Sparse 20 (sep. 2017)

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sparse magazine mieux

Bordel social, photos dingues, monstres sacrés 84 pages de puissance et de câlins + Claude Lévêque • les journalopes Raphaël Helle • la mort de Kodak + Poster gratuit • conseils juridiques • psycho test...

sparse | numéro 20 | trimestriel

sep. oct. déc. 2017 • www.sparse.fr à lire aux toilettes en priorité

GRATUIT • BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ


sparse





sommaire 3. édito 8. contributeurs

ours

10. guestlist

Ce magazine est édité par Sparse Média. Siret : 750 725 806 00020 - APE : 9499Z www.sparse.fr - contact@sparse.fr

13. bienvenue

DIRECTEUR DE PUBLICATION Pierre-Olivier Bobo RÉDACTEUR EN CHEF Antoine Gauthier CONTRIBUTEURS Bdn, Igor Bez US, Thierry Blandenet, PierreOlivier Bobo, Sophie Brignoli, Nicdasse Croasky, Cédric de Montceau, Benjamin Moreux, Martial Ratel, Doug Ritter, Édouard Roussel, Riddimdim Selecta, Augustin Traquenard, Louise Vayssié, Chablis Winston, James Granville forever DIRECTION ARTISTIQUE INTERNETINTERNET

PHOTOGRAPHIES Vincent Arbelet, Alexandre Claass, Raphaël Helle, Béatrice Jeannin ILLUSTRATIONS Mr. Choubi, David Fangaia, Benjamin Moutte, Michael Sallit COMITÉ DE RELECTURE Loïc Baruteu, Lise le Joncour, Marion Godey, Aurore Schaferlee COUVERTURE La Peuge, Sochaux Photo : Raphaël Helle IMPRIMEUR Chevillon Sens Dépôt légal : à la sortie du magazine ISSN : 2260-7617 La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, cellesci n’engagent que leurs auteurs. Tous droits réservés © 2017 Merci à nos partenaires ainsi qu’à celles et ceux qui ont permis la réalisation de ce numéro. Prochain numéro : décembre 2017 Sparse bénéficie du soutien du Ministère de la culture et de la communication : fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité

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12. la

hype au club purée gourmande

14. musique

entretien 16. claude

lévêque, un pape en nivernais

portrait cabane au fond des bois

24. la

histoire clac. dans le sac, kodak !

30. clic

rencontre 38. focus sur les helle's angels immersion 48 . les nouveaux paysans ? c'est mâlain focus 54. traces

de doigt sur le bitume

interview 60. arnaud mercier lit le journal 68. psycho

test de cœur partenaire auto 71. avocats & associés 72. roman photo 76. horoscopitone 78. courrier des lecteurs 82. from helle 70. coup


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TINARIWEN

PRÉSENTE

JEUDI 7 DÉCEMBRE

LE CÈDRE - CHENOVE

Locations : PYRPROD.FR - 03 80 667 666 - Points de vente habituels

Pub Traditionnel & Restaurant Happy Hours 7 Bières Pression Fish&Chips - Burgers Welshes - etc Service Continu es les samedis et dimanch Ouvert 7j/7 22-24 Place Emile Zola, Dijon

du 11 au 18 novembre 2017 le 22e festival international du court-métrage de Dijon


contributeurs

Par Chablis Winston Photos : DR

Nom : Traquenard. Prénom : Augustin. Fonction : rédacteur en hauteur. Âge : entre 17 et 50 ans. Signe particulier : possède un corps dur et exagérément puissant. Spécialité : tractions sur un bras, torse nu, avec des poids de 6 kg aux pieds. Fait de gloire : connaît le nom de l'assassin du petit Grégory depuis le début. Mais n'est pas une balance.

Nom : Bez US. Prénom : Igor. Fonction : homme de main. Âge : aucune idée. Signe particulier : capable de se plier les genoux et les coudes dans le mauvais sens. Spécialité : l'incruste. Fait de gloire : avoir réussi à accompagner Augustin Traquenard sur un reportage.

Nom : Bdn. Prénom : y'a pas, c'est Bdn et c'est tout. Fonction : cycliste/rédacteur/metteur en espace et tout le tintouin. Âge : pas loin de celui de Michel Drucker à mon avis. Signe particulier : bélier, ou verseau, je ne me rappelle plus. Spécialité : le veau Marengo. Il le fait mijoter deux bonnes heures à feu doux et y met une lichette de rhum et du GHB. Très goûtu, encore meilleur le lendemain. Fait de gloire : 2ème sur le critérium jeune de Chalon-sur-Saône en 94. Arrivée au sprint devant ces bâtards de St-Vallier.

Nom : Fangaia. Prénom : David. Fonction : illustrateur/colleur d'affiches. Âge : 1 mètre 80 au garrot. Signe particulier : porte un bouc, sans déc'. Spécialité : le coloriage sans dépasser du dessin. Il est vachement balaise, il dépasse jamais. Fait de gloire : a retapé le plafond de la chapelle Sixtine en 5h30, peinard, avec un vieux Mac et un bon logiciel. Et encore, avec une pause d'1/4 d'heure au milieu pour aller pisser et prendre un casse-dalle.

Nom : Fougnard. Prénom : Maître. Fonction : chroniqueur/avocat/jurisconseil/négociateur. Âge : selon ses papiers ? 25... Signe particulier : une bûche dans le slibard. Spécialité : maîtrise l'art du camouflage. Une moustache et des lunettes, et hop, undercover. Fait de gloire : un selfie avec Laure Sinclair, un soir de show hot en 1999, au Traxxx club, à Montchanin.

Nom : Bobo. Prénom : Pierre-Olivier. Fonction : dirlo de publication. Âge : déjà 15, comme le temps passe vite. Signe particulier : mèche impeccable. Spécialité : le "fais-le !". Un ordre bien donné, c'est toujours du temps de gagné. Fait de gloire : a réussi à maintenir Sparse dans une situation financière proche de l'équilibre. Grâce à sa fameuse botte du collaborateur bénévole.

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FESTIVAL DE DANSE

INSTANCES 16 > 22 NOV. 2017

sam. 23 sept. le grand broc’n roll : brocante + spectacles + abdul & the gang + de bric et de broc meR. 4 OCt. Joey le soldat maR. 10 OCt. campo y sabor sam. 14 OCt. nostromo + nesseria + tourbe jeu. 19 OCt. otoktones tV + tiny Feet sam. 28 OCt. capsula dreaming oF Ziggy stardust + concours expo bowie 52 quai St CoSme 71100 Chalon-S/-Saône

www.lapeniche.org

ESPACE-DES-ARTS.COM

FANA TSHABALALA © CHRISTO DOHERTY

SEPT. > OCT. 2017

FLORENT NIKIEMA [1RE EN FRANCE] DELAVALLET BIDIEFONO [1RE EN FRANCE] CIE ANDROPHYNE TATIANA JULIEN FANA TSHABALALA HÉLA FATTOUMI – ÉRIC LAMOUREUX ALEXANDRE ROCCOLI [1RE EN FRANCE] JAN FABRE – ANTONY RIZZI


guestlist

Par Pierre-Olivier Bobo et Chablis Winston Photos : DR

Lili Hinstin Déléguée générale du festival Entrevues. Le festival international du jeune cinéma indépendant à Belfort se tiendra du 25 novembre au 3 décembre prochain, pour sa 32ème édition quand même, mais propose aussi des rendez-vous toute l’année (le 28 septembre au cinéma Pathé pour commencer la saison). Non, ce n’est pas un pseudo. www.festival-entrevues.com

Bertrand Carlier Créateur du site jondi.fr, l’agenda le plus complet de l’histoire de Bourgogne, Bertrand vient aussi de sortir La véritable histoire de la chouette de Dijon - enquête sur l’oiseau le plus mystérieux de France, livre classieux qui nous dévoile les secrets de la petite statue devenue l’emblème de la capitale régionale, labourée par toutes les mains de touristes au pied de l’église Notre-Dame, été comme hiver. Et qu’on n’a pas touché nous-même depuis 1998, date à laquelle on a vu des étudiants y étaler du caca. www.jondi.fr

Eric Alauzet Député de la 2ème circonscription du Doubs (Besac et alentours), Eric Alauzet a marché sur la gueule de la droite au 2nd tour des législatives en juin dernier. Ecolo revendiqué, il a d’abord soutenu François de Rugy à la primaire, puis Hamon du bout des lèvres avant de passer sous l’étiquette majorité présidentielle. Tout en restant chez EELV... Vous m’avez suivi ? Bien vu l’artiste. Tout le monde soutient Alauzet. Ce sosie d’Aimé Jacquet et de M. Vincent -mon prof’ d’éco du lycée à Chevigny, c’est pas une star, je vous l’accorde, mais il lui ressemble, c’est incroyableest acupuncteur dans le civil. Il sait où appuyer, fais gaffe.

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Un bon rade à nous conseiller ? Marcel et Suzon à Belfort : tatouages, porcelaine et fine beers.

Un conseil aux mecs qui sont sous l’eau à Houston ? Ecoutez du PNL.

Quel sport tu refuses de pratiquer à tout jamais ? La danse des canards.

Selon toi, peut-on dire que les mecs qui portent encore le bouc en 2017 sont des gros enfoirés ? Entre les boucs et les moutons (barbus, moustachus), j’hésite…

T’es gluten free, toi ? Ou tu continues à péter en digérant ? Je ne pète pas car je suis une fille. Sinon je suis limit-free, oui au gluten, au lactose, à la viande… Ça t’arrange qu’on supprime l’ISF ? Ce serait beaucoup plus simple de supprimer les riches, mais ce gouvernement n’a aucun sens pratique.

T’as mangé quoi tout l’été ? Spaghetti alle vongole. Je suis allergique aux palourdes, mais j’ai préféré me trimballer des boutons sur la plage que de m’en passer. François Fillon, il va rendre l’argent tu penses finalement ? Si c’était l’abbé Pierre, on le saurait. Le DFCO se maintient en fin de saison ? J’ai jamais gagné un pari sportif, tu demandes à la mauvaise personne. Mais c’est tout le mal que je leur souhaite. « La politique c’est bien, mais... » Finis cette phrase. Les politiques c’est plus drôle.

Pourquoi François Rebsamen est-il aussi beau à ton avis ? Les mecs, ce n’est pas mon truc. Game of Thrones, c’est pas une apologie de l’inceste franchement ? Non, une « horrible banalité » historique qu’il convient d’expliquer notamment aux plus jeunes.

Tu préfères aller voir du football à Dijon, Sochaux, Auxerre ou Gueugnon ? À Rio de Janeiro. Prince ou Michael Jackson ? Mickey.

T’es aux toilettes, plus de papier. Solution ? Je regarde toujours avant, ça m’évite d’avoir à me poser la question. Tu te mets quoi dans le bide au p’tit déj ? Une cafetière. Je sais, c’est moyen pour la santé. Monsieur et madame Neymar ont un fils : Jean. Quelle note sur 10 pour cette blague ? Qu’est-ce qui est jaune et qui attend ? Comme Google, toi aussi tu t’arranges directement avec le ministère des Finances pour alléger tes impôts à payer ? Une fois dans ma vie, j’ai atteint le seuil pour être imposable. Ils m’ont accordé un paiement en trois fois sans frais, j’ai trouvé ça sympa.

Tu préfères passer une soirée avec Jean-Michel Aphatie ou Eric Brunet ? L’un après l’autre. Ton petit cocktail préféré que tu as siroté en août ? La bière a fait office de cocktail.

Pierre-Ambroise Bosse qui modifie la Marseillaise sur le podium aux Mondiaux d’athlétisme, il mérite la taule ? J’apprécie sa fraîcheur, il n’y avait ni provocation ni irrespect dans son attitude.

« Il y en a plein qui râlent pour un effort de 5 € afin de sauver l’APL et qui n’hésitent pas à claquer 4 fois ça pour voir le PSG. » C’est signé par un twitto dont on taira le nom. Un avis là-dessus ? Chacun ses priorités.

Dis du bien de la Haute-Saône. Elle a évité l’élection de députés FN.

Quel journal tu ne manques pas de lire chaque semaine ? L’Est Républicain / Franche-Comté.

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la hype

Par Chablis Winston Photos : DR

LE LOSER DE L’ÉTÉ Thibaut Pinot

Malgré les habitudes de médication excessives des coureurs, on restait des amoureux de la grande boucle, de tout le décorum qui va avec : la caravane, le bob Cochonou, l’hélico qui survole la France, Jean-Paul Ollivier qui te racontait de belles histoires... Et en plus on avait un gars du coin qui nous faisait plaisir et qu'on aimait à imaginer plus propre que les autres. Comment un petit gars de Lure pourrait-il être dopé, hein ? Thibaut, l'enfant de la Haute-Saône a été fantomatique alors que, bon, pendant ce Tour de France 2017, on voulait qu'il nous fasse rêver. Il nous a fait peine. Sous prétexte de bonne performance sur le Giro, le tour d'Italie, quelques semaines avant, il s'est effondré comme une fange sur l'événement sportif le plus médiatisé après les JO et le Mondial de foot. Déjà, le Giro, il le finit 4ème... La place du con, si je peux me permettre. Même pas de photo sur le podium avec les jolies filles et les bouquets. Et ensuite, est-ce que t'as déjà vu un type dire à son patron : « J'ai trop bien bossé la semaine dernière, du coup cette semaine je fais que de la merde au boulot » ? Avoir été bon avant, ça ne peut pas être une justification. Pour ce tour, il nous a gratifié d'un petit abandon à la 17ème étape. Juste à l'entrée des Alpes ! « Désolé les gars, cet aprem' ça va être trop dur au taf, alors j'arrête… ». Et ensuite monsieur va faire le malin en 2ème division de la course cycliste genre tour de l'Ain, tour de Lombardie voire critérium de Dijon. Histoire de dire : « Regardez les copains ! En fait je suis là ! » Trop tard mon Tib', c'est la lose. Tu as laissé à la petite belette Romain Bardet le cœur des Français. Et ça nous rend triste. T'as pas les bons produits ou quoi ?! Prends les choses en main. Ne laisse pas un mec de Haute-Loire te ravir un titre que la BFC attend depuis Nanard Thévenet !

LE INNER DE L’ÉTÉ

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François Patriat

Le miraculé de l'A38. Non content d'avoir échappé à un accident sur l'autoroute, Fanfan a fait main basse sur la France. En ce moment, le mec est plus haut que le soleil. Touchez-le, il doit guérir certaines maladies. Il a bien senti que c'était plus la peine de s’embarrasser avec des valeurs de gauche. Nous, avec ses gros 4x4, on avait senti y'a un moment qu'il s’embarrassait pas... Bref. Le mec a un bon feeling, il faut le dire. Ça fait un moment qu'il roule sa bosse en Côte-d'Or et il voit de ses yeux la populace cracher à la gueule du PS. Avec son pote Gégé Colomb, il persuade le gamin qu'il a de bonnes chances à la présidentielle et se tire du parti dans lequel il était depuis des décennies, en loucedé, devançant un paquet de ses excamarades. Bien lui en a pris, les planètes s'alignent pour St-François de Bourgogne et ses nouveaux meilleurs potes. La droite se fout la honte. Les socialistes s'étaient déjà foutus la honte depuis longtemps. Mélenchon est trop clivant, le banquier a la voie ouverte pour péter Le Pen en finale. Élémentaire. Pari réussi. Patriat devient un de ceux qui pèsent autour du nouveau Prez de la Rép'. Président du groupe En Marche au Sénat, Fanfan a encore quelques années à régner à l'aise avec ses frangins de loges. Bravo.

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musique

Par Doug Ritter et Riddimdim Selecta Photos : DR

Les plus belles pochettes de l’histoire NUSTYL - B-BOY BADNESS (1997)

Selon le dictionnaire Larousse en ligne, le mot « malaise » peut définir un état, un sentiment de trouble et de gêne, d’inquiétude et de tension en plus d’une sensation pénible et d’un trouble physiologique. Moi comme ça, gratos, je vous en donne une définition supplémentaire qui, en plus, colle avec les précédentes : la pochette de l’album B-Boy Badness de 1997 du trio de gangsta rap Nustyl. Mais si, vous savez, l’un des groupes phare de ce soitdisant âge d’or du rap que sont les années 90 ! Âge d’or en tout cas, pas pour tout le monde, car personne en réalité ne connaît Nustyl, et même aujourd’hui personne ne voudrait les découvrir. Les instrus faites de sons en MIDI du même type que le joli petit synthé rouge et jaune que vous aviez enfant - sont dépouillées au point d’en devenir anxiogènes: deux ou trois notes à peine de piano par ici, un violon synthétique inquiétant par là, une boîte à rythmes en papier mâché pour soutenir le tout et trois gars qui balancent un flow parfois dans les temps, parfois pas du tout. Mais là où le malaise s’intensifie gravement, c’est au niveau de la pochette : un montage Photoshop même pas niveau B2i avec, en vrac, un scan d’une main cubique tenant un micro griffonnée sur un coin de cahier, une sorte de… galaxie floue en fond, et trois têtes volantes par-dessus. Ces mecs étaient dans le futur, dans l’espace, dans le lointain bien avant le reste du monde, cette pochette en est la preuve. Il faut prévenir les gens immédiatement et l’afficher dans toutes les mairies du monde libre ! // D.R.

Chacun son métier ! ELIE SEMOUN - CHANSONS (2003)

2003, Elie Semoun se tape un kif, il enregistre un album de bossa nova ! Non content de vivre un succès comique basé sur la répétition des mêmes sketchs et des mêmes personnages au fil des années, Elie se met à la chanson ! Mais qui lui a dit un jour « t’as une belle voix tu devrais enregistrer un truc » ? Qui ça ?! Plus parlé que chanté, cet album est en fait son meilleur spectacle comique, un vraie poilade ! Les textes sont affligeants et pathétiques pourtant il se prend au sérieux, et comme d’habitude, sa notoriété lui permet d’inviter quelques guests de renom genre Lisa Ekdahl et de faire le tour des plateaux télé pour la même sensation de malaise à chaque fois ! Mais il avait raison, le public, le suit un peu et il vend 80.000 exemplaires de sa daube… quand même. // R.S.

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LA FORCE TRANQUILLE Par Cédric de Montceau et Benjamin Moreux, en forêt des Bertranges Photos : Vincent Arbelet, Claude Lévêque

On a rencontré Claude Lévêque sur ses terres natales. Le punk nivernais superstar de l’art contemporain nous a ouvert les portes de sa cuisine. On a parlé de son œuvre, de politique, de tomates farcies, de ses amours, de ses emmerdes. Extraits.

Claude, tu es né à Nevers mais ta vie est essentiellement à Montreuil. Pourquoi es-tu avec nous en forêt des Bertranges aujourd’hui ? Je suis très attaché à ce coin depuis toujours, à son environnement, et surtout au paysage. La Loire, le Morvan, c’est très important pour moi parce que ça influence aussi mon travail. Pas de manière directe mais sur la question de la lumière et des ambiances. Je travaille ici une partie du temps. À Montreuil, c’est vraiment pour le suivi de travail, les rendez-vous. Ici, c’est pour réfléchir tranquillement à mes projets. Je suis revenu dans la Nièvre en 2003. C’est un retour aux sources ? Non, je n’ai jamais totalement quitté la région. En 2003, j’ai décidé de m’y installer vraiment, d’installer un atelier. Depuis que je suis là, j’ai pas mal de contacts avec la nouvelle mairie de Nevers. Je réfléchis à un projet pour la piscine de la Jonction, un lieu qui marque ma mémoire et celle de beaucoup de gens ici. C’est loin d’être concret, mais j’ai trouvé auprès du maire de Nevers une certaine écoute qu’il n’y avait pas avant. Je me fous des histoires politiques, je suis complètement indépendant. La piscine de la Jonction à Nevers ? Tu veux récupérer ce toboggan ? C’est pas tellement le toboggan mais tout le site que je trouve intéressant. La mairie me propose d’intervenir. Il faut trouver des fonds, il faut que des gens s’engagent, ça prend du temps. J’aimerais faire une sorte de parc convivial, laisser une trace… Je vais essayer d’arranger ça à ma manière. Ce sera un dispositif sur tout le site y compris ce fameux toboggan. C’est un lieu magique en friche, c’est

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Claude Lévêque, tenue camouflage.

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vraiment très spectaculaire. Au départ, c’était l’idée d’un journaliste du Journal du Centre. Il avait écrit que « ce lieu est pour Claude Lévêque » parce que la mairie cherchait à le démanteler et à l’offrir à celui qui viendrait s’en occuper. Du coup, ça a lancé un peu le truc et la municipalité m’a contacté pour savoir si je voulais intervenir. On a eu plusieurs rendez-vous. J’étais d’ailleurs assez surpris parce que j’ai toujours vu la gestion minable de la ville par les politiques, tous ces socialistes parachutés depuis tant d’années… C’était un festival de médiocrités mais peut-être moins sous Bérégovoy. J’avais donc un a priori mais j’ai découvert une nouvelle équipe qui semble vouloir aller de l’avant.

C’est bien pour l’été les tomettes, ça garde le frais.

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Tu as d’ailleurs été nommé ambassadeur de la Ville de Nevers. Oui j’ai accepté ça alors que j’ai horreur des honneurs. J’ai même refusé la Légion d’honneur, ça m’a beaucoup amusé ça ! En fait je suis beaucoup attaché à la région, moins à son reliquat politique, ça me gonfle, ça ne m’intéresse pas. Par contre, je me dis que c’est bien qu’il y ait des gens qui fassent des choses ici, faut pas être dans la léthargie parce que ça toujours été ainsi ici. Nevers, y’a souvent eu une fatalité de manque d’objectifs. C’est un endroit déserté, je vois bien que les Parisiens préfèrent aller en Normandie plutôt que de venir dans la Nièvre. Ils ne connaissent pas la qualité de vie qu’il y a ici. Le département a longtemps vécu sur l’héritage du gourou Mitterrand. C’est une faillite et un désintéressement dramatiques. La Nièvre mérite mieux que ça. Il y a un sursaut actuellement, on est quand même à deux heures de Paris !


Tu dis être attaché à la Loire, qu’est-ce qui t’attire ici ? C’est magique ! C’est un des plus grands fleuves sauvages d’Europe. Je m’y suis souvent baigné depuis gamin et je connais bien aussi ses dangers. Mais cette lumière… Je trouve que la Loire donne une mesure de la journée, des saisons. Il y a comme un état de métamorphose. Je ne peux pas m’en passer. Je me promène, j’observe, je traverse les ponts… D’ailleurs, celui de la Charité-sur-Loire, c’est un massacre ! Je suis scandalisé, c’est un pont magnifique, classé. Les interventions sont navrantes, c’est du délire. J’ai fait suivre des pétitions, j’ai essayé de faire savoir ce qui se passe là-bas. C’est grave. On a trop fait de conneries dans la Nièvre. Ils veulent en faire une passerelle métallique dégueulasse. Je ne comprends pas que les Monuments historiques, d’habitude assez stricts, n’interviennent pas. Ça m’énerve ce truc-là ! Je voudrais revenir en arrière. Dans les années 90, je découvrais Rage Against The Machine et ton travail. J’ai compris à ce moment que la féérie pouvait être monstrueuse. Dans une pièce comme Prêts à crever ? (voir page 22), on dit que tu utilisais l’écriture de ta mère, c’est vrai ? (Il rit) Oui, là c’est bien son écriture. C’est un pavillon qui est dans le coin mais je peux pas dire où il est parce que la personne qui y vit ne va pas très bien. Bon, c’est un pavillon qu’on voit n’importe où, avec ce grillage tout autour un peu comme une prison. J’avais fait la photo comme ça, un matin, sans penser que j’allais en faire une affiche. C’est une sérigraphie en fait, tirée à 100 exemplaires. J’aime bien utiliser des phrases qui sont des lieux communs, j’invente rien. « Prêts à crever ? » je l’avais vu sur un mur, c’était un graffiti. J’ai récupéré ça et l’ai fait écrire par ma mère puis je l’ai monté avec l’image ! Une de tes œuvres les plus célèbres, c’est ce Mickey avec l’inscription « Arbeit macht frei ». Je crois que ton grand-père a été déporté pendant la Seconde Guerre mondiale ? Oui c’est vrai. C’était au moment de l’ouverture du parc Disney. Y’avait un logo avec Mickey et dans le prolongement, une inscription Disneyland. J’ai voulu réagir à ce moment-là en associant deux symboles. J’ai fait dessiner Mickey par un enfant, assez déstructuré, assez maladroit. Ensuite, j’ai mis l’écriture qu’il y a au-dessus de la porte d’entrée du camp de concentration d’Auschwitz. C’est une œuvre que j’avais présentée dans une exposition à Paris où les gens n’avaient pas trop réagi. Ils réagissaient plus sur le Mickey, sur le fait d’avoir attenté à une sorte de caricature du symbole américain. Et puis après il y a eu le cinquantenaire de la libération des camps. Les gens ont donc beaucoup vu l’enseigne emblématique. À ce moment, j’ai eu des soucis et il a fallu que je réagisse à mon tour. Il y avait des plaintes de déportés. Certains journalistes positionnés contre l’art contemporain ont sauté sur l’occasion pour dire que j’étais un artiste néo-nazi. C’est vrai que joindre ces deux emblèmes est une provocation mais j’ai envie de dire que c’est ouvert à tous, même aux pires d’entre nous, c’est l’ambiguïté de la forme. Après je me suis méfié parce qu’il y’a plusieurs éléments de mon travail qui posent la question de l’aliénation. Bref, jouer avec ces

symboles, je savais que c’était très provoquant et un peu gratuit. C’est toujours un peu facile d’aller à l’extrême… Ceci dit, je pense fondamentalement que ces terrains de loisirs, type Disneyland et autres d’ailleurs, favorisent l’amnésie. C’est-à-dire qu’on nous amène dans un monde merveilleux de l’entertainment pour nous glisser plein d’idéologie et de morale. C’est loin d’être innocent. En 2015 tu fais Regarde-les rire. Ça s’est fait dans le prolongement des attentats contre Charlie ? Oui c’est ça ! C’est une vision sur les gens qui s’humilient entre eux. Evidemment, les attentats contre le journal et le Bataclan m’ont extrêmement affecté, c’est difficile de faire autrement. C’était une atteinte très profonde. Je ne lis plus Charlie Hebdo depuis que c’est ressorti parce que je trouve ça « discutable ». Je lisais les premiers mais bon quand tous ces gens meurent tous d’un seul coup, c’est violent, on avait l’impression que quelque chose de nous-même disparaissait. Est-ce que l’attaque sur Charlie Hebdo a eu une résonance particulière pour toi en tant que créateur ? Bien sûr. C’est la liberté d’expression qui était attaquée. Je suis anti-religion. Aujourd’hui je dis anti-religieux, je ne dis pas seulement athée, je ne supporte pas toutes ces manipulations de l’esprit quelles qu’elles soient, toutes religions confondues. La religion, on doit pouvoir en priorité en rigoler parce que ça n’existe pas. C’est juste vendre un truc qui n’existe pas. Après, que ce soit la dimension mystique de chacun ayant besoin d’une partie d’irrationnel je peux comprendre. Mais que ce soit une idéologie qu’on nous impose je n’accepte pas du tout. On doit pouvoir rire de l’usurpation du réel. Les gens pètent les plombs parce qu’il n’y a plus d’idéal.

«

Je pense fondamentalement que ces terrains de loisirs, type Disneyland et autres d’ailleurs, favorisent l’amnésie. » On n’a plus de rock star. À mon sens, le dernier en date était Kurt Cobain. Et Bowie ! Quand il est mort j’ai eu énormément de peine, j’étais mal toute la semaine. Il était tellement lié à plein de choses de ma vie. Je l’ai découvert adolescent à Nevers. Il a accompagné ma vie. Sa disparition m’a marqué. En ce qui concerne ton actualité, tu étais à Pékin pour présenter J’ai rêvé d’un autre monde récemment. Une œuvre déjà présente à Avignon à la collection Lambert. Oui avec l’accord d’Yvon Lambert, je l’ai présentée adaptée dans un musée pour une exposition collective. J’ai fait deux déplacements en Chine parce que j’ai des projets à mettre en place pour le futur là-bas.

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J’ai rêvé d’un autre monde à Pékin et à Avignon, Le grand sommeil au Macval. Y’a un truc avec Téléphone et Etienne Daho ? (Il sourit) Ni l’un ni l’autre et encore moins avec Téléphone. Pour moi ça a toujours été de la merde. Je les ai connus avant le punk en 75 ou 76 je ne sais plus. Déjà à l’époque, je trouvais ça naze. J’aime pas le rock français. Et puis Daho, bon, c’est pas mal mais de là à acheter un disque. C’est pas méchant mais je le préfère à Téléphone, en plus ils se reforment… Cette année Xavier Veilhan est à la Biennale de Venise, Canal + a diffusé un documentaire sur l’installation du projet où on peut voir la difficulté de ce lieu. En 2009, c’était ton tour. Qu’est-ce que ça représente de s’installer dans un lieu aussi renommé ? Est-ce que c’est honorifique de représenter une nation ? Même si les honneurs ne sont pas mon truc, je pense qu’on ne peut pas refuser Venise. C’est une vitrine énorme sur le monde. C’est vrai que c’est beaucoup de contraintes et de pression. C’est assez lourd le fait de représenter la France. Il y a comme un côté exposition universelle, assez colonial. Depuis le début, la biennale se passe dans ces lieux, c’est très usé. Le pavillon français est vraiment moche, très ostentatoire. Mais bon, à Venise on pense à tous les collègues qui sont passés avant, on n’arrive pas dans un lieu neutre. J’étais content de le faire, j’étais content d’assumer un projet comme ça même si c’était pas simple. J’ai été choisi à l’époque de Sarkozy et on ne m’a pas lâché là-dessus, certainement à cause de mes positions politiques et d’une forme de radicalité dans mon travail. Harry Bellet du Monde à l’époque avait écrit le jour de l’ouverture de la Biennale : « L’anarchisme chic de Claude Lévêque représentant la France qui a enfermé Julien Coupat. » Mon installation était une cellule, elle s’appelait Le Grand Soir. C’est une notion liée à l’anarchie, à la table rase, à une position politique que je partage. Mais ça m’amusait.

«

Je suis anti-religion. Aujourd’hui je dis antireligieux, je ne dis pas seulement athée, je ne supporte pas toutes ces manipulations de l’esprit. » Le Grand Soir, c’est aussi le fait d’être à Venise et tout ce que ça représente. Les murs du pavillon étaient habillés de strass et de paillettes et à l’intérieur, il y avait une espèce de cage panoptique. Une cage à fauves, une cage de cirque où les gens circulaient. Ils se croisaient au coeur du lieu et au bout des trois couloirs en grillage il y avait un drapeau en soie noire et puis le son d’un bateau qui faisait une boucle et s’arrêtait vers le drapeau. C’était aussi un regard sur le lieu. Quand j’ai fait ça, je ne l’ai pas fait que d’une manière politique. Je me méfie beaucoup de l’idée d’engager une forme de dogme dans mon travail. J’ai fait ça aussi parce

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que j’avais perdu ma mère l’année d’avant. Il y avait une forme de deuil de représenter une histoire croisée. Mais comme j’avais appelé ça Le Grand Soir et que c’était un peu circonstancié sous Sarkozy... À Venise, il faut savoir que les gens ne vous ratent pas ! Dès qu’il y a de l’amalgame possible on y va directement. Il n’y a pas un jour où on ne me parle pas de Venise, j’espère que ça va durer encore cinquante ans. C’est les Jeux Olympiques, c’est même pas le Festival de Cannes ! Les gens bouffent de l’art. Pour les journées professionnelles, tout le monde défile en visitant les pavillons en deux minutes. C’est assez pénible. Je ne me plains pas de la visibilité qu’apporte Venise bien sûr, je ne crache pas dans la soupe, en plus la ville est tout simplement magnifique mais je préfère faire des trucs dans des lieux moins exposés médiatiquement. En particulier en province où les gens font l’effort de se déplacer et là c’est un autre rapport au public. Tu fais du 1% culturel ? Non, j’en fais très peu, on m’en propose sans arrêt. Une médiathèque, un collège… Je ne peux pas m’empêcher de penser, encore plus aujourd’hui, que ce 1% est une sorte de caution culturelle… Les lieux publics c’est important. C’est une obligation le 1%, c’est une vieille loi. Mais ça ne m’intéresse pas. Il n’y a guère de place pour la création, il y a tellement de contraintes liées à la sécurité, à la forme du truc, c’est nul… Après, quand ce sont des commandes publiques comme les hauts fourneaux en Lorraine, ça me parle. Avoir la possibilité de travailler sur ces sites, c’est quand même formidable. Mais les ronds-points et les collèges, c’est dur, on ne peut pas faire ce qu’on veut et après l’œuvre s’en ressent. Et puis, il y a la question de la pérennité, les municipalités veulent des trucs qui tiennent 500.000 ans ! C’est compliqué avec des néons ! Une fois à Nantes, il y a pas mal de temps de ça, j’avais justement utilisé de la lumière. Le jury s’était questionné sur la maintenance : est-ce que ça va durer au-delà de vingt ans ? Je leur avais dit que vingt ans c’était déjà pas mal. On veut qu’une oeuvre d’art reste l’éternité alors que l’environnement urbain change tout le temps, ça n’a pas de sens. Au bout d’un moment, il suffit d’un coup de pelleteuse par erreur et l’œuvre disparaît. Tout le monde sera content et même l’artiste ! (rires) Tu viens de sortir un petit film sur l’Opéra de Paris. La lumière, le son dans ton travail ne t’ont pas donné le goût d’une aventure cinématographique ? Ça m’intéresse énormément ! Le producteur Philippe Martin, qui a produit ça, m’incite à faire quelque chose mais moi ça me fait peur. Y’a du monde à faire travailler, c’est de la folie ! Ce petit film dure 7 ou 8 minutes. J’ai travaillé avec une petite équipe. Après, une plus grosse production, ça me fait rêver mais 200 personnes qui bossent sur un film je trouve ça… Je connais Christophe Honoré, c’est d’ailleurs lui qui m’a fait rencontrer Catherine Deneuve. Je préfère quand même les arts visuels parce que je suis libre, je bricole. Le cinéma… (il réfléchit) J’adorerais, mais bon…


Venise, 2009.

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En tous cas, tu as le sens de la mise en scène, je conseille à tout le monde d’aller sur ton site web. On est accueilli par le Destroy everything de Hatebreed sur fond de patates, ça vaut le détour ! (Il rit) Ils ont été sympa Hatebreed, ils ont accordé gratuitement l’utilisation du morceau. D’ailleurs, on voudrait savoir ce que tu écoutes en ce moment ? J’écoute pas mal Chostakovitch. J’écoute pas trop de trucs nouveaux, disons qu’à chaque fois que j’essaye j’ai l’impression d’entendre des pâles copies de trucs que j’écoutais dans les années 70 et 80. J’ai une espèce d’a priori sur les choses trop bien produites. J’écoute les vieux trucs genre Ramones, Public Image Limited. Je suis fan depuis le début d’Einstürzende Neubauten. J’adore aussi les Stooges. Quand j’avais 14 ans, j’avais un voisin qui écoutait les 45 tours au moment où ça émergeait à Detroit. J’étais à Nevers, c’est une énigme pour moi malheureusement je l’ai perdu de vue. J’aurais bien voulu savoir comment il avait pu mettre la main sur ces disques presque simultanément à leur sortie aux USA. J’ai eu la chance d’écouter les Stooges au tout début, c’était un choc. Deux ans avant j’écoutais quand même Claude François ! J’ai entendu dire sur France Culture que tu avais un projet sur les rampes Michelin ? Aïe, aïe, aïe ! Non, c’est un truc terrible ça ! C’était chouette comme projet potentiel mais ce sont des espèces d’usurpateurs qui m’ont contacté un jour. Je partais en Chine et ils m’ont demandé de venir en urgence voir ça. Aujourd’hui à cause de mon intervention sur France Culture, ça fout la merde. Rien n’était prévu, ils voulaient peut-être se faire mousser, je ne sais pas. C’était une bonne intention parce que le lieu me parle évidemment. Ils disent aujourd’hui que je fais du forcing pour le faire. J’en suis loin ! Ce n’est pas mon genre du tout. C’est une histoire de fou ! C’est très curieux, c’est la première fois que ça m’arrive. Pour finir, tu dois savoir que Xavier Douroux du Consortium à Dijon nous a quitté récemment. Il faisait partie d’une équipe qui apporte énormément de choses à l’art contemporain. Tu l’as connu ? Oui et ce sont des gens que je respecte énormément. Il ne faut pas oublier que c’était un des premiers centres d’art avec un gros rayonnement. On parlait de commandes publiques, Xavier Douroux a créé de nouveaux commanditaires. Ce sont des commandes qui se font avec les gens sur des sites. C’est lui qui a créé ce système. Ce sont des gens vraiment très importants. On n’a pas toujours été d’accord quand on était jeunes, faut dire que Xavier était dur, assez corrosif. Mais ce sont des gens exceptionnels, il y a une vrai qualité d’exposition. Eric Troncy est un des meilleurs curateurs français, ses propositions sont imprévisibles et géniales. C’est vrai, c’est peut-être le centre d’art le plus important aujourd’hui. // C.D.M. & B.M.

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Oui.

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Chiadée l’accrobranche !

SUR UN ARBRE, PERCHE Par Augustin Traquenard et Igor Bez US, à Cléron Photos : Béatrice Jeannin

Tout plaquer. Fuir sur une île déserte. Disparaître. S’isoler de la société, stopper la surenchère du confort et de la technologie. Vivre loin de la ville polluée, de la cité de la zone industrielle ou du lotissement moche. S’entourer de vie animale et végétale, respirer à nouveau à pleins poumons. Vivre dans la canopée. C’est ce que fait Xavier Marmier depuis 2011. Avec son amie Line, ils vivent dans une cabane perchée dans les arbres, dans une vallée reculée de Franche-Comté, sans eau ni électricité. Des écolos zinzins ? Des hors-la-loi ? Des humains en passe de redevenir des sauvages ? On est allé sur place pour vérifier. 24


Xavier semble avoir eu plusieurs vies. Né à Besançon, il a grandi en Lozère. Puis il a été cuisinier, il a vécu en Turquie, en Espagne, en Angleterre avant de revenir sur sa terre natale. Il est aujourd’hui grimpeur-élagueur, monteur de chapiteau, pour le Cirque Plume notamment. À un tournant de sa vie, une rupture a eu un effet inattendu « après une séparation amoureuse, je me suis dit qu’il était temps pour moi de réaliser un rêve de gosse » : construire une cabane dans les arbres. En quête d’un terrain à acheter plutôt ouvert avec un bel arbre, il trouve finalement une parcelle de forêt sur un sol en pente, à la lisière d’une route départementale peu fréquentée. C’est donc à 25 km au sud de Besançon, proche du village de Cléron que Xavier acquiert un terrain boisé d’un hectare, dans la vallée de la Loue. « Au départ, c’était une simple expérience, voir si un plateau en hauteur pouvait être aménagé tout en respectant l’arbre. » De tâtonnements en expérimentations, le plateau est installé à l’aide d’un ami charpentier. Puis, pendant 3 ans, les travaux vont s’enchainer. Huisserie, bardage, zinguerie, la cabane prend la forme d’une maison perchée et Xavier l’habite de façon permanente depuis 2011. Lorsqu’on pénètre dans la cabane, pas de sentiment de claustrophobie. D’une surface de 20 m2, la pièce principale posée sur un plateau octogonal à 7 mètres de hauteur est largement éclairée par de grandes fenêtres et une baie vitrée qui donne accès à une petite terrasse. La cabane est reliée au sol par un pont suspendu, en pente. C’est assez casse-gueule, mieux vaut se tenir à la corde. Sur la terrasse sans barrière, on n’a pas vraiment le sentiment de vertige mais on ne fait pas les fanfarons. C’est haut. Dans la partie supérieure de la cabane se trouve une chambre spacieuse, la maisonnette est confortable. En vis-à-vis, une autre cabane sert de remise autant que de bibliothèque. Après quelques dizaines de minutes passées dans l’habitation perchée, on se sent étonnement détendu et on comprend un peu mieux les confidences de Xavier : « j’aime cette canopée, le sentiment qu’elle procure » et de Line : « cet endroit me ressource, j’en ai besoin. » Pendant les années de

Bernard Kudlak, fondateur du Cirque Plume, compare la construction perchée à un poème, une installation, un happening et un chant. Bref, à une œuvre d’art totale. construction, Chantal Guet Guillaume, maire de Cléron de 2008 à 2014, semble ne pas voir d’inconvénient au projet. Contactée par Xavier, elle ne lui demande pas de permis de construire, voyant d’un bon œil la démarche écolo de l’homme des bois. Lors du changement de municipalité, le nouveau maire, Alain Galfione, demande au contraire une régularisation. En 2015, une demande de permis est déposée mais refusée. On demande le démontage de la cabane. À l’injonction de démonter sa cabane, Xavier oppose sa bonne foi (il avait l’autorisation tacite de la précédente maire). Il n’a rien caché de son projet à la municipalité, au contraire. Autour de lui, le soutien s’organise. L’ADIEP, une asso de défense des intérêts des particuliers et des entrepreneurs, s’empare de son cas. Ses amis répondent présents et Xavier organise un fête pour défendre sa cause au pied de la cabane qui rassemble 300 à 400 personnes. Une pétition en ligne pour le maintien de l’habitat de Xavier rassemblera près de 8.000 signatures et sera envoyée à Ségolène Royale, alors ministre de l’Écologie. Une page Facebook « cabane en danger » expose pêle-mêle des articles de la presse régionale quotidienne sur l’aventure de Xavier ou la vidéo d’un chef iroquois amérindien évoquant le combat de l’homme des bois. On y trouve aussi un

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assez joli texte écrit par Bernard Kudlak, fondateur du Cirque Plume, qui compare la construction perchée à un poème, une installation, un happening, un poème et un chant. Bref, à une œuvre d’art totale. En juillet 2016, le TGI de Besançon déclare la plainte de la commune irrecevable. L’imbroglio juridique perdure cependant puisque la commune saisit alors le tribunal de grande instance pour engager la responsabilité civile de Xavier qui est aujourd’hui dans l’attente de ce jugement. Acharnement juridique ou bon sens de la municipalité ? Un des obstacles à la régularisation de la demeure de Xavier, c’est le classement de son lieu d’habitation en zone Natura 2000, une zone théoriquement non constructible. Pourtant, en se référant aux objectifs de ce réseau européen regroupant des sites naturels, il s’agit de maintenir la diversité biologique des milieux dans une logique de développement durable. « Je connais le correspondant local de Natura 2000. Il sait que je ne pollue pas et ne voit pas d’inconvénient à mon projet… mais il ne peut rien faire pour moi. » L’absurdité est patente. Désolé Nico Hulot, l’empreinte carbone de Xavier en dix ans de vie dans sa cabane est 100 fois moins élevée qu’un jour de tournage de Ushuaia. Toilettes sèches, la cabane n’est pas raccordée à l’eau courante. Un panneau photovoltaïque qui recharge une batterie suffit à l’éclairage. Poêle à bois pour le chauffage, la maisonnette a son indépendance énergétique. Xavier n’emmerde personne, pas même les loirs qui peuplent sa toiture, les piafs qui lui chantent à l’oreille ou les salamandres qui se baladent sur le chemin entre la route et sa cabane. Sur développement durable, pas un pèlerin à des kilomètres pour lui faire la leçon. Alors quoi ? Si on autorise n’importe quoi n’importe où, c’est

le début de la fin ? « Il est dit dans le règlement qu’il doit être raccordé à l’eau, à l’électricité, à l’assainissement » déclare M. le Maire. Peut-être au village a-t-on peur que l’exemple de Xavier donne des idées à d’autres. Mais d’autres quoi ? D’autres écolos ? d’autres anarchistes ? Des migrants ? À bien y réfléchir, il faut quand même un certain amour de la vie spartiate pour suivre la voie emprunté par Xavier. Pas sûr que des hordes de gauchistes se précipitent sur ses traces. Le temps du Larzac et des hippies est révolu, gamin, et depuis un bail. Si la jeunesse rêve, c’est peut-être plus d’iPhone 7 que de toilettes sèches. Au pire, aller passer une nuit ou deux debout par an place de la République à Paris en écoutant de la musique et en bectant une merguez frites, ça peut mobiliser. Aller glander dans les arbres sans Wi-Fi ni 4G dans un bois paumé au fond de la BFC, probablement moins. Xavier est peut être un philosophe subversif, disciple de Thoreau, auteur de Walden ou la Vie dans les bois. Comme son maître, il élaborerait une réflexion sur l’économie, la nature et la vie simple menée à l’écart de la société ? Il prêcherait la désobéissance civile ? Non ! Xavier assure ne pas avoir lu Thoreau. Ses lectures, c’est plutôt Ernst Zücher, des bouquins concernant les arbres. Il roule en Fiat Panda, fait sans doute souvent ses courses au supermarché. Il travaille depuis plus de 15 ans pour le Cirque Plume. Pour un « original », il est un type finalement plutôt normal et stable, pas un rêveur invétéré ou un illuminé. Il n’a pas non plus développé des capacités de surhomme en vivant dans la forêt. Il nous a accueillis le bras dans le plâtre. « Je suis bêtement tombé de ma hauteur,

Promotion canopée


C’est bon les enfants, vous pouvez aller jouer sur la terrasse !

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Pour un « original », il est un type finalement plutôt normal et stable, pas un rêveur invétéré ou un illuminé. Il n’a pas non plus développé des capacités de surhomme en vivant dans la forêt. Il nous a accueillis le bras dans le plâtre.

fracture du radius ». Un comble pour un funambule montant des chapiteaux et qui vit perché à 7 mètres de hauteur et prend le café sur une terrasse sans barrière. Comme nous, beaucoup passent voir la cabane. Parce que c’est intriguant, parce que l’histoire renvoie à l’enfance, parce que l’idée de partir habiter une cabane dans la forêt nous a à tous un jour effleuré l’esprit. On passe pour manifester son soutien à une démarche assez dingue pour laquelle on a de l’admiration et dont on sait qu’on en est nous-même incapable. On passe simplement parfois pour donner un coup de main ou pour voir si tout va bien. Partant du souhait de s’isoler du monde, la construction de la cabane a en fait créée du lien social. « Le fait que ce projet au départ très personnel soit devenu l’affaire d’un groupe de personnes, cela m’a fait grandir. » À Cléron, il n’y a pas d’extrémiste prônant la désobéissance sociale, pas d’écolo zinzin donneur de leçon. M. le Maire, laissez Xavier peinard dans son arbre. Ce garçon est un modèle inoffensif et une source d’inspiration bienfaisante pour les gens qui l’entourent. Vous devriez indiquer son emplacement aux touristes de passage, rendre hommage à cette architecture discrète et surprenante, à un mode de vie exemplaire que nous sommes bien incapables d’adopter. // A.T. & I.B.U.

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La chute de la maison Kodak

Par Édouard Roussel et Thierry Blandenet Illustrations : David Fangaia

Le 10 février 2008, le dernier bâtiment de l’usine Kodak à Chalon-sur-Saône s’effondrait dans un tas de poussière et de gravats. À Chalon, comme ailleurs, l’entreprise a été balayée par l’une de ces ruptures technologiques qui font les fortunes des uns et renvoient aux oubliettes ceux qui n’ont pas su s’adapter. Pour Kodak, ce fut net et sans bavure. Et à Chalon-sur-Saône, 2 000 personnes ont été licenciées. 10 ans après ce naufrage, il ne reste plus grand-chose de cette entreprise qui compta parmi les plus emblématiques du XXème siècle. Comme l’aurait dit Bernard de La Villardière face caméra et les sourcils froncés : « Retour sur l’une des faillites les plus spectaculaires de l’histoire du capitalisme moderne ».

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Le slogan « clic-clac, merci Kodak ! » laisse un goût amer. La fermeture et la démolition des quelques 80 ha qu’occupait l’usine a laissé aux Chalonnais un vide qu’il est difficile de combler. L’entreprise était tout simplement le plus gros employeur de la ville, et même de Bourgogne, devant l’usine Michelin (à Blanzy). Quand Kodak a fermé, la ville est passée sous la barre des 50.000 habitants. Si l’entreprise figure toujours dans les mémoires, c’est plutôt comme un symbole du passé que l’on célèbre de temps en temps, le souvenir d’une époque de prospérité bel et bien révolue. « Kodak s’est implanté à Chalon en 1960, se souvient Jean-Pierre Martel, directeur de l’usine de Chalon-sur-Saône et président de Kodak Industrie France à partir de 2000. Mais au début, c’est plutôt pour des activités périphériques comme la fabrication des solutions de traitement. En 1972, l’usine s’est agrandie pour accueillir les machines destinées à la préparation de films pour la radiographie. Puis, dans les années 1980, avec la fermeture progressive de l’usine de Vincennes devenue trop exiguë, Chalon a récupéré la production des films photographiques grand public. En 1989, au pic de son activité, Kodak employait ici 3.000 personnes. Chalon était simplement l’endroit le plus adapté, de nombreuses voies de communication convergent ici. » Aucun rapport donc, ne serait-ce que symbolique, avec le chalonnais Nicéphore Niépce, inventeur de la photographie.

George Eastman : un visionnaire. Kodak, c’est d’abord l’histoire d’un homme étonnant : George Eastman. Alors qu’il n’était qu’un simple tâcheron dans une banque de Rochester, il se passionne pour la photographie au point de tout plaquer. Son coup de génie a lieu en 1885, quand la petite entreprise qu’il a fondée (l’Eastman Dry Plate Company) met au point le premier film souple. Depuis ce cher Nicéphore, les photographies se prenaient sur des plaques gélatineuses et rigides très délicates à manipuler. George Eastman ne s’arrête pas en si bonne voie : en 1888, l’entreprise rebaptisée Kodak (nom inventé par Eastman pour être plus accrocheur) lance son premier appareil grand public baptisé The Detective (une boîte en bois en forme de cube) que les utilisateurs renvoient au siège de la société à Rochester, dans l’État de New York, pour le développement. En retour, ils reçoivent leurs photos et la boîte, chargée d’une nouvelle pellicule. C’est un succès que l’entreprise cultive pendant toute la première moitié du XXème siècle : il y aura le Brownie en 1900, le Vest Pocket en 1912, la Retinette en 1949. En 1907, Kodak comptait 5.000 salariés, ils sont 20.000 en 1927. « C’était un industriel brillant, tient à souligner Jean-Pierre Martel. L’un des premiers qui a compris que pour vendre dans le monde entier, il fallait être implanté dans tous les pays. C’est aussi lui qui, dès le début du XXème siècle, imagina une prime d’intéressement aux bénéfices pour ses employés. »

La cathédrale de Chalon-sur-Saône

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«

You press the button we do the rest » — slogan

publicitaire de Kodak en 1888

En 1932, à 78 ans, George Eastman se tire une balle dans le cœur en laissant ce message laconique : « Mon travail est fait, pourquoi attendre ? » Kodak y survivra et, en 1935, la firme lance son fameux (et inflammable) film Kodachrome, première pellicule couleur à destination du grand public. À partir de 1950, c’est carrément féérique : la photographie devient un loisir de masse et Kodak ronronne en profitant tranquillement de sa situation de monopole. « Mettre sur un support souple des couches de quelques microns d’épaisseur demande un haut niveau d’expertise, relève Jean-Pierre Martel, c’est pour ça qu’il y a eu si peu de fabricants de pellicules : Kodak, Fuji, Agfa et, dans une moindre mesure, Konica alors que le marché était énorme. » Même à cette époque bénie de rentabilité à deux chiffres, Kodak manque de flair et rate quelques opportunités qui lui étaient pourtant servies sur un plateau. En 1945, Kodak néglige le brevet d’électro-photographie, qu’était venu leur proposer un certain Chester Carlson. Éconduit, Chester revend son invention à l’entreprise d’à côté, Xerox, qui lui trouve une application très pratique : la photocopie. En 1950, Kodak méprise un autre inventeur, Edwin Land, venu présenter un nouveau procédé de développement photographique assez original : le Polaroid. Regrettant cette erreur stratégique, Kodak lancera sa propre gamme d’appareils photo instantanés en 1976 (la série des EK) très similaires au Polaroid d’Edwin Land. La ressemblance entre les deux appareils est si troublante qu’en 1991, après quatorze années de procédure, Kodak est condamné à verser 1,4 milliards de dollars à la Polaroid Corporation pour contrefaçon de licence. Si ces quelques péripéties sont fâcheuses, la suite est carrément tragique… Et Kodak inventa le premier appareil photo numérique. L’histoire est d’une cruelle ironie. C’est bien à Rochester, dans le labo de recherche et développement de Kodak,

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que fut inventée la photo numérique. Lorsqu’il entre dans l’entreprise en 1973, à tout juste 24 ans, l’ingénieur Steven Sasson est chargé par sa hiérarchie de trouver une utilité concrète au dispositif de couplage de charge (aussi appelé CCD) découvert en 1969. Il s’agit d’un capteur photosensible qui convertit la lumière entrante en signaux électriques. Deux ans plus tard, Steven Sasson sort un prototype d’appareil photo baptisé film-less photography. L’engin a des faux airs de grille-pain et pèse 3,6 kg. Il est utilisé une première fois en décembre 1975, et l’on retiendra (ou pas) que la première photographie numérique de l’histoire fut un portrait en noir et blanc d’une assistante du laboratoire. L’image, d’une définition de 100 x 100 pixels (0,01 mégapixel), était enregistrée sur une cassette, exactement comme celle qu’on mettait dans un walkman. La manip’ durait 23 secondes ; il fallait ensuite insérer cette cassette dans un lecteur branché à une télévision. La direction resta perplexe mais laissa l’ingénieur poursuivre ses recherches. Trois ans plus tard, le premier appareil photo numérique est breveté par Kodak. Toutefois, le service marketing et commercial ne trouve pas opportun de le mettre sur le marché. Ce qui, rétrospectivement, n’est pas complètement con, puisqu’en ce temps-là personne n’avait d’ordinateur

«

Pourquoi des gens voudraient-ils voir leurs photos sur une télévision ? » Walter A. Fallon, P.-D.G. de Kodak, 1976

à la maison et que l’entreprise n’avait aucun intérêt à concurrencer son propre business. Depuis toujours, Kodak faisait des marges plantureuses sur les consommables, essentiellement les pellicules et tout particulièrement leur développement, alors qu’elle ne gagnait quasiment rien sur


Envie de mater la sextape de Valbuena ?

ses ventes d’appareils photo. Du coup… Kodak temporise. Au milieu des années 80, les marques japonaises Nikon et Canon commencent à plancher sur des appareils photo numériques, mais ce n’est réellement qu’à partir des années 2000 que le grand public s’équipe en masse. Curieusement, Kodak, pourtant précurseur dans ce domaine, fabriquant même les premiers dos numériques adaptables sur les boîtiers Canon et Nikon, se retrouve dépassé. Ça commence à sentir le roussi. Cette rupture technologique et l’avènement du numérique n’ont clairement pas été pris au sérieux par les responsables de l’entreprise. Le cœur de métier de Kodak a longtemps été la chimie. Tout ce qui touchait à l’électronique pur relevait du « gadget ». Et puis, aux yeux de ses dirigeants, Kodak était invincible. L’entreprise dégageait alors jusqu’à 15 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an et employait, à son apogée, 145.000 personnes. Plutôt que d’investir massivement dans l’électronique, l’entreprise se lance dans une stratégie de diversification hasardeuse. En 1988, Kodak s’offre Sterling Drug, entreprise pharmaceutique, pour la bagatelle de 5,1 milliards de dollars… revendue pour 3 milliards en 1993. Elle rachète en 1989 la branche photocopieur d’IBM. Ça ne leur rapporte strictement rien, mais c’est pour emmerder Xerox (entreprise aussi basée à Rochester, siège social de Kodak). Pas besoin d’avoir fait HEC pour voir que Kodak patauge… Le géant de Rochester est en train de devenir un conglomérat fourre-tout. Résultat, en 1991, les comptes sont tout juste à l’équilibre. L’entreprise comprend alors qu’elle doit passer au numérique mais sans trop savoir comment. Elle débauche le P.-D.G. de Motorola, George Fisher, pour enclencher cette transformation. Sous son impulsion, Kodak lance son fastidieux process de CD photo, développe pour Apple le QuickTake 150 (l’un des premiers appareils photo numérique grand public) et lance en 1996 la gamme Advantix, un modèle argentique au format novateur : l’APS (en partenariat avec le concurrent Fuji, c’est dire la fébrilité ambiante). Ces trois produits font un flop. « Dans les années 90, Kodak a essayé de convertir ses clients au numérique, avec les CDs photo, rappelle Jean-Pierre Martel, par ailleurs président de l’association

CECIL qui veille sur le fonds d’archives de Kodak France. On scannait les pellicules et on gravait des CDs que l’on pouvait ensuite lire sur sa télé. Les gens n’y comprenaient rien du tout, c’était trop tôt. Le point de bascule est arrivé un peu plus tard, en 2003 : les familles étaient enfin équipées d’ordinateurs et les grands fabricants d’appareils photo avaient adapté leur ligne de production au numérique. Pour

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le cinéma, c’est arrivé vers 2010, quand les capacités de stockage des caméras ont été améliorées. Pour le médical, le basculement s’est fait avec l’arrivée d’une nouvelle génération de radiologues capable de se servir des nouveaux outils numériques. » Au beau milieu des années 2000, Kodak sort enfin ses propres appareils numériques : les Easyshare. Mais le marché est déjà complètement saturé, 90 marques différentes se partagent le gâteau et Kodak n’innove pas du tout… Re-flop. Pendant ce temps, les ventes de pellicules s’effondrent. Kodak au bout du rouleau. En septembre 2004, la direction américaine confirme son intention de supprimer entre 22.000 et 25.000 emplois. En France, 8 des 11 laboratoires ferment les uns après les autres… Lorient, Poitiers, Seclin, Villé, Vitrolles, Caen… et Chalon. En Saône-et-Loire, tout est allé très vite : la fabrication de produits photo grand public est arrêtée en juin 2005, celle du cinéma professionnel fin 2005 et la production de films radiologiques à l’été 2006. Toutefois, JeanPierre Martel obtient auprès des actionnaires américains la possibilité de « fermer à sa façon ». « Quand je me suis rendu compte que tout était terminé pour Kodak, se souvient Jean-Pierre Martel, j’ai voulu créer un campus industriel sur le site (ndlr : le projet Saôneor). L’objectif était clair : il fallait retrouver du boulot à nos gars ! Nous avons commencé à revendre les bâtiments et une partie des activités périphériques aux entreprises qui venaient s’implanter ici. Par exemple, nous avons vendu notre unité de moulages à une entreprise de parfums qui voulait

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fabriquer des contenants qui ne bouffent pas le contenu... Nous avons donc transféré les outils de production et les opérateurs de ces machines à cette société ». Cette méthode a quand même permis de recaser 450 personnes à Chalon sur les 2.000 qui y travaillaient en 2005. « On a fait du mieux qu’on a pu, explique Jean-Pierre Martel. Je pense que si on n’avait pas fait notre boulot correctement, les gens m’auraient injurié dans la rue. » Le dernier labo français, Créteil, ferme ses portes en janvier 2006. Entre 2004 et 2008, Kodak a dépensé 3,4 milliards de dollars dans des restructurations et supprimé 27.650 emplois dans le monde. Le P.-D.G. de l’époque, Antonio Perez a même l’insigne honneur de se classer premier du Top 10 des « patrons à dégager de toute urgence en 2009 » établi par le site d’actualité économique 247wallst.com.

«

Mon frigo va être un peu vide maintenant »

Steve McCurry, à propos de l’arrêt du film Kodachrome

Curieuse coïncidence : en 2009, alors que le président Obama décore Steven Sasson de la médaille nationale de la technologie et de l’innovation à la Maison Blanche, Kodak annonce la fin de la production du film Kodachrome. La crème de la crème des photographes


envoie ses condoléances. Stephen Shore, William Eggleston ou Joel Meyerowitz en furent de grands consommateurs. L’année suivante, le magazine National Geographic consacre un documentaire, presque une oraison funèbre, au dernier bout de péloche. La dernière pellicule est confiée au célèbre photographe Steve McCurry qui shoote les trente-six poses à New York (dont un portrait de Robert De Niro), en Inde et en Turquie. Il prendra les dernières photos dans le cimetière de Parsons au Texas, non loin du dernier laboratoire Kodak capable de développer cette pellicule si particulière. L’agonie se termine le 19 janvier 2012, quand Kodak saute à pieds joints dans la tombe : l’entreprise croule sous 7 milliards de dollars de dettes et n’a d’autre choix que de se déclarer en faillite. Le business de la réminiscence et la réminiscence du business. En 2013, Kodak renaît de ses cendres. Mais est-ce encore Kodak ? L’entreprise a cédé ses actifs, soldé ses brevets à Google, Apple ou Samsung, fermé 13 usines, et (encore) viré du personnel. Toute l’activité photo, y compris l’utilisation de la marque Kodak, passe à JK Imaging, une société taïwanaise. L’ancien leader mondial de la photographie n’est plus qu’un spécialiste, parmi d’autres, de l’imagerie et de l’impression. Ce nouveau Kodak pèse encore 2-3 milliards de dollars et emploie 8.500 personnes ; ils étaient 120.000 trente ans plus tôt. Pour ce qui est du Hi-Tech grand public, cette entreprise continue de se planter avec candeur. En 2015, Kodak lance dans l’indifférence générale un smartphone (sous-traité à la firme Bullit, déjà coupable d’un modèle spécial bouillasse

pour Caterpillar) dont la seule particularité est d’afficher en plus « gros » les applis. Lors du CES 2017 (salon consacré à l’innovation technologique en électronique), Kodak tente la carte émotionnelle en présentant un modèle de caméra Super 8 mm transgenre, capable d’utiliser des cartouches de film argentique mais avec tout le confort du numérique moderne… Kodak est complètement paumé au XXIème siècle. Les 73 ha de l’usine Kodak à Chalon ont été intégrés dans un vaste espace d’activité économique baptisé Saôneor. Ce parc d’entreprises a l’ambition affichée d’être le plus grand site industriel entre Lyon et Paris. Sous l’impulsion de Christophe Sirugue, ancien députémaire de Chalon et ancien secrétaire d’état sous Hollande, 66 millions d’euros ont été investis pour le réaménagement du site, partagés entre l’État, la région et le département. À n’en pas douter, il y a une volonté politique de soigner, à grands frais, le traumatisme du naufrage Kodak. 300 sociétés y sont installées pour un total de 6.000 emplois. Voilà pour les chiffres, ils ne sont pas mauvais : Saôneor redonne un peu une vie économique au lieu abandonné par Kodak. Mais, à bien y regarder, les sommes investies restent colossales, sans compter celles qui restent à investir pour la construction d’une nouvelle desserte reliée à l’autoroute et de deux demi-échangeurs (nord et sud). À Chalon, on s’interroge sur la pertinence d’un tel site, ou du moins sur la multiplication de ce type de zones tout autour de la ville. Il y a déjà la ZAC Saint-Cosme, la ZAC la Thalie, la zone portuaire Sud, le Parc d’activités Val-de-Bourgogne. Daunat et Amazon se sont installés à Sevrey. Pour autant, l’industrie n’est pas le seul avenir possible pour Chalon. La

L’une des délirantes affiches publicitaires que l’entreprise Kodak accrochait dans la gare Grand Central de New York. Les images faisaient 18 mètres de long pour une surface de 100 m². Crédit : Musée Niepce.

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Un appareil photo Brownie de 1900, sans pépite de chocolat. Crédit : Kevin Stanchfield.

ville, par sa situation géographique assez enviable, a bien d’autres atouts à faire valoir : le tourisme et le commerce. Ses rues sont bien moins franchisées que celles de Dijon et nettement moins fausses que celles de Beaune. Malgré sa petite taille, il y a à Chalon une vie culturelle et de beaux outils : le festival Chalon dans la rue ou le musée Nicéphore Niépce par exemple. Et pourtant, tout semble étonnamment fragile et en suspens. Un an après le départ de François Cheval, le musée Niépce n’a toujours pas de conservateur et son budget d’acquisition a fondu comme neige au soleil sous l’administration actuelle, passant de 43.000 € en 2015 à 14.000 € en 2016 ! Attendant des jours meilleurs, la ville travaillerait sur le projet de transformation de l’ancien hôpital en grand musée de la photographie. Mais avec l’actuelle municipalité il est impossible d’avoir la moindre visibilité. Si ce musée voit le jour, l’histoire de Kodak y trouvera certainement sa place. // E.R. & T.B. www.museeniepce.com www.argentiquececil-kodak.fr/association.html

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« Il faut oublier Kodak Jean-Pierre Martel, ancien P.-D.G. de Kodak Industrie France

»



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Highway to Helle Impressionnés par ses images prises au cœur des usines Peugeot de Sochaux, on a pris l’autoroute pour en apprendre un peu plus sur l’œil de Raphaël Helle. Le monde ouvrier, Vitrolles, le FN, Bar-sur-Aube, la famille, Besac où le photographe est installé et en train de monter un collectif… Le gaillard est aussi prolixe qu’un feu d’artifice un 14 juillet quand il s’agit de parler de son parcours. En roulant sa bosse dans des médias nationaux comme Le Monde, Médiapart, L’Obs ou Libé depuis plus de 20 ans, il prend le temps de s’arrêter sur des sujets persos, intimes et snobés par d’autres. Et ça, sans oublier de réapprendre à voir et accessoirement, de nous taxer un max de clopes en terrasse.

Par Bdn et Chablis Winston, à Besançon Photos : Raphaël Helle Adoration était chargée de la manutention des cuvettes et urinoirs. Elle travaillait à l’usine Allia dite « la Céramique » depuis 44 ans, qui fabrique des WC en céramique depuis 1936. Le groupe Geberit a décidé de restructurer les activités de sa filiale Allia. En tout, 257 emplois sont menacés. Aube, 2017.

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« Je connais pas mal de photographes qui ne sont pas à l’aise avec la parole, qui ont trouvé leur mode d’expression dans la photo. Je pense même que meilleur le photographe est… C’est peut-être moins vrai aujourd’hui, avec les écoles de photos où on t’apprend à t’exprimer. » Parole instable donc. Mais foutrement généreuse et soucieuse de précision, complexe dans sa forme mais forte dans ses détails. L’analogie est facile, tant pis, mais les photos de Raphaël Helle suivent la même dynamique.

Sensations fortes Bien entendu, avant la prise de vue, chaque projet est expliqué. Mais pour un boulot comme celui fait à la Peuge de Sochaux en 2013, la chose est ardue. Le lieu est bruyant, les ouvriers sont concentrés sur les gestes à accomplir en un temps donné sur une chaîne qui ne s’arrête jamais. Les mecs ont forcément peu de temps à accorder au salon de thé. Il aura fallu une formule très courte : « Les Peugeot sont connues à travers le monde, ceux qui en parlent le plus souvent sont les patrons ou les responsables de com’. Ceux qui les fabriquent, on ne les voit jamais. C’est ce que je

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« La qualité d’une image vient du fait que le sujet me touche. Que ce soit à une échelle monumentale comme la Peuge ou le travail plus intime sur la maladie de mon père »

veux montrer. » Montrer. C’est marrant. À entendre parler Raphaël Helle de son travail, de ses sujets et de ce qu’il y a derrière comme émotion ou motivation humaine, on pourrait se croire à l’expo ou à la foire. Montrer. Pas convaincre. Montrer, toucher et laisser repartir avec des fragments. Des sensations. Sensation. Maître-mot de l’établi du Bisontin à diaphragme. « Mon père était instit’ à Bar-sur-Aube. Il rencontre ma mère au bal. Ils font des gosses et se fixent là. C’est comme ça, je ne suis pas forcément attaché à un… Cela étant, comme j’y ai grandi, je me suis aperçu qu’il me restait plein de sensations. J’étais à Bar-sur Aube l’hiver dernier dans les vignes, tout m’est revenu par les odeurs, la température et même l’hygrométrie. C’est pas grand chose mais c’est là. C’est pareil pour Marseille où j’ai habité et travaillé pendant 5 ans, tout est bleu et blanc. Le ciel, les cailloux, les immeubles. Le vert me manquait. » Nature encore, impressions toujours. Fin 1999, il y a cette tempête violente et Raphaël part en Alsace voir les symptômes.

« C’était impressionnant. Tu es dans une forêt. Tu restes seul, assez longtemps. Et tu vois toutes ces montagnes rasées, tous les arbres couchés par centaines. Puis tu remarques le silence, qu’il n’y a plus d’oiseaux. J’étais vraiment très impressionné. Tu prends conscience des corrélations entre ça et le changement climatique. Tu commences à faire gaffe. » Et aller sur place. Pour rencontrer les gens, le gazier préfère aux apéros du soir, aller faire des images. C’est là où il se sent le mieux, où il se sent exister. Le langage de l’image, c’est une exploration sans fin. Les pieds dans le cambouis, quoi. Cambouis et graisse de pistons. « Mon père était directeur de collège, donc pendant les deux mois de vacances, on tractait une caravane à travers l’Europe. Iran. Tchécoslovaquie. On rencontrait les gens au lendemain de l’invasion soviétique à Prague. On s’arrêtait dans les fermes. On visitait les monuments en Turquie ou en Grèce. » Le daron rapportait un bon paquet d’images que le fiston s’empressait de commenter au retour. Sorte de virus transmis par la génétique des vacances. Virus loin d’être soigné aujourd’hui où chaque projet développe son commentaire a priori. « J’aime bien quand les photos aboutissent à une forme précise, une publication ou autre. » Tout cela est lié au contexte récent de l’histoire


économique de la photo. « Quand j’ai commencé, la photo marchait. J’avais pas mal de satisfaction à travailler sur des sujets vendeurs. Maintenant, c’est compliqué de vendre ses images et il faut se reconcentrer sur la qualité de l’image et pour moi, la qualité d’une image vient du fait que le sujet me touche. Que ce soit à une échelle monumentale comme la Peuge ou le travail plus intime sur la maladie de mon père. »

Choc FN sur casse sociale Ses débuts d’observateur en embuscade, Helle les parfait sur le terrain, forcément sur le terrain. Et pas même encore photographe : « J’ai commencé en bossant à l’usine, dans le textile. C’était à Troyes. Pour le groupe Frafor, et plus particulièrement pour Babygros ». La marque de vêtements pour enfants est

restée célèbre pour son slogan : « le vêtement qui grandit avec l’enfant ! » Raphaël Helle n’aura pas vieilli avec la marque, lui. Il quitte l’usine. Après, c’est Paris et le squat chez un pote toxico. Un Leica, un M4 traînait là. Helle reçoit ses premières sensations en prenant la boîte en main. Les grands noms déboulent rapido dans son imaginaire. Cartier-Bresson et le Suisse magique au nom de ricain : Robert Franck. C’est l’appel à traquer une photo prise sur le vif, informative. Une image subjective mais construite et réfléchie. Le pote reçoit 7.000 francs en liquide et l’affaire est faite. « À partir de là, je rentre à Bar-sur-Aube, en 88, parce qu’il y a un labo photo. J’embauche dans une nouvelle usine, par connaissance. J’y suis resté 5 ans. C’est compliqué de lâcher un job, même par envie de faire de la photo. Boulot la journée, photo le week-end et je bossais les tirages les soirs. » En 1993,

nouvelle sortie d’usine. « Je voulais me tester. Il vaut mieux avoir des regrets que des remords. » Retour à la liberté et au noir et blanc. Ce sera reportage sur les tatouages « prison » d’un groupe de gitans rencontrés via quelques copains artistes de rue à Châlons-enChampagne. D’ailleurs, un tatouage barre le mollet de Raphaël, une carotte flanquée d’un “revenge” énorme. Puis c’est déménagement dans la cité phocéenne. Un peu de galère pour se lancer jusqu’au choc FN à Vitrolles lors des municipales partielles de 1997. Peut-être le véritable début pro pour notre photographe. Le couple Mégret rafle la mise et le coup de semonce laisse plus d’un commentateur sans voix. « Tout le monde en Europe en voulait. On appelait ça le laboratoire du Front National. J’étais à la fois le gars sur place et à fond dans un sujet qui me tenait à cœur, donc ça a bien marché pour moi à ce moment-

Bar-sur-Aube, joli port de pêche.

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La Peuge, 2013. Jolie dĂŠco.



là. » Son agence, Editing, fait remonter les images à la capitale, Raphaël est placé soudain au centre du réseau. Les journalistes descendent voir les calanques et le photographe conforte en live ses années d’apprentissage et son poste d’observateur. 20 ans plus tard, le terrain reste malheureusement favorable aux idées brunes. Pas si loin des premières secousses populaires enregistrées au cours de

ses premières expériences en usine à Bar-sur-Aube, des observations suivantes shootées sur le terrain où Mégret se rêvait en mini-Néron, armé d’une milice aux sourires aussi rares que les cheveux sur le crâne de ses soldats. Le terrain est aujourd’hui toujours sous les assauts du Front mais la forme a changé : « Le discours identitaire était affirmé, les agressions n’étaient pas rare. Aujourd’hui, la

« Dans l’usine, les ouvriers sont éloignés les uns des autres de 10 à 15 mètres. Cette absence de coude-à-coude éloigne la conscience d’appartenir à une même classe sociale »

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com’ de la fille a banni le racisme du père » et le social a masqué les sales idées. Le boîtier de Raphaël Helle est encore au turbin. Suivi de candidat populiste sur fond de vigne, échanges sur les vendanges en Champagne. Puis le coup d’éclat à Sochaux. La Peuge. « Au début je suis tombé comme tout le monde dans le panneau du vote FN chez les ouvriers. L’expo sur la Peuge a été coproduite par la ville d’Audincourt car Martial Bourquin, le maire, a été ouvrier chez PSA. Il y tenait beaucoup. Un des autres coproducteurs a été l’université de Bourgogne Franche-Comté. J’ai pu travailler avec des universitaires1. L’un est politologue, l’autre étudie la gestion des entreprises. Ils ont fait travailler leurs élèves sur les photos. Il faut comprendre qu’en fait, le vote ouvrier est le même en ratio chez les ouvriers que dans d’autres catégories de la population française. Mais on le remarque davantage car ils votaient très à gauche avant. C’est ce déplacement qui a beaucoup étonné. Ensuite, les ouvriers sont


La Peuge, 2013.

Never Mind The Bollocks.

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Champagne, 2016

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« Vitrolles ? Tout le monde en Europe en voulait à l’époque. J’étais à la fois le gars sur place et à fond dans un sujet qui me tenait à cœur, donc ça a bien marché pour moi à ce moment-là »

de bagnoles. Le casting est nickel. Un blanc, un noir, quelques filles. Et je te jure qu’on peut voir les plis de repassage sur les bleus de travail filés pour l’occasion ! »

Cristal et céramique représentés en interview à hauteur de 3% d’après les chiffres du CSA, contre 61% des cadres. Tout le travail photo sur Peugeot est étayé par les travaux universitaires, je crois que ça fait partie aussi de mon boulot de photographe. » Par ailleurs, un des commissaires de l’expo regrette que la vitalité syndicale n’apparaisse pas dans le reportage, remplacée par un certain fatalisme de la condition ouvrière. « J’ai montré ce que j’ai ressenti, la représentation syndicale s’est étiolée. Dans l’usine, les ouvriers sont éloignés les uns des

l’éducation populaire. C’était Jean Gabin avec sa gapette et son mégot au bec. À l’époque, Peugeot comptait 42.000 ouvriers. Aujourd’hui ils sont 10.000. C’est pour cela que j’ai voulu faire ce travail, pour comprendre ce qui s’était passé entre temps. En bossant en usine, à Troyes, j’ai vu la mondialisation, les métiers à tisser être délocalisés, les ateliers fermer. » À Sochaux, l’image d’Épinal en a pris un sacré coup. Les intérimaires représentent 1/3 du corps ouvrier. Puis vient le tiers des CDD et le tiers

autres de 10 à 15 mètres. » Difficile ainsi de se parler, d’échanger des infos ou des impressions. « Cette absence de coude-à-coude éloigne la conscience d’appartenir à une même classe sociale. Il y a eu une époque avec l’ouvrier héros. Il a la classe, il est très digne. Le monde ouvrier se défendait, il y avait

des CDI. Les avantages sociaux et les salaires ont fondu. C’est l’ère des variables d’ajustement. Et il n’y a pas d’image pour cela. Ou plutôt pas d’image en-dehors des romans de communication bien policés. « J’ai pu voir des photos des séances de shooting pour les sorties de nouveaux modèles

À contre-courant de ces mauvais coups de pub, Helle continue à aller photographier des gens qui n’intéressent personne mais tire toujours un peu ses racines à lui : « À Sochaux, je travaille sur le monde ouvrier parce que je l’ai connu quand j’étais plus jeune. Pour le reportage sur ‘la Céramique’, on cherchait des sujets où on pourrait suivre d’anciennes routes nationales avec mes collègues de l’agence Signatures. J’ai choisi de travailler sur la N19 car je prenais cette nationale quand j’habitais Bar-surAube et que j’allais au lycée à Troyes ou voir les copains à Chaumont. » Au retour à Bar, ce sont deux manifs qui accueillent le photographe. Contre la fermeture d’usines. Une de meubles et une cristallerie vieille de 400 ans. « Derrière les banderoles, je vois des types avec qui j’étais à l’école. D’habitude tu ne connais pas les gens, tu cadres sur l’expression d’un visage, sur le message d’une banderole. Là, je me retrouve avec un sujet postindustriel proche de la Peuge. Dépopulation rurale, montée du FN, paupérisation des gens. L’usine Allia, surnommée ‘la Céramique’ depuis 1936, emploie mon cousin. Je tire ce fil affectif. Je ne l’ai pas vu depuis 25 ans et pour nos retrouvailles, on annonce la fermeture de la boîte. » Fermeture définitive fin juillet dernier. Les remises de médailles ont lieu sur fond de courriers de licenciement. Parmi les visages inquiets et les larmes, Raphaël shoote. // B. et C.W. Voir La double « disparition » du monde ouvrier sur le blog Le Monde de Raphaël Helle

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MÂLAIN, LE RETOUR À LA TERRE

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L’antre de Mâlain. Par Sophie Brignoli, à Mâlain Photos : Alexandre Claass

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A

u cœur de la vallée de l’Ouche, le village de Mâlain jouit d’une certaine notoriété grâce à son château du XIIème, son « trou du diable » et la Fête des sorcières tous les deux ans. Mais hormis les vieilles pierres et les mythes, les 738 habitants n’ont pas grand chose à se mettre sous la dent. À part un restaurant, il n’y a plus aucun commerce à l’horizon. Pourtant, depuis l’installation de deux couples autour d’un projet d’élevage et d’agriculture biologique, une nouvelle dynamique collective fait de nouveau battre le cœur de la petite cité médiévale. Mais qui sont ces néoruraux en mal de terre ? Portraits croisés des acteurs d’un projet agriculturel atypique.

«

Elles me font marrer, elles me rappellent la série Heidi de Miyazki. Quand je rentre sur le parcours, j’ai l’impression d’être Peter au milieu de ses chèvres ; elles me suivent et me picorent les mollets », s’amuse Myriam. La jeune maman, qui élève désormais 249 poules pondeuses bio, a quitté la région Rhône-Alpes et son travail dans l’audiovisuel pour venir s’installer à Mâlain, à 25 km de Dijon. Elle a débarqué ici en 2015 avec Léo, son mari, chercheur en philosophie des sciences et un couple d’amis, Claire et François, tous deux viticulteurs et maraîchers, rencontrés quelques années plus tôt à travers le réseau des Amap (association pour le maintien de l’agriculture paysanne). À cette époque, ces derniers cherchent à revenir travailler en Bourgogne, leur région natale et ils tombent sur l’offre d’Yvon Michéa, propriétaire de l’unique vignoble de Mâlain. Ils vont alors organiser une réunion publique pour les habitants du village afin de présenter leur projet et de les solliciter pour acheter collectivement des terres. « Nous avons choisi de monter un groupement foncier agricole (GFA) citoyen pour des raisons financières mais aussi pour investir dès le départ les habitants, qu’ils construisent avec

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nous l’aventure » explique Renaud. Lui et Jennifer ont rejoint le groupe lors de cette première réunion publique. Renaud, très investi dans le projet depuis, a entrepris cette année de planter du houblon qui servira bientôt à la microbrasserie que Jennifer vient d’ouvrir. Hélène, Cyril et les autres... Suite à cet appel lancé auprès des habitants en février 2015, ils réunissent la somme de 33.900€ en 3 mois, grâce à la participation de plus d’une centaine de personnes, dont plus de la moitié sont des habitants de Mâlain, leur permettant d’acheter ainsi 4,75 ha de terres. Et très rapidement, ils fédèrent autour de leur projet de nouvelles forces vives, d’autres trentenaires eux aussi près à sauter le pas : d’abord Cyril le paysan-boulanger mais également Hélène qui souhaite installer un jardin en permaculture. En parallèle ils obtiennent le soutien de la mairie de Mâlain qui s’empresse de changer son plan local d’urbanisme pour permettre l’installation du poulailler de Myriam sur les terres du GFA. « Ils nous soutiennent depuis le départ, les rapports sont bons. Ce sont eux qui nous ont informés avant tout le monde de la vente du café du PLM » précise Renaud. Installé au 28 – 30 rue de la Gare, cet énorme bâtiment autrefois restaurant


Vous utilisez du Fipronil pour vos œufs ?

Celui qui laisse la lumière allumée fait la vaisselle !

« Le collectif se revendique d’une action véritablement politique, en défendant une vision alternative de l’agriculture et de la vie en communauté » 51


et relais dans les années 50 était à l’abandon depuis trente ans. Les porteurs de projet réunit en SCI « Le Convivium de Mâlain » le rachètent collectivement et engagent à l’été 2015 d’énormes travaux pour transformer l’ancien café en habitat participatif d’une part et en locaux dédiés à la location auprès des différents usagers d’autre part. Jennifer y a installé la microbrasserie de la Roche Aigüe à l’emplacement même des anciennes écuries, Cyril a réinvesti le vieux fournil abandonné et un troisième espace, toujours en phase d’aménagement, devrait prochainement accueillir le café associatif « le Chauffe-savates ». Comme pour les terres du GFA, chaque occupant paye ici un loyer au Convivium de Mâlain. Une association pour développer des projets culturels Pour appuyer leurs démarches et permettre de valoriser les bonnes idées amenées lors des réunions publiques par les sympathisants de la cause, Risomes a également vu le jour. Avec plus de 200 bénévoles, l’association qui s’est constituée il y a tout juste un an et demi est divisée en huit groupes d’actions, avec une philosophie simple : « Nous sommes tous et toutes la solution ! » peut-on lire sur l’un de leurs dépliants. Café associatif, université populaire (projection de documentaires, débats et lecture d’ouvrages en public), actions pour promouvoir la biodiversité, animations (festival Atout Bout d’champ avec une 1ère édition fin août 2017), projet d’épicerie coopérative... Nombreuses sont les initiatives portées par la jeune association qui réunit des habitants de Mâlain, des villages alentours mais aussi quelques Dijonnais. « On a été surpris lors des premières réunions pour la constitution du GFA citoyen de voir le nombre de personnes intéressées par le projet. Pour le café associatif par exemple, de nombreux habitants nous ont confié avoir eu l’envie de le faire depuis des années, sans jamais vraiment savoir comment s’y prendre » explique Renaud. Au sein de Risomes, le fonctionnement horizontal permet à chacun des membres d’initier une action. Dans le groupe biodiversité par exemple, plusieurs apiculteurs amateurs ont installé un rucher afin de sauver des essaims sauvages ayant élu domicile dans le village. Et c’est bien là une des forces de ce collectif : leur capacité à

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« L’un de mes souhaits était de trouver une dynamique collective, un endroit avec des gens motivés, encrés dans un territoire. En plus, ici on a la chance d’être soutenus par un tas de personnes, c’est un projet qui a du sens »

sensibiliser et à rassembler ruraux et citadins qui deviennent eux-mêmes acteurs du changement. Le café, l’association, le fournil, la vente d’œufs et de bières viennent recréer une vie locale, économique mais surtout sociale dans une campagne en pleine désertification. Le collectif se revendique d’une action véritablement politique, en défendant une vision alternative de l’agriculture et de la vie en communauté. « C’est l’envie de m’engager sur la question environnementale et une réflexion sur l’alimentation qui m’ont amené ici. » affirme Hélène. « Et puis on est tous un peu dans le même cas et dans la même tranche d’âge. C’est très important de ne pas être tout seul ; ici on mutualise tout ce qu’on peut et il y a beaucoup de réflexions communes au sein du GFA. » Installé en contre-bas du futur café, le jardin permacole d’Hélène et Jeff va bientôt former des

Des poules qualité BFC.


Labo clandestin.

adultes aux techniques et principes de la permaculture. « Tout ce que nous avons planté dans le jardin, à part les arbres fruitiers que nous avons achetés, ce sont nos propres semis. En plus d’une initiation à la permaculture, nous proposerons aussi des ateliers sur la multiplication des semences » poursuit Hélène. Avec la Milpa, l’association dédiée au jardin, elle propose aussi régulièrement des trocs de semences et de plantes, et la vente à prix libre des surplus de la récolte. « Trouver une dynamique collective » Reconvertie il y a tout juste 3 ans dans le maraîchage bio, Hélène travaille au quotidien avec Jeff, un informaticien lui aussi en reconversion professionnelle. Et pour les gros travaux d’aménagement, elle peut aussi compter sur l’aide précieuse des 25 personnes qui ont déjà rejoint la Milpa. Le collectif fait régulièrement appel aux habitants pour lancer des actions collectives : moissons participatives pour récolter les épis destinés à la confection de la farine puis du pain de Cyril, chantier pour la conception de buttes de cultures pour le jardin d’Hélène, défrichage collectif du verger conservatoire pour les poules pondeuses de Myriam... Les travaux pour l’aménagement du café ou encore la construction d’une serre pour Hélène ont aussi fait l’objet de campagnes de financement participatif. Les habitants sont associés à chaque étape des projets jusqu’au bout de la chaîne, avec l’achat des produits. Les œufs comme le pain sont vendus en direct sur les terres du GFA. Le système laisse d’ailleurs rêveur : les

consommateurs se servent tout seul et remplissent une fiche indiquant les quantités, laissant la monnaie dans une caisse dédiée. « C’est une vraie économie de temps, l’enjeu pour un éleveur de poules en vente directe c’est d’abord la maîtrise de son temps. Il faut savoir que la réglementation est très contraignante pour l’éleveur qui ne veut pas être franchisé. Elle nous restreint à la vente directe aux particuliers, on n’a pas le droit de vendre à des intermédiaires comme Biocoop ou un restaurant » déplore Myriam. La jeune éleveuse a lancé la Ferme de la Cocotte d’or cette année avec 249 poules (un élevage bio en France compte en moyenne 4.000 à 5.000 poules pondeuses). Pour atteindre le seuil de viabilité économique, il lui faudra doubler ce nombre et faire les aménagements nécessaires ces prochaines années. Ingénieur d’études dans la conception de bâtiments en bois, Cyril, lui, s’est reconverti en 2014. Installé à Mâlain depuis un an et demi, il fait pour l’instant quatre fournées hebdomadaires de pain bio dont profitent 150 familles de la vallée de l’Ouche. Il fait également pousser des variétés anciennes de céréales sur 7 ha autour de Mâlain, avec une partie sur les terres du GFA. « Il y a de la place pour co-construire la suite, notamment mutualiser avec Léo, mais il nous faut trouver des terres et c’est pas si simple, ce sont beaucoup de petites parcelles sur des coteaux escarpés, difficiles d’accès. » Et alors qu’il est en train de se faire griller des saucisses sur un four solaire tout droit échappé d’une station spatiale, le paysan de 31 ans semble apprécier chaque instant de cette nouvelle vie. « L’un de mes souhaits était de trouver une dynamique collective, un endroit avec des gens motivés, ancrés dans un territoire. En plus, ici on a la chance d’être soutenus par un tas de personnes, c’est un projet qui a du sens. » Chercheuse en sciences du goût et désormais brasseuse, Jennifer aussi semble ravie de ce changement de vie. « Je n’ai jamais eu envie de travailler pour l’industrie agroalimentaire et je ne voulais pas non plus d’une carrière de chercheur où tu passes plus de temps dans ton bureau à rechercher des financements plutôt que d’être sur le terrain. » En juillet, elle a réalisé son premier brassin qu’elle propose aujourd’hui à la dégustation pour le festival Atout Bout d’Champ. En ce week-end caniculaire, plus de 1.300 personnes ont fait le déplacement pour assister aux conférences, visites, concerts et dégustations organisés sur les terres du GFA. Une vraie réussite pour le collectif agriculturel désireux de faire connaître les alternatives possibles et mises en pratique sur leurs terres. Car collectivement, en moins de deux ans, les 126 associés ont déjà acheté 6 ha de terre permettant la culture de vignes, de céréales, de fruits et de légumes, la plantation d’un verger et l’élevage de poules pondeuses en plein air. Qui sait, d’ici quelques décennies, il est tout à fait possible que l’Inter’ de Fleurey-sur-Ouche et le Super U de Sombernon ne soient plus qu’un lointain souvenir dans l’esprit des Mâlinois. // S.B.

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Par Martial Ratel, à Dijon Photos : Alexandre Claass

Les doigts dans la planche L

es fingerboards, mini skates pour les doigts, ces jeux pour gamins, objets de collection ou véritables modèles réduits des grands skates, trouvent leur origine dans un canapé dijonnais. Damien Bernadet, boss de la marque Close Up, est à l’origine de cette pratique. Ce quarantenaire a décidé de se réinstaller à Dijon depuis peu. On l’a rencontré pour qu’il nous raconte la saga des planches à doigts.

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C

’est dans son appartement du centre-ville que Damien accueille et dirige sa structure. On est en fin de matinée, l’ordinateur est déjà allumé depuis un moment. Les messages sont arrivés dans la nuit. Des kids ont passé commande, parfois de l’autre bout du monde, parfois d’un pays voisin de l’Europe. Par enveloppes bulles, les colis seront expédiés ; pratique quand l’objet ne dépasse pas les 20 centimètres, emballage compris. L’opération se répète tous les matins et se poursuit le long de la journée. Entre temps, Damien aura carburé sur des clopes et travaillé au développement de nouveaux produits (mini caddie, bar à grind, banks, bref tous les modules pour faire des petites figures avec des petits skates dans des petits skateparks). Entre les ventes en ligne et les skateshops qui distribuent ses boards, il en écoule entre 6.000 et 8.000 par an. Sa marque Close Up fait partie des leaders mondiaux, concurrencée sur le secteur par une marque allemande. Son secteur ? « Des planches en bois composées de 4 à 5 feuilles de bois d’érable, trucks, gomme en silicone, roues en uréthane, avec des formes plus ou moins concaves, à monter soi-même. De véritables modèles réduits. » Soit le parfait opposé des mini planches que l’on trouvait en magasin dans les années 90-2000 qui étaient, elles, toutes en plastique.

Entre pogs et Pokémon

La success story des planches à doigts commence au milieu des années 90 à Dijon. À l’instar des surfeurs californiens qui inventèrent

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À l’instar des surfeurs californiens qui inventèrent le skate un jour où les conditions ne leur permettaient pas de se mettre à l’eau, Damien et son pote Tony ont eu l’idée un jour de pluie.

le skate un jour où les conditions ne leur permettaient pas de se mettre à l’eau, Damien et son pote Tony ont eu l’idée un jour de pluie. « On avait un porte-clefs en skate. C’est un truc qui se faisait pas mal à cette époque. Il pleuvait ce jour-là, on ne pouvait pas sortir. On était tous les deux dans un canapé et pour passer le temps on a décidé de décrocher la planche du porte-clefs et on a essayé de faire des ollies et de reproduire des figures que l’on faisait en skate ». C’est le déclic pour les deux jeunes skateurs d’une vingtaine d’années. Le fingerboard est inventé. Les pionniers n’ont plus qu’à se bouger. Ils y croient et décrochent même un fameux « défi jeune » (la star des subventions des années 90), une somme de pognon donnée par les mairies sur dossier. L’activité est montée avec les 22.000 francs sous le nom FSB, FingerSkateBoarding. L’idée est là, la crédibilité aussi, les deux étant du sérail skatecore, mais aucun n’est un vrai entrepreneur. Et les débuts sont difficiles. Les industriels des jeux sentent le vent et proposent dans leurs magasins entre les poupées et les Pokémons des mini skateboards en plastoque qui satisfont les enfants mais ne répondent pas aux canons des amoureux de la planche à quatre roues. Les deux Dijonnais sont face à un dilemme. Leur idée est commerciale mais ils n’ont pas la force de frappe de Mattel. Et là, « on a vendu notre âme au diable. On s’est associé à une société de jouets, Empreinte digitale, qui n’avait rien à voir avec le skate, ils faisaient des pogs. On souhaitait se faire reconnaître et prendre un peu d’argent. Là c’était la grande

distribution, les Relais H, les boards dans des magazines nazes. Ça a duré quelques mois et ils nous ont squeezés. Ils nous ont piqué les idées et tout ce qui pouvait sortir du fingerboard. Et en plus, comme on n’arrivait pas à décoller, on a fait des boards en plastique. » C’est le début de la fin. Les deux potes se brouillent et la société part avec un concept de Damien : une table qui tourne et qui reproduit un skatepark. Concept piqué et non développé par la boîte. Fin des années 90. Et fin de l’aventure. Damien part à Paris bosser dans des skateshops, dans des agences de com’ et vit des aventures à la Skategang (film mythique sur le skate de la fin des 80’s) du côté des États-Unis. Tony ouvrira plus tard son magasin de skate à Dijon. Pour rassurer immédiatement les âmes sensibles, oui, les deux gonzes se sont rabibochés depuis.

De Paris à Dijon par la Chine

Ailleurs, après cette mésaventure, le fingerboard continue de se développer dans l’esprit de Damien. Il croit toujours à ses petites planches. À Paris, il lance en solo, et fort de l’expérience précédente, sa structure Close Up. Une marque qui ne lâchera pas sa ligne directrice. En ayant travaillé dans des skateshops, il a développé les contacts et les relations qui lui permettent de repartir à l’assaut en 2006. Les boards seront fabriqués en Chine, non sans amener leur lot d’anecdotes rocambolesques. Damien s’occupe du shape (la conception de la planche) et de la commercialisation exclusive dans les magasins de skate, 30 à 70 points de vente sur le globe sélectionnés par ses soins. « Les débuts ont été incroyables. Le phénomène m’a dépassé dès le début. La deuxième année, j’explosais des containers de 25.000 unités ! Je n’avais pas encore de concurrence. Internet était là et le monde se jette sur ce mini skate tout en bois. Les gens l’achètent autant pour collectionner que pour rider. Aujourd’hui, ce phénomène de collection revient en force. » Pour accélérer l’engouement, ses fingerboards apparaissent dans des vidéos de skate au côté de quelques-uns des plus grands skateurs de la planète.

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« Les gens l’achètent autant pour collectionner que pour rider. Aujourd’hui, ce phénomène de collection revient en force. »

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« On entre dans l’histoire »

Après le troisième café, une série de clopes hand made et après avoir essayé sur les bons conseils de Damien de faire décoller sans succès un fingerboard, on laisse de côté le marketing et on aborde la pratique. « De toutes les disciplines de glisse, snow, rollerblade, bicross... le fingerboard est le seul qui a un intérêt à être pratiqué en miniature. Si tu fais du mini-snow, ta grand-mère va être aussi forte que toi. Ça n’a aucun intérêt. Tu peux apprendre en quelques minutes à faire un ollie mais il te faudra du temps ensuite pour d’autres figures. C’est un sport d’adresse. J’aime appeler « arthlètes » ceux qui pratiquent. » D’accord, comme pour tout sport, il faut du temps, mais faire du mini skate c’est quand même « mini-bien » par rapport au skate à l’échelle 1 ? Il n’y a pas un problème de crédibilité vis-à-vis des vrais skateurs ? « Non, pas quand tu es un des pionniers. J’étais encore à Reims cette année au festival des sports extrêmes, le FISE. Quand tu as comme moi 27 ans de skate derrière toi, ça passe. » Pour Damien, le fingerboard reste un jeu : pas de team sponso comme chez les concurrents. Close Up garde une image à la fois pointue, accessible et fun, « Don’t compete », c’est écrit sous un de ses modèles. Les jeux, d’ailleurs, c’est pour les gamins. « Oui, on est des grands gamins mais je pense qu’à l’avenir le fingerboard va intégrer encore plus le skate. On est des quarantenaires et des cinquantenaires, même soixantenaires aux Etat-Unis, on est cette première génération de skateurs et peut-être que demain ça va nous permettre de prolonger la discipline au bout des doigts parce qu’on sera complètement arthrosés ou je ne ne sais quoi. J’attends parce qu’on n’en est qu’au début. On entre dans l’histoire (rires). » L’avenir semble donc lui tendre les bras (et

les doigts ?), mais notre concepteur nous prépare encore quelques coups. On attend une initiative top secrète à Dijon dans les mois à venir autour évidemment du skate, l’arrivée de son plateauskatepark rotatif, le débarquement de sa marque sur le marché américain et surtout la création de lampes ultra design sous la marque MOD, made or decks, à partir de fingerboards. Pour un quarantenaire déjà questionné par l’arthrose et les problématiques du 3ème âge, l’agenda est bien rempli. On s’inquiétera pour lui le jour où vous retrouverez dans votre Sparse un mini skate à monter. // M.R.

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Par Chablis Winston et Martial Ratel, à Autun Illustrations : Michael Sallit

Arnaud Mercier, professeur en sciences de l’information à l’Université PanthéonAssas, travaille sur l’origine de la mauvaise opinion que peut avoir la société française sur les journalistes. « Qui sont ces merdias et tous ces journalopes ? », c’était justement le thème d’un des ateliers animés par Arnaud pendant le très bon festival les Rendez-vous de juillet, événement autour du journalisme organisé à Autun cet été par les éditions des Arènes, et les revues XXI et 6 mois. Quelques éléments de réponse sur le pourquoi du malaise, entre Zola, Pierre Carles, Sarkozy et Twitter avec un chercheur qui n’élude pas les questions qui fâchent, mais qui ne met pas tout le monde dans le même sac.

On parlait de la mauvaise opinion des journalistes, vous dites que c’est la profession la plus détestée. Oui c’est vrai, juste après les politiques. Résultat de sondage ? Oui c’est ça, absolument. Il y a plusieurs sondages de ce type sur les professions et qui sont fait de manière très régulière, depuis longtemps. On a l’impression que l’un et l’autre, journalistes et politiques, se font tomber vers le fond, parce que dans l’opinion il y a beaucoup cette idée que les journalistes qui sont visibles, les journalistes des grands médias nationaux nous mentiraient, parce que beaucoup de gens fabriquent leur idée du journaliste sur cette base là, ce qui ne représente absolument pas la grande majorité des journalistes mais bon c’est comme ça, c’est l’arbre un peu qui cache la forêt en quelque sorte... Le 1% des médiatiques. Oui, ils construisent l’idée qu’ils font partie des élites comme les politiques, comme les élites économiques et que ces gens-là sont loin des réalités des Français, voire

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méprisent les Français, les ignorent. Donc tout le monde a l’impression que ça fait tomber vers le bas parce qu’ils coulent les uns vers les autres et donc on est dans une espèce de mécanique infernale. Vous, finalement, vous pensez qu’on n’est plus vraiment dans la critique, qu’on a passé un cap depuis quelques années, en particulier avec cette très longue campagne présidentielle. On est vraiment dans la haine du journaliste, que ça soit dans le discours des politiques, comme deux anciens premiers ministres, Fillon et Raffarin ces derniers temps, mais aussi bien sûr sur les réseaux sociaux. Je pense qu’il y a une sorte d’étape qui a été franchie à mon sens, c’est-à-dire que la critique des journalistes, la critique rude, elle est là depuis très longtemps ; dans les années 20, il y avait des critiques extrêmement violentes et qui étaient extrêmement méritées parce que tout le monde pouvait se prévaloir du titre de journaliste, dans le sens où il suffisait d’être payé pour écrire un papier. Payé dans les deux sens du terme, c’est-à-dire à la fois avoir un salaire


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et avoir une enveloppe de corruption. Dans les ministères par exemple, il y avait des enveloppes, on savait, et des journalistes déclarés venaient chercher leur argent à la fin du mois en liquide, c’était à ce niveau-là. D’où la loi de 1935 qui voulait mettre un grand coup de balai dans tout ça et créer la carte professionnelle du journalisme pour contrôler. Donc la détestation et la critique des journalistes ça fait très longtemps mais ce qui est intéressant maintenant c’est que les politiques de tous les bords s’emparent de ça, surfent sur cette vague de critiques, appellent eux-mêmes finalement à détester d’une certaine façon les journalistes, et en tout cas à les contester de façon très vive. Et on se retrouve en dernière instance avec des gens sur les réseaux sociaux, dans un certain nombre de cas des gens qui savent très bien ce qu’ils font, dans d’autres des esprits faibles, qui passent un cran et qui ne sont plus dans dans la critique mais dans la détestation, dans la haine, d’où l’injure, l’insulte, etc. Effectivement il y a un basculement après la Seconde

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Guerre mondiale, un autre type de journalisme arrive, mais précédemment vous l’avez dit, on avait un journalisme qui était d’opinion, engagé, beaucoup plus qu’aujourd’hui, tributaire. Mais en même temps on a une figure du journalisme en France qui est peut-être trop mythique. On a le « J’accuse ! » de Zola également qui donne des caps, des repères. Mais cette figure-là estelle oubliée ? Non, elles sont régulièrement rappelées mais ce n’est pas parce qu’il y a eu des figures devenues légendaires qu’elles rachètent tous les péchés de l’ensemble de la profession, c’est pas Jésus Christ. C’est vrai qu’en même temps la profession les met en avant, c’est une évidence. Vous parliez tout à l’heure d’endogamie sociale, de collusion, ce que certains appellent la classe politicomédiatique ou la caste politico-médiatique, et finalement vous dites : « cette critique est méritée, ils font les mêmes écoles, Sciences-Po Paris, etc... ils se connaissent très,


«

Le mal profond de notre société est, si je puis dire, l'abus d’information. Il y a, comme on dit : infobésité . » très bien et c’est aussi pour ça qu’ils donnent le bâton pour se faire battre ». Une fois de plus, c’est l’élite des journalistes, des grands médias parisiens avec l’élite politique nationale. Ce n’est pas représentatif même si parfois au niveau local, on peut retrouver ce type de contingence et de collusion d’une façon ou d’une autre entre certains grands médias locaux, des responsables de ces médias et des barons politiques, donc on peut retrouver le même type de relation. C’est vrai que ce genre de pratique fait du mal à la profession, il faut être très clair, parce que ça introduit un coin dans lequel certains, avec marteau et masse, enfoncent pour essayer de briser le lien de confiance qui peut exister entre le public et les journalistes. Et de ce point de vue, je pense que ce n’est pas parce que je fais une analyse pour essayer d’en montrer les avantages et les limites, surtout les limites des critiques haineuses contre les journalistes, qu’il faut pour autant donner un blanc-seing à toute la profession. Il faut descendre de son vélo pour se regarder pédaler en quelque sorte et voir un peu aussi les travers de la profession. Quid de la critique des journalistes par les journalistes ? Sans vous raconter ma vie, moi j’ai beaucoup aimé les premiers Pierre Carles, qui mettaient en avant, dénonçaient. Là, on avait un travail pour le coup journalistique risqué d’un point de vue professionnel, le gars ne pouvait plus être embauché. Mais surtout je découvrais des pratiques qui me semblaient désagréables et surtout des pratiques à éviter. Est-ce qu’on ne peut pas dénoncer mais par l’intérieur pour déminer justement une critique globale qui emballe tout le monde, et qui met tout le monde à la poubelle ? Dans le cas de Pierre Carles, mais aussi de François Ruffin, de tas de gens comme ça, très souvent ce n’est pas qu’une dénonciation de l’exercice du métier, c’est aussi une dénonciation qui est un agenda politique. C’est-à-dire qu’ils défendent aussi. Souvent, ils sont très à gauche, avec l’idée que le cœur de cible, c’est le grand capital, ce genre de choses. C’est la possession de l’industrie de la presse qui les préoccupe le plus finalement, et parfois à juste raison d’ailleurs. Mais moi ce qui me paraît plus intéressant, ce serait une critique interne sur les conditions d’exercice du métier. J’ai l’habitude de dire de façon un peu provocatrice avec des journalistes qu’à la vue des conditions d’exercice du métier aujourd’hui, c’est un métier de cons fait par des gens intelligents. C’est-à-dire que les journalistes sont très bien formés souvent, formés sur le tas, diplômés, etc. Donc ils sont parfaitement lucides et conscients. Ce n’est pas vous faire offense que de vous dire que vous passez votre

temps très souvent entre vous à dire : « ouais non mais là tu comprends, les conditions, on nous a demandé n’importe quoi, on n’avait pas le temps, on n’avait pas de recul, on n’avait pas ceci, cela ». Vous savez faire ça hein ? Et l’enjeu à mon sens c’est effectivement d’arriver à dénoncer les conditions sociales et professionnelles d’exercice du métier parce que ce sont ces conditions-là qui sont une fabrique à ce que j’appelle la « malinformation ». Non pas la désinformation, parce que, par exemple dans la critique de Pierre Carles et autres, on va trouver souvent l’idée que c’est quasiment une désinformation, au sens où il y aurait une espèce d’agenda idéologique, machin. Ça existe parfois, je ne suis pas angélique mais je pense qu’il y a plus grave que ça. Ce ne sont pas des conditions de désinformation, ce sont des conditions de malinformation, c’est-à-dire une mauvaise fabrication de l’information. Journaliste, ça n’existe plus avec ce rythme qui s’impose et ces conditions de travail. Maintenant Ils sont devenus des minutistes, au jour le jour, à la minute la minute. Exactement. Par exemple, dans les conditions de mauvaise fabrication de l’information, il y a effectivement le tempo de l’urgence, parce qu’il faut alimenter le site, parce qu’on va changer plusieurs fois l’article, on va l’actualiser plusieurs fois par jour. Il y a les chaînes d’information continue qui mettent une pression infernale derrière laquelle les gens courent. Il y a un vrai problème à mon sens de gestion du timing et ça, c’est contributif justement d’absence de recul, de publication d'infos mal recoupées, mal dosées. Quand même quand on s’appelle l’AFP qui est pourtant le saint des saints, annoncer la mort du P.-D.G. de TF1, enfin des trucs invraisemblables. Donc je pense qu’il y a une vraie réflexion à mener. Si on prend l’étymologie dans « journalisme », c’est « jour ». C’est l’unité de compte. Bon. Les journalistes sont devenus des minutistes, et je disais tout à l’heure dans la conférence qu’un jour, en provoquant comme ça un journaliste était monté sur ses grands chevaux au départ, je le voyais trépigner à l’idée de me répondre et je le voyais s’indigner que je dise que les journalistes n’existent pas parce qu’en fait vous êtes devenus des minutistes. Et une fois qu’il avait compris mon raisonnement, il me fait : « Ah non mais je ne suis pas d’accord avec vous parce qu’on n’est pas des minutistes, on est des secondistes ». Est-ce que la haine n’est pas une forme de déséquilibre entre la puissance des techniques de communication utilisées justement pour détester les médias, utilisées par le politique, et puis les techniques du journaliste qui sont beaucoup plus pauvres, beaucoup plus rudimentaires, même si ceux-ci sont devenus des minutistes d’un métier de cons. C’est marrant que vous disiez ça parce que justement, une partie de la critique des journalistes, c’est de prêter trop de pouvoir aux médias. Vous voyez, il y a presque un paradoxe dans votre position parce que vous me dites : « finalement on n’a pas beaucoup de moyens. » Moi je suis quand même en partie d’accord avec ce que vous venez de dire, c’est-àdire que je pense depuis longtemps que les journalistes ont perdu la partie face à la communication : les logiques de

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professionnalisation des stratégies de communication sont tellement bien huilées que ça devient très difficile pour les journalistes de finalement contrer ces intentions d’influence faites par les stratégies de communication. Ce n’est pas un reproche mais il faut aussi balayer devant votre porte, vous, journalistes. Parce qu’une bonne partie des journalistes qui quittent le métier le font pour entrer dans les agences de com’ ou dans les services de com’, et mettre au service de

«

Les journalistes n’existent pas parce qu’en fait vous êtes devenus des minutistes. » stratégies de communication que vous venez de dénoncer, un savoir-faire journalistique pour encore mieux refourguer aux journalistes une espèce de produit clé-en-main difficile à déconstruire. Alors après, il y a des tas de choses. Il y a la paresse… Je vais vous raconter une anecdote, racontée par un journaliste de France 3 pendant la campagne de 2007. Il y a prescription pour raconter, y’a pas de problème. Disons que c’est dans une grande ville non loin d’ici. Il y a un meeting de Nicolas Sarkozy et donc le journaliste de France 3 est envoyé pour couvrir le meeting. Il arrive deux heures avant, il se gare sur le parking du Zénith ou du truc local et, pendant qu’il se gare, le téléphone sonne : c’est son rédacteur en chef qui lui dit : « tu prends bien les images au moment où Nicolas Sarkozy dit tagada tsoin-tsoin ». Il répond : « mais attends, comment ça ? » et on lui dit : « ils nous ont faxé le discours ». Ah bon très bien. Donc vous voyez, déjà, vous êtes envoyé sur place et votre rédacteur en chef vous dit déjà ce qu’il faut que vous filmiez, l’événement n’a même pas commencé donc c’est un peu chiant pour un journaliste mais bon, pourquoi pas. Il rentre. Accueil du service de presse, on lui file le discours. Lui aussi il y a droit, heureusement y’a pas que le rédacteur en chef, donc il commence à feuilleter. Et puis à deux endroits, il y a surligné en jaune deux passages, dont un des deux passages où il est dit « tagada tsoin tsoin ». Ça veut dire que le politique a, avec son service de com’, préparé deux petites phrases, un truc bien punchy, et le rédac’ chef il plonge tête baissée puisqu’il dit : « surtout ne rate pas le moment où il dit tagada tsoin tsoin ». Et qu’est ce qui est passé à l’antenne, c’est le moment où Sarko dit : « tagada tsoin tsoin ». Vous nous disiez tout à l’heure : « il y a 38.000 cartes de presse », c’est la seule définition que vous avez donnée. Un journaliste, c’est le mec qui a sa carte de presse. C’est tout ? Oui, mais il y a beaucoup de gens qui exercent le métier de journaliste sans carte de presse.

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«construisent Certains journalistes l’idée qu’ils font partie des élites politiques, économiques et que ces gens-là sont loin des réalités des Français, voire méprisent les Français, les ignorent. »

Donc pour vous, qu’est-ce qu’un journaliste en 2017 ? Wouah ! J’ai tendance à dire qu’un journaliste, c’est devenu un minutiste. Pour moi, un journaliste, c’est quelqu’un qui fait office de trier l’information au service de la population. Quand je dis au service, c’est parce que le mal profond, si je puis dire, de notre société, c’est qu’il y a abus d’information. Il y a, comme on dit, « infobésité ». C’està-dire que, potentiellement, on peut savoir des millions de choses. Le journaliste, c’est celui en qui les citoyens ont confiance pour trier, et c’est pour ça que je dis que c’est la prière quotidienne : « triez, triez pour nous ». Voilà, c’est ça un journaliste ; c’est celui qui trie pour nous et qui hiérarchise. Évidemment pas tout seul, c’est le principe d’une rédaction. C’est celui qui collectivement ramasse des centaines, des milliers d’informations potentielles et qui se dit : « voilà les informations les plus importantes ». Il nous fait cette sélection parce qu’on ne peut pas être branchés en permanence sur un fil d’agence, même quand on veut suivre l’actu sur Twitter ; de temps en temps on s’arrête parce qu’on ne peut pas tout faire. Bref, le journaliste pour moi, c’est un collectif, c’est un élément de réponse. Je ne conçois le métier de journaliste que comme le fruit d’un collectif qui a décidé ensemble et qui rassemble ses forces, et donc trie et hiérarchise l’information. // C.W. & M.R. (merci à Loïc Baruteu)


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« Ici, on sait s’amuser » François R, été 2017

bar . brasserie

TRINIDAD

place du théâtre, dijon


publicitĂŠ


psycho test Par Cédric de Montceau Illustrations : Benjamin Moutte

On a tous en nous un peu de fiente spirituelle à partager. L’humanité produit, digère et régurgite son lot d’excréments existentiel. Sparse vous renifle le fion pour mieux décrypter l’odeur de l’âme qui vous caractérise. Car oui, vous êtes un fumier ordinaire, comme les autres... 1. Les motivations qui vous ont poussé à choisir votre métier sont plutôt... ■ Pour assouvir vos fantasmes. Δ Pour épater la galerie. Ο Vous n’avez pas choisi, vous savez souffrir en silence. ♦ Pour assurer votre train de vie d’enculé. 2. De votre supérieur hiérarchique, vous attendez avant tout... ■ Une bonne gestion humaine et que ça file droit. Δ De l’autorité, surtout avec les plus faibles. Ο Qu’il aille se faire enculer, je n’obéis à personne. ♦ Des compétences et un joli petit cul, j’adore baiser mon/ma patron(ne). 3. Un de vos amis connaît une réussite professionnelle inattendue. ■ Vous explosez de joie pour masquer votre jalousie maladive. Vous savez si bien faire semblant. Δ Vous le félicitez poliment. En bon faux-cul, vous pensez tout de même qu’il/elle a dû coucher, c’est pas possible autrement, il/elle est nul(le). Ο Vous faites silence radio, cette promotion était pour vous. On vous vole une victoire, votre talent éclaboussera bientôt à la face du monde. ♦ Vous souriez plein de fausse empathie. La promotion financière de votre ami(e) vous rapportera certainement quelques bénéfices. Soyons prudent, on ne sait jamais. 4. Vous admirez ceux qui sont capables de... ■ Donner leur vie à la religion sous prétexte que Dieu la leur rendra. Δ S’auto-proclamer garant d’une vérité unique bienfaitrice de l’humanité. Ο Epargner de l’argent public. ♦ Garder un secret toute leur vie. 5. Mettre fin à une relation amicale parce qu’elle ne vous apporte plus rien... ■ Les amis, c’est comme les mycoses : ça va, ça vient. Δ Vous pouvez rompre, en glissant un fuck publiquement histoire que tout le monde le sache. Ο Vous ne dites rien sur le coup, mais préparez votre vengeance gratuite sur les réseaux sociaux avec une armée de faux profils. ♦ Vous culpabilisez et vous incriminez votre éducation. Vos parents sont responsables de tout. 6. Depuis quelques temps vous trouvez votre conjoint(e) distant(e). ■ Ça va passer, je le/la connais par coeur. On ne peut rien me cacher. Δ C’est un(e) con(ne), je suis un être exceptionnel. Sans moi, l’ennui le/la rongera jusqu’à sa mort. Ο Vous espionnez son téléphone et engagez un détective. ♦ Je prends les devants, je m’inscris sur un site de rencontre pour le/la piéger.

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7. Ce que vous pensez tout bas et que vous ne dites jamais tout haut... ■ Mais ferme ta gueule ! (à la boulangère qui vous demande « avec ceci ? ») Δ La démocratie c’est fini, on a besoin d’un bon dictateur (à vos amis intellectuels). Ο Je vais vous noyer dans votre urine ! (aux enfants qui braillent le soir au camping) ♦ T’as mangé un rat ? ( à votre interlocuteur zèlé) 8. Votre plus grand luxe serait... ■ D’avoir des esclaves sexuels ne parlant pas votre langue. Δ De posséder une grosse voiture polluante avec un chauffeur autoentrepreneur (qui paye ses propres charges). Ο De marchander des souvenirs en dollars dans un pays du MoyenOrient. ♦ De cultiver et diffuser de fausses informations sur ceux que vous considérez comme des ennemis. 9. Vos beaux-parents viennent passer le week-end chez vous. ■ Vous lancez le débat sur la légalisation du cannabis avec votre beaupère, électeur filloniste convaincu. Δ En cuisine, vous crachez dans la sauce de salade. Saloperie de vegans ! Ο Vous vous bourrez la gueule à l’apéro, le week-end va être long, autant que ce soit drôle. ♦ Vous les ignorez en passant la tondeuse au petit-déjeuner.


Majorité de A

La (petite) merde diplomate

Pour chaque question, entourez votre réponse et faites le total de vos A, B, C et D. Puis reportez-vous aux résultats. ■

Δ

Ο

1

A

B

C

D

2

A

C

B

D

3

B

A

C

D

4

A

B

D

C

5

D

B

C

A

6

A

B

C

D

7

D

B

C

A

8

C

B

D

A

9

A

C

B

D

Souvent cultivée et sociable, la (petite) merde diplomate sait faire accepter ses idées par de subtiles menaces. L’angoisse qu’elle génère auprès de son entourage est délicatement profilée, ajustée et bien évidemment pensée, voire même ruminée. C’est maintenant de longue date qu’elle travaille au corps ses victimes dociles. Elle a toujours un ou deux dossiers sous le coude au cas où il serait bon de dégainer très vite. Cette merde-là a souvent un grand sens de la répartie et de la pirouette ! Maître « faux-jeton », la (petite) merde diplomate est une arme redoutable et souriante. Conseil. Pourquoi ne pas tenter une aventure politique, vous semblez avoir la patience nécessaire et le goût du massacre prémédité. Eric Ciotti y est bien arrivé lui ! Majorité de B

La (grosse) merde autoritaire

Elle met facilement ses santiags sur la table et parfois dans la gueule. La grosse merde autoritaire se soucie peu du regard des autres, elle le cultive même ! Se donner en spectacle fait partie de la mise en scène d’intimidation et de l’installation du règne de la terreur. Le sexe mâle est généralement doté d’une virilité extravertie et pulsionnelle. Quant au beau sexe, il est souvent grossier et bavard. Le sens de la hiérarchie de la grosse merde autoritaire, impose un système cadenassé à son cercle social. La rébellion est quasi-impossible à moins d’en venir aux mains. Conseil. Trouvez des dispositions pour soulager votre « trop plein » de vitalité. Vous ne pouvez pas poser vos couilles sur le comptoir sous prétexte qu’elles sont trop lourdes. Majorité de C

La (dangereuse) merde perverse

Personne ne sait vraiment ce que pense cette merde là. En apparence dénuée de la capacité à produire de l’amour et même à le recevoir, la (dangereuse) merde perverse se fait rare parce qu’elle se pense précieuse. Plutôt insociable mais pourtant souvent aux terrasses des cafés, elle voyage beaucoup et souvent seule. Dotée d’un karma douteux et superficiel, elle sait parfaitement attirer le mauvais oeil là où elle en a envie. La (dangereuse) merde perverse vise juste, là où ça fait mal mais sait néanmoins rester discrète et inaccessible. Elle considère ses congénères comme des créatures inférieures, vulgaires et vaniteuses. Conseil. N’avouez pas le résultat de ce test si c’est votre profil. C’est pas le moment de s’attirer des ennuis. Si vous êtes du signe du scorpion, suicidez-vous, c’est plus sûr. Majorité de D

La (vieille) merde calculatrice

La vie est un jeu et le jeu c’est la vie ! Enthousiaste, vous cachez pourtant facilement vos intérêts les plus dégueulasses. Vous savez passer pour un con dans le but de réussir brillamment vos opérations mercantiles. Vous savez vous mettre en retrait. Vous connaissez bien le genre humain et c’est bien pour cette raison que vous puisez dans ses faiblesses. Paradoxalement vous faites partie de ces déchets qui ont bien conscience de leur triste finitude. Ainsi, cela fait de vous un(e) sympathique, altruiste et bon(ne) camarade. La couverture idéale pour niquer les moins attentifs en somme. Conseil. Changez de groupe d’amis régulièrement, les richesses issues de votre safari humain en seront d’autant plus diverses et variées.

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coup de coeur partenaire le monde se prend pour Bocuse ». La bouffe, c’était le top. « Quand ma femme a découvert le gluten free, elle a pété un plomb, persuadée que le gluten allait la tuer. Elle s’est mise à acheter des produits 5 fois leur prix. Je la regardais dépenser notre argent et je me suis dit : autant que ce soit celui des autres. »

Dans la vie, il y a « ceux qui ont réussi, et ceux qui n’ont rien », comme on dit dans le milieu de la politique business. Henri-Max Fesandey a réussi. Son truc ? Le gluten-free, le nouveau créneau qui rapporte. Aujourd’hui, c’est cet entrepreneur courageux qui va tester pour nous la magnifique Z3 de chez Pascal Petit, BMW occasion qualité, notre concessionnaire partenaire. Les débuts. « On surfe sur la peur. C’est le meilleur des business ». Henri-Max en sait quelque chose. Il a commencé sa carrière en vendant des alarmes aux particuliers, puis des assurances. « T’as déjà vu un assureur te reverser plus d’argent que ce que tu lui as donné dans l’année? Non ? Et bien moi non plus. On s’est goinfré comme des porcs ». Il flaire le filon de la vente alimentaire au milieu des années 2000. « Avec toutes ces émissions à la con genre MasterChef ou Le Meilleur Pâtissier, tout

Gluten free ? « Finalement, dire aux gens de ne pas manger trop de gluten, c’est comme si tu disais à un mec que c’est pas bien de manger trop gras, ça tombe sous le sens. Mais tout à coup, les gens ont l’impression d’avoir une révélation : le gluten, c’est horrible ! Pire que la Shoah. Il faut s’en débarrasser complètement, partout. Alors que tout le monde vit avec ça depuis longtemps. Y’a des gens intolérants, c’est sûr, mais en fait, le gluten ça te fait juste péter un peu plus, c’est tout. La plupart des gens sont pas plus intolérants au gluten que moi je suis curé de campagne, mais ça les rassure. Et en général, ceux qui s’intéressent à ça ont du pognon, c’est pas le genre à traîner chez Leader Price ». L’avenir ? Aujourd’hui, Henri-Max vend des produits sans gluten qui n’en contenaient même pas : un dentifrice sans gluten, des tournevis sans gluten, des stylos sans gluten... 10 fois plus cher. « Les gens se précipitent dessus. Bientôt, je vais vendre des bagnoles sans gluten. Je vais en vendre un paquet, c’est sûr ». Justement, la voiture ? Ce test ? Cette magnifique Z3-BMW de chez Pascal Petit, BMW occasion qualité ? « Ah ! La bagnole, j’m’en bats les couilles ! J’ai même pas le permis… Et une BM décapotable c’est quand même une caisse vulgaire de beauf parvenu, non ? Mais on voulait acheter un publi-reportage avec mon entreprise, et visiblement, pour ce numéro du magazine, il ne restait que le ‘coup de coeur test automobile’, alors on l’a pris. Merci pour la pub… Euh, l’article » À bientôt Henri-Max. // C.W.


avocats & associés Toujours plus « full client » et « global acting », Sparse a racheté une des top lawfirm de Tart-Le-Bas, Sparse Legal and partners, pour proposer à ses lecteurs une rubrique de conseil juridique, digne de celle d’Auto Plus. Tu poses ta question, et tu as ta réponse. Cash ! Bonjour Sparse Legal and partners. Lors de l’ouverture du Sparse Drive de Sparse Burger de Gray, après avoir commandé un menu giant Bobo Cheese, j’ai renversé mon café sur moi alors que j’étais en pleine démonstration de hand spinner avec des nuggets de poulets trapézoïdaux de Valduc. Fan de Lorenzo et adepte du manspreading, je me suis ébouillanté l’andouille à col roulé. Hospitalisé une semaine, j’ai dû subir une greffe de peau, qui a effacé mon tatouage AJ Auxerre Never Die. Y’aurait moyen de gratter un Euromillion ? Bud Weiser de Saint-Jean-de-Losne, 31 ans. Sparse Legal and partners : Bonjour Monsieur Weiser. Dans des circonstances similaires, aux Etats-Unis, en 1994, Mme Stella Liebeck a obtenu la condamnation d’une grande enseigne de fast-food à lui verser 200.000 dollars au titre de ses blessures et des coûts médicaux supportés, plus 640.000 dollars au titre de dommages punitifs, correspondant à une fraction de deux jours des bénéfices de l’enseigne sur la vente de café. Les débats ont révélé que l’enseigne de fast food servait sciemment le café à une température dangereuse (82°C -88°C), c’est-à-dire une température où il n’est pas consommable, afin que celui-ci reste chaud le temps que ses clients arrivent à leur bureau, sans que rien n’indique à l’utilisateur que le liquide est à une température dangereuse. En France, le code de la consommation dispose que « les produits et les services doivent, dans des conditions normales d’utilisation ou dans d’autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes ». Si une expertise médicale confirme que les brûlures sont bien dues exclusivement au café et non à une exposition trop prolongée aux nuggets des poulets de Valduc, la responsabilité de Sparse Burger pourrait être engagée. Cependant, un partage de responsabilité risque fort d’être reconnu, compte tenu du rôle joué dans l’accident par votre maîtrise insuffisante des figures de hand spinner, notamment de la patate chaude, partage de responsabilité que l’on peut estimer à au moins 40% pour vous. Par ailleurs, au vu des résultats de l’AJ Auxerre, le chef de préjudice esthétique ne pourra être retenu pour un montant autre que symbolique. Somme toute, il y aurait sans doute moyen de gratter un Astro ou un Black Jack ; sûrement pas un Euromillion.

Si vous ne savez pas comment emmerder le monde, n’hésitez pas, nous pouvons vous y aider : posez votre question, nous vous y répondons (ou pas).






hFroscopitone

Par Cédric de Montceau Illustrations : Mr. Choubi

Sparse vous rencarde sur les trois signes astrologiques du trimestre. On vous décroche la lune sous le soleil de Satan. Soyez docile, ça pique juste un peu les yeux au début après ça glisse tout seul.

On ne cesse de vous le répéter : vous faites beaucoup trop preuve de tact et de flexibilité. Pour la Toussaint, offrez-vous des vacances et un pouce dans le finfin par une Brigitte à moustache, ça fait rire les corbeaux et danser les épagneuls. L’équilibre et la justice, c’est un truc de funambule, une sorte de vide quantique propre au cirque dont la majorité des balances souffre en silence. Santé : faites-vous violence, penchez à droite comme tout le monde.

Le haut conseil sparsophile pense qu’il est grand temps de mettre en place son grand projet de stérilisation des natifs du scorpion. Nous sommes à l’aube d’une rencontre du troisième type, c’est pas le moment de foutre la honte à l’humanité. L’équipe de Sparse reste à votre disposition pour toute intervention chirurgicale. L’euthanasie est possible sur rendez-vous pour les plus responsables d’entre vous. Chance : ne sortez plus couvert.

La personnalité fougueuse des natifs du sagittaire est soumise aux douloureux éperons de l’existence. Souriez à la vie, elle vous le rendra à coups de tatane dans la gueule. Et surveillez vos arrières, les créneaux sans assistance de recul mettent à rude épreuve la croupe de vos pare-chocs émotionnels. Amour : votre conformisme n’éclipse en rien votre culotte de cheval.

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courrier des lecteurs

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Salut les gars. Bon, je donne deux ou trois nouvelles, quand même, depuis le temps. Je suis planqué en Haute-Saône, à la cool. Je ne sais pas où les gars cherchent, mais moi, je me suis installé dans une petite bicoque au bord d'un étang. Je joue au solitaire, je lis des mags, j'enterre des chiens dans le jardin, un peu de Tinder de temps en temps pour la forme. La vraie vie quoi ! Par contre, je suis un peu en rade de shit. Ici, y'a personne qui a chosekelque. Il me font le coup de la pénurie, ces pécores. Vous n'auriez pas un plan, vous qui contrôlez le game dans la région ? Merci. Xavier Dupont de Ligonnès - Gy (70) Réponse de la rédaction Merci Xavier, sympa. Sache qu'on savait où t'étais, vu qu'on t'a tracé avec le GPS qu'on avait installé dans ton fondement pendant une des dernières soirées coquines passées ensemble à l'époque. Mais comme on n'est pas des balances et qu'on a bien compris que t'étais un peu en délicatesse avec la justice, on te laissait venir. En Haute Patate ? Bien sûr qu'on a un plan. Appelle au 06.58.45.22.30 et laisse un message sur le répondeur. De rien, à plus mon poulet.

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Bonjour. Dans votre numéro du mois de mars, dans l'excellente rubrique « Portrait des contributeurs », vous nous présentez votre collaborateur Benjamin Moreux. Un journaliste sérieux et exigeant, dont le professionnalisme n'a d’égal que l’élégance. Un détail m'a cependant attiré l'oeil. Monsieur Moreux serait en permanence en possession d'un carton de Sancerre discrètement rangé dans son coffre de voiture ? Connaissant personnellement ce monsieur, je peux vous dire que c'est du Pouilly-sur-Loire !!! Pour un média se déclarant bourguignon, franchement ça la fout mal ! Confondre cette superbe appellation qui existe depuis 1937 avec de la picrate sancerroise, même si c'est à 2 km de l'autre côté de la Loire, je ne vous félicite pas. Vous confondez un Côte de Nuits et un Côte de Beaune, vous ? Non ? Hé ben soyez respectueux. On est dans la même région, oui ou non ? Tu veux vivre à Orléans ? Bande de fumiers... » Brigitte - Pouilly/Loire (58) Réponse de la rédaction Ah... Bon d'accord. Au tempts pour nous. Là, désolé. Moi, je ne bois pas de blanc, ça me donne mal à la tête et ça me file la courante. Alors autant vous dire que je m'en tamponne de vos pinards. Mais c'est vrai qu'il faut se placer dans un contexte social pas facile et ne pas rigoler avec les frontières de la BFC. En plus, les gars de Sancerre se la jouent autant que des Beaunois. Leurs vins sont surcotés et ceux de Pouilly-sur-Loire sous-évalués. Alors même qu'ils sont largement aussi bons, et ça... ça vénère. Ce qu'on pourrait faire, c'est faire sauter les ponts sur la Loire pour les couper du reste du monde et les obliger à aller à Bourges ou à Moulins, dans le Mordor...

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Salut délicate rosée du matin du journalisme occidental. Paraît que Gilles Platret, le fameux maire de Chalon-sur-Saône, s'est pris une gifle par le tribunal administratif avec ses histoires de porc à la cantine ? » Gérald - Buxy (71) Réponse de la rédaction Exactement Gérald, tu es bien renseigné. Mais Gillou est prêt à tout pour que les petits musulmans ne puissent pas bouffer. Le tribunal invoque « l'intérêt supérieur de l'enfant » et l'oblige à remettre en place les repas de substitution pour ceux qui ne mangent pas de porc à la cantine quand il y en a ? Let's fuck it ! Gillou fait appel et va même jusqu'à « assortir son appel auprès de la Cour administrative d'appel de Lyon d'un référé suspension » pour suspendre la décision de la juridiction de première instance. Donnez des repas de substitution aux petits muslims ? C'est de la discrimination pour Gillou. Qui se fout vraiment de la gueule du monde, genre « c'est pour leur bien ». Et si on les enfermait dans des camps pour les protéger du reste de la population ? Pour leur bien ? Chiche mon Gillou ?

78


saison

#4

2017

©Télégram

©Victor Delfim

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la rue u o n a t e k

m a r g é l é t

é t ô c n o m punk

jeu 28 sept 20h30 le cèdre chenôve cedre.ville-chenove.fr


Créateur d’ émerveillement

Manipulation feu

(cracheuse et éventails ) Charmeuse de serpent Show glamour Spectacles «Cabaret»

Tableaux thématiques Déambulation échassières Danses chorégraphiées 2 à 8 danseuses

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Spécialiste en prestations artistiques Éblouissez vos amis, collaborateurs et/ou clients lors de vos manifestations

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Léna, Directrice de l’agence

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Contact 06 19 85 28 27 lena.sevenevents

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SEPT. -> déc. 2017

// LA RENTRÉE DES ATELIERS THÉÂTRE du Théâtre Universitaire de Dijon // Le FESTIVAL 360°, Panorama de la photo transculturelle // M.A.D. par Ume Théâtre // MAGNÉTIC par la Cie ARMO Jérôme Thomas // ANËN MAPU par la Cie Ordinaire d’Exception // L’HYPOTHÈSE DE LA CHUTE par la Cie Le Grand Jeté ! // LES SOIRÉES MUSIQUES DE R.U par les Crous de Dijon et de Besançon // PILLOW CONCERT avec GHST // ...

| www.theatre-mansart.com | 03 80 63 00 00 | © Cyril DUC / cyril-duc.com



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* Pour les personnes n’ayant jamais été abonnées, parmi une sélection de spectacles et dans la limite des places disponibles.

VITALI studio

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Minion & Dijon

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VISUEL CRÉÉ PAR L’ÉTUDIANT BASTIAN PEYROUX À L’ISSUE D’UN CONCOURS INTERNE À L’ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARTQRcode DE13DIJON Dec 2016 Contre-Courant (https://www.facebook.com/bastian.wade)

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ACHAT EN LIGNE

Avec la participation de Chenôve Chevigny-Saint-Sauveur Fontaine-lès-Dijon • Longvic Marsannay-la-Côte • Quetigny Saint-Apollinaire • Talant


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