Routiers, pastis et frontière suisse
+ ANNE-SOPHIE PELLETIER GUSTAVE COURBET YAN PEI-MING LE BAN BOURGUIGNON JACQUES JUPITER
84 pages de sciences en claquettes-chaussettes
sparse magazine mieux
sparse | numéro 28 | trimestriel
sep. oct. nov. 2019 • www.sparse.fr imprimé à vraiment beaucoup d’exemplaires à lire aux gogues
GRATUIT • BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ
édito. Sérieusement, tu penses encore que c’est efficace comme argument le : « Vous êtes des bobos » ? Alors que déjà, techniquement, nous le sommes, dans la mesure où le fondateur de Sparse s’appelle – sans rire – Bobo. Mais faut-il réellement y voir une forme de prédestination ? Perso, on n’a jamais été trop branchés ésotérisme à la rédaction… Mais surtout, est-ce qu’un jour tu vas répondre sur le fond de ce que je dis, et pas seulement sur le fait que tu me méprises parce que je me pose plus de questions que toi ? Par Sophie Brignoli Photo : Alexandre Claass
Sympa ta niche éco-responsable, Rex.
PRÉSENTE
TRIBUDIJON
FEST.
sommaire
LA MUSIQUE ET LE MONDE
3. ÉDITO 6. CONTRIBUTEURS
ours Ce magazine est édité par Sparse Média. Siret : 750 725 806 00038 - APE : 5814Z www.sparse.fr - contact@sparse.fr www.sparsemedia.fr DIRECTEUR DE PUBLICATION Pierre-Olivier Bobo RÉDACTEUR EN CHEF Antoine Gauthier CONTRIBUTEURS Badneighbour, Loïc Baruteu, Pierre-Olivier Bobo, Sophie Brignoli, Laetitia, Chauvin, Sophie Dumanche, Maître Fougnard, Matthieu Fort, Cédric de Montceau, Nicolas Popovic, Martial Ratel, Édouard Roussel, Franck le Tank, Léo Thiery, Augustin Traquenard, Emmanuel Vein, Chablis Winston, James Granville forever DIRECTION ARTISTIQUE INTERNETINTERNET
PHOTOGRAPHIES Alexandre Claass, Raphaël Helle, Édouard Roussel, Louise Vayssié ILLUSTRATIONS Mr. Choubi, Michael Sallit, Hélène Virey, Loïc Brunot, Yannick Grossetête COMITÉ DE RELECTURE Alix Blk, Martin Caye, Marion Godey, Chan Masson, Aurore Schaferlee
8. GUESTLIST 10. LOOSER/WINNER 12. LE
FOND DE L’AIR EST FRAIS
ENQUÊTE VONT BOSSER EN SUISSE
14. ILS
HISTOIRE D’OÙ VIENT LE BAN BOURGUIGNON ?
28. MAIS
VÉRITÉ VRAIE PASTIS A ÉTÉ INVENTÉ EN HAUTEPATATE
32. LE
REPORTAGE ROUTIERS SONT SYMPAS
38. LES
PORTRAIT 46. ANNE-SOPHIE
PLAYLIST 52. LA DISCOTHÈQUE DE JACQUES JUPITER INTERVIEW VANOLI, LE MORVAN EN BÉDÉ
IMPRIMEUR Est Imprim (25)
60. ABONNEMENT
Dépôt légal : à la sortie du magazine ISSN : 2260-7617
66. PORTFOLIO
Sparse bénéficie du soutien du Ministère de la culture et de la communication, fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité.
PELLETIER, DE L’EHPAD
À MÉLUCH’
56. CÉDRIC
Merci à nos partenaires ainsi qu’à celles et ceux qui ont permis la réalisation de ce numéro. Prochain numéro : décembre 2019
TRIBUFESTIVAL.COM
OCTOGONE 22. COURBET, MING : RENCONTRE AU SOMMET
COUVERTURE Photo : Alexandre Claass (2018, New York)
Tous droits réservés © 2019
27/09 AU 6/10/19 DU
62. ROMAN-PHOTO
: LES CAGOINCES DE COEUR PARTENAIRE 74. PSYCHO TEST 76. HOROSCOPE 78. COURRIER DES LECTEURS 80. CONSEIL JUSTICE 82. FROM HELLE 72. COUP
GUTS & LES AKARAS DE SCOVILLE / BLICK BASSY / PIANO SUR LE FIL – BACHAR MAR KHALIFÉ / DAMILY / UKANDANZ / ONIPA / NOMADIC MASSIVE / SOFIANE SAIDI & MAZALDA / REVERSE WINCHESTER – MIKE LADD & MATHIEU SOURISSEAU / GYEDU-BLAY AMBOLLEY / SUPER PARQUET / CYRIL CYRIL / PÉROKÉ / OLAÏTAN / LA PERLA / ÉDREDON SENSIBLE / SIBUSILE XABA & MAËLLE DESCLAUX / DORDOGNE / ZE TRIBU BRASS BAND / buenavibra dj / ALEXANDROS MARKEAS & YAÏR BARELLI / LES ATELIERS DE L’ESM BFC / …
contributeurs
Par Chablis Winston Photos : DR
Nom : Thiery Prénom : Léo Fonction : Sérial rédacteur.
Guy Georges, Emile Louis, Thierry Roland... Tous des grands tueurs en série. Alors pourquoi pas Léo, qui porte ses deux prénoms comme un étendard, en prenant bien soin de garder l’étiquette au cas où il pourrait le revendre sur le net. Prends ça l’Yonne !
Nom : Chauvin Prénom : Lætitia Fonction : Traductrice Français-Art contemporain.
Lætitia est journaliste de qualité ? Très bien, on engage ! Elle maîtrise le monde de l’Art comme Véronique et Davina maîtrisaient celui du streching, à fond, et tout en souplesse. Par contre, on l’a jamais vue. Elle appelle d’une cabine, laisse ses papiers dans les consignes de la gare... C’est le MI6 du journalisme.
Scène de musiques actuelles
Dijon
lavapeur .com
FESTIVAL DE DANSE
INSTANCES 12 > 19 NOV 2019
ALEXANDRE ROCCOLI / OMAR RAJEH / ARTHUR PEROLE / JAN FABRE / YARA BOUSTANY / BASSAM ABOU DIAB / GUY NADER / MARCO DA SILVA FERREIRA / NINO LAISNÉ – FRANÇOIS CHAIGNAUD
Nom : Baruteu Prénom : Loïc Fonction : Indiana Jones, aventure et Histoire de France.
C’est le retour du fils prodigue du journalisme bourguignon. Son interdiction de territoire levée, Lolo peut à nouveau sentir de ses propres nasaux les parfums enchanteurs de sa BFC natale. À Lyon, comme tout le monde, il se fait chier comme un rat mort. C’est le retour à la vie, à la 8.6 et au bon goût. Welcome back Lolo.
Nom : Traquenard Prénom : Augustin-Francis Fonction : Rédacteur, DJ, manut’, go fast en tout genre...
Muscles saillants, tatouages tête de mort, bagnole de loc’ entre les mains, Augustin-Francis trace la BFC façon easy rider comme au bon vieux temps. Sixteen again pour l’Auguss’ qui fout à l’amende tous les p’tiots de la région au beer pong, au bras de fer, et au bang.
Vanessa Paradis · Oxmo Puccino · Le Peuple de l’Herbe · Jay-Jay Johanson · Bastien Lallemant · Flavien Berger · Lee Fields & The Expressions · Lorenzo · Jim Jones and the Righteous Mind · Izia · Thylacine · Deena Abdelwahed · Kikesa · Koba LaD · La Fine Équipe · Lysistrata · Last Train · Loud · J.S. Ondara · Namdose · Mézigue · Cedric Burnside · Super Parquet · Ze Tribu Brass Band...
Nom : Beccaro Prénom : Thierry Fonction : Président d’honneur.
Nom : Bobo Prénom : Pierre-Olivier. Fonction : Titulaire.
Après une longue période à temps de jeu variable sur le terrain de Sparse, Pierre-Olivier prend enfin le jeu à son compte. Devenu titulaire indiscutable, il va te tenir ce fameux 4-4-2 diamant qui a fait la réputation des plus grands magazines d’Europe, de The Sun à Closer en passant par Tiercé magazine.
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ESPACE-DES-ARTS.COM
Romances Inciertos © Jose Caldeira
Thierry est retraité du service public. Il a cessé d’illuminer les matinées de ceux qui ne travaillent pas. Et si j’en juge tous ceux qui, comme nous, le vénèrent, ça fait du monde sans boulot en France. Si Thierry veut devenir président d’honneur de Sparse, ce serait une vraie fierté. Viens Thierry. T’auras des jetons de présence, et un pass Mobigo.
Concerts, ateliers, conférences, rencontres... En savoir plus : lavapeur.com
guestlist
Par Pierre-Olivier Bobo et Chablis Winston
Marie-Line Duparc |
les Musclés, sinon Farmall, un groupe montant de la scène indépendante BFC, ils ont un tracteur. Maire de Saint-Jean-de-Losne
Saint-Jean-de-Losne, c’est le plus grand pole fluvial de France alors que c’est la plus petite commune en superficie. À sa tête ? Marie-Line Duparc, ou plus exactement de la Saône et du Canal. Dans quel coin es-tu allée parfaire ton bronzage cet été ? À Saint-Jean-de-Losne. Ta petite insulte préférée, c’est quoi ? Trou du c— Un restau à nous conseiller ? Le Bouchon Losnais, c’est un peu ma cantine. Conflit au Moyen-Orient, Amazonie en feu, dérèglement climatique… C’est clairement le bordel : quel est ton petit secret pour remettre de l’ordre dans tout ça, et assurer la paix dans le monde ? Des amis autour d’une bonne bouteille et refaire le monde. Quel est ton album préféré de JUL ? Il n’est pas sorti. Qui sera le prochain maire de Dijon ? Une fée verte ? Le groupe LREM au conseil municipal de Dijon a volé en éclat avant l’été. C’était quand, toi, ta dernière grosse rupture ? Avec mon fournisseur Internet y’a 3 semaines.
À choisir, tu préfères : faire caca sur une aire d’autoroute sans papier toilette, ou boire sans t’arrêter une bouteille de rhum. J’ai toujours un paquet de mouchoirs dans mon sac. Qui est Emmanuel Bichot ? Connais pas, un ailier droit ? Qui va payer la dette de la Sécurité Sociale ? Nos enfants, j’en ai 5 à la maison. Tu as le droit d’avoir le groupe de ton choix pour venir jouer à ton mariage, tu prends qui ? Kalkbrenner (ma famille est franco-allemande). Un conseil pour bien enlever tout le sable de la raie après la plage ? Un bon coup de peigne. Il paraît qu’après le Groenland, Donald Trump veut acheter la BFC ? Tu lui vends combien ? Pas cher, comme ça il renoncera. T’irais habiter sous le barrage de Vouglans toi ? Non.
Les Couleurs de chap’ |
Compagnie de théâtre,
Lons-le-Saunier
Les Couleurs de chap’, c’est une compagnie de Lons-le-Saunier (un peu les petits frères de l’Amuserie). Leur truc à eux, c’est la Suze. Ils ont créé le Suze Day. Une animation qui fait tout bien digérer... Et bien rigoler.
Sur l’autoroute, les types qui roulent au milieu, on fait quoi pour eux ? On a beaucoup hésité mais on voit 2 solutions : solution utile pour tous, on leur fout l’option gogogadget aux roues tout le temps ou quand on veut les dépasser, et ils se transforment directement en car-wash comme ça, hé bien on a notre caisse toute propre quand on passe dessous. Solution plus radicale, en bossant avec Signaux Girod à Bellefontaine (39), on met des panneaux « toutes directions » concernant
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la voie du milieu, avec une f lèche, pis tous ceux du milieu la suivent, pis en vrai elle emmène dans un ravin, où toutes les voitures du milieu tombent et s’entassent, et on peut éventuellement récupérer des pièces si elles sont pas trop pétées. Vous pouvez avoir le groupe de votre choix pour venir jouer à votre mariage, vous prenez qui ? Si on arrive à ressusciter Framboisier et René, on prend
Pinot ou Alaphilippe ? Alaphilippe, parce que son nom est mieux et que Pinot est déjà pris dans notre cœur par Gérard Jugnot dans Pinot simple flic. Plutôt Pinot ou Poulsard ? Poulsard, parce que son nom est mieux et que Pinot est déjà pris dans notre cœur par Gérard Jugnot dans Pinot simple flic. Non en vrai et pour faire plaisir à notre copain Jiji, on va répondre : « oh ben ça on cépage ». Attention question touchy, est-ce que « La Ligue, enculé ! », c’est homophobe comme chant dans les stades ? Ah ça dépend la position et la tonalité. C’est pas le propos qui compte c’est le rythme et la mélodie (dixit Lemmy).
Pourquoi les cyclistes français ne sont pas aussi bien dopés que les autres ? Déjà parce qu’on a des gros antécédents avec l’alcool, on peut pas tout avoir dans les veines, faut choisir. On est en France bordel ! Qui est le mec au drapeau breton présent dans tous les festivals de France ? Bon, on va vous le dire, il faut que ça éclate au grand jour : c’est Didier, un sbire de la DGSE, qui se balade incognito pour compléter son rapport de fin de stage sur « quelle est la place du terrorisme dans les festivals aujourd’hui ? ». Votre épisode préféré de Faites entrer l’accusé, c’est lequel ? C’est celui où le gars il entre, il fait « toc toc toc », un mec répond « oui, qui est là ? » Tu sais bien, oh, c’est le Jean-Claude Romand, le tueur de Clairvaux-les-Lacs. Un beau Romand, une belle histoire...
Frédéric Ménard |
Directeur de Zutique
Productions et du Tribu festival, Dijon
Fred a monté Zutique Productions à Dijon, ceux-là même qui organisent le Tribu festival, le festival mythique de musiques du monde, groove, hip hop, jazz, qui fête cette année son 20ème anniversaire entre le 27 septembre et le 6 octobre. Créateur de la Coursive Boutaric, il a également fomanté le Human Beat Box festival, Made In, ou l’excellent festival Repérages dans le Morvan, car Fred vient de là, du poumon de Bourgogne. Bref, avec sa casquette vissée sur la tête, le gars est dans tous les bons coups depuis 20 ans.
Qui va payer la dette de la Sécurité Sociale ? Les réserves financières gigantesques de certaines mutuelles. Vive les solidarités. Ton festival fétiche dans le coin ? Les Rendez-Vous de Juillet à Autun et Bibracte, qui n’a malheureusement duré que 2 éditions. Un festival qui a invité à penser, se cultiver, réf léchir, et se poser des questions sur des sujets d’actualité. Que manque-t-il à notre région pour être vraiment la plus cool de toutes ? L’océan pacifique et ses atolls de rêve, c’est de la bombe ! Un concert à ne surtout pas manquer pendant le Tribu 2019 ? Sibusile Xaba avec Maêlle Desclaux, à l’atelier Chiffonnier. Une rencontre qui va marquer les esprits. Qui sera le prochain maire de Dijon ? Pierre-Olivier Bobo, sans aucun doute. Un spot pour manger à nous conseiller ? Le Bistrot du Port
à Pont d’Ouche, pour son tartare de charolais, son Brillat à la truffe et sa carte de vin bien léché. Miam miam. La plus belle route de BFC, c’est laquelle, franchement ? La route de la Pesse au sud du Haut-Jura, et toutes ses nuances de vert... Magnifique ! Et je vous conseille particulièrement le petit marché dominical des Bouchoux, à quelques bornes de La Pesse. Qui est Emmanuel Bichot ? Hé bien, le directeur de Sparse, non ? Ta petite insulte préférée, c’est quoi ? Oh chameau ! partouzeur de droite. Qui est le mec au drapeau breton présent dans tous les festivals de France ? Yann Rivoal. Sur l’autoroute, les types qui roulent au milieu, on fait quoi pour eux ? Les types qui roulent au milieu, c’est moi alors lâche l’affaire chameau, partouzeur de droite.
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winner / looseur Par Augustin Traquenard Photos : DR
Didier Martin. 1/20
Grosse défaillance pour le député LREM de Côted’Or. Après avoir monté un groupe avec ses deux zikos (Charles Rozoy et Jean-Claude Décombard) en opposition à François Rebsamen au conseil municipal de Dijon, le band a splitté juste avant l’été. Les deux derniers ayant rejoint les rangs de l’association Pour Dijon, un collectif citoyen relié à aucun parti nous diton. Ahahah ! Une association fondée par Sylvain ‘Judas’ Comparot. Ahahah !
Laurent Alexandre. 0/20
Chirurgien, énarque et fondateur du site Doctissimo, pourfendeur de Greta Thunberg et macroniste convaincu, Laurent Alexandre donne des conférences en jean et chemise blanche. « Certains d’entre vous dans cette salle vivront plus de 1.000 ans !». En attendant l’immortalité et l’avènement de l’intelligence artificielle, Laurent pratique l’évasion fiscale. Effectivement, si la retraite dure 900 ans, mieux vaut prévoir.
Muriel Pénicaud. 3/20
La ministre du travail connue pour son élocution hasardeuse et son discours inintelligible a une nouvelle spécialité : le tweet foireux qui fait polémique. En voulant faire l’intéressante en rendant hommage à l’écrivaine Toni Morrison, Muriel se prend les pieds dans le tapis en évoquant «l’entrée magistrale des Noirs en littérature». On a peut-être découvert qui se cachait derrière le discours de Dakar de Nicolas Sarkozy.
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Ludwig Francillette. 17/20
La culture footballistique en BFC, c’est Auxerre, Sochaux, Gueugnon et LouhansCuiseaux. Bref, un peu partout sauf en Côte d’Or où le DFCO a encore beaucoup a apprendre... Mais c’est peut-être en train de changer. Il faut maintenant tout miser sur Ludwig Francillette, un jeunot de 20 ans qui évoluait l’année dernière à Quetigny (21800) en Régional 1. Pour son premier contrat pro, il est bombardé, défenseur central dans l’équipe de Newcastle, en Premier League. Sehr schön, Ludwig.
Cardi B. 14/20
Après avoir tué le game du rap féminin avec le titre Bodack Yellow en 2017, l’ancienne caissière et stripteaseuse à la gouaille légendaire apporte son soutien au démocrate Bernie Sanders avec une proposition limpide : augmenter le salaire horaire minimum des américains de 9 à 15 dollars. Philippe Martinez likes this.
Elise Bussaglia. 18/20
Après 192 sélections et 16 ans passés en équipe de France de football, ‘Buss’ prend sa retraite internationale mais rempile une dernière saison au DFCO. Elle devrait aussi reprendre une activité de professeure des écoles, diplôme obtenu alors qu’elle jouait au PSG. Quand tu sais que ta maîtresse a planté un but dans le temps réglementaire pour égaliser en quart de finale de la Coupe du monde contre l’Angleterre (2011), tu écoutes. Et tu fais tes devoirs.
CONCERTS OCT / DEC 2019 Sam 5 Ven 11 Ven 18 Sam 19 Ven 25 Sam 9 Sam 16 Ven 29 Sam 7 Ven 13 Ven 20
OCTOBRE r-zac + dragongaz + mem pamal clarika (festival j. brel) vesoul jazz orchestra / apéro concert Echo System fête ses 5 ans ! Lysistrata + it it anita NOVEMBRE Sidilarsen + -2les yeux d’la tête + mister pb Jack simard / apéro concert DÉCEMBRE équipe de foot + primitif + Spanked el gato negro + cumbia pirata gliz / apéro concert
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Par Delphine Frésard, à Besançon Illustrations : Michael Sallit
RIEN
À DÉCLARER Des entreprises qui embauchent, un salaire médian avoisinant les 5.700 euros et un taux de chômage au plus bas depuis 10 ans... Bienvenue en BourgogneFranche-Comté Suisse ! Un eldorado salarial certes, mais au prix de conditions de travail souvent plus difficiles qu’en France et surtout d’une hyper-flexibilité du marché du travail. Chaque jour, en BFC, ce sont près de 30.000 frontaliers qui patientent quotidiennement dans les bouchons pour passer la frontière…
++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++ 6:00 PM. Col-des-Roches, entre Villers-le-Lac et le Locle. Incessant défilé de rutilantes cylindrées allemandes. Ils sont des milliers, ouvriers, horlogers, infirmières, secrétaires, employés dans l’hôtellerie, la restauration... à affronter, matin et soir, la route, les bouchons, les lacets, la neige et le verglas en hiver, pour aller gagner leur vie de l’autre côté de la frontière. Depuis 2002, le nombre de ces travailleurs frontaliers a doublé en Suisse, passant de 160.000 à plus de 320.000. « La recrudescence des travailleurs frontaliers a commencé avec la signature des accords bilatéraux sur la libre circulation des personnes en 2002, mettant fin
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aux quotas de travailleurs étrangers dans les entreprises suisses. La crise de 2008 a également contribué à cette explosion... Non seulement les entreprises recrutent - le pays compte moins de 4% de chômeurs - mais les salaires y sont deux à trois fois plus élevés. Un cadre, qui, de prime abord, a de quoi faire rêver bon nombre de salariés français ! » détaille Alexandre Moine, professeur de géographie à l’université de Franche-Comté et Président du Forum transfrontalier. « Le canton de Neuchâtel, qui est le seul canton en Suisse à avoir adopté un SMIC, l’a d’ailleurs fixé à 3.480 CH (environ 3.200 euros), le salaire minimum le plus élevé au monde ! »
« Tu peux arriver le matin au boulot, être remercié à midi et rester chez toi pendant la durée du préavis, c’est assez brutal ! » Mais le rêve suisse est cependant à nuancer ; salaire élevé rime ici avec flexibilité et précarité (tu peux lire cette phrase avec la voix de Bernard de la Villardière). Bénéficiant d’un droit du travail beaucoup plus souple et libéral, le CDI helvète est par exemple révocable à tout moment, sans motif ni indemnités de départ. « Tu peux arriver le matin au boulot, être remercié à midi et rester chez toi pendant la durée du préavis, c’est assez brutal », témoigne Caroline, horlogère au Locle. Un siège éjectable facilement actionnable qui en a déjà plongé plus d’un dans la galère. « Beaucoup viennent des quatre coins de la France pour s’installer ici et travailler en Suisse, ils pensent que c’est l’Eldorado. Lorsqu’ils reçoivent leur premier salaire, certains croient qu’ils ont gagné au loto, ils investissent dans une belle voiture, etc. Du clinquant, quoi. Seulement ils oublient les impôts, le coût de la vie plus élevé dans les régions frontalières mais surtout le risque d’être licencié. Beaucoup se retrouvent endettés », constate Florian, domicilié à Morteau. Dans son ouvrage intitulé Bienvenue au paradis !, la journaliste Marie Maurisse, expatriée en Suisse, fait également état d’une réalité bien moins rose que celle habituellement présentée, à commencer justement par le code du travail qui comprend « deux cents articles contre quatre mille dans le recueil français ». La Suisse a notamment été, en 2005, l’un des derniers pays en Europe à avoir instauré le congé maternité payé ! Le revers de la médaille, c’est aussi un temps de travail moins favorable qu’en France : la loi prévoit une durée maximum de travail qui varie entre 45 et 50 heures par semaine (toutefois, grâce à certaines conventions collectives, la durée du travail hebdomadaire est de 42 heures en moyenne) et quatre semaines de congés payés par an. « La plupart des usines d’horlogerie du canton de Neuchâtel ferment durant les ‘vacances horlogères’, soit 3 semaines imposées entre juillet et août. Ça laisse donc peu de jours de congés flexibles en réserve ! » confie Caroline. C’est sans compter les attentes implicites envers le salarié qui doit se donner totalement à son entreprise quitte à laisser ses soucis de côté quand il en a : « Quand il y a un surcroît d’activité on fait des heures sup’, c’est comme ça, il n’y a pas de convenances personnelles qui tiennent. C’est très mal vu de refuser et tu accrois tes chances d’être dans le viseur lors d’une prochaine vague de licenciement… » continue Caro.
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Audi - boulot - dodo. Si le frontalier semble apprécier le confort ouaté de son habitacle allemand, il n’en reste pas moins que les trajets demeurent l’inconvénient majeur. « Si la moyenne est de 45 mn de transport, certains peuvent passer deux à trois heures par jour dans leur voiture...» précise Alexandre Moine. En cause, les interminables bouchons aux douanes mais aussi la zone plus étendue du lieu d’habitation des frontaliers : « concernant les frontaliers de l’arc jurassien, ils se situaient avant dans un rayon de 10 km autour de la frontière, le périmètre s’est maintenant élargi à l’axe Valdahon - Besançon ». Des frontaliers pressés, qui roulent vite, très vite, et qui empruntent (salement) les petites routes pour contourner les bouchons. C’était sans compter la colère des riverains voyant se transformer leurs chemins de campagne en nationales, « régulièrement, les itinéraires bis empruntés pour contourner les bouchons sont coupés à la circulation par les Suisses à l’heure de passage des frontaliers » rapporte Chloé, horlogère à LaChaux-de-Fond. « Je ne prends aucun plaisir à prendre mon véhicule tous les jours et participer à ce flot de voitures. Seulement on n’a pas vraiment d’autres choix, l’offre ferroviaire est insuffisante... » continue-t-elle. Un constat que partage Alexandre Moine : « La ligne des horlogers qui relie Besançon à la Chaux-de-fond est très bien empruntée par les frontaliers, ça commence à monter à partir de Valdahon, les trains sont archi pleins ! Le problème, c’est effectivement les fréquences. Deux fréquences de plus matin et soir et on résorberait peut-être un tiers de ces foutus bagnoles ! Ce n’est pas un manque d’attention de la part de la Région, c’est une politique très longue et très lente à mettre en place. Là, ils viennent de rajouter une navette, c’est déjà pas mal, mais la ligne doit être réhabilitée, les voies ne sont pas stables, ça coûtes des dizaines de millions d’euros... Seulement l’urgence climatique est là, on n’a plus le choix et il faut donc mettre des moyens en face. On ne peut pas dire aux gens « vous polluez ! » et ne rien proposer en face. À un moment, il faut les aider… en plus il y a une vraie demande ! » Même conclusion du côté de la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports. Pour eux, au vu du nombre de véhicules qui traversent chaque jour la frontière franco-helvétique, la ligne des Horlogers pourrait accueillir bon nombre d’usagers supplémentaires. Pour rénover la ligne, la Région Bourgogne-Franche-Comté pourrait investir près de 37 millions d’euros pour moderniser la voie
Lorsqu’ils reçoivent « leur premier salaire,
certains croient qu’ils ont gagné au loto, ils investissent dans une belle voiture, etc. Du clinquant, quoi. Seulement ils oublient les impôts, le coût de la vie plus élevé dans les régions frontalières mais surtout le risque d’être licencié. Beaucoup se retrouvent endettés. florian, mortuacien
entre Morteau et le Locle. Les travaux sont prévus en 2021. En attendant un désengorgement du trafic automobile lié à la modernisation de cette ligne, les frontaliers sont encouragés par les entreprises helvètes à préférer le co-voiturage, réservant ainsi, en priorité, leurs places de parking aux employés choisissant ce mode de transport. « Ce n’est pas toujours évident de faire du co-voiturage en raison des impératifs persos. Quand on choisit de faire la route seul c’est la galère, je ne peux pas me garer sur le parking de mon entreprise réservé uniquement aux co-voiturages. De plus, il n’est plus question de garer sa voiture dans le village de la boite, les Suisses n’en peuvent plus des voitures de frontaliers, ils appellent la fourrière ... » détaille Chloé. La mobilité, et plus particulièrement l’usage de la voiture, est devenue en effet un axe de tension majeur entre les frontaliers et les Suisses. « Les habitants du Locle et de La Chaux-
de-Fond prennent cher. Des milliers de voitures sur un axe urbain qui ralentissent, s’arrêtent aux feux, accélèrent, s’arrêtent au stop, redémarrent… c’est lourd en termes de pollution de l’air, de pollution sonore, c’est aussi des places de parking en moins... Je comprends leur colère. Si le travailleur frontalier se comportait comme un Suisse en allant au travail, c’est-à-dire en empruntant les transports en commun, la logique frontalière serait ignorée, les frontaliers se donnent à voir à cause du manque de transports en commun. Ils sont visibles dans des grosses voitures diesel, tandis que les Suisses ne roulent pas en diesel, il y en a très peu, ils détestent ça... C’est sur cet engorgement que les partis d’extrême droite jouent ! », précise Alexandre Moine. Les frouzes, les shadoks, les froquards. La grogne se cristallise également depuis de nombreuses années sur d’autres aspects que la mobilité : crainte du dumping salarial, de la concurrence déloyale ou encore d’un accès réduit à certaines professions… La présence des frontaliers en Suisse suscite de vifs débats d’un point de vue marché du travail. « C’est une aberration car la Suisse sans les frontaliers ne pourrait de toute façon, pas tourner ! » commente Alexandre Moine. Pris en étau entre un besoin de main d’œuvre étrangère et une crainte de l’envahissement, la Suisse s’est peu à peu laissée gagner par les thèses populistes de l’Union Démocratique du Centre (UDC), conservatrice et nationaliste, devenue premier parti du pays. Sauf qu’en Suisse, les étrangers ce sont aussi les Français. Ceux-ci sont à la Suisse ce que les Roms sont à l’Italie et les Maghrébins à la France : des boucs émissaires. « Le frontalier est à la fois visible et invisible… C’est la cible idéale ! » commente Alexandre Moine. Pour la journaliste Marie Maurisse, « lentement, subrepticement, les Suisses se sont mis à penser que leurs cousins de l’hexagone étaient gentils, certes, mais trop nombreux, un peu trop bruyants… Un sentiment anti-français s’est développé, on ne peut le nier !». Les frontaliers ne font pourtant pas que travailler et toucher leur argent. Une partie d’entre eux s’implique dans les relations avec leurs collègues de travail, des activités de loisirs, voire associatives. Loin de l’image des “mercenaires” habituellement colportée, explique Alexandre Moine. Mais si certains frontaliers s’investissent peu dans la vie locale en Suisse, c’est notamment en raison des trajets qu’ils sont amenés à effectuer au quotidien. « C’est surtout le cas pour les pères ou les mères de famille qui ont des enfants en bas âge et qui ne peuvent pas rester le soir pour des activités extra-professionnelles », relève le chercheur. Du point de vue de Nicolas, travaillant à Neuchâtel, « concernant les termes frouzes, shadoks… — ndlr
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pour toi le jeune : les Shadoks sont les personnages d’un dessin animé des années 70, des oiseaux rondouillards dont l’activité emblématique est de « pomper et encore pomper » — on les a tous entendus au moins une fois. Pour eux c’est une sorte d’habitude de langage pour désigner les Français, ce n’est pas forcément méchant mais plutôt taquin disons... Mais effectivement on peut faire un parallèle avec la France où les minorités sont parfois victimes de certains qualificatifs limite, voire, franchement racistes. Ces surnoms sont davantage haineux sur le canton de Genève où les rapports entre Suisses et Frontaliers sont particulièrement tendus ». Le problème c’est que les quolibets, moqueries et autres taquineries d’hier ont fait boules de neige et ont donné, petit à petit, du grain à moudre à l’UDC. En 2014, une initiative populaire initiée par ce parti sur « l’immigration de masse » a d’ailleurs introduit la « préférence nationale » dans la Constitution fédérale. Elle s’est traduite dans la loi par l’introduction de la « préférence indigène light » entrée en vigueur l’été dernier dans l’idée de diminuer le nombre de recrutements de frontaliers, qu’ils soient français, allemands ou encore italiens, en donnant une longueur d’avance aux locaux. Les employeurs doivent donc désormais informer prioritairement les demandeurs d’emplois suisses concernant les professions affichant un taux de chômage supérieur à 8 % (très très peu), puis 5 % en 2020, en publiant les postes vacants aux Offices régionaux de placement 5 jours avant les agences d’intérim et autres plateformes d’offres d’emploi. Il aura tout de même fallu trois ans pour que la mesure puisse réellement voir le jour, le Conseil fédéral suisse ayant eu du mal à modeler cette “préférence indigène” pour la rendre conforme à la législation européenne... Ironie de l’histoire, de position de force, la Suisse pourrait basculer, dans quelques années, en position de faiblesse. En effet, jusqu’en 2030, les baby-boomers partiront chaque année de plus en plus nombreux à la retraite, or, le taux de natalité ayant chuté depuis, ils ne pourront pas tous être remplacés. Une évolution qui commence à filer des sueurs froides aux responsables économiques helvètes. Nos voisins suisses vont à l’avant de gros problèmes de recrutement. De « voleurs d’emploi », les frontaliers pourraient bien devenir des sauveurs d’emploi. La Suisse, tu l’aimes ou tu la quittes. Fatigue, précarité de l’emploi, stress, manque de considération, impact sur la vie familiale, salaires pas si avantageux que ça en fin de mois… Des frontaliers, déçus ou épuisés, finissent par quitter le marché du travail suisse de leur plein gré. « Je souhaitais mettre un terme à ce rythme de vie plus
que particulier. Les trajets me rendaient dingues, une vraie perte de temps à mes yeux. Tu as le fric, ok, mais tu en oublies totalement tes hobbies. Puis, une fois payés l’assurance-maladie privée, l’essence, l’entretien de la voiture, la nounou - sur de larges horaires - pour ceux qui ont des enfants... il ne reste pas forcément grand-chose. L’autre inconvénient est que je n’avais aucune sécurité en termes de contrat, j’enchaînais les contrats intérim. Je n’ai jamais compris ces gens qui passent des années en Suisse, pour toucher leur biffe, passent 3h dans leur bagnole et laissent leur gamins à 5h du mat’ chez leur nounou.... Cette vie n’était clairement pas faite pour moi !» témoigne Sophie, revenue travailler à Besac. « De nos jours, les gens privilégient de plus en plus leur confort de vie, leur vie de famille… et il est clair que la vie de frontalier n’est pas idéale pour cela ! De plus, comme ils partent tôt et qu’ils reviennent tard le soir, ils sont parfois peu intégrés dans leur commune de domicile et se coupent ainsi doublement de leurs liens sociaux », constate Alexandre Moine. Une vie sociale particulièrement compliquée pour ceux, qu’on appelle dans le Haut-Doubs, les « nouveaux frontaliers », des gens venus des 4 coins de l’hexagone attirés par le vernis de façade du marché du travail suisse. « Ceux qui ne sont pas nés ici comme nous ont du mal à se faire des amis », raconte Florian, le Mortuacien. « Certains louent un petit studio et rentrent chez eux le week-end pour retrouver leurs familles. Ceux qui viennent de plus loin, des Bretons, des Normands, des Marseillais, se
Et on ne parle pas
de nos voisins du Pays de Gex ou le m2 atteint, en ce moment, les 4.346 € !
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retrouvent et forment une communauté de nouveaux arrivants. C’est un peu une vie d’expatriés. Pour beaucoup d’entre eux, la Suisse est une parenthèse et un moyen de mettre de l’argent de côté, ils repartent ensuite ! » témoigne Olivier, propriétaire de logements locatifs dans le Haut-Doubs horloger. Mon Haut-Doubs va craquer. Trafic, croissance démographique, taux de l’immobilier en hausse, coût de la vie plus important… Le problème avec cet aimant que représente la Suisse, c’est que les campagnes d’autrefois se retrouvent désormais confrontées à de véritables problématiques urbaines. En témoigne le prix moyen des transactions immobilières entre particuliers. Selon une récente étude de l’Observatoire transfrontalier de l’Arc jurassien, il dépasse ou approche les 2000 euros/m² le long de la frontière suisse dans les communautés de communes « Station des Rousses - Haut-Jura », « Lacs et montagnes du Haut-Doubs » et « Grand Pontarlier » alors que la moyenne régionale de la BFC se situe autour des 1.370 euros/m². Ces niveaux de prix des transactions classent l’immobilier résidentiel de la bande frontalière parmi les plus onéreux de la région avec les agglomérations de Dijon et de Besançon et la côte viticole située entre Dijon et Mâcon… Et on ne parle pas de nos voisins du Pays de Gex ou le m 2 atteint, en ce moment, les 4.346 € ! Ces prix sont devenus comparables à certains départements en périphérie de Paris. D’un point de vue écologique, cette hausse démographique a bien évidemment un impact, notamment en raison de l’artificialisation des sols. Sur l’Arc Jurassien, la surface artificialisée pour construire de nouveaux logements, et notamment de la fameuse maison individuelle, a augmenté de 860 hectares entre 2012 et 2018. La quasi-totalité a été prélevée sur des terres agricoles converties en zones d’habitation et en zones industrielles... Au-delà de cette problématique, le train de vie des frontaliers ne rime, de toute façon, clairement pas avec écologie. Loin de l’image de l’ouvrier gilet jaune prolétaire, le frontalier nouveau riche avec son 4x4 et sa grosse maison, n’est, à priori, pas le plus à plaindre. Perdre sa vie à la gagner n’est pourtant pas le statut le plus enviable. // D.F.
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Pris en étau entre un besoin de main d’œuvres étrangères et une crainte de l’envahissement, la Suisse s’est peu à peu laissée gagner par les thèses populistes de l’Union Démocratique du Centre (UDC), conservatrice et nationaliste, devenue premier parti du pays.
Oh, des nénés !
COUCOU COURBET Dans le cadre de la célébration du centenaire de l’enfant du pays, le musée d’Ornans orchestre un face-à-face entre Gustave Courbet et Yan Pei-Ming. Une rencontre de peinture, avec la « liberté » comme fil rouge, à découvrir jusqu’au 30 septembre. Par Laetitia Chauvin, à Ornans Photos : Raphaël Helle
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O
rnans ne se contente pas d’être une paisible commune du Doubs de 4.500 âmes. Pour les gens du cru, Ornans, c’est le « Pays de Courbet » et tout s’y décline sous son patronyme. Et si Ornans = Courbet, l’inverse est également vrai : Courbet = Ornans. Certes Un enterrement à Ornans (1849, musée d’Orsay) nous avait déjà rendu familier le nom et les reliefs de ce village, notamment sa muraille sévère qui domine le village, et dont la seule présence nous projette comme par miracle au milieu des villageois du XIXème siècle. L’indéfectible lien entre Gustave Courbet et sa terre d’origine se lit dans sa
peinture, dans ses sujets et ses engagements politiques. Celui surnommé « l’enfant du pays » est littéralement façonné par le paysage et le caractère de la région et il faut s’y rendre pour en prendre pleinement conscience. C’est ce à quoi nous invite le département du Doubs qui a fait de Courbet un juteux fonds de commerce en terme de tourisme. Et quelle heureuse initiative ma foi ! 2019 marque le bicentenaire de la naissance de l’artiste d’Ornans et une riche programmation lui est consacrée, notamment l’ouverture de son atelier, qui vient s’ajouter aux autres lieux intimes réquisitionnés pour la bonne cause, notamment la ferme familiale de Flagey. Quant au musée, sis dans l’ancien hôtel de la famille,
il a ré-ouvert en 2011, dans une architecture et une muséographie entièrement renouvelées, après les débuts de la « maison-musée » des années 1970. Est-il nécessaire de présenter Gustave Courbet ? En quelques mots, on peut dire qu’il a été le chef de file du réalisme, un courant artistique soucieux de représenter la réalité telle qu’elle est et porté par un engagement social fort. Né en 1819, issu d’une famille aisée, Courbet connaît un succès retentissant, qui l’expose aussi à la critique. Cependant la Commune marque un tournant et le début d’une longue et injuste déchéance. Porté par l’idéal républicain, il prend une part active aux évènements de la Commune de Paris et devient conseiller
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« sa » terre d’artiste. À Paris, où il est arrivé en 1839, Courbet se présente volontiers comme un peintre de la campagne, forçant un peu la caricature avec la pipe au bec, tandis que de retour au village il joue crânement l’artiste bohême de la capitale. Bien qu’intégré au milieu parisien, sollicité partout dans le monde, il revient régulièrement à Ornans, où il se ressource et d’où il tire nombre de
Bonjour Monsieur Courbet (1854, musée Fabre, Montpellier). Mais revenons à la peinture, et au face-à-face provoqué avec le peintre contemporain Yan PeiMing pour ce bicentenaire. Avec cette formule sibylline « Courbet : c’est un peintre pour les peintres », Yan Pei-Ming prouve qu’il est au diapason du musée qui ambitionne de démontrer combien Courbet
Marguier Père et fils, Négociants en fourrages et vins en gros », à l’entrée du village. Pénétrer dans l’enceinte de l’atelier, c’est pénétrer le sacro-saint. Tout remonte immédiatement : la lumière filtrée, les volumes amples, les badigeons sur les murs, les couleurs sourdes choisies par Courbet lui-même. Le haut des murs accueille encore des peintures murales délavées, des niches dans les murs laissent
Le Doubs a porté des esprits visionnaires, innovateurs et téméraires – Fourier, Proudhon, Hugo – et Courbet est l’un deux, imprégné de l’intelligence des lieux.
municipal et président de la Fédération des artistes. L’accusation – probablement infondée – d’une participation à la destruction de la colonne Vendôme le mène en prison en 1871, puis à la condamnation en 1873 à payer une amende pour financer la reconstruction de la colonne. Afin d’échapper à cette peine, il se réfugie en Suisse, non loin d’Ornans, certes, mais cependant en exil. Il s’éteint prématurément, rongé par la maladie et la mélancolie, en 1877. Preuve que l’année 2019 est importante pour Ornans, le président de la République s’est déplacé en personne ! Le cœur à gauche de Courbet, lui qui déclarait que
« ce qui le tourmentait le plus à dix ans, ce qui l’empêchait de dormir, c’était les pauvres » se serait probablement ému de cette visite officielle. Et c’est le même sentiment qui a conduit une délégation de gilets jaunes à la rencontre du chef de l’État le 10 juin, inquiets de la récupération possible de « leur » Courbet. Leur mot d’ordre, simple et sans appel : « nous affirmons que Courbet aurait probablement revêtu un gilet jaune* ». Magnifique démonstration de liberté d’action, raccord avec le thème du bicentenaire ! Pour revenir à ce déplacement, il a de quoi surprendre. La raison est-elle une réhabilitation tardive ? Emmanuel Macron semble
affectionner ce genre d’exercice, depuis quelque temps, souvenonsnous de Pétain… euh non, oublions Pétain, souvenons-nous de… tiens Maurice Audin par exemple, dont la responsabilité de l’État français dans sa mort a été reconnue en 2018. Mais non, finalement, le déplacement à Ornans n’a pas annoncé la panthéonisation de Courbet** mais a offert au chef de l’État l’occasion de répéter son credo, aussi vague qu’impénétrable, qui tient en haleine tous les professionnels de la culture depuis quelques mois : « Faire de la France une terre d’artistes ». Évidemment, Courbet n’avait pas attendu la venue du chef de l’État pour se convaincre qu’Ornans était
* Voir l’article de Noël Barbe, sur lundimatin.am. ** Si les communards victimes de répression ont été réhabilités par l’Assemblée nationale en novembre 2016, certains aimeraient aller plus loin et voir Courbet entrer au Panthéon.
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ses sujets, paysages, personnages et scènes. Le Doubs a porté des esprits visionnaires, innovateurs et téméraires – Fourier, Proudhon, Hugo – et Courbet est l’un deux, imprégné de l’intelligence des lieux. La ville d’Ornans ne se montra pourtant pas si fidèle et mis Courbet au ban. Après 1871, l’une de ses sculptures en ville est vandalisée, puis déboulonnée par la mairie et rendue à la famille. Aussi bien sûr, « Pays de Courbet, Pays d’artiste », sonne comme une rédemption… opportuniste. Le label va même jusqu’à englober des sentiers de randonnée sillonnant des paysages peints par Courbet, ainsi que la Source de la Loue, représentée dans plusieurs tableaux. Il n’est pas dit si l’Office de tourisme dépêche des acteurs pour pousser la coquetterie de la reconstitution, mais je ne serais pas autrement surprise d’en rencontrer habillés en randonneur du XIXe siècle, comme dans le tableau
reste une référence pour les artistes d’aujourd’hui, qu’il est regardé et encore inspirant. Une fois passée peut-être la réluctance à sa palette un peu terreuse et à des motifs parfois excessivement pittoresques, la modernité des expressions, l’invention de composition, l’audace de certains sujets – voire leur évidente provocation – font de Courbet un artiste de génie pratiquement indépassable, en tous les cas, indétrônable. Les pouvoirs locaux et le musée Courbet portent l’ambition de revitaliser Courbet d’une très intelligente manière ; pour commencer, par l’ouverture de son dernier atelier à Ornans, où l’artiste vécut et travailla de 1860 à son exil en 1873. Acquis par le département du Doubs en 2008, l’atelier a été racheté à des négociants qui en avaient fait leur stockage. Heureux coup du sort, puisque le lieu est resté dans son jus. La façade porte encore l’enseigne peinte « Maison
imaginer des objets fantômes. Une politique culturelle paresseuse et sans imagination, aurait muséifié et stérilisé l’atelier. Mais à Ornans – esprit frondeur du Doubs oblige – on a préféré le rendre à sa première destination et faire confiance à l’esprit créateur des lieux, chargé d’histoire et de la présence de Courbet. Le premier artiste invité à travailler dans l’atelier est Yan Pei-Ming, entré dans les lieux en mars dernier. Est-il nécessaire de présenter Yan Pei-Ming ? Né en 1960 en Chine, il arrive en France en 1980 pour poursuivre ses études à l’école des beaux-arts de Dijon, où il s’installe par la suite. Pour faire court, il est peintre de portraits, en noir et blanc, rehaussés parfois de quelques touches de rouge. Autant dire que son style figuratif l’a longtemps tenu éloigné des lieux de diffusion plus portés sur l’art abstrait ou conceptuel. De nombreuses anecdotes se télescopent dans la confrontation
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Deux croûtes, 5 millions d’euros.
Courbet par Ming
Courbet – Yan Pei-Ming. D’abord, l’âge des protagonistes : Yan PeiMing a aujourd’hui 58 ans, détail qui a son importance puisque c’est l’âge auquel Courbet est décédé.
Ensuite, l’interprétation en noir et blanc des œuvres de Courbet par Yan Pei-Ming trace un parallèle intéressant avec les reproductions en noir et blanc dans les manuels
d’art en Chine, où il est très apprécié des artistes, pour ses liens avec la Commune. Dans l’atelier même d’Ornans, Yan Pei-Ming a peint 2 portraits de Courbet, réalisés d’après des photographies. En son temps, Courbet avait peint de nombreux autoportraits puissants comme Le Désespéré (1845), ou bien touchants de sensualité – tels l’Autoportrait à la pipe (1849, musée Fabre, Montpellier), le fameux L’Atelier du peintre (1855, musée d’Orsay) ou encore L’Homme blessé (1854, musée d’Orsay), visible dans l’exposition au musée d’Ornans. Yan Pei-Ming n’a pas oublié non plus de peindre son autoportrait, accroché en diptyque dans l’atelier auprès de son Courbet. Ces portraits de très grande dimension sont exécutés avec les mains, pour donner de l’ampleur au geste de la peinture. Le dialogue à tu et à toi entre les deux artistes est ainsi amorcé et se poursuit au musée. Il s’effectue autour d’un choix d’œuvres de Courbet et de réparties de Yan PeiMing, souvent très littérales, par proximité du sujet. Aux portraits des parents de Courbet, Yan Pei-Ming répond par le portrait de ses propres parents, au Chêne de Flagey (1864) par un paysage de Shanghai, etc. Que dire alors des œuvres de Yan Pei-Ming dans ce face-à-face ? Tout d’abord, saluons sa superbe assurance dans sa confrontation d’égal à égal avec le maître Courbet. Ce tutoiement et ce compagnonnage démontrent le même culot de Courbet lorsqu’il s’agissait de défendre son art. Ensuite, Yan Pei-Ming porte un regard d’une formidable acuité sur Courbet, comme souvent entre artistes. Il se prend à des jeux de rebonds, d’interprétation, de reprise, jusqu’à partager le même pessimisme et
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la sourde inquiétude, que Courbet contrebalançait néanmoins avec une sensuelle disposition pour la chair. Quelques œuvres de premier ordre de Courbet sont réunies pour l’occasion et valent à elles seules le déplacement. Femme au podoscaphe (1865, collection privée japonaise) par exemple, est un tableau pratiquement inconnu, d’une inventivité folle – pensez donc, une femme pagayant sur l’eau avec les bras nus. Yan Pei-Ming réplique avec un radeau de migrants, exceptionnellement en couleurs. Ou encore Le Sommeil (1866, musée du Petit-Palais), magnifique chefd’œuvre d’érotisme de Courbet, deux femmes nues enlacées, blonde et brune, chairs palpitantes, aux détails confondants de sensualité, tels une main glissée dans une échancrure écarlate, un collier de perles défaits… Plus érotique encore que L’Origine du monde (1866, musée d’Orsay) peint pour le même collectionneur, le diplomate turc Khalil Bey, il a été spécialement choisi par Yan Pei-Ming qui lui porte un goût indéfectible. Il le fait dialoguer avec une peinture
de crocodiles terribles, dans une palette grise et noire, éclaboussée de couleurs. Cette réponse de Yan Pei-Ming est révélatrice de son constat raide de l’époque, à l’instar de sa meute de loups qui fait écho au chien de Courbet. Même sa manière de peindre est symptomatique de cette noirceur : la palette, la surface torturée sur un croquis en souscouche très dessiné, une pâte lourde et matiérée. Pour finir, la ferme Courbet à Flagey, à quelques kilomètres d’Ornans, vaut aussi le détour, pour s’imprégner des lieux – les fétichistes se reconnaîtront ! – et surtout pour une exposition-dossier qui en dit long sur la personnalité de Courbet. En 1855, alors que onze de ses toiles sont acceptées pour figurer dans le Palais des beaux–arts de l’Exposition universelle, L’Atelier du peintre est refusé à cause de ses gigantesques dimensions. L’entreprenant Courbet décide alors d’ériger, attenant au palais officiel, son propre pavillon qui porte le titre-manifeste « Réalisme ». Hélas, on juge sa stratégie commerciale un peu trop prétentieuse et les caricaturistes le
laminent. Pourtant d’autres peintres suivent sa voie quelques années plus tard, Manet en particulier, et il réitère en 1867 avec un nouveau pavillon personnel. La ferme de Flagey retrace ces étonnants développements au moyen de reproductions du « Pavillon du réalisme » de 1855, de caricatures, du livret de l’exposition, des documents retraçant la construction, etc. Lors de l’inauguration de ces expositions, Frédérique ThomasMaurin, l’exquise conservatrice du musée Courbet à Ornans recevait avec un œil sous bandage. Choc esthétique lui a-t-on demandé ? Décollement de la rétine. Si le lien de cause à effet n’est pas établi, en revanche l’image est frappante. Alors oui, triple oui, allez-vous enterrer à Ornans, ne serait-ce que pour la journée, ne serait-ce que pour quelques heures, vous n’en reviendrez que plus vivant. // L.C. Exposition « Yan Pei-Ming face à Courbet », à visiter jusqu’au 30 septembre. À suivre « Courbet-Hodler » à partir du 30 octobre. Vérifier l’ouverture de l’atelier, il était fermé mi-août en raison de conditions climatiques et d’écarts de température. musee-courbet.doubs.fr
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Lala... Lala...
La légende débute ainsi aux environs de 1905, dans le quartier de Montchapet à Dijon. Le ban de Montchapet, comme on l’appelle à l’époque, est le rejeton d’une réunion de « bons vivants et francs-buveurs rabelaisiens »
! h u e r è l a Lalalal L
Si tu es né en Bourgogne, ta vie est rythmée par sa mélodie, entre ton premier diplôme, ton mariage, et tout ce qui mérite d’être célébré. Toujours avec un tas de bouteilles de pinard en accompagnement. Tu l’aimes autant que tu en as honte. Mais d’où vient le ban bourguignon, ce truc, dont personne ne connaît l’origine, ni la symbolique ? Par Loïc Baruteu, à Dijon Photos : DR
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Quel rabat-joie, ce François Hollande.
e ban bourguignon, il ne se passe pas un repas de famille digne de ce nom sans que ton tonton déjà éméché ne lance le fameux rituel. Si tu es sobre tu trouve ça relou, si tu as bu tu le chantes (ou le hurles plutôt) avec les autres, tout simplement. Et si tu n’es pas du coin, on va te remettre dans le contexte ; c’est un chant pas compliqué à retenir, d’une quinzaine de secondes, avec la gestuelle appropriée, déclenché pendant les repas et célé-brations de la vie, voire les spectacles. Renseigne-toi si tu n’as jamais vu ça, c’est la honte et tu rates quelque chose. Selon les points de vue, c’est drôle et chaleureux, ou beauf et pas finaud. Ou les deux, en fait. C’est une des spécificités de la région, comme les Bretons avec leur drapeau qu’ils trimballent jusqu’au bout du monde, les Sudistes avec leurs voitures sans clignotant ou les Bordelais avec leur pull noué sur les épaules ; les Bourguignons ont donc le ban bourguignon. Mais du coup, ça vient d’où ce truc ? Est-ce que ça remonte aux Ducs de Bourgogne ? Un petit « la la la la lère » pour Philippe le Bon après avoir vendu Jeanne d’Arc aux Anglais ? Négatif, c’est beaucoup plus récent et aussi un peu empreint de mystère. Les origines sont plutôt floues, il n’y a pas de traces écrites ou de ménestrels qui relaient la légende, seulement des conjectures qui convergent
cependant toutes vers la même version, à quelques détails près.
Déjà, un ban, qu’est-ce que c’est ? C’est une sorte d’applaudissement, de hourra pour quelqu’un. Le ban bourguignon est souvent lancé pour féliciter le cuisinier, ou les mariés, voire le gars qui vient de gagner une partie de Mario Kart, mais c’est plus rare... Lucien Hérard, ancien président d’honneur de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, et donc un notable qui pèse dans le game dans la capitale des Ducs, relatait dans la Gazette du tastevin en 1987 sa version de l’origine du ban bourguignon, la plus documentée, détaillée, et donc la plus crédible. Lucien s’appuyait sur des témoignages et prévenait d’ailleurs qu’il n’était déjà pas évident « de trouver des personnes sûres pouvant témoigner de sa naissance » il y a trente ans, car « il ne s’agit pas d’un événement faisant date » et que les contemporains de la création du banc sont « morts, ou très âgés et peu sûrs de leur mémoire. » La légende débute ainsi aux environs de 1905, dans le quartier Montchapet à Dijon. Le ban de Montchapet, comme on l’appelle à l’époque, est le rejeton d’une réunion de « bons vivants et francsbuveurs rabelaisiens » qui se rassemblent donc
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Lala...
Des Allemands apprenant le ban bourguignon en 1945.
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dans ce fameux quartier de l’est dijonnais, pour on ne sait quelle raison mais Lucien a sa petite idée et dénonce : « Rien ne permet d’affirmer qu’on y faisait autre chose que de boire largement, raconter des histoires salées et chanter des gaudrioles. » Ni une société secrète comme les Francs-Maçons, ni un repère d’intellectuels et d’artistes comme le Caveau parisien à l’époque, simplement une bande de gars qui se mettait cher après une dure journée de labeur. Et ça part de là. Comme si toi et tes potes, ronds en soirée, lanciez un chant un peu simplet bien aviné qui devenait l’hymne de toute une région. Ça fait peur, ouais. Sauf que toi et tes potes n’avez pas les mêmes connexions que les gars de Montchapet, parce qu’il y a du gratin. Lucien Hérard balance même des noms : « le libraire Mettray aurait appris à ses compagnons le rite du ban, le sculpteur Jules Gasq aurait suggéré les allègres « tra-la-la » et Lucien Dargentolle, un serrurier du quartier, en aurait composé, je n’ose dire la musique, mais l’air. » Le ban de Montchapet se répand alors, visiblement propagé par le Club N.P.S.F.Q.Q.A. (Ne Pas S’en Faire Quoi Qu’il Arrive). Marcel Barbotte, journaliste au Progrès de la Côte-d’Or il y a un bon moment, se souvenait d’un des tous premiers dîners du Tastevin où son voisin, « le bon gros Charles Vienot », vigneron à Premeaux, lui expliquait le rite : « il ne fallait pas singer les fillettes chantant les petites marionnettes, mais approcher les mains en forme de coupe à hauteur du visage et les faire tourner comme si l’on regardait le contenu par transparence, en chantant ‘Tra, la, la, la, 1ère’ puis battre le ban sur un rythme plus rapide en chantant le reste. »
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...et merde !
Ah ! y’a quand même une symbolique avec le verre de vin. Cette version de la naissance à l’apogée du ban bourguignon par Lucien Hérard est donc celle qui est reprise, avec 1905 comme date de naissance et le quartier de Montchapet comme berceau. Il faut dire que les sources ne sont pas nombreuses, sans doute parce que tout le monde s’en tapait un peu de l’hymne d’une bande d’alcooliques, et les archives municipales de Dijon n’ont pas de documents historiques sur la création ou la propagation du rituel. Internet étant ce qu’il est, un réceptacle sans fond pour y déverser son opinion perso, on trouve pas mal de commentaires sur ce fameux ban bourguignon et pas des plus tendres. On peut rester dubitatif, comme Kev Adams au Zénith de Dijon qui croit d’abord à un flashmob, voire gêné, comme François Hollande alors gourou suprême de la Nation, accueilli par Rebsamen et sa cour avec un ban bourguignon. Ou kiffer à fond comme le Chalonnais Florent Pagny, en habitué qui boucle ses concerts dans la région par un bon gros ban des familles avant de retourner chez lui où on paie moins de taxes. Ou les légendes de Deep Purple, qui, en 2010 au Zénith de Dijon encore, partent en freestyle avec du Beethoven au piano enchaîné sans transition avec le ban bourguignon, toujours au piano. Faut avouer, c’est pas ce qu’il y a de plus classe et raffiné. Il n’y a pas vraiment de symbolique non plus. Mais tu veux vraiment être ce rabat-joie qui se retient quand toute l’assistance, ou ta famille, ou tes potes, lance un ban rythmé, racé, bourrin... Bourguignon quoi ? Après tout t’as pas de souci à te lâcher sur la Macarena, et on t’a même vu chanter Celine Dion en soirée, et t’as l’air tout aussi ridicule... // L.B.
Le jazz ? le free jazz ?
l’improvisation, serieux, c’est quand meme toujours un peu n’importe quoi si on ecoute bien, nan ? SAISON.19/20
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marseille, rends-nous le pastis ! De nos jours, il est important de ne pas se laisser berner par tout ce qu’on nous raconte. Les puissants de ce monde cherchent à profiter de notre crédulité. Heureusement, des esprits éclairés sont là pour nous faire ouvrir les yeux et dénoncent les plus grands mensonges : Armstrong a marché sur la Lune, le réchauffement climatique, les attentats du 11 septembre, la Terre est ronde, etc. À notre tour de mettre à mal une croyance populaire pourtant bien ancrée : le pastis viendrait de Marseille. Guidé par les recherches d’Abdelhak El Mostain, professeur à l’université de Bourgogne-Franche-Comté, on vous explique pourquoi ce n’est pas si simple et pourquoi la Haute-Saône, voire la Bourgogne-Franche-Comté, tient un rôle prépondérant dans l’histoire du petit jaune. Par Matthieu Fort, en Haute-Saône Illustrations : Yannick Grossetête
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ommençons par l’histoire officielle. Celle qui est racontée dans les livres d’histoire, sur le site internet de Ricard ou sur Wikipédia (il est important pour un journaliste de soigner ses sources). Si l’on s’y réfère, tout commence en 1932. À cette date, Paul Ricard, un jeune commercial marseillais de 23 ans, met au point une recette à base d’anis vert, d’anis étoilé et de réglisse. La boisson portera son nom et son slogan « Ricard, le vrai pastis de Marseille » signe la première apparition officielle du terme « Pastis ». Ce mot vient du provençal qui signifie « mélange ». À ce stade, difficile de faire plus ancré dans le sud. Et d’ailleurs, aujourd’hui quand on évoque le pastis, notre imaginaire nous entraîne sur le Vieux-Port. On se voit, vêtu d’un marcel blanc et d’un bob Ricard, se tourner vers son camarade bouliste pour lui demander (avec l’accent) : « Alors ? Tu tires ou tu pointes ? ». Le succès de la recette est immédiat et ne fera que s’accroître pour être aujourd’hui l’apéritif le plus consommé en France. Il s’en écoule des millions de litres par an et la bouteille de Ricard d’un litre est la référence la plus achetée en France dans les grandes et moyennes surfaces(1). Bon, l’idée n’est pas de venir entacher cette success story. À Sparse, on aime les self-made men et les winners. Donc félicitations Monsieur Ricard. Mais il se trouve que lorsque l’on a entendu ça : « La Haute-Saône a un grand rôle, si ce n’est le rôle principal dans l’histoire du pastis », on a eu envie de creuser un peu. Cette thèse est défendue par Abdelhak El Mostain, enseignant en économie-gestion à l’IUT du Creusot, docteur en histoire économique et sociale et en épistémologie, histoire des sciences et des techniques. Pour un seul homme, c’est propre. Avant cela, il était enseignant dans une Maison Familiale et Rurale à Fougerolles, en Haute-Saône, poste qu’il a occupé pendant 12 ans. Il donnait des cours pour un BTS technico-commercial spécialisé dans l’alimentaire. Cela l’a amené à travailler avec les acteurs locaux et donc forcément, au pays du Kirsch, avec des distillateurs. Mais c’est à un autre alcool qu’il va consacrer plusieurs années de sa vie : l’absinthe. Et d’ailleurs, ce n’est pas fini. Il nous avouera même en rigolant « ma femme n’en peut plus, j’ai tellement travaillé dessus ! » et, lors de notre rencontre chez lui, lorsque l’on croise
(1)
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Sur la base du chiffre d’affaires.
son fils et qu’il lui demande « à ton avis on a parlé de quoi ? », aucune hésitation : « d’absinthe ! ». Pour lui, « l’évènement déclencheur, c’est en 2012, la Suisse, le canton de Neuchâtel, plus exactement Couvay, avait le projet de déposer une demande de labellisation pour avoir le monopole de l’utilisation de l’absinthe ». Pourtant, l’absinthe a également un lien avec l’histoire de la Haute-Saône et notamment Fougerolles. Pour pouvoir démonter cela et répondre à l’assaut helvétique, la ville sollicite Abdelhak pour crédibiliser son patrimoine culturel à travers des travaux universitaires. En coopération avec l’écomusée du pays de la cerise, il se lance dans la préparation d’une thèse(2), qu’il soutiendra le 27 avril 2017. « Et c’est à ce moment-là que j’ai découvert l’histoire de l’absinthe et de ce qu’on appelait à l’époque ‘liqueur anisée’, il n’y avait pas encore le mot pastis ». En effet, si l’on remonte un peu dans le temps, notre chercheur nous apprend que l’histoire du pastis est étroitement liée à celle de l’absinthe. Cette dernière a connu des hauts et des bas dans la législation française. Ce n’est d’ailleurs que récemment, en décembre 2010, que la vente en France sous la dénomination « absinthe » est de nouveau autorisée, après avoir été interdite en 1915. La liqueur était accusée (à tort ?) de provoquer convulsions et démence. Bienvenue dans L’Assommoir de Zola. Les recherches d’Abdelhak le mènent dans les années 1850. À cette époque, « il y a eu une crise, qu’on appelait crise de phylloxera, qui a ravagé le vignoble français. La production du vin a chuté. Or, une partie de l’excédent était distillée en alcool qui servait à la production d’alcool fort, dont l’absinthe. » Sauf que les industriels d’alcool fort s’en sortent et réussissent à trouver un substitut en distillant de la betterave. En plus de ne plus être dépendants de la production des vignes, l’utilisation de la betterave a permis de faire chuter le coût de production de l’absinthe car beaucoup moins cher. Au final, jusqu’à la fin du 19ème siècle, on trouve de l’absinthe dans tous les cafés et un verre d’absinthe devient moins cher qu’un verre de vin, « tout le monde commençait à boire de l’absinthe ». Mais nous sommes en France, la patrie du vin. Les lobbies se mettent en route, viticulteurs, hommes politiques, médecins. « Ils ont réussi à mettre dans la tête des gens : il y a le vin et il y a l’alcool. Comme si le vin n’était pas de l’alcool. » Et d’ailleurs, on peut noter que ce débat est toujours d’actualité puisque, le 16 janvier dernier, Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, déclarait : « le vin n’est pas un alcool comme les autres. » L’absinthe, « alcool qui rend fou », est interdite en 1915. Mais avant cela, intervient un personnage.
Le personnage clé de notre histoire : Abel Bresson. Ce fils de jardinier est né à Langres. Au début, Abel Bresson est négociant dans les eaux-de-vie et le kirsch. Rapidement, il souhaite produire ses propres alcools. Il s’installe en 1839 à Fougerolles et vu qu’il n’est pas un enfant du pays, Bresson s’associe à un notable, un certain Robelin. Jusqu’en 1855, il est l’unique fabricant d’absinthe à Fougerolles. En 1858, il implante une distillerie à Dijon, au 23 rue Audra. Après enquête approfondie de notre part (une balade dans la rue), il se trouve que ce numéro n’existe plus. Abdelhak envisage donc de fouiller dans les archives pour voir si l’architecture des bâtiments est restée intacte. Affaire à suivre. D’autres distilleries de la famille Bresson verront le jour en Côte-d’Or, c’est notamment le cas à Genlis, Bretennière ou encore Longeault. « Quand on parle de Bourgogne-Franche-Comté, là on est déjà dans les prémices de cette grande région ! » Mais Abel Bresson n’est pas qu’un précurseur en géopolitique régionale, « dès les années 1870, il a relevé la réticence des pouvoirs publics vis-à-vis de l’absinthe. Et il a travaillé sur un substitut, un assimilé
à l’absinthe et il a inventé au milieu des années 1870, une boisson qu’il a appelée ‘Bressonide’. Elle ressemble à l’absinthe mais il n’y a aucune feuille d’absinthe dedans ». Ainsi, en 1870, on peut lire sur une lettre qu’il envoie à ses clients professionnels : « si on admet que ces herbages d’absinthe ont un principe hilarant, je ne fais l’emploi ni de grande ni de petite absinthe dans ma nouvelle fabrication. Pour simuler ses parfums, j’emploie des plantes apéritives stomachiques et calmantes pour satisfaire le palais du buveur d’absinthe en y substituant une boisson similaire sans avoir les principes condamnés par quelques médecins. Tel a été mon but en créant cette boisson que j’appellerai Bressonide ». C’est la naissance de la liqueur anisée… Pour Abdelhak : « c’est la plus ancienne liqueur anisée que nous avons pu répertorier en Haute-Saône » et, sans éléments prouvant le contraire, « c’est probablement la plus ancienne au niveau régional et national. Cette idée, je peux la défendre jusqu’au bout. Jusqu’à ce qu’on m’amène des documents de Marseille qui datent du 19ème siècle, antérieurs à ce que je propose ». Car, ce qui est indéniable,
(2) « L’industrie de la distillation des alcools de bouche à Fougerolles de 1839 à 1940. Capacité de résistance et dynamique socioéconomique des firmes familiales et rurales »
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« Jusqu’à la fin du 19ème siècle, on trouve de l’absinthe dans tous les cafés et un verre d’absinthe devient moins cher qu’un verre de vin » c’est que sur une frise chronologique, 1870 est placé avant 1932, date de sortie du pastis Ricard. Mais ils sont où... Mais ils sont où... Mais ils sont où les Marseillais ? Justement, comment c’est arrivé à Marseille ? Par un transfert (vol ?) de savoir-faire. Rapidement, grâce au succès de son breuvage, Abel Bresson va industrialiser la distillation et va installer des usines dans tout le pays, et notamment dans le sud. On retrouve ainsi des traces de l’implantation de sites de production à Marseille, Béziers ou encore Baucaire. Durant le 19ème siècle, Abel, mais aussi d’autres distillateurs fougerollais vont même répandre leur savoir-faire à l’international en participant à des salons ou des concours. « Ricard, c’est début des années 30. Il a bénéficié de tout le savoir-faire. À la fin des années 20, on est au top, il n’y a plus rien à inventer. Il a utilisé ce qui existait et il l’a fait connaître en lui donnant le soleil mais il a réussi à faire oublier l’origine du produit et il l’a assimilé à Marseille », balance Abdelhak El Mostain. Après avoir été leader national sur le marché des apéritifs et digestifs au début du 20ème siècle, aujourd’hui
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la marque Bresson est tombée dans l’oubli, faute à des héritiers moins glorieux. « On dit toujours que le premier crée, le deuxième développe et le troisième dilapide ». Et ce fut effectivement le cas puisqu’à partir de la troisième génération, la famille se déchire et se dispute l’héritage. Et c’est ainsi qu’en 1990, les établissements Bresson furent revendus à l’entreprise Marie-Brizard qui a utilisé l’outil de production pour faire… des sirops. Tristesse absolue. Et en 1995, la marque Abel Bresson disparaît. Fin de l’histoire ? Non. À la manière d’un film hollywoodien, Abdelhak nous réserve une happy-end. La marque ayant officiellement disparu des registres, « on a pu déposer la marque Abel Bresson » et en s’associant avec la distillerie Devoille à Fougerolles, ils ont relancé une absinthe à ce nom (attention elle tape à 72°, c’est à vos risques et périls). Et « notre idée maintenant c’est de ressusciter la Bressonide ». Pour cela, il va falloir se lancer dans un travail de détective, analyser les bilans, les correspondances avec les fournisseurs pour être en mesure de déterminer la recette. On attend ça avec impatience et on est prêt à délaisser le Ricard (mais pas le Pontarlier). Un Ricard sinon… une Bressonide ! // M.F.
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DITES 38
Ils sont les princes de la route filant vers le soleil couchant dans des bahuts de 600 chevaux rutilants de chrome. Une plaque minéralogique derrière les pare-brises leur attribuent un surnom : Pompom71, La Poise ou Maverick. En les croisant, on s’interroge : mais où vont-ils ? Ont-ils des décorateurs d’intérieur pour pimper leurs cabines ? Est-ce qu’ils font des concours de bras de fer ? Et surtout, la question ultime, l’interrogation existentielle coef’ 8 : est-ce que les routiers sont sympas ? Texte et photos par Edouard Roussel, sur la N6 entre Tournus et Mâcon
CAMION!
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Elle a reçu, Desireless...
m
ais où trouver des routiers ? Pas question d’allez taper au carreau d’un semi sur une aire d’autoroute ou de racoler tous les gars en marcel coiffé d’une casquette trucker sur un parking. Non, va falloir les choper dans leur zone de confort, là où ils se sentent presque à la maison, en confiance : dans un relais routier. Ces restaurants, sans prétention, s’égrènent le long des nationales et les chauffeurs s’y arrêtent pour dîner, se doucher et dormir à l’arrière de leurs camions. De prime abord, ce qui distingue un relais routier de n’importe quelle autre gargote qu’on trouve au bord des routes, c’est déjà la taille des parkings : grands comme des terrains de foot avec souvent autant de nids-de-poule qu’il y a de cratères sur la face cachée de la Lune. J’en repère un, pas plus pimpant qu’un autre, implanté le long de la N6 entre Tournus et Mâcon : Les Amis de la Route. Une fresque représentant une serveuse au décolleté plongeant, décore la façade et le menu entrée-plat-dessert coute 14 € ; imbattable, à 30 kilomètres à la ronde. Je me présente au patron: Amirouche, un facétieux trentenaire qui vanne tout le monde derrière son comptoir comme s’il était sur une scène de stand-up. Je lui explique succinctement l’idée du papier, et sans m’en demander davantage il m’entraîne sur le parking : « Tu te rappelles quand tu allais chez ta grand-mère ? Bah ici c’est pareil, tous ceux qui passent sont de la famille ». Il tape à la porte du premier semi et lance au chauffeur : « y’a un journaliste qui voudrait te poser des questions, t’es ok ? » Le mec dans la cabine opine, c’est parti. MACADAM COW-BOY. Imaginez un pilier de rugby croisé avec un biker, tatouez-le comme un docker hollandais, ça vous donnera une idée générale du mec qui descend du camion. En 28 ans derrière un volant, Gilles a vu le métier changer : « La mentalité s’est perdue, y’a plus de soutien ni d’entraide. Même en interne, des gens de la même boîte, si y’en a un qui tombe en panne, l’autre passe à côté sans même le regarder. Tout le monde se tire la bourre. On est tout
le temps obligés de courir ». Gilles n’est pas le seul à ressentir ça, tous les chauffeurs rencontrés ce soir-là, une dizaine en tout, diront exactement la même chose, mot pour mot. Tous avaient l’air blasé et semblaient presque abasourdis par leurs journées de travail. « Y’a des boutiques qui suivent par GPS le déplacement de leurs véhicules, continue Gilles. Mais certaines s’en servent pour fliquer leurs chauffeurs. Moi j’ai des collègues, dès qu’ils dépassent d’une minute leur temps de pause obligatoire, leur téléphone sonne. » Les routiers donnent l’impression de vivre dans un monde parallèle. Ils dorment dans leur cabine, mangent dans leur resto, et ne discutent pour ainsi dire qu’entre eux toute la semaine. Tout le monde les considère comme une nuisance, mais a besoin de leurs marchandises pour remplir le frigo, décorer son intérieur ou juste s’habiller. « La difficulté principale qu’on a, nous, c’est que tous les jours on est sur la route avec 200 personnes qui croient faire le même métier que nous, conduire, alors que c’est complément faux. Nous, on fait entre 10.000 et 12.000 kilomètres par mois, c’est ce que la plupart des gens fait en un an ». Comme toutes les corporations, les routiers ont leur jargon : ‘‘un mille-pattes’’ est un semi-remorque, ‘‘les sauterelles’’ des gendarmes planqués au bord de la route, une ‘‘tirelire’’ signifie un péage, une ‘‘pipette’’ est un alcootest et Paris ‘‘la poubelle’’. « Au temps de la CiBi (abréviation pour Citizen Band), il y avait des codes mais maintenant c’est fini, relativise Gilles. À l’époque c’était quand même un sketch. Il y avait un canal d’appel, le 19, où tout le monde parlait dessus. Personne ne se comprenait, c’était le bordel. Puis il y avait aussi des insomniaques qui avaient des gros systèmes de réception et la nuit, dès qu’ils entendaient quelqu’un parler sur un canal, ils se mêlaient de la conversation pour dire de la merde genre : ‘routier, espèce d’enculé !’ ou ‘je suis en train de niquer ta femme pendant que t’es sur la route’. Bref, tu vois le genre. » Avant l’invention du GPS, dans toutes les
« On nous aime pas. Les gens croient peutêtre que tout ce qu’ils trouvent dans les magasins arrive par pigeon voyageur » Benoît, chauffeur de Saint-Dizier en Haute-Marne 40
Scania, du bon matos, ça.
grandes villes, il y avait quelqu’un qui renseignait bénévolement les routiers. « Je me souviens qu’à Lyon c’était une femme, à Saint-Etienne c’était un dénommé Arlequin. Par exemple, quand tu arrivais sur la ville tu disais sur le 19, Arlequin t’es là – Oui tu cherches quoi ? Tel endroit dans telle rue… Bon, faut dire que là-bas ils étaient spécialisés pour changer le sens des rues tous les deux-trois ans. Et cet Arlequin, il te guidait jusqu’au portail ; en plus c’était des gens qu’on ne voyait jamais. » LA BOURGOGNE VUE D’UN SEMI. Bon, disonsle franchement, la Bourgogne, ils s’en cognent comme de leur première casquette Michelin. Puis, qu’est-ce qu’on voit d’un pays quand on passe sa journée dans un semi-remorque… Rien ou presque. Les camions ne sont pas du tout les bienvenus dans les villes, à peu près partout on leur en interdit l’accès. Vraiment, le quotidien d’un chauffeur n’a rien d’un road trip. « Vu de la route, il y a l’air d’avoir du bon vin par ici », remarque quand même Franck après une journée sur le bitume. Pour eux, le paysage se limite à des aires d’autoroute avec éventuellement quelques collines
au loin, des ronds-points et des entrepôts rassemblés dans des zones d’activités interchangeables. « Mais bon, on n’est pas là pour faire du tourisme », rajoute stoïque un déménageur belge en transit vers Aixen-Provence. « Pour moi, la Bourgogne c’est juste un point de passage, un lieu de chargement ou de livraison, explique Gilles qui, lui, remonte vers Beaune, charger chez Kriter. Après ça a l’air assez vert et plutôt calme malgré la circulation. » Les chiffres sont assez éloquents : en France, 88,5% du transport de marchandises se fait par la route et même 33% du transport routier européen passe par notre beau pays. La Bourgogne, et tout particulièrement la vallée de la Saône, n’est qu’un rond-point. L’A6, l’A31 et l’A36 s’y rejoignent et tout le long les plateformes y fleurissent comme des furoncles sur le visage d’un ado en pleine puberté. La filière logistique (y compris le transport) emploie 72.200 personnes en BourgogneFranche-Comté dont 15.500 routiers d’après l’INSEE. Ces plateformes, de plus en plus nombreuses grâce aux cadeaux fiscaux des villes désireuses de remplir leurs zones d’activités, ne sont que des hangars réunissant des marchandises en provenance de différents
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Lost highway.
« Aux États-Unis, sur les grands axes, il y a 3 voies pour les voitures plus 2 voies décalées pour les routiers. C’est totalement impensable en France » Gilles
Top Gun BFC. Une chauffeuse belge, quelque part entre Tournus et Mâcon.
fournisseurs. Les routiers y viennent charger ou décharger. Pour ne citer que les plus connues : FM Logistic à Fauverney, Kriter et la Veuve Ambal à Beaune, Easydis et les sites de Carrefour, Intermarché ou Casino autour de Mâcon. Les routiers ont l’air d’y perdre un temps fou et tous s’en plaignent. « T’arrives en avance, faut attendre, t’arrives en retard, on n’a plus le temps. Y’a des plateformes qui n’arrivent pas à comprendre que sur la route tout est aléatoire. » HIGHWAY TO HELL. La Bourgogne a quand même l’insigne honneur d’avoir un bout de la route la plus ‘‘mortelle’’ de France. Cette fameuse nationale, que tout le monde appelle la RCEA (Route Centre Europe Atlantique) affiche un taux hors norme d’accidents graves entre la Saône-et-Loire et l’Allier. 15.000 véhicules emprunteraient la RN79 tous les jours, dont une moitié de camions. Pourtant, si le nombre de cartons n’y est pas plus élevé qu’ailleurs, il y a en revanche cinq fois plus de tués. « C’est une route de merde, confirme Franck, laconique. Mais c’est la seule route qui coupe la France d’est en ouest, et elle est gratuite. Du coup il y a beaucoup trop de trafic pour un équipement qui n’est pas adapté. Et puis faut être honnête, il y a des camions et des voitures qui roulent vraiment n’importe comment. » Évidemment, des travaux ont été engagés pour élargir la chaussée en 2x2 voies. « Depuis que j’ai commencé à rouler en 2007, j’ai pas vu beaucoup de changement, continue Franck. Après je me doute bien que ça coûte cher. Mais j’ai quand même l’impression que le département et l’État se renvoient la facture. » Dans l’Allier, pour résoudre ces problèmes de financement, la RN79 va devenir une autoroute gérée par APRR, payante donc.
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LES AMIS DE LA ROUTE. Rentrer dans un relais routier, c’est souvent s’offrir un voyage dans le temps dans la France d’Eddy Merckx et des Tontons Flingueurs. Jupiler à la pression, comptoir en formica, poster de l’OM et certificat d’excellence décerné par l’appli Truckfly (le Trip Advisor des routiers) encadrés au mur. La part de véhicules immatriculés en France baisse régulièrement depuis 2002, passant de 71% du transport de marchandises à 61% en 2017. Cela signifie que 40% des camions circulant en France ont des plaques étrangères. « C’est arrivé progressivement, au départ ils faisaient que du bâchés, se souvient Franck de Metz, après ils se sont mis au frigo, puis du porte-voiture, du bois et aujourd’hui ils font de tout, même du convoi exceptionnel. » Dans la salle, il n’y a que des Français, des Belges et leurs meilleurs amis les Hollandais. Mais où sont les chauffeurs de l’est ? « Eux, ils ne viennent jamais dans les routiers, explique Benoit, ils préfèrent rester sur les aires sécurisées. » Dans la salle, c’est amical sans être festif, personne n’est là pour
se bourrer la gueule. Quelques-uns attendent leurs tours pour la douche, certains au comptoir boivent un kir, un pontarlier ou un café pendant que les autres dînent à table en regardant la télé. « Ça c’est un truc que j’ai jamais compris, pourquoi dans tous les relais où je suis rentré, la télé était sur TF1 ? », ironise Gilles. Suprême déception personnelle, aucun routier n’a jamais fait de concours de bras de fer, comme dans Over the top, ce film, presque un conte de fées, dans lequel Sylvester Stallone incarne un chauffeur poids lourd au grand cœur qui retrouve la fibre paternelle genre ‘‘c’est mon fils, ma bataille’’. « Non, en France c’est plutôt Over the boule, note Gilles. Ça arrive qu’on fasse une petite partie de pétanque mais c’est quand même assez rare ». Les gars s’arrêtent dans les routiers pour se détendre, manger, se doucher et surtout, surtout, éviter de parler boulot. // E.R.
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s e t è p u t i S " plus haut , l u c n o t e u q tu te fais un trou " s o d e l s n da
»
On a partagé l’apéro et une visite de Dole avec Anne-Sophie Pelletier, devenue presque malgré elle la figure de proue de la fameuse grève des Opalines dans le Jura, aujourd’hui Eurodéputée.
Par Léo Thiery, à Dole Illustrations : Loïc Brunot
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117 jours de lutte ininterrompue, 100 % de femmes, une médiatisation de malade, pas un euro de perte de salaire grâce à la solidarité des gens et surtout la victoire au bout du tunnel. La grève de l’Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) des Opalines à Foucherans en 2017, ça envoie du gras ! À l’époque, Anne-Sophie Pelletier ne travaillait dans l’établissement que depuis trois mois. « J’ai fait plus longtemps grève que je n’ai travaillé aux Opalines, mais bon je suis ce que je suis et quand ça me plaît pas et que ça va pas, je gueule c’est pas plus compliqué que ça », concède-t-elle avec un sourire. L’élément déclencheur de cette grève, c’est tout simplement un bon gros ras le bol. Des conditions de travail inhumaines et méprisantes aussi bien pour les soignants que pour les personnes âgées. Anne-Sophie est alors rapidement désignée porte-parole de cette grève, ce qui la propulse dans les médias et sur le devant de la scène. Un choix qui s’est fait assez naturellement dans la mesure où ses collègues ne voulaient tout simplement pas parler à la presse. Elles trouvaient qu’elle parlait mieux, qu’elle avait des mots différents des leurs. Anne-Sophie évoque donc ce combat dans le combat pour réussir à faire admettre à ses collègues qu’elles aussi étaient légitimes à s’exprimer. Une crainte de ne pas avoir les bons mots qui ne vient pas de nulle part tant le traitement politico-médiatique de ce genre de lutte respire bien souvent le mépris de classe.
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Anne-Sophie Pelletier naît le 5 février 1976 à Besançon. Elle grandit dans un milieu qu’elle qualifie elle-même de bourgeois sans pour autant prêter au terme une quelconque connotation péjorative. « On me met au piano, au conservatoire, à 5 ans, je fais de l’équitation, on va au théâtre ou à des vernissages d’expositions. Donc oui, c’est un milieu bourgeois mais très culturel aussi. » Autant te dire que le dimanche il y avait peu de chances de la croiser au bord d’un terrain de foot. Une origine sociale privilégiée qu’elle assume et ne renie pas pour autant. Elle en parle comme un médium d’émancipation et d’ouverture sur le monde plutôt que comme un facteur de régression. Malgré des idées bien arrêtées sur la politique dans son entourage familial, le sujet restait assez tabou. Elle savait que ses parents étaient de gauche plutôt socialo, mais il n’y avait pas d’embrigadement de la pensée à la maison. « C’était amener la réflexion, le sens de ce qu’était un citoyen mais par d’autres moyens plus implicites qui s’appellent‘l’accès aux œuvres’, dirait-on ». Au moment d’évoquer son enfance et son entourage familial, Anne-Sophie parle rapidement d’une femme aux valeurs solidement ancrées qui constitue la pierre angulaire de ce qu’elle est devenue et de ce qu’elle est aujourd’hui. Une femme atypique et captivante qu’elle admire tout particulièrement sa grand-mère, Mariette. « Si vous l’aviez connue, vous l’auriez aimée tout de suite ou vous l’auriez détestée. Elle avait cette sagesse des anciens et cette repartie fine qui pouvait plier n’importe qui en une phrase. Après ça c’était fini, il ne pouvait plus répondre. » “Mémé”, c’était le genre de grand-mère exigeante et très à cheval sur les bonnes manières qui n’omettait pas pour autant de préciser qu’au bout du troisième bonjour, si la personne ne répondait toujours pas on pouvait considérer que c’était un con. On a tous des repères dans la vie, pour Anne-Sophie, c’est
incontestablement cette femme et tous les souvenirs qu’elle a laissé derrière elle.
« À l’école on vous apprend à travailler comme Après le collège, Anne-Sophie entre au une Rolls-Roys, lycée à Montbéliard. « C’est là où j’ai sur le terrain vous eu, je pense, les travaillez comme profs qui m’ont le plus ouvert l’esprit. une 2CV et on glisse On m’a permis à moi qui étais plutôt lentement jusqu’à scientifique d’avoir une ouverture d’esprit vous demander de sur la littérature et sur des humanistes travailler comme comme Montaigne, des robots » Pascal, Rousseau ou La Boétie. » Cette rencontre lui permet de populariser les grands textes et les grands auteurs en évoluant concrètement dans sa pensée sans pour autant développer une conscience politique au sens strict du terme. Après un bac scientifique, elle enchaîne en toute logique avec des études d’art à Aubusson, dans la Creuse, pour ce qui s’avère être l’une des plus belles périodes de sa vie. Au-delà de l’histoire de l’art qui la fascinait, la pratique en elle-même l’attirait beaucoup. « C’était un moment dans ma vie d’étudiante où il y avait une relation avec ce qu’on appelle des peintres cartonniers et il fallait transposer sur un tissu les émotions qu’ils avaient mis sur une peinture. Mais c’était exceptionnel ! » Pourtant attachée à la transmission du savoir-faire artistique, elle se rend rapidement compte en sortant de l’École nationale d’art décoratif d’Aubusson que les débouchés sont quasi nuls dans ce secteur en perte de vitesse perpétuelle. La société de consommation veut faire du biff, les tapisseries c’est has been tu comprends ? Résignée, elle se tourne alors vers un cursus d’études supérieures en hôtellerie restauration et se retrouve finalement directrice d’hôtel de plein air. Une période de plus de 15 ans emplie de voyages et de rencontres marquantes. Désireuse de réellement servir à quelque chose selon ses propres termes, c’est sur cette leçon de vie bien ancrée qu’Anne-Sophie engage un virage serré dans son parcours professionnel en décidant de devenir en 2016 femme de ménage à domicile pour personnes âgées. Lorsque ses supérieurs de l’époque lui demandent de ne pas s’attacher aux personnes qu’elle aide, elle prend rapidement la mesure de la dimension déshumanisée qui règne bien souvent dans le monde du soin. Elle devient ensuite aide médicopsychologique (AMP) en Ehpad. Dans ce métier, elle a un rôle bien précis au sein d’un établissement, travaille sur la mise en place de projets de vie personnalisés, animations en corrélation avec la pathologie, et le tout avec des personnes en situation de handicap ou atteint de troubles cognitifs.
Pourtant elle se rend vite compte qu’entre l’école et le terrain, le fossé est gigantesque. En réalité, le manque de personnel fait que dans la plupart des Ehpad, les AMP se retrouvent aide soignante et exercent donc un métier bien loin des standards de leur formation. « C’est dû au manque de personnel tout simplement, c’est pas une volonté des directeurs. L’AMP, elle a un rôle, l’aide-soignante, elle a un rôle, sauf que quand vous êtes embauchés dans un Ehpad vous êtes quoi qu’il arrive une aide-soignante », confirme-t-elle. Une des raisons pour laquelle elle n’est absolument pas étonnée d’entendre aujourd’hui de jeunes infirmiers ou infirmières déjà désabusés et mal dans leur vie professionnelle. « À l’école on vous apprend à travailler comme une Rolls-Roys, sur le terrain vous travaillez comme une 2CV et on glisse lentement jusqu’à vous demander de travailler comme des robots. Au milieu de ce processus-là, il y a une chose qui est oubliée, c’est l’humain », regrette-t-elle. In fine, lorsque cette notion inquantifiable et non-marchande qu’est le soin n’est pas respectée, alors les soignants ne peuvent pas être sereins. « Quand vous êtes soignants, vous êtes là pour faire votre travail et un peu plus. Ce savoir-faire, vous l’avez mais ce savoir-être, ce supplément d’âme, vous avez envie de le donner et on ne vous en donne pas la possibilité, alors forcément vous n’êtes pas bien.» Des constats alarmants qui s’étendent à l’accessibilité au monde du soin dans nos bonnes vieilles campagnes. Une catastrophe à ses yeux. Lits supprimés partout, arrêt d’unités hospitalières et de lignes de SMUR à tire-larigot, médecins traitants qui ne trouvent pas de remplaçants pour partir en retraite, autant de choix politiques douteux qu’elle n’hésite pas à qualifier d’assassins tant leurs finalités concrètes se traduisent bien souvent par la mort. « Les acquis du CNR (Conseil national de la résistance), les jours heureux, c’est la sécurité sociale, c’est Ambroise Croisat et là en l’espace de deux ans, Emmanuel Macron ruine absolument tout. » Pour elle, au vu de la situation délétère du monde du soin depuis des décennies, voir arriver Emmanuel Macron et Agnès Buzin au pouvoir ne doit pas être synonyme de résignation. « Aujourd’hui les soignants sont accusés d’être maltraitants mais ce sont bel et bien les prescriptions de travail qui rendent les soignants maltraitants. Il vaut mieux avoir envie de se battre, parce que sinon c’est mal barré. Si on ne se bat pas pour au moins garder le minimum syndical, on est tous voués à avoir une santé dorénavant directement associée à une carte bancaire. À terme, il n’y aura plus de patients mais uniquement des clients ». Le genre de petits glissements sémantiques qu’affectionnent particulièrement La République En Marche de Manu. Au final, au travers de nos échanges, une chose se dessine assez nettement. L’engagement politique d’Anne-Sophie ne s’est pas fait sur un déclic ou un évènement en particulier mais bel et bien au fil du temps et de ses différentes expériences. L’école de la vie, mec ! On sent également que son engagement ne se cantonne en aucun cas au monde de la santé bien qu’elle en soit issu. Une appétence pour le social au sens large et une incapacité à supporter l’injustice qui s’est traduite par de nombreux combats au cours de sa vie, dont le plus célèbre est sans aucun doute cette grève victorieuse
des Opalines de Foucherans, qui a débuté le 3 avril 2017. Tu te demandes sans doute en ce moment même qui peut bien choisir ces noms d’Ehpad plus à chier les uns que les autres, mais revenons-en aux faits, on n’est pas la pour parler de ça ! Malgré une couverture honorable des médias locaux, au début, la grève piétine un peu en terme de résonance. Tout démarre avec ce coup de poker tenté par Anne-Sophie qui contacte Florence Aubenas, journaliste au Monde. Elle répond aussitôt qu’elle sera sur place dans moins de 48 heures. L’article explose tout et ce qui était jusqu’ici une petite lutte d’ombre sans importance pour le tumulte médiatique permanent allait subitement devenir le symbole national d’un malaise profond, trop souvent cantonné au silence. « Cet article du Monde nous a réellement sauvés car on commençait peu à peu à rentrer dans le paysage et les gens ne nous voyaient presque plus », avoue-t-elle. Ce fût également un moyen formidable de renverser le rapport de force. Une fois que des députés, TF1, BFM, LCI, France Télévisions et tout le tintouin ont fini par rappliquer, j’aime autant te dire que c’était plus la même limonade. Le lendemain matin, un médiateur était sur place pour tenter d’éteindre le feu… Preuve supplémentaire, s’il en fallait une, que les institutions ne réagissent en la matière qu’une fois le couteau bien solidement tenu sous la gorge. Une aventure formidable cependant difficile à gérer sur le plan de la vie privée. Sur le piquet de grève de 7h à 20h du lundi au dimanche inclus, Anne-Sophie sacrifiait tout son temps et son énergie pour ce mouvement social. « Il y avait même des arrêts de jeu parfois », glisse avec humour son mari. Anne-Sophie confirme. « Je vivais grève, mangeais grève, dormais grève. J’étais là sans être là au final. Pour moi, je les ai abandonnés 117 jours. » Une petite parenthèse qui semble nécessaire pour ceux qui s’imaginent qu’il existe des gens qui font grève par plaisir (cassedédi à notre Christophe Barbier national). Au moment de parler de cette grève des Opalines, Anne-Sophie tient également à nous faire part de son inquiétude. « J’ai un peu suivi la grève du CHU de Besançon, mais aujourd’hui ce qui me fait vraiment peur, c’est qu’il y a 213 services d’urgences dans le pays qui sont en grève et au bord de la rupture à tout les niveaux. » Elle évoque également les soignants en grève de la Chartreuse à Dijon qu’elle était allée rencontrer il y a plus d’un an. Pour elle, la situation est alarmante, les dirigeants n’écoutent ni les besoins des citoyens ni ceux des soignants qui ne demandent même pas d’augmentation, mais simplement plus de personnel. En janvier 2019, toutes ces années à ruminer des constats amers et des expériences professionnelles éprouvantes donnent naissance à un bouquin qui balance grave, intitulé Ehpad - Une honte française. Un livre qu’elle écrit dans la démarche de soigner ses maux par les mots d’une part, mais aussi pour faire que la peur change de camp. Elle y parle notamment de ce lien unique avec nos ainés, dont cette grandmère formidable qu’elle a accompagnée au mieux jusqu’à la fin. Un livre très humain donc, mais aussi très violent car son but est de dénoncer les absurdités d’un système mortifaire plus attaché à l’argent qu’aux gens. Une opposition qui résume assez bien le quotidien d’un soignant, de très belles rencontres et des moments forts en émotion au beau milieu
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« À l’école on vous apprend à travailler comme une Rolls-Roys, sur le terrain vous travaillez comme une 2CV et on glisse lentement jusqu’à vous demander de travailler comme des robots »
d’un monde qui a érigé la rentabilité en véritable religion. C’est précisément de ce constat que naît son combat permanent pour la sauvegarde des services publics, qu’elle associe avec nostalgie à « des moments de grâce ». Un livre qui parle également de cette « prise d’otage » permanente du métier de soignant de par la dimension humaine et émotionnelle qu’il contient. « Le problème du soin et du social en règle générale, c’est qu’on joue sur le ressenti et les émotions des soignants. On joue sur ce savoir-être en permanence. C’est comme ça que les soignants sont tenus. » Au lancement de la grève des Opalines, Anne-Sophie était un électron libre de la lutte, ni syndiquée, ni affiliée à un parti. Aujourd’hui encartée à la CGT et eurodéputée France Insoumise, elle revendique toujours ce côté libre et incontrôlable (au grand dam de la CGT). Anne-So, on ne la bâillonne pas ! Son histoire avec la France Insoumise commence le jour du meeting de Jean-Luc Mélenchon à Dijon qui a tenu à mettre en lumière l’action d’Anne-Sophie et ses collègues alors en pleine grève. Un aparté mérité qui leur a valu une véritable ovation de la salle dijonnaise et des six autres dans lesquelles était retransmis le meeting. L’hologramme, rappelle-toi ! « La France Insoumise est le seul mouvement qui n’a pas fait de récupération politique pour un argumentaire concernant les législatives. Ils ne se sont pas servis du mouvement pour flatter un électorat ». Et JeanLuc, il est comment ? « Vous savez, ce que j’aime le plus chez Mélenchon, c’est que là on est dans une bibliothèque (le lieu de cette rencontre, ndlr), il y a des livres partout autour de nous. Mais quand vous êtes avec lui, il n’y a pas besoin de tout ça, c’est lui le livre ! » dit-elle en souriant. Toi tu avais le bibliobus en sixième. Elle, elle a Jean-Luc. Pratique ! Mener des combats au sein d’un mouvement, c’est une chose mais briguer un mandat en est une autre. Cette démarche vient d’elle. Pour la petite anecdote, à la fin de la grève, Florence Aubenas demande à Anne-Sophie ce qu’elle va faire désormais, elle répond sur le ton de l’humour. « Je vais me présenter aux européennes. » C’est en se rapprochant petit à petit des Insoumis de son coin qu’elle se retrouve finalement poussée à aller au bout de ce qui était encore à l’époque une envie timide et hésitante. Malgré ça, et les gens qui étaient derrière elle, elle explique que le plus dur dans cette aventure a été de cliquer sur ‘valider’ pour envoyer ce foutu formulaire de candidature, une étape symbolique qu’elle gardera pour sûr en mémoire. Après le lancement de sa campagne, elle entre dans le vif du sujet. « Le monde politique est aussi abject et violent qu’on peut se le représenter, même pire. Mais c’est pas grave ça fait partie du jeu. » Comme elle le répète souvent, elle a choisi d’y aller, personne ne lui a mis le couteau sous la gorge, alors elle n’a pas le droit de s’en plaindre. Le soir des résultats des élections européennes, la joie est contrastée pour Anne-Sophie. Étant en 5ème position sur la liste Insoumise et donc de ce fait en position éligible, elle est officiellement élue députée européenne le 26 mai 2019. Mais le score des Insoumis ce soir-là n’est clairement
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pas à la hauteur des espérances. À l’instar d’un attaquant de pointe qui pose son triplé en perdant une finale, il n’y avait aucune victoire à fêter pour elle. Une fois la déception passée, Anne-Sophie prend rapidement la mesure des responsabilités qui pèsent désormais sur ses épaules. Maintenant, elle n’est plus seulement candidate mais elle va aller dans l’arène se battre pour plus de 500 millions d’européens. « Cette candidature et cette élection, c’est la continuité de mon combat aux Opalines et plus largement de mon engagement politique. » Ne pas oublier d’où elle vient est le leitmotiv d’Anne-Sophie. Pour se faire, il y a des moyens simples comme ne pas prendre la grosse tête. Elle met en effet un point d’honneur à répondre à toutes les personnes qui lui écrivent dans la journée et c’est ce qu’elle a expressément demandé à son cabinet. Même chez elle, elle décroche le téléphone pour répondre aux militants, ce qui tu l’imagines bien a tendance à un peu gonfler tout le monde à la maison. « Si tu pètes plus haut que ton cul, le risque c’est de te faire un trou dans le dos [...] Si on veut être porte-parole des gens, il faut rester proche d’eux et ne pas s’enfermer dans une espèce de bulle où on se dit ‘maintenant je suis député chouette, je ne connais plus personne’. Nan, c’est pas ça la vie. Député c’est pas un métier, être soignant oui. Pour autant, je ne cracherais pas sur le mandat qu’on m’a confié. Je ne veux pas dire du mal de l’institution. Ce n’est pas l’institution le problème, le problème ce sont les gens qui y sont et pas tous », confie-t-elle. Cependant à l’instar d’Édouard Martin, célèbre syndicaliste de Florange, élu député européen en 2014 sous les couleurs de ce défunt Parti socialiste (RIP petit ange parti trop tôt), elle reste lucide sur sa capacité d’action. « On ne va pas se leurrer, les pouvoirs du député européen sont quand même assez limités. Ils sont limités car déjà, contrairement à l’Assemblée Nationale, nous n’avons pas de possibilité de propositions. Donc oui, on ne va pas mentir aux gens, on ne va pas révolutionner le Parlement européen mais au moins on pourra s’opposer et essayer d’aller trouver des alliances pour remporter des petites victoires. Nous pouvons aussi continuer à être des lanceurs d’alertes, dénoncer et porter une voix dissonante. » En entrant au Parlement européen, elle comprend rapidement que le cadre plutôt très confortable voire luxueux qui caractérise les lieux n’aide en rien le parlement à rester connecté à la réalité. Pour autant, elle se sent comme un poisson dans l’eau vis-à-vis de la ligne de conduite qu’elle s’était fixée : « À la rigueur ce que j’apporte à tous ces politiciens qui n’ont qu’une vision politique des choses, c’est du stage en immersion, car ils oublient d’aller en immersion ces gens-là.” Anne-Sophie Pelletier ne compte pas faire de la politique son métier. Elle vit toujours dans le nord du Jura et elle met un point d’honneur à retourner travailler aux Opalines un jour. « Après mon expérience politique, j’y retournerai pour terminer l’histoire. Il faudra que je renfile ma blouse et que je retourne faire des toilettes pour refermer le livre. » La boucle d’un destin atypique sera ainsi bouclée, ou pas. // L.T.
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PAR JUPITER
Par Franck Le Tank, à Dijon Photos : DR
Derrière ce surnom de l’espace, qui aurait pu être emprunté à un disciple de Raël ou à un voyant incompétent sur Skyrock le dimanche soir (donnez-moi 3 chiffres), Simon, (4)26 ans, alias Jacques Jupiter alias Jacques Ju, comme on l’appelle, traverse la galaxie musicale comme un OVNI.
Jacques Jupiter, c’est le commis voyageur bourguignon. On l’a découvert au détour des années 2010 comme producteur de titres hip hop bien boombap avec son pote SEAR. En parallèle de ses prods pour le rappeur dijonnais, Jacques Ju, c’est aussi le genre à balancer des disques bien barrés, au gré de ses envies, en autoprod’ via sa page Bandcamp (7 disques à son actif). Cependant, le résumer à un producteur de boucles chelous serait bien réducteur puisque le mec à plus d’un beat à son arc et officie également derrière des
fûts de batteries dans les groupes Avions (plutôt orienté garage rock voir punk à roulette) et Brace ! Brace ! (pop seventies ultra stylée), tous les deux basés aujourd’hui à Paris. Jacques Ju, c’est le genre de mec qu’on abandonne, laissé pour mort sur la banquise, et qui se pointe le lendemain matin au Mexique, pour pisser sur ton feu de camp, les poches bourrés de nouveaux tracks. Afin de mieux comprendre les grands écarts américains du personnage, on s’est fait une interview autour de ses 10 albums préférés.
10 disques sortis de la cuisse de Jupiter 1. Boredoms – Vision Creation New Sun (2001) « J’ai découvert ce disque au lycée, et c’était la première fois que j’écoutais de la musique un peu chelou. Jusque-là j’écoutais du rap, du néo-métal où les trucs de mes parents. Je suis tombé dessus sur le net un peu par hasard, je trouvais la pochette trop classe et c’était à l’époque des liens megaupload où tu pouvais télécharger à mort. En écoutant, je me dis : c’est dingue, il y a trois batteries, ça part dans tout les sens ! Comme je suis batteur à la base et que c’est mon instrument de prédilection, ça m’a forcément parlé. Ça a été ma porte d’entrée pour écouter des trucs plus indés comme du math-rock. »
Jacques Juju dans Piège de Cristal.
2. The Beatles – White Album (1968) « Mon Beatles préféré. C’est un peu notre groupe consensus dans Brace ! Brace ! car on a tous des goûts différents mais les Beatles nous réunissent. Bon, ok, c’est pas super original ! J’ai découvert cet album vers 11 ans, c’était notre disque de vacances, en voiture. C’est super, des mecs trop talentueux, qui ont un budget illimité et qui s’en battent les couilles en sortant un double album avec des chansons trop bien et des chansons nulles aussi à l’intérieur (Obladi Oblada ou Revolution 9 qui est inécoutable). »
Alcatraz-en-Charollais.
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3. Todd Rundgren – A Wizard A True Star (1973) « C’est le premier disque de Rundgren que j’ai découvert, c’était dans le film de Daft Punk Electroma. Ils sont dans le désert américain, en bagnole, et t’as le gros Todd Rundgren qui débarque. Et là tu te dis : « c’est quoi ce son ?». C’est pas l’album le plus connu, il n’y a pas de tubes mais le medley du début, qui fait également référence à Abbey Road des Beatles, est une tuerie. J’aime bien les petites chansons, il y en a au moins 10 qui s’enchaînent avec des passages bruitistes. C’est quasiment du progrock avec des passages instrumentaux et une ambiance magique. La production est super léchée et le son de batterie est incroyable. C’est un album que j’ai beaucoup samplé avec SEAR et pour des trucs à moi aussi. »
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7. Ramones – End of the century (1980) « Il y a des synthés, des arrangements de trombones, Phil Spector à la production…Tout ce que tu n’attends pas des Ramones. Mais je suis un fan hardcore des Ramones, je pense que ce sont les mecs les plus cool qui ont jamais existé ! J’adore les albums des débuts bien sûr mais End Of The Century a une saveur particulière parce qu’ils deviennent plus sensibles, ils ralentissent, il y a des chansons douces. C’est plus pop et moins punk, un peu comme ce que l’on est en train de bosser avec Avions en ce moment, on a un album prêt et on va bientôt sortir des EPs. C’est la première fois que l’on se retrouve dans la même ville, on en profite un max pour jouer ensemble et s’ouvrir vers d’autres trucs aussi. Le prochain disque sera moins punk à roulettes, on assume plus nos influences pop et il y a un côté plus introspectif contrairement à l’album précédent qui était plus fun, plus rapide. »
4. Hudson Mohawke – Butter (2009) « J’étais un bon geek quand j’étais petit et les musiques de Megadrive, c’est quand même bien resté dans ma tête. Je suis bien fan des synthés bien épiques et, pour le coup Mohawke, il est complètement fou, et il fait de la musique super créative. Ça demande énormément de talent, après on aime ou on n’aime pas mais c’est impressionnant. Les sons qui changent toutes les trois secondes, ça marche à mort et ça fait des tubes, d’une certaine manière. Maintenant le mec a bossé avec Kanye West, Oneohtrix Point Never, bref le mec est trop chaud. Ça a été une grosse influence, notamment sur les dernières prods que j’ai faites pour SEAR. Arthur était dans un délire trap pour le dernier disque, et comme j’en ai toujours écouté, ça m’a fait marrer de bosser sur ce genre de prods. »
8. The Beach Boys – Smile Sessions (coffret 2011) « Au début, j’avais mis Smiley Smile mais il n’y a pas photos les chansons sont mieux dans Smile Sessions. C’est tellement dommage que le disque Smile ne soit pas sorti à l’époque. Brian Wilson, il est fou, c’est un disque que j’aurais aimé écrire, où au moins être là pour être témoin de cet enregistrement. Brian Wilson, c’est le génie incompris par excellence, le mec avait une vision vraiment singulière, hyper spontanée avec des cuts, des harmonies, des passages ambiant, de l’avant-garde et des méga tubes comme Good Vibrations. »
5. Aqua – Aquarium (1996) « Je l’ai eu pour mon anniv’ à 8 ans, je crois. J’habitais à côté d’une fête foraine à Chalon-sur-Saône. J’étais un gros dingo de manèges et je fabriquais des manèges en K’nex (jeu de construction, ndlr) dans ma chambre et je mettais Aqua à fond pour faire la musique de la fête foraine. Bon, j’en ai réécouté pour l’occasion et le morceau Dr Jones est pas mal. Après, c’est pas la musique des grands créateurs, mais c’est méga efficace ! »
9. Beastie Boys – Root Down EP (1994) « Mon père écoutait du Beastie quand j’étais en primaire. C’est le premier disque que j’ai acheté pour moi, un peu au pif et, comme Root down était un des seuls titres que je connaissais, j’ai acheté l’EP. Et du coup, le disque est chelou et il y a des morceaux de punk en live. La première chanson Root down, je la connaissais par cœur alors que je ne calais pas un mot en anglais, je fais des ‘toudoudoum’. Je trouvais ça cool que les mecs fassent du hip hop et aussi du punk, ça m’a permis de me dire que tu t’en fous du style. Inconsciemment ça m’a permis de ne pas m’enclaver dans un style je pense. Beastie Boys, c’est la vie, rap de blanc reprezent ! »
6. Oasis – Definitely Maybe (1994) « J’écoutais ça en maternelle. En fait c’est mes parents qui écoutaient ce disque à la base et j’ai réussi à les dégoûter d’Oasis. Ils m’ont raconté que j’étais monomaniaque et que j’écoutais ce disque en boucle sur mon lecteur cassette. Vers les 12 ans, je suis retombé sur un clip d’Oasis sur MTV et ça m’a fait super bizarre, je me rappelais pas l’avoir écouté mais le son m’était familier. J’en écoute plus aujourd’hui, mais je respecte, ils sont quand même cool, les frères Gallagher. »
10. J Dilla – Donuts (2006) « C’est vraiment l’album que je préfère, tu peux me le mettre à n’importe quel moment de la journée, je vais l’écouter du début à la fin. C’est ma drogue ce disque. J’ai découvert ça en 2010 et ça m’a choqué. Ce que je préfère de Donuts, hormis tout le côté dramatique sur le fait qu’il allait mourir quand il l’a fait, c’est que c’est un truc hyper personnel, il fait pas de prods pour les autres alors du coup c’est plus foutraque. Après, j’adore les trucs à l’ancienne qu’il a fait aussi pour Pharcyde, c’était dément. Pour en revenir à l’album Donuts, Dilla se libère des carcans qu’il s’était lui-même mis dans les années 90 avec le genre de prods classiques pour lesquelles il était connu et c’est du jamais vu. Le mec a ouvert une nouvelle porte, et les Hudson Mohawke, Flying Lotus ne seraient pas là aujourd’hui s’il n’avait pas fait ce disque. J’ai bricolé pleins de boucles et de titres après l’écoute de ce disque, mais comme c’etait hyper mal produit, je les ai jamais sortis !»
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roisant la fête de la vielle à Anost, le musicien Jacques Di Donato et ses Fruits de Mhère, des agriculteurs bio, des restaurateurs, Vincent Vanoli réussit dans son Promeneur… à rendre compte d’un territoire rural, vivant, habité par des personnalités et enrichi d’initiatives originales, parfois à l’échelle d’un village. Une restitution singulière, en forme de bd-reportage, loin des images d’Épinal limitées aux contes et légendes du Morvan. Dans un road-trip chronologique, Vanoli nous emmène à la rencontre de ces lieux et de ces habitants qui se sont confiés à lui, pour lesquels il tente au maximum de restituer la bienveillance reçue, sans oublier parfois d’émettre des doutes. Un livre en noir et gris, loin du vert dominant de ce territoire et loin des univers habituellement fantasmés de cet auteur de fictions.
In bed with le Morvan Vincent Vanoli a passé trois semaines durant l’été 2018 dans le massif du Morvan. Invité en résidence et guidé par la Cité de la Voix et le Parc naturel régional du Morvan, l’auteur de bandes-dessinées a arpenté ces terres pour les livrer dans son livre Le Promeneur du Morvan.
Par Martial Ratel, à Dijon Illustrations : Vincent Vanoli, Le Promeneur du Morvan
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Pourquoi avoir accepté ce projet ? Ça me plaisait de sortir de mon atelier, de ma chambre. D’habitude, mes bds sont des fictions imaginaires, c’est plutôt un travail de solitaire. Là, le projet était d’axer le travail sur la rencontre, aller vers les gens, vers le réel. Le défi c’était de prendre ce territoire comme un matériau brut et de me débrouiller avec. Il y avait une mise en danger puisque je ne connaissais absolument pas ce territoire, je ne connaissais personne. Et le défi c’était aussi d’aller vers les gens, de mener l’enquête et de trouver le secret du Morvan. Ça me sortait de mes histoires personnelles. Je l’ai pris vraiment comme une récréation, pour me remettre en question. Maintenant que c’est terminé, je repars sur mes fictions et je reste enfermé chez moi pour les faire. Le style de dessin du Promeneur…, c’est un crayonné, noir et gris dynamique. Vous dessinez aussi de manière différente, d’un trait plus naïf, plus artistique, Comment êtes-vous passé à ce style pour ce livre ? Comme c’est un travail qui s’appuie sur le réel, j’ai rendu mon dessin un peu plus réaliste que d’habitude. C’est un exercice de style que de s’adapter à la réalité. Automatiquement, il y a moins de distorsion dans mes dessins, les décors sont plus réalistes. Les personnages qui interviennent sont des personnages réels, il faut que je sois à la hauteur de ça, je ne peux pas les caricaturer ou faire n’importe quoi. Le réel s’impose. Comment on dessine en se promenant ? C’est facile ? Impossible (rires) ! Je m’arrête ! En plus, j’ai un problème de lunettes, je suis myope… J’ai fait une vingtaine de dessins sur place. Là, je m’arrêtais à un endroit et je me mettais à dessiner tout simplement. Je prenais le temps d’être serein, au calme, de m’imprégner du paysage et des alentours. Le temps s’arrête quand on fait des croquis… J’en ai fait une vingtaine sur place. Mais vingt croquis ça ne fait pas un récit ! J’avais une
tablette avec laquelle j’ai fait plein de photos. Et une fois rentré chez moi, c’est à partir de toutes ces photos que j’ai travaillé. J’avais aussi un carnet de notes que je gardais avec moi et tous les soirs, je racontais ce qui s’était passé sur quatre-cinq pages d’un grand carnet. C’était la première mouture du livre. Je mettais déjà une forme littéraire à ce récit. Ensuite les trois-quarts de ce que j’avais écrit allait disparaître, remplacé par la narration, par le dessin… Mais le Morvan, c’est un territoire avec un rythme particulier. Pour le comprendre, il ne faut pas rester trois semaines, comme moi. Il faut rester un an, cinq ans. Il faut adopter un autre rythme. Moi, on m’a donné une voiture et plein de gens à rencontrer. Ce n’est pas le temps du Morvan. J’avais un emploi du temps surchargé. J’ai essayé de varier mon récit en ne mettant que les choses très intéressantes qu’on me montrait : un agriculteur, un menuisier, une ethnologue… Chaque fois que c’était possible, je brisais le récit, je prenais des chemins de traverse, pour essayer d’être tout seul, pour essayer de capter des choses accessoires, secondaires, fugitives, qui se cachent au détour d’un chemin. Ça pouvait être un petit ruisseau ou des oiseaux que j’entendais gazouiller, des gens à la terrasse d’un café qui discutent en pensant que personne ne les écoute. Mes « antennes » étaient dressées pour capter des petites choses du quotidien, qui font le corps d’un moment. Je voulais les restituer pour que les lecteurs soient intéressés à la fois par les témoignages mais aussi se sentent en vacances, en balade, en dérive aléatoire dans ce territoire. Comment avez-vous fait pour trouver la bonne distance afin de recueillir et retranscrire les témoignages des gens que vous rencontriez ? On voit bien que des choses vous plaisent et sur d’autres, vous émettez des doutes. De toute façon, j’avais carte blanche et je n’étais pas là pour vendre du Morvan ou pour faire un objet de communication. Je ne suis pas un spécialiste ou un journaliste qui va faire de l’investigation. Je n’y connais rien en forêt ou en agriculture. Je me pose des questions, je ne cherche pas la vérité. Je voulais être objectif : peser le pour et le contre, montrer ce qui m’avait plu mais aussi là où j’avais des hésitations. C’est à dire que ces personnages s’imposent à vous pendant votre parcours dans le Morvan ? Oui ! Quand je suis arrivé, je ne savais pas ce que j’allai faire, j’avais carte blanche de mon éditeur. J’aurai pu revenir avec une fiction. Ce sont mes relais sur place – le Parc naturel du Morvan, la Cité de la Voix à Vézelay – qui m’ont fait rencontrer plein de gens. Il fallait donc que je sois à la hauteur de tout ce qu’on ait raconté, de toute la parole qui m’avait été donnée, toute la gentillesse, la bienveillance. J’espère avoir été assez attentionné envers les gens qui m’ont accueilli. C’est une histoire de politesse. En retour, il fallait que ma
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« Le Morvan, c’est quoi ? C’est cette palette du peintre »
« J’espère avoir été assez attentionné envers les gens qui m’ont accueilli. C’est une histoire de politesse »
parole et mes dessins soient à la hauteur de cette bienveillance. Petit à petit, je me suis rendu compte que j’allais devoir faire un reportage pour retranscrire toutes les belles paroles et toutes les belles choses que j’avais entendu de gens passionnés et engagés dans leur territoire, que j’allais les faire parler, en me mettant moi-même en retrait.
Et à la fin, il fallait que la toile soit faite des toutes ces couleurslà. Ce que j’ai remarqué pendant ma résidence c’est que comme c’est un territoire qui avait été un peu oublié, qui est un peu à l’écart, tous les gens qui sont venus s’y installer l’ont un peu pris comme un territoire vierge où il était possible d’essayer des choses différentes.
« En retrait » mais pas totalement. Vous apparaissez sous les traits d’un personnage avec chapeau rond, lunettes, short et sandales. Comment on se dessine, comment on crée son personnage ? Je disais que je voulais être au plus près de la réalité. C’est tout simplement comme ça que j’étais habillé pendant ces trois semaines dans le Morvan! C’est comme un personnage de bd reconnaissable au premier coup d’œil. C’était ma tenue d’artiste en résidence.
Du coup, tous les parcs nationaux de France vont vous demander de faire un livre chez eux ? Je crois plutôt que je vais choisir un territoire isolé comme le Groenland (rires) J’aime bien la solitude quand même. Là, en résidence on rencontre beaucoup, beaucoup de gens. Je me suis fait un peu du mal à être toujours à l’écoute et à voir plein de gens. Ce n’est pas dans mes habitudes. Avant de refaire une résidence, je vais attendre un petit peu (rires).
On se rend compte dans le livre qu’il y a un Morvan, le territoire, mais aussi des Morvans, composés de personnes très différentes qui l’habitent. Oui, tous ces gens ont leur Morvan particulier. Le Morvan, c’est quoi ? C’est cette palette du peintre. Dessus, il y a plein de couleurs. Ces couleurs ce sont tous les gens que j’ai rencontrés.
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Vous êtes du Jura ? On trouve comme élément biographique que vous êtes professeur d’arts plastiques dans le Jura. Oui, je suis prof d’arts plastiques mais en Alsace ! C’est un élément de bio qui est faux. Je crois que c’est une biographie écrite par quelqu’un d’une maison d’édition du sud de la France donc pour eux au-dessus de Lyon, l’Alsace, le Jura ou la Lorraine, c’est pareil. // M.R.
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DIJON VU PAR... LA CUVETTE DES CHIOTTES Par Martial Ratel, à Dijon Photos : Édouard Roussel
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Les pissotières, ce lieu désuet et caché au cœur de la ville. Avant le confort moderne dans toutes les maisons ou à l’occasion d’une envie pressante, les vespasiennes étaient là pour vous isoler, tout en évitant que vous ne mettiez en péril l’hygiene publique. On constate qu’avec l’arrivée des sanisettes ©JC Decaux dans les années 1980, l’accès est enfin donné aux femmes. Regardez ces vieilles images parisiennes : longeant les routes ou adossés à un mur, les édifices offraient aux seuls mâles le plaisir de pisser dans la rue, car dans tous les cas il fallait se tenir debout. L’endroit, il faut l’avouer a tendance à être délaissé. Les jeunes générations l’utilisent beaucoup moins, c’est un constat. Ou alors pas nécessairement dans sa fonction première... C’est surtout un public lié au 3ème âge, des originaux, des scouts ou des touristes sauvés de l’explosion de vessie que nous avons croisés. Enfin dernière surprise, les cagoinces de rue se cachent. Elles sont maintenant terrées, essentiellement installées dans les parkings souterrains. On sent là encore un effet de la société qui, sur des critères de sécurité et autres raisons raisonnables, éloigne les petit coins, loin, très loin du mur de l’église ou du fond du jardin.
Les pissotières, cour de Flore Les toilettes à touristes par excellence. Ces toilettes ont sauvé la vie de quelques-uns en perdition en centre-ville. Elles viennent tout juste d’être refaites, on dirait une extension contemporaine du Musée des Beaux-Arts. On trouve un papier toilette d’une belle épaisseur. L’odeur d’urine n’est pas encore prégnante.
Les toilettes du marché De vraies toilettes gastronomiques. C’est refait à neuf, certainement pour les brunch classieux du dimanche. Pimpant bleu pétrole et effet ciré pour la peinture. Dedans, c’est grand comme un appart’ d’étudiant. Le PQ est à volonté. On se croirait en boîte de nuit. Par contre, visiblement, il y a eu un problème avec les finitions...
Les sanisettes, passage Dauphine Du grand classique, les chiottes « à la parisienne ». Intérieur ambiance RATP. Rassurant parce que connu. Après chaque passage, la cabine est automatiquement nettoyée.
Parking Grangier C’est de l’exploration urbaine pour essayer de s’en servir. Les toilettes des bas-fonds façon new-york 1999. Il ne faut pas être pressé, le délai d’attente est
Parking de la préfecture Un interphone est disposé à l’entrée des toilettes. Sûrement pour être en liaison directe avec le préfet. Un «plan de prévention » est affiché pour le bon usage du lieu.
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Square Carrelet de Loisy Les toilettes publiques comme on les imagine : un peu pétées, un peu taggées avec l’odeur des produits chimiques d’entretien. On trouve des toilettes à la turque côté homme.
Parking Darcy Les toilettes sont assez grandes pour garer ta Porsche Cayenne. Sûrement un effet de la descente sous terre, on se rapproche du magma, il fait extrêmement chaud. Ce sont des toilettes sécurité avec des boutons pour avoir le droit d’entrer et pour en sortir. On peut même se faire cirer les pompes.
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Didier Leppu, capitaine d’industrie.
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Les entrepreneurs de la santé sont les nouveaux tycoons. Rencontre avec un médecin aux convictions bien trempées. Un matin comme les autres à la clinique Philippe Douste-Blazy de Reuillinsur-Saône. Des blouses blanches, des sourires et des solutions apportées à des patients dans le besoin. Des infirmières fraîches et aimables, un service de sécurité affuté et des médecins compétents, au service des autres. Didier Leppu est l’un d’eux. Il a fait médecine par vocation, comme son père et son grand-père avant lui. Assis dans un fauteuil en cuir, dans son immense bureau, Didier explique : « J’ai failli aller faire une fac de psycho et mon père a trouvé le bon argument pour me convaincre d’embrasser la profession. Il m’a coupé les vivres. Je suis allé réviser mes concours au bout de deux semaines ». Après 8 années d’études et de beuveries entre carabins, Didier part pratiquer à l’hôpital public. Un sacerdoce. « Les urgences, c’était Verdun. Il a vite fallu trouver des solutions pour pallier au problème. Je me suis tiré, tout simplement. En plus, avec mon salaire, je n’avais même pas de
quoi faire creuser une piscine dans ma résidence de l’île de Ré ». Le Professeur Leppu se voit proposer par un confrère, rencontré pendant un weekend aux Bahamas offert aux praticiens par un laboratoire soucieux d’écouler ses produits, de s’associer à lui et d’autres médecins philanthropes pour ouvrir une clinique. « C’est comme un centre commercial mais à la place des pas-deportes de H&M et Camaïeu, c’est des cabinets de médecin. » Didier Leppu gagne en tranquillité, « ici on n’est pas aux urgences d’un CHU, nos clien...euh patients, avec les tarifs pratiqués, on les trie sur le volet. On ne se retrouve pas avec toute la fange de la CMU ». Mais il ne se rend vraiment compte de la chance qu’il a que plus tard. Le déclic a lieu un jour de juin 2006, quand il se trompe dans une facturation. « J’avais fait une erreur de 1.000 euros en trop pour une opération bénigne, ça n’a pas étonné le clien..euh patient, il a cru que c’était les dépassements d’honoraires usuels .» Didier fait vite de
cette erreur une habitude. « Je me suis rendu compte que les clien...patients sont tellement inquiets qu’il sont prêts à raquer n’importe quoi, comme on a leur vie entre nos mains et, ici, ils peuvent se permettre de le faire. Le problème, c’est qu’en cas d’erreur, le SAV, c’est le tribunal. On a des métiers dangereux. On peut considérer qu’on assure nos arrières avec une politique de tarifs ambitieuse.» Impossible de perdre de l’argent. Dès que les frais augmentent, Didier et ses partenaires en affaires augmentent le prix des actes. Un nouvel IRM à acheter ? C’est remboursé en 2 semaines d’activité. Mieux rodé qu’une société d’autoroute. « Bien sûr, je veux que vous sachiez que plus important, c’est le bien-être de la clientè...des usagers de l’établissement. On est là avant tout pour soigner, pour sauver. Mais, franchement, on n’a pas fait 8 ans d’études pour s’acheter un Scénic d’occasion...» Le téléphone sonne, c’est le devoir qui appelle. Un golf avec un collègue. // C.W.
MALT WHISKY À DÉGUSTER PUR OU EN COCKTAIL *IL FAUT MÉLANGER MONKEY SHOULDER POUR RÉALISER DES COCKTAILS
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psycho test Par Nicdasse Croasky Illustrations : Hélène Virey
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raphique zard G
Tu es prêt.e pour l’essentiel. La décence ou une forme de culpabilité honteuse m’obligent à calmer mes ardeurs pour ce dernier portrait. Toi seul.e sais si tu es un.e intime de Jeffrey Epstein, et si, comme lui, tu as renommé ton moyen de transport favori en Lolita Express. Ça marche évidemment mieux avec le jet privé de Jeffrey qu’avec le tram que tu prends tous les jours. Vous partagiez la même préoccupation : Baiser, baisai, BAISAI ! Tu es clairement prêt pour la rentrée. Tinder va être en feu, car tu as consacré toutes tes vacances à swiper tous les profils féminins du réseau ! Pour le reste, comment dire… What else ?
S
> Maximum de D
—
labyrinthe infernal qu’est la vie, tu es paumé.e. Mais ne t’inquiète pas, car si tu ne trouves pas la sortie, elle finira bien par te trouver un jour, ah, ah ah ! » Depuis, tu médites cette blague métaphysique et tu as appris à te distraire comme il faut pour mettre à distance l’échéance fatale : tourner en rond et, par exemple, bâfrer du fromage et des crustacés puis faire passer ça avec des vins fins… Le concept de rentrée n’est pas ta priorité. Rien à foutre !
n
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Tu ne sais pas. Ton grand-père adoptif te répétait toujours : « dans ce
bie
A. La marche active dans les allées du centre commercial (climatisé) : toujours mêler l’utile à l’agréable. B. Le(s) sport(s) c’est bien… mesurer ses efforts c’est mieux : tu ne cours jamais sans ton thermoflash anal. C. Le vélo, depuis qu’on t’a retiré le permis. D. Baiser, baiser, BAISER !
> Maximum de C
t va
3. Quel sport as-tu généreusement pratiqué pour être le plus fit boy slim possible pour la rentrée ?
grosses gouttes et paniquent comme des malades en constatant que c’est le bordel et que rien n’est jamais prêt, toi, tu es décontracté, les cheveux au vent dans ton cabriolet de compet’ tout en finissant tranquillement d’organiser tes vacances d’été pour l’année 2030 ! Les fabricants d’appareil et d’échelles de mesure rajoutent systématiquement un barreau pour toi, car ils savent, eux aussi, qu’être prêt.e en toutes circonstances, ça a un coût, mais ça n’a pas de prix. You’ve got the power !
ique : Atelier Tou
La maison familiale, avec toujours des glaces au congélo. Camping 2 épis dans la Creuse, prox. tous commerces, baraque de churros, karaoké. Cool+. Road trip dans les vignobles de Napa Valley en Californie, et parole : toi, tu ne recraches pas ! Pattaya (Thaïlande) pour baiser, baiser, BAISER !
Tu as cinq ans d’avance. Quand tes congénères transpirent à
raph
A. B. C. D.
> Maximum de B
ng
2. Quelle a été ta destination préférée durant ces vacances ?
Tu cultives cette madeleine de Proust et tu y restes agrippé.e comme la moule à son rocher. Ta vie est comme ces routes nationales toutes droites sur des centaines de kilomètres : pratique et chiante. Mais tout a son avantage, et tu vas donc commencer la rentrée comme tu auras fini tes vacances : pépère, 80 à l’heure au max.
tio
Flâner dans les boutiques climatisées en compagnie de maman. Remplir des psychotests dans les magazines. Bâfrer en grande quantité des vins fins accompagnés d’assiettes de fromages et de crustacés. Baiser, baiser, BAISER !
Tu es un long fleuve tranquille. Tant que maman va, tout va !
radiodijoncampus.com/archives ep
A. B. C. D.
Retrouvez sur le site des archives de Campus les interviews, les lives, les bandes-annonces... des 37 dernières saisons
onc
1. Quelle a été ton activité « doudou » pendant les vacances ?
Dès le 26 septembre
5. Par quoi/quelle activité vas-tu réattaquer fort cette rentrée ?
> Maximum de A
e c o n c er t s nd so et expérien ce es
so
A. Scorer — 3400 pts, légende — dans un scrabble de folie ! En plus, tu as appris ce nouveau mot qui va claquer dans ta section scrabble départementale : ZAWIYA. Intense. B. Rester sain : poids stable, contrôle MST négatif et gamma GT under control. Safe holidays. C. Relire la biographie d’Epicure sur voici.com. D. Baiser, baiser, BAISER !
A. Engagement bénévole, pourquoi pas en tant qu’animateur.trice de maison de retraite ! B. Militer à fond la caisse pour le compteur Linky : self-control de sa consommation électrique. GÉNIAL ! C. Tu as consulté Marabout Mamadou, qui t’a garanti du plaisir boulimique illimité et veut juste savoir si tu es plus Netflix ou Porn Hamster. D. Baiser, baiser, BAISER !
ai
C
Quoi de mieux que cette période de merde qu’est la rentrée, pour se recentrer enfin sur l’essentiel : suis-je prêt ? C’est sous une canicule intense et sous stéroïdes que les experts de Sparse en pensée de moi-même t’aident à répondre à cette question très intime et dont les enjeux n’auraient même pas effleuré une de tes liaisons synaptiques en temps normal. Profite : c’est gratos et divan free !
4. Rétrospectivement, qu’as-tu fait de plus puissant cet été ?
s
PRÊT POUR LA RENTRÉE ?
La radio, autrement
horoscope Par Cédric de Montceau Illustrations : Mr Choubi
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Le rédacteur de cette rubrique sans queue ni tête, tient à préciser à l’ensemble des lecteurs (qui n’ont vraiment que ça à foutre entre deux étrons) que cet horoscope est commis sous la menace d’une rentrée insipide et désespérante... Le Tour de France est fini, heureusement que la Coupe du monde de rugby arrive. Bisous.
Vous cherchez un plan de financement pour votre super nouveau projet qui changera la face du monde ? Soyez réaliste tout le monde s’en branle, sauf peut-être votre mamie et votre tata. Argent : 100 balles et un Kinder Bueno.
Vous en avez marre de faire la fête jusqu’au bout de la nuit ? Vous êtes fatigué.e par votre popularité envahissante. Essayez la vie saine sans alcool, sans drogue et sans sexe. C’est pareil mais en plus chiant. Amour : zézette.
Votre signe a juste le même titre qu’un film fantastique de Bob Swaim sorti en 1982, avec Philippe Léotard et Nathalie Baye. Le reste, pour tout vous dire, la rédaction de ce magazine d’extrême qualité s’en cogne un peu. Santé : winter is coming.
On le sent bien, et les astres le prouvent : votre rentrée sera comme aller à un COMIC CON déguisé en Alice Sapritch. Personne ne va tilter votre bon goût, vous serez seul.e avec votre référence badass ultra cool vintage. Chance : personne ne vous attendait au G7.
L’autoroute du bonheur n’est pas la voie sur laquelle vous êtes actuellement en train de faire de l’autostop. Observez mieux, vous êtes en covoiturage sur la départementale de la décadence. Chance : juste une illusion.
Si vous avez l’impression d’être beaucoup plus calme avec votre partenaire, c’est normal. La mémoire vous faisant souvent défaut, on vous rappelle que vous n’êtes ensemble que depuis une semaine. Santé : ne votez plus et éteignez cette télévision.
Combler un vide affectif est une initiative intéressante en ce qui vous concerne. Ceci dit, il est peut-être préférable pour la rentrée d’envisager un stage à la NASA, parce qu’on est plus proche du trou noir. Finance : la prise de poids n’est pas une plus-value.
Scrutez l’horizon, il y’a comme un immense mur bien solide sur toute la largeur de votre champ de vision. Rassemblez toutes vos forces, ayez confiance en votre intuition légendaire et foncez en criant « Armageddon » ! Objectif : Dedans.
Vous souffrez depuis l’enfance... Vos parents ne sont jamais venus vous voir jouer au foot les week-ends ni même assister à la moindre compétition de GRS : c’est normal vous êtiez nul.les. Ils ne viendront pas non plus à la rentrée parce que vous êtes grand.e maintenant. Freud : « Œdipe, c’est quand même un enculé ! »
« Pardon vous êtes qui ? — ... — Désolé, on connait pas.» Amour : Néant.
La mesquinerie et l’infamie étant à la mode vous serez dans votre élément et passerez une excellente rentrée. Comme dirait une célèbre marque de marijuana avec une tête chantante : « on vous souhaite tout le malheur du monde ». Bête : et méchant
Heureusement que vous êtes le dernier signe de cet horoscope sans intérêt. Bah oui ! La rentrée est dure pour nous aussi ! Aucune inspiration concernant votre signe, comme d’hab’. Les astres sont vides mais on vous aime quand même. Allez ! On file à l’apéro. Pisciculture : qui qui qui sont les snorky ?
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courrier des lecteurs
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Charlène
| 51 ans | Chalon S/Saône (71) Bonjour grand prescripteur, étant bourguignonne depuis toujours, je cherche naturellement à nouer du lien avec nos frères de Franche-Comté. Je passe mes weekends dans des contrées magnifiques avec des gens sympas. Mais je ne comprends pas tout. Pourquoi est-ce qu’ils disent « j’aurais meilleur temps » tout le temps ? Alors que ça n’a pratiquement jamais rien à voir avec le temps, bordel !
découverte
réponse de la rédaction
Oui, Charlène. Je comprends ce que tu veux me dire. T’aurais meilleur temps, en gros, c’est « tu ferais mieux », « ce serait mieux » . Et quand c’est mieux pour toi directement, ça t’évite de perdre du temps à chercher d’autres solutions, donc t’aurais eu meilleur temps. Tout se tient.
«
Antonin |
38 ans | Besançon (25) Dites-moi, les branleurs dijonnais, vous avez beau avoir un joli torche-cul que j’aime lire aux toilettes, pourquoi est-ce que vous n’avez jamais eu les couilles d’écrire un papelard sur un établissement qui se bouge. Un bouclard qui fonctionne sans sub’, avec une programmation léchée, et qui réussit à vivre depuis 2 ans, en toute indépendance. À savoir l’Antonnoir.
réponse de la rédaction
Oui, Antonin. Cet établissement est clairement de qualité, avec une prog’ pointue et aussi des soirées déglingues comme on les aime. Un vrai club. Bravo, et bon anniv’, qu’on ne manquera pas de fêter en venant boire un godet. Mais mec, l’Antonnoir on l’a déjà vu dans le roman-photo, et sur le site internet regulièrement. Franchement, ça va commencer à faire beaucoup et les gens vont finir par croire que vous nous payez plus que des canons. En plus, là, y’a des trucs à faire sur le Moulin de Brainans, la légende qui fête ses 40 ans cet automne ou le Café Charbon de Nevers qui se refait une beauté. Voilà des établissements dont on ne parle pas assez... Moins indé, mais de qualité.
«
spectacles pour
Greg
| 39 ans | Melisey (70) Thibaut Pinot ! Thibaut Pinot ! Thibaut Thibaut Thibaut Pinot ! Thibaut Pinot ! Thibaut Pinot ! Thibaut Thibaut Thibaut Pinot ! réponse de la rédaction
«
Oui, Greg ! Nous aussi, il nous a fait vibrer le Thib’ ! La plus belle série de l’été, elle était pas sur Netflix, mon pote ! Qu’est-ce que j’ai chialé quand il a abandonné... On respecte grave Julian Alaphilipe. Mais Juju ne vient pas de BFC, alors que le Thib’ est enfant de la Haute-Patate, qui a aussi côtoyé le meilleur club amateur de France, à savoir le CC Etupes, juste à côté de Montbéliard, où son frère entraine encore. En plus, le mec est tellement cool qu’il vit en Franche-Comté tout en ayant un nom de cépage Bourguignon. Thibaut Pinot va gagner le Tour de France, avec panache, sous peu. Notre héros.
Amanda |
26 ans | Saulieu (21) Bonjour héraut de la justice régionale. Il paraît que la BFC est la région de France la plus touchée par l’absentéisme au travail ? C’est vrai ou c’est un fake venu de Russie destiné à déstabiliser le cours du vin et de la cancoillotte ?
réponse de la rédaction
Oui, Amanda (on commence toujours les réponses par oui, parce que ça m’emmerde profondément les gens qui commencent toutes leurs phrases par «non, mais...»). On apprend effectivement par un rapport du 26 août dernier, publié par Gras Savoye Willis Towers, société spécialisée dans le conseil en Ressources Humaines, que dans notre région, près de 5% des salariés ne vont pas au travail en moyenne. C’est pas bon pour la productivité mais franchement, qu’est-ce qu’on s’en tamponne de la productivité quand il s’agit de prendre l’apéro ? Hein ? On va quand même pas travailler les vendredis après-midi ? Les parisiens vont au boulot comme des putains d’esclaves ! Ils défilent dans le métro, c’est Nuremberg tous les matins ! Ça fait flipper ! Nous, on est relax, on prend le temps et s’il faut s’absenter pour une raison aussi simple qu’un foot entre potes ou un pique-nique au bord d’un lac, on le fait, décontract’, c’est pour ça qu’on vit plus longtemps.
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Choisissez opéra,
concert,
danse.
conseil justice
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bonjour Maître Fougnard,
j’ai entendu dire qu’il y avait un référendum d’initiative citoyenne contre la privatisation de l’aéroport de Dijon. Moi ce qui m’intéresserait, ce serait de faire passer une loi pour interdire immédiatement l’utilisation du glyphosate par les agriculteurs. J’ai lu dans un article qu’un habitant de l’Île de Ré qui ne mangeait que du bio avait dans ses urines 22 fois le taux maximal fixé par les autorités européennes pour une eau potable de qualité. Or, moi aussi, je ne mange que du bio. Ça fait flipper grave. Nicolas Hublot.
Bonjour Nicolas.
Alors, d’abord, il y a bien une procédure de proposition de loi référendaire en cours mais contre la privatisation des aéroports de Paris. À Dijon, il n’y a plus d’aéroport. On ne peut donc pas le privatiser. Dole, éventuellement. Ensuite, il ne s’agit pas d’un « référendum d’initiative citoyenne », qui n’est pas prévu dans la Constitution, mais d’un référendum dit d’« initiative partagée », selon la terminologie utilisée par une loi constitutionnelle de 2008 modifiant l’article 11 de la Constitution. Ça sonne moins bien. Et de fait, on devrait plutôt dire « référendum d’initiative verrouillée ». En effet, selon cet article 11 de la Constitution, un référendum portant sur certains domaines peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. La proposition de loi peut porter « sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ». De la réforme du bac ou des retraites en passant par le CETA et son mécanisme de résolution des conflits, de nombreux sujets politiquement clivants pourraient donc être arbitrés par un vote populaire. Le rétablissement de la peine de mort ou une interdiction d’accueil des migrants, en revanche, ne semblent pas des sujets relèvant des domaines de consultation autorisés. L’interdiction du glyphosate, oui. À condition de trouver d’abord au moins 185 députés et/ou sénateurs sur un total de 925 pour proposer une loi de renvoi au référendum. Ensuite, après avoir été examinée par le Conseil Constitutionnel, la proposition de loi référendaire déposée au Sénat ou à l’Assemblée, devrait être mise en ligne sur un site spécial du ministère de l’intérieur (www.referendum. interieur.gouv.fr) pendant 9 mois. Elle devrait recueillir le soutien d’au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, soit environ 4,7 millions de vote favorable sur le site. C’est là où c’est pas gagné. Le référendum d’initiative partagée contre la privatisation des aéroports de Paris, première mise en œuvre du RIP depuis 2008, a bien recueilli le vote de 248 députés et sénateurs, mais plafonne depuis le 9 avril à environ 700.000 votes. Peu probable de trouver d’ici janvier les 4 millions de votes encore nécessaires. À part un référendum sur l’annulation de la prochaine défaite du PSG face au Réal en Ligue des champions, on voit mal quel sujet permettrait de réunir dans le temps requis un tel nombre de suffrages. Je crains donc, mon cher Nicolas, que tu ne doives pisser fluo encore quelques temps. Après, personne ne t’oblige à manger bio… Maître Fougnard.
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Si vous ne savez pas comment emmerder le monde, n’hésitez pas, nous pouvons vous aider : posez votre question, nous y répondrons (ou pas).
from helle Dans chaque numéro, carte blanche au photographe Raphaël Helle
PUBLICITÉ Juillet 2019 fut le mois le plus chaud jamais mesuré dans le monde et, en août, des Islandais ont organisé le premier enterrement d’un glacier, Okjökull, disparu en 2014 en raison du réchauffement climatique. Tandis qu’en Suisse on monte, en voiture, admirer la fonte massive des glaciers. GLACIER DE MOIRY, AOÛT 2019 // R.H.
LE TRASHTALK DE SPARSE CHAQUE VENDREDI, 8H, EN DIRECT SUR RADIO DIJON CAMPUS