innocent, à faire ce genre de truc… Comme de l’emmener dans le vice ? Ouais, complètement, c’est un peu le pervertir. Certaines filles ne se sont jamais trop posées la question de franchir l’étape, et en général, quand elles le font, c’est souvent un déluge de bonheur.


« Être maître, c’est un état d’esprit » Comment tu décrirais ta sexualité ? C’est une partie essentielle de ma vie. Enfin, non, même pas : c’est mon mode de vie. Tout mon temps y est consacré, à tel point que j’ai plus ou moins « industrialisé » le processus pour convertir des soumises plus efficacement… Attends, tu as un tableau Excel pour déterminer quoi dire face à quel type de fille ? Presque, mais c’est un fichier texte dans lequel j’ai mes accroches. Dans un salon de discussion, il y a plein de gens, donc plein de profils différents. Je copie colle mes annonces selon le contexte et les attentes. Tu n’en serais pas devenu insatiable ? C’est cyclique. Parfois je me calme, je me demande où est l’intérêt de passer autant de temps à chercher des soumises. Et des fois, j’en trouve une qui m’intéresse, et ça repart tout de suite. Ça ne me dit toujours pas comment tu décris ta propre sexualité… Je pense qu’elle est équilibrée. Je ne suis pas un fou, ou du moins, je ne le pense pas. Tout comme je pense être quelqu’un de cultivé, bien éduqué. Je ne fais de mal à personne. Il y a différents degrés de soumission, certains peuvent être dangereux. Je te l’ai dit, je ne suis pas là pour bousiller la vie privée de quelqu’un juste pour mon propre plaisir. Pourtant, je sais que j’ai une ou deux soumises, si je leur demande de se suicider socialement, elles le font. Si je leur dis d’aller dans un bar et de se taper publiquement tous les clients, elles ne réfléchiront pas et le feront. C’est de l’aliénation à ce niveau-là. Oui, carrément. Peut-être que de l’avis général, soumission rime avec aliénation, mais c’est assez rare en vérité. Ma consommation de cette partie du sexe reste assez innocente par rapport aux déviances à haut degré. Je consomme juste différemment et ça soulage tout un tas de gens. Ça me rappelle une femme, qui avait la trentaine, qui était cadre, avec qui j’étais en relation. On discutait de nos vies, je la conseillais. Elle était avec un mec, mais qui ne lui plaisait pas, elle gâchait un peu sa vie avec depuis 5 ans. Je lui ouvrais les yeux sur sa condition et en deux semaines elle l’avait quitté et s’était complètement libérée. Finalement, tu es un faiseur de bien… (Il rigole) Ouais. C’est mon but. Je ne me sens bien que si je fais du bien. Le plus gros de mon excitation ne réside pas dans le fait de jouer mon rôle de maître, mais dans le don que je

fais aux gens. Des gens qui ne soupçonnent pas forcément qu’ils peuvent révéler une nouvelle facette de leur personnalité à travers le sexe. ...Mais tu parais avoir une grande influence sur tes soumises. La relation dominantdominé est psychologique, c’est mental. Surtout que je fais la majorité à distance. Ce n’est pas une domination physique, ça passe par des idées, des gestes, des symboles. Être maître, c’est un état d’esprit. Tu dois être un supérieur hiérarchique pour l’autre. Ce délire BDSM, tu en parles avec tes potes ou c’est ton jardin secret ? Tout le monde n’est pas forcément ouvert d’esprit là-dessus. Et même certains qui se prétendent l’être n’entendront pas de cette oreille ce que je fais. Je suis super ouvert d’esprit, ça ne me gêne pas d’en parler à vrai dire. Il faut tout de même avouer que c’est assez tabou le sadomasochisme… (Il coupe) Quand les gens entendent soumission ou sadomasochisme, ils s’imaginent tout de suite les cagoules en cuir, des types désaxés, les salles de jeu. Ça me fait rire, c’est un peu du folklore ou c’est dans les clubs spéciaux que ça se passe. Moi je n’en fréquente pas et on ne va pas tous forcément dedans. En général, mes soumises sont des gens très bien dans la vie, qui font de bonnes études ou ont de bons postes, qui sont cultivées et intéressantes. Idem pour les mecs que je peux croiser, ils sont souvent haut placés dans leurs entreprises. Par exemple, il y en a un que j’ai rencontré en discutant sur Internet. On a bien sympathisé et je suis allé à Paris, chez lui. C’est quelqu’un d’agréable, plutôt influent dans le milieu du BDSM à une certaine échelle mais je ne compte pas en dire plus. Cela dit, si tu veux du croustillant, quand je suis allé chez lui, il a su me recevoir avec certaines de ses soumises. Des avions de chasse. Là on était complètement dans l’image que donne le cinéma du BDSM. Mais je continue de dire que ça reste vraiment de l’exception. Un film comme 50 Nuances de Grey, ça déforme complètement l’image du BDSM, non ? Oui. Les personnages sont tout sauf crédibles. C’est des stéréotypes pour des ados de 15 ans. Dans l’entreprise de Christian Grey, toutes ses employées sont des mannequins. Mais où est-ce qu’on est ? Ce sera peut-être bénéfique sur le long-terme, mais je ne suis même pas sûr que ça démocratise la pratique. Leurs pratiques sexuelles c’est une vision parmi d’autres, comme la mienne, mais c’est la plus cliché de toutes. Une salle de jeu, sérieusement ? Dans la vraie vie c’est plus compliqué que ça, les gens ont un boulot, des

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études, des contraintes, des emplois du temps serrés... Et s’il fallait être obligatoirement un chef d’entreprise de 30 ans, milliardaire et au corps d’acteur hollywoodien pour en profiter, ce serait triste. Il existe des relations de dominants à soumises bien plus simples, plus douces, et ce n’est pas rare que l’amour pointe le bout de son nez avec le temps. Enfin, la fièvre 50 Nuances a déjà frappé sur les chats. Certaines filles répondent à mes annonces en me comparant à Christian Grey… Du coup, répercussion directe de la sortie du film, ça va apporter plein de curieuses dans tes filets… Oui, mais bon, la plupart seront ce qu’on appelle des « fantasmeuses ». Elles veulent se donner des frissons mais au final ne feront rien du tout. Peut-être que certaines seront véritablement intriguées et voudront en savoir plus. Le seul conseil que je peux leur donner, c’est de venir me parler ! (rires) Je suis toujours disposé à répondre aux questions de curieuses, mais soignez votre orthographe, merci ! // V.E. Clément était sérieux et si tu es vraiment intéressée, il te laisse son adresse mail : maitreclement@outlook.fr *Pour des raisons évidentes de confidentialité, tu te doutes bien que Clément ne s’appelle pas vraiment Clément.


légende

La « marmite » Gaston Gérard.

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sport

dfco le patient dijonnais Un dicton populaire dit que c’est à la fin du bal qu’on paye les musiciens. Et si depuis le début de saison le DFCO est un bon groupe de reprises capable d’animer des mariages ou des foires aux fromages, les joueurs dijonnais nous ont habitués à laisser tomber la guitare quand il commence à y avoir du monde sur le dancefloor. Un bilan étincelant jusqu’à Noël – l’équipe était ni plus ni moins qu’assise sur la ligue 2 – et puis plus rien depuis, ou des grosses gamelles.

T

PaR julian-pietro giorgeri photos : alexandre claass

les pinpins. Dans un entretien à La Gazette, il fixe comme objectif : « viser le podium et la remontée ». Pour coach Dall’Oglio, le contrat sera rempli. « À condition, dit-il, que nous maintenions la même attitude. C’est à ce prix que nous pourrons rester ambitieux ». Et d’ajouter, « si nous affichons la même qualité que face à Laval, où tout n’a pas été si mauvais, mais aussi la même générosité dans l’effort, nous serons dans le vrai ». Putain, c’est beau ! Mais pour revoir un jour le très haut niveau, il va falloir que Dijon soit « bon quand le jeu devient dur ». À ça qu’on reconnaît les durs, comme l’a dit un jour la légende Gianluca Vialli.

out a commencé avec une branlée à domicile contre Tours. Puis un match raté à Laval et ce match honteux en coupe contre Concarneau. Enfin, le ternissement de la saison est définitivement consommé avec la déroute à l’Abbé-Deschamps lors du derby contre ces pitres d’Auxerrois. Les rouges de Bourgogne commencent donc à claquer du fessier avant d’entrevoir une éventuelle remontée. Pendant ce temps, aux Poussots, la vie est douce. Les Poussots dans ma tête, c’est quatre terrains de football au cœur d’un bois et de futaies : hêtres et charmes centenaires sur 30 hectares. Tu vois les cottages Center Park ?! Bon, c’est pas tout à fait ça. Mais les Poussots, c’est quand même le coin tranquille. Le contraire de la Commanderie marseillaise et ses kheys à cagoule qui caillassent le Porsche Cayenne d’André Ayew. Aux Poussots, on vit la passion du football comme on milite au Modem, dans la sérénité. Rien ne s’y passe, comme dans le film Dialogue avec mon jardinier, de Jean Becker. Enfin, si. Parce qu’aux Poussots on s’entraîne, on travaille les phases arrêtées, on bosse le foncier et on fait des montées de genoux entre les plots jaunes. Pour ce qui est du film de Becker, on se fait chier sec, on est rabroué par une conversation sur le sens de l’existence entre un peintre du dimanche et son jardinier. Comme dans une pub pour le jambon Herta. Bref, aux Poussots, les séances quotidiennes d’entraînement se déroulent sans pétage de plomb, on ne verra pas le préparateur physique jeter son chrono, à la Robert Duverne. « Tout le monde tire dans le même bateau », comme avait lâché un jour Patrice Evra. À Dijon, les joueurs sont des bonnes pâtes, les dirigeants, des béni-oui-oui. « Le groupe vit bien », c’est chiant à mourir. À la mi-janvier pour briser la routine, Olivier Delcourt, Monsieur le « prez », l’a ouverte. Pas pour souffler dans les bronches de Souprayen. Non. Mais bon, quand le président parle, c’est rarement pour

Au printemps, un sursaut ? Et si on fait un tour du côté des archives, on pourrait construire un Power Point bien fichu qui montrerait que le DFCO est toujours dans un merdier pas possible au mois de janvier. En janvier, le DFCO est avec Gérard Holtz sur les routes du Dakar : panne d’essence en plein désert mauritanien. L’équipe se traîne, n’avance plus. Le V8 de la féfé rutilante et son cheval cabré qui dépassait les limitations de vitesse en septembre a laissé place à une Opel Kadett modèle 93. C’est une constante aussi certaine que Bernard Montiel est un habitué des cabines à UV. Le DFCO n’apprécie que modérément le frimas hivernal. Tous les ans à la même époque, l’équipe n’a plus aucun crédit face à la concurrence. L’an dernier, les petits potes de Cédric Varrault, après un départ en trombe, avaient réalisé une série totalement moisie de neuf défaites à partir de la mi-janvier. À l’heure où j’écris ce papier très documenté, le DFCO a cumulé pas moins de cinq revers pour une petite victoire à l’arraché contre le FC Sochaux. Trois points sur quinze possibles. Quand on vous dit qu’en janvier tout fout l’camp... Pourtant cette torpeur brumasse ne devrait pas durer, et au printemps, avec le retour des éclaircies, du mercure et des décolletés provocants, le club va retrouver la grosse pêche. → 25


Attention : y’a pas d’alcool au stade, tu t’apprêtes à commander une Buckler.

L’amour avec Julio, la vie sans Romain, et une bonne gastro. Car au terme de la dernière chienlit, au printemps dernier, le DFCO avait su relever la tête pour finir à une anonyme 6ème place. Toutefois aujourd’hui, les Dijonnais ont monté d’un ton leur supplique, ils en veulent plus, quoi. Sky is the limit. Le projet est ambitieux : avec le tout nouveau centre de formation, la rénovation du Gérard, l’objectif avoué est de devenir une référence dans le paysage du foot hexagonal. Et peut-être que le symbole de cet espoir fou s’appellera Julio Tavares. Tavares ! Profession : numéro neuf. Un homme qui est aux 16 mètres adverses, ce que Lorenzo Lamas est à l’État du Dakota : un rôdeur et un rebelle. Signes particuliers : il détient un passeport cap-verdien, s’habille en Dolce Gabbana à la ville et n’a ni pied droit, ni pied gauche. En fait, il s’appuie avant tout sur un formidable jeu dos au but et une détente jordanesque. C’est le David Trézeguet du clochard - le roi David putain ! Qui, dit en passant, est le seul mec qui donne envie de porter un petit bouc au bout du menton. Tavares est le seul international de l’équipe et sa meilleure gâchette, sans faire litière à sa doublure, le jeune Yohann Rivière. Le rôle de Julio au DFCO est bête comme chou : prendre l’espace, créer un point de fixation dans la défense et la glisser au fond avec le plat du pied ou le plat du front. Et en stats, ça donne quoi Tavares ? Cinq buts en 20 matchs. Des statistiques fantoches qui ne disent pas grand chose sur sa réelle influence dans le jeu. Avec derrière lui Romain Philipoteaux, Julio dansait la tektonik sur ses adversaires. Sauf que Philippoteaux a fait ses valises dans les dernières heures du mercato pour aller tâter de la ligue 1 à Lorient. Social-traître ! Et ce départ est une ruine pour le groupe et pourrait précipiter la chute du club dans le classement. Car oui, Philippoteaux était le patron du DFCO. Le seul joueur qui sache faire un elastico (une virgule) sans se démettre une hanche. C’était le tronpa, et quand le patron n’est

Florian Raspentino : crack ou arnaque ? plus là, préférant quitter la société avec son golden parachute, c’est tout l’édifice qui se casse la gueule. Il faut tout de même rendre hommage à ce petit bonhomme. Romain n’était pas sur une pelouse pour y déverser de l’engrais ou y dessiner les marques blanches (salut Koro Koné, parti au mercato arroser la pelouse d’Arles-Avignon), mais pour créer des brèches, bousculer le bloc adverse et briser des reins. Dernière passe, avant-dernière passe, but : il savait tout faire. Le DFCO pourrat-il s’en remettre ? Difficile à dire, mais l’équipe a d’autres armes. Elle a notamment fait parapher un contrat à un ancien de la maison marseillaise : Florian Raspentino. « Patatino » pour les intimes. Pressenti comme un futur crack, le joueur se sera surtout révélé être une arnaque dans tous les clubs où il est passé. Pourra-t-il faire oublier Philippoteaux ? C’est pas dit. Diagnostic ? Le DFCO nous fait en réalité une bonne gastro. Le fond de jeu du moment donne aux deux kops l’envie de poser une quiche, et les joueurs se font caca dessus quand l’équipe a besoin de prendre les points. Et pas un toubib dans l’effectif. Un vrai désert médical ! Philippoteaux, c’était l’ancien généraliste qui distribuait les caviars autant que les ordonnances. Favorablement, le délai d’incubation d’une gastro est relativement court. On pourrait dire que Dijon se soigne, mais que le patient dijonnais, s’il veut éviter les remontées œsophagiennes, doit se remettre très vite au boulot pour retrouver le chemin de la vraie remontée. // J.-P. G.

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Quoi de neuf à l’étranger ? Dans chaque numéro, Sparse va désormais te faire voyager. On a déniché des correspondants dans tous les points chauds de Bourgogne. Parce qu’il n’y a pas que Paris, Berlin ou Barcelone dans ta vie de paillettes. Chalon, Auxerre, Nevers, Mâcon... Bourlingue un peu dans la région en lisant ton mag préféré. On espère pouvoir le faire plus tard en Franche-Comté... quand quelqu’un nous répondra. Parce que là, on a l’impression que c’est pas encore évident la grande région...

page 28 - Nevers : la légende « Tambours du Bronx » page 32 - Le Creusot : la révolution ratée

Sens, 89100. Un mec de Sens ? Tu ne peux pas lui faire confiance.


nevers

« Toi, t’as tout et tu t’emmerdes. Nous, on n’avait rien et on s’amusait grave »

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LA LÉGENDE « TAMBOURS DU BRONX » PaR jérémie barral photos : j.b. / DR

Les Tambours du Bronx sont nés à Varennes-Vauzelles, dans l’agglomération de Nevers. C’était en 1987. 28 ans après, c’est plus de 1.000 concerts à travers le monde, une bonne dizaine de milliers de bidons éclatés et plus de 100.000 baguettes fracassées. 58 legends. Rencontrer Luc Lebouleux, l’un des plus anciens Tambours du Bronx et Christophe Amelot ex-Tambours, c’est un peu comme si tu retrouvais deux vieux potes autour d’un verre et qu’ils te racontaient les souvenirs d’une époque que t’as pas connue. Une époque où ça déconnait souvent et avec pas grand-chose… Les Tambours, ça a commencé à VarennesVauzelles, comment est-ce qu’un mec a pu convaincre tous ses potes de taper sur des bidons pour faire un groupe ? Luc : C’était un mec de Nevers, Jojo. Il était allé voir un soir les Tambours du Burundi, de la vraie percussion africaine, ils étaient en demi-cercle. En voyant ce truc-là, il a trouvé ça tellement balaise que quand il est rentré chez lui il a eu l’idée de faire le même délire. Il se disait que c’était vraiment compliqué de convaincre des mecs en blousons noirs qui voulaient pas en secouer une. Ils n’y croyaient pas. Il a fallu les motiver pour faire quelque chose, prendre des bidons, faire un truc. Au début, c’était pas très compliqué de jouer dans les Tambours, les morceaux étaient simples. On était 27 sur le demicercle, l’impact visuel sur les gens était fort. 27 mecs en blousons noirs, lunettes, cheveux longs. Les gens, quand ils voyaient des mecs sortir des tambours d’un camion et jouer dans la rue, ils se demandaient ce qui se passait. Ça a eu un peu de mal à décoller, les mecs squattaient des petits festivals, des conneries comme ça, Nevers à Vif par exemple. Avec le temps, ça monte un peu et il y a eu un morceau qui a été créé qui s’appelait Locomotive. Ça marchait comme une loco, une cadence qui monte. Quand c’était lancé, c’était balaise. Suite à ça, Jean-Paul Goude a eu comme mission pour le bicentenaire de la Révolution de lancer un spectacle vivant sur n’importe quelle idée. Lui, il a eu l’idée des Tambours. Son idée, c’était un hommage à Gabin dans La Bête Humaine. Il a construit une locomotive en bois à taille réelle, un mec qui conduisait la loco qui ressemblait à Gabin quand il était jeune et nous sur des wagons postaux, et on a descendu les Champs-Elysées. Ça envoyait du pâté. Ce qui

était beau, ce n’était pas tout ça. Bien sûr il y a l’histoire du spectacle, mais ce que j’ai trouvé vraiment beau, c’est qu’on s’est retrouvé dans un bus escorté par des motards à l’entrée de Paris avec des flics tous les cent mètres sur la déviation. Nous, on était les pires lascars qui allaient piquer dans les magasins, et on était encadré par des flics. J’avais trouvé ça vraiment excellent.

la scène et du concert, c’était ça le problème.

Comment as-tu rejoint les Tambours ?

Christophe : Un peu plus audible.

Luc : Avec la gueule que j’ai.

Luc : Ce qui a toujours fait l’impact des Bronx, c’est le côté visuel. 25 mecs sur scène, c’est ça qu’est chouette. Écouter un CD des Bronx, ça a pas beaucoup d’intérêt. Visuellement avec les samplers, ça apportait plus d’impact musical. L’énergie qu’on apportait au début, c’était pas ce qu’on écouterait tous les jours. Si tu veux un truc des Bronx, le mieux c’est un DVD, si tu as une bonne téloche c’est bien.

Christophe : Comme moi d’ailleurs. Luc : Y’avait un bar dans le temps qui s’appelait le Broadway. Les mecs y allaient tout le temps, zoner là-dedans, et moi je m’habillais tout le temps avec des bouts de ceci, des bouts de robes, toujours sapé en pâté. Un soir, avec toute la zone qu’il y avait dans le bar, le mec vient me voir et il me dit : « T’as la tête pour jouer dans les Tambours, ça te branche ? » J’avais vu un peu les Tambours, une fois, j’lui dis : « J’suis pas percussionniste, même pas musicien pour deux sous » Il me dit « On répète au Manteau, les répètes c’est tel jour, tu viens, t’essayes, ça marche, ça marche, ça marche pas, tant pis. » La première répète, j’étais allé voir. C’était un peu compliqué. Au tout début, j’ai un pote qui m’a pris en main, j’ai réussi à me lancer comme ça. Ça a marché parce que j’étais sapé comme un sanguin. Les Tambours se sont séparés en 94, pour aller fonder la compagnie d’art de rue Metalovoice ? Christophe : Il y a des mecs qui voulaient faire du spectacle de rue, tout ça, nous on voulait rester Tambours du Bronx, faire de 29

Luc : Les mecs qui ont arrêté pensaient que les Tambours c’était fini. « Les mecs, on n’en parle pas, ça sert pas à grand-chose », ça n’a pas été très clean. Nous on a continué de jouer. Il y a des nouveaux mecs qui ont apporté des choses. On a eu un sampler. Musicalement c’était mieux.

Christophe : À l’époque c’était différent. On avait des sales gueules. À l’époque tu avais des keupons, un mec avec une peau de chèvre, des skins... Par rapport à aujourd’hui ça n’a plus le même impact. Luc : C’est pas spécialement les Tambours. Tout a changé. Ce que je trouve qu’est balaise, c’est ce qu’on voit maintenant… On a joué au Sziget, il y avait David Guetta. Le mec, tu le vois jouer c’est une boîte de nuit. Il débarque, il appuie sur trois boutons et il y a 75.000 personnes à fond. Il se secoue un peu. Je me suis éclairé en voyant ça. Il y a des musiques de techno, on dirait des musiques de chenilles dans les fêtes foraines des années 70. Il y a une nouvelle génération. Maintenant, les Bronx c’est caméra, des ordinateurs, des ceci, des cela. Avant ça marchait bien, c’était différent. →


« Il y a des musiques de techno, on dirait des musiques de chenilles dans les fêtes foraines des années 70 »

Ils ont pris cher, Agassi et Sampras.

Vous avez joué dans des dizaines de pays différents, est-ce que l’accueil est différent en fonction des régions ? Luc : On a fait une tournée aux États-Unis. Il y a des endroits, les gens on les éclairait. On a joué dans des théâtres, ça bougeait même plus. Les gens ils demandaient ce qui se passait. C’est américain. C’est comme ça. En Allemagne au début, quand on a commencé à jouer, c’était l’euphorie. Dans les années 90 on était un groupe, quand on est arrivé en Allemagne, ça marchait du feu de Dieu. Le pays s’ouvrait, il y avait un sentiment de liberté. Les gens étaient à fond tout le temps. La chute du mur de Berlin, c’était l’ouverture à tout. Les gens, ils se faisaient tirer dessus pour passer de l’autre côté. Qu’est-ce qui leur plaisait aux Allemands ? Luc : Nous, l’impact qu’on a eu, c’était le métal, le bidon, la simplicité. Comme le film Un Idiot à Paris par Jean Lefebvre. Il faut pas oublier qu’avant les Tambours, il y a un mec qui avait déjà fait ça dans ce film. Jean Lefebvre, il se pose sur un pont, il joue sur un bidon pour faire le con. On continue, nous, on essaye de réagir par rapport à ce que les publics jeunes veulent écouter. On espère que ça dure. Je vais te dire maintenant, ça va être

mon dernier album je pense. Faut pas non plus que je vienne avec une canne. Tu vois maintenant, je te dis, la culture française a vraiment changé. Avant, les gens faisaient la fête. Même dans les festivals ça a changé. Les gamins m’avaient embauché pour être agent de sécurité. Je portais pas toutes les conneries de badges et de vêtements. Je vais te dire, plus ça allait et plus les jeunes ils venaient avec des camions, de la musique techno et ils allaient plus au festival. Ce que je disais : « Tu prends un grand terrain, tu fais payer l’entrée 5 euros et tu laisses les gamins s’amuser. » Christophe : Par rapport à ce que tu dis au niveau de l’impact, l’aspect métallique dans les années 90 fonctionnait beaucoup plus dans les pays de l’est et dans les pays du nord parce qu’ils n’avaient pas la même mentalité. La mentalité des gens est différente. Les Allemands sont très réceptifs aux musiques. Luc : Je vais te dire, maintenant tu vois des festivals, il y a des groupes qui ont 40 ans de carrière et il y a toujours autant de monde. Chez nous c’est mort à part quelques trucs. Je préférais le public en Allemagne. Ce que je reproche, c’est pas l’électro, la techno, ça ne me dérange pas plus que ça. Ce que je reproche maintenant quelque part, c’est qu’il y a trop de chansons à texte. En France maintenant, 30

j’sais pas ce qui ce passe. Quand il y avait les Noir Désirs, ça jouait. Maintenant t’entends les M Pokora, y’a pas photo. Il en faut pour les jeunes aussi, je dis pas... Maintenant, c’est Américain, c’est ce qu’il faut voir. Et le Français, il suit très bien. Le problème, c’est qu’il ne voit pas le revers de la médaille, mais ça les Français, ils le verront. Les Tambours ont joué en première partie de nombreux artistes, notamment Metallica, au Rock In Rio. Ça fait quoi quand on vient de Nevers de se retrouver en première partie de Metallica ? Luc : Metallica, c’est pas que j’aime pas... Après ça dépend quoi. Metallica, je suis allé les voir à une époque. Ensuite, quand je les ai revus avec les Tambours, c’était un peu trop business. À la limite, le chanteur je veux bien mais le bassiste, c’était le bassiste d’Infectious Grooves, le mec on sent qu’il s’emmerde, il joue mais il joue pas. Dans Infectious Grooves, ça envoie grave à la basse. C’est l’appât du gain quelque part. On était dans une fosse à Rio pour les artistes. Le bassiste, là, il vient, il prend des poses pour les photographes. Pour moi, là, c’est fini. Je comprends pas ça, je travaille pas comme ça. Il y a un public qui est là pour voir quelque chose, pas pour faire un défilé de mode.


Après, on a joué à Roskilde au Danemark avec Robert Plant, c’était en 92 ou 93. Led Zepplin quoi ! Il y avait les grandes scènes, les grands barnums, tout ça. Avec un copain qui parlait anglais et qui n’est plus dans les Tambours maintenant, on est allés voir Jimmy Page. Un mec super accueillant, super sympa. Il a pris son t-shirt des Tambours. Il est venu, il m’a pris par la taille pour m’emmener sur la scène avec lui. Ça c’était bon. C’était un mec qui m’a fait rêver quand j’étais gamin. C’était des monstres de la musique, qui étaient super humains. La musique, quelque part, c’est une industrie. C’était plus rock n’roll avant. Genre tu regardes AC/DC avec Bon Scott, bah là tu t’éclaires. Ça envoyait le pâté. J’étais allé les voir à Clermont, avec l’oxygène et tout. On a fait plein de choses qu’en tant que gosses de Nevers on n’aurait jamais pu imaginer. Justement au Danemark, on a joué sur la scène des Rolling Stones. Elle était tellement grande qu’ils ont pas voulu la démonter et ils l’ont laissée. C’était vraiment magique. À la base j’étais couvreur. C’est un beau métier, j’étais à fond. J’aimais bien. J’ai eu un chomdu, après le RMI, et c’est là que sont arrivés les Tambours dans ma vie. Je me disais des fois, tu vois Forrest Gump, bah c’est un peu moi. J’étais simplet de Chaux et tu vois, si j’ai des messages à dire aux jeunes c’est : n’attendez pas qu’on vous amène la soupe sur la table. Essayez d’aller au-devant, de chercher

des idées et pas être les mains les poches. Maintenant il y a tout, les parents ils donnent de la thune, les gamins ils veulent pas bosser.

« Jean Lefebvre, il se pose sur un pont, il joue sur un bidon pour faire le con »

Christophe : Il faut dire aux jeunes : prenez le temps de réfléchir. Il faut vous dire que la vie, déjà, elle passe vite, il faut pas te faire chier avec un ordinateur, un portable et ta télé de merde. Tu sors, tu bouges, tu réfléchis. Si tu as des potes, des bons potes, et bah tu peux faire plein de choses. Moi j’ai un petit voisin qui est très branché vélo et planche à roulettes. Il est pas encore mobylette. Bah il est allé voir le maire pour avoir un terrain. Je trouve ça balaise. Il est pas là en train de rien foutre en se disant « on s’emmerde ». Il est pas en train de se dire « on n’a rien, il ne se passe rien », je l’ai déjà entendu ça, et bah à chaque fois je réponds : « Toi tu as tout et tu t’emmerdes, nous on avait rien et on s’amusait grave. » Combien il y a de jeunes et de moins jeunes qui sont

branchés toute la journée sur l’ordinateur, les consoles, les conneries, tout ça. Ok, avec mon gosse on joue à la console mais après on va faire les marioles dehors. À quinze ans, il conduisait le 7 et demi. Tu vis, tu meurs. Entre tu vis et tu meurs, il faut pas que tu restes sur une chaise à regarder une télé de merde, il faut envoyer le pâté. Il faut rencontrer les gens dans les bars. Ça causait dans les bars, ça rencontrait des gens, ça disait des conneries et ça envisageait de faire des projets. La Transpub, tous ces trucs-là. Maintenant si tu causes pas avec un ordinateur tu seras pas le Terminator. C’est sûr, j’aimerais bien être aussi balaise que le Terminator. Et du coup, comment est née l’aventure du Café Charbon, la salle de concert de Nevers ? Luc : Les Tambours, ils ont commencé à la Maison des Manteaux pendant des années et puis un jour, pour changer, on avait demandé à la mairie de Nevers, à Pierre Beregovoy. Il était super sympa. Il nous avait accordé le Café Charbon qui était un local désaffecté en échange d’un concert à Nevers pour le premier spectacle. Alors on a décidé de bosser là-dedans. On avait un peu arrangé l’espace pour nous. Il y a un gars des Tambours qui a un peu arrêté pour préparer le Café Charbon. C’est Jojo, le fondateur des Bronx, qui a trouvé le nom. // J.B.

Torse soigneusement épilé chez les Tambours.

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le creusot

riot akt

1871, la commune du creusot Alors qu’il y a encore quelques mois, une certaine jeunesse petitebourgeoise en manque d’emploi et de sensations fortes souhaitait s’insurger contre les méchantes vitrines de magasins ainsi que leurs alliés de la place Suquet, petite piqûre de rappel historique sur ce qui pouvait vraiment motiver une insurrection fut un temps : la misère réelle, le cynisme des politiciens locaux. Ce, juste à côté de chez toi. PaR tonton stéph illustration : david fangaia / Académie François Bourdon, Le Creusot, DR

L

e Creusot, pour ceux qui n’ont même pas tenté d’y mettre les pieds, ce n’est pas que le festival des Giboulées (R.I.P.) et... et c’est à peu près tout pour le Dijonnais sédentaire et hautain qui ne se risquerait guère de descendre jusque là-bas. Non, Le Creusot, c’est aussi et surtout la présence intimidante d’un marteau-pilon et d’une organisation de l’espace urbain rappelant fortement l’identité ouvrière de la ville, laquelle a mobilisé au XIXème siècle de l’immigration (italienne, espagnole, polonaise...) et un afflux significatif de populations rurales, la ville passant de 1.200 habitants en 1820 à pas moins de 33.000 à l’orée du siècle suivant. La raison principale : la présence de la plus grande usine du pays, possédée principalement par la famille ultrafortunée Schneider. Le fils Schneider, Henri, investira même la politique pour gagner encore en influence. Il se rendra surtout célèbre en proposant (voire imposant) une gestion paternaliste de la ville, laquelle tourne quasiment autour de son capital colossal. Un rêve de Serge Dassault, en somme. Il finance par « ses » propres deniers l’hôpital de la ville, finance de nombreuses autres constructions et multiplie les actions qui pourraient passer pour de la charité, alors qu’il s’agit surtout, in fine, de tenir en laisse le prolétariat local qui n’a guère d’autre choix que d’être acquis à sa cause. En vérité, celui qui se comporte mal aux yeux de la direction perdra tout moyen de subsistance, jusqu’à son logement qui lui sera retiré : ainsi en 1863, Schneider

licenciera pas moins de 200 ouvriers seulement soupçonnés d’avoir voté contre lui, les renvoyant, eux et leur famille, dans la plus stricte misère. Rebelote en 1871, année de la Commune sanglante à Paris. Pas de quoi émouvoir cependant le Stéphane Bern ou le Lorant Deutsch en vous, bien plus prompt à s’intéresser à l’histoire monumentale et spectaculaire, certes. Mais puisqu’ils sont quelques-uns à crier en ce moment à la révolte pour des raisons plus ou moins argumentées et légitimes, on t’invite ici à t’intéresser à une des rares tentatives locales d’insurrection en vue d’une autogestion alternative. Bon, cette révolte aura duré en tout et pour tout deux jours. Pire : elle n’a jamais vraiment eu lieu, au final. À l’époque, clairement : ACAB. C’est en 1869 que Schneider, qui sait pourtant manoeuvrer comme un as pour jouer des dissensions au sein même des rangs des ouvriers, met le feu aux poudres. Le richissime propriétaire engage en effet une baisse des salaires qui pousse ses employés les plus révoltés à manifester jusqu’au patelin d’à côté, Montchanin, pour pousser à la grève les travailleurs paupérisés qui s’y trouvent aussi. Et là, on a effectivement envie de dire ACAB, All cops are bastards, puisque des régiments de l’armée régulière viennent carrément soutenir les poulets locaux, clairement du côté des capitalistes, ou de l’ordre, ce qui revient de toute façon au même, qu’on se mente à ce sujet ou non. Il s’agit de mater toute velléité de révolte chez ce que Marx nommait le 32

Lumpenproletariat, le prolétariat en haillon, lequel devait accepter cette baisse inique de salaire. L’année suivante, « l’exploiteur du peuple » est tout de même obligé de s’enfuir en Angleterre, après diverses manoeuvres engagées pour étouffer de nombreuses grèves dans les usines, qui emboîtaient le pas à des mouvements à l’échelle nationale. Le tout se jouant dans un contexte pour le moins turbulent : les Prussiens sont aux portes du Creusot, Napoléon III fait prisonnier, et un nouveau régime républicain s’installe dans un climat de lassitude. Les Creusotins ont toutefois une figure locale qu’ils cherchent à élire, mais que Schneider a voulu licencier : Jean-Baptiste Dumay, syndicaliste d’à peine la trentaine alors, et qui sera en tête de cortège lors des événements. La famille Schneider incarnant encore le bonapartisme honni, il fera en effet tout pour la contrer : et il y arrivera en étant finalement nommé maire en cette même année 1870 une fois que le « maître des forges » aura déguerpi. C’est en effet le préfet qui fait appel à lui dans le cadre de la mobilisation totale contre l’ennemi boche : il obtient même de Garibaldi, alors à Dijon, l’armement de ses gardes nationaux. Mais à l’élection suivante, rien n’y fait : les républicains sont défaits par les conservateurs au niveau départemental, les bouseux votant déjà dans ce sens-là à l’époque. Les troubles sociaux n’en demeurent pas moins vifs : dès le 26 février 1871, le préfet se sent obligé d’envoyer des troupes au Creusot pour calmer les ardeurs des ouvriers toujours révoltés par leur condition. →


Comité de la grève, Le Creusot, 1870. Les hauts fourneaux des usines Schneider en arrière-plan.

« Garde nationale » de la Commune et les soldats de l’armée régulière. Il n’en demeure pas moins que l’insurrection ne vient pas. C’est le gros flop, sans tragédie, certes. Le 28 mars 1871, tout est en effet (déjà) terminé. Les ouvriers, après un ultime baroud d’honneur, retournent au travail. Dumay se planque dans Le Creusot, il est activement recherché par les autorités. Certains autres communards connaissent le sort réservé à Marx, Engels et quelques autres en ces sombres temps : l’exil. Le second grand philosophe du communisme ne se trompera pas sur la teneur des évènements de cette année, affirmant que « le philistin socialdémocrate a été récemment saisi d’une terreur salutaire en entendant prononcer le mot de dictature du prolétariat. Eh bien, messieurs, voulez-vous savoir de quoi cette dictature a l’air ? Regardez la Commune de Paris. C’était la dictature du prolétariat. » (Sur la Commune de Paris, Marx, Engel, Lénine, éd. Les Éditions du Progrès, 1971, p.20) De quoi assurément effrayer le bon bourgeois, pour ne rien dire du hipster de service qui lira ces lignes avec une relative indifférence. Avouons-le : le plus court chemin entre un mec de Sparse et la Commune, ce sera juste un Communard (moins de 3€ au Point d’Eau). Pour le reste...

No pain no gain. C’est le 19 mars que la Commune de Paris commence contre le gouvernement Thiers, essaimant rapidement en province. Un peu partout, des « gardes nationaux » diffusent l’insurrection : à Lyon, Saint-Etienne, Toulouse, Limoges, Marseille... Mais, dès que cela est possible, la répression est rapide et féroce : ces villes peinent à suivre la capitale, bientôt isolée. Au Creusot,

aucun affrontement n’est à déplorer. Mais la Commune, comme partout ailleurs, capote. Quelques jours après les premiers remous, les premiers rassemblements de communards, la préfécture a déployé des militaires pour occuper les sites stratégiques, notamment la mairie et la gare. Heureusement, contrairement à Paname, pas de bain de sang. Il y a même des fraternisations entre les membres de la 33

Epilogue. Ce n’est pas la comparution immédiate, comme c’est encore de rigueur parfois de nos jours, mais cela y ressemble fort : deux mois après, la Cour d’assises de Chalon-sur-Saône voit le procès de 22 Creusotins accusés d’avoir participé activement à l’insurrection. Les treize accusés présents sont heureusement acquittés, surtout par souci d’apaisement. Mais Dumay et cinq autres dirigeants démocrates en fuite sont tout de même condamnés, par contumace, le premier aux travaux forcés à perpétuité, les autres à la déportation en enceinte fortifiée. Genre Cayenne. Histoire qu’ils ne reviennent pas de leur exil en Suisse. Par contre, au Creusot, une statue commémore encore le grand patron, qui lui n’est pas décédé dans une humble petite maison ouvrière, ni même dans sa résidence creusotine du Château de la Verrerie, mais dans son appartement luxueux, Faubourg SaintHonoré, à Paris. Finalement, pas si loin du célèbre Mur des Fédérés, au Père-Lachaise, où ont été assassinés à bout portant, par les fusils des « Versaillais », les derniers enragés partisans de la Commune. // T.S.


Demain on a exam’ ! Hihi !

immersion

j’irai me saoûler près de chez vous

PaR katy purry et franck le tank photos : K.P.

La Saint-Vincent tournante est une véritable institution en Bourgogne. Tout le monde connaît cette fête viticole capable de réunir 100.000 personnes par grand froid, pour écluser un maximum de pinard. Mais sais-tu que dans l’Yonne, ils ont créé leur propre Saint-Vincent ? Dans la vallée du Serein, on déguste une seule cuvée assemblée par les vignerons du Chablisien. Mais à volonté. Imagine un peu le dimanche de rêve, au milieu des villageois roussis par l’alcool, à entonner le ban bourguignon, saoûl.

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Chablis cheerleaders.

N

ous arrivons à Chemilly, village organisateur de l’édition 2015, à 10h du mat’ le dimanche. Le champ transformé en parking ressemble à celui d’un Teknival sauf que les teufeurs ont été remplacés par des retraités déguisés en randonneurs. Ils sont suréquipés, plus alertes que nous et se hâtent avec leurs bâtons de marche nordique en direction du village. Le chemin est bordé de petits sapins ornés de fleurs en papier crépon, et plus on avance, plus la décoration se fait pompeuse. Les habitants se sont lâchés niveau décoration en respectant néanmoins la thématique de cette année, les quatre éléments. Nous arrivons par le quartier feu, où les habitants ont quand même osé reproduire Salamèche, célèbre Pokemon incandescent. Nous continuons notre lente procession à travers le village, et découvrons la première tente. Le grand barnum chauffé abrite l’un des stands restauration ; andouillettes, escargots et merguez-éponges accompagnées de frites sont proposés à des prix raisonnables, autour

de 7€ l’assiette. Premiers en tout, des seniors sont déjà en train de déjeuner. Plus bas, sur la place du village, une scène a été aménagée. Et elle est pour l’instant squattée par l’ensemble des Piliers Chablisiens (l’équivalent de nos Chevaliers du Tastevin) qui intronisent les nouveaux venus. Au centre du groupe Loïc Vilain, président de la Saint-Vincent tournante 2015 et producteur local, est présenté par ses pairs. La vie du « p’tit gars du cru » est passée en revue, à grand renfort de blagues potaches. Puis il est invité à boire une coupe pendant que les Piliers, bientôt repris par le public commencent à chanter. « Le plus grand de tous les hommes / C’est le grand père Noë / Il a planté la vigne mais il s’est enivré, mais il s’est enivré / Buvons donc tous à sa gloire et tâchons de l’imiter / Regardons-le bien boire / Le bougre a très bien bu on peut le nommer pilier / lalalalalalalalère, la, la, la... » Nous apprendrons vite à nos dépens que le ban bourguignon est à peu près le seul chant du répertoire des seniors en toges. Véritable chant de guerre des vignerons, il est scandé après chaque intronisation. Nous partons après que le préfet, arrivé avec une

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demi-heure de retard à la cérémonie se soit fait allumer par l’un des confrères : « On a oublié de foutre des piles dans le réveil M’sieur l’préfet ? » Il est bientôt 11h, l’heure pour nous de goûter à ce nectar qui nous a été présenté comme la 8ème merveille du monde. Le bénévole qui nous sert au stand nous affirme que 12.000 bouteilles ont été prévues pour l’édition. Et sans faire de calcul trop savant, avec 15.000 visiteurs, une fois qu’on a enlevé les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées, on n’est pas loin d’une moyenne d’une bouteille par touriste. Pas mal. Malgré le froid polaire, et un palais très peu enclin à la dégustation avant midi, nous apprécions le cru de Chemilly, avec parcimonie pour commencer. Il ne s’agit donc ni d’un Chablis, ni d’un petit Chablis et encore moins d’un grand cru puisque c’est un assemblage de plusieurs pressages provenant de domaines différents. Alors certes, il est sec et minéral, comme un AOC du coin, mais il n’a rien d’exceptionnel. En plus, il doit faire 4°C, alors le vin blanc glacé, avant midi, sur un estomac vide, c’est pas super agréable. →


En déambulant dans les rues du village, nous remarquons que les porte-verres font fureur, c’est certainement l’accessoire de mode indispensable en ce dimanche. Certains badauds possèdent des modèles des éditions précédentes, d’autres ont même tricoté le leur aux couleurs de la France. C’est assez chic. Pas mal de garages accueillent des stands d’artisanat local, de quoi ramener un cendrier en rotin, ou une peinture photo-réaliste de son chat en guise de souvenirs de la SaintVincent. D’impressionnantes structures en carton-pâte ponctuent le chemin et un attroupement de seniors patiente pour se faire prendre en photo devant une bouteille géante de 2m50. C’est leur photocall à eux. Après deux heures passées dans le froid, et quelques verres déjà consommés, on décide d’aller se ravitailler. Nous commandons une assiette d’escargots, et nous nous installons à un mange-debout à côté d’un homme et de son fils. Après quelques civilités bien placées, l’alcool aidant, le paternel commence à nous taper la discut’. Originaire de ChâteauChinon, l’homme est un habitué de la SaintVincent du Chablisien. « C’est quand même plus sympa ici qu’en Côte-d’Or, il y a moins de monde et on n’est pas limité en nombre de verres ». Et c’est vrai que depuis notre arrivée, on n’a jamais eu à attendre pour se faire servir un verre. Le trafic est fluide aux abords des différentes buvettes et malgré la profusion d’alcool, les gens restent courtois. Il semblerait d’ailleurs que nous ayons passé un premier palier, le blanc ne nous fait plus grimacer, il passe même plutôt bien. Il est plus de 13h, et à vrai dire c’est le village entier qui commence à être saoûl. Nous retournons sur la place où la foule se fait plus dense. On aurait pu s’attendre à voir débarquer des hordes de jeunes gens mais seul un bataillon de faluchards belges est venu se perdre dans la vallée. Les étudiants de l’université catholique de Louvain sont déjà bien abîmés. Chaque année, ils viennent en pèlerinage dans l’est

de la France pour participer à l’une des célébrations viticoles qui pour eux s’apparente à une énorme beuverie. Ronflées, les filles de la bande insistent pour poser devant notre objectif : « C’est pour quel site ? » Sur la scène, une troupe de danseurs folkloriques en sabots assurent le show. En équilibre sur des bâtons, les femmes sont hissées au-dessus du plancher par des hommes. Mais ils n’ont déjà plus beaucoup d’audience, à cette heureci les stands de restauration ont été pris d’assaut. On se met d’ailleurs en quête d’une andouillette- frites dans une nouvelle tente. Installé dans un recoin, un duo s’échine à reprendre les standards des Beatles et de Téléphone, le talent en moins. Nos voisins de table, des Nivernais d’une cinquantaine d’années, sont eux aussi des indécrottables de la Saint-Vincent ; ils ne louperaient ça pour rien au monde. Quand il apprend que nous venons de Dijon, le mari éméché se met à ricaner avant de saluer notre démarche : « Alors comme ça la Bourgogne des riches rend visite à la Bourgogne des pauvres ? » Le ton reste bon enfant et nous repartons avec la sensation de s’être fait des potes. Nouvelle remise à niveau dehors, alors que les enceintes crachent soudain une voix familière ; Guy Roux, parrain éternel de l’événement est dans la place... Mais où exactement ? Nous partons à sa recherche, petit détour par la scène, où l’on commence à remballer les statues à l’effigie du saint patron des vignerons. Des gens s’entassent devant l’unique restaurant du village, on s’y précipite pensant y débusquer le coach Cristaline, sans succès. Guy Roux, le préfet, la reine d’Angleterre, c’est de la balnave pour touristes, les mecs se pointent deux minutes, sifflent un verre, quatre photos, choppent le price money et se tirent. Déjà cinq heures que nous arpentons les rues de la commune dans le froid, nos déplacements se limitent désormais à relier les principaux endroits chauffés. Nouvelle tente, nouvelle ambiance. Au milieu des effluves de 36

saucisse, un pianiste réinterprète au synthé les tubes des années 80. Et alors qu’on lui demande de jouer un morceau de Kate Bush, celui-ci entame tout simplement la chenille. Dehors, on assiste à une scène irréelle : des clowns joueurs d’orgue de barbarie et des échassiers déambulent au milieu des gens saouls. Ça chante et danse un peu partout dans la rue, grand moment de communion autour du précieux cépage. On se surprend à trouver ça amusant, à avoir envie de communier avec eux. L’alcool, ce lubrifiant social. Toutes les barrières tombent, et notre honneur avec. On est quand même plus très loin du point de rupture. Au bar, les bénévoles ont la main de plus en plus lourde, mais certains visiteurs insatisfaits réclament pourtant de se faire servir une « bulle ». Une quoi ? « Ben c’est quand le verre est tellement plein que ça fait une bulle » nous précise l’ivrogne sur notre droite. On retombe sur quelques Belges, en train d’essayer de « trinquer à Marine » avec des Français qui, malgré leur état, n’ont pas l’air décidé à les accompagner. Le climat devient pesant, on commence à se sentir mal. Au milieu de cette bacchanale apparaît la reine des vins de Chablis. Élue le matin même, la pauvre arpente le village et doit supporter les gros lourds qui veulent poser à ses côtés. Racisme, misogynie, il est grand temps de mettre les voiles. Triste vision que celle sur le chemin du retour d’hommes urinant d’une main et finissant leur verre de l’autre. À notre sortie du village, malgré la présence d’une fourgonnette de gendarmes, aucun véhicule ne sera contrôlé. Boire ou conduire, pourquoi choisir... Qu’elle soit dans l’Yonne ou sur la Côte finalement, la Saint-Vincent tournante, c’est un peu comme un dimanche chez ta grand-mère. Tu y vas à reculons en étant persuadé que ça va être moisi, une fois là-bas tu y manges et bois plutôt bien et tu ressors content après avoir récupéré ton bifton en fin de journée. Même si tu t’es immanquablement fritté avec tonton Gérard, le faf’ opiniâtre de la famille. // K.P et F.L.T.



Photos : Vincent Arbelet Modèle : Jésus Di Caprio Accessoires : empruntés à la villa Messner Série réalisée au Grand Théâtre (Dijon) Merci à Isabelle et Julia (Opéra Dijon)


la page mode

Ă€ gauche Piercing : bovin T-shirt trop court : mi-ange mi-Hallyday Jeans : moulant Chaussettes : Primark Chaussures : Creepers lustrĂŠes Tatouages : une blinde

Ci-contre Chapeau : melon et bottes de cuir Veste : noire Pantalon : dark Chemise : 50 nuances de black Chaussures : Godillot Pose : penseur de Rodin des Bois


typolOgie

Le « plus malin que les autres » PaR tonton stéph et chablis winston photos : DR

Alors comme ça tu t’es pris pour Charlie. Haha, pauvre merde ! Les petits malins te jugent et te condamnent. Mais ils sont protéiformes... multiples. Vous les voyez s’ouvrir à leur prochain à chaque événement national et international, accompagnant souvent leurs saillies de points de suspension qui en disent long. C’est bien normal : eux, ils savent. Sparse sait que tu es un candide, manipulable à l’envi par le complot siono-maçonno-bobo-LGBT. Donc on te propose un petit manuel pour t’y retrouver parmi tous ces grands clercs à qui on ne la fait pas. Liste non exhaustive, de nombreux candidats trustant le poste du petit malin suprême.

La fange

Le manichéen

Elle a choisi de vivre libre avec son chien dans un camion. En toute autonomie, c’est à dire avec ton fric et celui de l’État sur lequel elle chie.

Les États-Unis, c’est Satan. Les pauvres sont gentils. La guerre, c’est mal. Ou on gagne ou on fait tout péter. Le choc des civilisations, c’est eux ou nous. C’est simple la vie, avec lui.

Potentiel François Pignon

Vient uniquement s’il y a de la Koenigsbier en cannette 50 cl.

Potentiel François Pignon

À inviter avec des enfants de 7 ans.

Maniabilité

Aucune si son interlocuteur a une chemise.

Maniabilité

Tout dépend de quel côté tu es.

Plasticité

Tant que c’est de la faute de ces salauds de flics, c’est ok.

Plasticité

Du noir au blanc. 2017

2017

Mélenchon. Ou Le Pen.

No future.

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l’expert en géopolitique

le philosophe

Le genre de mec qui a tous les coffrets du Dessous des cartes qui trônent dans le salon. Il connaît très exactement l’état de l’arsenal nucléaire israélien, il l’a lu sur un super blog. Ne le lance pas sur le tracé à la règle des frontières africaines. Ni sur le péril jaune : il est intarissable.

Un verre ou deux de Spritz suffisent à lui délier la langue, alors qu’il feint la distance critique et la pondération. Ce gros enculé guette toutes les implications de ton discours, alors que s’il appliquait à lui-même ce genre de scrupules, il se souviendrait qu’il faut commencer par balayer devant sa porte. Il sera toujours permis de le chambrer ostensiblement en évoquant Heidegger.

Potentiel François Pignon

Dans une soirée Erasmus, le lancer sur la réunification allemande. Personne veut se taper les Erasmus allemandes, haha.

Potentiel François Pignon

Au max. Le mec emploie même un lexique à la con qui rend hilare et indiffére tout le monde.

Maniabilité

Révise tes fiches cartonnées sur lesquelles tu as consigné les PNB de l’Ouzbekistan et les chiffres du futur désastre démographique nippon, sinon ton manque de crédibilité le rendra fort irritable et peu urbain.

Maniabilité

Avec son ton professoral grotesque, il se persuade à bon compte qu’il est le seul à lire. C’est seulement le cas à la B.U., tous les autres étant sur leur ordinateur pendant qu’il feuillette avec avidité un bouquin dont tout le monde se fout.

Plasticité

Peut tout à fait revenir sur son laïus si au final il se trouve que tu es mieux documenté que lui. Ou que t’es agrégé de géographie et que t’as bossé au Quai d’Orsay.

Plasticité

Déformation professionnelle. 2017

Risque de voter blanc à force de voir les limites de chaque position. Votera évidemment pour la gôôôôche comme tous les profs et les pharisiens.

2017

Se demandera avant tout si le prochain candidat appellera à reconnaître la Palestine comme État souverain.

Le faf

Compliqué à intégrer dans cette liste, car même s’il est petit, il n’est vraiment pas très malin. Lui aussi est pourtant persuadé de détenir de subtiles vérités sur chacun des événements de ce bas-monde, et n’hésite pas à invoquer des principes démocratiques dont il se branle complètement pour rappeler son droit à déblatérer ses immondices.

Le misanthrope blasé

Agoraphobe et persuadé d’être touché par la grâce d’un discernement supérieur, il méprise plus que tout l’idée selon laquelle des actes pourraient être accomplis par bonté. T’es pas un bisounours, t’es un fils de pute qui vote FN, t’as compris ?! Putain d’hypocrite qui ose défiler au nom de Charlie.

Potentiel François Pignon

Potentiel François Pignon

C’est pas trop la rigolade, notre cynique ayant fait une OPA hostile sur l’ironie, qu’il maîtrise au moins depuis sa 4ème techno.

Exceptionnel pour peu qu’on ne se mette pas en tête de discuter sérieusement avec lui. Faites-lui boire du Boulaouane avec un repas halal, et tendez-lui des perches.

Maniabilité

Maniabilité

Difficile à pratiquer car possédant le pire profil : celui des gens persuadés d’être gentils contre les méchants et les monstres.

Un peu relou avec ses arguments ad hominem, il te donnera envie d’écouter du Serge Cafard et de lire les oeuvres complètes de Cioran. Plasticité

Plasticité

Noir c’est noir. Tout étant de la merde, il pourra parler de tout, mais toujours plus ou moins sur le même mode.

Il fait semblant de s’intéresser aux souverainistes type Chevènement ou Dupont-Aignan, et se croit même de gauche par moment. Mais non, sur les Zarâââbes, rien de nouveau sous le soleil.

2017

Il ne se déplacera pas à ce jeu-de-dupes, mais tweetera des punchlines désabusées et bien senties à l’endroit de ses concitoyens dégénérés.

2017

Bleu marine, la blondasse ayant réponse à tout, c’est Doudou qui l’a dit.

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L’ennemi de la démocratie représentative

Le taiseux

Il te juge et n’en pense pas moins. Amoureux fou de la suspension de jugement, il cloue le bec par sa moue sceptique, et se barrera en Suisse sitôt que les choses se gâteront. Partisan de la médiété et des faux-semblants, il ne supporte pas les éclats de voix et ironise à propos de tout engagement.

Parce que la démocratie directe, ça se passera sans aucune fraude électronique ! Et puis il n’y a aucun risque en terme de démagogie et de populisme... Mais ouais, comme en Suisse avec le vote sur les minarets. Dédé, alcoolo à l’Eden, est expert en affaires sociales comme dans tout ce qui a trait à l’éducation, il peut bien donner son avis ! Non ?

Potentiel François Pignon

Nul, puisque c’est toi qui est invité à sa soirée pour présenter ta Tour Eiffel en alumettes.

Potentiel François Pignon

Vit au premier degré et s’intéresse aux institutions de la République. Gros potentiel.

Maniabilité

Cordial, ne se mouillant pas, c’est un bon compagnon. Bon, en apparence.

Maniabilité

N’accorde sa confiance à aucun tiers : pas de procuration. On ne la lui fera pas. Personne n’est apte à le représenter. Lui, il ferait mieux que tous ces députés et sénateurs pourris. « Tous pourris » d’façon.

Plasticité

Optimale, puisque il se contente de compter les points. 2017

Pour le coup, il kiffe vraiment le coup de l’isoloir et du bulletin secret. Il te prend pour un putain de Bolchévique si tu vantes les qualités collectives du vote à main levée en temps de grève.

Plasticité

Tient vraiment à ce qu’il prend pour une incroyable trouvaille et ne changera pas d’avis à ce sujet. S’il bouge, c’est pour bouger en Suisse, dans le Canton de Vaud, pour donner son avis. 2017

Uniquement depuis son domicile. Donc non. Rien. La procuration ? Plutôt crever.

Le poujadiste

Le dieudonniste

Il est sur ses gardes, parce que des complots se trament partout, et qu’on comprend toujours mal ses propos. Mec, est-ce que t’as vu ses spectacles au moins, avant de juger ?! Il compile tous les méfaits du peuple sémite et de Manuel Valls, qu’il poste inlassablement sur les réseaux sociaux où alternent likes de ses semblables et engueulades sporadiques avec ses proches consternés.

Lui veut tout ramener à son boui-boui de merde dont tout le monde se fout, et qui pourrait couler comme n’importe quel établissement du centre-ville sans qu’on verse sa petite larme. Se plaignant des impôts, des taxes et des prélèvements, il a tout de même l’impression que s’il était un politicien, il ferait mieux que tous ces clowns, hein.

Potentiel François Pignon

Fort élevé, puisqu’il s’agace à chaque événement politique ou économique, ou à chaque fois qu’une discussion dérive de ce côté-là. Dyspeptique, il est toujours à deux doigts de l’ulcère.

Potentiel François Pignon

« Over the top. Sky’s the limit. Can’t fuck wit’ » Maniabilité

Se veut un joyeux drille, mais n’est qu’un triste sire. Attention à ne pas remettre en cause l’authenticité de son engagement en faveur de la liberté d’expression.

Maniabilité

Faut pas le chauffer : « Sont tous pourris d’ façon ! Faut voir les charges qu’ils nous foutent ! » Plasticité

Plasticité

À corroborer à l’auteur du blog de défense du martyr Dieudo. Peut aller de Zemmour à Abd al Malik en quelques mots, en passant par Faurisson. LOL !

On peut même parler d’élasticité à ce niveau-là : prêt à vomir le grand capital un jour, il s’en prendra à la porosité de nos frontières le lendemain ; mais la main toujours sur le coeur pour les petits commerçants.

2017

2017

Il arrête de voter pour tous ces guignols. Blanc.

Quenelle !

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Le personnage public

La journaliste engagée

Il run le tweet-jeu. Docteur-es-blagouze, avec les félicitations du jury coopté. Son but ultime : ne jamais perdre la face. Face aux autres. Face à luimême, personne ne sait. Il est même douteux qu’il possède quelque intériorité.

Elle a enquêté au moins quinze jours à Gaza. Autant dire que quand tu parles, elle te rappelle cash que t’es pas allé plus loin que la Bresse ou Palavas-les-Flots ces deux dernières années. Et pis t’es abonné à So Foot et à BeinSports plutôt qu’à Médiapart, putain d’idiot utile des médias inféodés.

Potentiel François Pignon

Avec son assurance à toute épreuve, il possède un potentiel indéniable, d’autant qu’il fera mine de ne jamais se vexer.

Potentiel François Pignon

« Nul ne ment autant qu’un homme indigné. » Or, Stéphane Hessel est un rookie, à côté.

Maniabilité

S’appropriant le moindre de tes propos, il est pour le moins connivent. En fait, y’a pas plus démago. Il te tapera sur l’épaule en espérant te mettre dans sa poche.

Maniabilité

Éructe au moindre désaccord en recouvrant tout l’espace d’articles photocopiés extraits de Courrier international et de photos d’enfants palestiniens déchiquetés.

Plasticité

Peut passer de la Jam’ au Point d’Eau, du Dom Pérignon à la Kro avec le même sourire obséquieux.

Plasticité

Proche du néant. Dogmatisme absolu. 2017

2017

Déplore d’avance les amalgames et l’hystérie médiatique. Suivra exclusivement le débat sur Médiapart, réservé aux abonnés.

Il est dans tous les cas ravi, sauf du fait de ne pas être candidat.

Le radical d’extrêmegauche-ultra-radicale

Le bobo sarcastique et déconneur

Lui, suggère toujours pour déconner qu’il égorgerait bien le petit-bourgeois social-traitre que tu incarnes parfaitement avec tes putains de Vans neuves. Il se fatigue même pas à prôner une quelconque forme d’ouverture, préférant rester parmi les siens avec une défiance non feinte. Il t’enverra en camp de rééducation une fois le grand soir arrivé : autant dire jamais, ouf. Tu peux donc continuer à tripper devant Le loup de Wall Street sans trop culpabiliser.

À base de petits jeux de mots second degré que tu n’es pas à même de comprendre, il te fait deviner qu’il a beaucoup lu et des choses que tu ne connais pas visiblement... On est foutu de toute façon. Te prends pas la tête. C’est un coup des francs-mac. AHAHAH. T’as compris ? AHAHAHAH. Potentiel François Pignon

C’est sa hantise, passe ton chemin. Aux aguets, il polira son discours de manière à correspondre aux valeurs du moment.

Potentiel François Pignon

Tout dépend l’heure. Risque de s’en rendre compte après deux boboléons.

Maniabilité

Tout est super mainstream dans ce que tu dis, mon p’tit pote.

Maniabilité

Ne pas déplacer, explosif. Rue Jeannin ou Berb’, donc.

Plasticité

A de l’intérêt pour tout objet de pensée durant le temps de la hype.

Dogmatisme version hardcore.

2017

2017

Plasticité

Il veut que le FN passe, pour se lancer éperdument dans des bastons de rue à coups de faucilles et de marteaux.

PS ou Mélenchon, c’tout. À moins qu’il y ait GéNéRiQ ou tout autre festoche attirant davantage son attention.

Bonus : Le sans avis. NSPP. Star des instituts de sondage. Certainement le plus dangereux. Ne donne pas d’avis car il estime ne pas connaître le problème. Se croit intelligent car il ne parle pas avant de savoir. Mais comme il ne se renseigne jamais, il ne sait jamais, donc il ne se prononce pas. Dangereux.

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tribune

looking for charlie PaR martial ratel

P

our moi, Charlie Hebdo a toujours été un outil de formation idéologique, un outil critique. Longtemps, c’était mon achat du mercredi. Je savais que je boufferais du curé, de l’intégriste, du raciste, du tendre socialiste, du RPR à l’UMP (la même engeance en plus vendeur), du con de tous les pays et de toutes les couleurs. De manière tout à fait enjouée, je lisais les papiers de Cavanna, les éditos de Val, des prises de positions frappées du coin du bon sens ou illuminées par la tradition des Lumières. De belles dissertes sur l’actuel, presque. Renaud tenait son billet de la semaine, là c’était plus léger, souvent plus drôle. Et puis, les dessins : les curés ridicules, le pape sénile, les gros fachos Megret et Le Pen par Luz, Charb, Willem... Un jour, l’embrouille Patrick Font : le camarade de scène de Val, le patron du journal, tombe pour pédophilie. Première déchirure dans l’équipe du canard. Lefred Thouron se fait virer, ou part, c’est pareil. Val a refusé de publier un dessin sur Font. Ça fait un peu de bruit. Le numéro suivant, le dessin finalement publié accompagne un article de Val, très salaud sur Lefred Thouron, insinuant qu’audelà de la censure, c’était le P.E.L de Lefred Thouron qui allait en prendre un coup. Premier désaccord, fin de la figure sacrée de Charlie, on est au milieu des années 90, ou pas loin. À Dijon, elles sont deux correspondantes de Charlie et organisent une fois tous les deux-trois ans la venue d’une partie de l’équipe à la fac. Pour le dernier Charlie’s Tour in Town, l’université, nid de gauchistes, remplit l’amphithéâtre de mille places et un peu de celui à côté. Mais la réaction veille. Retour à l’ordre moral et attaque à l’ammoniaque. C’est un héroïque trio de royalistes, fleur de lys et tronche de fin de siècle, qui fait le coup. Ça pue le produit chimique. On quitte tous joyeusement les bancs 44

de l’amphi, pour aller se poser devant sur la place de l’Atheneum, à l’entrée de la radio. Les bâtiments qui entourent désormais cette place n’existent pas. Au contraire, à la place du béton et des parpaings, une pente douce et verte forme un amphi naturel. L’athénée devant l’Atheneum. La force de Charlie à cette époque, comme aujourd’hui mais pour d’autres raisons, c’est de rassembler large, très large : ici un prof chevènementiste, là des piliers de la LCR, ici des libertaires, là le PCF... 20 ans après, je me souviens encore du thème central de ce forum Charlie : les médias et la souhaitable-mais-jamais-votée loi anticoncentration. À l’époque, c’est le resplendissant Jean-Marie Messier qui est le parangon de la réussite médiatique. C’est joyeux, c’est sérieux, c’est bordélique, c’est intelligent, c’est très documenté, c’est très intéressant, il y a du dessin, Charb et Luz, ou Riss sont là. C’est très Charlie. Ensuite, c’est la grande histoire connue dans les moindres détails : 2006, les caricatures danoises. Parce que Charlie est toujours resté un lieu de résistance à tous les intégrismes, parce que même quand Charlie Hebdo a eu tort, ses ennemis n’en devenaient pas plus intelligents. Personnellement, je n’ai jamais fait de différence entre un catho intégriste, un rabbin fondamentaliste ou un salafiste. Ils sont monothéistes et détestent les autres. Tous les autres, tous les différents. Tiens au passage, avez-vous remarqué que ces fêlés, qui visiblement détestent la gente féminine en liberté, s’accoutrent eux-mêmes en jupe ou en robe, qu’ils soient combattant-religieux tchétchène, étudiant afghan en religion ou pape. Comme les Écossais, qui n’avaient rien demandé jusqu’ici, ils portent des trucs de nanas. J’en suis vraiment à deux doigts de penser que c’est pour garder pour eux cette belle garde-robe qu’ils interdisent aux filles de sortir de chez elles. De là à les traiter de gonzesses... →


Parce que les ennemis de Charlie ont toujours eu tort, le 19 février dernier, Radio Campus, la Maison des Sciences de l’Homme de l’université de Bourgogne et le Théâtre Mansart ont réuni une quinzaine d’intervenants (universitaires, journalistes, travailleurs de la culture et du social) à venir s’exprimer sur les événements qui ont démarré les 7 janvier. Voici quelques bonnes phrases, punchlines ou bons rappels de cette journée, choisis de manière absolument subjective.

Franck Dubois (Docteur en Histoire) Le 7 janvier est un événement déclencheur. On n’est peut-être pas tous Charlie mais c’est un événement qui arrive après tous ces temps de crise et de silence. Tout le monde se mobilise et on se dit : « Hé bien moi aussi ». C’est le besoin de s’affirmer. Aujourd’hui, on critique tout, tout le monde doit être expert de tout et de rien, et c’est anxiogène. Notre problème, peutêtre notre seul malheur, c’est qu’on a à supporter ça. Nous ne sommes pas dans une période de guerre, il n’y a pas une menace lourde aux portes de nos frontières. Mais qu’est-ce qu’on fait pour aller par-delà ? En France depuis 100 ans, on laisse faire le marché, on laisse faire l’offre. Alors forcément au bout d’un moment, on prend ce qu’on a. Mais est-ce qu’on agit dans le sens de l’intérêt général ? Comment on peut faire pour vivre dans une société qui a une désirabilité ? Ça me renvoie à l’Alsace, cette région assume d’être une terre de coopération et de passage avec les anciens ennemis. Ils acceptent ça et ils mutualisent ça. Forcément, il y a des moments où ça dérape, on trouve des incivilités et une capacité de la population d’aller par-delà ces problèmes. Est-ce qu’aujourd’hui on peut vivre en se disant : je vis bien dans ce monde, ça pourrait été pire. Mais est-ce qu’on a des alternatives possibles , est-ce qu’on doit accepter de vivre seul, de survivre tout seul, de souffrir, d’avoir de la douleur ? Quelle image j’ai de moi-même quand on me pousse à être une star ?

Stéphane Kotovtchikhine (Maître de conférences d’Histoire du droit et des institutions) Laïcité vient du grec laicos qui signifie le peuple, la nation. Clerc est dérivé du substantif clairos, qui veut dire « le bon lot, mis à part, l’élu ». Le clergé est une fraction de la société qui pense avoir reçu la mission divine de diriger le reste des êtres humains. Les laïcs, c’est le peuple, c’est l’esprit démocratique et populaire. C’est ce que nous dit Ferdinand Buisson dans son Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire en 1911. Charlie Hebdo est laïque, Charlie Hebdo est anticlérical, non pas l’anti-religion mais contre tous les cléricalismes, toute attitude dogmatique visant à nous inféoder au lieu de développer l’esprit critique.

Sébastien Delval (formateur à l’École de la deuxième chance)

Eric Doidy (Sociologue) Sur le 7 janvier, des médias, notamment Le Monde, disaient : « C’est le 11 septembre français », la situation a été cadrée avec un précédent célèbre. Cette mise en série montre que notre pays est important. On a notre Oscar avec Dujardin et Cotillard, on a aussi notre 11 septembre. Et du côté des intellectuels, il y a un côté rassurant. On connaît les positions, on va pouvoir prendre la posture de l’intellectuel libéral qui va dire : gardons-nous des amalgames. Ça arrange tout le monde, ce cadrage. Comme ça on dit « allons voir comment ont réagi les États-Unis ? » pour ne pas faire la même chose, avec le Patriot Act et l’invasion de l’Irak. On a une réaction un petit peu bizarre, on accepte le cadrage mais on dit qu’il faut une réaction différente. On aurait pu aussi mettre ça en série avec la mort de Clément Méric, Rémi Fraisse... Des assassinats, des morts qui font apparaître une haine de la pensée libre, de la liberté de conscience, de l’engagement militant, de la pensée émancipatrice. Ce n’est pas plus absurde de mettre ces éléments en série, ça l’est certainement moins mais ça complique les choses. On simplifie, avec ce parallèle avec le 11 septembre, pour éviter de trop réfléchir.

Il y a une radicalisation dans les propos des deux côtés : le Front National, le racisme mais aussi les religions. Je rencontre surtout des individus qui ont été victimes dans leurs parcours. Ils ont beaucoup souffert et sont fragiles. Quand on est fragile, c’est un peu plus facile d’être endoctriné et c’est peut-être plus facile de passer à l’acte. Mais le passage à l’acte, il se fait où ? Dans la délinquance, sur soi... J’espère qu’il ne va pas y avoir une tonne de personnes qui sera capable de passer à des actes violents vis-à-vis d’autrui. Aujourd’hui ce n’est pas ce que je constate. J’ai des centaines de jeunes qui n’ont qu’une envie : être dans la normalité, ce qui est même triste de mon point de vue. Ils veulent été normaux, ils ne veulent pas prendre une kalashnikov. Après, c’est ça qu’on leur a refusé : être normal, comme les autres. L’État français, la société a envoyé un discours stigmatisant à ces jeunes-là. Il faut voir qu’un jeune qui est musulman subit un racisme de masse. Il ne peut pas mettre de pied dans l’entreprise parce qu’il est stigmatisé. L’école s’effondre car le modèle qui permettait de s’émanciper ne le permet plus. Échec. 45


diaporama par MARTIAL RATEL PHOTOS : ALEXANDRE CLAASS

Les « nouvelles » Tanneries

A

vant d’aller visiter ce qui s’appelle pour l’instant les Tanneries 2, on avait vraiment envie de faire des grosses blagues. Pour être honnête, comme tout grand journaliste à la veille de ses vacances, le papier était déjà écrit, les vannes étaient prêtes, le déplacement sur le terrain n’allait servir qu’à valider le degré de punchline. Là, sous la photo, on écrirait : « C’est ici que tu vas vomir après ta 6ème bière-fanta ». À côté : « C’est entre ces deux murs que tes amis te colleront en PLS pendant ton coma éthylique » ; « Sur cette scène, les Inner Terrestrial et les Oï Poloï joueront au minimum 72 fois dans les deux années à venir » ; « Ferme les yeux, écoute, c’est Jean Jean, le boss de Maloka, celui qui pose en couv’ de Dijon Beaune Mag, qui reprend à tue-tête les chansons des Sheriff pour leur tournée d’adieu, en 2019. » Mais finalement, devant ce lieu presque terminé, on a été scotché. À vrai dire, scotché pour les prochains Tanneurs. De l’extérieur, c’est un bâtiment neuf, hein, pas de chichi, impossible de deviner la forme de l’infrastructure précédente. Il y a même un petit parking intérieur « avé la place handicapé qui va bien ». À l’intérieur, c’est étonnamment classe, en chantier mais super ordonné, rien à voir avec le bordel organisé que deviendra ce lieu.

Le site est divisé en trois espaces totalement étanches : la salle de concert avec ses 500 places et son local de répète, au milieu l’espace « activité », pour des rencontres, des projets sociaux et politiques, puis tout au bout la partie habitation avec 7 ou 8 chambres prévues. Le truc est aux normes et aura coûté plus d’1 million d’euros - on compte sur les meilleurs pour la polémique à l’inauguration courant avril. Première pression : au-delà des graffs, des affiches de Crass et de tel combat antifasciste qui donneront plus tard le cachet punk au lieu, il faudra garder tout ce matos en bon état. Mais, « grand Mais », les voisins ? Derrière, sur les côtés, de l’autre côté de la rue, en face des espaces extérieurs, futurs jardins ou spots festifs : deux maisons, un immeuble et un quartier résidentiel ! L’enjeu de ces nouvelles Tanneries, clairement, ce sera nous, le public. Notre comportement. C’est pas gagné, ça va demander des trésors d’invention pour les Tanneurs. Mais on leur fait confiance.

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les tanneries 2

la baie des cochons

Dehors, c’est le futur camp d’été du FC Sankt Pauli. Ah oui, quand on évolue en deuxième division allemande, on ne peut pas tout avoir...

intérieur suédois

Là, pas facile de deviner, mais c’est à cet endroit que les Skaglingos enverront du bois lors de la soirée de soutien à Sparse.

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les tanneries 2

berghain

Oui, c’est sur deux étages.

cheminée napoléon

C’est des chiottes, plutôt jolies. On dormirait presque dedans.

dsk style

Schön. Un bar à hôtesses hambourgeois a sûrement offert ça en soutien à Maloka.


les tanneries 2

brico dépôt

7 ou 8 chambres où habiteront les nouveaux Tanneurs. On dirait que la déco est déjà terminée, on reconnaît bien la patte punky.

expo universelle

Il paraît que ces poutres métalliques ont été jointes par Gustave Eiffel. Sinon, pour info, c’est tout ce qu’il reste du précédent bâtiment.

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se sp ar la

c

ui

si

n

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de

fish me

le wok de l’amour par a fish in my dish illustrations : mr. choubi

La fishstory Rue de la Lib’ le vendredi 20 mars à 17h34. Tu sors du boulot. Veste sur l’épaule, sourire aux lèvres, tu te promènes nonchalamment, les premiers rayons du soleil venant frapper les verres de tes Ray-Ban hors de prix. Tu peux mater les meufs sans soupçon, ce qui fait de toi un homme heureux. Le printemps est arrivé, vive le printemps, les hormones et les robes à fleurs ! Pire, tu crois encore au coup de foudre... Tu décides alors de te poser à la terrasse du Quentin, face au marché, soleil longue durée garanti et minettes de sortie assurées. Un verre de blanc à la main, tu attends ton pote d’apéro, celui qui est au chômage et en retard. Avec tes horaires de fonctionnaire, tu peux encore profiter d’une bonne grosse heure de soleil… 18h54, le soleil est couché, ton premier mojito te chauffe et par un bel élan de courage, tu viens de perdre ta dignité en prenant le numéro d’une copine de ta petite sœur que tu n’avais pas vue depuis une paire d’années. Avant, elle était jeune et c’était la meilleure amie de ta sœur. Aujourd’hui, elle est séduisante, célibataire et n’a plus

aucun lien avec ta sœur. Comme toi d’ailleurs… Entre temps, elle a bougé pour un vernissage, une expo chez un particulier où elle s’incruste, ce qui a fini de te séduire… Les jours qui suivent, tu lui envoies des textos (toujours en deuxième), échanges des photos, vous vous tournez autour. Malheureusement, tu es en déplacement pendant une semaine. À Nanterre. Pas à Bali. Je te rappelle que tu appartiens à la fonction publique. Au milieu de ton séjour et de ton hôtel Ibis, tu te décides à l’inviter à dîner à ton retour. Elle accepte (ça tombe bien, sinon, il n’y aurait plus de chronique). En plus, tu viens de refaire ta cuisine. Enfin… tu as acheté un nouveau plat à gratin chez Ikéa, un presse-purée et un joli wok. Tu es paré ! Maintenant il ne te reste plus qu’à t’arranger avec ta collègue Sandrine pour poser de préférence le vendredi, joli jour de marché, la semaine de ton retour. Pour le menu, tu as regardé la 1256ème saison de Top Chef et tu as une idée en tête. Ce sera nouilles sautées aux crevettes et panacotta à la mangue ! So girly ! →

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La shortfish Dans l’esprit, tu connais un peu la marche à suivre. Ça va se passer en grande partie au marché. Mais ça peut se faire aussi en grande surface, ce qu’on ne cautionne pas si tu as le temps. Tu remarqueras qu’on te prévoit tout un jour de congé pour faire les courses et séduire la femme de ta vie ! D’abord, tu achètes une dizaine de belles gambas où tu sais (poissonnier avec un nom genre « quand la mer elle se retire »). Ensuite, tu trouves des légumes de saison : 1 bel oignon, 1 navet boule d’or, 2 carottes, ¼ de chou vert et 1 panais. Ruffey, Auxonne, ce sont des bleds du coin, c’est bien. Tu vas ensuite chez nos amis miasiatiques mi-européens pour acheter une délicieuse mangue et 1 citron bergamote à prix d’or. Enfin, tu

trouves des herbes bien fraiches, genre coriandre, persil plat... Une fois cette première partie terminée, tu vas rue Bannelier au marché chinois : nouilles de riz, pousses et sauce soja, pâte de curry jaune, huile de sésame, cacahuètes, basilic thaï, 1/2 gousses de vanille et 1 citron vert. Pense aussi à faire un tour au supermarché. Tu auras besoin de 50 cl de crème liquide, 2 feuilles de gélatine et 3 cuillères à soupe de sucre pour ton dessert. Si tu veux prévoir l’apéro, rends-toi à la crèmerie rue Monge ou à Monop’ pour les petites olives et poivrons farcis, petits chèvres amuse-bouches et tout le tintouin... N’oublie pas une bonne bouteille pour l’apéro. Si elle ne boit pas, dragues-en une autre !

Le fishmeal sinon ça lui donne un vilain goût amer.* • Après ça, réalise une petite marinade pour tes gambas : ail écrasé, huile de sésame et huile d’olive, zeste de citron bergamote, pâte de curry jaune, une cuillère de miel et du basilic thaï ciselé. Fais-les tremper avant de les faire griller.* • Cuis bien al’dente les nouilles de riz (ou autre).* • Regarde la petite référence en bas de page pour. * • Mets à chauffer ton wok et balance l’oignon pour le faire dorer. • Jette tes gambas et leur marinade, fais-les bien griller à feu vif. • Retire-les du wok, laisse les autres ingrédients, déglace avec un peu de sauce soja diluée avec un peu d’eau et jette maintenant le chou émincé. Au bout de 5 min, ajoute tous les autres légumes. • Il faut que ça saute, que ça fasse du bruit, que ça sente bon l’ail, le basilic, le soja et les légumes. • Tout se joue dans la manipulation du wok, il faut le branler, c’est comme ça qu’on dit ! • Tu y es presque, il faut maintenant que tu ajoutes tes nouilles et les herbes, que tu fasses sauter tout ça à outrance. • Comme les gambas sont fragiles, mets-les délicatement dans le wok pour qu’elles se réchauffent quelques minutes avant de servir. • En gros tu es prêt en 15 min et mademoiselle est quelque peu impressionnée par la haute-voltige végétale qu’elle vient de voir. • Pour le dressage, du beau hein ! Dans des assiettes creuses de préférence, ça cachera la misère… Les nouilles dans le fond, ajoute les cacahuètes pilées, quelques légumes et dépose délicatement les gambas et les herbes ciselées. • À déguster sans plus attendre !

En rentrant des courses et quelques heures avant ton dîner (en fait 4h pour être précis), tu te mets à la Panacotta. • Commence par faire chauffer la crème + la vanille + le sucre. • Pendant ce temps tu détends les feuilles de gélatine dans de l’eau froide. • Ajoute ensuite les feuilles de gélatine à ta crème et remue bien. • Glisse tout ça dans de jolis verres, hop un film étirable dessus et au frais jusqu’à la dégust’. • Pour la mangue, coupe-la en petits dés et arrose-les du jus de citron vert. Tu mettras les petits dés au dernier moment sur les pana cotta. Une fois ton dessert au frais, tu es fier et tu enchaînes avec ton plat. Tu as de la chance, on t’a prévu un truc plutôt simple à faire, histoire de ne pas stresser pour ça et d’être complètement dedans ce soir… • Émince l’oignon et le chou vert, hâche finement les herbes.* • Prends un économe et épluche tous tes légumes.* • Garde ton économe et sers t’en pour faire des tagliatelles avec le panais, les carottes et la boule d’or.* • Pour éviter un moment de solitude à table ou un combat acharné avec une bête morte, décortique tes gambas avant, mais attention pas n’importe comment, en lui enlevant uniquement le coffre, autrement dit, sa carapace. Le but étant de garder la tête et la queue pour ce que soit joli. Le petit + : la gamba, il faut la châtrer. Traduction : il faut lui enlever son boyau noir par le dos,

*Fais donc tout ça à l’avance, tu n’auras plus que la cuisson minute à faire devant madame… Ça va en jeter ! Un peu comme Joël devant Babette.

La happyfish 12 mai 2017. Tu as quitté l’ex-meilleure amie de ta sœur il y a 6 mois. Depuis, tu ne jures que par le soja et l’Asie. Tu as quitté la

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fonction publique et développé un business d’import-export de mangues depuis la Turquie vers le Vietnam. Tu es heureux. // A.S. et S.G.


se sp ar de e n si ui c la

foodage de gueule

« Azi, j’ai la dalle on s’fait un chinois à volonté ? Non ? » par lilian elbé, tonton stéph et maalox illustrations : hélène virey

Puisque tu as bien vu qu’on était autant critique gastro que David Lanaud du Gray est un homme politique, on a cherché à mettre les petits plats dans les grands. Voire à les empiler, comme un connard. Ouais, on a testé quelques chinois à volonté. Allez viens, y’a des serviettes chaudes.

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panda de chine (147 avenue Roland Carraz, chenove) Désolé pour les calories, mais la première étape de notre périple gastrique a avant tout été une affaire de néon. On les a tous entendus grésiller dans les films américains : tel motel miteux étant une invitation à fuir loin de la ville de consanguins généralement dépeinte. Ce sentiment légitime est décuplé par mille en plein hiver et de nuit, du côté de cet Hollywood Boulevard de Chenôve qu’est l’avenue Rolland Carraz. Toi même tu sais, le Panda de Chine, en bande-annonce au Cap Vert depuis 1998. Là, l’ambiance est aussi sombre que les perspectives d’un VRP rentrant seul un mardi soir au Bonsaï hôtel à Marsannay. Lampions et dragons, les mêmes que sur sa chemisette, by the way. Nous prenons place au milieu d’une espèce de carré VIP qui n’est autre que le lieu où se déroulent des karaokés le week-end. Dommage, on est en semaine, le lieu est

quasi vide ; à peine y trouve-t-on un jeune asiatique qui se sustente des mets fameux étalés en ces lieux. Parlons-en, de la gastronomie fine. La joie de manger des produits congelés et peut-être recongelés atteint ici des sommets. La présence d’un wok a ravi mon confrère. Petit conseil : ne forcez pas sur les bananes au chocolat en dessert. Non. Ne faites pas ça. Comme on le dit parfois de façon obscène : « Je te passe les détails. » Le climax de la soirée aura tout de même été de voir le personnel se hâter d’éteindre les dizaines de néons éblouissants à peine nous avions passé le seuil de l’entrée, la bedaine entre les mains. N’y allez pas trop tard, ils éteignent progressivement les lumières pour vous signifier leur joie de vous avoir comme client tardif. Encore que, il vaut peut être mieux parfois ne pas voir ce qui se trouve dans l’assiette.

Le bol d’or (26 avenue de Langres, dijon) Il est souvent question de ce métal précieux dans les noms de restaurants chinois, peut-être pour jeter un voile pudique sur le fait que si tu viens là, c’est que tu n’en possèdes pas des masses, pas même sur tes chicos. Cet établissement est plutôt connu car situé sur la ligne de tram menant, comme un symbole, à la Toison. Tu vois ce qu’on veut dire... Le buffet est loin d’être le plus copieux, quasi pas d’entrées, et, pas la peine de tourner autour du pot, c’est pas très bon... Évitant pour ma part soigneusement les raviolis chinois qui me font toujours songer à des foetus jamais menés à terme, je n’oublie pas de prendre du pain et des frites pour accompagner mes sushis. L’art subtil de conjuguer les mets est un putain de don, comme dans cette scène où Ratatouille vit une putain de symphonie gustative dans ses bajoues. Non loin des stands à wok, un gros écran plat de kébab diffuse une chaîne de propagande de l’empire du Milieu,

où les infos montrent divers missiles et des cartes de l’Europe (si si). Ensuite, un film à la gloire des illustres résistants à l’invasion nippone en Mandchourie a fait la soirée d’un des cuistots, pas franchement harcelé par les quelques clients. Cela ne l’empêchera pas de tirer la même tronche que Jean-Pierre Bacri lorsque tu lui demanderas poliment de s’occuper de ta viande et de tes champignons inquiétants pour ton wok. Tu lui as fait manquer la meilleure scène patriotique. Certains clients n’en ont, eux, pas manqué une miette, la diffusion couvrant un certain silence gênant à leur table. D’ailleurs, c’est la veille de la Saint-Valentin. Tu pouvais revenir dès le lendemain en payant 5 € de plus pour la même chose ; c’était écrit sur un gros présentoir à l’entrée. On imagine d’ici la belle fin de soirée passionnée entre Monique et Pascal, une fois la panse arrimée de boeuf aux oignons et de wok au chou. Bon, on se casse.

La fontaine du bonheur (146 Allée du Docteur Lépine, Marsannay) Vos serviteurs sont allés loin, très loin dans le dirty south de Dij’, même au-delà de Couchey sur la route de Beaune, pour voir si le Diamant rose valait le détour. La réponse est non. Il valait bien mieux revenir dans la zone commerciale de Marsannay où, après 20h, on a tout de même bien l’impression d’avoir réussi sa life. Un coup d’oeil sur les avis Tripadvisor avait suffit à mettre en appétit : « malade toute la nuit », « des poils dans la bouffe », « sol pas lavé », etc. Le sentiment que cette rubrique foodage de gueule devient un putain de sacerdoce particulièrement pesant. Mais fi des a priori et préjugés. Il se trouve que c’est le moins pire établissement que nous ayons fréquenté, même dans la déco. Et question sémantique, la Fontaine du bonheur : parce que fontaine à chocolat... Ce resto aura donc gagné la palme de la cohérence alimentaire de cette chronique. Même si une luminosité de Gestapo et des néons bleus peuvent agresser un peu, le lieu est

relativement agréable, et des tables géantes en espèce de marbre viendront chiader ta VDM. On y trouve même, sous un gros couvercle, une espèce de service à fondue chinoise géant où tu pourras discrètement te délester de tes déchets. Blague à part, tes assiettes sont souvent débarassées par le service aux petits soins. Un puissant système de ventilation t’empêche de sentir le graillon comme en sortant d’Aki : là aussi, du jamais vu. Des plats « faits maison » sont décelables dans le buffet, même si la dénomination « faits hangar » aurait été plus honnête. C’est du jamais vu, bien que des Saint-Jacques pas même décongelées trônent dans le buffet à wok/plancha. On fait la découverte de légumes frits, pas dégueulasses, même les makis et sushis nous ont paru tout à fait convenables. Pour 16,80 €, la Fontaine du bonheur jaillira à n’en pas douter dans tes viscères. Allez, une dernière boule coco et on se tire. Les gars, il est où le micro-ondes ?

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BONUS La Paillotte (7 rue Jeannin) Pas à volonté, mais avec une déco hallucinatoire et pas loin du Vieux Léon. Royal Quétigny (1 avenue de Bourgogne) Le Royal Canin de tes courses à Carrouf ’, c’est juste en face, entre Norauto et Flunch. Délice et dépaysement garantis.






fiction

par germain arfeux PHOTOS : dr

dijon 2050

D

ijon ! Enfin ! En ce mois de mars 2050, je retournai pour la première fois dans cette bonne vieille cité des Ducs, après trente-cinq ans d’absence. J’étais d’autant plus curieux de découvrir ce que Dijon était devenue que j’avais passé toutes ces dernières années enfermé dans ma cave (j’y étais descendu pour y chercher une bonne bouteille en février 2015, et la porte s’était malencontreusement refermée derrière moi ; fort heureusement, toutes mes bouteilles me permirent de survivre pendant tout ce temps). Comment le monde avait-il évolué en mon absence ? Il me tardait de le savoir.

causer. - Ces patins ? - Oui, le port des patins est devenu obligatoire lui aussi. Cela fait moins de bruit et cela évite de salir inutilement les trottoirs. Mais ne t’en fais pas, ils sont entièrement désinfectés. J’enfilais ces patins sans discuter et nous commençâmes à glisser le long des rues. Plus encore que les abords de la ville, le centre de Dijon s’était totalement métamorphosé. Tout y était blanc, lisse, silencieux. Le sol formait comme un immense parquet blanc, immaculé, et l’atmosphère semblait littéralement ouatée. Les rues étaient presque désertes, seuls quelques passants hagards patinaient en vitesse, les yeux baissés, presque honteux de déranger la tranquillité des lieux par leur simple présence. Tous avaient le teint blême. Même les noirs avaient l’air pâle. À mon grand étonnement, je vis errer un vieillard en blouse d’hôpital, qui traînait son goutte-à-goutte à ses côtés. - Oui, m’expliqua mon ami, comme le centre-ville a été entièrement stérilisé par mesure d’hygiène, les malades peuvent s’y promener librement. Le vivre-ensemble doit s’appliquer à tous, même à ceux qui vont mourir. Comme nous avons transformé l’ancien hôpital en centre gastronomique, il était logique de transformer le centre-ville en hôpital, tu ne trouves pas ?

Un ami m’attendait à la gare. Il s’était proposé de me faire voir le Dijon moderne, et je n’avais pas refusé. - Ça alors ! Vieille baderne ! Comment vas-tu ? Ah mon pauvre, j’ai entendu ton histoire, ça a dû être horrible, toutes ces années enfermé dans une cave, à boire du vin… - Pas tant que ça, pas tant que ça.... Mais allons plutôt voir la ville. - Bien sûr. Elle a un peu changé, tu verras, tu ne seras pas déçu. Il m’entraîna aussitôt devant une sorte de canal d’où s’écoulait un épais liquide vert fluo. - Dégoulinons jusqu’au centre-ville. - Dégoulinons ? - Ah oui, c’est vrai qu’à ton époque on utilisait encore le tramway. C’est fini ce temps-là ! Jadis, la mairie privilégiait les « transports doux », mais on a fini par les trouver encore un peu trop rudes, alors on est passé aux transports mous, puis finalement aux transports liquides. Une vraie merveille ! Mais dégoulinons... - Marchons plutôt, si tu n’y vois pas d’inconvénient. - Comme tu préfères.

Après cette déambulation, nous arrivâmes enfin devant la place de la Libération. L’ancien Palais des Ducs, lui aussi, était méconnaissable. Toutes les anciennes façades étaient désormais recouvertes d’une immense plaque jaune en ferraille, tandis que les pavés avaient été remplacés par de grandes dalles de cuivre luisantes. Il ressemblait maintenant à un hangar rouillé. - Et tu n’as pas encore vu le clou du spectacle, le fleuron de notre belle cité : la fameuse tour Rebsamen ! - La tour Rebsamen ? - Hé oui, elle a remplacé la tour Philippe le Bon. On s’est aperçu en étudiant la vie de ce duc qu’elle n’était pas très conforme avec les valeurs de la République alors nous lui avons substitué celle de notre maire bien-aimé, qui avait lancé les travaux de modernisation au cours de son septième mandat. En effet, en lieu et place de l’ancienne tour de pierre, se dressait désormais une tour de verre qui baignait dans une sorte de lumière rose, douceâtre. À son sommet, on apercevait une grande image qui représentait le nouveau blason de la ville. On y voyait une seringue médicale posée sur un oreiller, avec cette devise : hygiène et modération. - Car l’hygiène et la modération sont les deux mamelles du vivre ensemble – mamelles stérilisées bien sûr, m’expliqua mon ami. - Allons manger un morceau, dis-je, je crois que j’en assez vu. - T’as raison, allons nous taper la cloche. →

Je ne reconnus rien des abords de la gare. Tous les anciens immeubles avaient été remplacés par de grands blocs de verre éblouissants, rectilignement alignés, que mon ami qualifia de « havres luminescents à énergie positive ». Je trouvais surtout qu’ils ressemblaient à des cliniques d’hôpital, mais je n’osais en faire la remarque à mon ami, pour ne pas heurter son enthousiasme. « Il sont entièrement éco-responsables et biodégradables ! » ajouta-t-il avec fierté. Après avoir marché quelque temps, et dépassé la place Darcy, nous parvînmes à la rue de la Liberté, qui s’étalait dans toute sa longueur. Mon ami, me saisit alors par le bas. - Chhhhhhut ! Faisons moins de bruit, nous arrivons au centre-ville. - Pardon ? - Oui, il est interdit d’y parler trop fort pour ne pas troubler la quiétude des riverains. Le chuchotement est devenu obligatoire. Mais mieux vaut encore rester silencieux, enfile plutôt ces patins hygiéniques au lieu de 58


Pas facile de stationner rue Berbisey en 2050.

Nous patinâmes quelques centaines de mètres jusqu’à la fameuse cité de la gastronomie, qui se présentait comme un gros container de paquebot posé sur l’ancien hôpital, avec la légèreté d’une brique tombée sur un gâteau à la crème. - Tu vas voir, Dijon est toujours mondialement célèbre pour sa gastronomie. On y mange toujours aussi bien – mais modérément bien sûr. Important ça, la modération… - Ça tombe bien, voilà des années, trente-cinq pour être exact, que je n’ai pas mangé un bon vieux bœuf bourguignon. - Du bœuf ? Ah, non mais c’est fini ce temps-là. Dijon est devenu un endroit entièrement végétarien. Toute cette souffrance animale, c’était trop cruel. Désormais la ville s’enorgueillit de son label « eau plate et salade verte » que lui octroient chaque année les critiques gastronomiques anglo-saxons. Mais, il y a des plats végétariens tout bonnement succulents. Je te recommande la bouillie de salsifis au gingembre allégé, elle est excellente, mais si tu préfères la cuisine traditionnelle tu peux te rabattre sur l’émulsion de gélatine de papaye à la moutarde lyophilisée. - C’est de la cuisine traditionnelle ? - Bien sûr, il y a de la moutarde. - Je crois que je vais me contenter de boire un coup. - À ta guise. Qu’est-ce que tu veux boire ? Un kir concombre ? Un kir céleri ? - Sans façon, une bonne bouteille de vin plutôt. - T’as raison, rien ne vaut les classiques. C’est moi qui régale, ça me fait plaisir. Garçon ! Apportez-nous une bouteille de Romanée-Jackson ! - Romanée-Jackson ? - Oui, le domaine a été racheté par un informaticien américain qui lui a donné son nom. De toute façon, cela faisait désordre de conserver ce nom d’Ancien Régime… La recette a un peu évolué, mais c’est toujours le meilleur vin du monde, tu vas voir. Tandis qu’il m’en vantait les mérites, mon ami remplit mon verre d’un liquide bleu vif et pétillant d’où s’échappait une sorte de mousse verte et fumante. - Tu peux y aller franco, c’est sans alcool. On l’a retiré de nos vins, car c’était très mauvais pour la santé, alors que cette nouvelle recette est riche en bifidus et en oméga-5, c’est beaucoup plus raisonnable ainsi. Tandis que je dégustais mon verre de Romanée-Jackson, soudain je vis mon ami se mettre à trembler de tout son corps, comme pris d’une soudaine panique. - Oh non ! Non ! Pas lui… Je me retournai pour voir ce qui l’effrayait à ce point, et je vis surgir un vieillard voûté en veste bariolée, qui portait une guitare fleurie en bandoulière et une petite trompette de plastique jaune en sautoir. Je n’en crus pas mes yeux d’abord, mais je me rendis compte que c’était lui, c’était bien lui, toujours là, Gérard Gagnant ! Il avait un

peu vieilli, mais il n’avait pas changé. Le tonitruant chanteur des rues était toujours actif. Il salua l’assemblée par le signe V de la victoire, mais au moment où il se saisit de son instrument pour entonner l’une de ces chansons dont il avait le secret, soudainement jaillirent deux policiers en uniforme blanc qui lui lancèrent un rayon paralysant. Le corps vitrifié de Gérard Gagnant fut aussitôt transporté dans une ambulance en direction de la prison-hôpital de la Chartreuse. - Ouf, me dit mon ami, un peu plus et il allait se mettre à chanter. La situation risquait de devenir tout à fait déraisonnable, il y aurait eu du désordre, ça aurait été horrible ! Nous l’avons échappé belle. Heureusement que les « agents du maintien de la convivialité tempérée » sont intervenus. Pour nous remettre de ces émotions, que dirais-tu d’une bonne balade ? Allons faire un tour au parc ! - Avec plaisir. Le temps de remettre mes patins hygiéniques. Notre visite de Dijon se poursuivit donc. Elle nous conduisit vers la place Wilson, puis le long des allées du Parc, dont les demeures paraissaient plus rutilantes que jamais. Je n’arrivais pas à savoir si ces maisons étaient devenues plus riches qu’autrefois, ou si c’est moi qui me sentais plus pauvre. Enfin nous arrivâmes au parc de la Colombière. - C’est vrai que depuis que je suis revenu à Dijon, je n’y ai pas encore vu un seul arbre. - Ah, et bien si tu aimes les arbres, tu ne seras pas déçu par le nouveau parc. Le spectacle auquel j’assistais alors était proprement stupéfiant. Il n’y avait plus dans ce parc, ni plantes, ni feuilles, ni fleurs… Toute forme de végétation en avait été bannie. Il n’y avait plus qu’une vaste étendue de béton, d’où émergeaient des troncs… des troncs blancs… des troncs blancs qui tournaient sur eux-mêmes ! L’œuvre de Didier Marcel qui ornait jadis la rue de la Liberté avait été multipliée en si grand nombre qu’elle formait à présent une forêt entière. - Oui, m’expliqua mon ami, les anciens arbres étaient beaucoup trop salissants, avec toutes leurs feuilles et leurs racines. Nous les avons proscrits de la ville pour les remplacer par ces admirables arbres blancs. Mais rassure-toi, grâce à leur rotation, ils produisent de grandes quantités d’oxygène. Ainsi donc, la métamorphose de la ville qui avait commencé au début des années 2000 avait été achevée en quelques années à peine. Dijon, en 2050, était définitivement devenue une ville lounge et bienpensante. J’en avais trop vu. Je pris congé de mon ami et je quittai la ville de Dijon. Une fois que je fus rentré chez moi, c’est sans regret et sans la moindre hésitation, que je retournai dans ma cave pour m’y enfermer à triple tour, et y finir mes jours, seul, en compagnie de mes chères bouteilles de vin. Pour vivre heureux, vivons bourrés. // G.A. 59


mÉdias

miroir, mon beau miroir PaR marie tello illustration : pierre roussel

Rencontre au Saint-Nicolas avec l’équipe du Miroir Mag, de la bière, des bonnets et un t-shirt de Nirvana. On se retrouve avec Lilian, 23 ans et demi, qui assurait les fonctions de journaliste et accessoirement celles de directeur de publication et de gérant, Valentin, 23 ans tout court, journaliste et community manager, et Jonas, 32 ans, photographe (le seul métier qui paye un peu), et concepteur des maquettes du magazine. Avec Marion et Nicolas, journalistes qui géraient aussi la partie commerciale, et Jérémie, le rédac’ chef, ils ont vécu pendant plus d’un an et demi l’aventure Miroir Mag, un magazine et site Internet d’information locale qui s’est donné pour mission d’être innovant, décalé, au plus proche du caractère de ses journalistes. Ils avaient déjà sévi dans la cité des Ducs avec dijOnscOpe, un site grâce auquel ils ont mis les pieds dans le plat de l’actu dijonnaise pendant 4 ans, un drapeau anti-censure à la main. Retour sur 20 mois de vie journalistique. Comment a démarré l’aventure du Miroir Mag ? Jonas : À la fin de dijOnscOpe, on s’est dit qu’on aimait bien cette façon qu’on avait de bosser, qu’il y avait vraiment une place pour un média comme celui-là, et qu’on voulait continuer sur la lancée, et surtout, ne pas laisser cette place à d’autres ! On a lancé le site Internet rapidement pour pas perdre l’esprit, même si on voulait trouver un ton moins militant. Lilian : On a attribué l’échec de dijOnscOpe au modèle économique qu’on avait mis en place, alors on a voulu le remanier. On a réussi à recréer un modèle qui nous plaisait, avec le support numérique dès mai 2013 et le support papier 8 mois plus tard. Valentin : C’est surtout l’envie de faire un magazine papier qui a réuni tout le monde. Les articles sont plus profonds, on peut mieux les développer. Sur Internet, un article trop long, ça recale les gens. Et surtout, approfondir cette manière particulière de traiter l’info, en mettant l’humain au cœur de l’article, en faisant parler les gens, pour créer cette ambiance, ce contexte particulier qui rendait nos articles atypiques.

nous n’est commercial. L : Y’a plein de trucs qui faisaient pas partie de notre formation initiale, mais c’était super enrichissant. Jonas a appris à mettre en page un magazine papier ! J : Ouais, j’avais appris avant, quand même. L : On a manqué de notoriété et de moyens humains, mais 90% des gens qui nous connaissaient étaient satisfaits de notre travail. Mais voilà, on a manqué de personnes et de temps pour se faire connaître. Pourtant, le bouche-à-oreille a super bien fonctionné. Le peu de gens qu’on a touchés étaient ravis. Ça a prouvé que ce qu’on aimait faire, même avec une totale liberté, pouvait atteindre les lecteurs. J : Et on avait une super réputation ! En tant que journaliste, on a su faire un bon média. Seulement, on n’a pas su le vendre, même si on avait des bons retours sur le mag et sur le site. Mais ça, c’est quand même pas mal pour des journalistes qui volent de leurs propres ailes. L : Ce qui a fait que ça n’a pas marché, c’est la mutation de la façon dont les lecteurs consomment la presse. C’est parti, j’enfonce une porte ouverte, mais il y a eu une complète révolution avec Internet qui a imposé des valeurs de gratuité et d’instantanéité. Aller dans un kiosque pour acheter un contenu, c’est plus dans les réflexes des gens. V : Oui, enfin, pour aller dans l’autre sens, même si le Web a tout facilité, tu accordes toujours plus de crédit à un magazine papier. Et nous, on a fait le pari que les gens seraient prêts à acheter quelque chose de qualité et de pérenne. L : En fait, on a fait ça dans la meilleure et la pire période pour la presse, en pleine réinvention. Et ça nous a donné une espèce de lucidité, de clairvoyance. V : Putain, on parle bien, ce soir. Sur fond de Nirvana, c’est magnifique.

Et… Comment ça a pu devenir la merde ? L : C’est jamais vraiment devenu la merde parce qu’on a arrêté à temps. Le modèle économique qu’on avait mis en place était trop faible pour faire vivre 6 personnes à la fois. En fait, même si on était à l’équilibre avec les abonnements et la pub, on n’a jamais eu l’occasion de verser un seul salaire à qui que ce soit. V : Même pas un verre au Mac Callaghan. L : L’aventure a été possible parce qu’on s’est investis en bénéficiant des Assedics ou en vivant chez nos parents comme des ados, mais au bout d’un an et demi, on a quand même eu besoin de payer des loyers et de la bouffe. V : On a dû tous s’y mettre pour trouver de la pub, alors qu’aucun de

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L : Ce que je retiens de cette fermeture, c’est le réveil tardif des gens, c’est ça qui fait chier. Avant-hier, on a eu un coup de fil d’un annonceur pour mettre de la pub dans le prochain numéro. C’est chaud de pas suivre à ce point-là.

« Le ministère a appelé deux heures après la publication de l’article, en nous demandant de le retirer »

Un détail, une anecdote croustillante ? V : Ah ouais, j’en ai une bonne. Nos locaux étaient au 44 rue Verrerie, qui était avant un bar à demoiselles. Le bureau du rédac’ chef était pile à l’endroit de l’ancienne barre de pole dance, et c’était génial, parce que ça correspondait exactement au caractère de Jérémie. Non mais, à l’endroit où les gens mettaient les billets dans la ficelle. L : Moi je me souviens surtout de l’énergie pendant la création. C’était putain de grisant. Je me suis retrouvé dans des endroits de dingue, comme pour le dossier sur la ruralité, dans des fermes, des bistrots perdus, où les gens s’ouvrent à toi. V : J’ai connu ça avec des intermittents du spectacle. On était au-dessus du Zénith à 4h du matin pour préparer la mise en scène de Chantal Goya, et on se disait : partager du quotidien des gens, c’est énorme. J’ai aussi toujours le chapelet que m’avait offert la secte des bois qui priait la Vierge. J : Perso, j’avais bien apprécié les élections municipales. On a eu l’exclusivité, on a pu approcher les deux candidats dans leur quotidien, parce qu’ils appréciaient notre travail et qu’ils nous faisaient confiance. C’est une belle reconnaissance. Jérémie savait bien faire son boulot. J’avais toute la latitude pour faire ce que je voulais, et je maîtrisais l’ensemble de la chaîne. J’avais pas le risque de voir une de mes photos coupée en deux pour gagner de la place sur un article, tu vois.

Des choses à dire, des gens à engueuler, d’autres portes ouvertes à défoncer ? L : Aucun regret, je suis pas du tout rageux sur ce coup-là. Je peux pas dire que tous les gens qui nous ont pas lus sont des connards, au contraire, les lecteurs nous ont plutôt suivis. Le jeu médiatique faisait qu’on savait à quoi s’attendre en fait. L’exemple le plus marquant, ça a été l’interview de Rebsamen. Jérémie et lui se connaissaient bien, du coup, pendant l’interview, il a vraiment dit ce qu’il pensait, il a raconté ses sorties, il a parlé de Michel Sapin… On a eu l’impression qu’il se lâchait, mais en fait, pas du tout. Le ministère a appelé deux heures après la publication de l’article, en nous demandant de le retirer. Nous on était OK pour le dépublier, mais seulement en attendant leurs retouches… V : Alors qu’ils l’avaient partagé sur les réseaux sociaux ! Mais ça, c’était avant de le lire. Du coup, on l’a mis hors-ligne en attendant la suite, et en fait, pour eux, c’était pour jamais. Le papier dépublié a fait un buzz de dingue, parce que des sites comme celui du Monde étaient dessus pour relayer l’info, et au moment d’actualiser, pouf, plus rien. On l’a remis en ligne le lendemain. Après, on se met à la place de Rebsamen, il se fait engueuler par Matignon, c’est pas super. Mais ils ont dit qu’on avait menti, alors qu’on a réécouté toutes les bandes de Jérémie, tout était vrai. L : Au final, ça nous a pas empêché de dormir, mais c’est le truc qui nous a gêné : l’hypocrisie de ce métier. V : Après, y’a eu plein d’autres moments géniaux : t’imagines pas le bonheur quand quelqu’un rentre dans la rédac, juste pour savoir ce qu’on fait, qui on est. L : Pour moi, le surkiff, c’est quand quelqu’un a cité un de mes articles à un repas, sans savoir. L’info l’a marqué, il l’a retenue, et ça lui a resservi dans une discussion. Quelle fierté !

Et pour la suite ? V : Vas-y Lilian, commence, toi t’es endurant, moi je suis trop rapide. L : Mmh… Ben moi je vais prendre du recul sur ce milieu-là. Mais c’est à titre personnel, c’est une évolution de ma vie d’homme. Le journalisme me correspond vraiment, être un citoyen parmi les autres, mais privilégié pour ce qu’on peut voir et vivre, ça me plaît. Mais le journalisme local, le cadre ne me convient pas, les réseaux… V : … BDSM ? L : Par exemple ! Non, ces réseaux impliquent une certaine hypocrisie qui me fait me demander si je suis prêt à faire ça, à mettre des valeurs de côté. Je dois vraiment prendre du recul, je sors de mes études, je suis pas fini. Sinon, en vrai, je suis mécanicien à La Bécane à Jules. Venez me voir, achetez des vélos ! J : Moi, je vais continuer la photo, tant qu’à faire, puisque j’ai quand même le seul métier qui paye un peu. Je vais probablement bosser pour un magazine régional. V : Je suis pas sûr de revenir vers le journalisme de sitôt. Ça m’a pas dégoûté, mais je veux travailler dans la communication. D’ailleurs, ça m’a vachement aidé dans ce milieu-là, pour les mécanismes surtout. On est comme des cuves à vin, on a mûri, on est meilleurs. // M.T.

Comment vous avez vécu la fermeture ? L : Au final, il y a eu très peu de retombées, et pour cause : on était le 6 janvier, et il y eu Charlie Hebdo le lendemain. V : Le climat de merde qui s’est installé après, ça a fait une fermeture très nette. Mardi, on arrête, mercredi, on prend tous un gros coup sur la tête, ça a été une semaine bien pourrie. L : Mais on a quand même eu des courriers, du soutien. V : On n’a pas eu un seul courrier qui disait : « C’est bien fait pour vos gueules ». C’est dommage, on aurait bien aimé cracher ! 61


légende

le shaker, retour vers le futur

Un bar mythique des 80’s dijonnaises.

D

ans les années 80, Dijon roupillait sous l’ère Poujade. Pas d’embarras du choix pour sortir, il ne se passait quasiment rien, sauf ce qu’on organisait. Et au niveau des bars, c’était l’éclate : le Glacier et ses mémères bleu marine d’un côté, de l’autre la Pomme d’Or vers la gare, lieu de prédilection pour les bastons de légionnaires. Il y avait quand même une paire de bars sympas, le plus atypique étant l’Inoxydable, devenu ensuite le Shaker rue des Perrières. Le patron, grande gueule et grand cœur, nous saluait d’un sonore « Bonjour jeunesse décadente dijonnaise ! », on était chez nous. Le Shaker était l’un des seuls bars qui accueillait les punks, mais pas que les punks - et c’est cela qui faisait sa différence. Vieux esseulés, doux dingues, travestis, petites frappes côtoyaient une imparable collection de crêtes colorées et d’épingles à nourrice en sautoir. Pour la musique c’était simple, on apportait nos cassettes. Comme à la maison. On payait ou pas. Et quand le patron ou Didier le barman étaient occupés ailleurs, on passait derrière le bar pour servir. Il y avait ce vieux beau qui arrivait en Italienne décapotable et qui fabriquait des bracelets en latex noir. Et il y avait toute notre bande de potes, la jeunesse décadente dijonnaise biberonnée à Joy Division et New Order, aux Smiths, aux Cure, à Suicide, à la musique indus’. →

PaR chan haut les badges photos : DR

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Galerie de portraits. Il y avait le punk Soleil, que l’on avait surnommé ainsi parce qu’il avait une magnifique crête jaune qui rayonnait. « Tu sais, c’est de l’entretien une crête. Faut jamais mettre du sucre pour la faire tenir. L’autre jour je faisais du stop vers Autun, personne pour me prendre et l’orage qui déboule, j’étais tout poisseux et ma crête, elle était en vrac, la tronche que j’avais. Jamais mettre de sucre j’te dis. » Il y avait l’Écrepince, un vieux gars qui vivait seul. Enfin pas vraiment car sa passion était l’élevage d’écrevisses. Il était intarissable sur le sujet et comme on était gentils, on l’écoutait : « Alors tu vois, les écrevisses, zzzzzzzzzzz. » Il y avait la Jeanne Mas, un travesti à la ressemblance frappante avec la susnommée chanteuse. « Figure-toi que je vais à l’ANPE, ils me demandent mon métier, je réponds travesti et ils me disent que c’est pas dans leur répertoire. Ben j’y peux rien, faut qu’ils se mettent à jour. » Il y avait Dominique, engoncé été comme hiver dans le pull tricoté par sa maman. Il passait ses journées en hôpital psy et tous les soirs filait au Shaker « retrouver les copains ». Il adorait chanter « Au nord, c’était les Corons » en mettant la main sur son cœur. On n’adorait pas vraiment l’écouter mais on l’applaudissait avec enthousiasme. Il y avait deux vieux marlous qui avaient fait les 400 coups. Le plus vieux était fan de Luis Mariano « Je vais vous chanter Mexico les jeunes, mais je pose mes dents des fois que ça déclenche la baston » - ce qui donnait invariablement, une fois le dentier posé sur le bar « Mes chicooooooooots ». Trop beau pour être vrai mais pourtant vrai.

Shaker – juste un Pacman qui traînait. Il n’y avait pas non plus de télé, mais on s’intéressait aux actualités politiques et sociales. Je me souviens de ce soir de 1986, en pleine grève étudiante, où Malik Oussekine a été tué par la police et où l’un d’entre nous est entré en courant « Putain, les voltigeurs ont tabassé un mec à mort après la manif à Paris ! » Démission du ministre Devaquet, dissolution du corps des voltigeurs, manifs de soutien, on a tout suivi de près. Et quand l’heure de fermeture arrivait, on allait traîner dans des lieux improbables ou alors on se retrouvait chez moi, au coin de la rue. La nuit se poursuivait. // C.H.L.B.

Radio, live transmission Listen to the silence, let it ring on Eyes, dark grey lenses frightened of the sun We would have a fine time living in the night Left to blind destruction Waiting for our sight And we would go on as though nothing was wrong And hide from these days we remained all alone Staying in the same place, just staying out the time Touching from a distance Further all the time

These days. Il se passait toujours des choses au Shaker, de façon désordonnée et pas vraiment planifiée, au gré des humeurs et des événements. Il neigeait ? On organisait un concours de sculptures de glace, qui finissait évidemment en sculptures phalliques. La Jeanne Mas avait des baskets toutes pourries ? On faisait une soirée de soutien pour lui en payer des neuves. Dominique en profitait pour nous chanter une version de Pierre Bachelet à tirer des larmes à un terril et la Jeanne Mas allait se maquiller dans les toilettes pour ressortir plus vraie que la vraie avant de faire son show. (Notons au passage que les toilettes servaient par ailleurs à beaucoup d’activités ludiques et plus ou moins licites). Envie d’une soirée déguisée ? Un copain avait en stock de vieux uniformes de l’armée qu’on accessoirisait de brassards Mickey, lunettes noires et bijoux divers. New Model Army. Il n’y avait pas de jeux au

Dance, dance, dance, dance, dance, to the radio Well I could call out when the going gets tough The things that we’ve learnt are no longer enough No language, just sound, that’s all we need know To synchronise love to the beat of the show And we could dance Dance, dance, dance, dance, dance, to the radio Joy Division – Transmission

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welcome to my hood

Grésilles, concrete jungle

PaR lilian elbé photos : collection privée F. Raclot, Jonas jacquel

Ah, Dijon et sa grande histoire... Les Ducs de Bourgogne, le Palais des Etats, la Maison Millière, le parcours de la Chouette... Quel bonheur de passer tes jeunes années dans une ville au passé si présent dans ton quotidien. Non ? À part vomir le jeudi soir sur les vieux pavés d’une ruelle du centre historique, c’est vrai que tu t’en fous un peu de l’Histoire. Pour toi, les fascicules de l’Office de Tourisme, le parcours de la Chouette et les balades en Segway, c’est du bullshit sauce moutarde. Tu préfères chiller en fin de journée dans ton quartier. Le Dijon d’au-delà les remparts du centre-ville (ouais, il y avait des remparts il y a 150 ans, lis-les au moins une fois les

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fascicules, s’il te plait), le Dijon où habitent tes parents, le Dijon des lignes de bus, le Dijon à la cohérence urbanistique un peu louche. Ton quartier, tu en es fier, tu l’as vu évoluer. Grésilles, Canal, Toison d’Or, Greuze et Petit Cîteaux représentent. Mais connais-tu vraiment l’histoire de ton quartier ? Dans chaque numéro, on te raconte la naissance et l’évolution d’une de ces parties de la ville dont on ne parle jamais. Origines, histoire, mutations, il faut voir la ville en quatre dimensions, comme disait ce cher Emmett Brown. Tu sais que t’habites dans une ville passionnante ?


A

ujourd’hui, on file à l’est, direction le ter-ter. Les Grésilles. Brrrah ! Dans l’esprit du bon Dijonnais aujourd’hui, les Grésilles, c’est encore une expression qui fait peur. Un fait-divers en soi. « Tu te calmes, on n’est pas aux Grésilles ici, hein ». Dans sa tête, c’est la tess’ par excellence, Enquête exclusive et Bernard de la Villardière en gilet pare-balles. Dans l’esprit du politicien au contraire, on n’emploie surtout plus l’article défini. On dit « Grésilles » tout court. C’est moins stigmatisant à ce qu’il paraît. Politiquement correct, il serait effectivement temps de l’être. Et dans ton esprit à toi ? Grésilles ? Un vague arrêt de tram’ direction Campus, tout au plus ? En réalité, l’histoire de ce quartier est symbolique de toutes ces banlieues françaises d’aprèsguerre. Un destin déchu, basé sur une utopie urbanistique des années 50 et rattrapé par la réalité sociale de la décennie 1980. Construction, démolition, re-construction, les Grésilles ont vécu en accéléré ce qu’une ville peut vivre sur deux siècles. Soixante ans d’histoire intense, dont on cherche aujourd’hui à gommer les erreurs, en gardant les quelques bonnes idées. Car oui, il y en avait quelques-unes à l’origine, qui feraient rougir certains projets urbains actuels.

centaines de gros volets rouges. En 56-57, deux sosies sont érigés sur le même modèle, Epirey et les Lochères : 250 appartements environ par immeuble, soit près de 3.000 personnes logées dans une totale logique de rationalité. Le tout est inclus dès l’origine dans un vaste plan d’urbanisme couvrant toute la petite colline maraîchère, incluant de plus petits immeubles (Boutaric, Paul Bur, Réaumur...), des squares, une église futuriste, des équipements et des commerces. Le tout orienté, aujourd’hui encore, autour de la fameuse «place centrale», le cœur de vie du quartier. Il y a même la toute première grande surface de Dijon, le Suma. Et au pied des bâtiments, les urbanistes ont inclus des dizaines de pavillons jumelés. Les prémices de la mixité sociale, en quelque sorte.

« Golf, VR6, pneus qui crissent, silence brisé par les sirènes de la police. Polos façonnables, survêtements minables, mères aux traits de caractère admirables »

Une idée de chiottes. Retour en 1950. Passé l’Auditorium, pardon, la ligne de chemin de fer et la vinaigrerie Bernard, Dijon n’est plus. Pas de rocade au loin, de Grand Marché Quétigny ni même de Saint-Apollinaire. Les Grésilles ? Une petite colline aux activités agricoles et maraîchères. Des champs. La guerre est terminée, c’est le début des Trente Glorieuses (définition p.24 de ton manuel d’histoire de Terminale) et la société change. Après l’ère du prolétariat, place à la vie moderne et au confort. C’est le grand exode, tout le monde quitte son Morvan et sa campagne natale et veut trouver un emploi d’avenir, du confort à la ville. Chaque année, +1000 élèves débarquent dans les écoles dijonnaises. Coucou, les classes moyennes ! Sauf qu’à Dijon comme dans toutes les capitales régionales de France, il n’y a plus de place intra-muros. Surtout pour des jeunes familles avec trois enfants. Il faut urbaniser, repousser les murs – non, plus les remparts. L’Administration centrale, depuis Paris, impose donc en 1951 son propre plan d’aménagement, basé sur une idée unique et applicable à toutes les villes de France : « Les gars, on a eu une idée : on va faire du moderne, du révolutionnaire ! Finis les bâtiments haussmanniens de six étages et la pierre, trop chère et trop longue à empiler, on va bâtir une ‘cité’. » Aucune connotation négative là-dedans, bien au contraire. Le concept de cité est inspiré à 95% d’une utopie architecturale de génie : la Cité radieuse, du Corbusier. En 1947, cet architecte a fait construire à Marseille une tour résidentielle de plus de 300 appartements sur le principe de l’empilement vertical. La ville, la cité, C’EST le bâtiment. Tout se passe à l’intérieur. Les couloirs sont des rues, avec tous les services et commerces que l’on peut imaginer. Sur le toit, une piscine. Pour l’époque, c’est comme vivre à bord de l’Enterprise. Pour l’Administration centrale, c’est l’avenir. Ce projet représente tout un mode de vie moderne, urbain, concentré. Mais elle voit surtout là une solution à toutes ses contraintes économiques plutôt que la véritable expérimentation du logement collectif futuriste : étalement vertical pour un gain de place, économies d’échelle et rapidité de construction. Il y a de la demande, faut construire beaucoup, vite et pas cher. Alors les archi de l’État décident de reproduire partout en France de pâles copies à la chinoise de la Cité radieuse en rognant sur un peu tout. Les plaques de béton des façades sont préfabriquées au sol et boulonnées à la va-vite sur une structure métallique, adieu la piscine, les commerces dans le bâtiment, les duplex deviennent des appartements sur un seul niveau et les salles de bains mesurent environ un mètre carré. Un placard, quoi. C’est ainsi que dès 1953, la première barre dijonnaise, Billardon, commence à sortir de terre. Bam, quatorze étages dans ta face, et des

À la fin des travaux, les Dijonnais sont sur le cul. Dans une sorte de fascination craintive, ils envient ceux qui ont accès à ce nouveau mode de vie ultra-moderne, avec les toilettes et une douche dans l’appartement, et non plus au fond du jardin ou sur le palier. La ville, ses immeubles et leurs toilettes non plus au fond du jardin mais dans une véritable salle d’eau, renvoie une image plus que positive. Et dès 1962, une nouvelle forme d’immigration apparaît : l’arrivée des rapatriés d’Afrique du Nord, puis de certains de leurs ressortissants. Sur Dijon, le quartier des Grésilles a alors le plus gros potentiel pour loger une nouvelle maind’œuvre capable d’ailleurs de construire ces mêmes bâtiments. En 1968, le quartier atteint son maximum d’habitants heureux : 15.000. Mais c’est précisément à cette époque que les mentalités évoluent... →

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« Attends, t’as vu la tête des immeubles ?! Hey, même nos lapins ils sont mieux logés »

1ère , 2ème , 3ème génération. Seulement dix ans après leur sortie de terre, les barres des Grésilles ne symbolisent déjà plus l’avenir. Elles vieillissent très mal, tandis que d’autres cités commencent à naître à Fontaine d’Ouche ou Chenôve, plus modernes. Les habitudes de confort changent et les salles de bain autrefois considérées comme luxueuses deviennent exiguës : une baignoire sabot et un petit lavabo reliés par un même robinet flexible ne suffisent plus au confort moderne. La première génération de résidents s’en va, tandis qu’une nouvelle population demande à venir dans le quartier. Celle qui précisément l’a construit, issue de l’immigration. Quand ils bossaient sur le chantier, les travailleurs maghrébins du bâtiment rêvaient d’accéder à ce confort de vie. Mais à ce moment-là, ils dormaient pour la grande majorité dans le bidonville de la Charmette, au nord de la ville (on te racontera ça dans un prochain numéro). Alors quand la tardive notion de décence impose à la collectivité de les loger, comme les premiers habitants commencent à déménager des Grésilles, l’Opac loge cette nouvelle génération d’immigrés à leur place. Expatriés, ils retrouvent là, ensemble, un langage commun, une culture. Sauf que les immeubles se dégradent déjà. Dès la fin des années 70, l’Opac tente de rafraîchir les façades qui s’effritent, de rogner sur le nombre de logements par barre pour procéder à des agrandissements, mais ça ne suffit pas. C’est mal construit et les équipements utopiques seulement sur le papier ne correspondent pas aux besoins de la nouvelle génération. Penses-tu, un quartier avec une église catholique comme centre de gravité c’est un peu moyen quand tu as grandi dans la foi musulmane... Mais malgré le sentiment nouveau d’ostracisme et d’oppression au milieu de ces hauts murs qui se délitent, de l’autre côté du boulevard Champollion, la ville continue à faire construire de nouvelles résidences, certes moins hautes mais toujours sur le même modèle : c’est le quartier « Grésilles extension », aux abords du parc.

Mais avant cet aveu d’échec, les Grésilles ont connu vingt années de galère. Celle de la troisième génération, celle des gosses, des bandes, du rap et du désœuvrement total sur la place centrale. En 1991 avec les potes, en survet’ Tacchini, calés sur les bancs à saluer les darons qui prennent aussi le soleil pendant que les petits frères font les cons en bicross, on se demande bien ce qu’on va foutre après Champo’. Surtout avec un taux de chômage à 30%... À l’horizon des années 90, c’est la périclitation totale. Dijon a peur des Grésilles, a peur des jeunes, sans trop chercher à comprendre pourquoi. On classe le quartier en zone urbaine sensible, tu parles... Et notre bon vieux Dijonnais commence à voir sa chère colline maraîchère, dans laquelle il n’a plus jamais remis les pieds, comme l’Enfer : mal famée, où règne l’insécurité. « Et où les jeunes zonards brûlent les voitures des ouvriers, pfff. » Sauf que ça ne date pas d’hier. Dès le début des années 60, les gosses des premiers résidents se constituaient déjà en bandes. La bande des Grésilles, comme on l’appelait, s’amusait à faire peur aux passants le soir et à voler les mobylettes aux gosses des autres quartiers. Des petits blonds, habitant eux aussi Paul Bur, Réaumur, pas plus résistants à l’effet de concentration et au désœuvrement ! « Désolé, on a merdé ». Le 1er octobre 1992, la ville de Dijon reconnaît enfin son erreur dans un immense vacarme : Epirey est la première des trois grandes barres à être implosée... seulement 35 ans après sa construction. Trois décennies et le bâtiment est hors d’usage, foutu tant architecturalement que socialement. Il n’y a plus rien à en faire, la Cité radieuse version low-cost, ça ne marche décidément pas (à l’inverse, celle du Corbusier à Marseille est encore debout et ses duplex valent aujourd’hui une petite fortune). Alors on plastique tout, et les badauds s’amassent sur le trottoir en 2003 pour voir la plus symbolique, Billardon, s’effondrer. La plupart applaudissent, d’autres pleurent discrètement. Certes ce n’était pas reluisant, mais ils étaient des centaines d’anciens gamins à avoir grandi là, couru dans les couloirs, écouté bien trop fort leur K7 audio, invité leurs potes à jouer à la Sega sur la télé du salon et rêvé de motocross dans leurs draps Star Wars la nuit. Malgré le cliché et la stigmatisation, les habitants des Grésilles savaient que l’insécurité dans le quartier tenait surtout du fantasme. On avait bien plus à s’inquiéter de sa fin de mois que des tags des gamins de quatorze piges sur le rideau de fer de la droguerie de la place centrale. →

Au début des années 80, la ville prend conscience qu’elle s’est plantée. Ce n’est plus l’ambiance Trente Glorieuses, plus le même climat social. La dégradation des bâtiments est proportionnelle à la dégradation de la qualité de vie. Au début des années 2000, le maire Rebsamen admet à son tour que « l’utopie d’un temps » n’a pas fonctionné. « Les coursives n’ont jamais fait des boulevards, des rues ou des lieux de rencontres conviviaux », écrit-il dans un ouvrage à la mémoire des habitants de Billardon.

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« Aujourd’hui, le problème des bâtiments et des équipements a quasiment été résolu »

boutiques ont été déplacées une centaine de mètres plus loin. Nouvelle place centrale, nouvel espoir. La DDASS, la Sécurité sociale et une partie du conseil général y ont même installé leurs bureaux. Tout un symbole. Des nouvelles halles pour le marché et des commerces de proximité (pharmacie, opticien, tabac-presse) sont tenus par les gars du quartier. Si, tu sais, les racailles qui n’avaient aucun avenir il y a vingt ans. L’État a compris que savoir vendre du shit et gérer le stress d’une cinquantaine de clients avec trois Sagem témoignait peut-être d’un certain génie commercial, et qu’il fallait simplement leur donner un coup de pouce. À ce qu’il paraît, il y fait aujourd’hui « bon vivre » aux Grésilles : d’après la collectivité, « il y a neuf ans, 70% des habitants des Grésilles déclaraient vouloir quitter le quartier. Aujourd’hui, ils sont plus de 70% à vouloir y rester ». Bon, les gamins s’emmerdent certes toujours encore un peu, nostalgiques de l’époque des grands frères et de Ma 6té va crack-er, mais pas de quoi effrayer un jeune de Greuze. À moins que ça aussi, ce soit un autre cliché bien dijonnais... On en reparlera. // L.E.

Eh oui, c’est le luxe des pauvres, ils ont autre chose à foutre que de s’inquiéter de l’état des communs et des nuisances de voisinage. Se plaindre de la hauteur de la haie de son voisin ou passer ses journées à le scruter derrière les volets, c’est des problèmes de riches tout ça. Tous dans la même galère, et tout le monde se salue au pied des barres. C’était ça la réussite urbanistique du quartier populaire : mettre le paquet sur le collectif, sur l’espace public, pour stimuler les échanges, la rencontre. Une idée bien trop oubliée aujourd’hui dans les plans d’aménagement d’éco-quartiers pavillonnaires. Aujourd’hui, le problème des bâtiments et des équipements a quasiment été résolu. Depuis quinze ans, des dizaines de millions d’euros sont investis chaque année pour reconstruire du résidentiel collectif plus sain. Les erreurs ont été rasées, restent à résoudre les problèmes socio-culturels, mais qui ne sont cette fois plus spécifiques au quartier. Il n’y a qu’à faire un tour sur la place centrale des Grésilles pour voir le travail accompli. Les anciens commerces, qui avaient laissé un temps la place à des taxiphones, sont aujourd’hui rasés et les

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la sélection musicale d’arthur par arthur gérard

Levon Vincent – LP. Découvert par un mix publié à la suite des émeutes de Londres en 2011 nommé Peace in the Streets, j’ai compris que Levon faisait partie des gentils. Pas une once de gras dans ce mix dont les sons, loin d’être un appel au calme, montraient en fait une violence maîtrisée, où saccager des shops devait faire place à la lutte organisée. En 2015, Levon file son album à télécharger gratos. Le topo : un clair-obscur dingue, une ombre menaçante plane mais on se sait entre de bonnes mains, comme lors d’un premier fist prodigué avec délicatesse, où l’angoisse des chairs distendues fait place à beaucoup, beaucoup d’amour.

Dan Deacon – Gliss Riffer. En 2015, Dan Deacon se sape comme un nerd chauve de 40 ans et crée un pont improbable entre Terry Riley et Konono n°1. Mais plus encore que ses albums, il faut assister à ses concerts fous furieux, véritables expériences de lubrification sociale où l’on assiste à l’implacable mise en mouvement du plus stoïque des publics. À grand renfort de jeux de danse, Dan joue les G.O, injecte un peu de ridicule parmi les spectateurs et transforme savamment la réserve polie en gogolerie débridée. Ainsi juché au-dessus des nuées suantes, il donne, plus gros et amène que jamais, les directives pour que la foule aime la foule.

Vision Fortune – Country Music. Vision Fortune sont de joyeux farceurs. Si l’artwork représente bien une villa charmante en Toscane, cadre idyllique où le groupe a enregistré ce disque, les morceaux qui en découlent semblent avoir été composés dans un blockhaus hanté de Mordovie. C’est sec et ça breake dans tous les sens. Des vagues de drone te font prendre 10 ans d’un coup jusqu’à te filer des haut-le-cœur, le tout parachevé sur scène par un violent stroboscope, probablement pas homologué puisque j’ai failli avaler ma langue trois fois pendant le concert. Bref, ça tue et j’aurais bien vu ça comme la BO salutaire de Birdman, ce film bien flasque.

Girlpool - Chinatown. Il est loin le temps où, biberonné à la culture américaine, je m’imaginais les USA comme l’état terminal du fun, peuplé de Tortues Ninja rigolardes, de potes Goonies et d’Arnold et Willy immortels. La réalité, c’est que l’idéal a buggé, que le reboot ad nauseam de toutes les franchises est en cours et que la Dépression nous revient dans la gueule. Les meufs de Girlpool sont la survivance de cette ère où le moteur du progrès s’est mis à merder salement. La vie, c’est donc de traîner son ennui dans des cités factices, manger des sandwiches à la morve et se rêver en fille de Charles Manson plutôt que de Fox Mulder.

Ata Kak – Obaa Sima. Pendant que des drones survolent ta maison au calme et que tu angoisses à l’idée qu’un jour, on te retire le droit d’acheter de la mort-aux-rats le dimanche, des mecs œuvrent pour le bien commun en déterrant des bombes musicales. Entre Sixto Rodriguez ou William Onyeabor, les exemples de rééditions miraculeuses de cassettes cradingues affluent. Des DJs en font des edits qu’ils jouent pendant leurs sets. Puis, un documentaire d’un blogueur révèle alors le destin tragique de leur auteur (mort ou infirme si possible) et le néo-colonialisme continue à tout bouffer sur son passage. Cette tape est cela dit incroyable.

Brodinski – Brava. Mec, je reviens de Burning Man, c’était stylééé. On s’est mis bien. Le dernier jour j’étais tellement chaud que j’ai dansé 48h j’te jure. Dans l’avion je dansais encore, c’était l’hallu. Grosses sensations en tout cas, surtout pendant le grand feu où je me suis fait sucer par cette meuf que j’avais rencontrée à Coachella. Super touchant comme moment. J’ai aussi networké avec des mecs de chez Google, on a des projets d’applis mais je peux pas t’en parler. Ce que je peux te dire, c’est qu’on va disrupter le marché de la drogue. On veut faire un Uber drogue en gros, ouais. Sinon t’as écouté le nouveau Brodi ? Bien ?

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crash test par jeff buckler illustration : estelle vonfeldt

Tu t’es vu quand tu lis... Descriptif faussement sociologique et non exhaustif de certaines de vos lectures quotidiennes, hebdomadaires, mensuelles et trimestrielles, proposées par la fine fleur journalistique locale. Objet de culte ou meilleur moyen d’allumer un barbecue, les feuilles de choux élevées en pays dijonnais ne nous laissent jamais indifférent. Prends ça Charlie. Attention, si tu as moins de 30 ans, mieux vaut lire ce truc avec Google à proximité.

le journal du palais

Parce que ça a toujours fait papier recyclé. Parce que t’as remarqué qu’à la différence de Bing Bang, y’a pas beaucoup de photos. Parce qu’avant de le lire pour la première fois, comme un con, t’as toujours cru qu’il n’y avait que des articles sur des affaires judiciaires. Parce que tu cherches encore un article sur la JDA. Parce que tu t’es enfin rendu compte que ça parle aussi aux grands financiers du comté, + 21 % à l’ouverture des marchés. Tu es : Jean-Pierre Gaillard. Ou Christophe Hondelatte.

la gazette de côte d’or Parce qu’en libre-service devant toutes les boulangeries du coin, elle a remplacé le 21. Parce que c’est notre Métro à nous, les provinciaux. Parce que « c’est sûr » c’est apolitique, David Lanaud du Gray likes this. Parce que le nombre de sujets traités est aussi garni que le buffet des entrées d’un Campanile, refill. Parce que les essais de bagnoles par un notable du coin, prends ça Turbo. Parce que ça t’a jamais bouffé ta journée de lire La Gazette en entier. Tu es : dans la rue. Ou en plein déménagement.

le mag de la nuit

Parce qu’il tient dans ta poche, pratique. Parce que le poids des photos, le choc des mots. Parce que ça cultivait quand même ton côté voyeur avant l’heure, prends ça Facebook. Parce que tu te fais mal aux yeux en lisant l’agenda des sorties en fin de mag : soirée mousse au... ou soirée mix 80’s à l’... ou soirée mix 90’s chez... ou pas. Parce que l’annonce du Mac Carthy’s, plaisir improbable. Parce que tu t’es quand même bien foutu de la gueule de ton pote en photo page 24. Parce qu’il y a un nouveau kébab rue Jeannin. Tu es : Le mec qui attend son kébab rue Jeannin. Ou son pote.

le bien public

Parce que tu es le papa, tout simplement. Parce que tu peux aussi être le tonton con des dîners de famille, souvent. Parce que « Eul Bépé », évidemment tu l’as déjà entendu des milliers de fois. Parce que la cuisine à Danny c’est Top Chef en plus... Parce que le lundi, tous les joueurs de U13 du département peuvent voir les résultats de leur équipe et de leurs adversaires, même la B de Jours-lès-Baigneux. Parce que combien ça coûtait l’édito de Philippe Alexandre à la grande époque ? Tu es : un Dijonnais sur deux. Ou Tonton Stéph.

le journal du collège camille claudel

bing bang magazine

Parce que pour le fabriquer, vue la taille, c’est quand même beaucoup d’arbres à abattre. Parce que j’ai jamais compris la ligne éditoriale. Parce que très souvent après avoir lu Bing Bang, j’ai faim. Parce qu’aussi souvent après avoir lu Bing Bang, j’ai soif. Parce qu’il y a de belles photos, de pubs. Parce que je me suis jamais forcé à le lire. Parce que le nom le plus frappant des canards locaux. Tu es : Jeff de Bruges. Ou Savy 21 BMW.

Parce que t’as failli gagner le prix du journal de l’année 2014 aux derniers Sparse Awards... Failli. Parce que tu justifies le travail de la documentaliste avec la 4ème B. Parce que le DIY du XXème siecle. Parce que ça te fait une belle jambe que ton professeur de physique soit papa pour la 3ème fois. Parce que le menu de la semaine, mercredi c’est steak-frites. Parce que l’édito de ton proviseur te rappelle sévèrement le règlement intérieur du collège que tu n’as jamais lu, oublie. Tu es : mal dans ta peau. Ou 11/20, « se contente de ses acquis ».

dijon-beaune mag

sparse

Parce que, Votre message : ......................................................................................................... ...................................................................................................................................... ...................................................................................................................................... Tu es : Nom : .................................. ou Prénom ........................... À remplir en lettres majuscules

Parce que c’est le seul -et je dis bien le seul- trait d’union entre Beaune et Dijon. Parce que comment quelqu’un a pu avoir l’idée de commettre un tel forfait ? Parce que t’as remarqué que ces dernières années, y’a des articles bien sympas, bisous les Tanneries. Parce que la mise en scène des photos, elle déchire. Parce que pour info, c’est 8€ en train et 2,90€ l’autoroute en classe 2. Parce que la cote des vins en photo dans tous les numéros, ça n’a pas de prix. Tu es : un viticulteur. Ou un restaurateur.

PS : Notre respect nous a imposé de ne pas vous parler du Miroir Mag. R.I.P.

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cartographie

bonnes affaires automobiles Châtillon-sur-Seine

Enjoliveurs Golf 3. Se positionnent au centre de la jante. 15 euros les deux.

Champigny-lès-Langres

Plaquettes de freins pour Seat Cordoba 99 ou Seat Ibiza IV 02. 15 euros.

Montbard

Clio 2 tunning. Frein à main hydro + répartiteur neufs RRS tout en durite Avia. 6.500 euros. Aignay-le-Duc

Marcilly-sur-Tille

Rétroviseur tunning neuf avec clignotant incorporé. 50 euros.

103 SP kit Ninja Bleue, ­blanche, ­jaune et marron. 100 euros.

Précy-sous-Thil

205 Turbo 16, 1986, entièrement refaite, sièges massants, système audio Bang & Olufsen. Prix à débattre.

Dijon

Golf 3 GTI 8S couleur violine très rare. 1995. 17.000 km. Essence. Étudie toute proposition d’échange.

Pouilly-en-Auxois

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ABONNEZ-VOUS pour recevoir sparse chez vous 1 an, 4 numeros, 15 euros Pourquoi je décide de m’abonner à Sparse : (cochez la bonne réponse) J’ai trop peur qu’il soit épuisé très vite dans les points de distribution habituels. La petite Sharon, que je désire depuis le collège, refuse de me parler si je ne le fais pas. Je préfère dépenser de l’argent, le gratuit c’est tellement vulgaire. Tous les médias sont à la solde du grand complot capitaloilluminati-judéo-maçonnique, sauf Sparse. C’est moins cher que du PQ. C’est le meilleur magazine du monde. Merci d’envoyer un règlement de 15 euros par chèque (libellé à l’ordre de SPARSE MÉDIA) avec vos coordonnées à l’adresse suivante : SPARSE MÉDIA - 12 place Emile Zola - 21000 Dijon Liste des points de diffusion à consulter sur Sparse.fr

« Qu’est-ce qu’on se marre quand on lit Sparse »

TREMPLIN MUSIQUES DE R.U 2015 / CROUS DE DIJON À LA FERRONNERIE, 2 RUE AUGUSTE COMTE / DIJON

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