Sparse 07 (juin 2014)

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sparse www.sparse.fr • gratuit • james granville forever

sparse | numéro 07 | trimestriel | juin. juil. aou. 2014

guide moderne de dijon | gratuit

portrait david lanaud du gray nous l’a bien mise immersion 24 heures à pêcher la carpe À ARC-SUR-TILLE ENQUÊTE DANS QUEL RADE MATER LA COUPE DU MONDE ? rencontre éric carrière, le football et le vin reportage un vendredi soir au lac kir, à 2 heures du mat’ diaporama Les animaux du parc de la colombière interview S.E.A.R, LE HIP-HOP ET LES SECTES TEST LES LIEUX OÙ MANGER DE VRAIES BONNES SALADES + optimo l’industrie greg frite jean-jacques bourdin mode roman-photo guestlist courrier Des lecteurs


tous les jours sur www.sparse.fr

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« Sparse, c’est un truc de bobos de centre-ville, ça ? » Mickaël S. - intermittent de la vallée de l’Ouche

édito. Salut, c’est Sparse. « Je descends chercher des clopes rue de Grenelle et je reviens. » François... tu t’es tiré, oui ! Tu nous as abandonnés. Tu as préféré te faire détester par toute la France plutôt que de te faire aimer par tout Dijon. Tu es allé tenter ta chance à la capitale. En nous laissant Alain « The Suitcase » Millot. Qui, lui, va certainement travailler au lieu de se montrer partout dans les cocktails et à la télé, mêché comme un acteur de soap et sapé comme un milord comme toi, ce qui va nous changer. Nous, c’est comme ça qu’on t’aimait, cheveux au vent. Au cas où tu voudrais des nouvelles de ton ex, on t’a abonné à Sparse. Tu retrouveras ton mag’ viril et câlin tous les trois mois dans la boîte aux lettres du ministère. Le lien idéal entre la beauferie populaire et le snobisme culturel : le retour du foot en force, le vrai David Lanaud du Gray, les bons plans au bord de l’eau, des artistes hip-hop trop hype... street, soin, sexe et politique. Sparse va t’accompagner tout l’été là où tu te sens le mieux. À la plage ou aux chiottes. Bisous. Chablis Winston


sommaire amuse-bouche édito 6. guestlist 8. CONTRIBUTEURS 10. COURRIER DES LECTEURs 11. LA PHOTO DU TRIMESTRE 12. the pulitzer sessions 14. RETOUR SUR CES TROIS DERNIERS MOIS 3.

ours Ce magazine est édité par Sparse Média. Siret : 750 725 806 00012 - APE : 9499Z www.sparse.fr - contact@sparse.fr Directeur de publication et rédacteur en chef Pierre-Olivier Bobo Contributeurs Alice Chappau, Antoine Massot, Arthur Gérard, Chablis Winston, Estelle Vonfeldt, Jeff Buckler, Pierre-Loup Vasseur, Fabrice Magniez, Lilian Elbé, Louise Vayssié, Marie Tello, Martial Ratel, Mr. Choubi, Nicdasse Croasky, Nicolas Bey, Mireille, Sophie Brignoli, Tonton Stéph, Valentin Euvrard, James Granville forever Direction artistique internetinternet

PhotographIes Alexandre Claass, Louise Vayssié, Vincent Arbelet, Antony Looser Illustrations David Fangaia, Estelle Vonfeldt, Hélène ‘Microbe’ Virey, Pierre Roussel, Cerize Fournier DÉVELOPPEMENT COMMERCIAL Romain Calange RELECTURE Aurore Schaferlee, Chantal Masson, Sophie Brignoli, Martin Caye STAGIAIRE Hélène Cassis Couverture Port du canal, place du 1er mai Photo : Alexandre Claass Imprimeur Chevillon Sens Dépôt légal : à la sortie du magazine ISSN : 2260-7617 La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, cellesci n’engagent que leurs auteurs. Tous droits réservés © Sparse 2013-2014 Merci à nos partenaires et annonceurs, ainsi qu’à toutes celles et ceux qui ont permis la réalisation de ce numéro.

PORTRAIT 16. DAVID LANAUD DU GRAY L’homme qui valait 8.5 %.

REPORTAGE 22. UNE NUIT AU LAC KIR

Un vendredi soir au lac. Pour faire des rencontres.

ENQUÊTE 26. dans quel rade FAUT-IL mater la coupe du monde ? IMMERSION 30. 24 heures à pêcher la carpe

Une nuit avec un pêcheur à Arc-sur-Tille.

LA PAGE MODE 34. MDMA ET MAMIE NOVA FOODAGE DE GUEULE 36. OÙ MANGER DE BONNES SALADES ? DIAPORAMA 40. LES ANIMAUX DU PARC DE LA COLOMBIÈRE Coup de projecteur sur ces Dijonnais de l’ombre.

STORY 46. LUCIEN JUY ET LE DÉRAILLEUR SIMPLEX

L’invention cyclo du siècle... par un type du coin.

MUSIQUE 50. S.E.A.R MON GARS

Hip-hop, secte et pack de Carlsberg. 54.

OPTIMO

Deejaying from Glasgow to Dijon.

ROMAN PHOTO 58. NICKDASSE IS DEAD récit 62. ÉRIC CARRIÈRE, LE FOOTBALL ET LE VIN Rencontre avec un homme de bon sens.

dessert 66. MÉDIAS François, merde, t’es parti. 68. ME, MYSELF & I « Dad, laisse-moi conduire la cad ! » 70. Football - bilan À l’Est, rien de nouveau. 72. SÉLECTION MUSICALE 73. CRASH-TEST Tu t’es vu quand tu bronzes ? 74. CARTOGRAPHIE


Emmanuel « Pop » Blondeau aka James Granville 1973 - 2014


GUESTLIST PAR la rédaction photos : DR

Mathilde BARRAUDTOURAINE Directrice du pôle action culturelle Ville de Quetigny

La dernière création qui t’a donné des frissons ? Beaucoup d’émotions pour moi quand j’ai vu « Un chien dans la tête » d’Olivier Letellier pendant À Pas Contés en février dernier, même si j’avais été encore plus touchée par « Oh boy ! », son précédent spectacle.

greg frite

« Les Gros Mots de Greg Frite » sur Canal+ Membre de Triptik

fabrice gérard Patron du café de l’Industrie 15 rue des Godrans

Paraît que les Dijonnais sont un peu froids. Où faut-il aller pour trouver de la chaleur humaine, si on excepte le crématorium de Mirande ? Il paraît que les Dijonnais(es) se lâchent complètement au club La Dérobade mais je ne suis pas encore allé vérifier ! Et puis Chenôve c’est plus vraiment Dijon hein… #MerciQui

Quand Vladimir va lâcher ses bombes nucléaires sur Valduc et la B.A 102, tu te réfugieras où ? Dans la cave du café de l’Industrie.

Honnêtement, toi aussi, tu n’en as rien à branler du Muséoparc d’Alésia ? Un peu.

Où vas-tu choper un coup de soleil à Dijon cet été ? Comment as-tu pu mettre « tu », « coup de soleil », « été » et « Dijon » dans la même phrase ?

Alors, tu le kiffes notre nouveau ministre du Travail ? À vrai dire, je ne m’étais pas penché sur son cas avant d’arriver à Dijon (à l’été 2013), mais l’homme a l’air d’être un « sacré loulou ! » J’ai appris qu’il faisait du rock avant. Depuis, je ne peux pas m’empêcher de l’imaginer en santiags dès qu’il s’exprime publiquement haha !

On ne t’a pas vu au concert de Frédéric François au Zénith. Oui, j’ai raté son concert, à mon grand regret. Je travaillais, c’était « Guitares dans la ville » à Quetigny.

Où peut-on te voir traîner à la cool à Dijon ? Place de la Rép, rue Jean-Jacques Rousseau, rue de la Préf’ et à la buvette du marché le samedi midi.

Kir, pour toi, c’est avant tout un lac ou une boisson ? Ça a été longtemps qu’une boisson (chez moi, c’est plutôt un blanc cass’…)

T’es plutôt DFCO, JDA, DBHB, CDB, ou Dijon Hockey Club ? En temps qu’ancien basketteur, mon soutien à la JDA est total ! La saison 2013/14 était juste magique ! Et puis j’ai eu l’occasion de sympathiser avec certains joueurs lors du passage de mon pote le Comte de Bouderbala au Zénith.

Tu voudrais entendre qui au concert de rentrée ? Imagine Dragons ou Foals, ou dans un registre très différent John Butler Trio… et pourquoi pas Chilly Gonzales !

T’en penses quoi de la fête de la musique ? Je bosse, pas le temps de penser ce jour-là ! Ton spot idéal pour boire des coups ? Ça dépend de l’heure et de la saison ! Un thé en journée au Comptoir des colonies, plus tard tu peux me trouver à la terrasse du Quentin ou de l’Industrie, et encore plus tard à la Péniche… (oui, ok, je suis totalement bobo !) Tu vas la mater où, toi, la Coupe du monde ? Chez toi ?

Le compte Twitter d’un habitant du coin auquel il faut selon toi être absolument abonné ? Bah, le mien (@GregFrite1er) quelle question ! Tu le tartines sur quoi, toi, ton Époisses? Du pain aux céréales. Avec une fine tranche de Pata Negra 48 mois et du miel de forêt, on peut même perdre la notion du temps…

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Lâche-nous un plan champignons non loin de Dijon. Ou un moins un spot pour du muguet. Dans les bois d’Hauteville.

Alain Houpert se positionnerait déjà pour les municipales de 2020. Est-ce plus crédible que l’existence de voitures volantes à ce moment-là tu crois ? Je crois plus aux voitures volantes. Le dernier concert que t’as kiffé à Dijon ? The Romanée Counteez Bon, bordel, il a quel âge à la fin Laurent Bourguignat ? C’est qui, Laurent Bourguignat ? Ton souvenir le plus ému de la fête de la musique ? Les bières qui l’accompagnaient lorsque j’avais 18 ans. Balance-nous un argument en faveur de ces mecs et nanas déguisé(e)s le samedi au milieu de leurs soi-disant potes pour leurs enterrements de vie de jeune fille/garçon. Pour le meilleur et pour le PIRE. T’arrives à faire des pointes à combien, dans la descente de la rue de Mirande et sur la Lino ? Toi, tu es au courant du nombre de points qu’il me reste !


crédit photo : © Matthieu Chéneby

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Spectacles à Dijon

en Bourgogne en Franche-Comté

www.spectacles-publications.com


contributeurs PAR LA rédaction photos : DR

Marie Tello Marie Tello a un iPhone, une tablette, un ordi portable, un compte Instagram, Twitter, Snapchat, Tinder... et elle saura bien avant toi si la hype pileuse à New York c’est le buisson ou le ticket de métro. Marie renifle la tendance tellement en avance que Pharrell Williams attend d’avoir lu ses chroniques pour savoir comment se comporter en société. Génération Y. Baptiste Binet Baptiste bosse dans les rédactions nationales les plus prestigieuses : iTélé, Eurosport, RMC et Sparse, donc. Apparemment, son job consiste surtout à prendre des selfies avec les stars du PAF (Pascal Praud ou autres Cauet), parce que personne ne l’a vu écrire quoi que ce soit depuis les révisions de son bac en 2004. Julian-Pietro Giorgeri Julian s’est trouvé un pseudo qui déchirait dans les 90‘s à l’apogée du glam porn italien. Remember Roberto Malone. Il ausculte les trois mois qui précèdent la sortie de Sparse en compagnie de son Tonton Stéph. Quand il n’est pas en tournage.

Nicolas Bey Nicolas n’aime pas écrire. Mais il est obligé car il est en travaux d’intérêt général chez Sparse suite à une petite condamnation pour excès de second degré en Val de Saône. Il tutoie le danger comme d’autres le patron du PMU. Jean-Jacques Bourdin Précédé de sa réputation de journaliste à la dure, la star de RMC a dû se rendre à l’évidence en arrivant à la rédaction de Sparse. Malgré tous les efforts qu’il déploie tous les matins à l’antenne, il n’atteindra jamais le niveau de mauvaise foi de la quasi-totalité des « journalistes » de cet établissement. Défaite. Il est rentré chez sa mère, à Vichy.

Alice Chappau Spécialiste du septième art, Alice n’a encore pas chroniqué un seul bijou de Steven Seagal dans ces pages. Pas même Piège en haute mer. Un pan entier du cinéma nié. Les dimanches soirs de toute une génération snobés. Alice préfère aller voir de bons films au cinoche. Alors qu’il y a tout sur la TNT.

Pierre-Olivier Bobo POB, comme on dit, est le rédacteur en chef de Sparse. Son boulot consiste à donner des deadlines à des gens qui ont, eux, des idées et du talent : ses rédacteurs. Entre deux deadlines, il va chez le coiffeur ou au resto peinard avec Serge Dassault et Arnaud Lagardère.

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courrier des lecteurs

Merci pour toutes vos lettres, d’amour ou d’insultes. Ça fait chaud au cœur. ÉCRIVEZ-NOUS : CONTACT@SPARSE.FR

« Cher Sparse, Vous qui avez suivi la campagne, vous ne trouvez pas qu’il a pris cher François Rebsamen depuis qu’il est réélu ? Il s’est tassé, il a des valises sous les yeux et il se gomine les cheveux en arrière ?! Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Claudie, Dijon

Réponse de la rédaction Alors, François Rebsamen est parti à Paris. Il est ministre, maintenant. Vous avez certainement confondu avec Alain Millot, qui le remplace à la Mairie, qui a un physique moins avantageux. Peut-être parce que lui ne passe son temps chez le coiffeur ou au spa.

« Bonjour messieurs-dames, Quelqu’un a certainement dû retirer certaines pages du magazine que je me suis procuré. En effet, je ne retrouve pas l’article sur ces éminents scientifiques que sont les frères Bogdanov, pourtant en couverture du dernier numéro » Jamy, Paris

Réponse de la rédaction Jamy, voilà tout l’intérêt de lire l’édito ! Tu y aurais trouvé dès la première phrase ta réponse. Cette Une était tout simplement un coup de com’ à l’américaine. Mais je vais te faire une confidence : Grishka me fait très peur sur cette photo.

« Wesh la team Sparse, Bien les nouvelles pages mode dans le dernier mag’. Y’a moyen de récup’ le 06 de la gazelle ? Franchement, ma parole, elle est vraiment très charmante » @BGdu21

Réponse de la rédaction Non, c’est ma soeur.

« Bonjour Sparse, Qui est la vieille personne qui s’exprime sur les musiques actuelles sur votre site Internet ? J’ai cru reconnaître mon tonton Patou saoul un soir de mariage. Il dit que des conneries » Théo, Ahuy

Réponse de la rédaction Tu parles certainement de l’interview de Patrick Eudeline qui a totalisé plus de 4.000 likes sur notre site Web. Mais c’est peutêtre ton oncle aussi. Du coup, ça le fait pas trop si t’es fan de Fauve ≠. T’es pas un peu fragile ?

« Salut les mafieux, Je vous ai croisés l’autre jour au Consortium avec tous vos potes bobos du petit milieu dijonno-dijonnais qui trustent toutes les subventions. Vous n’avez pas peur de devenir consanguins ? Et l’indépendance des médias dans tout ça ? Nico, Dijon

Réponse de la rédaction Quoi, encore cette question ?! Si tu étais au Consortium, c’est que tu ne dois pas être loin de faire partie de ce petit milieu, et qu’on a déjà certainement couché ensemble. Alors arrête de détester les gens et concentre-toi un peu sur ce que tu fais. Du verbe faire. Et achète-nous des pages d’indépendan... euh, de pub. (PS : on ne touche aucune sub’)

« Bonjour Sparse, Je suis inquiète pour mon fils Pierre-Olivier, dont je n’ai plus de nouvelles depuis que je l’ai vu en photo dans le magazine se remaquiller à l’arrière d’une camionnette, vraisemblablement sous l’emprise de stupéfiants. Pouvez-vous me rassurer ? » Chantal Bobo, Le Creusot

Réponse de la rédaction On peut. Ce roman-photo est une fiction, pas un documentaire, tout est faux. Votre fils fait ça pour le plaisir, ce qui peut paraître étonnant, je vous le concède. Mais a priori, il va bien. Il est sur son iPhone, comme d’habitude. Tweetez-le, c’est encore le plus sûr moyen de le joindre.

« Bien t’as vu ? J’ai downloadé un edit d’un track de Splash Wave diggé dans votre dernière « album revue » que je voudrais forwarder à des potes. C’est super quali. Par contre, impossible de le trouver en 320 kbps, vous n’avez pas un autre lien ? » Enguerand, Messigny-et-Vantoux

Réponse de la rédaction Quoi ?! Oulah ! Je comprends rien à ce que vous dites. Mais je vais me renseigner. En tout cas, le téléchargement, c’est mal.

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LA PHOTO DU TRIMESTRE (C) NICOLAS DORBON

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© tempsRéel, dijon

DU 20 JUIN AU 21 SEPTEMBRE 2014 20 JUIN

14 JUILLET

21 SEPTEMBRE

FESTIVITÉS INAUGURALES LANCEMENT DIJON PLAGE

FEU D’ARTIFICE JOUÉ EN LIVE PAR DIDIER LOCKWOOD

GRAND DEJ’ DES ASSOCIATIONS

Retrouvez le programme sur www.grand-dijon.fr


CE QU’IL NE FALLAIT SURTOUT PAS RATER CES TROIS DERNIERS MOIS

par TONTON STÉPH & JULIAN-PIETRO GIORGERI

Samedi 12 avril

Dimanche 16 mars

La Toison d’Or, nous, on kiffe à mort ! C’est trop bien pour faire des emplettes tout le samedi ! Et si t’as une ado dans ta famille, tu pouvais l’inscrire au casting Elite qui avait lieu dans le centre commercial. Comme ça, tu pouvais mater les gamines maigrichonnes avec ton caddie. Trop bien !

Une photo fait le tour des réseaux sociaux, sur laquelle on voit la splendide voiture électrique d’Alain Houpert garée en sacoche sur le trottoir, au bout de la rue Monge. Un candidat 4x4, prêt à grimper sur Dijon. La même journée, une mamie de 77 ans se fait aussi grimper dessus, sans plus de consentement, à Mâcon. Bon, pas sur un trottoir, mais au cimetière.

Lundi 14 avril

Dijon, ville sous occupation. Les vapostores se répandent comme la vérole sur le bas clergé. Comme pour le resto-kébab en son temps, ces entrepreneurs nouvelle génération ont senti une niche et s’y sont engouffrés massivement. De là, ils décident de lancer une OPA géante pour décrocher tous les pas-de-porte de la ville : rue Monge, rue Piron, centre Dauphine, rue de la Lib’, il y en a cinquante ! Si la clope, la vraie, entraîne un cancer généralisé, vapoter te donne, à toi, l’air d’une pipe et pourrit bien le paysage commerçant du centre-ville.

Lundi 31 mars

Délicieuse idée que de se présenter ivre mort, avec 1.20 grammes d’alcool dans le sang, à la gendarmerie locale parce qu’on s’est soi-disant fait emboutir son véhicule. Une idée qui nous vient de Saint-Jean-de-Losne. Avouons-le : on l’aime, le dirty Val de Saône.

Mercredi 02 avril

Le soleil s’est levé à 7h24 et s’est couché à 20h23 (+ deux minutes). Bonne fête en retard aux Sandie, Sandra, Sandrine et Sandy.

Jeudi 17 avril

La veille, on a vu un beau PSG brutaliser le Chelsea de Mourinho : ça fait zizir. Sauf à Blaise Matuidi, qui se fait cambrioler sa baraque pendant le match en question. Alain Millot entre également dans sa nouvelle maison, place de la Libération. Mais, c’est qui ce mec ?

Aquilino Morelle, un très proche conseiller d’Hollande, est dans la nasse. Soupçonné de conflit d’intérêts avec un labo pharmaceutique, cet homme de gauche jouissait à l’Elysée à titre scrupuleusement privé des services de deux chauffeurs et d’un... cireur de chaussure. Présidence normale. Carambolage de l’actu, le même jour, Valls annonce un plan d’austérité et le gel pour cent ans des prestations sociales. Les pauvres et la sodomie. Sinon, dans le Jura, un homme part au boulot avec un âne et une charrette, créant un bouchon de 2,5 km. On lui avait sucré son permis.

Vendredi 04 avril

Samedi 19 avril

Jeudi 03 avril

Matthieu Ricard, moine bouddhiste, passe donner une conférence à l’amphi Aristote-Platon sur le thème « Plaidoyer pour l’altruisme », pour 5,5 euros. Interrogations multiples : c’est quoi ce blaze d’alcoolo, digne du sketch des Inconnus sur la secte Skippy ? Peut-on donner une conf’ dans deux salles en même temps ? L’altruisme ne commencerait-il pas par faire des réunions publiques gratos ?

Quoi de neuf chez les twittos dijonnais ? @chloezndr : « Je suis la seule fille qui se promène en chaussettes dans Dijon. Le ridicule ne tue pas ».

Samedi 05 avril

Résultat du tirage du Loto : 09, 13, 22, 40, 45 (Joker+ : 2 082 184). Deux gagnants remportent chacun un million d’euros. 14


Lundi 12 mai

Mardi 22 avril

Christine Boutin et son hashtag #ForceVie balance un nouveau troll. Dans le viseur de Christ-in : Conchita Wurst et l’Eurovision. Pour celle qui est maquée à son cousin germain, une femme à barbe en robe à paillettes qui chante comme Barbra Streisand représente une dérive qu’on ne peut tolérer pour nos valeurs. Plus près de chez nous, hashtag #EaudeVie, à Saint-Léger-sur-Dheune en Saône-et-Loire, après une belle beuverie un homme lynche une femme. Le suspect, inconnu des services de police, répondrait au surnom de « Pascalou ». A un sérieux problème avec le pastis. Et vit sur une barge.

On apprend qu’une blogueuse, comptant 800.000 abonnés sur Youtube, aurait réussi à rassembler 500 pré-ados au parc de la Colombière pour y prodiguer moult conseils beauté et maquillage. Bordel, ça devait piailler dans la volière.

Mardi 13 mai

Jeudi 24 avril

Un homme au top met en vente sur Le Bon Coin sa collection de mayonnaises données gratuitement à Quick. Tous les moyens sont bons pour faire de la caillasse. Ce n’est pas Charles Pasqua qui nierait cette maxime, bien qu’il soit étonnement condamné à 5.000 euros d’amende pour avoir menti dans une déclaration de patrimoine. Patriotisme toujours, Christiane Taubira refuse de chanter la Marseillaise, la comparant à un « karaoké d’estrade ». Grosse punchline, qu’on apprécie moyen du côté du Cintra, piano-bar mythique de Dijon.

À Cherbourg, un homme appelle police-secours de chez son coiffeur après une coupe de cheveux jugée bâclée. Un brigadier est dépêché sur place et ne peut que constater le désastre. À Dijon, un homme perd son emploi et comparait pour attentat à la pudeur après être passé par la tondeuse de Steven, coiffeur-coloriste au salon « Faudra Tif’Hair » rue de la Préf’. De ces deux infos, une seule est vraie.

Mardi 29 avril

Point animaux chelous et internet viral. Une vidéo vue des millions de fois montre un mini hamster manger des minis burritos sur une mini table. On peut pas balancer de lien ici, mais c’est trognon ! Dans son édition du jour, le Bien Public lance un appel à témoins pour retrouver le « serial killer » d’arbres qui sévit au Creusot. L’individu recherché a scié plus d’une centaine de troncs le weekend dernier. L’homme est soit employé dans une usine de papier, soit un ancien bûcheron à la dérive.

Vendredi 16 mai

Journées portes ouvertes au lycée Notre Dame ! Tu payes déjà des impôts pour financer l’éducation nationale publique et laïque, mais viens donc voir si tu n’as pas envie de claquer encore un peu plus de ta caillasse pour inscrire ton chiard chez les cathos ! Rien à voir, quoique, on apprend que les actes homophobes auraient augmenté de 78% en 2013 dans notre charmant pays. Ok.

Vendredi 09 mai

Beaune, c’est avant tout le patelin qui mise sur l’authenticité, le terroir, les valeurs ancestrales, la tradition. Le superbe Alain Suguenot doit donc être si fier de voir enfin un Burger King débarquer sur ses terres. Un des premiers de France, en plus. Capitale de la gastronomie nationale, au moins !

Mercredi 21 mai

Fail de l’année pour le rail. La SNCF commande 2.000 rames TER trop larges pour ses quais de gare. Ils seront donc rabotés. Jean-Marie Le Pen, qui coule des jours heureux à la maison médicalisée des Bégonias dans l’Eure, dit avoir la solution pour juguler la croissance démographique africaine : « Monseigneur Ebola ». Une sortie qui relance le débat sur la fin de vie. À Dijon, des ados un peu fous braquent un gymnase de rugby et saccage tout, les douches, les vestiaires et chouravent des maillots. Le mobile du délit ? Se marrer.

Samedi 10 mai

Ta SNCF annonce qu’il y aura désormais des médiateurs sur le ligne Dijon - Is-sur-Tille comme compléments aux contrôleurs. Les questions affluent : est-ce une ligne craignos ? Remplie de délinquants assoiffés de sang ? Le voyage dure-t-il vraiment plus d’une demi-heure ? Des gens vivent-ils vraiment au-delà de Valmy ? 15


L’homme qui valait 8,5% ceci n’est pas un publi-reportage de la gazette

David Lanaud du Gray a baisé tout le monde. On l’annoncait à 1%, il est sorti du 1er tour des municipales avec 8,5%. Ce qui représente plus de 4.000 personnes s’étant déplacées pour poser son bulletin dans l’urne à l’heure de la grande abstention... Énorme pour quelqu’un que tout le monde appelait le guignol. Entretien post coitum avec un mec détendu et accueillant qui finit à peine de s’essuyer dans les draps de la République... Le tout accompagné de quelques bouteilles de premiers crus. David Lanaud du Gray a tout à nous dire de lui mais plus rien à nous vendre, et c’est pour ça qu’on est allé le voir.

par CHABLIS WINSTON PHOTOS : ALEXANDRE CLAASS

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david lanaud du gray

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portrait

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endez-vous est pris dans les bureaux de sa société, BP Foucault se fait piéger par Ardisson. DLDG s’engouffre dans la brèche. Est/David Lanaud du Gray, juste à côté de la place On connaît la suite. Et il commence à y croire. « Après l’affaire Foucault, Darcy, dont l’activité est de mettre à disposition de j’ai envie d’y aller. Mais comme je suis hyper bordélique, j’arrive pas ses clients des panels de Français pour des études à répondre à tous ces gens que je ne connais pas et qui veulent me qualitatives. En gros, David paye des consommateurs rejoindre. » Il décide d’y aller vraiment en février. « Antoine me dit pour qu’ils viennent tester des produits. Lesquels voient leurs que si j’y vais, il gérera ma campagne. Je ne le connaissais pas avant, je réactions se faire épier par les vendeurs de ces produits. « On m’achète connaissais juste ses parents. » Antoine est un ancien de l’UMP, c’est des gens (sic). Mes clients me demandent de réunir des gens au même bon à savoir. « Il devient mon directeur de campagne. » Les gens y vont endroit. Après, c’est eux qui analysent. J’ai un carnet d’adresse, je m’en à l’affect. « Parmi ces gens qui nous rejoignent, j’en connaissais très sers. Mais je ne m’en suis pas servi pour l’élection. C’est pas moi qui peu. » Ça commence à aller plus loin que la page Facebook. Il trouve fais les analyses. » Il nous installe dans un des nombreux salons de sa 58 colistiers, les sondages sont bons. Il se retrouve dans des journaux société. Moquette de 5 cm d’épaisseur, canapés en velours sur lesquels nationaux. « Je ne sais pas pourquoi j’ai eu les couilles d’y aller. J’ai David se vautre allégrement, serein, frigo blindé de quilles de vins que l’impression d’avoir suscité l’espoir. » Quand-même. « Je suis sûrement David nous sert généreusement, écran géant et vitres sans tain. Pour un peu mégalo, sinon je me mettrais pas en avant dans l’élection ou dans que les consommateurs puissent se faire observer tranquillement par mes pubs. » Il pense que l’essentiel est de faire des coups de com’. On se les clients. En toute honnêteté, ça ressemble plus à un bordel qu’à une rappelle de la campagne des billets de banque à son effigie distribués boite de sondage, mais c’est très confortable. « J’ai laissé faire l’archi. Il dans Dijon en 2008 et de toutes ses pubs dans La Gazette justement, m’a fait ça genre D&Co avant D&Co. Tu vois, là, Valérie Damidot ? » qui disaient : « Vous en avez marre de la fermer ? Je vous paye pour David a commencé les études qualitatives à 17 ans comme job l’ouvrir ». S’en suit un pic d’inscriptions après ces pubs racoleuses. Ça d’été. Comme il était plutôt bon, avec la gouaille qu’il fallait, et que a marché. « En politique, c’est pareil, la plupart des Français ne sont pas ça rapportait, il a monté sa boite en 1995, à 22 ans. BP Est, ça veut armés pour comprendre le fond d’un programme politique. Donc il faut dire Bassin Parisien Est. C’est faire des coups de com’. Et pourtant, une appellation géographique je ne suis pas un spécialiste de la pas très glamour pour les » Ça, on n’en croit pas un « Ne te demande pas ce que ta ville peut com’. sondeurs. Ça faisait sérieux. mot. « Le rayonnement de Dijon, faire pour toi, mais ce que tu peux faire pour c’est moi qui l’ai mis sur le tapis, « Quand j’ai commencé, j’étais tout jeune. Je voulais être pris tous les candidats ont repris mes ta ville » John Fitzgerald Lanaud du Gray au sérieux. Je mettais des thèmes. » On a l’impression qu’il costards tous le temps pour être croit dur comme fer que personne crédible. Maintenant, les gens n’y avait pensé avant. David y a cru disent : « On vient chez David », c’est pour ça que j’y ai accolé mon à mort. « On est parti avec un truc potache qui est devenu sérieux. » nom. » Il a été le premier en France à avoir un lieu dédié aux réunions Ou s’est pris au sérieux. « J’ai joué le candidat anti-système. Les gens de consommateurs. Maintenant, ça marche bien. « J’ai des clients dans aiment bien ça. J’aurais instauré la démocratie participative, un peu à toute la France, des grosses boites, des partis politiques... mais en ce la Suisse. J’avais demandé à un architecte d’imaginer la restructuration moment les politiques, ça paye moins que sous Sarkozy. » Pas de langue de la ville. On aurait fait voter les Dijonnais là-dessus. D’ailleurs, y’a de bois ou de langage faussement châtié. David nous parle comme à beaucoup de vieux qui ont voté pour moi. Je leur rappelle le Chanoine n’importe qui. « Nature, c’est ce qui fait que ça marche pour moi. » Et le kir. Un peu déjanté. » goût de la politique alors ? On sent qu’il s’intéresse à la politique, qu’il Bon, David, tu n’aurais jamais pu être Maire, si ? « Attends, le se tient au courant. Mais l’analyse n’est pas très structurée. « Je ne suis Maire, c’est le G.O de la ville, point barre. T’as des centaines de personnes qu’un porte-parole. » qui bossent pour toi. Eux savent faire. Toi, t’es le porte-parole, je vous Tout part d’une blague à un dîner entre lui et son pote Thomas dis. Tu vas voir les chefs de service, tu leur dis : Tu vas faire quoi ? Ah Barbier, propriétaire de La Gazette de Côte d’Or, en 2008. Dijon, ouais ? Ben vas-y, fais-le. » C’est simple, la politique avec David... « De l’Ibiza français. La République de la fête avec David Lanaud du Gray. toute façon, je ne me présente pas pour être élu Maire, mais j’aurais C’était censé être le poisson d’avril 2008 de La Gazette. « Il y a eu plein bien été au conseil municipal, pour pouvoir l’ouvrir en séance. Houpert de bonnes réactions, mais on ne comptait pas aller au bout. Pour 2014, m’a méprisé et Rebsamen aussi, enfin surtout son directeur de cabinet... j’annonce ma candidature dès mars 2013. Je sens que ça prend avec Pfff. Houpert a eu le culot de m’appeler pour que je le rejoigne au second les gens pendant l’été 2013. Je sens que ça commence à faire peur aux tour. Et Laurent Granguillaume est venu me parler. Lui, je l’aime politiques, ma candidature. » Carrément. Blackout dans les journaux, bien, je le respecte beaucoup, moins Colette Popard. Elle, elle voulait sa page Facebook sous surveillance. David se dit qu’il dérange. Au interdire aux gens de me dire bonjour. En tout cas, ils savent que c’est premier article qui paraît, les réactions explosent. En novembre, mieux d’avoir David avec soi que contre soi. » Troisième personne. →

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Au calme.

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Posé.

Et la suite, c’est quoi ? « On va monter une association. Des gens ont des attentes. J’ai une responsabilité. Tous les jours, des gens nous demandent ce qu’on va faire de ça. » C’est un peu flou pour le moment. Même pour lui-même. « On fera une conférence de presse. » Il voudrait monter un cabinet noir pour faire des contre-propositions au conseil municipal. En attendant, il reste actif et très suivi sur les réseaux sociaux. Essentiellement pour parler aménagement du centre ville d’ailleurs. « Je ne suis ni de droite, ni de gauche. » C’est pas les mecs de droite qui disent ça, d’habitude ? « Je suis plutôt de « Je vais pas droite d’éducation. » Aaah... Voilà, c’est vivre parce que lâché ! Il s’est fait tout seul, il est parti de rien, ou plus exactement de la plaine de Saône, ce qui constitue un challenge en soi. Self-made man à l’américaine, David nous répète souvent qu’il n’a pas fait d’études et qu’il est « un petit », il en fait même un argument quand on essaye de le faire réagir sur des mécanismes politiques locaux et qu’il ne sait pas quoi répondre... « Attendez les gars, je calcule pas, j’ai pas fait sup’ de co’, moi. » Mais David a l’air fier d’avoir des amis de gauche, en tout cas devant nous : « J’ai déjà voté Rebsamen, et il y avait plein de gens de gauche sur ma liste. D’ailleurs, pendant la campagne, j’ai pas fait de l’antiRebs primaire . » David reconnaît même tout un tas de trucs positifs

pour Dijon pendant les deux premiers mandats. Il avouera plutôt se sentir assez proche d’un François Bayrou. David ne pense pas décrédibiliser la politique. « Ils se sont décrédibilisés sans moi. J’ fais de la politique nouvelle génération, hors des clivages. Aujourd’hui, la politique, ça n’intéresse plus personne, ça change pas le quotidien des gens. Faut interdire les partis politiques aux municipales. Moi je suis pour le vote obligatoire, comme ça on arrêtera de dire que c’est la faute aux abstentionnistes. » Les élections européennes lui donneront raison. m’empêcher de « Ma candidature, ça a aussi permis à gens dégoûtés de la politique de ne j’ai fait 8,65 % » des pas voter FN. » Sauveur. Mais pourquoi n’a-t-il pas appelé à voter contre le FN au second tour ? « Je regrette un peu. Je ne sais pas en fait. » Mais il est content que Doudou Cavin, candidat Bleu Marine, ait fait moins de voix au deuxième tour qu’au premier. Estce plus constructif de s’abstenir ou d’aller voter DLDG ? Parce que d’une façon ou d’une autre, c’est chier sur les politiques, si je puis me permettre l’expression. Les bouteilles tombent comme des poilus à Verdun. Oui, on veut bien du Pernand pour changer. « Je suis un idéaliste. » David se fait confidence. « Dugray ? C’est le nom de ma mère. Je l’ai pris en plus en nom d’usage. C’est noté sur mon passeport. Par respect pour mon

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David lanaud du gray

Le concert de rentrée ? « Il finit à grand-père, pour que le nom minuit. Faut faire un concert de s’éteigne pas. Par contre, je l’ai détaché, ‘du Gray’. Pour faire... « J’ai pas l’impression d’avoir 41 ans » sortie. » L’Oeno Music Festival ? « En banlieue, au Zénith ? Pfff... Faut le mieux. » Pour faire sérieux, comme les costards à 18 ans. Ça faire au lac Kir. » Le festival Dièse ? « Y’a pas de com’. » Personne n’est au se tient. « J’ai une sœur. Je suis pas marié, j’ai pas d’enfant. Je ne ferai pas d’enfant à tout prix ; pas sans courant, d’après David. « Le problème du culturel à Dijon, c’est que la un amour passionnel. Je suis dans l’amour fusion. Le truc chimique. com’ est mal faite. Faut aller à l’info. La ville devrait faire la com’ de Tu le rencontres rarement. Mon réfèrent, c’est ce que j’ai vécu de plus tout le monde. Y’a rien de populaire. » C’est à la ville de faire la com’ ? fort. Donc pour revivre un truc aussi fort... c’est pas gagné. Je ne tombe « Faut mettre en valeur des initiatives privées. » C’est encore à la ville plus amoureux. Mais je suis pas malheureux. J’irai pas sur Meetic ou de faire ça ? Est-ce que la ville peut passer chez moi faire le ménage Tinder. Je vais au Trinidad un peu. Mais j’suis hétéro, hein. » Justement, aussi ? Les gens de la mairie ne peuvent pas le saquer, c’est pour ça qu’il cette réputation de fêtard ? 4.000 personnes ont-il voté pour la liste ne propose pas. Mais il n’a pas de proposition concrète concernant qui pourrait être fait. Ah, si. Un carnaval. Il faut faire un carnaval. « coupette de champagne » ? « À Dijon, c’est atypique de vouloir sortir après 22h. D’aller boire « Vous, Sparse, vous êtes des bobos-cultureux. Vous pouvez pas me un verre le soir. Je dois être fait pour vivre dans une capitale. Après 2h comprendre. » Ça a le mérite d’être honnête. « Les trucs où vous sortez du mat’, c’est pire, y’a rien qui me convient. Bien sûr, je sors et j’ai pas les gars, vous êtes toujours les 200 mêmes. » Et assez lucide même. « Je l’impression d’avoir 41 ans. Mais faut pas exagérer. Je suis plus le mec vous le dis comme je le pense. » On voit bien. « Vous voyez ce que je veux qui va tout retourner en club. La Jam’, j’y suis aller deux fois en un dire... » Oui, bon ça va David, on a compris là. On n’est pas venu pour rien, on s’en va à moitié arraché au an. » Quand-même. « Je ne veux pas me retenir parce que je suis un personnage public. Je vais pas m’empêcher de vivre parce que j’ai fait Santenay. Monsieur sait recevoir. En résumé, David voudrait être 8,65 %. Quand t’es candidat de la fête, de toute façon, on te considère Maire mais ne se présentait pas pour, n’est pas de droite ni de gauche forcement comme un alcoolique », dit-il en prenant son sixième verre mais un peu de droite quand-même, veut être pris au sérieux mais est de rosé et sa dixième clope depuis le début de notre entretien. Personne le candidat de la fête, pense qu’il n’y a pas grand chose à faire à Dijon n’a forcé David à être candidat « de la fête ». C’est sûr qu’après, c’est mais quand-même plein de choses proposées, qu’il faut faire des trucs difficile de faire sérieux, même en costard. « Dijon a une mauvaise populaires mais ne sait pas trop quoi... La seule chose dont David est image. Tu parlerais de ce qui s’y passe sans dire que c’est Dijon, on te sûr, c’est qu’il se représente en 2020. « Je ne sais pas comment, mais répondrait que c’est super. » Et la vie culturelle ? « On a de la chance, j’y retourne.» Il aurait tout à y perdre. Mais il ira peut-être avec un y’a un super patrimoine. Il y a des énergies, mais rien de fédérateur. » programme cette fois, pour voir. // C.W.

On n’a pas touché aux sodas.

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une nuit au lac Le lac Kir un vendredi soir à deux heures du mat’. Pour faire des rencontres.

par Nicolas Bey photos : alexandre claass

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A

vec ce bon mot des rédacteurs du site de Côte-d’Or Tourisme, vous l’aurez compris, le lac Kir fête cette année son 50ème anniversaire. Autant vous le dire, chez Sparse on n’aime que le foot et la nuit. Alors pour aborder le sujet à notre manière, et comme il n’y en a là-bas que pour les tennismen et les kayakistes, on est allés voir ce qu’il s’y passe une fois le soleil couché. Notre enquête commence auprès de quelques amis homos. Peut-être y sont-ils déjà allés, ou s’y rendent régulièrement. Mais rares sont ceux qui ont une vue d’ensemble des activités nocturnes du lac. Pour la plupart, il ne s’agit que d’expériences ponctuelles et souvent anciennes. Pas la peine d’insister, on va devoir y aller. Vendredi, 2h du matin, les bars viennent de fermer. D’après ce qu’on nous a dit, c’est à partir de cet horaire qu’il commence à y avoir du monde.

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Je me gare sur le premier parking, je suis seul et ne sais pas à quoi m’attendre. Autour de moi, il n’y a que quelques voitures un peu éparpillées. Dedans, personne. Pourtant j’entends du bruit, des mecs qui braillent en écoutant du dancehall. J’ai du mal à les situer, il fait très sombre par endroit. Toujours assis au volant de ma voiture, j’aperçois un mec, la cinquantaine, qui vient de traverser le barrage. Il marche lentement et scrute lui aussi les bagnoles. L’air un peu hagard, ébloui par le réverbère sous lequel il se trouve, il ne s’arrête pas et disparaît dans l’obscurité. Je me décide enfin à sortir et à aller marcher le long des berges, persuadé que je pourrais y faire des rencontres. Avant d’atteindre le pont, d’autres cris attirent mon attention. Ce sont ceux d’un jeune homme qui prend des photos de sa meuf avec son iPhone. Elle est bien plus balaise que lui. Sa mini jupe laisse apparaître ses grosses cuisses boudinées dans ses collants. Elle pose volontiers, avec son rire un peu niais. Il est refait. Je poursuis mon chemin en quête de quelque chose qui sera, je l’espère, moins ordinaire. Je marche, 100, 200... 500 mètres, personne à l’horizon. Le temps d’une pause, je note la forte intensité lumineuse de cet endroit, on se croirait en plein jour. De plus, l’espace est assez dégagé, autrement dit il y a peu de chance pour que j’interrompe un quelconque moment d’intimité. Je fais demi-tour et regagne le parking, je vais essayer le parking numéro 2. C’est au moment où j’attache ma ceinture qu’une voiture se gare juste à côté de la mienne. →


Le type ne descend pas et 30 longues secondes s’écoulent sans que rien ne se passe. Je ne sais vraiment pas quoi penser. Le lac Kir a sa réputation et comme depuis un an, on remarque une forte recrudescence des agressions à caractère homophobe, je n’ai pas envie de prendre de risque. Je démarre et me dirige vers la sortie. Très vite, avant que j’aie pu rejoindre la route, les phares d’une voiture viennent se réfléchir dans mon rétroviseur et m’aveuglent. Est-ce la même qui venait d’arriver ? Pas moyen de savoir. Je m’engage, elle me suit. La distance qui nous sépare n’est pas énorme, je commence à être inquiet. J’accélère pour tenter de creuser l’écart, mais sans succès. Je dois commencer à envisager une solution en cas de problème, les issues sont peu nombreuses sur cette voie. Soit je rentre comme prévu sur le parking suivant, soit je fais un détour par Talant. Je connais bien cette ville, c’est un refuge idéal. J’opte pour la deuxième, direction le belvédère. Arrivé là-haut, je ne vois plus personne à mes trousses, je vais pouvoir retourner à mes occupations. De retour aux abords du lac, c’est l’entrée du parking numéro 3 qui s’ouvre devant moi. J’y vais. Beaucoup plus grand que les deux autres, plus discret aussi, il n’est cependant pas plus fréquenté au moment où je m’y engage. En face de l’Odysséo, sur une immense esplanade, seulement quelques véhicules sont arrêtés, certainement ceux des employés du cabaret. Je continue vers le pont de l’Ouche, puis vers les terrains de tennis, on ne peut pas aller plus loin en voiture. C’est désert. Qu’à cela ne tienne, je vais rester un peu. Une fois mon moteur coupé, je compte aller écouter le silence. Car même si pour l’instant je n’ai encore rencontré personne, je sais que je ne suis pas tout seul ici. Avant même d’avoir retiré la clef du contact, des phares surgissent au loin, du côté du pont. Pourtant je n’avais pas l’impression d’être suivi, j’attends de voir ce qui va arriver. La voiture ralentit en passant vers moi, elle

marque une pause, observe, puis vient voir de plus près. D’abord à ma droite, le conducteur lance un regard franc dans ma direction. Ça ne dure qu’un court instant, il fait marche arrière et vient se garer à ma gauche. Même chose, le regard, la marche arrière, et puis il s’en va. Je n’aurais pas eu le temps de lui faire le moindre signe, ni même de baisser ma vitre. Difficile de savoir ce qu’il cherchait exactement. Mais à peine est-il parti qu’une autre voiture arrive à son tour près de moi. Celle-ci, plus distante, a vite fait demi-tour. Et le même scénario se répète encore plusieurs fois comme ça, avant qu’il y en ait une qui finisse par se garer 10 mètres plus loin. Là, le chauffeur descend et vient directement m’aborder. La trentaine, tenue décontractée, il fume une cigarette. Par ma vitre entrouverte, il engage la discussion. Ne sachant pas trop comment m’y prendre quand il me demande ce que je fais ici, je mets les pieds dans le plat. Salut ! Je viens voir ce qu’il se passe ici la nuit. C’est pour le magazine Sparse, tu connais ? - Comment tu dis ? Sparse. Comme le lac Kir a 50 ans cette année, on voulait en parler nous aussi, mais à notre manière... Tu savais, toi, pour le cinquantenaire ? - Non, du tout. Tu veux bien répondre à quelques questions ? Il y a beaucoup de rumeurs qui circulent, on aimerait bien savoir ce qu’il en est vraiment. - Si tu veux, mais je ne sais pas grand-chose à ce sujet. Déjà, parle-moi un peu de toi. Pourquoi tu es venu vers moi ? - Bah, ici c’est un lieu de drague. Alors comme je t’ai vu tout à l’heure sur le premier parking, je pensais que tu venais pour ça. Je ne m’attendais pas à tomber sur un journaliste ! → 24


« On ne vient ici que pour le cul. Les rencontres, si elles doivent se faire, elles se font plutôt dans les bars ou les discothèques »

Ah ! C’est donc toi qui t’es garé à côté de moi juste avant que je parte. Quand tu dis que c’est un lieu de drague, ça sous-entend réservé aux homos ? - Non, il y a de tout ici. En fait, sur le premier parking ce sont généralement des homos qui se retrouvent. Ensuite, sur le deuxième il y a encore des homos mais aussi des couples. Et sur le troisième, essentiellement des couples. Des couples qui s’exhibent ? - Oui c’est ça. Le plus souvent, ils restent dans leurs bagnoles pour baiser. Quand des mecs s’approchent et commencent à se branler en les matant, ça les excite. Parfois, les voyeurs finissent par participer à leurs ébats. Les mecs offrent leur nana à un ou plusieurs types. Il y a même ceux qui font payer pour voir leur femme se faire prendre, mais c’est plutôt rare. Et toi, il t’est déjà arrivé de participer à ce genre de choses ? Ça t’intéresse ? - Quelques fois, oui. Mais moi je suis bi, alors... Il n’y a pas grand monde ce soir. C’est toujours comme ça ? - À vrai dire, le lac est beaucoup plus fréquenté en été. Là c’est seulement le début de la saison si on veut. Mais j’ai connu une époque où tout au long de l’année, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il y ait de la neige, il y avait du monde tous les soirs, et en nombre. C’était il y a combien de temps ? Comment tu expliques ce phénomène ? - Je me pose encore la question, il y a certainement plusieurs raisons à cela. D’abord, je dirais que ça a commencé il y a cinq ou six ans. Des bandes de jeunes descendaient des quartiers voisins avec des battes de baseball et des couteaux pour casser du pédé. Je me souviens avoir vu des mecs arriver sur les parkings la gueule en sang. Depuis, on a toujours quelque chose dans la poche pour nous défendre. C’était devenu assez dangereux, mais maintenant ça s’est calmé. Ensuite, la mairie (ou ceux qui gèrent les espaces verts du lac) a taillé tous les buissons. Il n’y a plus vraiment d’endroits tranquilles pour tirer un coup. Comment ça se passe alors ? Vous restez dans vos voitures ? - Ouais. Il y a les toilettes aussi, qui sont toujours ouvertes, mais ce n’est pas très ragoûtant. Et puis quelquefois, il arrive qu’on aille se mettre au chaud chez les uns ou chez les autres. Mais là encore, ça reste des exceptions. Quand on ne connaît pas la personne on se méfie. Il n’y a pas que des habitués qui viennent ici ? - Il y en a quelques-uns, mais il y a aussi pas mal de gens de passage. Ça peut être un commercial qui a envie de se vider les couilles avant de reprendre la route, ou un étudiant qui se cherche encore sur le plan sexuel. Du coup, on ne peut pas vraiment décrire un profil type de l’usager du lac ? - Non. On voit aussi bien des hommes mariés et pères de famille que des homos qui assument leur sexualité, mais beaucoup d’hétéros viennent ici en cachette. Est-ce qu’il vous arrive d’échanger vos numéros de téléphone, d’aller plus loin ? - Jamais. On ne vient ici que pour le cul. Les rencontres, si elles doivent se faire, elles se font plutôt dans les bars ou les discothèques. Il paraît que le jardin de l’Arquebuse est aussi un lieu de drague important. C’est vrai ? - Oui, mais c’est plutôt la journée. Ah bon ! Il y a pourtant pas mal de passage la journée... - Ce n’est pas forcément un problème. On trouve toujours un coin où

se cacher. Est-ce qu’il y a d’autres endroits comme ça à Dijon ? - Plutôt à l’extérieur de la ville en fait. Il y a les bois de Hauteville, et puis un peu plus loin le centre routier de Beaune. Là, ce sont des lieux qui sont connus depuis longtemps, il y en a d’autres qui sont plus éphémères. L’info circule sur les sites Internet et les réseaux sociaux, on se donne rendez-vous, un peu comme pour une free party. Bon, il se fait tard, je crois qu’on a fait le tour. Les voitures ne tournent plus autour de nous, à cause de moi tu n’auras trouvé personne ce soir. Tu vas faire quoi ? - Je pense que je vais retourner voir sur le premier parking, on ne sait jamais. Et puis s’il n’y a personne, je ferais comme tout le monde. Je vais rentrer chez moi, me taper une queue devant un boulard, et puis j’irai me coucher ! On se sert la main, chacun remonte dans sa voiture et s’en va. En y repensant, je suis quand même assez troublé par l’échange que nous venons d’avoir. Je m’étais fait une idée plus idéaliste de ces lieux sauvages de drague. Je pensais que c’était une manière d’échapper à la reprise en main du sexe libre par le business, à l’obligation de jouir qui va avec la société de consommation. Mais cette assignation à baiser s’est aujourd’hui transformée en une véritable aliénation. Je me demande où nous conduit cette recherche du seul plaisir. // N.B. 25


enquête

Dans quel rade faut-il mater la coupe du monde ? Étude subjective des lieux de collation permettant de communier bruyamment autour du vrai opium du peuple.

par JULIAN-PIETRO GIORGERI & TONTON STÉPH photos : Alexandre claass ILLUSTRATIONS : HÉLÈNE VIREY

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12 rue des Perrières

EDEN BAR

taux de swag

crédibilité foot

Le lieu bien connu de ceux qui cherchent des OCB en soirée est aussi un bar plus ou moins miteux, qui finit presque par avoir une âme à force d’exhiber des personnalités « attachantes ». Ici, on claque son RSA au Rapido, on n’a plus forcément toutes ses dents, et forcément, on fume beaucoup devant. Mais surtout, on discute pas mal, ou plutôt on monologue sur le PSG, la politique, voire même la situation en Ukraine. Totale. Ici, ça soutient et diffuse les matchs du DFCO et ça trashtalk à fond, Christian Jeanpierre en perdrait sa virginité. Tu pourras même te ruiner à Parions Sport en direct, avec ton intuition déficiente et ton budget limité.

praticabilité DU LIEU

variété de la tise

Ils sont larges. Dans deux salles différentes. Un peu comme le cul des daronnes qui allaient au Calicoba, la boîte pour cinquentenaires de Dole.

localisation

écran

Ça dépend. Il n’est pas rare qu’un hurluberlu ait une putain d’envie de jouer aux fléchettes au milieu du truc alors qu’on est trente autour de lui à essayer de se concentrer sur le match.

Bienvenue au royaume du demi et du pastis. Le choix n’est pas illimité, il faut bien l’admettre.

Dans le dark-side de Montchap’, juste vers la gare, où traînent ceux que la vie n’a guère épargnés. Au pire, si Evra marque contre son camp, tu pourras toujours te jeter sur les voies ferrées.

flannery’s 4 place Saint Bénigne

taux de swag

crédibilité foot

On est à deux doigts de la sympathique odeur de pisse et des vapeurs de bière qui règnent dans un pub. Pour le reste, l’ambiance est aussi chaleureuse que chez ton tonton qui s’extasiait sur ses murs refaits en lambris, « comme dans les chalets ».

Toute relative. Depuis le coup où un serveur au look un peu sale a préféré mettre de la pétanque sur Sport + lorsqu’on lui a réclamé la chaîne où était diffusé le clasico, on a quelque peu été refroidis. Public Footix.

praticabilité DU LIEU

variété de la tise

Pas toujours optimale. Les places sont vite prises par des quinqua ou des cadres en bureautique éreintés par leur journée de merde. Des étudiants debouts s’aventurent à jouer des épaules. Mais qu’y’z’y viennent...

Bah, c’est un pub, donc t’auras toute les variétés de binouzes et de whiskys que ton petit corps sera en mesure d’admettre. Bon, ça raque un peu. On recommande la Snakebite, bière de gonzesse aux cranberries.

Juste à côté de Saint Bénigne, ce qui te permettra d’aller prier avant chaque match du Portugal pour que CR7 se rompe son putain de tendon d’Achille.

Il y a certes deux vidéo-pro, mais ils ne sont pas toujours allumés tous les deux. Quand on vous dit que ce n’est pas forcément le temple du foot...

localisation

écran 27


86 rue Berbisey

CROCKODIL CAFÉ

taux de swag

crédibilité foot

La définition même du mot « rade » : lieu sans réelle identité, sans chichi, où tu viens chercher ta dose de drogue liquide légale.

praticabilité DU LIEU

Le lieu a déjà bien dépanné un soir où tu ne trouvais pas vraiment où aller. Ici, t’es dans le vrai. Des amoureux du ballon rond et deuxtrois habitués imbibés en permanence. Ça n’hésite pas à gueuler un peu. Ambiance virile.

variété de la tise

Pour donner un ordre d’idée, il arrive que des clients matent le match depuis la fenêtre, rue Berb’. C’est parfois blindé, surtout les soirs de concert ou de (gros) match, donc.

Tarifs honnêtes, choix relativement varié, rien à redire. Évidemment, c’est pas là que tu vas pécho une liste extensible de cocktails plus ou moins ridicules.

Idéale. En plein dans le village, au cœur de la meule. Rue Berb’, quoi ! Là où tu pourras voir des gars brailler après les buts de Ribéry, en allant chercher ton kébab, et te vautrer en marchant sur une canette. La vraie vie.

Un écran plat d’une taille respectable et plutôt bien situé. Pas de souci sauf si un grand zgeg se place juste devant toi au bar.

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écran

COOL+ CHEZ HASSAN 68 rue Berbisey

taux de swag

crédibilité foot

Lieu de frime. Le Cool +, c’est le royaume d’Hassan II : le roi du nuggets-frites à Dijon. Comme la Corée du Nord personnifiée par Kim-Jong Hun, le Cool+ est indissociable de son proprio. Même culte de la personnalité. Égérie du « salade-tomates-oignons ». Sinon, l’endroit n’a aucun standing, mais c’est aussi pour ça qu’on l’aime.

Si la rôtissoire verticale et la bidoche de mouton tournent été comme hiver, ici on peut en dire de même de la freebox. Hassan dispose du bouquet sport premium. Et en fait largement profiter sa clientèle de fines gueules. En vrai, ça ne fait pas d’Hassan un south winner ou un vrai supporter. D’ailleurs, le mister use parfois trop souvent de la zapette pour balancer des clips de Maitre Gim’s.

praticabilité DU LIEU

variété de la tise

Foireuse, malgré la taille de l’écran de « drive-in » posé à l’entrée. Le kébab d’Hassan ne promet que quelques banquettes mal agencées pour garder un œil sur le match. Il faut aimer les odeurs de graillons. Difficile de suivre un FrancePays-Bas dans les cuisines du McDo, haut-le-cœur assuré. T’es dans un kébab, alors devant le match tout le monde devrait tourner au Fanta. Fort heureusement, Hassan est le seul « grec » de la ville à disposer de la Licence IV. Tu peux donc marier un pastis frais à ton cheese dégoulinant de sauce samouraï.

Plein rue Berb’. Au numéro d’après, t’as un bar à chicha. Soit le hobby number one du footeux.

Vidéo-proj, écrans LCD, estampes marocaines. Il n’y a plus de place au mur.

localisation

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brighton 33 rue Auguste Comte

taux de swag

crédibilité foot

écran

La présence insolite d’un piano blanc (le mobilier est par ailleurs plutôt sombre) juste à côté de l’écran géant annonce le ton. On imagine facilement un pianiste avec un costume en satin et des cheveux blonds jouer du Richard Clayderman. Une certaine statue nous a fait aussi halluciner, on vous laisse la surprise.

Disons que ça retransmet plutôt les matchs par ici. Mais on devine bien que si on pouvait plutôt faire une p’tite soirée Blues, ou un concert de reprises de Scorpions, cela conviendrait tout autant ; Dijon manque d’un vrai bar des sports, de toute façon...

praticabilité DU LIEU

variété de la tise

Il donne l’impression d’avoir été placé de telle manière que les serveurs puissent jeter un œil au match. On est bien content pour eux, mais malgré sa taille, il n’est pas visible par un grand nombre de spectateurs. Un petit écran plasma supplée un peu à ce déficit.

localisation

L’Eden bar, repère de qualité

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Les bonnes places sont chères et peu nombreuses. Tu risques de te retrouver à côté de mecs seuls à qui tu pourras malgré tout taxer des cacahuètes. Ouais, c’est du vécu.

Fais chauffer l’Electron ! Le rhum à 8,90 euros vous calme. Tarif pub de soirée, si tu vois ce que je veux dire. Heureusement, les serveurs semblent un peu plus chaleureux qu’au Mac Callaghan, même si ce n’est pas là un putain d’exploit. C’est clair que la rue Auguste Comte serait plus cool piétonne. Qu’Alchimia n’est pas loin. Et puis, c’est le quartier des Antiquaires, ça a de la gueule. Disons que le Vieux Léon et le Point d’Eau ne sont pas très loin, pour te finir et dire du mal du foot avec les ouachons.


reportage

24 heures

Ça faisait un petit moment que je les observais. Installés depuis quelques jours, ces pêcheurs avaient planté leurs tentes de façon à pouvoir pêcher de jour comme de nuit pour un seul et unique poisson : la carpe. Le matériel déployé servant à capturer la bête dépasse l’entendement. Il existe même des engins électroniques qui te feraient passer pour un naze avec ton smartphone. Le monde de la pêche à la carpe ne déconne absolument pas, que ce soit par sa technicité ou par le respect du poisson le plus total. On dira ce qu’on veut, ces pêcheurs d’une toute autre catégorie sont prêts à tout pour attraper ce poisson pouvant atteindre le poids de ton petit neveu. J’ai rencontré l’un d’entre eux.

a pecher la carpe

« Récapitulons, Sébastien ! J’ai la tente Quechua, mon sac de couchage, une lampe de poche et de quoi manger. J’apporte quoi d’autre, des petites mousses ? - Non, tu peux oublier les cannettes de bière et le barbecue. Je ne suis pas de ce genre là. Faire la fête au bord de l’eau ça ne m’intéresse pas. Moi, je pêche ! » Il est clair que je suis tombé sur un vrai. Au départ, je pensais me retrouver au milieu d’une flopée de pêcheursKronenbourg dans une ambiance au-delà du rural. Je me voyais déjà nous amorcer la gueule de whisky et brailler des chants obscènes à 135 décibels. Mais, j’ai aussitôt rangé les préjugés dans mes poches et attendu de voir ce qu’il en était de la pêche à la carpe. Après, on ne va pas se mentir, ces carpistes de fond de bouteille existent bel et bien, Sébastien les baptise même « pseudo-carpistes ». →

par ANTOINE MASSOT, À ARC-SUR-TILLE ILLUSTRATIONS : cerize fournier

Aucun animal n’a été maltraité pendant ce reportage, pour la simple et bonne raison qu’on n’a pris aucun poisson. 30


24h avec un carpiste l’installation du camp. Pour attirer le poisson, l’opération va consister à balancer une quantité incalculable de mélanges douteux qu’on appelle « amorces » ou « appâts ». Cette amorce est faite de mixtures liquides et de mélanges à base de graines, de farines, d’asticots qui auront été préparés à l’avance ou achetés au magasin de pêche le plus proche de chez toi. Sébastien, lui, préfère confectionner ses propres amorces. Il est comme ça. C’est sa petite popote, sa cuisine aux recettes maisons et parfois secrètes. « Je ne te cache pas qu’il y a une certaine satisfaction à prendre des carpes avec sa propre amorce » se targue Sébastien. Vous ne vous souvenez pas quand Papi vous emmenait à la pêche à la ligne ? Le truc qu’il balançait près de votre bouchon, eh ben c’était ça ! De cette manière, les petits poissons blancs se précipitaient – en principe – et vous pouviez assurer la friture du soir. La pêche à la carpe n’est pas si différente de cette pêche « à la ligne » ou « au coup » même si le matos est d’un tout autre niveau, il faut bien l’admettre. Plouf... Plouf, PLOUF ! Ça n’arrête pas. Sébastien mitraille le plan d’eau. Quatre kilos d’amorce débordent des seaux éparpillés un peu partout autour de nous et n’attendent plus que leur généreuse propulsion. Pour projeter tout ça, Sébastien utilise trois techniques différentes selon les distances à atteindre. Et là, autant vous dire que le champ lexical est offensif : Spomb, catapulte, cobra… On va faire la guerre au plan d’eau ! La première technique s’effectue à l’aide d’une canne à laquelle est accroché un petit récipient. Ça s’appelle un Spomb et l’inventeur a eu cette idée de génie d’en faire une copie conforme de la bombe atomique. Une fois le Spomb chargé en amorce, on le balance dans les airs et ça fait correctement son job. Deuxième technique : la catapulte. Sébastien l’a conçue lui-même. On fait une boule d’amorce puis une fois déposée dans une petite poche en plastique, la suite est assez simple à deviner. Le plouf peut se faire à une centaine de mètres. Très efficace ! Troisième technique : la méthode cobra. Ça a la forme d’un serpent mais on pourrait aisément confondre l’engin avec une matraque. On glisse à l’intérieur ce qu’on appelle des « bouillettes », de petites boules d’appâts de toutes les couleurs qu’on va propulser dans l’eau par un geste pas mal connu des CRS. Sébastien alterne : Spomb, catapulte, cobra…Une fois le plan d’eau arrosé, Sébastien reprend son souffle et attaque l’étape la plus sensorielle et ésotérique de la pêche à la carpe : la sonde. →

« Tu peux oublier les cannettes de bière et le barbecue. Je ne suis pas de ce genre-là. Faire la fête au bord de l’eau ça ne m’intéresse pas. Moi, je pêche ! »

Le rendez-vous est donné à l’étang des Sirmonots, à côté d’Arcsur-Tille. Une fois sur les lieux, le plan d’eau n’est pas plus grand que le lac Kir. Une petite route en fait le tour et sur le chemin, quelques pêcheurs. Assez facile de faire le tri : il y a les stagiaires qui amènent leur petite amie pour l’impressionner en pêchant des perches et les autres qui sortent l’artillerie lourde. C’est à ces derniers que je m’adresse dans l’espoir de retrouver Sébastien. Ils m’indiquent la rive d’en face, je rejoins mon mentor aussitôt. Le camp de pêche est déjà installé entre des roseaux et quelques fourrés. Un espace assez large permet d’avoir une vision d’ensemble de l’étendue d’eau. C’est là où les cannes à pêche sont posées. Un type robuste, mais pas très grand, sort d’une tente militaire et s’affaire à déballer le matériel. Juste en face, un chien de chasse attaché à une camionnette l’observe et surveille toute autre activité lui paraissant suspecte. Forcément, la première activité suspecte, c’est mon arrivée. Je fais alors la connaissance de Granit, le compagnon de pêche de Sébastien. À deux doigts de s’étrangler avec sa laisse, Granit tente de m’honorer d’un câlin ou d’un brisage de cou, je ne me risque pas à vérifier. « Il est gentil mais dur à dresser, comme la roche ! » m’assure Sébastien. Je le crois. En général, je n’ai pas peur des chiens mais celuici semble particulièrement malin et n’hésitera pas à user de l’effet de surprise pour que je frôle la crise cardiaque. À 43 ans, Sébastien part à la pêche tous les quinze jours sur une base de 48 heures. C’est le temps nécessaire pour maximiser ses chances de toucher des carpes. Un rythme assez respectable me direz-vous et pour tout vous dire, ça fait envie : l’eau, la nature, les échappées… On serait prêt à plaquer sa vie citadine, à tirer un trait sur les soirées minimale transsibérienne à parler culture alternative et légumes BIO, à s’abonner au magazine GEO, bref… à tout pour se sentir au plus proche des arbres et au plus loin du bitume. Mes pensées prennent le large… Sébastien poursuit : « Je pêche beaucoup trop selon ma femme, mais à une époque c’était pire, il m’arrivait de bosser le jour et d’enchaîner la pêche de nuit ! ». Impossible pour lui de rester terré à la maison. Pour Sébastien, les choses se passent dehors. Quand il ne pêche pas, il fait de la course à pied ou chasse le gibier seulement avec ses chiens, sans arme, sans Granit. Quelquefois, il emmène sa famille à la pêche et initie même sa fille de 11 ans. Mais, la plupart du temps, il part seul rejoindre la quiétude avec ses rituels et ses petites habitudes. « Ça fait 20 ans que je pêche la carpe, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige ». Présentations faites, j’installe ma tente Quechua jaune et beige mais tout de suite Sébastien est inquiet : « La Quechua, ça va pas le faire ! » Il m’explique que la réglementation oblige les pêcheurs à s’équiper d’abris de couleur sombre ou camouflage, comme 99% du matériel de pêche. Je viens d’arriver et je risque déjà l’amende pour camping sauvage. Bon sang, je savais que j’aurais dû opter pour le modèle commando de Décathlon… « Bon, ce n’est pas très grave mais installe-toi de façon à ce qu’on ne voit pas trop ta tente ! » Après avoir planté les dernières sardines en jetant quelques coups d’œil furtifs, histoire d’assurer une discrétion totale, d’énormes PLOUF signalent l’étape de l’amorçage. C’est la partie la plus importante après

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reportage

Un peu comme un radar, l’idée va être de scruter le fond de l’eau afin de localiser les meilleures caches susceptibles d’accueillir des carpes. Pour ce faire, on lance un poids à l’aide d’une canne. Sébastien mouline pour ramener et va attraper le fil dans sa main afin de ressentir les vibrations que le poids produira à chaque obstacle rencontré : algue, pierre, souche, trou... Rien ne lui échappe. Sébastien dessine le relief dans sa tête, calcule la profondeur et repère l’endroit idéal pour attraper des carpes. Une fois le plan d’eau sondé, il accroche minutieusement des appâts aux hameçons et lance aux endroits qu’il a sélectionnés. Tout est en place, il n’y a plus qu’à attendre la mélodie des détecteurs de touche. Et là, ça cause, parce que ces petits engins électroniques vont permettre de savoir précisément quelle canne va ressentir une touche. En gros, si un poisson se prend dans l’hameçon, les détecteurs s’affolent et alertent le pêcheur par un boucan pas possible. Malheureusement, je n’ai pas eu l’occasion d’entendre ces fameux bips qui foutent la montée d’adrénaline…

« Elle est magnifique, c’est ma plus belle prise, regarde un peu ses nageoires ! » Sébastien parlant de Rosalie, une carpe de 33.4 kg

Voilà, tout est prêt, à partir de maintenant, on attend sur nos chaises pliantes. « Un café ? » me propose Sébastien qui plonge dans sa tente sans même attendre ma réponse. À l’intérieur de son abri carpiste, un paillasson porte-bonheur aux couleurs de l’Union Jack accueille le pêcheur qui se faufile entre son lit et son attirail de pêche. Sébastien ressort avec deux tasses et le réchaud à gaz. J’entame ma première dose de caféine et j’observe un étrange matelas couché sur le sol, juste à côté d’une grosse épuisette. « C’est le tapis de réception » m’indique Sébastien. « Quand j’attrape une carpe, c’est là-dessus qu’elle atterrit avant que je la pèse et que je la prenne en photo, si c’est une belle prise. » Je suis assez admiratif. Sébastien prend soin de toucher la carpe le moins possible par risque de la blesser. Et comme une majorité de carpistes, il remet le poisson à l’eau. Il pratique ce qu’on appelle le No Kill. « C’est le plaisir du combat avant tout. Et puis, pouvoir pêcher à plusieurs reprises un même poisson, c’est quelque chose de fort. » Je noircis mon carnet de notes en écoutant assidûment mon interlocuteur qui a le regard collé au plan d’eau, guettant la moindre activité. La nuit tombe, les lampes frontales s’allument, le réchaud se remet en route pour les pâtes que Granit surveille de près. Pendant la cuisson, Sébastien allume la radio de son portable branché sur Rire & Chansons. « Quand j’attends les touches, j’écoute de la musique ou des émissions et je patiente tranquillement. Sinon, le reste du temps je vais sur Internet consulter Maxipeche. » C’est le forum de discussion où Sébastien et bon nombre de pêcheurs à la carpe viennent s’échanger quelques tuyaux, des astuces ou des photos accompagnées de récits de pêche. Je note l’adresse au cas où.

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Le repas se fait en silence et je ne peux plus me retenir de lui poser la question fatidique : « Quelle est ta plus grosse prise ? » Sébastien pose son assiette et regarde droit devant lui : « C’est Rosalie. » J’ai des frissons. Sébastien m’explique qu’à un certain stade pondéral, la tradition veut qu’on donne un nom à la carpe. Sachez que la Rosalie évoquée par Sébastien a trente ans et pèse exactement 33,4 kg ! Il l’a pêchée à quatre reprises sur ce même plan d’eau en trois ans. « On reconnaît un poisson aux détails. Ça peut être une nageoire un peu abîmée, des écailles perdues, des teintes particulières, etc. » Sébastien me montre les photos sur son appareil numérique. Je commence à cerner l’engouement et l’émotion que peut avoir un pêcheur lorsqu’il se retrouve nez à nez avec la carpe qu’il a capturée l’année d’avant. Sébastien fait défiler les trophées, et de selfish en selfish, on tombe sur une carpe albinos. « Elle est magnifique, c’est ma plus belle prise, regarde un peu ses nageoires ! » Une belle bête, effectivement. La nuit s’installe et on distingue à peine les cannes impatientes de laisser défiler leur bobine de fil. Il est presque minuit et pas une seule touche. Après un dernier café, chacun rejoint sa tente. Sébastien me confie un peu de lecture pour la nuit : Carpe Record, Media Carpe, Carpe Scène… Je suis servi. Emmitouflé dans mon sac de couchage, ma lampe frontale illumine les premières pages des magazines couvertes d’énormes carpes. Je bugge littéralement sur une quatrième de couverture sur laquelle figure des petits bateaux électroniques couleur camouflage. La fatigue prend le dessus, le récepteur de touche ne dit pas un mot, je m’endors en priant pour que Rosalie me réveille. Malheureusement, ce ne sera que la pluie battante qui viendra troubler mon sommeil. Aux aurores, je retrouve Sébastien qui termine de promener Granit. Je lui demande s’il n’y a pas eu de touche pendant mon sommeil mais sa réponse est négative. « Je crois que ça va être le capo de l’année… (faire capo = faire bredouille, ndlr). » Mince, je dois sûrement porter la poisse, Sébastien, tu ne crois pas ? « Oh tu sais, c’est aussi ça la pêche à la carpe. De jour comme de nuit, tu peux attendre longtemps sans rien toucher. Tu attends des heures voire des jours pour un unique instant. » Je décide tout de même de quitter le camp en début d’après-midi pour lui laisser les dernières 24 heures histoire de rattraper le coup. Mais, Sébastien n’aura pas plus de chance, même en mon absence. Avant qu’on se quitte définitivement, je brandis le magazine avec les bateaux électriques devant ses yeux. « Ce sont des Pac Boat, de vraies petites armes de guerre ces trucs ! J’en possède un mais c’est rare d’avoir le droit de l’utiliser. » Sébastien m’explique que ces engins du diable sont télécommandés et permettent d’y accrocher le fil de sa canne pour pouvoir placer l’hameçon n’importe où dans l’eau. Il est aussi possible de blinder l’appareil en amorce et par une petite trappe, déposer le tout à l’endroit convoité toujours à distance. Wall-E n’a qu’à bien se tenir… La pêche à la carpe n’aura pas fini de me surprendre tant elle se suffit à elle-même : le temps de préparation, d’installation, le campement, l’amorçage, la sonde, la technologie, son éthique et cette attente interminable portée par une foi inébranlable. La foi du pêcheur. Celle que vous avez sûrement touchée du bout des doigts étant enfant. Celle qui sommeille peut-être encore en vous, cher lecteur urbain. Celle qui vous poussera aussi à m’offrir un putain de Pac Boat pour Noël. // A.M.


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la page mode Ci-dessus Sweatshirt : merci « Mamie Nova » Jeans : blanc avant soirée Regard : MDMA Bidons : vides À droite Chapeau : ouachon Muscles : Amazonia, tous les mardis après-midi Veste : bleue BA 102 T-shirt : Tout à 2 euros Pose : lascive


Photos : Vincent Arbelet Modèle : 06.37.42.31.44 Accessoires : prévention routière Série réalisée au Vélodrome (Dijon)


foodage de gueule

Panier à salade par TONTON STÉPH ILLUSTRATION : HÉLÈNE VIREY

Ta moitié te harcèle désormais pour réduire tes rondeurs disgracieuses. Elle veut te faire manger de la verdure. Putain. Du vert, quoi. Là où ton clebs faisait ses besoins, c’est vert. Le maillot d’une certaine ville ouvrière pourrie, c’est vert. Le vert, pour toi, ça se fumait fut un temps. Mais pour ce qui est de la bonne bouffe - excepté le guacamole, à la rigueur - c’est pas vert. Certainement pas...

Pas de panique, Sparse te refile les adresses pour embrouiller les partisans du régime : tu trouveras ici des établissements où les salades prennent des proportions dantesques. Pour ne rien gâcher, certaines permettent de grailler quelques mets originaux auxquels tu ne songes pas forcément lorsque tu te restreins sur ton balcon avec tes affreux bâtonnets oranges parfumés au crabe.Tu peux donc ranger ta pauvre boîte de maïs, ton thon et ta vinaigrette allégée. Nous remercie pas, gros, on l’a pas fait pour toi.

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panier à salade

Les friands disent (2 rue Monge) Si on passe volontiers sur le jeu de mots absolument piteux digne d’un obscur salon de coiffure, on peut se convaincre sans exagérer d’avoir trouvé une petite pépite. Bien sûr, le lieu se prêtera davantage à l’exhibition indécente de votre bedaine de trentenaire satisfait, puisqu’il s’agit avant tout d’un resto à hamburger, genre éculé dont on peut faire semblant de se lasser. Mais on est venus pour se persuader qu’une salade nous suffirait, et celles qu’on a trouvées ici valent le détour. En outre, la présence d’une belle terrasse juste devant le Parvis Saint-Jean flattera le plus bobo des Dijonnais ravi de pouvoir exhiber ses dernières Ray-Ban avec un air faussement détaché. À 12 euros,

les salades « Friandise » et « Fri-fri’ » sont très généreuses. La première ressemble quand même beaucoup à une vulgaire Caesar, avec son poulet grillé, son parmesan et ses tomates confites. Mais un gros oeuf poché et de la crème balsamique viennent en relever un peu l’intérêt. La seconde est une ode à la diversité et au cholestérol, puisque tu n’y trouveras rien de moins que du camembert, du chèvre, de la mozarella, le tout pané ou frit, avec une bonne plâtrée d’oignons et de lardons grillés recouvrant ostensiblement ta mesclun « caution », celle que tu vantais pour ses qualités diététiques. Bon, une fois l’assiette servie, ce sera chaud pour toi de te la jouer ascète, il faut bien l’avouer. Rentre donc faire la sieste !

emplacement ensoleillement T’es au top, mecton. T’as la marque de tes lunettes.

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générosité Rien à redire, t’as même pas envie de dessert, sois fier de toi !

diversité originalité À moins que tu adores embaumer ta studette avec des fritures, on peut dire que les garnitures ne sont pas si courantes et font leur job. Pour le reste, du classique, de l’efficace.


foodage de gueule

le déclic (2 place des Cordeliers) Errant comme une âme en peine dans la morosité d’un Dijon le midi, un jour de semaine, votre serviteur a échoué du côté du Déclic, où il n’avait pas fichu les pieds depuis 2001, à l’époque où c’était un vulgaire rade. Le nom ne dit rien qui vaille, lequel pourrait évoquer une pizzeria ou un club échangiste. L’établissement ne sert à manger que le midi, faisant office de bar jusqu’à 20h30 le soir. On se serait bien posé au soleil, mais la vingtaine de places étaient bien sûr prises. Bon, au pire, on ne regrettera pas outre mesure la vue sur le rond point, peut-être un peu plus au calme en comparaison avec l’intérieur, rempli de secrétaires en pause dej’. On a aperçu sur la carte deux ou trois maxi-salades ne brillant pas follement par leur originalité, mais faisant l’effort minimal pour se démarquer de la concurrence. Notre choix s’est ainsi porté sur l’une d’entre elles au nom pathétique : « Jardin des sirènes ». Il y est question, pour une quinzaine d’euros, de tomates confites, noix de Saint-Jacques, bananes plantin, tartare de mangue, poivrons marinés et crevettes. Un serveur maniéré, qui comprend que je n’ai pas envie de claquer ma bouteille de Bâtard-Montrachet ce midi vu mon budget de fin de mois, se hâte de faire péter ce qui semble être le

slogan de l’établissement : « On offre l’eau minérale ! » Face à une telle proposition, je ne peux résister à cette splendide bouteille d’un demi-litre de Vittel qui, j’en suis sûr, vous convainc au moins autant que moi. Je pleure le temps béni du Colonial, place Barbe, que les vrais connaissent comme le seul lieu de Dijon où on pouvait vous servir à volonté du picrate, comme si de rien n’était. Le temps d’observer le mobilier rose flambant neuf et le plafond à la française, on se rend compte qu’un individu qui a toutes les chances d’être le proprio ou le gérant du lieu arrive à couvrir le brouhaha ambiant : il braille ses commandes toutes les minutes au chef, passe revoir les clientes qu’il a à peine servies et les appelle « les filles » quand elles ont la trentaines ou « mes chéries » lorsqu’il s’agit de MILFs. « Voilà le filet-mignonmignon pour les mignonnes ! » restera la punchline qui m’aura le plus durablement marqué. Ma salade para-océane arrive, elle est appétissante. On ne compte que trois Saint-Jacques, mais attention, avec du corail ! Elles se révèleront goûteuses, notamment dans leur contraste avec les bananes plantain. Ce n’est pas franchement le cas des crevettes surgelées, sans aucun goût. Cette putain de mer est décidément loin.

emplacement ensoleillement Si tu meurs d’envie de voir les voitures s’engouffrer dans l’hypercentre par l’étroite rue Charrue, ce spot est fait pour toi. Non, en fait, c’est tout calme.

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générosité Correct. Mais il est probable que tu aies envie d’un petit dessert.

diversité originalité Quand on voit ce que font les concurrents en terme de diversité, on se dit que la proposition mérite quelques éloges.


panier à salade

noti (15 Bd Georges Clémenceau) Non seulement aller du côté de la Place de la Rep’ déclenchera les railleries voire l’hilarité de certains membres hirsutes de ton canard préféré, mais se rendre carrément au delà, dans l’ignoble quartier Clémenceau, c’est l’assurance de perdre durablement son honneur. Il n’empêche que ce p’tit resto sans prétention nous a envoyé du rêve ne serait-ce que quelques instants, à la vue d’une belle carte, proposant des mets plutôt alléchants. Concernant les salades, notre choix s’est porté sur « l’Occitane », qui propose une très légère variante à une salade du sud-ouest avec volaille, magret de canard, poivrons marinés et amandes effilées. L’assiette est magnifique et vraiment blindée de nombreux légumes. D’ailleurs, pour le gras, passez votre chemin. Une légère sauce balsamique donne tout d’abord une bonne impression... Mais les

emplacement ensoleillement Terrasse dégagée, très calme à part un tram de temps en temps, rien à redire.

premiers soucis arrivent. Tout d’abord, on préfèrerait les filets de volaille chauds, là ils sont froids, c’est un peu dommage. Las, la salade en question est littéralement une nage de vinaigrette, et on n’a même pas fini les quelques feuilles de batavia qui restaient tant elles nous dégoulinaient dessus à chaque bouchées. La seconde salade prise flattait aussi le regard, avec ses queues d’écrevisse, saumon frais et fumé, avocat et petit pot de sauce à la crème. Mais, même problème avec une salade baignant dans sa sauce, manquant de saveur, et c’est dommage car elle était bien fraîche. N’accablons pas l’établissement : disons-le haut et fort, le petit dessert choisi à la fin était très bon et pour le moins original. Des nems de poire Williams sauce Van Houten dans un petit pot. On a aussi remarqué une carte des vins sympathique, avec pas mal de choix de vins bourguignons au verre.

générosité

diversité originalité

L’assiette est vraiment chouette, avec plein de belles couleurs différentes. Mais bon, force est de reconnaître que la quantité ne fait pas tout.

C’est là que le bât blesse un peu, on ne sent guère les amandes annoncées, les ingrédients n’ont que peu de goût et tout est noyé sous la vinaigrette.

en vrac À éviter absolument : La Mère Folle (rue Berbisey). J’espère que t’apprécies bouffer dans un immense saladier, comme quand t’étais étudiant et que t’en avais rien à battre – t’en mettais partout. Il faut bien s’avouer que ce n’est pas hyper pratique quand il faut couper quelque chose avec les couverts. Et les trois grands ingrédients et demi gavent au bout d’un tiers du plat. Redondant. Original, mais non testé récemment : Le Marco-Polo (rue Monge). Ouais marre-toi si ça t’amuse, mais il n’empêche que ce petit resto sans prétention offre un des meilleurs rapport qualité-prix de la ville, avec des pizzas originales et goûteuses, et quelques maxi-salades dont tu pourras te sustenter sur une des meilleures terrasses de la ville. Aux Négociants (là où t’as garé ton Crossover / crédit chez Sofinco), tu pourras exhiber ta Rolex en sirotant un Mojito Royal et en décorant une « salade occitane » aux filets de caille caramélisés, poivrons grillés, magret et foie gras. Citons également le Dents de Loup (44, rue des Godrans) : le beau restaurant de la rue des Godrans a fêté sa première année en grande pompe il y a peu, et a proposé une nouvelle carte plus alléchante, où on peut trouver trois maxi salades, dont une du jour et une « burgonde », avec sa proposition intriguante de « gougère fourrée au poulet ». Dans un lieu au moins aussi cool,

il y a Le Bora (8 petite rue de Pouilly). Si tu arrives à assumer de te trouver dans l’épicentre du quartier le plus sale de la ville, à proximité directe du Chat Noir, et que tu kiffes une déco lounge Damidot, tu pourras peut-être avoir le coeur à tester leur salade tahitienne, qui a le mérite d’être originale, avec du poisson cru mariné au citron vert et lait de coco. Autrement, dans le quartier Clémenceau, en face de la cité de la justice où t’es venu faire amende honorable dans ta jeunesse, tu trouveras un petit snack qui propose des salades sympas : ainsi « l’Amérindienne » (poulet grillé, poivrons marinés, guacamole et nachos) ou encore « l’Automne » (poire caramélisée et roquefort avec des noix). Le tout à seulement 7,90 euros. Dans le même genre, tu trouveras plein de bonnes crudités du côté de La Causerie des Mondes (rue Amiral Roussin). Bon, si tu n’arrives décidément pas à masquer ton envie de bidoche et que tu exhibes le prétexte bidon d’un régime hyperprotéiné, il y aura toujours le Grill & Cow, autour du marché, qui propose une salade « Noiraude » avec poulet et boeuf grillé, brochettes de mini-saucisses et lard. Le « vert » de l’assiette n’aura servi que de caution à ta célèbre goinfrerie, comme convenu initialement. Sinon, les salades sont toutes à volonté dans les formules de Pizza Happy (Quetigny). À toi le kilo de macédoine, petit veinard ! // T.S.

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diaporama

par MARTIAL RATEL PHOTOS : ALEXANDRE CLAASS

Les animaux du parc de la Colombière. Un aprèm’

au parc de la Colombière. 33 hectares, 6.000 arbres de 10 espèces différentes. Tout Dijonnais l’a fait, le fera, ou voudra le faire. On peut trouver l’argument du footing, de la visite historique (pour contempler les vestiges de la voie romaine), celui du rendez-vous galant sous le temple d’amour ou de la sortie défouloir avec les enfants. Dans tous les cas, on ira voir les animaux. Véritables personnalités locales sous-cotées, Sparse a voulu mettre un coup de projecteur sur ces Dijonnais de l’ombre.

CHÈVRES NAINES

Lors des différentes razzias nocturnes sur le parc, les chèvres naines sont les bestioles les plus volées. Celles-ci sont donc les dernières rescapées. Les plus vieilles biques doivent se souvenir du temps de jadis, quand leur troupeau faisait trembler tous les autres animaux du parc. Peut-être même que la plus ancienne des chèvres est super contente : c’est elle désormais, la patronne du troupeau. On ne peut qu’imaginer ce que sont devenues celles qui ont été volées : méchouis, doudous vivants, tondeuses écolos, descentes de lit... Ils sont pas attendrissants ces chevreaux ?

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les animaux du parc

DES VACHES

Ah, non pardon, ce sont des moutons tondus. Comme ça ils sont vraiment ridicules.

UN CORBEAU

Il a l'air de bien dormir (c'était l'heure de la sieste). Ou alors, il couve. Ou encore, ce corvidé a eu le malheur de passer au dessus du stand de tir, voisin du parc d'à peine un coup de .357 Magnum. On peut aussi voir là un hommage à l'acteur Brandon Lee.

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diaporama

ZORRINO, LE LAMA

Honnêtement, on est venus pour lui. Beau, fier, avec une belle dentition, on aimerait se promener en ville avec Zorino au bout d'une laisse. Mais notre perception s'effondre lorsqu'on croise une classe de maternelle (grande section) en goguette au parc. Selon le jeune Kevin (le prénom n'a pas été modifié, on ne lui a pas demandé) : « C'est les lamas les animaux les plus moches du parc ». On prend un coup de vieux. Si le cadrage de cette photo vous semble lointain, c'est tout simplement parce que notre photographe avait peur de se faire cracher dessus par la bête. Merci Hergé.

LES COCHONS D’INDE

Toujours selon Kevin, 5 ans et demi : « Les animaux les plus intéressants du parc, c’est les cochons d’Inde. » Voilà, c’est dit. On vous laisse méditer sur cette sentence.

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les animaux du parc

LES DAIMS

Kevin les appelle les « enfants-cerfs ». Ces belles bêtes posent pour vous, pour vos fonds d’écrans.

DES BÊTES À CORNES Le boss de Sparse, en vacances avec ses enfants.

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diaporama

LES PONEYS

Quand ils ne portent pas de bambins sur leur dos pour arrondir leurs fins de mois, ils bossent comme animaux-vigiles à surveiller les carrioles et les rosalies. Merci, monde libéral. Ce sont un peu les chouchous des enfants. Du coup, ils ont pris le melon, se la jouent stars sur la Croisette, trop occupées pour rencontrer leur public. Ils refusent d’approcher pour la séance photo. Faudrait quand même qu’ils redescendent un peu sur terre. Sans rire.

LES ÂNES

Eux, ils font le boulot. Beaucoup plus sympas que ces crâneurs de poneys. Ils prennent la pose, s’approchent gentiment de notre photographe, qui n’a pas peur d’eux. De vrais pros au service du public. Merci les gars.

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les animaux du parc

LES PAONS

Farci, il paraît que c’est succulent. Les plus grands rois n’oubliaient jamais d’en garnir leurs tables fastueuses. Voici une recette de l’époque de Charlemagne : « Ne pas plumer l’oiseau, mais l’écorcher proprement. Couper et garder les pattes. Farcir le paon d’épices et d’herbes aromatiques. La tête doit garder ses plumes. On l’enveloppe d’un linge afin qu’elle ne se détériore pas et on embroche l’animal. Durant la cuisson, on arrose le linge pour préserver l’aigrette. Quand le paon est jugé cuit à point, on le débroche, on lui rajuste les pattes, on ôte le linge et on arrange l’aigrette. On le pare de sa peau avec ses plumes, et on étale la queue. À ce moment, la maîtresse de maison place dans le bec de l’oiseau un peu de laine imbibée de camphre et y met le feu. Le paon arrive ainsi sur la table en crachant des flammes. » Ça en jette, nan ? Si ça ce n’est pas respecter le produit... Pour info : siffler ne les fait pas venir près de vous.

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story

juy à toute vitesse par MARTIAL RATEL ILLUSTRATION : david fangaia

Dijon, berceau du vélo ? Pas tout à fait... En fait, si, on ne va pas y aller par quatre chemins : sans Lucien Juy, la montée du boulevard de Strasbourg serait une vraie galère et André Darrigade, Coppi ou Anquetil n’auraient jamais été aussi beaux. Là, juste en dessous, quand le texte devient plus petit, ça vous explique pourquoi.

tenir en haleine. L’histoire étant finalement assez banale, il s’agit de créer de l’histoire dans l’histoire pour bien la raconter.] Donc, pour notre Lucien, les temps sont durs. Surtout qu’il lui reste encore une vingtaine d’années à vivre, il passera de l’autre côté du guidon en 1976. Grâce à son opiniâtreté, il maintiendra le cap. Jusqu’en 1972, il sera leader mondial de son secteur. 1972, l’année où l’usine de Juy, située au 75 rue du Général Fauconnet, sortira le modèle SLJ. Selon l’ancien coureur cycliste canadien Mike Barry, qui fait visiblement autorité sur les blogs-vélos anglo-saxons (il est cité à tour de bras), le SLJ est clairement le meilleur modèle de tous les temps. Et M. Barry s’y connaît extrêmement bien en techniques et autres artifices pour être « meilleur » sur un vélo : le mec a côtoyé Lance Armstrong de 2002 à 2006 au sein de l’équipe US Postal ou de la Discovery Channel, finissant par accrocher une honorable 99ème place sur le Tour 2010 avec la T-Mobile, autre référence en la matière. L’entreprise de Juy diversifiera elle aussi son activité. Associée à Manufrance ou Peugeot, elle produira des vélos, des modèles de freins, certains au design assez joli, avec des petites ailes sur les manettes, genre Hells Angels. Mais ça, c’est la fin. →

Ça commence par la fin. 1985, banqueroute. La société de Lucien Juy met la clef sous la porte et le nom passe sous le tapis. On en oublie jusqu’à son existence - presque -, puisque notre Lucien a une rue à son nom dans Dijon. Tout ça à cause d’une pièce en Delrin®, une pièce en plastoque, fierté chimique et succès industriel mondial importée du Delaware dans les années 60. La patte de Delrin® intégrée dans l’invention de Lucien Juy s’use vite, trop vite. Elle est plus légère mais elle supporte mal les frictions et elle se déforme. La réputation est ternie à tout jamais. On ne jettera pas pour autant le Delrin® avec l’eau du bain chimique, on fait encore d’excellents médiators avec. Et puis, il y a la concurrence internationale. Une bonne invention, ça inspire, ça se copie. Lucien Juy a déposé des brevets en France, aux ÉtatsUnis, mais visiblement pas au Japon. Depuis 1956, une entreprise alors spécialisée dans le pignon libre a décidé de passer à la vitesse supérieure. Du haut de son borsalino, Shozaburo Shimano sort son propre modèle, simple copie de l’objet de Lucien Juy. [Vous ne savez toujours pas de quel objet il est question ici, hein, sauf si bien entendu vous avez regardé l’illustration de David Fangaia qui accompagne ce papier. C’est un simple procédé narratif pour vous 46


L ucien J uy

présente

NGEMENTS D A CH VITESSES E

75 rue Général-Fauconnet

D ijon


story

En 1939, une pub présente Simplex comme ayant « la plus forte production mondiale », soit plus de 40.000 dérailleurs par an.

Avant, en 1935, Lucien Juy marque à jamais l’histoire du cyclisme, et c’est la deuxième fois que ça lui arrive, à notre ingénieur. Il sort son modèle « Super-Simplex ». Il n’y a qu’à voir le nom pour savoir que là, ça cause. [Si le suspens devient pour vous vraiment intenable, si vous ne l’avez pas encore fait, vous pouvez maintenant regarder l’illustration. Je vais dévoiler d’ici quelques mots ce que notre Juy inventa.] Ce modèle de 1935, issu du cerveau de ce génie bourguignon, est tout bêtement le premier dérailleur à parallélogramme articulé. Autrement dit, dans les grandes lignes, le système qui permet encore aujourd’hui de changer les vitesses sur son vélo. Son invention, c’est le truc à l’arrière, sur votre roue, collé aux pignons, qui s’articule et qui comporte deux parties mobiles. Il existait un autre modèle évolué pour changer les vitesses, aujourd’hui totalement oublié. L’invention était Suisse, le changement se faisait par l’avant, en gros au niveau des pédales. Imaginé par l’ancien coureur Oscar Egg, son modèle « Super-Champion » était en 1937 le seul dérailleur autorisé sur le Tour. Ce choix exclusif allait poser problème. L’année suivante, en 1938, c’est l’affaire René Vietto : « Le Roi René ». Une légende, comme Paulo-la-Science aime les raconter sur France Télévision au mois de juillet. C’est le fameux gars qui, sur la même étape en 1934 dans les Pyrénées, face aux coups du sort, avait donné sa roue puis plus loin son vélo à son leader et ami Antonin Magne, futur vainqueur du Tour. Une légende du Tour, on vous dit. Homme de classe, il en vient aux mains avec les organisateurs, au Vésinet, dans le village-départ, parce qu’à l’arrière de sa machine est fixé le fameux « Super-Simplex ». Les organisateurs lui interdisent le départ. Les gendarmes séparent Vietto, alors porteur du tricot jaune, et les commissaires de course qui s’empoignent. On n’avait pas vu une aussi belle défense de l’honneur dijonnais depuis l’attaque de la ville en 1513 par les... Suisses (tiens, tiens). On lui fixe au cadre le modèle helvétique. Humiliation suprême pour lui, Roi René, en contrat, testeur de la marque et grand ami de Juy. Il arrache la plaque de fer blanc « Egg », symbole du déshonneur. Lancé dans la course, il finira... hors délai. Non repêché. Disqualifié. Sous le regard, qu’on imagine goguenard, du jury des commissaires. Mais avec cette histoire de dérailleur, Vietto ajoutait une ligne à sa légende (Paulo) et s’assurait certainement quelques années de contrat de plus avec Simplex. Juy menait très bien son entreprise. Ses dérailleurs novateurs étaient exportés à travers le monde : États-Unis, Pays-Bas, Angleterre, Allemagne... Ayant compris le jeu du marketing et les rouages (jeu de mots) de la pub, il sponsorisait les plus grands : André Darrigade, Anquetil, Coppi, Robic, Magne, plus tard Hinault. Les cadors roulaient pour Simplex (sans jeu de mots). Depuis 1936, ses dérailleurs étaient équipés de 6 vitesses. En 1939, une pub présente Simplex comme ayant « la plus forte production mondiale », soit plus de 40.000 dérailleurs par an. Dijonnais mais pas seul, Simplex est associé à l’autre grande marque locale de cycles : Terrot. Juy équipe les plus beaux modèles avec ses dérailleurs depuis au moins 1932. Sur le catalogue Terrot, on peut aussi composer son cycle et acheter en option les dernières nouveautés Simplex. Pourtant, dans les premiers temps qui suivirent sa première grande invention, Lucien Juy, luimême ancien coureur, fut confronté au fameux conservatisme du peloton. En 1928, sur Paris-Roubaix, des cyclistes mettent pied à terre. Pas question de rouler. Les coureurs de l’équipe Alcyon, équipe number one des années 1920, refusent de prendre la route avec ce truc tout bizarre que leur ont fixé les mécanos. Le seul truc qu’ils sont capables de comprendre, ces forçats de la route, c’est qu’il y a écrit sur

l’objet « Simplex ». Depuis leurs leçons à la Communale, le latin, ça ne leur inspire rien de bon, rien de mieux que des règles de déclinaison. En plus, ils font partie des favoris. Ils viennent d’enquiller un Tour de France et la même année, un deuxième d’affilée s’offrira à eux. Ils n’ont aucune intention de devenir des cobayes. Mais surtout, ils ne savent pas ce que peut leur apporter un dérailleur à galet Simplex. Lucien Juy vient de l’inventer. Son système repose sur une idée simple(x ?) : Juy utilise une poulie pour la tension de la chaîne et des plaques de guidage pour pousser cette chaîne sur deux pignons. C’est le principe de base encore communément utilisé aujourd’hui pour changer de vitesse. Mais ça, les mulets de la team Alcyon ne le savent pas. En 1928, Simplex innove et contre toute morale, André Leducq, le leader d’Alcyon, gagnera Paris-Roubaix, « l’enfer du Nord ». Auparavant, pour changer de vitesse, quand votre vélo était équipé de deux pignons, il fallait stopper, dévisser la roue arrière. D’un côté des rayons : pignon grande vitesse. De l’autre : pignon petite vitesse. La tourner, puis tout revisser et enfin, placer votre attaque « surprise ». Le cyclisme était alors une science de l’anticipation et du vissagedévissage. Depuis 1895, des systèmes de changement de vitesse moins laborieux étaient testés mais aucun n’avait atteint l’efficacité et la robustesse du dérailleur Simplex. Il avait eu le temps d’y penser le jeune Lucien, sur son vélo. Des bornes, il en avait avalé sans dérailleur ; assez pour se faire un nom dans le gotha local avec une centaine de victoires régionales à son palmarès. Il avait surtout remporté la « classique » du coin. LA course : Dijon-Auxonne-Dijon. La course aux oignons, rapport aussi sûrement à l’état des fesses posées sur les selles en croûte de cuir. En 1923, le jeune Lucien âgé de 22 ans remporte le bouquet (d’oignons ?). Ici, personne ne le connaît vraiment. Il n’est pas d’la capitale, il s’est fait un petit nom dans son patelin mais personne ne devait le donner gagnant. Son nom, c’est Juy. Il voit le jour à Langres en 1899. À sa naissance, ses parents sont contents mais déjà inquiets pour l’avenir du petit. Sera-t-il médecin, avocat, officier militaire, fromager à Langres ? Peut-être cheminot. Deux ans avant, en 1887, Langres innove. Pour relier la gare à la ville haute, « la place-forte », on inaugure le premier train à crémaillère de France, un système extravagant. Pour conserver l’adhérence en pente (des roues en acier sur des rails, ça patine mais ça n’avance pas sur un plan incliné), la locomotive à vapeur était équipée d’une roue motrice centrale dentée qui s’agrippait à un rail cranté - un système dit à échelons, mis au point par un ingénieur français, Niklaus Riggenbach mort en... Suisse (décidément) l’année où le petit Lulu pointait le bout de son nez. On raconte que le jeune Lucien était fasciné par cette merveille de la mécanique. Dans un premier temps, la scène amusa ses parents, puis cette obsession les inquiéta. Ils pensèrent d’abord que c’était le chapeau de fumée crachée par la loco qui hypnotisait l’enfant, à moins que ce ne soit le bruit ou sa facilité à gravir la côte. Plus tard, une fois les pédopsychiatres éloignés, les historiens comprirent. Ce système ressemblait comme deux gouttes d’eau (d’huile ?) à une chaîne et un pignon. // M.R. 48



musique

Il débarque en scoot’ Piaggio à trois roues, pack de Carlsberg au bout d’un bras et casquette vissée sur la tête. Arthur aka S.E.A.R. est ce chanteur de rap de 22 piges qui vient de sortir Fantasia, son premier album en collaboration avec Jacques Jupiter, poto de toujours. Le moment idéal pour parler hip-hop, secte et football.

s.e.a.r mon gars pROPOS RECUEILLIS PaR PIERRE-OLIVIER BOBO photos : ANTONY LOOSER

Tu fais de belles dates, dernièrement au Zénith, avant à La Vapeur... À chacun de tes posts sur Facebook, pour un morceau ou une vidéo, tu récoltes une pluie de pouces en l’air. Ça fait quoi d’être au top de la hype dijonnaise ? Pfff... tu crois vraiment à ça ? Un peu quand même, ouais. Je sais pas, on va dire qu’on s’y fait alors. C’est vrai que je sens qu’il y a un petit truc, ça me motive. T’as senti quelque chose se passer à quel moment ? C’est croissant depuis 2012, je sais pas trop ce qu’il s’est passé, ça doit être les clips je pense. J’ai surfé sur la vague hip-hop de cette période où ça passait par les clips. Clairement, tout passe par la vidéo et par Internet maintenant. Je pouvais faire un album et le sortir en dur, je ne sais pas si ça aurait très bien marché. Maintenant les gens, ils veulent voir des clips. Et comme que j’ai une équipe derrière moi qui fait des vidéos… Des potes ? Une bande de potes, depuis le collège. Ensuite au lycée, au

Castel, ils étaient en section cinéma-audiovisuel. Du coup, ils savent faire, et quand je leur ai dit que j’étais chaud pour faire des clips… Je suis tout le temps avec eux, on a même carrément fait une asso maintenant : la MCBF. Pour avoir des subventions. Ils veulent faire des films d’entreprise, on a plus de matos qu’avant. Quels sont tes premiers souvenirs de musique ? En famille, avec un frère ? J’ai pas de frangin, j’ai deux sœurs. En fait, j’ai commencé à vraiment écouter du rap quand j’étais en 4ème ou 3ème. Que du rap américain au début, et encore aujourd’hui quasiment d’ailleurs. Avant, c’est drôle, j’étais assez réticent. Et puis je me suis mis dedans, je sais pas… je trouvais ça trop bien, alors j’ai commencé à écrire tout seul dans ma chambre. Je sentais que j’avais un petit potentiel d’écriture donc j’ai mis ça à profit. Il y avait de la musique qui tournait à la maison, mais jamais de rap. Des parents mélomanes ? Mon daron un peu… mais ma mère, elle s’en fout de la zic. Disons que c’est plutôt moi qui suis le mélomane de la famille. C’est ce qu’ils disent...

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« Mais, tu me connaissais pour prendre mon blaze comme ça ? » - Le rappeur SEAR lui-même s’adressant à notre S.E.A.R local.

Tu parlais du hip-hop américain, t’as des légendes qui te viennent en tête, là comme ça ? Mon rappeur préféré, c’est Eminem. J’ai écouté tous ses albums en boucle. Je le trouve trop chaud, et c’est un putain de lyriciste. Bon, sauf les trois derniers album, hein. Le Marshall Matters LP2, là, qu’il a osé appelé comme ça… pfff. Alors que le premier est trop bien. Depuis qu’il est sorti de désintox et qu’il est devenu un vieux daron chiant, en fait, c’est nul… Tu fais une fac d’Histoire. Qu’est-ce que tu es allé faire là-dedans ? Quand je suis sorti du lycée, j’ai fait un IUT de gestion, ça m’a saoulé. Du coup, je me suis dit qu’il fallait faire un truc qui me plairait. L’Histoire, c’était ma matière préférée, donc voilà. À la rentrée prochaine, je rentre dans une école de relations internationales à Paris pour faire de l’humanitaire. C’est le projet que j’avais en sortant du lycée en fait. Comment tu envisages ton futur en ce qui concerne le hip-hop ? Je le vis comme une passion. Je vais partir à Paris pour les études, ensuite je

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suis censé taffer donc j’aurais beaucoup moins de temps. Là, je fais du rap parce que je suis à la fac et que j’ai plein de temps. Tu as fait la première partie d’IAM au Zénith en février dernier. Comment elle s’est ficelée, cette date ? Apparemment, les mecs d’IAM cherchaient un mec local pour la première partie et un jour j’ai reçu un mail de la boite de prod’, Euromuses, qui m’en a parlé. Je me rappelle, c’était lourd, j’étais chez le dermato dans la salle d’attente quand j’ai reçu ça. J’étais tout fou. Comment tu t’es préparé pour ce concert ? On a juste fait des répèt’ plus intensives que d’habitude. Et encore, quand on avait fait un concert à La Vapeur, qui était notre premier gros trucs en ouverture de 1995, on avait déjà répété un max. Mais ouais pour IAM, on s’est encore plus chauffés. On a bossé, on a révisé le jeu de scène, etc. C’était un super souvenir, grave ! Il y avait trop de gens, du son bien fort, des conditions optimales... →


musique

Juste avant de monter sur scène, avant IAM, t’es comment ? Tu te chies dessus ou t’es excité ? Mmmh… Ouais, on se chiait dessus. Mais une fois sur scène, c’était fini. De toute façon, une fois que t’es dedans, t’es obligé de foutre la merde. Le concert à La Vapeur, c’est peut-être le truc où il y avait le plus d’ambiance et où les gens étaient les plus réceptifs. Sans doute parce que le public de 1995 est beaucoup plus facile que celui d’IAM. En plus au Zénith, je venais de finir d’enregistrer l’album, donc j’ai fait que des morceaux nouveaux. Je ne me suis pas dit qu’il fallait faire des titres que les gens connaissent.

Campus, tu n’avais choisi aucun morceau de rap. Tu te verrais faire autre chose que ça plus tard ? Pour cette émission, je l’avais fait exprès, je n’écoutais pas de rap à ce moment-là, ça me saoulait. Avant, j’avais un groupe de rock-garage un peu psyché. Je chantais et je faisais de la gratte. Jacques Ju’ était le batteur. Si j’arrête le rap, je pense que je referais des trucs un peu pop. C’est des choses que j’écoutais avant et que j’écoute toujours, en fait. Là, j’ai un pote qui m’a fait écouter un groupe qui s’appelle Ovens, c’est trop lourd. Parce que bon, du hip-hop toute la journée, laisse tomber…

Ton album Fantasia vient de sortir, téléchargeable gratos et également disponible en CD. Depuis quand tu penses à ce disque ? Je l’ai commencé il y a un an, à peu près. Je l’ai enregistré en novembredécembre 2013 à Bruxelles, chez un ingé son qui est aussi un pote du Castel. C’est l’ingé son de L’Or du Commun, un groupe de rap belge qui est en train de pas mal monter. C’est chez lui que j’avais déjà enregistré Mastermind, le morceau qui m’avait un peu fait décoller. Et là, quand j’ai eu fini d’écrire Fantasia, je lui ai dit : « Gros, il faut que je vienne chez toi et on fait un truc de ouf ».

Y’a des mecs qui t’ont marqué à Dijon, dans la scène hip-hop ? Non. « Marquer » c’est très fort, donc non… Par contre ce qu’il se passe à Dijon en ce moment au niveau du hip-hop c’est cool, il y a de l’effervescence, c’est porteur d’un truc bon, d’une bonne envie. Y’a un autre mec qui s’appelle SEAR dans la scène rap française : « SEAR lui-même ». Ouais, il est venu à Campus d’ailleurs. C’était un peu chaud, moi je me disais que c’était un putain de daron en plus. Un mec qui pèse quand même. Et il m’a dit : « Mais, tu me connaissais pour prendre mon blaze comme ça ? ». J’avais l’impression qu’il était un peu véreux, et finalement il m’a dit : « C’était cool, tant que tu rappes bien ça ne me dérange pas. Mais le jour où tu feras de la merde, je vais être vénère ». Moi j’avais pris ce blaze parce que je graffais un petit peu, je trouvais que c’était quatre lettres stylées à écrire. Et « Mon gars », c’était un gimmick, j’aimais bien dire ça dans mes chansons. Je l’ai laissé dans mon blaze même si ça n’en fait pas partie intégrante.

Comment ça se passe avec Jacques Jupiter, ton pote qui fait les beats ? Il m’envoie une prod’ et j’écris dessus. Je l’aiguille un peu, en lui disant « tiens, j’ai envie de faire quelque chose qui parle de ça ou de ça », pour que l’instru ait un rapport. Si je veux un truc plutôt spatial, ou sur la weed par exemple… Il saura mettre des idées et des sonorités. D’ailleurs, les gens me reprochent un peu de ne parler que de la weed, à cause du morceau Deltaplane et du dernier clip qu’on a sorti...

Mais ça ne t’emmerde pas qu’il y ait un autre mec avec ce nom ? Je l’ai appris le jour où j’ai acheté une compil’ de rap, j’ai vu « SEAR lui-

Lorsque tu avais fait la playlist de l’émission At The Controls sur 52


s.e.a.r

« Je suis trop content d’être né à l’époque d’Internet, d’être né dans Internet » même ». Je me suis dit « merde ». Sauf que ça faisait déjà un an que j’écrivais, j’avais déjà sorti des morceaux. Et puis je me suis dit qu’on s’en foutait, il y a bien d’autres mecs qui s’appellent Arthur… Ça ne t’est jamais venu à l’idée de rapper en anglais ? Un des premiers morceaux que j’ai enregistré était en anglais, mais il est caché dans mon ordi et il ne sortira jamais. (rires) Quand je chantais dans le groupe qu’on avait, c’était en anglais… Mais c’est quand même plus dur, et j’ai envie que les gens comprennent ce que je raconte. Par contre, j’aime aussi le hip-hop français. Le premier rappeur français qu’on m’a fait écouter, c’est Brasco. Après, j’ai écouté un peu tous les classiques et en ce moment je kiffe ce qu’il se fait à Paris, toute la vague L’Entourage, ça me plaît. Dans mon ordi, je dois avoir 60% de rap US, et 40% de rap français. Il y a de la rivalité avec les autres crews à Dijon ? Non, sauf quelques mecs qui ne m’aiment pas trop, parce que je suis pas assez hip-hop pour eux. Je sais pas… Ça raconte que je suis là parce que j’ai des pistons, que je paie des trucs, alors que c’est faux. J’ai commencé à faire du rap dans ma chambre, j’ai mis des trucs sur Soundcloud, sur Youtube, j’ai eu un Facebook et voilà, les gens ont été réceptifs. Mais c’est aussi pour ça que le rap français me saoule un peu. Les rappeurs veulent savoir d’où tu viens. T’es obligé de te justifier d’un truc. C’est trop chiant. T’es fan de football aussi. Tu joues un peu ? J’ai joué en club quand j’étais petit, à Fontaine-lès-Dijon. J’ai commencé après la coupe du Monde 98, j’ai dû faire ça pendant trois ans. Après, je fais des soccer comme tout le monde. Et j’ai aussi fait du tennis. T’es plutôt sur quel poste ? Devant, derrière ? Plutôt 8. Genre Iniesta. Non j’aime pas trop, il est trop petit. À côté de Yaya Touré ou de Motta, c’est un petit dans le game footbalistique. Je préfère un gros sac plutôt qu’un petit qui se faufile. Tu supportes une équipe ? Monaco quand j’étais petit, à l’époque de Giuly, j’aimais trop ce joueur. St Etienne aussi. Maintenant, je suis content que Monaco ait plein de fric, même si le stade est toujours vide. Par contre, je suis totalement fou quand il y a un match de l’équipe de France. Contre l’Ukraine, c’était fou. Là, à la Coupe du monde, j’espère un petit quart de finale. Je pense qu’on va sortir premier de notre poule, ça veut dire qu’on va rencontrer soit l’Argentine, soit la Bosnie. Si on tape l’Argentine en huitième, ça va être compliqué. Après, en quart, ça serait logiquement l’Allemagne ou la Belgique. Sinon, je vois le Brésil aller au bout. J’ai vu une compo avec les joueurs brésiliens non retenus à la Coupe du monde, laisse tomber… L’équipe A du Brésil est dingue. Mais mon rêve, ça serait un France – Italie en finale. Mais en 98, t’étais un minot. J’avais six ans, je me rappelle de la demie et de la finale, j’étais chez ma grand-mère avec mes sœurs. Depuis, la finale contre le Brésil j’ai dû la regarder dix fois je pense, je la connais par cœur, donc j’ai l’impression d’avoir quand même vécu cette finale. Tu t’intéresses à la politique ? Ouais. J’ai voté au deuxième tour des municipales. Au premier je voulais le faire mais j’ai pas pu. En 2012,

pour la présidentielle, on était chez moi avec la MCBF, devant la télé. C’était important. Sur le coup, j’étais heureux du résultat. Comme je suis né en 92, j’ai pas connu la gauche, enfin, j’étais trop petit. Même Jospin, je comprenais rien. J’avais envie de savoir ce que ça allait faire, et au final on se rend compte que ça change rien. Mais je me sens quand même avec des valeurs de gaucho. Ce sont des valeurs familiales en plus. À des moments, plus jeune, je me suis emballé, j’étais anti-droite. J’étais un peu bête . Tu te vois où dans 10 ans ? Je sais pas… Au Bénin. Humanitaire hardcore. Mais j’ai plutôt envie de bosser au siège d’une ONG. Après niveau famille, j’ai jamais trop eu envie d’avoir des gosses, mais je commence un tout petit peu à me poser la question. Avec le rap, je sais pas trop où me situer. C’est le deuxième truc important. Mais sincèrement, je pense que je n’en ferai plus dans 10 ans. Cette envie de bosser dans l’humanitaire, ça vient d’où ? C’est au lycée, j’avais envie de me lancer là-dedans. L’été dernier, je suis parti au Togo pendant un mois faire un chantier de solidarité internationale. De la maçonnerie. On construisait une salle d’accouchement. On a fait des murs jusque-là tu vois (il mime avec son bras). On avait quatre truelles, quatre pelles. Ça sera fini dans trois ans je pense… C’était une belle expérience, d’ailleurs j’ai écrit une grande partie de l’album Fantasia là-bas. Les profs nous tannaient : « Il faut trouver votre voix ». Mes darons aussi. Du coup, c’est un boulot qui me correspond, c’est ce que j’avais envie de faire. Taffer pour une bonne cause. Si je devais faire un truc de rêve, ça serait dans le rap ou dans la zic, mais c’est hyper compliqué. Donc autant faire un truc cohérent et qui me plaît. T’es croyant ? Non, d’ailleurs avant j’étais super intolérant, antireligion. J’étais con, quoi. Maintenant ça va. Je respecte beaucoup les gens qui sont croyants et je me rends compte que c’est cool d’avoir un truc auquel se rattacher. La culture religieuse, je trouve ça vraiment dingue. C’est l’Histoire qui m’a fait découvrir ça. Toutes les reliques, ça me rend fou. Que la religion transmette des choses pendant des centaines d’années, tous ces trucs un peu mystiques... J’aime bien écrire dessus. Cet aspect de la religion, mental, impalpable, ça me plaît. Ah ouais. Et je kiffe les sectes aussi. (rires) Ce que les gens pensent quand ils sont dans une sectes. Y’a des espèces de ravagés. J’ai vu que les Raëliens avaient ouvert une clinique au Nigéria ou au Burkina pour faire de la chirurgie réparatrice, pour les filles qui se font charcuter les parties… Bon, voilà, moi je n’enverrai pas ma fille dans une clinique Raëlienne. Ça part loin leur truc. Après, je vais pas te dire les mêmes conneries qu’un type comme Roi Heenok qui respecte à mort ce genre de pélos hyper dangereux. Sinon, puisqu’on est dans le sujet, Internet c’est mon autre passion. Digital native, je suis né en 1992. J’adore Internet, le côté social, le côté découverte, le partage. Bon, je suis pas sur Twitter parce que j’y comprends rien. Mais je suis trop content d’être né à l’époque d’Internet, d’être né dans Internet. // P.-O.B.

Pour télécharger ou acheter Fantasia : sear-fantasia.com

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musique

optimo Keith McIvor et Jonnie Wilkes ont porté pendant 12 ans la résidence Optimo (Espacio) au Sub Club de Glasgow. Ayant mis un terme à ces soirées mythiques en 2010, le duo continue néanmoins ses tournées et enchaîne les sorties sur le label Optimo Music. Invités à La Vapeur pour la soirée électro du festival MV, les DJs se sont amusés à mixer pendant 2h quantité de styles et de courants musicaux, allant jusqu’à clôturer leur set sur Raining Blood de Slayer. Il est 4h du mat’ lorsque l’interview débute, autour d’un Bourbon-Sprite et d’une clope. par SOPHIE BRIGNOLI, à LA VAPEUR Photos : dr, david moffat

Vous sortez tout juste de scène, comment ça s’est passé ce soir pour vous ? (Keith) On est légèrement en sueur et encore surexcités, c’est le temps que le taux d’adrénaline retombe un peu... On ne sait jamais à quoi s’attendre quand on vient jouer dans un nouveau lieu, et si le public va être réactif. En tout cas, je me suis bien amusé, le public était enthousiaste, l’ambiance plutôt bonne.

plus en plus intense. Et le dernier soir, tous nos amis étaient réunis et beaucoup de personnes dans le public étaient en pleurs. On pleurait aussi, c’était bouleversant. Pourquoi avoir installé la résidence Optimo le dimanche soir ? (Jonnie) On jouait déjà ailleurs les vendredis et samedis soirs, chacun de nôtre côté, mais on se connaissait et on avait fait quelques dates ensemble. Et puis un jour, Keith m’a appelé pour me proposer ce plan au Sub Club, le dimanche. C’est vrai que ce jour est un peu marginal : comme la plupart des clubbers ne vont pas se déplacer un dimanche soir, tu peux espérer toucher un public différent. Donc Keith avait cette idée de jouer ce soir-là des morceaux très différents de notre répertoire habituel. (Keith) Le dimanche, on était libre de jouer ce qu’on voulait mais on ne pensait pas que ça allait attirer tant de monde. Au départ il y avait entre 80 et 200 personnes, ça nous convenait. Et puis les gens ont commencé à se passer le mot. (Jonnie) Le dimanche soir, on pardonne aussi plus facilement les choix du DJ. →

Cela fait maintenant quatre ans que vous avez mis un terme à votre résidence Optimo (Espacio) à Glasgow. Avec le recul, que pensezvous de cette décision ? (Jonnie) Je pense que ça m’a pris un peu plus de temps que Keith de m’adapter. Nous étions en tournée en Australie quand nous l’avons annoncé et les réactions sur Internet étaient hallucinantes, tout le monde partageait sa tristesse. Personnellement, j’ai vraiment eu l’impression que je perdais une partie de moi-même et puis avec le temps j’ai fini par me sentir soulagé que nous l’ayons fait. On a arrêté au bon moment, quand le club était très populaire, c’était une belle manière de mettre un terme à 12 ans de résidence. (Keith) Notre dernière soirée, nous l’avions annoncée six semaines à l’avance, alors à l’approche de la date, c’est devenu quelque chose de

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Votre manière de jouer a-t-elle évolué depuis la fin de cette résidence ? N’avez-vous pas perdu un peu de cette liberté ? (Keith) D’une certaine manière oui, puisqu’on ne peut pas vraiment se permettre de prendre de risques. Quand on a une résidence, on peut passer un truc bizarre un soir et tenter à nouveau l’expérience la semaine suivante. Avec un peu de chance le public va s’habituer et le morceau finira par fonctionner. Je suis quelque part un peu nostalgique de ces soirées. (Jonnie) Il faut se rappeler qu’on est très vite passés d’une centaine de personnes à 500 personnes chaque dimanche soir pendant 10 ans. L’atmosphère était vraiment électrique, c’est aussi tout cet ensemble qui rendait les expérimentations intéressantes. (Keith) On invitait aussi tous les artistes qu’on voulait voir, même les plus fous, ceux dont personne n’avait jamais entendu parler. Alors que maintenant, lorsque nous jouons à Glasgow, on se demande souvent si le public va suivre.

sans compter qu’on était souvent partis mixer ailleurs les vendredis et samedis soirs. Alors en réalité, le mardi on était encore épuisés. Aujourd’hui, j’ai effectivement beaucoup plus de temps libre pour travailler sur d’autres projets. (Jonnie) Je ne vais pas te mentir, c’est vrai qu’on faisait énormément la fête. Presque constamment en fait. (rires) (Keith) Les clubs fermaient à 3h du matin, alors il y avait toujours une after quelque part et on était toujours tentés. (Jonnie) La plupart de nos amis font partie de la communauté artistique de Glasgow, mais certains d’entres eux ont également des jobs pourris auxquels ils s’accrochent. Ceux qui travaillent à Marks & Spencer débarquaient parfois en nous racontant comment la direction avait à nouveau placardé une affiche dans la salle de pause, interdisant aux employés de se rendre aux soirées Optimo ! (Keith) La vie de certains tournait véritablement autour du club, la fin des soirées les a obligés à reprendre une vie plus normale, certains ont même déménagé. (Jonnie) C’était un endroit où tu te sentais comme chez toi, où tu pouvais rencontrer des gens avec qui tu pouvais échanger. (Keith) On a dû louper une dizaine de dimanche en 12 ans, mais je pense que certaines personnes étaient même plus assidues que nous !

Quels sont les artistes invités qui vous ont marqués ? (Keith) En fait, le nom Optimo vient d’un morceau du groupe new yorkais Liquid Liquid. Ils se sont séparés dans les années 80 et ont décidé de jouer à nouveau ensemble en 2002. Alors nous sommes allés les voir aux États-Unis et les avons forcés à venir jouer à Glasgow. Je me souviens encore de cette soirée, c’était incroyable. Ce sont devenus de très bons amis depuis. (Jonnie) Le nom Optimo avait pris racine en quelque sorte dans l’esprit des gens, c’était donc quelque chose de très important pour nous tous, comme une sorte de communauté réunie autour du nom. Ça se ressentait quand ils jouaient, c’était vraiment un moment spécial.

Que se passe-t-il maintenant à Glasgow ? Les soirées ont-elles créé une sorte de dynamique ? (Keith) Il y a eu des tentatives de soirées organisées aussi le dimanche, mais ça n’a jamais fonctionné. Et puis nous, on ne voulait plus se produire régulièrement à Glasgow, jusqu’à ce que nos amis commencent à se plaindre d’être obligés d’aller à Londres pour nous voir jouer. Alors après avoir passés deux ans loin de la ville, nous avons décidé de revenir jouer le vendredi, une fois tous les deux mois, au Sub Club. On se produit aussi sur quelques autres événements un peu exceptionnels, comme cette soirée où Todd Terje jouait en live. →

Avez-vous plus de temps désormais pour faire autre chose ? (Keith) Optimo est un projet qui nous prenait énormément de temps. En jouant les dimanches, on passait nos lundis à récupérer, 56


optimo

« Ceux qui travaillent à Marks & Spencer débarquaient parfois en nous racontant comment la direction avait à nouveau placardé une affiche dans la salle de pause, interdisant aux employés de se rendre aux soirées Optimo »

C’est marrant que tu évoques Todd Terje puisque comme vous, il a cette capacité à mixer des styles musicaux très différents... Je crois savoir d’ailleurs que tu es très fan du compositeur français de jazz Henri Texier ? (Keith) Oui, absolument ! Je suis même rentré en contact avec son management pour refaire presser un de ses vinyles, les mecs étaient d’accord mais ils voulaient limiter les ventes à l’Écosse... Et je pense que moins de 50 personnes auraient été intéressés par l’achat du disque, donc on ne l’a jamais fait.

On travaille également sur une nouvelle sorte de mix live pour Boiler Room. Ils veulent continuer à diffuser en streaming les mixes mais avec une sorte d’intéraction avec l’artiste qui parlerait de sa sélection. Par contre il n’y aurait plus de public. L’idée serait de faire ça une fois par mois, à chaque fois dans un nouveau lieu à Glasgow. Les remixes nous prennent aussi pas mal de temps, sans compter les dates un peu partout. Vous ne prenez jamais de vacances ? (Keith) Pas vraiment. (Jonnie) On travaille très dur parce qu’on aime notre métier, c’est une chance de pouvoir vivre de la musique. On voyage aussi beaucoup, même si on n’a pas le temps de visiter réellement. (Keith) C’est vrai que maintenant, quand je pars en voyage, j’ai l’impression de travailler et c’est crevant physiquement, mais c’est notre passion. Je pourrais le faire gratuitement. (Jonnie) On est aussi conscients du fait que rien n’est jamais acquis, donc on apprécie ce qu’on a.

J’ai lu des anecdotes incroyables à votre sujet, notamment celle post-11 septembre, où une personne vous a littéralement agressés sur scène. (Keith) La semaine du 11 septembre, je voulais jouer quelque chose de spécial pour marquer le coup. J’avais donc fait ce collage de Jimmy Hendrix qui chante l’hymne national américain à Woodstock sur ce morceau de Laurie Anderson O Superman, dans lequel il y a ces paroles : « Here comes the plane » (l’avion arrive). Je l’avais utilisé pour faire une boucle. Je n’essayais pas vraiment de dire quelque chose, mais ça a plombé l’ambiance dans le club et un mec s’est mis en colère en pensant que je me moquais de tout ça. Il a sauté dans la cabine et à commencer à me frapper. En plus il était Écossais, un type bizarre, visiblement très saoul, et sans doute aussi très affecté par les événements.

Lequel d’entre vous a eu l’idée de finir le set ce soir par Eurythmics puis Raining Blood de Slayer ? (Keith) Eurythmics, je ne sais plus comment ça m’est venu, mais j’ai souvent l’habitude de finir par Slayer. J’en ai fait un edit d’une minute, personne ne remarque jamais d’ailleurs que c’est si court. En fait, je suis persuadé que même si les gens se sont bien amusés, d’ici quelques semaines, ils auront oublié le contenu du set. Alors que si tu finis par un Slayer... (Jonnie) C’est drôle parce que tu avais arrêté de faire ça pendant quelques années. (rires) (Keith) Ce qui est marrant, c’est la réaction du public à ce momentlà, surtout que la plupart des gens le connaissent. Je ne suis même pas vraiment fan du groupe mais il y a une énergie folle dans ce morceau. (Jonnie) Je suis d’accord, et c’est quelque chose qui manque au hard rock actuel. La structure très changeante entre la rythmique et les guitares, c’est une chose à laquelle les gens sont sensibles. C’est d’ailleurs une ruse très utilisée en musique électronique. (Keith) Il y avait des gens très bien mis ce soir, qui se sont laissés prendre au jeu sur ce morceau !

Il t’arrive aussi de t’engager politiquement en musique, je pense aux compilations sorties ces dernières années sur le label Autonomous Africa ? (Keith) Oui, j’ai quelques petits labels comme ça. Sur Autonomous Africa, on sort une compilation par an dont les profits reviennent à un orphelinat en Afrique. Mais avec le vinyle, il y a aussi un livret qui parle de l’ingérence des pays occidentaux en Afrique, de la manière dont ils sont contraints par des politiques étrangères mais également largement endettés. Et comment une plus grande indépendance pourrait leur être bénéfique. Vous travaillez sur d’autres projets ? Un nouveau mix ? (Keith) Je ne sais pas si on va ressortir un mix sur CD, j’ai l’impression que cette mode est passée. On en a réalisé un en janvier pour un label japonais mais je pense qu’il faut se tourner maintenant vers les mixes en ligne. (Jonnie) On a pris pas mal de temps l’année dernière pour sortir le projet Dark was the night où nous avions compilé uniquement des morceaux d’électro très sombres, on souhaitait montrer un autre pan de notre répertoire. Et puis il a fallu faire quelques concessions vis-à-vis du label (Endless fight) qui au final, n’a pas vraiment défendu le disque à sa sortie. C’était très décevant. (Keith) C’est très frustrant de passer autant de temps sur un projet pour si peu de résultats. Mais nous avons également depuis peu une émission mensuelle sur Rinse FM à Londres dans laquelle nous sommes totalement libres de sélectionner ce qui nous plaît.

Quel est le dernier artiste qui a retenu votre attention ? (Jonnie) Keith m’a acheté le vinyle de William Onyebor sorti sur Luaka Bop pour mon anniversaire, j’aime beaucoup ce disque. (Keith) J’ai envie de défendre The Twins, le projet solo de Julienne Dessagne (la moitié de Saschienne, NDLR) qui jouait avant nous ce soir. On a sorti un de ses EP sur notre label mais elle travaille maintenant sur un album. Elle a beaucoup de talent, un style plutôt unique. Nous l’avions rencontrée à Glasgow il y a des années, au Sub Club, alors qu’elle ne s’intéressait encore pas du tout à la production. Tu devrais aller écouter ça. // S.B. 57






récit

éric carrière, le football et le vin par FABRICE MAGNIEZ PHOTOs : ALEXANDRE CLAASS

Propos. Dans le monde du football comme dans le monde du vin, on trouve une morale fondée sur l’effort collectif. Une sueur qui soude. Et l’horizon de cette morale est la joie de faire et de vivre ensemble. Des aventures diverses m’ont amené à interroger cette joie de vivre qui toujours les colora admirablement. La rencontre d’Eric Carrière me donne l’occasion d’en approfondir ici les ressorts. Notre entretien est contenu dans le modeste texte suivant, fait de points et contrepoints, de digressions, dérapages et entrelacs d’idées minérales et végétales. Mythologie I. Le monde est un rectangle dans lequel nous nous exprimons, nous renvoyant des balles d’amour et de vie.Il y a quelques années, nous batifolions sur des terrains enherbés et défoncés. Pat, Dav, Dub, Touf, Minos, Blondin, Vince, Tieum, etc. Nous jouions au football en cinq contre cinq, en sept contre sept, parfois en onze contre onze. Parfois encore en cinq contre six etc. La joie forçait nos déplacements, sans tactique, sans mot d’ordre, et nous suions pour la gloire. Nos cœurs diffusaient une joie confucéenne. Le monde était un rectangle, composé de trois éléments : le ballon, l’herbe et le beau geste. Le monde était un rectangle, jusque dans son horizon : la cage. Rectangle encore, les angles droits faisant écho à la sphère magique. Nous ne nous rendions pas compte à quel point notre engagement sollicitait des catégories philosophiques. La nécessité et la contingence, la raison et l’instinct, etc. Mais si le monde est un rectangle, on peut aussi bien y jouer au football qu’y planter de la vigne. Football et vin. Les deux passions d’Eric Carrière, qui nous reçu dans l’antre d’un de ses restaurants : le Bistrot des Halles à Dijon. Histoire. Le parcours professionnel d’Eric se confond avec la découverte de régions viticoles. Venu de Bordeaux, il passe pro à 22 ans au FC Nantes, le pays du Muscadet, puis découvre les Côtes Rôties et le Condrieu à Lyon, enfin les vins de Bourgogne à l’automne de sa carrière, au DFCO de Dijon. Mais le rapport qu’Eric entretient avec le monde du vin est aussi entrepreneurial. En effet, alors qu’il évolue à l’OL, Éric rencontre Stéphane Ogier, viticulteur à Ampuis, et s’associe à lui afin de créer des vins fins en Côte Rôtie et Condrieu. Premier saut. Le second viendra un peu plus tard, lorsqu’il s’installe en Bourgogne, où

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eric carrière

« Au foot, quand je jouais, j’étais dans l’analyse, je regardais autour de moi ce qu’il se passait, et j’analysais ce qu’il fallait faire. Avec l’âge, j’ai appris à ne pas faire que dans le raisonné »

une attention portée à la matière première. L’important pour le consommateur est de se repérer sur la qualité des vins. Les appellations ne sont pas toujours synonymes de qualité. Preuve. Dans ses établissements et dans sa cave, Éric propose des vins dont la valeur ne provient pas de l’appellation qui supporterait une qualité fantasmée, mais de l’excellence du travail des vignerons, qui proposent une identité singulière à leur production.

il crée les caves Carrière, une activité de négoce de grands vins rares de France. Recherche de l’excellence, toujours, issue d’une grande patience à prétendre accéder à des allocations dans les domaines les plus fameux (domaine Hubert Lignier, Méo-Camuzet, JeanYves Bizot, Sauzet, etc.). Par la suite il s’associera à de très beaux chefs afin de racheter le Bistrot des Halles et la Taverne, devenue depuis le Davn’Co. Cette histoire est celle d’un homme que guide le bon sens, un quarantenaire patient et rigoureux, entrepreneur et rationnel. La raison est d’ailleurs le premier point que nous abordons.

Logique et tactique dans le football. La tactique, c’est le placement des joueurs sur le terrain, l’occupation des espaces par une équipe que ce soit en phase offensive ou défensive, ou encore l’attribution d’un rôle précis à chaque joueur selon son talent. Elle sert également à fédérer les joueurs autour d’un projet de jeu. Les schémas tactiques sont travaillés à l’entrainement et évoluent au fil du temps et des matches. Il est donc indispensable que l’entraineur prévoit dans son programme des ateliers tactiques pour aboutir à la parfaite cohésion du groupe pendant les rencontres. Nous voyons ainsi que la tactique dans le football est très proche du management entrepreneurial. Si le placement des joueurs fait la tactique, ce placement est déterminé par leur talent, ainsi dans une entreprise, ainsi dans un domaine viticole. Avec un bémol cependant. Le vigneron, s’il s’aguerrit à la taille et à la vinification avec le temps (juste compréhension des sols, faire le geste juste etc.), est un homme de synthèse. Il doit savoir aussi bien le travail de la vigne que de la cave, mais aussi savoir vendre ses vins, etc. Quels postes au football possèdent à ce point ce devoir de polyvalence ? Nous pouvons penser au poste du libéro ou de milieu de terrain. Éric Carrière fait partie de ces joueurs qui tout en jouant de l’avant se mêlaient aussi de récupération, attaquer et défendre, polyvalence et synthèse.

Raison et instinct. Il faut vous dire qu’Éric aime les mathématiques, qu’il étudie jusqu’à son entrée au FC Nantes. « Mon rapport au monde est dans la raison » me dit-il. Éric traduira cette appétence sur le terrain : « Au foot, quand je jouais, j’étais dans l’analyse, je regardais autour de moi ce qu’il se passait, et j’analysais ce qu’il fallait faire, avec l’âge j’ai appris à ne pas faire que dans le raisonné. » Raison et instinct. Deux catégories que nous associons facilement lors de disputes vulgaires, sur le zinc parfait des bars où nous avons nos habitudes, deux catégories dont la poursuite de notre entretien révèlera d’autre enjeux. Il est en effet vite question de la nécessité et de la contingence, notions dont nous convenons naturellement qu’elles nourrissent à la fois le football et le monde du vin.

Du dribbling game au passing game - de la tactique à la morale. Jean-Claude Michéa* rappelle que le passage du football aristocratique (1860-1880) au football ouvrier et populaire coïncide avec celui du dribbling game au passing game. L’idéal aristocratique de la prouesse individuelle fait place au jeu collectif, l’art de la passe, savoir donner le ballon à un partenaire. Ce football sera théorisé puis appliqué avec le plus grand succès par la Wunderteam autrichienne des années 30, la Hongrie de 1956, jusqu’au Barça et au Bayern München de Pep Guardiola. Éric Carrière se place dans cette histoire : « Je ne suis pas un artiste, j’ai toujours pris beaucoup plus de plaisir à construire une action collective qu’une action individuelle. » Travailler ensemble à un horizon commun ne serait donc pas faire œuvre d’art. C’est la différence entre Maradona et Messi. Quand le premier dribblait plusieurs joueurs pour aller au but, le second joue avec, s’appuie sur ses amis. Le premier était un artiste. Le second est un ouvrier. Deux conceptions du jeu, comme deux rapports au monde. D’un côté un jeu libéral (gagner 1 à 0 comme l’équipe de France, comme Mourinho), de l’autre le football comme la religion laïque du prolétariat, une activité qui rassemble les hommes et transmet des valeurs désintéressées, et jouer avec la volonté de marquer plus de buts que l’adversaire (Barcelona, München, Arsenal, etc.). Un mot aussi pour pointer ce fait curieux que nous identifions un club de football et son style à une ville. →

Nécessité et contingence. Le football comme le vin nécessitent un engagement total du corps. Nous sommes en décembre. Comme chaque semaine, le mardi soir est réservé à un entraînement soutenu avec tes amis, tes potos, ceux qui t’aiment dans la ville grise, et ceux que tu aimes un peu, en retour. Nous sommes en décembre, il est 18 heures et il fait 5 degrés Celsius. Autant dire qu’on se les gèle ! Hé bien tes copains et toi allez dribbler, sprinter, abdominer et suer sur une pelouse synthétique aussi dure et froide qu’une œuvre d’art de FRAC. Et c’est ça l’engagement, faire son devoir, comme aller tailler la vigne l’hiver, malgré la fatigue, le climat, malgré la contingence. Cependant, si cette fatigue, ce climat sont des variables à prendre en compte, la tactique (ou division du travail) peut palier ces difficultés. Il en est de même dans le monde du vin où l’on liera une logique œnologique à une logique commerciale. Thèse. La segmentation des vins ne repose plus sur le modèle traditionnel, c’est-à-dire le modèle des appellations et des terroirs, mais plutôt sur une segmentation de qualité. Effet. Cette méthode de classification des vins repose sur

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récit

Il est un terme commun au milieu du football et du vin : vendanger. Mais quand l’un (le vigneron) l’apprécie comme une étape merveilleuse, l’autre (le footballeur) le déprécie en tant qu’un acte inepte et perdu.

Nous retrouvons cette identification dans le vin. Qu’on pense à tel village vigneron (Morey-Saint- Denis ou Bolgheri, Calce ou Rüdesheim), nous l’associons volontiers à tel cépage, telle méthode de conduite de la vigne, de vinification. Identité du style. Fantasme. Identité forgée à partir d’une factorisation présomptueuse. Illusion. La contingence se glisse alors toujours dans un temps et un espace inattendus. Élément de surprise qui nous émeut. Désillusion. Ton joueur préféré se blesse à la 34ieme minute, ton Jérôme Leroy magnifique dans son raid solitaire, victime d’un tacle assassin de qui tu veux, d’un méchant d’un de Jong d’un Tøfting. Désillusion. Comme la grêle qui s’abat fin juillet sur tes vignes qui annonçaient enfin une belle récolte. Tu penses alors au destin, à la Baba Yaga qui t’a jeté un sort mauvais, jusqu’à ce que tu relèves la tête et fasses contre mauvaise fortune bon cœur, comme toujours.

d’enlever. Le joueur qui vendange est celui qui anéantit le travail de l’équipe. Nous pouvons surprendre chaque semaine des attaquants vendanger des occasions construites par des milieux de terrain comme Éric. La rage nous prend alors et nous les insultons. Mythologie II. Le monde est un rectangle au sein duquel nous nous exprimons, saison après saison, dans la première froidure des matins blancs de novembre, comme dans la lumière nouvelle d’un printemps qui n’a pas tardé. Il y a quelques années, nous taillions, attachions, plions, cueillions des sarments, des raisins dans des vignes labourées, enherbées. Manu, etc. La peine freinait nos déplacements, sans tactique ni mot d’ordre, et nous suons encore afin de produire de grands vins, avec Laurent, Caroline, Benoit et Sébastien, à Morey-Saint-Denis, Savigny-lès-Beaune et Espira de l’Agly. Nos corps projettent une joie dionysiaque.

Partager. Réunir. Et communier. Les buts que nous nous assignons peuvent aussi bien moduler notre niveau de performance. D’une manière générale, il est prouvé que plus le but assigné est exigeant, plus la performance est bonne. Nous devons donc nous assigner de gravir et franchir des montagnes afin d’améliorer nos performances, ce qui constitue une morale. Le dépassement de soi pour la réalisation de nos objectifs, quand même ces derniers ne seraient pas atteints, devient alors une force irrépressible pour tous ceux que la joie d’être ensemble unit. Faire effort, labourer, avancer en ligne, construire un horizon commun. Quand je fais remarquer à Éric que l’effort collectif dans le travail ouvrier m’a enseigné l’humilité, Éric pour sa part insiste sur la notion de partage des émotions : « Avec Lens, on a perdu la finale de la coupe de la ligue, tu as les larmes, comme les supporters. » Éric attache une grande importance aux relations avec les autres. Partager. Aimer. Lorsque le DFCO monte en ligue 1 (saison 2011-2012), Éric propose à quelques amis vignerons de s’associer afin de se retrouver autour de leurs passions : le football et le vin, et de se réunir les jours de match, au stade, avec quelques bouteilles. Joie de boire entre amis, joie de partager un moment de convivialité. D’amour. Albert Camus, qui fut gardien de but de l’équipe universitaire d’Alger, écrira en 1959 : « Pour moi je n’ai connu que le sport d’équipe au temps de ma jeunesse, cette sensation puissante d’espoir et de solidarité qui accompagnent les longues journées d’entraînement jusqu’au jour du match victorieux ou perdu. Vraiment, le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies universités. » Reprenant son parti, nous pouvons écrire : tout ce que j’ai appris de la morale, c’est le travail de la vigne qui me l’a appris. Et c’est dire la même chose. Une morale faite de sueur et d’esprit collectif. Une morale ouvrière. Suer soude. Voilà le principe.

synthèse. Chanson du vigneron footballeur. Chacun tenant son poste Chacun tenant son rang Nous effeuillons la défense adverse, Ensemble nous suons (bis) Nous aérons les lignes Taillant à tour de bras Nous créant des espaces, Ensemble nous avançons (bis) Le ballon et le sécateur Sont nos outils merveilleux Avec les pieds, avec les mains Ensemble nous labourons (bis) Et ensemble nous avançons (ter) Épilogue. Le monde était un rectangle, composé de trois éléments : le ballon, l’herbe, le beau geste. Nous étions jeunes, beaux et forts. La joie forçait nos déplacements, sans tactique, sans mot d’ordre, et nous suions pour la gloire. Nos cœurs diffusaient une joie confucéenne. Cette époque est disparue. Évanouie. Mais nous ne sommes pas devenus les fantômes de corps plus âgés, à la psycho-motricité diminuée. À présent, nous envoyons d’autres balles vers d’autres horizons. Et notre joie demeure. // F.M.

Vendanger. Il est un terme commun au milieu du football et du vin : vendanger. Mais quand l’un (le vigneron) l’apprécie comme une étape merveilleuse, l’autre (le footballeur) le déprécie en tant qu’un acte inepte et perdu. Inconséquent. Une vanité. Nulle récolte, nul profit. Ce verbe semble porter en lui son antonyme pour dire la perte d’une chose qui s’en va et ne reviendra plus, même si une frappe fuyante devient inconséquente, quand le raisin cueilli se transformera pour vivre autrement dans un fût puis une bouteille. Il s’agit finalement de la réactivation d’un sens ancien. Le dictionnaire de l’Académie Française proposait en 1792 un sens que le football retiendra et actualisera : vendanger signifie donc dévaster, ruiner. D’autres dictionnaires indiquent l’idée

À boire, à lire, à manger : Jean-Claude Michéa, Le plus beau but était une passe, écrits sur le football, climats, Flammarion, 2014. Albert Camus, Pourquoi je fais du théâtre, in Théâtre, récits, nouvelles, Gallimard, Pléiades, 2005. Le bistrot des Halles, Dijon Le Dav’n’Co, Dijon Domaine Hubert Lignier (Morey-Saint-Denis) Domaine Louis Chenu (Savigny-Lès-Beaune) Domaine Danjou-Banessy (Espira de l’Agly)

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Pourquoi je décide de m’abonner à Sparse : (cochez la bonne réponse) J’ai trop peur qu’il soit épuisé très vite dans les points de distribution habituels. La petite Sharon, que je désire depuis le collège, refuse de me parler si je ne le fais pas. Je préfère dépenser de l’argent, le gratuit c’est tellement vulgaire. Tous les médias sont à la solde du grand complot capitaloilluminati-judéo-maçonnique, sauf Sparse. C’est moins cher que du PQ. C’est le meilleur magazine du monde. Merci d’envoyer un règlement de 15 euros par chèque (libellé à l’ordre de SPARSE MÉDIA) avec vos coordonnées à l’adresse suivante : SPARSE MÉDIA - 12 place Emile Zola - 21000 Dijon Liste des points de diffusion à consulter sur Sparse.fr


mĂŠdias par MARIE TELLO illustration : pierre roussel

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me, myself & i

«Dad, laisse-moi conduire la cad !» Peter & The Electro Kitsch Band (1992)

Ou comment j’ai pris possession de la route. par MIREILLE ILLUSTRATIONs : ESTELLE VONFELDT

A

achetait souvent les compilations de tubes NRJ, Skyrock ou Fun radio) et clairement plus rock (Queen, ACDC) ou musique qui tabasse (Thunderdome vol 8 pour rigoler) chez mon père. Quel plaisir de s’abandonner à la route en chantant à tue-tête Marcia Baïla ou Hell’s Bells ou en fredonnant L’eau à la bouche. En plus, j’ai toujours eu absolument confiance en la conduite des autres. Il suffisait que je prenne place à l’avant ou à l’arrière d’une voiture pour profiter à l’instant du paysage qui défile, de l’air par la vitre grande ouverte où ma chienne passait la tête pour faire claquer ses oreilles au vent, des croissants tout chauds qui font des millions de miettes et des blagues de mon frère qui avait inventé un système pour filer un coup de jus dans l’appuie-tête de devant. J’ai encore le souvenir sur ma peau des sièges qui grattaient les cuisses de la 505 kaki de mes parents, où la meilleure place était constituée par le grand creux que faisait l’accoudoir au milieu de la banquette arrière. J’y ai passé beaucoup de temps assise comme une petite princesse en hauteur, puis ensuite ma petite cousine que nous emmenions souvent en vacances. Sans ceinture de sécurité, bien sûr ! Au moindre coup de frein, l’enfant posé là aurait été le premier projeté à travers le pare-brise. Mais que voulez-vous, dans les années 80 on était free ou inconscient. Et heureusement, ni « Tornade », ni « Ouragan », nos surnoms respectifs de l’époque, n’ont jamais fait de vol plané dans l’habitacle. →

priori, les femmes et les voitures ce n’est pas forcément ce qu’on associerait d’emblée. À part peut-être si vous songez à ces pin-ups aux parechocs rebondis qui se roulent sur le capot des voitures de sport pour réjouir l’œil de grands garçons … Ou encore à votre cousine Josy qui au milieu de ses quatre frères a réussi à faire sa place, à coup de dragon fuchsia, dans l’univers codifié du tunning. Mais ce n’est pas ce dont je souhaite vous parler ici. Non, je veux juste vous montrer à travers ma propre expérience des voitures quel plaisir les femmes peuvent éprouver à conduire alors que souvent on associe cela aux hommes (et bien qu’il existe des personnes des deux sexes qui n’aiment pas… si, si j’en connais). Depuis toujours, j’ai aimé rouler… Mes parents n’ont jamais été avares de kilomètres, qui pour aller acheter un jean à Troyes ou cueillir des mûres à la campagne, qui pour rendre visite à un copain vigneron ou s’acheter une carte-mère à Chalon au début de l’informatique. J’ai donc passé une première partie de vie à me faire transporter à bord de véhicules divers qui la plupart du temps roulaient à vive allure, tout en regardant les écureuils sur le bord de la route ou les devantures de pâtisserie des petits bleds paumés et toujours en écoutant de la musique : Variété pour ma mère (qui

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dad, laisse-moi conduire la cad !

super agréable à conduire, je pouvais griller tout le monde au feu, surtout les petits mecs avec leurs belles caisses, et en plus s’ils n’étaient pas d’accord pour me laisser passer. J’en n’avais rien à foutre car ma carrosserie à moi, elle ne craignait plus rien. Voilà donc pour moi la définition d’une bonne voiture : elle ne paye pas de mine, elle est solide, elle ne tombe pas en panne, elle ne coûte pas cher à la pompe à essence, on se sent comme chez soi dedans et surtout, elle roule vite et freine bien. Les jantes et la clim’, franchement, je m’en fiche. On peut aussi ne jamais la nettoyer, faire monter des animaux dedans, manger à l’intérieur et toujours écouter de la bonne musique à fond (car mon frère n’avait pas eu le courage de démonter le système sono et le chargeur 10 CD dans le coffre. Oui, à une époque c’est ce qui se faisait de mieux). Vous allez donc vous demandez si c’est bien une personne de sexe féminin qui a écrit ces lignes plutôt qu’un garçon de 21 ans qui n’en aurait rien à battre des contraintes, voire qui aurait oublié son cerveau sur la table de nuit. Mais non, j’étais bien une jeune femme, d’allure féminine : rouge à lèvres, cheveux longs, et malgré une conduite plutôt sportive, je n’ai heureusement jamais eu d’accident ni même payé une amende pour excès de vitesse. J’en ai donc fait des kilomètres avec cette voiture et la plupart du temps seule (ce qui ne me dérangeait pas le moins du monde). Je suis partie loin en vacances, j’ai fait des soirées, des mariages, des jours de l’an, des trajets de boulot pour aller embaucher tous les jours sur Besançon à 7h du mat’. Comment alors ne pas ressentir d’allégresse face à une route déserte, aux courbes que l’on connaît par cœur dans la lumière du petit matin. Le grain de la chaussée qui ne fait plus qu’un avec vos pneus et le bonheur d’entrer dans un virage en allant plus vite que de raison… Et bien sûr des courses… Je suis allée chercher mes petites cousines à la sortie de boîtes de nuit comme une grande, j’ai emmené ma petite sœur à l’école et quand mes parents ont déménagé, j’ai pu aller les voir le week-end. Avec toujours le plaisir simple d’entendre le moteur qui démarre quand on tourne la clef dans le neiman, de mettre l’autoradio, de regarder si le chat n’est pas dans le coin et la joie d’appuyer sur cette pédale d’accélérateur qui donne parfois une infime sensation de toutepuissance (dommage que cela abîme l’arrière des chaussures).

J’aimais tellement être transportée que je n’ai pas eu très tôt le désir de conduire moi-même. Mes parents, mes oncles et tantes, puis mes amis et petits copains m’ont dispensée d’en avoir le besoin, et puis j’habitais en ville. Et quand il a fallu sérieusement y songer (car cela devenait vraiment chiant d’être tributaire des autres) j’ai tout de suite eu de l’appréhension. Non pas de conduire, mais de survivre au cours de conduite. Car : 1) je n’aime pas ne pas maîtriser rapidement quelque chose 2) je déteste être observée (vous savez comme quand le prof passait derrière vous pour regarder ce que vous étiez en train d’écrire. Déjà à l’époque, je posais mon stylo et attendais que la personne s’en aille… quitte à lui faire comprendre qu’elle me faisait perdre mon temps). 3) je perds vite mes moyens quand je suis mal à l’aise. Et le meilleur pour la fin 4) j’ai un problème avec l’autorité. Bref je savais avant même de commencer que cela ne serait pas de la tarte pour moi ni pour mes instructeurs. Et puis comme mon frère n’avait rien demandé à mes parents, il fallait que je me le paye aussi toute seule. Donc quand j’ai eu assez d’argent, de temps et de courage je me suis lancée. Mais rassurez-vous, je savais déjà faire des dérapages sur glace (atelier initié par ma mère un soir d’hiver sur le parking du palais des sports) et parfaitement démarrer, passer les vitesses, rétrograder, tourner, m’arrêter sur des routes désertes (grâce à un de mes premiers petits copains qui n’hésitait pas à mettre sa Ford Escort blanche en péril et aussi à m’apprendre des conneries comme la technique du « talon/pointe » : freiner tout en continuant d’accélérer pour ne pas trop perdre de vitesse). Il ne restait donc plus qu’à mettre tout ça en pratique (dans le respect du code de la route et surtout sans danger pour autrui). Je vous fais grâce des tensions et des claquages de portière au milieu des heures de conduite… mais après avoir fatigué tous les formateurs de l’auto-école j’ai finalement eu très facilement mon permis car une chose était sûre, j’adorais conduire. Et en plus une voiture m’attendait déjà : merci brother pour le don et daddy pour l’entretien ! C’est donc à bord d’une somptueuse 205 bordeaux rouillée de 84 (le premier modèle diesel existant !), aux sièges défoncés, affichant déjà 200.000 kilomètres au compteur que j’ai débuté ma carrière de conductrice. Elle avait une allure pourrie mais roulait super bien, surtout quand mon père lui a mis un nouveau moteur (mais, même encore aujourd’hui, il ne veut pas me dire de quel type de voiture car apparemment ce n’était pas réellement tout à fait autorisé… Pour les connaisseurs, il y avait plus de cm3). Tous ceux qui me voyaient arriver à bord de cette caisse décatie se moquaient un peu, voire se demandaient pourquoi mon père me laissait conduire ce tas de tôles. Mais les rares élus qui ont eu l’occasion un jour de la piloter changeaient immédiatement d’avis et comprenaient mon refus de la voir partir à la casse. Bref, elle était

Et aujourd’hui, même si ma vieille 205 n’est plus et que - il faut bien l’avouer - je roule beaucoup moins vite, j’aime toujours autant avoir un volant entre les mains. On peut alors aller où l’on veut, à la vitesse qui nous convient et avoir pour quelques instants l’impression de contrôler son destin. Avec, bien sûr, toutes les responsabilités que cela comporte, mais aussi un immense sentiment de liberté. Et parfois, au milieu de notre lancée, on croise le sourire de quelqu’un au feu, on sent les premiers rayons de soleil du printemps sur son visage ou tout simplement une bonne odeur de lilas ou de barbecue qui sort d’un jardin. // M.

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FOOTBALL - bilan

À L’EST, RIEN DE NOUVEAU

par BAPTISTE BINET illustration : estelle vonfeldt

Sixième. Un classement qui mérite bien un feu d’artifice par les meilleurs tireurs du monde, mais surtout une place qualificative pour une nouvelle saison en Ligue 2. Encore une saison à avoir peur de perdre contre Laval, Créteil ou encore Arles-Avignon. Mais rester en Ligue 2, c’est l’assurance de rester entre amis de la zone grandest. Auxerre, Nancy, Troyes et maintenant Sochaux. En 2014/2015, la Ligue 2 va rimer avec derby.

O

ui, on va encore te parler de foot. Alors que non, Dijon n’est pas monté en première division et ne jouera pas contre Zlatan Ibrahimovic tout en subissant les vannes grasses de Pierre Ménès dans le CFC que tu regardes malgré tout tous les week-ends. Une saison moyenne, avec comme d’hab’ des victoires à domicile dans ton Gaston-Gérard mi-Allianz Arena mi-Roudourou, et des défaites à l’extérieur dans des villes insoupçonnées. Alors pour l’année prochaine, on recommence

L’année prochaine, ça sent pas bon Mais alors, tu te dis : oui, bon, le DFCO, ça fait deux fois que tu nous fais le coup, qu’on te croit prêt à remonter chez les grands, et que tu t’écroules tout proche du podium comme un cycliste français lors d’une étape de montagne au Tour de France. Est-ce que tu vas enfin réussir cette saison, qu’on foute un peu le bordel un soir de mai sur la place de la Rép’ toute neuve ?! Est-ce que tu vas enfin avoir un attaquant qui marque (cumulés, tous les buteurs, Tavarès, Koné et Diony, ont marqué 15 buts cette saison en championnat). Un bon attaquant classique fait ce chiffre à lui tout seul. Ensuite, il faut savoir que pour espérer avoir un meilleur effectif, le club va devoir

la même rengaine : on attend fébrilement le début de saison, en regardant le nom des villes à affronter et en se disant : « Merde, comment on pourrait ne pas finir dans les trois premiers d’un championnat qui va accueillir Luzenac, ville (village ?) qui a le même nombre d’habitants que Norges-la-Ville ! » Mais alors, quoi de réjouissant pour aller au Parc des Sports un vendredi soir d’hiver alors que Sparse te file des places de concerts trop cools ? Pour les derbys, pardi ! Auxerre a réussi à se maintenir à l’ultime journée et le Bourgognico est toujours un événement à vivre quand on aime se moquer du tiers-monde, Nancy risque d’être le PSG de la Ligue 2, les battre pourrait bien être l’exploit de l’année. Il y a aussi Troyes, le sous-Auxerre qui ne vit que par ses magasins d’usine et par sa star Jean-Christophe Le Texier, a.k.a « Tex ». Et enfin, en ces temps de rapprochement Bourgogne – Franche-Comté, Sochaux rejoint Dijon et Auxerre en Ligue 2, avec une équipe en fin de cycle comme une Peugeot 205 après 150.000 kilomètres.

vendre deux joueurs. Les meilleurs, forcément. Paradoxal. Ensuite, il faut rappeler que le meilleur joueur de la saison, Benjamin Lecomte, était seulement en prêt, et qu’il va repartir à Lorient. Généralement, quand c’est ton gardien qui est élu meilleur joueur, c’est qu’il a sauvé les conneries de tes défenseurs, ou alors qu’il a permis à l’équipe de sauver la victoire après que tu aies marqué du mollet sur un corner contré. Autre précision : lorsqu’un club de Ligue 1 descend, il reçoit une prime de deux millions d’euros, et un million d’euros la saison suivante, pour que la chute soit moins rude. Cette année, plus rien. Et puis, il faut le dire, à la fin de la saison prochaine, le stade Gaston-Gérard va encore évoluer et voir sa tribune latérale disparaître et remplacée par une toute neuve en janvier 2017. On ne va quand même pas monter en Ligue 1 avec une tribune en moins, si ? Et si on restait au chaud, à battre les voisins auxerrois, troyens, sochaliens et nancéens plutôt ? Elle ne serait pas là un peu, la Ligue 2 vraie ? Et tant pis pour la Ligue 1. // B.B. 70


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Golden Teacher – Party People/Love EP. C’est en faisant du bénévolat à l’occasion de Glasgow-plage 2011 que les membres du groupe Golden Teacher se sont rencontrés. Las de devoir ramasser les saloperies laissés par les plagistes ingrats, ils se cloîtrent pendant 48h et se tapent l’intégrale de la série Alf. Bouleversés par l’expérience, ils cherchent à sublimer cet état de transe en jouant des reprises peu concluantes de Balavoine. Heureusement, un producteur sadique et mélomane les prend sous son aile, les séquestre 120 jours en les astreignant à un régime Red Bull, champis et Viandox. Résultat : c’est le groupe le plus dansant de ton été 2014.

Ought – More Than Any Other Day. C’est toujours super chaud pour un groupe qui veut se produire partout dans le monde d’avoir un nom affreux à prononcer. Pour info, dites « ôte », même si ça vous vaudra de passer pour un gros snob auprès de vos potes festivaliers qui n’ont pas le souci de l’exactitude. Pendant que vous serez près de la scène à essayer très sérieusement d’apprécier la musique du groupe, son énergie punk brute, la portée politique des textes ainsi que les références qu’il invoque, vos potes seront sur le côté à faire danser des filles mignonnes sur la même musique et ils en auront rien à faire qu’on dise pas « ahoute ». Les nazes.

Sean Nicholas Savage – Bermuda Waterfall. Né avec un troisième bras qu’il se fait retirer à l’âge de 5 ans, Sean vit l’opération comme un drame et demeure persuadé que son âme réside dans son membre désormais fantôme. Il héritera ainsi d’un spleen dingue. Mac Demarco lui apprend à fumer des clopes et partage avec lui la passion du skate ainsi qu’une dentition compliquée. À 20 ans, il se réfugie dans l’écoute intensive de soft-rock, qu’il voit comme une thérapie œcuménique contre le cynisme. Depuis, Sean chante des ballades reggae futuristes sur des thèmes bien trop intimes. Ça sonne comme du Lionel Richie, mais le mec se sape comme un papi frotteur. Nickel.

Mermonte - Audiorama. En 2010, Ghislain Fracapane, usé par la vie et la météo bretonne, décide de rencontrer les « meufs chaudes de sa région » et s’enfonce dans la jungle (la forêt de Paimpont, en fait). Il y fait la connaissance de la tribu des bonnets verts (les Némésis des bonnets rouges) et supervise la création de 120 km de galeries souterraines sur le site de NotreDame-des-Landes. Cette stratégie permet à 30 pélos de tenir en échec les CRS pendant des mois. Estimant la situation stabilisée, Ghislain revient à la société des hommes, compose deux albums étonnamment lumineux et, malin, recrute ses musiciens sur Tinder. Au calme.

Mica Levi – Under the Skin OST. Enfant abandonnée à la naissance, Mica est adoptée par une meute de gentils LOLcats. Ses parents, un chat de gouttière très doux et une chatte abyssin superbe, l’encouragent à faire des études d’art. Ce qui donna plus tard Micachu and the Shapes, groupe anecdotique que la presse qualifiait de « foutraque » avant de l’oublier complètement. À l’automne 2012, Mica se fait arracher ses Google Glass dans la rue. Cet incident assombrit considérablement sa musique : elle sort aujourd’hui la bande originale d’Under the Skin, film le plus flippant de l’année, hésitant entre érotisme alien et dépeçage de bites. J’achète.

Kyo – L’Équilibre. Les raisons qui ont poussé Kyo à faire une pause (et à se reformer) sont nimbées de mystère. On dit que le chanteur aurait été victime d’une vente pyramidale qui l’aurait totalement ruiné. Il aurait ensuite tenté de se refaire en composant les plus poignantes chaînes de mails, mais n’a pu trouver un éditeur. En grave dépression, il ne sort plus de chez lui et se met à lire le Nouveau Détective pour s’informer des affaires courantes. Lors d’un épisode de démence, la voix de Vincent Moscato lui dicte de reformer Kyo, « pour la France ». En mars est donc sorti L’Équilibre. On connait la suite, le FN fait 25%. Bravo.

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crash test

Tu t’es vu quand tu bronzes ?

par jeff buckler illustration : HÉLÈNE VIREY

Descriptif faussement sociologique et nonexhaustif de différents spots de baignade fréquentés par les Dijonnais lors de leurs vacances estivales. Accessibles à pied, à vélo ou en voiture, petit tour de nos stations balnéaires du pauvre. Vacances pour ceux qui restent sous les sunlights du 2-1. Prends ça la Grande-Motte. lac kir

Parce que merci Chanoine. Parce que toi, tu sais bien que l’eau est propre : y’a un pavillon bleu, naïf. Parce que faut bien prendre ses repères pour le feu d’artifice du 14 juillet. Parce que ça te dérange pas cet environnement « ghetto shit » : immeubles, voies ferrées et bagnoles en fond sonore. Parce que le combo coulée verte en vélo puis petite baignade et apéro entre ami(e)s c’est pas dégueu. Parce que, quand même, c’est drôlement bien aménagé maintenant. Tu es : François Rebsamen. Ou Alain Millot.

lac de panthier Parce que « bisous » Francois Patriat. Parce que l’odeur de vase ne te dérange pas, voire tu kiffes. Parce que la digue des culs nus ça fait tourner les têtes. Parce que les petits cabanons bucoliques tout autour font plaisir à ton côté Jean-Pierre Pernault. Parce que l’orange est ta couleur préférée, ça tombe bien tous tes voisins de serviette sont Néerlandais. Tu es : un sujet de la reine Béatrix. Ou un pêcheur.

sablière d’arc-sur-tille

piscine olympique

Parce que t’aimes pas le soleil. Parce que t’aimes surtout faire le papillon ou le dos crawlé. Parce que jamais sans ton bonnet, tes lunettes et tes tongs Speedo. Parce que c’est le seul spot de baignade accessible en tram et à moins de 500 mètres d’un Décath’, d’un cinéma et d’un McDo. Parce que t’es fidèle et que t’as pris un abonnement à l’année, 166€ quand-même. Tu es : Charles Rozoy. Ou un fan de l’UCPA.

Parce que t’es un mec de la plaine de Saône. Parce que t’aimes pas l’ombre. Parce qu’avec tes potes tu peux enchaîner baignade, barbecue, picole et tout laisser en merde quand tu te casses, porc. Parce que t’as presque pied partout. Parce qu’il y a 20 ans cette zone aquatique n’existait pas : en fait si, c’était en face, à la roots, nostalgie. Parce que c’est le seul endroit où tu vas dans la plaine de Saône, dingue. Tu es : un utilisateur d’écran total. Ou un amoureux du mélanome.

réservoir de grosbois

pataugeoire du port du canal

Parce que t’aimes mettre ta vie en danger le long de la D905 en descendant de ta caisse après t’être garé à 2 km. Parce que la paillote à Francis avec les glaces les plus chères de Côte-d’Or. Parce qu’après ton premier saut de la digue tu t’es pris pour un plongeur d’Acapulco. Parce que la plage du cimetière. Parce que toi, tu connais, t’es jamais sur la plage, t’es en face à l’ombre des grands arbres au-dessus des roseaux, peinard sans les mioches. Mais en pente. Tu es : un mec de Sombernon. Ou une meuf de Vieilmoulin.

Parce que tu es agoraphobe. Parce que tu as également pied partout. Parce que tu sais pas nager. Parce que le trop est l’ennemi du mieux. Parce que t’aimes pas le sable. Parce que t’aimes pas l’eau. Parce que tu peux enchaîner tourniquet, toboggan et coup de soleil. Parce que tu peux te baigner avec des zonards buveurs de Maximator autour de toi. Tu es : Kévin, 4 ans. Ou la mère de Kevin.

trou de mâlain (rip)

Parce que t’étais un explorateur. Parce que c’était le spot le plus classe du coin, un havre de paix. Parce que la légende du mec qui s’était noyé, aspiré au fond par un tourbillon, c’était flippant. Parce que les flics, ils pouvaient pas te contrôler, c’était une propriété privée. Parce que c’était ta Thaïlande à toi. Parce que je suis à peu près sur que toi lecteur, t’as pas test’, sinon respect. Tu es : Bear Grylls. Ou Moundir de Koh-Lanta.

piscine du carrousel

Parce que tu sors jamais au grand jamais du centre-ville. Parce que les caissières les moins sympathiques du bassin Dijonnais. Parce qu’avec des maîtres-nageurs, des médiateurs et des vigiles, tu te sens vraiment en sécurité. Parce que le grand bassin de 50 mètres, en vrai, il fait pas 50 mètres et c’est pas négligeable pour ton égo vu le nombre de clopes que tu fumes. Parce que « ouaich gros t’as pas les couilles de plonger du 5 mètres, putain de zamel ». Tu es : un ancien taulard. Ou un futur taulard.

PS : Notre honneur nous a imposé de ne pas vous parler du canal de Bourgogne..

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cartographie

Ces villes qui s’adonnent désormais à la scatophilie Recencement d’une (petite) partie des villes de Côte d’Or où le Front National est arrivé en tête aux élections européennes de mai 2014 (source : ministère de l’Intérieur)

Veuxhaulles-sur-Aube 52,22 % (47 voix)

Laignes

30,85 % (91 voix)

Chatillon-sur-Seine 27,76 % (390 voix)

Villiers-le-Duc

Montbard

45 % (18 voix)

28,44 % (393 voix)

Venarey-les-Laumes

Avot

30,39 % (231 voix)

40,45 % (36 voix)

Til-Châtel

Mussy-la-Fosse 48,65 % (18 voix)

Toutry

42,30 % (140 voix)

Courtivron

34,45 % (82 voix)

Lux

37,66 % (58 voix)

Vitteaux

Marcigny-sous-Thil

28,43 % (89 voix)

47,62 % (10 voix)

Ahuy

25,40 % (465 voix)

Saulieu

Chailly-sur-Armançon 42,20 % (46 voix)

Maligny

52,24 % (35 voix)

Mirebeau-sur-Bèze

25,11 % (118 voix)

Marsannay-la-Côte 31,04 % (244 voix)

Fontaine-Française

44,62 % (29 voix)

35,96 % (41 voix)

29,84 % (165 voix)

Longchamp

31,90 % (111 voix)

Pouilly-en-Auxois 32,91 % (131 voix)

Broin

Bligny-sur-Ouche

45,07 % (64 voix)

35,15 % (84 voix)

Brazey-en-Plaine 42,90 % (317 voix)

Auxonne

34,71 % (613 voix)

Bousselange Ruffey-lès-Beaune 26,72 % (66 voix)

Nolay

32,94 % (140 voix)

74

52,22% (11 voix)



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Châteauneuf

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Thomas Volatier

Crédit photo du château : Pierre Combier

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After Midnight Nick Al Banam Le Mécano de la Générale

Au programme de cet été Du 6 juin au 21 septembre expositions, théâtre, concerts, visites nocturnes en costumes, magie... Château de

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