Sparse 03 (mai 2013)

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sparse guide moderne de dijon | gratuit

www.sparse.fr • gratuit • ne pas lécher

sparse | numéro 03 | trimestriel | printemps été 2013

DOSSIER SUR PLACE OU À EMPORTER : L’ALCOOL DANS TOUS SES ÉTATS YOUNG MIN LA VÉRITABLE HISTOIRE D’UNE LÉGENDE DE DIJON TEST LES MEILLEURES PLANCHES À CHARCUT’ DU COIN RETROGAMING & JEUX VIDÉO RETOUR VERS LE FUTUR DIAPORAMA UNE VIRÉE DANS LES JARDINS DE LA VILLE HUGUES AUFRAY SHOWBUSINESS ET CANASSONS : L’INTERVIEW TOTALE VINCE TAYLOR CRASH EN TERRES BOURGUIGNONNES JAMES HOLDEN LA PLUS BELLE MÈCHE DE LA DANCE MUSIC LE GROS DIJON MAIS QUI SONT-ILS ? + LAURENT GRANDGUILLAUME LILIAN MELET NICOLAS ISNARD CHRONIQUES ROMAN-PHOTO GUESTLIST TOP 10 TON MAGAZINE BIEN-ÊTRE À 8.6° .


17-18 mai liberté • marche à pied • festivités

17 mai D’JAZZ DANS LA VILLE Festival déambulatoire à ciel ouvert •

18 mai

INAugurAtIoN DE LA ruE DE LA LIbErté

Parade, théâtre de rue, musique Course des garçons de café Boum populaire, etc. • NuIt DES MuSéES

MÉDIACITÉ - asylum

à partir de 20h

0 800 21 3000 www.dijon.fr


« Le lien entre la beauferie populaire et le snobisme culturel » Julien G. (un pote à moi), mai 2013

édito. Salut, c’est Sparse. De retour. « Si j’étais pas déjà maire, sénateur et milieu de terrain des vétérans de Messigny-etVantoux, franchement je ferais bien rédac’ chef chez Sparse », me glissait François R. l’autre jour et je n’en étais pas peu fier. Non content de te lâcher des invit’ pour les soirées les plus classes de Dijon, Sparse te livre un magazine encore gratuit. Sans salaire, sans faits divers en page 5, sans aucune bonne foi et sans compte en Suisse. Ni même une petite vente de tableaux payée en cash par un ami dont je ne me rappelle plus le nom. Et ça, les yeux dans les yeux. C’est enfin le printemps à Dijon. Sur les terrasses de café et sur les pages de ton mag’ préféré. On a privilégié comme d’habitude le bon sens et l’investigation la plus poussée pour aller au bout de nos enquêtes chocs qui vont bouleverser ta conception de la presse. Pourquoi Lilian Melet est-il le mec le plus cool de Dijon ? Pourquoi les mecs qui jouent du synthé n’ont souvent ni frères, ni sœurs ? Pourquoi Yves Berteloot ne peut-il pas sortir sa bagnole du parking de la mairie ? Pourquoi les nouvelles aventures de Nicdasse Croasky ont-elles été autorisées à la publication ? Pourquoi certains bars existent-ils toujours ? Pourquoi les gens de la Manif’ pour tous sont-ils de gros intolérants vivant dans la peur de l’autre ? Pourquoi Kim Young Min est-il une vraie légende ? Pourquoi le retour de l’odieuse chemise en jean, bordel ?! Autant de question existentielles auxquelles tu pourras peut-être répondre grâce à ce qui suit. Ou pas. On se revoit à la rentrée. Au calme. Et n’oublie pas de laisser ton Sparse aux chiottes, y’a plus de papier. - Chablis Winston


sommaire 3.

ÉDITO

5.

GUESTLIST

6.

LES 10 RAISONS QUI ME FONT DIRE QUE...

7.

TOPS / FLOPS

8.

STORY

Je travaille dans la culture.

Vince Taylor : crash en terres bourguignonnes 10.

PORTRAIT

16.

DOSSIER - L’ALCOOL DANS TOUS SES ÉTATS

22.

DOSSIER - L’ALCOOL DANS TOUS SES ÉTATS

24.

JEUX VIDÉO

28.

ENQUÊTE

32.

DIAPORAMA

Young Min : la véritable histoire d’une légende dijonnaise. Les diamants sont éternels. Hommage à ces bars qui n’ont pas perdu leur âme. Où acheter des bières originales à Dijon ?

Rencontre avec Cyril Gras, patron de la boutique Retrogames à Dijon. Ces endroits sympathiques où l’on peut s’envoyer des planches à charcut’ de qualité. Une virée dans les parcs et jardins de la ville.

ours

Ce magazine est édité par Sparse Média. Siret : 750 725 806 00012 - APE : 9499Z www.sparse.fr - contact@sparse.fr DIRECTEUR DE PUBLICATION ET RÉDACTEUR EN CHEF Pierre-Olivier Bobo SECRÉTARIAT DE RÉDACTION Sophie Brignoli, Martin Caye.

38.

ROMAN-PHOTO

46.

ENTRETIEN

50.

MUSIQUE

54.

RÉCIT

PHOTOGRAPHES Alexandre Claass, Louise Vayssié.

56.

CHRONIQUES

ILLUSTRATRICE Hélène ‘Microbe’ Virey

57.

CINÉMA

58.

MAIS QUI SONT-ILS ?

Les aventures de Nicdasse et de l’équipe de Sparse au coeur du poker underground. A4 Designers, ces jeunes femmes qui savent mieux se servir d’une visseuse que toi. James Holden : rencontre avec la plus belle mèche de la dance music. L’histoire du phalanstère de Citeaux : fêtes, fêtes et fêtes.

On a posé quelques questions aux gens qui gèrent le site satirique Le Gros Dijon. 59.

IMMERSION

60.

VISAGE PÂLE

62.

PERSONAL BRANLING

64.

PENSÉES

66.

DIJON, PLAQUE TOURNANTE DU TRAFIC DE H

J’ai testé la soirée filles du cinéma Olympia. Hugues Aufray, showbusiness et canassons. Sparse, trois ans de blagues ? Septième et dernière dérive dijonnaise. Notre clin d’oeil à ces artisans de la titraille.

CONTRIBUTEURS Isabelle Alonso, Sophie Brignoli, Jeff Buckler, Bobby Chapatte, Alice Chappau, Nicdasse Croasky, Arthur Gérard, Anthony Ghilas, Julian-Pietro Giorgeri, James Granville, Martial Ratel, Tonton Stéph, Chablis Winston. DIRECTION ARTISTIQUE Internet

DÉVELOPPEMENT COMMERCIAL Romain Calange COUVERTURE Young Ming, posé sur le campus universitaire Photo : Alexandre Claass alexandreclaass.tumblr.com IMPRIMEUR Chevillon Sens Dépôt légal : en cours ISSN : 2260-7617 La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, cellesci n’engagent que leurs auteurs. Tous droits réservés © Sparse 2013 Merci à nos partenaires et annonceurs, ainsi qu’à tous ceux et celles qui ont permis la réalisation de ce numéro. On vous adore. Prochain numéro : septembre 2013


PROPOS RECUEILLIS PAR SOPHIE BRIGNOLI ET PIERRE-OLIVIER BOBO PHOTOS : J. SAYA (NICOLAS ISNARD), DR

LILIAN MELET

Journaliste politique à France 3 Bourgogne Chroniqueur vin La Voix est Libre, tous les samedis à 11h25

Des Dijonnais se baigneraient au lac Kir : est-ce bien sérieux selon toi ? À titre personnel, j’évite l’eau autant que faire se peut. Quelle nouvelle enseigne souhaiterais-tu voir à la Toison d’Or ? Ma fille a toute une liste de marques de vêtements que je tiens à votre disposition... Pourquoi certains mecs portent encore le bouc ? Comptez pas sur moi pour critiquer les barbes. Ton spot idéal pour dîner ? C’est rue des Godrans, il se reconnaitra... Quelle main faut-il placer sur la chouette pour que ça marche ? Il faut plutôt faire attention à la petite salamandre gravée sous la fenêtre…. juste derrière. Le meilleur kébab de Dijon, il est où ? J’appelle mon fils et je vous dis. Quel lieu dijonnais, aujourd’hui disparu, te manque le plus ? La Coupole, place Darcy. Je n’ai pas connu, mais on m’en a trop parlé ! Le truc le plus ridicule à Dijon, c’est quoi ? Sans hésitation , la Foire Gastronomique, ça fait trop longtemps que j’avais envie de le dire ! Tu voudrais entendre qui au concert de rentrée ? Bruce Springsteen, c’est possible ? Ou alors Coldplay ? L’endroit de Dijon où on peut te voir traîner le vendredi soir, à la cool ? Je vous rappelle que La Voix est Libre est le samedi matin, en direct, alors...

NICOLAS ISNARD

Chef du restaurant gastronomique L’Auberge de La Charme (Prenois), du Bistrot des Halles et de la Taverne des Halles (Dijon)

Tu penses quoi du nouveau revêtement rue de la Lib’ ? Enfin libéré ! Quelle est la spécialité locale que tu aimes préparer ? Les oeufs en meurette, parce que c’est gourmand et que c’est dans le même esprit de l’oeuf bouillabaisse de mon enfance. Historiquement l’un est fait avec les restes de soupe de poissons, l’autre avec les restes de sauce du boeuf bourguignon. On prépare ce plat avec des oeufs basse température au Bistrot des Halles et à la Taverne des Halles. Tu aimerais voir qui au concert de rentrée ? IAM, pour un retour en enfance. Et puis c’est à ce jour le meilleur groupe de rap français... Un peu de chauvinisme sudiste ! Pour te détendre à Dijon, tu vas où ? Au ciné, diner au restaurant Chez Copains, boire un verre au Mac Callaghan ou aux Négociants, me balader au parc de la Colombière avec mes enfants... Ta personnalité locale préférée ? Eric Carrière et David Le Comte, mes associés et amis. Un mot à dire à cette jeunesse ivre qui shoote les poubelles du centre ville la nuit ? Faut que jeunesse se fasse... Ceci dit, un peu de respect pour ceux qui les ramassent ! Tu penses quoi des titres sur les sucettes du Bien Public devant les bureaux de tabac ? Rien. Si tu n’avais pas été chef, quel autre travail tu aurais fait ? Commentateur sportif !

guestlist.

LAURENT GRANDGUILLAUME Député de la Côte d’Or Conseiller municipal de Dijon

Avec la Via Liberté, est-ce que Rebsamen ne se prendrait pas un peu pour César ? Non, pour un maire visionnaire qui aime sa ville. Y a-t-il un établissement dans lequel tu as trouvé le patron ou les serveurs particulièrement désagréables ? Oui, après les législatives lorsque j’ai été élu, je pense qu’ils avaient soutenu un autre candidat... Tu sais qui c’est, David Lanaud du Gray, toi ? Oui, il est plein d’idées et déborde d’énergie. Et si on enlevait ces rails disgracieux et qu’on refluidifiait la circulation des véhicules en annulant le tram ? Ça serait le retour à l’ère de la glaciation. Kir, pour toi, c’est avant tout un lac ou une boisson ? Un lac, il fallait avoir du courage pour le réaliser ! Une précision pour le blanc cassis : c’est Henri Barabant, maire de de Dijon de 1904 à 1908, qui l’a institué à la mairie. Il est connu plus tard sous le nom de « kir » car popularisé par le chanoine. Allez en boire un au café de Montchapet et les gérants vous montreront les photos... Te dire que tes impôts locaux financent l’entretien du boulodrome couvert te remplit de joie ? Oui, car j’aime bien la pétanque et notamment le club de la Fontaine d’Ouche, « le cochonnet du Lac » et sa célèbre soupe à l’oignon. La dernière fois que tu es allé au Zénith, c’était pour voir qui ? Mon ami Laurent Petitguillaume pour « Stars 80 ». 5


LES DIX RAISONS QUI ME FONT DIRE QUE...

JE TRAVAILLE DANS LA CULTURE PAR LA RÉDACTION DE SPARSE

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, Parce que j’ai gratté une invit’ pour un concert au Consortium s. clope des r fume à s mais je passe la soirée au bar ou dehor

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Parce que lorsque j’arrive à un spectacle, je suis fatigué de devoir dire bonjour à la moitié des gens qui sont présents. Je râle, je peste, mais pour rien au monde je n’oublierai de le faire.

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Parce que des types que je connais à pein e me font la bise lorsqu’ils me croisent. Je trouve ça un peu bizarre.

Parce que j’aime particulièrement ce petit moment où je ne dois pas faire la queue avant de rentrer dans une salle.

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Parce que j’ai toujours un avis sur les subventions à Dijon : je n’en touche évidemment pas assez comparé à mes collègues.

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Parce que j’ai fait l’IUP Denis Diderot , puis un stage en « action culturelle » et maintenant je bosse dans une compagnie de théâtre. C’est un emp loi aidé, évidemment.

Parce que bien sûr, avec mes collègues j’appelle les artistes par leur prénom.

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ement, la Parce que lorsque je tombe sur le flyer d’un évén partenaires. première chose que je regarde, c’est les logos des

Le rider, le catering, la générale, le filage, la résidence... Parce que j’adore utiliser ce jargon technique avec mes potes qui n’y comprennent rien.

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Parce que je passe régulièrement mes soirées avec des gens qui n’ont pas payé leur entrée.


les tops et les flops de ta ville. PAR LA RÉDACTION DE SPARSE

YVES BERTELOOT (ADJOINT AU MAIRE)

contre la Manif pour tous, lutte pour les valeurs républicaines et la tolérance à son corps défendant. T’as bien raison. Chapeau. WILLIAM FRACHOT (CHEF GASTRONOMIQUE)

A reçu sa deuxième étoile au Michelin pour l’hostellerie du Chapeau Rouge. C’est le moment d’aller claquer le peu qu’il reste sur ton livret A : à 39 euros l’assiette de foie gras, on imagine que ça vaut le coup ? PATRICE CARTERON (SÉLECTIONNEUR DE L’ÉQUIPE DU MALI)

A décroché une troisième place à la Coupe d’Afrique des Nations avec le Mali, pays meurtri. S’est bien refait la cerise depuis Dijon et la descente en Ligue 2.

YVES BERTELOOT (ADJOINT AU MAIRE)

Avait bu l’apéro avant de lutter pour les valeurs républicaines et la tolérance à son corps défendant.

ALAIN SUGUENOT (MAIRE DE BEAUNE)

En pleine affaire Cahuzac, dépose une proposition de loi « tendant à favoriser le retour des exilés fiscaux et à renforcer la compétitivité des entreprises ». Timing parfait. RÉMY BOURSOT (EX-SECRÉTAIRE DU FN EN CÔTE D’OR)

S’est fait dégager du secrétariat départemantal du FN en côte d’Or, il ne comprend pas pourquoi. «De nombreux adhérents ont déjà rendu leur carte à Jean-Marie Le Pen, depuis mon départ». Merci. « Le FN devient la risée de la Côte d’Or ». Tu m’étonnes, gros.

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story.

MY TAYLOR IS (NOT) RICH PAR JAMES GRANVILLE PHOTO : DR

De l’avis de tous, dans les années 60, c’était le plus grand. Vince Taylor, l’archange noir du rock, s’est pourtant éteint un soir d’août 1991 dans l’indifférence générale. C’est en France que Vince Taylor a connu ses plus grandes heures de gloire et c’est en Bourgogne qu’il s’est le plus abîmé. Itinéraire cabossé d’une comète.

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N

e vous demandez pas qui en France, au début des années 60, était le plus grand de tous dans ce monde hétéroclite qu’on appelait les yéyés. Le plus grand, c’était lui : Vince Taylor, un Anglais avec une gueule d’ange et un look de mauvais garçon. Avec son charisme surdimensionné, sa gestuelle parfaite et ses prestations live, la concurrence était reléguée bien loin derrière. Il se tirait même la bourre avec Johnny Hallyday en personne pour le titre d’icône du rock dans l’Hexagone. Brigitte Bardot (entre autres) ne résistera pas à son magnétisme. Il suffit de revoir ses prestations sur les robinets d’archives 2.0. Un détail qui ne trompe jamais : il n’a pas pris une ride. Parce que Vince Taylor était déjà un extraterrestre, trop beau, trop stylé, trop déhanché, trop ganté de noir, ce type inspirait le respect et la peur en une seconde. Il fascinait. Musicalement, c’était avant tout un grand interprète, de ceux qui retournent comme personne les grands standards du rock. Ironie de l’histoire, une de ses compositions, Brand New Cadillac, est surtout connue pour l’interprétation magistrale qu’en a faite le groupe The Clash. Alors si on croit au destin, on pourrait dire que Vince Taylor est né sous une mauvaise étoile avec ce qui va suivre. Mais il nous faut des clés. La première qui me vient à l’esprit est celle d’un certain David Jones que vous connaissez peut-être mieux sous le pseudonyme de David Bowie. David Bowie rencontre Vince Taylor au milieu des années 60 et sent bien qu’il y a déjà un truc qui cloche : « Je l’ai accompagné à cette époque dans pas mal de soirées. Le gars était à côté de ses pompes ». Notre Grand Sachem Hugues Aufray (voir page) a lui aussi sa petite idée sur la psychologie de Vince Taylor. Bowie, quant à lui, ne cache pas que le personnage de Ziggy Stardust doit beaucoup à Vince Taylor. Enfin, pas l’ascension... mais bien la chute car l’itinéraire de Vince Taylor a été tout sauf limpide.

CRASH EN BOURGOGNE SUR LA ROUTE D’HOLLYWOOD. Vince Taylor traverse les années 60 avec ses playboys, comme qui rigole. Olympia à craquer, fauteuils cassés, hystérie des fans : tout y est mais la réalité est beaucoup plus sombre par la suite. L’alcool et le LSD transforment l’ange noir en parodie de lui-même. Les prestations scéniques se dégradent à vue d’œil et l’homme est en train de sombrer. Très vite. Une âme charitable veut cependant sauver notre homme : c’est Jacky Chalard qui prend comme beau prétexte de l’inviter sur son label Big Beat à la fin des années 70 pour ses derniers enregistrements Mais il y a déjà de la casse : « J’avais rencontré un certain Jean-Charles Smain qui m’avait dit à l’époque qu’il l’avait fait évader d’une cave à Mâcon où il était tenu enfermé par des mecs qui, chaque samedi soir, l’exhibaient en le faisant chanter en playback sur ses propres disques ». Mazette ! Mais ce n’est que le début de découvertes hallucinantes pour Jacky Chalard, dont la proposition de faire enregistrer de nouveaux disques à Vince Taylor se transforme en quête totale : « Smain me présente enfin Vince Taylor : un mec aux pieds nus dont le pantalon est tenu par une ficelle et qui n’a plus de dents, vu qu’il vient de se faire casser la gueule ». Vince Taylor est passé par la case Mâcon, plusieurs personnes témoigneront aussi à Dijon plus tard : un SDF qui ressemble un peu à Vince Taylor s’enveloppe dans un drap blanc et prétend être le messie réincarné. Mais pour l’heure Jacky Chalard veut tenir bon, il faut l’aider. Il lui propose un poste à la plonge dans un restaurant parisien pour au moins le remettre à flots : « Sauf que Vince ne voulait plus être Vince. Il disait s’appeler Maurice. Le problème, c’est qu’un soir un client l’a reconnu, Vince a nié mais le patron ne pouvait plus faire semblant et lui a fait du chantage : si tu veux rester à la plonge mon gars, il faut chanter ! Là, Maurice est redevenu très vite Vince Taylor, il fallait le voir reprendre les plus grands succès d’Elvis en tablier de plongeur devant un public déchaîné ». Forcément, Chalard reprend espoir, Vince s’est retapé, il est à jeun plus souvent, l’espoir de répétitions et d’enregistrements reprend forme, on parle même d’une futur tournée : « Lorsque Vince arrivait au studio, il était clean. Pas bu une goutte. On commence les répets avec That’s all right mamma et là catastrophe : plus de dents devant et je peux te dire que ça s’entend, « vatf aulwight mamma » ! L’horreur. Impossible de trouver un dentiste ! On fait alors le tour du périph’ et on achète des tablettes d’Hollywood Chewing Gum. Au retour on lui fabrique un dentier avec les pâtes à mâcher ! Tout l’album a été enregistré comme ça ! » UN DERNIER REFUGE DANS LES ALPES SUISSES. Vince Taylor avait sans doute toujours rêvé d’Hollywood, mais certainement pas du même…. La tournée aura bien lieu, mais là encore les vieux démons de Vince Taylor réapparaissent. Cheveux longs, dents cassées et sans pâte à mâcher, notre homme se drape de nouveau dans des couvertures en se prenant pour le Créateur. Lors de l’un de ses derniers concerts, il refuse de monter sur scène en proclamant que l’ambiance n’est pas bonne et que tout va exploser s’il joue. Alors que le public est en train de détruire la salle, Vince Taylor monte enfin sur scène et le courant se coupe. Le producteur du concert aurait dû le savoir : trop grand, trop imprévisible, trop tout. Alors forcément, Maurice revient au galop et comme tous les grands fauves cherche un dernier refuge pour mourir. Son refuge sera la Suisse. À Lutry durant ses dernières années, il est engagé comme mécanicien avion. Dans une dernière lettre à ses amis du monde du rock, il écrit : « Dis bien à tout le monde que l’endroit où dans ma vie j’ai été le plus heureux, c’est la Suisse ». Dernière pirouette d’une comète qui s’éteint le 28 août 1991. Gageons que c’était un jour humide et moite dans les Alpes suisses. • 9


portrait.


LONESOME COWBOY Allons droit au but : ce mec est une légende dijonnaise. Si tu as traîné à la fac, à la Fontaine d’Ouche, du côté du café « Le Chez Nous » ou dans n’importe quel transport en commun ces vingt dernières années, tu connais sûrement ce visage et le rire qui va avec, à base de « bouhaha ». Et tu te dis : « Mais oui, c’est le Chinois fou ». Tu te trompes, car Kim Young Min n’est ni Chinois, ni fou. PAR CHABLIS WINSTON PHOTOS : ALEXANDRE CLAASS


portrait.

O

n va être honnête tout de suite : on connaît le lascar depuis quinze ans. On l’a pratiqué. À la fac, au boulot, dans la rue, à la maison. Il ne pourra donc pas nous la faire à l’envers. Genre : « J’aspire à une vie normale, la guerre c’est mal, l’amour c’est mieux, je suis juste un chanteur des rues ». Si tu vois ce que je veux dire. Les infos ont été vérifiées, les coups de fil passés. Notre première rencontre coïncide avec le plus grand événement que la France ait connu, juste avant la Révolution et la Libération. On parle bien entendu de la victoire de l’équipe de France à la coupe du Monde de football en 98. On était occupés à beugler nos relents nationalistes quand on a aperçu ce type perché au dessus de la statue du Bareuzai avec son drapeau français. On saute dans la fontaine et essaie d’escalader le monument glissant. Il nous aide à monter, nous donne son drapeau et s’en va. Nous, sur les épaules du Bareuzai, haranguant la foule. Joie, bonheur de masse, heure de gloire. On n’a pas échangé un mot, mais il était un peu le symbole de ce moment hors du temps. L’ange tricolore. On s’en rappelle encore. On le retrouvera peu après quand on commencera à fréquenter les pelouses (plus que les amphis) de l’université. CAPORAL CHEF COMMANDO. Young Min est Coréen (le prénom se met à la fin en Corée). Enfin, plus vraiment. Il est devenu Français voilà quinze ans et les Coréens n’aiment pas trop la double nationalité. Tu es Coréen, ou pas. Mais certainement pas Franco-Coréen. Donc Young Min est officiellement Français. Coréen du Sud ? du Nord ? « Il n’y a qu’une Corée », dit-il avec l’accent à couper au couteau qu’il a gardé. « Staline, Roosevelt, Chang Kaï-check se sont trompés de pays. C’est le Japon qu’il fallait séparer ». Je vous passe la leçon d’Histoire sur pourquoi les Coréens ne sont pas spécialement potes avec les Japonais. Young Min est forcément du Sud. Sinon il ne serait pas là pour nous en parler. Il est né en novembre 1956 à Kyung-Joo. Là tu calcules... Eh ouais, il a 56 ans... et ne les fait pas du tout : sec comme un coup de trique, cheveux noir de jais. On passe très vite sur son enfance en Corée dans les années 60. Dure. Père violent. Il se lie avec des mecs pas très fréquentables. « On se battait souvent, je garde contact avec eux sur Internet ». Il est plutôt bon élève mais n’a pas beaucoup d’autres envies que de traîner. Ça lui restera. Paradoxalement, à cette époque, c’est l’armée qui le sauve. Attention, je te parle pas du service militaire français où tu joues au Démineur en fumant des splifs à la BA102. Le service en Corée à l’époque, c’est trois ans, surarmé à la frontière entre les deux Corées, avec préparation préalable de trois ans au lycée. « Caporal chef ! Meilleure période de ma vie. Les missions, les responsabilités, les rires avec les camarades, les armes (oulah), les explosifs (re-oulah), toujours sous tension... Mais j’ai jamais tiré sur personne, même si on a toujours été à deux doigts avec ceux du Nord ». L’apprentissage de la vie. Il fera un peu de trou aussi. « Une sale histoire, la police militaire m’a bien tabassé, mais j’ai pas dénoncé les gradés, alors ils ont payé pour me sortir de là ». Fin de l’armée en 79. Vide. Il faut se trouver une passion sans arme. Ce sera le cinéma. Young Min passe l’équivalent du bac, s’inscrit à la fac de cinéma de Hanyang. Quatre ans. Autant Young Min peut parler dix heures de suite de l’armée, autant il passe en cinq minutes sur ses années de fac... Mystère. Il a alors la possibilité de partir en

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France pour la fin de ses études. « La France, c’était LE cinéma : Delon, Jean Gabin. Je n’étais jamais parti à l’étranger à part en Thaïlande, en Malaisie et à Taïwan pour faire de la propagande pour la Corée du Sud (sic) ». Vol pour Paris. Puis direct à Dijon. Il débarque en 1989. « Le paysage était doré, fertile, je m’y sentais bien. Mon premier logement était sur la fac, résidence Piron. C’est pour ça que je suis souvent sur l’université. C’est l’endroit maternel pour moi. C’est là que j’ai appris la langue française. Quand je suis arrivé, j’étais seul, je ne parlais pas la langue. J’ai traîné, beaucoup bu. Après six mois, je ne comprenais toujours rien en cours et je n’avais plus d’argent. Rien ». NIKITA ET BARATIN. Young Min se sauve alors à Paris en espérant y trouver du boulot. « À ce moment là, je me fais héberger par un ami coréen. Je ne fréquente que des Coréens. On n’a rien à manger. C’est la galère ». Il réussit finalement à rentrer au pays grâce à un Coréen venu acheter les droits du Nikita de Besson. « Je lui ai fait le traducteur alors que je ne parlais pas français ! Pour me remercier, il m’a payé le billet du retour ». Très vite, Young Min a une seule idée en tête : revenir en France. « En Corée, tout est très... hiérarchie... l’âge... la mentalité est plus.... euh... plus... tu vois ? » Non, pas vraiment. Enfin bref. Il aura l’occasion d’y retourner quelques mois plus tard grâce à une équipe de ciné coréenne qui va tourner en France. Young Min a des diplômes. Il a vécu en France. À cet instant de la conversation, on peut se demander si Young Min ne nous romance pas ça un peu. Doute, questionnement. Mais il peut nous réciter la fiche technique du film (La femme qui marchait sur l’eau) dans les moindres détails. Les Coréens se rendent compte de la supercherie très vite : il connaît peu Paris, ne parle pas français. Ils s’embrouillent. « Le technicien lumière était plus jeune que moi et il me parlait mal. Je suis parti ». T’es parti ? « Enfin, ils m’ont dit de partir... Mais pas grave, j’étais en France ». Il reste à Paris. Pas de travail et beaucoup d’alcool. Il rencontre alors un autre Coréen, guide touristique à Paris. « Il m’a sauvé la vie ! Lee Ho Young, note son nom, écris-le ! » . Le mec le loge et le pousse à retourner à la fac en lui payant l’inscription. « Tu connais quoi comme fac ? » Dijon. « Hé bien, tu y vas et je veux plus te revoir ». Young Min obéit. LE DÉBUT D’UNE SECONDE VIE. De retour sur le campus Montmuzard. « C’est là que j’ai vraiment commencé à apprendre le français... mais c’est très dur pour un Coréen ». Effectivement, en 24 ans, il ne parle toujours pas couramment même s’il se débrouille bien maintenant. Il rencontre celle qui deviendra sa femme. « Elle avait une bonne démarche. À la démarche, tu vois si les filles sont en bonne santé. Il faut pas regarder le visage, mais les muscles des cuisses. Solides ! ». Il la rencontre à la chorale universitaire. « Depuis, je chante tous les jours. C’est une belle histoire ». Ils se marient en 1992, ont une fille à la fin de cette même année. Elle est aujourd’hui en école de design à Lyon. Tout à fait équilibrée. « Sa mère l’a très bien élevée ». « Ma fille, elle pense comme une Française. Pas moi. Mais tu ne parles pas trop de ma fille dans le magazine. Ok ?! » Ok. Il bosse, se prend de passion pour l’escalade. Mais continue à boire. Madame s’en va : « Normal, ma vie, c’est pas ordinaire ». Après un détour par Chamonix (« Je voulais avoir un gîte »), il repasse par Paris. Deux amis Coréens voulaient monter une boîte d’importexport. « Ça les arrangeait que je sois là parce que j’étais Français, grâce à ma femme. Mais ils m’ont trahi. À cause de mon manque d’expérience dans le business et ma mentalité commando ».



portrait.

« FONTAINE D’OUCHE EST MON VILLAGE » Encore une fois, retour à Dijon. On lui propose un appart’ : « C’est ça la vie française ». À la Fontaine d’Ouche. « Chez moi, Fontaine d’Ouche est mon village ». Il arrête l’alcool : « J’ai arrêté de boire en 1998. Trop de problèmes ». Effectivement, Young Min ne boit pas. Tout juste s’accorde-t-il une petite cuite deux ou trois fois par an. « Alcool mauvais ». Petits boulots : jardinier, manutentionnaire, agent hospitalier pendant les années 2000, une formation en espaces verts. « Et toujours traîner à l’université et au Chez Nous » . Un peu de bénévolat comme technicien chez Radio Campus, où l’équipe le prend un peu sous son aile. « Ce type, c’est un peu comme Abraracourcix, le barde dans Astérix. Personne ne le déteste, il est plutôt sympa et peut être appliqué et volontaire. Il est aussi attachant que gonflant. Il y a toujours un moment où il dépasse les bornes, où tu dois lui dire de la fermer. C’est pour ça qu’il s’est fait virer de partout », confie Stéphane qui formait Young Min à la technique radio de 2004 à 2008. Ces dernières années, il a bossé pour le chantier de tram. « C’était bien, mais je me suis fait virer parce que esprit commando... Ils ne faisaient que des contrats interim alors qu’ils nous avaient promis des vrais contrats. Ma tête s’est ouverte (sic) alors j’ai gueulé. Mais les gens des bureaux, ils ne crient pas. Ils t’écoutent, ils te sourient, et après ils te virent... » Autre beau fait d’arme : Young Min a été

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traducteur officiel de l’équipe féminine de Corée de handball pendant le dernier mondial en France, en 2007. TORTUE GÉNIALE. Mais alors Young Min, quand est-ce que tu as vrillé ? Quand est-ce que tu deviens comme ça ? « J’ai toujours été comme ça ! J’ai toujours chanté, partout. Me balader, aller voir les gens. J’ai toujours rigolé fort, comme ça. Même avec ma femme, même en Corée. Il faut rigoler parce que l’état des lieux de la vie, c’est la survie. Mais c’est comme ça, on a connu des trucs mais on n’est pas cassé ». Young Min a tout simplement choisi une vie sans responsabilité. « En France, tu peux te permettre ça. J’ai regretté la Corée, mais plus maintenant. J’y vais en voyage environ une fois tous les deux ans pour voir mes sœurs. C’est les boss de Samsung et Hyunday qui contrôlent le pays. C’est comme ça. En France, la vie est belle. Mais je préférerais travailler plus. Je suis pas encore vieux. Et solide ». Les gens qui le pensent timbré ? « Ma vie, c’est pas ordinaire (bis). Les gens de mon âge ne comprennent pas ». Et c’est vrai que Young Min se comporte de la même façon avec un jeune ou un vieux. Avec un punk ou un ministre. Le mec est constant. Les gens qui l’emmerdent ? Les p’tiots qui se foutent de lui ? « Moi aussi, des fois j’emmerde les gens, alors c’est pas grave. Mauvais souvenir, j’oublie tout de suite, c’est le remède traumatique (sic) ». Oui, il peut être lourd Young Min...


À jamais se retenir de parler. Jamais se retenir de chanter. Voilà, Young Min ne se retient pas. Young Min a 56 ans. Ou 15. Il s’en balance de qui tu es. Quand il ne te comprend pas (il n’est encore pas tout à fait bilingue, on te dit), il rigole et il chante. Quand quelqu’un est moqueur ou agressif, il rigole et il chante. Quand tu l’engueules parce qu’il a encore abusé en te disant n’importe quoi devant quelqu’un « important », il rigole et il chante. Il y en a qui montrent les muscles ou qui font des blagues, Young Min rigole et chante. On a tous une façon de se protéger. Il est trop rentré dans ce schéma de communication quand il ne comprenait pas la langue, il ne peut pas s’en defaire. Et parfois, ça l’arrange bien. Mais il n’est jamais agressif. Il regarde fixement, explose de rire, chante une chanson (ses préférées restant les standards jamaïcains ou le fameux « Un verre d’eau s’il vous plaît », une chanson révolutionnaire coréenne qu’il a francisé lui-même) mais jamais il ne va t’insulter gratuitement. « J’ai, je te donne. Tu as, tu me donnes ». Bah voyons. S’il a quelque chose dans les poches (fric, clopes, nourriture), Young Min le partage avec toi. C’est vrai. Il faut lui reconnaître ça. Donc il en attend autant de ta part. Le problème, c’est que comme il n’a pas souvent quelque chose dans les poches, c’est surtout toi qui partage avec lui. Alors tu lui dis. Il rigole. Il te dit d’accord et il recommence le lendemain, en chantant. Le malin. LE PHILOSOPHE. Parce qu’il est malin le bougre. Il sait très bien s’arrêter de glousser quand tu lui parles entre quatre yeux d’un truc important. Enfin, important pour lui, j’entends. Il arrive à être complètement réaliste. Il faut vivre un de ces moment rares où il est à côté de toi, placide. Vous regardez au loin. Et il te balance une phrase sur le sens de la vie. C’est là qu’il est le meilleur. Et soudain il se tait. Parce que des fois, il se tait. Et tu te demandes si c’est pas un vrai philosophe perdu dans une enveloppe de zinzin. Tortue géniale. Young Min kiffe le reggae, se marre comme un fou devant des vidéos

d’opérette napolitaine et de variet’ portugaise : « Je comprends rien mais c’est très drôle ». Il écrit des chansons. Des chansons d’amour en français et en coréen. Des chansons tristes. Juste pour les chanter aux autres. Même ceux qui n’ont pas envie de les entendre. En fait, Young Min roule pour lui. « Ici, j’ai des amis mais je suis seul » . Lonesome cowboy. Il faut dire que c’est dur de se l’assumer en public ton Young Min. « Mais c’est qui, ça ? C’est ton pote ? » « Ouais, mais je t’expliquerai ». C’est fait. •

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LES DIAMANTS SONT

ETERNELS PAR BOBBY CHAPATTE ET JEFF BUCKLER PHOTOS : ALEXANDRE CLAASS

Ils ont survécu à la victoire de la France en 98, au bug de l’an 2000, à la grippe H5N1, au 21 avril 2002, à la tecktonik, aux travaux du tram et à toutes les modes. Highlanders des rues de ta ville. Hommage à tous ces cafés qui ont réussi, depuis de nombreuses années, à ne pas perdre leur âme. On les aime ou non, mais ils sont dans la place. Guide non exhaustif et ultra subjectif de ces institutions dijonnaises.


Afin de proposer un travail rigoureux, chaque établissement a été classé par catégories et recevra plusieurs notes sur 10, correspondant à chacune des caractéristiques suivantes : tarif, ambiance musicale, risque d’embrouille et indice ouaouach’.

LE FRONT DE GAUCHE Parce qu’on on y refait le monde en rencontrant des gens facilement. Le truc, c’est que tu pensais discuter peinard alors qu’en face, t’as tout le temps un mec se prenant pour ton prof de philo qui veut t’apprendre la vie. Les conso n’y sont pas chères et c’est pour ça qu’on y boit un peu, mais surtout beaucoup, passionnément, à la folie. Voire plus. LE VIEUX LÉON - lə vjø /leoʊŋ/ - Le Vieux Tu t’es vu quand t’as bu, quand t’as 16 ans ? Pour boire des pichets de blanc-sirop pas chers et les vomir rue Saumaise. Un des rades les plus vivants de Dijon. A su resister tout en respectant ses valeurs. C’est le bar où, quoiqu’il arrive, les gens viennent discuter avec toi. Quand c’est pas pour te dire que la guerre c’est mal, la plupart du temps c’est pour te taxer. Une clope, un verre, ta chaise... Chose qu’il a souvent déjà. La seule tenue exigée est le petit chapeau ouachon ou les dreads (à l’extérieur ou à l’intérieur). C’est le lieu de refuge des CCCP (non, pas l’URSS, le Capuche-Chien-Casquette-Piercing). Personnages historiques : BAF, Taz le chien. TARIF ATTRACTIF : 8 AMBIANCE MUSICALE : 5 TAUX D’ALCOOLISATION : 11 RISQUE D’EMBROUILLE : 5 INDICE OUAOUACH’ : 11

L’UNIVERS - lynivεʀ - L’Univers Tu t’es vu quand t’as bu, quand t’as 20 ans ? Tu développes un goût pour la musique live alternative, de vers en verres d’Yves Jamait à Doc Larry en passant par une petite partie de baby foot. Faune interlope la plus bigarrée de tout Dijon. Mairie de la commune libre de Berbisey. En un mot : une putain de macédoine, plein de trucs agréables et différents, avec de la sauce. Personnages historiques : Jean-Louis, Jean-Louis, JeanLouis... for ever. PS : L’Univers fêtera ses 30 ans les 17 et 18 mai 2013 (au programme, deux jours de concerts folk et hip-hop) TARIF ATTRACTIF : 7 AMBIANCE MUSICALE : 6 TAUX D’ALCOOLISATION : 7 RISQUE D’EMBROUILLE : 6 INDICE OUAOUACH’ : 7

LE CHEZ NOUS - lə /ʃe nu/ - Le Chez Nous Tu t’es vu quand t’as bu, quand t’as 25 ans et plus d’illusions ? Et 30 ? et 40 ? et... ? Reste un îlot de liberté caché au coeur du quartier des halles. La cantine la moins chère du marché. Comme c’est tout petit, t’es obligé de parler à ton voisin. T’as les mêmes discussions qu’au Vieux Léon, mais avec trois Monde diplo et quatre Canard enchaîné en plus dans les bagages. Le mec sait. On like la terrasse « planche à repasser ». Personnage historique : la Gauche. TARIF ATTRACTIF : 8 AMBIANCE MUSICALE : 6 TAUX D’ALCOOLISATION : 8 RISQUE D’EMBROUILLE : 3 INDICE OUAOUACH’ : 5

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LES DUCS DE BOURGOGNE Parce qu’on a toujours un tonton de droite à table pendant les repas de famille. Ces établissement ont leur place dans cette sélection. Une clientèle qui pense peser dans le business dijonnais. Jonchant la Via Liberté, pour répondre à toutes leurs attentes financières et... financières, ils sont ouverts tout au long de la journée, tous les jours de l’année. Des serveurs encore en tenue tout droit sortis d’une école hôtelière. Pour eux, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Ils ont toujours gardé le même blazer. Pas de loungisation pour attirer le chaland. LA COMÉDIE - la kɔmedi - La Com’ Pour les étudiants en droit et les notaires. A vu défiler devant sa terrasse tous les changements de lignes de Divia et de feu la STRD. Personnage historique : la liane 5. TARIF ATTRACTIF : 3 AMBIANCE MUSICALE : 1 TAUX D’ALCOOLISATION : 3 RISQUE D’EMBROUILLE : 1 INDICE OUAOUACH’ : 0

LES GRANDS DUCS - le gʀɑ̃ dyk - Les Ducs A survécu au parking de la place de la Lib’ pour s’épanouir en terrasse. Hormis l’assiette gourmande, extra viande, et le concert de rentrée qui remplit les caisses, rien à dire. Personnages historiques : Charles le Téméraire, Jean sans Peur. TARIF ATTRACTIF : 3 AMBIANCE MUSICALE : 0 TAUX D’ALCOOLISATION : 1 RISQUE D’EMBROUILLE : 1 INDICE OUAOUACH’ : 0

LE MOULIN À VENT - lə mulε ̃ a vɑ̃ - Le Moulin à Vent n.m. : cru du Beaujolais à la croisée des chemins. Colombage, carrousel et fontaine. Carte postale dijonnaise. C’est pour ces raisons qu’ils n’ont jamais ressenti le besoin d’être agréables pour que la boutique tourne. Personnages historiques : Sophie Marceau et Vincent Lindon dans L’Étudiante. Matte le film, tu verras. TARIF ATTRACTIF : 2 AMBIANCE MUSICALE : 0,5 TAUX D’ALCOOLISATION : 1 RISQUE D’EMBROUILLE : 1 INDICE OUAOUACH’ : 0

LA BATAILLE D’IRLANDE Parce qu’ils ont un nom en « Y’s ». Les vrais. Le Mc Flannagan n’a rien inventé. Comme au rugby, les Irlandais, tu peux pas t’empêcher de bien les aimer. Parce que comme toi, ils détestent les Anglais. Les seuls dans cette sélection à oser les pages du Mag’ de la nuit. LE FLANNERY’S - lə flanneryεs - Le Flann’ Ce qui ressemble le plus à un pub à Dijon. Grand comptoir, retransmissions télé, tireuses automatiques en libre service, sélection de bon whisky, gens roux, concerts de reprises des Pogues les soirs de St Patrick... Nous, on y va que pour voir des matchs de foot. C’est tout. Personnage historique : l’écran géant.

LES CLASSIQUES Parce qu’ils tiennent la route. On ne va pas se mentir, ce sont ceux qu’on fréquente le plus. Chacun ton style. Ligne de conduite impeccable, habitudes rodées, service calibré et ambiance racée. Arrêt au stand idéal. Établissements acceptant les dérapages controlés, pas de mauvaises surprises. LE CAPPUCCINO - lə kæpəˈtʃiːnoʊ - Le Cappucc’ Ne pas se fier au nom, on n’a jamais vu un percolateur ici. La pépite est cachée à l’orée de la rue Berbisey. Accueil impeccable, vouvoiement de circonstance du patron et ambiance chaleureuse. Une fois passé le cap de la soirée « metal » de temps en temps, on découvre un havre de paix et de bon goût. Victuailles et nectars de qualité, le terroir à portée de main. On ne pourrait même pas vous dire du mal de la terrasse. Une histoire de famille. (ndlr : le jugement le plus partisan depuis Staline. On aime. Point) Personnages historiques : Raf et le cochon. TARIF ATTRACTIF : 10 AMBIANCE MUSICALE : 10 TAUX D’ALCOOLISATION : PARFAIT RISQUE D’EMBROUILLE : 0 INDICE OUAOUACH’ : SOUS CONTRÔLE

LE DEEP INSIDE - lə [ˈdiːp] [ˌɪnˈsaɪd] - Le Deep Bar looké. Rock, rockab’, pop-rock, hard-rock, post-rock, stoner... Une terrasse au soleil ? Non, le caveau. Les concerts underground les plus classes que tu ne verras jamais. Tes plus beaux saignements d’oreille. Des shots de Jagermeister, des bananes, des doses de testostérone. Pas de concessions. Personnage historique : le flipper Dirty Harry. TARIF ATTRACTIF : 6 AMBIANCE MUSICALE : 8 TAUX D’ALCOOLISATION : 7 RISQUE D’EMBROUILLE : 3 INDICE OUAOUACH’ : 1

LE QUENTIN - lə /kɑ̃.tɛ/̃ - Le Quentin La Rolls de l’apéro. Soleil en terrasse jusqu’à tard. Sélection musicale, mix de DJs et concepts bouffe chiadés. Depuis la fin des 90’s, le lieu s’est beaucoup proprifié. Du café du gars du marché le matin jusqu’au mojito de la meuf qui se la craque en trench coat le soir, ce bar évolue au fur et à mesure que la journée passe. Les tarifs aussi. Personnages historiques : Konik, la Valou, même si on n’a plus de nouvelles d’elle... TARIF ATTRACTIF : 4 AMBIANCE MUSICALE : 8 TAUX D’ALCOOLISATION : 7 RISQUE D’EMBROUILLE : 3 INDICE OUAOUACH’ : 1

LE SAINT NICOLAS - lə sε ̃ /ni.kɔ.la/ - Le Saint Nic’ Premier rempart contre la place de la Rép’. Clientèle, billard, fléchettes, soirées slam, petits concerts de temps en temps, le bar se rapprochant le plus d’un bar de quartier. Ne manque que le Rapido. Aime jouer avec la loi Evin grâce à sa terrasse dedans/dehors. Personnage historique : Paul Ricard. TARIF ATTRACTIF : 7 AMBIANCE MUSICALE : 5 TAUX D’ALCOOLISATION : 8 RISQUE D’EMBROUILLE : 6 INDICE OUAOUACH’ : 6

TARIF ATTRACTIF : 6 AMBIANCE MUSICALE : 6 TAUX D’ALCOOLISATION : 6 RISQUE D’EMBROUILLE : 2 INDICE OUAOUACH’ : 1

LE MAC CARTHY’S - lə mak karthyεs - Le Mac’ N’a de pub que le nom. Un bar blindé d’étudiants. Le caveau peut se tranformer en antre de perdition. Nonobstant le légendaire « feu de brousse du patron », tu sais à quoi t’attendre : service efficace, équipe agréable. Personnage historique : Oméro, Lucio, la faluche. TARIF ATTRACTIF : 6 AMBIANCE MUSICALE : 5 TAUX D’ALCOOLISATION : 6 RISQUE D’EMBROUILLE : 2 INDICE OUAOUACH’ : 2

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L’OVNI Parce que c’est un OVNI, tout simplement. L’ENTRACT’ - lɑ̃ tʀakt - L’Entract’ L’établissement improbable, de la clientèle jusqu’à la déco. Une salle de 20m2, une fausse cheminée, des bonbonnes cachées de rhums arrangés, « parce que les petits jeunes, ils vrillent, ils ne savent pas se contrôler ». On ne peut pas s’empêcher de trouver le patron super classe. Le bar où tu ne t’attends à rien et où tu as droit à tout. Personnage historique : ouh ! Y’a du monde au balcon... TARIF ATTRACTIF : 6 AMBIANCE MUSICALE : 5 TAUX D’ALCOOLISATION : 5 RISQUE D’EMBROUILLE : 1 INDICE OUAOUACH’ : 2

LES ESPÈCES PROTÉGÉES Parce qu’ils n’ont jamais été à la mode, parce qu’ils n’ont pas de concept. Parce qu’ils n’ont jamais été en contact ni de près ni de loin avec une structure culturelle. Quand l’expression « troquet à l’ancienne » prend tout son sens. Un pan d’histoire sous tes yeux ébahis. Le temps s’est arrêté mais pas l’activité. Tu te dis souvent que tu rentrerais bien mais tu n’oses pas. Ils t’inspirent un mélange d’attirance et de crainte, comme le passé de tes grands parents... Normal, tel le héros de Man vs. Wild, il faut être à la fois spéléologue, ethnologue et un tant soit peu équipé pour s’y aventurer. Qui finance en sous main ces établissements pour qu’ils puissent encore être ouverts ? La mafia ? La franc-maçonnerie ? La Suisse ? Uniquement composés d’habitués ou de gens perdus, ils ne lâcheront jamais l’affaire. Respect. L’IDÉAL BAR - lideal baʀ - L’Idéal Bar TARIF ATTRACTIF : ? AMBIANCE MUSICALE : ? TAUX D’ALCOOLISATION : ? RISQUE D’EMBROUILLE : ? INDICE OUAOUACH’ : ?

L’ÉQUIPE - lekip- L’Équipe TARIF ATTRACTIF : 5,78 AMBIANCE MUSICALE : 2,97 TAUX D’ALCOOLISATION : 8,21 RISQUE D’EMBROUILLE : 4,99 INDICE OUAOUACH’ : 1,44

LE BAR DES AMIS - lə baʀ dez- /ami:/ - Le Bar des Amis TARIF ATTRACTIF : B+ AMBIANCE MUSICALE : O+ TAUX D’ALCOOLISATION : ABRISQUE D’EMBROUILLE : AX 2 INDICE OUAOUACH’ : Z-

Personnage historique : « Euh... comment qu’y s’appelle, déjà ? L’autre là... eul’ grand » PS : Qui comprend Le Crocko ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce la realité ? PS2 : Les Aviateurs, mais on avait trop peur de se faire défoncer par la tenancière de l’établissement. PS3 : Notre honneur nous a imposé de ne pas aller du côté de la place de la Rép’ RIP : Le Glacier, parce que de nos jours il n’a vraiment plus d’âme, c’est une banque. •

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dossier.

CEREAL KILLER PAR TONTON STEPH PHOTO : ALEXANDRE CLAASS

Tes rares amis sont en colère : alors qu’ils ont fait l’effort de se ramener dans ton studio de 17 mètres carré rue du Chaignot, tu leur sers pour une énième fois de la Koenigsbier, de la Burgbier, de la King’s Beer ou bien encore de la Belle Brasseuse. Bref, de la sous-Kro à peine digne d’une fin de week-end camping. Sérieusement, quitte à mettre de l’argent dans ces breuvages que tu consommes par litres, autant investir dans de la qualité ? Sparse va donc te dire où trouver de vraies bonnes bières originales dans les quatre coins de ta ville.

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EIN PROSIT! - 18 rue Berbisey La vitrine annonce la couleur avec un gros logo du Bayern Munich. Jean-Louis, le tenancier de ce nouvel établissement, affirme passer outre-Rhin toutes les deux semaines pour ramener uniquement des bières allemandes. Et quand on voit son regard s’illuminer lorsque il évoque l’Oktoberfest, on se dit qu’on peut lui faire confiance. Tous les grands noms teutons sont là : Weihenstephaner, Löwenbrau, Paulaner... Tous les Länder sont représentés à travers divers breuvages et il se propose bien sûr de vous aider à vous y retrouver, en fonction de vos préférences. Il y en a vraiment pour tous les goûts et pour vraiment pas cher. On serait un peu taquins, on dirait qu’une installation rue Berbisey est particulièrement bien pensée, vue la sympathique faune qui peut parfois y passer. Bon, et si la bière te faisait rouiller, distoi qu’il est possible de te procurer du Jägermeister. Santé ! Ein Prosit ! SOYUZ - 37 rue Pasteur Anciennement nommée Troïka, cette petite épicerie russe permet vraiment de pécho des binouzes originales pour pas cher. Concernant le contenu, c’est à vous de voir, mais on ne va pas se mentir, bien souvent les bières vendues ressemblent surtout à des Kro russes : ce sont des blondes d’entrée de gamme. Cela dit, vous tripperez dessus tant elles font vraiment couleur locale : entre la Trois Cavaliers, la Baltika ou bien encore la Arsenanoe, dites-vous bien que vos teilles feront de l’effet avec leurs étiquettes originales à l’écriture cyrillique. Comptez deux à trois euros par grande cannette d’un demi-litre. C’est simple, il te restera tellement de caillasse que ce sera le moment ou jamais de prendre du caviar et des vodkas rares. TANG FRÈRES - rue de l’Arquebuse Vous pourrez trouver cette boutique d’importation le long du tram, juste après le pont de l’Arquebuse. Toutes les origines et les nationalités semblent se retrouver à la caisse pour profiter de poissons surgelés rares ou d’authentiques nouilles asiatiques. En fait, il s’agit d’une chaîne lancée en 1981 par des entrepreneurs originaires du Laos. À vous de voir si cela vous suffit pour en faire un gage de qualité. Une chose est certaine, on peut y trouver des binouzes un peu chiadées à prix réduits. Pour 14 euros, on en a eu 11 ! Ce qui n’est pas mal du tout pour un achat à la cannette. Des japonaises (Asahi, Kirin), des bières Thaï, de Singapour, du Cambodge (Singha, Saïgon, Kingdom) ou d’autres endroits où tu ne mettras jamais les pieds. Il y a même de la bière de Martinique ! Des marques

qu’on n’a pas forcément vues chez les autres marchands de l’agglomération. Alors bien sûr, à ce prix, il ne faut pas s’attendre à des bières belges trappistes et pas spécialement non plus à une conversation poussée sur la manière dont la bière a été brassée. Chacun ses goûts : ceux qui préfèrent les blondes légères en auront pour leur argent et l’effet découverte sera garanti. LE COMPTOIR IRLANDAIS - 7 rue Mably Si tu viens là, c’est que tu veux retrouver l’ambiance et l’odeur si agréable des pubs sans avoir à te déplacer de chez toi pour commander au bar. Bien sûr, tu irais dans ce genre d’établissement surtout pour choper du whisky 30 ans d’âge et des pulls camionneurs en poil de mouton. Mais le comptoir te permettra aussi de faire le malin avec des bières moins courantes que les sempiternelles Guinness et Kilkenny : entre les O’Hara’s, les Smithwicks ou bien encore la Belhaven Twisted Thistle aux arômes d’agrumes... Il y en a un paquet ! Et d’après ce qu’on a pu constater, il y en a aussi pour toutes les bourses. On vous encourage à consulter leur site Internet, extrêmement précis sur la composition et les tendances de chacun de ces sympathiques breuvages ! À boire sans arrière pensée à chaque tournoi des 6 nations. AUX BEL-BIÈRES - 3 rue Clément Désormes Le magasin se situe en face d’Ikea et pas loin du Soccer 5. Tu pourras donc aisément marier les deux grands hobbies de ton couple : le foot et l’achat d’innombrables bougies suédoises. La boutique est tenue par une femme, ce qui ne doit pas être si courant dans le milieu. La patronne affirme notamment s’être spécialisée dans les coffrets cadeaux. Des tireuses peuvent également être louées pour toute occasion. L’établissement propose un nombre impressionnant de bières de qualité, notamment des bières du Jura (la Marseillaise, la Combe aux Loups ou bien la Crin Blanc) avec toutes des qualités très spécifiques. Elle travaille par ailleurs avec des brasseries de la région, et on peut trouver ici tout un tas de bières européennes : un énorme stock de belges bien sûr, mais aussi des autrichiennes comme la Nessie, des hollandaises bien rares ou encore des tchèques (la Budvar). LE COMPTOIR DES BIÈRES - 138 ter avenue Roland Carraz Bienvenue au pays de la mousse ! D’abord, ce qu’il faut savoir, c’est que vous ne serez pas venu dans cette sublime cité qu’est Chenôve pour rien : il est en effet possible de se poser pour boire un verre, puisque un beau bar trône dans le magasin. Il y a même de quoi grailler un petit sauc’ au fromage de chèvre. Vous connaissez un autre établissement où ce serait le cas sur l’agglomération ? L’appellation « comptoir » n’est donc pas usurpée, loin s’en faut. Le patron propose ici un avantageux système de consignes, qui a tendance à vous faire garder les belles canettes qu’il propose : De la Mort Subite aux bières Aphrodisiaques en passant par la Griottine, la dernière en date de la brasserie Rouget de Lisle située vers Lons le Saunier. Bref, il y en a pour tous les goûts. Tiens, on trouve même des bières de Garde et surtout toute une variété de bières provenant de brasseurs bourguignons. Un coup d’oeil sur la page Facebook permet de voir que le magasin propose des journées thématiques de dégustation comme pour la Saint Patrick où les bières irlandaises étaient mises en valeur et pouvaient accompagner un ragoût de boeuf à la Guinness. Enfin, l’établissement peut vous proposer de louer des tireuses pour vos grosses soirées. À la bonne heure ! • Nous ne les oublions pas : Les caves de Savernay (26, rue du Faubourg Saint-Nicolas à Fontaine-lès-Dijon) La Grapillotte (26, rue Monge) Hyperboissons (110, avenue Roland Carraz) L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération


retrogaming.

ON PREND LE JEU À LA SOURCE RENCONTRE AVEC CYRIL GRAS, GÉRANT DE LA BOUTIQUE RETROGAMES À DIJON. PAR JULIAN-PIETRO GIORGERI ILLUSTRATION : HÉLÈNE VIREY

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Môme, t’avais deux loisirs pour tuer tes dimanches : lorgner sur les pages lingeries du catalogue Passionata et taper ton frangin à Street Fighter 2. Haut + bas + haut + A + B, HADOUKEN !!! Jeu vidéo plaisir. Du jour où trois ingénieurs du MIT bidouillèrent un radar militaire pour créer Spacewar à la sortie de Zumba Fitness sur Xbox Kinect, il y a un monde, il s’est écoulé 50 ans. Mais une même culture : le jeu. Parce que, comme moi, tu ne bitais pas grand chose au langage des Bits et que tu n’as jamais terminé Super Mario sans game over, on est allé poser quelques questions à Cyril Gras, patron de la boutique Retrogames, rue Jean-Jacques Rousseau. Allume ton téléviseur PAL/ SECAM et branche ta péritel... C’est ti-par ! Salut Cyril ! Ta boutique est située pas loin du quartier des Antiquaires. Antiquaire du jeu vidéo, c’est comme ça que tu te définirais ? Ça c’est une excellente remarque ! J’avais jamais vu les choses sous cet angle. Mais, je ne pense pas être un antiquaire du jeu vidéo. J’ai plus le sentiment d’être un passeur passionné, qui essaye de donner accès au jeu vidéo dans son ensemble à travers toute son histoire. Dans ma boutique, l’ancien cohabite avec le neuf. Parce que, faut pas l’oublier, je fais aussi dans les consoles next gen. Sur ton site web, j’ai vu que tu organisais des events et des tournois, avec Rage of the Dragon notamment. Tu peux m’en dire un peu plus ? Les events, c’est essentiel pour moi. C’est l’occasion d’accueillir des passionnés dans une atmosphère détendue. J’organise généralement des petits tournois, le samedi, sur le mode du free play. C’est l’occaz’ pour les joueurs de se tester sur de l’arcade, en versus ou en coop avec le gameplay spécifique des bornes. J’ai investi dans une borne arcade JAMMA en partie pour ça. C’était une façon de réaliser un rêve de gosse, après j’ai vite compris que ça pouvait être une plus-value pour la boutique. Il faut savoir que l’accès à la borne est totalement gratuit. Après une dure journée de boulot, chacun peut venir au magasin faire un break et décompresser sur le beat them all de son choix. Prochain event, sans rapport avec la borne arcade, un tournoi à Fifa 13... Tiens ! Tu sais que Sparse co-organise des gros contest à Fifa 13 aussi de temps en temps ? Oui, j’ai vu ça. Certains de mes events sont montés en partenariat avec des assos locales spécialisées dans le gaming comme Pad ou Replay. Ces deux collectifs font un boulot incroyable pour faire vivre le jeu vidéo sur Dijon. Pad est plus branché organisation de contest, alors que Replay est plus axé sur la promotion du jeu vidéo rétro. Quand on débarque chez toi, on sait d’emblée qu’on n’est pas chez Micromania . Ici, pas de carton publicitaire pour le dernier Call of Duty... On trouve plutôt des jeux d’imports avec

la jaquette en japonnais, et une Master-System trône fièrement sous une vitrine... Tu fais pas le même boulot, en fait ? Je dirais pas ça comme ça. Je fais le même travail, mais différemment. J’ai la chance d’être indépendant. Ce qui me permet de définir ma propre politique maison. Je voulais surtout pas tomber dans le tam-tam commercial, j’ai toujours voulu que ma boutique garde une certaine âme. C’est pour ça que tu ne me verras pas proposer des jeux pour gamines de 12 ans, comme Pony Pony Friends, ou des titres hyper « marketés» comme les « jouets vidéos » Skylanders. Les salles d’arcade ont disparu de la circulation avec l’arrivée de l’Euro. Ces lieux où on pouvait se faire une partie de AirHockey avant de lâcher 50 francs sur une borne Arkanoïd.. J’imagine que t’es nostalgique de ce genre d’endroits ? Tu les fréquentais à l’époque ? Oui, ma génération a connu les salles d’arcade. Avant qu’elles ne ferment... Dans mes souvenirs, à Dijon, il y avait le Tilt dans le quartier Darcy et pas loin le Speedway. Avant tout, dans ses salles, la loi Evin n’était pas respectée, on pouvait fumer. Tu entrais au Tilt, il y avait une ambiance indescriptible. Tu entendais des mecs heureux d’avoir tapé un highscore, et le son des musiques de jeux, des boutons et des sticks... C’était vraiment particulier. Après, c’étaient des lieux qui avaient pas bonne presse à l’époque, peutêtre parce que les parents n’y allaient jamais. Mais le truc sympa des salles d’arcade, c’est que tu pouvais tester la dernière version de tes jeux préférés. A la maison tu jouais à Virtua Fighter 2 sur Saturn, et en salle d’arcade, tu pouvais jouer au troisième volet avant sa date de sortie. C’était extra ! Après le truc, c’était de mettre une pièce juste après qu’un type ait fini sa partie à King of Fighter, pour lui proposer un challenge. Il y avait un vrai côté « compet’ ». Je me rappelle aussi des bornes dédiées... Pour les jeux de course, par exemple, il existait le châssis moto qui bougeait sur Sega Manx TT, ou encore le cockpit de voiture avec le levier de vitesse. Les concepteurs avaient un vrai souci de réalisme. Je me rappelle de titres comme Sega Rally ou Crazy Taxi, à deux ou à quatre, ça devenait vraiment fun.

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retrogaming.

Mon premier souvenir de jeu vidéo, c’était Double Dragon sur Amstrad CPC. J’y jouais en coop avec mon cousin sur le même clavier « azerty ». Tu incarnais Billy Lee, une petite frappe balèze au karaté, qui cherchait à libérer sa sœur des griffes d’un gang... C’était vraiment marrant. C’est quoi, toi, ton tout premier souvenir de jeu vidéo ? Mon tout premier souvenir de jeu vidéo, c’était à un repas familial, j’avais 8 ans à peine. Mon cousin avait une NES dans son salon, avec Mario qui tournait. J’ai pris la manette et j’y ai passé l’après-midi. Impossible de décrocher. Je me suis pris une gifle, ça été une grosse révélation. Un an après, j’avais ma propre console. Et ta première console , parlons en... C’était la NES que j’ai reçu pour ma communion, ça devait être en 88. C’était le coffret promotionnel avec l’action-set, la totale ! Dans le pack, il y avait Super Mario Bros et Duck Hunt. Il y avait aussi le fameux pistolet, le NES zapper : un pistolet qui permet de viser directement ta télé pour tuer des canards... Toi, aussi, t’as essayé de tuer le chien qui gloussait quand tu ratais la cible à Duck Hunt ? Bah ouais, mais c’était impossible. Il était énervant le chien du chasseur... Space Invader est souvent considéré comme le premier shoot them up de l’histoire. Un jour mon oncle avait sorti du grenier une TI 99/4 - une console de salon rustique, distribuée par Texas Intrument à partir de 1979 - Quand on l’a branché avec la péritel, j’avais l’impression d’être aux origines du truc. C’était vraiment sommaire, mais bordel que c’était bon... Et Space Invader, le jeu rendait fou, non ? Le jeu rendait vraiment fou ! À chaque fois que tu éliminais une rangée d’aliens, la musique s’accélérait, tout comme le défilement horizontal des envahisseurs, ce qui ajoutait une dose de stress. C’était vraiment addictif. Et il y avait déjà une vraie direction artistique dans le titre de Taïto. On retrouve là toute la force du concept. Avec des retombées financières extraordinaire pour les studios Taïto. C’est vraiment le premier blockbuster du jeu vidéo. Après le concurrent direct de Space Invader, c’était un titre comme Galaga, distribué par Namco, qui permettait à un seul joueur de contrôler deux vaisseaux simultanément. Trop bien ! Toi, qui fréquente des amoureux de vieilles consoles, il y a plus d’afficionados Sega ou Nintendo, qui entrent dans ta boutique ? Alors ça, c’est le vieux débat ! C’est difficile à dire, je pense malgré tout que chez les collectionneurs qui vont conserver les jeux, les accessoires sans jamais les utiliser, il y a plus d’aficionados Nintendo. Et chez ceux qui achètent d’anciennes consoles pour avoir une expérience de jeu, il y a plus d’aficionados Sega. Tu as quelques allumés qui te demandent encore des cartouches pour la PC Engine de NEC ? Véritable four commercial, il paraît que la console avait 5 ans d’avance. Elle proposait un processeur graphique 16-bits et un lecteur CD-Rom en option... Révolutionnaire pour l’époque ! Mais on est en 88... C’était une super console ! Si elle n’a pas marché à l’époque en Europe, c’est parce qu’elle a souffert d’une mauvaise distribution. Il fallait notamment rajouter un adaptateur 220 volts pour sa commercialisation en France. Et c’est une console que tu ne

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trouvais pas dans les hypermarchés. Après, il y a quelques fous furieux de la PC Engine qui alimentent toujours un blog et un forum, qui s’appelle « NECstasy », je crois, où ils reviennent sur l’historique de la machine. Mais la PC Engine proposait des graphismes très aboutis, c’était une console fantastique pour les shoot them up notamment. Je pense à des titres comme Gunhed ou Super Star Soldier qui étaient graphiquement à tomber parterre et super innovants dans leur gameplay. Avec la Megadrive et la super NES, Sega et Nintendo se sont livrés, au début des années 90, à une véritable guerre. Tous les moyens étaient bons pour couler son rival. T’étais de quel côté, toi ? Je vais dire Nintendo. Mais je me souviens qu’au collège, quand tu jouais à la super Nes, on te collait tout de suite l’étiquette d’enfant sage. Alors que la Megadrive avait une image de console mature et rebelle. L’univers qui entourait Séga était plus sombre. Les textures graphiques des jeux Sega étaient plus ternes, et le level design de certains jeux, très gore. L’univers d’un titre comme Altered Beast, où ton héros se transformait sous la pleine lune en manimal, était d’une noirceur hallucinante. Ça foutait clairement les jetons. Enfin, un jeu comme Street of rage sur

« Je me souviens qu’au collège, quand tu jouais à la Super Nes, on te collait tout de suite l’étiquette d’enfant sage » Megadrive suivait la même logique, c’était en quelque sorte la version mature de Double dragon. Nintendo ne serait rien sans son plombier à casquette. Le premier nom du petit gros moustachu, c’était Jumpman (facile de comprendre pourquoi). Super Mario Bros, sorti en 85, a posé les bases du jeu de plates-formes ? T’es d’accord avec ça ? Complètement ! Avec Mario Bros, tu étais face au jeu de platesformes total. Fun et très accessible. Tu pouvais courir, sauter, casser des briques, prendre des raccourcis, explorer des tuyaux... Pour les plateformers, il y avait deux écoles : Mario sur Nes, et sur Master-System, il y avait l’excellent Alex Kid, un titre qui a eu un grand succès à l’époque, puis débarque Sonic en 1991... Mais la force de Mario, c’est sa simplicité et sa capacité à parler à l’enfant qui dort en toi. Et je te parle pas des musiques, que tu pouvais fredonner des heures après avoir éteint ta console... Super Mario Bros 3 reste, à mon sens, l’épisode de Mario le plus réussi. Il était à la fois hyper exigeant dans la difficulté et très varié dans les univers jouables. Je continue sur Mario. Tu sais pourquoi Peach, la princesse du royaume champignon, se fait kidnapper par le croisement d’une tortue géante et d’un porc-épic : le terrifiant Bowser ? Aucune idée ! Il faudrait être dans le cerveau très inventif de Shigeru Miyamoto (le papa de Mario). Mais j’imagine la « réu » de lancement du projet : « Bon les gars, on va faire un jeu où un plombier, petit et gros, va ramasser des champignons et sauver une princesse retenue prisonnière par des tortues qu’ont appellera les koopas... ok ? » (rires) Sur le papier, ça semble pas gagné !


JVM (Jeux vidéo magazine) a fait son classement des meilleurs jeux de l’histoire. On y trouve les hits que sont Final Fantasy VII et Métal Gear Solid. Premier du classement : Zelda, a link to the past. D’accord ou pas d’accord ? C’est pas sérieux d’établir un classement quand même, même si cet épisode de Zelda est vraiment fantastique. Le titre profitait à plein du potentiel de la super NES. Avec notamment le mode Seven pour se promener sur la carte du royaume d’Hyrule, qui permettait de simuler une impression de perspective. Après c’est du grand classique, le jeu mettait vraiment l’accent sur les phases d’exploration. Je me souviens d’objets comme l’épée d’Excalibur et les bottes de pégase. Ce Zelda avait une vraie profondeur, quasi mélancolique. Qui n’a pas aimé incarner ce jeune garçon partant à l’aventure en quête de la triforce ?! Après, retenir ce jeu ou un autre. Il y a énormément de titres qui resteront gravés. Resident Evil sur Playstation en fait partie. Je me souviens que des potes venaient exprès chez moi pour me regarder jouer. Raccoon city, l’apocalypse, le scénario avec les labos pharmaceutiques qui transforment les humains en zombie, les chiens enragés qu’il fallait dégommer, la solitude de ton héros, les casse-têtes à résoudre, l’ambiance générale... Bref, ce jeu est parfait ! En théorie, un rétro-gamer ne joue que sur du vieux, mais j’imagine que tu suis malgré tout l’actu. Il y a un titre sur consoles next gen que tu attends avec impatience ? Je pense qu’on ne peut pas faire que du rétro. Il ne faut pas être sectaire. Et il faut bien comprendre que les titres qui sortent aujourd’hui sur PS3 ou X-box s’inscrivent dans la continuité de genres ou de licences apparus il y a 15 ou 20 ans. Là où ça me gêne, c’est qu’il y a une logique hollywoodienne et mercantile qui sous-tend l’industrie du jeu vidéo. Après il y a un jeu qui, pris comme ça, peut passer pour un gros nanard, mais un nanard qui s’assume, c’est Gears of War. Le mode multi est imparable, Le prototype du feel good game. Pour finir, depuis que t’es en place Rue Jean-Jacques, quel est le joyau de la couronne que tu aies eu entre les mains ? J’ai dans ma boutique une pièce très cotée : Shenmue II, sorti sur Dreamcast. Sous blister et à l’état neuf, s’il vous plaît ! C’est un des jeux les plus ambitieux de l’histoire. C’est un vrai joyau ! Après sur Neo Geo, j’ai des titres vraiment hors du commun, comme Super Tag Battle, on est pas nombreux à l’avoir en France et sa cote, depuis quelque temps, est montée en flèche. Bon et j’ai la chance de pouvoir faire importer des titres du Japon qui n’ont quasi jamais franchi la frontière française. La rumeur qui squattait nos collèges et qui voulait qu’il existe un cheat code pour faire nager Lara Croft entièrement nue dans Tomb Raider II, réalité ou fantasme de joueur ? Tu l’as le code ? Non, je l’ai pas (rires). C’était toujours un pote d’un pote qui disait avoir le code. Mais je crois que c’était une grosse légende. Enfin, je te cache pas que j’étais pas très fana de la série Tomb Raider. À l’époque, je jouais plus à Dino Crisis, tu vois, et là les codes servaient juste à upgrader ton fusil à pompe, pas à te désaper... •

thomas huot-marchand


enquête.

Cochonailles PAR TONTON STÉPH ILLUSTRATION : HÉLÈNE VIREY PHOTOS : A.C.

En partenariat avec l’association des cardiologues français, Sparse vous propose de découvrir un petit panel d’endroits agréables où déguster des planches à charchut’ de qualité.

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’est en revenant d’un des meilleurs restaurants de la région, intégralement consacré à la cochonaille, que je me suis fait cette réflexion : il est possible de déguster du porc tout préservant la qualité. Ce resto c’est Le Goret à Beaune, où le patron, haut en couleur, peut vous servir des andouillettes aux truffes et de somptueuses pièces de cochon au foie gras. Et à Dijon, est-il possible de se voir servir quelques tranches de jambon ou de saucisson sans verser dans le discount ? On ne citera pas les nombreuses enseignes, y compris certaines qui sont par ailleurs très agréables, qui tombent dans la facilité sitôt qu’on demande un encas pour accompagner son petit verre... Aller se grailler une planche entre potes ou en couple pour éviter de se faire un plat surgelé, c’est un appel au bon vin, à la convialité, et c’est l’occasion de renouer avec les beaux jours dans les cas où il y a des terrasses. Et puis, ce n’est pas parce que c’est à

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la bonne franquette que la qualité ne doit pas être au rendez-vous, pour ne pas parler de la quantité : ça doit forcément être étouffechrétien. Il n’est en effet pas interdit d’agrémenter la planche de petits efforts intelligents, comme tout simplement l’accompagner de corniflards, de salade ou de petits légumes servant de caution verte - et surtout de suffisamment de pain - qu’on n’hésitera pas à réapprovisionner si nécessaire. C’est ce genre d’attentions bien nécessaires qui feront que le client prendra le temps de déguster et recommandera des verres... Il faut enfin que le cadre se prête à la fois à la fête et à la discussion. De la musique, certes, mais pas à fond, puisque la planche ouvre l’espace possible pour une discussion... Voici donc un aperçu de quelques planches qu’on a pu tester, histoire que tu ne te fasses pas avoir avec des sauc’ et du brie que tu aurais pu aussi bien acheter en magasin, pour quatre fois moins cher.


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enquête.

L’ASSOMMOIR TOME 2 (48, RUE MONGE)

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n revenant dans ce lieu bien connu des fêtards dijonnais, on ne pouvait que verser dans la nostalgie en songeant à tout ce pognon lâché à Violette, l’ancienne patronne, ces soirées où on ne comptait plus les Jägerbomb. On était donc bien curieux de voir ce que le lieu était devenu, et même un peu inquiet, pour tout dire. Mais qu’on se le dise, même l’ancienne tenancière vante les qualités du nouveau bar, qui certes change un peu de style. Tu pourras aller t’y abriter notamment les jours maussades, puisque il n’y a pas de terrasse. Le lieu est stratégique avant de (se) terminer rue Berbisey, ou bien aux Berthom, ou bien encore avant de se rendre à la Péniche, non loin d’ici. On a d’abord constaté que le changement de proprio a laissé des traces et on s’est hâtés de s’affaler dans un fauteuil bien confortable, nouveauté dans ce lieu où on était assez mal installé auparavant. Pour 10 euros, on a demandé une assiette mixte chacut’ frometon. Le patron ne nous a pas proposé un planche taille mannequin ! Chacuterie toscane, pancetta et jambon speck, mais aussi rosette bourguignonne au goût anisé et des fromages très bons dont du Morbier et un Parmesan qui t’attaque comme il faut les gencives. Il y avait aussi des poivrons marinés. À noter que des tartines à 6 euros et des terrines au canard, lapin ou poisson sont également proposées. Par contre, quand on a demandé du Bourgogne, le patron nous a répondu qu’il avait « du blanc et du rouge » sans préciser, et nous a conseillé un Pinot noir bio, alors qu’il avait apparemment du Givry ou du Chablis. Mais qu’importe puisque au final son vin, dont il confiait connaître le proprio du domaine, était tout à fait sympathique et allait parfaitement avec notre « plancha ». On a donc pu se sustenter en écoutant le DJ passer de la musique brésilienne et des sons de Karl Zéro, et admirer la déco originale, mêlant cheminée classieuse, candélabres et bougies allumées avec des affiches vantant les Nike Blazers. Adieu Violette, tu as apparemment laissé l’Assomoir entre de bonnes mains.

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L’ÂGE DE RAISIN (67, RUE BERBISEY)

ypiquement le genre d’établissement devant lequel tu passes sans t’arrêter, parce que tu te rends au Cappucc’ ou à la Cancale un peu plus loin, et parce que deux ou trois enseignes qui avaient pris leurs quartiers dans ces murs avaient coulé en peu de temps. Les plus anciens pourront d’ailleurs reconnaître ici les vestiges de feu le Ketch’house, un établissement plutôt agréable au début des années 2000. En l’occurence, j’évoque les murs, y’a pas à dire, les pierres apparentes confèrent une ambiance toujours un peu plus authentique que les soit-disant bars à vins qui se la jouent lounge et qui n’ont quasiment pas d’identité. Ici, de toute évidence, on est dans le vrai. En effet il s’agit bien d’un bar à vin, avec un patron qui se montre intarissable sitôt qu’il est question des breuvages qu’il promeut avec un enthousiasme qu’on serait bien en peine de trouver chez pas mal de ses collègues. On a voulu se fendre d’un Chablis, et apparemment celui-ci a souffert de son succès. Le propriétaire des lieux nous propose donc un petit Santenay 2009 lui aussi assez minéral. Il faut savoir qu’ici, la carte des vins est changée toutes les semaines, voire deux fois dans une même semaine, pour contenter les habitués. Et d’après ce qu’on sait, il y en a désormais quelques-uns, ce qui est toujours bon signe pour une jeune enseigne. Comme à La Fine Heure, rue Berbisey, il semblerait que les bouteilles soient vendues prix cavistes, ce qui fait toujours moins mal au larfeuille, surtout quand on a une préférence chauvine assumée pour le Bourgogne. Lequel, comme on le sait, n’est quand même pas donné. La planche mixte proposée à belle allure, on apprend que tous les produits sont commandés chez un artisan charcutier de Marcilly-sur-Tille. Une terrine au Porto avec ses petits toast grillés nous mettent vite en apétit, ainsi qu’un persillé de Bourgogne, dont on saura désormais qu’il n’est certes pas à confondre avec un vulgaire jambon persillé. Le saucisson lyonnais est de bonne qualité, on ne se fiche pas de nous. Pour ce qui est des fromages, ils étaient affinés : un excellent Brillat-Savarin bien crémeux, un camembert au lait cru qui n’avait rien d’industriel, et le clou, un Époisses qui défonce le palais comme il se doit. Rien à redire. Pour 14 euros, ce qui est le prix moyen d’une bonne planche à Dijon, on recommande.


AU BOEUF CAROTTES

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L’INDUSTRIE (15, RUE DES GODRANS)

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’est après avoir entendu moults appréciations fortes élogieuses de la part de certains membres honoraires de la rédaction de Sparse que j’ai eu l’envie de poser mon cul douillet à l’Industrie. Faut dire aussi que les éléments ne manquaient pas pour vouloir fréquenter ce troquet qui, il faut bien l’avouer, ne paye pas spécialement de mine vu de l’extérieur. Alors, pourquoi l’Industrie ça assure ? Première chose, le fait que la rue des Godrans soit devenue complètement piétonne depuis quelque mois en a fait une concurrente directe de la rue de la Lib’. Le fait, du coup, de pouvoir profiter de la terrasse au calme pour admirer la tronche des passants est donc hautement appréciable, d’autant qu’ils sont désormais légions à débouler depuis l’arrêt de tram Godrans. La déco intérieure ne fait pas de fioritures et joue à fond la carte bistro, agrémentant quand même les murs de belles photos anciennes de Dijon. La carte des boissons est plutôt sympathoche : il se trouve qu’on peut déguster des Spritz, ces délicieux apéritifs du nord de l’Italie, ainsi que des Délirium Red. Ça n’a l’air de rien, mais ça nous plaît beaucoup. Enfin, même le président de la République est venu chiller sur une des chaises de l’Industrie en compagnie des pontes locaux, faisant rentrer le troquet directement dans la postérité, pour au moins l’éternité. Toujours est-il que la planche qu’on a demandé ne raque pas trop, comptez 13 euros pour une mixte, mais alors garnie comme il faut. Toutes les charcuteries semblaient fines et de qualité. On a pu goûter un pâté de campagne aux champignons assez fameux. Les frometons n’étaient pas en reste, avec des classiques (Brie et Reblochon), du Bleu, mais surtout du Saint Marcellin qui piquotait bien la gueule comme il faut. Le tout servi dans une petite coupelle comme dans un bouchon lyonnais. Bon, on s’est mis quelques Délirium dans le gosier, mais les vins au verre semblaient intéressants, on a aperçu un Maranges pas trop cher qui aurait parfaitement été avec tout ça. Le patron est aux petits oignons : on n’a pas besoin de se galérer à demander des corniflards et surtout du pain à foison pour accompagner la planche. Sachez aussi pour les plus délurés d’entre vous qu’il est possible de se faire servir une planche de tapenades voire carrément de crudités, et qu’une formule existe accompagnée de Hautes-Côtes de Beaune pour 26 euros. Un spot de bon goût, passant notamment les Black Keys ou The Cure là où d’autres se contentent de musiques d’ascenseurs.

(15, RUE CHARLES POISOT)

lasé du centre ville, si tu cherches un coin pour manger de la cuisine maison - si cela veut vraiment dire quelque chose - sache que cette qualité est vantée, comme il se doit au Boeuf Carottes. Le lieu semble un peu paumé de prime abord, dans un quartier résidentiel, mais cela permet aussi d’être un peu au calme. De fait, l’établissement a un mérite insigne : il propose une terrine maison à volonté absolument délicieuse. Quelqu’un connaît-il une proposition aussi indécente dans un autre coin de la ville pour seulement 6 euros ? Alors certes, le pain qui accompagne la savoureuse entrée est industriel, mais la fille du patron va vous donner une bonne petite assiette de crudités et de nombreux cornichons pour vous enfiler le gigantesque pâté. Seule la bienséance devrait vous permettre de vous tenir quand même un peu et ne pas pêter toute l’entrée. Ce serait d’ailleurs dommage, puisque il y a d’autres plats bien goûteux sur lesquels se jeter ensuite. La déco du lieu est résolument fantaisiste, avec tout un tas d’ustensiles accrochés au plafond et des vinyles de musiques des années 70, candidates idéales pour les soirées « boum du slip ». L’ambiance est à la bonne franquette et il n’est pas rare que vos voisins de table, tous souriants, cherchent à déconner avec vous. Indice qui ne trompe guère : le lieu est blindé et on demande de réserver. Sache d’ailleurs que pour péter ta belle planche (ou un jambon persillé maison), il est possible de se poser en terrasse, ce qui ne sera pas de refus très bientôt avec les beaux jours, surtout dans un coin de la ville si pépère. On s’est tellement sentis à l’aise qu’on a commandé une espèce de gigantesque gratin, dans lequel on a pu demander ce qu’on voulait, que ce soit du Morbier avec du magret de canard, de l’Époisses avec du saumon. Rien à foutre, c’est vous qui voyez en fonction de vos goûts plus ou moins adaptés à ce genre de délire de pataterie, et surtout à l’ampleur que vous souhaitez donner à votre panse. •

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diaporama.

JARDIN DU MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE

Premier sentiment, c’est bizarre, il paraît plus petit que quand on y va les soirs de Fête de la musique. Belle petite ambiance parking de la ville dès l’entrée qui se dissipe au fur et à mesure que tu t’enfonces dans le lieu. Certainement le parc le plus dangereux de la ville : on t’annonce dès l’entrée qu’ici, il y a un fort « risque de chute de branches d’arbre ». C’est calme. On y croise des couples d’amoureux, quelques touristes et des clochards. À voir : tout au fond, derrière la haie, le patrimoine dijonnais s’offre à toi à pas cher. Une belle collection de sarcophages des VIème et VIIème croupissent là, tranquille. Un jour on t’expliquera en quoi la loi Gombette promulguée au VIème fit l’honneur de notre région et relevait d’un haut degré de civilisation.

JARDIN JEAN DE BERBISEY

Le jardin au carré. C’est très propre. Un mini jardin à la française. Le spot est idéal pour la pétanque. Le carré d’herbe est trop petit pour faire un foot. Un vrai havre de paix pour les rendez-vous, juste les rendez-vous, ensuite vous sentez que vous devez partir. 2,5/5 pour les fleurs. On aime : l’effet trompe-l’œil. 32


JARDIN VICTOR DUMAY

Secret spot si tu veux pas t’entasser devant le Deep Inside en attendant le concert. Premier sentiment des touristes : « c’est quoi ça ? » Au premier coup d’œil, c’est vrai que tu ne sais pas que c’est un jardin public. L’ambiance, c’est plutôt parking des services municipaux, entouré par quelques vieux bâtiments. Dans le coin à gauche, de jolis petits bancs de pierre offrent une vue imprenable sur les Citroën utilitaires de la ville. Les buis sont parfaitement taillés. Très bien pour la pause midi. À savoir : les bureaux des policiers municipaux ne sont pas loin. Tu trouveras (cachées) : les bites-témoins qui ont servi de modèles pour la Via Liberté. Ça ressemble à un petit monument aux morts, sans fleurs.

SQUARE CARRELEY DE LOISY

Vaste avec de grands arbres. Ce parc est un voyage dans le temps. Ombragé, quasiforestier, il est propice au développement des moisissures et des lichens. La partie nord te foutrait presque les jetons avec son ambiance victorienne. La dimension passéiste ne s’applique pas qu’aux vieilles pierres. Ce parc te donnera l’occasion de croiser les derniers cols Claudine de la ville. Ce voyage dans l’aristo dijonnaise n’interdit pas la rencontre avec quelques familles populaires venues jouer au foot. Quand la grève centrale n’est pas une mare, le tournoi de boules est possible. 0/5 pour les fleurs. On aime : la fontaine XIXème vide. Le coin parc enfants « vieillot ». À savoir : une petite colonie de pigeons pourra subtilement redécorer tes habits.

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SQUARE DES DUCS

On ne jugera que le potentiel, le square étant en travaux lors de notre passage. Le parc 2013 ! Moderne comme un pavillon de banlieue de la grande couronne. Le gazon est vert flashy et comme on est dans « l’21 », une subtile allée en Comblanchien invite le chaland. Un vrai jardin de parvenu auquel il ne manque qu’une sculpture de cerf en bronze. Pauvres Ducs de Bourgogne. 34


PARC DARCY

Le parc le plus populaire. Tu croises des touristes accrochés à l’ours blanc de Pompon, des kids autour des toboggans, des clodos sur les bancs, des étudiants poètes sur l’herbe, des cailleras à la recherche d’un bon plan, des papys somnolant... Depuis les travaux du tram, en arrivant par la place Darcy, tu pourrais te croire dans n’importe quelle grande ville de France. Le parc t’offre deux niveaux donc deux ambiances. Le haut familial et historique (va voir un peu le monument en l’honneur de Monsieur Darcy). Le bas, plus speed et plus branché, est plus jeune, donc plus dangereux. Le lieu abrite certainement la plus grosse colonie de pigeons de tout Dijon. On aime : l’ambiance post free party lorsque le bassin est vide.

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JARDIN DERRIÈRE L’HÔTEL BOUCHU DIT D’ESTERNO

Oui, c’est bien un lieu public. Un jardin plus qu’un parc et c’est sûrement le plus cool qu’on ait visité. Caché derrière l’hôtel Bouchu dit d’Esterno, l’ambiance est digne d’un film d’Ozon. La rotonde de l’hôtel s’offre à toi. On en oublie le parking réservé aux services de la ville. Peinard, rien ne peux t’arriver et si tu connais les gens de la mairie qui bossent dans l’hôtel d’Esterno, tu peux même te faire payer le café. On aime : la statue « casque et armure » sûrement piquée au Palais des Ducs.

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entretien. www.a4designers.com Journées portes-ouvertes 15/16 juin 2013

A4 DESIGNERS

À QUATRE, C’EST MIEUX PAR PIERRE-OLIVIER BOBO PHOTOS : ALEXANDRE CLAASS

Delphine, Muriel, Juliette et Ange-Lyne. Tu connais « les A4 » ? Quatre filles passionnées par le design et l’aménagement d’espace, qui ont décidé d’en faire leur métier. Quatre nanas qui, tout juste sorties des beaux-arts, se lancent dans la grande aventure. Quatre jeunes femmes qui, en fait, manient la visseuse et la scie à métaux bien mieux que toi. On a voulu reprendre l’histoire depuis le début, il y a cinq ans. Entretien au coeur de leur atelier avec Muriel, la rousse de l’équipe, sous la surveillance de Diego, le chien de Delphine.

En 2008, vous terminez l’école des beaux-arts à Dijon. Vous montez le collectif tout de suite, sans vous poser de question ? On a fait nos 5 ans dans la même promo, en section design d’espace. Quand on a validé notre diplôme on s’est dit : « bon bah, qu’est-ce qu’on fait ? » Il y avait déjà quelque chose qui commençait à se mettre en place, on avait envie de se réunir autour d’un projet collectif. On a toujours eu cette logique de communiquer les uns avec les autres sur nos projets, ça fait aussi avancer nos idées. Et on s’est retrouvées au final à 4 nanas. Donc l’été juste après notre diplôme, on se lance. On s’est longuement interrogées sur le nom et finalement, comme on est quatre… Ça correspondait bien aussi avec le format de la feuille : quand on a un projet, une idée, on prend une feuille blanche et on dessine. On a rajouté « designers » car il fallait qu’on précise. Que les gens sachent qu’on fait du design, de l’aménagement d’espace.

Comment vous arrivez à développer le projet A4 au départ ? Chacune a déjà un peu son réseau. Quand on était étudiantes, on commençait à avoir des envies dans certains domaines. À la sortie, l’idée était de pouvoir mélanger un peu tout ça. On a aussi eu la démarche d’aller frapper aux portes de certaines personnes, ou auprès de la ville de Dijon qui nous a aidées sur beaucoup de projets. Mais il y a toujours des hauts et des bas dans ce métier. Aujourd’hui, après avoir traversé différentes phases, les gens commencent à nous connaître, à faire appel à nous. Le fait d’avoir bossé avec la ville de Dijon, ça nous fait une bonne carte de visite. On se dit qu’on avait quelque chose à créer ici, c’est une ville qui est en train d’avancer dans plein de domaines, qui se modernise au niveau de l’espace urbain. Je pense qu’on est arrivées au bon moment. Mais il faut toujours aller chercher les choses, ne pas se reposer sur ses acquis.

C’est quoi la première étape ? Créer une association, qui est toujours là et qui nous permet de faire des projets en commun. Par contre, chacune est indépendante, mais c’est l’asso qui nous permet de nous rassembler. Il y a ce noyau dur, avec nous quatre, qui avons chacune un univers : plus fonctionnel, plus tourné vers le théâtre et l’entre-deux, plus sur le graphisme...

Quelques années plus tard, vous atterrissez dans cet atelier, rue Ernest Petit. Vous avez l’air plutôt bien ici, non ? Cet endroit, c’était un peu notre rêve. Avoir un lieu plus collectif, pouvoir mutualiser le travail et y partager certaines valeurs. L’atelier Ernest est un vrai espace dédié à la production, c’est un espace collectif qu’on partage avec d’autres designers, plasticiens et constructeurs. C’est aussi un lieu ouvert aux créateurs qui auraient besoin d’un espace de travail pour quelques jours ou quelques semaines.

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Une petite partie de l’atelier A4 designers

C’est quoi, vos valeurs ? Les valeurs de notre atelier, c’est de ne pas rester dans son coin, qu’entre nous quatre. Il y a plein d’autres métiers qui finalement sont complémentaires. Là, le fait qu’il y ait des constructeurs avec nous, c’est chouette. On travaille ensemble. C’est le fait de mettre les choses en commun. Plutôt que d’avoir chacun notre visseuse, on se les prête. Les valeurs de A4, c’est répondre au mieux aux besoins des usagers, proposer des projets personnalisés, optimisés et adaptés, en se souciant de l’impact environnemental, c’est-àdire valoriser les partenaires locaux, utiliser des matériaux les plus propres possibles et recyclables de préférence. C’est une idée que vous aviez dès le départ ? Oui, on fonctionne en collectif pour partager les choses. On s’est déjà rassemblées par affinités. On a des boulots différents, mais on partage des valeurs communes par rapport au design. Sur la question de la réflexion autour des projets, sur les besoins de chacun, sur la volonté de ne pas trop consommer, etc. On a quatre univers différents, mais qui se complètent : lorsqu’on on réfléchit à un projet, on va penser ensemble à l’usager. Quels sont ses besoins ? On se dit aussi qu’on n’est pas obligées de détruire tout le temps quelque chose, parfois il suffit juste de rajouter un élément. Comme par exemple votre fresque réalisée sur la maison des associations. Oui. Le bâtiment, il est ce qu’il est. Du coup, comment faire pour

le rendre plus visible ? On en est venu à faire quelque chose qui est assez simple, une fresque, des choses assez colorées. Mais en gardant le bâtiment tel qu’il était. Souvent ce qu’on est amenées à faire, c’est réfléchir avec ce qu’on a et venir avec quelque chose d’intelligent. Du moins j’espère que ça l’est ! Tout ça, c’est redonner du sens. Voir l’usage qu’il y a, voir l’espace et chercher à ce qu’on peut apporter en plus dans cet espace pour qu’on le voit plus, pour que ce soit plus efficace, pour que ce soit de mieux en mieux au niveau de la fonction. Tu fais souvent référence aux différences qu’il y a entre vous quatre. Chacune a son domaine de prédilection, au niveau esthétique également. Ce qui nous rassemble, c’est qu’on créé toutes les quatre. Juliette est beaucoup tournée vers le paysagisme, elle a travaillé avec des architectes, sur la fonction, et dans le mobilier urbain. Elle bosse sur quelque chose qui peut se déployer, qui va pouvoir être « multi-fonction »; elle est très attachée également à tout ce qui peut être modulable. Ange-Lyne, il y a souvent un aspect graphique dans ses projets. Même dans ses projets en volume ou en scénographie, cet aspect graphique est très fort. Delphine, c’est le mobilier, mais plutôt entre mobilier et espace, à la limite d’une micro architecture, qui combine deux idées et qui a un côté décalé. Enfin moi, je suis plus tournée vers l’image et la scénographie. Je travaille du coup aussi un peu la vidéo. J’ai un peu le cul entre deux chaises en fait, mes projets sont entre art et design.

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entretien.

autour de l’aménagement de l’espace, du volume, de la sculpture et améliorer le lieu, l’entretenir, etc... Cet événement sera l’occasion de montrer tout ce qui s’y est passé dans l’année : les projets, les rencontres... Vous êtes constamment en recherche de « locataires » ? Oui, parce que cet espace a un coût et il n’est pas tout le temps utilisé. Une compagnie de théâtre par exemple est déjà venue. Une autre personne, Camille, vient ponctuellement fabriquer sa machine. Également mon autre collectif, Mulupam, qui vient construire des choses ici… C’est un espace dynamique, sans cesse en mouvement et nous essayons de l’ouvrir au maximum aux autres, pour éviter les « temps morts ».

C’est comment de vivre de sa passion ? C’est un choix déjà, clair et net. C’est une manière de vivre, il faut y croire. Il y a des moments où le moral n’est pas au beau fixe et justement c’est ce qui est agréable quand on bosse à plusieurs. Il y en a toujours une qui va redonner un coup d’energie. T’es plus fort en groupe que tout seul. Tu préfères vivre de cette manière là plutôt que faire un job que t’aimes pas. Nos valeurs sont là aussi. Il y a une véritable réflexion quant à la manière dont nous vivons : on souhaiterait améliorer certaines choses, avoir un regard sur ce qui nous entoure plus largement, sur la fonction, sur les objets qu’on a autour de nous. Ça peut paraître très intello mais la démarche d’un designer, c’est aussi ça. Se poser des questions : Comment on vit aujourd’hui ? Qu’est-ce que tu peux améliorer dans la vie des gens ? On va avoir un regard complet, qui peut être tourné vers la fonction mais sans oublier aussi parfois le côté poétique. Enfin, apporter un autre regard, un peu décalé…

Comment ça se passe, lorsqu’on désire s’installer chez vous ? On fait une première rencontre, pour connaître un peu la personne, connaître aussi ses besoins, l’espace qu’elle souhaite, ce qu’elle va y faire, avec quels outils... On a besoin généralement de savoir si c’est quelque chose de volumineux ou pas. On peut aussi aménager en fonction de ses besoins.

Ça s’embrouille parfois entre vous ? Vous êtes des meufs quand même. Ce lieu, c’est une colocation professionnelle. Ce sont des manières de vivre, un savoir vivre qui s’applique aussi dans la profession. Dans cet espace, chacun bosse en volume. Il faut donc se mettre au courant les uns et les autres de ce qu’on va faire. Il faut simplement communiquer et passer un coup de balai dans l’atelier à la fin !

On peut vous trouver où en ce moment et prochainement ? Nous avons une expo à l’ABC, « Un objet, un designer », jusqu’au 25 mai. Chacune a travaillé sur un objet qui représente bien son univers, sa façon de voir le design. Ce sont plutôt des recherches, des prototypes, ce ne sont pas des objets qui sont tout à fait terminés et qui pourraient être vendus. On approche du but de la commercialisation mais il y a encore des choses à travailler. C’est une expérimentation finalement. Et du coup on voit bien aussi nos quatre différences. On a également travaillé sur le salon «Aménageons durable et créatif», à la galerie européenne du bois à côté de Cluny, sur toute la scénographie d’exposition. En juillet, il y aura aussi le festival Dièse : on va travailler sur l’aménagement et la signalétique du festival. Pour ça on fait aussi des ateliers avec l’ACODEGE. Il y a un travail pédagogique réalisé avec un public handicapé. Enfin, les futures vitrines pour la marque Petzl, qui fait du matériel de sport de haute montagne, des lampes frontales, des baudriers… On réalise une vitrine pour un grand magasin à Chamonix et à Chambery. C’est de l’aménagement de l’espace commercial et c’est assez sympa à travailler !

Le week-end du 15 juin, vous organisez des journées portes ouvertes. C’est l’occasion de montrer ce que font les gens dans l’atelier. Le lieu sera ouvert, les gens pourront venir voir nos espaces de travail. Ça pourra aussi donner des idées à ceux qui ont besoin d’un espace comme ça. Une compagnie de théâtre, un artiste qui a besoin de travailler en volume et qui n’a pas d’atelier. On organise régulièrement des rendez-vous entre colocs de l’atelier. L’idée, c’est se donner un temps fort pour fabriquer des choses ensemble

Finalement, ça serait quoi votre rêve ultime ? Avoir un atelier plus optimisé que celui là, conçu par nous-même de A à Z et pas réadapté. Avec un accueil du public, un vrai accueil des professionnels. Des machines professionnelles bien chères et bien pratiques ! En fait, ça serait d’avoir un pôle d’art et de design. Un peu comme la Cité de la mode et du design à Paris. Nous on ferait une Cité de l’art et du design, pensée et conçue par nousmêmes et pour nous-mêmes. Mais qu’on pourrait partager quand même ! •

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JAMES HOLDEN ON A BAVARDÉ AVEC

P

roducteur de musique électronique et patron du label Border Community, James Holden est une des personnalités les plus singulières de la scène IDM anglaise. Alors qu’il étudie les maths à la fac d’Oxford, il sort un premier single très remarqué de transe progressive. Il a alors 19 balais. Il signe sur le label Silver Planet mais se retrouve vite enfermé dans un style musical qui ne lui ressemble pas. Cette première mauvaise expérience va forger chez le jeune artiste un véritable désir d’indépendance en matière de création, et le pousser à monter son propre label dès 2003. S’entourant d’artistes comme Nathan Fake, Luke Abbott et Fairmont, James limite délibérément le nombre de sorties afin de privilégier le travail autour de l’esthétique du « son » Border. Invité d’honneur de la soirée électro du festival Kill Your Pop à la Vapeur, il nous a accordé 30 minutes d’interview pendant lesquelles nous avons évoqué, pêle-mêle, la sortie de son nouvel album, la commercialisation de son contrôleur-prototype ou encore l’importance de sa femme dans sa carrière. Entretien au calme avec la plus belle mèche de la dance music. Si Minus, le label de Richie Hawtin, t’avait signé, qu’est-ce qui aurait été différent ? Quand j’ai commencé à faire de la musique à 19 ans, je leur avais envoyé une démo et Clark m’avait répondu un truc assez sympa, avec quelques conseils utiles. À cette époque, ma musique était essentiellement basée sur l’utilisation d’échos et si j’avais continué dans cette voie, je me serais rapidement ennuyé. Le fait d’avoir son propre label te permet de faire ton chemin, sans avoir quelqu’un qui te dit ce qui est bien ou pas. Pour moi, c’est la seule façon de faire. Chez Border Community, il y a un contrat par sortie pour chaque artiste, pourquoi ? Je ne veux pas que la notion de possession gêne les artistes dans leur processus de création, on ne veut pas les empêcher d’être eux-mêmes. S’ils veulent faire quelque chose de différent de nos esthétiques, ils devraient toujours être capable de le faire. En ce sens, les artistes ne sont pas rattachés au label. Que penses-tu du fait que Luke Abbott ait sorti ses deux derniers EP sur NoTown ? Je n’ai aucun problème avec ça, j’ai envie qu’il réussisse. Je veux aussi que Gemma et moi, on ait une belle vie et ce n’est pas en travaillant chaque heure de la journée pour sortir des disques et faire de l’argent que nous y arriverons. C’est trop de travail. Quand on sort un disque, on se focalise entièrement sur celui-ci et on ne peut pas se permettre de travailler sur autre chose à côté. C’est la raison pour laquelle nous sommes plutôt lents comparé aux autres labels. Border Community n’est pas une usine à fric. Mes prestations en tant que DJ nous assure de quoi vivre, le label quant à lui sert à sortir de bons disques.

PAR SOPHIE BRIGNOLI PHOTOS : DR

Gemma, c’est juste ta partenaire professionnelle ? Eh bien, c’est ma partenaire en tout ! Je me permets cette question parce que c’est plutôt rare de travailler ainsi, en étroite collaboration avec sa partenaire, et en plus tu parles souvent d’elle… Ce qui serait étrange, ça serait que je ne parle jamais d’elle car sans elle, il n’y aurait rien. Vraiment. Je ne ferai pas non plus de musique… Elle est à l’origine de toute cette aventure, la seule différence c’est qu’elle, on ne la retrouve pas sur scène en face d’un public qui crie son nom. Ton deuxième album sort bientôt, 7 ans après la sortie de The Idiots are winning, pourquoi avoir attendu si longtemps ? À quoi peut-on s’attendre ? L’album devrait sortir en juin. Je ne me sentais pas prêt à refaire un album tout de suite et puis je faisais beaucoup de choses à côté : la gestion du label et les dates en tant que DJ me prennent énormément de temps. Je pense que le prochain viendra plus rapidement mais je ne veux pas non plus faire de promesses, on ne sait jamais… (rires) Je voudrais justement que les gens n’attendent pas quelque chose, mais plutôt qu’ils l’apprécient pour ce que c’est. Cet album est dans la même veine que le précédent, mais j’en suis bien plus satisfait. Tu travailles également à la conception d’un contrôleur, est-il fini ? Est-ce que tu l’utilises ? Oui, je l’utilise depuis deux ans mais la toute première version n’était pas au point ; il y avait toujours des bugs et la moitié des fonctions ne marchaient pas. Nous sommes en train de le finaliser et nous allons monter une boîte pour le commercialiser. Enfin, si tout se passe bien. C’est un travail très laborieux. Tu n’étais pas satisfait malgré la diversité de l’offre sur ce marché ? La plupart des contrôleurs sont destinés aux DJs débutants, et ils ne possèdent pas les caractéristiques dont j’ai besoin. Je mixe d’une manière particulière par rapport à la majorité des DJs, je suis obsédé par le mix harmonique, et les contrôleurs ne sont pas conçus pour ce genre d’utilisation. On a commencé à travailler sur ce prototype il y a 8 ans, et à l’époque il n’y avait pas tant de choix que ça. Et aujourd’hui, malgré la diversité des produits, personne n’a encore sorti le contrôleur de mes rêves. Celui que j’utilise, je le considère comme un véritable instrument qui me permet de contrôler la musique plus directement, rapidement.

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James, visiblement heureux.

mais cela m’a toujours amené à la prochaine étape. Je pourrais donner des exemples mais je n’ai pas envie de faire le méchant… Je leur souhaite à tous de réussir, même ceux qui ne travaillent plus avec nous.

Si tu n’avais pas été producteur de musique, quel job t’aurait plu ? J’aurais aimé être conducteur de taxi. J’adore conduire et en plus je pourrais choisir la musique. Et puis, être derrière le volant à Londres, c’est véritablement un sport de combat. Ou j’aurais voulu être le mec qui conduit les escaliers d’embarquement. C’est tellement un travail crucial, il faut être capable de le réaliser vite et à la perfection, ça doit être très satisfaisant. Pourquoi as-tu refusé que ton set soit capté et diffusé en radio ce soir ? À moins d’avoir une très bonne raison, je refuse toujours qu’on enregistre mes sets. Personnellement, je trouve que c’est une perte de temps que d’écouter deux heures d’un mix dans un club où tu n’étais pas. Il y a constamment des nouvelles sorties, les gens devraient plutôt acheter et écouter ça. L’ambiance -ce que les gens t’apportent lorsque tu joues- c’est pour moi la moitié de l’expérience. En l’écoutant chez toi, tu as une fausse idée de ce qu’il s’est réellement passé. Et si ça avait été une soirée Boiler Room, tu aurais accepté que ton set soit retransmis ? À vrai dire ils m’ont demandé pas mal de fois et j’ai toujours refusé. Et non je n’aurais pas accepté, pour la même raison. Les gens qui regardent sur Internet ne sont pas au cœur de la soirée. Quand je joue, même si je ne fais pas vraiment attention à la foule, elle me renvoie quelque chose, et cela alimente d’une certaine manière la façon dont je joue, la sélection que je vais faire. Comment se porte ton label après les dernières sorties d’albums de Kate Wax et Nathan Fake ? Eh bien, il y a des hauts et des bas. Dans un label, tu entretiens des relations avec pas mal de monde, avec certaines personnes c’est assez simple, avec d’autres ça se passe beaucoup moins bien... Border Community fête ses dix ans cette année : certaines des expériences ont été merveilleuses, d’autres vraiment terribles,

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Récemment tu as composé une playlist de trance music, qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ? Comme tout le monde, la semaine dernière j’ai écouté l’album de The Knife. Mais il y a tellement de sorties ! Terry Riley, par exemple, pourrait satisfaire à lui seul une année entière d’écoute. Je sais que tu es fan de krautrock également. Oui, c’est vraiment le style qui provoque quelque chose en moi. La musique a évolué après le krautrock, elle est devenue plus efficace à partir du moment où on a commencé à jouer sur de gros systèmes sons en club, mais pour moi l’esprit est resté le même. Quand tu écoutes du krautrock, la techno peut te sembler très monotone. Margaret Thatcher est décédée récemment, quelles ont été les réactions en Grande Bretagne ? Je trouve ça dérangeant de célébrer la mort de quelqu’un. Quand Saddam a été exécuté, j’ai vraiment trouvé les réactions pitoyables. Le jour où elle est morte, j’ai boycotté Twitter, parce que tout le monde avait son mot à dire sur le sujet. Alors oui, j’ai une opinion aussi mais je ne vois pas l’intérêt de la partager comme ça, avec le public. (Luke Abbott tendant une oreille) : Elle est morte, oublions la. L’Angleterre, c’est aussi une grande terre de football. Est-ce que ça te parle ? Pas du tout, je n’ai même jamais assisté à un match dans un stade. Un de mes amis m’assure pourtant qu’aller voir un match sous ecstasy, c’est la meilleure chose au monde, alors un jour je tenterai l’expérience. •


25 JUILLET 2013 - DIJON COURSE MIXTE DE 21 KM PIGNON FIXE

Réalisation : Sportunit - 05/2013

/NATIONALMOUTARDECRIT


récit. PAR MARTIAL RATEL

LA VIE HARMONIEUSE ? C’EST PAS POUR CÎTEAUX Tout le monde connaît Cîteaux. Ses psilocybes*, son fromage et son abbaye. Mais à part ça honnêtement, on n’a rien à aller faire dans cette campagne à 24 km de Dijon et 10 de Nuits-Saint-Georges. Le lieu est tout de même fréquenté par quelques touristes sur les traces de la grandeur passée des moines Cisterciens (1098-1790). Pour mémoire, entre autres fantaisies, les moines de Cîteaux font vœux de silence, de pauvreté, vivent au rythme des messes et ont comme seule bande-son les cloches de leurs offices. Avec un tel programme forcément, le Cistercien a des envies d’ailleurs. L’ordre s’étend petit à petit à travers toute l’Europe. Et, dans ces envies de voyages, c’est le joyeux Bernard de Clairvaux qui lancera la deuxième Croisade en 1146 depuis la Bourgogne (à Vézelay, Cîteaux n’étant pas assez classe). Une fois qu’on a dit ça, on oublie l’essentiel. Le truc que l’histoire a tendance à mettre de côté et que le frère-moine agent-encaisseur ne te dira jamais en prenant ton bifton de dix en échange de 700 grammes de (bon) fromage de Cîteaux. Cinq ans durant, de 1841 à 1846, une communauté a occupé les bâtiments, espérant fonder un microcosme idéal, un monde socialiste (ce mot ne sortira jamais de sa bouche) : un phalanstère, sur les principes de Fourier. Une « harmonie universelle » faite de taff et de teufs.

« NE VOUS AFFOLEZ PAS MA P’TITE DAME, JE VOUS FAIS LA REMISE À NIVEAU EN DEUX MINUTES » Fourier, de son prénom Charles, fait partie de tous ces théoriciens du début XIXème (1772-1837) qui d’une manière ou d’une autre s’appuient sur le mouvement révolutionnaire de 17891793 pour imaginer des sociétés meilleures : plus justes, plus fraternelles, voire égalitaires. C’est ce qu’on a coutume d’appeler des socialistes. Bon, les Bac+5 en marxisme les rangent sous l’étiquette « socialistes utopiques ». Notre Fourier, Bisontin de naissance, imagine une société à partir des passions, des envies. S’opposant à toute la tradition philosophique qui les rejette depuis l’antiquité (parce que ce qui est bon c’est la raison, pas les sens). Là, Fourier prend le truc à l’envers : autant utiliser l’égoïsme, les penchants narcissiques plutôt que de lutter contre. Fourier souhaite favoriser les envies mais en les intégrant dans une société harmonieuse. L’idée, c’est pas l’ego trip des uns contre celui des autres, sinon on est dans le pur capitalisme, dans le libéralisme le plus sauvage. Le sujet fouriériste choisit au jour le jour ce qu’il a envie de faire : s’il se sent le matin de passer le balai, il sera le balayeur du matin. L’après-midi, le peintre en bâtiment, le lendemain il sera vacher, etc. Fourier appelle ça « papillonner ». Oui, oui, le coquin de

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Fourier imagine aussi que dans sa société les amants pourront « papillonner » de l’un à l’autre. Son rêve, c’est plein de lieux à travers le monde, regroupant un bon millier de personnes, qui forment une phalange (comme la main) au sein d’un phalanstère. Il édite tout un tas de règles, de principes de vie. Sa société est très hiérarchisée, très cadrée et se fonde sur le travail. Bah oui, faut bien manger. Et pour manger à l’époque il n’y a que le boulot. C’est une des premières fois qu’un théoricien propose d’abolir le salariat : le travailleur touche les bénéfices directs sur la production. Et -oh, rêve suprême du travailleur- Fourier propose un revenu d’existence minimum, quasiment un Smic, voire une alloc’ chômage. « Il faudra que l’industrie sociétaire, pour devenir attrayante, remplisse les sept conditions suivantes : 1. Que chaque travailleur soit associé, rétribué par dividende et non pas salarié. [...] 3. Que les séances industrielles soient variées environ huit fois par jour, l’enthousiasme ne pouvant se soutenir plus d’une heure et demie ou deux heures dans l’exercice d’une fonction agricole ou manufacturière. 4. Qu’elles soient exercées avec des compagnies d’amis spontanément réunis, intrigués et stimulés par des rivalités très actives. 5. Que les ateliers et cultures présentent à l’ouvrier les appâts de l’élégance et de la propreté. 6°. Que la division du travail soit portée au suprême degré, afin d’affecter chaque sexe et chaque âge aux fonctions qui lui sont convenables. 7. Que dans cette distribution chacun, homme, femme ou enfant, jouisse pleinement du droit au travail ou droit d’intervenir dans tous les temps à telle branche de travail qu’il lui conviendra de choisir, sauf à justifier de probité et aptitude. X. Enfin, que le peuple jouisse dans ce nouvel ordre, d’une garantie de bienêtre, d’un minimum suffisant pour le temps présent et à venir, et que cette garantie le délivre de toute inquiétude pour lui et les siens. » Vous avez aussi remarqué que Fourier fait une place aux femmes. Il les considère comme égales aux hommes. Tellement égales qu’il souhaite les remettre en « concurrence » avec les hommes comme dans un supposé état naturel et plus comme « subalternes », façon Ancien Régime. La finalité de tout cela : « le bien-être ». Belle ambition, non ? « LA ROUTE POUR CÎTEAUX ? C’EST PAS COMPLIQUÉ MON BRAVE MONSIEUR... » En 1841, un riche Écossais, Arthur Young, sur les conseils d’une militante belge Zoé Gatti de Gamond, achète la grande propriété de Cîteaux alors à vendre par un particulier, les moines cisterciens ayant été virés à grands coups de pompes dans l’fion par les révolutionnaires autour de 1791. Une centaine de personnes, familles ou simples travailleurs s’établissent à partir de mars 1841 : nourris, logés, hébergés. Le domaine des phalanstériens se compose de 530 hectares dont 56 d’étangs, 14 de vergers et 17 de bois. Deux cours d’eau alimentent les deux moulins. À cela s’ajoutent une ancienne tuilerie, une scierie, une huilerie et un magnifique château de 1760 avec salle de billard, théâtre, chauffé par un ancêtre du chauffage central et tout un tas de dépendances comme une orangerie ou une grande ferme. Le lieu est immense et correspond en partie aux recommandations du « maître » Fourier pour créer un phalanstère. Certes, des adaptations sont apportées aux théories, le projet se fait avec dix fois moins de membres que suggéré par Fourier. La division du travail sérielle, fouriériste est plus ou moins mis en pratique selon les témoignages. *Les psilocybes sont un genre de champignons, connus pour leur effet psychotrope et hallucinogène.


Sont-ce les fêtes qui ont ravagé l’esprit des sociétaires ? L’ergot de seigle était-il consommé ? Des psilos étaient-ils gobbés ? L’histoire ne dit rien là dessus. Malgré ce bon esprit festif et la recherche de l’harmonie, des embrouilles ont assez vite plombé l’ambiance. Dès les premiers mois, des tensions internes poussent des sociétaires parfois venus de loin (Paris, Bretagne, Franchecomté, Belgique) à quitter les lieux. Le prix d’achat du domaine, 1.450.000 francs, et les salaires, dont le fameux minimum suffisant, ont tiré les finances vers le bas. Expérimentateurs d’un point de vue agricole et libres de leurs passions, les phalanstériens n’ont semblet-il pas été des champions du rendement par hectare, malgré quelques prix agricoles récoltés du côté de Beaune. En 1843-1844, une réflexion sur l’organisation interne et économique est menée par Young, le propriétaire et mécène, mais le lieu reste fortement endetté. Et en 1846, Young, bien qu’extrêmement fortuné, se voit incapable de payer ses traites : la colonie de Cîteaux est expropriée. Les raisons sont simples, la société n’arrive pas à produire plus qu’elle ne dépense malgré la disparition du minimum suffisant et l’instauration générale du salariat. En 1846, les calotins rachètent l’abbaye pour d’abord la re-bénir et faire disparaître l’esprit des socialistes, ensuite pour créer une colonie agricole pénitentiaire pour enfants.

Les bâtiments sont récupérés et non construits. Le « papillonnage » sexuel sus-cité n’est pas mis en pratique, de simples salariés participent aux travaux collectifs. Mais d’énormes fêtes sont organisées par la communauté. « LA FÊTE CE SOIR ? A CÎTEAUX BIEN SÛR ! » Ces fêtes publiques étaient essentielles dans la perspective fouriériste. D’abord, elles soudaient la phalange. Et quoi de mieux pour le plaisir, l’harmonie et le bien-être que de faire la teuf ? « Un harmonien jouit de tous les biens enviés par nous : voitures, chevaux, meutes, bonne chère*, spectacles et fêtes continuelles ; tous ces agréments sont, en harmonie, l’apanage du plus pauvre des êtres ; il a les voitures, meutes et chevaux de minimum, valant le train d’un Parisien renté à trente mille francs, et qui ne jouit pas d’un assortiment à option. » Et puis surtout, le rusé Fourier se doute bien que les sceptiques seront nombreux. Les fêtes étaient alors conçues comme des moments de sensibilisation, pour ne pas dire de propagande, aux thèses sociétaires. Et le voisinage ne s’y est pas trompé. La colonie phalanstérienne est devenue the place to be. Chaque semaine, les pelouses du château étaient le spot où on régalait et rigolait à gogo. Le lieu était tellement ouvert que les fêtes ont fini par plomber le budget. Fourier les voulaient payantes, pour apporter un peu d’argent dans les caisses justement. Nos cisterciens les ont faites gratuites ! On offre des plats de fête : meurette à base de 150 carpes. On héberge gratuitement les fêtards et les gens du coin, dont un certain Pierre Joigneaux qui dans ses Souvenirs de Bourgogne écrit : « Il fallait voir cela quand on dansait l’été à l’ombre des grands arbres verts, quand on s’y régalait de musique une partie de la journée […] c’était le bon temps ; les visiteurs recevaient accueil superbe, et ils venaient beaucoup à cause de la bonne mine qu’on leur en faisait et de la vie douce et plantureuse qu’on y menait ». Ajoutons à cela les parties de chasse et les journées champignons.

Le bilan semble bien maigre si on se place dans une perspective uniquement entrepreneuriale : Young et ses copains ont bouffé la grenouille. Sauf qu’à l’échelle internationale, Cîteaux est une des plus grandes expériences fouriéristes. Hormis deux tentatives américaines, toutes ont vécu moins de quatre ans ! Si certains principes sont peut-être bancals dès le départ, ces utopies concrètes, dommageables pour la théorie fouriériste, ont eu l’extrême avantage de diffuser auprès des populations du XIXème des notions telles que la solidarité, l’ordre juste, l’épanouissement dans le travail, l’élévation culturelle, l’égalité homme-femme ou encore l’idée que la fête pouvait être libératrice. L’alternative proposée a eu le mérite d’exister sans demander l’autorisation des autorités et sans attendre le fameux « grand soir ». Une zone d’autonomie temporaire douce, non pirate, a tenté de détruire les modes anciens de gestion des vies. Les principes aristocratiques et bourgeois qui s’imposaient en France dans les années 1840 (Louis-Philippe est « roi des français ») se voient attaqués sur leurs bases d’une manière insolite, sans bâton, sans fusil mais avec la manière. Plus largement pour le socialisme, l’idée de participation des travailleurs aux dividendes, le revenu minimum, prendront forme peu à peu dans les courants coopératifs. Mais s’il ne doit rester qu’une chose : les cisterciens fouriéristes ont quand même eu le temps de construire une fromagerie pour transformer directement le lait de leurs vaches et en tirer un maximum de bénéfices. Dans cette fromagerie toute neuve, on faisait une espèce de Munster, un fromage à base de lait de vache cru, sûrement même un « Petit-Munster » ou « Petit Munster Géromé », à la croûte lavée avec des brevibacterium linens, également appelés ferments du rouge, qui donnaient une jolie couleur rougeâtre à la peau du-dit fromage. Quand le frère-agentencaisseur te vendra ton beau fromage de Cîteaux, à la peau ambrée rouge tuile, tu pourras lui claquer un clin d’œil. S’il te demande pourquoi, il faudra lui expliquer que tu le remercies de perpétuer la tradition de ce fromage fouriériste, socialiste, plus de 150 après. • Toutes les informations sont extraites du livre hautement recommandale La Colonie phalanstèrienne de Cîteaux, 1841-1846, les fouriéristes aux champs de Thomas Voet. En 2000, Thomas Voet a réalisé un travail de maîtrise, publié en 2001 aux EUD. Il a reçu le prix Jean-René Surateau pour ce travail, soit 3.000 francs. Avec, il s’est payé un billet d’avion et enseigne depuis à Mayotte.

*Faire bonne chère à quelqu’un signifie lui faire un bon accueil. 55


chroniques.

PAR ARTHUR GÉRARD

COLIN STETSON - NEW HISTORY WARFARE VOL. 3: TO SEE MORE LIGHT. Découvert en 2011, Colin Stetson a depuis vu ses dates de tournée se multiplier, ce qui est à la fois réjouissant et vaguement inquiétant quand on connaît le mode opératoire du bonhomme. Seul sur scène, Colin est armé d’un énorme saxophone cabossé dans lequel il souffle et grogne comme un fou pour produire un son total et continu grâce à une technique de respiration circulaire. Ses concerts relèvent du défi physique constant et laissent le performer totalement lessivé. Polyphonique, saturé, percussif et gueulard, c’est comme si le mec jouait au jeu du foulard pendant une bonne heure sans jamais tomber en syncope.

PHOENIX – BANKRUPT! Lors de leur tournée précédente, le groupe avait littéralement fait s’effondrer la scène de la Vapeur pendant leur rappel sur 1901. Plutôt sensas’ venant d’un groupe dont les membres ont tous la gentille dégaine du gendre idéal. En 2013, Phoenix continue d’être ce groupe de pop revendiquée qu’on peut écouter sans honte aucune. Pour se détacher de la production bourrine de Philippe Zdar qui compresse tout ce qu’il touche, le groupe a même sorti sur l’édition limitée de l’album 71 petites démos brutes dépassant rarement la minute, toutes super. Mon conseil pas très sérieux : virez Zdar et sortez un triple album. JOHN ROBERTS – FENCES. John Roberts a-t-il le meilleur taff du monde ? Sûrement, car après un album adoubé par Resident Advisor en 2010, John est devenu rédac-chef de the Travel Almanac, une revue arty qui suit des personnalités comme James Murphy ou Willem Dafoe dans leurs déplacements aux quatre coins du monde pour en extraire leur vision sur ce qu’est un voyageur à notre époque. JR en a profité pour capter les sons des pays qu’il a visités, a digéré tout ça, et sort donc un album qui doit à peu près résumer le spleen du clubber jetlaggé qui ne sait plus si ce soir il va danser au Berghain de Berlin ou au Womb de Tokyo. Trodurlavie. !!! – THR!!!ER. À l’heure où sont écrites ces lignes, peu de gens savent s’il faut se méfier du battage médiatique autour du prochain Daft Punk ou s’il annonce simplement l’album sur lequel dansera le monde civilisé pendant les 5 années à venir. Rien que ça. Allons calmezvous les gars, dans moins d’un an Kim Jong-un aura nitraté nos tronches, alors revoyez vos attentes à la baisse et abordez sereinement l’été en dansant sur le dernier album des californiens de !!! et leur dance-punk imparable. En festival, c’est LE groupe (après LCD Soundsystem) dont la musique fait bouger le cul mêmes aux plus réfractaires d’entre nous.

THE KNIFE – SHAKING THE HABITUAL. The Knife est un mystérieux duo suédois composé d’un frère et de sa sœur, qui a sorti en 2006 l’un des albums pop les plus pétés qui soit : Silent Shout, dont les sons et les traitements faisaient hésiter l’auditeur entre peur panique et envie folle de danser. En 2013, Shaking the Habitual s’aventure un cran plus loin dans le weird, en citant comme influence les études de genres et appelant à l’avènement d’une société postsexuelle. Sachez aussi que leurs concerts n’en sont pas vraiment. Sur scène vous ne verrez que des inconnus danser sur la musique pré-enregistrée du groupe dans une ambiance Eurovision-aérobic.

DJ KOZE – AMYGDALA. Pour ce qui était de la douceur à l’allemande, nous avions jusqu’alors ce bon vieux Apparat, mais dont la mélancolie et la voix blanche devenaient pesantes, voire sacrément déprimantes. Puis DJ Koze est arrivé par la petite porte, en sortant beaucoup de remixes, ainsi que quelques titres dont un I Want to Sleep à l’ambiance tropicale bien moite, d’où émergeait une voix féminine au dialecte inconnu mais à la charge sexuelle évidente. Sur son album, Koze pose des ambiances riches et impeccables, et choisit d’y inviter des voix tellement gaulées qu’il parvient à faire sonner la langue allemande comme du Marvin Gaye. 56


PAR ALICE CHAPPAU

cinéma.

CANNES 2013 : LA SÉLECTION Pas mal d’américains et de français dans la sélection cannoise 2013. On détaille ce qui nous intéresse dans ce nouveau cru de la croisette.

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our les fans de Drive et de Ryan Gosling, on commence avec le nouveau film du danois Nicolas Winding Refn : Only God Forgives. Si vous êtes un lecteur assidu, il était déjà cité dans le précédent numéro de Sparse, figurant parmi les films les plus attendus cette année. Après le triomphe de Drive en 2011 (prix de la mise en scène remis par Bob de Niro), Refn et Gosling reviennent donc logiquement à Cannes pour présenter « Drive 2 » . Sauf que là ça se passe en Indonésie et que les premiers extraits donnent l’eau à la bouche. Quand Drive rencontre In The Mood For Love. On a hâte de voir ce que ça donne, surtout quand on sait qu’il s’agit peut-être du dernier film de Gosling avant un break anticipé... Sortie le 22 mai les amis. Après True Grit, les frères Coen sont de retour avec un film sur un chanteur de folk en mode dépression : Inside Llewyn Davis. C’est ce que laisse entendre la première bande-annonce en tout cas. Un film plus intimiste avec un casting moins connu (mais on n’oublie pas le fidèle John Goodman) qui risque d’avoir moins de succès, mais qu’importe. Par contre les distributeurs français font n’importe quoi avec la sortie du film, pas prévue avant le 6 novembre. Les frères Coen sont des habitués de la croisette avec une palme d’or pour Barton Fink et une multitude d’autres films présentés dont l’excellent No Country For Old Men, reparti bredouille en 2007. Que d’injustices... Un autre habitué de la croisette : le trop rare James Gray. Il présentera The Immigrant avec son acteur favori Joaquin Phoenix, en état de grâce depuis la claque The Master. C’est grâce à Gray qu’on reverra Marion Cotillard sur le tapis rouge et sur le plateau du Grand Journal (overdose). Sinon, ça parle de prohibition et vie miséreuse dans le Nouveau Monde. On n’arrête plus Steven Soderbergh. Juste après Effets Secondaires, il revient déjà avec un autre film : Behind the Candelabra avec Michael Douglas et Matt Damon. Ce biopic controversé sur la vie de Liberace, un pianiste homosexuel de music-hall, a été réalisé à la base comme un téléfilm à gros budget de HBO. Mais comme c’est peut-être l’ultime œuvre du réalisateur de Traffic, on ne va pas rater une occasion pareille. Une seconde palme en vue après Sexe, Mensonges et Vidéo en 1989 ? N’oublions pas Nebraska. On peut s’attendre à tout avec Alexander Payne. Espérons que ce sera plus du côté de Sideways

que du dernier, The Descendants avec Clooney qui était juste chiant. Un road trip dans la cambrousse américaine avec uniquement des gens méconnus. Il a été sélectionné in extremis, rajouté à la dernière minute : le dernier long de Jim Jarmush (Ghost Dog, Broken Flowers) avec Tilda Swinton en vampire et Tom Hiddleston en chanteur de rock : Only lovers left alive. C’est le film à beau titre de cette année, après Holy Motors de Carax l’an dernier. Une histoire d’amour tourmentée entre une star du rock et une immortelle blafarde donc. Un bon festival de Cannes ne serait rien sans une polémique. C’est une tradition. Il y avait les gens qui vomissent après avoir vu Irréversible de Gaspard Noé ou la déclaration d’amour à Hitler de Lars Von Trier en conférence de presse il y a deux ans. Qu’en sera-t-il cette année ? Peut-être avec la venue de Polanski ? On fera sûrement en sorte de parler plus de son Vénus à la fourrure avec sa femme que de ses ennuis avec la justice américaine. Mais on n’est jamais à l’abri d’un débordement : entre Polanski et Cannes, enfin, surtout les médias, c’est « je t’aime moi non plus ». Ou alors le scandale sera peut-être venu du Japon avec la dernière œuvre du cinglé Takashi Miike ? Le réalisateur d’Audition et de Ichi the killer is back avec Wara no tate (Shield of straw). Même s’il s’est un peu assagi ces dernières années, on se demande à quoi va ressembler ce thriller violent à la Infernal Affairs au vu des premières images. On termine avec deux français qui semblent plutôt cools, Jimmy P. (Psychothérapie d’un Indien des plaines) d’Arnaud Desplechin avec Benicio Del Toro en vétéran amérindien de la Seconde Guerre mondiale et le fidèle Matthieu Amalric en ethnologue psychanalyste. Et puis aussi le denier Ozon, Jeune et Jolie, portrait d’une fille de 17 ans en quatre saisons et quatre chansons. Enfin, on attend de voir le nouveau Sofia Coppola, The Bling Ring sur, hé oui, encore des gosses de riches mais qui volent pour de vrai à Hollywood, présenté en ouverture de la sélection « Un certain regard ». Allez, la séance de minuit à ne pas manquer : Blind Detective du Hong-kongais Johnnie To, grand prix du dernier festival du film policier de Beaune avec Drug War. • Festival de Cannes, du 15 au 26 mai, jury présidé par Steven Spielberg

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mais qui sont-ils ? PAR LA RÉDACTION DE SPARSE

Il y a de ces questions qui restent souvent sans réponse. Qui suisje ? Que fais-je ? Où vais-je ? Et il y en a une autre, beaucoup plus précise et que tout le monde se pose : qui est derrière Le Gros Dijon ? Depuis fin avril et sans crier gare, le site d’information satirique a débarqué dans la ville. Dans les articles de cette déclinaison locale du Gorafi, tout le monde y passe : acteurs politiques, influents, et surtout les médias locaux. Comme tous, on a d’abord ri, avant d’espérer ne jamais y passer. On s’est alors à notre tour demandés qui étaient les cerveaux derrière tout cet emballement. Après un bref échange de mails, Francis Jagermeister et Bertrand L’Autre nous ont donné leur accord pour une entrevue téléphonique. Mais comme on n’a pas leur talent de journaliste, on n’a pas pu en tirer grand-chose… Bon les mecs, on va la faire courte, vous êtes qui ? Francis Jagermeister : Je suis Francis Jagermeister. Bertrand L’Autre : Je suis enchanté. Vous êtes les co-fondateurs du Gros Dijon, mais c’est quoi votre projet ? F. J : Apporter l’info vraie aux Dijonnais. Faire le lien direct entre nos lecteurs et la vie de la cité. B. A : On est là pour détrôner le canard croulant local. Surtout depuis qu’ils m’ont débauché. Vos articles sont pourtant tous bidons… B. A : Je n’ai pas l’impression que nos lecteurs et commentateurs le voient de cet œil, il suffit de les lire pour voir qu’ils ont très bien saisi le caractère véridique de nos informations. F. J : Sérieusement, tout ce qu’on veut apporter, c’est une bulle d’oxygène dans le panorama d’information locale en se moquant gentiment des travers de la ville et de ses dirigeants. En cela, il n’y a pas vraiment de mensonge dans tout ce qu’on peut publier. En clair, l’idée est d’être différents : au lieu de faire de l’intox avec la vraie info, on fait l’inverse. Alors parlons un peu de journalisme. Vous vous y prenez comment pour arracher vos exclusivités ? F. J : Forts d’une rédaction de plus de 70 journalistes ayant chacun leur carte de presse, nous travaillons quotidiennement d’arrache-pied sur le terrain et nous divisons par secteur pour mieux couvrir l’information. D’ailleurs, dans notre open space, c’est l’effervescence constante, il n’y a pas une minute de répit.

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Justement, vous buzzez en balançant pas mal. Vous avez déjà eu des emmerdes ? F. J : Les échos sont positifs puisqu’on sait de source sûre que le cercle franc-maçonnique dijonnais est en train de nous pister. Mais soyez sûrs d’une chose : personne ne saura jamais qui nous sommes. B. A : Moi j’ai pas eu d’emmerde particulière, et c’est fou à quel point personne ne me reconnaît dans la rue. D’ailleurs, pourquoi opter pour l’anonymat ? F. J : Pour ma part, c’est parce que j’ai envie que les gens continuent à acheter mes albums. B. A : Moi, je n’ai aucune envie de me faire griller par mes collègues conseillers municipaux. Presque tous les journaux ont une attache particulière à un bord politique. Où se situe la vôtre ? F. J : Comme c’est indiqué sur notre site internet, nous tenons à rester indépendants et incorruptibles. Mais cela ne nous empêche pas de soutenir notre rédacteur émérite Alain Houpette dans la course aux Municipales 2014. Journalistiquement parlant, vous êtes plutôt moustache d’Edwy Plenel ou écharpe de Christophe Barbier ? F. J : Nous penchons plutôt dans le décolleté d’Anne-Sophie Lapix. B. A : Excusez-moi, je m’étais absenté à un déjeuner de presse. Vous disiez ? Depuis votre article sur les Velodi, on voit de plus en plus de Dijonnais enfourcher de nouveau les bicyclettes municipales. Peut-on dire que vous faites et défaites les modes ? F.J : Si la question est de savoir si nous sommes pour le port de la moustache, il n’y a qu’à nous regarder : c’est oui. B.A : En vrai, on ne s’attendait pas à autant de réactions et de visites en si peu de temps. Sur Internet, on est sidérés de voir que des lecteurs surenchérissent dans les commentaires, créent des avatars virtuels des personnes mentionnées dans les articles. À l’avenir, vous comptez vous développer ? F. J : Oui, on va diffuser prochainement une publicité dans la Gazette de Côte-d’Or pour annoncer le passage au payant de notre site. B. A : Oui, parce que l’information de qualité a un prix. Merci les gars. Vous nous filez le scoop du prochain article ? B. A : Une enquête sur les magazines gratuits de la communauté hype de Dijon. • À visiter : www.legrosdijon.fr


PAR ISABELLE ALONSO

CHIPPENDALES, SEXTOYS ET COMÉDIE ROMANTIQUE

EN IMMERSION À LA SOIRÉE FILLES DU CINÉMA OLYMPIA En tant que nana, je n’avais toujours pas essayé la soirée filles du cinéma Olympia. Il était temps de découvrir ce concept de folie présenté comme l’un des succès du multiplexe du centre-ville. Une expérience... fascinante.

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appelons déjà le principe des soirées filles : pour 9€50, vous avez droit à « un film, des animations, des cadeaux, un cocktail et la bonne humeur garantie ». Youpi ! Bon, ce genre de concept peut être intéressant, quoi de plus sympa que de boire un cocktail et de se retrouver entre copines, hein ? Sachez messieurs que l’accès vous est totalement interdit. En effet, l’individu de sexe mâle est prohibé aux soirées filles. Parce que c’est le girl power, ne l’oublions pas. Un couple à la caisse en a d’ailleurs fait les frais. Le copain s’est vu interdire l’accès, oui, l’accès à une séance dans un cinéma. À vous de voir si on peut parler de discrimination. Mais pas sûre que ce soit légal d’interdire l’accès à une salle de ciné à cause de son sexe. Je demande confirmation à la caissière, qui m’a justifié que de toute façon, les filles n’ont pas le droit de venir aux soirées garçons (oui, ça existe aussi). Bref, un point partout, bonjour le concept qui améliore la mixité et l’égalité des sexes. Mais passons, partons dans le hall découvrir les stands, tous plus fabuleux les uns que les autres. Il y en a justement un qui nous propose de goûter un nouvel apéritif. Le voilà, le fameux cocktail ! De l’alcool aux soirées filles... ne sont-ils pas fous ? Surprise, ces apéritifs sont servis par deux hommes particulièrement dévêtus. On me dit que ce sont des chippendales (ou stripteasers si vous préférez) et qu’ils vont nous faire le show un peu plus tard dans la soirée. La voilà l’explication de toute cette foule ! Non parce que bon, les mecs huilés qui abusent de l’autobronzant et de l’épilation, c’est pas trop mon truc, mais il semblerait que ça intéresse pas mal de personnes. Je me dirige ensuite pour prendre ma boisson gratuite (on nous donne un bon à l’entrée), je me fais plus ou moins piétiner. Il faut savoir qu’il y a au moins 150 filles de tout âge dont une bonne partie ressemble plutôt à une horde de pintades prêtes à te marcher dessus pour avoir un cookie Subway gratos. Pire que le premier jour des soldes. Allons consommer. On me dit que je n’ai pas le droit à un vrai Coca. Parce que oui, je suis une fille, je dois faire attention à ma ligne, je n’ai donc le choix qu’entre la boisson Taillefine et le Coca light. Je me rabats sur l’eau gazeuse. On finit ensuite par rentrer dans la salle de ciné -n’oublions pas qu’on a un film à voir… et les chippendales aussi- tout en se faisant pousser par le troupeau de pintades. On nous donne un

sac rempli de petits cadeaux, ou plutôt des publicités et des bons de réduc’. Ne soyons pas dupes. Devant l’écran : un animateur de radio avec sa sono à fond et les derniers tubes à la mode. Il invite tout le monde à venir danser sur la mini-scène de la salle de ciné. Si tu viens pas, tu crains. Alors j’y vais. Oui, je le fais. Si j’avais su, j’aurais bu plus d’apéritifs gratos, histoire de me sentir moins ridicule à danser le Madison en plein milieu d’une salle de ciné. Allez, je vous vois venir, vous vous demandez quand arrivent les fameux stripteasers, hein ? On se rassoit, les deux Ken déboulent : il y a le stripteaser officiel des Salons de l’Erotisme, ça ne plaisante pas, avec un autre mec qui se fait appeler California Strip sur sa carte de visite. Qu’est-ce que vous croyez, j’ai pris de la doc’, je fais bien mon job d’envoyée spéciale pour Sparse. Ils attrapent deux filles dans le public et c’est parti, ils font le vrai show en se frottant frénétiquement contre elles tout en se déshabillant. C’est chaud. L’une semble avoir l’habitude, elle est à fond, contrairement à l’autre qui est bien mal à l’aise. En même temps, difficile d’être hyper détendue avec un gars à moitié à poil et huilé qui se frotte contre toi devant une salle de ciné quasi remplie. Ça hurle, ça piaille dans tous les sens, t’hallucines et tu te demandes si tu n’as pas été téléportée à un concert de Justin Bieber. Un mot enfin sur le film. Alors évidemment, il ne faut pas s’attendre au chef d’œuvre. Tu es une fille donc tu regarderas une rom-com : une comédie romantique merdique avec le dernier bellâtre à la mode. En l’occurrence, ici, on a eu droit à Mariage à l’anglaise, une comédie censée prendre le genre à contre-point. Sauf qu’il s’agit d’un film vulgos dont on a deviné la fin au bout de cinq minutes. À noter que pas mal de meufs rigolaient comme des poules à chaque réplique, tout ça probablement dû à l’excitation des chippendales juste avant. Que d’émotions ce soir, entre les stands de coiffure, les sextoys à gagner et les mâles dénudés. Maintenant, je sais ce que c’est que d’être une vraie fille qui va au cinéma. •

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visage pâle.

HUGUES ! PAR EMMANUEL POP PHOTO : JEAN-BAPTISTE MONDINO

À bientôt 84 ans, le vieux sage indien Hugues Aufray a fait le tour de la question du showbusiness, de la renommée et autres miroirs aux alouettes qui broient les chanteurs. À ChevignySaint-Sauveur en cette fin avril, il prend le temps de compter les points. Poussez pas, il y en aura pour tout le monde… Vous êtes reconnu depuis les années 60 (jusqu’à aujourd’hui) pour vos adaptations de Bob Dylan, elles sont appréciées et ont eu beaucoup de succès. Ce qui m’intéresse c’est le processus d’adaptation, comment on fait ? Parce que Dylan, c’est intraduisible non ? Il y a deux catégories de chansons chez des poètes comme Dylan. Il y a celles qui racontent des histoires, là c’est facile, on traduit le fond, et le fond c’est facile car il existe. Et puis il y a la forme, et là c’est beaucoup plus complexe, car on perçoit les cadences, les images, mais le fond est intraduisible. La poésie ne se traduit pas, ça c’est certain. Ce que j’ai essayé, c’est de prendre tout de suite un angle, sur Like a rolling stone par exemple j’ai trahi la forme pour atteindre le fond. J’ai parlé de cette chanson avec lui et j’ai parlé du fond. Like a rolling stone, tu penses que c’est l’histoire d’une fille un peu paumée mais en fait Dylan pensait à un chômeur, un ancien grand acteur qu’il connaissait et qui avait tout perdu. La base c’est cela : traduire c’est trahir. Alors si je voulais faire découvrir Dylan aux francophones je voulais juste avoir la conscience propre. Suis-je dans la vérité ou dans l’exploitation ? C’est la première question que je me pose. Et chez Dylan, vous avez dû avoir du fil à retordre pour les adaptations… Oh là oui ! J’en ai abandonné des tas et je ne vous parle pas de celles pour lesquelles je n’ai même pas essayé. Je dois vous avoué un truc, il y en même une que j’ai complètement trahie : Everybody must get stoned. Je ne voulais pas traduire d’une façon aussi crue : « Tout le monde doit se droguer », alors je suis parti sur « Tout le monde un jour dans la vie s’est planté », avec l’idée de se planter, faire des conneries et l’idée de planter de l’herbe par exemple. Je dois dire que pour celle-ci je me suis énormément

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éloigné du texte, mais pour le coup je crois avoir rendu justice au fond. C’est drôle, tous les gens que je rencontre et qui ont vu Dylan dernièrement me disent que vous rendez plus hommage à ses chansons en concert qu’il ne le fait lui-même... Ce n’est pas Dylan le problème, c’est ce qu’on pense de Dylan. L’homme est le seul mammifère qui évolue, vous savez bien cela ? Un léopard, ça ressemblait à un léopard il y a des milliers d’années, mais pas un homme. Si on ne change pas au 21ème siècle on n’existe pas, et en même temps on voudrait figer Dylan dans cette icône bouclée des années 60. Dylan lutte contre l’ennui de se répéter toute sa vie et ça déplait, mais lui il est content parce qu’il a toujours aimé déplaire. Et en même temps il récupère sa liberté. Vous-même, vous avez dès les années 60 pris vos distances avec le showbusiness. C’est très simple, je pense qu’on a tous une spécificité, une essence, comme les animaux : un renard ce n’est pas comme un loup, non ? Moi je n’ai pas la caractéristique classique des vedettes, à savoir un égo disproportionné. Quitte à se faire piquer J’entends siffler le train par Richard Anthony et que ce dernier vive confortablement toute sa vie avec ça... Attention ce n’est pas à Richard Anthony que j’en ai voulu, c’est à son éditeur. Et c’est d’ailleurs lui qui a très bien vécu avec ce titre. Richard Anthony a une voix magnifique, son éditeur s’est juste dit : « C’est Richard Anthony qui va vendre (et il avait raison), pas Hugues Aufray». C’est tout. Moi j’avais juste ramené cette chanson des États-Unis, donc oui c’était rageant sur le coup.


Tout nu sous mon jean

Chez Sparse, on est fan de Vince Taylor en ce moment (voir pages 8-9). Vous l’avez bien connu, non ? Il était chez Barclay lui aussi. Ah oui, je l’ai bien connu. Vince Taylor, c’est simple et triste à la fois : c’est l’alcool et la drogue qui l’ont tué. Et c’est du gâchis, car Vince Taylor avait dix fois plus de talent que Johnny Hallyday, c’était un truc de dingue : charisme, classe , énergie, le gars avait tout. Sauf que pour diverses raisons, Johnny a pris certainement les mêmes doses de tout ce qui existe que Vince, mais Johnny s’en est mieux sorti. Mais en 63, entre les deux, il n’y avait pas photo croyez-moi.

On ne peut pas se quitter sans parler de votre grande passion : les chevaux. Est-ce vrai que vous choisissez vos dates de tournée en suivant les itinéraires équestres ? Si c’est le cas, on vous dit bravo. (rires) Non non. C’est sûrement mon grand âge qui fait qu’il y a des légendes de ce genre. Je n’ai pas les moyens de faire un truc pareil, c’est un truc de très riche ça. Je me suis fait escroquer dans ce métier plusieurs fois, et ceux qui m’ont escroqué sont aujourd’hui devenus fous, drogués, malades. La plupart d’ailleurs sont morts. Quand tu es très riche, tu as des problèmes de riches. Moi aussi j’ai des problèmes, mais ce sont des problèmes d’être humain. •

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personal branling.

3 ANS DE BLAGUES ? PAR MARTIAL RATEL

Vous imaginez qu’on fait un mag’ en ligne comme Sparse.fr comme ça, à la cool ? Nous, oui, en tout cas c’est de cette façon qu’on envisageait l’affaire en avril 2010. Et puis, et puis finalement y’a deux-trois trucs qui nous ont bien fait marrer et qui ont changé un peu la donne. Sans grande ambition à part apporter notre regard sur ce qu’il se passait à Dijon, à côté - en décalage diront certains - de la presse traditionnelle, la team Sparse s’est retrouvée embarquée dans les méandres des jeux de réseaux locaux et dans les affres du droit de la presse à vitesse grand « V », nos avocats s’activent encore sur certains dossiers. Des aventures, des pitreries, qui parfois nous feraient presque croire qu’on est des Citizen Kane et que notre avis compte.

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’abord, parce que ça fait partie des courriers les plus drôles : on a reçu un, puis plusieurs petits mails de l’avocate néerlandaise des magasins Spar. Vous savez, les supérettes, avec le sapin. Cette dame très polie, au langage technico-juridique assez avancé (et en anglais), demandait qu’on restreigne la portée de la marque « Sparse » qui venait d’être déposée. Autant vous dire qu’on s’est exécutés direct, le temps de traduire ses mails quand même. On n’avait pas les moyens de lutter contre les inventeurs du football (donc du droit) total. Voilà pourquoi jamais vous ne pourrez venir acheter votre rouge 5 étoiles ou vos gâteaux apéro dans une épicerie Sparse. On est un peu déçus.

On n’imaginait pas non plus que des fans du DFCO soient intéressés par un de nos papiers au point de nous inviter à suivre un match en tribune avec eux « pour voir de près s’ils étaient vraiment des gamins de 15 ans » comme le sous-entendait notre article. On n’a pas osé répondre à leur invitation... On se

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sentait trop vieux. On ne pensait pas non plus que nos choix de non-cinéphiles avertis déclencheraient l’ire de certains grands connaisseurs du cinéma à Dijon. On rigole encore des commentaires sur le net et des rumeurs qui circulaient lorsque les premières soirées « guacamole » ont été organisées à l’Eldo. Non, mais c’est vrai, on devait s’y croire un peu pour avoir envie de s’amuser en regardant un film sur grand écran et boire un coup pour en causer après. Franchement... On évoquera à peine la réaction épidermique que provoque le nom « Sparse » quand il est prononcé dans une partie de la rédaction du journal d’info local. Il paraîtrait même qu’il n’est pas bien vu d’avoir un sticker Sparse.fr sur son matos de boulot et que le mot « Sparse » est tricard dans les lignes du journal. Tout ça parce qu’on a un peu chambré un de leurs journalistes qui s’emportait trop fort sur le net contre des collègues du Mal Public qui les avait moqués. Décidément c’est fini, la grande famille des journalistes de la presse libre. On nous aurait menti ? Y’a des choses qui changeront, croyez-moi, le jour où on rachètera le titre !


On aurait pris « la grosse tête » ou on serait « trop prescripteurs » ou on ne parlerait « qu’à nos copains » ou juste « au petit milieu culturel dijonnais ». Bon, la grosse tête on devait sûrement l’avoir dès le début. Pour le nombrilisme, peut-être mais honnêtement on n’a pas pas l’outrecuidance de penser qu’on a 1.000 copains (c’est en moyenne le nombre de visiteurs par jour sur le site), qu’on a 2.000 vrais amis grâce à Facebook ou que les 5.000 magazines papier (tirage pour ce numéro), atterrissent juste chez nos potes. Si ? Bon, on va vous donner nos dates de naissances et nos numéros de comptes en banque pour opérer les versements... On passera les commentaires rares mais parfois haineux de certains « metteurs en scène » ou autres qui n’aiment pas, mais alors pas du tout qu’on taille leurs spectacles. Ça arrive même que des messages déboulent dans nos boites mails personnelles (belle recherche) avec comme objet : « sale » et comme corps de texte : « fils de pute ». Celui-là on se l’ait bien échangé entre nous pour rigoler. En vrai, on a eu un peu peur de ce niveau de connerie. Sinon, on a bien appris à déplanter notre site, après un changement d’interface graphique qui nous avait fait perdre toutes les données d’un an d’articles. Bon, pour rien vous cacher, on a surtout appris à s’entourer de vrais professionnels de la profession. On aura appris à créditer les photographes à qui l’on « empruntait » les clichés pour illustrer nos papiers. On ne maîtrise pas bien encore, mais on fait l’effort -c’est juré- de vérifier nos infos. Ça c’est bon, vous nous aimez bien pour ça aussi : vous ne vous gênez pas pour nous signaler et pour le signaler aux autres lecteurs, à l’aide du bouton « Laisser un commentaire », quand on a tort. Allez-y, on aime quand vous nous tapez sur les doigts. Grâce à vous, on bosse grave sur le droit et la législation Internet. C’est vrai, est-ce qu’on a le droit dans un article par exemple de reproduire un poème publié sur Facebook ? On ne sait pas trop, là, on a un simple niveau « capacité de droit » mais on ne désespère pas de choper une licence dans quelques années. On n’aurait jamais imaginé que la mayonnaise prendrait si vite. Vous n’imaginez pas le nombre de sollicitations, de cadeaux, d’invitations qu’on a eu en 3 ans avec notre petit site. Des organisateurs vont même maintenant jusqu’à acheter des bandeaux de pub pour le site. Certain festivals, on ne donnera

pas les noms, c’est dans le contrat signé par des avocats néerlandais, nous ont même défrayé pour qu’on aille voir des concerts. Un club sportif dijonnais nous a invité dans son carré VIP, siège de luxe et champagne à gogo pour qu’on ponde un papier sur un match. Après, ils étaient très déçus parce qu’on avait mis dans l’article quelques blaguounettes au sujet de leur mascotte et du niveau de jeu. Nous, on était contents de notre soirée... Jamais notre imagination tordue ne nous aurait poussé à rêver de rendez-vous, de cartes blanches, de programmation de films à l’Eldorado. De même pour les DJ sets. Parler de musique ne nous donne pas grande autorité dans l’art du selector musical. Pourtant, au fil des mois des organisateurs ou des lieux de musiques vivantes nous ont contactés sur notre 06 pour qu’on pousse des disques à l’occasion de leurs soirées. On a reçu des CDs de labels qu’on aimait bien. Des mixes pour notre podcast aussi. Des organisateurs ont poussé le vice jusqu’à vous faire gagner des places sur notre site, sans qu’on ne leur demande rien. Et finalement, tout ce qu’on fait jusqu’à présent c’est comme ça, sans rien demander. On propose et on voit comment c’est reçu chez vous. On adore, surtout voir le boss de Sparse passer sur France 3 au petit matin pour présenter notre mag’. Comme ça sa mamie a de nos nouvelles. On aime que VooTV nous invite, comme ça au moins on voit à quoi ça ressemble. On est super contents que des gens qu’on estime, comme chez le mag Novo, nous filent des conseils et des bons plans d’imprimeurs. On est super contents que d’autres sites locaux ou pas comme Dijonscope ou Resident Advisor parlent de nous, que les tweetos retweetent nos articles, que des « pouces en haut » se lèvent à côté de nos papiers... On surlike aussi les stagiaires. Ça y est on est dans la place comme des vrais. On peut enfin pavaner cigare au bec devant les petits que certains profs de l’uB nous envoient. À ce rythme là, on va bientôt devoir se chopper une adresse de bureau fixe. Mais c’est une expérience assez orignale d’avoir des rendez-vous avec son « maître de stage » dans un rade, non ? Nous, on est toujours à la cool, comme y’a trois ans sauf qu’aujourd’hui on pèse un peu plus le poids de nos mots et de nos articles à cause et grâce à tout ça. Avant d’avoir le prix Pulitzer, il faudra encore quelques années... Mais faudra qu’on vienne nous l’apporter parce jamais on ne se déplacera. «— Ah ! dit Tch’ang-ki, je comprends. Ses réflexions l’ont rendu maître de ses sens, et il est ainsi parvenu à l’impassibilité. Mais y a-t-il là de quoi faire ainsi courir après lui ? » (Tchouang-tseu, Zhuāngzi, Chapitre 5. Action parfaite p.33) •

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pensées.

« LA COUNTRY, ÇA NE TE RÉUSSIT PAS » OU SEPTIÈME ET DERNIÈRE DÉRIVE DIJONNAISE

extrait du nouveau recueil d’Anthony Ghilas à paraitre chez Mediapop Editions

La pluie tombe comme un écran, j’enregistre des souvenirs, des images de bâtiments haussmaniens et art déco dans ma tête éclatée au Martini comme avec une machine à écrire : à la fin d’une rue, à la fin d’une page, ça fait TING ! Et on passe à autre chose, un autre quartier de la ville, de la terre sous les semelles de la seule paire de pompes potables qu’il me reste. Sous la pluie battante, comme un écran un vieux couple déplie une tonnelle et la pluie fait du bruit sur le plastique, d’un coup, ça résonne entre les grandes façades des grands bâtiments pales encore éclairés sous les rebords de fenêtres pour faire joli dans la nuit mais les lumières s’éteignent, celle des lampadaires aussi. La pluie fait du bruit, beaucoup de bruit. Ma capuche et les parapets des bâtiments m’abritent, il est quoi… sept plombes, déjà. Un vendeur de muguet est prêt. Installés, tréteaux et tonnelle et brin de muguet sous la pluie battante mais lui, il est à l’abri dans sa voiture, garée contre les plateaux en bois, prêt à te tendre un bouquet si besoin est, pas bête. Sûrement pas la première année qu’il le fait, Certainement pas la première année qu’il flotte un 1er mai. Les petites bassines rondes en plastique rose ou vert comme quand j’étais petit, devant la boulangerie. Une famille sous une tonnelle, sous la pluie. Je passe mon chemin. « Bon courage à vous. » « Merci. » Un autre quartier, une autre chanson de Morrissey pour couvrir la pluie Un autre quartier, une autre chanson des Pogues, encore plus fort. « Bonjour, Monsieur ! Un brin de muguet ? » « Non, merci. Bon courage à vous. » Un merci courageux couvert par la pluie.

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Une vieille cinglée, chapeau de cowboy et bottes en caoutchouc : « Joyeux Premier Mai, à vous ! » Je ne pense qu’à mon plumard, elle est debout à sept heures cinq du mat’ pour acheter du muguet et causer du temps qu’il fait. Grand boulevard, trois tables, trois familles. Le gosse me voit venir, s’empare d’un bouquet choisi parmi des dizaines, tous au garde-à-vous dans la bassine, tenus par des élastiques et surgit derrière sa mère obèse en Crocs, assises sur une chaise, sous la tonnelle. Un signe de main : désolé gamin. Ton joli brin confectionné avec soin, j’en ai pas besoin. Les brins de muguet qui parfumaient le salon de ma grand-mère et celui sur la table en Formica rouge de la cuisine mais qui ne faisait pas le poids contre l’odeur de persil et d’ail sous le couteau tout usé, aiguisé. manche en bois. Papi a fait refaire la cuisine mais il se débarrassera jamais de la table en Formica. Mamie a retiré ma carte postale d’Hollywood du vieux frigo. Je lui ai dit que je lui en enverrai une autre, l’autre jour. Dans le tiroir, il y a encore ma lettre de San Francisco. Grand boulevard, encore quelques souvenirs français, puis je disparaitrai. Le bourdon de la pluie semblable à des centaines de serpents qui sifflent, les saloperies, les prospectus d’un concessionnaire qui glissent sur le ruisseau que fait la pluie dans le caniveau ; Le bourdon de la pluie comme des centaines de tonnerres aquatiques sur les toits des voitures. Métalliques ; comme le rire d’un vieux pépé, prolongé comme le rire de mon grand-oncle Guy : Crrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrch ! Le bruit de la pluie, tout à coup couvert par deux bikers en Harley mais ici, ça sent rien, ça sent tout sauf la Californie donc encore quelques souvenirs français. On est le 1er mai, dans onze jours je disparaitrai.


Le printemps commence puis cesse au nom d’une nouveauté et tous les sens s’érigent contre ce retour vers toi. -Leonard Cohen PHOTO : ANTHONY GHILAS, KODAK SIX-16 1931

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Dijon, plaque tournante du trafic de « h » UN HOMMAGE VIBRANT À CES ARTISANS DE LA TITRAILLE DANS NOTRE PRESSE QUOTIDIENNE RÉGIONALE.

Dijon : du «H» dans la salle de classe

AHUY

Dijon : transaction de haschisch en pleine rue 02 août 2012 (rue Pierre-Palliot)

10 avril 2013 (Dijon)

40 g de «H» dans la chambre de son fils

Il avale son haschisch devant les policiers

06 décembre 2011 (Dijon)

28 octobre 2011 (place Grangier, Dijon)

FONTAINE-LÈS-DIJON

Dijon : six kilos de haschisch dans les toilettes 07 décembre 2012 (rue du Bourg, Dijon)

Talant : du haschisch et des armes 29 janvier 2013 (Talant)

Il cache du haschisch dans son sac 14 avril 2012 (boulevard des Allobroges)

TALANT Dijon : haschisch et garde à vue 18 février 2013 (rue de Talant, Dijon)

Dijon : squatters de hall et haschisch…

La lycéenne avait 15g de haschisch dans la poche

15 décembre 2011 (rue Pelletierde-Chambure, Dijon)

Dijon : arrêté avec 11g de haschisch

14 novembre 2012 (place de la Fontaine d’Ouche)

29 janvier 2013 (rue des Corroyeurs)

Dijon : le fuyard à scooter jette un paquet de haschisch 04 avril 2013 (avenue Eiffel, Dijon)

SAINT-APOLLINAIRE

Quetigny : 70g de résine de cannabis dans la poche 05 décembre 2012 (Quetigny)

QUETIGNY Il jette son haschisch à la vue des policiers 28 avril 2012 (rue Alfred-de-Musset)

Le « petit Poucet » du haschisch 28 janvier 2012 (rue d’Auxonne, Dijon)

CHENÔVE La « pomme de haschisch » arrive sur le marché de la drogue en France

Du haschisch dans les caves

LONGVIC

29 décembre 2012 (Chenôve)

02 août 2012 (Chenôve)

Chenôve : au volant à 16 ans avec du haschisch 11 avril 2012 (Chenôve) 66

Du cannabis dans la voiture… et dans la salive 19 mars 2013 (rue des Moulins, Dijon)


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