Sparse 27 (juin 2019)

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Escape Game, développement personnel, planning familial...

84 pages de sensibilité, de passions populaires et de grandeur d’âme

sparse magazine mieux

+ CLÉMENT TURPIN BASTIEN LALLEMANT DELPHINE MENTRÉ SYLVAIN MATHIEU LA FRAÎCHEUR ELISE LUCET

sparse | numéro 27 | trimestriel

juin. juil. aou. 2019 • www.sparse.fr imprimé à vraiment beaucoup d’exemplaires à lire aux cagoinces

GRATUIT • BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ


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sparse magazine

Wohin es geht*

édito. DU 26 MAI AU 15 SEPT • 11H-15H

TOUS LES DIMANCHES SOUS LES HALLES DU MARCHÉ Brunch concocté par le chef partenaire du jour, boissons à la carte à la Buvette et plein d’autres surprises savoureuses à glisser dans son panier. Fantaisies de rue, musique, rendez-vous ludiques pour les petits, un vrai clin d’œil à l’art de vivre du cœur de Dijon !

ACCÈS LIBRE • CHAQUE SEMAINE TOUTES LES INFOS SUR www.dijon.fr et

Le BHD

Attention, dès la page 3 de ce magazine, je suis à cœur ouvert devant vous. J’en ai marre de me cacher. Je voulais assumer publiquement. De temps en temps, il faut avoir le courage de changer sa vie pour la vivre au grand jour. Je peux aussi, grâce la notoriété certaine de ce magazine, le faire au nom de tous ceux qui sont comme moi et qui hésitent à sortir du bois de peur d’être mis au ban de la société. Oui, je me sens différent. C’est l’heure du coming out : je m’en bats complètement les couilles de Game of Thrones. Voilà, c’est dit. Ah putain... Ça soulage... Alors, j’en veux pas du tout à ceux qui se font dessus en attendant le prochain épisode. Je respecte leur volonté et leurs efforts afin de ne pas se faire spoiler. Moi, comme je ne comprends rien, je ne peux pas me faire spoiler. C’est du chinois pour moi. Des dragons ? Des gens qui couchent avec leur sœur ? C’est Fantasia dans l’Yonne ? WTF ? Même les magazines de foot font des débriefs de l’épisode de la veille. Qu’est-ce que cet opium du peuple que je ne comprends pas ? Alors que franchement, je m’y connais en drogue. Pourquoi ? Qu’est-ce que j’ai de moins que les autres ? Et surtout, surtout : GOT peut-il vraiment rivaliser avec MacGyver ? Même l’épisode de la marabunta ? Les fourmis tueuses ? Sérieux ? Par Chablis Winston Photo : Léa Signe

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De l’autre côté.


sommaire ÉDITO CONTRIBUTEURS 8. GUESTLIST 10. LOOSER/WINNER 12. LE FOND DE L’AIR EST FRAIS 14. PORTFOLIO 3. 6.

ours Ce magazine est édité par Sparse Média. Siret : 750 725 806 00038 - APE : 5814Z www.sparse.fr - contact@sparse.fr www.sparsemedia.fr

IMMERSION FOLIE ESCAPE GAME

DIRECTEUR DE PUBLICATION Pierre-Olivier Bobo

20. LA

RÉDACTEUR EN CHEF Antoine Gauthier

28. CLÉMENT

CONTRIBUTEURS Badneighbour, Pierre-Olivier Bobo, Sophie Brignoli, Nicdasse Croasky, Sophie Dumanche, Matthieu Fort, Erika Lamy, Franck Le Tank, Emmanuel Vein, Cédric de Montceau, Aurélien Moulinet, Martial Ratel, Édouard Roussel, Augustin Traquenard, Chablis Winston, James Granville forever DIRECTION ARTISTIQUE INTERNETINTERNET

PHOTOGRAPHIES Laetitia Déchambenoit, Alexandre Claass, Raphaël Helle, JC Polien, Thomas Lamy, Édouard Roussel, Le studio des Songes, Léa Signe, Louise Vayssié

INTERVIEW TURPIN, ARBITRE NUMÉRO 1

REPORTAGE DERNIER PLANNING FAMILIAL

34. LE

ENQUÊTE DÉVELOPPEMENT PERSONNEL EST-IL DE DROITE ?

40. LE

ENTRETIEN 46. S TORM, LÉGENDE DU BREAKDANCE RENCONTRE LALLEMANT

48. BASTIEN

MUSIQUE 54. HANDS

IN THE DARK, LABEL DÉFRICHEUR

ILLUSTRATIONS Mr. Choubi, Michael Sallit, Hélène Virey, Louise Vayssié

INTERVIEW 58. LA FRAICHEUR, TECHNO ET BISOUS

COMITÉ DE RELECTURE Alix Blk, Martin Caye, Marion Godey, Aline Chalumeau, Cyrille Pichenot

66. ABONNEMENT

COUVERTURE Photo : Alexandre Claass (2018, New York) IMPRIMEUR Est Imprim (25) Dépôt légal : à la sortie du magazine ISSN : 2260-7617

68. ROMAN-PHOTO 72. COUP

DE COEUR PARTENAIRE 74. PSYCHO-TEST 76. HOROSCOPE 78. COURRIER DES LECTEURS 80. L’ACTU DU PASSÉ 82. FROM HELLE

FRUSTRATION - JOHNNY MAFIA - LES GRYS-GRYS - GO!ZILLA - HANDSOME JACK CANNIBALE - LES LULLIES - MOONRITE - CARAMBOLAGE - KING AUTOMATIC THE BLUE BUTTER POT - LES KITSCHENETTE’S - NIKER MOKAR TRIO THE HILLBILLIES - LA FÊTE À TOTO - MR DUTERCHE - DJ VON KIDS IMPERIAL KIKIRISTAN

Tous droits réservés © 2019 Merci à nos partenaires ainsi qu’à celles et ceux qui ont permis la réalisation de ce numéro. Prochain numéro : septembre 2019 Sparse bénéficie du soutien du Ministère de la culture et de la communication, fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité.

LE CHEVALIER DU GROLAND - WALL OF DEATH GYPSY - EXPO DE VÉHICULES ANCIENS MARCHÉ VIN VINTAGE - LANCER DE PANTOUFLES - LANCER DE MOTEUR - BAPTÊME DE SOLEX LA CHAPELLE DE L’AMOUR - SHOW MÉCANIQUE - ESPACE RETRO GAMING - RADIOBYLETTE COURSE DE LENTEUR - JEUX DE CHIOTTES - PARADE DE MOBS - COURS DE DANSE ET PLEIN DE SURPRISES... ZONE GRATUITE

ZONE PAYANTE

ÉCOUTEZ RADIOBYLETTE SUR LE 92.1 À AUTUN PENDANT LE FESTIVAL !

AUTUN


contributeurs

Par Chablis Winston Photos : DR

Nom : Fort Prénom : Matthieu Âge : 2, 21, 17, 14 et le complémentaire, le 6. Fonction : on ne sait pas encore bien, mais il veut un salaire. Signe particulier : muscles sur le haut du corps. Spécialité : la cheugne. Fait de gloire : a proposé un article et l’a rendu dans les temps ! Génial ! Un héros !

Nom : Le Tank Prénom : Franck Âge : sixteen again. Fonction : Nanard de la Villardière. Signe particulier : canouches dans le sac à dos. Spécialité : rentrer dedans la tête la première. Fait de gloire : a commencé son article après la deadline de rendu des articles.

Nom : Moulinet Prénom : Aurélien Âge : a toujours eu un bon petit 40, bien tassé. Fonction : interviouveur. Signe particulier : petite moustache à la martiniquaise. Spécialité : faire plein d’interviews pour Sparse sans que ce soit prévu à la base. Fait de gloire : victoire par K.O. face à Pascal Praud dans un Octogone.

Nom : Dumanche et Chon Prénom : Sophie et Madame Âge : bah... euh... j’sais pas... euh... 40 ? Fonction : repreneuses de roman-photo. Signe particulier : impitoyablement fleurs bleues. Spécialité : beaucoup d’idées très vite. Fait de gloire : une double page dans Nous deux en juillet 1996.

Nom : Lucet Prénom : Elise Âge : 30 ans de service public. Fonction : journaliste de fond, demi-fond et sprint. Signe particulier : toujours suivie par une caméra. Spécialité : courir après ses interlocuteurs en braillant, un dossier sous le bras. Fait de gloire : « Mme Dati, Mame Dati ! Les Français veulent savoir !»

Nom : Bobo Prénom : Pierre-Olivier Âge : à point. Fonction : père de famille. Signe particulier : Mercedes classe B, une expression du bon goût. Spécialité : demander s’il y’a de l’argent à se faire. Fait de gloire : est allé à Besançon, une fois. Son max.

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ZIGGY MARLEY DUB INC BUSY SIGNAL PATRICE ALBOROSIE & SHENGEN CLAN TIKEN JAH FAKOLY JAHNERATION Feat Balik / Yaniss Odua / Tracy de Sa / Volodia / Scars FEMI KUTI DON CARLOS TAïRO WINSTON McANUFF & FIXI LINVAL THOMPSON & TRINITY Gentleman’s dub club Taiwan MC & Guests - Chinese Man Records Party KANKA

DEMI PORTION DADDY MORY LA p’tite fumée ABA SHANTI I TETRA HYDRO K meets BRAINLESS KING EARTHQUAKE MO’KALAMITY WEEDING DUB JOE PILGRIM AND THE LIGERIANS NATTY JEAN ALPHA STEPPA feat NAI JAH RYON ASHKABAD PAPA STYLE DIGITRON vs DUB ENGINE ALAM DUB MASTER CLASH Dub Silence DUBSTUY vs VON D ROOTS RAID ART-X SUMAC DUB IKA DUB GURU POPe DENNIS CAPRA S’N’K Rootikal Vibes Hifi GARY CLUNK vs HATMAN MEXICAN STEPPER DUB SHEPHERDS ANTIBYPASS SKYMAN SOUND THE HARBINGERZ ISLAND ROCKERS SOUND SYSTEM DJ RAMBLA BASS CULTURE MALTA DJ RESSS meets LORD CUMBIA BOOM TCHAK TOUR

3 jours, 3 scènes, 45 concerts PASS 3 JOURS À PARTIR DE 60€


guestlist

Par Cyrille Pichenot, Pierre-Olivier Bobo et Chablis Winston

Delphine Mentré |

Adjointe au Maire de Belfort en charge de la concertation citoyenne, des relations internationales et des grands événements, Belfort

Delphine vient du bord du bout du monde, à Belfort. Après Belfort, tu tombes. C’est la ville de Belfort qui organise le festival international de musique universitaire (FIMU), énorme belle fête populaire et musicale dans tout le centre-ville à chaque week-end de Pentecôte. Lourd.

Pourquoi le FIMU est-il le meilleur festival du monde ? Car le monde est à Belfort le temps d’un week-end (39 pays représentés) pour faire vivre la musique dans toutes ses dimensions humaines et artistiques. Un bar ou un resto où on peut te croiser de temps en temps, à la cool ? L’été sur la place d’Armes de la ville de Belfort pendant les Festiv’été ! Pourquoi les petits jeunes achètent des oreillettes sans fil à 180 euros ? Et des smartphones à 800 euros ? C’est une génération qui est née avec ce genre d’outils... Mais peut-être qu’on oublie que ce ne sont que des outils. Comment faire pour que les gens s’intéressent à l’Europe ? On s’intéresse à l’Europe en vivant l’Europe et rien de tel que le FIMU pour en vivre ! L’Europe, c’est chacun de nous, c’est l’engagement de chacun! L’Europe est plus que jamais nécessaire pour résoudre les défis économiques, écologiques et

La sonnerie de portable de Patrick Balkany, c’est le thème des Tontons Flingueurs. Et la tienne ? « Dring dring ». Les portables, c’est pas mon truc, je préfère la lenteur du téléphone de mamie. Franchement, c’est qui la plus grosse pipe de l’art contemporain mondial ? Sans hésitation Jeff Koons qui, à part se shooter à l’hélium et jouer à la roulette russe avec ses potes traders qui placent leur fric dans des paradis fiscaux, n’a rien produit de sensé depuis qu’il a entamé sa reconversion professionnelle.

Comment il va, Jean-Pierre Chevènement ? Il va bien et il a une parole qui se projette toujours vers l’avenir ! C’est frappant et édifiant ! Tu vas où pour t’informer ? Les journaux locaux car ils parlent de celui ou celle qui habite ou mène des actions à côté de chez moi. Les réseaux sociaux car les informations y viennent du monde entier « sans filtre » et France Culture pour des émissions de fond sur les sujets qui m’intéressent. Pourquoi les gens détestent les politiques ? Que certains politiques non ? Ne mettons pas tout le monde dans le même panier !

Charles Thomassin |

Co-fondateur de l’atelier

Chiffonnier, Dijon

Chiffonnier ? Lieu alternatif d’expos, de concerts, de culture en général, et aussi de pétanque et de BBQ. Dans un ancien atelier de la SNCF. Pas loin d’être le lieu le plus intéressant de Dijon en ce moment.

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Un bon endroit où faire la fête à nous conseiller ? À l’atelier Chiffonnier, que ce soit pour un vernissage

Il est passé où le tronc qui tourne rue de la Lib’ à Dijon ? Il est allé faire les soldes aux Galeries Lafayette. Ta dernière claque musicale ? Même si c’est politiquement pas très correct et que je ne peux accepter certains de leurs propos : Deux frères, de PNL.

ces grands enjeux s’inscrivent dans une culture et une histoire commune.

Sylvain Mathieu

| Président du parc naturel régional du Morvan et vice-président du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, Arleuf Sylvain est un enfant du pays. Il est né et il réside dans le Morvan. Il sait, comme tous les gars du coin, tomber un sapin à mains nues et rentrer de boîte en mob’ kitée Ninja depuis son plus jeune âge. Maintenant, il contrôle le game du poumon vert de Bourgogne.

T’es président du Parc du Morvan. T’avais pas plutôt envie de prendre la présidence d’un club de foot de la région ? Euh... non pas vraiment. (rires) Sur un terrain de foot il faut placer les bons joueurs aux bons endroits. Je pense que je suis un bon joueur pour présider un parc naturel régional, mais pas pour présider un club de foot ! Un bon coin à champignon à nous refiler ? Ah non, ça, ça ne se dit jamais !

Dernier texto reçu ? Ce n’est pas vraiment le dernier mais le dernier intéressant, c’était : « Regarde Le Monde, y’a soirée à Chiffonnier ». En référence à l’article paru dans Le Monde édition week-end du 18/05.

Qui sera le prochain maire de Dijon ? Wolf Cuyvers, même s’il est Belge. Donc je ne suis pas sûr qu’il soit éligible.

ou un concert organisé avec Why Note, Le Bloc ou Sabotage ou juste pour une pétanque au soleil. FRAC de Bourgogne ou FRAC de Franche-Comté ? Besançon. Pour l’emplacement, la réhabilitation du bâtiment et la richesse des propositions artistiques. Big up Zavatta !

Ta routine p’tit déj chaque matin, c’est quoi ? Ah réponse facile ! Chaque matin, mon petit bonheur personnel c’est de trancher et savourer un « vigneron » qui est un excellent pain complet avec des raisins secs et des noisettes confectionné par le boulanger de mon village. Nous avons cette chance à Arleuf d’avoir un excellent boulanger. La région BFC compte plusieurs parcs naturels. C’est lequel ton petit préféré ? En toute objectivité : le Morvan. Mais j’adore aussi le Haut-Jura et les Ballons des Vosges, car il y a des ressemblances avec le Morvan... Quelle route il faut prendre pour traverser la grande région au plus vite ? Ça dépend dans quel sens on la traverse. A priori je dirais l’axe autoroutier A6-A31 entre Mâcon et Langres. Pourquoi la Nièvre fait partie de la région BFC ? Parce qu’elle faisait partie de la Bourgogne. La vraie question c’est pourquoi elle faisait partie de la Bourgogne ?

Saucisse de Morteau ou Montbéliard ? Morteau car je préfère la montagne et j’ai toujours adoré le massif du Jura. Qui est dans Michel Drucker ? Vous pouvez répéter la question ? Qui roule vraiment à moins de 80km/h en Haute-Saône ? Les gendarmes ? Et encore c’est même pas sûr ! Plutôt Tyson qui mange l’oreille de Holyfield ou Bayrou qui gifle un gamin ? Euh... plutôt la gif le ? Ça fait moins mal non ? Qui appelle-t-on la bête du Morvan ? Le couaisso. C’est à dire le cochon élevé en plein air dont ont fait le fameux jambon sec du Morvan. Pourquoi j’irais encore en ville si je peux pas me garer ? C’est vrai ça ! Venez à la campagne il y aura toujours de la place. Hello, is it me you’re lookin’ for ? In Morvan we usually speak english with a lot of peoples from UK or Nederland, but I dont’ understand the meaning of your question ! Une équipe de chercheurs aurait trouvé de la vie à Gueugnon. Intox ? Ça c’est pas gentil pour Gueugnon... Il y a de la vie partout en Bourgogne-Franche-Comté.

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la hype Par Augustin Traquenard Photos : DR

LE WINNEUR DU PRINTEMPS Le musée des Beaux-Arts de Dijon Après presque 10 ans de travaux, l’inauguration du musée des Beaux-Arts de Dijon a donné lieu a un week-end de célébration XXL. Le 17 mai, il y a avait de l’huile en-veux-tu-en-voilà : François Hollande, Frédéric Mitterrand, Franck Riester (ministre de la Culture), journalistes de la presse nationale... L’occasion de dévoiler en grande pompe les œuvres restaurées, les extensions et surtout, l’attraction principale de cette inauguration, sept salles provisoires dédiées à une exposition de l’artiste star de Dijon, Yan Pei-Ming. Composée de portraits de dictateurs, de défunts proches de l’artiste, l’expo L’homme qui pleure n’a pas vraiment l’esprit festif : « une exposition dramatique qui ne convient pas forcément à une célébration» confirmera Franck Gautherot (Le Consortium), commissaire de l’expo. De la bamboule, de la teuf, il y en a eu quand même tout le week-end avec des spectacles champagne, un lustre géant perché au dessus d’une grue avec des vrais musiciens dedans, des acrobates, des comédiens et un spectacle des 26000 Couverts. La place de la Libération était blindée comme à un concert de rentrée et pas un grincheux pour critiquer. Il paraîtrait même que, pour son prochain coup de com’, Airbnb va délaisser le Louvre. Le winner gagnera une nuit dans la suite Ming, au cœur du Palais des Ducs avec un showcase privé de Yves Jamait.

LE LOOSEUR DU PRINTEMPS Pascal Praud

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En confiant un talk show à un commentateur sportif, la chaîne d’info CNews atteint ce qui semble être le but de Vincent Bolloré : devenir le Fox News français. Pascal Praud, star du journalisme footbalistique, anime L’heure des pros où il décrypte l’actualité en comparant les points de vue des stars de la presse réac’ (Elisabeth Lévy) avec des politiques, des universitaires et autres experts en tout genre. Toujours avide d’audience, le 6 mai dernier, Pascal entendait clarifier le sujet du réchauffement climatique en deux coups de cuillère à pot. Il confronte Claire Nouvian (écolo fraîchement rentrée en politique sur la liste de Raphaël Glucksmann aux élections européennes) à des faits objectifs et indiscutables : «Le réchauffement climatique alors qu’il fait -3° ce matin dans les Yvelines. Donc... Bon, hein !». S’inspirant de Donald Trump, Praud s’engouffre dans un contresens en confondant climat et météo. S’agissait-il de second degré comme il l’affirmera ensuite ? Peut importe, Claire Nouvian perd instantanément son sang froid en le traîtant de dingue, Elisabeth Lévy, hystérique, traite Nouvian d’hystérique et avance des contre-vérités scientifiques à faire chialer Serge le mytho : « il y a un consensus sur la réalité du changement mais sur ses causes et son évolution, non... ». C’est la foire d’empoignes entre écolos et climatosceptiques. Ce looser de Pascal Praud n’entend pas en rester là puisqu’il prépare déjà une autre émission consacrée à l’effondrement de la biodiversité. Selon nos sources, il devrait inviter les frères Bogdanov, Nicolas Hulot et Alain Soral pour les confronter, eux aussi, à des faits objectifs et indiscutables : « La disparition des abeilles ? Les stocks de Miel Pops n’ont jamais été aussi importants en Seine-et-Marne, donc... Bon, hein ! »


Programme au 19/04/2019

03/06/2019

06/10/2019

09/10/2019

19/10/2019

02/11/2019

05 & 06/11/2019

07/11/2019

09/11/2019

10/11/2019

16/11/2019

17/11/2019

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20/11/2019

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27/11/2019

28/11/2019

30/11/2019

01/12/2019

07 et 08/12/2019

10/12/2019

12/12/2019

14/12/2019

SAISON 19|20

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Vers Autun, Saône-et-Loire juillet 2018

CULTURE PUB Texte et photos par Raphaël Helle

Mémoire des murs… Le temps n’a pas réussi à effacer les stigmates de ces vieilles pubs peintes à même les bâtiments. C’était beau et plein de couleurs. Et ça donnait moins l’impression de pourrir l’espace que les panneaux 4 par 3 JC Decaux. Le photographe Raphaël Helle a toujours l’œil aiguisé et en a retrouvé de magnifiques, plus ou moins bien conservées, le long des routes de Bourgogne-Franche-Comté. De Poligny à Autun, de Saulx à Belfort… comme un témoignage de cette époque où Suze, St-Raphaël, Citroën et Byrrh régnaient sur les murs de France.

Vers Louhans, Saône-et-Loire janvier 2018

D906, Saint-Oyen, Saône-et-Loire janvier 2018

Villeneuve-d’Amont, Doubs, 25 mai 2018

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Entre Champagnole et Saint-Claude, Jura, mars 2018

D683, Breconchaux, Doubs mars 2018

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Entre Champagnole et Saint-Claude Jura, mars 2018

Saint-Claude, Jura, mars 2018

Saint-Claude, Jura, mars 2018

Bar-sur-Aube, Aube, mars 2018. On sait, c’est pas en BFC, mais le photographe vient de là -bas, donc... 18

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e h c n a v e r La s k e e des g

ESCAPE GAME EPISODE 1

« Qu’est-ce que tu fais de ta peau ce soir ? Tu viens au bar ? – Non Je peux pas je fais un escape game avec des potes ». Voilà le genre de phrases que l’on entend de plus en plus en début de week-end. Encore inconnu il y a quelques années, ce jeu grandeur nature (IRL) est devenu l’activité hype du moment. Même les gamers lâchent leurs manettes pour aller s’enfermer dans une room pour élucider des devinettes. Bien évidemment, on était obligé de raccrocher les wagons et de s’essayer à cette activité en vogue. Par Édouard Roussel et Franck le Tank Photos : Édouard Roussel

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Dora l’exploratrice

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endons à César ce qui est au Japonais : l’escape game a été inventé à Kyoto en 2007 par la société SCRAP qui a baptisé ça : The Real Escape Game. L’idée n’est pas nouvelle puisqu’elle est inspirée directement du jeu vidéo. Dans les années 80 et 90, un style majeur dans le jeu vidéo tire son épingle : c’est le point and click. Le joueur évolue sur des plans fixes dessinés ou des photos réalistes, et on doit résoudre des énigmes, activer des leviers, bref se creuser les méninges pour finir le jeu. Autant vous dire que gamin, j’ai passé des mois sur Myst, Les chevaliers de Baphomet ou Full Throttle à faire des trucs absolument improbables, genre utiliser le tensiomètre sur le tuyau d’arrosage pour ouvrir la porte cachée derrière le placard à balais, tout en défonçant ma souris comme un épileptique. Avec les avancées technologiques et les nouveau titres 3D, ces jeux de réflexion sont devenus assez rapidement un sous-genre obsolète, avant que nos amis Kyotoïtes dépoussièrent le concept pour le transposer in vivo dans une pièce : c’est là que l’escape game est né. Puis, du Japon, la mode est arrivée en Europe par les pays de l’Est, tout particulièrement Budapest.La capitale hongroise a des atouts certes : des bains de vapeur, des soins dentaires aux tarifs avantageux et on y enterre sa vie de garçon et de jeune fille à peu de frais en buvant du Barack Pálinka. Mais cela n’explique pas pourquoi la ville est devenue la plaque tournante de l’escape game en Europe. « Ça s’est démocratisé là-bas plus rapidement, confirme Etienne Delorme, patron du FLIP, festival ludique international de Parthenay (79), qui attire chaque année quelques 170.000 amateurs de jeux au sens extra large du terme.

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Mais où est-ce que j’ai rangé Mein Kampf ?

Il devait y avoir en Hongrie une nécessité de s’ouvrir sur d’autres activités de service. Quand le marché est saturé sur l’alimentaire, le logement ou les loisirs et que l’on a du bâti pas trop cher, on peut proposer de nouvelles activités ludiques. Pour toutes ces raisons, ça devait être plus facile à mettre en œuvre là-bas. » Première énigme résolue… Next.

Rebond technologique

Comment ça marche un escape game ? Et quelle différence avec le point and click, vous allez me dire ? C’est le temps généralement limité à une heure, le fait d’être à plusieurs (de 3 à 8 en règle générale) et de ne pas être en pyjama vautré devant son ordinateur. Le jeu se veut immersif, c’est d’ailleurs un des maîtres-mots que Fabrice, game master à la Onzième-Heure, un des nouveaux escapes dijonnais, emploie : « c’est encore plus haletant qu’un film, on fait partie de l’histoire ! ». Un bon escape est un savant dosage : une atmosphère qui suinte le mystère, de bonnes énigmes et une petite touche de Fort Boyard. « Il faut de la surprise avec des mécaniques originales de recherche, précise Etienne Delorme, un scénario cohérent et surtout de la manipulation d’objets. La recherche ne doit pas être seulement intellectuelle. » Selon Elyse, notre

serial escape gameuse, l’intérêt du jeu réside dans le challenge. « Ce qui me motive, c’est de résoudre les énigmes avant la fin du temps imparti, je ne fais pas trop attention au décor. » On retrouve donc un certain dépassement de soi dans l’escape game, un sport de méninges si on peut dire. Le challenge et le cerveau d’un côté, la cohésion de l’autre. « La première fois que l’on a réalisé un escape, on était en retard et on ne pensait pas finir. Mais grâce à une bonne cohésion avec mes

« Grâce à une bonne cohésion avec mes copines on s’est sortie de la salle à 30 secondes de la fin. C’était un moment hyper fort. » Elyse, joueuse

copines on s’est sortie de la salle à 30 secondes de la fin. C’était un moment hyper fort », se souvient Elyse. C’est sûr que par les temps qui courent, où chacun ne pense qu’à sa petite gueule, ça fait rêver.

Méninges à trois Pour mon premier escape, je suis accompagné de deux compères qui sont également vierges de cette expérience. Le rendez-vous est donné rue Monge à Dijon, chez Baker Street, un des plus vieux escape de Dijon, installé depuis environ 3 ans. On y retrouve trois salles déclinées autour des histoires de ce bon vieux Sherlock Holmes et de son rival Moriarty, mais aussi des rooms avec des casques de réalité virtuelle et un bar pour débriefer et jouer à des jeux de plateau. Le lieu se veut convivial et ouvert à tous. En ce qui nous

concerne, la thématique du jour, c’est le tombeau du Pharaon. Nous aurons donc une heure pour piller l’amulette du Pharaon et sortir indemne du tombeau. Premier détail amusant, il n’y a pas de timer, de durée indiquée. La lumière décroît naturellement pendant l’heure de jeu, jusqu’à nous plonger dans l’obscurité la plus complète si nous n’arrivons pas élucider les énigmes pendant le temps imparti. À l’intérieur, le décor est plutôt réussi, on n’a pas l’impression d’un décor trop carton pâte même si ce n’est pas non plus digne d’une production hollywoodienne type retour de la momie. Les énigmes se suivent et on s’en sort pas trop mal ; bien sûr quand on bloque, le maître des jeux, ou plutôt la maîtresse Cyrielle dans notre cas, nous balance quelques indices pour ne pas que l’on reste en chien. Les énigmes sont variées et assez originales.

L’escape game, qui est une activité encore assez nouvelle, a d’ailleurs su évoluer assez rapidement à ce niveau-là. Il y a quelques années encore, les escapes étaient basés sur des énigmes basiques. « On avait des systèmes de cadenas et plein de limitations techniques, aujourd’hui les énigmes sont basées sur des mécanismes plus complexes avec une automatisation, ce qui rend les rooms plus spectaculaires », nous confie Cyrielle. Effectivement, il est quand même assez exaltant de voir des portes s’ouvrir, ou des mécanismes s’enclencher quand on a réussi à résoudre une énigme. « Cela rajoute à l’excitation du jeu » ajoute Elyse, notre serial escape gameuse. On arrive tant bien que mal à finir notre premier escape en une heure ; ce tombeau ne sera pas celui de notre fierté. Cyrielle nous explique que c’est plus compliqué à trois. « Les rooms sont conçues pour les faire entre 4 et 8 personnes, parfois un ou deux cerveaux supplémentaires, ça peut aider sur certains mécanismes ». Et puis plus on est de fous, plus on rit. D’ailleurs, les familles, les groupes d’enterrements de vie de garçon et les entreprises ne s’y sont pas trompés : ce sont les principaux clients de cette activité hype du moment.

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Je te tiens, tu me tiens, par la barbichette...

« La plupart des joueurs pratique l’escape comme on va au cinéma » Etienne Delorme, patron du FLIP, festival ludique international de Parthenay (79)

le salon au coin de la cheminée. L’immersion est totale dès que l’on passe la porte. Il y a un côté plus rôliste qu’à Baker Street, que l’on adhére ou pas. Fabrice me confiera après la partie que cela fait partie de l’évolution de l’escape : « À la base de l’escape, on résolvait une énigme pour s’échapper. Maintenant, cela évolue vers du jeu de rôle, du sensationnel ».

Ready player 2

Team building

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On l’a vite compris à l’intérieur de notre tombeau : sans une bonne communication, il est quasi impossible d’arriver à ses fins. Les entreprises l’ont d’ailleurs vite compris et proposent cette activité fun à leurs employés pour renforcer le team building, un procédé marketing à la mode depuis les années 2000 dans les boîtes pour souder les employés de la boîte et les rendre plus efficaces au quotidien. Cette tendance

à la gamification, ou ludification généralisée, commence même à imprégner le monde du travail. De façon plus pernicieuses, des entreprises comme Groupama et la SNCF utilisent même l’escape game comme épreuve pour des entretiens d’embauche afin de sortir des sentiers battus, pour des profils commerciaux par exemple. Selon Manon, chargée de la communication chez Baker Street, l’escape permet également à des familles de se rapprocher. « C’est une des seules activités où les 15-25 ans s’amusent sans utiliser leur

téléphone ». Est-ce que les escape game ne seraient pas un truc de geek, par les geeks et pour les geeks ? « Non, la plupart des joueurs pratique l’escape comme on va au cinéma, remarque Etienne Delorme. C’est un public vraiment large, pas du tout sanctuarisé sur des activités types jeux de rôle, jeux vidéo ou jeux de plateau. »

RPG Je commence à y voir plus clair dans le monde impitoyable des

escapes, je décide donc d’en essayer un deuxième. Ce n’est pas chose difficile puisque depuis sa naissance à Dijon, il y a trois ans, le phénomène n’a cessé de croître. On retrouve aujourd’hui six rooms, rien qu’à Dijon. Je me dirige vers un établissement ouvert il y a moins d’un an et consacré à l’univers d’Harry Potter : la Onzième-heure. Je suis accueilli par Fabrice, notre maître des jeux, à l’aise dans son kilt, ce jourlà. En entrant, dans une reproduction de Poudlard, le feeling se veut un peu différent du précédent, l’univers y est plus geek, on entre directement dans

Je m’entoure à nouveau de la même équipe pour notre deuxième escape dans cet univers magique. Le décor est une fois de plus de toute beauté, le travail des décorateurs permet une immersion complète dans le jeu, qui lui est cette fois plus difficile. Nos méninges sont mises à dure épreuve pendant la partie, jusqu’à ce que nous décrochions peu à peu, butant sur les énigmes, perdant le fil et, il faut bien le dire, la motivation. Avant de se reprendre dans un dernier élan de courage. Nous ne finirons pas cette room malheureusement. Fabrice nous explique qu’il est toujours plus difficile de finir à trois, malgré les aides précieuses qu’il nous a distillé tout au long de la partie. Cet escape, qui a été plébiscité par la communauté sur les internets, représente une difficulté supplémentaire pour les novices que nous sommes. Pourtant, cela n’empêche pas les gens de s’y frotter. « Le week-end, on a des wagons de Suisses qui déferlent chez nous pour ce qu’ils appellent la room Harry Potter ». Oui, l’escape game, c’est international ! Ce n’est pas juste un mouvement hexagonal, esseulé et

chaque pays possède ses spécificités. Fabrice nous apprend certes que les Helvètes sont friands d’escape mais aussi que Budapest est aujourd’hui considérée comme la capitale mondiale, avec des centaines de rooms aux prix très abordables, déclinées en plusieurs langues. Une forme de tourisme d’escape game est en train d’émerger, les membres éditant des blogs pour recommander tel ou tel room. Un guide du Petit Futé de la room, en somme.

Level design Au fil de la conversation avec Fabrice, on arrive naturellement sur la genèse de leur aventure et du modus operandi. Comment on fait pour créer un escape game ? Fabrice nous confie que l’escape a un côté artisanal. « À la base, c’est un groupe de passionnés, avec des compétences particulières : un fana d’énigmes, un développeur, un graphiste, une décoratrice… Tous amis de longue date et fédérés autour du jeu ». En résumé, un crew de geeks qui a vu naître les prémices de l’escape et qui a sillonné la France pour tous les tester et proposer un truc à leur image. Tous ces gens ont créé un métier mêlant leur passion du jeu vidéo, du jeu de rôle, des univers heroïc fantasy qu’ils ont adapté au grand public. « Aujourd’hui, tout le monde est un peu geek. On a tous grandi avec le jeu vidéo, on évolue tous dans un univers hyper technologique ». Et puis si on est moins geek, on peut toujours ouvrir une franchise avec des installations et des scénarios tout fait. Car il n’y pas que la passion dans la vie, il y a le business aussi. Escape rime désormais avec profits. Selon Fabrice,

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Voilà ce que deviennent les vieux Tout l’univers

« Le futur ? On va aller vers plus de qualité, plus d’effets spéciaux et une immersion de plus en plus intense » Etienne Delorme, patron du FLIP, festival ludique international de Parthenay (79)

Parisien, tête de chien. - Pharaon, tête de ?

ce n’est pas un problème : « il y a de la place pour tout le monde mais une sélection va se faire. D’ici un an, il y aura des escape qui vont disparaître ». Surtout que l’activité est basée sur du one-shot. « Une fois que vous avez fait la room, vous ne la referez jamais. » Fabrice n’est pas dupe, lui-même en tant qu’utilisateur frénétique d’escape. Il ajoute : « le public est de plus en plus connaisseur, il est de plus en plus exigeant et le bouche-à-oreille fonctionne à plein régime sur ce genre d’activité ». Lors de notre entretien, Elyse notre joueuse invétérée, m’a aussi confié qu’il y avait une grande disparité entre les salles. « Ce qui ressort aujourd’hui des expériences joueurs, confirme Etienne Delorme, c’est que les rooms ne procédant que sur du déblocage de cadenas à clefs ne sont pas les mieux notées. Actuellement, la tendance qui est en train de se développer, c’est plutôt de l’escape itinérant ou un genre hybride entre de l’escape et de la murder-party. »

Le futur que nous réserve-t-il ? « Les escape game ont commencé à

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émerger en France il y a seulement 4 ans, explique Etienne Delorme, Mais là, on a vraiment atteint un pic avec un maillage national assez dense. Dans les prochaines années, le marché devrait se stabiliser autour de 200 salles vraiment proactives et innovantes. » Vous l’aurez bien compris, l’escape game est un phénomène en plein boom mais qui n’a pas fini sa croissance. En discutant avec les différents acteurs, on sent que cette ruée vers l’or des geeks est en train de se muer vers un business lucratif basé sur le sensationnel. À Paris, on trouve des rooms d’un genre nouveau, comme celle d’un habitacle d’avion recréé à l’identique et où l’on doit s’échapper pour éviter son crash. Flippant. Mais de plus en plus la norme dans la recherche du sensationnel. Pour Fabrice, l’évolution paraît assez claire. « On va aller vers plus de qualité, plus d’effets spéciaux et une immersion de plus en plus intense ». La présence de comédiens au sein des escape pour intensifier l’expérience est une piste avancée également par les oracles de la pratique. « Je pense que la tendance est à plus d’immersion, prévoit Etienne Delorme. Dans les prochaines années, on verra le maître des jeux accompagner

les joueurs tout au long de l’expérience ludique. La création de marques et de franchises devrait aussi s’accentuer, générer un effet d’engouement et fédérer des joueurs autour d’univers qu’ils connaissent, Dr Who, Harry Potter ou autres. » Logiquement, cette évolution va en laisser pas mal sur le carreau. « Des investissements colossaux vont être mis en place avec des décors dignes du cinéma ; les acteurs du secteur commencent à s’y intéresser ». On le voit déjà avec une room Assassin’s creed, célèbre franchise du géant du jeu vidéo français Ubisoft. Demain, Star Wars, Disney et des parcs à thèmes dédiés ? On peut facilement l’envisager, mais est-ce qu’il restera alors encore de la place pour nos petits artisans où est-ce que le public aura fait une overdose escape avant ? Elyse, qui en a testé un bon nombre, explique qu’elle commence à en revenir. « L’euphorie à la sortie de la pièce s’estompe, il y a pas mal de salles et d’énigmes qui se ressemblent. C’est tout simplement moins fun ». Est-ce que trop d’escape ne vont pas finir par tuer le game ? La réponse à cette question est quelque part, cachée dans un coffre dont il faudra trouver la combinaison. // F.L.T. & E.R.

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Votez Clément Turpin !

JUDGE DREAD

Par Chablis Winston et Pierre-Olivier Bobo Photos : Lætitia Déchambenoit, DR

« franchement, aujourd’hui le rapport entre les joueurs, les arbitres et les coachs... Ça va. Ce qui est scandaleux, c’est ce qu’on peut entendre au-delà de la main courante » 28 28

Il est le meilleur arbitre de France, a brillé à la dernière Coupe du monde à l’aise, vient de Montceau-les-Mines, crèche encore dans le coin, et ne jure que par le défi, la performance et la justice… Petite bavette avec Clément Turpin. Ligue 1, sismologie, management et usurpation d’identité. 29


« Ici, c’est Montceau, gros »

C

omment vous en venez au foot ? C’est une passion familiale. Mon père jouait en club, mes deux frères également. J’ai toujours été sur, ou au bord d’un terrain de foot. Et qu’est-ce qui donne envie d’être arbitre quand on a 15 ans, comme vous ? J’ai d’abord été éducateur, je m’occupais des jeunes, des débutants. Dans les compétitions d’enfants, sur les plateaux, y’a jamais d’arbitre officiel pour ces catégories-là. C’est les parents ou les éducateurs qui le font. C’est ce que je faisais tous les week-ends. Un jour, la direction du club de Montceau est venue me voir : « Ça a l’air de te plaire de prendre le sifflet. Tu veux pas aller plus loin dans c’t’aventure-là ? Pourquoi pas passer une formation ». J’ai dis pourquoi pas. J’ai pris une des plus belles décisions de ma vie ce jour-là. Y’a pas vraiment de déclic en fait ? Ça s’est fait parce que vous étiez déjà habitué à le faire ? Exactement. Jamais je me suis dit : « je veux faire arbitre ». C’est venu parce que j’ai été entraîneur de débutant, ça s’est fait tout simplement. Vous jouez encore au foot avec les potes ? Par plaisir ? J’ai continué, même en étant arbitre. À 15-16 ans, l’arbitrage c’est très bien mais ce qu’on veut c’est jouer au foot. Parce que j’étais tout simplement passionné de foot, de jouer au foot. Jusqu’à 19 ans, j’ai fait les deux. J’arbitrais le samedi et j’allais jouer le dimanche. À 19 ans, on bascule dans la catégorie senior et les relations sont différentes... Et puis je suis parti faire mes études. Y’a eu un petit déracinement par rapport au club de Montceau-les-Mines. Et puis l’arbitrage, sportivement, ça commençait à être vraiment sympa. Donc j’ai basculé et j’ai plus fait que de l’arbitrage. Mais c’est important de continuer à jouer. Déjà parce que j’aime être dans une équipe, faire partie d’un collectif, et surtout parce qu’on reste au contact du ballon. Encore maintenant, ça m’arrive de m’entraîner avec l’équipe 1 du club, ou avec les jeunes, simplement pour toucher le ballon. Et quand on passe arbitre pro ? Je m’imaginais pas être arbitre professionnel, non. Aujourd’hui en France, y’a 20 personnes dans le football qui sont arbitres professionnels, c’est tout, donc je ne l’espérais même pas. J’ai eu la chance de franchir les étapes rapidement. Et puis un jour, on se retrouve en Ligue 1... Wahou ! Oui, vous avez été plus jeune arbitre de Ligue 1 à votre arrivée en 2008, à 26 ans. C’est quoi les premières sensations ? Gros stress ? Oui... Mais comme à chaque fois. Arbitrer, à chaque fois, c’est un défi, c’est une montagne à franchir. Plus on avance, plus les montagnes sont hautes. À chaque fois on se dit « Houla, elle est haute celle-là ! » et puis ça passe. L’arbitrage, c’est ça, des défis hebdomadaires.

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Vous êtes toujours licencié au Football Club Montceau Bourgogne, vous habitez toujours dans le coin. Même si on a fait une Coupe du monde, c’est quoi le boulot d’un arbitre dans la région, aux côtés des clubs et des éducateurs ? Votre semaine type, en dehors de La ligue 1, c’est quoi ? Je suis aussi salarié de la ligue Bourgogne-Franche-Comté de football. J’ai en formation les arbitres régionaux. Donc, à ce titre, il y a l’organisation des stages, l’élaboration de supports de formation, je vais visiter les clubs, montrer à tout le monde qu’arbitrer, c’est sympa, très positif. Je vais aussi dans les établissements scolaires... Pour faire vivre l’arbitrage. Comment on fait pour susciter des vocations ? Pour donner envie aux jeunes d’être arbitre ? Dans le football, l’image est assez dure. L’arbitre, c’est celui qui se fait pourrir. Tout est question de forme du message. Le cœur de l’activité plaît énormément. Moi, quand je vais dans les clubs, que je mets en place des séances de découverte de l’arbitrage, j’ai tous les gamins qui veulent arbitrer. Tous. Ils veulent avoir des sifflets, des drapeaux dans les mains, des cartons... Ça plaît tellement que j’ai plus assez de joueurs pour jouer le match à arbitrer. Mais quand ces gamins-là passent les formations et qu’ils se retrouvent lancés dans le grand bain sur des matchs officiels, avec un enjeu, un environnement qui a tendance à perdre les pédales, les gamins me disent : « Je me suis fait insulter, critiquer tout l’après-midi. Ça je veux pas… » Justement, comment on se blinde quand on est jeune arbitre. Vous, à 26 ans à l’époque, avec tous les vieux briscards du foot professionnel, comment vous vous blindiez ? Les jeunes arbitres, pendant leurs premiers matchs, ils sont démunis face à l’agressivité et l’incivilité qui règnent au bord des terrains ; quand la première fois qu’on vit un match ou on se fait... disons, critiquer... du début jusqu’à la fin derrière la main courante, ça fait un choc. On essaie de proposer des accompagnements. Mais franchement, aujourd’hui le rapport entre les joueurs, les arbitres et les coachs... Ça va. Y’a toujours des petits moments de tensions inhérents à la passion que peut générer un match de football, mais ça va. Ce qui est scandaleux, c’est ce qu’on peut entendre au-delà de la main courante (ou dans les stades) ! Ça, ça casse les vocations, les volontés des jeunes de poursuivre l’arbitrage. C’est dramatique. On vient fracasser des jeunes qui auraient envie de faire ça. Pour ce qui est de la Ligue 1, on n’est pas jetés comme ça en pâture sur les terrains. On passe par toutes les étapes, on a emmagasiné de l’expérience, on a appris à se protéger. Quand on débarque en Ligue 1, y’a un vrai bagage. Si on parle de cette Coupe du monde, quand on débarque dans cette épreuve qui est le top du top, c’est quoi le feeling ? C’était encore un autre défi. C’est la Coupe du monde. C’est un rêve pour les joueurs, les entraîneurs, et aussi les arbitres.

Mais c’est pas arrivé comme ça. Ça a été un très long cheminement, beaucoup de travail et une magnifique aventure collective que j’ai partagée avec mes deux arbitres assistants, Nicolas Danos et Cyril Gringore. On dit : « Clément Turpin était le seul français à la Coupe du monde ». Non, on était trois. Avec Nicolas et Cyril, ça faisait deux ans qu’on avait cet objectif en tête, on a vécu des moments ultra positifs, des moments de doute, mais recevoir la qualification, ça c’était fabuleux. Ce chemin qu’on a fait tous les trois... Et atteindre cet objectif... Franchement on était fiers. Pas seulement d’avoir fait cette Coupe du monde, mais aussi tout le chemin avant.

« La première fois qu’on m’a appelé pour me dire : « M’sieur Turpin, votre nom va être cité dans une affaire de stup’ », je me suis dit : « Wahou, qu’est-ce que c’est !? ».

Il y aurait aussi un esprit d’équipe dans l’arbitrage. Évidemment. L’aventure, on la vit à 3. Maintenant à 4 ou à 6 avec l’arrivée de l’arbitrage vidéo. C’est une équipe, qui se fixe un objectif, qui se donne les moyens d’y arriver, qui fait des sacrifices pour y arriver. L’objectif, soit il est atteint et c’est fabuleux, soit il ne l’est pas. Mais ça c’est la vie de sportif. Cet été vous serez arbitre vidéo pour la Coupe du monde féminine. Vous pratiquez beaucoup ça ? Bien sûr. Maintenant l’arbitrage vidéo fait partie de la panoplie de l’arbitre de haut niveau. On a été préparé déjà pour la Coupe du monde en Russie, où j’ai fait des matchs sur le terrain, mais aussi à la vidéo. Parlons de la VAR (assistance vidéo à l’arbitrage), justement. Est-ce qu’on perdrait pas la vision romantique du foot avec cette technologie ? Ça vous a aidé, vous, en tant qu’arbitre ? L’outil vidéo est très positif. Ça amène de la justice sportive. Quand on aime le foot, c’est ce qu’on attend. La justice. Ça a eu un 2ème effet : ça a permis aussi de tranquilliser les relations joueur/arbitre. Il y a toujours de la contestation mais j’ai l’impression que c’est apaisé. Parce que les joueurs savent qu’on a les collègues à la vidéo. S’il y a une erreur flagrante, on le saura. Donc positif sur la justice, positif sur les relations arbitre-joueur. Après, comme toute nouveauté, y’a les pour et les contres, y’a un débat, comme d’habitude, c’est ce qui rend le foot populaire. En 10 ans de carrière en pro, c’est quoi le stade le plus chaud dans lequel vous ayez arbitré ? Ah, je garderais en tête un match extraordinaire, au Pérou. Pérou / Nouvelle-Zélande. Un barrage qualificatif pour la Coupe du monde 2018. Le dernier ticket pour la Coupe du monde. Y’avait eu 0-0 à l’aller en Nouvelle-Zélande. On a été désignés pour arbitrer

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Dani Alves fait le chaud mais va quand même prendre un carton rouge.

le retour. Le Pérou, ça faisait 26 ans qu’ils n’avaient pas participé à une Coupe du monde. Vous pouvez imaginer l’attente du peuple péruvien. On était dans une bombonera... C’était extraordinaire ! Le Pérou a gagné 2-0 dans une ambiance folle. Au moment du premier but du Pérou, les capteurs sismologiques répartis dans la ville se sont activés tellement c’était de la folie pure. Ça, ça restera un moment gravé dans ma mémoire. Et puis, il y a mes deux finales de Coupe de France aussi. Pour un arbitre français, la Coupe de France, c’est la Marseillaise, le stade de France, le président de la République. C’est chargé d’émotion. Et puis l’Euro 2016, en France, ma famille dans les tribunes. C’était aussi ma première grosse compétition internationale. Et sur le terrain, qui sont les joueurs les plus sympathiques, ou ceux qui vous emmerdent le plus… ? Je ne vous donnerai pas de nom ! Dans une équipe de foot, y’a des joueurs avec lesquels les contacts sont faciles, d’autres qui sont plus agressifs, d’autres qui sont neutres... On retrouve tous ces profils au sein d’une équipe. Il faut composer avec tout le monde et c’est ça qui est magnifique dans le challenge d’un arbitre. Ça permet d’agir d’un point de vue management avec une multitude d’outils. C’est un magnifique défi.

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Quel joueur vous aimez voir évoluer sur le terrain ? Lequel vous a le plus impressionné ? Vous qui êtes aux premières loge. Je vais vous donner deux noms mais c’est pas des footballeurs ! (il ne veut pas faire de jaloux, le Clément, ndlr). J’aime bien la grinta de Rafael Nadal. Cette capacité qu’il a à se battre sur chaque point. Chaque point est un défi à remporter. J’aime cet état d’esprit. Et le perfectionnisme de Martin Fourcade. Ils sont inspirants. Martin Fourcade, c’est le professionnalisme. C’est quelqu’un qui pousse tous les paramètres au plus haut niveau de la performance. J’aime bien cette approche. Il n’y a pas si longtemps, votre nom s’est retrouvé dans une affaire assez curieuse. Des gens ont usurpé votre identité pour faire du trafic de drogue, des gofast. Apparemment, les mecs étaient fans de foot… On en est où ? La police et la justice ont fait leur boulot et puis voilà… Apparemment ils ont pris mon nom juste parce qu’ils étaient fans de foot, effectivement. J’ai eu le journaliste de l’Équipe au téléphone (celui qui a enquêté sur l’affaire, ndlr), les faits datent de 2015, l’enquête a duré 1 an et demi. Ils m’ont fait un petit clin d’oeil... un peu étrange quand même. La première fois qu’on m’a appelé pour me dire : « M’sieur Turpin, votre nom va être cité dans une affaire de stup’ », je me suis dit : « Wahou, qu’est-ce que c’est !? »

Clément Turpin, ses plus belles chansons d’amour.

C’est là qu’on se rend compte qu’on est devenu une star ? Ahah ! Avec mon épouse à la maison, je suis loin d’être une star ! Non mais dans cette histoire, la ligne a été franchement dépassée. (rires) L’arbitrage, c’est vraiment une activité risquée. (il se marre) Vous avez grandi à Montceau-les-Mines, vous vivez encore dans le coin, vous avez jamais songé à partir ? J’y suis profondément attaché. Il y fait bon vivre. Là où je suis, sur la côte chalonnaise, on a des paysages fantastiques. J’aime les vignes. Il m’arrive fréquemment de prendre mon vélo ou mes baskets et d’aller courir au milieu des vignes. C’est ressourçant et apaisant. Je suis bien ici. J’y ai grandi, j’y ai rencontré mon épouse, fondé ma famille… Le futur pour Clément Turpin, c’est quoi ? Vous avez 37 ans, vous êtes au top. Coupe du monde, Euro, Ligue 1, ça c’est fait. Qu’est-ce qu’il vous reste à faire dans le foot ? Et après ? Y’a tellement de choses encore à faire. Je suis profondément chanceux. J’ai fait plein de magnifiques matchs. À 37 ans, si la santé va, c’est déjà très bien. Après, ce sera à moi de me fixer des objectifs, et vous pouvez compter sur moi pour m’en fixer des très élevés. Pour le moment je les garde pour moi, mais y’a plein de belles choses encore à faire, dans le foot et en dehors. // C.W. et P-O.B.

« Au moment du premier but du Pérou, les capteurs sismologiques répartis dans la ville se sont activés tellement c’était de la folie pure ». 33


e l r e v u a s t Il fau

g n i n n a pl

l a i l i fam

Une bite.

Une bibliothèque.

À Chalon-sur-Saône, le mouvement militant est le dernier des mohicans de Bourgogne–Franche–Comté. Par Erika Lamy, à Dijon Photos : Thomas Lamy

Des locaux cosy avec musique douce et canapés confortables, une table basse, une bibliothèque. Vous vous croiriez dans un salon de thé tendance avec déco insolite, mais des détails interpellent. Un boa violet accroché à une plante verte, des vagins en crochet, un bac à jouets avec pénis en latex et capote. Sur les murs, des affiches rétro du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception, sur le miroir une galerie de portraits avec Mona Clito, Draclito, Clitopunk et l’incontournable clito freudien. Pas de doute, vous êtes dans un repère de militants de l’éducation sexuelle. Des qui s’assument et qui appellent un chat une chatte. Ça sent la conviction et la dérision. Vous voici propulsés dans l’ultime planning familial de Bourgogne-Franche-Comté, le dernier bastion des irréductibles gauloises. 34 La Bourgogne-Franche-Comté.

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I

l y a eu la pilule, l’avortement, l’éducation à la sexualité à portée de tous et de toutes. Des acquis durement gagnés par des générations de militants convaincus, dont les fondateurs du planning familial. Seulement voilà, le sexe n’est plus ce qu’il était. Sujet accessible à tous ? Pas tout à fait. Sujet tabou ? Peut-être, encore. Une approche plus médicalisée que militante ? Certainement. Devenue un droit voire une obligation soi-disant intégrée à la scolarité, l’éducation à la sexualité s’est « standardisée ». L’information a remplacé les convictions. Les plannings familiaux s’accrochent à leur pré carré. Ils se battent pour continuer de vivre. Exemple : le planning familial de Chalon-surSaône, dernier bastion des plannings de Bourgogne Franche-Comté. Le dernier de la région. Avant, les structures maillaient le territoire. Mais ça, c’était avant. À la fermeture du planning du Creusot en 1985, l’association de Chalon-sur-Saône se retrouve seule sur le département, puis seule sur la région. La région élargie n’a pas suffi. De Bourgogne à Bourgogne-Franche-Comté, la situation ne s’est pas améliorée. Les chalonnaises seules sont restées. Le planning familial de Chalon se conjugue au féminin. Deux salariées et un conseil d’administration de 10 personnes, quasi exclusivement des femmes. Leur local, avec ses affiches et ses œuvres d’art clitoresques, annonce d’entrée la couleur. Ici, pas de tabou. Ça se revendique et ça s’affiche, sans pour autant chercher à choquer. Démarche militante il y a, dans le respect

de l’autre et de ses convictions. Les gonz’ du planning accueillent, écoutent, guident. Elles sont là pour le public, quel qu’il soit. Elles sont là, mais elles galèrent. Les subventions baissent, les dossiers s’accumulent, les soucis financiers explosent. Elles nous ont interpellés et nous les avons rencontrées. Emilie Stolarek, Claire Leglise, Aurélie Dallerey. Trois militantes – salariées, salariées – militantes, militantes – bénévoles (l’ordre varie selon les intéressées). Nous avons échangé sur leur quotidien pas si simple, leurs actions, leur structure et les origines du mouvement. Des origines indispensables pour comprendre les enjeux actuels. Alors, retour en arrière avec une pointe de pédagogie. Au commencement étaient… les mouvements de lutte des années 50 décidés à faire changer la loi interdisant l’avortement et l’utilisation de toute contraception. L’un de ces mouvements devient en 1960 le mouvement français pour le planning familial (MFPF), dit planning familial. Un mouvement féministe d’éducation populaire, œuvrant contre les inégalités sociales et pour l’égalité hommes – femmes. En 1967, la contraception est légalisée, en 1975 l’avortement autorisé. L’association ne s’arrête pas à cette victoire et ouvre des lieux d’information sur la planification. En parallèle, l’État met en place des centres de planification et d’éducation familiale (CPEF) que l’on confond aujourd’hui très souvent avec le planning familial. Les deux structures offrent des fonctions proches mais le premier apparaît médicalisé et institutionnalisé tandis que le second

« Il ne s’agit pas seulement de sauver le planning de Chalon mais de poser des questions de fond. Comment aujourd’hui traîter de sexualité de façon militante en Bourgogne-Franche-Comté ? » Emilie, du planning familial de Chalon-sur-Saône 36

C’est toujours le bordel dans le sac d’une femme.

se veut associatif et… militant. Schématiquement, dans l’un vous irez récupérer une ordonnance de pilule, dans l’autre vous pourrez parler de votre sexualité. « On ne se fait pas de concurrence sur les services », précise Emilie, la militante-salariée. Coordinatrice et conseillère conjugale, elle exerce au planning familial depuis plus de 10 ans. « Nous, on souhaite que notre démarche soit partagée par le plus de structures possibles. La différence, c’est que l’on a une structure mise en place par l’État et une autre militante, ça change beaucoup de choses. Si on accueille un trans en pleine réflexion, il faut pouvoir l’écouter sans le juger. Il n’y a pas que du médical là-dedans, il y a de l’écoute et de l’humain ». Le planning familial n’est pas seulement là pour informer. Les « conseillères » n’en sont justement pas. Elles ne se posent pas en sachantes, mais livrent des clés pour accompagner l’autre dans sa réflexion personnelle, afin qu’il fasse ses propres choix, sans influence. « La personne doit pouvoir décider par elle-même, sans se situer par rapport aux autres, que ce soit sa famille, son entourage ou même les professionnels de santé. On accompagne l’autre dans son chemin. Nous sommes des miroirs », dit Emilie. Il faut donc des organismes complémentaires, comme le sont les centres de planification et les planning familiaux. Ils ne répondent pas au même besoin. Créer des centres de planification c’est bien, soutenir également les planning familiaux, c’est mieux.

Quelles sont d’ailleurs concrètement les actions du planning familial ? D’abord l’écoute, le conseil et l’éducation à la sexualité. Comme nous l’explique Aurélie, militante bénévole et membre du conseil d’administration : « C’est sans rendezvous. Nous sommes là, disponibles, à l’écoute des demandes.

Nous pouvons aiguiller, conseiller ou simplement écouter. Nous avons toutes sortes de demandes : des questions sur la contraception, des avortements trop tardifs, des problèmes de religion ou juste des mecs qui ont besoin de parler ». Les raisons de pousser la porte du planning sont bien plus nombreuses qu’on pourrait l’imaginer : une aide dans le choix de sa contraception, un accompagnement « technique » et moral dans une interruption volontaire de grossesse (IVG), mais aussi une écoute sur sa sexualité, des conflits familiaux pour des raisons culturelles ou religieuses, un questionnement sur son orientation sexuelle ou même son genre. Le planning ne reçoit pas seulement des jeunes filles d’une vingtaine d’années mais des femmes, des hommes, des couples, des publics très variés. Tous bénéficient de la même attention. « Nous ne recevons pas derrière un bureau, on s’assoit sur des canapés, face à face, d’égal à égal », précise Emilie. Hors des permanences, l’association a mis en place un numéro vert avec des structures partenaires. Au bout du fil, une vraie personne avec une vraie voix. Pas besoin de taper 1 ou 2 pour revenir, dépité, au menu principal. Vous parlez avec un humain, de surcroît qualifié. L’équipe intervient aussi dans les écoles, d’où les gadgets façon sex toys exposés sur la table basse. L’éducation à la sexualité fait partie du programme scolaire et les écoles peuvent choisir leurs intervenants : l’infirmière scolaire, un enseignant ou un organisme extérieur comme le planning dont les interventions sont payantes. Faute de moyens, les établissements font souvent appel à du personnel en interne. Le planning intervient essentiellement sur Chalon auprès d’adolescents. Parler sexualité avec des ados, de quoi leur tirer le chapeau. On imagine déjà les rires étouffés et les blagues graveleuses, mais au fond est-ce si gênant ? Dans l’équipe, c’est Claire qui est en charge de la partie administrative et des interventions

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« Aujourd’hui, il y a de plus en plus de contraintes matérielles pour se faire avorter. La santé prend cher et la santé sexuelle encore plus. C’est encore considéré comme du confort. » Emilie, du planning familial de Chalon-sur-Saône

Il est complètement art contemporain ce clito.

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extérieures. Notons au passage qu’elle se définit comme salariée – militante et non militante – salariée. « Moi, c’est arrivé dans l’autre sens. Quand j’ai été recrutée, j’étais convaincue, mais pas militante. C’est après que je le suis devenue ». Concernant les interventions, elle précise : « Nous ne sommes ni des enseignants ni des médecins scolaires. Ce que l’on veut, c’est partir des questions des jeunes. Il faut libérer la parole. Pas de censure. Les gamins peuvent parler de bite, couilles, même d’enculés si ça fait avancer. On s’adapte à ce qui se dit. On a notre boîte d’accessoires avec Popol le pénis et Rosine le vagin et on les sort ou pas. Ça dépend des remarques des gamins. La séance se construit dans l’instant ». Pas de cours, d’interro, juste un dialogue. Au-delà d’éducation et de prévention, il s’agit aussi d’amener les jeunes vers une sexualité épanouie, leur sexualité. Un sujet fondamental mais délicat qu’il faut savoir manier. « On part du corps, pas d’expérience personnelle », dit Emilie. « Il faut avoir la posture juste et être formée, ça ne s’improvise pas ». Le contact avec le terrain, que ce soit lors des permanences ou en intervention, fait naturellement du planning familial. Un excellent relai d’information. « Ce que l’on entend dans la salle, on le fait remonter. Ça nous permet d’alerter les autorités compétentes ». Exemple, l’avortement. « Aujourd’hui, il y a de plus en plus de contraintes matérielles pour se faire avorter. La santé prend cher et la santé sexuelle encore plus. C’est encore considéré comme du confort, c’est pas vital », assure Emilie. Fermeture des lits, clause de conscience exercée par les médecins, obligent les femmes à se déplacer de plus en plus loin, ce qui fragilise les femmes en situation de précarité. En alertant sur ces sujets, le planning joue un véritable rôle politique et fait bouger les lignes. « Seulement, à Chalon, on manque de visibilité. Nous sommes trop isolés. Quand tu es nombreux, tu es présent et on a du mal à te faire

taire. Quand tu es seul à Chalon, c’est plus difficile ». Nous arrivons là à l’enjeu majeur de notre planning chalonnais. La petite structure voudrait essaimer dans la région, tisser des liens. Ne plus être seule pour avoir une plus grande force de frappe. « On aimerait retrouver un maillage des Plannings Familiaux dans toute la région et investir des villes étudiantes comme Dijon ou Besançon », précise Aurélie. « Seulement, localement on bataille juste pour exister ». Les actions sur le terrain demandent du temps. Le temps, c’est de l’argent et l’argent ne coule plus. Les subventions s’étiolent. Il faut faire de nouvelles demandes de subvention, ce qui prend du temps et le temps c’est de l’argent... Sans caricaturer, l’équipe a parfois l’impression de passer plus de temps sur les recherches de financements que sur les projets eux-mêmes. Elle cherche donc des alliés. Bénévoles, institutions et associations partenaires, élus, appuis politiques et financiers. « Il ne s’agit pas seulement de sauver le planning de Chalon mais de poser des questions de fond. Comment aujourd’hui traîter de sexualité de façon militante en BourgogneFranche- Comté ? », questionne Emilie. Si le planning familial de Chalon met la clé sous la porte, les jeunes trouveront toujours un conseil en contraception ou une ordonnance de pilule, mais où seront-ils écoutés, sans rendez-vous et sans jugement ? Où pourrons-nous parler sexualité et épanouissement ? Si le planning de Chalon disparaît, c’est un lieu indépendant et laïc d’écoute et de tolérance qui disparaît. S’il se renforce, il ramènera sur le devant de la scène des valeurs fondamentales que notre époque aurait tendance à oublier. Les acquis ne le sont pas forcément définitivement. Il convient de rester vigilant. Les Chalonnaises poursuivent leurs actions, avec leurs valeurs comme moteur. Le local cosy, la boîte à accessoires, Popol et Rosine en guest star. Elles avancent, garantes de libertés acquises et à venir. // E.L. Numéro vert : 0800 08 11 11, du lundi au samedi de 9h à 20h. Service et appel anonymes et gratuits.

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perso

clair de la force d’une simple décision. Malheureusement, Baptiste Lignier, psychologue, psychothérapeute et maître de conférences à l’université de Bourgogne, nous ramène à la dure réalité : « Si c’était si simple ça serait bien. Mais ce n’est pas forcément le cas. (…) On n’a pas de bouton pour se dire qu’on pense positivement. C’est aussi la façon dont on met du sens sur ce qui nous arrive, quelle interprétation on fait de cet évènement, de cette personne autour de nous. Et ça ce n’est pas forcément facile. »

Véritable phénomène, le développement personnel oublie-t-il de la jouer collectif ? Par Matthieu Fort, à Dijon Illustrations : Michael Sallit

Au-delà des livres, des conférences, des stages, c’est un mouvement de fond partagé par un nombre croissant de personnes qui cherchent à s’améliorer continuellement, à devenir « une meilleure version de soi-même ». Outre le business qu’il génère, le développement personnel est-il une véritable aide pour des personnes en détresse ou un outil égoïste pour nous faire accepter davantage de compétition et d’inégalité ? On en parle avec des psychologues, des coachs, des pratiquants.

Avant toute chose, mettons-nous d’accord sur ce qu’est le développement personnel. C’est un mouvement un peu fourre-tout et on pourrait vite se perdre à définir ce qui en fait partie ou non. Il n’existe pas de définition officielle. Dans cet article, ce qu’on entend par développement personnel, c’est un courant de pensée donnant lieu à des conseils, des outils, des formations. Ce courant part du principe que chaque individu dispose de ressources intérieures cachées et que par un travail personnel, par des exercices réguliers, il pourra les exploiter et augmenter son niveau de bien-être. Pas besoin d’être un fin observateur pour se rendre compte alors que le développement personnel est partout. Impossible d’y échapper. Il truste les devantures des librairies, des livres tels que Les Quatre accords toltèques ou Le Pouvoir du moment présent se sont vendus à plusieurs millions d’exemplaires. Il inonde YouTube de vidéos telles que Devenez extraordinaire ou

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Osez vivre la vie qui vous inspire. Il peut même gagner des recoins insoupçonnés puisque le numéro d’avril 2019 de Psychologie magazine s’interroge : « Le ménage, un outil de développement personnel ? » Au premier abord, le développement personnel semble être la solution à tous les problèmes. En naviguant parmi les vidéos, les livres ou les conférences qu’il propose, difficile de ne pas se sentir concerné par au moins une problématique : réussir sa carrière, vaincre ses dépendances, booster sa confiance en soi, être à l’aise à l’oral, devenir un bon parent, partager son enthousiasme et ses passions, etc. Pour Aude Provillard, étudiante en psychologie, qui a parfois succombé aux sirènes du développement personnel, ce discours « est très culpabilisant. On ne prend pas en compte les spécificités de chacun et on te dit : « Regardez, je suis heureux donc vous n’avez qu’à faire pareil. »

En effet, une fois qu’on a identifié une problématique à résoudre, il va de la responsabilité de chacun de s’atteler à la résoudre. Ainsi, Miguel Ruiz dans Les Quatre accords toltèques assure que « le seul moyen de modifier le monde qui nous entoure est de changer à titre personnel. Si nous parvenons à modifier notre propre univers, nous gagnerons la paix intérieure et retrouverons l’amour inconditionnel ». David Laroche, une star du développement personnel (qui reste pourtant modeste en laissant les autres le décrire sur son profil Linkedin : « ce qu’on dit de moi : performant, impactant, méthodique, inspirant... ») s’inscrit dans la même veine. Il multiplie les vidéos sur YouTube, 610 à son actif. Dans celle intitulée Devenez extraordinaire, il nous regarde droit dans les yeux et, sur fond de musique épique, déclame d’un ton solennel que « être extraordinaire ça commence par une décision, la décision de se dire oui je suis extraordinaire, oui il y a de la magie en moi, oui je suis puissant, j’ai de la force, je suis un homme charismatique fort et puissant, je suis une femme magique, je suis une lionne ! ». Frissons garantis. Il est certain que ces discours peuvent faire du bien sur l’instant. Il peut être euphorisant de se dire que la solution réside en nous et que nous pourrions basculer du côté

Si vous avez déjà lu tous les livres disponibles à la FNAC sur le sujet (respect) et regardé toutes les vidéos YouTube (j’ai du mal à vous croire mais bon, admettons) et que vous continuez à vous sentir aussi intéressant que le Parti socialiste actuellement, pas de panique. Le développement personnel n’a pas encore dit son dernier mot. Vous pouvez toujours faire appel à un coach de vie. Contrairement aux livres et vidéos qui restent généralement abstraits pour toucher tout le monde, cette offre va justement jouer la carte de l’accompagnement individualisé. Alors attention, Olivier Champion, coach professionnel à Dijon nous prévient d’emblée, comme pour les chasseurs, il y a le bon coach et il y a le mauvais coach : « Il y a des gens qui ont de bonnes intentions très certainement, mais par contre quand tu t’occupes de gens, ça demande un minimum de bagages. (…) Moi dans ma pratique je ne m’improvise pas apprenti sorcier. » L’avertissement est le même du côté de Laurent Sauriat, coach et préparateur mental à Dijon : « Tu mets un coup de pied dans une poubelle, tu trouves 50.000 coachs avec 50.000 diplômes différents mais avec très peu d’expérience terrain parce que moi, la chance que j’ai, c’est que j’ai 25 ans d’expertise dans les armées ; ces 25 ans ça ne s’invente pas. » A priori, nous avons la chance d’avoir pu nous entretenir avec deux « bons » coachs. Profitons-en pour en savoir un peu plus sur leur pratique. Olivier Champion propose « des actions brèves ». Il explique : « au-delà de 12 séances, je n’ai jamais fait. Le coaching pour moi, c’est amener quelqu’un d’un état A à un état B. On est vraiment dans une notion opérationnelle des choses ». L’état d’esprit est le même pour Laurent Sauriat. Lui propose des Techniques d’Optimisation du Potentiel (TOP) et précise que « les TOP sont vraiment des outils très pragmatiques rapides et faciles d’accès ».

« On te dit : regardez, je suis heureux donc vous n’avez qu’à faire pareil » Aude Provillard, étudiante en psychologie

Cette promesse de résultats rapides et concrets répond à un besoin. Le temps, c’est de l’argent. Pour Baptiste Lignier, notre psychologue : « maintenant les gens se dirigent vers des choses plus simples ou des choses moins coûteuses, moins longues, d’où cet essor du développement personnel

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« Tu mets un coup de pied dans une poubelle, tu trouves 50.000 coachs avec 50.000 diplômes différents mais avec très peu d’expérience terrain » Laurent Sauriat, préparateur mental

ou des techniques très précises, très courtes, mais qui, à mon avis ne sont pas adaptées à tout le monde et peuvent faire parfois plus de mal que de bien ». À ce stade, l’idée n’est pas de dire que les solutions proposées par les coachs sont dangereuses ou, pour le moins, inefficaces. On comprend que dans certaines situations, on puisse ressentir le besoin de se faire accompagner. Olivier Champion nous explique à ce sujet que les personnes « vont être dans une notion d’espace sécurisé, dans lequel tu peux poser tes valises, dans lequel tu n’es pas jugé, dans lequel on va être centré sur toi. On va te proposer des options, des scénarios, on va bosser ensemble là-dessus ». Et d’ailleurs, on est bien dans l’obligation de reconnaître les potentiels bienfaits après avoir entendu le témoignage de Bernadette*, à Besançon. Suite à une rupture amoureuse compliquée, elle est partie trois jours faire un stage de développement personnel en yourte (ouais, en yourte...) et au final « ça m’a fait un bien fou ». Le pourquoi du comment est un peu flou, elle nous confie que les formateurs lui ont demandé « de ne pas raconter à l’extérieur ce qu’il se passe » (sûrement pour garder secrète la recette de la potion magique) et avoue même : « si j’avais su à l’avance ce que j’allais faire je n’y serais certainement pas allée ». Plus généralement, des techniques comme la méditation ont fait leur preuve, scientifiquement, et sont aujourd’hui promues et utilisées par des psychiatres comme Christophe André. On ne peut que s’en réjouir. Mais, si l’on sort du cadre des problématiques très personnelles, le point de vue est-il toujours le même ? Ainsi, selon un article paru dans la revue Frustration, revue (très à gauche) de critique sociale et politique : « conçu pour répondre à des détresses bien présentes, le développement personnel fait

« Une notion d’espace sécurisé, dans lequel tu peux poser tes valises, dans lequel tu n’es pas jugé, dans lequel on va être centré sur toi. On va te proposer des options, des scénarios, on va bosser ensemble là-dessus » Olivier Champion, coach professionnel

en réalité écran à leur compréhension plus collective et plus réaliste, donc politique ». Et en effet, Olivier Champion relate clairement des problématiques qui sont de l’ordre sociétal, où le discours « est de dire : tu peux avoir accès à tout, facilement, demain tu peux être un Steve Jobs un Mark Zukerberg. Parce qu’en fait, c’est ça qu’on te fait bouffer au quotidien, des gens qui ont changé le monde, qui ont révolutionné ça, alors que pour moi c’est comme dans le sport de haut niveau, il y a beaucoup de participants mais peu d’élus ». Le son de cloche est le même pour Laurent Sauriat : « Je crois qu’aujourd’hui les gens sont en quête de sens. (…) on leur a juste inculqué depuis tout petit : tu travailles 45 ans, tu prends ta retraite, tu t’achètes ta maison à crédit et tu seras libre ; mais ce n’est peut-être pas ça être libre ». Dans ces cas-là, consulter un coach permettra certainement de colmater les brèches, d’aider la personne à aller mieux sur l’instant et pourquoi pas même d’accompagner dans une reconversion professionnelle. Sauf que cela n’aura pas d’impact sur le fond du problème. Et Bernadette le reconnaît volontiers. Le développement personnel l’a aidée à accepter certaines situations, notamment au travail et « dans ce sens-là c’est beaucoup plus individualiste et ça ne sert pas forcément la communauté ». De même, la terminologie de « coach » est révélatrice. Les deux que nous avons rencontrés sont spécialisés dans les armées, le sport et l’entreprise. Des univers concurrentiels à la recherche de performance permanente. Transposer cela dans la vie personnelle n’est pas anodin. Pour autant, ne tombons pas dans la facilité qui pousserait à dire : les gens sont égoïstes, ils ne pensent qu’à leur gueule et ils font du développement personnel pour devenir un Terminator qui écrasera les autres. Pour le sociologue Nicolas Marquis, qui a fait sa thèse sur le sujet, « le développement personnel est un outil qui permet d’expliquer pourquoi, parmi des individus théoriquement égaux en droit et en valeur, certains vivent une vie plus intéressante que d’autres. Le mérite se mesure à l’aune de la volonté et de l’action, autrement dit de la capacité à s’en prendre à soi-même ». Le développement personnel serait au service de la société pour ne pas remettre en cause des inégalités sociales, économiques et même pire, pour culpabiliser ceux qui en sont victimes. Il est révélateur d’une perte de crédit des voies classiques d’action sur le monde et notamment des voies collectives : la politique ou les syndicats.

Mais l’espoir demeure. Même face à une problématique très intime, Bernadette explique qu’elle a trouvé la repentance dans le collectif, son stage étant réalisé en groupe. « Tu te rends compte du lien que tu peux créer avec des gens avec qui tu n’as aucun point commun et pourtant on en chie tous dans la vie et donc l’énergie du groupe fait beaucoup. » De même, le dernier film de François Ruffin, J’veux du soleil, témoigne de cela. En allant directement sur les ronds-points, à la rencontre des gilets jaunes, le député-journaliste montre l’enthousiasme qu’a pu susciter un tel mouvement, l’espoir que cela a fait naître chez beaucoup. Il déclarait d’ailleurs récemment lors de sa venue au cinéma Eldorado à Dijon : « c’est le moment où la honte privée devient colère publique. C’est le moment où les isolés, les intérimaires, les auxiliaires de vie sociale, les personnes handicapées, les auto-entrepreneurs font du collectif sur les ronds-points. » Pourquoi le développement personnel ? Vive le développement collectif ! // M.F. *les prénoms ont été changés.

« Je crois qu’aujourd’hui les gens sont en quête de sens. (…) On leur a juste inculqué depuis tout petit : tu travailles 45 ans, tu prends ta retraite, tu t’achètes une maison à crédit et tu seras libre mais ce n’est peut-être pas ça être libre » Laurent Sauriat, préparateur mental

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Par Aurélien Moulinet, à Chalon-sur-Saône Photo : Niels Robitzky Interview réalisée avec Radio Dijon Campus

«avecSi jemadanse femme dans le salon, Marvin Gaye c’est parfait. »

Storm Breaker Niels Robitzky, aka Storm, est un des pionniers de la culture hip hop en Europe. Venu de Berlin, il a, depuis depuis les années 80, élevé la danse hip hop au rang d’art au travers du monde. On a discuté avec la légende lors de son passage au festival Breakstorming, à l’Espace des Arts de Chalon-sur-Saône.

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Ça fait maintenant des années que tu danses, que tu t'exprimes sur scène. Est-ce que c’est toujours le même plaisir pour toi, après tout ce temps ? Bien sûr, je ne peux pas imaginer une vie sans la danse ! J’ai commencé à danser professionnellement à l’âge de 14 ans et j’en ai bientôt 50. Je ne peux vraiment pas imaginer ma vie sans la danse. Tu as commencé dans les années 80 et le hip hop est venu à toi. Était-ce un moyen de t’évader de cette culture allemande ? Pour nous tous, ce n’était pas que l’Allemagne qui était concernée par le phénomène. Le hip hop était à l’époque un moyen pour le monde entier de sortir de l’establishment et aller vers un autre univers.

Tu participes avec ton crew à la première Battle Of The Year en 1991 (une des plus grandes compétitions mondiales de breakdance) et tu la remportes. Les battles ne sont pas que des mises en concurrence, ce ne sont pas que des adversaires que tu as en face de toi pendant ces duels ? Il faut déjà distinguer le format de la compétition du vis-à-vis qu’on peut avoir avec autrui dans la rue ou au supermarché. C’est pas la même chose. Ensuite, pour revenir à ta question, effectivement nous avons gagné les BOTY en 91 et en 92, et toutes les compétitions en général. Ce qu’on se disait c’est : « qu’est-ce qui vient après ? Qu’est-ce qu’on peut faire ? Comment évoluer ? ». Et là, le théâtre, le plateau, c’était une solution parce qu’on pouvait à la fois montrer la culture hip hop et notre propre expression, en tant qu’artiste.

Le hip hop est aussi un moyen de raconter des histoires, un support de création artistique ? Définitivement. Depuis le début, le hip hop est un moyen d’expression. On a un cadre, donné par la société, par le monde dans lequel on vit, et ensuite il y a les règles. Chaque style de danse à ses règles et ses codes, que ce soit le b-boying, le popping ou le locking, et on s’exprime à travers ces règles. C’est comme faire de la linguistique : chaque langue a ses règles, qu’on utilise pour s’exprimer librement. Et ici, c’est à travers la danse. On le voit à ton CV, beaucoup de temps passé en tant que jury, enseignant… C’est important pour toi cette envie de transmettre tes connaissances, et de ne pas seulement démontrer ton talent ? Pourquoi j’ai accepté de faire partie de jurys pour des battles ? C’est pas seulement pour pointer à droite ou à gauche, pour dire qui a gagné. Un juge se doit de donner un retour critique aux danseurs et danseuses qui participent, pour qu’ils puissent s’améliorer. C’est ça le but. J’ai déjà parlé plus tôt du cadre, de la société ou d’un style. En tant que danseur avec une bonne technique, tu restes dans ce cadre, tout va bien tu vas gagner la battle. Mais en tant qu’artiste peut-être vastu exploser cette case, qui te restreint beaucoup trop, et finir par en sortir. Sur quelle(s) musique(s), on danse le hip hop ? Et, s’il y en a une, la meilleure musique pour faire du break ? Quand on a commencé c’était avec du rap, du breakbeat sur des morceaux de funk, de rock. Comme les MC’s qui vocalisent sur ces sons, on a apporté la danse. Si je danse avec ma femme dans le salon, Marvin Gaye c’est parfait. En revanche, pour une battle, il me faut quelque chose de plus agressif, et encore, ça dépend des styles de danse. Pour l’inspiration, envoie-moi un truc qui me surprenne, que je ne connais pas, comme du jazz. // A.M.

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Par Martial Ratel, à Dijon Photos : JC Polien

« SI, UN JOUR,

JE FAISAIS UN TUBE, CE SERAIT PAR ERREUR. L’artiste Bastien Lallemant revient avec une nouvelle détermination. Après La Maison Haute et Le Verger, il continue avec Danser les filles, ce qui sera peut-être perçu comme son triptyque à l’esthétique 60’s/70’s, résolument pop-folk mid-tempo.

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Bastien, ému.


systématique : « est-ce que quelqu’un attend mon disque ? » En 2015, pour mon album précédent, j’avais trouvé le label Zamora et assez vite on s’était entendus pour qu’il y ait un album après, ce qui était rassurant. Rassurante aussi, la presse qui avait été très bonne, ce qui a réhaussé la confiance en moi. C’est ce qui m’a souvent manqué. Tout cela a contribué à ce que j’écrive avec moins de crainte, en me disant que cette fois-ci, il y avait deux-trois personnes qui attendaient un nouvel album.

Dans cette interview, Bastien nous confie que son Danser les filles se veut (un peu) moins sombre et affirme s’être (un peu) rasséréné. Une confiance venue d’un entourage et d’un succès : les Siestes acoustiques, depuis 2010, partout en France, des rendez-vous musicaux autour de Bastien, d’une bande de musiciens amis et d’invités (comme Nosfell, Dominique A., Vanessa Paradis, Camelia Jordana) lors desquels les spectateurs sont invités à s’assoupir, bercés par les chansons.Danser les filles offre onze titres pensés comme une progression harmonique influencée par la musique nordaméricaine. Les histoires brodées par Bastien sont toujours énigmatiques et les mots se répètent sur des motifs entêtants de ballades. Une écriture s’appuyant toujours sur sa vision d’un monde qui glisse inexorablement vers l’entropie. C’est un Bastien Lallemant calme et plutôt enjoué avec lequel nous avons passé un petit moment dans un café à deux pas de la gare de Dijon. Qu’est-ce qui a présidé à la création de ce nouvel album ? J’ai souvent mis 5 ans pour passer d’un album à l’autre, souvent parce que j’avais des difficultés de label, pour trouver des partenaires économiques. Et aussi parce que je mets beaucoup de temps à écrire. Celui-ci a pris 4 ans, il y a une petite progression (rires) Mais, en le faisant, je me suis dit qu’il était venu plus rapidement, plus facilement au niveau de l’écriture. Les chansons étaient là. J’étais moins dans la souffrance par rapport aux autres albums qui m’en ont souvent causé beaucoup… ...Souffrance ? Pour mes albums précédents, j’écrivais une trentaine de morceaux pour lesquels il fallait faire les pré-productions pour, ensuite, évacuer au fur et à mesure celles que je ne gardais pas. Et il y aussi tous les doutes, les affres de la création et ce défi

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Tu te posais les mêmes questions pour ton premier album, Les Premiers Instants, en 2003 ? Non. La grande différence, c’est que j’étais un artiste à découvrir et que ce premier album, je le sortais chez Tôt ou tard, le label qui était alors le plus intéressant de la chanson française. Je savais que le label ferait le boulot et je suis passé de zéro à une petite reconnaissance, parce que je faisais partie d’un catalogue très en vue. Le deuxième, Les Érotiques, a beaucoup moins bien marché parce que le label n’a pas bien fait le boulot, et pourtant il avait des arguments. Il s’en est très peu vendu et le label m’a rendu mon contrat. Tout ça a ébranlé ma confiance. En 2010, lorsque j’ai sorti mon 3ème album, Le Verger, soit ça passait soit ça cassait. Comme ça s’est bien passé, ça m’a remis le pied à l’étrier. Mais si cet album était passé inaperçu, j’aurais changé de métier.

« je suis moins

paniqué qu’avant, je commence à accepter tout doucement la possibilité de vieillir et… d’un jour disparaître.

Tu aurais pu ? Non ! (rires) Mais il aurait bien fallu trouver de l’alimentaire. Jusqu’à récemment, ce rapport avec le public très confidentiel – mais très fidèle – ne me permettait pas d’avoir une grande visibilité. D’ailleurs, je tourne très peu sur mes projets personnels. Heureusement que j’ai Les Siestes Acoustiques qui me font énormément jouer, sinon je jouerais très peu. Je ne remplis pas les salles. Est-ce que tu as l’ambition, ou en as-tu fait le deuil, de sortir un tube, un morceau qui « marcherait » et qui t’apporterait une reconnaissance grand public ? On ne peut pas abandonner cette idée de tube. Disons que moi, je cherche à faire un tube mais… je ne sais pas faire. Si un jour j’en faisais un, ce serait par erreur (rires) On cherche tous à faire une chanson qui tape dans l’œil. J’ai l’impression qu’une chanson comme Un Million d’années, sur Le Verger, avait ce potentiel. Il y avait une atmosphère, je l’avais vraiment travaillée. J’essaye toujours de faire la meilleure chanson possible, je ne me dis jamais « je vais faire une chanson en m’en foutant du public ». Je pense qu’une chanson, ça doit être accrocheur. Mes chansons ne se passent pas de l’oreille extérieure.

Bastien, espiègle.

Danser les filles, la chanson qui ouvre l’album, a ce côté accrocheur. J’ai écrit cette chanson assez vite. Les chansons qui ont le plus fort potentiel de single sont souvent celles qui s’écrivent vite. En même temps, c’est une chanson qui parle des dégâts de la guerre, ça ne ressemble pas à un tube de l’été. Cette chanson est née d’un livre, Un Loup pour l’Homme de Brigitte Giraud, un livre sur la guerre d’Algérie et ses désastres sur les jeunes hommes. J’ai travaillé avec Brigitte sur une lecture d’extraits. On sentait tous les deux que ce serait bien d’en passer par une chanson. En m’inspirant d’un personnage du livre qui a perdu une guibole, j’imagine qu’il ne fera plus danser les filles. Comme si la foule ironique disait ça dans son dos. Pour l’écriture, les choses sont venues d’ellesmêmes. Elles se sont imposées à moi. Je ne contrôle pas grand-chose. Bien sûr, je les retravaille mais j’avais l’impression qu’il fallait que ce soit comme ça : pas besoin de nommer le personnage ni l’époque, tout est là en creux. Moi, je me fais des histoires et j’accepterais qu’on s’en fasse une autre comme quand on lit de la poésie ou des textes qui laissent une grande part à l’imaginaire. Si ce nouvel album est moins sombre que les précédents, on sent malgré tout que tu déroules un monde qui se décompose : les corps, les rapports humains, amoureux… Je crois que la thématique profonde de l’album est sombre. Je parle à plusieurs reprises de la mort, de la vieillesse. Il interroge, comme le précédent, l’homme que je suis dans son regard sur sa vie. Tout cela est flippant… Mais je suis moins paniqué qu’avant, je commence à accepter tout doucement la possibilité de vieillir et… d’un jour disparaître – bien que je trouve cela insupportable. Disons que je suis moins paniqué par ça et que ça a imprimé quelque chose dans la façon que j’ai de le dire. La Maison haute était un album sombre et angoissé comme je l’étais à ce moment-là. Le Verger, ça assassinait tout le long donc là, je pense que ça va plutôt vers la lumière ! (rires) Dans le tracklisting, l’agencement musical et harmonique des titres de l’album – ça commence par Danser les filles et ça fini par Berceuse – s’avance vers une ouverture, il est de moins en moins sombre. L’album pose des questions mais pas de façon angoissée. Quelle était la direction artistique de l’album ? Tu as choisi à nouveau de confier la production à Seb Martel et JP Nataf qui avaient réalisé l’album précédent. Tu leur as dit : « on refait le même » ? Pas du tout. Rien ne s’est imposé comme ça. Ça nous avait plu de travailler ensemble et on avait abouti à un album très sombre et très européen dans le son, sur une gamme harmonique souvent très mineure avec des cordes. Et quand je me suis mis à écrire de

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Bastien, en colère.

Et pourtant la couleur générale de l’album n’est ni tout blues ni tout folk. C’est du « Bastien Lallemant ». On ne se refait pas. Je ne vais pas me départir d’une écriture intuitive. Encore une fois, je ne contrôle pas grand-chose dans l’écriture. Je trouve que la réalisation n’est pas folk mais on s’est servi d’outils de studio vintage qui étaient utilisés pour cette musique. On était une très belle équipe à enregistrer : en plus de Seb et JP, il y avait Fabrice Moreau, qui un batteur exceptionnel et Babx, aux claviers, qui est un musicien très particulier. Dans ta musique, il y a encore et toujours des marques qui font penser à Gainsbourg, Dominique A ou Bertrand Belin. Je me suis tellement abreuvé de ces musiques… Mais, je ne me regarde pas dans la glace en me disant « Tiens, j’ai un petit air de Dominique A ce matin ! ». Pour Bertrand Berlin, c’est quelqu’un avec qui j’ai bossé pendant quasiment 10 ans : on était ensemble, on écrivait ensemble, on confrontait nos écritures. C’est comme si on avait construit une maison ensemble… Gainsbourg, j’en parlais encore ce matin à mon fils. Et Dominique, je bosse quelques fois avec lui… Donc, ils sont là mais ça ne me désole pas qu’on me le rappelle.

nouvelles chansons, je me suis aperçu que j’avais dans les doigts des cadences harmoniques plus bluesy, des accords majeurs avec une tournure folk et blues plus outre-atlantique. C’est assez logique parce que ces dernières années, j’ai beaucoup écouté Woody Guthrie, Johnny Cash, des artistes qui me sont venus au contact de Charles Berberian et Seb Martel. À force de jouer ces répertoires en siestes musicales, de partager avec eux ces cadences, ça donne des réflexes. Ça, on l’a découvert avec Seb et JP lorsque j’apportais mes nouvelles chansons sur les siestes. Ils se sont rendu compte qu’il y avait du neuf et qu’on pourrait faire un nouvel album tous les trois, ensemble, sans risquer de refaire le même. Alors, Seb Martel a enfoncé le clou de cette écriture musicale.

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Travailler, pour les siestes, ces morceaux qui viennent d’autres musiciens et d’autre horizons, te permet d’enrichir ton panel musical en ingérant les morceaux des autres. Ce sont d’incroyables Masterclass ! Quand tu te retrouves chaque week-end avec des musiciens différents, tu es bien obligé d’apprendre leurs titres, leurs chansons, tu es obligé de mettre les doigts dans la mécanique. Tous les week-ends, j’ai droit à un cours de guitare auprès de gens prestigieux. Depuis 2010, j’ai énormément pratiqué des musiques qui ne me ressemblaient pas. Ça ne peut que nourrir ma propre écriture. Comme beaucoup, je suis une éponge. Le titre Ralentissons est un parfait exemple d’une tourne blues, juste parce que mes doigts se sont placés sur ce type d’accord.

Le dernier morceau de l’album intitule Berceuse, pour Oskar. C’est ton fils ? Oui, c’est le petit dernier. Cette chanson est venue comme ça et elle me semblait assez bien gaulée pour être sur cet album. Oskar, il l’aime cette chanson mais son grand truc c’est Blur, Nirvana donc la berceuse de papa, c’est sympa mais ça va bien ! (rires) Chacun de mes 3 enfants a sa chanson, une a été publiée sur Les Érotiques et l’autre est là mais n’a jamais été sortie, elle était prévue pour être sur un disque pour enfants qui n’a pas été publié. Les enfants justement. C’est très étonnant de te retrouver comme guitariste sur le spectacle Ariol, personnage d’une BD enfantine d’Emmanuel Guibert et de Marc Boutavant. C’est le hasard des rencontres. Avant d’être cet auteur pour enfant, Emmanuel Guibert est un auteur de BD adultes fascinant. L’ayant rencontré, il m’a fait la proposition – va savoir pourquoi ? – de l’accompagner sur scène. Je ne connaissais pas Ariol et mes enfants étaient passés à travers ! Je trouve ça extrêmement fin, habile, tout ce que j’aime dans la littérature jeune public. Et maintenant, tous les soirs je lis Ariol à mon fils Oskar !

Comment écris-tu ? Est-ce que tu as un calepin dans lequel tu marques des phrases quand elles te viennent et dans lequel tu pioches ensuite lors de la composition des morceaux ? Ça ressemble à ça. J’ai un carnet que je remplis de punchlines, en me disant « Oh, cette phrase, elle a quand même du culot ! » 99 % de ces phrases ne servent pas et le 1 % est souvent l’amorce d’une nouvelle chanson. Et alors, j’écris, guitare et voix en même temps. La punchline va arriver avec un accord et cet accord avec un deuxième accord et ce deuxième accord avec une phrase et ainsi de suite… il y a cette progression. J’écris dans ces carnets lorsque je me dis qu’il faut que je bosse mais ça peut être à n’importe quel moment et dans n’importe quel lieu. Et je ne fais pas confiance à ma mémoire dans ces moments-là. Je note tout, je photographie mes doigts, je me filme… Faire une chanson, c’est finir ce puzzle. C’est prétentieux mais, depuis 2003, j’ai l’impression d’avoir progressé dans cet artisanat qu’est l’écriture d’une chanson, sur la fluidité, l’économie, l’efficacité. Je dis peut-être ça parce que j’ai eu moins de mal à écrire cet album-là. Ça a été moins laborieux. Étant donné que tu adores la littérature et l’écriture, où en es-tu de tes ambitions littéraires ? Est-ce que tu sortiras un jour une nouvelle ou un roman ? Bien sûr que, comme d’autres, j’adorerais avoir le cran d’écrire un livre. Je lis des auteurs contemporains mais je lis essentiellement des classiques : Hugo, Giono, Faulkner… Et ça, ça me met la barre tellement haut. // M.R.

« Faire une

chanson, c’est finir un puzzle. 53


Par Martial Ratel, à Besançon Photos : Raphaël Helle

JEU DE MAINS Hands in the Dark va bientôt fêter ses 10 ans. Créé à Besançon, le label à la cinquantaine de références, publie aussi bien des artistes canadiens, britanniques, états-uniens ou français et des nouveaux venus comme des artistes confirmés. Des années d’exploration et de défrichage entre indie ambient, rock psyché, folk, électronica, drone music. Un travail d’orfèvre aux choix artistiques forts. Exploration et découverte d’une (quasi) décennie en compagnie de Morgan, l’une des deux têtes pensantes du label.

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O

n pourrait commencer cet article par l’énumération de nom de groupes : Bitchin Bajas, Josiah Steinbrick, Cankun, Stag Hare, Ben Shemie… Mais la plupart de ces noms ne vous diraient certainement rien. Alors, allons-y par le début. L’aventure Hands In The Dark est d’abord l’affaire du duo Morgan et Antoine. Étudiants au début des années 2000, ils se rencontre à la fac bisontine. Les deux copains, à force de se faire découvrir des choses l’un à l’autre, ont envie de monter un projet à deux. Ce sera donc un label. « Avec la musique, on a toujours eu l’envie de creuser. Quand quelque chose nous plaît, on s’engouffre dedans et on cherche d’autres choses qui ressemblent. » Dans cette période, leurs goûts ne sont pas tout à fait les mêmes mais le duo fonctionne sur un principe qui reste essentiel : les coups de cœurs du moment. Le projet musical s’affine au fur et à mesure : « au départ, on voulait sortir des disques qui peut-être ne sortiraient pas ailleurs ». Antoine est fan de hardcore, de groupes extrêmes. Une musique bizarre, sur la brèche qui restera aussi une marque de fabrique de HITD malgré le changement d’esthétique. La dénomination du label Hands in the Dark n’est pas qu’une référence à un titre d’un groupe américain 70’s, Dark Day, groupe new wave, arty. « Avec ce nom, il y a l’idée de faire avec nos mains, de tout faire nous-même : le pressage, la distribution, la promotion. Comme tout se fait à la maison, derrière un

ordinateur, il y avait aussi l’idée de travailler dans l’ombre. » Comme un écho, un reste du hardcore : le Do It Yourself. Ce nom affirme aussi un goût pour l’obscur, les musiques dark, une tendance que l’on retrouve dans le catalogue de HITD, comme leur toute première publication Death & Vanilla, un groupe à la musique pop et sombre. Autre constance, le goût pour les musiques expérimentales, instrumentales, hors de formats mêlant, par exemple, sons ethniques, percussions, basses post punk et bidouillages électro comme chez Lumerians. Malgré la reconnaissance, et avec une cinquantaine de références, les défricheurs n’en ont pas fait leur activité principale, l’un est éducateur, l’autre ingénieur du son. « C’est une chance parce qu’on n’a pas l’obligation de dégager des bénéfices. On veut perdre le moins d’argent possible mais on essaye de sortir des disques audacieux et si on se plante sur un disque ce n’est pas très grave. » Souvent le label rentre dans ses frais ou au mieux dégage une marge pour la suite. Les sorties physiques, sur vinyle, sont modestes. De 300 à 1500 exemplaires, pour ce qui est aujourd’hui leur plus grosse vente, le psyché From Tomorrow de The Oscillation, en 2013. Un album qui aurait dû leur apporter succès et reconnaissance, s’ils avaient décidé de thésauriser dessus : « ça aurait

Alcatraz-en-Charollais.

Trouvez les 7 différences entre ces deux photos.

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pu être une ligne directrice, si on avait voulu vendre plus de disques. On connaît très bien les groupes qui pourraient marcher, qu’on pourrait sortir. Mais il y a peut-être quelque chose d’égoïste chez nous à ne sortir que des disques qui nous plaisent. » Le duo est capable d’opérer de grandsécarts entre deux sorties de disques. Déconcertant pour les suiveurs du label ? Un peu mais pas tellement. « Nos disques ne sont pas toujours évidents, ils peuvent être exigeants mais on constate que des gens nous suivent, sans savoir si ça va être bon ou non. » Le travail d’un label comme une dégustation à l’aveugle chez un restaurateur renommé. On vient en confiance. Quelques noms biens connus des amateurs de musiques indé et expérimentales apparaissent bien ici ou là sur le catalogue du label : Ben Shemie, Massicot, O Lamm et Domotic, Mondkopf mais la plupart des groupes publiés sont de grands inconnus. Morgan passe pas mal de temps à défricher : de sites en blogs, de liens en conseils, il écoute et prospecte à la recherche de nouvelles découvertes, de nouveaux coups de cœurs à qui le label pourrait faire une proposition. « Parfois, ce sont les artistes qui nous contactent. Dernièrement, Matthias Puech nous a proposé son travail sur sa passion pour les Alpes. On a tout de suite accroché sur sa musique mais aussi à toute sa démarche, parce qu’en plus, à côté de sa musique, il produit aussi ses propres modules pour synthés modulaires. » Ce qui a donné l’album Alpestre, entre ambient, enregistrement in situ dans les montagnes et electronica. De la prospection qui a mené à la sortie des premiers disques pour mettre en avant de nouvelles musiques. Tâche glorieuse et « très existante » qui comporte aussi ses difficultés : il faut faire connaître l’artiste pour espérer vendre ces disques. Une attention toute particulière est apportée également à l’emballage du disque : la pochette. « Il y a une cohérence d’un disque à l’autre mais elles sont toutes différentes. » Le label ne travaille pas avec un graphiste ni sur une ligne esthétique. Le figuratif côtoie le psyché et l’onirique, le rétro-futuriste fait face au géométrique minimal. Ce sont de belles pochettes dont les points communs passent par une sobriété, un équilibre et une économie de signes et de formes. « Le visuel est important. Un disque c’est un ensemble. Derrière le disque, il y a un concept. On n’impose pas la pochette aux musiciens et on en parle très tôt avec eux. L’esthétique du label ne doit pas prendre le pas sur l’ensemble.» En 2020, pour l’anniversaire du label, Morgan n’envisage pas pour l’instant de festival ou de grand événement que HITD pourrait organiser pour marquer le coup. Seules le préoccupe les prochaines sorties de Papivores, Matt Jencik, Razen prévues d’ici la fin de l’année. La discrétion, l’obscurité encore et toujours. // M.R.

« Avec ce nom, il

y a l’idée de faire avec nos mains, de tout faire nousmême : le pressage, la distribution, la promotion. Comme tout se fait à la maison, derrière un ordinateur, il y avait aussi l’idée de travailler dans l’ombre » Morgan, cofondateur du label

Hand In The Dark en 5 titres (très différents) —

2010 - Ghosts In The Machine Death And Vanilla – EP 2011 – Asha Moon Canoes Stag Hare - Spirit Canoes 2012 – track 4 Lumerians – Transmissions From Telos: Vol. IV 2013 – Descent The Oscillation – From Tomorrow 2018 – Lust Ben Shemie – A Skeleton

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Comment bien trier ses vinyles...

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Avril 2019, La Vapeur, Sirk festival

i a r e t ê r r a ’ J « r i r v u o ’ l de a r u a n o d n a u q s e m ê m s e l » s t i o dr Par Sophie Brignoli, à Dijon Photos : Le Studio des Songes / Sirk festival

DJ et productrice française installée à Berlin, La Fraîcheur est également une activiste obstinée de la scène queer et féministe. Dans son premier album Self Fulfilling Prophecy sorti en 2018, elle sample des extraits de discours politiques donnant à sa techno des allures de manifeste. Rien d’étonnant quand on sait que l’album a été enregistré à Detroit dans les locaux d’Underground Resistance, pionniers d’une techno alors politique et engagée. Rencontre avec une artiste militante passionnée lors de son passage au festival le SIRK, en avril dernier. 58

Quand tu es arrivée à Berlin, tu pensais arrêter ta carrière de DJ, qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ? J’étais un peu lassée c’est vrai, j’avais l’impression d’avoir fait tous les cas de figure : de la cave au festival, du bar au club, tous les styles de musique. Et du coup c’était moins enthousiasmant. Mais en arrivant à Berlin, force a été de constater que toute cette part de la culture club m’était complètement inconnue ; et puis c’est surtout la découverte de la danse qui a changé beaucoup de

choses pour moi. J’avais passé dix ans à être DJ sans danser et Berlin a fait de moi une danseuse effrénée, ce qui a changé ma perception du club, de la musique électronique et de mon taf en tant que DJ. J’ai réalisé que j’avais encore tellement à apprendre, à grandir. Tu as commencé à mixer à 16 ans, pourtant tu es passée à la production sur le tard, quel a été le déclic ? Il y a eu plusieurs déclics en fait : la danse parce que ça m’arrivait très

souvent en dansant de commencer à rajouter des claps, ou une voix, ou d’imaginer un filtre différent sur la base. Mais ça a aussi été le sentiment de faire partie de la scène, ce qui n’avait jamais vraiment été le cas avant. Quand j’étais DJ à Paris, c’était un travail secondaire... À Berlin, avec les producteurs/trices, les musiciens/nnes, les DJs, j’avais l’impression d’être en famille, qu’on créait tous ensemble des choses et ça m’a donné envie de m’investir plus. C’est aussi la rencontre avec Léonard de Léonard, qui est un de mes plus

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« Je suis pas un pitbull moi, je veux bien faire des câlins à tout le monde. » grands collaborateurs, qui compose depuis très longtemps et qui m’a très tôt prêté du matériel, laissé les clés de son appart pour que je puisse jouer. On était voisins. L’accessibilité à tout ça, avoir quelqu’un qui me montre les choses plutôt qu’un tuto, et aussi le fait que jamais il n’aie eu une position paternaliste ou condescendante, mais m’a traîtée d’égal à égal alors même que techniquement on n’était pas du tout au même niveau... Je pense que ça a participé beaucoup à désacraliser tout ça, car ça peut être très impressionnant au départ, surtout les machines. J’ai d’ailleurs commencé in the box, avec les sons d’ordis avant de passer au hardware. Et c’est clairement grâce à la patience, l’ouverture et au ton d’égalité partagé avec Léo depuis le début. Sur tes productions, tu as recours aux samples et tu pratiques aussi le field recording, qu’est-ce que ça t’apporte ? J’utilise d’ailleurs toujours des sons que j’ai enregistré à Detroit il y a deux ans, notamment sur le nouvel EP qui sort mi-mai (entretien réalisé au mois d’avril 2019, ndlr). J’ai fabriqué des micros contacts avant de partir là-bas. Ce sont des micros qui ne captent pas les vibrations du son dans l’air mais bien les vibrations contacts. Et je suis partie me balader. J’ai rien inventé c’est sûr, mais c’est chouette de pouvoir s’approprier des sons. J’ai une bande de données chez moi, ce sont mes sons. Et puis il y a un attachement émotionnel.

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Ce qui m’importe dans la production, c’est de garder les choses ludiques. Et il y a tellement de sons aujourd’hui disponibles que c’est devenu un peu impersonnel, donc c’est important pour moi, plutôt que de choper un clap, d’en faire un à partir de n’importe quel son enregistré. Ta musique révèle des ambiances plutôt sombres, assez dures parfois. Est-ce représentatif de ta vision des choses ? Non, en vrai je suis quelqu’un de plutôt joyeux et optimiste. Je voudrais pas rentrer dans le cliché de « la techno c’est dark et la house happy », n’empêche que toute ma vie j’ai essayé de faire de la house et j’en suis pas capable alors que j’en ai mixé des années, et encore maintenant. Ce qui est important pour moi, c’est que ma musique soit narrative, je ne supporte pas la techno en mode DJ tool, la techno d’autoroute, ou c’est la même loop du début à la fin. Même si, certes, c’est hypnotique et ça peut être très efficace en club. Mais moi je me fais incroyablement chier... J’ai besoin qu’il y ait une histoire et je pense que c’est plus simple de raconter des histoires dramatiques que des histoires heureuses. Ces sons m’accrochent le plus... Quand on parle de l’album et des morceaux politiques, il y a un écrin spécial dans lesquels les mettre. Je me vois pas mettre un message politique sur quelque chose de super guilleret. Mais dans mes morceaux,

je ne pointe jamais juste du doigt ce qui ne va pas, il y a toujours des samples qui disent : « c’est la merde, mais il y a une solution. » Pour moi, l’optimisme, il est là. C’est le cas dans le discours samplé d’Angela Davis et celui qui parle des liens entre la montée de l’extrême droite et le capitalisme libéral où au départ c’est angoissant, et puis finalement on a aussi des clés pour déconstruire tout ça. Comme cet optimisme est dans le message, il n’a pas forcément besoin de se retrouver dans la musique. L’album a aussi été pour moi un outil de gestion du deuil, après avoir perdu quelqu’un de manière assez brutale, je pense que j’avais besoin de sortir plein d’émotions... De la même manière que le nouvel EP est né de plein d’émotions pas toutes très agréables à gérer ou à recevoir.

plus coincée là-dedans en expliquant sa genèse. Cet EP, il parle de ce à quoi tu as été confrontée suite à l’album et ta médiatisation ? Il parle de ma confrontation avec les trolls. Alors je ne sais pas quel est ton rituel du matin, mais moi c’est de regarder Insta, mes mails, Facebook. Et pendant quelques mois après la sortie de l’album, j’avais des palpitations le matin en me réveillant parce que je

savais que j’allais y lire des messages d’insultes. Et le problème des trolls, c’est que tu ne peux pas leur répondre, il n’y aucun espace de discussion possible. Et pour la première fois de ma vie j’ai dû prendre sur moi, prendre cette violence. Et cet EP, c’est une façon d’externaliser cette violence-là. Ça s’en prenait à mon identité, mon physique, mes valeurs... C’est con, mais quand quelqu’un touche pile à tes complexes... Je m’en souviens d’un notamment qui m’avait dit : « t’as

les dents tellement jaunes que tu dois prendre de la coke au p’tit déjeuner ». Alors oui, j’ai les dents jaunes mais en fait je t’emmerde et en plus, moi je suis DJ sobre, parce que j’ai eu dans ma famille des problèmes avec la drogue qui m’ont écartée du truc assez tôt. Mais c’est injuste, gratuit, méchant, et même si t’essaies de relativiser ça reste avec toi, t’y penses. Donc oui clairement cet EP est plus dur, plein de frustrations mais ceci dit, j’en suis très contente parce que c’est le son

Justement Weltschmerz est radical comparé à l’album où on naviguait entre plusieurs sentiments avec des passages plutôt tempérés. Là, au contraire, c’est brut, tranché... Alors c’est tranché à cause du format aussi. Si j’avais refait un album, l’équilibre aurait pu être différent. J’avais, c’est vrai, beaucoup de choses à sortir. Et jusqu’à cette dernière année j’ai toujours été quelqu’un de plutôt franc qui n’a pas honte de dire les choses. Mais je suis toujours un peu réticente de parler de la sortie de cet EP parce que j’ai peur, surtout depuis l’album où on m’a enfermée dans la boîte politique, de me retrouver encore

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« Le problème des trolls, c’est qu’il n’y a aucun espace de discussion possible. » communauté queer, mais tu sens aussi que tout d’un coup, tu es devenu un produit.

que je voulais faire. J’ai redécouvert récemment les premiers vinyles de techno que j’avais achetés il y a 15 ans, qui étaient du hard style, tendance transe, et j’ai voulu faire quelque chose qui se rapprochait de ça, en terme d’énergie. Car finalement je joue très peu de morceaux de l’album en DJ set, donc je voulais aussi faire des morceaux que je pourrais jouer. Tu reconnais à la fois à la ville de Berlin cette liberté sexuelle mais tu

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en vois aussi les limites. Quelles sontelles, selon toi ? Je lui reconnais une vraie liberté identitaire, et non sexuelle, mais je pense que Berlin pâtit de son succès et est rentrée dans un modèle, à la base culturel et libérateur, qui est maintenant commercial pour des raisons liées à l’urbanisme et l’histoire de la ville. Aujourd’hui, la ville est réglementée comme elle ne l’était pas il y a 20 ans. Les clubs, qui avant étaient des squats, doivent payer des

loyers. Depuis 3 ans, il y a un salaire minimum en Allemagne ce qui n’était pas le cas avant... Tout ça a forcé la scène à se professionnaliser et aussi à se commercialiser : les clubs ont intérêt à remplir pour ne pas fermer. Et puis il y a la renommée de Berlin avec pas mal de gens qui viennent ici avec une idée de ce qu’est Berlin et qui, au lieu de créer, de continuer à rendre la ville intéressante, l’enferme dans cette image qu’ils ont. Pour moi, ce qui était intéressant à Berlin justement,

c’était la non-sexualisation des soirées liée à l’empreinte est-allemande qui conçoit la nudité comme non-sexuelle. Mais si on parle des sex parties, la scène queer est moteur à Berlin, musicalement, mais aussi en terme d’esthétique, de mode... À tel point qu’aujourd’hui les sex parties ou kink parties queer, tous les clubs hétéros en veulent une dans leur programme. D’un côté je suis contente de voir qu’on se réapproprie plus d’espaces et qu’on n’est pas juste cantonnés aux espaces managés par des queer pour la

Que penses-tu du manifeste publié dans Telerama des « 500 -désormais 1200femmes engagées des métiers de la musique » ? Je l’ai appris sur le compte de Rebeka Warrior et je compte bien aller le signer. En tout cas je suis contente que la porte soit enfin ouverte au dialogue. Et franchement, je me suis aussi sentie moins seule parce que je suis clairement pas la seule à subir ce sexisme. Par contre parfois je me demande si je suis pas la seule à ouvrir ma gueule. En interview la semaine dernière, le journaliste a commencé par me qualifier de porte-parole et je l’ai arrêté tout de suite. J’ai pas du tout envie d’être porte-parole, et la question ne se pose pas si on est 500 à ouvrir notre gueule. Tout le monde devrait être féministe. Tu expliques que ton côté grande gueule t’a fermé des portes... Est-ce que c’est pas un peu lourd à porter parfois ? Non, mais j’arrêterai de l’ouvrir quand on aura les mêmes droits. Je pense que mon confort personnel ne pèse pas dans

la balance par rapport aux manquements aux droits de l’Homme. Je le vivrais pas bien. Si je fermais ma gueule, je me dirais que je suis une merde. Même si je sais que ça fait chier des gens, que je perds des fans, que certains voudraient que je la ferme, notamment certains médias qui n’ont pas envie de donner encore plus de place à ce débat sur la place de la femme. Sauf que ça devrait même pas être un débat. Est-ce qu’il n’y a pas aussi une forme de jugement hétéro normé ? J’ai été d’ailleurs étonnée par ça mais la majorité des trolls et des messages d’insultes n’étaient quasiment jamais orientés sur mon homosexualité mais tout le temps sur le fait que j’étais une nana qui ouvrait sa gueule. On m’a rapporté l’autre jour qu’on m’appelait parfois le pitbull d’Infiné... (le label, ndlr) Mais enfin, c’est quoi ce délire ? Je suis pas un pitbull moi, je veux bien faire des câlins à tout le monde. On retombe dans le cliché du « c’est une hystérique », et c’est fatigant. Mais en même temps, tu vois les portes qui se ferment, c’est pas celles que j’aurais eu envie de franchir. Mais je pense que pour mon label, mes bookers, ça doit être un frein parce qu’eux doivent être frustrés de pas pouvoir me faire passer un certain niveau. Mais moi je le prends avec philosophie : il vaut mieux que je sois absente de tel média qui a des préjugés sur moi, plutôt que de faire une interview pourrie. // S.B.

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© tempsreel.fr - Guido Reni, Adam et Eve au Paradis, vers 1620 - Transfert de l'Etat à la Ville de Dijon : Musée du Louvre, Paris - Dépôt de l'État de 1809, transfert définitif de propriété à la Ville de Dijon, arrêté du Ministre de la Culture du 15 septembre 2010 © musée des Beaux-Arts de Dijon/Hugo Martens

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FONDATION

coup de coeur en partenariat avec Browning, loisirs et flingues. Viril.

sparse Depuis 2019, la fondation Sparse accompagne vos projets. Et défiscalise. Merci.

Denis Michoko a essayé pour nous le dernier Buck Mark standard URX de chez Browning « Ce Browning, on l’a bien en main. Avec, on se sent le maître du monde », nous confie Denis, créateur de Directzobimmo. « Avec mon arme, c’est comme dans le business, je sais que je contrôle tout. » Tout a commencé en 2012 pour Denis. Étudiant en Sciences de la Vie et de la Mort à l’université de Charolles, il est, comme tous les jeunes de son âge, à flux tendu question budget. « J’ai commencé à louer ma chambre en Airbnb pour 20 euros pour pouvoir m’acheter du shit.» Très vite, c’est le succès. « C’était les débuts, je me suis rendu compte que tout ce que je gagnais était net d’impôt ! Rien à reverser ! Hallucinant ! » Il arrête illico les études pour s’y consacrer à plein temps. « Les touristes sont prêts à payer des prix qu’ils n’auraient jamais mis dans un hôtel pour un truc authentique. Je leur foutais une nappe vichy sur la table

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et une bouteille de Passetoutgrain en guise de bienvenue, ils avaient l’impression d’être au Carlton.» Il n’a pas lâché l’affaire et il a créé la sienne. « On a fait monter le prix des loyers dans le coin, je te raconte pas. Certains sont obligés d’aller vivre en plaine de Saône, tu vois l’enfer ? » Depuis, Denis est resté dans l’immobilier et a su se faire une place au soleil. Il est marchand de bien. « C’est le métier le plus incroyable du monde. Tu achètes un immeuble et tu le revends plus cher. C’est tout. En général, je vois même pas les immeubles de mes propres yeux. Un coup de Google Streetview. J’achète, je revends de suite.» Parfois, il fait 15 studios dans un immeuble qui contenait 3 apparts et appelle ça « Résidence étudiante ». « Je les loue et je me gave. » Mais, la plupart du temps, Denis revend directement : « ça m’évite d’avoir le moindre

investissement à faire. La seule chose que je fais de mes dix doigts, c’est ma déclaration d’impôts. Zéro, tout est au nom de ma femme, qui vit en Suisse, pas con ». La valeur travail ? « Ah les amis... Ça fait 7 ans que je m’asseois dessus, mais félicitation à ceux qui pratiquent encore. Il en faut, sinon comment je pourrais envoyer mes enfants à l’école ou à l’hôpital public gratos ? » En entrepreneur courageux, Denis a choisi le Browning Buck Mark standard URX pour protéger sa famille. La finition en ronce de noyer rappelle à Denis ses weekends d’enfance à la campagne. Ce formidable ami de l’homme transpire des valeurs saines pour un homme simple comme Denis. « Racé et efficace, il peut faire beaucoup de malheureux en peu de temps, comme moi.» // C.W.

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psycho test

8. Dans le bureau du procureur et suite à un trentième vol de vêtements dans un supermarché, comment te défends-tu ?

Par Nicdasse Croasky Illustrations : Hélène Virey

[Déglingue, n.f. : état de profonde dégradation physique ou morale. État dépressif et angoissé, déchéance mentale.] L’été arrive et ses fortes chaleurs vont frapper au hasard pour dérégler les corps et les esprits. Risque majeur de déglingue pour tout le monde : ta voisine, ton meilleur pote... Tout le monde risque d’être touché et de devenir borderline, ou pire encore ! Grâce à Sparse, mesure rapidement ton niveau de déglingue potentielle et vois ce qui t’attend aux heures les plus caliente du mois d’août, et peut-être pour le reste de ta vie.

1. Régulièrement, tu aimes simuler des défenses de morse en t’insérant des objets sous les lèvres avant de pousser des cris paniqués. Quel est ton objet préféré pour cette activité ? A. B. C. D.

Les baguettes des restos chinois. Les carottes, sauf si tu les as déjà dans le finfin. Les radis pour lesquels tu entretiens une passion secrète. Les lames de rasoirs Gilette G3. Elles ajoutent rapidement une touche colorée amusante, genre vin rouge qui tâche.

2. Si le poète a déclaré que la terre était une orange bleue, alors la lune c’est quoi ? A. B. C. D.

Une pâle copie. La plus belle boule à facettes de la Voie Lactée. Qui diable va aller y faire la poussière et la rebrancher ?! Une mer de gruyère un peu trop calme à ton goût. La base arrière des reptiliens et de leurs chefs nazis. Forcément.

3. Tu massacres ta mère dans une orgie de violence au cours de ce qui restera une nuit de pleine lune rouge mémorable. Quelle est ta première action au petit matin ? A. Tu crées ton compte sur Tinder, ta daronne marâtre n’étant plus là pour t’en empêcher. B. Les yeux dans le vague, tu prends un selfie avec ce qui reste de la tête de ta mère à la main, satisfait de cette pose de qualité. C. Tu prends une douche, un bon petit déjeuner et tu files au travail : la journée va être longue. D. Tu fais des conserves puis tu shampouines la moquette et récure le parquet. Les valeurs et l’ordre, c’est ta structure, ton héritage, ton ADN.

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U T S AIMEGUE ? N I L G É D A L 4. Tu es serial killer : quelle est ta rubrique préférée dans le journal local ? A. La page jardinage, en quête d’infos sur le compost humain, parce que l’écologie avant tout. B. Les recettes pleines d’astuces pour accommoder les restes de tes victimes. Faut pas gâcher, comme on dit dans l’Yonne. C. Les faits divers pour vérifier qui tu as massacré hier : homme, femme, enfant, chien. D. L’horoscope : les jardiniers l’utilisent pour savoir quand planter, toi aussi. 5. Que vois-tu lorsque tu regardes un test de Rorschach ? A. Une bouteille de Pastis cassée qui coule. B. Ta mère en slip. C. Un test de Rorschach, ducon. D. Un chien écrasé. 6. On annonce sur Facebook que la fin du monde aura lieu dans quelques heures... A. Tu cherches sur Google quoi faire à proximité : le bowling de Marsannay-la-Côte est ouvert avec une partie gratos pour une achetée. B. Tu fonces jouer toutes tes économies au loto, on sait jamais. C. Tu t’assures que tous les appareils électriques sont débranchés. D. Tu organises une réunion avec le voisinage pour chercher des solutions en mode collaboratif, en espérant que tout le monde finisse par s’entretuer. 7. Tu t’organises pour le déclenchement imminent d’une famine monstre et tu établis la short-list de qui tu préfèrerais manger et avec quelle cuisson. Qui est ton number one ? A. Ton animal de compagnie : mijoté avec un bouillon et du vin rouge. Ta bébête aurait adoré partager ce délicieux repas avec toi, tu en es sûr ! B. Des enfants : cuisson rosée pour mettre en valeur la tendreté de ces jeunes chairs. C. Ton vieux père : bien cuit, mode semelle, pour augmenter le temps de mastication. D. Ta mère : cuisson saignante voire bleue. Cuisson unilatérale.

A. Tu rappelles que tu es l’arrière-petit-fils de Jean Valjean et de Simone Signoret, ce qu’un test ADN récemment réalisé a prouvé. Tu es le jouet de ton destin et irresponsable sur le plan pénal. B. Tu es détendu : le juge va comprendre que tu ne voles que des choses qui mettent en valeur ton élégance et qui ne se revendent pas. De toute façon, tu n’as pas de compte sur Le Bon coin, ce truc de losers. C. Actuellement sous un cocktail de médicaments pour une (très) longue durée, tu te réfugies derrière le secret médical et tu demandes le classement de cette affaire Secret-Défonce. D. Tu invoques le 5ème amendement : ça débloque toujours les problèmes à la TV, dans tes séries policières préférées. 9. Mieux vaudrait… A. … ne jamais être né pour ne pas à avoir peur de mourir B. … mourir chaque soir au crépuscule et renaître à la vie le matin, dans une perle de rosée, tel le phénix papillon. C. … ne pas savoir qu’on est en vie, pour se demander si on ne serait pas déjà mort. D. … mourir, oui, mais pas seul, que ce soit un moment festif et un peu plus vivant. 10. Les 50 pilules anti-déglingue dans ton semainier te semblent fort mal organisées. Comment fais-tu preuve de créativité pour les ranger ? A. Tu les classes les yeux fermés. Dans le domaine médical, le hasard est le meilleur conseiller. B. Tu t’inspires de Van Gogh, dont les traits de couleurs te rappellent tes pilules, et tu peins une toile avec ton semainier. Tout simplement. C. De la plus claire à la plus foncée. Attention : rien de raciste dans ce classement ! D. De la plus petite à la plus grande. Tu as plus d’énergie le dimanche pour avaler.

> Maximum de A

Tu as la déglingue des losers magnifiques, mais losers quand même. Tu as tout tenté pour

t’insérer dans la société, te faire accepter, être apprécié et aimé mais comme le rond ne rentre pas dans le triangle, tu ne rentres dans aucune case. D’ailleurs, les cases carrées des formulaires de Pole Emploi t’écœurent. Mais pourquoi diable t’échignes-tu à les transformer en petits cœurs ? Tu t’acharnes à faire de ton mieux, sans comprendre que, plus tu iras dans cette voie, plus ta vie sera un champ de ruines. Les plans pourris sont tout pour toi, à moins que ce ne soit à cause de toi qu’ils finissent par être pourris.

> Maximum de B

Tu as la déglingue sublime, genre artiste maudit. Si tu as 27

ans ou plus et que tu n’es pas encore mort, c’est que tu n’es pas un de ces artistes alcooliques et déglingués. Un truc idéal pour le cirque médiatique mainstream. Tu disposes malgré tout de compétences qui font de toi un artiste de la déglingue. Le seul problème, c’est que tu es le seul à comprendre le sens de tes œuvres. Ou alors, tu as 50 ans d’avance, et là où les autres voient de la merde, toi tu penses : Joconde. Alors que le peintre utilise sa toile pour traduire ce qu’il perçoit comme étant de la beauté, toi tu t’évertues à rendre la laideur, la noirceur, la puanteur, l’horreur, tout ce qui se termine en « eur » et qui t’entoure. > Maximum de C

Tu as la déglingue intermittente : Freak control dans la lumière, jouet des pulsions dans l’obscurité.

Look BCBG, langage châtié, bon goût affiché, bibliothèque bien rangée, métier enviable… Ces signes ne devraient tromper personne. Rien à voir avec la charité si tu es bénévole dans toutes les soupes populaires de France et de Navarre. Tu fais juste ton marché parmi les âmes les plus fragiles que tu utilises pour te repaître, et pour mêler l’utile à l’agréable ce sont bien souvent des jeunes corps entre 20 et 30 ans maxi, cheveux blonds de préférence. Le désir, ça ne se commande pas.

> Maximum de D

Tu as la déglingue mauvaise, mais alors vraiment mauvaise ! Comme tout le monde, tu avais le choix jusqu’à l’âge de 7 ans entre le bien et le mal, et tu as choisi la déglingue le jour de tes 7 ans. Ce jour là, ton papa t’avait offert le divx du Batman de Tim Burton. Et c’est en admirant la performance de Jack Nicholson en Joker que tu as décidé toi aussi de devenir psychopathe... Ton père, policier municipal, rêvait plus pour toi d’un destin à la Batman. Il te l’a tellement reproché que tu as fini par le tuer le jour où il t’a surpris alors que tu allais farcir le finfin d’un chat avec un bâton de dynamite. C’est finalement lui qui a profité du bâton et le chat te suit toujours, fidèle compagnon sur l’autoroute de l’enfer où les cadavres servent de bornes kilométriques.

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horoscope Par Cédric de Montceau Illustrations : Mr Choubi

La seule raison d’exister de cet horoscope est de remplir les pages de ce magazine fantastique. Le contenu est sans importance, les lignes de phrases, de mots, de lettres et les images donnent une certaine densité à l’ensemble. Tout comme ce texte de présentation inutile.

C’est en dénonçant votre collègue de travail à votre hiérarchie, pour des Chèques Restaurant, que vous puisez le doux parfum de votre minable existence. Heureusement, c’est bientôt les vacances. Travail : bof.

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On vous verra sans doute écluser les dernières consignes écocup à l’arrière des festivals, cet été. Gardez le cap, il est possible que la rentrée soit moins maltée. Chance : elle n’existe pas.

Le bonheur sera au rendez-vous de vos vacances d’été. Malheureusement, vous êtes toujours en retard. En plus, il avait décidé de partir en avance. Greenwich : le changement d’heure est un vrai bordel.

Le numéro que vous avez demandé n’est plus en service actuellement.

Vous n’osez plus raser votre barbe de peur de vous faire larguer illico quand votre partenaire découvrira votre vrai visage. Ne tentez rien de fatal, restez poilu. Santé : le pissenlit n’est pas une maladie de peau.

Pour ceux qui ont un troisième téton, l’avenir sera plus compliqué que prévu. Ce genre de particularité ne passera pas inaperçu à la Kommandantur, surtout si vous renouvelez votre carte nationale d’identité. Amour : l’illusion est une image comme une autre.

Si vous avez envie de taper sur vos gosses, dites-vous que c’est probablement parce qu’ils vous ressemblent. Vulgaires, impolis, turbulents et sales. Rassurez-vous en pensant qu’ils sont surdoués. Amour : ne vous forcez pas c’est indécent.

Cessez de mélanger les torchons et les baskets ou votre été risque d’être le roman d’un malaise. Si ça vous rend heureux, n’hésitez surtout pas à boire. Beaucoup, mais frais. Travail : faites semblant, comme tout le monde.

Si vous n’arrivez plus à fermer les boutons de votre jean, c’est normal. Vous auriez du lire votre horoscope avant. Aujourd’hui, c’est trop tard, on est désolé… On vous souhaite un bel été. Santé : mangez biosanto.

La tolérance ne vous mènera à rien, cet horoscope non plus. Vous êtes attachant mais tellement chiant qu’au bout du compte, plus personne ne veut vous accompagner au loto du dimanche. Destin : triste réalité.

Inutile de tenter de vous mettre en bikini sur les plages. Les enfants ne méritent pas un spectacle qui pourrait ruiner leur avenir et les parents sont de plus en plus vigilants. Chance : vous êtes prévenu.

Si à chaque fois que vous prenez la parole en public, vous faites l’effet d’une sonnerie de téléphone à votre auditoire, posez-vous la question du silence. Santé : Chut.

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courrier des lecteurs

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Prune

| Nuits-sous-Ravière (89) Excusez-moi mais, comme je sais que vous êtes un média irréprochable sur ses sources, j’aimerais être sûre... Thierry Beccaro, il arrête Motus ? C’est un fake ? Ce monde s’écroule-t-il vraiment ? Rassurez-moi ! réponse de la rédaction Hélas Prune, c’est la triste vérité... Après avoir dégagé Julien la légende Lepers comme un malpropre, avoir envoyé le bon goût au pilon avec le départ de Pat’ Sébastien, c’est le cœur même de la culture française qui est touché, la moëlle de l’intelligence collective du peuple de France. Thierry, c’était un papa, un frangin, un cousin... Il est entré dans chaque famille française depuis 30 ans. T’as quatre générations qui connaissent Thierry. Je matais Motus avec ma grand-mère, je l’ai maté avec mes nièces ! C’est pas sa carrière de comédien de boulevard qui nous rendra la boule noire... Oh, ohohohoh... En plus, Motus, ça permettait aux jeunes de se confronter avec des mots écrits correctement, avec toutes les lettres nécessaires. Plaisir et apprentissage en même temps. Parce que Beccaro, c’est une vanne à la minute ! Du jeu de mots, du calembour, de la vanne sexiste. Un panel qu’on ne retrouve plus que dans les mariages de famille, à l’heure de la goutte. C’est un pan d’histoire qui s’en va. Par contre, Thierry est parti de lui-même, comme un grand. Il a dû sentir le vent tourner. Longue vie à toi, Thierry Beccaro. Tes calembours, dans mon coeur.

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Lisa |

Labergement-lès-Seurre (21) Vous qui connaissez les deux, soyez honnête. C’est lequel, le plus beau musée des Beaux-Arts ? Celui de Besançon ou celui de Dijon ?

réponse de la rédaction Oh la provoc’ ! C’est vrai que les deux villes ont inauguré leurs nouveaux musées à quelques mois d’intervalle. Disons-le très clairement, ils sont magnifiques, c’est la grande classe, faut aller les voir. Y’a celui de Belfort qui réouvre aussi. Ça doit être la saison. Pour les départager, je ferais la même réponse que d’habitude : le milieu. le musée des BeauxArts de Dole. Pile au centre, il a son petit charme.

Luc |

ABSINTHE ANIS GENTIANE SAPIN

Montbéliard (25) Bonsoir. J’ai prévu de passer des vacances dans le Morvan, cet été. Je me demandais, par souci d’intégration, si je devais apprendre le hollandais, enfin la langue locale, quoi ? Si jamais on s’adresse à moi, comment puisje faire pour me faire comprendre ?

réponse de la rédaction Le néerlandais, ça ne s’apprend pas, monsieur. D’ailleurs, ça ne se parle pas, ça s’éructe. Les Hollandais parlent anglais, tous. Donc, ne t’emmerde pas à apprendre la langue. Trop dur, dans tous les sens du terme. De toute façon, y’a peu de chances pour qu’ils te parlent, apprend plutôt le morvandiau. Il en reste encore quelques-uns dans le Morvan.

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Adrien

| Autun (71) Hello ! Je suis très ennuyé car j’ai appris que vous étiez en rupture de stock de ces magnifiques casquettes Sparse. Je veux en acheter une, ou m’abonner pour en recevoir une, comment puis-je faire ? Je sens qu’elle changera clairement mon potentiel de séduction. Putain, je vais me foutre en l’air si j’arrive pas à en pécho une ! réponse de la rédaction Calme-toi, Adrien, redescends... Respire... Voilà. Je te comprends, on sent dans la région un manque depuis la fin des stocks. On en a recommandé. Elles arrivent. Je ne te dis pas où et quand pour ne pas créer de mouvements de foule qui pourraient déstabiliser l’économie régionale. Mais on se tient au courant.

49 rue des Lavaux 25300 Pontarlier

www.pontarlier-anis.com

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION


l’actu du passé

Par Pierre-Olivier Bobo

Vous avez déjà oublié ce qu’il s’est passé ces trois derniers mois dans ce monde de brutes parce que la vie va trop vite ? On vous met au parfum grâce à quelques tweets sélectionnés avec soin.

La radio de tes vacances Toute l'année 92.2 fm

80

radiodijoncampus.com


from helle

Bravo monsieur le maire, vous avez gagné, votre persévérance a payé, Xavier va devoir démonter sa cabane, payer 3000 € d’amende et vous rembourser les frais de justice. Vous l’avez jeté à terre. Joli coup. La grande classe serait aussi, maintenant, de cultiver votre bienveillance. Soyez indulgent, soyez élégant, soyez beau, soyez bon, laissez Xavier dans les cimes vivre son rêve d’enfant. S’il vous plaît.

Dans chaque numéro, carte blanche au photographe Raphaël Helle


l’élégance est un état d’esprit

sparse WEAR

e-shop sparse.fr/boutique maison fondée en 1987


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