Sparse 12 (sep. 2015)

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sparse www.sparse.fr • gratuit • à lire dans tes chiottes

sparse | numéro 12 | trimestriel | sep. oct. nov. 2015

guide moderne de la vie | gratuit

enquête mais qu’est-ce qu’on va faire sans la BA 102 ? immersion « Vous connaissez les témoins de Jéhovah ? » rencontre spharell, du creusot à miami enquête chalon dans la dèche ? interview martin rev : « j’ai cru que ‘suicide’ deviendrait plus grand que les Beatles » histoire quand dijon avait sa rivière scandale qui porte encore le bouc ? + bagarre, le groupe coup de poing la semaine detox fakir chapet hill baptiste reynet le dijon bashing théâtre group’ mots fléchés


TANGO SWING et BRETELLES

03 >11 OCTOBRE 15

MONTCEAU

GRAND CORPS MALADE LUCE HINDI ZAHRA BEN MAZUE JOSEPH D’ANVERS COMPAGNIE DES QUIDAMS

Bernard Morel

MUSICABRASS


édito. Salut c’est Sparse, À l’heure où tout s’accélère, où Daech sème le chaos, où Kendji Girac vend des milliers d’albums, où des mecs tirent sur d’autres dans le Thalys, où François Rebsamen interdit La Gazette de concert de rentrée, où les patrons du CAC 40 se goinfrent comme des porcs tout en licenciant sans vergogne, où le FC Sochaux Montbéliard végète en Ligue 2, où tu peux sentir que le sens de ta vie se dérobe sous tes pieds. Quand tu n’as plus d’autre choix que d’aller tout faire péter pour stopper la dégringolade de ce monde agressif qui t’entoure - ce qui en soit est paradoxal, tu me l’accordes. Que reste-t-il pour te redonner espoir en tes contemporains ? Pour t’empêcher de faire ce que l’honnêteté m’oblige à appeler « une belle connerie » ? Solution 1 : La drogue. C’est une solution, oui. Tu peux en prendre, même des trucs légaux comme les médocs ou la télé, pour t’endormir un peu si la lucidité te fait peur. Solution 2 : Les théories du complot sur les réseaux sociaux. C’est pratique, y’a pas à réflechir, et au moins tu sauras la faute à qui c’est, tout ce bordel ! Le Mossad ou l’immigration, voire l’Union européenne et l’UMPS. Solution 3 : Faire les mots fléchés de Sparse, ils sont page 79. Ils t’aideront à garder l’esprit alerte face à l’adversité. Ils te rendront plus sexy, plus attirant, ils t’aideront à comprendre pourquoi certains s’obstinent à croire que la croissance, c’est comme l’oxygène, on en a besoin. Sinon on crève. Et ils pourront peut-être même réparer ta bagnole. Et si tu t’en tamponnes de tout ça et que tu as choisi la solution n°1, au moins ça va te faire patienter pendant la redescente. T’as les cartes en main, c’est toi qui décides. Sparse, le magazine qui sauve.

- Chablis Winston

« Besançon ou Dijon ? J’m’en bats les couilles, je viens de Dole » Louis Pasteur


sommaire

ours Ce magazine est édité par Sparse Média. Siret : 750 725 806 00012 - APE : 9499Z www.sparse.fr - contact@sparse.fr Directeur de publication Pierre-Olivier Bobo rédacteur en chef Chablis Winston (Antoine Gauthier) Contributeurs Aline Bonnfam, Aurélien Moulinet, Aurore Schaferlee, Chablis Winston, Chloé Cloche, Jeff Buckler, Kenza Naaimi, Léa Singe, Lilian Elbé, Loic Baruteu, Louise Vayssié, Martial Ratel, Mr. Choubi, Nicdasse Croasky, Pierre Roussel, Simon Galley, Sophie Brignoli, Tonton Stéph, Valentin Euvrard, James Granville forever Direction artistique internetinternet

PhotographIes Vincent Arbelet, Alexandre Claass, Louise Vayssié Illustrations David Fangaia, Hélène ‘Microbe’ Virey, Mr. Choubi, Pierre Roussel, Estelle Vonfeldt, Newsline DÉVELOPPEMENT COMMERCIAL Romain Calange, Christophe Tassan COMITÉ DE RELECTURE Aurore Schaferlee, Chantal Masson, Coline Roos, Léa Signe, Marion Godey, Martin Caye, Ricardo de la Vella Couverture Basket sur sable, terrain du Carroussel, Dijon Photo : Alexandre Claass Imprimeur Chevillon Sens Dépôt légal : à la sortie du magazine ISSN : 2260-7617 La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, cellesci n’engagent que leurs auteurs. Tous droits réservés © Sparse 2014-2015 Merci à nos partenaires ainsi qu’à toutes celles et ceux qui ont permis la réalisation de ce numéro. Prochain numéro : décembre 2015

amuse-bouche 3. édito 6. guestlist 8. CONTRIBUTEURS 9. the pulitzer sessions 10. courrier des lecteurs 11. SHOPPING 12. RETro immersion 14. chez les témoins de jéhovah, à dijon interview 20. martin rev, légende du groupe suicide enquête 24. que va-t-on faire sans la ba 102 ? typologie le dijon-bashing

30.

rencontre spharell : du creusot à miami

34.

portrait 40. le collectif fakir et l’utopie urbaine interview 44. bagarre, le groupe coup de poing la page mode into the wild

48.

enquête chalon dans la dèche ?

50.

diaporama 54. les terrains de jeux welcome to my hood quand dijon avait une rivière

58.

roman-photo 62. uber murdoch la cuisine de sparse 68. cantine à haut risque 70. les restos de poissons guide la semaine detox

72.

street wesh side story

76.

tribune 78. sauvez une place, coupez un arbre Dessert 79. mots fléchés 80. SÉLECTION MUSICALE 81. CRASH-TEST 82. CARTOGRAPHIE



guestlist PAR la rédaction photos : DR, Chloë Lebert

baptiste reynet Gardien de but du Dijon Football Côte-d’Or

C’est quoi du Vin Jaune ? Ils ont craqué, dans le Jura, non ? La famille de ma copine est de là-bas donc je ne ferai aucun commentaire négatif sur le VinJaune. C’est un vrai régal ! C’était quoi ton spot secret pour supporter la canicule cet été ? Rester enfermé chez moi dans le noir. Le CHU va s’appeler hôpital « François Mitterrand ». Si tu devais lui donner un autre nom, tu proposerais quoi ? « Alain Millot », pour lui rendre hommage après sa triste disparition. Le truc le plus ridicule à Dijon, c’est quoi ? L’espèce de tronc d’arbre devant les Galeries. Faut qu’on m’explique car j’ai toujours pas compris le principe. À part le foot, t’aimes bien pratiquer d’autres sports ? Tennis, rugby. Il est deux heures du mat’, tes amis hésitent entre le Chat Noir et un bar karaoké. Il est temps d’aller se coucher, non ? Un petit karaoké entre copains, c’est marrant et puis au dodo après. Soyons sérieux, le meilleur fromage de la nouvelle grande région demeure l’Epoisses, hein ? Non, c’est le Comté, désolé. Qui doit-on suivre d’urgence sur Twitter selon toi ? Pierre Bouby d’Auxerre, il est très drôle. T’as traîné où en vacances cet été ? Île Maurice avec ma copine. T’es plutôt bagnole, tram ou vélo ? Roller.

patrice jouffroy, dit jouf Directeur artistique du Théâtre Group’ (Lons-le-Saunier)

chapet hill Studio publicitaire basé à Dijon

Prends la défense de Lons-le-Saunier, stp. Au moins à Lons, on sait où on est : nulle part !

Le concert des prochains mois que t’attends comme un fou. Nina Hagen, au Cèdre.

Un mot pour décrire la rentrée ? Un des meilleurs moments de l’année : les blaireaux sont moins nombreux sur l’autoroute.

Y’a quoi dans le nord de la Bourgogne, à part le Vase de Vix, la retraite ultime de Vercingétorix et de rutilantes Citroën BX ? Tarperon, un joli petit manoir qui appartient à la famille du corsaire Jean-Bart, transformé aujourd’hui en guesthouse. On y a tourné le spot pour la Nuit des chercheurs l’an dernier.

Tu as envie, là tout de suite, de dire du mal d’une ville de Bourgogne-FrancheComté. Tu t’acharnerais sur laquelle, gratuitement ? Lons-le-Saunier ! C’est comme un membre de la famille : au bout d’un moment on le déteste. Il y a bien des pharmacies de garde. Qu’est-ce qui devrait se relayer pour être ouvert chaque nuit en cas de détresse, également ? L’Amuserie ! Ça c’est un lieu indispensable à Lons ! Cela devrait être quoi, la première qualité de Miss Bourgogne-Franche-Comté ? Être aussi subtile et sexy qu’un Époisses au Vin Jaune, mais avec de jolis nichons. Du coup, notre nouvelle super-région s’étend de Belfort à Decize, jusqu’à Sens. C’est quoi le rapport entre tous ces patelins invivables ? Vous êtes des petits trous d’balle chez Sparse ! En fait la vraie vie est là, dans tous ces patelins invivables… y’a que des héros qui y vivent ! Sérieusement, qu’est-ce qui différencie un habitant des Rousses et un Suisse ? Ah ah, pas le même accent qui traîne, pas la même mentalité proprette… Mais aussi hélas souvent, pas la même ouverture sur ce qui est culturel. Tu les aimes, les Dijonnais ? J’aime Bernard Daisey et Martin Petitguyot !

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Allez, tu nous balances la meilleure pizzeria de Dijon à tes yeux, là comme ça. In Teglia, sans hésiter. Et la Vérona, place du Théâtre, quand j’ai moins de ronds. Un ange parti trop tôt. Voilà ce qui nous vient légitimement à l’esprit concernant le décès de Charles Pasqua. Un petit mot pour lui ? Où t’as planqué le Grisbi, Charles ? Divia veut mettre une nouvelle voix pour annoncer les arrêts dans son tram. T’aimerais entendre qui ? Charles Pasqua. Conseille-nous un p’tit resto ou un bar pour se poser tranquillement entre potes ? De mai à septembre : la terrasse du Val d’Or, avenue Victor Hugo. Super Bock, pizzas cuites au four et matchs de coupe. Ton quartier préféré de Dijon ? Chapet Hill. Parce que l’histoire commence ici : les 1ères bagarres dans le bac à sable, les 1ers râteaux et les 1ères prods. Rue Piron et Charrue vont devenir piétonnes à Dijon. Tu en verrais d’autres ? Rue Auguste Comte pour boire ma bière peinard à l’Alchimia. Après, calmos sur le tout piéton.


Teaser de la saison 15/16

SCÈNE DE MUSIQUES ACTUELLES DE BESANÇON

DES MUSCLES

THÉÂTRE 25 > 27 NOVEMBRE 2015

Les Fourberies de Scapin Molière / Laurent Brethome

DE LA PÊCHE LA RODIA & LA FRICHE ARTISTIQUE

24>26 SEPTEMBRE BESANÇON #DETONATION2015

MUSIQUE 4 DÉCEMBRE 2015

Dakhabrakha

JEUDI 24 SEPTEMBRE

BRODINSKI HINDI ZAHRA N’TO JEANNE

ADDED

DE LA TRAGI-COMÉDIE

COTTON CLAW

FKJ ROMARE DUDY ROUDIX TOMULIC TWO ME

VENDREDI 25 SEPTEMBRE

SELAH

SUE

DIRTYPHONICS

HYPHEN HYPHEN CLARA YUCATAN

GOMAD & MONSTER FEETWAN SIGNS DJ NELSON BRAVO BRIAN DJ SIDEBURNS DJ COUFCOUF

THÉÂTRE 15 ET 16 DÉCEMBRE 2015 Les Époux D. Lescot / A.-L. Liégeois

DES EXPÉDITIONS

SAMEDI 26 SEPTEMBRE

GZAGENIUS BUSYPBOSTON BUN CLAUDE SCRATCH BANDITS LE RETOUR DU BOOGIE VS MIGHTY WORMS DJS

+ MAPPING CONFÉRENCE SURPRISE ATELIER SCRATCH JOURNAL DU FESTIVAL ÉMISSIONS RADIO FLASH PÉTANQUE STUDIOMATON SUPERPOSTERS ATELIER CHANSON FOODTRUCKS SORTIE DE CHANTIER ATELIER SÉRIGRAPHIE DÉAMBULATION EN SKATE CONCERTS EN TERRASSE RENCONTRES + ... INFORMATIONS ET RÉSERVATIONS WWW.LARODIA.COM/DETONATION LA RODIA 4 AV. DE CHARDONNET - BESANÇON 03 81 87 86 00

design graphique

CREW

www.smallstudio.fr / / mise en page

wu tang clan

THÉÂTRE 9 FÉVRIER 2016 Fugue Samuel Achache ET PLUS SUR WWW.ESPACE-DES-ARTS.COM


contributeurs PAR chablis winston photos : DR

Kenza Naaimi À chaque fois que Sparse a donné son avis sur le rap-jeu, s’en sont suivis menaces, insultes, mollards au visage... On s’est dit qu’avec Kenza, les b-boys haters auraient plus de scrupules à cracher leur fiel. Elle est jeune et sympa. Fait partie d’un gang, est en lien avec des cartels mexicains, a une thèse de philosophie du hip-hop et claque la bise à Olivier Cachin. Alors ? Qu’est-ce qu’il y a ?

Romain Calange Romain a le job le plus périlleux du groupe Sparse Média. Il vend de la pub. Il est donc obligé de justifier les errements de la rédaction devant les clients qui se bousculent pour pouvoir nous donner leur argent. Et il nous demande souvent d’arrêter nos conneries si on veut pouvoir manger et se loger... Le seul pro de la bande, en somme. Chloé Cloche Détox, hype, point mode, Chloé renifle la tendance à 1000 kilomètres. Le retour du mini short en jean, c’est elle. L’imprimé à fleur, c’est elle. La grande vague du jogging à pression dans les 90’s, toujours elle. Elle pourrait faire enfiler un porte-jarretelles à une nonne ou une marinière à un ministre. Le mauvais goût ? WTF ? Ça n’existe pas ma chérie.

Valentin Euvrard Valentin se cherche... Issu de la fameuse génération Y, il n’a plus foi en rien. Il teste. Spiritualité, business, drogue à outrance ou sexe à plusieurs, où sont les réponses ? Souvent déçu, Val nous conte ses désenchantements et rencontre énormément de zinzins. On en profite.

Aurélien Moulinet La plaine de Saône, ce Far West bourguignon... de Gray à Mâcon, cette terre extraordinaire nous questionne et nous fait peur. Aurélien s’est posté au milieu, en vigie. Il observe et nous conte les fabuleuses histoires de la plaine de Saône. Pas con, il a commencé par Chalon. Minimum de risques. Diabolo et sarouel, il s’est équipé pour une ville pas si dans la rue que ça.

Charles Enderlin 35 ans de carrière en tant que correspondant à Jérusalem. Quatre guerres, deux intifadas, Arafat, Rabin, Clinton... Charles avait besoin décompresser. Il arrête avec le service public et tiendra désormais la rubrique sexo/bricolage dans Sparse. Bienvenue Charles.

Pierre-Olivier Bobo Vainqueur du trophée Jacques Dessange en juillet dernier, Pierre-Olivier Bobo trimballe sa mèche dans les plus grands salons du monde, et dort avec un filet pour ne pas se décoiffer. Alors Sparse, franchement, c’est pas sa priorité, là tout de suite.

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courrier des lecteurs

Merci pour toutes vos lettres d’amour ou d’insultes. ÉCRIVEZ-NOUS : CONTACT@SPARSE.FR

« Salut Sparse, Avec la grande région, maintenant il va falloir parler de Vesoul, Oyonnax, Gray et Héricourt dans tes belles pages, non ? Vous y avez des reporters de terrain ? » STÉPHANIE, besançon (25)

« Dites, Sparse, Elle est mignonne, non, Nathalie Koenders ? » JOSÉ, Quetigny (21)

Réponse de la rédaction Ahah, bien sûr que non ! On n’est pas zinzins. On a des ordinateurs qui génèrent des infos sur ces villes automatiquement. Envoyer quelqu’un là-bas, c’est mettre des collègues en danger. Ah et Oyonnax, c’est dans l’Ain, la Plastic Valley. Donc Rhône-Alpes. On n’y va pas. RAB.

Réponse de la rédaction Oui, mais pas que. Parce que si on commence à parler de ça, elle va se mettre en colère. Tu connais les gonzesses, elles n’aiment pas quand on est sexiste et beauf... Elles ne supportent plus rien décidément. Bientôt on ne pourra même plus faire de blagues racistes et homophobes. Pfff... Par contre François Rebsamen, il est beau et bronzé. Et ça, ça ne dérange personne...

« Bonjour les amis, Juste pour renseignement : y’a moyen d’être à la fois ministre, maire d’une ville, président d’une agglo, chevalier du Tastevin, etc ? » françois, DIJON (21)

Réponse de la rédaction Non, on sait que ça fait bien sur le CV, mais il faut démissionner d’au moins un de ces postes. Et encore c’est le minimum, sinon tu vas tout bâcler.

« Salut les violents, Vous pourriez arrêter un peu d’être aussi méchants ? Ça vous étoufferait de dire du bien de temps en temps ? Genre des restos, des boutiques ou des concessionnaires ? #raslebol » GÉRARD, DIJON (21)

« Slt, Vous trouvez pas que David Lanaud du Gray il a trop raison quand même ? Quand il dit qu’il faut que ça bouge à Dijon ! Pis aussi quand il dit que le nom de l’hôpital François Mitterrand c’est n’importe quoi ! » STEEVY, DIjon (21)

« Salut le nord, Pourrais-je connaître le nom de la marque de t-shirt portée par le jeune homme sur la couverture de votre dernier numéro ? merci d’avance » PERRINE, MÂCON (71)

« Bonjour, Je vis à Lons-le-Saunier et j’aimerais savoir si vous allez avoir le cran de venir distribuer votre mag’ du côté de chez nous... » philippe, lons-le-saunier (39)

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Réponse de la rédaction On dit souvent du bien, mais ça se remarque moins. Néanmoins, ferme-là espèce de bien pensant consensuel, c’est bien plus drôle quand on se moque.

Réponse de la rédaction Comment dire Steevy... Et il dit aussi que la guerre, c’est mal. C’est certainement grâce à ces grandes diatribes que François Rebsamen veut lui confier une mission et qu’il sera le prochain maire de la ville. Ou l’adjoint à la « putain de bonne ambiance ».

Réponse de la rédaction Bien sûr, c’est un authentique Winch noir acheté chez Kiabi en 1994 et floqué par les soins de Franck le Tank, notre reporter (vous l’aviez reconnu sur la photo, hein ?), aux couleurs de son groupe de métal favori. Il ne le vend pas. Valeur sentimentale.

Réponse de la rédaction Bien sûr. Dorénavant, on va envoyer nos escadrons de choc dans le 39 aussi. Tu pourras le trouver au « Boeuf sur le toit » et dans les cafés du centre ville.


Nunchaku Bruce Lee (39,99 €) « Devenez vous aussi une légende des arts martiaux ! Particularité : Nunchaku en bois peint en jaune, à l’effigie de Bruce Lee (un portrait sur chaque bâton) ». Une chroniqueuse de Sparse t’a fait perdre toute dignité et toute relation sociale en exhibant et moquant ton accoutrement ? Un vigile de Carrouf’ t’a encore fait ouvrir ton sac ? Les profs de ta fac t’ont encore recalé en licence 1 de LEA ? Fais-leur mordre la poussière avec style, en te procurant ce magnifique nunchaku permettant de défier un à un chaque Dijonnais présomptueux. Et puis, paraît que Bruce Lee arrivait à arrêter les balles avec cet engin. Enfin, celles à blanc. → Armurerie Dijonnaise, 82 rue d’Auxonne, Dijon

Drone T2M DGX-30 Quadrocoptère RTF (429,99 €) Idéal pour survoler une centrale nucléaire avant la fin du monde. → Boulanger, 21 boulevard du Champ aux Métiers, ZAC des Charrières, Quetigny

Peluche Bollkär (7,99 €) T’as quasiment réussi à claquer un dunk la dernière fois quand tes chevilles ont tourné. Reprends ton souffle mon gars, pour briller sur ton playground préféré. Tu sais, celui avec du sable. → Ikea, 1 rue de Cracovie, Dijon

Fontaine à whisky (25 €, très probablement négociable) Si vous aimez les chats en porcelaine, nous ne saurions trop vous recommander de vous rendre dans ce boui-boui au fond de la rue d’Auxonne, où gisent de nombreuses antiquités échouées retrouvées ça et là. Ainsi, avant de se faire tondre en septembre 44 après que les autorités ont découvert sa relation torride avec Günther, mamie possédait des objets tout bonnement indispensables dont elle fut aussi dépouillée. Mate cette fontaine, poto, vu qu’elle s’y connaissait visiblement en tuyauterie, son petit robinet pourra – avec modération – te sustenter d’un 12 ans d’âge. On parle bien d’un whisky, hein, on n’est pas dans l’Yonne. → Broc Pêle-Mêle, 164 bis rue d’Auxonne, Dijon

shopping PAR TONTON STÉPH Ton mag’ te rencarde sur les meilleures affaires dénichées dans le coin

Intérieur AX GTI (150 €) Le Bon Coin, c’est l’assurance des bonnes affaires. Une description succincte peut emporter l’adhésion en quelques intants : « Vend interieur ax gti a nettoyer siege av et ar plus plage ar plus la moquette ». GTI : trois lettres et tant de souvenirs. Le gros kif des assureurs des années 90. Allez, direction le dirty south de ta Bourgogne-Franche Comté, vers Mâcon, pour aller chercher ce superbe intérieur pour ta poubelle Citroën, frérot. → Saint-Jean-Le Priche (Le Bon Coin)

Yogi Tea Detox au citron (à partir de 4,70 €) « L’équilibre entre le feu et l’eau est essentiel selon les principes de l’Ayurvéda. L’infusion Yogi Tea Detox vous aide à équilibrer les vôtres ». Tu comptais pas qu’on aille checker ce que signifie Ayurvéda sur Wiki, tu te démerdes, nous, on n’a pas besoin de Yoga. Detox, c’est avant tout le nom de la plus grande arlésienne jamais infligée aux fans de hip-hop du monde entier. Pas sûr que Dr Dre consomme de la tisane, toutefois, contrairement à mamie. On recommande car on t’a vu passer tout l’été à boire des Maximator au square des Ducs, et que tu ferais aussi bien d’ingérer des plantes autrement que tu ne l’as fait pendant ces vacances. Purge-toi, sérieux. → La Vie Claire, 8 rue Pasteur, Dijon

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Mercredi 8 juillet Une fois le sésame en poche, il est temps de parader. Une lycéenne devient la star de Twitter en postant un magnifique : « PTIN LES GENS ILS RAGENT PCQ JAI ECRIT MENSION AU LIEU DE MENTION NTM FRERE JAI MN BAC MENSION MENTION MENCION C LA MM CA FAI LE MM SON FDP ». No fake.

ce qu’il ne fallait surtout pas rater ces dernières semaines par TONTON STÉPH, CHABLIS WINSTON et pierre-olivier bobo

Vendredi 10 juillet Un type à Calgary accroche une centaine de ballons à sa chaise pour imiter la scène du film Là-haut : le jeune homme a été accusé « d’acte délictueux pouvant mettre en danger la vie d’autrui » et finira sa journée en prison. Féérie, toujours : une retraitée reçoit deux fusils à pompe par La Poste. « Bonjour, vous avez un Collisimo qui vous attend à Grangier ».

Vendredi 26 juin Les Dijonnais ont décidément des vies bien difficiles puisque ce qui les angoisse, en ce beau jour d’été, c’est la découverte du probable nouveau nom de l’hôpital du Bocage : François Mitterrand. Un petit massage de la prostate pour les détendre, peut-être ?

Lundi 13 juillet Les Climats de Bourgogne enfin au patrimoine mondial de l’Unesco. Scènes de liesse chez les propriétaires chinois de GevreyChambertin et ceux beaunois en Porsche Cayenne. Envie de lanceflammes. Voilà qui fait songer à la mésaventure de ce retraité dans l’Ain qui a mis le feu à son pavillon en essayant de désherber au chalumeau.

Samedi 27 juin Le lycée privé Saint-Bénigne fait voter ses élèves pour choisir la sonnerie annonçant la fin des cours. Pharrell Williams tiendrait le bon bout. Et pourquoi pas un p’tit Booba entre chaque heure d’histoire-géo et de maths ? « Et à l’école ils me disaient de lire, m’enseigner que j’étais libre/ va te faire niquer toi et tes livres ».

Mardi 14 juillet Notre bien-aimé Tour de France : Chris Froome éclate tout le monde dans les Pyrénées en Solex. Ça n’est pas du dopage.

Mardi 30 juin Guerre froide et hiver nucléaire, prodrome : la Russie de Vladimir Poutine refuse un visa de sortie pour le groupe de Moscou The Riots, censé se produire aux Tanneries ce soir-là. Range ta vodka dans ton sac, gros.

Dimanche 19 juillet États-Unis : le rappeur 50 Cent se déclare en faillite afin de ne pas payer les 7 millions de dollars d’amende infligés par un tribunal pour avoir dévoilé une sextape sur la meuf de Rick Ross. Rappelons que sa fortune est estimée par Forbes à 155 millions de dollars. Le troll a poussé le vice jusqu’à poster une photo de lui devant une voiture Smart pourrie en titrant : « Les temps sont durs, lol ».

Vendredi 3 juillet Facebook a changé son logo, personne ne s’en est rendu compte. Un jour, il vont nous prendre toutes nos infos persos si ça continue...

Lundi 27 juillet

Samedi 4 juillet

Lu sur la toujours délicieuse page Facebook Spotted Dijon Centre Ville : « À la blonde en fiat 500 grise décapotable sur l’autoroute de plombières tu ma vraiment bluffer a faire la course contre ma moto. Quand tu veux pour prendre ta revanche ^^ ». La Lino fait quelques heureux. Sinon, Warner Bros a récemment annoncé qu’une réplique du véhicule conduit par Mad Max est à gagner. Si tu veux frimer à 30km/h autour de la place de la Rép’...

Dans le Maine, aux États-Unis, un homme fête la Déclaration d’Indépendance en faisant sauter un magnifique feu d’artifice sur sa tête. Et décède sur le coup. « Devon n’était pas le genre de personnes à faire des bêtises. Il était le genre de personnes à faire semblant de faire des bêtises pour faire rire les gens », indique son frère au New York Daily News. Range tes Bisons 5 dans ton sac, gros.

Vendredi 31 juillet

Mardi 7 juillet

Le Retour du roi, c’est pour beaucoup le meilleur épisode du Seigneur des anneaux. Fort de ce constat pourtant discutable, François Rebsamen décide de quitter le ministère du Chômage pour revenir dans sa forteresse. Maire de Dijon, c’est bien aussi. Welcome back, dude.

Résultats du bac. Envie de chialer pour quelques élèves qui vont rester en terminale pendant que leurs potes partiront s’éclater en Erasmus. Guerre des prénoms : bravo au petit « Mahnoosh » qui a décroché la mention assez bien pour son bac L à Beaune ! 12


Lundi 3 août

Lundi 17 août

Une belle journée de merde. Dans une interview donnée au Parisien, David Guetta compare sa musique à celle de Jean-Sébastien Bach. Au Zimbabwe, un chasseur américain, Walter Palmer, est accusé d’avoir buté le lion Cecil, apparemment célèbre et protégé. Il a été dépecé et décapité. Voilà, on est lundi et il est déjà temps de retourner se coucher.

Ce mois d’août est décidément caliente. Pêle-mêle : François Rebsamen veut que David Lanaud du Gray participe à un groupe de travail sur l’attractivité de la ville de Dijon. Un journaliste du BP se fait fumer par l’entraineur de Niort en conférence de presse. Et l’Olympique de Marseille a enfin un nouveau coach : l’ancien madrilène surnommé « Michel ». Merci qui ?

Mercredi 5 août

Mardi 18 août

Une formidable enquête dans L’Yonne Républicaine du jour : « Comment fonctionne les boulangeries d’Auxerre pendant l’été ? » Où l’on apprend notamment que pendant juillet-août, l’activité baisse et que les horaires sont ainsi adaptés. L’été serait donc une période un peu particulière, durant laquelle chacun doit s’adapter ! Smileycoeur-singe qui se cache les yeux.

Un mercredi presque banal. À peine parti de Suède, c’est en Italie que ce bon vieux Snoop se fait interpeller à nouveau, avec plus de 400.000 dollars... planqués dans des taies d’oreiller. Cela ne s’invente pas. Voilà ce qui se passait pendant que toi, tu n’avais rien à te mettre sous la tête au lac de Grosbois.

Mercredi 12 août Marie-Guite Dufay nous annonce que les routes du Comté ont le label « Excellence européenne ». Trois questions se posent à nous : Qui est Marie-Guite Dufay ? Est-ce bien elle qui est censée dérouiller Sauvadet aux régionales ? Le label « Excellence européenne » est-il un souslabel Unesco ? Une sorte de deuxième division de la classe ?

Jeudi 20 août L’ancien champion du monde Claude Makélélé aka « l’anaconda » est annoncé à Dijon pour un match organisé par l’association Dijon Alzheimer et son vice-président tête de gondole - Eric Carrière, afin de récolter des fonds pour lutter contre la maladie. À ses côtés entre autres Robert Pires, Christophe Dugarry, Aimé Jacquet, Grég Coupet, Sonny Anderson et... Jean-Marc Chanelet. Tu te souviens de Jean-Marc Chanelet, bon sang ?

Vendredi 21 août

Jeudi 13 août

Des hackers balancent les noms des utilisateurs du site Ashley Madison (numéro 1 de la relation extraconjugale). Personne de chez Sparse dedans apparemment. Nous, on va draguer en discothèque. Ah et sinon, suite à l’affaire du Thalys, Jean-Hugues Anglade dit n’importe quoi dans Paris Match. Ferme-la Jean-Hugues.

Le maire de Chalonsur-Saône pourra bien supprimer les menus sans porc dans les cantines de la ville. Cela n’indique malheureusement pas que notre rondelet Doudou local sera persona non grata entre les murs de la République, mais que les p’tits Français muslims du coin seront, eux, exclus de l’école de la République.

Dimanche 23 août Annonce de la ville de Noidanslès-Vesoul : concert d’automne avec l’artiste Guy Vigouroux, à 15h le 20 septembre, au kiosque du parc du Breuil, sur le thème « L’amour en chansons » suivi par une partie « Brassens à la carte ». Entrée libre.

Samedi 15 août Jura : on apprend que l’invité de la foire de la mi-septembre à Bletterans sera Louis XIV...Quelqu’un leur dit ?

Dimanche 16 août Porc, à nouveau : une équipe de foot espagnole pourra arborer fièrement une tunique imprimée « jambon » sur les terrains de troisième division cette saison. En Hot Saône, un homme vole une voiture et termine dans un champ à percuter des vaches en bagnole. Une belle journée pour le Grill’n’Cow, en somme.

Samedi 29 août

Quand il ne déjeune pas avec le lobby du tabac, François Sauvadet lance sa campagne pour les régionales. Et il a visiblement de gros problèmes à régler, comme celui de trouver un nom pour notre future grande région. Bourgogne Franche-Comté, il trouve ça pourri, alors il compte ouvrir « un débat et une bourse aux idées sur le nom de notre future grande région, chacun pourra y prendre part ». SUPER ! 13


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immersion par valentin euvrard illustrations : david fangaia PHOTO : annabelle arena

« Aimeriez-vous en savoir un peu plus sur la bible ? » Ils sont partout. Dans ton quartier. Dans ta rue. Dans ta cage d’escalier. Derrière ta porte. Sur ton palier. Tu sais reconnaître les témoins de Jéhovah à leur attitude et à leurs sapes. Tu les flaires à deux kilomètres à la ronde. Pourtant, et même s’ils te semblent familiers, tu refuses systématiquement ce cours biblique gratuit à domicile. Pourquoi ? Parce que tu te moques éperdument de la religion. Et puis, aussi parce qu’avec tout ce qu’on raconte sur les témoins, tu n’as pas franchement envie de les accueillir chez toi. Ça tombe bien, ce sont eux qui accueillaient pendant tout un week-end, au début de l’été, dans le palais des congrès de Dijon.

C

’est l’air pénard et détendu que je me pointe à Congrexpo, en milieu d’aprèsmidi. On me regarde de travers tandis que je termine ma cigarette devant le bâtiment. On ne fume pas quand on est de la famille Jéhovah. Beaucoup de monde quitte le congrès régional des témoins alors que le programme indique à cette heure-là un fantastique discours en 6 parties intitulé « Imitons la façon dont Jésus a utilisé sa puissance ». À l’intérieur, l’immense salle de conférence se vide. Ils sont venus seuls, à deux ou en famille, mais tous sont sur leur 31. On se croirait à un baptême. Je me rencarde auprès de deux témoins derrière un stand, n’y avait-il pas un discours de prévu à cette heure ? « Si, mais face à la canicule, on a tout décalé en avance ». Le TDJ, comme on le surnomme, craint la chaleur. On me conseille de revenir demain matin, « nous débuterons à 7h30 ». Ouais, bon, c’est un peu tôt pour un dimanche, mais j’en serai. Observateurs, les deux témoins ont remarqué que je ne faisais pas partie de leur grande famille. Alors on se présente, on discute. On me demande surtout ce que je fais ici, avec intérêt et curiosité.

«Vous connaissiez les témoins de Jéhovah avant de venir ? », me demande Nicolas*. Évidemment, comme tout le monde, je connais le courant religieux, mais à dire vrai, je lui explique que mis à part les on-dit, je ne connais pas grand-chose de leur groupe. C’est à ce moment précis que Damien*, l’acolyte de Nicolas, m’offre une riche documentation constituée d’une bible, d’un livret expliquant les grandes lignes des textes sacrés et quelques fascicules décryptant les origines de la vie. Il me conseille de les lire un peu avant de revenir le lendemain, les deux témoins ayant encore la salle à ranger. All along the watch tower Chaque document est édité par la mystérieure Watch Tower and tract society of Pennsylvania. Une de leur publication porte même le nom de «la tour de garde annonce le royaume de Jéhovah». Leur magazine le plus connu reste néanmoins « Réveillezvous ! », « Awake ! » en anglais. La Watch Tower remonte aux origines du mouvement. En 1879, Charles Russel, à la source du mouvement des « étudiants de la bible », se lance dans la parution de son propre mensuel afin de prêcher à un maximum de nouveaux fidèles. La tour de garde est née il y a près d’un siècle et demi. L’appellation témoins de Jéhovah n’apparaîtra qu’à partir 15

de 1931. Jéhovah, parce que c’est un autre blaze de dieu ; témoins parce que Ésaïe 43:10 : « Vous êtes mes témoins, dit l’Eternel, Vous, et mon serviteur que j’ai choisi, Afin que vous le sachiez, Que vous me croyiez et compreniez que c’est moi: Avant moi il n’a point été formé de Dieu, Et après moi il n’y en aura point ». Déjà à cette époque, les témoins flippaient d’une fin du monde imminente et cherchaient à convaincre de nouveaux croyants à les rejoindre dans leur lutte contre Satan, et ainsi accéder au royaume de dieu, vainqueur de l’Armageddon. Alors Charles Russell et son entourage calculent dans les textes sacrés la date précise du jugement dernier. Premier pronostic : l’année 1914. Pas si mal. Il voit dans le déclenchement de la première guerre mondiale le début de l’accomplissement de ses prédictions. Il mise le tout pour le tout. La fin du monde terrestre, c’est pour 1918. Pas de pot, le brave trépasse en 1916, et, à ce que je sache, nous sommes toujours bien présents sur Terre. Les disciples sont alors un peu paumés, et ils le seront davantage avec les prédictions futures. Dernière prévision précise, celle de 1975. Là encore, c’est un cuisant échec. Depuis, la tour de garde se refuse à exprimer des dates précises, se contentant d’indiquer que la fin du monde est proche. A croire qu’ils prédisent aussi bien le futur que toi sur ton ticket de Lotofoot. →


Dimanche, jour de la messe

« Tous les indices sont là, il suffit de regarder pour constater que c’est pour bientôt », me glisse un Damien en forme en ce dimanche matin. Je ne les perçois pourtant pas, ces indices. Autour de moi, tout le monde est souriant. J’ai assisté au premier discours de la journée, « Jésus Christ : son triomphe sur le monde », assis au milieu des quelques 6000 témoins présents. Mon voisin m’a même prêté sa tablette pour suivre la lecture à travers une appli dédiée 100% Jéhovah. Dessus, on se repère sur les interprétations des textes sacrés, et, magie de l’ère numérique, on peut cliquer sur les versets pour qu’ils s’affichent sur l’écran. « Mais si, voyons, réalise que le nombre de maladies augmente, qu’il y a de plus en plus d’affamés à travers le monde », surenchérit Nicolas derrière ses fines lunettes. J’argue néanmoins que le nombre de conflits tend à diminuer avec le temps et qu’à y regarder de plus près, les guerres, si tant est que le terme est encore d’actualité, font moins de victimes. « Peut-être, mais tu remarqueras que les souffrances ne sont plus que physiques, mais aussi psychologiques. Scrute un peu plus la société. Est-elle idéale ? Peut-on dire que l’on s’y sent bien ? », m’interroge Damien, par ailleurs professeur d’histoire dans l’enseignement supérieur. Non, si l’on cherche on trouve toujours la petite bête, bien sûr, mais je pousse la conversation sur l’isolement de l’individu, qui se contemple plus à travers son écran de smartphone qu’il ne se connecte véritablement avec les siens. Les deux témoins acquiescent. Non

« Impossible de m’imaginer répondre à mon père ou quitter la table en plein repas » un témoin

pas qu’ils refusent le progrès technologique, mais qu’avec, certaines valeurs familiales se sont perdues. « Impossible de m’imaginer répondre à mon père ou quitter la table en plein repas». Merde, vous étiez à la Manif’ pour tous en plus les gars ? En revanche, je suis surpris de remarquer que les témoins sont ouverts aux questions scientifiques et à la théorie de l’évolution. « J’ai fait un DUT dans les sciences de l’ingénierie, alors tu vois, quand on est témoin de Jéhovah, on concilie facilement science et religion », précise Nicolas. Il m’explique que les scientifiques recopient ce qui se fait de mieux dans la nature pour que l’humain puisse l’exploiter et améliorer son niveau de vie. Il prend l’exemple du fil de soie de l’araignée, aujourd’hui imité pour produire des gilets pare-balles en kevlar. Temps de cerveau disponible Seulement, ce n’est que plus tard que j’ai réalisé que cet exemple précis était utilisé dans une brochure que l’on m’avait gracieusement offerte, aux illustrations visuellement proches de ce que peut produire l’organe de propagande nord-coréen. Brochure qui se veut être un lien entre religion et science, entre fondamentalisme pur et dur et athéisme profond. Pourtant, on est très nettement plus proche du fanatisme religieux tant l’argumentaire présenté est fascinant de vide. Il repose sur des faits connus de tous : la vie est le fruit de nombreuses coïncidences. Mais si c’était en vérité un acte réfléchi ? Si la lecture est naïve et cucul au début, elle est bien plus vicieuse quand les pages défilent. A tel point, qu’à propos de l’évolution de la vie, les auteurs de la tour de garde concluent leur chapitre par un fantastique « croire à l’évolution est un acte de foi ». Et de citer dans leur argumentaire « des grands scientifiques », « des sociologues qui ont dit que » et « des articles montrant que ». Lorsque des noms sortent pour appuyer leurs propos, ce sont souvent des mecs louches, comme Richard Lewontin, biologiste réputé

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pour ses falsifications de données pour aller dans le sens de son courant de pensée. Un autre scientifique est également cité, WolfEkkehard Lönnig, virulent critique de la théorie de Darwin, alors que la documentation française à son sujet est inexistante. Il s’avère par ailleurs qu’il est au sein d’une congrégation des témoins de Jéhovah depuis une trentaine d’années. Neutralité des arguments. Ouvrez votre cerveau les zozos, on fracasse des portes ouvertes pour reconstruire votre façon de voir le monde en se basant sur du vide. Ce que dicte la tour de garde est avalé la bouche grande ouverte par les adeptes. Exemple : pendant la pause déjeuner, un fidèle me propose de partager son repas avec lui. Lorsqu’il me voit dégainer une cigarette, il me rappelle que c’est interdit et que si je cherche à devenir un témoin, il faudra songer à arrêter. Si ce n’est pas dans mes objectifs prioritaires, j’essaye de savoir pourquoi le tabac est prohibé. « Jéhovah nous a donné un corps, il est unique, il ne faut pas l’abîmer », m’explique-t-il du tac au tac. Ok, mais il y a plein d’autres choses qui abîment le corps, comme manger comme un petit goret. « Oui, c’est vrai, mais le tabac créé une addiction difficile à retirer de son corps ». Tout comme l’alcool, non ? Pourtant, les spiritueux ne sont pas bannis du mode de vie des TDJ. Il est toléré « tant qu’il ne conduit pas à l’ivrognerie ». Un des premiers dirigeants de la Watch Tower, Joseph Rutherford, était un alcoolique notoire, et son penchant pour la vinasse s’est transmis dans les Béthels, les sièges mondiaux et régionaux des témoins de Jéhovah. Alors, pourquoi refuse-t-on la clope ? Face à la redondance des réponses de mon interlocuteur, je réalise que la plupart des témoins n’en savent rien et obéissent sagement sans se poser de question. Je remarque par ailleurs que tous m’observent avec bienveillance, voyant en moi un potentiel nouveau. À chacune de mes questions, une réponse est servie instantanément. Beaucoup de politesse, de sourires. Si les témoins de Jéhovah paraissent plutôt dociles et inoffensifs lorsqu’ils arpentent les pâtés de maison, ils sont beaucoup moins sympas vus de l’intérieur. →


Illustrations issues du ÂŤ Watch Tower and tract society of Pennsylvania Âť 17


The Watchtower, quartier général des témoins de Jéhovah à New York (CC-BY-SA Sergio Herrerat)

Tu ne répondras point La photographe qui m’accompagne sur place est, elle, soigneusement snobée par mes interlocuteurs. Pas étonnant après quelques recherches. Il s’avère que les femmes de témoins doivent une soumission quasi totale à leur mari. Évidemment, sur Internet, il est facile de cracher sa hate. Il faut alors prendre avec des pincettes tout ce que l’on peut lire. Mais les abus – tout le temps psychologiques lorsque l’on exclut les affaires de pédophilie – sont récurrents et listés sur des sites de prévention. Parmi eux, on retrouve pêlemêle l’interdiction de pratiquer le sexe avant le mariage, de divorcer, de croire en la théorie de Darwin, de voter aux élections, d’échanger avec des non-témoins, d’écouter certains genres musicaux, de lire certains livres ou de pratiquer les arts-martiaux (logique, puisque intimement liés à la spiritualité). Les droits de la femme sont moyenâgeux. Elles ne peuvent pas porter de décolletés ou de jupes trop courtes. Elles ne peuvent pas accéder aux statuts privilégiés d’anciennes et ne peuvent pas enseigner la doctrine aux

hommes, à moins de porter un chapeau en signe de soumission. Et gare à celui qui s’écartera du chemin tracé par Jéhovah. Aux moindres errements d’un fidèle, c’est direction le tribunal des anciens. Au mieux, il risque la réprimande verbale, violente et démoralisatrice, au pire, le rejet forcé par tous les autres membres. À travers les témoignages disponibles un peu partout sur le web, l’organisation interne des témoins s’apparente à celui d’un régime totalitaire, où les dirigeants s’arrangent pour broyer les individualités, lorsqu’ils ne leur lavent pas le cerveau. « On n’a rien à cacher, c’est bien pour ça que l’on organise un tel événement ouvert à la presse et que l’on répond aux questions des journalistes », s’enorgueillit Damien. Très bien, soyons direct. Comment ça se fait que l’on parle souvent de vous comme d’une secte ? « Ça, nous ne l’avons jamais vraiment compris. Il faut le demander à ceux qui nous infligent cette comparaison ! », rebondit-il. Facile. « Nous, nous souhaitons être reconnus comme religion en France, afin que l’on puisse bénéficier d’exonérations fiscales sur les dons », rajoute-t-il. Depuis 1995, les témoins de Jéhovah sont classés en tant que secte et cette même année, l’Etat français met son 18

« Nous, nous souhaitons être reconnus comme religion en France, afin que l’on puisse bénéficier d’exonérations fiscales sur les dons »

nez dans les affaires fiscales de l’association. Imbroglio total, le gouvernement réclame un redressement de plus de 57 millions d’euros alors que les témoins demandent à bénéficier de la même exonération que les dons faits aux autres églises. En 2011, la cour européenne des droits de l’Homme tranche en faveur des TDJ et pénalise la France.


Religion ou secte ? En Europe, les témoins de Jéhovah sont considérés comme courant religieux, tandis qu’en France, le statut est particulier. La commission d’enquête parlementaire sur les sectes de 1995 devient de moins en moins pertinente, la frontière entre secte et religion est de plus en plus trouble. La mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) modifie le lexique national : « Les témoins de Jéhovah ne sont pas une secte, parce qu’en France, il n’y a pas de secte ». Désormais, il faut parler de mouvements ou de groupes susceptibles de provoquer des dérives sectaires. Pas simple de mettre une étiquette sur le dos des témoins. Entre deux eaux, la Miviludes affirme continuer à exercer sa vigilance à leur égard en raison de signalements de dérives sectaires. En Côted’Or, les associations de protection des familles victimes de ces dérives affirment n’avoir eu aucun cas avec les témoins. Nicolas souligne un autre point. Si ailleurs en Europe et aux Etats-Unis, les témoins de Jéhovah sont considérés comme une église, en France, il y a un énorme frein politique. C’est alors qu’il insinue qu’une sorte de lobbying religieux aurait cours, et que certaines religions ne voudraient pas voir les TDJ avec le même statut qu’elles. En 2002, l’anthropologue Nathalie Luca écrivait dans la revue Critique internationale que les motifs qui bloquaient les gouvernements vis-à-vis des témoins, à savoir le refus de transfusion sanguine, du service militaire et de la participation au vote, tendent à disparaître avec l’évolution de nos sociétés modernes. Le premier problème a trouvé des solutions juridique et médicale, le deuxième

tend à disparaître progressivement et le dernier « fait partie d’un questionnement plus général de la société ». Je reste finalement perplexe. Je suis allé à ce congrès régional en espérant clarifier le statut des TDJ dans ma tête. Les réponses apportées sur place m’ont davantage interrogé que rassasié. Les témoignages sur Internet sont extrêmes et peuvent laisser croire à du bashing. Les prises de position des associations de protection contre les dérives sectaires sont désormais infimes. Au niveau lexical, on se retrouve coincé à ne plus pouvoir prononcer le terme « secte » sous peine de froisser le politiquement correct. Alors non, les témoins de Jéhovah ne forment pas encore

* Les prénoms ont été modifiés

une église en France, bien que ce soit le cas ailleurs, non, ce n’est pas une « secte », mais oui, il y a bien du grabuge à l’intérieur. Avant de quitter Congrexpo, Damien me rappelle une nouvelle fois que je peux bénéficier d’un cours biblique gratuit à mon domicile. La publication de la Tour de garde de juillet, traduite en 700 langues, annonce que l’Armageddon, ce serait cette année. Notamment à cause de la montée en puissance de Daesh. « Le Créateur de l’homme et de la Terre veut que vous sachiez que son temps pour agir est proche ». Il est peut-être temps pour moi de m’attarder un peu plus sur la bible et de décrocher un ticket pour le prochain royaume de dieu. // V.E.

Palais des congrès à Dijon 19


Jean-Edern Hallier rentre du ski

interview PaR martial ratel, avec chantal masson et anthony ghilas photos : vincent arbelet

comme

un rev M

ai 2015, festival One + One à Dijon. Performances, expos et concerts, style rock’n’roll et post punk. Un New Yorkais est dans la place, accompagnant sa copine Divine Enfant pour une expo photo. Pour des raisons artistiques, de calendrier et de sous, il ne fera pas de concert mais sa présence suffit déjà : noir, du cuir au t-shirt, une carrure encore sacrément impressionnante pour ses 67 ans et ses légendaires lunettes fumées cyclopéennes. Martin Rev traîne son air débonnaire depuis presqu’une semaine dans la ville entre tourisme

et présence aux vernissages. Il est là, discret, sans chichi et sans éclat, lui qui est devancé depuis toujours par la réputation sulfureuse de son groupe Suicide. Lui aux machines, Alan Vega au chant, il est le co-inventeur d’un son qui mettra 7 ans à se figer sur disque en 1977. Un son incarnant la fin du rêve hippy et sonnant comme la rencontre fortuite d’un train plein de rockeurs lancé à pleine vitesse et d’une centrale électrique remplie d’ingénieurs aliénés. Depuis, ce son n’a cessé de faire des petits plus au moins légitimes (Dirty Beaches ou Flavien Berger pour n’en citer que deux). Moment avec un artiste que l’on n’avait même pas rêvé interviewer et qui 20

pourtant est bien posé sur la banquette devant nous à siroter un thé. Et à essayer de parler en français dès qu’il le peut. Martin Rev, tu es dans la ville depuis un moment, est-ce que ces derniers jours, c’était comme des vacances ? Tous les lieux où je vais sont comme des vacances, pour moi. (rires) Mais tous les endroits où je vais… sont aussi comme du travail ! Le travail, c’est les vacances. C’est vrai que je ne me sens pas exilé. Je suis souvent loin de New-York… Partout… Partout, c’est le même. Dans les années 1970, les gens qui écoutaient


Quand Suicide a commencé, il y avait des concerts dans de grands stades, le show rock. Quand j’écoutais ce que je faisais, à l’époque, je me disais à moi-même : « On va devenir plus grands que les Beatles ». Pourquoi ? Pas pour l’argent ou les choses commerciales mais pour le son. J’entendais un son immense. Et puis les choses se sont faites. On a bien joué dans des stades avec le groupe The Cars mais avant ça on avait mis 7 ans entre notre premier concert et notre premier disque. Et aujourd’hui, on a une certaine reconnaissance, à différents degrés. Tout ça, tu ne peux pas le prévoir. Cette reconnaissance c’est ce que je préfère parce que l’argent, les stades. Bon, ça va. Par contre quand tu ressens que tu comptes vraiment pour les gens, que tu as de l’influence… C’était le destin, pour moi. On est curieux de savoir à quoi ressemblait, dans les années 1970, la scène artistique de New York dans laquelle tu étais. Est-ce que la guerre du Vietnam a été aussi déterminante qu’on l’imagine ? Oh, c’est très fort… Profond. Mais ce n’était pas déterminant pour tous les groupes. Pour certains ça l’était parce que leur art avait des fondements politiques. Pour moi, ce qui comptait c’étaient des choses que j’intériorisais : la vie, la ville et l’environnement économique, politique et social de cette époque, je ne pouvais pas séparer ces choses là. Le Vietnam a influencé la mode, la manière d’être des gens. Soit par l’engagement dans l’évasion… La drogue… Des tas de drogues, des expériences intenses. Quand le Vietnam s’est terminé, l’intensité est restée mais les choses ont encore changé, la mode, les rapports sociaux, les manières de penser qui étaient devenues trop « étendues » mais tu ne savais pas pourquoi ni comment…

pour la première fois ta musique étaient très déstabilisés, c’était comme un blast pour eux… Au tout début, c’est vrai… Mais maintenant encore. Mais c’est bon ! « Déstabiliser » est un mot positif. Ça ne doit jamais être stable. Si vous vous surprenez vousmême, vous surprendrez votre public. Vous avez inventé, il y a quand même 40 ans, un son qui inspire encore aujourd’hui de jeunes créateurs, peut-être même avaitil 40 ans d’avance. Qu’est-ce que ça fait ? Merci de dire ça. Tu ne sais jamais ce que les choses vont devenir. Le jeu reste ouvert.

Est-ce exact qu’à New York, dans un lieu de résidence et de répétions, tu as trouvé par hasard le son de Suicide en bidouillant des instruments et des machines à delay ? C’est rien que le hasard ? Tout est une question de chance. Mais la chance est la continuation d’un développement. Plusieurs années avant, plus jeune, j’avais déjà commencé la musique, après ça a été le travail pour Suicide, la suite du processus. Mais il faut bien voir aussi qu’en termes de musique, les éléments de l’instrumentation c’est la pure nécessité : c’est ce que l’époque peut te permettre. La nécessité c’est aussi que j’entendais, ce que je pouvais concevoir. Ton art, c’est la continuité de ce que tu as, mais c’est aussi un besoin musical. Ça veut dire que si vous aviez fait de la musique ailleurs, dans une ville comme Dijon, votre musique aurait été différente ? Est-ce que ça aurait été la même ? New York, c’est l’Amérique. Donc disons : le Vietnam, enfance, dessins animés, hallucinations, rêves, vie américaine aussi pas toujours dans le bon sens 21

« mes exigences sont toujours élevées »

mais les images que j’avais petit comme les cowboys, le désert, les cactus, les indiens… Quand j’ai trouvé Rocket USA, ma première chanson, j’ai pensé à tout cela. Mes premiers souvenirs quand j’étais dans mon lit de bébé : il y avait aux murs des tableaux impressionnistes, baroques ou classiques mais les cow-boys ou les lassos, tout cela est imprimé en moi. Pour moi la musique est visuelle et orale. Quand je réécoute ce que j’ai fait, je revois tout ça… Presque 20 ans après (40 ans en fait, ndlr), quand j’entends les trois minutes de Rocket USA, je sais que c’est ok parce que je vois et j’entends encore toutes ces images. Mais si j’avais vécu à Dijon, même si j’avais été exposé à la musique, peut-être que j’aurais abandonné la musique. On ne sait pas, c’est l’inconscient. Cézanne a eu une grande influence sur moi, plus tard. Le rock’n’roll a été comme un « lait de maternel » (en français). Tout ce que tu apprends est très important, l’instinct primaire n’est pas suffisant selon moi. Tu apprends toute ta vie, sinon, tu es fini. Est-ce que tu te considères comme un musicien, ce qui n’était peut-être pas évident dans ces années 1970 bouillonnantes ? Oui, depuis toujours. Qu’on m’appelle musicien est une marque d’honneur. →


« Vous avez vu ? Je suis venu avec ma meuf »

Bien que tu aies inventé le son de Suicide, tu as peu travaillé avec d’autres artistes en tant que producteur. On ne t’a pas sollicité ou tu as refusé les propositions ? Bon, beaucoup de gens sont venus me voir pour la production mais ça doit avoir un sens. Si quelqu’un vient me voir en me disant : « Voulez-vous jouer avec moi ? Je vous envoie le morceau pour que vous fassiez un petit quelque chose parce que nous voulons votre son », ça n’a pas d’intérêt pour moi, votre morceau doit sacrément bien sonner. Si je veux un son de guitare, je peux le trouver par moi-même. Tous les soirs quand je m’enregistre, je peux en trouver un. Si vous me contactez juste pour jammer alors là, ok, ça peut m’intéresser si vous êtes un musicien exceptionnel, très différent de ce que je peux faire. C’est d’ailleurs ce que je recherche. J’adore la guitare, le rhythm’n’blues, c’est mon truc. Si je veux faire en faire quelque chose, je vais garder le morceau seulement si quelqu’un à une idée très intéressante. Ta musique a toujours été en interaction avec les autres arts. Tout ce qu’on fait cette semaine à Dijon avec Divine Enfant (la photo, la musique, la vidéo), cette collaboration, c’est logique. En un sens, il y a toujours eu un mariage entre la musique et les arts plastiques. Quand j’entends, je vois aussi. Chaque musicien est différent mais chaque mot, chaque forme est une forme de son. Certaines langues sont plus percussives que d’autres, l’allemand plus que le français par exemple. Certaines sont plus harmonieuses. Mais un son est un son. Composer, c’est voir. Les couleurs ou les mots qu’on utilise pour un roman, c’est aussi de la musique. Originellement, la musique, c’est le chant. Parce que les instruments arrivent plus tard. Ils viennent tenir compagnie, sont mixés avec un message verbal. Mais les arts plastiques sont certainement encore plus près des sentiments purs. Ta musique évolue toujours. Tu as fait des choses électroniques, industrielles, pop… Tu sembles curieux de tout ce qui t’entoure. C’est facile pour moi. Je ne veux pas entendre encore et encore les mêmes choses. Les choses me touchent tellement profondément. Pourtant des musiques comme du Debussy, que j’ai entendues quand j’étais enfant, je les écoute encore aujourd’hui mais elles me touchent différemment : comme un enfant ou comme un homme. C’est un processus différent. La manière dont tu vis va influencer ton écoute.

On n’a pas besoin, comme Picasso, de changer de partenaire tous les 6 mois. Ce n’est pas une critique de Picasso (rires), on est tous différents mais peut-être s’il avait été musicien, il en aurait eu moins. Ce n’est pas une question de quantité mais de profondeur. La gamme musicale, dans la musique de l’Est, est de 12 notes. C’est tout. 12 notes et il y a de très grands compositeurs dans cette musique. C’est une question de profondeur, tu peux avoir plusieurs vies sur les 12 notes. Ton dernier album solo remonte à 2009, ça commence à dater. Quand est-ce que tu en sors un nouveau ? Certains albums prennent un mois d’autres des tas d’années. Tout dépend de ce que tu fais et tout dépend de ce qui est vrai : de ta réalité, de ce que tu vois, de l’écart entre ce que tu imagines faire et ce que tu fais. C’est comme une montagne quand tu vois le sommet, il faut se demander par quelle face la gravir. Chez moi presque chaque nuit, j’enregistre. Et puis le jour, il y a les performances mais j’aimerais être capable de composer chaque jour et chaque nuit comme un compositeur. Mais il y a une différence entre performeur et compositeur. Je prends mon temps avec les démos que j’enregistre, je préfère perdre 6 mois à améliorer le morceau. Mes exigences sont toujours élevées. Je ne veux pas me compromettre. Et puis maintenant, je n’ai plus le besoin de sortir des albums, c’est juste pour moi, comme ça doit être. Est-ce vrai que Bruce Springsteen est totalement fan de votre Dream Baby Dream, un titre de 1979 ? C’est assez étonnant vos deux univers sont assez différents. Vous l’avez rencontré ? Qu’est-ce qu’il vous a dit à l’époque ? Ça reste encore étonnant pour moi. Ça a démarré avec The Cars, ils étaient de véritables supporters de notre musique.

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Lorsqu’ils ont eu leurs premiers grands succès avec leur premier album, à chaque interview ils parlaient de nous et à l’époque leur succès était gigantesque. Et Springsteen… C’est une chose que tu ne peux pas prédire. C’est vrai qu’Alan et moi, on est à des années lumière de lui, mais il a entendu quelque chose de l’ordre de la sensibilité dans ce morceau. Springsteen écrit au sujet de l’environnement des travailleurs, la working class, la côte est des États-Unis, sur la mentalité dans les usines… Il a une conscience, il n’est pas totalement commercial. Son approche musicale est, pour moi, un peu basique, rock’n’roll… Il n’aborde pas la musique avec les mêmes oreilles que nous. On n’est pas les mêmes mais c’est toujours comme ça, quand j’entends une cover de Ghost Rider par Neneh Cherry ou M.I.A, c’est une surprise totale. Je n’imaginais pas qu’ils nous connaissaient, nous vivons dans des mondes séparés. Bruce est venu nous rencontrer lorsque nous enregistrions notre deuxième album. C’était un ensemble qui rassemblait plusieurs studios en un. Bruce enregistrait dans un studio à coté de nous et quand notre disque était presque fini, Ric Ocasek, notre producteur, lui a demandé s’il voulait nous écouter. On se connaît un peu d’avant alors il est venu. Il a tout écouté et il venu s’assoir à coté d’Alan et moi pour nous dire à quel point il nous aimait… L’autre jour, on a fait un concert avec d’autres groupes à NewYork et un musicien est entré dans notre loge, c’était un gars du groupe de Marilyn Manson et il m’a dit que constamment en tournée, ils écoutent notre premier album et à quel point c’est important pour eux… Un jour Marylin leur demande ce que c’est que cette musique qu’il ne connaissait pas, et maintenant c’est probable que même Marylin écoute notre disque… Pour moi, ce serait plus compréhensible qu’il ne nous connaisse pas. // M.R.


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l’adieu aux armes enquête

C’est la fin d’une longue carrière pour la base aérienne centenaire de Dijon, monument de l’Armée de l’air, qui s’apprête à liquider toute présence militaire sur le site à l’horizon 2016 par un processus mis en branle depuis déjà plusieurs années. Un malentendu dont la justification peine à satisfaire, entre conduite politique opaque et contrecoups indigestes.

PaR loic baruteu photos : histavia, avec l’aimable autorisation de daniel gilberti

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« Tu me chargeras les deux grosses bleues s’il te plait, c’est pour emporter »

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planifiée de l’escadron de chasse 1/2 Cigognes et ses Mirage 2000 sur la BA 116 de Luxeuilles-Bains en Haute-Saône, une commune régie par le maire UMP Michel Raison, proche de Sarkozy. François Rebsamen monte au front face à la droite pour dénoncer l’éventualité d’une fermeture mais c’est François Sauvadet, intime du président de la République, qui se targue à l’époque d’avoir préservé la BA 102 d’un funeste destin par son intervention auprès de Nicolas Sarkozy. Pour satisfaire son courtisan, ce dernier prévoit alors le déménagement de l’État-major de l’Armée de l’air à Dijon sur le site de la base aérienne, en provenance de la BA 128 de Metz déjà condamnée.

J

ean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, l’a annoncé en octobre dernier : la sentence est irrévocable. Le chant du cygne pour la base aérienne 102 Capitaine-Guynemer de Dijon-Longvic, ou plutôt de l’épervier, symbole de l’Armée de l’air française, qui a occupé les lieux pendant un siècle. Depuis cette annonce, s’ensuit un véritable ballet de réactions critiques et de grandes manoeuvres politiques pour s’accuser les uns les autres. Premier à monter au créneau, François Sauvadet ; ancien ministre de Sarkozy, député de Côte-d’Or et président du conseil départemental. Étiqueté à droite, le candidat à la charge de président de la future région Bourgogne - Franche-Comté a fustigé le gouvernement et s’est fendu d’un « j’accuse » politique à l’encontre de François Rebsamen, alors encore ministre du Travail : « c’est un véritable gâchis ». Une rengaine reprise par Le Point pour illustrer l’impact patent de cette fermeture de la base aérienne : gaspillage de dizaines de millions d’euros investis au cours des dernières années, retombées négatives sur la ville de Longvic et surtout trépas inévitable de l’aéroport civil, déjà en sursis. House of Cards. Déterminer qui est à l’origine de cette décision revient à démêler le fil d’Ariane tant les discours des politiciens abondent en contradictions. À droite, on accuse la gauche et vice-versa. La genèse de la délibération de la dissolution de la BA 102 est confuse. En 2014, l’ancien maire dijonnais

Robert Poujade assure qu’une telle mesure était déjà envisagée en 1995, sans aucune concrétisation malgré un contexte propice, vingt-trois bases aériennes ont déjà fermé leurs portes depuis le début des années 90. Puis est arrivé le gouvernement de Nicolas Sarkozy, dont le Livre blanc publié en 2008 devait amorcer le plan de réduction des effectifs militaires français et de restructuration des installations de la Défense, dans le but de faire des économies en période de récession. À cette époque, la base aérienne de Dijon-Longvic est plus que jamais menacée, en particulier avec la migration

« La base aérienne de Dijon reste une emprise importante au plan opérationnel en raison notamment de sa situation géographique » Gérard Longuet en 2012

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Finalement, c’est le gouvernement de François Hollande qui poursuit contre toute attente le chantier initié par son prédécesseur et signe l’arrêt de mort de la plus vieille base aérienne française encore en activité. Cette fermeture tant redoutée par Rebsamen se concrétise ainsi seulement quelques années après sa réaction rétive, alors qu’il est devenu ministre oisif dans le gouvernement de gauche. À l’annonce de la sentence, son indifférence quant au sort de la base dijonnaise fait grincer des dents ses anciens administrés, qui le taxent d’avoir abandonné son ancien fief pour l’herbe plus verte d’un ministère. Une critique trop simpliste pour les opposants de la droite, qui fustigent la décision prise en 2008 par le gouvernement précédent de retirer son escadron de chasse à la BA 102, synonyme de prélude à une mort à petit feu. Après plusieurs déménagements d’unités, les portes s’apprêtent à se fermer, après un centenaire célébré en 2014. Pour des raisons financières, et probablement politiques, bien plus que militaires. Des justifications qui peinent à trouver un écho positif parmi les défenseurs de la base aérienne dijonnaise. Dans ce jeu de chaises musicales, la logique stratégique est presque toujours passée sous silence. En 2012, le ministre de la Défense Gérard Longuet explique que « la base aérienne de Dijon reste une emprise importante au plan opérationnel en raison notamment de sa situation géographique ». La BA 102 est alors considérée comme un relais primordial pour les alliés de l’OTAN à destination du Sud. Sans parler de la présence environnante du centre de recherche et de production d’armes nucléaires de Valduc, dont l’intérêt hautement sensible requiert la présence d’un escadron de chasse à proximité en cas de menace extérieure. Désormais, toutes ces considérations se sont envolées. En matière de justification, on évoque le besoin obsolète de disposer de bases aériennes dans le Nord-Est de la France quand la menace n’est plus à Moscou.


Rompez les rangs. Derrière les rires sardoniques des détracteurs de la BA 102 et la faconde des hommes politiques, l’exorde au démantèlement par le transfert de toutes les unités présentes sur le site jusqu’à la clôture administrative en 2016 a indubitablement affecté le moral des troupes. La base aérienne dijonnaise verra ainsi partir 1.225 militaires vers d’autres sites d’ici la mi-2016. Un bouleversement difficile à digérer, en dépit du devoir de mobilité des membres de l’Armée de l’air, notamment en raison de la manière dont il a été communiqué ; si les rumeurs couraient avant le discours officiel de Jean-Yves Le Drian, l’officialisation n’est venue qu’avec cette dernière allocution relayée par l’intermédiaire des médias traditionnels. Certains employés de la base ont mal reçu la nouvelle. Ceux dont le conjoint travaille pour une entreprise privée à Dijon, ceux qui ont fait construire une maison, ceux qui pensaient avoir définitivement posé leurs valises. D’autant plus que la pérennité semblait assurée avec l’arrivée de l’État-major de l’Armée de l’air sur la BA 102 en 2012, pour laquelle un chantier estimé entre 20 et 30 millions d’euros a été mis en oeuvre afin d’accueillir le commandement dans un quartier de la base rénové. Un chapitre glorieux de l’Armée française se clôt ainsi avec la fermeture de la base. Des héros militaires ont défilé dans le ciel dijonnais, comme le Capitaine Guynemer, qui a donné son nom à la base. La célèbre Patrouille de France est née dans la capitale bourguignonne, y a fait ses armes et obtenu ses lettres de noblesse. C’est également le théâtre qui donnait vie aux héros de bande dessinée Tanguy et Laverdure, connus comme les Chevaliers du ciel, à travers l’adaptation de la BD en série télévisée. Encore récemment, l’activité de la BA 102 forçait le

respect au sein de l’Armée française. Les Mirages 2000 antérieurement implantés sur la base ont notamment participé à la guerre en Libye tandis que le CPA 20, l’une des trois unités de commandos parachutistes de l’Armée de l’air, est continuellement engagé sur les théâtres d’opérations extérieures. Depuis 1998, la base aérienne dijonnaise abritait également l’EFCA, chargé de la formation de tous les commandos parachutistes et des maîtres-chien de la composante aérienne de l’armée. Toutes ces unités ont maintenant vidé les lieux ou le feront dans les mois à venir. Mayday, mayday, mayday de l’aéroport de Dijon-Bourgogne. En-dehors des considérations militaires, l’avenir de l’aéroport civil fondu dans la BA 102 est plus précaire que jamais. Son développement laborieux, émaillé d’initiatives improbables et d’un soutien politique empesé, ne semble désormais plus en mesure de se poursuivre plus longtemps étant donné les circonstances. Outre la fermeture de la base aérienne, la primauté de l’aéroport de Dôle-Tavaux porte un coup terrible à son concurrent dijonnais. Dans l’immédiat, la question de l’avenir de l’aéroport de Longvic ne se pose pas ; son exploitant actuel, SNCLavalin, s’est vu confier la gestion et l’exploitation pour une durée de 16 mois en septembre 2014. Pourtant, à l’heure de faire un bilan, le constat est irréfutable. Un rapport de la Cour des Comptes daté de mars dernier accable la gestion des deux aéroports concurrents de Dijon et Dôle, situés à une cinquantaine de kilomètres l’un de l’autre et qui n’ont jamais pu s’accorder pour former un pôle régional. Entre 2010 et 2013, des aides confondues de plus de 42 millions d’euros auraient été investies pour le développement des deux aéroports, dont 24 millions injectés dans le

Teknival sur la BA 102 dans les 60’s 27

La BA 102 est le cinquième employeur de Côte-d’Or, après le CHU, la SNCF, le Conseil départemental et les services municipaux de Dijon

projet Renaissance à Dijon. Ce projet, qui devait « favoriser le maintien à terme de la BA 102 grâce à la complémentarité technique, économique et sociale des activités civiles et militaires », s’avère un fiasco inouï en comparaison de la faible fréquentation de la plate-forme aérienne dijonnaise. Bientôt privé de l’activité militaire voisine, l’aéroport de Dijon-Bourgogne devrait voir sa rentabilité encore freinée et s’avérer contraint à la fermeture. D’autant plus que le modèle appliqué par son concurrent jurassien de Dôle s’avère autrement plus efficace. Le rapprochement de la Bourgogne et de la Franche-Comté devrait également forcer la main des collectivités pour ne conserver qu’une seule plate-forme. François Sauvadet, prétendant à la présidence de la nouvelle région, s’est déjà engagé à promouvoir l’aéroport de Dôle-Tavaux en cas d’accession au poste, lors d’une visite sur place en juillet dernier. →


21 represent’ ma gueule

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« Le départ d’activités de la base ne sera pas sans conséquences pour les collectivités territoriales » Étude INSEE

Des pertes militaires et civiles ? Cinquième employeur de Côte-d’Or après le centre hospitalier universitaire, la SNCF, le Conseil départemental et les services municipaux de Dijon, la base aérienne 102 Capitaine-Guynemer de Dijon-Longvic ne fera pas place nette sans faire de dégâts. Pourtant, en dépit du matraquage des politiciens de la région qui s’insurgent contre la dissolution de la base militaire et pointent du doigt son impact sans précédent sur l’économie, un rapport de l’INSEE, chiffres à l’appui, tend plutôt à démontrer des retombées limitées sur l’ensemble de la Côte-d’Or, tant sur les effectifs scolarisés dans les écoles que sur le marché immobilier. L’étude de l’INSEE apaise plutôt les inquiétudes au niveau régional, même si elle précise que « le départ d’activités de la base ne sera pas sans conséquences pour les collectivités territoriales, en particulier les cinq communes sur lesquelles elle s’étend », où les recettes pourraient être revues à la baisse. Le transfert des 1.225 employés de la base aérienne ne se fera pas sans heurt. L’INSEE évoque notamment le fait que la majorité des militaires est logée en caserne ou en location, dont une bonne part relève du parc social et a vocation à être nouvellement attribuée. Ainsi, 483 logements occupés par des employés de la BA 102 sont en location, dont 403 à l’intérieur du Grand Dijon, contre 274 logements propriétaires, dont 101 au sein du Grand Dijon. De même, les 685 jeunes scolarisés qui ont un parent employé à la base aérienne qui va être

transféré représentent seulement 1% du total de jeunes scolarisés en Côte-d’Or. L’impact est surtout concentré sur les cinq communes environnantes. À Longvic, 70 relevant de maternelle ou du primaire devraient quitter la commune, soit 8% des effectifs scolarisés, et les habitants craignent la fermeture de classes. Les conséquences sur les prestataires de la BA 102 devraient également être limitées dans la mesure où les entreprises en commerce avec la base aérienne ont d’autres clients et pourront assumer le contrecoup ; la plupart d’entre elles sont en situation de faible dépendance vis-àvis du site militaire. Dans le même temps, la situation économique dans l’agglomération devrait s’équilibrer sur le moyen terme puisque les logements laissés vacants seront occupés par de nouveaux habitants. Les yeux dans les cieux. Dorénavant, la question se pose de savoir que faire des 500 hectares qui composent la surface de la BA 102, sur les cinq communes de Longvic, Senneceylès-Dijon, Neuilly-lès-Dijon, Ouges et Bretenière. L’avenir incertain de l’aéroport civil, dont le contrat d’exploitation s’achève en janvier 2016, pourrait sonner le glas de l’activité aéronautique sur le site. Une éventualité sans doute bien accueillie par les différentes associations militant contre les nuisances sonores et l’impact environnemental de la présence d’un aéroport au sein de l’agglomération. Si les prévisions de 250.000 passagers par an transitant par Longvic 29

établies en 2006 se sont avérées profondément optimistes, les 16.000 mouvements (atterrissages, décollages ou tours de piste) évoqués par le ministère de la Défense en 2012 sur la base aérienne ont régulièrement généré des plaintes des habitants alentours. Les détracteurs de la BA 102 ont donc vu leur souhait le plus cher exaucé avec le départ de tous les appareils de l’Armée de l’air et, probablement à moyen terme, de l’aviation civile. Ne devraient rester sur la base aérienne que les hélicoptères de la gendarmerie et du SAMU. Bien entendu, la revitalisation du site est à l’ordre du jour et les élus locaux et principaux acteurs économiques devront maintenant tâcher de réhabiliter la surface vacante de ces installations militaires. Le Commandement des écoles de la gendarmerie nationale, actuellement basé à Rochefort depuis 2004, viendra s’installer sur la BA 102, dont la dénomination devrait évoluer après le départ des dernières unités militaires. Un premier geste pour rassurer les riverains qui s’inquiètent de l’impact économique et foncier entraîné par le départ des soldats de l’Armée de l’air. Le comité de site récemment créé aura la lourde charge de convaincre le secteur privé de s’implanter sur l’immense étendue prochainement inoccupée. Il pourra s’inspirer de la reconversion réussie de certaine des nombreuses bases aériennes dissoutes au cours de la dernière décennie, comme la BA 217 de Brétigny-sur-Orge, fermée en juillet 2012 et qui accueille aujourd’hui une école de pilotage de drones et l’Institut de recherche biomédicale des armées. Ou de l’exemple de l’ancienne BA 112 de Reims, où un teknival réunissant 50.000 personnes s’est tenu en mai 2014. Pas sûr que ce genre d’événement ne plaise aux riverains auparavant gênés par les décollages d’avions de chasse, ceci dit. // L.B.


typologie

par tonton stéph et chablis winston illustrations : estelle vonfeldt

Il n’y a pas pire violence que celle qui consiste à classer les gens. Cela nie leur singularité, c’est quasiment du fascisme. Mais toi aussi, tu aimes bien dénigrer. Coquin, va. Ainsi, dénigrer les qualités du lieu dans lequel tu vis ou as vécu, ce n’est même pas toujours pour dire que l’herbe est plus verte ailleurs. Au fond, c’est surtout pour te griser de tes petites facultés de jugement, toi qui es toujours prompt à distribuer les bons points et les blâmes. Qui n’a pas entendu ces grognards et grognasses asséner leurs petites évaluations péremptoires et terminales sur Dijon ? Entendons-nous bien : on kiffe assez ce genre de tartufferie, celle qui consiste à ne pas aimer ceux qui se permettent des jugements, tout en en faisant en permanence soi-même... Si bien qu’on te propose une petite typologie pleine de tendresse du Dijon-hater. Et c’est bien connu : Haters gonna hate.

Le Dijon-bashing Ce sport si commun

Celui qui voyage un max, partout : le globe-trotter

40% 10% 5%

Bonne foi : il a tellement envie de parler de ses périples en Palestine ou sur la West Coast qu’il est prêt à tailler son lieu de dépucelage. C’était après s’être mis minable à l’Espace Grévin. N’oublie pas d’où tu viens, nigga. Crédibilité des assertions : sachant qu’on a tout à Dijon sauf un fleuve et un casino, tout ce blabla sur les steppes ou les gratte-ciels sont voués à nous laisser de marbre. Haussement d’épaules. Potentiel comique : Faible. Il s’agit surtout d’un potentiel ennui, en vérité. À moins que tu ne kiffes passer des soirées à lire des Lonely Planet Nicaragua et autres Petit Fûté Cambodge.

Celui qui déplore les apparences de « fausse bourgeoisie »

20% 60% 15%

Bonne foi : sachant qu’il ne fait que mine de connaître les personnes incriminées à partir de leurs apparences, (« trop de chemises à Dijon ») ça lui permet surtout de se donner des airs de sociologue du dimanche à bon compte. Bon, et le peu de thune affichée lui suffirait à l’aise. Fais gaffe, tu baves, gros. Crédibilité des assertions : le mec fait semblant de découvrir que tout le pognon de la Côte est dans les banques dijonnaises depuis des siècles. Y’a des habitudes qui ne se perdent pas. Admettons-le : autour du marché, c’est blindé de Qashqaï ou d’anciens modèles de Merco, voués à épater le chalands devant les Négo. Potentiel comique : ce mec est souvent un Bisontin, ou un ex-Bisontin. Et c’est vrai qu’à Dijon, ça manque de djembé dans la rue. Il a un gros manque de second degré... 30


Celui qui est allé vivre dans une ville plus grande : l’urbain

70% 40%

80%

Bonne foi : il faut le comprendre, il ne s’est pas encore remis d’avoir trouvé d’autres genres de potos dans son nouveau patelin. Et, purée, Tinder est encore davantage rempli de supposées-pétasses. Il a des étoiles dans les yeux. Dijon lui paraît bien pâle, en comparaison. Crédibilité des assertions : bon, à partir du moment où il en arrive à célébrer jusqu’à l’architecture hideuse de sa nouvelle métropole, t’as bien pigé que son but était de t’humilier, toi qui a eu le mauvais goût de rester dans la ville où tu as étudié. T’as vraiment pas d’ambition, lui oui. Après, c’est vrai que lui peut supporter une équipe de Ligue 1, l’enfoiré. Potentiel comique : sachant qu’on a appris entre temps qu’il s’était barré parce que son dealer voulait le dérouiller, le mépris récent affiché pour Dijon paraît tout relatif et bien piteux. Hahaha.

Celui qui n’aime pas la froideur des Dijonnais (membre sympa, ouvert et humain, comité anti-cynisme et anti-réalité)

16,2%

90%

60%

Bonne foi : le mec pousse le délire jusqu’à s’inscrire sur le Si on sortait dijonnais et à chaque session de rencontre des Couchsurfers du coin. C’est qu’il veut montrer, par contraste, à quel point lui qui ne vient pas du coin a su garder sa bonhomie, sa convivialité et son humanité. Crédibilité des assertions : le Dijonnais, froid ? Chambreur ? Sarcastique? Celui qui vit au centre-ville et se donne des airs aristocratiques en trashant les autres ? Bon, il existe. Disons qu’on n’est pas à Lille, le Dijonnais ne te fera pas croire qu’il est ton meilleur pote au bout de 5 minutes... Potentiel comique : celui propre aux contradictions performatives, car c’est le plus souvent en toute froideur que notre La Bruyère ou La Rochefoucauld improvisé dépeint ce caractère. Une victime toute trouvée de nos futurs sarcasmes. Ce mec est souvent un Bisontin ou un wanna be Bisontin aussi. On va bien déconner.

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Celui qui ne jure que par la campagne : le roots

40%

25% 80%

Celui qui en marre de voir toujours les mêmes têtes

5% 90% 90%

Bonne foi : sachant qu’il assomme de ses sarcasmes et de son mépris tous ceux qui ne lui ressemblent pas et qu’il ne veut pas voir quelqu’un d’autre (quelqu’un de la Haute-Saône ou de la Nièvre, par exemple), on est en plein foutage de gueule. Crédibilité des assertions : il faut bien admettre que Dijon, c’est un village. Tu croises toutes tes ex et ta mamie à chaque passage rue du Bourg. Y’a 250.000 habitants ici mec ! Pas 1 million, donc tu vas croiser les mêmes gens en ville. Forcément. Réfléchis un peu. Potentiel comique : élevé. Sachant que les mêmes têtes, ce sont tes potes dont tu attends désespérément un signe de vie chaque vendredi soir.

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Bonne foi : il lui a tapé sur le système, cet album de Tryo. Lui aussi, il en a marre de cette froideur, et aimerait bien pouvoir chopper des oeufs bio chez ses voisins qui seraient plus simples et sympas, tout en respirant de l’air pur. Dit-il, alors, qu’il enchaîne joint sur joint. Crédibilité des assertions : sachant qu’il est toujours fourré à Dijon pour t’en parler, que tu connais toi-même une certaine campagne du Val-de-Saône où le FN remporte plus de la moitié des suffrages. Potentiel comique : soit il habite la plaine de Saône et on va pouvoir se moquer de lui. Soit il habite la vallée de l’Ouche, donc est intermittent, donc va bien se moquer de nous. Soit il vient de plus loin et on se demande bien ce qu’il fait toujours ici.


Celui qui ne vient plus car il ne peut plus se garer

0% 0% 50%

Bonne foi : tu te rends compte, il a mis au moins dix minutes à se garer ! Et le vélo, c’est pas pour lui. Crédibilité des assertions : tu te rends compte, la première station Divia est au moins à cent mètres de son domicile, et il n’existe pas de parking-relai ! Potentiel comique : infini, lorsqu’il se fait percuter par le tram honni. Limité, lorsqu’il ne vient effectivement plus et se contente de faire ses courses au Leclerc de Marsannay ou à la Toison.

Le membre de l’opposition qui vit un enfer

5% 1% 100%

Bonne foi : la morgue d’Eric Zemmour, le sourire roublard de Patrick Balkany, les gémissements plaintifs de Bernard Tapie. Au conseil municipal, il décrit un Dijon apocalyptique, en pleine déchéance, où les citoyens sont malheureux. Ahem. Crédibilité des assertions : sachant qu’il vient d’un parti qui trouve qu’il y a trop d’immigrés par ici, pas assez de caméras, puis que la place d’la Lib’ était mieux en parking dégueulasse, voilà voilà. Potentiel comique : depuis le temps qu’il vise les postes confisqués par les incompétents de gôôôche, il finit par dire vraiment n’imp, hahaha. « Quatre homicides dont un mort », haha.

Bonus : celui qui est d’accord avec Jean-Pierre Foucault. Non mais là, c’est vraiment juste du troll. Un mec qui a vu Camping. Un Parisien qui ne connaît pas sa géographie, qu’on devrait envoyer à Sedan pour qu’il comprenne de quoi il parle (ohhh Sedan-bashing). 33


Fanny et Florian

rencontre

made in le creusot Florian Courrège a monté la marque de fringues Spharell We Are, chez lui au Creusot, il y a déjà 8 ans. Maintenant, il vit à Miami et Rihanna porte ses t-shirts... WTF ? Qu’est-ce qu’il a bien pu se passer entre temps ? Comment passe-t-on du bassin minier à la Floride ? Une rencontre, l’amour, un peu de galère, le cyclisme, et quelques coups de chance. Rendezvous à l’heure du déjeuner avec un gars du coin qui a bien compris pourquoi il faisait du business, sans pour autant renier ses origines. Et qui n’a pas l’intention de s’arrêter là. Le mec débarque en retard, en short et tongs, parce qu’il est en vacances. Et remarque tout de suite que la serveuse du resto porte un de ses t-shirts.

PaR pierre-olivier bobo et chablis winston, au creusot photos : spharell we are

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Tu as créé la marque en 2007, plus ou moins seul ? Oui, mais il s’est passé quelques années entre le moment où la marque a été créée et le moment où ça devient une entreprise « sérieuse ». C’est en 2010, quand j’ai rencontré Fanny, mon associée et compagne, qu’on a mis le projet véritablement sur pied. C’est elle qui fait les créations et qui dessine. Fanny est originaire d’à côté de Montceau-les-Mines. On s’est rencontrés grâce à un ami commun car on bossait à l’époque dans une boîte de nuit, le 18h Pétantes. Tu te lances au départ parce que t’es fan de fringues ? Ouais, j’aime bien la mode mais je ne suis pas non plus une fashion victim. En revanche, Fanny est hyper calée en mode. C’est vraiment ce qui a fait la différence entre le projet que j’avais, qui était de créer une marque de t-shirt, et le projet qu’elle a réajusté : faire une marque de vêtements. C’est toute la différence. Aujourd’hui on fait du sweat, du jog, des jupes, des accessoires (lunettes, casquettes…). Il y a beaucoup de produits. On fait même des casquettes de vélo parce qu’on a un esprit street urbain axé sur le vélo urbain… À la base tu veux faire une marque de t-shirt pour déconner avec des potes. Avec un pote, Laurent, on aimait bien ça. L’idée, c’était de se faire nos propres fringues. On avait offert à mon frère un t-shirt, on lui avait fait croire qu’on l’avait acheté dans un magasin… Pour voir si ça fonctionnait. Mais on était très loin de savoir ce qu’était une marque de fringues à ce moment-là. Même aujourd’hui, avec l’expérience, les salons que j’ai pu faire à Berlin, Paris, en Hollande. Entre le côté commercial, la communication, les relations presse… C’est très compliqué. Je ne déconseillerais pas à quelqu’un de se lancer, mais la mode est un milieu très difficile. Parce que ça reste un milieu artistique finalement, il y a de la création, et pour que ça colle il faut tout un ensemble d’éléments positifs. D’où vient le nom Spharell ? Pharrell Williams ? C’est comme Rolex, il n’y a pas de signification précise. Le

mot est aérien… À l’époque, Pharrell Williams n’était pas aussi connu que maintenant. Non, il y a peut-être une influence américaine… Colin Farrell... En revanche, j’avais créé la marque Spharell, et aujourd’hui le nom, c’est Spharell We Are, pour marquer la rencontre avec Fanny. Pour te développer au début, tu as commencé par faire les salons ? Le premier, c’était le Who’s Next à Paris. Je m’étais renseigné auprès des commerçants que je démarchais en France, sur quel salon ils allaient eux… C’est un gros investissement, je me suis démerdé pour pouvoir le payer, ça coûtait entre 7.000 et 10.000 euros pour avoir un stand de 10 mètres carrés là-bas. Une somme que j’ai réunie en bossant, en faisant des prêts, en prenant des risques en fait. Après, le Who’s Next, ça n’a rien donné en terme de commande car il manquait encore quelque chose… Il manquait quoi ? Quand j’ai rencontré Fanny, on a mis une stratégie en place, on a créé une collection. Et elle m’a dit : « Je veux bien qu’on aille à un second salon à Paris, on voit si ça se passe bien... Et si c’est le cas on s’associe ». Au final ça s’est très bien passé, du coup derrière on a fait le Bright à Berlin, le Bread & Butter qui est un autre gros salon à Berlin. Puis Amsterdam, Londres… Les retombées sont intéressantes sur ces salons ? Tu les referais aujourd’hui ? Oui, pas mal car on rencontre les clients. Mais aujourd’hui ça me semble moins l’idéal. De notre côté, on a un gros développement essentiellement via Internet et les réseaux. On envisageait de refaire le salon de Paris, mais entre temps des investisseurs ont mis un peu d’argent dans la marque, ce qui nous a permis de construire la collection actuelle, très complète. Là, on attend 2016 pour l’implanter dans plein de magasins. La diffusion de tes vêtements justement, comment ça se passe ? Il y a les salons, donc, où tu vas trouver quelques clients. Mais pendant 2 ans, j’ai aussi fait le tour des boutiques en

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« Le visuel pour Life is a Biche, c’est une biche du Creusot. La photo a été prise au parc de la Verrerie » France, avec un pote que j’ai embarqué là-dedans. On a sillonné les routes, on s’est amusés, il y avait un vrai challenge d’arriver à vendre les produits dans ces magasins. Après, avec le travail qu’a fait Fanny sur l’esprit de la marque, la communication, il y a des boutiques qui ont commencé à venir nous voir directement. Puis des articles de presse qui sont apparus… Mais comment on fait quand on est un petit jeune qui débarque pour vendre sa marque, c’est quoi ton point d’accroche ? Au final, des marques, il y en a plein… J’essaie de convaincre qu’on a un bon produit. Quand je faisais le tour de la France, sur 10 boutiques il y en avait peut-être 1 qui en voulait… Maintenant je ne démarche plus, j’ai des commerciaux qui le font et ça fonctionne mieux, même si en 2015, le secteur est plus difficile. C’est pour ça aussi qu’on essaie de se développer par Internet, avec des sites spécialisés… Et sur le net, on gagne plus d’argent qu’en magasin. La distribution est moins importante mais le marché est en train de monter. On gagne autant d’argent en vendant sur Internet que lorsqu’on vend 60% en magasin. Il y a quand même une logique financière à prendre en compte… Et on n’a pas envie que l’aventure s’arrête. On a mis un projet en place qui nous permet de voyager, de vivre à Miami, c’est un suspense de tous les jours, ça me rappelle le sport de haut niveau. (Florian a été cycliste pro pendant quelques années, ndlr) Les vêtements sont fabriqués où ? Toute la production est faite ici au Creusot, après on a aussi quelques produits qui sont déjà tout faits et qui viennent de Chine, du Bangladesh, de Belgique. Mais qui sont confectionnés au Creusot… →


Vous êtes beaucoup à bosser pour Spharell ? Environ 10-15 personnes qui bossent en permanence. Quasiment tous en free-lance, sinon au niveau de la mobilité on est mort. Deux personnes pour le web, on bosse avec des photographes de temps en temps, les réseaux sociaux on s’en occupe nousmêmes.

cette finalité. En plus de ça, Fanny a fait des études de relations presse, elle a fait tous ses stages dans la mode, elle a un réseau… Elle est branchée mode. Quand on sort un produit, elle va le proposer à la presse, et la presse va accrocher ! Fanny connaît exactement le produit tendance du moment. C’est elle qui a apporté la touche « mode » à la marque.

Le truc qui a fait décoller la marque, c’est le « Life is a Biche » ? Oui, c’est 70% des ventes de la marque, entre la coque de téléphone, la casquette, le sac, les t-shirts… C’est décliné en plein de modèles. Sur le visuel, c’est une biche du Creusot d’ailleurs. La photo a été prise parc de la Verrerie.

Et là, un beau jour de juillet, Rihanna porte ton t-shirt. Le point de départ de tout ça, c’est Miami. On a décidé de s’installer là-bas l’an dernier et d’ouvrir un petit showroom. Les stylistes de Rihanna ont l’habitude de se déplacer dans tous les petits showrooms pour voir ce qu’il se fait, pendant Art Basel spécifiquement, une manifestation d’art contemporain à Miami. On les a rencontrés, on leur a envoyé des fringues par la suite et voilà, le petit miracle !

Pour te développer, t’envoies aussi tes fringues à des personnalités de la télé, des médias… ça nous fait penser à Christian Audigier. J’espère que mon destin sera tout aussi florissant mais j’espère ne pas mourir à 58 ans… (sourire) C’est comme ça que ça fonctionne en fait, pour passer dans les magazines, pour avoir des articles dans la presse. Fanny met en place ces choses-là. Moi je suis plus sur la partie commerciale. J’ai des bonnes idées mais c’est Fanny qui va les sublimer. Elle est très artiste. Je vais lui suggérer des choses qui vont devenir des chefs-d’œuvre. Bon, des chefs-d’œuvre, on va peut-être pas aller jusque-là ! Mais qui vont devenir de très bonnes idées. Si je les avais développées seul, ça n’aurait pas donné

La photo tombe… Le truc, c’est qu’avec des gens comme elle, du matin au soir elle est prise en photo. La chance qu’on a, c’est d’être sur d’avoir un cliché de ce qu’on lui a donné. On lui a offert plusieurs produits, notamment notre gros succès qui est le modèle « Life is a biche », puis également des t-shirts tout simples avec le logo, au cas où… Et au final elle a porté le logo. Tu découvres tout ça comment ? Je me lève un vendredi matin, je reçois une notification sur Twitter : Spharell We Are, Rihanna… Je me dis : « Non,

c’est pas vrai elle l’a fait ! » C’était dingue. Cette journée, je bossais sur le Tour de France, donc j’étais un peu au calme. Après, il a fallu rassembler tout ça avec Fanny, répondre aux sollicitations, aux interviews, on a fait RTL… (La serveuse nous amène nos plats.) Tu vois la serveuse porte un des premiers t-shirts Spharell… Il y a 5 ans, avec le macaron marron… C’était une catastrophe ! (rires) Avec du recul on pourrait se dire : « Putain mais c’est mégalo d’aller s’installer à Miami, quand on vient tout juste de lancer sa marque ». Le projet commun qu’on avait avec Fanny, à la base, c’était pas la marque, c’était de partir aux Etats-Unis. Elle voulait s’installer à Los Angeles, moi à New York. Envie de découvrir la culture américaine, moi j’adore les États-Unis depuis des années. J’y avais fait quelques voyages. On s’est donné les moyens d’axer la marque de façon à ce qu’on puisse la développer aux Etats-Unis. Ça commence à bien fonctionner, mais ça aurait pu ne pas le faire du tout. En fait vous avez fait votre réseau depuis là-bas ? Exactement, on ne connaissait personne sur place. On est allé à Miami pour le temps. Notre ami Gérald avait décidé d’ouvrir un bar à Miami. On l’a suivi en vacances pour voir et je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout comme je l’imaginais. C’est pas Cannes puissance 1000, c’est pas que strass et paillettes. T’as effectivement toute une partie bling bling, mais t’as aussi une autre partie, où vivent des Cubains, des Mexicains, des gens du Honduras… ça parle qu’espagnol. En fait, Miami c’est Barcelone avec l’économie des EtatsUnis, business mais cool. Une fois que tu as vu ça, tu as envie d’y retourner. Seul souci, il faut avoir ses visas. Donc on a créé une entreprise sur place, là-bas ça se fait très simplement. Là-bas, tu peux tout faire. Si les fringues ça ne marchent pas, tant pis, on peut essayer de monter autre chose. Tu passes combien de temps à Miami ? Là, j’ai fait 9 mois d’affilée. Il fallait revenir en France pour recaler des trucs, revoir notre organisation pour pouvoir y retourner sur au moins 1 an non stop. Pour que nos produits se fassent, notre commercialisation en France se finalise. On repart aux Etats-Unis fin septembre.

Les lunettes coeur aussi c’est du Spharell ?


Rihanna en Spharell We Are

Et depuis que vous y êtes comment ça se passe niveau business ? On a habillé Rihanna ! On n’aurait pas pu le faire si on n’y était pas allés. On a aussi habillé Lil Kim. On a trouvé Nylon, un énorme magazine new yorkais et aussi e-shop. Karmaloop également, gros site Internet. On a été contactés par Urban Outfitters, on a notre showroom avec lequel on fait quelques ventes à des particuliers qui ont de l’influence à Miami. Je bosse aussi dans un bike shop à Miami donc j’ai mieux cerné comment fonctionnait notre clientèle. Le vélo est super développé à Miami, comme à Berlin ou en Hollande. Ils sont bien plus en avance qu’à Paris… C’est dingue car je n’aurais jamais cru ça de Miami. On est dans un quartier, genre friche toute taguée, super branché, mais ultra ouvert, avec des galeries, des bars, etc. Ça nous donne une créativité qui nous permet de sortir des choses qui sont le fruit d’une expérience dans un endroit.

« Ma mère aide beaucoup, elle est modéliste prototypiste, c’est elle qui fabrique la première pièce de la collection. Si tu le fais faire par des entreprises, ça coûte un bras, mais si c’est maman ça coûte moins cher »

Donc Miami, c’est le lieu parfait pour vous. Oui, Miami c’est comme New York en terme de décalage horaire, et pour la température c’est au niveau du Maroc. Et encore, c’est dans les tropiques… Quand tu peux tous les jours bosser en tongs, ça te change la vie… T’as un état d’esprit positif, t’es aux Etats-Unis, tout est possible. Tu n’es pas dans la crise européenne... T’as des gens à Miami qui voient d’un mauvais œil les petits frenchies qui débarquent ? Aux États-Unis, personne n’a peur de la concurrence. C’est un pays de business, la concurrence apporte de la compétition. En France, t’es un concurrent, on va tout de suite te décrier, te critiquer… Les deux systèmes sont intéressants, différents, mais moi dans l’immédiat j’ai envie de travailler dans une ambiance où la compétition est positive. Tes parents, dans tout ça, ils vivent le truc comment ? Ils sont assez distants de ça, bien que ma mère aide beaucoup. Elle est modéliste prototypiste. Elle fabrique la première pièce de la collection. Par exemple, notre jogging 5 poches qui est sur le marché depuis l’an dernier, elle a bossé dessus. Si tu le fais faire par des entreprises, ça coûte un bras, mais si c’est maman ça coûte moins cher. (rires) À l’époque tu as aussi ouvert un magasin de vêtements Spharell à Chalon-surSaône. De 2009 à 2011, oui, j’ai vite compris ma douleur ! Ça s’appelait 37

Spharell mais on ne vendait pas que ça, il y avait des marques urbaines assez cool. Le problème, ça a été l’économie chalonnaise. Dans la rue où j’étais installé, au bout de deux ans, 60% des commerçants avaient déposé le bilan. Ils ont refait les rues piétonnes, ça a été compliqué pendant ces deux années… Et puis le secteur du vêtement aujourd’hui, avec Devred, Zara, H&M qui sont des rouleaux compresseurs, c’est très délicat. C’est la guerre, un combat permanent. Pourquoi tu gardes un magasin d’usine au Creusot ? On est d’ici, ça permet aux gens du Creusot de venir en acheter directement, ça leur coûte moins cher… Ce qui est dommage, c’est qu’on ne puisse pas le valoriser. À l’étranger quand tu veux valoriser la France, c’est Paris. Pour les Américains, la France, c’est une ville. Un Américain qui vient en France, il veut visiter Paris, et dans la même journée il veut faire Avignon, les Baux-de-Provence, St Tropez et Cannes. Il a limite l’impression que ça peut se faire à pied. Et c’est valable aussi pour les Chinois. Mais bon, c’est plus difficile d’être prophète en son pays. Encore aujourd’hui, bien qu’on n’ait plus la volonté de prouver quoi que ce soit ici, l’histoire avec Rihanna, c’est venu nous conforter dans le business local. Le fait que ça ait fait le tour du monde, il y a des gens qui appellent et qui demandent si on a le t-shirt de Rihanna au magasin d’usine. L’autre jour, Fanny servait un client et lui demande comment il avait connu la marque. Le mec répond : « J’ai un copain qui connaît les créateurs ». À aucun moment il a imaginé qu’il l’avait en face de lui… C’est drôle. Récemment, des investisseurs ont voulu mettre du pognon sur votre marque. Oui, des mecs du cyclisme : Cédric Vasseur et Emmanuel Barthe, des anciens coureurs maintenant consultants pour France 2 et BeinSport… Je les connaissais et leur parlais de ma marque, ils ont eu envie d’investir. Ils ont pris chacun 15% de l’entreprise. Tous les investissements que j’ai pu faire par le passé, quand tu te trompes, c’est de l’argent que tu perds, donc irrécupérable. Pour stabiliser →


Jeannie Longo en Spharell We Are

« Pour les Américains, la France, c’est une ville. Un Américain qui vient en France, il veut visiter Paris, et dans la même journée il veut faire Avignon, les Baux-deProvence, St Tropez et Cannes »

l’entreprise, donner de la crédibilité, et surtout aller en route vers de nouveaux gros investisseurs potentiels, on a permis l’entrée de ces deux personnes-là. C’est beau, ça veut dire que le mec sur la moto du Tour de France, il a 15% de Spharell. (rires) C’est ça ! Au final, tout ça nous a un peu ralenti sur les ventes car on s’est concentré sur une collection globale. Par exemple, plutôt que d’avoir 1 jogging, l’idée c’est d’avoir 8 modèles, 8 couleurs. On a fabriqué des bonnets, des lunettes, des choses qu’on n’avait jamais faites… ça a pris du temps.

Est-ce que t’envisages qu’un jour quelqu’un puisse racheter ta marque ? Oui, ça ne me dérangerait pas. Pas dans l’immédiat, car je pense que la marque a beaucoup à nous apporter encore. Mais si demain quelqu’un me propose quelque chose, il y a des possibilités. Déjà on a fait rentrer des investisseurs, ça montre une certaine ouverture sur le fait de lâcher son bébé. Quand ça fait 7-8 ans que tu fais la même chose… Moi je suis très américain dans l’état d’esprit : si pour le bien du business et pour mon bien, il faut que j’en cède un peu, ça ne me dérange pas du tout. On change de sujet pour parler de ta vie d’avant. Tu en parlais tout à l’heure, t’as été cycliste pro. Cet été tu bossais d’ailleurs sur le Tour de France. T’arrivais à suivre l’étape pendant la journée ? Oui, je bossais de 7h à 14h à l’intendance des coureurs, donc je suis quasiment sur toutes les arrivées après. Je vis avec les coureurs au quotidien.

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T’as pensé quoi de cette édition ? Déjà, Froome, les gens sont suspicieux car il a fait un bel exploit le premier jour, mais il avait quand même un visage humain sur toute la fin du Tour. Il était super en forme les deux premières semaines. Et tu sens que sur la dernière, si t’as une étape de montagne en plus, il perd tout. Je l’ai trouvé passionnant ce Tour. Je pense que je m’y connais un peu en vélo, j’ai même monté un média sur le vélo quand j’avais 18 ans, pour parler de l’actu du cyclisme. Froome, je le connais depuis 2001, j’ai suivi toute sa carrière, il avait déjà des résultats extraordinaires à l’époque. Tu sais, à mon niveau, il y avait du dopage. Mais je considère que ce n’est pas parce que je n’ai rien pris que je n’ai pas été meilleur ou que je n’ai pas continué. Jean-Christophe Péraud (coureur AG2R La Mondiale, 2ème du Tour en 2014, membre du Creusot Cyclisme de 2006 à 2009, ndlr), on a roulé pendant 3 ans tous les jours ensemble : il est à l’eau claire, je te le dis, il n’y a pas de dopage chez ce mec-là. Pour moi, Pinot qui gagne l’Alpe d’Huez, il ne prend rien, j’en suis sûr. Par contre il s’entraîne du matin au soir, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige… Il a des compétences extraordinaires. Moi, quand je faisais du vélo, plein de gens pensaient que j’étais dopé, quand j’étais en équipe de France Junior… Ben non, je m’entraîne, je mange bien, je dors bien. Et puis on n’a pas le même corps, désolé... // C.W et P.-O.B.



« Range ta chambre s’il te plait »

portrait

Est-ce que les gens sont heureux dans leur bâtiment ? Remarqué dans les pages du Bien Public, puis pour le « Parking day » ou encore la dernière expo Dijon vu par*, le collectif Fakir s’inscrit comme le poil à gratter de l’urbanisme dijonnais et veut donner « envie d’architecture ». Kesskecé ?

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PaR chablis winston photos : louise vayssié


Quelques projets signés Fakir, dont le tramway Grand 8 : « Veuillez vous tenir aux barres de maintien »

Créé en 2008, Fakir est né d’une discussion en terrasse entre collègues architectes. Une question revient : pourquoi est-ce que, quand la presse parle de l’inauguration d’un bâtiment, on ne cite jamais l’architecte, ou uniquement quand c’est une star, type Jean Nouvel ? Ni une ni deux, ils appellent le Bien Public. En résulteront les pages Fakir dans ton quotidien local. (Un coup de fil, hop, ils obtiennent une page dans le BP. Ils doivent être bien placés, connaître du monde... Essaye, toi, d’appeler le BP en leur proposant une page toutes les semaines). Des projets de construction virtuels, loufoques, tout droit sortis du cerveau des activistes. La page est originale et appréciée des lecteurs. Ces pages (aujourd’hui disparues) jettent les bases des actions de Fakir. Des projets dont ils ont envie. Des utopies. « Tiens, on pourrait faire ça ». L’utopie, en archi, ça a quand même un sens historique (Fourrier, Ledoux, les phalanstères). Ça donne, en vrac : une piscine jardin Darcy, les pelouses du tram broutées par des moutons, les barrières du chantier du tram réutilisées dans la construction de bâtiments, des bouquinistes au chevet de Notre-Dame, une passerelle au-dessus de la gare, une immense bulle pour protéger la place du Bareuzai... Pour l’expo Dijon vu par, ils sèment dans la ville de faux panneaux de permis de construire plus vrais que nature qui peuvent déboussoler le chaland. À la base collectif d’architectes, Fakir s’ouvre aux urbanistes, paysagistes, graphistes, designers... Le collectif est mouvant. Certains s’en vont, d’autres arrivent, repartent, reviennent. Toujours au moins une dizaine de personnes. «Tout le monde fait ça pour le plaisir. Chacun a un boulot à côté.» À notre avis, ça reste essentiellement un truc d’architectes. Bref, c’est un collectif. C’est ce qu’ils peuvent mettre en avant. C’est aussi pour ça qu’aucun des membres rencontrés ne verra son nom cité. Co-llec-tif. Même s’il est facile en allant sur le net ou dans les expositions de savoir qui y participe. Ils ont lancé le « Parking Day » à Dijon, organisent des expos. Suscitent des réactions, donnent envie d’architecture. « Le

dommage, parce que quand un bâtiment est construit, en général c’est pour longtemps ».

« Les gens n’aiment pas ce qu’ils ne connaissent pas. Notre boulot, c’est de leur faire connaître l’urbanisme, l’architecture, ces bâtiments qu’ils côtoient tous les jours »

citoyen lambda vit avec les bâtiments mais ne s’y intéresse pas trop. Pour une bagnole, tout le monde a des clefs de lecture, tout le monde va avoir un avis sur l’esthétique, l’aérodynamisme, etc... Pour un bâtiment, c’est plus rare. Les gens vivent avec sans y faire attention. C’est

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Le problème, c’est la commande. « Le problème de nos villes, c’est que pour les bâtiments publics (en opposition aux maisons individuelles) il y a un appel d’offre, une commande ». Les pouvoirs publics ont une idée, et ce n’est pas forcément une idée de professionnel. « Quand une commande publique débarque, elle répond à une question, à une problématique. Mais est-ce que c’est la bonne question qui est posée ? On ne pense pas que des gens vont vivre ou travailler dedans. Il faut consulter les archis avant... C’est pas sérieux ». Le collectif se sent muselé par les commanditaires. « Il faut faire ça » « Ah ouais, on peut en discuter ? » « Non, c’est déjà décidé, il faut faire ça ». Avec Fakir, il se libère de la commande et des contraintes l’accompagnant. Les contraintes, parlons-en. « De base, c’est bien les contraintes légales parce que ça apporte de la créativité. Mais... maintenant il y en a trop. Pour l’isolation, c’est devenu n’importe quoi, on a fait un projet qui était de raser l’église St Michel. Pour faire comprendre au public que ce ne serait pas possible de construire toutes ces églises maintenant avec toutes ces normes. Pas assez isolées... » Les normes, on les comprend, on vit avec. Faut faire preuve d’ouverture d’esprit. →


Vrai/faux panneau de permis de construire. À s’y méprendre.

Tout est volonté politique. Si on a créé des quartiers qui sont devenus des « ghettos » comme les Grésilles ou Planoise, c’était la volonté politique de l’époque. Et on en pâtit encore. La ville de Dijon ? « Il y a des bonnes choses de faites. Mais il n’y a pas de pensée globale de la ville. C’est un projet après l’autre, sans véritables connexions entre eux. La place de la Lib’, puis le quartier Junot, puis Dijon Sud, puis, etc... C’est un agglomérat

« Les utopies d’aujourd’hui peuvent être les vérités de demain »

de petits projets. Pas un projet global ». Le classement Unesco ? « Ouais, c’est bien, mais ça va figer encore plus la ville. Qui l’est déjà beaucoup. Avant, les villes évoluaient tout le temps. Maintenant non. On reste sur ce qu’on a ». C’est bien d’être fier du patrimoine mais il ne faudrait pas que ce soit une raison pour ne rien changer. Dommage. Ils raillent le manque de projets ambitieux. Ou alors un de temps en temps, que tout le monde copie. « C’est le syndrome Frank Gehry (l’archi du Guggenheim de Bilbao, ndlr). Après, tout le monde voulait son Guggenheim ». Vulgarisation. Néanmoins, le constat n’est pas uniquement fataliste. Si les créateurs de Fakir semblent un peu désabusés, d’autres, plus jeunes, ont repris le flambeau : « Y’a plein de choses à faire. Les projets de Fakir plaisent ». Si beaucoup sont irréalisables (le Grand 8 pour le tram, ou la tour Bagatelle en forme de godemichet ?), d’autres peuvent être mis en chantier assez facilement : la fontaine place du Théâtre, le café sur la tour de Bar, la piscine du jardin Darcy (notre chouchou à la rédaction). « Les utopies d’aujourd’hui peuvent être les vérités de demain ». Donner envie d’architecture. C’est le but. En espérant peser sur ceux qui commandent avec leurs projets. Ils font depuis peu des ateliers pour les enfants. C’est aussi ça le futur de Fakir : la vulgarisation. Et

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ça commence dès la maternelle. « Qu’est-ce qu’exprime un bâtiment ? » Il faut habituer tout le monde à avoir ce genre de réflexion. Les réactions sont positives. Ils sentent que le public comprend la démarche et adhère. Ils ont envie de faire plein de choses pour montrer au gens que l’urbanisme, ce n’est pas que des parkings, ou le quartier de la Toison d’Or... Ça peut être fun et faisable. Le fait que certains projets soient réalisables montre aussi les limites d’un collectif bénévole et plein de bons sentiments. Si un des projets de Fakir est finalement mis en chantier, vu que les membres du collectif pensent que ce n’est pas au collectif de construire les bâtiments, qui va le faire ? Qui va empocher l’argent, un membre du collectif en particulier ? Qui va mettre en avant son ego alors même que le principe est justement le contraire? Ah, en fait, pourquoi Fakir ? « Fakir, c’est l’idée de clou, de venir piquer un peu, de déranger les conventions... Enfin, au début on devait s’appeler fuck Kir. Mais finalement c’est Fakir ». // C.W.

__ *Expo visible jusqu’au 27 septembre au salon Apollon du Palais des ducs.



INTERVIEW

Entretien pugilat avec un groupe qui va te casser la gueule.

par sophie brignoli photos : dr, amandine lauriol

bagarre

Extraits du clip de Claque-le. Placement de produit. 44


P

rêt à en découdre avec les codes et les styles musicaux de ces trente dernières années, Bagarre mélange facétieusement synthés pop, rythmiques bounce et beats techno à des textes en français scandés sur scène par les cinq membres du groupe. Un après la sortie de Bonsoir, nous sommes Bagarre, les jeunes Parisiens reviennent avec Claque-le, premier morceau très prometteur du deuxième EP Musique de club qui marque aussi leur entrée au sein d’Entreprise, le label de Moodoïd et Grand Blanc. Cette nouvelle sortie s’accompagne d’un clip inoubliable où Emma, seule fille de la bande, conte un date amoureux tout en enchaînant une série de pyramides humaines avec les garçons, le tout en survêt’ et chaînes en or. On a évidemment trouvé ça trop cool. Rencontre avec la Bête (seul non-Parisien du groupe, originaire de Dijon), Thug loup et Emmaï Diamant via Skype, pour parler de la nouvelle sortie, des fans de Fauve et de leur ambition de faire du pèze.

Fauve est assez bienveillant. On a eu un super accueil, aussi bien au Bataclan, qu’ensuite aux Zéniths de Nantes et de Lille. La Bête : Ce qui est marrant c’est qu’on s’est rendu compte en jouant dans ces grosses salles qu’on avait plus de problèmes finalement avec une scène traditionnellement rock dans un p’tit club rock, qu’avec un vrai club techno. Passer d’un lieu comme le Marché Gare ou le Sucre à Lyon à un Zénith, c’est la même chose à plus grande échelle : il est avant tout question de danse, avec un gros système son pour que les gens en prennent plein la gueule. Les gens qui vont voir Fauve – en tout cas pour le public jeune – ce sont des gens qui ont grandi comme nous avec Internet dont le panel est très large, mais tant qu’il y a cette énergie et ce côté dansant... Les gamins écoutent aussi bien Diplo, que Schoolboy Q, Tyler The Creator ou Florida.

Pour votre premier disque, Bonsoir nous sommes Bagarre, pourquoi avoir fait le choix du vinyle, en édition limitée et sérigraphiée ? La Bête : L’artiste qui a réalisé la pochette, Elvire Caillon est une amie à nous. L’idée des 300 vinyles, c’est simplement parce que Rouge Vinyle est un petit label et que nous sommes un petit groupe. Thug loup : On voulait donner carte blanche à des artistes, et on a envoyé les morceaux à pas mal de gens. Elle fait partie de ceux qui ont été les plus réactifs et dont l’esthétique collait bien avec Bagarre. On a capitalisé sur les forces des personnes qui étaient autour de nous... La Bête : ... et qui croyaient au projet. Thug loup : Pour le clip de Mourir au club c’est pareil, ce sont les amis de Pilule et Pigeon qui se sont proposés de le clipper, et à partir de là ils sont arrivés avec une idée que nous avons validée. Comme avec Elvire, ils sont restés très libres dans leur travail.

« c’est un truc pudique aussi le second degré, ce n’est pas que de la déconne »

Qu’est-ce qui a changé dans Bagarre depuis cette première sortie en mai 2014 ? Emmaï : On a trouvé un tourneur et plusieurs structures professionnalisantes, dont le label Entreprise, qui nous ont approchés. Petit à petit, on a tous lâché ce qu’on avait autour pour ne faire que ça. La Bête : Mais quand tu commences à avoir un tourneur, tu joues dans certaines salles, tu ne joues pas partout. Et on ne voulait pas s’éloigner de ce qu’on avait commencé à faire avec Rouge Vinyle qui est un label indé associatif. On a voulu continuer de tourner avec eux et d’organiser nous-mêmes le Mourir au Club Tour. On a tourné dans des petites salles, des bars. On veut vraiment garder ce côté club, même si le mot est un peu bizarre. Ce côté « proche des gens » et « rentre dedans », avec le son à fond.

Justement, le son de Bagarre est difficile à classer, il pioche dans de nombreux courants : pop, techno, hip-hop, chanson à texte... La Bête : C’est naturellement comme ça, on n’a pas eu à se poser la question. On arrive plus facilement à expliquer quel est le thème commun entre ces musiques là : elles sont toujours dansantes, la base rythmique est reine.

Vous avez assuré les premières parties de Fauve sur de grosses dates : Olympia, Bataclan, Trianon et plusieurs Zéniths. Ça a changé votre rapport à la scène ? Vous avez bossé le live différemment ? Emmaï : Pas tant que ça finalement... Thug loup : On a pris le Zénith comme si c’était le bar du coin ! Emmaï : On a justement essayé de s’accaparer la scène de la même manière que si c’était une petite salle, devant 20 personnes, et il se trouve que ça a bien marché. Thug loup : Ça a marché aussi parce que le Zénith était plein et que si t’y vas à fond, les gens sont à fond aussi. Et le public de

Il y a ce côté décalé, second degré aussi bien dans les textes, que sur scène et sur les réseaux... Pour vous Bagarre, c’est la déconne ? Thug loup : Je pense que l’énergie est premier degré. Après dans le clip, dans la façon de communiquer, on aime bien se marrer. Emmaï : C’est sérieux, c’est très sérieux. La Bête : Je pense qu’on est sérieusement deuxième degré. → 45


Manif ’ de la LCR... L’Internationale, ce tube !

C’était une envie aussi, de s’adresser directement aux gens. Parler d’abord à sa petite humanité, ses copains et aux gens qui viennent te voir en concert. Tu peux pas les toucher de la même façon en anglais. La Bête : C’est une question qui s’accompagne souvent de la question « quel genre vous faites ? », mais ce sont des questions que nous ne nous posons pas. C’est aux journalistes qu’il faudrait demander pourquoi ils trouvent ça si incroyable que des artistes puissent chanter en français. Le son a déjà pas mal évolué entre Mourir au Club et la récente sortie de Claque-le. Ce nouveau morceau est-il représentatif du prochain EP ? Emmaï : On reste dans le même esprit même si les chansons sont très différentes entres elles. On a pioché dans notre librairie différents styles qui nous plaisaient et vers lesquels nous voulions aller. Thug loup : Le lien est pas mal dans les arrangements aussi, on retrouve les mêmes sons, les mêmes instruments. Paradoxalement ce qui fait le lien aussi c’est le fait qu’il n’y ait jamais le même chanteur, cela créé malgré tout une unité. La bête : On s’est basé sur des musiques à tradition orale. On a repris un riddim jamaïcain et l’instru est toujours la même pourtant t’as 300 mecs qui sont passés dessus et ont chanté un truc différent. On a un autre morceau plus inspiré du folklore arabe, rythmique très lancinante avec un texte qui est conté. L’influence du hip-hop aussi, le fait de mettre le MC à l’honneur. Même si on a aimé faire les productions, c’est véritablement le chant qui fait la narration.

Pour continuer sur le second degré, il y a évidemment les tenues remarquables du nouveau clip Claque-le ; survêt’ à bandes blanches et chaînes en or, mais pourquoi ce délire années 80 ? La Bête : Comme tout le monde, on veut notre place au soleil tu vois ? Bien évidemment, on a de l’humour, le but c’est pas d’avoir de la thune mais quand t’en as, tu t’amuses. Le but c’est d’en avoir assez pour pouvoir faire les cons. Souvent, c’est plus intéressant de faire danser les gens sur un morceau qui dit « je vais mourir, j’aime pas la vie, c’est trop de la merde » et de le faire avec volonté et énergie. Tu leur transmets quelque chose, c’est un truc pudique aussi le second degré, ce n’est pas que de la déconne. Après les chaînes en or c’est autre chose... Emmaï : C’est parce qu’on kiffe ! (rires)

Musique de club sort le 18 septembre, avec une release party en octobre, et ensuite ? Emmaï : L’album ! La tournée de l’EP... La Bête : Peut-être qu’il y aura aussi des featurings, des remixes. On est en discussion avec un groupe canadien dont on aime beaucoup le travail. On voudrait nous-mêmes remixer nos morceaux et les proposer à d’autres. On aimerait qu’un jour nos morceaux passent vraiment en club.

Qu’est-ce que vous écoutez tous ? Il y a un dialogue entre vous là-dessus ? Emmaï : Pour la composition de l’EP on s’est échangé énormément de sons, on a fait un répertoire commun, et depuis 6 mois on écoute beaucoup plus les mêmes choses qu’avant. La Bête : On partage une playlist Bagarre dans Spotify et on écoute ce que les autres mettent, sans cette playlist on n’aurait pas fait le même EP, c’est un truc ultra nécessaire parce qu’on dialogue par la musique grâce à ça. C’est le nerf de la guerre.

Le travail vocal d’Emma dans Claque-le rappelle énormément celui de Yelle, vous êtes d’accord avec cette référence ? Emmaï : Ses prods tuent en live, après, son attitude... C’est un peu trop second degré, trop fun, un côté presque Club Med. La Bête : Nous on est club, Yelle elle est Club Med. L’idée c’est pas non plus d’animer une Bar Mitzvah. On associe Emma à Yelle, parce qu’effectivement il y a peu de filles en France qui chantent de cette manière-là. Thug loup : Emma se sent plus proche de Rihanna. À moins que ce ne soit Beyoncé...

Comment ça se passe au niveau de la composition ? Est-ce que c’est le bordel, comme sur scène ? Emmaï : C’est compliqué de composer à cinq, mais on multiplie les sources d’inspiration, et aussi l’énergie pour écrire des textes. Il faut arriver à mailler tout ça mais on a une matière première très importante, je pense que c’est une chance. La Bête : C’est agréable et confortable, personne n’écope du leadership. Les textes sont soumis et validés auprès de tous, on partage la gloire comme le reste. Thug loup : De l’ultra-capitalisme : on est tous actionnaires, tous des boss. Et donc demain s’il n’y a plus Bagarre, il y aura cinq groupes ! La Bête : Sur scène on a vraiment envie de s’amuser aussi, que chacun existe réellement même si on est un groupe. Le Wu Tang c’est ça, un clan avec plein de mecs qui existent séparément derrière.

Ça sent le tube à plein nez quand même Claque-le... Emmaï : En fait c’est pas le seul tube, c’est ça le truc ! Sur Musique de club, les chansons sont plus abouties. C’est vrai que le titre Mourir au Club a hyper bien marché mais les deux autres un peu moins... Là on sort un deuxième EP coup de poing ! La Bête : On s’est vraiment investi sur tous les morceaux. On avait peur que les gens ne nous suivent pas forcément sur le deuxième parce que ce sont des références qui ont encore évolué, qui sont plus précises et on pensait que ça allait faire un peu weirdo. Mais bizarrement, ils le reçoivent plus simplement. Il va y avoir aussi un clip par morceau, autour de l’idée de la performance. On a vraiment voulu faire un projet total, radical. // S.B.

Pourquoi le choix du français ? Emmaï : Y’a pas eu de choix, c’était naturel. Thug loup : Parce que c’est la langue qu’on parle tous les jours. 46


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Le retour de l’égéri

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Euromuses (Licence 2-136036 / Licence 3-136037)


la page mode Photos : Vincent Arbelet Modèle : Wesley Snipes dans Passager 57 Série réalisée à Chenôve

Sweat-shirt : équipe UNSS de volley du collège Jean Rostand saison 92-93 Coupe de cheveux : Le Prince de Bel Air Ambiance : Charles Ingalls Pose : ramenez-moi à Walnut Grove


T-shirt : pas besoin. Bermuda : sinon il était tout nu. Tatouages : au Velleda Ambiance : les climats de Bourgogne Pose : « Fais pas le chaud ! »


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Attention aux avions


enquête

Chalon dans la culture À Chalon-sur-Saône, ça sent pas bon. Hormis le fait qu’on défende bizarrement la laïcité, on s’en prend à la culture, alors que c’est la richesse de la ville. En plus, les habitants foutent le camp. Ça, c’est le constat bien trash. Maintenant, je vais te faire la version longue. Tu vas voir, je vais te dire concrètement ce qu’il se passe dans le monde de l’art à Chalon-surSaône. J’en profiterais pour te faire un petit panorama de l’offre culturelle.

C

Par aurélien moulinet photos : alexandre claass

l’agglomération, à Saint-Loup-de-Varennes, au début du 19ème siècle. Si vous venez à Chalon, attention c’est nouveau, vous pourrez profiter du chemin de l’Orbandale. « C’est un peu comme le chemin de la chouette », indique Benoit Dessault. Des flèches dans la ville, un parcours qui invite les visiteurs à découvrir les vieux édifices comme la cathédrale Saint-Vincent, église romane au centre historique de la ville. Un peu d’histoire, ça fait pas de mal. Un peu seulement, parce qu’à Chalon, ça bouge quand même. « On est plus dans la création que dans le patrimoine », insiste pour sa part Robert Llorca, directeur du conservatoire de la ville. Cependant, la mairie veut avant tout mettre en avant les vieilles pierres et développer le tourisme. Mais ce sont les manifestations culturelles qui ont fait, par le passé, la renommée de Chalon. L’adjoint à la culture le souligne. « Monsieur Perben a placé Chalon haut dans la culture ». Benoit Dessault n’oublie

’est en revenant d’une soirée arrosée à la discothèque préférée de tes meilleurs amis bressans, le Papayou, que tu es passé à Chalonsur-Saône pour la dernière fois. C’était un dimanche matin d’automne, il faisait chaud, on appelle ça en sud Bourgogne : un automne chaud. Ce matin là, tu t’en souviens, tu as été surpris par cet étrange bâtiment en face d’Europe Vélo, le vendeur de vélo le plus célèbre de Chalon. Cet édifice, c’est l’Espace des arts, une maison de la culture, un symbole de la richesse culturelle de la première ville de Saône-etLoire. Ici à Chalon, on a le Premium, le night-club discount, on a les vestiges de Kodak, la fumée grisâtre des cheminées de l’usine Saint-Gobain, un lac, une marre au canard, un Carrefour 2000, et tellement d’autres choses encore. Mais hormis ces richesses patrimoniales jalousées par les touristes néerlandais qui arrivent en masse par le canal, on bénéficie d’une offre culturelle assez impressionnante. Oui, j’ai dit impressionnante. « Combien y a-t-il de ville de moins de 50.000 habitants qui ont un conservatoire national de région, une scène nationale, un musée de la photo, un centre national des arts de la rue, et un festival de dimension nationale voire internationale ? Il y en a certainement mais c’est à vous de les trouver ! » C’est pas moi qui le dis, c’est Pedro Garcia, le taulier de la ville, le directeur artistique de Chalon dans la rue te pose une colle. C’est vrai qu’ici on n’est pas les plus à plaindre. Je te propose un petit aperçu de ce qu’on produit en terme d’art et de culture dans cette ville qui autrefois brillait. Chalon-sur-Saône évolue, et pas forcément dans le bon sens. Les nostalgiques des années Perben1 sont nombreux, beaucoup regrette le toboggan2 et l’esprit populaire qui régnait dans le Chalon d’hier. Et on entend ici et là que ce qui fait la richesse de la ville, la culture, serait menacée...

« On est le plus gros conservatoire de la région. En ce qui concerne le travail du son, le numérique, on est les seuls à faire ça dans la région » Robert Llorca, directeur du conservatoire de Chalon-sur-Saône

pas, au passage, de rappeler que c’est Dominique Perben qui a engagé la politique culturelle de la ville. « Une offre élitiste, mais aussi abordable », précise-t-il. Le musée Niépce présente l’histoire technique de la photo et accueille des expositions toute l’année. Dès le mois d’octobre sera accueillie l’expo d’Olivier Culmann, The Others. Il s’agit d’une série de portraits d’Indiens de New Delhi. Le musée Denon propose quant à lui des peintures et des sculptures du XVIème au XIXème siècle ainsi que des vestiges archéologiques. « Pour les gens qui aiment les spectacles, il y a une offre, pour les gens qui aiment la vieille pierre, il y a une offre », précise Benoit Dessault. Voilà, c’est dit, c’est placé. Après m’avoir présenté les manifestations populaires et les sites touristique et historique de la ville, l’élu en vient enfin à la création culturelle. C’est ça l’identité de la culture à Chalon-sur-Saône, le point central. Pourtant, la baisse du budget de la culture menace, entre autres, la plus grande des manifestations artistiques chalonnaise. →

Chalon, champion, le reste c’est du bidon ! La dernière fois qu’on a entendu parler de Chalon, c’était sur BFMTV, le 13 août, jour où on a appris que la mairie virait le menu de substitution sans porc dans les cantines des écoles élémentaires. Gilles Platret, le nouveau maire, affichait d’ailleurs sa joie avec un tweet en signe de victoire : « Le Trib. adminis. vient de rejeter le recours dirigé contre la fin des menus de substitution à Chalon. Première victoire pour la #laïcité ! » Est-il nécessaire d’ajouter un commentaire ? Mais attention, Chalon, ce n’est pas que ça ! C’est une « ville d’histoire », pour l’adjoint à la culture Benoit Dessault. Et l’élu « Les Républicains » n’a étrangement pas tort, c’est ici que la photographie a été inventée par un certain Nicéphore Niépce : le premier cliché a été pris dans 51


Or massif pour le Conservatoire

On veut tuer la culture à Chalon ?

musique jazz. L’association doit subir une baisse « ravageuse », dit-elle sur son site Internet, de près de 11.000 euros. La Péniche, scène de musiques actuelles à Chalon, est elle aussi gérée par une association. Mosaïque, c’est le nom de la structure, doit également faire avec cette baisse de 25% de fonds publics. Sale temps pour la culture à Chalon. Pour en revenir à Chalon dans la rue, malgré le trou dans le budget, l’événement s’est bien déroulé et pour ne pas provoquer la polémique, Pedro Garcia a rappelé que « la ville de Chalon (même après baisse de subvention) reste encore la première ville en ce qui concerne les dotations fléchée sur les arts de la rue ». Pour le directeur artistique de Chalon dans la rue, le problème vient d’ailleurs. « Il y a des départements en France qui apportent au CNAR (Centre national des arts de la rue, label donné à l’Abattoir, structure qui gère Chalon dans la rue, ndlr) quatre fois plus que la Saône-et-Loire […] Le département et la région sous-dotent le CNAR de façon excessive ». Si la ville coupe et coupe encore, la région coupe également. Elle coupe les vivres des grosses structures culturelles, comme l’Espace des arts. Philippe Buquet, directeur de l’établissement, l’affirmait en janvier dernier sur le site info-chalon.com : « La région envisagerait une baisse de 30% concernant l’Espace des Arts et 13% sur l’ensemble de la Culture en sachant qu’une réduction identique serait prévue en 2016 et 2017 ». Il s’était d’ailleurs mobilisé, avec ses homologues professionnels du métier en Bourgogne et était allé interpeller François Patriat à Dijon le 8 janvier dernier. Finalement, le conseil régional a voté un budget en baisse de 10,5% par rapport à 2014, ce qui veut dire que les subventions attribuées aux établissements culturels ont sérieusement diminué. Le conservatoire de Chalon-sur-Saône subit également ces coupes budgétaires de la région, avec une baisse d’environ 10%.

Chalon dans la rue, 29 ans cette année, est le festival qui fait la notoriété de la ville. Il présente toute les disciplines qui composent les arts de rue. Cirque, théâtre, danse, musique sont au programme. En photo, tu peux voir la représentation du spectacle Fier à Cheval de la compagnie des Quidams, une performance mêlant danse, son, et lumière. Cette chorégraphie onirique exécutée par des chevaux imaginaires flottant dans les airs était un des spectacles clés de la programmation IN du festival. Dans la programmation IN encore, la compagnie OUT présentait un spectacle participatif sur le thème de l’enfermement et de l’isolement. Dans le OFF, les compagnies étaient encore très nombreuses cette année. Un exemple, le cirque électrique qui avait posé son chapiteau pour nous faire voyager dans un univers à la Blade Runner. Trapèze et acrobatie en tout genre au programme, accompagné de musiques variant du rock 70’s à la new wave. Leur spectacle Steam a fait carton plein. Comme chaque année, on compte près de 200.000 spectateurs à Chalon dans la rue. Ça calme. Pour cette édition, la mairie a baissé de 360.000 euros les subventions allouées au festival. Interrogé avant la manifestation, monsieur Dessault le disait : « Je ne pense pas que ça va changer quelque chose ». Malgré ces propos audacieux, il ajoutait « Les économies, c’est partout […] on essaie de faire des économies sur tous les postes ». Nous voilà rassurés ! La culture n’est pas la seule victime de ces coupes ! Des propos appuyés par Robert Llorca, qui parle de baisse de subventions sur toutes les associations de la villes. Le conseil municipal a en effet raboté de 25% les aides aux structures associatives. Dans le lot, on trouve des organismes culturels comme l’Arrosoir, une scène de 52


Les Abattoirs, centre national des arts de la street, mon pote

« Il y a des départements en France qui apportent au CNAR quatre fois plus que la Saône-et-Loire […] Le département et la région sous-dotent le CNAR de façon excessive » Pedro Garcia, directeur artistique de Chalon dans la rue

La culture est menacée à Chalon, ce n’est pas uniquement la responsabilité de la ville, certes, mais elle semble ne rien faire pour porter secours aux organisations culturelles. Dernièrement, ce sont les adeptes de Chalon dans la rue qui ont exprimé leur inquiétudes, notamment sur les réseaux sociaux. Le maire a envoyé une lettre ouverte à tous les Chalonnais pour défendre sa politique. Dans ce discours sur papier, il accuse le ministère de la Culture de ne pas aider davantage la ville à organiser le festival. Il accuse aussi l’ancienne majorité municipale d’avoir creusé la dette de la ville. On ne sait pas aujourd’hui si Chalon dans la rue fêtera ses 30 ans l’an prochain. Si ce n’est pas le cas, autant dire que le ville prendra un sérieux coup dans la gueule. À Chalon aussi tu peux devenir cultureux Perdre le CNAR et Chalon dans la rue, j’ai tendance à penser que ça pue du cul, et je ne suis pas le seul. Mais il faut que tu saches que niveau culture, on n’a pas que ça, on est blindé, je te l’ai déjà dit. Bon, c’est pas la joie en ce moment, toutes les structures souffrent, qu’elles soient associatives ou qu’elles dépendent de l’État, elles subissent toutes des coupes budgétaires qui les pénalisent, et menacent parfois de les faire tomber pour de bon. Pourtant, Chalon peut se vanter d’être une ville qui produit de la culture, déjà, on a la maison de la culture,

l’Espace des arts, la plus grosse scène de la région, c’est en tout cas ce qu’affirme Robert Llorca, directeur du conservatoire du Grand Chalon, « le plus gros de la région ». Naturellement. Pour preuve, les Dijonnais viennent ici pour étudier. Le conservatoire est balaise. « On draine du monde sur certains domaines, je pense notamment à tout ce qui est jazz [...] dans tout ce qui est travail du son, numérique, on est les seuls à faire ça dans la région ». Il a raison de défendre son business, il y a du monde qui passe. Sur la saison dernière, on compte entre 15 et 20.000 spectateurs. Le conservatoire propose une programmation en lien avec l’Espace des arts, comme le festival de danse Instance, plusieurs jours dédiés à la danse contemporaine. Je t’invite à te tenir au courant de la programmation de la saison qui arrive sur l’Internet mondial. Côté musique, l’Arrosoir et surtout la Péniche proposent de te faire découvrir des musiques jazz ou actuelles, disons même émergentes. La Péniche fêtait ses 15 ans cette année, proposant une soirée électro au conservatoire avec, entre autres, Chapelier fou. On finit ce listing par un peu de théâtre. Le Grain de Sel, salle située en plein centre et qui appartient maintenant au conservatoire, propose un festival de théâtre amateur s’étendant sur deux semaine, en décembre et janvier. « Ici, il y a beaucoup d’acteurs, beaucoup de collectifs ». Le collectif La Méandre par exemple, qui produit des créations vidéo. « C’est toujours à l’échelle du Chalonnais, on n’a pas les Eurockéennes ! Il y a toujours l’idée de promouvoir les nouveaux groupes […] l’idée de création et d’émergence, on la retrouve chez tous les acteurs culturels », affirme Robert Llorca. Les Chalonnais ont une offre culturelle importante, malheureusement parfois malmenée par la mairie. La ville aime le patrimoine et les grandes manifestations populaires, comme le carnaval, mais en a un peu après les associations ou les « institutions » comme le CNAR qui sont dans une démarche de création. Les grosses et petites structures ont de l’audace et n’hésitent pas à faire découvrir aux plus grands nombres des projets artistiques qui sortent de l’ordinaire. Pourtant, les instigateurs de la culture de la ville essayent, tant bien que mal, de diffuser le plus largement leurs programmations. Aujourd’hui, Chalon se lance dans « un plan de sauvetage de ses finances » si l’on en croit les dires du maire Gilles Platret. Ce plan de sauvetage passe par la baisse de subventions attribuées aux associations et à Chalon dans la rue, entre autres. Mais aussi par les cantines scolaires. Belle stratégie, Gillou ! Heureusement, pour diffuser la culture, apporter la paix sociale et le bonheur aux citoyens, on pourra toujours compter sur Amazon, le géant du e-commerce, celui qui traite tellement bien ses employés, qui a implanté un centre de distribution en 2012 dans l’agglomération chalonnaise. Merci à lui. // A.M. __ 1 Maire de Chalon-sur-Saône de 1983 à 2002. Il est à l’origine de la création du festival Chalon dans la rue. 2 Le toboggan était un pont au centre-ville de Chalon-sur-Saône, censé fluidifier la circulation. Il a été détruit en 2012.

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par MARTIAL RATEL, avec tonton stéph PHOTOS : ALEXANDRE CLAASS

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Playground lover

Un terrain de sport en plein-air, des panneaux de basket, des buts de foot ou de hand sur une dalle et c’est parti pour une session playground. Le playground appelle au minimum la transpiration, et ses différentes variations de sols toute une variété de blessures plus ou moins sophistiquées que le pratiquant saura apprécier à sa juste valeur : les graviers tendent la main à la plaie infectieuse, sur l’herbe synthétique, c’est au minimum brûlure suintante au deuxième degré, l’entorse se donne très bien sur le béton et le sable expose sa victime à la toxoplasmose. Bien qu’à l’abri des coups et des chutes, les remplaçants sont eux aussi en danger : tessons de bouteilles, verre pilé, paquet de gaufrettes avariées, piqûre de guêpes, balle perdue, alcoolisme et tabagisme à force d’attendre « le remplacement ». Si tous ces jeunes/jeunes ou jeunes/quarantenaires s’adonnent à ces jeux de ballons, prennent ces risques incroyables, mettant à mal leur métabolisme et leur amour-propre en cas de grosse pilule et autre fanny au comptoir, ce n’est certainement pas par souci architectural ou par respect des normes mais par recherche du cool.

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Ces lovers du beau geste peuvent enfin dunker comme Air Jordan sur des paniers non réglementaires destinés à des 6 – 12 ans ou coller enfin une grosse craquette sous la barre depuis l’autre bout du terrain (soit 15 mètres en face), et donc rêver. Mais surtout passer un bon moment entre potes dans le bonheur et la joie de la sudation, sans arbitre et avec beaucoup de mauvaise foi sur les points litigieux. (« d’toute façon c’est l’autre qui triche »). La compét’ à l’état brut ! Les terrains ne pullulent pas à Dijon. De manière pudique, la ville recense sur son site internet « 16 terrains de proximité », une quarantaine de « terrains de grands jeux » (foot) et 7 boulodromes - la pétanque, avec le palet, étant certainement le plus ancien des sports de playground mais, il faut bien le reconnaître, le moins rebondissant au monde. Pour vous, nous sommes allés dans ces nouvelles zones dangereuses, évitant les pièges et découvrant les secret spots en compagnie de notre fixeur : Tonton Stéph. Les terrains sont vides, juillet, milieu de semaine, midi. Les grands fauves ne sont pas encore là, ils patientent peinards à l’ombre, enfin détendus après trois semaines de télé devant le Tour de France, qui c’est vrai, leur a pompé pas mal d’énergie.


terrain du pont des tanneries

Le foot urbain ! Il faut passer sous le pont SNCF et s’asphyxier à courir le ballon au bord d’une des routes les plus fréquentées de Dijon. Tout simplement comme à NYC... En plus petit. On le voit sur la photo, question écologie, un camion analyse à longueur de journée la qualité de l’air en bord de terrain (faut-il s’inquiéter ?). Niveau pratique, c’est foot, sur synthétique, couloirs de 60 mètres et saut en longueur, à moins que ce bac de sable ne soit une variante moderne d’un mini terrain de boules. À coté, la maison des associations. Un espoir de toucher une sub’ pour « beau jeu » à deux pas des locaux de la mairie ? Le mot du fixeur : « Ce terrain est le plus couru de Dijon. Et c’est tout simplement ici que j’ai inscrit mon plus beau but, une talonnade d’un bout du terrain qui lobe le gardien dans les buts ».

Montée de Guise, Square du Rempart Tivoli

« La Cage ». En 2016, il paraît que des combats de K1 seront organisés là. On dit aussi qu’avec ce filet anti-hélico, suspendu audessus, le terrain serait homologué par l’administration pénitentiaire. Techniquement on peut jouer au foot ou basket avec des gros bouts de plastoques en guise de filet. L’avis du spécialiste : « Injouable. Avec ce filet au-dessus, impossible de shooter... » 55


paul doumer, à côté de l’hôpital foot et hand

Avec l’énorme antenne relais, c’est sûr, ici il n’y a que des ondes positives. La proximité avec les urgences du CHU doit certainement inciter les artistes aux gestes les plus dangereux pour eux et pour leur entourage. Mythe ou légende : le CHU enverrait tester sur ce terrain ses patients en phase de rémission. Techniquement, au sol, c’est du bon vieux béton. L’œil du spécialiste : « Il faut aimer courir sur ce terrain. T’as vu ? Il n’y a pas de filet aux buts ».

paul doumer, à côté de l’hôpital foot et basket

C’est, ou plutôt avant cet article, c’était un secret spot. À côté du terrain de foot et de hand, caché derrière de hautes haies, on zigzague dans la végétation pour y accéder. Techniquement, c’est un terrain de basket mais on pourrait aussi jouer au volley si on avait un filet et si des petits malins n’avaient démonté les poteaux. Tonton « Magic » Stéph nous dit : « Ce terrain est presque aux normes, sauf un arceau qui est tordu... C’est quand même gênant. Et puis en parlant de torsion, c’est ici que je me suis tordu la cheville ». (sport = danger)

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Tennis du Carrousel

Ce terrain porte très mal son nom. Certes, on trouve deux terrains de tennis, un troisième est encore visible sous les mauvaises herbes et des tonnes de grillage mais au fond il y a une rareté : un terrain de basket... sur sable. Pour le public non averti : pensez-vous que le ballon rebondisse sur le sable ? Le basket sur sable doit donc être une variante dijonnaise nécessitant un jeu de passe éclair, se jouant en faisant les deux pas réglementaires, autorisant le pivot mais proscrivant le rebond. Ça doit être chiant. Le spécialiste, au rebond dans la raquette : « Ah, j’avais jamais vu qu’il y avait les buts de foot... Ah, d’accord, c’est un terrain de beach soccer. Mais alors, pourquoi... ces paniers ? »

Beach Volley de la fac

Il manque quand même la mer pour que ça en jette vraiment. Évidemment, il faut réserver pour jouer ici, le beach volley, c’est du sport de haut niveau... Techniquement, c’est du sable au sol. Les premières tentatives de beach volley se seraient faites sur du béton mais après plaintes des participants et de la Fédé Internationale de Volley, on aurait ajouté du sable afin de coller au mieux à l’appellation. La manchette du spécialiste : « Pfff... Dijon est la seule fac de France qui n’a pas de playground de basket ».

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Vue depuis la porte d’Ouche en 1912. En face : l’hôpital général

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welcome to my hood

Faubourgs d’Ouche Quand Dijon avait sa rivière PaR lilian elbé photos : Dr, bibliothèque municipale de dijon

La première fois, pour éclairer tes lumières sur l’histoire des différents faubourgs de Dijon, nous étions partis à l’est, aux Grésilles. Dans le numéro précédent c’était au nord, en quête de la Toison d’Or. C’est donc tout naturellement que nous allons cette fois vers le bas, découvrir l’entrée sud de ta capitale : les faubourgs d’Ouche. Mais si, tu vois bien, les faubourgs d’Ouche. Quand tu dépasses le pont ferroviaire au bout de la rue Monge, en direction du Port du Canal. Là où tu as ENFIN trouvé une place de parking gratos aux Corroyeurs après dix-sept tours en voiture. Là où tu as subi l’entretien collectif à Pôle Emploi 1er Mai. Là où tu as organisé une AG à la Maison des asso’. Là où il y aura bientôt la Cité de la gastronomie, sur le site de l’actuel hôpital général. Oui, il s’agit bien d’un quartier, vivant surtout au siècle dernier avant de disparaître sous terre. C’est d’ailleurs à quelques mètres sous les rails du tramway que nous irons tout à l’heure rechercher les preuves de ce passé. Enfile tes bottes.

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De derrière les remparts. Il aura fallu attendre le troisième épisode de cette histoire des faubourgs pour aborder le premier véritable « faubourg », littéralement : « en dehors le bourg », en ancien français, soit à Dijon au delà des remparts fortifiés de la ville médiévale. Car dans la capitale bourguignonne comme dans la plupart des autres communes de France, à cette époque, tout se passe bien à l’abri des énormes fortifications militaires de la ville. De place Darcy au boulevard Carnot et de la place de la République à la place Wilson. En bordure, il faut imaginer un périmètre de milliers de mètres de hauts murs de pierre, bastions et vigies pour se protéger du monde extérieur. Puisque c’est le sud qui nous intéresse aujourd’hui, que voyonsnous alors au 16ème siècle depuis la promenade des remparts, véritables boulevards piétons ornés de grands arbres1 ? À cette époque, en regardant en direction de Beaune, on voit d’abord un grand hôpital, principalement mouroir pour pestiférés atteints de la lèpre ou de la peste. Et puis, de temps à autre, des producteurs et éleveurs venus du sud frappant à la porte de la ville pour venir vendre leur production. Le reste ? Des champs à perte de vue. Point barre. Dijon s’arrête là. Avant le 18ème siècle, quasiment personne ne s’aventure hors des murs pour y vivre. On a peur des malades parqués à l’hôpital et du cimetière pour pestiférés n’ayant pas résisté à l’infection installé un peu plus loin. Et puis, quand on baisse les yeux, au pied du rempart, on voit une rivière : l’Ouche. Plus exactement un de ses biefs : un bras secondaire ayant pris naissance au niveau de l’actuelle « coulée verte » et se jetant dans le lit principal du cours d’eau au bout de la rue de l’Île. L’eau fait office, sur une bonne partie du périmètre sud de la ville, de fossé aux remparts. Une barrière de plus pour les assaillants. Pour toquer aux grilles de la porte sud de la ville, dite « Porte d’Ouche » (au bas de l’actuelle rue Monge), le pèlerin doit emprunter le pont Aubriot. Dit aussi pont de l’Hôpital. Ou pont d’Ouche. Bref, un pont, quoi. Simplement pour insister sur la présence de l’eau au sud de la ville. Entre le bief et le cours principal de l’Ouche, l’eau encercle une bonne partie de la zone, considérée alors comme une presqu’île. D’où le choix de parquer les malades infectieux au passage. Bienvenue à Dijon, visiteur du Sud...

Avant le 18ème siècle, quasiment personne ne s’aventure hors des murs pour y vivre. On a peur des malades parqués à l’hôpital...

se peuplent. En bordure, au pied des murs, on trouve désormais une zone industrielle et les logements de ses ouvriers. La ville s’ouvrant sur le reste du pays et levant ses grilles à la modernité, plusieurs « portes » ont été ouvertes sur les faubourgs, notamment le faubourg Saint-Nicolas (devenu plus tard place de la République). Quant aux bastions à chaque angle des remparts, cela fait bien longtemps qu’ils ont été rasés. Au sud, la société des chemins de fer Paris-Lyon-Marseille a profité de la hauteur et du tracé rectiligne des remparts pour construire la ligne ferroviaire vers Lyon. Ainsi, la grille au bout du pont de l’Ouche disparaît et devient à son tour un pont, sous lequel il faut passer pour entrer en toute liberté dans la ville. Beaucoup de portions du rempart sont déjà détruites, peu appréciées des Dijonnais souhaitant donner de l’air à la ville s’agrandissant de toutes parts. À l’extérieur, les faubourgs d’Ouche se sont donc peuplés de tous les ouvriers des usines installées au abords de la rivière : un moulin, une fabrique d’encre et surtout... les tanneries. Car à la place du commissariat central de Dijon que tu connais bien, la fameuse place Suquet, se trouvaient jusque dans les années 60 les gigantesques abattoirs municipaux, derniers instants de vie pour les bestiaux de tous les éleveurs du bassin dijonnais. Sauf qu’après l’équarrissage, il convient de traiter les peaux des bêtes abattues. Les nettoyer, les faire sécher, les assouplir dans l’eau. Au passage, cette dernière étape s’appelle le corroyage, réalisées à genoux dans l’eau par des ouvriers corroyeurs. Tu l’as ? C’est ça, du même nom que le parking en face de l’hôpital général, car c’est justement là, dans l’Ouche que les peaux de lapins, bœufs, chèvres étaient travaillées ! En face, de l’autre côté de la rivière, les lavandières lavaient en même temps tout le linge de Dijon, en amont et aval →

Mort aux vaches ! Forts de ce constat, bondissons dans le temps jusqu’à la fin du XIXème, où la notion de faubourg prend tout son sens. La ville est certes toujours enclavée dans ses fortifications, mais les proches extérieurs des remparts

Les corroyeurs. Comme point de repère, à droite, le vestige des remparts

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Le rempart longeant actuellement rue de Tivoli, dont certains vestiges sont toujours debout aujourd’hui, était d’ailleurs surnommé le « Beau Rempart ». Fort apprécié des poètes, beaucoup faisaient l’éloge de la beauté de ses grands arbres.

Les catacombes à la dijonnaise C’est souvent sous terre qu’on retrouve les preuves historiques du passé. Et particulièrement sur cette zone, où le lit l’Ouche a été canalisé puis enterré. Par temps de sécheresse et en étant bien documenté, certains jeunes zulus s’aventurent dans ces catacombes, pénétrant à une extrémité du bief pour ressortir à l’autre. Là-dessous, beaucoup de tags, du béton et quelques vestiges, comme une des arches du fameux pont de l’Ouche sous laquelle passe encore l’eau, dans le noir complet depuis des décennies. Le Suzon se déversant à cet endroit après avoir serpenté sous le centre-ville depuis le boulevard de Brosses, se crée ainsi un complexe réseau souterrain, avec parfois de jolies voûtes et fondations. Un moyen efficace à la Maître Splinter de se déplacer dans Dijon en toute discrétion, quoiqu’un peu risqué...

La vie s’écoule paisiblement au rythme de l’Ouche, jusque place du 1er Mai, ressemblant alors à une véritable place de bourg : petit square central, boucherie, tabac, épicerie...

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Place du 1er Mai. Comme point de repère, à gauche, l’hôpital général

de dizaines d’autres activités industrielles toutes plus saines que les autres pour la qualité de l’eau... Et tout ce petit monde ouvrier logeait là, au bord de l’eau, dans des masures et dans des conditions d’hygiène plus que précaires. Très rares sont les petits immeubles, la plupart des constructions sont des maisons en pierre et en bois mal conçues, biscornues, où s’entassaient des familles nombreuses. Pourtant, la vie s’écoule paisiblement au rythme de l’Ouche, jusque place du 1er Mai, ressemblant alors à une véritable place de bourg : petit square central, boucherie, tabac, épicerie... Les faubourgs portent bien leur nom, vivants, populaires. Mais la modernité du XXème siècle de va pas tarder à bousculer ce calme prolétaire...

commerces, bonjour imposant et magistral Centre des chèques postaux. Nous sommes en 1957, c’est normal, c’est l’ère du béton et de l’esthétique hygiéniste soviétique. Tout un symbole. La place aux petits commerces est complètement rasée, devient un carrefour automobile bordé de ce que la Municipalité voudrait transformer en pôle administratif. EDF-GDF construiront rapidement leurs bureaux à leur tour, à côté de la Poste. Même l’hôpital est ringard, avec un Bocage flambant neuf à l’est de la ville ! Et l’eau dans tout çà ? Eh bien son importance s’amoindrit à mesure que l’automobile gagne du terrain. Le pont d’Ouche, avant de s’engager rue Monge pour rentrer au centre-ville est certes très joli mais la rivière qui coule dessous ne sert à plus rien : les tanneries et les usines ont disparu. Et puis, il faut une nouvelle fois se remettre dans le contexte et la mentalité de l’époque : dans les esprits, eau ne rime pas avec promenade et pittoresque, mais maladies et déchets. Les usines bordant autrefois l’Ouche par nécessité énergétique sont certes parties, mais leurs détritus amoncelés là sont restés, et ce bief de l’Ouche est sincèrement nauséabond. Et puis oh, on ne peut pas se garer sur un pont !

C’est quoi ce taudis ? Dès la fin des années 1920, la municipalité de Dijon a honte de son entrée sud de ville, beaucoup trop populaire et insalubre. Les usines et les vieilles maisons de travers, ça ne donne pas une image super propre. En 1928, le conseil municipal envisage déjà de « faire table rase des construction informes et sans valeur, et engager résolument la lutte contre les taudis ». Le mot est lâché. « Sur ce vaste emplacement ainsi nettoyé, seuls s’élèveraient quelques beaux immeubles en bordure du boulevard créé ». Après la seconde Guerre mondiale donc, les expropriations s’enchainent pour raser la zone. Comme c’est dans l’air du temps, on déporte les soucis. En politique, on aime déplacer les problèmes. Non pas qu’au début du XXème siècle on ne veuille plus d’usines et d’abattoir, mais pensez-donc, pénétrer dans la ville en voyant des gens sales vivant à côté de leur usine dont l’activité est peu reluisante, ça ne fait pas chic. Et puis les standards d’hygiène évoluent. Seulement 4 WC pour 200 personnes, ça crée des bouchons, mais aussi des odeurs. Surtout avec un seul point d’eau potable pour ces 200 mêmes personnes. La population est alors envoyée vers de jolies cités de relogement d’urgence au nord de la ville, loin, après les casernes militaires. En 1955, tout s’accélère, et les masures sont rasées en lot. Les usines aux activités d’un autre temps ferment, et d’autres se développent dans le véritables zones industrielles, plus loin et plus commodes, avec l’électricité. Quant aux abattoirs, ils sont bien entendus vitaux pour le commerce agroalimentaire, mais bien trop près d’une ville dont le périmètre s’élargit d’année en année. Alors la municipalité en construit d’autres boulevard de Chicago2. Au sud du centre-ville, lui aussi empreint de la culture populaire des faubourgs, rue de la Manutention, il faudra toutefois attendre la fin des années 1970 pour que la Ville détruise les logements populaires au pied des remparts, largement gangrénés par les marginaux, les cafés mal famés des abattoirs et les prostituées. La rue Berbisey sera quant à elle dernière sur la liste, avec une rénovation des logements seulement à la fin des années 1980. Mais revenons-en à nos faubourgs d’Ouche. Une fois les logements rasés, des grands travaux d’aménagement sont imaginés, toujours dans l’esprit s’assainir l’entrée sud de la ville. La place du 1er Mai sera le porte-étendard de ce mouvement. Adieu

Alors après dix ans de réflexion, la Ville décide en 1966 de faire disparaître tout bonnement le cours d’eau. En 1966, débutent les travaux de remblayage et de couvrement du bief de l’Ouche de la coulée verte jusqu’à la rue de l’Île. Il s’agit de canaliser la rivière dans des tubes métalliques ou de béton, puis de recouvrir le tout de milliers de tonnes de sable, avant d’araser le niveau du pont de l’hôpital. Hop, ni vu, ni connu. Adieu pont et rives, bonjour parkings. Par dessus l’ancien lit de la rivière, tout est goudronné, propre, et des places de parkings fleurissent : d’abord pour l’hôpital général en amont du pont, en aval pour créer le parking des Corroyeurs, et encore plus loin, au delà du pont des Tanneries (petit pont lui aussi disparu sous le sable au niveau de la maison des associations), le parking des foyers de jeunes nouvellement érigés. Oubliée la petite rivière, en seulement 50 ans dans l’esprit des Dijonnais. Aujourd’hui, beaucoup déplorent l’absence flagrante d’un cours d’eau majeur à Dijon. Chalon a sa Saône, Paris sa Seine, Lyon son Rhône, Bordeaux sa Garonne, et Dijon... rien, seulement son lac Kir, mais sans influence aucune sur le centre-ville. Mais comme le Suzon au nord de la ville, l’Ouche est bien là, sous terre ! Un capital aqueux gâché ? Depuis quelques temps, plusieurs projets urbanistiques et élus locaux souhaiteraient voir ressurgir ce bras de rivière, avec des promenades vertes pour piétons à la place des parkings. Mais du pétrole ou de l’eau, pas sur que les Dijonnais soient encore prêts à se mettre au vert... // L.E.

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Ces abattoirs modernes resteront en activité pendant une vingtaine d’années, avant d’être à leur tour laissés à l’abandon pour devenir en partie l’espace autogéré des Tanneries I.

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y t r a P e s a le e R k c o R e é Soir P é n ic h e C a n c a le

(D ij o n )

8 octobre 2015 photo © Frédéric Sonnet

SEPT. -> JANV. 2015

+ t f i G y s i No

SEPT. -> JANV. 2016

20H

Entrée Libre

ZXm\ à dXe^\i

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la cuisine de sparse so fish

Cantine à haut risque par so fish illustrations : mr. choubi

La fishstory moment d’inscrire vos enfants… à la cantine ! Damned, horreur, Monsanto, œufs en poudre, Sodexo, steak en mousse, vous en faites des cauchemars la nuit depuis des semaines ! Mais la pire des idées qui vous hante la tête est la suivante : et s’ils étaient amenés à préférer la cantine à vos produits bios, vos graines de quinoa et vos steak de Tofu ? Ne cherchez pas, ce moment arrivera et sera bien compréhensible si vous leur infligez réellement des steaks de tofu au déjeuner… Et de toute façon, vos gamins auront toutes les peines du monde à résister aux choux de Bruxelles surgelés de la cantine, aux poissons panés au fromage et aux frites sans patates servies par tonne le mercredi midi. Du coup, pour rester au top à leurs yeux il va falloir ruser un minimum… Pour les amener à manger des aliments de couleur verte, ce sera boulettes de poulet aux épices et aux herbes. Pour rivaliser avec les frites, il suffit d’en faire avec de vraies pommes de terre que vous mélangerez aux carottes et panais (un nom commun que vos enfants seront les seuls à connaître en 2052). Le ketchup maison sera le petit plus pour le goût d’une vraie tomate. Et pour que vos enfants puissent distinguer un vrai fruit d’une fraise Tagada, ce sera compote recouverte de crumble !

Mardi 1er septembre. Isidore entre au CP. Apolline franchit pour la première fois les portes de l’école, en petite section de maternelle. Ils sont à vélo, vous les accompagnez en trottinettes. Comme le démontrent ces premiers indices, vous êtes un couple de bobos ou assimilés, vivant bien et heureux. Après 2 mois passés aux quatre coins de la France, vos enfants sont ravis d’aller en classe, retrouver les camarades, se faire de nouveaux amis... *bruits de papillon et arc-en-ciel* Depuis la naissance de la deuxième, vous vous êtes toujours débrouillés pour que l’un d’entre vous reste à mi-temps, l’éducation de vos enfants devenant la priorité de votre vie. Par contraste, aux yeux de vos amis, vous êtes devenus carrément chiants (ce qui peut être complètement justifiable mais nous ne le développerons pas ici). De votre côté, il est essentiel de préserver vos enfants des atrocités qui les entourent, et notamment en ce qui concerne TF1 et la nourriture… Pour vous, c’est rayon bio à Carrefour, étales du coin sur le marché et comme vous êtes openminded, McDo pour les jours de fête, avec les grands-parents. Seulement cette année, les deux seront enfin à l’école, vos postes évoluent, vous n’avez plus le temps de rentrer à midi, c’est le 68


La shortfish C’est le samedi pré-rentrée et vous avez décidé de vous armer avant que le mal ne soit fait. Ce sera le duo marché-Grand Frais, la boucle du beau produit. Pour les boulettes, c’est assez simple. Faites d’abord confiance à votre volailler habituel et achetez 4 beaux filets de poulet fermier. Pour le reste, ce sera oignons frais, persil plat ou autre, style basilic, estragon, petites épices, et pas la peine de compliquer, il faut que ça sente le poulet... Vous y ajouterez des œufs et un peu de crème épaisse. Pour les frites, n’hésitez pas à demander conseil à votre maraîcher ou au responsable fruits et légumes de votre magasin pour achetez les patates ayant le plus de tenue

(Amandine cœur cœur). Quelques carottes et panais s’il y a déjà sur les étales... Et pour le ketchup home sweet home, il suffit d’acheter des tomates à jus du coin. Vous pouvez en prévoir un paquet, au moins 1 kg, le ketchup se conserve et se congèle. Il vous faudra également des oignons (rouge c’est bon !), de quoi faire un bouquet garni, du sucre roux, du 4 épices, des clous de girofle, quelques bais, graines de poivre et du vinaigre de vin ou de cidre. Pour le petit dessert, il faut des fruits de saison assez mûrs, du beurre, du sucre, de la farine et pourquoi pas quelques feuilles de verveine ou gousse de vanille pour ajouter un sirop à la compote. N’oubliez pas que vos enfants ne fument pas et apprécient par conséquent le sucré... Pour le choix du lieu pour des courses, pensez praticité et qualité. Nous nous efforçons de vous donner quelques conseils depuis notre participation à ce magazine de qualité mais nous commençons surtout à vous faire confiance.

Le fishmeal Galettes de poulet* : pour vous 4 avec vos 2 moineaux d’enfants

• Pour le ketchup maison, là, on te livre l’un de nos grands secrets.Perso, ma nièce de 4 ans ne s’en est toujours pas remise... Le mieux c’est d’en faire une bonne tournée, ça se garde au moins 1 mois au fridge et comme les enfants ont un peu tendance à être excessifs, ça pourra te sauver le coup un soir de caprice. • Dans une casserole, tu mets les tomates grossièrement coupées, les oignons, l’ail et un peu d’huile d’olive. Tu laisses compoter pendant au moins 45 min à feu doux. Ensuite tu ajoutes le vinaigre (10 cl), tous les aromates cités plus haut et c’est reparti pour 45 min à feu doux. Tu goûtes à ce moment là et c’est mauvais... Tu termines en ajoutant la cassonade (90g) et tu laisses mijoter encore 15 minutes. Tu goûtes, c’est bon. À servir froid, un délice. • Enfin, ne t’arrête pas en si bon chemin, c’est le moment du crumble. Dans une casserole, tu mets tes fruits coupés grossièrement et tu fais comme une compote avec un peu de sucre et un peu d’eau, ajoute un peu de verveine si tu veux. Le mieux c’est de mettre un papier sulfu à la place du couvercle, ça va bien bien compoter. Ensuite tu fais ta croûte pour le crumble : tu mélanges dans les mêmes quantités le beurre mou, la farine, le sucre et de la poudre d’amande si tu veux, et hop au four pour que ça grillotte ! Ensuite tu dresseras direct dans des petits bols, la compote et le crumble grillé.

• Ça prend 5 minutes à faire, entre le bain et les premiers devoirs... Certes, vous êtes un couple et une famille fusionnels mais arrêtons la déconne, il n’y en aura qu’un en cuisine ce soir, alors je commence à te tutoyer ici... Mixe 2 filets de poulet avec les oignons et les herbes, et coupe les 2 autres en petits morceaux. Ajoute la crème, un peu d’huile d’olive et assaisonne comme tu aimes. C’est presque prêt ! • Ensuite, tu prends une plaque allant au four, tu formes dessus des galettes d’environ 5 cm de diamètre. Espace les un peu sinon tu vas vite te retrouver devant une monogalette ! Tu enfournes le tout à 150°c environ 10 min, juste pour que la forme se fige. Après ça, tu auras juste à les passer à la poêle rapido pour les dorer ! • Pour les frites, les faire au four c’est quand même mieux, le culte de l’enfant saucisse nourri au gras, c’est seulement tendance outre-atlantique ! Le mieux c’est de gratter tous tes légumes avec une brosse, de les couper en 4, 6, ou 8 selon leur taille. Tu peux les fariner et leur mettre un peu de chapelure, de l’huile, sel, poivre et paprika et hop, au four au moins 30 minutes à 200°C. Fais les bien dorer, c’est meilleur quand ça croustille ! * Recette transmise de génération en génération depuis l’invention de la nuggets...

La happyfish De 10 à 16 ans, Apolline et Isidore flingueront tous vos principes de bonne bouffe et feront comme tous les ados de leur âge. Ils achèteront des Américains aux steaks OGM, des kebabs au poulet « parce que c’est moins fort que l’agneau » et préféreront les Daunat au jambon-beurre.

Ce qui les entrainera indubitablement vers une période où l’acné sera reine, leur haleine à l’oignon et où leur connaissance des bontés de notre monde sera quasi inexistante. Pour manger à nouveau des légumes, espérez qu’ils fassent les Beaux-Arts ou une fac de lettres… // A.S. et S.G.

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la cuisine de sparse foodage de gueule

par tonton stéph photo : alexandre claass

Les restos de poissons à Dijon

Bon, il faut bien l’avouer : elle est loin, la mer. Et même à Rungis, qui avait eu l’audace d’être concurrente de ta ville en se portant candidate à la capitale de la gastronomie, c’est pas la porte à côté. Mais bon, puisqu’il paraît que ça rend intelligent, va falloir te mettre à niveau ; et tant qu’à faire, autrement qu’en reprenant des Filet-O-Fish, gros.

so fish, resto flottant (péniche cancale, port du canal, dijon) tes Croustibats. C’est original, goûteux, et tu fais jamais pareil chez toi. C’est tout de même une bonne idée que de ne pas imposer un menu unique pour les entrées et les desserts. Simon nous a alors proposé une part de son clafoutis aux cerises aigres de Flagey, et une panna cotta au chocolat avec petits éclats de noisettes : tous deux frais, simples, délicieux, et à seulement 2 euros de plus que le menu entrée-plat. Soit deux Maximator. Rien du tout. Le tout pour 16 euros, là où au moindre poisson un peu apprêté il faut péter le P.E.L. ailleurs en ville. Et cette somme, c’est surtout le prix d’un menu quelconque -avec une énième bavette- dans tous les restos dijonnais. Alors bien sûr, pour respecter le cahier des charges (notamment des prix attractifs), tu ne viendras pas là pour déguster du filet de Saint-Pierre. Tu risques de retrouver les poissons que tu achètes toi-même à l’Inter’. Mais en vérité, tu vas les redécouvrir, tant des efforts sont faits pour les transcender. Allez, quelques intitulés pour te convaincre de ramener ton groin : « saumon sauvage mariné au soja, julienne de légumes au curry thaï et quinoa aux herbes » ; « filet de lieu pané, lentilles corail et bisque ». Pensez à réserver : grosse hype, pas prête à se démentir.

Il a bien avancé, le petit couple qui se rêvait restaurateur depuis le blog A fish in my dish. Forts de deux atouts essentiels, Aurore et Simon se sont lancés. Les deux atouts en question ? Une connaissance précise de la poiscaille la plus fraîche, acheminée au marché des Halles en 24 heures, et un partenariat évident avec la Péniche Cancale, désignée de façon non moins évidente comme la meilleure terrasse de la ville par Jondi.fr. Soleil, plats légers et originaux. Il n’en fallait pas plus pour attiser notre curiosité. Rendez-vous pris, l’ardoise exhibée a eu tôt fait de nous convaincre qu’il ne faut plus aller que là où tout est fait-maison. T’avais l’air malin, cet hiver, avec tes Royco et des soupes Maggi hyper-salées, remplies de conservateurs. Alors que le velouté froid de courgettes proposé pendant que nous dorions en plein soleil était au contraire très savoureux, bien loin des âneries industrielles. Quelques galettes de poisson permettaient par ailleurs d’apporter une certaine consistance, qui pourrait faire défaut au salarié venant chercher un peu d’énergie lors de sa pause. Le plat du jour est unique, mais devrait mettre tout le monde d’accord : lieu noir cuît juste ce qu’il faut, légumes nouveaux, perles d’avoine et jus de moule. Remballe

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homard’ché (18 rue garibaldi, dijon) Tendre la perche. Le bâton pour se faire battre. Homard Charif ? Homard m’a tué ? Homard Sy ? L’alcool du Black Minou continue de faire des ravages à Dijon, apparemment, jusqu’à promouvoir le calembour le plus pérave depuis une blague de Carlos aux Grosses Têtes en 95. Et puisqu’il est question de bon goût, il faut s’imaginer la cible de l’établissement, à savoir la beaufaille venue claquer ses deniers dans les discothèques de la place interdite, celle de la Rép’, qui semble autant républicaine que le parti du même nom. Puisque la clientèle en chemises italiennes et en talons pourrait aller à la Villa Messner trop vite, il faut vite la happer en lui faisant reluquer un mets de luxe. Ce sera donc ce crustacé éponyme. Délit de sale gueule ? Citons Villiers de l’Isle-Adam : « Celui qui ne voit rien d’étrange n’a jamais regardé un homard en face » Voilà qui a tout de même plus de gueule que le slogan local, à l’image du nom du rade : « Ici, le homard est une star ! » Sérieux, on n’avait pas deviné... « Poissons, crustacés, mais pas que... » Brigitte Bardot n’est pas très

loin, et en terme de QI, ça se tient. Ombragé d’un parasol Moët & Chandon, et porté par un sens aigü de la contradiction, je jette mon dévolu sur... le poisson du jour. Fuck Omar. Il s’agissait de dos de merlu et de julienne avec une crème légèrement citronnée du plus bel effet, toutefois en assez petite quantité... Les doses étaient copieuses pour le prix (11 euros le plat du jour) et le poisson cuit à la perfection, accompagné de riz aux céréales et de petits légumes parfaitement goûteux. Tu feras gaffe de pas t’étouffer, gros, c’est blindé d’arrêtes par contre. Pour le reste, la carte est relativement riche : divers tartares (de saumon, dorade, Saint-Jacques), papillote de saumon, dorade grillée, risotto de Saint-Jacques, bourride de poissons, royale ou pas (avec du homard en plus), y’a de quoi faire. Avant de claquer la bouteille de champ’ ou de te faire marrave par un videur serbe mal luné. Ici au moins, le personnel était ok, sur fond de radio jazz plutôt agréable. En terrasse, le midi, on aurait presque pu oublier l’atmosphère atrocement bling-bling du quartier.

le boucanier (75 avenue Rolland Carraz, chenôve) Il faut savoir que l’établissement date de 1975, ce qui en soi est déjà fou. Situé sur l’Hollywood boulevard dijonnais, il ressemble tout de même beaucoup à un appel du pied pour routier épuisé, et il pourrait aussi bien accueillir un magasin de pompes funèbres. Il ne paye clairement pas de mine de dehors. Mais en vérité, l’atmosphère est déjà plus sympathique à l’intérieur, bien que ce soit fort exigu. Le service attentif se hâte de proposer un apéritif (évitez, ils sont hors de prix), et dépose un petit encas crevette sauce curry offert par la maison. Petite attention d’apparence anodine mais notable. Tu t’y sustenteras d’un filet de turbot sauce oseille, saumon gravlax ou de sole meunière. Pour ma part, mon choix s’est porté sur une daurade meunière (18 euros) que le serveur est venu m’exhiber en salle avant cuisson, pour que je puisse en apprécier la fraîcheur. Même si je ne l’apprécie pas « frrrrrétillant » comme Gollum, la pratique est agréable. Passons sur le fait que les serveurs avachis au bar me

dévisagent sur les airs tristes diffusés par Chérie FM, remarquons plutôt qu’une foule de quarantenaires habitués font la bise en arrivant et viennent rapidement se masser dans la petite salle (il y en a une autre au fond après vérification). Mon poisson arrive, cuit à la perfection, avec ce petit fumet et jus qui font toute la différence avec ma cuisson maison, celle où je crame tout. Par contre, petite déception sur les garnitures, quatre petits bouts de pomme de terre qui se battent en duel, et un petit médaillon de purée de potimarron -heureusement délicieux- ça fait un peu léger. Néanmoins, la pièce dégustée rattrape tout et comble votre serviteur. Ici, à n’en pas douter, on est discrètement devenu expert en la matière. En cela, le lieu est recommandable, pour peu qu’on passe sur l’atmosphère 40-50 des lieux. Sinon, ça fait aussi traiteur, mais évite pour ta Bar Mitsvah, plusieurs avis TripAdvisor alarment en effet sur les prix pratiqués.

Les autres possibilitÉs sur l’agglomération, si tu y tiens vraiment La Fringale (53 rue Jeannin - Dijon). Cette rue, tu la connais de très près, pour en avoir fréquenté quelque peu le tarmac dans les années 2000 avec ta Bavaria. Pas forcément le lieu où on peut s’attendre à trouver un resto classieux à papa. Ouais, aucun swag ici, Louis de Funès aurait pu y être filmé pour L’Aile ou la cuisse. Les spécialités : filet de Saint-Pierre au beurre demi-sel, sole meunière, turbot grillé à l’huile d’olive de Nyons. Ouais, moi non plus je sais pas ce que c’est. Mais ça cause. Y’a du level. Et du budget aussi, ça monte dans les trente boules facile le plat. Ouais, reprends du Captain’ Igloo, va. Le marché de l’huître (12 rue Bannelier - Dijon). Ça fait un peu flipper, on n’a pas trop osé. La carte est super banale, genre « Pavé de saumon » sans aucune autre indication. Vraiment que pour les fruits de mer, du coup. Et on le rappelle : elle est putain de loin, la mer. La Criée (4 rue de la glacière - Saint-Apollinaire). Rien que le nom de la rue sonne comme une ode à Métro. Bon, il s’agit

d’une chaîne, et à Saint-Apo’. Cela devrait te suffire, à moins que tu aies besoin de te rendre à Ikea ou dans une casse auto, tu vas pas te galérer à aller jusque là-bas. À moins que tu ne tiennes vraiment à goûter le merlu en croûte de chorizo ou le bar de Corse grillé au beurre blanc. C’est vrai que dit comme ça, ça a l’air tout à fait envisageable. Vous trouverez évidemment des poissons cuisinés à la perfection chez tous les étoilés, mais pas pour les mêmes sommes. La petite monnaie risque de ne pas suffire. Exemple chez Frachot, au Chapeau Rouge : « Dos de turbot grillé, garniture bourguignonne et jus de carcasse au vin rouge » : 70 boules. Soit ton budget poisson pour 2016. Il y a bien sûr les supers japonais de Dijon : So, Masami, et Aki, qui proposent des alternatives qu’on ne cessera de vanter. On se répète ? Normal, t’écoutes pas, bouffon. Sinon, y’a sûrement une pizza de la mer chez Pizza Happy. Mais, quelle mer, au juste ? Facile, c’est la mer noire. // T.S.

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guide

ma semaine

détox Ça y est bordel, c’est la rentrée ! par chloé cloche illustrations : hélène virey

Q

ue tu l’attendes ou que tu la redoutes, que tu sois allé faire du nudisme au Cap d’Agde, un trek en Colombie ou que tu aies chillé en toute pauvreté au bord de l’Ouche tout le mois d’août, il faut bien se faire une raison et rentrer à la maison. Tu as profité de ces quelques semaines de quiétude pour maltraiter ton corps : coups de soleil, abus de barbecue ou de moules-frites et rosé piscine en grande quantité. Tu as tout donné sur la terre battue devant les enceintes des festivals de l’été. Tu as bien ri, mais voilà, septembre marque le retour à la case départ : métro-boulotapéro. Comme nous aussi on s’est mis charrette tout l’été et que parfois on en a oublié de se respecter, qu’en plus on ne fait ni le “grand ménage de printemps”, ni le “régime body tonique spécial bikini” ni toutes ces conneries qu’on peut trouver dans les magazines de meufs, on s’est dit que pour une fois on allait se faire du bien et se chouchouter un peu, histoire de se rebooster avant d’enchaîner 10 mois de dur labeur. “Un

esprit sain dans un corps sain” qu’ils disent. Pour retrouver une conscience tranquille, on teste la cure détox : 5 jours pour éliminer toute la saloperie que le corps a accumulé au cours de l’année et réveiller l’amoureux de la nature qui se cache en nous. Un défi fou. Bon ok, on a déjà fait le plus gros : on s’est convaincu que c’était une bonne idée. Les forums de mères au foyer et autres gobeurs de conneries en tout genre très concernés par leur propre santé nous ont eus : on va la faire, votre putain de cure. Mais ça consiste en quoi au juste ? En gros, le but c’est de virer toutes les toxines qui t’ont fait kiffer pendant l’année et qui se sont accumulées dans toi-même : à ce qu’il paraît ce sont elles qui sont responsables de ton irritabilité et de ton mal-être. Pour retrouver une santé au top et être bien dans nos pompes on essaye les recettes de mamies, les fruits et l’hydratation en continu pendant une semaine. Internet est notre ami, mais 72

parfois il nous annonce des nouvelles bien difficiles à digérer. Pour notre cure détox, on doit abandonner tout ce qu’il y a de bon : la graisse, le sucre, le sel… l’alcool. En même temps, 5 jours, c’est pas si long quand on y pense, et puis on a pas mal abusé pendant les vacances, c’est vrai que ça ne ferait pas de mal à notre petit foie fatigué de prendre une semaine de congés. Ok, on encaisse la nouvelle et on prend sur nous : c’est pas une petite cure à la mords-moi-le-noeud qui va nous faire peur. Pour trouver une ligne directrice à notre diet’ santé, on se fixe pour objectif de ne consommer que des produits pas ou très peu transformés. Des trucs bruts, crus (dans la limite du raisonnable) et surtout naturels. Motivé au max et bourré de bonnes intentions, on se dirige vers le super marché bio du quartier, “La vie saine”, pour faire le plein de trucs bons pour la santé. Tisanes aux vertus diverses, graines en pagaille, riz, fruits et légumes par kilos. On casque et on lâche pas loin de 100 balles à la caissière. La santé n’a pas de prix.


2èEME

Jour

1er

Jour

On a lu dans Femina que le citron possède de nombreuses vertus pour notre corps, et pour en profiter au max on se fait du mal dès le réveil : à jeun on se tape un cul sec de citron, pressé par nos soins. Ça pique. Les papilles pas très réveillées et encore sous le choc de cette agression gustative on enchaîne sur le petit dèj’ des champions : du fromage blanc avec du son d’avoine et du sirop d’agave pour sucrer, une pêche bien mûre et un thé noir. Le tout 100% bio, 100% goûtu. Évidemment, comme en gros on a mangé que de l’eau 2h après on pète la dalle. Les Chocapics nous font de l’œil dans le placard mais on est plus fort que ça, et pour combler le trou gargouillant qui se creuse dans notre estomac, on boit un litre de thé histoire de dissimuler la faim. Le truc qui nous a le plus manqué aujourd’hui c’est la tartine de pain de campagne et Saint-Marcellin qui fait office d’en-cas habituellement quand on a une petite faim. Ou celle de Comté. Le fromage tout court en fait. Bilan de cette première journée : tout est dans le mental. Éviter la cuisine à tout prix. Ne pas penser à manger.

Pour la seconde journée de cure, on teste un truc complètement siphonné déniché sur Internet : la “grape cure” ou cure de raisin pour les non-bilingues. La rumeur dit que le raisin c’est bon pour le cœur, que c’est un antioxydant naturel hyper bon pour tes facultés cognitives et même que ça pourrait soigner le cancer. On va au marché et on achète 2 kilos de raisin blanc à notre fruitier préféré. En gros on a grignoté toute la journée jusqu’au dernier grain de la grappe, en faisant quelques pauses pour boire du thé. On a rêvé d’une grosse assiette de frites avec de la mayo maison pendant des heures : dorées, croustillantes et chaudes juste comme on les aime. On commence un peu à tourner de l’œil et pour se remettre d’aplomb on s’autorise une biscotte. Histoire de se changer les idées on retrouve des potes au bistrot du coin : c’est l’anniv’ du serveur, il paye sa teille de vinasse. Mental d’acier : même pendant la journée raisin on résiste à l’appel d’une cuite au pinard et on rentre à la maison. Il est minuit passé et le raisin c’est fini : un en-cas nocturne (fromage blanc 0% de matière grasse, ça va de soi, et banane) et on va vite se coucher. On n’a pas vraiment l’impression que nos facultés cognitives soient au max, mais bon.

4èEME

3èEME

Jour

Jour

On continue la cure sur notre lancée : concombre, tomate, salade et autres légumes frais, fruits de saison et fromage blanc en masse. On commence presque à en oublier ce que ça fait de mastiquer un repas chaud et on rêve de coquillettes au gruyère. On se rappelle alors qu’on a le droit de manger des œufs : youpi c’est la fête ! On se prépare donc une belle grosse omelette olives-épinards et on profite de chaque bouchée pour se remémorer comme c’est bon, de déguster des petits plats mitonnés maison. Enfin quelque chose qui va nous tenir au corps plus de 2h. Repus, on profite de notre temps de digestion pour faire un premier bilan de la cure détox. Et se rendre compte qu’au final, ce n’est pas si mal. Le pot de nutella caché au fond de la cuisine ne nous fait même plus envie et en terrasse on a troqué la binouze habituelle pour un Pago ACE, notre corps va bien, si ce n’est mieux, même si notre vie sociale est un peu moins palpitante : être sobre parmi les saouls, c’est pas top fun. Les premiers jours étaient bien plus difficiles : estce que notre corps était en manque de gras ? De sel ? Quoi qu’il en soit, niveau sucre on a la dose 500 grammes de fruits pas jour, y’a pas intérêt à être diabétique. →

On réitère le citron pressé, et c’est toujours aussi dégueulasse. Pour faire passer le goût on attrape le plus gros couteau qu’on trouve et on se découpe un bon quart de pastèque. On l’engloutit avec notre éternel thé noir bergamote bio. Comme le dit mamie, “la pastèque c’est polyvalent : on boit, on mange et on se débarbouille”. Sauf que bon, ça colle un peu. On est tout excité car aujourd’hui on a le droit a un blanc de poulet et a UNE pomme de terre cuite à l’eau. Midi n’arrivera jamais assez tôt. Pour passer le temps on va à la Bio coop de Quetigny et on fait la découverte du truc le plus WTF de la boutique : de la poudre de baobab. Une fois rentré à la maison, on suit les instructions du sachet et on dilue avec de l’eau, on laisse au frais et on déguste. Pour une boisson hyper riche en fibres, en vitamines et en calcium on peut le dire : on est vachement déçu. Ça ressemble à un nectar un peu épais (genre pêche ou poire) et ça n’a le goût de rien. Vraiment rien. Ah si, un peu de ciment frais -oui, j’ai déjà goûté-. Pas top, mais au moins ça cale. La prochaine fois qu’on a une petite dalle à arranger on ira voir José notre copain maçon, pour qu’il nous fasse ça bien, ça nous reviendra moins cher. 73


5èEME

Jour C’est le dernier jour de la cure et on a le frigo encore plein de fraîcheur : on met la gomme et on fait des mets élaborés (ou presque). Omelette de courgettes poêlées, salade de fruits… On est devenu expert en pelage et en découpage de légumes : les bâtonnets de carotte sont plus beaux qu’au premier jour. Révélation de la semaine, le mélange de l’improbable : la salade avocat-pêche, agrémentée d’un zeste de citron sur son lit de pastèque. L’ensemble avec des produits mûrs à point : l’avocat fondant comme du beurre, la pêche juteuse et parfumée et la pastèque sucrée et toujours plus fraîche. On a les papilles en extase et la panse bien remplie. Pour le dessert on se tape quand même un demi ananas, histoire de caler l’affaire pour de bon. On le déguste après environ 20 minutes de combat acharné et quelques entailles un peu partout : la peau du fruit, la nôtre, la planche à découper... On en est sorti indemne et on a kiffé le savourer après l’avoir vaincu. Manger équilibré, ça peut être dangereux pour la santé, parfois. Ça y est, la semaine détox c’est fini. Qu’est ce qu’on en retient mais surtout est-ce que ça valait le coup de se faire du mal pour se faire du bien ? C’est terrible à dire, mais le point le plus difficile ) respecter de cette diet’ était sûrement le plus simple : ne pas boire d’alcool. Se battre contre l’appel de l’happy hour et passer pour une petite nature en commandant un jus de tomate au barman. Baisser le regard devant les yeux écarquillés de tes potes qui te voient pour la première fois commander autre chose qu’une pinte de bière au Berthom. On avait presque honte de ne pas boire un coup comme tout le monde. Et on s’est rendu compte que le fait de boire est devenu quotidien et social, que celui qui ne boit pas n’est pas considéré comme dans la norme. Et qu’on remarque toujours le glandu qui boit un coca alors que ses potes se désinhibent au sky. Une fois la cure finie, on n’a pas couru au bar en faisant claquer les biftons comme on le pensait. Ce n’est pas l’ivresse qui nous a manqué, mais le fait de se sentir appartenir au même groupe que les personnes qui nous entourent. Passé 2h du mat’ quand ils sont tous rentrés en rampant jusqu’à leur lit, saouls comme des barriques, nous en revanche on était frais comme des gardons après un petit

encas à base de graines de tournesol. C’était bien. La deuxième conclusion qu’on peut tirer de cette semaine détox, c’est que finalement, ça fait du bien de consacrer plus de temps à ce qu’on mange. De base, on n’est pas du genre knacki-ketchup, on fait un minimum de cuisine, on apprécie ça, même si on a l’amour de la pomme de terre frite et du fromage à raclette par toutes les saisons. Manger que du frais, ça implique de prendre le temps de choisir ses produits, les éplucher, les couper, les assaisonner, les payer. Autre chose que de foutre 2 litres d’eau à bouillir et de balancer un demi paquet de spaghettis dedans et bouffer pour 2 balles la semaine. On se sent bien dans notre corps. On n’ira pas forcément jusqu’à dire qu’on se sent complètement “détoxifié”, que notre corps est pur à 100% et qu’on vire vegan pour la vie. Ce serait un mensonge. On ne devient pas non plus babos “pro-bio” pour autant. En revanche, c’est sûr que nos réflexes ont évolué. Par exemple, on a troqué le carré de chocolat qu’on mange devant la télé contre un fruit, le biscuit de 16h contre une tasse de thé. On a un peu plus la motivation de se lever avant midi le samedi pour aller tâter des produits régionaux sous les Halles. Par contre on va éviter le raisin pendant quelques temps. Pour conclure, la cure détox, c’est pas forcément miraculeux, contrairement à ce que l’on peut lire sur certains sites : on n’a pas perdu 10 kg en 5 jours, on n’a pas non plus l’impression d’avoir retrouvé une forme d’athlète grâce à la

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salade de cœurs d’artichauts. On n’a pas le poil plus brillant ni l’œil plus vif non plus. On a raté quelques afters de qualité. On a travaillé sur notre mental, qui habituellement est plutôt de type faible. On a surfé sur la prolifération de la tendance pour réaliser un véritable cocktail de conseils et de repas préconisés pour la cure détox, histoire de tester un maximum de choses en un minimum de temps. Parce que oui, quand même, c’était un peu dur (mentalement). De base, on avait prévu 7 jours de cure, mais nos bonnes (ou mauvaises) habitudes nous ont trahi un soir à la Péniche Cancale quand notre bouche a commandé un pastaga avant que notre cerveau n’ait le temps d’intervenir. Mais dans l’ensemble c’est une expérience plutôt positive, on a bien mangé, et pendant 5 jours on a vraiment pris le temps de chouchouter notre assiette, en ne mangeant pas simplement pour ne plus avoir faim mais pour se faire plaisir aussi. Enfin, sauf pour la monocure de raisin, complètement capillotractée et carrément pas agréable. On le ferait pas toute l’année. On le ferait pas non plus forcément régulièrement, parce qu’on aime trop bien et beaucoup manger (boire aussi). Mais après un été rempli d’excès, que ce soit pour notre bien-être ou pour avoir bonne conscience, la petite cure détox fait plutôt du bien par où elle passe. Sur ce, on se dirige rue Berb’, on a peur que le mec qui tient notre kebab préféré ait oublié notre visage. // C.C.


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Pourquoi je décide de m’abonner à Sparse : (merci de cocher la bonne réponse)

enquête berthom, la firme interview BDSM : « j’ai 30 SouMiSeS » rencontre poSSe’tillon : rap De zuluS immersion ivre à la Saint-vincent Du 8-9 typologie le pluS Malin que leS autreS exclu à l’intérieur DeS nouvelleS tannerieS À L’ANCIENNE leS taMBourS Du Bronx Se racontent histoire gréSilleS, 60 anS De fantaSMeS urBainS et Sociaux www.sparse.fr • gratuit • où est le respect ?

sparse | numéro 10 | trimestriel | mar. avr. mai. 2015

J’ai trop peur qu’il soit épuisé très vite dans les points de distribution habituels. On me considérera comme has been si je ne le fais pas. Je suis un grand journaliste et je puise mon inspiration dans cette publication de génie. Tous les médias sont à la solde du grand complot capitaloilluminati-judéo-maçonnique, sauf Sparse. Je suis Bisontin et je sens que ce magazine va peser grave dans la nouvelle région. C’est le meilleur magazine du monde.

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SPARSE MÉDIA - 12 place Emile Zola - 21000 Dijon Liste des points de diffusion à consulter sur Sparse.fr

PORTRAIT DAVID LANAUD DU GRAY NOUS L’A BIEN MISE IMMERSION 24 HEURES À PÊCHER LA CARPE À ARC-SUR-TILLE ENQUÊTE DANS QUEL RADE MATER LA COUPE DU MONDE ? RENCONTRE ÉRIC CARRIÈRE, LE FOOTBALL ET LE VIN REPORTAGE UN VENDREDI SOIR AU LAC KIR, À 2 HEURES DU MAT’ DIAPORAMA LES ANIMAUX DU PARC DE LA COLOMBIÈRE INTERVIEW S.E.A.R, LE HIP-HOP ET LES SECTES TEST LES LIEUX OÙ MANGER DE VRAIES BONNES SALADES + OPTIMO L’INDUSTRIE GREG FRITE JEAN-JACQUES BOURDIN DIAPORAMA ROMAN-PHOTO GUESTLIST COURRIER DES LECTEURS

communiqué de sparse média PAN SUR LES DOIGTS Dans son numéro 6, mars-avril-mai 2014, Sparse a publié un reportage intitulé « BANG BANG ! Un dimanche matin au stand de tir de la Police. Vite fait. » Cet article comportait une photographie sur laquelle étaient identifiables deux personnes. On ne leur avait pas demandé leur autorisation et on n’a pas « flouté » leurs visages. C’est mal. C’est pas pro. Et ça a pu leur faire du tort. On tient aussi à préciser qu’aucun des propos rapportés par l’article n’étaient imputables à ces deux personnes, à qui nous n’avons pas parlé et que nous n’avons pas entendues. Sparse leur présente ses excuses sincères.

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wesh side story Ce petit bout de phrase te reste dans la tête. Parfois trop vulgaire, parfois trop penseur. La punchline, mon pote. Bien sûr que tu sais. Et tu l’adores encore plus quand tu comprends la référence, que tu peux la reprendre à ton compte, et que la rime est en place (comme Doc Gynéco). Certains rappeurs, dans leurs punchlines, te parlent de tunes,

de meufs, de drogues, de flics, de la misère dans les cités… En gros : de leur quotidien, réel, virtuel... ou ex-quotidien pour la plupart. On t’en a répertorié quelques-unes qu’on a trouvées bien faites. Parce que oui, la punch’, c’est tout un art. Du vieux, du neuf, du pire mais surtout du meilleur. À suivre : mots d’amour, tendresse et chocolat.

Petit résumé des attentes d’aujourd’hui

TU TE FERAS DÉTRÔNER

Du coup, c’est qui le plus fort ?

ARNAQUE, CLASH ET BOTANIQUE

« C’est vrai qu’on est trop hard et que notre art est de vous vexer. Pas de menace de mort, le rap ne sort pas de douille mais, c’est le seul son hardcore depuis qu’le rock n’a plus de couille » (Youssoupha – Menace De Mort) Au moins la couleur est annoncée.

« La route est longue et j’les vois tous encore loin » (Demi Portion – Poignée de Punchlines)

« C’que tu fais c’est mieux que rien, nous c’est rien que mieux » (La Caution – L’original)

« Dans l’rap j’ai trop d’avance, ils me suivent que sur Twitter » (La Fouine – Mathusalem) Promis, après celle-là y’a plus de La Fouine

« Et comme par magie t’écouteras ma zic’ dans une pharmacie » (Sango – Ton Vaccin)

NAN, FAUT PAS DÉCONNER

« J’peux t’faire chialer une équipe de CSR sur c’violon, tellement violent que j’donne envie de rapper aux hardos et aux ch’veux longs » (Rohff – R.O.H.F.F) « Les balles sont seulement verbales, enlevez vos gilets pareballes et faites de la musique de qualité» (Taïro – Welcome To BT2 remix) On se pensait incapable de citer un jour Taïro mais là, il n’a pas tout à fait tort.

C’est d’la bombe bebey

« Je ne compte pas secourir, mais au moins soulager. Seul l’éveil des consciences dans ma musique est beauté » (Joey Starr – Mon Rôle)

« J’ai un temps d’avance. J’mets les gens de mauvaise humeur comme le temps d’la France » (Guizmo – Le fugitif 92 Mesures)

« Ganja smoka, c’est la méthode médicale, c’est le top, boy, pour faire de la bombe lyricale » (Tomawok – La Bonne Solution)

« C’est Claude Mc Solaar, maître dans la rime & maître dans l’art » (Mc Solaar – Freestyle pour Radio Nova)

« Coffee, go fast, plantations maitrisées, me parle pas de la dépénaliser, je vais pas quémander mon spliff à l’Élysée » (Papa StyleLa France Fume)

« J’suis les Beatles pour les jeunes ados, j’pourrais passer sur Sky, même si mon single s’appelait ‘Fun Radio’ » (Orelsan – Jimmy Punchlines)

« On y va au jour le jour, et c’est mieux que le taf à l’usine, et si on te fait ner-tour notre son après une taff t’hallucines » (Hocus Pocus – Malade)

« Mon cerveau en péril réclame en vain sa nourriture. La qualité, la finesse, du style et pas de la pourriture » (La Canaille – J’ai Faim)

« J’t’explique, c’que j’kiffe, c’est fumer des spliffs et puis d’construire des riffs qui soient compétitifs » (Suprême NTM – That’s My People)

« Je persévère, balance du son façon trop sévère. Le faux devient vert et aussitôt il en perd ses vers » (Fabe – L’impertinent) « T’imagines même pas le pouvoir de mes textes, j’en suis même pas au refrain, et il est déjà dans ta tête » (Oxmo Puccino – Quand J’arrive) BOUM. « Tu croyais t’imposer ? C’était un rêve. On a les idées larges mais pas autant que le trou du cul de Dave » (D. Abuz System – La Concurrence) « Ils ont caricaturé nos discours radicaux et l’ont résumé par ‘wesh, wesh’ ou ‘yo, yo’ ! » (IAM – La Fin De Leur Monde)

« À force d’être transparent ça vous rend l’esprit opaque, t’as pas lu Orwell mais tu rappes comme en 84 » (Lucio Bukowski – Feu Grégeois)

« C’est La Rumeur, quatre têtes à abattre, que les censeurs se rassurent, y’a pas que la mesure qu’on va battre » (La Rumeur – Les Mots Qui Me Viennent)

« Dans mon entourage, y’a pas de petits joueurs, car à n’importe quel endroit et à n’importe quelle heure, on roule et fume et fait tourner selon la coutûme, et si la BAC passe mon grand faut qu’on assume » (133 - L’Apérispliff)

« J’ai la vérité coincée dans la bouche comme une carie » (Ill - Et Dieu créa le monde) « On a déjà gagné ce rap jeu, t’auras beau remettre des pièces dans la machine tu f ’ras pas mieux » (TTC – Rap Jeu)

« Des plans choyés, sélectionnés, sentenza est au shit ce que Jacques Vabre est au café » (Akhenaton Le mégotrip) 76

PaR kenza naaimi photos : dr

YO MOMMA ET LES MEUFS Là on va parler de ta maman

« Dis-moi combien de femmes es-tu sûr d’aimer toute ta vie. Ou sur la tête de qui les frères te jurent tous qu’ils ont raison ? » (Oxmo Puccino – Mama Lova) « J’ai trop d’avance gros, d’après la légende je serais né avant ma mère » (Dinos Punchlinovic – Apparences) Et c’est reparti... « C’est perdu d’avance : j’sortirai mon album en cassette. Rajoute ‘San’ derrière, et devine qui baise ta mère en quatre lettres » (Orelsan – Courez Courez) « Elle est bonne, faut qu’elle paye en nature, elle est pure, la feuille est sans ratures. Pas majeure mais sa bouche est mature » (PNL – Différents) « Si j’te demande la lune, c’est que ton arrière-train n’est pas terrien » (L’Enigmatique – Crème De Nuits) « Au lieu de valoriser les filles avec un gros QI, on fait la part belle à des poufs avec un gros cul, oui » (IAM – Mon Encre Si Amère) « Une enclume, dans mes pensées je suis las, moisi. J’me fous d’me lever la tête dans l’cul tant qu’c’est dans celui d’ma voisine » (Furax – J’Commence Ma Journée) « Ouvre ma braguette, guette, jette donc un oeil, profites-en elle est pour l’instant à toi seule » (TSN goutamafunkybite) « J’ai mal au mic’ comme un MC paraphrasé, pas rassasié, j’suis venu croquer Marianne même si sa chatte n’est pas rasé » (Dooz Kawa – Rap De Branleur)


TREMPLIN MUSICAL ÉTUDIANT

M .U.

s e u q i s u

R

3 À 6 TITRES SUR CD UNIQUEMENT ------------------CLÔTURE DES INSCRIPTIONS

15 JANVIER 2016

de

RÈGLEMENT ET INSCRIPTIONS CROUS-DIJON.FR CULTURE@CROUS-DIJON.FR 03 80 63 00 00 ----------------------SERVICE CULTUREL DU CROUS THÉÂTRE MANSART 94 BOULEVARD MANSART 21000 DIJON


tribune

sauvez une place, coupez un arbre PaR pierre roussel illustration : p.R.

A

h, ça y est, on a enfin cassé le mur de la Banque de France. Les médias locaux se sont emparés de l’événement pour propager la bonne nouvelle entre deux faits divers sordides. La rue des Godrans a maintenant une ouverture sur un beau jardin privé. Pour une fois, les commentateurs d’ordinaire si acerbes se sont mis d’accord sur le fait que cette initiative était tout à fait louable. Pas de contestations virulentes, pas de procès d’intention, pas de contribuables indignés que le monstre socialiste à la tête de la municipalité ne lui détourne ses impôts locaux au profit de travaux inutiles. Non, là tout le monde est d’accord parce que le projet consiste à montrer des arbres. À vrai dire, je comprends difficilement le rapport ambigu qui lie le citadin à la nature. De ce que j’en sais, le monde végétal du Dijonnais se divise en deux catégories : les beaux arbres verts fixes, et les putains d’arbres blancs qui tournent. Les premiers sont plébiscités, les seconds vomis. Partant de ce postulat, la conception du projet urbain devient nettement plus simple pour les personnes en charge de l’aménagement dans la cité des Ducs qui, heureusement, n’en tiennent pas systématiquement compte. Mon sentiment, c’est que les Dijonnais sont heureux parce qu’on a pété le mur de la rue des Godrans et qu’ils goûtent au plaisir de la nature comme on goûte au spectacle d’un beau lion au zoo : de loin, derrière une grille. L’envie de vert, c’est un caprice infondé que nous réclamons parce qu’il nous rassure. Il nous évite de réfléchir à l’intérêt d’une place qui met en valeur des façades, des histoires, des axes de composition. Dès leurs inaugurations respectives, la rue de la Liberté et la place du Théâtre ont été sacrifiées sur l’autel de l’espace commentaires du Bépé pour avoir banni les arbres de leurs aménagements. La critique est toujours la même, reposant sur une argumentation solide et irrévocable par la pertinence de son propos : « sa mank de vert, comme même ». Pour une raison que j’ignore, l’imaginaire collectif se figure la place idéale comme un genre d’esplanade cernée d’arbres touffus et au centre de laquelle une fontaine baroque crache des jets d’eau claire. D’ailleurs si vous demandez au Dijonnais quelle est sa place préférée, il vous répondra certainement Émile Zola. Son choix ne sera pas dicté par la présence d’un établissement qui a réussi l’exploit du pire jeu de mots pour un restaurant de moules-frites, mais bien par les arbres et la fontaine qui la caractérisent. Honnêtement, posons-nous la question de savoir pourquoi nous aimons les arbres sur les places publiques. Pour s’y poser à l’ombre ? Si on aime la sensation chaude et moelleuse de l’étron de Kiki déposé quelques minutes auparavant, pourquoi pas. Pour la biodiversité ? Comme si on pouvait réellement en avoir quelque chose à foutre, on est déjà bien assez emmerdé par nos semblables. Pour le côté bucolique ? Non, la Dijonnaise est plus sensible à un mojito à dix balles au Mac Callaghan qu’à une sérénade sous le kiosque de la place Wilson. Et puis bordel, c’est quoi cette envie impétueuse de vert à chaque coin de rue ? Si l’on fait abstraction des lycéennes en permission et des ouaouaches en quête d’excellence dans l’art du jonglage, il existe des tas de parcs et de squares dijonnais qui

permettent d’assouvir sa soif de roulade dans l’herbe. L’arbre planté sur une place, c’est le degré zéro de la réflexion urbaine, le geste facile qui permet de s’affranchir d’un minimum de travail sur la qualité de l’espace public. La place de la Libération n’en comporte pas un seul, la jugerions-nous horrible pour autant ? Bien au contraire, la perspective de Jules Hardoin-Mansart aurait une sale gueule avec un ficus planté au milieu. Pour nous réconcilier avec l’espace public, il faut à mon sens comprendre ce que nous sommes en droit d’attendre de lui : les parcs sont des espaces dédiés à la flânerie, à la verdure avec une déconnexion complète par rapport au contexte urbain. Les squares permettent de retrouver ponctuellement cette césure dans des proportions moindres. Les places, elles, sont des espaces sur lesquels doivent s’exprimer toute la force d’un urbanisme qui a le droit de s’affranchir de végétation. Un urbanisme qui autorise que l’art remplace parfois les plantations et, pourquoi pas, qu’un arbre en plastique puisse avoir le droit d’exister à la place d’un prunus quelconque. // P.R.

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mots fléchés

Les words à Sparse

Paradis des clés perdues

Portées avec classe par la blonde du sud

Nourriture de singe

Blonde du sud

Cris du Jordy au fond des bois

Garde rapprochée d’Angela

Les Lopez d’Asie centrale

Il a oublié sa brosse à dents

État de ta tente Quechua postfestival

Y’a pas que l’été pour faire des mots fléchés avec ta mamy. Sparse te propose une activité qui sera à nouveau hype en 2016. Précède la hype. Remplis cette grille si t’as un peu d’amour propre.

Téléphone maison

Pressé, en langage SMS

On le cherche encore

PaR Aline bonnfam Sentiment post soirée avec la blonde du sud

Sampeyan en javanais

«Un» en espagnol

Anguilles sous rock

aka Alain Delon

Garde rapprochée d’Adolf

Eliot (ou Loch)

Solutions page 81 Ouvrier spécialisé à l’usine Schneider du Creusot

Baignoire à ouaouaches

Habitation de la blonde du sud

Asso des enfants d’Émile Louis Participe passé de ton verbe préféré

Fans de Tokyo Hotel Province de León selon la norme ISO 3166-2:ES espagnole

Danses très appréciées au camping de Panthier Nombre d’années d’existence de Facebook, de Plus Belle La Vie et du viaduc de Millau. CQFD.

Commune de la Somme

Sur la Tille (l’autre)

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la sélection musicale par la rédaction

La vieillerie vladimir cosma - enfance (1971). Du vintage et de la curiosité. Faits par un génie. Vladimir Cosma. Celui de La Boum et de L’Étudiante. Mais aussi du Distrait et du Grand Blond. Du lourd. Compositeur d’origine roumaine, le type a fait un nombre incalculable de BO mais aussi de l’illustration sonore. Exemple en 1971, le Vlad compose un must intitulé Enfance. 13 comptines interprétées par l’Ensemble Electro-Médiéval de Paris. De l’électro-jazzacoustique aux thèmes imparables, entre François de Roubaix et Dead Can Dance. Mais pour dessin-animé. Si des jeunes parents lisent ce mag, allez faire un tour sur Discogs. Mathis ou Emma vous remercieront. Ça changera du CD de Louane qui tourne en boucle.

À éDe grande qualiteé ratatat - magnifique. 5 ans sans le moindre petit son. Magnifique, 5ème album du groupe, a pris son temps et c’est pas plus mal. Même s’il ne casse pas 3 pattes à un canard, Ratatat reste fidèle à ses origines et ne se risque pas à errer dans des domaines inconnus. Alors oui, ça peut tourner un peu en rond, mais merde, Mike et Evan ont cette formidable capacité d’exalter des sentiments à travers leurs mélodies. D’ailleurs, le duo s’est cassé le cul à apprendre la steel guitar pour magnifier (vous l’avez ?) davantage leur son. Bon, en revanche, il n’y a toujours pas une seule parole d’écrite.

DAM-FUNK - STFU. Instrumental électro-funk qui lèche les murs, sensuel et froid à la fois. À 2 doigts de la BO de gangsta porn. Très 80’s avec des nappes synthétiques west coast dans tous les sens, dans la droite ligne de ce qu’il a fait avec Snoop Dogg il y a 2 ans pour 7 Days of Funk. Un EP de 20 minutes complètement Compton-low riding-fumer des joints-draguer des meufs au soleil. Pour l’album à sortir fin septembre (son 2ème en solo) chez Stones Throw, Dam-Funk profite de sa petite célebrité pour s’entourer de tout un tas de potes : Q-Tip, Flea des Red Hot, Ariel Pink et la légende Junie Morrisson (Funkadelic, Ohio Players). Prends ton cabriolet, file à Grosbois ou à Vouglans.

PNL - QUE LA FAMILLE. Le nouveau frisson du rap français est un duo originaire de Corbeil-Essonnes et dont on ne sait à vrai dire pas grand chose. Ce qui est certain, néanmoins, c’est que PNL affole les réseaux depuis la sortie de Que la famille, premier album hypnotique, mélancolique et transpirant de sincérité. Avec leurs dégaines de footballeurs portugais, les frangins N.O.S et Ademo racontent leur mal-être sur fond d’auto-tune avec une tendresse inouïe, entre la bicrave, les meufs, un héritage familial compliqué et des références piochées chez Disney ou Dragon Ball. Bref, ces types arrivent autant à faire rire qu’à filer la chair de poule. Le prochain disque, Le Monde Chico, est annoncé pour la rentrée. L’excitation est totale.

Caca dans les oreilles BON JOVI - BURNING BRIDGES. Bon Jovi est un groupe, et pas un mec. Le mec, c’est Jon Bon Jovi. Princes du combo cheveux longs-futal en cuir-veste en daim dans les 90’s, Jon et ses potes n’ont toujours pas l’intention de prendre leur retraite. Il sévissent encore à leur âge avec un 13ème album de hard rock slow FM aussi honteux que les précédents, en plaçant des titres recalés dans le passé. Bref, ils ont besoin de pognon et c’est nos oreilles qui vont se voir infliger ça dans les supermarchés. Oui, on tire sur l’ambulance mais il faut que ça cesse.

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crash test par jeff buckler illustration : estelle vonfeldt

Tu t’es vu quand tu VIENS DU... Descriptif faussement sociologique et pour une fois totalement exhaustif de tous les départements qui composeront notre future grande région. Chez Sparse, on avait bien des idées pour le nom mais on n’avait pas envie de les imposer à nos chers voisins de palier parce qu’on les aime bien, nous. En vrac : La Fange Bourgogne, A.O.C District, la Nouvelle Hollande... classe. Et pour capitale on avait choisi Dôle. Prends ça Ryanair.

71 / la Saône-et-loire

25 / le doubs

Parce que t’as failli t’appeler la Bourgogne du sud, craignos. Parce que fût un temps, le Creusot, c’était le cœur de la révolution industrielle. Parce que c’est le daron du coin niveau population. Parce que bien sûr que le Beaujolais devrait être considéré comme un vin de Bourgogne. Parce que bien sûr que le Beaujolais nouveau c’est dégueulasse. Parce que pour toi comme pour beaucoup d’entre nous, il y’a eu un avant et un après ton premier Chalon dans la rue. #50 nuances de ouaouaches. Parce que le derby au basket, l’Élan vs la Jeanne, ça pèse plutôt côté Chalon, fait chier. Parce que la pellicule photo a existé, RIP Kodak. Tu es : dans le IN. Ou dans le OFF.

Parce que le Pontarlier, roi des anisés pour les intermittents du coin. Parce que le site culturel de la citadelle de Besançon, c’est la rencontre improbable entre un musée de la déportation et... des singes ? Parce que t’as jamais vu un autre département avec autant de bleds qui se finissent par « court » : Héricourt, Voujeaucourt, Exincourt, Audincourt... Parce que tu étais un berceau de l’industrie automobile à la francaise : Peugeot. Parce que tu étais un berceau de la formation footballistique à la francaise : FC Sochaux. Parce que pour toujours Charles Fourier et Pierre-Joseph Proudhon, pères du socialisme libertaire, bisous au Bastion et aux nouvelles Tanneries. Tu es : en t-shirt/blouson toute l’année même quand il fait -5°C. Ou un accent sur le « o ».

58 / la Nièvre

70 / la Haute-Saône

Parce que la Haute-Patate évidemment. Parce que tu ne mets jamais d’eau dans ton Ricard, solide. Parce que tu es « le » danger en bagnole pour tous les autres conducteurs de la région. Parce que tu sais que dans les autres départements, les gens ne portent pas forcément le même nom de famille dans chaque village ! Parce que t’as voulu voir Vesoul et on a vu Vesoul. Mytho Jacques B. Parce que le plateau des Mille Étangs c’est notre Canada à nous. Tu es : Mad Max. Ou sans permis.

Parce que pour tout le monde, c’est loin la Nièvre. Parce que la Nièvre c’est un département ? Parce que respect pour cette terre de festivals de musique pendant l’été. RIP le Sun festival. Parce qu’on t’a jamais obligé d’y vivre. Parce qu’ils ont gardé leur indépendance depuis les Éduens... et quelques traditions primitives : qui peut supporter d’entendre de la vielle plus d’une demi-heure ? Parce qu’un Pouilly-Fumé, ça pèse dans le game du vin. Parce que tu crois qu’il vient d’où ton sapin de Noël ? Tu es : un galvacher. Ou tu bosses au black.

39 / le Jura

21 / la côte-d’or

Parce qu’unanimement tout le monde trouve les Jurassiens sympas. Parce qu’unanimement on trouve tous que les paysages du Jura défoncent. Parce qu’unanimement on pense que les vins du Jura sont sous-cotés, surtout par les enfoirés d’Anglais. Parce qu’unanimement on a tous un jour mangé du Comté et non pas du Gruyère. Crétin. Parce qu’unanimement tous les Jurassiens souhaitent rester vivre dans leur département. Parce que finalement, c’est une des dernières réserves aborigènes de France avec la Corse. Tu es : un tire-fesse. Ou la Vache qui rit.

Parce que c’est toi qui vas embarquer le pactole, fumier de Dijon capitale. Parce que c’est aussi le nom d’un chocolat, what the fuck ! Parce que merci le ministre du travail, pardon, l’ex. Parce que tu comprends pas pourquoi tous nos voisins nous détestent. Parce qu’ils sont sympas les vins des autres départements, on a dit « sympa », pas « bon ». Parce que si on t’avait laissé faire t’aurais appeler cette grande région le duché de Bourgogne, à l’ancienne, jusqu’en Wallonie. Parce que les sources de la Seine, prends ça l’Yonne. Parce que Sparse. Tu es : une chouette. Ou un pot de moutarde.

89 / l’Yonne

PS : Notre honneur nous a imposé de ne pas vous parler du Territoire de Belfort, putain de défaite de 1870.

Parce qu’on va pas se mentir, ça craint. Parce qu’ils construisent toujours des châteaux forts comme au Moyen Âge. Étrange. Parce que toi-même tu sais que c’est l’Yonne qui traverse Paris. Parce qu’il y a autant de disparitions dans la Puisaye que dans le triangle des Bermudes. Parce qu’on peut jamais faire confiance à un mec de Sens. Parce que si la grande région devait désigner son meilleur ambassadeur, ça serait Guy Roux, faut pas gâcher. Parce que tu connais un étudiant icaunais qui est reparti vivre chez lui ? Parce que les Chablisiens sont tout autant arrogants que les Beaunois. Privilège de vigneron. Tu es : Émile. Ou...

Réponses de la page 79

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les boulodromes de ta grande rĂŠgion par la rĂŠdaction cartographie : newsline

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