sparse magazine mieux
ZAD, pilule et hosto : tout va péter 84 pages de soleil radieux pour redonner espoir à tout un peuple + Dominique A • Tuco • Kanye West
sparse | numéro 23 | trimestriel
juin. juil. aoû. 2018 • www.sparse.fr imprimé à 200 millions d’exemplaires à lire aux cabinets
GRATUIT • BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ
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édito.
Le bon côté des choses.
Par Chablis Winston Photo : Alexandre Claass
«la verdad no siempre es hermoso ver »*
© Édouard Roussel
© Alexandre Claas
sparse magazine
* la vérité n’est pas toujours belle à voir
Comme on se tient à l’affût des nouvelles du monde en dehors de la Bourgogne-Franche-Comté, par acquis de conscience journalistique, on n’a pas pu laisser passer l’info majeure du monde ces derniers mois : le 19 mai, plus d’un milliard de téléspectateurs ont suivi avec attention le mariage royal de Meghan et Harry à la télé. Un milliard ! Alors, que les Anglais se passionnent pour cette chose, pourquoi pas. C’est leur histoire depuis longtemps, je me passionne bien pour une tranche de jambon persillé. Ils ont l’air d’accepter que, sans rien branler, la famille royale possède la moitié des richesses du Royaume. Soit. Mais les Anglais, ils sont 55 millions. Tu me rajoutes tout le Royaume Uni, et t’arrives à 65. Qui sont les autres 950 millions de personnes qui ont maté ça ? Pourquoi ? Sachant que Harry, c’est le 6ème dans l’ordre d’accession au trône. Autant dire qu’il a autant de chance d’être Roi que moi de devenir prix Nobel de chimie. Face à ce constat, je me posais forcément une question, que chacun a le droit de se poser, et qui reste sans réponse. Au regard des problèmes de vie ensemble, de construction de l’Europe, de crise migratoire, de dette odieuse, de montées des nationalismes façon années 30, de flambée des prix du diesel et de nonsélection de Karim Benzema pour la Coupe du monde en Russie... Et sans parler du caractère chiant comme un jour sans pain de la retransmission télé, parce qu’on ne peut pas dire qu’il y eût un rythme effréné et du spectacle à gogo. Eh bien je vais vous la poser, sans coup férir. Franchement, le mariage de Meghan et Harry, qu’est-ce qu’on s’en bat les couilles ? Franchement ? Je pose la question... Comme ça. Parce que pour moi, c’est incompréhensible. C’est fou. Si ça vous branche y’a le mariage de ma cousine le 25 août. Je ferai un petit live sur Facebook...
sommaire ÉDITO CONTRIBUTEURS 8. GUESTLIST 10. LOSER/WINNER 12. GAUTEL & RATIER 14. CINÉMA 3. 6.
ours Ce magazine est édité par Sparse Média. Siret : 750 725 806 00020 - APE : 9499Z www.sparse.fr - contact@sparse.fr
RENCONTRE
DIRECTEUR DE PUBLICATION Pierre-Olivier Bobo
16. DOMINIQUE
RÉDACTEUR EN CHEF Antoine Gauthier
22. HOSTOS
CONTRIBUTEURS Badneighbour, Pierre-Olivier Bobo, Sophie Brignoli, Nicdasse Croasky, Maître Fougnard, Erika Lamy, Frank Le Tank, Mhedi Merini, Cédric de Montceau, Martial Ratel, Doug Ritter, Édouard Roussel, Augustin Traquenard, Laurence Yalamow, Chablis Winston, James Granville forever DIRECTION ARTISTIQUE INTERNETINTERNET
PHOTOGRAPHIES Alexandre Claass, Cédric de Montceau, Raphaël Helle, Thomas Lamy, JC Polien, Édouard Roussel, Louise Vayssié ILLUSTRATIONS Mr. Choubi, Yannick Grossetête, Michael Sallit, Hélène Virey COMITÉ DE RELECTURE Alix Blk, Martin Caye, Marion Godey, Mhedi Merini, Aurore Schaferlee COUVERTURE Photo : Grosse chaleur, Toscane 2016, Alexandre Claass IMPRIMEUR Est Imprim (25)
A
ENQUÊTE EN PÉRIL
PORTRAIT 30. TUCO
ENQUÊTE 38. CENTER
PARCS
COUP DE CŒUR NO WAY
46. P ILLULE
INTERVIEW GANIVET
52. VINCE
LIFESTYLE LIFE BABY
60. ZAD’S
68. PSYCHO
TEST DE CŒUR PARTENAIRE 72. AVOCATS ET ASSOCIÉS 74. ROMAN PHOTO 78. HOROSCOPITONE 79. ABONNEMENT 80. COURRIER DES LECTEURS 70. COUP
Dépôt légal : à la sortie du magazine ISSN : 2260-7617 La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, cellesci n’engagent que leurs auteurs. Tous droits réservés © 2018 Merci à nos partenaires ainsi qu’à celles et ceux qui ont permis la réalisation de ce numéro.
Sparse bénéficie du soutien du Ministère de la culture et de la communication, fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité
© Raphaël Helle / Signatures
Prochain numéro : septembre 2018
contributeurs
Par Chablis Winston Photos : DR
Nom : De Montceau. Prénom : Cédric. Âge : dans la moyenne. Fonction : reporter indépendant à charbon. Signe particulier : dernier Montcellien à avoir connu la mine. Spécialité : va rencontrer des artistes contemporains et leur fait croire qu’il a tout compris à leur travail. Fait de gloire : meilleur pote de Jeff Koons pendant bien 3 semaines de suite. Avant qu’il se tire avec son portefeuille, quoi.
Nom : Polien et Yalamow. Prénom : JC et Laurence. Âge : 1986-1987. Fonction : justiciers milliardaires. Signe particulier : enquêtes en décapotable jaune pâle dans la haute société. Spécialité : faire la vie dure aux gangsters. Fait de gloire : une très belle enquête sur les dessous d’Hollywood avec Max, leur majordome, et Février, leur chien.
Nom : Grossetête. Prénom : Yannick. Âge : 45 minutes à feu moyen. Fonction : bédéaste. Signe particulier : une tête finalement pas si grosse que ça. Spécialité : vit en Belgique, donc la bière en grande quantité. Fait de gloire : a réussi à se faire embaucher comme bénévole chez Sparse, alors qu’il est excessivement bien payé chez Fluide Glacial. À n’y rien comprendre. Si c’est pas de la passion ça.
03/11/2018
10/11/2018
20/11/2018
21/11/2018
24/11/2018
28/11/2018
08/12/2018
RICHARD WALTER PRODUCTIONS PRÉSENTE
RWP - Licence N° 2–136902
Nom : Lamy. Prénom : Erika. Âge : π = 3.14159265359. Fonction : enquêtrice le long de la Saône. Signe particulier : une idée d’article toutes les 15 minutes. Spécialité : pêche au silure à la main. Fait de gloire : a réussi à vivre un Chalon dans la rue en entier sans boire de 8-6.
21/06/2018
Nom : Plenel. Prénom : Edwy. Âge : 65. Fonction : formateur de lanceur d’alerte. Signe particulier : aime se faire détester. Spécialité : l’énorme scoop. Fait de gloire : le fameux « c’est le Chanoine Kir qui a tué le petit Grégory », dévoilé dans les pages de Sparse.
Nom : Bobo. Prénom : Pierre-Olivier. Âge : de se marier. Fonction : marketeur de terrain. Signe particulier : tatouage dauphin sous la mèche. Spécialité : arrête de fumer grâce à tes clopes. Fait de gloire : la libération de Paris en 1944 (ou alors je confonds avec un autre mec, mais je crois bien que c’est ça).
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EN TOURNÉE DANS TOUTE LA FRANCE
14/12/2018
05/02/2019
07/02/2019
08/03/2019
09/03/2019
13/03/2019
24/03/2019
07/11/2019
guestlist
Par Pierre-Olivier Bobo et Chablis Winston Photos : DR
Anne Tanguy
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Est-ce que tu peux me citer un sportif que tu kiffes à mort en Bourgogne-Franche-Comté ? Mon mari, ah ah ! Il est gardien de but au HBC Semur-en-Auxois. directrice des 2 Scènes, Besançon
Anne Tanguy est pilote de chasse dans l’escadrille des cigognes, à moins que je confonde avec son père, Michel... Bref. Venue de Normandie, passée par Auxerre, elle est en tout cas directrice des 2 Scènes, la scène nationale de Besançon. Danse, théâtre, cinoche, jeune public... Une seule directrice pour deux scènes. Balaise.
Un bon rade à Besançon pour boire un verre ? Un café clandestin. La meilleure place dans un théâtre, elle est où ? Au plateau. Tu la mettrais où toi, la ZAD de BFC ? Dans chacune des têtes et des esprits. La dernière promesse de campagne de Donald Trump est de construire pour chaque théâtre qui le souhaite un 4ème mur en béton armé. Qu’en penses-tu ? Je construirais bien 4 murs autour de sa personne.
Tu préfères Noel Mamère ou Benoit Paire ? Les Yeux de ma mère comme le chante magnifiquement bien Arno. Biergarten ou féria ? Sans aucune hésitation, les deux ! Ton anniv, tu le fêtes à Flunch ou en discothèque ? Sur le parking de l’un ou l’autre, comme vous voulez, mais je ne rentre ni chez l’un, ni chez l’autre... Bien trop risqué ! Doit-on toujours embrasser ses partenaires de scène après chaque représentation ? Plutôt deux fois qu’une mais après qu’ils aient pris leur douche.
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handballeuse, capitaine du Cercle Dijon Bourgogne
Ailière gauche et capitaine du CDB, la glorieuse équipe de hand de Dijon, Léa prend sa retraite cette année. À 30 ans seulement. Y’en a qui s’emmerdent pas. Avec ses potes Les Artistes, elle a enflammé le Palais des Sports pendant plus d’une décennie, car elle n’a été la femme que d’un seul club. C’est beau la fidélité. Chapeau.
Plutôt flic ou voyou ? Pour répondre à cette question, je vais m’inspirer de mes expériences en Escape Game... Comme j’adore résoudre les énigmes, je dirais « f lic » mais du genre détective !
Tu es plus Les Anges de la Téléréalité ou Koh Lanta ? J’avoue qu’il m’arrive de regarder Les Anges. Mais je suis une fan de Koh Lanta. Des fois, je m’imagine même tenter l’inscription pour y participer.
Le gin, tu le bois avec quoi toi ? Je n’en bois pas.
Un restau ou un bar coup de coeur dans le coin ? L’Épicerie, place Émile Zola. J’aime bien leur carte, leur déco et surtout leur terrasse.
C’est quoi ton cocktail préféré ? Le Cuba Libre... En fait il faut un cocktail au rhum !
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Tu préfères être naine ou unijambiste ? Certaines de mes coéquipières vous diraient que je suis déjà naine donc on va aller dans leur sens... Si tu dois choisir entre partir un an sur une île déserte
avec Laurence Boccolini et coucher avec un membre de l’équipe de Sparse, tu choisis quoi ? L’île déserte... Ça m’entraînera pour Koh Lanta ! Tu les vis comment tes cuites depuis que tu n’as plus 20 ans ? Beaucoup moins bien, ah ah ah... À 20 ans, c’était plutôt « on boit vite de l’alcool fort en pré-soirée pour ne payer la conso en boîte ». Maintenant, c’est plutôt bière ou vin autour d’un bon apéro. Le handball, c’est un sport de bonhomme, non ? Haannnnn la question misogyne ! Pas besoin d’être un bonhomme pour aller au combat. Il suffit d’être déterminée et de ne pas avoir peur de se faire mal.
Florent Sanseigne |
boss du No Logo festival, Fraisans
Florent bless all the time des gens Irie, avec positive vibrations, toujours against Babylone, tu vois le genre ? Il a crée le No Logo festival, qui est devenu en 6 ans une des références des festivals reggae de France. La crème de la zik jamaïcaine, tout simplement, à la cool dans un petit coin classieux du Jura. Du rocksteady au dancehall, du ska au roots, tous les plus grands sont là. Cette année, c’est du 10 au 12 août. Jurastafari ! Tu les vis comment tes cuites depuis que tu n’as plus 20 ans ? « Si je buvais moins, je serais un autre homme, et j’y tiens pas ! » Je les vis super bien. Je crois qu’il est très important de savoir perdre sa dignité quelques fois dans l’année. La dernière a été pendant le FIMU et qu’est-ce que c’était bon. C’est drôle et nécessaire surtout quand tu es bien entouré avec de bon potes. Sinon, d’un point de vue physique, je fais un vrai entrainement régulier mais le lendemain j’ai souvent besoin d’une bouteille d’eau gazeuse et d’un Doliprane 1000mg.
Le meilleur alcool pour accompagner une sortie de scène ? Ça dépend du producteur (d’alcool pas du spectacle !)
Léa Faye-Terzi
Est-ce que tu peux me citer un artiste que tu kiffes à mort dans le coin ? En toute subjectivité, mon petit frère Léo qui a un groupe de rock, The Assowls. Ils font pas mal de scènes dans la région.
Le reggae, ça te fatigue pas un peu comme musique ? Absolument pas si tu connais réellement cette musique car il y a tellement de styles et sous-styles dans le reggae... Par contre certains reggaemen, il y en a qui m’ont fatigué. Et beaucoup de fans de reggae également m’ont fatigué ! Est-ce que tu peux me citer un artiste que tu kiffes à mort en Bourgogne-Franche-Comté ? Aldebert. Non je rigole ! Gustave Courbet et Thiéfaine. D’ailleurs j’aurais un super projet à lui proposer donc s’il lit Sparse c’est top. Tu préfères te prendre une mandale par un CRS ou te faire mordre par un chien qui a la rage ? Me prendre une mandale par un CRS et essayer de lui en remettre 2 ou 3 autres, voire 4 si c’est en ce moment ! Est-ce que tu t’épiles les poils des couilles, toi ? Ça m’est déjà arrivé mais depuis que j’organise un festival de reggae je me les laisse pousser ! Obligé pour le style.
L’artiste que tu rêves de programmer ? Bob Marley mais c’est plus possible. En plus, il est déjà passé à Dijon je crois. Sinon Freddie Mercury, David Bowie, Peter Tosh, Kurt Cobain, Jaques Brel, Jim Morrison, Janis Joplin, Jimi Hendrix ou Amy Winehouse mais pareil, c’est plus possible. Alors je vais dire Massive Attack. T’es peinard en train de faire une rando quand tu tombes sur un petit jeune en anorak bleu en haut d’un col des Alpes. Il se passe quoi ? « Reviens gamin c’est pour rire ! Tu vas pas rester tout seul dans ce col ! » Pourquoi tous les types de la culture se font la bise, bordel ? Parce que c‘est showbizz la bise ! Et tout le monde se trouve beau et gentil même si la plupart sont des fauxculs. Si t’avais pas fait ce boulot, t’aurais fait quoi ? Trafiquant de drogue ou proxénète. Mais pêcheur m’aurait bien plu, aussi. J’hésite ! Toi aussi tu mets des pantalons qui s’arrêtent juste au dessus des chevilles ? Je les laisse à Eddy De Preto ! Sinon pire, je mets des pantacourts qui s’arrêtent en dessous des genoux. Quelle est ta petite insulte préférée ? Enculé de fils de pute ou Va niquer ta mère. Mais celle que je préfère en ce moment c’est Mort aux cons.
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la hype
Par Augustin Traquenard Photos : DR
LOOSEU DU PRINTEMPS LE R Kanye West (melon d’or)
Après un passage à vide, un pétage de câble et un séjour en HP en 2016, c’est le grand retour de Kanye qui annonce 2 albums en rafale pour le mois de juin. Souvent qualifié de génie de la musique, très actif dans le milieu de la mode, il est également bien décidé à faire avancer les choses sur le plan des idées. Dans un entretien accordé au magazine américain The Hollywood Reporter paru en avril 2018, Kanye West avoue qu’il travaille sur un livre de philosophie qui mêle des réflexions sur la spiritualité et l’image. Problème : il semble bien que sa pensée se rapproche de celle d’un enfant de 6 ans et que le discernement historique de sa propre condition soit fortement altérée par son esprit malade et bouffi d’ego. Sur TMZ, un média ‘ricain spécialisé dans les célébrités, le nouvel historien philosophe nous livre sa pensée, sans filtre, entre la poire et le fromage : « On entend parler de l’esclavage qui a duré 400 ans. Pendant 400 ans ? Ça ressemble à un choix... Nous sommes dans une prison mentale. J’aime le mot ‘prison’ parce que ‘esclave’ est trop lié aux Noirs ». Bim !!! L’esclavage serait donc un choix, une sorte de masochisme assumé. Il serait temps pour les afro-américains d’arrêter de bassiner tout le monde et de se libérer de la prison mentale dans laquelle ils se complaisent. Nul doute que la vision géniale de Kanye trouvera un écho très favorable chez son petit pote Donald Trump qui continue à nous émerveiller par sa capacité à réformer cette grande nation qui continue à nous faire rêver. America ? Fuck yeah !
R DU PRINTEMPS U E LE N IN W
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Eric Alauzet (député Macron-ultra-compatible) Eric Alauzet, député de la deuxième circonscription du Doubs, toujours au top. Il est le seul député issu de EELV à avoir été réélu (avec presque 63 % des voix, meilleur score en Franche-Comté), en juin 2017. Les présidents de la République passent, mais lui paraît indéboulonnable. Bon ok, il a retourné sa veste verte pour un costard bien taillé LREM, juste après avoir vite fait fricoté avec le groupe socialo. La mairie de Besançon ? Il se dit sollicité et « intéressé », ce qui n’a pas l’air d’enchanter le maire actuel, Jean-Louis Fousseret. Quand il s’agit de défendre les réformes d’Emmanuel, le soldat Alauzet doit quand même s’y coller de temps en temps, déjà qu’il a, comme beaucoup, oublié de voter l’interdiction du glyphosate (bien pour un écolo...). Le problème, c’est qu’il y met un peu trop d’entrain. Le 5 mars dernier, pour justifier la hausse de la CSG qui plombe un peu le moral des vieux, il déclare dans une interview au journal Le Parisien : « Les retraités d’aujourd’hui font partie d’une génération dorée ! Et s’ils ont travaillé toute leur vie, ça ne suffit pas comme argument au moment où il faut trouver de l’argent pour renflouer les caisses de l’État. » Une boucherie. Pour continuer à nager en eaux troubles, il va falloir revoir le plan com’, parce qu’en insultant les retraités et en crachant sur leur vie de labeur, tu risques de te prendre un gros gadin aux prochaines élections, avec un bon argument cette fois. La prochaine étape c’est quoi ? Proposer aux vieux de trouver du taf’ pour s’acheter des costards et de se bouger le cul au lieu de se traîner en déambulateur ?
UN OLD FASHIONED, NON
le casque et l’enclume « La critique est aisée mais l’art est difficile ». Nos deux cinéphiles, Frank le Tank et Nicdasse Croasky, affutés comme des machettes un soir de 94 à Kigali, passent au crible l’actu et l’histoire du 7ème art. Nager ? Non merci. Ils préfèrent être au bord de la piscine et regarder les autres se noyer. Et ils ne sont pas toujours d’accord sur les raisons du naufrage.
Le film qui n’a jamais eu grand-chose à perdre (ni à gagner d’ailleurs)
READY PLAYER ONE
EAUX SAUVAGES
Pitch 2045, c’est la merde. Les gens vivent dans un monde pourri jusqu’à la moelle, ils se réfugient dans un monde virtuel créé par James Halliday. Quand ce dernier meurt, il met au défi les utilisateurs de son jeu afin de leur léguer sa fortune colossale.
Pitch Un groupe de touristes internationaux et 3 G.O. descendent le Grand Canyon en canoë. Tout se passe bien, jusqu’à ce que plusieurs participants soient tués de manière cruelle !
2018 – Réalisateur : Steven Spielberg
Niveau Blockbuster qui pousse de la fonte à Magic Form. La vision de Frank Retour de Spielberg dans le game. On s’assied dans la salle, fébrile, comme si on allait voir E.T. pour la première fois : mise en abyme détaillée, persos complexes, histoire de malade… Ah ben non, en fait rien de tout ça. On est sur un film imbouffable qui érige Duran Duran et Van Halen comme les défenseurs du bon goût. Pour la mise en abyme, on reviendra. Le monde réel semble tellement insoutenable qu’on n’en voit pas plus de 3 minutes dans le film. De toute façon, on s’en fout. Les gens se vautrent dans une réalité virtuelle au nom de jus de fruit : Oasis. Original ! Le rythme façon Avengers déclenchera chez les plus de 30 ans une crise d’épilepsie sur le champ. Je suis trop vieux pour ces conneries. Le contrechamp de Nicdasse Sans mentir, j’attendais plus grand-chose de Spielberg, tellement je fus déçu par l’absence de zombies dans La Liste de Schindler. Alors, je suis allé voir Ready Player One sans a priori et j’ai été plutôt satisfait. Sur l’échelle des blockbusters blindés de fantasmes adolescents et, comparé aux Marvel avec des héros bien balourds en Saint-Bernard de l’univers, j’ai savouré le plaisir coupable façon fête foraine et montagnes russes géantes. Je passe sur la morale à papy : la réalité c’est mieux que les jeux vidéo… L’abus d’effets spéciaux a frisé le cortex préfrontal de Steven. Verdict final Prenez une aspirine avant et après.
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Le film qui a tout à perdre
Par Frank Le Tank et Nicdasse Croasky Photos : DR
Wild Waters – 1979 – Réalisateur : Paul W. Kener
Niveau Nanar La vision de Nicdasse Cette descente m’a emporté. « Il y a beaucoup de canyons, mais il n’y en a qu’un qui porte le nom de Grand Canyon » dit une aventurière. Quelle promesse ! Juste dommage que les meurtres soient bâclés par un serial killer complètement fake. Le scénario est écrit sur un (gros) buvard d’acide, faisant de ce road movie un trip jouissif grâce aux dialogues surréalistes et au jeu low cost des acteurs. Le réal’ a depuis été diagnostiqué épileptique. Tout tremble dans son film, même le générique. Et les scènes sautent du coq à l’âne sans cohérence : conscience écologique, technique des nœuds carrés, définition du karma pour les hippies de Californie et autostoppeurs en tout genre. Difficile de rester insensible devant ce déballage de générosité. Le contre champ de Frank Déjà, un film qui a un nom de parfum avec la ganache de Johnny Depp... Mais quand j’apprends que cette bouse est disponible en intégralité sur Youtube, cela me file presque autant la gerbe que si j’avais dû boire l’intégralité du flacon dudit parfum. Tu parles d’une promesse. Dès les premières minutes du film, on est perdu et les doublages sont une insulte au monde occidental. Ça jacte à tout va, on passe du coq à l’âne et on ne comprend rien à l’histoire. Et ce n’est pas uniquement de la faute du doublage, le film à la base est déjà sacrément nul… Et, effectivement, après une heure, où on ne comprend toujours pas bien le sujet de ces randonneurs hippies défoncés au poppers (le LSD étant une drogue trop quali pour ces losers), on peut arriver légitimement à la conclusion que ce film est un étron. « Dans la vie, il faut foncer au maximum à 100 à l’heure » nous lâche un acteur au début du film. L’heure quarante la plus longue de ma vie. Verdict final À voir si vous êtes adepte du lâcher prise et si vos chakras ne sont pas trop refermés.
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Dom’, à l’aise dans son garage.
Un petit questionsréponses avec notre pote
Le Dom’ Par Laurence Yalamow, à Audincourt Photos : JC Polien
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L
e 9 mars sortait le rugueux et ardent album Toute Latitude de Dominique A qui, le 30 du même mois, était en concert au Moloco à Audincourt. La balance terminée, il est venu à notre rencontre en nous tendant, tout sourire, une avenante et chaleureuse poignée de main. Dans un tutoiement spontané, il nous a invité sans chichi à prendre place sur la banquette de sa loge, toute tapissée d’oiseaux, pour se soumettre à l’épreuve des vingt-cinq questions inspirées du questionnaire de Proust. Quid du questionnaire de Proust ? Pour la petite histoire, l’illustre auteur d’À la Recherche du temps perdu s’était mordu d’un test venu d’Angleterre et appelé Confession, un jeu très à la mode chez les jeunes Anglais de l’époque, où il était question, avec l’air de ne pas y toucher, de dévoiler une part de soi. Au siècle dernier, Bernard Pivot s’en était emparé, l’écourtant et le remaniant quelque peu pour les besoins de son émission Bouillon de Culture. Pour l’occasion, on a donc un peu rhabillé certaines questions avec des bribes de phrases appartenant aux chansons de Dominique A qui a joué ce soirlà tous les titres évoqués dans ce questionnaire…
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Quel est ton principal trait de caractère en studio d’enregistrement ?
Si tu tenais dans le sac « d’une femme qui chante sur le quai », que serais-tu ?
J’ai le droit de réfléchir, quand même ? L’enthousiasme, je crois.
Qu’est-ce que je serais ? Un livre !
Dans « le cycle des saisons », quelle est celle que tu préfères ?
Le métier que tu n’aurais pas aimé faire ? Boucher.
Le printemps.
Quelle est ta principale qualité en tournée ?
Le mot que tu détestes le plus ?
Il faut demander aux autres ! Ouais, c’est compliqué. Je ne vais pas encore dire « l’enthousiasme », je l’ai déjà dit ! Non, il y a mieux à trouver parce qu’il y a des fois où je ne suis pas enthousiaste… Je dirais « l’esprit de camaraderie, d’équipe ». Un truc comme ça.
Ce n’est pas facile… Non ce n’est pas facile. « Communiquer » : je n’aime pas.
Le don surnaturel que tu aimerais avoir ? L’ubiquité.
Quel est ton principal défaut pendant la promotion de l’album ?
Qu’est-ce qui n’est « plus comme avant » ? J’ai envie de répondre : « Je ne sais pas, je n’étais pas là avant. »
Le son, le bruit que tu aimes ?
Le manque de fermeté. (Rires)
La voix.
Quel est ton juron favori ?
Que détestes-tu par-dessus tout ?
Putain.
La bêtise.
Dom’, t’as pas une clé de 12 ?
Si tu avais « toute latitude » pour réenchanter le monde avec une seule chanson, laquelle serait-ce ? (Il rit) Eh bien, il y a du boulot ! La tâche est ardue. Il y a beaucoup de chansons qui réenchantent le monde déjà. Laquelle prendre ? Allez, au débotté, Dragonfly de My Brightest Diamond.
Ce que tu apprécies le plus chez tes amis ? La gentillesse.
« Hormis le bleu », vers quelle couleur penchestu ? L’orange.
Quelle est la faute qui t’inspire le plus d’indulgence ? Ah oui, ce n’est pas bête ça… Attends, ma tête se vide là ; il faut qu’elle se remplisse. Oh, putain ! Le « mensonge », j’ai envie de dire, mais s’il est politique… Le mensonge enfantin alors !
Quel serait ton plus grand malheur ? Perdre un enfant.
Quoi, ça ?
Tiens c’est bon, je l’ai.
Les bons plans du Dom’. « 15 balles et il est à vous »
« S’il ne faut pas souhaiter la mort des gens », que souhaites-tu pour eux dans les dix prochaines années ? Qu’ils ouvrent les yeux.
Le CD, le livre et le film que tu arracherais aux flammes ? (Thomas, son guitariste, fait irruption et, à la demande de Dominique A qui sèche sur cet album à sauver de l’incendie, lui vient à la rescousse en proposant le 3e et dernier album de Nick Drake Pink Moon. Sur la même longueur d’onde que son musicien visiblement, Dominique A avait lui aussi pensé à Drake sauf qu’il hésitait avec le 1er album, Five Leaves Left.) Alors le CD, ce sera Five Leaves Left de Nick Drake ; le livre : Le Grand Meaulnes d’Alain Fournier, et le film : Elephant Man de David Lynch.
« J’aimerais mourir ivre, avec une Triple Carmélite »
Ton rêve de bonheur ? Persévérer.
Entre zéro et « twenty two », quel est ton chiffre préféré ? J’hésite entre le 7 et le 9… Le 9 !
Quelle est ton occupation préférée ? Créer.
Un héros ou une icône pour illustrer une pochette de disque ? Spiderman.
Ta devise ? Je cite toujours la même, je suis un peu désolé, on ne se refait pas tous les jours : « L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art. » Une citation de Robert Filliou, un artiste des années 1960.
Si « aujourd’hui n’existe plus », comment aimerais-tu mourir ? Ivre. Avec une Triple Carmélite. (À consommer éventuellement avec modération, ndlr) // L.Y.
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Par Mhedi Merini, à Dijon Illustrations : Yannick Grossetête
C’EST
GRAVE
DOCTEUR? Ça ne sent clairement pas bon pour les petits hôpitaux de proximité de France, et de Bourgogne-Franche-Comté en particulier, inquiétés par les fermetures et les démantèlements de leurs services de soins, déjà actés ou futurs. Mais pourquoi ? Comment en est-on arrivé là ? Voyage au bout de la peur. État des lieux à SaintClaude, Tonnerre, Clamecy, Lure, Châtillon-sur-Seine, Montbard.
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artout en France, les milieux de la santé publique souffrent le martyr, et ce depuis des années. La résignation éclate au grand jour, rajoutant des degrés supplémentaires à une fièvre sociale que ce gouvernement ne sait tempérer. L’ensemble du système hospitalier français se voit réorganisé à l’aune de considérations financières, englué dans les innombrables et obsessionnels plans d’économie. En BFC, comme ailleurs, la restructuration vise principalement les hôpitaux de proximité, situés loin de l’opulence des services urbains, générant l’inquiétude des populations locales et du personnel hospitalier. De Saint-Claude à Tonnerre, de Clamecy à Gray, en passant par Châtillon-sur-Seine ou encore Montceau-les-Mines… La même crainte s’échappe, les mêmes mots reviennent, à l’identique, inlassablement. Que ce soit de la bouche des locaux ou bien sur les panneaux de fortune du personnel hospitalier dressés les jours de manifestation. Les hôpitaux de proximité de toutes ces villes demeurent sous le joug d’une menace qui les
«
On nous dit ce qu’on coûte mais jamais ce qu’on rapporte. »
Alain Marchet, infirmier à Clamecy
dépasse mais ne les résigne pas. Coincés dans l’étau d’une gestion territoriale de la santé dominée par des contingences financières, la centralisation des services et la quête permanente du moins coûteux. Depuis les années 90, ces petites structures subissent des fermetures successives pour des raisons de faible passage mêlées à des problèmes de pénurie de médecins. En Bourgogne-Franche-Comté, comme dans les autres régions, ce sont les administrations déléguées du ministère de la Santé, les ARS - Agences Régionales de Santé - qui organisent le territoire régional en matière de santé. Pour elles, certains services des hôpitaux de proximité ne remplissent pas les seuils de passages escomptés, seuils émis par l’ARS elle-même. Pour résumer, le maintien de ces services - avec tout ce que cela comporte comme le plateau technique, le matériel, le personnel en place - coûte bien trop cher par rapport à son utilisation. Une dimension qui donne la mesure de la vision comptable de l’organisation du paysage sanitaire, toujours à l’oeuvre. Et des fermetures dont on pense qu’elles règleront la question des déficits accumulés. Parallèlement, comme nous dit l’actuel directeur
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de l’ARS Pierre Pribille, ancien chef de cabinet de l’exPremier ministre Manuel Valls qui a fait ses armes dans les hautes sphères de l’administration française : « La Bourgogne-Franche-Comté est confrontée à des difficultés en matière de démographie médicale. » Spécialistes et urgentistes manquent pour assouvir correctement les besoins du territoire, le recours à l’intérim s’avère utile mais excessivement coûteux. Il ne présente pas une solution à long terme. Même Cédric Villani en chierait pour résoudre l’équation. Alors que les gros hôpitaux croulent sous le poids des passages, les hôpitaux de proximité, eux, ne jouissent que d’un seul luxe : celui du temps. Qu’on se le dise, c’est clairement moins l’usine à Clamecy qu’à Dijon, Besançon ou même Auxerre. Pour ces petits hostos, l’austérité se manifeste à coup de fermeture, de réorganisation. Elle façonne une offre de soin de plus en plus chétive que les administrateurs de région justifient par un manque d’activités et le problème structurel de démographie médicale. Ces hôpitaux de proximité sont la cible du PRS (Plan Régional de Santé) 2017-2027 de l’ARS, la feuille de route qui planifie les orientations sanitaires en BFC pour les années à venir. Ce PRS concentre toutes les peurs et les controverses, il prévoit justement que plusieurs services y soit réorganisés, voire même supprimés. C’est contre cette fatalité que s’est formée la levée de bouclier des petits hôpitaux à travers les comités de défense des hôpitaux, constitués de militants associatifs, de populations locales et de membres de personnels hospitaliers, syndiqués ou non. Ces comités se coordonnent alors pour réclamer un service public de la Santé partout et pour tous, encore plus dans ces zones rurales mal loties, rongées par la désertification médicale et les difficultés sociales. Austérit’Air. Le ministère de la Santé ajuste le cran de la ceinture des hôpitaux publics avec des résultats records. C’est simple. Sur ces 10 dernières années, 7 milliards d’économies ont été réalisés rien que sur les hôpitaux publics. Les parkings sont carrément devenus payant depuis, comme à Dijon. Si ces économies sont applaudies en trombe par les commissaires de l’Europe, il est intéressant d’évaluer les conséquences médico-sociales des réorganisations de l’hôpital public. Déjà en 2004, l’instauration du mode de financement des hôpitaux de la T2A (tarification à l’activité) avait pour but de contenir les dépenses de santé et de réduire les déficits. L’hôpital se voit alors financé par le nombre d’actes qu’il dispense : d’une opération au simple pansement, tout acte a son tarif. Comme un banal commerce en fait. Ce mode a intégré une véritable logique de marché au sein même de la santé publique ainsi qu’une concurrence entre les hôpitaux, en les incitant à multiplier
les actes plus que de raison. En Bourgogne-Franche-Comté, les grosses structures hospitalières débordent, que ce soit les CHU (centres hospitaliers universitaires) ou les simples centres hospitaliers de villes moins opulentes comme Auxerre, Belfort ou Vesoul, pour ne citer qu’eux. Ça craque. Pour Michel Antony, président de la coordination des comités de défense des hôpitaux de Bourgogne-FrancheComté et vice-président de la coordination nationale située à Lure, en Haute-Saône, la situation globale n’est que le résultat désastreux de l’austérité et de la réduction constante des moyens : « La saturation dans les grands centres s’explique par la fermeture de lits. Le problème de la démographie médicale, lui, est lié au blocage du numerus clausus (le nombre fermé qui détermine les places chez les étudiants en médecine, ndlr) qui n’augmente pas assez. Il ne permet plus de répondre aux besoins de plus en plus croissants. Il faudrait l’augmenter fortement, mais là encore, ça représenterait des dépenses en plus. » Justement, dans ces usines de la santé, le personnel hospitalier arrive à un point de rupture. Selon Colette Rueff, infirmière syndiquée SUD à l’hôpital Minjoz, CHU de Besançon depuis 2002, la pression est bien réelle : « Au fil des années, on a senti l’augmentation des passages. Le personnel est à bout, il a le sentiment qu’on bouscule l’idéal du soin avec des actes cadencés qui ne laissent pas la place au contact. On souffre. » Aux yeux des défenseurs des hôpitaux de proximité, l’ARS espère remobiliser les moyens humains disponibles dans les hôpitaux de proximité via des fermetures ou des réorganisations pour la placer là où les besoins sont plus nombreux, histoire d’alléger la charge. Un peu facile comme calcul. On déshabille Pierre pour habiller Paul. À la France de Jean-Pierre Pernaut, on répond « combien ça coûte ? » Selon Michel Antony, président de la coordination des comités de défense des hôpitaux de BFC, la donne est simple. « Tout se centralise, y compris dans le service public de la santé. On essaye de compenser par la télématique ou les hélicoptères ce que les périphéries ont perdu, par besoin d’économie. C’est une politique de gestion de l’austérité. Or cette vision est l’antithèse d’un état unitaire et solidaire. Où qu’on se situe, les gens payent les mêmes impôts et ont les mêmes besoins. Il y a une injustice, cette politique de rationalisation se fait au détriment de ces territoires. » La confrontation se cristallise précisément sur ce point. C’est deux salles, deux ambiances. À ceci, Pierre Pribille, le directeur de l’ARS, répond cela : « Cette inquiétude est compréhensible et c’est bien pourquoi il est important d’expliquer les évolutions nécessaires du système de santé. Le fait de disposer d’un plateau technique complet à quelques kilomètres de son domicile
On observe une vraie déconnexion entre les représentants de l’Etat de l’ARS et les professionnels de la santé. ne garantit en rien une accessibilité à des soins de qualité dispensés dans le respect des impératifs de sécurité avec par exemple la présence de personnels médicaux en nombre suffisant. Qu’il s’agisse de la présence médicale (parce que nous ne pouvons plus avoir un médecin de famille dans chaque village) ou de l’offre de soins hospitaliers, il faut désormais penser à l’échelle d’un territoire où nous avons accès tout près de chez nous à des soins dits de proximité et un peu plus loin aux compétences expertes, aux plateaux techniques spécialisés qu’il n’est pas envisageable d’installer partout. » La liste des fermetures de services d’hôpitaux de proximité ne cesse de s’allonger, dernièrement la maternité de Cosnesur-Loire a péri tout comme celle de Saint-Claude qui a simultanément perdu son service chirurgie… Et on anticipe déjà les menaces à Montceau-les-Mines avec la chirurgie ou bien à Châtillon-sur-Seine pour son laboratoire, comme nous le raconte Annick Marcos, infirmière-déléguée CGT : « Notre service de laboratoire est menacé de fermeture, alors que c’est la pierre angulaire de tout notre établissement. Ils voudraient les remplacer par des automates qui ne font pas tout. Cette fermeture pourrait, à terme, découler sur la fermeture des urgences, de la médecine. C’est beaucoup plus pernicieux car le labo est lié à tous les services, ça porterait atteinte à la qualité des soins. » Cela participe de l’affaiblissement de ces hôpitaux de proximité. La pilule a autant de mal à passer pour ceux qui pourraient voir leur service d’urgence raboté. Qu’elle soit vitale ou non, l’urgence est la porte d’entrée de l’hôpital, et surtout, elle ne se commande pas. Dans ces zones rurales, « c’est souvent la dernière lumière allumée », nous
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consultés. Un service d’urgence ne fonctionne pas comme un autre service, y intégrer un médecin d’astreinte est très risqué. Face à des cas graves, il faut la prise en charge d’un urgentiste. On peut vite se retrouver débordé dans ce cas de figure, il faut voir le fonctionnement à deux médecins comme celui d’un cockpit, le copilote prend la relève au cas où l’autre rencontre des problèmes. Nous pouvons nous concerter, il y a une complémentarité. En cas de sortie SMUR (le Service mobile d’urgences et de réanimation, le service hospitalier qui effectue le travail d’urgence médicale en dehors de l’hôpital. Il est composé d’une équipe médicale, d’un véhicule et de matériel chargé d’intervenir à la demande du SAMU, ndlr), comment fait on pour surveiller ceux qui séjournent à l’hôpital ? Cette réorganisation comporte de lourds risques sur nos conditions de travail et la qualité des soins. Actuellement, cela marche bien. » Alors que ces annonces tombent au compte-gouttes depuis des mois, les mobilisations s’organisent. À Gray, là où le conseil de surveillance de l’hôpital a été boycotté par sa présidente Claudy Chauvel-Duban en cri de contestation, 2.000 personnes ont marché dans la neige du mois de mars pour défendre le maintien d’un service d’urgence décent. Les mêmes cortèges ont pris place du côté de Clamecy où pompiers, médecins, personnels hospitaliers, agents du SMUR et maires se sont rassemblés. Ils ont par ailleurs menacé de poser leur écharpe pour protester contre ces directives. À Saint-Claude, les réunions publiques attirent également beaucoup de monde. Le sujet fédère là où la menace est palpable. À Tonnerre, des groupes de travail se sont organisés entre le personnel hospitalier et des membres de la communauté de commune pour réaliser des études de terrain et évaluer les risques sur un territoire qui cumule déjà bon nombre de difficultés sociales comme la pauvreté ou le chômage.
« rappelle Céline Plaut, infirmière depuis 10 ans à l’hôpital de Tonnerre. Car, oui, la plupart de ces territoires sont meurtris par la désertification médicale et sont situées à des kilomètres de ces services, ce qui exige un investissement non-négligeable en terme de déplacements, d’organisation pour ces derniers. À Clamecy, Tonnerre et Gray, les urgences se verront très certainement réorganisées la nuit puisque la trop faible activité nocturne ne justifie pas le déploiement de tels moyens. Contre la disposition obligée par le Code de la
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Santé de deux médecins urgentistes par service d’urgence, il est prévu d’en conserver un seul assorti d’un autre médecin, d’astreinte cette fois et qui n’aurait pas forcément la spécialité d’urgentiste, qui demande une formation adéquate. Cette réorganisation sème le trouble quant au futur de ces services, elle inquiète Tarik Boubia, médecin urgentiste à Clamecy : « L’hôpital de Clamecy a le statut d’hôpital isolé, il se situe très loin des hôpitaux pivots comme Auxerre ou Nevers. Quant à cette réorganisation des urgences, il faut savoir que nous n’avions jamais été
S’il ne nous reste plus qu’un médecin, on sera amenés à faire des choix selon les circonstances. Comment choisir entre 2 urgences qui ne préviennent pas ? »
Céline Plaut, infirmière à Tonnerre
La suppression des urgences à Montbard n’a absolument rien arrangé au déficit, pire même, elle a constitué le terreau de complications annexes, en instituant une véritable inégalité d’accès aux soins.
Une fois dans les entrailles de cet immense enjeu de société sacrément complexe, on observe une vraie déconnexion entre les représentants de l’État de l’ARS et les professionnels de la santé. Un dialogue rompu entre un monstre froid qui tente de minimiser les dégâts de l’austérité face à ceux qui défendent corps et âme la substance de leurs hôpitaux de proximité. Même si Pierre Pribille martèle le fait qu’il n’y a pas de « philosophie comptable » et que « l’humain est au cœur de nos missions et nos décisions », les défenseurs des hôpitaux de proximité, eux, ne le ressentent pas tout à fait de cette façon. Du haut de ses 37 années de service de soin à l’hôpital de Clamecy, Alain Marchet estime qu’ils « ne font pas le même métier. Ils sabordent un service qui fonctionne alors qu’ils n’ont pas de solution de rechange pérenne, c’est pour cela que nous demandons un moratoire. On nous dit ce qu’on coûte mais jamais ce qu’on rapporte. Les soins moraux ne se comptent pas alors qu’ils ont leur utilité. Avec la T2A, un hôpital comme le nôtre ne sera jamais rentable. » De même pour André Jannet, président du comité de défense solidaire de l’hôpital de Saint-Claude : « Il y a un vrai décalage entre nous et ces hauts-fonctionnaires. Ils ne prennent pas en compte la particularité de notre emplacement, nous sommes dans le Jura. L’affaiblissement de notre hôpital par l’ARS va contre la loi Montagne qui devrait s’appliquer au nôtre et qui prévoit que nous devons être à 30 minutes minimum d’un centre de soin par voie terrestre. On est dans une situation où c’est nous-mêmes qui trouvons des anesthésistes. On se sent complètement abandonnés. » On pourrait ajouter à cela les mots de Céline Plaut, l’infirmière de Tonnerre : « cette pensée comptable est brutale, le rural meurt et l’Etat l’abandonne. Là où les temps d’attente s’allongent dans les gros centres, les petit hôpitaux pourraient avoir un rôle à jouer. S’il ne nous reste plus qu’un médecin, on sera amenés à faire des choix selon les circonstances. Comment choisir entre deux urgences qui ne préviennent pas ? » Montbard est tricard. Le plan de l’ARS sort tout juste de sa phase de consultation réglementaire, c’est à dire qu’il a été présenté auprès de plusieurs instances comme la CRSA (conférence régionale
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santé et de l’autonomie), le préfet, les collectivités territoriales… Si ces instances n’ont qu’une fonction de consultation, elles ont cependant quasiment toutes formulé un avis négatif. Un sacré revers pour l’ARS dont le plan, élaboré depuis 2 ans, essuie un bon nombre de critiques, le conseil régional en tête. Ce PRS fait l’unanimité, mais contre lui. Pour Pierre Pribille, « ces avis ont exprimé l’inquiétude du terrain, face à certaines évolutions inéluctables, plus qu’un rejet des orientations contenues.» Cette dernière phrase fait écho à la grosse mobilisation organisée le 18 mai dernier devant le siège de l’ARS à Dijon. Elle a rassemblé plus de 400 personnes, venant des 4 coins de la BFC. Une mobilisation à l’issu de laquelle Pierre Pribille devait rencontrer les représentants des comités de défense. Sauf que son absence a été annoncée au moment où ces derniers se sont assis autour de la table… Certains administrateurs questionnent aussi le supposé « bien-fondé » de la logique d’économie. Frédéric Roussel, directeur de l’hôpital de Tonnerre, l’exprime du bout des lèvres. « Il y a une difficulté évidente, la loi dit qu’il faut deux médecins urgentistes pour faire marcher correctement une ligne d’urgence. Dans l’hôpital, les lits d’unité de soins continus nécessitent un urgentiste. Certes, notre activité n’est pas énorme. En moyenne, 80% des gens viennent pour des urgences non vitales. Il y a des mutualisations
positives mais quand on dit ‘hôpital de proximité’, ça a du sens. Il ne faut pas vider ces territoires et leurs hôpitaux. On arrive à la limite de l’exercice. Dans cette logique de baisse des recettes, les économies effectuées ne sont jamais suffisantes. » En Côte-d’Or, Montbard prend aujourd’hui la pleine mesure des fermetures. Son hôpital a subi de plein fouet le couperet des fermetures avec ses urgences. Celles de nuit en 2015, puis celles de jour, quelques mois après. Le SMUR a également été rayé de la carte, il ne reste plus rien. Si ce service réalisait de faibles taux de passage, sa fermeture s’est précipitée pour des raisons de manque de médecins.
La maison de santé de Montbard, inaugurée en 2015, n’offre pas les mêmes garanties de soin d’urgence. Selon Franck Lameunière, radiologue à l’hôpital de Montbard et syndiqué CGT, la suppression des urgences n’a absolument rien arrangé au déficit, pire même, elle a constitué le terreau de complications annexes, en instituant une véritable inégalité d’accès aux soins. « Au niveau de l’argent qui servait à financer nos urgences, il n’y a pas eu d’économie, la part est revenue à Chatillon-sur-Seine. La qualité et l’accès aux soins ont été impactés, je pense à ceux qui habitent dans les campagnes situées à l’est de Montbard et au nord Côte-d’Or qui compte une population vieillissante et qui
ne roule pas sur l’or. C’est pas le rôle de la santé de créer ce genre de disparité. Les décisions de l’ARS rallongent les temps d’attentes, que ce soit à Semur-en-Auxois ou à Châtillon-sur-Seine. On nous dit que c’est pour faire des économies sauf que c’est faux. L’ARS pense que ces médecins urgentistes des petits centres iront dans les gros centres, sauf qu’ils ne savent pas que la plupart d’entreeux en viennent, ils ne veulent plus y retourner tant ils n’en pouvaient plus de passer leur temps à chercher des lits vides. » En attendant, l’ARS présente son plan définitif ce mois-ci, reste à savoir si les revendications des hôpitaux des proximité seront pris en compte. // M.M.
«
En zone rurale, l’hôpital, c’est souvent la dernière lumière allumée. »
Céline Plaut, infirmière à Tonnerre
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Par Erika Lamy, à Chalon-sur-Saône Photos : Thomas Lamy
La bombe la rue et le pochoir À l’heure du street art des rues et du street art des galeries, Tuco, le colleur chalonnais, nous reçoit dans sa cave-atelier. Une rencontre à son image, sans flonflon ni tralala. Un entretien qui sent la bombe, le non-conventionnel et le sirop de la rue.
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« Si ce sont les plumes qui font le plumage, ce n’est pas la colle qui fait le collage ». Si Max Ernst avait croisé Tuco, il aurait pu l’écrire pour lui. Tuco colle. Depuis 10 ans, le street artist imagine des créatures mi-humaines, mi-animales, mi-animales, mi-humaines. Il colle partout, au détour d’une rue, sous un pont, au ras des murs, sur les bordures, en pleine campagne et en montagne. Il colle à l’aube, entre chien et loup. Chien
et loup, encore une histoire d’animaux. Ses silhouettes hybrides se glissent le long des murs et attendent. Le premier passage, le premier regard, le premier contact avec le passant matinal. Va-t-il les regarder, observer, simplement passer ou arracher ? Elles attendent, silhouettes fragiles. Le temps passe, leurs couleurs s’effacent, les coins se décollent, la pluie fait son œuvre. L’art urbain est ouvert, mais surtout éphémère.
Chat posé pépouze au port Nord de Chalon.
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J’me ferais bien des bottes avec sa gueule.
Lui, c’est Tuco, un street artist, comme il refuse à se définir. « Je dirais assez simplement que je suis un décorateur des rues et des campagnes ! » Bisontin de naissance et Chalonnais d’adoption, Tuco crée des pochoirs, corps d’hommes à têtes d’animaux. Il les colle sur les murs, sans être vu, dans toute la France et ailleurs. Puis il décline ses personnages en objets, formes de sculptures en bois qu’il glisse dans l’environnement, met en scène et photographie. « Des saynètes éphémères qui durent le temps d’une photographie ». Résultat : des tableaux mixtes, où réel et montage se confondent. Tuco mélange les genres, les éléments, les matières. Les hommes prennent des têtes d’animaux ; le collage devient personnage, le personnage objet, l’objet élément d’un décor, le décor une photographie. Une mise en abyme où l’on perd ses repères. La mythologie aimait à créer des mélanges : sphinx à visage humain et corps de lion, griffon mi-lion mi-aigle, centaure chevaux à torse et tête d’homme. Tuco réalise ses propres chimères. Ses compositions hybrides croisent les espèces et les techniques.
« Le pochoir, ça permet de faire beau, sans être un grand dessinateur »
Les manimals prennent forme. Le pochoir allie technique et esthétique, graphisme, atelier et collage. Manuel et créativité, ça lui plaît. La tête dans les idées et les mains dans le découpage. Le plus important étant de ne pas se prendre au sérieux. Comme avec son nom. Tuco… Une référence aux westerns spaghettis. Le Bon, la Brute et le Truand, du grand Sergio Leone, excusez du peu. « Ce que j’aime, c’est que le personnage de Tuco est le loser des trois. Il est toujours là, passe toujours au travers des balles ». Vous vous souvenez de la phrase mythique : « tu vois, le monde se divise en deux catégories, ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent » ? Tuco est celui qui creuse...
Le fameux « hamster ouachon ».
10 ans qu’il développe et approfondit le concept des manimals... Pourquoi ce thème ? Pourquoi le pochoir ? Eh bien… Temps suspendu. Tuco pense. Les manimals sont une sorte d’hommage à la série Blacksad (bande dessinée policière et animalière) qu’il lisait ado, mais ce n’est pas que ça. « Ces créatures que je nomme manimals peuvent interroger ou tout simplement étonner le passant. Que font les manimals dans ces constructions urbaines ? Que pensent-ils de nos villes modernes, eux les sauvages en opposition au béton qui les entoure ? Que pensent-ils en nous observant et que pensons-nous en les regardant ? Les manimals sont universels. Ils s’adressent à tous, enfants comme adultes. Ils sont aussi séduisants que dérangeants. L’essentiel est qu’ils surprennent ». Quant au pochoir… Le graphisme plaît à Tuco, tout simplement. « Ça permet de faire beau, sans être un grand dessinateur ». Il fonctionne comme ça, en se laissant porter par l’esthétique et l’intuition. Il tâtonne et façonne.
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Tuco colle pour partager. Il sème ses créatures comme autant de petits cailloux qui le conduisent aux autres.
Il a pris cher, Kelly Slater.
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« Quand on tire, on raconte pas sa vie ». Là aussi, référence spaghetti. Tuco ne se montre pas. Vous pensiez voir son visage, c’est raté, pas pour cette fois. Pour vivre heureux, il vit caché. Volonté d’avancer masqué ? Même pas. « Je ne veux pas être pris en photo. Pour moi, ce sont les dessins qui priment, pas l’artiste. Il y a un parallèle avec le comédien. Il joue un personnage, il n’est pas le personnage. Moi c’est pareil. L’œuvre, ce n’est pas moi. Je veux que l’on regarde mes créations sans penser à leur auteur ». À propos d’auteur… Street artist ou pas ? Précision lexicale : le street art réunit les formes d’art réalisées dans la rue ou dans des lieux publics. Il regroupe le graffiti, la peinture, l’affiche, le collage, le
sticker, la mosaïque et… le pochoir. L’art urbain investit l’espace public et offre au plus grand nombre une œuvre fugitive. Tuco est de cette veine : il colle pour partager. Il sème ses créatures comme autant de petits cailloux qui le conduisent aux autres. S’il part en voyage, il emmène une pièce. Il la colle sur un mur ou la place dans le décor, en quête d’un nouveau public. « J’aime créer des contacts avec des gens qui ne me connaissent pas ». Il colle pour échanger et occuper l’espace public, sans imposer. Il colle pour interpeller, amener les passants à se parler, comme ces petits dessins à hauteur d’enfants, qu’eux seuls pourront voir. Ils raconteront à leurs parents. Son leitmotiv : le lien social, le collectif. L’art
L’atelier de Tuco, à Chalon.
urbain se donne et Tuco donne. Il craint le street art, devenu selon lui trop institutionnel. Autrefois caché, non autorisé, non sponsorisé, il s’est officialisé. Tuco aime le béton, le péquin et le commun, la gratuité. « J’ai du mal avec le street art, avec l’idée même d’associer exposition et street art. Pour moi, l’art urbain, c’est de la décoration de rue, totalement éphémère. La galerie, c’est un autre travail. J’ai exposé dans des galeries parce qu’on me l’a proposé. C’est intéressant parce que ça engage une réflexion qu’on n’a pas dans la rue. J’aime ça, mais je reviens toujours à mon atelier et à la rue parce que c’est l’essence du truc ». Son atelier, nous y étions justement. « C’est mon repère ultime et secret. Un garage où se mélangent les dessins de mes enfants et les miens, où j’amasse tout un tas d’objets, souvenirs de différentes expériences de ma tendre enfance jusqu’à maintenant ». Tuco nous parle, de sa technique, de son travail. À partir d’un dessin original, il réalise deux œuvres, pas plus. Les visuels ne seront pas dupliqués. Vous ne trouverez pas de séries du même personnage. Pochoir oui, production de masse non. Il nous raconte la conception des visuels, les matrices, le découpage au cutter, la peinture, la scie sauteuse, la bombe et le collage. La succession de pochoirs, la superposition de 7 couleurs différentes pour créer des effets de dégradé... mais le process ne compte pas. « Je suis content de mes matrices, je trouve que ce sont de beaux objets, mais je ne veux pas faire ressortir la technique. J’aimerais presque que les gens ne sachent même pas que c’est du pochoir ». Alors nous vous parlerons de l’atelier où des successions de bombes agencées comme des soldats de plomb côtoient les matrices déjà utilisées, les projets en cours et les dessins de ses débuts. Tuco garde tout. Des premiers pochoirs sur carton aux œuvres sculptées en bois. On lit entre les lignes le chemin parcouru et les personnes rencontrées. Les personnages des pochoirs, les corps des manimals, sont extraits de photographies prises, de-ci de-là. En regardant ses pochoirs, c’est eux que Tuco voit, c’est à eux qu’il pense.
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Concours de vapoteuse.
« Pour moi l’art urbain c’est de la décoration de rue, totalement éphémère. La galerie, c’est un autre travail »
« Je les connais tous. Je peux raconter la vie de tous ces corps. Ils représentent tous quelque chose pour moi. Ici, par exemple, c’est un spectateur assis à Culles-lesRoches ». La galerie de personnages entoure Tuco l’humaniste. Dit naïvement, il aime les gens. À travers ses collages dans la rue, il cherche à parler du plus grand nombre au plus grand nombre. « Je suis dans l’anti Che Guevara ». La photo d’Alberto Korda est devenue pochoir et a été dupliquée sur des milliers de supports. « Je veux parler des gens comme toi et moi ». C’est ce que nous disent ces personnages dispersés dans l’atelier. Des postures nonchalantes, des quidams qui marchent, se posent, avancent, vivent. Petites scènes du quotidien réinterprétées. Pas de revendication, juste une proximité avec le public. Le message tient en un mot : partage. Ajoutons : populaire. L’art accessible, à portée de tous et de toutes les bourses.
10 ans de Tuco, 10 ans de manimals, d’ascension artistique, de sa cave aux galeries parisiennes. Il expose, anime des ateliers pour des adolescents, participe à des résidences d’artistes, à des actions caritatives (vente de skates customisés au profit d’enfants des rues), collabore avec des collectifs d’artistes. Et maintenant ? Maintenant, l’heure du changement ? « C’est peut-être le moment d’abandonner (au moins temporairement) mes amis manimals. Tenter autre chose, voir comment ça peut tourner, plaire ou ne pas plaire… et surtout de collaborer avec un ami pour raconter une nouvelle histoire ». Le manimal laissera prochainement sa place à un nouveau concept ultra-confidentiel. On ne vous en dira rien, mais on se dit rendez-vous dans 10 ans, même jour, même heure, même pomme. // E.L. Il a pris cher, Tony Hawk.
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Jurassic Parcs Par Augustin Traquenard et Édouard Roussel, à Poligny Photos : Édouard Roussel
Dans le Jura, pros et antis s’affrontent à propos du projet de construction d’un Center Parcs. La région sera-t-elle bientôt transformée en une Notre-Damedes-Landes à la sauce Comté ?
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Dirty Jura.
Poligny
ICI
Barretaine
Plasne Champagnole
Lons-le-Saunier
Bon plan champignons à 50 mètres après ce panneau, à droite.
C
ascades, lacs gelés, campings squattés par des Hollandais, chiens de traineau, paysages champêtres, champs de gentiane. Le Jura. Une destination où les vacanciers et les locaux sont moins snobs que dans les Alpes. Pour la baignade, ciblez une période très estivale ou alors soyez fan de cryothérapie, le climat est parfois rude. Mais tout cela pourrait changer. Installations sportives au top, bulle tropicale, piscine intérieure à vagues, toboggans géants, lagon extérieur, le tout chauffé à 29° toute l’année, et un petit cottage peinard pendant une semaine, dans la région de Poligny. Le cousin qui fait le malin à Courchevel va enfin arrêter de chambrer lorsqu’on lui dira qu’on part en vacances dans le 39. Reportage au cœur du nouveau projet de Pierre et Vacances, à Poligny.
400 cottages, un Aqua Mundo et 63.000 touristes attendus à l’année. « Ici, on est aux premières loges quand la nature s’éveille » promet la brochure qui en vante les multiples qualités. Un Center Parcs comme celui qui pourrait voir le jour à Poligny, est un village de tourisme construit ex-nihilo au beau milieu d’une
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a été : quel accès, quel approvisionnement en eau, quel assainissement ? Ensuite, quand on s’est renseigné sur Center Parcs, on s’est tout de suite dit : ça n’a rien à foutre ici », explique Laurent Gaudin, membre de l’asso. forêt. Les clients sont logés dans des cottages en bois tout équipés : télé à écran plat, cheminée ouverte, une cafetière NESCAFÉ Dolce Gusto (option Premium) et terrasse privée avec mobilier de jardin (seulement pour l’option VIP, déso). Pour se divertir pas besoin d’aller bien loin : tout est sur place : des boutiques, des restaurants et des loisirs à foison. Pour parachever ce jardin d’Eden une vaste serre tropicale, ce que Pierre et Vacances appelle un ‘‘Aqua Mondo’’, lieu de débauche aquatique avec une piscine à vague aux fragrances chloré, des toboggans géants, une ‘’rivière sauvage’’ artificielle, des jacuzzis et le tout chauffé à 29° toute l’année, bref… Bora Bora transplanté dans le Jura. Sur les hauteurs de Poligny, sur la commune de Plasne, on a donc l’idée de construire un « petit » Center Parcs. 400 cottages quand même, un Aqua Mundo et 63.000 touristes attendus à l’année. Evidemment, tout le monde dans la région n’est pas prêt à accueillir Pierre et Vacances comme le messie. Les opposants locaux créent dès 2014 une association, Le Pic Noir, en référence à un volatile présent dans la forêt de Poligny. « Quand on te dit qu’on va te mettre dans une forêt l’équivalent de 2.000 habitants, alors que Poligny en compte 4.500, notre questionnement
« Il y a 22.000 hectares de forêt entre Poligny et Champagnole, et on va en couper 4 ? Je ne vois pas où est le problème. » Dominique Bonnet, Maire de Poligny. Dans plusieurs lieux en France, les projets immobiliers à visée touristique de Pierre et Vacances sont remis en question. À Chambaran-enIsère, au Rousset en Saône-et-Loire, des militants luttent contre les projets de Center Parcs. Et les opposants font feu de tout bois : mise en péril des espèces protégées, impact sur les rivières classées en réservoir biologique, privatisation de biens communs publics d’usage libre et collectif, gaspillage d’argent public, mensonges et pressions de certains élus, désinformation politique sous couvert de développement durable et de création d’emplois, profits à court terme réalisés au détriment de petits investisseurs, niche fiscale abusive... La liste des griefs est longue selon les associations sur les différents lieux de projets d’implantation. Gérard Brémond, le PDG du groupe Pierre et Vacances, est accusé de lobbying et de copinage avec les politiques. Ce poids lourd de l’industrie touristique est à la tête d’un des plus grands groupes d’Europe avec plus de 300 sites,
une fortune estimée à 170 millions d’euros, une cotation au CAC 40 et des visées sur le marché chinois. Bref, un mastodonte du tourisme de masse. Pas vraiment du goût des adhérents du Pic Noir, qui prônent le développement d’une économie sociale et solidaire. Face aux inquiétudes d’une partie de ses administrés, Dominique Bonnet se veut rassurant : « l’intérêt d’un tel projet, c’est la création d’emplois, 500 pendant la phase de travaux et 300 par la suite. Les gens du Pic Noir, ce sont des gens biens, des gens sensés, mais on est en présence d’un produit noble, pas d’un produit de destruction ! Center Parcs, c’est de l’innovation, de l’investissement. On peut critiquer ce modèle et brandir des slogans, mais Pierre et Vacances se présentent comme des faiseurs. » La déforestation ? « Il y a 22.000 hectares de forêt entre Poligny et Champagnole, et on va en couper 4 ? Je ne vois pas où est le problème. » Chez les opposants, autre son de cloche. Laurent Gaudin, le militant du Pic Noir: « Aujourd’hui sur la planète, certains font des kilomètres pour trouver de l’eau potable et nous on pisse dedans ? En quatre ans, j’ai rencontré beaucoup d’élus et aucun n’a pu me dire que ce projet est éthiquement bon ». À l’argument de la création d’emplois, on oppose le fait que les embauches concerneront surtout des temps partiels, du travail peu qualifié et précaire. Comble, la région ferait face à une pénurie de main d’œuvre pour ce type d’emplois. Les emplois liés à la construction de l’édifice poseraient également problème. « Les entreprises ont du mal à faire face à la demande locale, comment pourront-ils satisfaire aux contraintes inhérentes à un tel chantier ? » Concernant les retombées économiques sur les commerces locaux, « on sait bien que les touristes d’un Center Parcs ne sortent pas de l’enceinte, à part pour faire le plein d’essence ».
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Street art du Jura.45
Center Parcs sera à l’emplacement exact de cet arbre.
Brémond, le PDG de Pierre et Vacances, est le champion du financement participatif des collectivités de ses projets immobiliers. Un des points d’échauffement porte sur le montage financier de l’opération. Brémond, le PDG de Pierre et Vacances, est le champion du financement participatif des collectivités de ses projets immobilier. Parfaitement décortiqué dans l’ouvrage de Hervé Bellimaz (Pierre et Vacances, une machinerie pour quoi, pour qui ? 2017) le système Brémont est « un captage brutal des finances publiques qui est en inadéquation avec l’intérêt général ». Car ce sont bien les collectivités qui doivent apporter aux portes du parc les réseaux tels que l’eau, l’électricité, le téléphone, la fibre optique, les routes et tout le système d’assainissement. Une petite combine, presque un chantage, que Pierre et Vacances répète sur chacun de ses projets. Tout cela est parfaitement légal, la loi a été écrite pour eux ; c’est sans risque et d’une très grande rentabilité. Pierre et Vacances achète le
terrain, mais la construction de l’Aqua Mundo et les travaux d’aménagements sont à la charge des collectivités. Les cottages, eux sont achetés par des particuliers comme investissements locatifs meublés. In fine, Pierre et Vacances n’apporte que 20% de la mise de départ. Même Claude Brevan, présidente de la commission particulière du débat public, a trouvé ce montage financier « relativement complexe ». Mais Dominique Bonnet, le maire de Poligny, là encore, tente de nous rassurer : « Pour la construction de l’Aqua Mundo qui coûte 70 millions d’euros, l’idée est de constituer une SEM (Société d’économie mixte) avec le conseil régional, la communauté de communes, la Caisse des dépôts et des banques privées. Ce n’est pas une subvention car Center Parcs s’engage à verser un loyer de 5 millions d’euros par an. En 14 ans, l’investissement est remboursé. Pour les cottages, ils sont achetés par des particuliers, au total, le projet coûte 200 millions d’euros. » Mais, pour les détracteurs du projet, la justification de ce drôle de montage, qui vise à ce que la SEM achète la « bulle » à Pierre et Vacances, repose sur l’incapacité de ce dernier à financer lui-même ses propres projets, le groupe accumulant une dette de quelques 110 millions d’euros sur les quatre derniers exercices. Au niveau du conseil régional, seuls 4 élus (PS) se sont positionnés contre le projet. Marie-Guite Dufay, la présidente de la région BFC, garde une certaine réserve mais se dit néanmoins intransigeante sur les garanties écologiques que Pierre et Vacances devra s’engager à prendre.
Ni Pierre, ni Vacances. Au Pic Noir, on alerte tout de même sur l’absurdité du choix du lieu. Certes, la forêt choisie n’a pas un intérêt écologique particulier, c’est une forêt jeune qui est exploitée pour la production de bois, mais sur le plateau
Dominique Bonnet, maire de Poligny.
où est implantée la foret, la nature du sol est karstique, on ne trouve pas d’eau, certains villages en manquent. Il faudra l’acheminer, le ruissellement sur un sol calcaire est important, on le voit avec l’agriculture, cela pose des problèmes de pollution de la Loue. Évidemment, le syndicat des eaux a tout intérêt à ce que le projet se fasse, les collectivités vont payer l’acheminement depuis Poligny ou Arbois et la consommation va générer une manne financière. Même chose pour l’assainissement, le paiement se fera au mètre cube. Face à ce qu’il considère comme une menace et une aberration, la stratégie du Pic Noir est assumée : faire traîner les choses, épuiser les procédures légales pour qu’au final, on enterre le projet. Ayant essuyé plusieurs revers dans différentes régions pour cause d’absence de débat public, Pierre et Vacances joue la carte de la consultation. À Poligny, les opposants ont saisi l’opportunité. Attale Motet, agricultrice à Plasne et militante au Pic Noir : « Ils ne s’attendaient pas à se voir opposer un tel niveau de compétence, on a fourni un gros travail et on s’est vite aperçu que le projet était mal ficelé. » Le Plan local d’urbanisme (PLU) devant permettre la construction du Center Parcs a été contesté d’abord à l’amiable puis en contentieux. Si le PLU est finalement validé, il restera la question des autorisations, de l’approvisionnement en eau, de la biodiversité, il faudra sortir la parcelle du régime forestier.
« Quand on te dit qu’on va te mettre dans une forêt l’équivalent de 2.000 habitants, alors que Poligny en compte 4.500, notre questionnement a été : quel accès, quel approvisionnement en eau, quel assainissement ? » Les militants anti Center Parcs. « En étant optimiste, nous confie Laurent Gaudin, je dirais que la vapeur se renverse un peu. La nouvelle communauté de communes ne voulant pas nous recevoir, on va voir les maires des communes du coin qui sont en fait très peu au courant du projet. Tous tiennent le même discours : je n’irai pas passer mes vacances dans un truc pareil Stone et Charden. Non, je déconne! Attale et Laurent de l’association Le Pic Noir, contre le Center Parcs.
mais la population n’a pas l’air opposée et la mairie de Poligny dit que c’est un bon projet, alors pourquoi pas. » Quand on leur explique les détails, on voit qu’il y a quand même une inquiétude. Du côté de la population, le projet peut paraître clivant, il existe des pros et des antis Center Parcs, mais aussi une grande partie de la population qui ne se sent pas concernée. Atalle Motet a la conviction que le projet sera abandonné : « Le débat public a pas mal flingué le projet et vous savez où on est là ? La Franche-Comté c’est le pays du mutualisme, de la coopération, du faire ensemble, et ils veulent nous imposer un truc pareil ? » Face au dynamisme du Pic Noir, la mouvance pro Center Parcs peine à s’organiser de façon citoyenne. Récemment, une page Facebook Center Parcs Poligny Je dis Oui et une association de soutien ont tout de même été créées au mois d’avril dernier. Pour le Pic Noir, « c’est de l’esbroufe, une coquille vide téléguidée par le maire de Poligny. Le problème c’est qu’ils ont la presse avec eux et donc une visibilité exagérée. Ils sont carrément à la traîne, pour pouvoir saisir la justice, une association doit exister depuis au moins 18 mois ». Dominique Bonnet réfute. « C’est la fédération du bâtiment qui est à l’origine de cette association de soutien, pas moi ».
« Le spectre de la ZAD, beaucoup sont dans les starting-blocks, ils n’attendent que ça ». Laurent Gaudin, membre du Pic Noir, association anti Center Parcs. Entre la stratégie du Pic Noir et le lobbying de la société Pierre et Vacances, on est donc dans l’incertitude sur l’évolution de l’implantation du Center Parcs à Poligny. Alors, si le projet démarre, va-t-on se diriger vers une ZAD et un conflit à la Notre-Dame-des-Landes ? Si le Pic Noir, comme le précise Attale Motet, agit en toute légalité dans le respect du débat républicain, d’autres semblent d’ores et déjà prêts à en découdre. Des collectifs, notamment le CJOCP (comité jurassien d’opposants au Center Parcs), représentent la ligne dure. Ne souhaitant pas débattre avec les élus, accusant même le Pic Noir de compromission lors du débat public, les activistes pourraient se mobiliser très vite en cas de feu vert pour le début des travaux. Selon Laurent Gaudin, « beaucoup sont dans les starting-blocks, ils n’attendent que ça. Nous, au Pic Noir, on ne souhaite pas en arriver là, mais si le projet se fait, on ne s’interdit pas de rentrer dans des actions plus radicales. » Pendant qu’à Poligny deux visions du monde s’affrontent, ce qui finira peut-être en une baston générale, les locaux et les touristes continuent à acheter du Comté et à se rincer le gosier avec un verre de Savagnin. L’Aqua Mundo dans le 39, ce n’est pas pour tout de suite. En attendant, les slips de bain seront quand même de sortie cet été pour squatter les plages des lacs de Chalain, Ilay, Narlay et Grand Maclu. Et ça c’est plutôt rassurant. // A.T. et E.R.
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Par Sophie Brignoli Illustrations : Mr. Choubi
NE PAS AVALER Comment la pilule, symbole de la libération des femmes dans les années 70 et moyen de contraception vedette pendant de nombreuses décennies, est-elle devenue aujourd’hui un objet de défiance pour certaines femmes ? Éléments de réponse à travers les témoignages d’utilisatrices et de professionnelles de santé de la région.
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« La pilule je l’ai prise pendant 16 ans sans interruption et sans me poser de question. Et puis un jour, parce que j’étais fumeuse et célibataire, j’ai décidé d’arrêter pour voir... Le changement a été brutal mais salvateur, et malgré le retour de l’acné, des cheveux plus gras et des cycles déréglés à 30 ans passés, cette décision m’a permis de reconnecter mon corps et ma tête, de les faire dialoguer à nouveau. Comme si j’étais enfermée depuis tout ce temps dans une sorte de prison hormonale. Comme lorsqu’on arrête la cigarette. On retrouve une certaine forme de lucidité, de simplicité aussi. » À 33 ans, Diane*, installée à Dijon, semble avoir retrouvé une certaine sérénité en mettant un terme à des années de contraception hormonale. Selon une étude de l’agence nationale de santé publique publiée en 2017, elles seraient un million et demi de Françaises à avoir arrêté la pilule au profit d’autres méthodes ces six dernières années. Cinquante ans plus tôt, le 19 décembre 1967, la loi Lucien Neuwirth autorisait la fabrication et l’importation de contraceptifs en France. Utilisée par 5% des femmes dès 1968, la pilule hormonale s’est imposée comme le premier moyen de contraception des Françaises grimpant jusqu’à 57% en 2000. Pourtant, elle connaît depuis 15 ans une certaine désaffection qui s’est accélérée depuis le scandale des pilules de 3ème et 4ème génération en 2012. Sur les blogs féminins, en guise de statut sur les réseaux sociaux et dans les cabinets de leurs médecins, certaines femmes remettent en cause ce moyen de contraception au point de le délaisser au profit d’autres méthodes alternatives. Jugée à la fois trop contraignante, trop dosée en hormones, mais aussi, bien souvent, loin de leurs parcours de vie et de leurs préoccupations, la pilule ne fait plus l’unanimité.
Selon une étude de l’agence nationale de santé publique publiée en 2017, elles seraient un million et demi de françaises à avoir arrêté la pilule au profit d’autres méthodes ces six dernières années.
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* Le prénom a été changé.
Le rapport bénéfice/risque. À la tête de la Protection maternelle infantile (PMI) d’Auxerre depuis 11 ans, le docteur Eva Saute-Guillaume est aussi directrice de la PMI de l’Yonne, regroupant 8 centres sur le département. Au contact quotidien d’adolescentes en pleine découverte de leur sexualité, la prescription de la pilule est, pour elle, une évidence : « La contraception orale est efficace, le rapport bénéfice/risque est bon et les contre-indications chez les jeunes sont très rares. C’est aussi beaucoup plus facile que la pose d’un implant ou d’un stérilet ». Longtemps réservé aux femmes ayant déjà eu des enfants, le recours au dispositif intra-utérin (DIU) est depuis 2004 pourtant recommandé par la haute autorité de santé aussi chez les nullipares, les femmes n’ayant pas encore eu d’enfant. Reste que son utilisation, qui augmente doucement depuis 10 ans, est encore très limitée. Virginie, jeune généraliste trentenaire travaillant en campagne dans le 71, l’explique ainsi : « les pratiques évoluent doucement et les généralistes se réapproprient petit à petit cet acte de poser un DIU. Dans le milieu rural il y a une vraie demande pour d’autres contraceptifs, souvent motivée par une remise en cause des hormones en tout cas sur nos générations et les plus jeunes, assez peu chez les femmes plus âgées. » Mais alors comment, dans la formation des futurs médecins est abordé le chapitre contraception ? « J’ai eu un stage de gynéco-pédiatrie de 6 mois, entre consultation en pédiatrie et planification, mais je n’ai reçu aucune formation aux gestes techniques. J’ai posé deux DIU dans ma vie et j’ai dû regarder sur Internet comment faire. Pareil pour les implants, je me suis formée sur le tas ». Peu familiers des techniques de pose de ces moyens de contraception alternatifs (stérilet cuivre non hormonal) ou nouveaux (implant), la plupart des médecins reste très frileuse quant à leur pose : « ça implique moins la responsabilité du médecin de donner la pilule que de poser un stérilet, s’il y a un problème au niveau du geste technique. Ensuite, notre formation reste très théorique, on est encore formés par les vieilles générations qui restent très ‘pilule-centrée’, mais aussi très centrées sur la sexualité masculine ». Derrière l’administration de la pilule, l’épouvantail IVG. La médecin le reconnaît d’ailleurs aussi volontiers. Difficile de parler de tout – de surcroît de contraception – quand une patiente vient consulter pour une angine... Lorsqu’on évoque avec elle les effets potentiellement indésirables de la pilule (saute d’humeur, prise de poids, migraine, pollution...), elle rappelle que « pour chaque médicament, la liste des effets secondaires potentiels est longue comme le bras, on ne peut pas tout aborder. Nous
nous intéressons d’abord au caractère pathologique ; la pilule vient prévenir avant tout un élément indésirable qu’est la grossesse non désirée. » Ce lien entre IVG et contraception a été soulevé par toutes les praticiennes que nous avons rencontrées pour ce sujet. Pour Myriam Borel, sociologue et autre trentenaire, actuellement en pleine rédaction d’une thèse sur un sujet voisin, « l’IVG est toujours pensé comme un échec de la contraception par les professionnels de santé, alors que d’une part, le nombre d’interruptions est stable depuis des décennies en France et que d’autre part, les moyens de contraception se développent ». La corrélation entre les deux ne serait donc pas si évidente, bien que la contraception reste envisagée par la plupart des médecins comme le moyen le plus efficace pour éviter d’avoir recours à cette procédure, expliquant en partie, l’administration quasi-automatique de la pilule. Prends la pilule et tais toi. « À 16 ans, ma mère m’a envoyée en consultation. Je n’allais d’ailleurs pas chercher un moyen de contraception, j’allais chercher directement la pilule. On m’en a donné une de 3ème génération, sans me proposer autre chose, on ne m’a rien dit » explique Virginie. Même chose du côté de Barbora, interne de 27 ans d’origine tchèque et installée en France depuis 2013 : « on se posait pas trop la question non plus, la pilule, c’était le plus sûr, le plus facile et tout le monde le faisait. Et puis c’était un peu la solution à tout : les règles douloureuses, l’acné, l’endométriose... » Sous pilule dès l’âge de 17 ans, Barbora décide de l’arrêter à 21 ans suite à sa séparation avec son copain de l’époque, elle ne l’a jamais reprise depuis. « L’arrêt de la pilule m’a bouleversée, je me souviens avoir retrouvé l’énergie que j’avais eu à 15/16 ans, comme si je m’étais réveillée, physiquement et psychiquement. Sous pilule, j’étais tout le temps pareille, comme aplatie émotionnellement. » En quête de bien-être et recherchant des méthodes plus naturelles, les témoignages de femmes ayant arrêté la pilule au profit d’autres méthodes abondent sur la toile. Hausse de la libido, reconnexion avec leur cycle et de façon plus globale leur féminité, pour certaines femmes cet arrêt est vécu comme une libération, une véritable prise de conscience aussi. Ce phénomène naissant dont les femmes parlent en consultation à leur médecin mais aussi sur Internet met en lumière de nouvelles pratiques, autrefois défendues au sein des plannings familiaux. « En Bourgogne, il ne reste plus qu’un seul planning familial à Chalon-sur-Saône alors que d’autres antennes de cette association féministe militante sont très actives et mieux soutenues par les politiques en France. Par opposition, on trouve de nombreux centres de planification (PMI) dans notre région qui, eux, de fait, sont institutionnalisés et portent un discours plus volontiers médical, et donc raccord avec la vision qu’ont les professionnels de santé de la contraception et de l’IVG. Leurs équipes sont constituées en partie de médecins, ce qui n’est pas le cas au planning où l’on trouve une conseillère conjugale et familiale et des bénévoles. Il y a une vraie polarité entre les deux structures notamment au niveau
«
À 16 ans, ma mère m’a envoyée en consultation. Je n’allais pas chercher un moyen de contraception, j’allais chercher directement la pilule. »
Virginie, médecin
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de l’indépendance statutaire, la liberté de pouvoir parler féminisme et la posture ‘éducation populaire’ qui prône une autre approche dans les interventions auprès des jeunes favorisant l’expression libre » précise Myriam. Les femmes se font donc directement le relai de ces alternatives, se réappropriant par la même occasion cette question cruciale du choix de leur contraception et plus largement de leur sexualité. De nouveaux professionnels de santé font bouger les lignes. Les nouvelles générations de médecins qui s’installent sont aussi plus à l’écoute des besoins et des aspirations de leurs patientes. « Avec le déficit de gynécologues-obstétriciens en campagne, nous sommes amenés à pratiquer de plus en plus d’actes gynécologiques. Cela s’explique aussi par le fait que nous sommes plus accessibles financièrement mais aussi au niveau du délai de prise en charge. Ces nouvelles demandes nous forcent à actualiser nos connaissances en matière d’évolution des moyens de contraception » s’enthousiasme Virginie. Quant à Barbora, la future généraliste, elle compte bien proposer à ses patientes différents moyens de contraception et pas uniquement la pilule : « les gens veulent être heureux et c’est aussi vrai pour les femmes qui souhaitent désormais vivre pleinement leur féminité. Si, un jour, une jeune fille me demande la pilule, je respecterais son choix mais je prendrais également soin de lui proposer des alternatives ». L’existence de cercles de discussion de femmes, notamment à Dijon, va également en ce sens. Le partage d’informations entre elles étant la première étape vers une meilleure connaissance des moyens de contraception disponibles, leur permettant ensuite de faire un choix en toute conscience. Car l’hégémonie de la pilule vient aussi du tabou que représente la sexualité féminine dans son ensemble. Il a fallu attendre la rentrée des classes de septembre 2017 pour que les collégiens découvrent pour la première fois dans les manuels de biologie la représentation réelle du clitoris, qui n’est plus juste un point sans nom mais, bel et bien, un organe entourant le vagin et dédié au plaisir. Bien évidemment, cette question de la contraception féminine reste toujours éminemment politique, 50 ans après sa légalisation. On pourrait aussi s’interroger sur le nonremboursement du préservatif, 2ème moyen de contraception derrière la pilule chez les 15-17 ans, permettant de se prémunir des maladies sexuellement transmissibles et du risque de grossesse non désirée. Ou aussi se demander pourquoi, les moyens de contraception masculins sont si peu développés en France, alors que dans d’autres pays comme le Mexique et la Chine, la vasectomie est pratiquée sur respectivement 49 % et 34 % des hommes. Elle concerne 15 à 20 % des hommes au Royaume-Uni et aux Pays-Bas.
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Autorisée en France depuis 2001, la stérilisation contraceptive ne peut intervenir qu’après un délai de réflexion de quatre mois. Alors que la procédure de stérilisation en elle-même dure environ 15 minutes, et nécessite seulement une anesthésie locale. En France, ils sont près d’un millier à avoir fait ce choix ! C’est dire le poids des vestiges d’une longue politique nataliste française. // S.B.
L’hégémonie de la pilule vient aussi du tabou que représente encore la sexualité féminine. Il a fallu attendre 2017 pour que les collégiens découvrent pour la première fois dans les manuels de biologie la représentation réelle du clitoris, qui n’est plus juste un point sans nom.
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L'AVENTURIER DE L'ARCHE PERDUE
On a rencontré Vincent Ganivet, un sculpteur de l’absurde et de l’éphémère fraîchement installé dans le Charolais à Paray-le-Monial en Saône-et-Loire. Une belle journée de printemps, à la cool, dans le vaste atelier de cet artiste invité dans toute l’Europe en particulier pour ses arches monumentales. Entretien.
Par Cédric De Montceau, à Paray-le-Monial Photos : Cédric De Montceau et book de Vincent Ganivet
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S
i le temps et l’espace nous rappellent régulièrement la vanité de notre existence, la gravité, c’est le défi ironique de l’homme. Son jouet tangible pour mettre en scène l’implacable et l’impossibilité de l’éternité. L’absurde, c’est la clé de voûte où opère délicatement la fragilité de la poésie. Les lois de la pesanteur n’ont pas de juges ni d’avocats, que des esclaves. Ton travail est très plasticien, t’es dans le matériau pur. Oui, j’aime donner matière à voir et éventuellement à réfléchir, je ne suis pas dans le conceptuel, ma pratique n’est pas engagée, elle est intemporelle quelque part. Je ne suis pas un raconteur d’histoires… Enfin, sinon, je serais certainement sur une scène de rock & roll en fait. C’est une envie cachée ? Certainement, si je fais des choses monumentales, il doit bien y avoir des raisons psychanalytiques derrière tout ça. Mais bon ça ne m’intéresse pas spécialement. Ce qui m’intéresse, c’est de faire. Les idées me viennent en manipulant. Ma recherche commence toujours par une pratique. L’artisanat et l’industrie sont une source d’inspiration intarissable. Pourquoi les arches ? C’est une obsession ? Par la force des choses, c’est devenu une obsession mais au départ c’était un jeu. Ce qui m’intéressait, c’était de détourner un matériau de plus comme je l’ai souvent fait, à savoir le parpaing, pour en déployer des courbes là où il est plutôt fait pour des constructions rectilignes. Je suis parti de ce contrepied, et de fil en aiguille je suis tombé sur la forme de l’arche funiculaire qui est une forme particulièrement fascinante pour ses propriétés d’équilibre plus ou moins instables. En découvrant ton travail, je me suis demandé si tu ne trichais pas. Puis j’ai eu la preuve que non en voyant certaines de tes sculptures effondrées. Tu assumes cette fragilité ? Il y a un risque pour les spectateurs finalement. Bien sûr et d’ailleurs c’est souvent moi qui l’ai rappelé aux curateurs qui m’invitaient et qui aimaient bien voir les spectateurs passer sous les structures. Aujourd’hui avec quelques années de pratique, j’interdis formellement de passer dessous alors qu’au départ c’était possible, mais c’était de l’inconscience... Sinon, par rapport au trucage, y’a des structures que je renforce quand même mais je tiens à ce que ça se voit. Elles sont en béton armé quand j’ai des commandes publiques, et quand il s’agit de travailler dans l’espace public, je ne peux plus m’amuser avec mon château de cartes comme dans un musée. Dans l’espace public, les structures sont scellées. Dans le musée j’utilise des parpaings creux, je laisse voir tout le système ; quand la structure est bétonnée, tout ça disparait sous le béton. Du coup le but change et
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j’ai mis du temps à passer au domaine public, à la structure pérenne, parce qu’au départ ça me paraissait antinomique avec ma pratique de l’éphémère et de ce fameux château de cartes. Bon, après dix ans de pratique, je ne te cache pas que c’est assez stressant de penser que ça peut éventuellement se casser la gueule avant la fin de l’exposition. Quelque part je dois admettre que c’est assez gratifiant d’imaginer qu’une oeuvre peut me survivre, du coup je ne m’interdis plus de renforcer mes systèmes. Je considère que les courbes, les formes que j’ai obtenues dans le cadre des musées étaient mes travaux de recherche. Ce que j’expose dans le domaine public aujourd’hui sont les formes définitives, plus abouties et plus sécurisées. L’arche est une forme très référencée architecturalement. C’est une vraie technique ancestrale. Tu revendiques des maîtres ? Mon influence principale c’est Youtube et la communauté des bricoleurs avec leurs trucs et leurs astuces. J’utilise les techniques de cintres et de leviers. Évidemment, avec les arches, j’ai commencé par faire beaucoup d’essais et donc beaucoup d’échecs. Et c’est sur les conseils d’un vieil historien de l’art que j’ai commencé à m’intéresser un peu plus au travail d’Antoni Gaudí. C’est de lui que j’ai repris le fameux système de tracé à la chaînette. En fait, mes structures, il faut les imaginer à l’envers, pendues au plafond de l’atelier. Cette méthode n’appartient pas à Gaudí, c’est ancestral, il a juste déployé cette façon de faire à plus grande échelle. Je revendique cette influence pour l’aspect ingénieur plutôt que pour l’aspect Art Déco. Ce qui est fascinant, c’était sa manière de gérer les chantiers. Il commençait ses chantiers sans avoir de plans ! Il dessinait au fur-et-àmesure de l’avancement des travaux, ce qui est inconcevable aujourd’hui... Personne ne financerait ce genre de chantier.
En petit dans la cuisine.
En grand au Havre.
Au Havre, tu as mis en place une énorme structure qui n’est pas passée inaperçue tant par les matériaux utilisés que par sa couleur. LGBT friendly ? Ce n’est pas pour me déplaire mais en tant que sculpteur je n’ai pas vraiment de pratique de la couleur. Mes arches avant étaient monochromes, elles étaient en parpaings ou en briques. Là, j’ai utilisé le container brut, ceux qu’on voit
« Ici je m’estime en grande banlieue parisienne, c’est juste un peu plus de RER… C’est plus calme, c’est plus vert, et ça, ça fait vraiment du bien » 55
Alien, le 8ème passager. Range ta chambre, Ganivet.
Ah mais ça c’est chouette, je suis pour ! Mais si ça doit représenter quelque chose, ce serait plutôt le monde contemporain. Quand on m’a invité au Havre, j’ai trouvé naturel de travailler sur place avec ces grosses briques locales. D’ailleurs, je ne me rendais pas compte à quel point je touchais un symbole cher aux Havrais. Finalement toutes les familles du Havre, à un moment ou un autre, ont travaillé avec ces containers. Je n’ai pas non plus voulu faire un monument symbole d’une mondialisation heureuse comme j’ai pu entendre par moment… Tu as aussi travaillé avec de l’eau. Quel est le lien avec ce que tu fais maintenant ?
sur les cargos ou sur le port sont colorés. Donc le fait que l’arche soit multicolore, c’était juste une évidence. Des containers bruts mais colorés. Bien sûr j’ai utilisé des containers neufs avec des belles peintures, mais au départ je me suis attaché à ne faire apparaître aucun drapeau ni aucun dégradé. Je me suis attaché à faire disparaître tout ce qui pouvait être anecdotique dans cette arche. On retrouve peut-être les couleurs LGBT mais elles ne sont pas dans l’ordre. Je me suis efforcé d’éviter les séquences type bleu-blanc-rouge surtout et tout ce qui pouvait être identifié à une nation ou une cause. Pour moi il ne fallait surtout pas que ça rentre dans ces domaines-là. Malgré tout, le public s’empare d’une idée qui peut t’échapper.
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C’est un travail de rupture aussi. J’ai commencé à appréhender les formes que l’eau peut prendre en passant une cuillère sous le robinet. Un jour en faisant la vaisselle, je me suis aspergé d’eau. Ensuite j’ai poussé l’expérimentation et j’ai inondé la cuisine. Je continue à travailler ces pistes en photo... J’aime bien les rapprocher de mes arches toujours aujourd’hui parce que ça relève de la même chose : c’est un phénomène naturel que j’essaye de stabiliser. Dans les arches je mets des coins en bois entre les briques, avec les fontaines je construis un équilibre dans l’évier, ça ne tient que le temps de la photo ou de la video. Le parpaing, la brique, l’eau, récemment le container... Il y a d’autres matériaux qui t’intéressent ? Pour les Nuits Blanches à Paris en 2005, j’ai travaillé avec des voitures ! Elles étaient très mal garées mais je n’ai eu aucune amende (rires). Sinon oui, dans la même idée du savoir-faire traditionnel, je m’intéresse à la
« Mon influence principale c’est Youtube et la communauté des bricoleurs avec leurs trucs et leurs astuces » fonderie, j’ai d’ailleurs construit un four il y a quelques temps. Ici en Saône-et-Loire, on est sur un territoire de fondeurs justement. Pour l’instant j’expérimente de la fonte d’aluminium parce que c’est pas cher mais pour le coup je ne vise aucune forme. Je n’ai aucune forme particulière en tête mais c’est la mise en oeuvre du principe qui m’intéresse. Fonte au sable, fonte à l’eau, ça m’amuse beaucoup. La technique t’emmène à la forme finalement, ce n’est pas la forme qui t’emmène sur une technique ?
l’étranger et c’est leboncoin.fr qui m’a fait atterrir ici. Mon assistant Julian Musy est de Montceau-les-Mines, la région ne m’était pas inconnue et en visitant le bâtiment dans lequel on se trouve actuellement je suis tombé sous le charme. La structure en béton des années vingt faite de voûtes, forcément, ça m’a parlé ! Quelque part je me suis acheté mon petit Palais de Tokyo personnel. Je me suis offert un nouveau champ du possible avec ce lieu immense. Ici je m’estime en grande banlieue parisienne, c’est juste un peu plus de RER… C’est plus calme, c’est plus vert, et ça, ça fait vraiment du bien. C’était un bâtiment de levage SNCF. Ici se faisait la maintenance des locomotives vapeur au début du XIXe siècle, c’était à l’abandon depuis vingt ans. Je vis et je travaille ici, j’ai toujours vécu à pied d’oeuvre. Ta formation c’est Beaux-Arts ? Mais en fait t’es un maçon ?
Pourquoi quitter la région parisienne et venir ici ?
Je suis un maçon au noir ! Artisan ou artiste c’est pareil. J’ai pas de CAP, j’ai appris au pied du mur si je puis dire (rires). Comme tous les étudiants des Beaux-Arts, c’est l’école de la démerde. J’ai tout appris par moi-même et je le revendique parce que c’est une façon d’être ouvert à l’expérimentation. Ça me permet d’aboutir à des formes autrement que par les voies convenues. L’arche funiculaire que j’utilise, je suis tombé dessus par accident.
Paris, c’était plus possible à cause de la spéculation immobilière. J’ai cherché des ateliers en France et à
En venant dans le sud de la Bourgogne et en t’installant en milieu rural, tu n’as pas de tentation à
C’est un va-et-vient permanent. En ce moment je me penche aussi sur les robots et les fraiseurs numériques. Ce sont les arches qui m’ont poussé à me pencher sur ces techniques. J’apprends tous les jours.
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La maçonnerie, selon Vincent Ganivet. Tu lui ferais refaire ta baraque, toi ?
travailler plus avec le naturel que le manufacturé ? J’ai déjà repéré des modules intéressants dans le paysage local comme les bottes de paille notamment. J’ai bien conscience en venant par ici qu’il y a plus de matériaux et de moyens de mise en oeuvre. Les gens ont tout ce qu’il faut ici, c’est pas comme en région parisienne. Depuis longtemps, j’entends dire que mon travail a une dimension agricole, je crois que je suis venu le vérifier. Mon travail est plus agricole qu’industriel de par ma façon de tout faire par moi-même. C’est sûr que je me rapproche plus d’un artiste agriculteur que d’un artiste industriel qui, lui, aura plutôt tendance à déléguer. Je fabrique mes outils et je me suis même fabriqué un poêle pour l’hiver. T’as eu du succès avec tes arches, les curateurs et les musées désirent ton travail. Tu comptes rester dans ce giron ? Ah non pas du tout, je fuis ça comme la peste depuis un moment. Pourtant Yvon Lambert (un galeriste et marchand d’art contemporain français. Il a été un des principaux directeurs de galerie d’art contemporain en France, ndlr) s’est sérieusement intéressé à toi. Oui, mais moi pas à lui... Je suis dans sa collection avec une oeuvre de cinq mètres de haut à Avignon. Je l’ai reconstruite deux fois parce que monsieur a voulu la déplacer. Et puis il n’a pas fait grand chose pour valoriser mon travail. Récemment il a fait un don au Centre national des arts plastiques (CNAP), dans ce don il y a mon oeuvre. J’ai écrit au CNAP pour savoir à quelle hauteur est valorisée ma pièce dans la collection. Mais bon j’ai pas la réponse. J’en ai marre d’être au coeur de ce genre de magouilles. Les galeristes ne sont pas des bienfaiteurs ? Mais pas du tout, ils défiscalisent. Pas tous, mais beaucoup. Il y a des bonnes lois en France pour les artistes, les aidant à vendre leur travail. Le problème c’est qu’elles sont complètement dévoyées par ces collectionneurs et ces fondations. À la fin ils font de l’optimisation fiscale, à mon sens ça ne s’appelle pas autrement. À Paris, en 2005, installation Carambolage pendant les Nuits Blanches.
L’art contemporain est une invention capitaliste pour créer de la valeur marchande ? Oui complètement. J’ai tendance à trop en parler
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« Si je fais des choses monumentales, il doit bien y avoir des raisons psychanalytiques derrière tout ça »
d’ailleurs et ça ne m’attire pas que des amis. Tout ce que je vois, ce sont de gros bonnets qui optimisent leurs portefeuilles sur le dos des artistes. Je m’estime très heureux d’être en France et d’être accompagné mais je trouve important de pointer les abus des investisseurs. Tu craches dans la soupe, c’est quand même sympa la vie d’artiste. Plus d’amour, moins d’intérêt, ce serait mieux. La vie d’artiste comme tu dis, m’a permis de voyager, c’est au moins ça… D’ailleurs, la problématique du déplacement de mes oeuvres est une vraie question. J’aime bien expliquer que je fais de la sculpture monumentale mais je voyage léger. Mes oeuvres sont des principes et des systèmes. Ce que je fabrique est quand même assez lourd à mettre en oeuvre, je me tourne de plus en plus vers la maquette et les dessins, ça me permet d’expérimenter plus rapidement. De la même manière que les architectes préparent la mise en oeuvre d’un chantier. Idéalement, j’aimerais pouvoir vendre un mode d’emploi en fait. Il y a bien des artistes, notamment dans la performance, qui ont essayé de vendre des certificats mais ils sont rares. Des collectionneurs de certificats, y’en a pas beaucoup. Mes oeuvres, j’aimerais les vendre sur mode d’emploi pour que l’acheteur les monte lui-même. D’ailleurs en ce moment, je fabrique des versions de mes arches en kit et en miniature. En fait, j’ai toujours voulu construire des jouets pour les enfants. Je vois de l’humour dans ton travail. Il y a comme un côté vain… La question de la vanité m’intéresse beaucoup. On fait de l’art pour laisser une trace, toutes ces grandiloquences qu’on m’a enseignées, je trouve ça lourd. Produire une structure avec une grosse débauche d’énergie pour qu’au final il n’en reste rien, c’est quand même drôle mais ça peut aussi faire pleurer. Là où ça me fait rire, c’est par rapport à cette valeur marchande de l’art. Je propose un truc qui n’est pas conservable alors que la spéculation fonctionne avec la conservation. // C.D.M.
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Par Martial Ratel, à Dijon Illustrations : Michael Sallit
NOTRE MARC DES LANDES Il a la trentaine. Il s’appelle Marc. Marc est le prénom qu’il a choisi pour cette interview. Le plus souvent c’est le prénom Camille, qui s’affiche sur votre écran quand il apparaît médiatiquement. Camille, c’est l’alias aux mille visages de l’équipe des chargés de communication de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (NDDL), dont il fait partie. Avant de s’installer dans ce bocage de l’ouest, et de tenir un rôle important dans l’organisation et la réflexion sur cette lutte, il a été un des activistes engagés dans l’ouverture de squats militants à Dijon.
«
La dimension populaire de ce mouvement, réunir des dizaines de milliers de personnes extrêmement différentes, a été quelque chose de particulièrement passionnant. (...) Nous ici on se dit ‘ habitant’. Le terme ‘zadiste’ on ne l’emploie jamais parce qu’on a l’impression qu’il y a quelque chose qui (...) est devenu de l’ordre d’une définition très identitaire, très folklorique, très médiatique, et qui renvoie à quelque chose de fermé. » 60
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«
I
l était de ceux qui, en 1998, ont ouvert l’Espace Autogéré des Tanneries, devenu un lieu d’habitation et une salle de concert. Il était aussi des combats de la Courdémone, du squat de Chevreul, du Pamplemousse ou du quartier libre des Lentillères (vaste zone maraîchère, en voie d’urbanisation, occupée depuis 2010 par des jardiniers, des habitants, avec une salle de concert). Début mai 2018, entre deux vagues d’expulsions, on essayait de savoir comment il allait et comment s’organisait l’utopie concrète de la ZAD, après la victoire contre le projet d’aéroport. L’occasion de mettre en lumière, à travers son parcours, les connexions entre NDDL et Dijon.
« J’habitais dans un
Tu es sur la ZAD depuis quand ? Vers 2009-2010, j’ai commencé à venir sur ce bout de bocage magique et vers 2012 de manière semipermanente, je faisais des allers-retours à Dijon. Je me suis retrouvé engagé dans cette histoire parce que je la trouvais passionnante, parce qu’avec ce projet d’aéroport, j’avais l’impression que ça croisait plein d’enjeux. Les militants historiques ‒ paysans et locataires ‒ savaient qu’ils étaient menacés depuis des décennies. Ils ne pouvaient pas résister de manière forte face au rouleau compresseur de ce projet dans un territoire dépeuplé : les maisons se vidaient, les champs partaient en friches. Ils ont tenté le coup, fait un
endroit symbolique, Les 100 Noms. C’était une grande maison collective.»
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un bon moyen de faire le lien avec les paysans locaux qui plus les formes collectives, les expérimentations sociales, regardaient, de façon un peu bizarre, défiante, les squatteurs agricoles, comme il y a 40 ans sur le Larzac. qui étaient dans des pratiques de vie différentes des leurs, c’était le grand écart. Pour cette occupation, il y a eu un Alors que des formes juridiques existent... millier de personnes, avec des fourches, des faux… C’était On était prêt à trouver des cadres de régularisation. la première manif à un millier Mais, au lieu que le débat se de personnes sur la ZAD ! poursuive avec les associations, (rires). On y a installé un marché les syndicats paysans et les ouvert, avec une production de naturalistes, le dialogue a été Ce qui est marrant c’est que coupé par le gouvernement légumes, ouverte aux gens du coin, comme un boulanger qui par ces expulsions, comme un la préfète disait, de manière était dans une cabane à côté. chantage à la terreur : « si vous Au départ, c’était une tentative ne vous pliez pas à notre vision assez déçue : « on pensait que de maraîchage pour une saison. libérale, d’auto-entrepreneur, les gens partiraient mais... ils ne si vous restez sur votre vision Le lieu s’appelait Le Sabot. En 2012, lors de l’Opération César, on va tous vous sont pas partis. » Bien sûr qu’on collective, c’est là que se sont concentrées détruire ». L’expulsion des 100 les barricades, les affrontements Noms, c’était clairement pour n’est pas partis, on habite là, avec la police. Le fait que les dire aux autres projets agricoles, on vous le répète depuis des flics piétinent des jardins, ça plus simples à faire accepter : a touché les gens. Le Sabot « si vous ne vous pliez pas à années ! » historique a été détruit lors de notre diktat de format, on va cette opération mais il y en a vous raser aussi ». encore aujourd’hui qui refont des jardins, même après les expulsions de ces dernières semaines ! Les Dijonnais sont Vous avez déposé les papiers ‘comme il faut’ ou vous restés un an et, pour la petite histoire, une partie de ceux avez refusé ? qui s’étaient installés sur la ZAD est revenue à Dijon et a Après les 4 jours d’expulsions, on a dit qu’il n’était pas mis en place, aux Lentillères, le marché hebdomadaire qui question qu’il n’y ait que des projets agricoles qui restent. existe depuis des années. Notre vision de la ZAD, ce n’est pas 4 fermes type FNSEA. Par contre, on a fait un geste pour le dialogue. Ton habitation a été détruite lors des expulsions en avril Ils veulent des noms ? Pour nous ça n’a jamais été un 2018. problème – on en a toujours donné sans qu’ils en tiennent Oui, j’habitais dans un endroit symbolique, Les 100 Noms. compte au moment de l’expulsion. On a donné des noms, C’était une grande maison collective. Elle était bâtie sur déposé des projets. On a fait un boulot énorme pour leur un très joli champ avec des grands pins. Il y avait une montrer qu’ils étaient indissociables : les parcelles ont bergerie. Dès le premier jour, les flics se sont attaqués des usages multiples. Il n’y a pas une parcelle ‘moutons’ à certains lieux qu’on savait susceptibles d’être visés et et une autre ‘poireaux’ mais une utilisation en fonction aussi ‒ ça a été un retournement ‒ aux 100 Noms, ça a des saisons. On a déposé un nom, un projet pris dans beaucoup surpris. C’était un lieu assez connu où pas mal de l’ensemble, dans le dossier collectif. gens ou de comités passaient. Le discours, très hypocrite, du gouvernement c’était : « on va s’attaquer à ceux qui Tu as participé aux négociations avant et après n’ont pas déposé de projet agricole ». Et de ce point de l’abandon du projet d’aéroport ? vue, Les 100 Noms ne devait pas être visé, car il y avait les Non, j’ai participé à la préparation des dossiers. D’ailleurs, moutons et le jardin. Nous étions déclarés, comme on le fait il faut savoir qu’avant l’abandon de l’aéroport, il n’y a habituellement dans des squats. On était identifiés, histoire jamais eu de négociations avec la préfecture ! Cet abandon, de bien signifier à la préfecture qu’ils ne pourraient pas nous on l’a arraché. Il n’y avait rien à négocier : soit il y avait expulser illégalement. Ce qu’ils ont fait finalement, manu un aéroport, soit il n’y en avait pas. Ce mouvement s’est militari. L’huissier n’a pas respecté la procédure légale. imposé par des actions, des mobilisations, des sabotages, par un ensemble de formes diverses. Les négociations Vous aviez déposé ce projet agricole, comme demandé n’ont commencé qu’après l’abandon parce qu’il y avait le par l’État ? souhait du mouvement de porter un projet sur l’ensemble Le choix collectif de ceux qui avaient des projets agricoles, du territoire. Ici, ça n’a jamais été un camping d’activistes artisanaux, c’était de déposer des projets collectifs, pour qui allait disparaître. On habite ici, on est ancré ici, une gestion collective des terres et de l’ensemble du projet. avec les historiques. On habite un espace collectif, La préfecture voulait des demandes individuelles, isolées. d’expérimentations sociale, politique, agricole. On a Depuis l’abandon de l’aéroport, les négociations avaient souhaité poursuivre ça et trouver un cadre dans lequel on commencé. Et puis l’État a annoncé qu’il n’accepterait pourrait le pérenniser.
appel international vers 2008-2009 pour que des gens viennent habiter. Une nouvelle génération est arrivée sur la ZAD de manière progressive.
C’est un lien particulier qui t’as amené, avec d’autres dijonnais, sur la ZAD. C’est via l’occupation des terres maraîchères des Lentillères et l’Espace Autogéré des Tanneries ? Les tout premiers à venir s’installer sur la ZAD, après l’appel, ont fait une tournée d’info. Ils sont passés à Dijon, aux Tanneries. Ils nous proposaient de venir occuper ces terres et à nous installer avec des projets agricoles. Dans le même temps, nous étions en connexion avec le mouvement Reclaim The Fields. Ce réseau cherchait à mettre en place, par l’occupation, des projets d’agriculture collective, non productivistes. Tout ça faisait écho avec ce que nous essayions de mettre en place dans le potager des Lentillères. Alors avec d’autres, on a tenté le coup : installer un projet maraîcher. Il y a eu une première occupation, très publique, contrairement à ce qui s’était fait avant. Dans les années 1970, les squats s’étaient installés de manière discrète. Mobiliser autour de l’installation d’un projet agricole, sur des terres qui partaient en friche, c’était
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Elles étaient compliquées ces discussions entre zadistes, sachant que le mot recouvre une énorme diversité de personnes, entrer en négociations et faire des compromis ? Ah, oui, oui, évidemment. Il y a beaucoup de gens qui viennent d’horizons et de pratiques différentes. On n’a pas non plus l’exemple de 50 expériences de ce type. Il y a eu le Larzac qui a créé un précédent dans la lutte et dans la gestion collective. À une échelle beaucoup plus petite, à Dijon avec les Tanneries, on a montré que des espaces autonomes trouvent des moyens de se maintenir sans se trahir. C’était la vision qui permettait de continuer ensemble, les associations, les historiques, les paysans, et qui permettait d’échapper à une expulsion totale, de maintenir la liberté, l’autonomie de production, les habitats qui ont été construits... C’est ça qu’on a tenté. Qu’est ce-que tu réponds aux gens qui disent qu’une fois que tout sera devenu légal, toi ou d’autres, vous allez partir parce que si ce n’est plus illégal ce n’est plus intéressant ? Ça c’est du storytelling gouvernemental. Depuis des mois, on nous assène qu’il y a des paysans, qui veulent se régulariser, et des radicaux, de furieux zadistes. Ces catégories sont fictives. Les paysans étaient sur les barricades et les gens sur les barricades ont construit leurs maisons ici et ont des activités agricoles ! Ce clivage n’existe pas. Il y a aussi cette fiction que les zadistes allaient partir vers d’autres luttes, qu’ils n’étaient là que pour la résistance. Alors, oui, on résistait à un projet destructeur mais la manière qu’on a trouvé de résister, c’est de vivre et habiter. Habiter quelque part, s’ancrer quelque part. C’est peu courant pour notre génération de se dire : « je me sens vraiment lié à un espace, lié à un voisinage, à une communauté de lutte, à des champs, à un bocage... ». C’est ça qui nous a permis de résister. Ce qui est marrant c’est que la préfète disait, de manière assez déçue : « on pensait que
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«
le dialogue a été coupé par le gouvernement par ces expulsions, comme un chantage à la terreur : « si vous ne vous pliez pas à notre vision libérale, d’autoentrepreneur, si vous restez sur votre vision collective, on va tous vous détruire. »
les gens partiraient mais... ils ne sont pas partis ». Bien sûr qu’on n’est pas partis, on habite là, on vous le répète depuis des années ! On n’est pas là en train de faire un camping activiste ou d’attendre la police depuis des années en faisant des barricades. La manière qu’on avait de se mobiliser, d’empêcher les travaux, c’était de s’installer quelque part. Vous allez payer des impôts, alors que jusqu’à présent vous occupiez des terres sans droits ni titres. Ça fait partie des compromis que vous êtes prêt à faire. Payer un certain nombre de factures, payer le ramassage des déchets… M’enfin, c’est pas ça le problème fondamental pour nous ! Pour moi, l’élément majeur, c’est qu’on puisse mettre en partage des terres pour un accès collectif au foncier, mettre en partage des productions, les redistribuer de manière solidaire. C’est une réinvention du rapport au travail. On a besoin d’expérimenter ça, de manière sérieuse si on veut sortir du capitalisme ou de l’État tel qu’on le connaît. L’important, au-delà du cadre, du statut légal ou pas, c’est que les formes d’organisations demeurent avec le plus de liberté possible. C’est pour ça qu’on va continuer à se battre.
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Tu te définis comme paysan ou autre chose ? Ce bocage va continuer à être habité par des gens qui ne seront pas forcément paysans. Là, autour de moi, il y a un espace d’accueil, une infirmerie, une bibliothèque... Tout ça, on va le maintenir. Je ne vais pas me dire paysan alors que ce n’est pas mon activité principale même s’il m’arrive de filer un coup de main pour construire la bergerie, le jardin… Je fais d’autres boulots liés à la mobilisation, à la communication et un travail pratique sur comment organiser un groupe d’une centaine de personnes pour s’autonomiser, vivre sans l’État, la police. Ici, ça se passe beaucoup en projets collectifs. Il y a le groupe ‘patates’, ‘poireaux’ ou ‘oignons’. Je me définis comme ‘habitant’. // M.R.
Dans ton parcours militant, il y a pas mal d’expériences à Dijon, et l’ouverture de différents squats, en France ou dans d’autres pays. Oui, et encore à Dijon, quand on était gamins, dans les années 1990, il n’y avait pas de grandes histoires d’espaces autogérés. On est allé voir à Londres, Genève, Barcelone, Lyon, Croix-Rousse, des endroits où il y avait des expériences d’espaces autonomes solides, ancrés dans des villes, des lieux qu’on trouvait ahurissants, où des gens organisaient aussi bien des concerts, des ateliers, des manifs… transformaient les lieux, vivaient collectivement. Il y a peu d’exemples comme la ZAD en Europe : 70 lieux occupés, des centaines de personnes sur 1650 hectares! C’est au-delà d’un espace particulier, même si un lieu comme les Lentillères à Dijon représente un quartier occupé. Et pour toi ce qui s’est passé à Dijon est-ce la même chose que ce que vous essayez de faire à Notre-Dame-des- Landes : l’occupation puis le rapport de force pour faire plier les autorités et finir par convaincre que ça existe parce que ça doit exister ? C’est très différent parce que c’est une expérience urbaine à une échelle moindre, en termes d’espace et de personnes concernées, qui n’est pas un mouvement d’ampleur nationale comme l’était la question de NDDL. On peut voir des similarités dans la volonté très forte de se battre, d’ancrer une expérience autonome, d’autogestion et se donner les moyens pour ça. Similarité, aussi, parce qu’il y a un cadre, des négociations nourries par le sens politique collectif de l’expérience et sans mourir à cause de cela. L’expérience des Tanneries ou du quartier des Lentillères est allée dans ce sens. Les Tanneries sont toujours en train d’ouvrir des squats en tant que collectif. Les Tanneries sont toujours en soutient au quartier des Lentillères.
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scènes occupations
CINÉ-CONCERTS DIJON I Parvis Saint-Jean 21 AU 29 JUIN 2018
les dates
NDDL
de
1963 Projet d’aéroport du Grand Ouest. 1974 Création de la Zone d’Aménagement Différé, début du rachat de terres agricoles à Notre-Dame-des-Landes. 1998 La France est championne du monde de football 3-0 contre le Brésil. D’un point de vue théorique, est-ce qu’il y a un zadisme ou un Notre-Dame-des-landisme ? Comme il y a eu un collectivisme, un conseillisme... Ce que la ZAD a porté, c’est le fait que résister à un projet puisse se faire à l’endroit où le projet devait se faire et habiter réellement ce territoire. La réussite de cette lutte c’est aussi la question de la composition avec des gens issus des mouvements classiques, légalistes, avec des outils de lutte traditionnelle, et des squatteurs, anticapitalistes, illégaux, des mouvements paysans ; avec des outils d’action directe, pas embêtés par diverses formes d’illégalité. Si on veut faire un mouvement qui puisse mettre en déroute un état, on doit apprendre à faire les uns avec les autres et trouver une hétérogénéité de pratique. La dimension populaire de ce mouvement, réunir des dizaines de milliers de personnes extrêmement différentes, a été quelque chose de particulièrement passionnant. Après je ne sais pas si on les définira autour d’un zadisme. Nous ici on se dit ‘habitant’. Le terme ‘zadiste’ on ne l’emploie jamais parce qu’on a l’impression il y a quelque chose qui nous a complètement échappé et qui est devenu de l’ordre d’une définition très identitaire, très folklorique, très médiatique et qui renvoie à quelque chose de fermé.
2000 Lionel Jospin ne sait pas quoi faire ce jour-là, il relance le projet d’aménagement que tout le monde avait oublié. 2008 Décret d’intérêt public. 2009 Les opposants ‘historiques’ de Notre-Dame-des-Landes invitent le Camp Action Climat français. Début des occupations par les ‘nouveaux habitants’. 2012 Opération César, tentative d’expulsion ratée. 2018 Abandon du projet d’aéroport et vague d’expulsion. 2037 Avènement de la République ZADiste Française sur 80 % du territoire national.
CINÉ-CONCERTS
THE LOVE NEST Buster Keaton La Lyre des Hurlevents
CHARLES CHAPLIN
SELECTIONS FOR CONCERT BAND
Jean-Marc Bordet Harmonie du Val d’Ouche
MIRACLE À MILAN Vittorio de Sica Buffle !
LA NUIT DES MORTS-VIVANTS
George A. Romero Olivier Truchot/Philippe Poisse
GOSSES DE TOKYO Yazujirō Ozu Ensemble 0
SOIGNE TON GAUCHE Jacques Tati & Pierre Etaix Cie Dulciné
LE BALLON ROUGE Albert Lamorisse Les Traversées Baroques
USAGE(S) DU MONDE Yves Dormoy / André Wilms
AFTERS GRATUITS Why Not Band Sabotage Crew / Dj Set PointBreak / Dj Set Cathy Heiting & Olivier Truchot www.scenesoccupations.fr
psycho test
Par Doug Ritter Illustrations : Hélène Virey
PRÊT À TOUT PÉTER !
?
Le gouvernement actuel nous offre de plus en plus de lois polémiques qui divisent les Français. Acte de malveillance ? Envie de diviser le pays? Absolument pas, tu te trompes. En réalité il s’agit d’un Grand Plan pour faciliter les rencontres entre les gens et créer de nouvelles amitiés en favorisant l’apparition régulière de manifs. Sympa !
1. Avec le beau temps qui revient, tu as décidé de profiter des manifestations sociales pour enfin rencontrer de nouvelles personnes et sortir de chez toi. Tu as déjà une idée bien précise en tête : C. Tu cherches l’âme sœur, la personne avec qui tu pourras enfin discuter toute la journée de politique sans agacer personne et, mieux, être compris. F. Tu ne crois pas en l’âme. C’est une conception religieuse de l’être humain totalement désuète, anachronique et rétrograde. Tu cherches donc juste un frère ou une sœur, et c’est tout de suite beaucoup plus étrange. D. Tu cherches de nouvelles têtes pour former un tout nouveau mouvement politique avec un nom à rallonge dans le but de renverser le gouvernement (ce psycho-test n’est pas sur écoute). T. Tu ne crois pas en la politique. Tu veux simplement te faire de nouveaux amis. Prendre du bon temps sous le soleil des fusées éclairantes, sous les sifflets de CRS et finir la journée avec un bon barbecue sur les cendres des poubelles jaunes.
3. Dès le début de la marche, tes voisins de cortège - des jeunes mal lavés et mal coiffés d’environ 16 ans - commencent à blaster de la psytranse et à bouger la tête violemment : C. Tu es agacé. Tu leur parles du temps où George Brassens, Manu Chao, les Sales Majestés ou encore Mano Solo reignaient en maîtres sur la musique de manif. F. Tu danses devant eux de façon hypnotique. Tu ondules ton corps telle une couleuvre pour leur donner une belle leçon de chorégraphie. Ils décident de t’imiter et vous lancez une nouvelle mode dans les lycées. D. Tu tentes tant bien que mal de placer des chants de manif. Mais le son de ces jeunes délinquants (sans doute sous Xanax et sirop pour la toux, comme tous les jeunes d’aujourd’hui) est beaucoup trop fort et couvre ta voix. T. Tu aurais préféré qu’ils passent la compile Judgment Day de Thunderdome. Tu pourrais danser le hakken, comme tu l’as appris l’année dernière avec tes cousins de Dunkerque et, ainsi, impressionner les CRS.
2. Horreur ! La manif commence dans une heure et tu n’as toujours pas décidé des vêtements que tu vas porter ! C. Tu vas la jouer sobre : jean, baskets et un t-shirt rouge avec la photo d’un chaton à l’effigie de Karl Marx mangeant un bucket KFC. Sobre, certes, mais avec une pointe d’humour quand même. F. C’est enfin le moment de sortir ton plus beau t-shirt Margiela, ton pantalon Saint-Laurent et ces petites bottines en cuir noir Valentino que tu avais achetées en Italie l’année dernière. D. Le vieil uniforme de l’Armée Rouge de ton grand-père fera l’affaire. Il est un peu troué, mais il te va encore bien malgré tous les Subway et kebabs de ces dernières semaines. T. Tu choisis l’option ‘tout-en-noir-avec-capuche-et-foulard-sur-le-visage’. Tu ne souhaites pas être reconnu de tes parents lors de ton futur passage TV. Tu t’afficheras en première ligne à casser des poubelles jaunes dans la rue alors que tu leur avais dis que tu irais réviser tes partiels chez ton voisin d’amphi à la fac.
4. Le soleil est éclatant ! Par chance, le cortège s’arrête près d’un petit carré d’herbe où sont plantés quelques platanes : C. Tu décides d’organiser un pique-nique participatif bio. Chacun apporterait ce qu’il veut. Au final, vous terminez à manger quelques sandwiches au jambon, la tête dans la fumée. F. Effrayé de voir toutes ces bottes autour, tu cours vite t’interposer entre les CRS, les manifestants et les plantes. Briser des vitrines et renverser des poubelles, d’accord, mais tuer un parterre de bégonias rouges magnifiques, jamais. D. Pour toi, c’est le moment d’organiser un sitting et une conférence improvisée sur les questions liées à la manif. Seulement tu n’as pas de micro. Personne ne t’entend dans le brouhaha et la foule continue son chemin. Sans toi. Dommage. T. Comme il faut bien suivre la foule et que tu es déjà complètement sous grosse drogue, tu essaies d’arracher un arbre pour le lancer sur un CRS. Mais la force te fait défaut et tu t’écroules sur le sol, la tête dans les orties.
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5. Une journaliste et un cameraman de France 3 s’approchent de toi. Paniqué car tu n’es encore jamais passé à la télévision, tu dois vite réfléchir à ce que tu vas dire : C. Heureusement, tu te souviens de ton oral d’histoire-géo de terminale. Tu réussis brillamment à placer le Turkménistan et la Géorgie sur le bon continent. Dommage qu’il n’y ait aucun rapport avec la manif. F. Comme possédé par les fantômes de la CGT, de FO et de la CNT, tu te mets à commencer une longue diatribe pleine de bons mots et de belles phrases. Tout le monde est impressionné et même la police t’applaudit. D. Tu commences à donner ton avis. Mais un groupe de jeunes - les mêmes que ceux de la question 3 - arrivent. Ils commencent à hurler, chanter et faire des dabs à la caméra. Tu es enseveli sous la foule et on ne te retrouve que trois mois plus tard, caché sous une Fiat Multipla. T. Tu laisses tomber le discours politique. Tu fais le signe de Jul comme tous les gens qui n’écoutent pas de rap et lance une énorme cacedé à tout le collège Jacques Mercusot de Sombernon, ta chère ville natale. 6. Tu intègres sans t’en rendre compte le cortège d’un nouveau syndicat étudiant créé deux semaines auparavant. Ils te croient des leurs et te forcent à porter leur chasuble, violette et jaune : C. Tu refuses. Tu leur proposes plutôt de changer les couleurs de leur mouvement et opter pour du rouge, plus passe partout. Et, aussi, d’enlever la kalash de leur logo. Malin ! F. Impossible pour toi de porter ça par-dessus ton nouveau débardeur Gucci à tête de tigre, grosses mailles aérées et serpent dans le dos. Tu remets tes lunettes de soleil et t’éloignes rapidement du syndicat incriminé. D. Tu la portes. Mais l’odeur de transpiration ‒ les chasubles viennent d’un vieux stock du collège local ‒ te fait tourner la tête, et tu t’évanouis avant de te réveiller une heure plus tard, à l’hôpital. T. Tu l’acceptes et le portes avec plaisir, allant même jusqu’à danser avec et aller dans chaque cortège pour chopper chaque chasuble et débuter une collection, mais celui des CRS te causera des ennuis. 7. Les gens commencent à coller des stickers un peu partout, tu décides donc d’en faire de même : C. CGT, FO, CNT, NPA, France Insoumise, FN, UPR, Debout la France, PNL, PS. Tu colles absolument tout ce que tu peux, n’importe où et n’importe comment et tu poursuis ton travail d’école d’art dans la rue. F. Tu colles ceux de ton salon de coiffure car le boss t’a promis une réduction de 5 % à chaque client rapporté. Tu termines la journée avec un an de coupes gratuites. Chic ! D. Tu n’as pas de papier auto-collant chez toi. Tous tes stickers sont imprimés sur du papier simple, tu perds donc un temps fou à scotcher chaque sticker sur les murs. Tu termines à 6h du matin, le sur-lendemain. T. Tu décides de coller ceux du groupe de nu-métal que tu avais au collège, sans comprendre pourquoi il t’en reste encore. 8. C’en est trop ! Les CRS passent à la charge après un très mélodieux coup de sifflet, seulement ton abonnement à la salle est périmé depuis deux ans ! C. Tu prends quelques secondes pour faire du step sur les pavés. Mais tu oublies que ces derniers ont été enlevés quelques secondes auparavant pour voler droit sur les CRS. Tu glisses et tombes ridiculement sur les fesses. La foule entière plus la police se moquent de toi. Le gouvernement aussi, se marre, fait marche arrière et retire la loi contestée. F. Tu sautes rapidement sur le dos du mec en face de toi car il a l’air costaud et semble pouvoir courir assez vite avec une charge sur lui. Hélas, c’est un policier en civil infiltré qui t’amène directement au fourgon. Au moins, maintenant, tu es assis et peut te faire de nouveaux amis. OKLM. D. Tu décides quand même de courir. Tu réussis une course honorable. Sauvé, tu jures de t’inscrire en athlétisme la semaine prochaine. T. C’est fichu, tu attends patiemment de te faire emplâtré par une horde de rhinocéros bleus en espérant que ton heure-et-demi de rugby, en EPS au collège, t’aidera un minimum.
> Maximum de C
Tu es politiquement correct
Mouais, c’est pas mal. Tu as compris les bases d’un défilé de mode Diesel, d’une partie de beach volley dans la ville et, accessoirement, d’une manifestation. Tu as assimilé que la mode des tongs avec chaussettes, c’est beaucoup trop 2017 pour être crédible. Les manifestants te saluent, certains syndicalistes viennent te parler pour te demander la boutique dans laquelle tu as acheté tes lunettes de soleil rouges et noires. Mais les hommes politiques présents te snobent car tu n’as pas compris l’élément le plus important pour être le/la plus belle/beau en manif : l’aura naturelle. Et un autobronzant bio. > Maximum de F
Tu es prêt pour les manifs cet été !
Difficile de se préparer en si peu de temps pour le retour du soleil et des manifs les bras à l’air. Mais toi, tu es plus que jamais d’attaque ! Ta présence éblouit le cortège. Les politiques et les chefs de syndicats viennent te serrer la main et te demander le secret de ton bronzage. Le Black Bloc se sépare à ton passage comme l’eau de la Mer Rouge devant Moïse et te laisse passer. Les lacrymos de la police ne t’atteignent plus jamais et la fumée n’abime pas tes vêtements de plage. Toutes les caméras de télévisions sont braquées sur toi. C’est clair : la seule chose que les gens cherchent à combattre désormais dans la manif dans laquelle tu te trouves, c’est les coups de soleil et les pointes cassantes. > Maximum de D
Tu es politiquement incorrect
Catastrophe : mélanger rayures et carreaux, c’est non ! Le bob ‘Pernod Ricard’ en manif ? Tu repasseras. Les gens le matent d’un mauvais œil et préfèrent t’éviter, les journalistes aussi. Ni les syndicats, ni la police ne te comptent dans l’effectif total des gens présents. Dommage, mais n’oublie pas qu’au bout du tunnel, il y a toujours une petite lueur d’espoir. Tu feras mieux au prochain gouvernement. Ne jamais perdre foi en ceux qui nous dirigent ! > Maximum de T
Tu es politiquement très incorrect et un peu perdu
Alors là, même les CRS se demandent ce que tu fais ici. Toutes les lacrymos et balles de flash-balls sont tirées dans ta direction, à même le visage. Les casseurs délaissent les vitrines et le mobilier urbain pour s’en prendre à tes lunettes, ta gourmette, ton collier en argent à petites mailles et tes genoux. Le gouvernement va même jusqu’à durcir la loi controversée de ta faute. La manifestation se retourne contre toi, allant jusqu’à recréer un nouveau Mai 68, en plus profond, avec un changement majeur pour toi : tu es banni du pays à vie. Dur. // D.R.
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coup de coeur partenaire ville de dijon
15 Z 17 juin 2018
Clameur(s) 6e rencontres littéraires
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Désiré Eto’o est à l’image de l’emblème de sa société : une panthère noire, comprenez l’agilité, la puissance et la rapidité de l’animal sauvage. Désiré est un entrepreneur talentueux. Son histoire est à peine croyable ! Suite à des affaires florissantes qu’il a entreprises dans le domaine agricole et dans le commerce, Désiré bénéficie d’une importante fortune évaluée à ce jour à deux millions d’euros. Étant un grand humaniste et n’ayant ni femme, ni enfant, Désiré se décide de léguer sa fortune à des bonnes œuvres. « Le problème, c’est que les gens sont méfiants, et c’est dommage ». En effet, Désiré se heurte à un mur numérique depuis toutes ces années. « Ils croient que c’est une arnaque. J’envoie un maximum de mails pour expliquer ma démarche. J’explique que je voudrais gracieusement, dans le souci d’aider les démunis et défavorisés, leur léguer mon héritage pour des œuvres caritatives. Je suis juste là pour leur faire profiter de cette proposition avantageuse. » Nous, on le croit. Ce qu’il se passe, c’est que la législation en Afrique est un peu contraignante. Désiré doit donc passer par des gens de confiance, comme vous, pour y arriver. « Le Seigneur Tout-Puissant m’aide à repérer des proies... gens de confiance ». Qui peut douter de la bonne foi de ce grand philanthrope. Le sérieux de ses intentions ne peut être remis en cause. En effet, titulaire d’un MBA de la
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fameuse School university of business de London-Berlin-Tokyo, Désiré bénéficie d’une attestation de solvabilité délivrée par le professeur Souaré, grand argentier de la Banque centrale des USA of America, comme nous le prouve ce document manuscrit qu’il a toujours dans sa poche intérieure. Pour pouvoir profiter de l’incroyable proposition de Désiré, il suffit d’envoyer un mandat cash de 1.000 euros à Désiré pour qu’il puisse débloquer la somme. Quoi de plus simple ? « Moi, ce que je veux, c’est juste le bonheur. » Laissez-le vous rendre heureux. Si vous êtes intéressé pour faire cette affaire sans déception ou abus, écrivez à brouteur@caramail.it en indiquant : 1. VOTRE NOM COMPLET 2. VOTRE CONTACT NUMÉRO DE TÉLÉPHONE 3. VOTRE ÂGE 4. VOTRE SEXE 5. VOS METIERS 6. VOTRE PAYS ET VILLE 7. VOTRE PHOTO OU CARTE D’IDENTITÉ 8. LES 16 CHIFFRES DE VOTRE CARTE BANCAIRE 9. LE CODE D’ENTRÉE DE VOTRE BATIMENT Alors Désiré vous guidera sur les lignes directrices bancaires appropriées à suivre pour la demande. Discrétion assurée. Encore une belle initiative d’un entrepreneur courageux. Sinon, Désiré peut aussi chasser les mauvais esprits, faire revenir l’être aimé ou guérir toutes maladies. Consultations par téléphone 24h/24h. Tél : 555-21-25. Paiement possible par Paypal. // C.W.
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Graphisme : Studio Indélebil - Livre extrait de Le Club des gourmets et autres cuisines japonaises © Ryoko Sekiguchi
Denzel Washington, incognito.
Désiré Eto’o, le courage du don.
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Maître Fougnard vous répond. Mon cher Camille, merci de ta question. En France, le monde ancien dure longtemps et il faut donc rester prudent sur ton projet. Rappelons qu’il existe deux variétés de chanvre, se différenciant l’une de l’autre par le taux de principe actif psychotrope THC (Δ9 - tétrahydrocannabinol) qu’elles contiennent. Le chanvre textile (cannabis sativa), cultivé à Montbard depuis des siècles, ne contient que des taux insignifiants de THC. Le chanvre indien (cannabis indica) qui poussait à l’origine sur les versants de l’Himalaya, et désormais sur les pentes de l’A39, sécrète lui beaucoup plus de résine pour se protéger de la sécheresse, résine recelant le THC. C’est cette variété qui a été sélectionnée et manipulée génétiquement pour obtenir des ingrédients du spacecake. Le Cannabidiol ou CBD est le second principe actif que l’on retrouve dans le cannabis après le THC. Le CBD ne possède pas d’effet psychotrope, et de nombreuses études scientifiques récentes lui ont reconnu d’importantes propriétés thérapeutiques: analgésique, anti-inflammatoire, antibactérien, antiépileptique, anxiolytique, antidiabétique… De nouveaux types de cannabis ont ainsi été mis sur le marché dans le monde au fur et à mesure de l’évolution de certaines législations nationales, favorables à l’utilisation du cannabis à usage médical voire récréatif. Cependant, en France, comme encore dans la majorité des pays depuis une résolution de la Société des Nations (SDN) désignant le cannabis comme « aussi dangereux que l’opium » à la deuxième conférence de Genève sur l’opium (1924/1925, le futur, quoi...), vendre de la fumée du bonheur passe par la case prison. L’article R5132-86 du code de la santé publique continue d’interdire, sauf dérogation à usage de recherche médicale, « la production, la fabrication, le transport, l’importation, l’exportation, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi 1° du cannabis, 2° des tétrahydrocannabinols (THC) ». Seules la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale de variétés de cannabis dépourvues de propriétés stupéfiantes ou de produits contenant de telles variétés peuvent être autorisées. L’arrêté du 22 août 1990 précise que les variétés autorisées doivent avoir une teneur en THC inférieure à 0,2 %. Les commerces de vente de graines ou de produits dérivés (tisanes, spray, suppositoires, déodorants, huiles essentielles), qui fleurissent cette année comme des pavots, en ligne ou en boutique, en Franche-Comté (Besançon, Dole, Pontarlier) mais aussi, bientôt, à Dijon, doivent donc se limiter aux variétés non psychotropes du cannabis (qui donc ne défoncent pas, soyons clairs) dans l’attente du moins, de l’arrivée du Nouveau Monde, annoncé par Notre Président (que sa pensée nous guide pour 1.000 ans). Compte tenu des prix pratiqués dans certaines boutiques (entre 16 et 20 euros le gramme à Besançon !), la coop devrait pouvoir dégager des marges à la LVMH avec ses tisanes et réussir sans problème sa campagne de levée de fonds.
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Si vous ne savez pas comment emmerder le monde, n’hésitez pas, nous pouvons vous y aider : posez votre question, nous y répondons (ou pas).
UNIVERS GRAPHIQUE SMALL STUDIO / MISE EN PAGE LA RODIA
Yo Maître Gims, ta chrronique déchire mieux que les autres, avec d’autres lecteurs de Sparse, on est dans un plan ‘start up nation’. On occupe une ZAD sur un terrain de gens du voyage et on voudrait lancer une coop de vente de weed sur le web, mais légale, rapport aux forces de répression ultralibérales. On a pensé en AG à un site qu’on appellerait Cannabises, rapport à la nonviolence, et on vendrait des graines qu’on a rapportées de Mouthe, la vallée du Panshir de Franche-Comté. On pourrait livrer en uber (sh)eats. T’as de l’info fraîche sur le sujet ? Camille, 18 ans
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hFFrrorscope
Par Nicdasse Croasky Illustrations : Mr. Choubi
Comme dans tous les magazines, cet horrorscope n’a aucun sens et a été fait par un de nos journalopes qui a été puni pour avoir oublié que le rédac’ chef déteste que quelqu’un le contredise. Et c’est pour ça que tu vas le lire, et aussi parce que tu es fragile et un peu désorienté dans cette France de droite qui s’assume.
Sous le sable, les crabes. La visière de votre casquette gêne votre vision du futur à court terme (2e décan, le 12). Perturbé dans votre sieste et sous influence de Pluton, vous écrasez vos voisins de sable trop bruyants avec votre Jeep décapotable. Planqué dans la maison du Sagittaire de rien, vous sirotez un mojito ou tard, on vous retrouvera, soyez-en sûrs (natifs du 17 ou du 18). Santé : Le sel iodé sous les aisselles, bien contre la transpi.
Durant les quatre derniers mois, Mars dragouillait Vénus, rendant ainsi l’alignement de vos planètes full love : amour, argent, cuisine, bricolage… Vous rugissiez de plaisir. Trêve de confiserie, la courbe du bonheur s’inverse aujourd’hui : disette, débâcle, douleur et plus de dessert. Ascendant Poisson, la maison du Verseau vous recueille même comme réfugié climatique (le 13), vacances en Bretagne obligent. Forme : Si vous êtes à cheval sur l’optique, changez de monture.
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Choisis ta formule ! Irradiante de pureté, votre sensibilité fait fureur en ville. Condamnée à jouer ce rôle toute votre vie, vous cherchez des expédients en tous genres pour fuir cette triste réalité : vous êtes gourmande, mais vous ne pouvez pas vous laisser aller à ce vice. Heureusement il y a Instagram. Bloquée dans ce cercle de l’enfer, vous attendez le retour de Vénus pour aller taquiner Uranus dans la maison du Taureau genre fin août, début septembre. Travail : Cédez à l'illusion, ça fait du bien !
Découpe le coupon et renvoie-le accompagné de ton règlement par chèque à l'ordre de Sparse Média à l'adresse suivante : sparse média 26 boulevard de l’Université, 21000 Dijon
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alut Closer, quel est le secret de ton éternelle jeunesse ? Maryse - Besançon (25)
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onjour, j’ai vu l’autre jour au journal de France 2 un documentaire sur la police de Pinochet dans les années 70 au Chili, ça rigolait pas… Houla ! Je me disais, pourquoi parlez-vous si peu de ces événements sombres dans les pages de votre excellent magazine ? Camille - Poligny (39)
réponse de la rédaction
Bizarrement, ce n’est pas la drogue, très peu de rédacteurs de Sparse en consomment. En vérité, la jeunesse, c’est pas une question d’âge. Comme le disait le grand prophète Patrick Sébastien : « J’ai 16 ans dans ma tronche ». Alors qu’Emmanuel Macron est vieux depuis qu’il a 12 ans. Le plus jeune de notre rédac’, c’est Raphaël Helle, le photographe, qui a pourtant au moins 68 ans selon lui. Le secret, c’est rire. Ceux qui ne le font plus vieillissent à vu d’œil. Et y’en a beaucoup, crois-moi. Trop.
réponse de la rédaction Salut Camille. Nous aussi on a vu le reportage, mais ce n’était pas au Chili dans les années 70 mais en France en 2018. C’était à Paris, relax. Coup de matraque dans la gueule et tirage de cheveux, sans oublier la fameuse gazeuse à bout portant sur vieille dame. La police s’en donne à cœur joie en ce moment, une belle boucherie. On sent qu’il y a des gars tout contents d’obéir aux ordres, surtout quand c’est pour cogner quelques gauchiss’. N’oublions pas : qui a formé les polices de Pinochet et son pote argentin Videla ? La France, qui avait le savoir-faire depuis l’Algérie. C’est nous les meilleurs du monde à ce jeu-là, ne l’oublions pas. Les flics ne font que renouer avec leur glorieux passé.
«B
onjour Monsieur, il se passe quoi avec Kanye West ? Julie - Semur-en -Auxois (21)
«H
ello, je me permets de vous demander un petit conseil, vu que vous vous y connaissez en relations humaines. Je serais bien plus entreprenant avec la petite Chloé, mais elle fait semblant de ne pas me calculer. Elle m’esquive et n’ose pas m’avouer qu’elle me kiffe quand elle me répond : « non merci » sur WhatsApp. Comment je dois m’y prendre ? Killian - Belfort (90)
réponse de la rédaction
C’est vrai que c’est chelou. On a cherché un peu à quoi ça pouvait correspondre et on a trouvé une explication : il a pété un boulon. Il est déglingué, il touche plus terre depuis qu’il est gavé de pognon. Il est ailleurs. Sa pathologie : il est devenu complètement con. Ça arrive... Il faut soigner. Bon courage Kéké.
réponse de la rédaction
Elle ne fait pas semblant Killian. #Nomeansno. Elle s’en tamponne de toi. Elle te l’a déjà dit. Donc, arrête de l’emmerder et trouve autre chose à faire. Elle veut pas, elle veut pas. Accepte et télécharge Tinder.
«P
ourquoi y’a que des mecs dans Sparse ? Jean - Clamecy (58)
réponse de la rédaction
Ah ! Ça c’est une question qu’on nous pose souvent. Je te répondrais très simplement que dans le dernier magazine, plus de la moitié des articles ont été écrits par des femmes. Des ladies même, vu qu’elles sont très classes chez Sparse. Et puis, on ne calcule jamais si le sujet est un sujet ‘femme’ (d’ailleurs, je ne sais pas ce que c’est) ou si l’idée d’un bon reportage vient d’une femme ou d’un homme. C’est peut être une erreur, je ne sais pas. Mais c’est vrai qu’on a supprimé la page mode et la page shopping, ça n’aide pas… Oh, ça va ! C’était une vanne. Une blague, quoi.
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«S
alut, je sais que votre magazine est gratuit. Et je me demandais quel était votre business model. Est-ce que vous targetez la long tale des business influencers ? Vous utilisez la slide team pour les advisors ? C’est quoi votre cash burn par an ? Vous faites du B to B ? Je prépare mon pitch pour des investors et je cherche à m’inspirer avec des datas pour maper le marché.
Axel - Nevers (58) réponse de la rédaction
Quoi ?! Ferme-la. Ou parle-moi mieux. Non mais… « targeter » ? Sans déc’ ? Fumier, va ! C’est toi la Start Up Nation ? Un pitch, c’est une brioche sous plastique qui sponsorise l’équipe de basket de Cholet, point barre.
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from helle
Dans chaque numéro, carte blanche au photographe Raphaël Helle
Un soir d’hiver au Bar de l’U à Besançon, où je traînais encore avec mon Olympus OM-D E-M1 Mark II et ma bière.
Cet été, on vous recommande chaudement d’aller vous faire plaisir... dans le coin. Une croisière au soleil. Une balade rétro à 2 CV, tranquille. Un parcours archéologique façon Indiana Jones. Une séance de relaxation par l’hypnose. Du vin, des grattons, des oeufs en meurette. De la rando Yoga pour ouvrir ses chakras. Des macarons, du safran. Une escapade façon Easy Rider en Solex. Des balades à vélo, sportives ou à la cool. Des stages de survie. Un séjour trappeur de l’extrême. Des randos gastronomiques. Des vols en ULM. Un apéro dans les vignes. Dijon, Beaune, Vézelay, Cluny, Chalon, Nevers, Le Morvan, la Bresse, l’Auxois, le Charolais... Des vrais gens.
Bienvenue dans l’autre Bourgogne. Rendez-vous sur HappyBourgogne.com