Sparse 04 (sep. 2013)

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sparse | numéro 04 | trimestriel | sept. oct. nov. 2013

guide moderne de dijon | gratuit

JEAN-PAUL BRENELIN RENDEZ-VOUS AVEC X RENCONTRE GUY ROUX, L’ÉCHEC REPORTAGE DANS L’ENFER DU TUNING À DOLE ENQUÊTE DIJON VS NEW YORK : LE TEST ULTIME PORTRAIT 30 ANS ET PILOTE DE CHASSE FOODAGE DE GUEULE LES RESTAURANTS À VOLONTÉ THE GEORGE KAPLAN CONSPIRACY ROAD TRIP LOUIS CHEVROLET BEAUNE, LA SUISSE ET LES ÉTATS-UNIS FOOTBALL UN AMOUR DE DFCO ET DE LIGUE 2 + THÉÂTRE MANSART CARPI RECORDS CHAPET HILL CHRONIQUES ROMAN-PHOTO GUESTLIST TOP 10 .


L A N 3 UM RÉGIO S E N U E J R FO GOGNE 013 2 R E U R B BO I 14 NOVEM e

JEUD - MINUIT 9H30 IRE E O R T R A ERV S N AUEXX E O /C

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* DANS LA LIMITE DES PLACES DISPONIBLES

www.region-bourgogne.fr/bouje


édito. Salut, c’est la rentrée chez Sparse. « J’entendais Manuel Valls dire qu’il n’y avait rien à faire à Dijon cet automne et franchement, je l’aurais bien tarté, ce petit prétentieux », me glissait François R. un soir de baignade en août à Arc-sur-Tille. En effet : Tribu Festival, les 10 ans de Novosonic, GéNéRiQ, Télérama Dub Festival, Pat’ Bruel au Zénith, Jean Roch au Chat Noir, Fenêtres sur courts, Résonances... L’automne est chargé en qualité dans ta belle capitale des Ducs. Et pourtant, l’été ne fût pas de tout repos pour ta revue préférée : raillée pour hyperie caractérisée par des lecteurs sans second degré, humiliée par Guy Roux, obligée de se déplacer dans des lieux hostiles tels que Vitteaux, Auxerre, voire Dole. Après l’incident de l’annonce exclusive de la prog’ du concert de rentrée un mois avant tout le monde, il s’est dit qu’on allait nous supprimer nos subventions. Comme on s’est rappelés qu’on n’en avait jamais eu et jamais demandé, on a décidé qu’on allait pouvoir sortir un nouveau numéro qui ne te coûtera encore une fois pas un rond. À part bien sûr si tu veux t’abonner et le recevoir directement chez toi, gros feignant (va donc voir page 73). L’équipe a préparé son cartable, ses cahiers Oxford et s’est donnée à fond pour sortir un mag’ qui s’épaissit encore pour atteindre 76 bonnes grosses pages des familles. « L’enfer du tuning », « Vis ma vie de pilote de chasse » ou encore « Pourquoi Dijon est bien plus classe que New York »... Découvre tout de suite nos enquêtes lêchées comme un Magnum caramel-amandes un après-midi de canicule au lac Kir. Pour te laisser un petit goût suave de vacances qui continuent. « Endless summer in Dijon ». Sparse, à consommer bien frais, avec des glaçons. - Chablis Winston


sommaire AMUSE-BOUCHE 3. ÉDITO 5. GUESTLIST 6. OK PODIUM

Je suis supporter du DFCO. 8.

TOP / FLOP THE PULITZER SESSIONS

10.

Des histoires vraies. 12. STORY.

Louis Chevrolet : Hélvète underground.

RENCONTRE 14. GUY ROUX, L’ECHEC

ours Ce magazine est édité par Sparse Média. Siret : 750 725 806 00012 - APE : 9499Z www.sparse.fr - contact@sparse.fr

Ou comment Guy Roux nous l’a bien fait à l’envers. 16.

JEAN-PAUL BRENELIN

Rendez-vous avec X. 22.

CHEVALIER DU CIEL

Trente ans et pilote de chasse.

DIRECTEUR DE PUBLICATION ET RÉDACTEUR EN CHEF Pierre-Olivier Bobo

LIFESTYLE 26. PIMP MY DOLE

SECRÉTARIAT DE RÉDACTION Sophie Brignoli, Martin Caye

34.

CONTRIBUTEURS Sophie Brignoli, Mr. Choubi, Alice Chappau, Alexis Doré, Nicdasse Croasky, Lilian Elbé, Valentin Euvrard, Arthur Gérard, Julian-Pietro Giorgeri, James Granville, Mireille, Jean-Pierre Porno, Martial Ratel, Tonton Stéph, Chablis Winston DIRECTION ARTISTIQUE internetinternet

Dans l’enfer du tuning à Dole.

DIJON VS NEW YORK

Faut-il vraiment aller jusqu’à New York pour passer de bonnes vacances ?

FOODAGE DE GUEULE 38. LES RESTAURANTS À VOLONTÉS Pour une mort lente et assumée.

DIAPORAMA 42. JARDINS POTAGERS, JARDINS FAMILIAUX T’as déjà bêché, toi ?

PHOTOGRAPHIES Vincent Arbelet, Alexandre Claass, Louise Vayssié

CULTURE 48. THÉÂTRE MANSART

ILLUSTRATIONS David Fangaia, Hélène ‘Microbe’ Virey, Estelle Vonfeldt, Pierrot Yap

MUSIQUE 52. INTERVIEW

DÉVELOPPEMENT COMMERCIAL Romain Calange

56.

COUVERTURE Jean-Paul Brenelin alias Béru, rue Berbisey Photo : Alexandre Claass IMPRIMEUR Chevillon Sens Dépôt légal : à la sortie du magazine ISSN : 2260-7617 La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, cellesci n’engagent que leurs auteurs Tous droits réservés © Sparse 2013 Merci à nos partenaires et annonceurs, ainsi qu’à tous ceux et celles qui ont permis la réalisation de ce numéro.

Passé, présent, futur. Quoi de neuf au Théâtre Mansart ?

The George Kaplan Conspiracy, on the road.

DÉCOUVERTE

Carpi Records, cassettes lovers. 58.

SÉLECTION

ÉCRAN 60. IMMERSION

Trois jours et deux nuits avec Chapet Hill. 65.

FOCUS

Top of the lake, le polar néo-zélandais de la rentrée.

DESSERT 66. ME, MYSELF & I

Mes vacances en Côte d’Or : l’instant girly de Sparse. 70.

ROMAN PHOTO

Un été à la rédac’. 74.

CARTOGRAPHIE


GUESTLIST PAR TONTON STÉPH ET PIERRE-OLIVIER BOBO PHOTOS : DR

CHARLINE MOHN

Directrice du pôle culture de l’université de Bourgogne et de l’atheneum

Comment décrirais-tu le Dijonnais ? Sympathique. Je viens d’arriver, je ne veux pas me faire d’ennemis. Honnêtement, il est très accueillant et charmant. Félicite à ta manière François Sauvadet pour son déjeuner avec le lobby du tabac au mois de juin. Fumer tue ! J’ai arrêté. Et M. Sauvadet devrait faire attention à sa santé. Tu l’as déjà maté, toi, le feu d’artifice organisé au dessus du lac Kir ? Je ne suis pas trop feu d’artifice, ça coûte tellement cher, ça me fait un peu de la peine de voir autant d’argent partir en fumée. Et si on niait en bloc qu’ici c’est la ville d’Yves Jamait ? Je ne connais pas assez Yves Jamait, je n’oserais pas... il est de Dijon, vraiment ? Kir, qu’est-ce que cela pourrait être d’autre ? Invente un truc. Kir est un mot Ouzbek qui veut dire « petit cheval des sables. » D’où l’expression : « Tire pas trop sur le Kir. »

PAUL SEYSSES

Gérant du restaurant My Wok

Le truc le plus ridicule à Dijon, c’est quoi ? L’arbre qui tourne rue de la Liberté. Ton rade préféré pour boire des coups ? Le Bistrot Quentin. Une pensée pour ces hordes de Chinois qui débarquent dans notre belle cité du côté de la gare chaque jour ? Venez manger un wok, c’est comme à la maison ! Pourquoi les punks à clous qui squattent vers le centre Dauphine n’ont toujours que des bébés chiens? C’est plus mignon pour gagner des pièces. Quel est le patelin limitrophe de Dijon le plus swag ? Longvic ? Ouges ? Sennecey ? Plombières ? Neuilly-lès-Dijon. Tu vas culpabiliser de rouler en bagnole polluante au lieu de prendre le tram ? Non. Si tu devais remplacer la chouette comme symbole de la ville, tu choisirais quoi ? Le loup !

Tu t’es déjà fait piquer ton vélo ? Oui, mais c’était à Besançon, dans ma cour intérieure. Maintenant je loue.

C’est où, la plus belle vue sur Dijon ? La tour Elithis ? La tour de Bar, dans le Palais des ducs de Bourgogne.

T’en penses quoi, toi, de la fête de la musique ? Grand merci, chapeau bas Jack Lang !

Des Dijonnais se seraient baignés au lac Kir, tu y crois ? Je me demande bien comment Dijon a réussi à obtenir son Pavillon Bleu...

Quel est le secret des « vieux beaux » comme Rebsamen pour se conserver ? Du soleil et beaucoup de travail. Si on ouvrait enfin les portes de la Chartreuse, bordel ? Oui, belle idée !

Comment sens-tu le DFCO cette année ? Ça commence mal... Quelle main faut-il placer sur la chouette pour que ça marche ? ... La gauche ?

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IRÈNE BONY

Secrétaire générale du Consortium, centre d’art contemporain

Elle est vraiment gastronomique, la foire gastronomique ? Vieille gastronomie, place aux jeunes chefs ! Où as-tu pris ta plus grosse cuite à Dijon ? Chez mes potes. Ton spot idéal pour dîner ? Le Bistrot de l’Hotel de Ville, place de la Libération. La dernière fois que tu es allé au Zénith, c’était pour voir qui ? Guy Bedos. Où as-tu choppé un coup de soleil à Dijon cet été ? Dans la cour du Consortium. Le resto le plus gerbant de Dijon ? La liste est longue, je commence par qui ? Où as-tu rencontré ton conjoint ? Au Brighton. La 8.6 est plus consommée que le crémant de Bourgogne par ici, non ? Vive le Spritz. Quel lieu dijonnais ayant disparu te manque le plus ? Le Gold Coast, avenue Jean Jaurès. Tu es déjà rentrée chez The Kooples, rue du Bourg ? Oui, même pas peur ! Et les deux vendeurs sont très gentils. Dans quel quartier de Dijon t’aurais pas du tout envie de crécher ? Route de Beaune. Ton petit magasin fétiche du centre-­v ille ? Monop’. « Dijon ? Ah, ouais, la moutarde ! » T’aurais envie de dire quoi à ces gens là ? Fuck you.


OK PODIUM

LES DIX RAISONS QUI ME FONT DIRE QUE...

JE SUPPORTE LE DFCO ET JE SUIS COMPLÈTEMENT FOU DEPUIS LA REPRISE PAR JULIAN-PIETRO GIORGERI

En août, ça sue dans les boubous. Dijon est une exquise endormie et cette fin d’été te donne franchement le bourdon. À tel point que t’es occupé à faire l’arbre généalogique de ta famille. Tu ne te reconnais plus. Par bonheur, ton club chéri a repris sa tournée des pelouses de L2. Un point en trois matchs. Ton DFCO ne semble déjà plus dans le coup pour la montée. Mais tu t’en cognes, revenir dans les travées de Gaston-Gérard, tu attendais ça depuis trop longtemps. Et ton club, avec ou sans victoire, tu l’aimes autant que tes mouflets. Voici les raisons de cette passion folle.

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, milieu de terrain du DFCO, est Mai 2004, coup de foudre à Romora ntin. Sébastien Larcier ticket pour la montée chez les pros : son match dernier son pour e empoch club Le Grant. Hugh ta seconde femme ! ré rencont T’as . maillot du amour et Liesse ! invraisemblable

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Envoyer Ton club, c’est le Dirty FCO ! Une défense en double rideaux et une grosse solidarité. La tactique ? un long ballon sur le 9 qui court, pour qu’il colle une saloperie dans les buts. Après, on plie boutique.

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C’est toi qui est derrière le site rougepassion.org. Un forum dédié tout entier à ton club, où des mecs qui ont du temps, donnent toutes les stats de Samuel Lobé et se touchent sur les cinq buts passés à Vannes, il y a dix ans.

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Les légendes de ton club se nomment Mick ael Isabey et Eric Carrière. Deux milieux à l’ancienne, à qui on dema ndait de bonifier la balle. Du talent et des buts fous. Ce que la province a donné de mieu x au football.

Tu vis à Chenôve. Et tous les dimanches, tu laves ta bagnole chez Eléphant Bleu. Une vie sans chichis. T’as pas oublié qu’il y a 15 ans les joueurs du DFCO taquinaient la balle en CFA, gagnaient ton salaire et avaient la même vie que toi.

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Tu n’as jama is aimé Brice Jovia l. Une vraie planche pourrie. Mais il t’a fait rigoler, dans une surface de répa ration et en dehors des terra ins. Qua nd il s’engage en juille t avec le Chengdu Blades (une D2 chinoise), t’as compris que l’homme n’ava it jama is été crédible.

Gaston-Gérard, c’est ton stade. Un mélange entre le Roudourou et l’Allianz Arena de Munich. Deux virages rénovés et des tribunes pourries, dans le plus pur style « district ». Le luxe des loges cotoie les andouillettes sur le parking. Dualité.

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cture diffici le ». Ou comment Tu aimes aussi le DFCO pour ses mercatos à « conjon ément de Johan Gastien, la énorm ds T’atten n. pogno sans f effecti son renouveler « un joueur capable de se projeter e comm vendu l’a te rt Delcou r dernière recrue. Olivie vite vers l’avant » : teaser !

Ton directeur sportif n’est autre que Sébastien Pérez. Défenseur rugueux du Marseille de la fin 90, tu te rappelles qu’il avait les plus beaux cheveux du championnat.

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Après quatre journées, le DFCO est en position de premier relégable. Ton club aime la cave. Il est Bourguignon, il est comme toi !

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FESTIVAL-RESONANCES.FR

C o n c e p t i o n g r a p h i q u e : A t e l i e r To u t va b i e n

ELECTRONIC MUSIC FESTIVAL #7

DIJON DU 07 AU 10 NOVEMBRE 2013


TOP / FLOP

PAR LA RÉDACTION DE SPARSE ILLUSTRATIONS : PIERRE ROUSSEL

top Dijon, cité de la gastronomie

Francois Rebsamen

C’est maintenant pleinement confirmé, tu pourras faire une pause entre la place Émile Zola et la Cancale pour boire des grands crus avec les touristes chinois.

« Manuel Valls sait être au service de sa popularité. » Bing ! Vas-y François, défonce-le. En plus, en short de foot face à Matt Pokora, François est so sexy.

Les écoles primaires

La Gazette de Côte d’Or

Pas de fermeture de classe lors de cette rentrée à Dijon. Ton mouflet aura donc quasiment une maîtresse pour lui tout seul.

« Les chiens écrasés, on les laisse aux autres » même si ça fait vendre... La Gazette, premier sur le clash média.

flop La manif pour tous

Voo tv

Et le vandalisme sur les locaux de l’association CiGaLes. Ils sont quand même taquins et mauvais joueurs, ces petits homophobes incapables d’assumer la démocratie.

Oui, cette chaîne existe toujours. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

Sparse

Certains membres de la lâche équipe de Sparse utilisent des pseudos par manque de courage et peur d’assumer leurs brûlots anticonformistes dénonciateurs.

La LG.V.

Le projet de ligne à grande vitesse (LGV) Rhin-Rhône, est reporté. Encore et encore.

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STORY

HÉLVÈTE UNDERGROUND PAR JAMES GRANVILLE ILLUSTRATION : DAVID FANGAIA

Louis Chevrolet, avant de donner son nom à l’un des plus grands mythes automobiles ayant jamais existé, était connu comme étant le « roi des casse-cou ». Pas mal pour un homme né en Suisse et qui réparait des bicyclettes à Beaune.

MYTHES ET LÉGENDES. «Véritable Protée de la route, il passait avec une facilité déconcertante d’un véhicule à l’autre. Cette technique impliquait l’existence de garages spécialisés en trafic d’«automobile-poste», mais je ne parvins jamais à découvrir les relais qu’il utilisait. Il parut affectionner d’abord l’espèce Chevrolet, débutant par une décapotable crème campus qu’il troqua ensuite pour une petite berline bleu horizon avant de s’affadir en un gris embrun puis un gris bois flottant. » Lolita (Vladimir Nabokov, 1955. Traduction de Maurice Couturier, 2001 chez Gallimard/Folio). Que le nom de Chevrolet soit cité dans l’un des plus grands romans de Nabokov nous semble aujourd’hui évident tant le mythe s’infiltre dans tous les pans de la culture occidentale. Des artistes tels que ZZ Top ou Prince ont chanté la marque, la plupart des films d’Hollywood (jusqu’au récent Transformers) s’arrachent des noms comme Camaro ou Corvette. Bref, évoquer Chevrolet remplit les yeux de votre interlocuteur d’une aura magique. Tellement magique qu’on en oublie désormais d’évoquer celui qui a donné son nom à la marque : Louis Chevrolet. Certes, c’est un peu moins glamour que ce qui précède, mais le jeune Louis est né un jour de Noël 1878 et a grandi en Suisse, à la Chaux de Fond. Il n’y resta pas très longtemps. Aussi étrange que cela puisse paraître, en 1887, la famille Chevrolet fuit la crise en Suisse pour s’installer en France, à Beaune plus précisément. Pour ses onze ans et pour aider ses parents, il finit l’école, direction l’entreprise de cycles Roblin. De toute façon, Louis n’a qu’une passion : la mécanique. Il en profite avec ses sœurs pour participer à des courses cyclistes. L’histoire est déjà en marche. Louis Chevrolet est repéré par un constructeur automobile, il part pour Suresnes, près de Paris, pour devenir

mécanicien automobile cette fois. Voilà pour l’histoire, car la légende, elle, est encore plus extraordinaire : à Beaune, en 1896 ou 1897, alors que Louis Chevrolet est encore adolescent, un touriste américain s’arrête car son véhicule connaît une panne sévère. Un mécano est demandé tout près du magasin de cycles et c’est Louis qui répare. L’homme s’appelle Vanderbilt (fils d’une famille de millionnaires). Il félicite Louis Chevrolet et lui dit : « Venez donc en Amérique, il y a du travail pour vous ! » À LOUIS L’AMÉRIQUE. Louis Chevrolet ne pense alors plus qu’à traverser l’Atlantique où, il le sait, son destin l’attend. Ce sera d’abord le Québec où il reste quelques temps, mais c’est New York qui le happe. De mécano, Louis devient vite conducteur automobile. Dès sa première course d’ailleurs, il gagne avec une Fiat 90. Louis Chevrolet est une tête brûlée sur les circuits indycar américains, une seule facétie : toujours porter le 8, son chiffre fétiche. Il bat le record du mile et reçoit des Américains des pseudonymes qui forcent le respect de ses concurrents : « le roi des casse-cou » ou « Crazy french man » (alors qu’il est Suisse). C’est selon. Pilote chevronné, star des circuits entre 1905 et 1920, Louis Chevrolet rafle tout, mais l’intrépidité a un coût : sur cette même période, il passera environ l’équivalent de trois années sur un lit d’hôpital. En tout cas, Louis Chevrolet s’est fait un nom aux États-Unis. C’est alors qu’entre en scène un riche mécène, du nom de William Durant. Il propose au roi des casse-cou de fonder une écurie ; le 8 novembre 1911 naît la « Chevrolet Motor Company of Michigan ». Six cylindres, cinq places, quatre portes et trois vitesses au plancher, le tout pour 2000 dollars et une pointe à 105 km/heure, du jamais vu.

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LOUIS CHEVROLET

1920, la Frontenac fait des miracles, les 500 miles d’Indianapolis sont remportés par Gaston. L’année se terminera pourtant tragiquement : son frère se tue au volant de sa Frontenac, il avait 28 ans. Louis Chevrolet est effondré, il décide d’arrêter de piloter. Ce n’est pourtant que le début d’une lente plongée en enfer pour Louis, la crise de 1929 est fatale à la Frontenac et pendant ce temps, les Chevrolet s’arrachent sans qu’il n’en retire un seul dollar. Il se brouille avec son frère Arthur, ils ne se réconcilieront jamais. Rien ne va plus. Ironie de l’histoire, notre Helvète postule en 1934 pour un emploi de mécanicien chez... Chevrolet à Détroit. En bleu de travail, comme mécano sur des voitures portant son nom, Louis Chevrolet apprend la même année la mort de son fils Charles. Louis Chevrolet décède le 6 juin 1941 à l’âge de 62 ans, il est enterré à Minneapolis aux côtés de son fils Charles et de son frère Gaston. Sa maxime est écrite sur sa tombe : Never give up, dernière pirouette d’un petit Suisse qui s’est brûlé les ailes au contact de l’Amérique, légende d’une marque qui aujourd’hui encore évoque le mythe, la gloire et la perfection automobile. Autant de choses que Louis Chevrolet n’aura qu’effleuré. //

Très rapidement, les voitures sont produites en série dans la ville qui a fait faillite en juillet 2013, mais qui dans les années 1910 était le fleuron de l’automobile : Détroit. Le vent commence à tourner, les relations avec William (Crapo) Durant s’enveniment, Louis Chevrolet claque la porte au nez du Crapo qui veut notamment lui faire fumer des cigares plutôt que des cigarettes. C’en est trop, Louis est épris de liberté, c’est pour cela qu’il est venu aux ÉtatsUnis. Il revend ses parts par fierté et laisse à Durant le nom de la marque. Il ne le sait pas encore mais il vient de dire au revoir à des millions de dollars de royalties. Qu’importe, ce n’était pas comme cela qu’il voyait les choses. PLUS DURE SERA LA CHUTE. En 1915, pour Louis Chevrolet, la voie est libre. Il vient d’obtenir la nationalité américaine et il en profite pour créer sa propre écurie, axée sur la compétition. Arthur et Gaston Chevrolet rejoignent leur intrépide frère. Ils sont également pilotes et mécaniciens, et la marque (Frontenac, du nom du château de Québec) promet de belles heures de gloire pour la famille helvétique. Entre 1916 et

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RENCONTRE

LA COUR DES GRANDS OU COMMENT GUY ROUX NOUS L’A BIEN FAIT A L’ENVERS PAR CHABLIS WINSTON, À AUXERRE ILLUSTRATIONS : ESTELLE VONFELDT

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GUY ROUX

voyait déjà dans les caves de Chablis guidés par notre Guy), on passe à la boutique du club où tout est soldé. Caleçons AJA à trois euros. Putain de crise, putain de Ligue 2. On se renseigne sur les faits divers locaux (« et Emile, il va bien ? »), on a même eu le temps d’assister à l’entrainement de l’équipe d’Auxerre en compagnie de supporters... passionnés. Et de voir Bernard Casoni -ancienne gloire de la défense de l’OM version Tapie, désormais entraineur de l’AJA- diriger les exercices. Bernard Casoni ne parle pas. Il éructe. Des petits mots : « oui », « non », « oooh », « une touche ». Pas une phrase. On ne sait toujours pas comment il communique avec ses joueurs. Mais pas de Guy Roux. « Vous savez il est plus tout jeune, il a peut être oublié. Ou à la sieste », nous dit une des secrétaires du club. C’est vrai que Guy Roux a 74 ans.

«A

llo ? » - Allo, c’est Guy Roux, vous m’avez laissé un message. Oh non de Dieu. Mains moites. La légende vivante s’adresse à moi. « Oui, on voudrait faire un portrait de vous, pour Sparse, vous connaissez ? » - Oui bien sûr j’adore ce magazine ! (non j’déconne, il me répond non en fait) « On voudrait parler de vous, de votre rapport au foot, à la Bourgogne... » - Ok, disons mardi prochain. « À quelle heure ? » - Oh, après l’étape du Tour de France, sinon je ne serais pas disponible. 17h30 ? Au stade Abbé-Deschamps.

FRUSTRATION. Plus de trois heures à Auxerre pour rien, pas de nouvelles, pas de réponse à nos messages, pas de coup de fil. « Il se serait pas un peu foutu de notre gueule, le vieux ? Tu l’as vraiment eu au téléphone ? » - Deux fois, dont la veille. « T’es sûr que c’était pas Gérald Dahan qui imitait Guy Roux ? » - Alors il le faisait vachement bien. « Putain, on est comme des enfants... » « Qu’est-ce qu’il s’en fout de nous, y’a l’étape du Tour » « Guy Roux ! Tu voulais pas interviewer Maradona non plus ? » - J’ai pas le 06 de Maradona. « Je le déteste, qu’il reste en deuxième division avec son équipe de merde » - C’est plus son équipe. « J’achèterai rien sur vol24.fr » - Bon, on rentre, avant de se faire violer.

On a le rendez vous avec Guy Roux ! Le Bourguignon qui pèse le plus en France, l’ami des présidents, la référence foot et terroir, le mec qui a réussi à placer huit fois le mot « Chablis » en finale de la coupe du Monde 98. En plus, le mec décroche luimême son téléphone, ravi et disponible. STRASS ET PAILLETTES. On se dit qu’on monte d’un cran, qu’on est en train de placer Sparse parmis les grands. Sur la même marche qu’Union ou Le Chasseur Français. On l’attend déjà sur la Une du mag’ avec bonnet et grôles en plastique. Poussée de fierté, tsunami d’orgueil. On le dit à nos parents. Bien sûr, Guy Roux nous attend. Forcément. On le rappelle la veille du rendez-vous.

Je vous rappelle qu’on est dans l’Yonne quand même. Et vexés. Faut pas provoquer sur la blague. Pas de nouvelles depuis. Respect zéro. On l’aurait vu sur Infosport en direct le jour même. Guy Roux s’en tamponne complètement de Sparse. Questions sans réponses. Frustration. Tu te la joues, tu veux interviewer des vedettes, tu fais 300 bornes aller-retour. Et tu rentres chez toi, la queue basse, en te disant que tu vas attendre un peu de sortir plus de cinq numéros de ton magazine de hipster avant de faire le vilain prétentieux. Bisous Guy. //

- Le portrait, oui bien sûr. Mais si on peut le faire à 15h30, c’est mieux. « Et le Tour ? On aura du temps ? - Pas de problème. On bosse à fond l’interview. Les débuts, la guerre, Appoigny, Amora, Chablis, la bicyclette de Laslandes contre Dortmundt en 1997, le doublé, pourquoi Lens... On connaît tout par cœur. Le jour J, direction Auxerre. On y va à quatre. On connaît l’Yonne. Pas envie de prendre de risque. On est en avance, alors on s’arrête boire un coup au Café des Stades. Ou rien n’a changé depuis le tournage de Coup de tête en 79. 15h30, le stade. Bonjour, on a rendez-vous avec Monsieur Roux. « Qui ça ? Guy Roux ? Eh, p’tiot ! Il est là le coach ? Non ?» Bon ben on va l’attendre... pendant trois heures. Guy a coupé le portable, personne ne sait où il est. On le cherche dans les bureaux, au centre de formation, on attend la fin de l’étape du Tour. On va boire des bières au bar de la piscine (alors qu’on se

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L’HOMME QUI EN SAVAIT TROP Ton magazine est encore sur le coup pour te faire rencontrer ceux que tu croises sans savoir qu’ils font pourtant partie de l’histoire de la ville, au même titre que l’ours de Pompon, la JDA, ou le Chanoine Kir faisant la circulation place Darcy...

PAR CHABLIS WINSTON PHOTOS : ALEXANDRE CLAASS

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LÉGENDE

Veste en lin blanche, pochette en soie, catogan de hardeur sur chevelure argentée, 1,90m sous la toise, pantalon abricot sur des pompes taille 50... Jean-Paul Brenelin, dit Béru, ne passe pas inaperçu dans les rues de Dijon. Inconnu des plus jeunes, qui croient plutôt reconnaître un des méchants dans James Bond, on a rencontré, sur une terrasse à la cool, un homme accessible et cultivé. Qui sert la paluche à plus de la moitié des gens qu’il croise. Des belles années de la gauche au Chez Nous, du pinard à Nougaro, en passant par Mélenchon et même Action directe... Politique, business, Béru est loquace sans se forcer ; il a tout fait et il en sait beaucoup. Voire trop.

«J

’ai été président de la corpo Sciences, de la corpo Droit, même de la corpo des BeauxArts, président de l’association des étudiants dijonnais. Patriat s’était présenté contre moi. Non, pas François, son frère. Bah je l’ai battu. J’ai géré la caféteria Droit-Lettres comme j’étais à l’UNEF. J’ai été administrateur de la MNEF, inspecteur du Trésor pendant quatre ans, j’ai été viré pour raison politique, j’ai gagné mon procès d’ailleurs. » Oulah ! Béru parle vite. Tout y passe, dans tous les sens. À nous de remettre dans l’ordre, d’interrompre et de questionner pour reconstituer le grand puzzle de toutes les vies du personnage. Il commence souvent ses phrases par : « Alors là c’est compliqué » ou « Y’a souvent des hasards de la vie.» Comme si tout ça lui était tombé dessus. « J’étais là, les gens me contactaient, ils me connaissaient... » Il revient rapidement sur son enfance. Né en 1948 à Bourmont, en Haute-Marne, dans la vallée de la Meuse. Joli bled paraît-il. Père instituteur vaguement militant « qui bouffait volontiers du curé. » Puis lycée à Langres, où il écrit dans le journal de l’établissement. « Comme je lisais San Antonio, je signais les articles Béru. Le surnom m’est resté. » Retour à la fac de Dijon, donc, période charnière. Début de carrière à l’UEC, Union des Étudiants Communistes. Les jeunes étaient plus politisés dans le temps. « Mais on en est vite parti, on avait signé le manifeste contre la guerre au Vietnam. Et puis c’est le moment où le Parti Communiste virait tous le monde. À l’époque, il ne se passait pas grand chose, il suffisait de militer un minimum pour se retrouver sur le devant de la scène. Moi je l’ouvrais un peu. » On est en 68. Vingt ans. L’âge où tu ne faisais que boire, jouer à la console et fumer sur un banc. Jean-Paul, lui, a déjà de la bouteille. Autre époque. « Pour mes 20 ans, mon cadeau, ça a été mai 68. On militait avant tout pour la mixité à la fac. Les filles ne pouvaient pas venir nous voir. Même pas ma mère ! » Il se retrouve président d’à peu près tout ce que la fac compte d’associations. « Ça va très vite parce que comme j’avais pas d’étiquette, ni trotskiste, ni maoiste, les gars se sont mis d’accord sur moi. » En octobre 1968, il monte à Paris en tant que responsable d’une des innombrables corpos suscitées. Il y rencontre du monde. On le recrute à l’OCI* : dans les 60’s, 70’s, c’est la tête pensante de la gauche qui pèse en France. « Ça a été un beau bordel. C’était déjà énigmatique et secret (…) L’OCI a eu de l’influence parce qu’à l’époque Mitterrand avait besoin de troupes et d’idées pour peser

face au PC. Il est venu les chercher à l’OCI. On a fait la gauche d’aujourd’hui. » Parallèlement, il reste à l’UNEF et la MNEF (Mutuelle des étudiants de France). « Faut savoir qu’à l’époque, l’avortement est illégal. Du coup les mutuelles étudiantes aidaient les filles à trouver des solutions... Je me suis fait courser par le SAC** à plusieurs reprises. Ils voulaient ma peau et les listings de la MNEF, où on avait répertorié tous les centres d’avortement clandestins de l’Est de la France. La nuit du 10 novembre 1971, je suis resté caché toute la nuit dans des buissons avec un bâton... » On s’est aussi occupés des manifs lycéennes de 73. À l’époque, les jeunes étaient chauds. Fous. « À Hippolyte Fontaine, ils avaient des ateliers de construction d’explosifs, en vue des manifs. Il fallait des gens des syndicats étudiants pour les gérer et rationaliser. » En 1974, il abandonne les responsabilités politiques. « J’étais plus étudiant, je me suis fait virer de l’OCI pour divergences de point de vue (sic). Ça commençait à être un peu lourd. » Il quitte les responsabilités, mais pas le milieu : « Je ne suis pas hors circuit, je reste en stand by, aux aguets, encore maintenant. Et je connais encore les gens. » Il rendra en effet encore quelques services. « Il faut pas en parler, certains sont encore vivants, ce serait embarrassant. Enfin, on a quand même porté quelques valises... tout le monde en croquait... » MÉLENCHON ET LES ÉLECTIONS. SAC, OCI, scandales, on parle aussi RPR, affaire Urba... on a l’impression d’être dans un film de Pakula ou un roman de John le Carré. Et on a envie de lui demander s’il ne connaît pas le nom de l’assassin de Kennedy. « Les gens me contactent, ils ont souvent besoin de moi, je connais les rouages. » Jean-Paul a encore des idées : « Mélenchon, je suis allé le voir l’année dernière, je lui ai proposé des trucs. » Forcément, Jean-Paul le connaît, c’est lui qui lui a obtenu son premier mandat. Forcément. « On est allé le chercher le petit. Il aurait pu aller au second tour, j’avais une stratégie, je lui en ai fait part. Mais il n’en a pas tenu compte. Il était prisonnier de la logistique du PC, même si elle est bien huilée. » Il réfléchit. « Les

« Pour mes 20 ans, mon cadeau, ça a été mai 68 » *Organisation communiste internationale, trotskiste et discrète, qui a livré au PS ses plus grands ténors. **Service d’action civique. Service d’ordre et police parallèle des réseaux de Gaulle souvent à la limite de la légalité.

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JEAN-PAUL BRENELIN

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« Attends, j’en ai une autre à te raconter... »


LÉGENDE

« Tu sais, c’est moi qui ai sauvé la rue Berbisey. Enfin, moi et François Rebsamen »

constats des années 60 sont toujours là. Mais on n’est pas dans un constat d’échec. Au contraire. Maintenant y’a plus de bloc de l’Est ni de dictateurs en Europe. On est dans une situation ultra révolutionnaire. Ça peut péter. On ne peut pas accepter l’Europe telle qu’elle est. Anti-démocratique. » Jean-Paul affirme être resté un Bolchévique. Mais que peut bien dire Bolchévique pour lui, en 2013 ? Un vieux à moustache sur un char ? Un mec en brosse dans un sous marin genre Octobre rouge ? « Non -ah, tu me rassures-, la définition de Trotsky : se forger une opinion forte contre ses ennemis. Même dans son propre parti. » C’est une idéologie ça ?

cette période, Béru tenait le Dijonville, rue Berbisey, à la place du restaurant Luna Sol. En effet, un des métiers de notre ami depuis les années 70, c’est le débit de boissons ! « Je suis toujours négociant en vin aujourd’hui. J’ai encore des affaires à Bordeaux. On a été dans les premiers à faire du vin de cépage en 81, 82. » Et Jean Paul a tenu pas mal d’établissements. Ce qui n’est manifestement pas en opposition avec le fait d’être Bolchévique... « En 73, je débarque au Chez Nous, je rencontre Aimée, la tenancière d’alors. Je tombe amoureux, j’y reste 10 ans. Les bars du marché fermaient à 15h. On a tout changé. » Parallèlement, il ouvre le Midi Minuit en 79, vers le char. « Ça marche d’enfer, demande aux gens. Bar, dégustation et vente en gros. J’ai été le premier à importer de la bière blanche en France. » Forcément. « Début 80, y’a rien. Le Chez Nous, un bar rue d’Ahuy et le Midi Minuit, c’est tout. Y’avait un beau mélange,

REBSAMEN ET LA RUE BERBISEY. Là, Jean-Paul stoppe la conversation. « Tu sais, c’est moi qui ai sauvé la rue Berbisey. » Oh, carrément... « Enfin moi et François Rebsamen ». Ah le voilà, lui. Jean-Paul Brenelin a beaucoup d’estime pour François Rebsamen. Beaucoup. Il ne faut pas mal parler de François Rebsamen. « C’est un mec bien, un ami de longue date. D’ailleurs, en ce moment, Valls essaye de le fumer. Tout pour l’emmerder. C’est mal. » Bref. « En 88, ‘ils’ voulaient faire du bas de Berbisey un projet

de restructuration immobilière. On a monté un comité de quartier. François a soutenu. » À l’époque, Rebsamen est au cabinet de Pierre Joxe, ministre de l’Intérieur. « Des flics à l’Univers, 150 personnes lançant des pierres sur le commissariat place Suquet, ça a été chaud. Mais on a gagné. À part pour le parking, y’a que là dessus qu’on a perdu. Ou qu’on a consenti à perdre. » Durant

du grand bourgeois au balayeur. » En effet, l’établissement est resté célèbre pour les soixantenaires encore dijonnais. ACTION DIRECTE À DIJON ? En 1984, embrouille financière. Il vend. « Comme je suis tout le temps en train de bidouiller, ça arrive. » 1985, le Dijonville, rue Berbisey, donc.

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JEAN-PAUL BRENELIN « Un jour de septembre 1986, j’ouvre le bar à 7h du matin : les flics arrivent. Comme je te le disais, je bidouille tout le temps, donc ça m’a pas étonné de les voir. Mais là ils fouillaient un peu plus que d’habitude. Flics de Paris, juge Bruguière. Au bout d’un moment, j’apprends que je suis arrêté pour terrorisme ! » Oh ! Jean Paul... ça commence à faire beaucoup là. « C’est dans les archives du journal. Max Frérot à Dijon qu’ils disaient ! L’artificier d’Action directe (ndlr : groupe armé anarcho-communiste actif dans les années 80). N’importe quoi ! En fait c’est un mec qui me devait de l’argent qui m’a balancé. Rien de sérieux. Mais c’était politique, Pasqua et compagnie, parce qu’à l’époque j’avais une autre activité, mais je peux pas t’en parler, certains sont encore vivants. » Euh... Ennemi d’État, avec Will Smith ? « Bref, j’ai été relâché. Et pas inculpé. Ni mis en examen. Jamais. Mais ça a quand même mis un beau bordel dans mes affaires à l’époque. J’étais sur écoute, c’est les

2013 ET INTERNET. Béru a 65 ans, mais il n’est pas rangé des bagnoles. « Je suis boulimique d’activité. Je sors toujours. J’ai encore envie de pleins de trucs. Je veux être surpris par demain, j’ai de la chance, je suis toujours en forme. Je cherche pas à rester jeune, j’ai pas changé, je m’intéresse à tout. Regarde... Internet, Youtube, Facebook j’y suis ». En effet, et on vous conseille d’aller voir ses films préférés. « C’est public, il a fallu s’y faire. » On le sent en confiance, on sent une ouverture. L’unique question qu’on avait à lui poser, en fait, en pensant à cette interview la toute première fois. Bon, Jean-Paul, ce look ça vient d’où ? « Je suis toujours fringué comme ça. J’aime les beaux tissus, les couleurs originales et le blanc. La pochette, la veste, c’est parce que c’est différent, élégant. C’est de la SAPE, comme disent les Africains. La SAPE : Société des ambianceurs et des personnes élégantes. » Il enchaîne : « Je ne vais pas mettre des chemises bleues comme tous les politiques. Sauf François, il fait un effort. » La coupe de cheveux ? « J’ai les cheveux trop fins, je peux rien en faire. Donc je les attache. Et comme ça les gens me reconnaissent. » Ce qui a l’air d’avoir son importance... et ça marche. Tu le croises une fois, tu ne l’oublies pas. « Le style, c’est une façon de communiquer. »

« Le catogan ? J’ai les cheveux trop fins, je peux rien en faire. Donc je les attache. Et comme ça les gens me reconnaissent » flics qui me l’ont dit. » Ah ouais, Les Trois jours du Condor, avec Robert Redford, on l’a vu celui là. En fait, Jean-Paul Brenelin se fout que tu le croies ou pas. Mais tu te prends à y croire, parce que le mec en impose, sans arrogance ni fausse modestie, et qu’il donne force détails. Et suscite immédiatement la sympathie. Pourtant, parfois, c’est gros comme une maison. « Ma femme me dit souvent : arrête, ils vont te prendre pour un fou. » Il s’arrête, commande deux autres bières, claque une bise à Yves Jamait qui passe par là en petit débardeur et reprend, avec autre chose comme d’hab’. « En fait, mon parcours, c’est mon parcours avec les femmes : les bistrots, le vin, maintenant l’imprimerie. » Fin des années 80, Béru rencontre sa compagne actuelle qui le met à l’imprimerie. Troisième vie, ou cinquième, on ne sait plus... « Le numérique, dans les années 90, ça commençait. On s’est mis dans le créneau à fond. J’ai toujours des billes dans le business aujourd’hui. Et je suis toujours avec ma femme. Enfin on n’est pas marié. Je suis contre le mariage, c’est de l’archaïsme. Je me suis marié une fois quand j’avais 20 ans, une fille d’un propriétaire de la côte, 16 grands crus dans la famille. Ça n’a pas marché. Ils ont eu peur que je lorgne sur une partie du patrimoine. » C’est le risque. «Je suis resté ici. » Il n’a pas trouvé mieux que Dijon comme cadre de vie. Il a connu Lyon, Bordeaux ou Genève. « J’aime être sur le marché. » On peut le croiser là-bas, les matins de marché. À la buvette naturellement. « Et puis François a fait quelque chose de bien de cette ville, Yves Berteloot aussi, l’adjoint à la culture. Un mec bien, un ami. C’est moi qui l’ai recruté. » Forcément.

NOUGARO À LA FAC. « Bon je vous laisse, il faut que j’aille à ‘Jazz à la plage’. La musique j’adore, je joue du sax’. Miles Davis a joué sur un sax’ à moi, c’est moi qui l’ai recruté.» Non, là c’est une blague de la rédaction ! Miles Davis, pas le sax’. « Tiens, à l’époque, y’avait pas de producteurs de spectacle, alors avec les corpos on organisait des concerts à la fac. Moustaki et Eddy Mitchell sont venus gratos. Adorables. Je me souviens de John Lee Hooker. Et puis Nougaro, il était bourré comme une cantine à l’Acropole. » (ndlr : le VLV aujourd’hui) « La chance qu’on a, c’est d’avoir vécu une période où tout était possible. On en a profité. C’est pour ça qu’on a pu faire tout ça », dit-il en nous quittant après avoir serré sa 134ème main en trois heures. Jean-Paul Brenelin n’est pas nostalgique, mais se veut lucide. « Maintenant c’est plus compliqué. La politique, les affaires... » On demande l’addition : « Je paye une tournée, tu payes l’autre. » Bref, on partage. La gauche, quoi. //

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PORTRAIT

CHEVALIER DU CIEL Mirage 2000, testostérone et bizutage : rencontre avec un pilote de chasse, ancien équipier de la base aérienne de Dijon.

PAR SOPHIE BRIGNOLI ILLUSTRATIONS : HÉLÈNE VIREY

À mi-chemin entre le stéréotype de Tony Scott dans Top Gun et les portraits des « As de l’aviation », lorsqu’on évoque le métier de pilote de chasse, on s’imagine le plus souvent une sorte de héros infaillible qui, malgré une formation hyper technique, jouit d’une liberté inégalée puisqu’il passe ses journées à survoler le monde. Mais alors que l’arrivée du drone en France annonce déjà la fin de l’ère des pilotes, que reste t-il de cet idéal ? Le job fait-il toujours rêver ? Celui qu’on appellera délicieusement Maverick a 30 ans. Sous couvert d’anonymat, il a accepté de nous parler de son travail pour l’armée de l’air. Des missions de vols, aux rites initiatiques, sans oublier le petit jargon spécialisé, il partage ici son quotidien sur la base.

M

averick est passionné d’aéronautique depuis l’enfance. Les nombreux voyages en avion avec sa mère et l’intérêt commun de ses amis pour l’aviation le poussent à s’inscrire dans un aéro-club dès l’âge de 15 ans. Il vole seul pour la première fois un an plus tard sur Piper J3, un petit avion de tourisme. Passant une partie de ses étés à collecter de l’argent afin de pouvoir voler le reste du temps, il assiste en 2001 au Tour aérien des jeunes pilotes où il découvre la patrouille de France - la patrouille acrobatique officielle de l’Armée de l’air - et rencontre certains des pilotes. Pour lui, c’est la révélation. Il délaisse la voie royale (mat sup-mat spé puis école de l’air) et tente le concours postbac d’une semaine comprenant une batterie de tests physiques et psychologiques… L’examen est ouvert à tous, en théorie, mais il faut déjà prouver son intérêt pour le milieu de l’aviation. Selon lui, il faut au moins se présenter avec déjà quelques heures de pilotage puisque très vite, ils seront jugés sur leur capacité d’adaptation en vol. Le diplôme en poche, il débute une formation militaire de base de trois mois avant d’étudier pendant un an et demi la partie théorique. Les deux années suivantes sont consacrées à l’entraînement en vol, sur jet et avion à hélices. Il faut attendre encore un an - pour l’apprentissage de la mission d’escadron avant de devenir, enfin, pilote opérationnel. Mais le parcours ne s’arrête pas là. Pour être cadre et pouvoir ainsi devenir chef de patrouille, il faut travailler encore deux ans. « À ce moment là, tu peux commencer à voler avec un wingman, c’est à dire avec un jeune pilote, littéralement sous ton aile ».

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PORTRAIT

Pour le reste, la suite du parcours d’un pilote s’articule entre des périodes en unité opérationnelle et des périodes d’instruction. Ils changent également de base tous les quatre ans. Maverick, lui, a effectué sa première période en unité opérationnelle dans un escadron de défense aérienne à Cambrai, sur Mirage 2000 RDI. Lorsque la base ferme, il est muté à la BA102, à Dijon, dans l’escadron d’entraînement sur Alphajet. À son arrivée au sein du « 2/2 Côte d’Or », il se souvient avoir porté les premiers temps une tenue de Teletubbies. « Quand tu arrives dans un escadron et que tu es un « zu » (un bizu), tu dois toujours faire preuve d’humilité. Tu dois avant tout le respect aux autres pilotes et si tu veux t’intégrer dans le groupe, il faut savoir encaisser au début. » Ainsi, il n’est pas rare de voir les p’tits nouveaux se balader avec un casque à pointe sur la tête avec lequel il font un trou dans le plafond, ou encore traînant un boulet au pied. « Cette période est assez éprouvante », se souvient Maverick. « Il faut constamment montrer de l’intérêt, de la curiosité, mais aussi fournir des efforts, chaque membre de l’équipe étant là pour te faire progresser. » La pression du groupe est forte et certains craquent avant la fin du cursus. Chaque escadron est également constitué en association et possède un « officier de tradition ». Celui-ci est responsable de la vente des patchs et autres objets aux couleurs de l’escadron qui servent à financer l’organisation de sorties. Généralement cet

France prêt à décoller en 7 minutes. » La guerre, Maverick ne l’a encore jamais faite. Et pour la première fois depuis le début de l’entretien, il adopte une posture très sérieuse lorsqu’on évoque le sujet. « Je suis tout à fait conscient de la possibilité que je puisse partir au combat, mais ça fait partie de nos missions et nous y sommes entraînés tous les jours. Train as you fight, fight as you train (« Entraîne-toi comme tu combats, combat comme tu

officier est également en charge du bar. Oui, vous avez bien lu. Sur chaque base, il y a un bar et c’est même une véritable institution depuis la Première Guerre mondiale. « C’est le lieu incontournable en fin de journée où tout le monde se retrouve, les pilotes, comme les mécanos. Notre présence est obligatoire, mais bien évidemment personne n’est forcé de consommer de l’alcool. » C’est l’occasion pour eux de poursuivre le débriefing de la journée, de manière plus ou mois informelle. Et le premier à quitter le bar se voit toujours gratifié d’un « Salut Robert ! » Mais derrière cette apparente décontraction, lorsque Maverick évoque son emploi du temps journalier, on commence à réaliser l’ampleur de son travail. Chaque journée débute par un briefing qui peut durer plusieurs heures. Conditions météorologiques, événements nationaux, choix des objectifs, procédures en vol à respecter, tout est méticuleusement épluché. Les pilotes partent ensuite en mission afin de répondre au scénario mis sur pied par le chef d’escadron le matin même. Ils réitèrent ainsi quotidiennement un ensemble de procédures très cadrées en les adaptant à chaque fois à une nouvelle situation. Chaque mission se conclut par la rédaction d’un rapport détaillé du vol. Au sein de son escadron de Mirage 2000, Maverick a été formé sur la permanence opérationnelle, sorte de police du ciel : « Du petit avion de tourisme qui se serait perdu au zinc non identifié qui emprunterait un couloir national, il y a quatre avions de chasse en

Mais selon lui, la véritable menace pour la France, c’est la cyber-guerre. L’armée consacre une partie non-négligeable de son budget au renforcement de la sécurité informatique et de la surveillance aérienne avec l’achat de drones d’observation. « Pour l’instant, la France n’a pas du tout l’intention d’utiliser les drones à la manière des Américains. Notre travail en tant que pilote reste essentiel, surtout depuis l’arrivée du Rafale ». Construit par Dassault, ce nouvel avion de chasse qui peut effectuer toutes les missions de ses prédécesseurs est en train de remplacer la flotte d’avions de combat français. Depuis janvier 2010, Maverick vole sur cet appareil. Et Top Gun dans tout ça ? La référence le fait sourire, lui qui ressemble d’ailleurs à bien des égards au héros de ce film culte. « Certaines choses sont exagérées mais il y a aussi beaucoup de vrai : l’ambiance sur la base, les romances, l’esprit de compétition… On se ‘ fox’ pas mal entre pilotes. » Du nom des différents types de missiles (Fox 1, 2, 3), lorsqu’ils se chambrent, les pilotes se « fox ». Ils ont aussi développé un rituel en fin d’année, celui des « cadeaux costards ». Des cadeaux offerts de manière anonyme. Ainsi affranchi du rang et du grade de chacun, la critique est pour une fois admise. « L’idée, c’est de pouvoir deviner à l’ouverture du cadeau l’identité du destinataire. L’année dernière on m’a offert de l’huile parce que je coinçais trop. Je suis un peu susceptible… » //

« Il faut constamment montrer de l’intérêt, de la curiosité, mais aussi fournir des efforts, chaque membre de l’équipe étant là pour te faire progresser » t’entraines »). Depuis l’avion, nous avons la possibilité de voir en détail le résultat de nos actions sur une cible, et nous sommes en contact avec des équipes au sol qui nous relaient ces informations. » En défense aérienne, il a appris les règles d’engagement des zones d’exclusion aérienne, souvent utilisées sur les zones de conflits. « En Afghanistan, les règles d’engagement que s’était fixée la France étaient draconiennes comparées à celles des Américains. Nous sommes toujours obligés de procéder par palier et d’adopter une posture dissuasive, l’attaque reste le dernier recours. »

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LIFESTYLE

PIMP MY DOLE 26


Sparse est sur tous les événements. Même sur les rassemblements tuning du Jura.

PAR LILIAN ELBÉ, À DOLE PHOTOS : ALEXANDRE CLAASS

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A

h, on te voit venir : là, tu te dis « Yes, Sparse l’a enfin fait ! » Un article sur le tuning. Ce sacré tuning, dont tu t’es moqué cinquante fois dans Confessions intimes. Ces bons vieux fans du bolidage, les vrais, pas ceux qui se contentent de pousser le 2x15 watts de leur Pioneer rue Berbisey. Ceux que tu imagines tout droit sortis des années 90, avec la nuque longue, qui claquent leur RSA mensuel dans trois néons bleus pour leur AX fluo. Certes, mais Sparse a justement une triste nouvelle à t’annoncer : le tuning se meurt. Justement à cause de toi et de tes clichés sur les tuneurs ; il y a de moins en moins de rassemblements de ces passionnés en France. Et pas facile d’approcher cette communauté fermée, qui ne communique sur ses événements qu’au travers de forums spécialisés. Alors il nous a fallu pousser jusque dans le trois-neuf, à Dole, pour avoir le privilège d’assister à un meeting. Et pas n’importe lequel : le 2ème Dole Tuning Show. Reportage.

faire poser sa lady en petite tenue Playboy assortie à sa 106 blanche et rose. Merde, c’est du lourd. On a intérêt à se garer loin si on veut pas passer pour des branques à côté. La plupart du temps, les rassemblements sont gratuits pour le public. Mais le public, à part les tuneurs eux-mêmes, il n’y en a pour ainsi dire pas. Pourtant, tout est là pour la grosse ambiance façon jurassienne : la buvette qui a fait le plein de bière et de jambon-rosette promet de ne pas désemplir. D’ailleurs, elle est tenue par les parents du couple organisateur, eux-mêmes fans de tuning. Affaire de famille. Mais quand on t’annonce la grosse ambiance, c’est sans parler du son ! Car un meeting digne de ce nom ne serait rien sans un DJ. Un vrai, un à casquette. Un qui sait faire péter les basses depuis une estrade bâchée. Et ce mec, c’est évidemment DJ Nics. Si tu t’intéresses au tuning en Bourgogne, tu es obligé de le connaître ; va donc écouter ses megamix de jump sur son Sky’ : djnics-officiel.skyrock.com. De toute façon, tu le recroiseras sur un prochain meeting, le mec est un habitué du milieu.

FAMILY BUSINESS. Dans le milieu, le rendez-vous sur le parking du Pasquier, en périphérie de la ville, est donné depuis plusieurs mois. Le concept est simple : tous les tuneurs de France, de Belgique et de Suisse sont invités à venir garer leur bolide pendant tout le week-end, et ce moyennant une douzaine d’euros. L’occasion de retrouver les potes, d’échanger ses arguments au cours de l’éternel débat « carbu’ ou injecteurs » et de tuer le temps à la buvette jusqu’au dimanche aprem’, où diverses récompenses seront remises aux participants : le plus beau coffre, le plus bel habillage néon... mais on t’expliquera tout ça plus loin. Plusieurs jours avant l’événement, les participants sont déjà chauds : ils font même monter la pression face à leurs adversaires en postant le plus beau montage-photo de leur caisse sur la page Facebook du rassemblement. Un des concurrents va même jusqu’à

LA FRANCE QUI BRILLE. Le jour-J, à 500 mètres de l’événement, on n’entend d’ailleurs que lui. Entrecoupant ses mix de petites phrases pour « faire le show » et attirer le chaland à la buvette, il pose du gros son : en écoutant bien, ton oreille avertie saura reconnaître du Michael Calfan mixé avec le dernier Macklemore. Puis très vite, le plaisir des yeux supplante celui des oreilles. Des dizaines de caisses de folie sont rangées sur l’esplanade en graviers. Ce dimanche, 192 au total. Accroupis entre les caisses, les propriétaires astiquent franchement leurs jantes chromées ou discutent ensemble dans une chaise pliante. Et des govas, il y en a pour tous les goûts : de la saxo, de la 206, 306, 309, de la BM’, de la Clio et bien sûr pas mal de Golf. C’est un peu un best-of du parking du centre commercial de Chenôve vers le Babou un samedi aprèsmidi. Alors bien sûr, quand tu déambules au milieu des allées, avec

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ta dégaine de citadin et ton abonnement Divia dans la poche, tu commences irrésistiblement à te moquer intérieurement. De la touche des tuneurs d’abord, de leurs tongs, de leur pantacourt, de leur gourmette, de leur casquette Wati-B, des dents qui manquent à certains. Et surtout de la blonde à mèche rose là-bas, au loin. Tu te dis que le string pailleté qui dépasse de son jean délavé à sûrement été gagné par son homme dans les grappins de la fête foraine de Venarey-Les-Laumes en 2011. Tu te dis méchamment que c’est un peu la France qui brille, et tu te marres en coin avant d’aller à la buvette.

d’en voir de moins en moins organisés le week-end. Et comment fera-t-il pour exposer sa 306 rouge lorsqu’il n’y en aura plus, de rassemblements, si tous deviennent interdits ? Lui qui vient du 71

LE « TUNING-GAME ». Parce que vraisemblablement, durant toute la journée, à part boire, il n’y a strictement rien à faire. Et surtout pas de battles de son. « Les flics sont passés hier, ils ont menacé de faire disperser le meeting s’il y a trop de bruit », prévient dans son micro DJ Nics. Bridé un jour de tuning, le comble. «Faites gaffe, ils sont à la sortie et font souffler. » Alors du coup, à la buvette, les esprits s’échauffent. Contre l’image négative que le grand public et la police ont de la communauté. « Les tuneurs, on est connus pour ça, les runs, le bruit, etc », lâche l’un d’eux. De toute façon, le patron de la buvette, avec son t-shirt « hardcore », a déjà mis les choses au clair : « Si un mec fout le bordel avec sa sono, on lui casse sa bagnole et on le traîne par terre. » Putain, ça rigole pas, dans le tuning game. Mais faut aussi le comprendre, le patron : « Ça fait un an qu’on prépare l’événement, on a toutes les autorisations ! » En plus, il commence à pleuvoir. Il faut dire malgré tout qu’entre la marée-chaussée et le milieu du tuning, ça n’a jamais été une grande histoire d’amour. À part des néons bleus et rouges sur la galerie, ils n’ont pas grand chose en commun. Gilles les appelle même « ces cons de flics. » Gilles, c’est un vieux de la vieille des rassemblements tuning. Et malheureusement, à l’approche de la cinquantaine, il regrette

ne compte pas ses heures de travail dessus, depuis qu’il l’a achetée en 2009 avec sa femme. Avant, il avait une 405 mais rêvait déjà d’une 306. « Plus facile à modifier au niveau de la tôle et bien plus réputée. » Fier, il ne la quitte pas des yeux depuis la buvette : « Tu la vois ? C’est celle-là, là-bas, avec l’aileron rouge. J’ai tout refait dessus, sono, carrosserie, sièges bacquets... »

« Les flics sont passés hier, ils ont menacé de faire disperser le meeting s’il y a trop de bruit »

LA DISPARITION DU MOUVEMENT ? Son « projet » (c’est le terme pour désigner une voiture tunée, en constante évolution et amélioration), il l’a garé au milieu des autres. Mais dessus, aucune mention d’appartenance à une quelconque team, comme dans Fast & Furious – autre référence culturelle du milieu. Une team, c’est un groupe de trois ou quatre propriétaires de voitures rassemblés sous la même écurie. Ils s’habillent avec les mêmes couleurs et prennent soin de rester toujours ensemble. Histoire d’en mettre plein la vue aux autres, mais surtout remporter plus de prix à l’issue du week-end. Non Gilles lui, hormis sa femme, est tout seul. Pas de team avec lui, comme on peut pourtant en voir beaucoup sur le rassemblement : « Freestyler car », « Prestige show car » ou plus simplement « Tuning auto Côte-d’Or ». Gilles a appartenu à une team il y a quelques années, mais il en est revenu : « trop de

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Fast & Furious


« Lui mon gars, avec sa caisse dégueu, l’année dernière il arrive en finale ‘France’, il commence à se la péter, résultat on lui a mis quatre dB dans la gueule ! »

rivalités. » Il préfère rouler seul. Petit à petit, les minutes passant, tu commences à te sentir mal. Toi qui les pensais heureux et épanouis dans leur passion, au milieu d’une telle communauté, tu découvres une ambiance hyper tendue, bouffée par les rivalités et la jalousie. Les petits surnoms décalqués sur les carrosseries (Nono, Calou, Kev’) ne sont que de la poudre aux yeux. En réalité, lorsqu’une Seat Ibiza passe devant la buvette, tu entends : « Lui mon gars, avec sa caisse dégueu, l’année dernière il arrive en finale ‘France’, il commence à se la péter, résultat on lui a mis quatre dB dans la gueule ! » Pour les néophytes, les dB, ou décibels, sont une unité de mesure de virilité dans le milieu. Plus ta bagnole crache, plus tu en as. Il y a même des concours nationaux de puissance.

garni. Et c’est Nono qui ce dimanche a gagné la bouteille de blanc et le saucisson. Côté « Show Cars », on notera parmi les gagnants la «306 bleue du Mich’ », la « 106 jaune du Ludo », avec une préférence, on doit l’avouer, pour la Prelude Caméléon. On se refait pas. Mais malgré des dizaines de coupes distribuées, il y a toujours des déçus. Et beaucoup l’ont fait savoir. Jury pas assez qualifié, trop partial ? Les perdants s’énervent et accusent les gagnants d’être des « Top Copains » , c’est-à-dire qu’ils figurent au palmarès car ils sont amis avec le jury. De quoi en rajouter une couche sur le climat délétère qui règne sur le rassemblement... Car au final, ce n’est pas la police qui aura réussi à venir à bout du meeting, mais le milieu lui-même. Le soir sur Facebook, Mylène, l’organisatrice visiblement fatiguée, se fend d’un petit message pour faire part de son dégoût : « Eh les tuneurs faut changer votre mentalité de gamin qui n a pas eu son jouet (coupe) parce que la serieux oser dire que le meeting c etait de la merde tout ca parce que vous n etes pas sorti ... Euhhhh Zero sérieux ! Jai honte pour vous ! Quant au jugement j aimerais que ce soit bien clere pour vous tous. Aucun top copain n a eu lieu si bien en best of que en Show car. » Pour elle c’est décidé, il n’y aura plus de meeting tuning à Dole. Même plus à Dole ? Putain, tout se perd. //

UNE AFFAIRE DE PRESTIGE. Le dimanche après-midi, lorsque tu ne ris plus du tout, la pluie tombe à seaux depuis plusieurs heures. Tout le monde s’est réfugié sous la buvette et DJ Nics bâche ses platines. Les heures ont passé. De Confessions intimes, c’est passé à Strip-tease dans ta tête. Tu ne te moques plus mais observes tout ce monde avec une légère condescendance compassionnelle. Les tongs moches aux pieds des participants, tu les vois maintenant surtout dans la boue. Et ça a quelque chose de triste. Devant la débâcle, les organisateurs décident d’avancer la remise des prix. Pourtant des prix, il y en a à la pelle, classés par catégorie : les plus belles « Show Cars », d’abord. Des voitures de « prestige », en français, modifiées (ndlr : on n’y peut rien, c’est la traduction exacte). Il y a aussi le « Top 5 Coffre », récompensant les coffres les mieux aménagés selon une thématique bien précise. Mais aussi le « Top Intérieur », le « Top Extérieur» , le « Best Of Néon », etc... Bref, pour chaque catégorie, il y a une coupe, sauf pour la catégorie « Coup de cœur du président », où c’est un panier

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« Le lien idéal entre la beauferie populaire et le snobisme culturel »

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LIFESTYLE

DIJON vs NEW YORK

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DIJON VS NYC

FAUT-IL VRAIMENT ALLER JUSQU’À NEW YORK POUR PASSER DE BONNES VACANCES ?

Salut, c’est JP. Pour toi jeune Sparsiate, je me suis rendu à NYC cet été, en pleine canicule urbaine, afin d’éclaircir une épineuse question : est-il réellement nécessaire de saigner son PEL ou de drive-by ta grand-mère pour passer un séjour de rêve dans la plus grande ville du monde ? Rien n’est moins sûr. Voici donc un itinéraire thématique brûlant et sans concession à travers la Belle Dijon pour vivre à fond l’American Dream touristique à moindre frais. PAR JEAN-PIERRE PORNO, À NEW YORK PHOTOS : JPP, AC

THE GRAILLON IS FINE. Commençons par le commencement, et pour ainsi dire le plus important : la bouffe. C’est bien connu, la seule nourriture qui rend heureux est grasse. Welcome to the USA, à NYC, bien que ce soit la seule ville du continent où les boissons à volonté sont prohibées dans les mange-vite, tu peux te mettre la panse en charpie à toutes les sauces grâce à un cosmopolitisme culinaire complètement rongé : les gros burgers of course, toutes sortes de pains troués, sucrés ou salés, les pizzas locales que n’importe quel mobster te vantera plus savoureuses qu’à Roma, les machins frits, grillés, panés, mais aussi les quesadillas de Tijuana ou les temakis de Fukushima. Toutes les saveurs sont là, à portée d’estomac, consommables assis, debout, ou vautré contre un mignon foodtruck aux couleurs déroutantes. A priori la compétition s’annonce rude, mais c’est oublier une chose essentielle : la meilleure graille du monde est cuite en France, et soyons honnête c’est particulièrement vrai dans le Duché. Le challenge se place donc dans la perspective de trouver des bons plans bouffe ala NYC par chez nous. Pas bien compliqué, suffit de prendre directement ton Mac Morning au 24/24 de Marsannay (joignable barefoot depuis la Cancale si tu as bien régalé au bar all night long), d’enchaîner un bon lunch au Best Bagels de la rue Berb’ (lobbying inside - pense à prendre un pack de Bud pour plus tard) et de racler quelques sushis via les internets que tu dégusteras directement au salon avec ton pack acheté à midi, en mattant une dizaine d’épisodes de Friday Night Lights, la série qui t’inculquera les rudiments du foot US et qui te retournera presque autant que les plus rugueux chapitres de Dawson’s Creek. Tu regretteras quand même le manque d’ambition du sérail économico-commercial dijonnais pour ce qui est de rameuter un Burger King dans la place. C’est le moment d’envoyer une missive haineuse à latoisondor.direction@unibail.fr pour qu’ils ajoutent l’enseigne à leurs plans d’agrandissement, ça fera moins mal à la communauté qu’un shitty Apple Store ou un nouveau Promod. Autre bons plans street-food bien de chez

nous : le pélo place Wilson qui coule des cafés sur sa bicyclette ou le camion locavore B comme Bourgui, stationné au parc technologique, où l’on flip les charolais à l’Époisses comme nulle part ailleurs. À tester ! SEA, SIESTE AND SUN. Une fois repu, il sera de bon ton de t’accorder un moment de détente. Niveau espace vert, avec son Central Park de 340 hectares (en gros, pour te faire une idée, trace un gros rectangle sur ton Google Maps allant de la Dérobade au sauna Bossuet), NYC met la barre un peu haute. Et si on y ajoute les jolies plages de Coney Island et Brighton Beach (une bonne heure de métro depuis Manhattan quand même) le défi semble presque too much pour la Cité des Ducs. Pouvoir se filtrer les poumons et baigner ses ampoules est en effet un vrai hobby pour les New-Yorkers, qui en ont bien besoin après avoir macéré dans l’underground des stations de métro à la température luciférienne et aux parfums orduriers (c’est rien de le dire). L’alternative dijonnaise est pourtant riche en options. Niveau trempage, tous les plaisirs de la mer peuvent s’assouvir autour du lac Picon (rapport à son teint gourmand). Volley-sur-sable, farniente, chichi-beignet-chouchou-boissons-fraîches-sortiesde-la-glacière direct from Fontaine d’Ouche. Si tu apprécies les bains de foule comme le vieux Chirac, ce gros thug, il y a également le leisure-resort d’Arc-sur-Tille. Et pour plus de calme, si tu es véhiculement motivé, tu pousseras après 45 min de rallye jusqu’au réservoir de Grobois (juste après Sombernon) : tu pourras y impressionner le/la gros(se) levé(e) au printemps sur Badoo en plaçant ta plus belle bombe ala Grand Corps Malade du haut du barrage, une entreprise nullement effrayante si tu t’es auparavant bien sustenté pendant le pique-nique bières-pétardRicard sur la douce plage de gravillons. Côté verdure, 12 tours de Colombière feront bien illusion niveau immensité et contrairement au parc central new-yorkais où il ne fait pas bon traîner après le coucher du soleil (à moins que tu sois féru de rencontres

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LIFESTYLE

Dans le sens des aiguilles d’une montre : le Brooklyn Bridge ; le parc Darcy ; Time Square et au centre une pub Hennessy avec le rappeur Nas ; le Grand Théâtre.

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DIJON VS NYC

grivoises avec les plus beaux spécimens de crack-heads), la visite nocturne des enclos animaliers après quelques escalades de catégorie 1 te fera apprécier des plaisirs simples et sportifs si tu ne crains pas de karcheriser de la poule ou de courir le bélier. Après avoir goûté Mère Nature, profite de ta forme olympique retrouvée pour aller un peu t’amuser.

Certes, mais t’es déjà monté en haut de la tour Philippe le Bon ? Nah’mean brah. HOW TO SHINE EN SOCIÉTÉ. Assister c’est bien, mais poser c’est mieux. NYC a la réputation d’être un accélérateur de trend-particules : mode, musique, danse, tout y passe. La mentalité new-yorkaise, à l’image du pays, confine à l’individualisme chaleureux, et ici ne compte que ton poids dans le game de la tendance. Si t’as pas été invité à figurer dans l’artmovie de Jay-Z au MoMa, si tu sais pas où sont les bons-plans roof-top-parties des cimes de Manhattan ou les happenings arty des hangars de Brooklyn, tu n’es rien. Tu es la masse silencieuse, le cheptel endormi. Chance : fréquenter la haute à Jondi n’est pas bien compliqué et les solutions sont multiples. Écrire trois bafouilles dans Sparse édition papier, par exemple, te propulsera directement au sommet du social ladder. Au dessus est le soleil (et encore au dessus est l’after coke-Moët au Bal’tazar). Si tu ne sais plus écrire mais que tu veux quand même intégrer un cercle plus puissant que la franc-maçonnerie locale, mets le pied dans l’événementiel culturel du coin. Sache-le, Hova qui rappe au Musée d’art moderne, ça n’a pas nécessairement plus de gueule qu’un bon freestyle de Shen-Dy au musée de la Vie Bourguignonne. À toi de créer ta 1901 et de monter l’event. Tu pourras peut-être gratter une sub’ aux trois François (ceux-là même qui run this town, this departement et this region) et ajouter The Georges Kaplan Conspiracy au line-up. Mais là faut déjà bien tremper dans le haut du panier ou avoir un compte premium à la Caisse d’Épargne. La dernière solution pour briller façon New York est d’intégrer un gang de true-hipsters dijonnais, pas forcément simple à dénicher. Arbore pour cela un t-shirt ambitieux type tête d’impala sérigraphiée à l’encre de seiche au dessus d’une comic-sans-ms « I REMEMBER THE FUTURE » et crache allègrement sur un collectif artistique douteux, type Fauve, dont tu auras pourtant encensé l’infinie vacuité quelques jours auparavant. Tu devrais rapidement te faire de nouveaux frères de sang chez les enfants de bobos. Attention cependant à ne pas te retrouver trop isolé, les spécimens hype par chez nous sont encore rares et il faudra t’armer de patience et d’une bonne paire de jumelles pour les spotter dans leur habitat naturel, si tu veux pas finir en mode Philippe Nahon dans Seul contre tous avec ton linge à tête de cerf et tes cheveux sales.

L’ENTERTAINMENT À SON MEILLEUR. L’industrie du divertissement est partout à NYC et on y trouve aisément un show ludique à son goût. Niveau planches, la comédie musicale à Broadway (graduée « très chic » dans ton budget Guide du Routard) cohabite aisément avec d’innombrables petits théâtres de quartier. La régalade quand tu veux vraiment te marrer, c’est de trouver un petit rade à stand-up où tu te bidonneras allègrement pour 12$ boisson comprise avec des énergumènes échappés de Comedy Central ou du Letterman Show. Ça vanne sec et tu en prends pour ton grade même si t’es planqué à la table du fond, près des chiottes. Chez nous, niveau grosse marade on peine un peu, alors il faudra faire preuve de bonne volonté et d’un bon esprit de camaraderie quand la tournée Mission Impro-Cible repassera à l’espace Tabourot de St-Apo, si tu veux pas trop subir la soirée. Si tu es plutôt branché sport (côté gradins j’entends), New York offre de grands frissons à toutes saisons et dans toutes les disciplines : Knicks au panier-ballon, Mets et Yankees au baseball ou NY Red Bull au foot ont chacun leur arène et une solide fanbase si tu cherches à te faire de nouveaux amis. Brice Jovial ayant quitté le Dijon Football Côte d’Or pour un obscur club de D2 chinoise lors du mercato estival, il semble bien difficile pour la dijonnaise des sports de rivaliser niveau sensations supportrices. Et il faut le reconnaître, les travées de Gaston-Gérard ne respirent pas vraiment le winning spirit à la ricaine. Pour une belle ambiance saveur US, tu te rabattras donc sur une rencontre de hockey à la patinoire pour encourager des patineuses, championnes de France, à se mettre pleine meule des coups de crosses aiguisées comme la pelle de Rohff. Ou bien tu iras escalader le mur du stade Bourillot pour évaluer les dernières recrues de l’AS Fenris (foot US), dans leur saillant petit short de jeu. Niveau tourisme culturel et architectural, là encore Dijon City tient la dragée haute à Nouveau York Ville. Ici les musées sont gratuits, là-bas khalass ton bras. Alors oui, il y a à voir des Warhol et des Hopper d’anthologie au MoMa, des squelettes de T-rex et celui de Lucy à l’American Museum of Natural History, des trésors égyptiens et la fine fleur de la peinture flamande au Met’, mais mec, meuf, sérieusement, t’as déjà vu LES PLEURANTS ? Lourd. Un peu de vanité que diable. « Oui mais à New-York tu peux monter en haut de l’Empire State et te prendre la claque de ta vie en perdant ton regard sur l’immensité infinie de la mégalopole .»

IN THE END. Tu l’as compris tout seul : nul besoin de t’arracher à La Belle Endormie pour profiter du lifestyle newyorkais. Les voyages forment la jeunesse mais ils déforment le compte-courant alors respire, détend-toi comme un puceau en friendzone et demande congés à ton exploitant pour t’offrir quelques jours de découverte américaine en bas de chez toi. Divio Rules Muthafucka. //

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FOODAGE DE GUEULE

Si l’on en croit les membres éminents du gouvernement, la crise est presque passée. À l’instar de tes amis capitalistes qui roulent en Porsche dans les rues de notre belle cité, tu peux de nouveau te lâcher culinairement parlant. T’as plus trop envie d’entendre parler de décroissance ou de comportement raisonnable : c’est parti pour les restos à volonté, où la goinfrerie égoïste peut se décomplexer.

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RESTOS À VOLONTÉ

PAR TONTON STÉPH, À DIJON, QUETIGNY ET CHENÔVE ILLUSTRATIONS : ESTELLE VONFELDT

Tout le monde connaît le stand « légumes à volonté » du Flunch où la plupart des clients se servent surtout des frites. Ou bien les buffets d’entrées à volonté des Campanile dont raffolent les VRP entre deux verres de Kir. Cependant, ces deux établissements ne poussent pas le bouchon jusqu’à proposer tous leurs plats à volonté comme le font courageusement d’autres enseignes dijonnaises que votre serviteur se propose ici de tester. Il faut en effet du courage pour les entrepreneurs, tant la clientèle peut prendre ses aises et se montrer déraisonnable, voire obscène. Ainsi, des juges américains, notamment au Texas, ont suivi l’avis de procureurs demandant que certains citoyens américains soient interdits de restaurants à volonté, dans la mesure où ils n’éprouvaient aucune satiété et devenaient des vecteurs de ruine pour les entreprises qui se sont lancées sur ce créneau. Nous autres franchouillards n’en sommes quand même pas là, malgré notre légendaire gourmandise. Et les restaurants à volonté, bien souvent asiatiques, l’ont bien compris : le business semble bien fonctionner pour eux. À quel prix ? S’agit-il forcément de plats médiocres ? Y a-t-il des pressions pour que vous ne mangiez pas trop ? Trois indices correspondant à tout ce qui peut compter lorsqu’on se rend dans un resto à volonté ; ils permettront de se faire une idée avant de faire son choix... ou de se rabattre sur Les Pieds Bleus, le restaurant végétarien de la place Émile Zola. Non, j’déconne !

26 rue Musette, Dijon

Courtoisie et buffet chaud à volonté en plein centre-ville Le XII est le seul établissement testé qui se situe au centre-ville. À recommander donc si vous voulez vous blinder le bide de n’importe quels glucides et lipides sans vous fouler à prendre votre bagnole ou le tram, et si vous méprisez la « banlieue » dijonnaise. Mais ne vous attendez pas à de la couleur locale ici : une fois rentrés dans l’établissement, on a vraiment perdu l’esprit du quartier du marché. Même le nom du lieu n’évoque rien : une longue discussion avec la propriétaire nous a laissé comprendre qu’il était tout simplement plus facile à prononcer pour nous autres occidentaux. Vous chercherez en vain ici à apercevoir le cuisinier : il ne s’agit que d’un buffet chaud à volonté. Il n’y a donc pas de personnel, juste une gentille chinoise qui tient la baraque et se

Indice fraîcheur : 5/10 Je n’ai vu aucun label hygiène. La prudence est de mise.

montre courtoise, voire très prévenante : assez loin donc de la froideur un peu méprisante qu’il est courant de croiser dans les restos à volonté où c’est un peu l’usine. On est venus en semaine vers vingt heures et on n’a aperçu que deux clients. La décoration est littéralement inexistante, ce qui est surprenant de la part d’un chinois à volonté (enfin, c’est censé être taïwanais), ce genre de lieu se prêtant d’habitude au contraire à une débauche de mauvais goût asiatisant, avec des dragons, des fausses estampes et des idéogrammes. Ici, on est de toute évidence dans une ancienne cour intérieure qui a été aménagée et recouverte. C’est assez glauque et impersonnel, malgré la présence d’une drôle de mezzanine et de l’inévitable petite musique chinoise d’ascenseur. On n’a pas mis longtemps à se jeter sur le buffet, et autant le dire tout de suite, ça n’a pas été la fête : il manque vraiment un coin wok ou grillades pour

faire passer la pilule. Avec nos inévitables bières Tsing-Tao, on s’est donc farcis quelques makis, loin d’être les plus savoureux que nous ayons engloutis. De plus, ils sont bizarrement énormes. Il faut aussi avoir l’oeil : les beignets aux crevettes se trouvant dans le même coin que ceux aux pommes constituant le dessert. Étonnant mélange des mets. Les diverses entrées (nems, beignets...) sont plutôt étouffantes et semblent avoir eu le temps de sécher quelques temps sur le buffet. Il y a quand même un choix relativement étendu, allant du porc au caramel à divers boeufs en sauce ou aux oignons, plutôt bien réalisés. En accompagnement, les forts habituels riz cantonnais, nouilles sautées, et frites (?!) Peu de desserts, crèmes glacées Carte d’or à volonté. Mouais. Comptez 12,90 euros le midi, ce qui est plutôt correct s’ils proposent autant de plats que le soir, où il faut débourser 16,90 euros.

Indice indigestion : 8/10 On a cru mourir quelques heures et on a abandonné l’idée de boire un coup derrière.

Indice honte : 6/10 Bien qu’affable, la serveuse a passé son temps à nous observer. Cela dit, il n’y avait pas d’autres clients pour nous reluquer, on peut donc se lâcher.

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FOODAGE DE GUEULE

8 rue de la Serpe, Quetigny (à privilégier à celui de Marsannay, moins fou)

Iguane, perroquet Ara, rats et poissons géants Bien que de récentes conversations un peu dingues nous ont permis de nous rendre compte à quel point Quetigny pourrait avoir un potentiel swag incontestable pour certains, on ne nous empêchera pas de penser qu’échouer ici, dans les petites ruelles situées derrière le Carrouf’ à l’heure du coucher de soleil, est le signe potentiel d’une vie ratée. Pour ne pas dire dégueulasse. Pizza Happy (le nom luimême devrait inciter à la méfiance) s’est apparemment mis en tête d’intensifier la lose. C’est très probablement le lieu de « restauration » le plus flippant qu’il m’ait été donné de visiter, depuis cette pataterie encore ouverte du centre-ville où des cafards voisinaient avec nos assiettes. Et la cause en est encore zoologique : que diable vient foutre une animalerie en pleine pizzeria de banlieue ?! Bien sûr, un iguane géant amorphe, un gros perroquet Ara torturé par sa chaîne à la patte, des rats (!), ou des poissons géants japonais peuvent paraître tout à fait sympathiques à votre Kévin, lequel pourra vous laisser en paix en allant voir lesdites bestioles. Le problème vient plutôt de l’inévitable odeur des vivariums et cages garnies de chiures diverses embaumant lentement la pièce. C’est tout simplement le meilleur coupe-faim qu’il m’ait été donné de tester. L’odeur rance a tendance à soulever le coeur, ce qui n’est certes pas la situation idéale pour s’engloutir des pizzas. Enfin, pour achever de vous dégoûter et de

Indice fraîcheur : 1/10 La proximité de toute une batterie d’animaux fait franchement flipper. Oh bordel !

vous asséner le sentiment de vide évoqué en début d’article, le lieu est également parsemé de cages vides, laissant le doute sur la fraîcheur de la paille qui les garnit pourtant. On regagne sa place - du mobilier usé apparemment récupéré dans un Flunch, pas de sets de table, des assiettes minuscules - pour profiter de la musique proposée (Mylène Farmer) et de la déco inexistante. On aperçoit simplement, derrière une forêt immonde de plantes en plastique, une scène avec plusieurs instruments de musiques, au cas où Kévin aurait envie de martyriser l’audience en se lançant dans la batterie. Le public est constitué d’ados en galère de thune et peu regardants, d’employés de magasin de bricolage épuisés et encore en tenue de travail ramenant une caissière en scoot, d’individus seuls et difformes, et de grandes familles beaufs qui parlent trop fort. Cette France que kiffe Raymond Depardon, je lui laisse volontiers. Au secours, à la bouffe ! Un buffet à volonté de crudités en boîte est proposé : betteraves, pseudo-piémontaise, céleri, etc. Des sodas constitués aux trois quarts de flotte sont également servis à discrétion. Pour dix malheureux euros, on a choisi le forfait imbattable « pizzas à volonté » que nous a proposé un cinquantenaire de l’accueil qui pourrait tout à fait être casté pour un sketch de Groland. Plus tard, on l’apercevra causer tout seul et bouffer des garnitures des pizzas prêtes à être enfournées tout en toussant à moitié. Classe. Pour deux euros cinquante de plus, on aurait pu avoir des pâtes à volonté, avec bolognaise. Ça fait

rêver. Parlons pâte, tiens. Celle de leurs pizzas est plutôt correcte, mais plutôt épaisse. Et puisque la garniture est très rare et quasiment sans tomate ni fromagereconstitué, on a vite fait d’être dégoûté. Sans sauce, hyper sèches, elles attendent sur un support reflété par des miroirs judicieusement placés au plafond, afin qu’on puisse apercevoir de loin s’il en reste. Tant que c’est le cas, l’équipe n’en prépare pas de nouvelles, ou au ralenti, pour limiter le gâchis. Tant pis si celles présentes ne sont pas à votre goût (qu’on imagine affûté si vous allez dans ce genre de boui-boui). Si, dégénérés comme vous êtes, vous souhaitiez déguster la « k ébab », dites-vous bien qu’il est inscrit dans le prospectus qu’elle est servie s ans viande , ce qui laisse songeur... On a quand même demandé à un jeune pizzaïolo de nous procurer la pizz’ de nos rêves. Après, on ne vous dit pas qu’il y aura de larges différences entre une « basque » et une « jurassienne », aussi bizarre que cela puisse paraître sur le papier. Alors qu’une bonne âme a fini par couper Mylène Farmer, on se rend compte qu’un client est allé gueuler sur les serveurs. Au loin, le gros perroquet attaché pousse de drôles de râles. L’odeur nauséabonde humée en arrivant nous revient aux narines. Il est temps de partir après cette douzième part de pizza sèche. Petit conseil au proprio : envisagez l’achat de mygales géantes, de boas et de furets, histoire de nous foutre définitivement la gerbe.

Indice indigestion : 9/10 Douleurs intestinales récurrentes toute la soirée. Nous censurons le reste.

Indice honte : 10/10 C’est le premier « restaurant » de ma vie où en sortant, j’ai eu peur qu’on me voit. Le lieu valide en quelque sorte votre vie ratée : allez donc vous coucher.

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RESTOS À VOLONTÉ

112, avenue Roland Carraz, Chenôve

Parasols Perrier, sushis et California rolls Situé dans cette magnifique avenue remplie de panneaux publicitaires qui vous mène à Chenôve, ce restaurant de sushis à volonté ne paie pas de mine : l’établissement se trouve au fond d’une cour, derrière une pelouse pas tondue depuis quelques mois ou années. Il y a bien une terrasse ombragée par des parasols Perrier, mais elle donne vue sur des entrepôts glauques. Rien d’engageant. Le lieu se prêterait tout aussi bien à la vente de pneus ou de matériel de bricolage. La carte annonce la couleur : comptez 17,90 euros pour le menu à volonté du soir, lequel comporte davantage de mets que celui du midi, ne coûtant que 12 euros, sans brochettes Yakitori de thon ou de saumon par exemple. Les fans de restaurants japonais peuvent se rejouir. Ici, et contrairement à ce qu’on a pu lire sur Internet, la qualité de la cuisine n’est pas à remettre en cause : elle est correcte. Par contre, ne vous attendez pas à un classique buffet où vous viendriez picorer toutes les cinq minutes en jetant

Indice fraîcheur : 7/10 Rien à redire de ce côté-là. À part une soupe Miso minable, les autres ingrédients n’ont pas semblé suspects.

ce que vous n’avez finalement pas daigné ingurgiter. Le patron vient prendre obséquieusement votre commande, laquelle est répertoriée sur une fiche où vous inscrivez les numéros des mets, amenés généralement par deux. Les plats sont donc « à volonté », mais pas à la nôtre ! Une recherche sur Google nous avait fait prendre connaissance du délire : Sakura a instauré la taxe sur les assiettes non-finies, histoire de bien faire culpabiliser les FDP qui ont les yeux plus gros que le ventre. Le propriétaire des lieux, qui vous balance parfois vos plats sans ménagement, entend plutôt en faire une mesure massive de dissuasion pédagogique. C’est un peu comme s’il avait deviné que j’allais faire cette chronique foodage de gueule, où le gaspillage aurait pu être massif. Ici, le gâchis est payant, ou comment mettre fin à l’hybris, la démesure qui guette tout gourmand, celui qui a choisi une autre mort lente que celle proposée par la clope. Pour rejouer les scènes cultes de La Grande Bouffe, il faudra donc chercher ailleurs. La déco ne suscitera aucun commentaire de notre part, contrairement aux couverts : il n’y en a tout simplement pas. Avis aux asiatophobes aux gros

doigts boudinés et débiles moteurs, ici on ne propose (comme il se doit) que des baguettes. Sinon, c’est assiettes en plastique et bols à soupe sales sur le rebord. Gros pouce vers le bas, donc. La plupart des sushis étaient convenablement remplis, contrairement à ce qu’on a pu entendre. Ils ne consistaient pas qu’en une boule de riz. Seuls les California rolls ne ressemblaient pas à grand chose, étant justement roulés approximativement. On a aussi regretté le décalage entre les plats : dommage de manger ses nouilles sans brochettes et inversement ; mais probablement s’agissait-il du rythme des cuissons. Comme par hasard, cela a tendance à hâter la satiété tant redoutée. Enfin, ne cherchez pas les desserts, ils sont absents. La serveuse - avenante, elle - nous a proposé un petit verre de Saké tiède en partant. L’histoire ne nous dira pas si l’établissement nous l’aurait facturé ou non si nous l’avions pris. Dernier conseil, nous nous y sommes rendus un mardi, pas trop de clients. Il doit être beaucoup moins facile de se faire servir par le patron venant collecter vos petites fiches lorsque la salle est blindée le week-end !

Indice indigestion : 5/10 On est ressortis bien calés. Néanmoins, l’incapacité dans laquelle se trouve le client de se servir lui-même limite ses prétentions à se faire péter la panse. Les longs poils uniques que le patron a laissé pousser sur son cou font un peu peur, sinon.

Indice honte : 2/10 Le patron patibulaire devant vous servir le moindre plat, on est vraiment loin du resto à volonté habituel, où tu finissais par squatter pendant des heures le buffet.

du centre-ville. Mais là aussi, ne vous attendez pas à un buffet à discrétion. Il s’agit plutôt d’un grill sur la table pourvue d’une belle hotte pour aspirer la fumée et les odeurs disgracieuses. Le problème, d’après nos souvenirs, c’est la radinerie indigne du patron et des serveurs, qui font tout pour vous dissuader de trop grailler. De plus, on nous a appâtés en évoquant du gibier en hiver : on n’en a jamais vu la couleur. Méfiance, donc. Certains apprécieront la déco tout en bois dans des

espèces de box. Les autres, plus minutieux, se rendront surtout compte qu’ici rien n’a jamais changé, jusqu’à la musique qui est toujours la même depuis plusieurs années. Signe d’une recette qui fonctionne ? En tout cas, le lieu semble rempli d’habitués.

ON NE LES OUBLIE PAS Wok’n’grill (5 rue de Beauregard, Longvic) Celui-là, bien éloigné du centre-ville, on avait prévu de le faire car il proposait de la viande en grill à volonté. Mais le rythme de rédaction insensé et esclavagiste du rédac’ chef de ce magazine nous a empêché de nous y rendre à temps. On a entendu quelques propos élogieux à son sujet. À vous de voir. La Braserade (5 rue Gagnereaux, Dijon) Un des rares établissements « à volonté »

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Le New Colonial (place Barbe, Dijon) Ils proposent apparemment un « barbecue coréen » à volonté, mais la carte, comme le décor aperçu de l’extérieur paraissent tant décrépits qu’on n’a même pas osé y rentrer.


DIAPORAMA

Au risque de prendre un coup de soleil ou un coup de fourche, nous sommes allés en plein été faire un tour dans quelques jardins familiaux, histoire de prendre le frais et de découvrir ces coins de verdure inconnus des jeunes générations. T’as déjà bêché toi ? Surprise : en pleine journée, les jardins sont délaissés par leurs propriétaires sûrement assoupis dans les cabanons à l’heure de la sieste.

PAR MARTIAL RATEL, À DIJON, QUETIGNY ET PLOMBIÈRES-LÈS-DIJON PHOTOS : ALEXANDRE CLAASS

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SITE ÉBAZOIRS (VERS LA RUE DE SULLY, ENTRE DIJON ET QUETIGNY)

Un coin de verdure planquée... entre deux nœuds de rocade. De grandes allées centrales distribuent sur d’accueillantes parcelles. Les jardins -super bien cultivés- sont tirés au cordeau. Quelques-uns figurent parmi les plus beaux de Dijon, faits de bric et de broc, de trucs chinés dans des vide-greniers. Beaucoup de grands arbres font la spécificité locale de ce site. Sauf à deux-trois endroits, l’herbe, ennemi du jardinier, semble bannie. Ici, chaque centimètre carré est retourné ou planté. En fonction du vent, les motos sur la rocade rivalisent avec les avions de la base militaire, le site étant implanté dans l’axe de la piste d’atterrissage.

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LES JARDINS FAMILIAUX

SITE AUXONNE (RUE DES PÉJOCES, DIJON)

Juste à côté du cimetière, les jardins sûrement les plus calmes de Dijon ? Que dalle ! La rue d’Auxonne attenante fait un boucan d’enfer. Pas super accueillant, le spot est tout cadenassé et protégé de grandes haies. Sûrement pour éviter que les macchabées ou que des visiteurs voisins peu scrupuleux chourent des fleurs. Quelques mètres plus loin, au fond à gauche et planqué tout seul, un jardin est à l’écart. Un mouton noir ? Ça le rend sympathique. Surprise : au milieu des tomates, le proprio a planté des crucifix comme épouvantails. En fait, c’est super glauque dans ce recoin sombre. Dans un moment de tremblement (d’où le flou), notre photographe proposera même qu’on baptise cet endroit « meilleur spot pour prendre du crack. » Finalement, à l’issue de cette visite, une seule question mérite d’être posée : quel goût est-ce que ça donne aux légumes, le jus des morts ?

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SITE MAILLARD (BOULEVARD MAILLARD, DIJON)

Quelques jardins dans une ambiance « L.A. à deux pas du port du canal ». Les parcelles sont quasiment sous un pont. Impression grandiose de mégapole « à l’Américaine » durant deux secondes. Juste à côté, la piste cyclable, parcours pédagogique pour les enfants, ravira les petits et les grands qui en auraient marre de se faire des ampoules aux mains en bêchant. Évident contraste béton/terre cultivée. De grands graphs agrémentent le paysage, accompagnant la floraison des aubergines et autres choux-fleurs, et prenant sûrement tout leur sens au cœur de l’hiver, seuls îlots de couleurs dans le gris et le marron au milieu du repos végétatif. Bande son assurée par les voitures et derrière par les grues réhabilitant l’ancien site militaire de l’Arsenal.

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LES JARDINS DE LA RENTE DE LA CRAS (CHEMIN DE LA CRAS À LA FONTAINE-D’OUCHE, DIJON)

Jardins new school. Sur un tout petit terrain, des boites surélevées, comme des caisses, accueillent une bonne terre bien grasse et riche en oligoéléments. Sur chaque caisse, un numéro. Des jardins en immeuble. Esthétiquement, c’est original. On soupçonne le Consortium d’être derrière cette idée frisant les sommets de l’art contemporain. En fait non, c’est un jardin participatif, social. Chaque jardinier a son petit carré à cultiver. Des lopins, comme des patchs de terreaux à côté des tours de béton.

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LES JARDINS DE PLOMBIÈRES (PLOMBIÈRESLÈS-DIJON)

Le top du top. Les jardins les plus peinards et avec des gens dedans. Des retraités en majorité, forcément. Ça vit, ça circule. Ça a même l’air de camper. L’Ouche coule derrière. Ça ressemble à des jardins résidentiels, un coin de village autonome à côté du reste. Ça circule très mal en voiture. Les Twingo font des sautes d’amabilité pour remercier les 4x4 des hautes brousses de les laisser passer sur le chemin de terre. La balade vous promène du village jusqu’à un déversoir, spot à verrons sur plus d’un kilomètre. Les parcelles sont super grandes et bien entretenues, comme partout. Au loin, les tuiles vernies du clocher de Plombières surplombe le petit bief à truites et chevesnes. 12

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DIJON FÊTE

LA

Gastronomie DU 19

PT AU 22 SE 2013

19 SEPT SHOW GOURMAND DES RESTAURATEURS DE FRANCE jardin de l’arquebuse

20 SEPT MENU DES PETITS DUCS

7300 repas gastronomiques dans les restaurants scolaires

grand banquet par les commerces de bouche du quartier J. J. Rousseau et Antiquaires

21 SEPT FANTASTIC PIC NIC port du canal

22 SEPT LE DEJ DU GRAND DEJ lac kir

programme complet sur www.citedelagastronomie-dijon.fr

© tempsRéel, dijon - lithographie, Anonyme années 1910, DR Ville de Dijon - Musée de la Vie bourguignonne Perrin de Puycousin, Dijon (inv. 85.161.1)

C’EST LA BOUFFE À ROUSSEAU


CULTURE

À ton arrivée, quelle dynamique as-tu voulu insuffler ? C’était déjà reconstruire quelque chose et surtout - je vais utiliser des mots qu’on emploie souvent - travailler en adéquation avec nos missions de transition, de lien avec le milieu étudiant et le milieu professionnel culturel. Travailler pour l’émergence des jeunes compagnies, celles qui veulent faire leurs premières armes dans ce domaine. Créer un cheminement pour ces compagnies, pour ces jeunes artistes.

PASSÉ, PRÉSENT, FUTUR. QUOI DE NEUF AU

THÉÂTRE MANSART ? PAR PIERRE-OLIVIER BOBO PHOTOS : ALEXANDRE CLAASS

Le côté pluridisciplinaire (théâtre, danse, musique), c’est venu comment ? C’est arrivé petit à petit. Ce sont des histoires humaines en fait, des histoires d’amitié avec des gens rencontrés. Par exemple CirQ’ônflex, on les a accompagnés quand ils étaient étudiants. Pour le théâtre, on a voulu se consacrer aux jeunes compagnies. Il est vrai qu’il n’y a pas tant de lieux de résidence et de création sur l’agglomération dijonnaise. Donc on a voulu donner une grande place au théâtre universitaire, essayer de leur foutre des coups de pieds au cul. Monter en qualité et en exigence leurs projets, en faisant appel justement à des artistes en résidence ici. Toujours en ce qui concerne le théâtre, l’idée était aussi de se focaliser sur des artistes qui ont une démarche assez atypique. Qui transgressent les codes, qui dépoussièrent la forme, l’art. Pour la musique, on a un lien évident avec le Pôle d’enseignement supérieur de la musique avec lequel on monte des projets, ou avec le département de musicologie. Enfin la danse, il faut savoir que j’y suis très sensible. Alors que 90% du temps, je me fais chier à des spectacles de danse. Et là c’est encore une histoire de rencontre, avec la jeune compagnie Numb. Voilà, c’est pluridisciplinaire mais on essaie de ne pas trop se diversifier non plus, de partir dans tous les sens. Que ce ne soit pas un garage ou un étal d’épicerie.

Les étudiants, les relations parfois compliquées avec l’université, la culture, les théâtreux, la botanique et l’avenir. Entretien avec Alain Douheret, responsable du service culturel du Crous de Dijon et directeur du Théâtre Mansart. Ça consiste en quoi, le service culturel du Crous ? Vaste question ! C’est être responsable d’une mission culturelle d’un établissement public. Cette mission est très peu connue, mais essentielle. Historique aussi, puisque les Crous ont été les premiers à proposer des activités dites culturelles, à mettre en place des lieux pour les étudiants, hors temps pédagogique. Ça consiste pour Dijon - car chaque Crous a un service constitué de manière différente, des lieux et outils différents, certains ont des salles de musique, de théâtre ou d’expo - à impliquer les étudiants dans un projet culturel. Que ce soit au travers d’un lieu, au travers d’activités, de concours artistiques. Être présent sur le terrain continuellement, être à l’écoute de leurs attentes, maintenir une relation de confiance, voire amicale. En tout cas, c’est ce qu’on essaie de faire ici à Dijon.

Quelles sont vos relations avec l’université ? L’uB est l’institution emblématique au sens où elle est le terme générique pour tout ce qui concerne la vie étudiante, le territoire géographique, l’enseignement, etc... C’est la sphère étudiante. Le Crous est un établissement agissant dans cette sphère. Dans la pensée commune, on ne distingue pas les entités y agissant. À propos des liens, il n’y en a à vrai dire jamais vraiment eu, des collaborations très ponctuelles, des tentatives que l’on aurait pu voir se renforcer au moment où l’atheneum est devenu « service culturel de l’uB » au début des années 2000. Pour des questions de personne, des enjeux ou des considérations ayant peu de lien avec la volonté d’agir pour le développement culturel de la vie étudiante au sein de la Cité, des intrigues, des jeux de pouvoir... enfin, de mauvaises raisons. Malgré plein de perches et mains tendues, il n’y a pas eu grand chose. Pour des raisons que je connais maintenant mais que je n’évoquerai pas. Les relations se sont très récemment débloquées, heureusement, grâce à des initiatives individuelles de part et d’autre.

Tu arrives au théâtre Mansart en 2008. Oui, mais je suis au Crous depuis 1997. J’ai bossé pour le théâtre Mansart avec la compagnie qui était ici, dès l’origine de sa rénovation en 97-98. Mais je n’étais pas à la direction. On travaillait avec cette compagnie de théâtre à l’époque. Quand tu as pris la direction, le lieu était dans quel état ? C’était assez rude. Une période de transition suite à un conflit au sein de la compagnie qui gérait le lieu. Il a fallu rebâtir un projet, repartir de zéro. C’était une compagnie professionnelle de théâtre donc le lieu était connoté « théâtre ». La compagnie a implosé, donc on a repris le lieu en gestion directe, ce qui s’est avéré être une bonne chose par rapport au nouveau projet qu’on a mis en place.

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« Quoi, c’est mon pantacourt qui te fait marrer ? »


CULTURE

« Maintenant, l’étudiant, on a beau lui dire tout ce qu’on veut à grand renfort d’affiches, il est son propre prescripteur »

Vous vous retrouvez en concurrence avec l’atheneum ? Pas concurrence, plutôt complémentarité ! Et je pense qu’elle peut être poussée de plus en plus justement sur ce territoire géographique qu’est le campus, qui a été voulu volontairement à une certaine époque à l’extérieur de la ville. Si on veut créer un lien entre ces deux ensembles, il faut qu’on se réunisse, Crous et université. Comme je le disais, malgré une forte volonté de notre part, il n’y a jamais eu trop de relations concertées sur un projet. En revanche, ça ne saurait tarder, et ce dès la rentrée. Il y a quand même eu quelques tentatives plaisantes qui ont abouti l’an dernier. Donc c’est quelque chose qui est en passe de se réaliser. Avoir deux structures culturelles sur un campus, c’est mieux qu’un luxe, c’est une chance !

me tromper et j’aimerais bien qu’ils viennent me dire le contraire. J’ai connu une époque où c’était la foire à la chaussette, où c’était festif. Il y a 4.000 chambres sur le campus, donc c’était vraiment une ville dans la ville. Bon, Dijon a changé, c’est une très belle ville maintenant. À l’époque, quand La Vapeur n’existait pas, si on voulait s’amuser c’était sur le campus.

Quel regard tu portes sur les étudiants ? (long silence) Je commence à sentir un basculement. Je sens que je suis d’une autre génération que les étudiants que je cotoie. Mais c’est super d’avoir des gens de leur génération dans l’équipe du service culturel au Crous. Toujours est-il que je sens un basculement au niveau de la curiosité, de l’implication, dans les projets, dans l’associatif, ce qui était un fleuron dijonnais... C’est en décroissance. Il faut tout le temps être là en fait. On a la chance d’être sur le campus, d’accueillir des assos étudiants, d’en héberger. Beaucoup ont disparu, pour des raisons diverses et variées. D’ailleurs, je me base également sur les retours et les expériences des collègues d’autres Crous en France. Je cite souvent le Crous de Montpellier, qui lui gère une carte culture. Là-bas, ils ont mené une enquête autour de la carte culture, du déclin de la fréquentation des spectacles et plein d’autres sujets... Ce qui a été révélé par cette enquête, c’est qu’il faut être là tout le temps, sur le terrain, agir par « frappe chirurgicale », favoriser la convivialité, impliquer les étudiants, aller chercher une personne qui va servir de relai, qui elle reviendra avec 10 ou 20 personnes. Faire de la dentelle en fin de compte. Les modes de communication ont évolué aussi. Maintenant, l’étudiant, on a beau lui dire tout ce qu’on veut à grand renfort d’affiches, il est son propre prescripteur. Tu lui présentes un truc qu’il ne connaît pas, d’emblée il prend le même objet que tu tiens dans ta main (ndlr : un iPhone 3GS), il va voir sur Youtube, Facebook, etc. S’il n’y a pas d’extrait, c’est que c’est pas connu donc il hésite, s’il y a un extrait, il regarde dix secondes. « C’est bien, c’est pas bien. J’y vais, j’y vais pas. » C’est un truc qui te paraît peut-être normal ou usuel mais c’est vraiment quelque chose de nouveau pour moi. Oui les étudiants ont changé. Et je les trouve très sages.

Qu’est-ce qu’il va se passer en 2013-14 au Théâtre Mansart ? Du bonheur, du condensé d’originalité et d’émerveillement, une farandole de plaisirs auditifs et visuels. (rires) La programmation jusqu’à janvier est faite. On essaie de ne pas trop programmer à l’avance pour être réactif et aider les jeunes compagnies qui en auraient le besoin. On va continuer dans la danse, toujours avec Numb, par le biais des « Jam sessions » qu’on mène depuis deux ans. Ce sont des rencontres musique-danse. On va essayer d’intéresser des structures telles que La Vapeur ou Zutique, pour bénéficier de leurs conseils et réseau musical. Toujours le cirque, moins de spectacles cette année mais beaucoup de résidences pour la saison suivante. La musique aussi, toujours avec le PESM, l’Ochestre jazz de bourgogne. On essaie également d’accueillir des artistes même si on n’est pas une salle de concert. Des gens qui écrivent, qui manient les textes avec une forte personnalité. L’an dernier il y a eu Toro Piscine, cette année, il y aura Garce. Également une jeune pianiste soliste, Emmanuelle Chousta. Tout ça lors d’une soirée concert qu’on fait une fois par an. Et évidemment, on suit le théâtre universitaire avec ses ateliers création, de pratique et de stage. Bon, j’en oublie certainement... J’ai lu que tu étais passionné de botanique. (rires) Ah oui, tu es tombé sur une bio sur le net. J’ai tapé « Alain Douheret » dans Google. J’aime beaucoup me balader en forêt mais j’ai un jardin merveilleux. (rires) Ça, si tu l’écris... c’est un hommage à une personne particulière. Bref, la botanique, c’est dû à l’époque à un spectacle que j’avais créé avec Guillaume Malvoisin, qui s’appelait La lenteur des végétaux. Guillaume Malvoisin avait écrit ma bio en disant que j’étais passionné de botanique... Mais non, il n’y a pas de rapport particulier entre la botanique et moi. Ni même par rapport aux plantes prohibées.

Trop sage ? Peut-être qu’on les entoure de normes et consignes de sécurité. Du coup eux-mêmes, j’ai l’impression, n’aiment pas trop être dérangés dans leur quotidien, dans leurs résidences. J’espère

Tu es également musicien et tu fais partie de la Générale d’Expérimentation. C’est quoi, une bande de pote avant tout ? C’est devenu une bande de pote, mais avec une certaine exigence. Au départ, c’est l’histoire de gens qui se sont réunis. C’est étonnant comme fonctionnement. Un collectif qui s’est construit avec les projets que chacun amenait. Et qui a fini par bâtir des projets communs. À Mansart, on travaille sur des projets de création. D’autres se font par la rencontre avec des plasticiens, pour des performances, des commandes particulières. À la rentrée par exemple, on va participer à la réouverture du musée des BeauxArts, avec une fanfare cuivrée et électronique rue de la Liberté : une pièce qui va narrer le 500ème anniversaire du siège de Dijon par les Suisses. Oui Monsieur ! Nous avons été assiégés par les Suisses, en septembre 1513 ! Une tapisserie commémore ceci et a été rénovée. Elle sera accrochée lors de la réouverture du musée. C’est intéressant au final, ça réunit des gens venant du conservatoire, du rock, des 50


THÉÂTRE MANSART

Ghetto shit

Tu le trouves comment ce milieu culturel, justement ? Il est plaisant, malgré tout. Surtout ces dernières années, avec l’arrivée de certaines personnes dans les structures. La génération des 2535 qui remet un peu de dynamisme, de sourire et de légèreté. Je trouve qu’il se passe beaucoup de choses à Dijon. Bref, j’aime évoluer dedans, avec tous ses travers, les désavantages, l’hypocrisie, la sincérité et la générosité qu’il peut y avoir.

musiques improvisées, des gens totalement autodidactes... Une bande de potes sérieux, exigeants et musiciens. Il paraît que tu as dû arrêter un moment de jouer de la musique à cause d’un problème à la bouche et aux côtes. Mais, tu rentres dans l’intime ! Oui, je faisais beaucoup de musique à une époque, du genre à jouer n’importe quand, n’importe quoi et en dormant pas beaucoup. En faisant du classique, du rock, du jazz. Je me suis un peu épuisé et j’ai attrapé une dystonie* fonctionnelle, c’est à dire un dérèglement total, physiologique, musculaire. Et ça s’est singularisé sur le masque. C’est dû à la fatigue. Ça arrive souvent chez les pianistes ou les violonistes, c’est un trouble moteur. Par exemple tu es en train de jouer normalement sur ton clavier et à un moment donné tu as un doigt qui se lève. Donc il y a une rééducation à faire. C’est une pathologie qui n’est pas prise en compte par les musiciens. J’ai dû stopper pendant sept ans.

Dernière question. Pourquoi les théâtreux ont cette réputation de pire enfoirés du monde ? ... (blanc) (sourire) Tu penses vraiment ce que tu dis, là ? C’est une question... ils ont cette réputation, non ? Les théâtreux ? Les gens de théâââtre ? Attends, t’as dis « putain d’enfoirés » ? Non, j’ai dit « pire enfoirés ». Il y a des beaux enfoirés dans le théâtre. Des gens comme Sébastien Foutoyer. Ou comme Guillaume Malvoisin, dès lors qu’il prendra un petit peu de folie, tiendra son histoire et la fera cheminer dans les têtes... (il coupe). Oui, ce sont des sacrés enfoirés mais je les aime beaucoup. Les gens de théâtre ici sont des enfoirés adorables. Généreux. Je pense que dans le théâtre, ce sont des gens parmi les plus exigents. Tu sais, les danseuses sont aussi des « petites princesses », qui se questionnent et paradoxalement parlent beaucoup. Alors que sur scène elles ne parlent pas... Tu vois comment je la noie, ta question ! //

« J’aime évoluer dans ce milieu culturel, avec tous ses travers, les désavantages, l’hypocrisie, la sincérité et la générosité qu’il peut y avoir » Bon, Alain, c’est bientôt l’heure de se quitter. Tu as menti au cours de cet entretien ? Non, je n’ai pas menti. Mais je ne suis pas allé plus loin sur certains sujets. (silence) Pourtant j’en aurais eu envie! (rires) Car il y a quand même des choses un peu poussiéreuses dans cette sphère culturelle dijonnaise. Des personnes qui campent un peu trop sur leur position...

*La dystonie est un trouble moteur caractérisé par des contractions musculaires intenses et involontaires, prolongées, qui provoquent des attitudes et des postures anormales, de tout ou partie du corps : le plus souvent d’un membre, mais parfois des paupières (blépharospasme) ou du cou (torticolis) - Wikipédia

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MUSIQUE

GEORGE PROFONDE INTERVIEW ROAD TRIP PAR MARTIAL RATEL, À DIJON PHOTOS : VINCENT ARBELET

O

Choisis par la tournée Esprit Musique pour enchaîner huit dates entre le 21 mai et le 15 juin dernier, de Bordeaux à Arles via Paris, Dijon, Lyon et Nancy, les mecs de The Georges Kaplan Conspiracy se sont posés fin juillet à nos côtés pour évoquer leur tournée. L’occasion de faire le point avec Gabriel (guitare/ chant) et Valérian (synthé/ordi). Bastien, le bassiste, étant excusé.

n aime bien les Georges Kaplan Conspiracy. Leur musique se situe quelque part entre un Sergio Leone qui aurait avalé Moroder et de la pop anglaise avec boîte à rythmes. Le morceau Phoenix & Rapsodie est un tube. Depuis ses débuts, vers 2011, la formule a évolué. D’abord projet solo de Bastien, puis duo, le groupe s’est stabilisé il y a quelques mois avec les arrivées de Valérian et Gabriel. Pour l’instant, le trio dijonnais n’a livré qu’un EP de cinq titres simplement intitulé Night Drive. Et comme ils ne sont pas manchos, « les Kaplan » développent un univers visuel géométrique emprunt d’onirisme. Le truc qui renforce encore le sentiment d’avoir affaire à un groupe au goût sûr et à la ligne artistique assumée.

t’avais l’impression de ne jamais jouer dans le temps. Gabriel : Notre ingé son, Spud, a essayé de nous rassurer. « Vous verrez quand il y aura du monde dans la salle ça va casser le son, cet écho, et ça ira très bien. » Mais finalement, comme il n’y avait pas grand monde c’était affreux. Valérian : Attends. On dit que c’était horrible mais c’était de bons moments quand même. Gabriel : Arrête de te mentir à toi même. (rires)

Votre tournée s’est fractionnée en trois dates au début, une au milieu et quatre à la fin. Comment ça s’est passé ? Gabriel : Super bien, même si la première partie était la plus compliquée. On n’arrivait pas à se mettre en route... Valérian : On est un peu des diesel. Gabriel : Et puis aussi, dans la première partie, il n’y avait pas grand monde dans les salles alors que dans la deuxième, c’était blindé. Pour notre première date à Bordeaux, la salle était une espèce de cube blanc dans lequel le son était affreux. Il y avait un écho flottant... Valérian : Cet écho revenait tout le temps sur scène, du coup

Les anecdotes de la tournée ? Valérian : Ce qui s’est passé en tournée, reste en tournée... Ah, si, on a mangé au Quick de Mâcon.

Pourquoi il n’y avait personne sur ces premières dates ? Gabriel : Les organisateurs n’avaient pas fait du tout de pub. Ils ont reçu les affiches mais ne les ont pas collées. Ils s’en foutaient. Donc pas pub, pas de public.

Vous n’avez pas failli jouer à Paloma ? La très grosse et très belle salle de Nîmes, tenue par l’ancien directeur de La Vapeur ? Gabriel : On était à Arles, à 25 minutes de Nîmes. On jouait en dernier à 23h30. On avait fait nos balances tôt dans l’après-midi et on a pris le camion pour rendre visite à Fred Jumel, ancien Dijonnais qui est à présent directeur de Paloma. Pour visiter la salle, parce qu’on nous avait dit qu’elle était géniale. En plus, il y

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THE GEORGE KAPLAN CONSPIRACY

Valérian : Après coup, est-ce qu’on aurait été capable de bien jouer deux fois dans la soirée ? Je ne sais pas.

avait le festival This Is Not A Love Song. Valérian : On arrive là-bas, on tombe sur des Dijonnais et des gens qu’on connait : Fred, bien sûr, mais aussi Christian Alex, programmateur de la salle et des Eurocks, le photographe Vincent Arbelet... Gabriel : Il y a une annulation sur le festival. Du coup sur le ton de la blague, on propose de remplacer le groupe le soir même. Il nous disent : « Ok, si vous jouer à 23h30 à Arles, vous avez le temps de prendre le matos et de jouer ici à 20h ». On commence à aller prendre le matos mais on appelle quand même les organisateurs de la tournée Esprit Musique qui nous répondent que c’est jouable. On commence à charger et là, Spud sort de la salle et nous annonce que c’est mort parce que finalement, on est sous contrat avec Esprit Musique et que la loi interdit de jouer deux fois dans la même soirée, pour une affaire de déclaration et de cachets. La galère.

Les gens de Paloma vous ont dit qu’ils allaient vous reprogammer ? Gabriel : Ils nous ont dit ça, oui. Ils ont vachement apprécié qu’on soit réactif. Quel est le truc le plus horrible que vous ayez eu à vivre sur cette tournée ? Gabriel : Le type qui faisait la communication de la tournée venait me voir tous les soirs en me disant : « Je sais que tu n’aimes pas ça mais pendant le concert est-ce que tu pourrais remercier la banque qui organise la tournée ? Il y a des professionnels de la banque qui sont là ce soir. » Moi je lui répondais : « Euh, non. » (rires) Valérian : Tu sais, je pense que ça ne lui faisait pas plaisir de faire ça. Gabriel : Oui, je sais. C’est quand même moche. Je disais quand même : « Merci à la tournée Esprit Musique. » Ce qui me gonflait le plus c’était le côté robot. Tous les soirs, à demander la même chose.

En plus, This Is Not A Love Song est un gros festival avec plein de médias et de pros. Un beau tremplin pour vous faire connaître. Gabriel : Oui, on aurait dû ouvrir pour Grizzly Bear, Connan Mockasin et Savages. Valérian : En même temps, tu l’as lu le contrat, toi ? Gabriel : Oui, c’est interdit l’histoire des cachets. Valérian : Même si on avait pu s’arranger, d’un autre côté, je comprends Esprit Musique. Nous, on s’est enflammés... Gabriel : Oui, c’est clair.

« Je sais que tu n’aimes pas ça mais pendant le concert est-ce que tu pourrais remercier la banque qui organise la tournée ? Il y a des professionnels de la banque qui sont là ce soir »

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MUSIQUE On dirait que vos morceaux ont évolué depuis quelques temps. Peut-être depuis votre tournée. Ils sont plus synthétiques, moins pop. Gabriel : Nos morceaux ont évolué du côté du son. Grâce à cette tournée, on a gagné des thunes et grâce à ces thunes on a acheté du matos. Valérian: C’est plus synthétique tout simplement parce que maintenant on utilise de vrais synthés. Mais on n’a pas touché aux compos. Cette tournée a apporté quoi par rapport à vos morceaux ? Gabriel : Ça permet de voir ceux qui fonctionnent vraiment, c’est la meilleure façon de les tester. Quand tu as les moyens d’enchaîner sept dates... Valérian : D’un point de vue personnel, cette tournée m’a rassuré sur mes ambitions. Tu te dis : « J’ai envie de faire de la musique. Mais ce n’est qu’un divertissement. De quel droit ? Pourquoi moi ? » Des fois au réveil, je me dis que c’est con et que je...

« Avant, tu allais voir un label pour qu’il t’aide à sortir des trucs. Maintenant, tu vas voir un label quand tu es déjà prêt »

... Que tu es un usurpateur ? Valérian : Parfois c’est ce que je me dis, oui. Du coup après avoir fait cette tournée, je me dis qu’au bout du compte, je ne suis peutêtre pas un usurpateur. (rires) Gabriel, j’ai l’impression que suite à cette tournée, tu assumes mieux ton rôle de chanteur, de frontman. Gabriel : C’est clair ! Avant George Kaplan, je n’avais eu qu’un seul groupe, God ! Only Noise, et je n’avais pas fait tant de scène que ça. C’est quelque chose qui se travaille. Je me sens carrément plus à l’aise. C’est la première fois que vous viviez aussi longtemps ensemble tous les trois. Ça va, vous vous supportez ? Valérian : Oui, ça s’est bien passé. Eux faisaient la fête le soir et moi j’allais me coucher. (rires) C’est vrai, le soir je regardais Planète, à l’hôtel. Vous vous êtes bien entendus avec les deux autres groupes qui partageaient la tournée ? Esthétiquement, vous aviez plus à voir avec The Same Old Band, rock psyché, qu’avec Backstage Rodéo qui doit ne rêver qu’à une chose : jouer au Zénith en première partie de Superbus. Gabriel : Tu sais quoi ? Cet été Backstage Rodeo a joué à Vienne dans les arènes, avec Neil Young. (silence) Ça donne envie de


THE GEORGE KAPLAN CONSPIRACY

« On était sur la route quand Radio Nova nous a appelés. On a cru que c’était tous les groupes de la tournée qui allaient y passer. Mais en fait, c’était juste nous »

chialer. Sinon, euh... Valérian : Arrête ! T’es en train de dire qu’on n’aime pas les autres et il va retranscrire ! Gabriel : J’aime bien leur guitariste, Raoul Chichin. Le fils de Catherine Ringer et Fred Chichin, des Rita Mistouko. Vous l’avez un peu côtoyé ? Gabriel : Nous deux, pas trop, mais Bastien qui vit à Paris est son voisin. Il est allé quelques fois chez lui. Valérian : Il ne parle pas trop de ses parents même s’il a accompagné sa mère sur la dernière tournée. Et des fois, quand tu lui expliques que tu flippes qu’un instrument se débranche, il te répond comme ça : « Ah, ouais, moi une fois ça m’est arrivé devant 10.000 personnes, j’avais l’air trop con... » (rires)

on ne sait pas. Début août, on a fini d’enregistrer les voix. Mais on ne sait pas, on verra. On a quatre ou cinq titres et on avisera. Et pour la suite, la direction artistique restera la même ? De la nappe de synthés et de la guitare ? Gabriel : Je pense que le côté new-wave sera un peu moins présent. Peut-être plus pop. Valérian : Moi je n’en sais rien, je fais de la musique...

Et avec The Same Old Band ? Gabriel : On s’est super bien entendus. On a peut-être des projets avec eux. Les faire venir jouer ici ou aller chez eux, à Lorient.

Plus pop dans le format ? Dans le son ? Valérian : Pas dans le format pop. Je ne crois pas qu’on en soit capable. Gabriel : Moi, j’en ai vraiment envie. Quand tu dis format, c’est couplet/refrain ? J’aimerais bien. Valérian : Oui, moi, aussi j’aimerais bien mais je ne sais pas si ça le ferait... Enfin, je ne sais pas... Et puis je t’avoue que ça vient tout seul. On ne s’est jamais dit : « On va faire un morceau comme ça. » Gabriel : Euh, je crois que si... Valérian : Genre ? On se dit pas, par exemple : « Tiens, on va composer un morceau à la Bon Jovi. » Ouah, super ! (rires)

Vous avez eu la chance de passer en live sur Radio Nova, à Paris. C’était prévu dans la tournée ? Gabriel : Non, ils nous ont appelés pour faire ces morceaux. Valérian : On était sur la route quand ils nous ont demandés. On a cru que c’était tous les groupes de la tournée qui allaient y passer. Mais en fait, c’était juste nous. Ils ont dit pourquoi ? Valérian : Parce qu’ils aiment bien, c’est tout. Gabriel : Et Gilles, notre manageur, connaît le programmateur de Nova, Max. Valérian : (à Gabriel) Non, non. C’est le directeur d’antenne qui a demandé, direct.

Y’a moyen que vous vous disiez ça ? Gabriel : Moi, oui (rires) Valérian : Moi, j’aurais dit « à la Guns N’ Roses. »

Pendant cette tournée, vous n’avez pas cherché à démarcher des tourneurs ou des producteurs ? Gabriel : C’est trop tôt pour l’instant. Le groupe n’a qu’un an et demi d’existence. Valérian : On me dit toujours qu’il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. On n’est pas prêt.

Avoir tourné dans ces conditions : camion, hôtel, restau, ingé son, cachets... C’était quand même des conditions privilégiées par rapport à la réalité d’un groupe comme le vôtre. Gabriel : Oui, c’est hallucinant. Il ne faut pas que l’on s’habitue à ça. Un frigo rempli de bière, une bouteille tous les soirs... S’il nous manquait un truc, on appelait le régisseur.

Vous attendez quoi ? Gabriel : Que le set tourne vraiment mieux et qu’il y ait plus de morceaux « tubesques ». Valérian : J’attends qu’on soit carrément plus pros avant qu’un label, un éditeur, un tourneur ne viennent nous voir en concert. Et qu’il se dise tout de suite : « C’est un bon groupe. » Parce que là, parfois, je me sens encore « amateur ». Gabriel : Les choses ont changé. Avant, il y a 20 ou 30 ans, tu allais voir un label pour qu’il t’aide à sortir des trucs. Maintenant, tu vas voir un label quand tu es déjà prêt. Valérian : Le démarchage, ce ne sera pas avant 2014. Gabriel : Pour la fin 2013 et 2014, on va essayer de cibler ceux avec qui notre musique pourrait correspondre et on va commencer à les draguer. C’est vrai qu’on aimerait bien quand même trouver un tourneur, plus qu’un label. Pour faire des dates et pour pouvoir manger. (rires)

Vous en avez abusé de ce confort ? À réclamer des trucs tous le soirs ? Gabriel : Non, le régisseur était un type tellement sympa qu’on n’avait pas envie de l’emmerder. Les Backstage Rodéo ont essayé de le faire un soir. Il ont tellement abusé qu’ils se sont battus entre eux. Le batteur s’est battu avec l’ingé son. Leur ingé son était vraiment très cool et il en avait juste marre. Le batteur a pissé dans une bouteille d’eau, un truc comme ça... Il faisait sa rock star, c’était ridicule. Des trous du culs. Valérian : On va pas finir l’interview en trashant les autres. Gabriel : Non, c’est vrai, on les aimait bien. Mais ils faisient trop leurs stars... Valérian : On se marrait bien avec eux. Vincent était sympa. Gabriel : C’est vrai, ils sont sympas. C’était qui Vincent ? Valérian : (rires) Le guitariste. //

Du coup, pas de disque à la rentrée ? Gabriel : (sourire) Ça c’est la grande question. On avait annoncé sur les réseaux sociaux qu’on allait sortir un EP mais

À visiter : thegeorgekaplanconspiracy.com / thegeorgekaplanconspiracy.bandcamp.com

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MUSIQUE

CASSETTE LOVERS

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CARPI RECORDS

Il y a un an, deux potes de fac décidaient de monter un label pour y sortir... des cassettes. Êtes-vous sérieux ? Pourquoi ? Comment ? Une aventure sans prétention entre Dijon, Belfort et Montpellier avec Baptiste et Charles, fondateurs de Carpi Records.

PAR PIERRE-OLIVIER BOBO ILLUSTRATIONS : DR / CARPI RECORDS

« Bonjour Sparse, je voulais vous parler d’un concert que nous organisons à la galerie Interface le vendredi 12 juillet pour fêter l’anniversaire de notre petit label de musique que nous avons créé en juin 2012 à Dijon. Il s’agit du concert de Sunny Dunes qui sortira à cette occasion une double cassette. » Les choses ont commencé par un simple mail. Un rapide coup d’oeil sur le site du label et effectivement, un peu plus d’une dizaine de cassettes ont été produites, en petite quantité, accompagnées de beaux artworks. Bordel. Des cassettes, comme en 1985. Ici à Dijon. On veut comprendre. S’en suivront ainsi de longs échanges, par mail toujours, avec Baptiste alors en plein déménagement vers Montpellier. Les clichés, les relation avec les artistes, Kazaa et même l’Indonésie... toutes les réponses à nos questions, déclinées en plusieurs thématiques.

Ça se ressent vraiment dans sa musique. C’est aussi ce qu’on aime dans la musique ambient* et particulièrement avec la cassette : les relations qu’on a avec les autres. Ce que j’aime dans le format et surtout dans le fait que ce soit réalisé en édition limitée, c’est la proximité avec le musicien. Il a créé un objet et tu l’as entre les mains. La cassette a aussi un son qui lui est propre, plus chaleureux que les autres supports. »

La naissance du label. « Un jour, j’ai posté des enregistrements plutôt hasardeux sur un blog. Plusieurs personnes m’ont contacté : des musiciens qui voulaient savoir si j’étais partant pour qu’on s’échange nos cassettes. À l’époque, je n’avais aucune copie de ces enregistrements, mais on s’est envoyés quelques mails et ils m’ont vraiment poussé à créer quelque chose. Je pense d’ailleurs qu’ils ne savent pas le rôle qu’ils ont joué dans tout ça. De son côté, Charles (mon complice pour Carpi que j’ai rencontré lorsque je vivais à Belfort) a sorti un album sur un label américain. Quand il a vu l’objet final, il s’est dit qu’on avait les moyens, en s’appliquant, de faire au moins aussi bien. Le fait de sortir ses propres cassettes permet de faire totalement ce que l’on veut. »

Les clichés. « Le ‘son un peu pourri’, c’est un cliché... La cassette reproduit à l’identique les enregistrements originaux. Si le son est pourri, c’est que l’enregistrement original était pourri ou que le lecteur est pourri. J’ai remarqué aussi qu’on a tendance à considérer que les albums qui sortent en cassette sont des démos, des essais ou des choses peu sérieuses. C’est aussi un cliché. »

L’ère digitale. « Petit, je n’avais pas de lien particulier avec la musique en général. Les cassettes, j’en écoutais, mais sans plus. C’est avec l’arrivée d’Internet chez moi, Kazaa et le mp3 que j’ai découvert la musique. On amasse des tonnes de fichiers dans des disques durs et on n’y prête pas vraiment attention. La musique sur support physique, c’est un moyen d’éviter ça. C’est plus excitant de mettre la main sur une cassette que sur un fichier mp3. Tu peux avoir tous les mp3 que tu veux.

La cassette, nouveau marché. « Je pense qu’on peut parier les yeux fermés sur un retour de la cassette. On en parlera comme on a parlé du retour du vinyle il y a 2-3 ans... La presse musicale commence à s’y intéresser, des disquaires vendent des cassettes. Un « International cassette store day » est organisé cette année. Et puis Deerhunter, Flaming Lips ou Animal Collective ressortent des albums en cassette... »

La première sortie. « Un dimanche après-midi, Charles est revenu à l’appartement avec une platine cassette sous le bras. On a commandé 30 cassettes vierges dans la soirée, trouvé un plan pour imprimer les pochettes à moindre frais. Le hasard joue un rôle important pour nous. On ne prémédite pas grand chose. Un mois plus tard, fin juin 2012, notre première cassette sortait. Puis les choses ont mis du temps à se mettre en place. On a préféré attendre et récupérer l’investissement financier de départ avant de sortir un deuxième album. En ce qui concerne la gestion pure du label, on a toujours tout fait à deux. On n’a jamais défini de rôles précis mais on fonctionne de la même manière sans même le vouloir : Charles commande les cassettes et l’impression des pochettes. Je m’occupe de nos différentes plateformes internet (mails, facebook, bandcamp, blogspot), de la duplication et de la préparation des cassettes. »

La musique sur scène, la musique en général. « Je n’aime pas trop les grands rassemblements, je préfère les petits concerts. On peut dire que je suis plutôt casanier, je n’aime pas trop me montrer. Mais je n’hésite pas à m’éloigner pour voir des choses qui m’intéressent vraiment. Par exemple je suis allé à Gand et Anvers récemment. Il y a beaucoup de labels de cassettes là-bas et on était déjà tous plus ou moins en relation avant que j’y aille. C’est aussi ça la cassette... Les gens ne se prennent pas la tête, n’ont pas d’ambitions démesurées. Mon disque du moment, s’il devait n’y en avoir qu’un, serait Bitchitronics de Bitchin Bajas. Sinon j’écoute beaucoup de choses, je suis ouvert à tout. Je n’ai pas vraiment d’inavouables, ni de disques cultes, j’avoue facilement écouter John Scatman. » //

L’identité. « On a toujours essayé de faire des choses qui ont du sens pour nous. On se moque de savoir si le musicien a sorti des albums sur d’autres labels plus connus ou si c’est son premier album. Si la musique et l’histoire autour de l’album nous plaisent, on se lance. On est sur le point de sortir le prochain album d’un Indonésien vivant à Djakarta. Après quelques mails, il nous a confié que sa vie là-bas devenait plutôt insupportable.

*Terme inventé par Brian Eno. Genre de musique électronique caractérisé par la prédominance de nappes et l’absence de beat. À visiter : carpi-records.bandcamp.com / carpi-records.blogspot.fr

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SÉLECTION PAR ARTHUR GÉRARD

JACKSON SCOTT – MELBOURNE. Parents, je m’adresse à vous. Que dire à votre enfant qui vient de foirer son année de M1 Sciences du Langages parce qu’il passait trop de temps au Vieux Léon et à procrastiner sur le wifi de la BU ? Mettez-lui une bonne tannée et admettez en silence qu’il est le digne rejeton de ses idiots de géniteurs. Jackson Scott, 20 ans, est fait de la même trempe de slackers paumés, à ceci près qu’il joue également de la guitare et confectionne des chansons pop qui vont à 3 km/h. C’est beau et creepy à souhait. Un peu comme une petite amie qui vous enfonce un couteau dans le cœur en vous susurrant des « je t’aime » sincères.

TEREKKE - YYYYYYYYYY. En créant une house feutrée toute en sourdine, Terekke pose LA bonne question : où se trouve le meilleur dancefloor ? 1) Place de la Rép’ où s’enchaînent les bangers maximalistes éreintants. 2) Chez tes parents partis en week-end où ce type relou va niquer ta playlist à coups de Zaz et Caravan Palace. 3) Dans ta tête, qui rêve de publics beaux et érudits. Y’a pas de bonne réponse, mais Terekke a réussi à faire la seule musique de club à écouter au casque. Paradoxe ? Alfred de Musset écrivait bien du « théâtre dans un fauteuil » fait pour être lu mais pas joué. Faut croire que Terekke, c’est le Musset de la house, lol.

JOE GODDARD – TAKING OVER. Héros pour plusieurs d’entre nous à la rédac’, Joe Goddard a une allure de papa ours débonnaire qui bouffe un peu trop de fish and chips. Mais replaçons les choses dans leur contexte. Joe est avant tout la tête pensante du groupe londonien Hot Chip. Problème : il se dispute le leadership du groupe avec le chanteur Alexis Taylor, son doppelgänger chétif et maléfique. Trop cool pour clasher, Joe sort de son côté quelques rares EPs nickels, auquel ne déroge pas ce Taking Over. Les chansons sont OK, mais le morceau instrumental Bassline ‘12 est le scud à balancer pour éradiquer toute tristesse pendant neuf minutes.

DIRTY BEACHES - DRIFTERS / LOVE IS THE DEVIL. Alex Zhang Hungtai a abandonné ses airs de cador gominé pour s’engouffrer un peu plus profondément dans la noirceur. En ressort ce double album, aux ambiances lo-fi nerveuses. La première partie, Drifters, évoque la ruine des voyageurs à la dérive, coincés entre Bangkok, Belgrade et les ténèbres. Le clip de Casino Lisboa ne dépareillerait pas dans Only God Forgives, entre échoppes de nuit, strippers sous néons et nightlife moite. Ça bastonne sévère. La deuxième moitié du disque, quasi instrumentale, est nommée d’après Love is a Dog from Hell de Bukowski. Les amours sont chiennes, mais les morceaux sublimes.

SHXCXCHCXSH – STRGTHS. Pour les vacances, j’ai eu l’occasion de pas mal prendre le train. Comme je suis une pince, j’ai cru bon de voyager dans des trains couchettes. C’est franchement horrible car il y fait trop chaud et on se retrouve souvent dans la même cabine que des extaulards. Résultat : lors d’un trajet Palavas-Montceau, pour soigner mon insomnie, j’ai écouté l’album de ce groupe au nom impinable. C’est la dernière chose dont je me souviens avant de m’être réveillé dans les chiottes au petit matin, le corps intégralement rasé, avec un goût étrange de menthe dans la bouche. J’ai pas réécouté l’album depuis mais je crois avoir adoré.

DAFTSIDE – RANDOM ACCESS MEMORIES MEMORIES. Bien que je ne regarde plus trop la télé, je sais quels sites fréquenter pour pouvoir être abreuvé d’un zapping éternel, entre mèmes navrants, tumblrs bourrins et vidéos de Russes sous speed. Les internets ont cela de fascinant qu’ils assimilent toute la culture mainstream et la régurgitent sous une infinité de dérivés, dans une logique de remix sans fin. Il en va de même du dernier Daft Punk, Léviathan mainstream terminal, auquel s’est attaqué Nicolas Jaar sous le nom Daftside, pour en écumer toute la chantilly rétro écœurante et en faire quelque chose de prodigieux, comme la solution d’un jeu vidéo trop dur.

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SAISON

e l l e r u t culille de Quetigny V

www.quetigny.fr

graphisme : Livia Marchand / www.indelebil.fr

13 déc. 20 sept. 


ÉCRAN

TROIS JOURS ET DEUX NUITS AVEC

CHAPET HILL

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CHAPET HILL

PAR VALENTIN EUVRARD PHOTOS : VE

Si on te donnait 48 heures pour faire ce que tu veux de ton week-end, à coup sûr tu te mettrais la tête à l’envers durant les 24 premières, et tu décuverais les 24 suivantes. Mais pour d’autres, comme Chapet Hill, ce serait l’occasion idéale pour monter un film. C’est ce qu’ils ont fait durant le « 48 Hour Film Project », qui a eu lieu du 7 au 9 juin dernier à Dijon. Et comme on aime les mecs prêts à sacrifier un week-end pour bosser comme des forcenés, on les a suivis tout ce temps. Ou presque.

I

l est 18 heures à la mairie de Dijon. Il fait chaud à l’intérieur et il y a de plus en plus de monde qui arrive devant la salle Porte aux Lions. On s’y engouffre et on patiente quelques minutes avant qu’Olivier Dussausse, coordinateur national du 48 Hour Film Project, ne commence à présenter le programme du week-end. Les 14 équipes engagées auront 48 heures, dès la fin de ce briefing, pour rendre leur film entièrement écrit, réalisé et monté pendant ce laps de temps. Si une équipe ne se présente pas dimanche avant 19h30 dans cette même salle, elle sera alors éliminée. Et ça débute mal pour deux d’entre elles, absente lors de l’appel. Dans la salle, il y a des femmes, des hommes, des jeunes, des vieux, des Français et quelques Suisses. Il n’y a pas besoin de résider dans la ville organisatrice pour pouvoir participer au projet.

son speech. Il est 19 heures. Le concours vient officiellement de débuter. TOP CHRONO. Nous quittons la salle et suivons les trois membres de Chapet Hill présents à l’intérieur pour se retrouver sur le parvis de la mairie… à 20 ! D’où viennent-ils tous ? On ne sait pas : magie noire, faille spatio-temporelle, clones ? Toujours est-il que nous sommes nombreux à nous rendre sur une terrasse pour débuter le brainstorming. Thibaud nous explique qu’habituellement ils ne sont que cinq titulaires dans l’agence, mais qu’exceptionnellement pour ce week-end il y a des acteurs, des musiciens, des preneurs de sons, des caméramans, des costumières, des accessoiristes, des photographes et encore un paquet d’autres. Ouais, parce que là, c’est plus ou moins la face visible de l’iceberg, demain nous serons une quarantaine sur le plateau de tournage. C’est dingue. On s’installe alors, on sirote un demi-pêche, on fume et on observe. De petits groupes se forment. Beaucoup se connaissent déjà, d’autres se découvrent et sympathisent. Nous aussi, on discute tranquillement avec le photographe de plateau et un acteur. D’ailleurs, ce n’est absolument pas son métier. Il sort de l’ESC mais s’est porté volontaire pour figurer dans le film. Lui, son truc, c’est l’improvisation. Et il sera servi. Demain, il aura un rôle. Autour de nous, plusieurs autres petits groupes se sont formés et laissent aller leurs cerveaux quand il pense à « erreur d’identité ». Thibaud ou Hanaë, l’administratrice de prod’, circulent de temps à autres entre les tables et récoltent les idées semées au gré du vent. Pour eux deux, la soirée sera encore longue. Après ce brainstorming, ils ont rédigé durant toute la nuit l’histoire du court-métrage en comité très restreint, dans les locaux de l’agence, en skypant avec une amie scénariste parisienne. Thibaud nous racontera samedi qu’ils ont terminé à plus de cinq heures du matin leur scénario, « sans qu’il soit très précis sur certains points ». Nous, on était partis se pieuter depuis un moment, on ne va pas vous le cacher.

H-1. Rappel des règles. En plus de la restriction de temps, il y a trois éléments imposés à introduire dans les courtsmétrages : un personnage, Michel Cortier dont la profession est celle d’enseignant, un objet, une pince à linge, et une ligne de dialogue : « Dans ce monde, il y a deux genres de personnes. » En plus de ce strict règlement commun, viennent s’ajouter un thème propre à chaque équipe participante, tiré au sort. « Comédie noire », « super-héros », « romance », « science-fiction » sortent d’une casquette où plusieurs petits bouts de papier conditionnent les futurs films. On remarque que les thèmes font le bonheur et le malheur des équipes. Chapet Hill tire « erreur d’identité «, « un bon tirage » estime Thibaud, le réal’. « C’est un thème où le genre du film n’est pas indiqué, ça nous donne de la marge ». Pas faux, ça peut être comique comme dramatique. Lorsque l’agence audiovisuelle a remporté l’édition dijonnaise du concours l’an dernier avec Pursuit, elle avait fait preuve d’un énorme travail sur l’ambiance, lourde et pesante. Etouffante même. Une caractéristique dont on trouve les traces dans Cambio, leur première réalisation au 48HFP, en 2010. Ce ne serait pas étonnant de se retrouver avec un film dramatique plutôt qu’avec une comédie. Olivier Dussausse vient de terminer

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ÉCRAN

PRÉPARATION. On les retrouve le lendemain matin, rue Sadi Carnot. Ils ont trouvé un Autosur abandonné. Il est 9h30 quand on arrive sur place, et toute leur équipe s’installe. Il est assez tard quand on sait que le temps joue contre soi. À côté du garage, où pas mal de techniciens s’affairent à monter des rails pour la caméra et à ajuster la luminosité, dehors, sur l’herbe, le reste de l’équipe est réunie autour d’une table pleine de bouffe. Et des clopes. C’est un élément important, la cigarette. Évidemment, le garage n’est plus alimenté en électricité. Or, il en faut pour faire tourner les spots, les caméras et tous les bidules électroniques. Du coup, un volontaire se dévoue pour faire du porte-à-porte et demander aux habitants s’ils auraient l’amabilité de brancher une prise jusqu’à la fin de la journée. Avec sa gueule d’ange, le petit emmerdeur arrive à négocier trois branchements chez des particuliers et les câbles sont tirés depuis leur fenêtre, en face du plateau de tournage. Pendant ce temps là, Thibaud est au four et au moulin. Quand il n’est pas dans le garage, il est dans une des voitures garées dans l’allée, enfermé avec Hanaë. Non, les vitres ne sont pas teintées et les suspensions ne couinent pas. Ils s’enferment et s’isolent dans cette bulle pour discuter du scénario, toujours inachevé. Et comme le temps presse, il évolue sans cesse pour mieux s’adapter aux exigences temporelles. On en profite pour visiter le garage. En ouvrant la porte d’entrée, on se retrouve face à un ascenseur, complètement hors-service, puis, sur la gauche, à la pièce principale. La caméra montée sur rails est face à cet ascenseur et on comprend qu’elle roulera sur un petit mètre pour se concentrer sur la chaise vide, qui trône autour de débris de voitures. Il y a assez peu de lumière, les couleurs sont

Un volontaire se dévoue pour faire du porte-à-porte et demander aux habitants s’ils auraient l’amabilité de brancher une prise électrique jusqu’à la fin de la journée. très grises. En se baladant à l’intérieur, on remarque qu’il y a une petite pièce vitrée qui faisait certainement office de bureau lorsque le garage était encore ouvert. Dedans, plusieurs armes blanches -dont une énorme masse- ont été posées sur une table. Joyeux. Quelques temps après s’être longuement entretenu avec Hanaë, Thibaud convoque les comédiens autour de lui et leur explique comment sortir leurs tirades et comment se positionner selon les plans. Il est bientôt 11h, nous en sommes à 150 cigarettes grillées. Les costumières costument, les maquilleuses maquillent, les scénaristes scénarisent. Tout le monde a l’air prêt pour la première scène. On va pouvoir enfin entamer le tournage. TOURNAGE. La porte d’ascenseur s’ouvre. Deux personnes à l’intérieur. Le plus vieux s’allume une clope, la 394ème de la journée. Ils se mettent à parler bagnole, l’un conseillant à l’autre d’acheter une Italienne, pour sa discrétion. Un bruit couvre cependant leurs paroles, celui d’un homme qui en frappe un autre. Ils marchent en direction de deux acolytes, dont l’un se frotte la main de douleur, qui font face à une victime, ligotée sur sa chaise. Ils sont maintenant quatre face à lui. Leur leader

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CHAPET HILL

Dimanche. Le temps passe très vite, le total de clopes fumées est de 1294. Il est pas loin de 15 heures. pose alors une question : « Où il est ? » La victime explique qu’elle s’appelle Michel Cortier, qu’elle est prof et qu’elle ne comprend absolument pas de quoi ses ravisseurs parlent. Nous non plus. C’est l’erreur d’identité. Le boss va alors chercher un club de golf et assène un violent coup dans le ventre de Michel. Intense cri de douleur. Il demande ensuite au petit vieux s’il est disponible pour faire un golf ce week-end. « Ah non. Ce week-end c’est la fête à l’école de Jenny. Tu sais, ma petite fille. Et elle danse ». Déception du tortionnaire, qui assène un deuxième coup, dans les genoux cette fois-ci. « Il dira rien ». Il tend son club à un complice, qui commence doucement à caresser sa victime avec, puis quitte le garage avec son premier acolyte. Fin de scène. On la connaît par cœur. Combien de fois l’avons-nous vue ? Quatre ? Cinq ? Et encore, tout ça pour un seul plan ! Jusqu’à 14h, l’équipe de tournage multiplie les plans uniquement pour cette scène : gros plan sur la victime, zoom spécifique sur le club de golf qui gratte le sol… Bref, tout est fait à fond dans les détails. L’ambiance se tend un peu, quelques moments d’énervement se dessinent, mais Thibaud arrive tant bien que mal à gérer ses troupes. Pause bouffe pour la team Chapet Hill. Le temps passe très vite, le total de clopes fumées est de 1294. Il est pas loin de 15 heures. Nous les laissons à ce stade pour la journée. On apprendra plus tard qu’ils ont tourné jusqu’à la fin de la journée, et dès qu’ils n’ont plus eu besoin de courant, les voisins ont débranché. Un peu trop tôt. Chapet Hill a du ranger tout son matos sans lumière, dans la nuit. RICORÉ. Dimanche. Alors qu’on a bien dormi et qu’on se lève paresseusement, à l’autre bout de Dijon, aux Grésilles, une poignée de zombies n’a pas décollé de leurs écrans. Le montage. La post-prod’. Un putain d’univers où le temps paraît toujours trop long, où les secondes paraissent comme des heures, où les heures sont des siècles. Café, croissant, et on décolle les voir à l’œuvre. Des grosses poches sous les yeux de Thibaud, mais un sourire quand il nous fait entrer. Notre passage fera office de petite pause pour lui. Dans leurs locaux, la cuisine est devenue un poste de montage, où les volets sont baissés, trois personnes derrière les écrans sur la table. On passe en un coup de vent, on ne veut pas gêner, mais bordel, on voit quelques secondes du courtmétrage. Et ça rend vraiment bien. Dans la pièce d’à côté, Gaby du groupe The George Kaplan Conspiracy compose à la guitare le thème musical. Hé ouais, si tu pompes un son qui existe déjà sans l’autorisation de l’auteur (ce qui est chaud en 48 heures), hé bah t’es automatiquement viré. Dans le salon, le clic-clac est déplié. L’équipe fait des rondes. Boulot, salle d’eau, dodo. Thibaud dresse un bilan à mi-parcours. « Satisfait du résultat qui se profile », il reste conscient que « ça va être short » avant 19h30, mais ne tire que le positif de l’expérience. Notamment au niveau des comédiens. Il faut savoir que Chapet Hill n’est pas à l’aise avec les dialogues. Or, cette fois-ci « les acteurs ont assuré pour porter nos dialogues, que l’on a sans arrêt réécrits dans la journée de samedi. » On s’est fait tout petits pour observer ce microcosme en action et on ne les gêne pas plus que ça. On les reverra ce soir.

monde dans la salle Porte aux Lions. On y jette un œil. Il y a bien des têtes connues, mais pas de trace de Chapet Hill. Flippant. On patiente et on observe des équipes qui arrivent en courant à la mairie, il y en a même une avec son PC entre les bras, qui transfère la vidéo sur une clé USB. C’est vraiment le rush. Une équipe vient parler à Olivier Dussausse. Ils ne pourront pas rendre leur vidéo à temps, elle n’est toujours pas exportée. Vingtcinq minutes plus tard, Thibaud et ses acolytes arrivent dans la cour, tous penauds et tranquilles, en train de kiffer. Cinq minutes plus tard, les portes de la salle se referment. Le concours est terminé. Le réalisateur peut enfin souffler. Il concède qu’il « n ’a pas eu l’idée du siècle » pour illustrer l’erreur d’identité, mais assure que la qualité du film est « bonne », dans la lignée de leurs précédentes productions. On verra ça, puisque le 20 juin sont prévues projections et remises de prix. PROJECTION. On y est. Le jour de gloire ? Peut-être, ouais. On se retrouve en fin d’après-midi à l’Olympia. On remplit la salle 1. On fait plus que la remplir : on y créé un véritable climat tropical. On aperçoit la team Chapet Hill avec plein de potes venus spécialement pour elle. Et ils ont raison, il y a un prix du jury à attribuer, alors autant ramener du peuple pour s’assurer le trophée. Rapide introduction by Olivier Dussausse et on balance les courts-métrages. Premier film, premier lol. Le scénario est vraiment louche, on comprend pas vraiment. Un peu emmerdant : on ne sait pas forcément quels étaient les thèmes imposés, alors soit on devine,

19H25. On arrive à la mairie à 19h, point de départ et conclusion d’un week-end riche en événements. Il y a déjà du

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ÉCRAN

soit on est semé. Ce soir là, on a de tout : de l’humour, du drame, de la romance et même un peu d’action. Quand ce ne sont pas un viol ou des coups de batte donnés sous le pont de la rue Monge, ce sont des scènes de kung-fu délirantes que les Suisses de Bikiny Brodas ont tournées. Un film, À l’aube du singe ivre, qui a tiré le gros lot en héritant du thème « art martial ». Un film qui a très bien marché sur le public. La dernière diffusion, c’est celle de Swing, le bébé de Chapet Hill. Enfin, on va pouvoir le voir en entier. Première scène, longue, qu’on connaît par coeur, le prof est molesté et refuse de parler. Par contre, ce qu’on n’avait pas vu, c’était la chute, qui intervient peu de temps après. Les malfrats se décident à buter Michel Cortier. Les deux tête pensantes, qui étaient dehors, retournent dans le garage. Là, Michel Cortier les descend. Pas de scène d’action, juste un écran noir qui se suffit à la violence. Et Michel Cortier sort. Fin.

par Simon Astier - a.k.a. le mec qui pèse dans le milieu à Dijon s’active à déterminer qui a remporté quoi. Et là, c’est le clash ultime. Les prix défilent, Bikiny Brodas en récolte à foison quand Chapet Hill galère à suivre. Bim. Les Dijonnais décrochent le prix de la meilleure-bande son. Bam. Ils décrochent le prix de la meilleure image. Boum, le prix du meilleur son leur revient. Voilà de quoi foutre la pression aux Suisses qui raflaient tout jusque là. Il y a deux votes importants. Celui du public et celui du jury, qui permettra à l’équipe gagnante de s’envoler pour les States et de défendre son film face aux autres villes. On commence par le vote du public. Olivier Dussausse tease et annonce que ça ne s’est joué qu’à cinq voix d’écart. C’est Chapet Hill qui décroche ce prix. La salle crie, c’est la fête, c’était tendax. Arrive alors le dernier prix, l’ultime récompense de cette édition du 48 Hour Film Project. La tension est à son comble... Et les Dijonnais doivent rendre leur couronne au profit des Suisses de Bikiny Brodas. Pas de rêve américain cette année pour Chapet Hill. Ils avaient fort à faire, À l’aube du singe ivre a pratiquement monopolisé toutes les distinctions possibles. Mais ce n’est pas si grave, l’essentiel était ailleurs, puisque c’était avant tout « pour l’ambiance » que nos cinéastes ont participé au concours. Une ambiance et un climat, lourd et stressant, un match contre le temps et la fatigue. Une prouesse physique et mentale que Chapet Hill a mené à bien. Jusqu’à la dernière minute. //

VOTES. Bon, on ne va pas vous cacher qu’on s’attendait à un peu plus foufou pour clore le court-métrage, mais Thibaud avait bien précisé qu’il n’avait pas eu l’inspiration divine. Cependant, la musique claque vraiment, l’ambiance -aussi bien visuelle que sonore- rend merveilleusement bien à l’écran et le film a un grain qui a tout son charme. On passe aux votes. Tout le public est invité à donner son opinion. Pendant ce temps là, un jury dirigé

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ÉCRAN TOP OF THE LAKE

TOP OF THE LAKE

PAR ALICE CHAPPAU PHOTO : DR

Le polar néo-zélandais de la rentrée.

T

ui Mitcham, fillette de 12 ans, pénètre doucement dans le lac... Elle est rapidement ramenée sur la terre ferme avant de pouvoir disparaître à jamais. Plus tard, la gamine révèle qu’elle est enceinte... Mais qui est le père ? Ça, Tui ne veut pas le dire. Et elle finit par s’éclipser du jour au lendemain, sans laisser de trace. Une jeune flic va mener l’enquête, de retour alors sur la terre de son enfance. Tel est le point de départ de Top Of The Lake, la mini-série créée par Jane Campion, l’unique réalisatrice à avoir obtenu une Palme d’Or pour son film La leçon de piano en 1993. Jane Campion plante le décor dans sa Nouvelle-Zélande natale, ou plus exactement dans la petite bourgade fictive de Laketop, trou paumé peuplé de bouseux. Sur un total de sept épisodes, Top Of The Lake n’a rien à envier à son aînée Twin Peaks, chef d’œuvre mystérieux et fascinant. Avec une atmosphère justement un brin lynchéenne, cette fiction télévisée n’est pas sans rappeler des séries nordiques comme The Killing* ou Millenium. Un univers brumeux transcendé par les magnifiques lieux de tournage près du lac Wakatipu en Nouvelle-Zélande. Des moments uniques de silence, une musique portée par une voix féminine envoûtante… Jane Campion a tout le loisir d’étirer au maximum ce polar

étrange sur près de six heures d’images, sublimées par une mise en scène où les corps et la nature, secrète et menaçante, ne font qu’un. ECSTA, MOTARDS ET ENDOCTRINEMENT. Elizabeth Moss, inoubliable Peggy de la série Mad Men, incarne l’héroïne, Robin Griffin, une flic déterminée au passé aussi sombre que les eaux du lac. Elle sera aidée par son supérieur et devra faire face à un gang de motards trafiquants de drogue dont le leader, joué par l’Irlandais Peter Mullan, n’est autre que le père de l’enfant disparue. S’ajoute une drôle de secte de femmes blessées par des maris volages, menée par un gourou illuminé, interprété (de façon étonnement grotesque) par la trop rare Holly Hunter. Comme pour tout le reste de sa filmographie, Jane Campion met les femmes au centre de son œuvre : victimes des hommes, de leur cruauté et de leur violence. Longtemps contraintes au silence, elles finissent par se révolter face à l’indifférence générale. Top Of The Lake a été diffusée sur l’excellente chaîne Sundance Channel aux États-Unis, elle sera sur les écrans français dès cet automne, sur Arte. Le petit chef d’œuvre immanquable de la rentrée. // *c’est d’ailleurs en regardant celle-ci que la réalisatrice a décidé d’écrire et de filmer pour la TV, avec « plus de liberté » dit-elle « qu’au cinéma ».

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ME, MYSELF & I

Le goût de l’été

Des souvenirs personnels de Grosbois, Sombernon et Flavigny-sur-Ozerain... L’instant girly de Sparse. PAR MIREILLE PHOTOS : MIREILLE ET SES PARENTS

L

e goût de l’été, c’est d’abord l’odeur de l’eau... Pas celle iodée de l’océan, mais cette eau verte qui sent tout à la fois l’odeur des petits poissons, de l’herbe écrasée et de la terre après la pluie. Cette odeur que l’on retrouve parfois de façon fugace en croquant dans une tranche de pastèque et qui m’évoque immanquablement la fraicheur d’une rivière filant dans les herbes hautes. Voilà pour moi l’essence même de l’été : la présence de l’eau. Que seraient ces jours ensoleillés sans l’eau des rivières, des lacs, des étangs, des réservoirs et des sablières ? La mer c’est bien aussi, mais c’est plus vif et surtout plus loin…Et, de toute façon, j’ai toujours adoré le retour en Bourgogne avec le premier bain d’eau douce sous des tilleuls centenaires ou de jeunes peupliers. J’ai bien sûr de magnifiques souvenirs d’étés passés ailleurs, parfois même à l’étranger, de traversées en bateau et de soleil éclatant que l’on goûte comme autant de plats typiques, mais l’été ici reste mon « épreuve-type ». Certainement car mon enfance est colorée de ces souvenirs-là.

savoir pourquoi ? on veut toujours finir de remplir son panier ou sa cagette) et profiter d’en manger presque autant sur place, les pieds dans la paille. Car le goût de la fraise qui a passé sa journée au soleil à vous attendre et que l’on trouve sous une grosse feuille est 10.000 fois meilleur que celui de la fraise achetée en barquette à Monop’. Et surtout, je sais que cette orgie sucrée signe définitivement l’entrée dans la belle saison ! Viennent ensuite les barbecues et les pique-niques, parce que l’été ce qui est bien, c’est qu’on est tout le temps dehors (sauf pour les geeks et autres accros de télé coincés dans leurs appartements aux volets fermés ; « mention spéciale » aux vieux et aux adolescents pour qui l’extérieur est source d’angoisse). Mes grands-parents paternels avaient construit une maison de fortune dans un minuscule village situé entre Sombernon et Venarey-les-Laumes. Pour tous ceux qui connaissent cette région ou qui y habitent et aiment y vivre, je pense que vous serez d’accord pour reconnaitre cependant que c’est une assez bonne représentation du trou du cul du monde (excepté pour le village de Flavigny-sur-Ozerain qui jouit de l’immense renommée de ses bonbons), et pour les autres : ne changez rien ! En bref, j’y ai passé de nombreux dimanches et vacances à pêcher des têtards ou à mettre des sauterelles dans des pots de confiture dont ma grand-mère perçait le couvercle pour que « ces petites bêtes » ne succombent pas à notre curiosité (mon frère et mon cousin partageant le plus souvent ces instants champêtres avec moi). Je me souviens d’un immense sentiment de liberté. On pouvait tout faire, passer à travers les fils barbelés pour toucher la clôture

Tout commence en juin avec la saison des fraises : il fait de plus en plus chaud et mes pieds ne supportent plus depuis longtemps les chaussettes. C’est donc en sandales et en short que j’attends patiemment cette cueillette miraculeuse. Car depuis toute petite, ma grand-mère, ma tante et ma mère (adeptes respectivement de tartes, confitures et salades de fruits/chantilly) m’ont emmenée dans leurs expéditions gourmandes. Cela fait donc très longtemps que j’arpente les champs horticoles de Bretenières et Brognon pour faire une abondante récolte de fraises (car, allez

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électrifiée des vaches, revenir boire un verre de Tang que ma grand-mère préparait par litres (pour ceux qui sont trop jeunes, c’était une boisson à l’étrange saveur, vendue en poudre à diluer que tous les enfants adoraient et que l’on pouvait même manger en trempant directement son doigt mouillé dans le sachet), s’enfuir à nouveau à travers champs pour accéder au village, où, entre deux maisons, nous offrions nos mollets aux orties, mais surtout, nous pouvions glisser nos mains à travers le grillage d’un clapier et caresser des lapins.

dépenser une fortune en pétards et où de nombreux habitants du village étaient venus admirer notre « grosse pétarade » en s’appuyant sur la barrière de notre terrain qui surplombait la vue. Alors oui, le 14 juillet c’est populaire et parfois même un peu chiant, mais je comprends l’excitation de mes neveux quand mon frère leur achète un énorme sac rempli de mammouths et de feux de Bengale en souvenirs du bon vieux temps... et m’invite d’un clin d’œil à allumer la mèche des plus dangereux. Les piqueniques, c’est autre chose, et c’est associé à la baignade, car qui dit pique-nique, dit forcément au bord de l’eau. À trois ou à vingt, avec force salades, sandwichs et les indispensables chips (n’en déplaise à mon beau-frère qui doit considérer la chips comme le pire aliment qui soit - après la viande bien sûr - à moins qu’elle ne soit bio peut-être... mais non, elle est beaucoup trop grasse… Comment être en accord avec soi en avalant pareil aliment ?) En résumé : des jours entiers à manger, nager, bronzer, remanger et prendre du bon temps.

Et puis il y avait mes trois jeunes oncles qui nous laissaient faire le barbecue. Je vous parle là d’une authentique jante de voiture montée sur pieds métalliques remplie de braises rougeoyantes, père garagiste et tonton soudeur oblige. Voilà pourquoi aujourd’hui, si vous me mettez devant n’importe quel barbecue (sauf ces trucs modernes et aseptisés sans charbon), je suis à nouveau ce garçon manqué aux genoux abimés qui retournait les saucisses avec les doigts et savait exactement comment entretenir le feu pour que tout cuise à la bonne température. Ensuite, pas de table, pas de verre, pas de salade, juste la merguez glissée dans un morceau de baguette que l’un ou l’autre nous préparait pour que nous puissions filer à nouveau, avec les chiens qui nous couraient après en nous léchant les doigts. Parfois nous avions le droit de boire du panaché, ce qui nous donnait la plus haute importance, car les canettes en verre étaient les mêmes que celles de bière que buvaient les adultes en racontant des bêtises autour de la toile cirée. Comment voulezvous que je trouve maintenant « super » des barbecues où une seule personne (en général un homme) est dévouée à la cuisson de la viande avant même que débute le repas et où chacun est ensuite assis bien sagement autour d’une table chic en buvant du Martini ? Vive la mayonnaise (de Dijon), l’ébriété, les tongs et le chahut !

Je ne me souviens pas avoir appris à nager. Peut-être parce qu’au milieu de cette smala où presque tous aiment l’eau il est impossible de ne pas l’aimer à son tour. Les plus jeunes enfants n’hésitent alors pas une seconde avant de sauter là où ils n’ont pas pied car ils ne connaissent pas la peur. Je ne sais donc pas qui m’a appris ou certainement un peu tout le monde, et j’ai ensuite appris à mes cousines et à ma toute jeune sœur. Je me souviens par contre des bateaux miniatures motorisés qui fonctionnaient une fois sur deux au réservoir de Panthier, des grosses chambres à air de camion, surgonflées, sorte de donuts géants qui nous servaient de radeau dans les sablières de la Tille, les coups de soleil le long du canal à faire des mots fléchés ou à répondre à des tests à la con pour savoir si notre âme est plutôt rêveuse ou aventurière. Les goûters à Grobois - déjà - où on avait du mal à détacher le chocolat blanc à la noix de coco (que ma tante achetait pour me faire plaisir) du papier d’aluminium pour le fourrer dans une part de brioche. Le plaisir de la lecture près de l’Ognon (oui c’est le nom d’une rivière qui prend sa source en Haute-Saône, longe le Doubs et le Jura et termine sa course en Côte-d’Or). Les parties de raquettes à Villegusien, ou la découverte de son horoscope en bord de Saône... Chaque été de mon existence est marqué de ces lieux où, entourée d’amis et de famille souvent mélangés, j’ai passé des moments simples et précieux. À ces journées plus ou moins ensoleillées s’ajoute un autre plaisir de l’été : les trajets en voiture les vitres grandes ouvertes, la peau gorgée de chaleur et

Venait ensuite le 14 juillet, et là, les hectolitres de bière et de panaché ingurgités prenaient tout leur sens, car c’était en tenant des canettes en verre à bout de bras dans lesquelles nous avions glissé des fusées et autres « lance-boules » que nous faisions notre propre feu d’artifice. Entre mon frère et moi, mon père, mon grandpère et mes oncles c’était une vraie connivence de pyromanes qui enchaînaient les tirs et explosions dans la nuit noire. Je me souviens d’une année en particulier où tout le monde avait dû

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Je me souviens justement du plaisir inouï de s’enfoncer doucement dans une eau plus chaude que l’air du soir, aux reflets de plus en plus sombres où l’on plongeait même la tête. les cheveux humides comme le maillot que l’on porte sous sa robe ou son t-shirt. Et surtout... la musique dans la voiture. Quand on rentre d’une journée passée en plein air, on est encore tout étourdi par le soleil, la baignade et les rires, comme repu de ces heures chaudes ; l’heure n’est donc plus à la discussion mais à la contemplation… Chacun est plongé dans ses pensées et regarde défiler la nature : les arbres, les murets, les chevaux, les herbes et les champs s’enchainent et la musique devient le support des rêves et des doutes de chaque passager. Le morceau qui passe dans l’autoradio à cet instant précis fixe pour toujours la douceur de ce moment. (Si en partant le matin la musique se doit d’être rythmée et joyeuse, celle du soir est souvent plus lente et poétique. Mais pour moi c’est sûr, il y a la musique des jours d’été qui est différente de celle du reste de l’année.)

un mélomane ingénieux nous fit l’immense plaisir de diffuser, depuis une véritable « discomobile » garée au bord de la route, de la musique classique qui résonna sur toute l’étendue d’eau en emplissant le cœur des quelques privilégiés présents d’une émotion neuve et inégalée. Là encore, juste le plaisir éphémère de la musique et de la nature réunis : « Luxe, calme et volupté » si j’ose dire. On peut aussi profiter de ces baignades du soir nu : une sorte d’incarnation du bonheur sur terre, cette impression de ne faire qu’un avec les éléments. Encore ne faut-il pas être entourée d’un troupeau de copains goguenards, ou d’un seul « membre » du sexe opposé qui attends autre chose de vous. Personnellement, les amours aquatiques, c’est pas trop mon truc : il ne suffit pas d’être blonde pour être Loana. Et enfin le départ, douloureux et inévitable car je faisais partie de ces enfants qu’il fallait appeler 10 fois, 20 fois, 30 fois avec une main sur les anses du panier et dans l’autre les clefs de la voiture, déjà dans le chemin, pour qu’ils se décident à sortir de l’eau. Ces enfants qui font durer le temps de la baignade en pensant que c’est peut-être la dernière, que l’été ne dure pas longtemps ici et qu’il faut profiter maintenant de chaque minute de soleil et faire s’étirer au maximum ces jours les plus longs, en épuiser chaque seconde et se gaver de tout. Les fraises, l’eau, les barbecues, les amis, les siestes sur la balancelle, la famille, les jeux, les rires, la lecture, la musique, les pique-niques, la sensation de l’herbe ou de la mousse sous les pieds, la liberté du corps sans entrave (adieu boots et soutien-gorge), rouler à bicyclette en robe légère, regarder le chat qui se roule sur le sol pour profiter avec plaisir de la chaleur accumulée dans le béton... Et tant pis si tout ça ne passe pas par Instagram, c’est en nous que la belle saison doit se glisser, dans nos têtes qu’elle doit laisser sa chaleur... pour pouvoir affronter une nouvelle année citadine en jeans et bottes en espérant qu’après tous ces mois de pluie et de froid, un jour enfin, la saison des fraises revienne. //

Et puis il y a la baignade du soir, cet instant qui concentre presque toute la sensualité de l’été, et que ma mère nous offrait en sortant du travail. Ce moment court et intense volé à la vie quotidienne, où, s’échappant de son emploi de bureau, elle passait nous prendre avec du pain et du jambon dans un sac et où nous partions munis de grandes serviettes, goûter au plaisir de l’eau alors que tout le monde rentrait. Je me souviens justement du plaisir inouï de s’enfoncer doucement dans une eau plus chaude que l’air du soir, aux reflets de plus en plus sombres où l’on plongeait même la tête, ayant ainsi l’impression d’être enveloppé dans un cocon (des restes de notre vie amniotique je suppose) pour ensuite renaître à la surface et pouvoir admirer les étoiles en faisant la planche. C’était souvent à Grobois que se déroulaient ces bains du soir, un endroit pas encore gravillonné avec une maison en ruine sur la plage, que peu de Dijonnais connaissaient. Une fois ou deux,

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L'équipe de Sparse n'a rien branlé de l'été. A la cool, Pierro convoque une conf' de rédac' pour faire le point au club VIP Dijon beach.

Nicdasse Croatsky, Reporter vedette

Antoine, chic et fan de Nile Rodgers

Salut, c'est moi Mitch ! Welcome on my beach ! Hey les kids, l'eau est à peine maronnasse aujourd'hui. Drapeau vert, tous à la flotte !

C'est bon ? t'as annoncé le concert de rentrée?

Pierro, Rédac-chef de Sparse

Ouais ! et là gros coup : Eicher banquier Suisse de cahuzac... Tu saisis ?

Ah ouais, du lourd, brûlant, même !

e m i t r Summe Non pas là, j'ai pas mon carnet de santé. Et, j'te rappelle qu'on est ici pour bosser. Dis, tu mets souvent des minis-shorts de cette taille ?

Tu te baignes pas ?

Arrête, c'est un contrat juteux avec mon meilleur sponsor, Y m'file un short par an, et si j'le porte tous les jours, j'ai une super prime !

Allo !

T'as pensé aux gamins ? c'est familial ici.

Tu finis pas ton château de sable ? T'as besoin d'aide ?

Non merci. T'as des nouvelles de Nicdasse pour son enquête ?

Salut Pierro, c'est moi Nicdasse. J'ai un petit contretemps là. Non, y m'a pas rappellé...

, dring

dring

J'tavais dit d'acheter des mots fléchés, pfff...


Une embrouille avec un pote gitan.. Enfin jtexpliquerai...

Je serai libre en novembre, pas avant. C'est mort pour l'enquête pour Sparse.

Croa Prom tsky! enad e!

Ca m'arrange pas ! J'ai déja vendu des pages de pub dans ton article à Dave Lanaud Du Gray. Non, pas encore... Tu sors quand ?

Mais t'inquiète pas Pierro, j'ai des amis qui s'occupent bien de moi ici !

Eh ma'mselle ! franchement vous êtes bien charmante... Eh viens voir! viens voir jte dis !

Il est encore en taule? Je paye pas la caution cette fois, j'suis à sec.

Bichonne toi louloutte, et puis après, on ira prendre une douche, p'tit coeur !

C'est notre reporter vedette... Va falloir trouver une solution. Ah les gars, c'est vous Sparse ? Putain j'ai adoré le reportage sur Bruce Lee, là ! Y'a moyen de s'abonner? J'peux avoir une dédicace ? Hey, ho ! J'vous cause !

Goddam ! Pas moyen de bosser tranquille avec ces saletés de punks à chien ! Gémeaux : Journée de merde...

.....


Une revue de presse plus tard...

Ouais pour les abonnements, faut aller voir en page 56.

Putain, j'avais pas vu, y'a des articles entre les pubs. c'est pas évident à la première lecture.

Oh, un mec en possession de 1 virgule 2 gramme de canabis, c'est fou ! Vraiment le bronx cette ville... Je flippe d'aller acheter ma baguette tranquille avec toute cette violence.

Merci, vous auriez pas le 06 de Rebsamen ? c'est pour une demande de sub' !

Bippe le sur son tatoo, Y t'rappelera d'une cabine. Bon t'es sympa, mais on a du taf !

C'est la merde ! J'ai plus personne pour l'enquête sur l'expo du Consortium. Tu peux me faire ça Antoine ?

J'peux pas j'suis en vacances... et j'ai une tendinite en ce moment, c'est chaud, j'peux à peine soulever mon verre...

C'est trop d'efforts, j'vais à la douche !

Impossible, elle est en reportage sur le dopage au Tour de france ...

Mais, le tour, c'était pas en juillet?

Moi non plus j'peux pas, j'dois aller bouffer chez mes parents... Demande à Sophie...

Dans ce cas, nous aussi on prend des vacances ! Eh ! Mais c'est pas Yves Jamait en slip de bain là bas?

Si, mais maintenant faut qu'elle teste tous les produits. Alors, elle pédale depuis 1 mois sur un vélo d'appartement, les yeux injectés de sang.... C'est foutu pour le numéro de rentrée.

Dans les rôles de :

Génial ! Attends j'instagrame ça easy sur le net !

Pierro : Pietro Barilla Nicdasse : Nicky Farfallé Antoine : Antonio Canneloni El Lascar : Alessio Mascarponi Mam'zelle : Sofia Papardelli Scénario : Marcello Coquilletta Dialogues : Antonio Canneloni / Pipo Rigato Photos et Trucages : Donna Mozarella Réalisation : Pipo Rigato Sparse remercie : Le lac Kir et sa beach / David Hasselhoff

A suivre...


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YENCE ET DIJON

ÉTUDIANTS DE MA

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CES ARMES QUI NOUS ENVAHISSENT Ivre et armé, il menace les policiers 12 mars 2013 (Chaumont)

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SAÔNE-ET-LOIRE

30 octobre 2012 (Saint-Gengoux-le-National)

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Rentrée culturelle à l’Université de Bourgogne

Journée culture Journée culture sur le campus de Dijon à partir de 11h30 avec les services de l’uB, les associations étudiantes et les partenaires culturels de Dijon.17h-20h Apéro musical sur l’esplanade Erasme. Soirée à l’atheneum à partir de 20h avec les spectacles des associations culturelles du campus et deux concerts live avec les groupes electro dijonnais SKYLAB et KAESIS. Jeudi 12 septembre - Entrée libre

L’atheneum fête ses 30 ans et présente sa programmation de rentrée suivi d’un "Bal moderne" imaginé par la chorégraphe Joanne Leighton. + d’infos sur http://atheneum.u-bourgogne.fr/

Mercredi 18 septembre à 18h30 - Entrée libre - Réservation

conseillée au 03 80 39 52 20

Le patrimoine culturel et scientifique du campus en quatre parcours : l’atheneum et les œuvres d’art contemporain, le jardin jurassique et les collections de paléontologie, le corps humain en médecine avec des modèles anatomiques, la sauvegarde du patrimoine scientifique et technique contemporain.

Dimanche 15 septembre à 10h et 14h30 - Entrée libre

" LES MONDES INCONNUS" Découverte de mondes inconnus et rencontre avec des chercheurs : Maison des Sciences de l’Homme / atheneum / bâtiment Sciences Gabriel. Organisé par La Mission Culture Scientifique de l’uB, + d’infos sur http://experimentarium.ubourgogne.fr/blog/ Toutes les infos sur http://www.u-bourgogne.fr/-Pole-culture-.html © V. Arbelet

vendredi 27 septembre à partir de 18h - Entrée libre


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