Sparse 29 (déc. 2019)

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Bûcherons, baby-foot et fans de Johnny 84 pages de choix de vie

+ Gustave de Kervern Élise Bussaglia Jean-Claude Romand La pierre qui croule La République du Saugeais

sparse magazine mieux

sparse | numéro 29 | trimestriel

déc. jan. fév. 2019 • www.sparse.fr imprimé à plusieurs millions d’exemplaires à lire aux cabinets

GRATUIT • BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ



édito. En ce moment, faut l’avouer, ça va à toute berzingue, on décolle un peu du siège, ça tourne, tourne, tourne, comme disait Rhum G sur le titre Memories de Qhuit, c’est le tourbillon, l’œil du cyclone. C’est sûr, ça peut filer la nausée ou même empêcher de réfléchir sereinement. Une orgie d’infos, de débats, de prise de conscience, de peur, de révolte, de leçons de morale, de hargne décomplexée, de colère et d’immobilisme. Rien que ça. Les déclas d’Adèle Haenel, le retour des gilets jaunes, un énième débat sur le voile, les sorties zinzins d’Alain « sousphilosophe » Finkielkraut, les alertes de Greta Thunberg, faut-il différencier l’homme de l’artiste, les Kurdes laissés à l’abandon, une pathétique guéguerre Quotidien/Valeurs Actuelles, un vote pro-démocratique à Hong Kong, le Black Friday, le bordel au Chili, Vincent Chaumette accusé de viol, le suicide d’une directrice d’école, Bernard Montiel conseiller de Brigitte Macron… N’en jetez plus. Du lard ou du cochon. Filez-moi un coup de gnôle pour digérer tout ça, à défaut de tout comprendre. En fait, au même moment s’affrontent les excès boursouflés d’un vieux monde à bout de souffle et les désirs virulents et légitimes d’un changement drastique. Boum. On sent qu’on a passé la cinquième, quitte à ce que ça décoiffe un peu, pendant que d’autres empoignent le frein-à-main, quitte à partir dans le décor. C’est Fast & Furious mais avec

Alain Minc en copilote. Même si ça file le vireux, il faut que ça dépote. Certains ont décidé d’accélérer le bordel sur 2, 3 sujets assez cruciaux, et curieusement la plupart ont souvent moins de 30 ans. Bizarrement, c’est à eux qu’on a envie de faire confiance. En face, ça dégaine le fameux « on peut plus rien dire ». Alors si, justement, on peut dire qu’il y a 90.000 femmes violées par an en France ou qu’on chope des cancers à cause de l’industrie agro-alimentaire depuis 40 ans. Par exemple. Mais aussi le tentant « c’était mieux avant ». Alors, peut-être dans la pop-culture, et encore ça se discute fortement, sinon, ça s’appelle juste de la nostalgie, rien de nouveau. La patine est un leurre, elle fait juste du bien, là, sur le moment, elle déforme et embellit le passé. Par contre d’un point de vue sociétal, non merci, on veut pas revenir en arrière. Ça ira. Pour le reste, la jeunesse est en colère, et il va falloir lui faire confiance. Tout simplement. Même si elle écoute de la musique de merde. Et comme disait Richard Gotainer : « Le Tango, c’est très beau, Mais on sait pas les pas. Pour mouiller nos liquettes, On a un plan extra ! Hop là ! » Par Mr. Choubi Photo : Édouard Roussel


sommaire 3. ÉDITO 6. CONTRIBUTEURS

ours Ce magazine est édité par Sparse Média. Siret : 750 725 806 00038 - APE : 5814Z www.sparse.fr - contact@sparse.fr www.sparsemedia.fr DIRECTEUR DE PUBLICATION Pierre-Olivier Bobo RÉDACTEUR EN CHEF Antoine Gauthier CONTRIBUTEURS Badneighbour, Pierre-Olivier Bobo, Rebecca Chon, Mr. Choubi, Sophie Dumanche, Maître Fougnard, Arthur Guillaumot, Clément Guillet, Cédric de Montceau, Nicolas Popovic, Martial Ratel, Ladislas René, Édouard Roussel, Augustin Traquenard, Chablis Winston, James Granville forever DIRECTION ARTISTIQUE INTERNETINTERNET

PHOTOGRAPHIES Vincent Courtois, Cédric de Montceau, Roxanne Gauthier, Raphaël Helle, Édouard Roussel, Louise Vayssié

8. LE

FOND DE L’AIR EST FRAIS

10. LOOSER/WINNER 12. GUESTLIST

REPORTAGE 14. CONCOURS

DE BÛCHERONS DANS

L’YONNE PORTRAIT 22. MADAME

LA PRÉSIDENTE DE LA RÉPUBLIQUE DU SAUGEAIS HISTOIRE LA RECHERCHE DE LA PIERRE QUE CROULE

28. À

ENQUÊTE 34. JEAN-CLAUDE

ROMAND, CE GARS DU

JURA SAGA 40. DES

BABY-FOOT CHEZ RENÉ PIERRE

INTERVIEW BUSSAGLIA, L’INSTIT’ DU FOOT

46. ELISE

ILLUSTRATIONS Mr. Choubi, Michael Sallit, Hélène Virey, Loïc Brunot

RENCONTRE 50. LES FANS DE JOHNNY, 2 ANS APRÈS

COMITÉ DE RELECTURE Aline Chalumeau, Marion Godey, Arthur Guillaumot, Aurore Schaferlee

56. UNE

COUVERTURE Photo : Raphaël Helle (2018) IMPRIMEUR Est Imprim (25) Dépôt légal : à la sortie du magazine ISSN : 2260-7617 Tous droits réservés © 2019-2020 Merci à nos partenaires ainsi qu’à celles et ceux qui ont permis la réalisation de ce numéro. Prochain numéro : mars 2020 Sparse bénéficie du soutien du Ministère de la culture et de la communication, fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité, et de la DRDJSCS au titre du Fonds de développement de la vie associative (FDVA)

ENTRETIEN BAVETTE AVEC GUSTAVE KERVERN

60. PORTFOLIO

: TERRE PROMISE

66. ABONNEMENT 68. ROMAN

PHOTO D’ENTREPRENEUR 74. PSYCHO TEST 76. HOROSCOPE 78. COURRIER DES LECTEURS 80. JUSTICE 82. FROM HELLE 72. DESTINÉE


SPORT, COMMUNICATION, EVENEMENTIEL, DESIGN.

WWW.SPORTUNIT.COM


contributeurs

Par Chablis Winston Photos : DR

Nom : Gauthier Prénom : Roxanne Fonction : Agence tout risque

Tu te rappelles de la pub Ohé ! Pour aller jusqu’au bout ! ? En fait, c’est un documentaire sur Roxanne. Quand vient l’heure de la bataille, elle prend son appareil photo et file en guêtres fluos sur tous les théâtres de guerre, qu’elles soient sociales ou environnementales. Voire même guerre des sexes.

Nom : René Prénom : Ladislas Fonction : Astrologue

Tes chakras ne sont pas alignés avec Mercure ? Ladislas s’en tamponne. Il ne t’a pas promis de te rendre heureux, mais de te livrer des vérités brutes dans un écrin de vannes des plus qualitatives, le tout depuis son bureau, en chaussettes, tranquille. Il vient de rentrer sa 2752e affaire, alors il voit pas pourquoi il se bougerait de là.

Nom : Roussel Prénom : Édouard Fonction : Mec qui y va

Eddy ne photographie pas que des paires de fesses montées sur rollers. Le gars file droit au coeur de l’action, c’est son bonheur, c’est sa passion, comme le chantait le générique d’Extrême limite, la sitcom sports et pastels des années 90 sur TF1. Pour ce numéro, c’est tronçonneuses et coupes mulet pour lui. Quel esthète cet Édouard Roussel.

Nom : Guillaumot Prénom : Arthur Fonction : Undercover, tellement qu’on ne sait pas où il est

Ne lâche pas ce mec des yeux car s’il s’en va, tu ne sais jamais quand il va revenir. La dernière fois qu’il est parti chercher des clopes, il est revenu deux semaines après avec un reportage ficelé sur les habitus sexuels des ados en plaine de Saône. L’aventure. Un jour il ne reviendra pas. Philippe de Dieuleveult.

Nom : Chazal Prénom : Claire Fonction : Stagiaire d’observation

Après une belle descente aux enfers suite à son licenciement de TF1, Claire voulait redonner un coup de peps à sa carrière en s’engageant dans la presse subversive de territoire, à savoir Sparse magazine. Mais sa conception du boulot a été viciée par trop d’années dans le groupe Bouygues... Retour aux bases. Stage d’observation. Un cappuccino, Claire ! Sans sucre !

Nom : Bobo Prénom : Pierre-Olivier. Fonction : Agenceur d’espace

Lâche-le 2 heures chez Ikea et Pierre-Olivier te refait n’importe quelle ambiance. C’est le Damidot de la presse française. Un article, un meuble, une facture, un meuble. Un stylo dans une main, une visseusedévisseuse dans l’autre. On attend avec impatience le dossier feng shui dans le prochain Sparse.

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guestlist

Par Pierre-Olivier Bobo et Chablis Winston

Juliette Labous |

Cycliste pro from Besac

Maillot blanc du dernier Giro. Gros braquet.

Le sport que tu détestes regarder à la télé ? La pétanque. Quelle est la fonction différentielle e^(2x) ? La fonction exponentielle. La légende ultime du vélo, c’est qui pour toi ? Eddy Merckx.

Le truc le plus cool à faire à Roche-lez-Beaupré, dans le Doubs ? Se promener et manger chez mes parents.

Le 7 novembre dernier à partir de 16h34, les femmes ont travaillé “bénévolement”, en raison des inégalités salariales qu’elles subissent. Tu as fait la même, toi aussi, sur ton vélo ce jour-là ? J’étais en vacances alors je n’ai pas travaillé.

La grève chez la compagnie aérienne Lufthansa en novembre dernier, c’est 1.300 vols annulés et 100.000 tonnes de CO2 en moins. Pourquoi ne supprime-t-on pas les avions ? Car c’est quand même plus rapide que le bateau pour aller à l’autre bout du monde.

Qui est le plus puissant à ton avis : le 357 Magnum ou le Smith & Wesson 500 ? Aucune idée.

T’es plutôt Lance Armstrong ou Jan Ullrich ? Les deux ont triché donc aucun.

Le voile, le voile… Est-ce que le vrai problème, ça serait pas plutôt les gens qui portent des pantacourts ? Aucun des 2 peut-être !

Faut-il une voie en plus sur l’autoroute, réservée aux conducteurs de Haute-Saône ? Ça serait une bonne idée en effet !

Toi aussi t’as acheté des actions à la Française des jeux ? Non !

T’as été licenciée au club de Morteau-Montbenoît. Y’a pas une équipe cycliste nationale de la République du Saugeais (voir p. 22) ? Peut-être en 2030.

La course cycliste que tu préfères faire ? Le Giro Rosa.

Est-ce que Dijon et Besançon vont finir par s’aimer à la fin ? Je pense que c’est l’amour impossible. Ils se foutent pas un peu de notre gueule avec les steaks de soja ? Moi j’aime bien. Des mecs ont descendu le saut du Doubs en kayak. Tu le fais en vélo ? Il faudrait que je sois un peu plus

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Hela Fatoumi & Eric Lamoureux |

Co-directeurs de Viadanse, centre chorégraphique national de Belfort

Jonathan & Jennifer, l’amour du risque.

Votre salle de sport préférée de Belfort, c’est laquelle ? Liberty Gym ? Gigafit ? La montée vers le lac des roseaux au ballon d’Alsace

Quel magazine traîne dans vos cabinets ? Poésie, poésie…

Il est comment en vrai, Jean-Pierre Chevènement ? Réjouissant...

Vous avez le droit de choisir n’importe quel artiste musical pour bosser sur votre future création, vous choisissez qui ? Grand Parc.

Ça fait quoi de ne jamais être séparé au point d’avoir une fiche Wikipédia commune ? L’alliance envers et contre tout.

Vous aussi, dans les années 2006-2007, vous avez chopé le virus de la tecktonik ? Immunisés donc pas souffert.

La région Bourgogne-Franche-Comté, entre nous, ça serait pas la plus balaise de toutes ? Entre nous, c’est pas gagné, mais libre de rêver.

Plutôt festival GéNéRiQ ou Eurockéennes de Belfort ? Entre les deux nos cœurs balancent.

Un endroit méconnu de Belfort à nous conseiller ? Le Nakanaka, des sushis et des makis comme là-bas La mort de Chirac, ça vous a filé le cafard à vous aussi ? Elle nous a permis de connaître la notion de synanthropie. #MeToo dans le cinoche. À quand #MeToo dans la danse ? Ça a commencé discrètement.

Ça ne vous fatigue pas un peu les Eurockéennes ? Au contraire, ça nous maintient forme... 30 min en vélo. 4 jours de vacances, vous filez où ? Last minute of course. Ce sera où la prochaine fois qu’ils croiront trouver Xavier Dupont de Ligonnès ? Dans le désert ou dans la forêt amazonienne.

Vincent Chauvet |

Maire (Modem) d’Autun

Autun en emporte le vin. ski du Haut-Folin, point culminant du Morvan. T’as mis combien, toi, dans la cagnotte en ligne pour aider les Balkany ? Autant que pour la cagnotte pour le gilet jaune boxeur. Dans quel bistrot d’Autun on peut te croiser ? Il manque un S dans la question mais l’incontournable c’est l’Irish Pub. Un tic de langage dont tu voudrais te débarrasser ? « En même temps ». Franchement, quoi de mieux qu’un bon gros spliff avant le dodo ? Je pratique plutôt un autre type d’activité avant de m’endormir mais permettez-moi de ne pas développer. Un coin dans la région à nous conseiller pour passer un week-end à la cool cet hiver ? À la cold plutôt. Le chalet de

Vas-y, essaie de dire du mal d’Emmanuel Macron, pour voir. Il n’a pas (encore ?) été maire. Les types qui roulent très vite en ville avec leur grosse bagnole, on ne devrait pas tout simplement les éliminer selon toi ? Faudrait plutôt éliminer d’abord les grosses bagnoles. A-t-on encore le droit de traiter quelqu’un d’enculé ? Oui. Voir réponse 4. Julien Odoul, à part prendre des photos de lui torse nu, il sert à quoi ? Il sert à éviter qu’on parle du fait que la fusion des régions Bourgogne et Franche-Comté menée par cet exécutif a coûté cher au contribuable régional. Il devient quoi, Edouard « doudou » Cavin ? C’est qui ? Vincent, t’es chaud pour 2020 ? Bouillant.

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winner / looseur Un conducteur doubiste. 4,59/20 Dans la région de Pontarlier, un conducteur a été contrôlé avec un taux d’alcoolémie de 4,59g/L. Encore un petit effort, le record de France est détenu par un Avignonnais (11g/L) et le record du monde, par un Sud-Africain (16g/L).

Le conseil régional de Venise. 3/20

Le 13 novembre dernier, au moment où retentit une sirène, le conseil régional de Venise emmené par la ligue de Matteo Salvini rejetait des amendements destinés à lutter contre le changement climatique. Deux minutes plus tard, les étages étaient envahis par l’eau et la salle évacuée.

Julien Odoul. 0/20

Aime attirer l’attention. Pour se démarquer de ses concurrent(e)s, il fait feu de tout bois. Musculation intensive pour préparer le corps, tweets haineux islamophobes pour aiguiser l’esprit et émoustiller la fachoshpère. Climax de sa stratégie pour conquérir le pouvoir, l’humiliation publique d’une accompagnatrice scolaire entraînant un buzz national et la relance de la polémique sur le port du voile en France. Déjà mis en cause dans une enquête pour une sombre histoire d’emplois fictifs du FN au parlement européen, plusieurs plaintes ont été déposées contre lui pour violence en réunion et provocation publique à la haine raciale.

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Par Augustin Traquenard Photos : DR

Adam Neumann. 10/20

Startupeur mégalomane super bling bling, fondateur de WeWork, licorne valorisée jusqu’à 47 milliards avant de se péter la gueule juste avant sa cotation en bourse, Neuman est parti avec un parachute de platine de plus de 1,7 milliard de dollars. Un malin doublé d’un bel enfoiré, mais contrairement aux agissements des Balkany, tout ceci est parfaitement légal. Californie vs Hauts-de-Seine.

Chlöe Swarbrick. 15/20

Cette députée Néo-zélandaise de 25 ans a renvoyé un vieux politicard, qui tentait de l’interrompre dans l’hémicycle, par un magistral « OK Boomer ». L’expression devient virale pour dénoncer la condescendance des baby-boomers envers les jeunes générations investies dans la lutte contre le changement climatique. Tu écoutes. Et tu fais tes devoirs.

Julien Camdessoucens. 18/20

Un Dijonnais, la belle histoire. Amputé de la jambe gauche à 18 ans, ‘Terminator’ a décidé de ne pas se laisser emmerder par son handicap et de pousser de la fonte comme un forçat. Samedi 16 novembre, il est devenu Mr. Univers catégorie handisport. Ne comptant pas s’arrêter en si bon chemin, Julien prévoit d’ouvrir bientôt une salle de sport dans le quartier de l’université à Dijon.


point break.

le mag -azine du bloc. jazz libre, groove de rupture, chroniques, articles, thesaurus, pochettes surprises playlist, radio pointbreak.fr

Scène de musiques actuelles

Dijon

Philippe Katerine Lorenzo Paul Personne Ben l’Oncle Soul Dionysos Panda Dub Pomme Izia Mars Red Sky ...

lavapeur .com

Janv. Fév. Mars

Dijon Bandit Bandit Dan Deacon French 79 live Gabriel Auguste Ho99o9 Jardin Mottron N’to Squid Stuffed Foxes Videoclub Warmduscher Yseult ... Programmation complète le 18 décembre ! #lavapeur // lavapeur.com #generiq2020 // generiq-festival.com




kiss my

axe Les concours de bûcheronnage sont devenus une affaire sérieuse. Ce qui n’était qu’une animation de foire agricole où les costauds du coin exhibaient leurs biceps dans d’érotiques Marcel est carrément devenu un sport de compet’ avec ses athlètes, ses règles et même son championnat du monde retransmis en direct à la télévision. Intrigué, on a décollé notre cul du canapé pour aller voir, à côté d’Auxerre, à quoi ça ressemble. Texte et photos : Édouard Roussel, à Perrigny (89)

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DĂŠforestation.

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P

our débusquer ces bûcherons de l’extrême pas besoin d’aller en forêt. Direction Auxerre, dans la bucolique zone commerciale « les Clairions » à Perrigny. C’est là, coincé entre un magasin But et un receleur de cabanes de jardin, que le shop Rabaska (magasin « multimarques spécialisé outdoor/lifetsyle pour les baroudeurs » d’après son Facebook) accueillait sur son parking la deuxième édition du trophée bourguignon de bûcheronnage sportif. La première impression est un peu décevante, il faut bien l’avouer. La compet’ a des faux-airs d’animation commerciale, façon boucheriedestruction au rayon outillage de jardin chez Leroy Merlin : quelques barnums pour abriter la friteuse, la bière ou la sono, et sur le plateau d’une remorque à six essieux, quelques gars s’activent à transporter de grosses bûches de 30 cm de diamètre. Petit détail : tous portent un t-shirt floqué Stihl Timbersports* (voir lexique). Précisons pour les citadins que Stihl est une marque d’outils de jardin, avec une gamme pléthorique de tronçonneuses, d’aspiro-souffleurs (!), de scarificateurs (!!) et même de secoueurs d’olives (!!!). C’est un axiome du progrès d’une civilisation : la moindre besogne a son engin mécanique dédié. Mais qu’est-ce donc que ce truc de Timbersports ? Ce concept de « bûcheronnage sportif » est une série d’épreuves à la hache, à la scie et à la tronçonneuse pour épater les foules et jauger de la dextérité des athlètes. Il y en a 6 en tout : le springboard*, le underhand shop*, le standing block chop*, le single buck*, le stock saw* et le hot saw*. Vous n’y comprenez rien, c’est normal. C’est américain.

Déboisement du parking Heureusement, au micro, la speakeuse Rachel Paggin, elle-même bûcheronne de compet’ (elle a terminé 6ème à la Ladies Cup en septembre dernier), explique à la petite centaine de spectateurs que l’on va avoir droit à un match de underhand shop*. Cette épreuve consiste à fendre un arbre déjà abattu. Bon, en l’occurrence on se contentera d’une bille de peuplier, que les sportifs doivent trancher le plus rapidement possible. C’est simple et c’est concis, je crois que j’ai compris. Deux gaillards moulés dans leurs beaux t-shirts sponsorisés, armés de leurs haches, montent sur le plateau et se positionnent en équilibre sur leurs rondins. Les visages sont concentrés ; la compet’ a beau être amicale les gars la jouent sérieux. Au micro, Rachel joue les bateleuses : « Observez bien ces deux jeunes compétiteurs, vous avez là-bas le champion rookie français Loïc Voison face à Adrien Courteaux, vous allez en prendre plein les yeux, encouragez-les, faites du bruit. Chrono prêt ! 3, 2, 1 Go ! » Loic attaque sa bille* de biais, un coup à droite et un coup à gauche, puis, après l’avoir fendue à moitié, il se retourne et recommence de l’autre côté. La méthode est

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très efficace. « Aucun coup n’arrive par hasard c’est exceptionnel », s’exclame Rachel, enthousiaste. Et Loïc, du haut de ses 20 piges, gagne le duel haut la main. Il fend son rondin de 30 cm d’épaisseur en 21,23 sec. Les meilleurs mondiaux sont sous la barre des 20 sec, comme Usain Bolt pour courir son 200 mètres. Dans les paddocks, Adrien Courteaux, se prépare à remonter en scène. Le jeune homme de 27 ans porte une drôle de paire de chaussettes : « c’est une cotte de maille qui vient sous le pied et qui monte jusqu’en dessous du genou. Ça nous permet de ne pas nous couper, mais par contre s’il y a vraiment un choc très fort, ça peut nous casser l’os. » Aucun sport n’est sans danger, les joueurs de ping-pong peuvent se faire une tendinite rotulienne et même les gamers risquent le syndrome du canal carpien. « Et pour les épreuves à la tronçonneuse, continue Adrien, on a des pantalons anticoupures, qui sont en fait des couches de kevlar, puis des bouchons d’oreilles évidemment et des lunettes de protection. Par contre, on n’utilise pas de chaussures de sécurité parce les coques font rebondir la lame. » D’ailleurs, à y regarder de plus près, leurs pompes ont des petits picots sous la semelle, exactement comme des chaussures de golf.

Buchez vos oreilles La hot saw est une épreuve assourdissante. L’idée est simple, il faut trancher 3 rondelles (les pros appellent ça des « cookies ») d’une bille de 40 cm de diamètre le plus rapidement possible. Sauf que ces tronçonneuses sont des monstres de plus de 20 kg, avec un moteur de karting entraînant la chaine à 240 km/h et pouvant coûter jusqu’à 10.000€. Là, on est dans la démesure. « Hot saw, c’est simplement parce que c’est une tronçonneuse chaude », explique Pierre Puybaret, champion de France en 2018 et 2019 de bûcheronnage sportif. « En fait, c’est


Ne mets pas ta tĂŞte ici !

Regardez-moi ce souillon qui en fout partout.

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La hot saw est à la tronçonneuse ce qu’un dragster est à l’automobile : des engins spectaculaires, gonflés aux stéroïdes mais qui concrètement ne servent pas à grandchose.

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Ma Stihl ? Je lui ai mis un kit Polini et un carbu de 14.

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Bas résille.

Avec un escabeau et une tronçonneuse électrique, ça serait quand même plus simple mais nettement moins divertissant.

Faut bien se chauffer pour l’hiver.

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LEXIQUE

simple, il n’y a pas de refroidissement sur ces machines. C’est l’huile qui refroidit et du coup elle ne peut pas tourner plus de 30 sec, sinon elle explose. » Quand ces machines daignent démarrer, elles font un bruit d’avion au décollage et envoient des copeaux à la ronde comme un canon à neige en mode tempête. « Ce ne sont pas des machines qui se vendent, explique Rachel Paggin, c’est une épreuve propre à Timbersports (c’est à dire une compétition selon les règles édictées par Stihl). Sur d’autres événements plus classiques, on n’a pas ça. Ce n’est pas particulièrement américain en fait, ce sont surtout les Allemands qui adorent ça. » Ce n’est donc pas qu’une affaire de naming et iI est quand même étonnant que ce soit le sponsor officiel qui définisse à ce point l’organisation d’un championnat sportif. « Des concours de bûcherons il y en a toujours eu, continue Rachel Paggin, mais avec l’arrivée de Stihl Timbersports, ce qui a changé c’est que l’on a maintenant une ligue sportive avec un règlement strict, y compris en matière de sécurité, qu’on doit appliquer sur chaque concours. Et franchement on est content, parce que Stihl a vraiment permis de développer ce sport. Aujourd’hui on a d’excellents compétiteurs français et on est fier que la chaîne L’Équipe 21 diffuse les championnats du monde. »

La planche printanière L’apothéose de l’aprem’, c’est quand même le springboard. Dans cette épreuve, les bûcherons doivent placer deux planches (les fameuses springboards) dans un tronc ancré verticalement et ensuite abattre à la hache une buchette de bois (27 cm de diamètre, soyons précis) placée au sommet, à 3 mètres de haut. Et faut reconnaître que c’est quand même acrobatique. Dès le coup d’envoi, les bûcherons pratiquent une première entaille (dans le milieu ils appellent ça une « pocket ») à peu près hauteur d’épaule d’environ 10 cm de profondeur. Ils y placent, par la pointe, leur premier tremplin. Et c’est là que ça se gâte : les bûcherons grimpent dessus, comme des surfeurs surgissant de l’écume pour encocher une seconde entaille à 2 mètres de haut. Une fois en équilibre sur leur seconde planche, ils peuvent dégommer la bille de bois fixée au sommet du tronc. Putain, c’est beau. Comme toute compet’, ça se termine par une cérémonie de remise de la coupe. Cette deuxième édition du Trophée Bourguignon a vu la victoire de Pierre Puybaret, décidément imbattable. Suprême ironie, le champion a même gagné une tronçonneuse, une Stihl MSA 120-C. Décidément, ce sport àa la fibre commerciale. Il ne serait pas surprenant qu’un jour on ait droit aux « championnats de super-cross de tondeuses auto-tractées Husqvarna » ou aux « Bosch taille 100 mètres haies ». // E.R.

STIHL® TIMBERSPORTS® SERIES : série d’épreuves internationales de bûcheronnage de compétition qui plongent leurs racines au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande et aux ÉtatsUnis. Des compétitions de bûcheronnage ont été organisées de tous temps dans le but de désigner les meilleurs bûcherons locaux. Au fil du temps, ces épreuves de force se sont muées en compétitions professionnelles d’un haut niveau sportif. En 1985, Andreas STIHL AG & Co. KG créé le championnat STIHL® TIMBERSPORTS® SERIES aux États-Unis. Depuis lors, les SERIES s’imposent comme la catégorie reine du bûcheronnage de compétition. En Europe, elles sont organisées depuis 2001. Depuis 2005, les championnats du monde STIHL® TIMBERSPORTS® réunissent les meilleurs bûcherons sportifs du monde. La bille : un tronc ou tronçon d’arbre débarrassé de toutes ses parties non utilisables. Naming : dans le domaine du marketing sportif, ou du sponsoring sportif, le naming est la pratique qui consiste à donner à une enceinte sportive ou à une compétition le nom d’une marque ou d’une société sponsor. Le logo du sponsor ou namer est également le plus souvent associé à la nouvelle identité visuelle du stade ou de la compétition. Ex : la Sparse Arena, ou le Sparse musée des beaux-arts. Le hot saw : avec des tronçonneuses (saw, en anglais) superpuissantes préparées, le but est de scier trois disques complets dans une zone de 15 cm de large sur une bille horizontale de 46 cm de diamètre. Les meilleurs temps réalisés dans cette discipline sont de moins de 7 secondes. Le springboard : cette discipline consiste à placer deux planches dans un tronc ancré verticalement. Le but est d’abattre une bille de bois (diamètre : 27 cm) placée en son sommet. Les bûcherons de jadis utilisaient cette technique pour atteindre les parties hautes du tronc, plus faciles à abattre que les racines plus larges et plus dures. Le underhand shop : l’épreuve consiste à fendre un arbre au sol. Debout sur une bille de 32 cm d’épaisseur ancrée horizontalement, les sportifs doivent la trancher le plus rapidement possible. L’objectif est de trancher le tronc par les deux flancs. Si le tronc n’est pas tranché sur les deux flancs, le sportif risque la disqualification. Standing block chop : cette discipline simule l’abattage d’un arbre à la hache. Un tronc de bois (diamètre : 30 cm) placé à la verticale doit être tranché latéralement le plus vite possible. Les meilleurs chronos sont d’une petite vingtaine de secondes. Le stock saw : dans cette épreuve, tous les sportifs utilisent la tronçonneuse MS 661 C-M de STIHL, en vente dans le commerce. Après un premier échauffement, la tronçonneuse est déposée à terre, puis saisie et appliquée le plus rapidement possible sur le tronc (diamètre : 40 cm) après le coup d’envoi. Les bûcherons doivent scier deux tranches en forme de disque (appelées « cookies ») par un mouvement descendant et un mouvement montant sur un tronc posé horizontalement.Ça ne prends pas plus de 10 secondes. Le single buck : Les participants doivent scier un disque de bois (diamètre : 46 cm) sur un tronc posé horizontalement avec une scie à main de 2 mètres de long.

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Madame la prĂŠsidente.

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Présidente à vie ! À 85 ans, elle est encore à la tête de son État. Georgette Bertin-Pourchet est présidente de la République du Saugeais, micronation nichée dans le Haut-Doubs, entre France et Suisse, et héritière d’une histoire de famille comme on ne peut pas en inventer.

Par Arthur Guillaumot, à Montbenoît (25) Photos : Raphaël Helle

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L

e Saugeais, 11 villages et quelques milliers d’irréductibles qui résistent encore entre la Suisse et la France, entre Morteau et Pontarlier. 128 kilomètres carrés. Le Saugeais c’est vaste. Ici le Doubs ressemble à un ruisseau qui fend la vallée. En cette fin de mois d’octobre, les arbres commencent à être sérieusement coloriés par l’automne. Les villages sont dispersés dans la moyenne montagne comme des pépites. C’est vrai qu’on dirait une vallée de chercheurs d’or. Les vaches profitent des derniers jours dehors pour inventer le meilleur Comté possible et les saucisses de Morteau se prélassent dans les Tuyés où elles se font fumer... Il a beaucoup plu ces derniers jours, le Doubs déborde. Un brouillard termine d’envelopper le Saugeais dans les mystères de la micronation. Un panneau indique Gilley, la capitale économique. Un autre Montbenoît, avec son abbaye, la capitale politique. C’est là que tout a commencé, il y a 73 ans.

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Georgette Bertin-Pourchet est sur son balcon, quatorze heures précises, elle fait un signe de la main. Je suis un peu impressionné, au début. C’est la première fois que je rencontre une présidente de la République. Elle a débarrassé la table du salon et rangé tous ses documents sur un chariot. Elle a l’habitude des journalistes : « TF1 était là cette semaine pendant 2 jours. Oh, attendez, je vais vous montrer le reportage de la chaîne saoudienne ». Georgette montre toutes ses invitations, son courrier. Elle maugrée qu’elle n’a pas le temps d’y répondre. Sa vie se tient dans 11 grands classeurs très bien tenus. « Tout est sur du papier, je n’ai pas d’ordinateur. » Des photos, des archives de journaux, des invitations, et des histoires, qu’elle raconte avec malice. « Je ne suis pas une star, non. » Tiens, c’est bien une phrase de star, ça. Georgette se souvient de tout. Une drôle de vie, bien remplie, commencée en 1934. En 1947, son père fait une boutade au préfet du Doubs, venu manger dans l’auberge familiale. « Monsieur le préfet, est-ce que vous avez un laissez-passer pour entrer au Saugeais ? ». Pour l’histoire avec un grand H, la région du Saugeais a été donnée au XIIème siècle par Landry, seigneur de Joux, à l’archevêque de Besançon pour laver les péchés de ses ancêtres. Des chanoines suisses et des Savoyards se sont chargés de défricher. L’abbaye de Montbenoît a été construite à cette époque. Après un exposé de cette tonalité, le préfet, le prenant au mot, le nomme président de la République

libre du Saugeais, pour rire. D’une boutade à la base, Georges Pourchet est devenu le premier président de la République du Saugeais. Une république folklorique, qui se développe, loin du sérieux des paradis fiscaux voisins. Un folklore sans cesse renouvelé. 73 ans que le Saugeais est une république héréditaire. On se croirait en pleine Françafrique. Georges en a été le président toute la fin de sa vie. Il y a des boutades qu’on se doit d’honorer. À l’époque, la jeune République se dote d’un hymne national. Un hymne quasi-grolandais, très ironique, qui ressemble dans sa langue à une tirade de théâtre prononcée ivre dans un 4x4 qui roule vite dans un chemin chaotique. À la mort de Georges, sa femme Gabrielle prend le relais. C’est à ce moment que l’esprit folklorique de la République du Saugeais se répand. Gabrielle, la mère de Georgette, sera présidente entre 1972 et 2005. Ça c’est du mandat. Elle a pris la chose très à cœur et a sérieusement développé la République. Dès son arrivée au pouvoir elle met en place un système de citoyens d’honneur. Et une cérémonie d’intronisation pour les réunir tous les ans, qui a traversé le temps. Ils sont aujourd’hui 700. Des ambassadeurs du Saugeais, en quelque sorte. Des préfets, des responsables politiques, Bernadette Chirac ou encore Edgar Faure par exemple. « Ça commence à faire du monde », commente Georgette. Avec Gabrielle, le Saugeais se dote d’un blason. Georgette, sa fille, tient à me l’expliquer. « Certains disent n’importe quoi. En haut à gauche, la crosse des évêques. En haut à droite le heaume des sires de Joux. En bas à gauche, un sapin enneigé sur la moyenne montagne. En bas à droite le Doubs dans les plaines ». Une carte postale, quoi. En 1981, le drapeau du Saugeais voit le jour. Trois bandes : noire, rouge et or. Elle obtient l’édition d’un timbre en 1987, après des années de tensions diplomatiques avec les PTT. Gabrielle se rend partout où elle est invitée. Une forme hors du commun qui la conduira à passer le siècle. Georgette, sa fille, perpétue la tradition, on la voit partout. Avec le temps, le Saugeais et sa république fédèrent de plus en plus de monde. Depuis toujours, tout le monde est bénévole. Même les douaniers. Des douaniers qui arrêtent les cars de touristes pour faire des blagues aux vraifaux postes frontières, tout en accueillant les visiteurs. Les douaniers incarnent la République et doivent donc être à la fois légers et accueillants. Douane mobile souriante quoi. Pour circuler en territoire Saugeais, il faut effectivement un laissez-passer signé par la Présidente. Une invitation à revenir en somme. « La République, c’est aussi une façon d’attirer les visiteurs », nous avoue Georgette. « La république contribue beaucoup à animer la région. Beaucoup de gens s’y intéressent. Le Saugeais est mondialement connu. Aux Etats-Unis quand on parle de micronations, on parle du Saugeais. Une sociologue


crédit : Jean-Pol Grandmont

Into the Saugeais wild.

crédit : JGS25

L’abbaye de Montbenoît. Messe chaque dimanche à 10h30.

« TF1 était là cette semaine pendant 2 jours. Oh, attendez, je vais vous montrer le reportage de la chaîne saoudienne ! » Georgette Bertin-Pourchet, la Prés’ 25


Georgette en compagnie du GIGN Ne les faites pas chier.

« La République, c’est une façon d’attirer les visiteurs »


allemande qui fait un cours sur les micronations y a emmené ses élèves il y a peu de temps encore », explique Dominique Garing, qui a porté Télé Saugeais, un dispositif de télévision locale, pendant 15 ans. Depuis deux ans, Georgette, elle, aimerait bien laisser la place. D’ailleurs, à la base, elle ne voulait pas succéder à ses parents. « J’étais sûre de ne pas le faire, je n’avais vraiment pas envie de le faire. Mais une fois que j’ai accepté, j’ai assumé. J’ai accepté parce que j’étais seule. Plus de mari, pas d’enfant. Il faut être seule et avoir du temps pour être présidente. Je ne suis jamais chez moi. Il faut être retraité. » Dominique Garing, qui a bien connu Gabrielle et Georgette, confirme à propos de l’actuelle présidente : « Elle ne voulait pas le faire, mais elle le fait bien. Elle y a pris goût. La qualité essentielle pour être présidente, c’est avoir du caractère. Gabrielle et Georgette sont des femmes de caractère. » Georgette Bertin-Pourchet, c’est aussi l’histoire de l’héritière rattrapée par l’histoire familiale. Sans enfant, elle cherche quelqu’un pour prendre sa suite, sans succès pour le moment. « Ça m’embête. On s’est donnés tellement de peine pour arriver à ça », concède-t-elle. « Si elle arrêtait, il lui manquerait quelque chose. Et puis tant qu’elle a la santé, personne ne peut le faire aussi bien qu’elle. Elle est toujours accueillante, toujours souriante. Elle souhaitait qu’on réorganise son entourage, en le rajeunissant notamment, c’est ce qu’on a fait », explique Simon Marguet, son Premier ministre, récemment nommé. Georgette Bertin-Pourchet, c’est le sérieux d’une vraie présidente de la République et la malice de celle qui sait que dans la vie, après tout, tout est une blague. La malice, c’est celle de ne pas habiter dans le Saugeais, mais à Pontarlier, à quelques longueurs. Une histoire qu’elle raconte tout le temps sur le ton de la fausse confidence. Personne ne lui en voudra d’avoir un Elysée délocalisé. Le Saugeais a écrit une grande partie de sa vie. Et sa vie se confond avec l’histoire du Saugeais. Elle l’a vu changer. Elle y a vu la guerre et plus de 80 hivers. Elle a vu le nombre d’habitants du Saugeais augmenter. La proximité avec la Suisse attire les travailleurs frontaliers (voir Sparse n°28). Paradis fiscal le Saugeais ? « Ah non, certainement pas. D’ailleurs ici, pas de politique. » Georgette Bertin-Pourchet, c’est aussi beaucoup de rigueur. La légende raconte qu’elle conduit vite, on le lit dans tous les papiers à son propos. « Ma mère faisait sauter les pvs, mais moi non. Je paye. C’est vrai que je me fais flasher parfois. La dernière fois c’était en allant faire citoyen d’honneur des gendarmes. Mais c’est parce que je devais aller prendre la voiture officielle, mon chauffeur m’attendait. » Son chauffeur, justement : « On a du mal à imaginer la suite. Après Georges, après Gabrielle. Georgette a mis la barre très

haut. Elle connaît tout le monde, et puis elle est encore en forme. » C’est vrai qu’au fil de la discussion, on se dit qu’être présidente de la République du Saugeais sans aimer les gens, c’est impossible. « J’ai plein d’amis. J’ai toujours eu beaucoup de contacts. Sans la République, je n’aurais jamais rencontré autant de gens. » Elle ne se raconte pas directement, elle se raconte en parlant des autres. Notamment sa mère. Sa mère, et son mandat immense, son siècle de vie. Les autres, c’est aussi l’époque de sa vie où elle travaillait à la Croix Rouge à Pontarlier. Un remplacement qui a duré 15 ans quand même. Les autres, tous ceux qui sont passés à la table de l’auberge de Montbenoît chez ses parents. Une vie de rencontres. Curieuse, elle prend les choses comme elles viennent et s’enthousiasme pour tout. Elle a 85 ans et une énergie incroyable. « C’est un vrai personnage », confie Simon Marguet. Elle est rarement seule, et avoue avoir rarement pris du temps pour elle. « Elle a un emploi du temps de vraie présidente de la République », admet son Premier ministre. Tout juste le temps d’entretenir son jardin. En témoignent les piles de journaux qui demandent encore à être découpés et collés dans les fameux classeurs. Cette maison, c’est celle de sa vie avec Léon, son mari. Léon le militaire qu’elle avait suivi à Madagascar au début de sa carrière. Une maison dans laquelle sa mère a passé avec elle les quinze dernières années de sa vie. Toutes les deux. À l’époque, Georgette cuisinait pour les invités de sa mère, qui tenait salon. « Maintenant il ne vaudrait mieux pas. » Elle était la chauffeuse de sa mère aussi. « Une chauffeuse qui passe directement présidente de la République, c’est pas commun, il faut bien l’avouer. » Elle plaisante beaucoup, Georgette. Quand sont passées les premières questions. Celles auxquelles elle a l’habitude de répondre. On papote pendant trois heures. Elle a du verbe. Le sens de la formule. Attention de ne pas s’y perdre, comme sur une route secrète du Saugeais. Justement, on prend la route de Montbenoît avec elle. Montbenoît la capitale. Elle connaît toutes les maisons, toutes les routes. À chaque village traversé, elle raconte des histoires. Des chapitres de sa vie, des personnages, des événements. La nuit tombe doucement sur les monts. Juste à côté de l’abbaye, il y a le musée du Saugeais. Là encore, les souvenirs sont gardés précieusement. Il fait nuit dans l’abbaye. Georgette se souvient des cloches qui l’ont tellement réveillée, enfant. C’est ici que tout a commencé, juste là. L’auberge de ses parents n’existent plus. Mais l’incroyable histoire familiale du Saugeais, elle, est bien réelle. // A.G.

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LIKE A ROLLING STONE Texte et photos : Cédric de Montceau, à Uchon (71)

Mythes et légendes autour des chaos granitiques d’Uchon, la perle du Morvan. Entre “pierre que croule” et “griffe du diable”.

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Terrasse sur le Morvan.


L

’automne s’est bel et bien installé, le changement d’heure distille son trouble intestinal et la simple évocation du mot « novembre » vous achève pour la fin de l’année. Mais voilà, à jamais le premier dans nos cœurs, Poulidor est mort. Fallait bien que ça arrive… Quand un cycliste se meurt, qu’on est un amoureux de la pédale et qu’on vient de Saône-et-Loire, on pense à Uchon et à ses pentes phénoménales à 14 % avec des raidillons allant jusqu’à 18 %. Les cuisseaux les plus dilatés se sont fait surprendre sur les flans agressifs uchonnais. Josiane Bost, championne du monde de cyclisme sur route en 1977 y a même tenu une auberge. Quant au Paris-Nice, la célèbre course classique, elle y passe encore avec ses gros braquets. Raymond Poulidor aussi y est passé. Le nom d’Uchon viendrait du vieux français « Ucher » qui signifie « percher » mais d’autres prétendront que ça vient du mot celtique Uxello qui signifie « haut ». Ce nid d’aigle aussi appelé « la perle du Morvan», culmine à 684 mètres d’altitude. C’est un spot prisé des amateurs de parapente

Séparé du grand massif du Morvan et du Mont Beuvray par la vallée de l’Arroux, Uchon est une presqu’île, une appendice du Parc Naturel Régional. et deltaplane. Séparé du grand massif du Morvan et du Mont Beuvray par la vallée de l’Arroux, Uchon est une presqu’île, une appendice du Parc Naturel Régional, à 20 km au sud d’Autun et à 18 km à l’ouest du Creusot. C’est un belvédère naturel avec un panorama exceptionnel sur le massif du Morvan et même parfois, par temps clair, on peut voir jusqu’à la chaîne des Puys du Massif Central. Le site d’Uchon aussi appelé le Mont-Julien est classé et protégé depuis juillet 1940. On comprend bien pourquoi quand on monte là-haut sur le site du « Carnaval ». C’est un théâtre géologique spectaculaire qui donne l’impression de débouler en Bretagne. Gaffe, un druide pourrait bien te proposer de la potion magique. Sur site on dirait que les dieux ont pété les plombs en jetant des gros cailloux un peu partout. On imagine des silhouettes étranges, des géants échoués, des mammouths statufiés, des sphinx bizarres. Il parait même qu’il y aurait des farfadets et des lutins dans les grottes des environs qui agiteraient des pierres dans l’ombre. En fait, ces amoncellements de granit se sont formés

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avec le temps. Au fil des millénaires, le gel et les variations de température ont façonné ce décor à grand coup d’érosion. Laissant ça et là apparaître des amas de pierres patinées en forme de blocs imposants. Certains ont basculé et se sont empilés formant ce qu’on appelle des chaos granitiques. C’est quand même 300 millions d’années qui te contemplent mon pote ! C’est une démonstration de force de la part de la nature, une source d’inspiration pour les légendes et les mystères. Le site est simplement exceptionnel et envoûtant. la pierre que croule. Dans cette galerie de figures figées, entre le « Mamouth » ou le « Nez de chien », on est allés à la recherche de la « la Pierre qui croule » mais on l’a pas trouvé


parce que « ici y’est la pierre QUE croule ! ». La subtilité du terroir. Il faut prendre un petit chemin forestier qui nous enfonce dans le dédale des arbres et on tombe sur le caillou légendaire. Si tant est que tu chopes au moins de la 3G pour savoir où elle se trouve exactement. C’est un monolithe granitique de 20 tonnes, de 8 mètres de diamètre et 2 m30 de hauteur. Un joli galet posé sur son socle qui oscillerait du nord au sud si on lui met la pression. Pour les habitants, « la pierre que croule » était auréolée de surnaturel. Les plus anciens la consultaient comme un oracle. Les descendants des descendants, eux, la transformèrent en juge spécialiste des affaires conjugales. Quand un mari jaloux doutait de la fidélité de sa bien-aimée, il la conduisait de gré ou de force à la pierre. Et là, de son doigt tremblant, l’inculpée était obligée de pousser le rocher pour qu’elle prononce son verdict et rende justice. Le nombre d’oscillations fixait alors le conjoint sur l’innocence ou la culpabilité de l’accusée. Point barre. Sans erreur possible. Une belle machine misogyne, implacable et sûrement très juste ! Mais tellement pratique pour l’époque. Autant dire, que la plupart des jeunes filles un peu volages de la contrée claquaient des fesses devant les pouvoirs divinatoires du

caillou. C’était la terreur des Morvandelles et la bête noire des jeunes coqs du coin pour qui les affaires de troussage fonctionnaient difficilement. Il fallait bien qu’un jour ça énerve un gredin rancunier, un mari cocu ou de jeunes étalons frustrés. Bref, la pierre devenait gênante depuis trop longtemps. Au milieu du XIXème siècle, d’après Michel Rey, ancien maire de Montcenis et Uchonnais d’origine, « c’est une bande de types venus de Montceau-les-Mines excédés et incrédules qui ont lancé une expédition punitive sur le rocher juge ». Les gars étaient tellement vénères qu’il avaient décidé de décoller « la pierre que croule » parce que « y voulaient pu qu’elle cause ». Les mecs ultra remontés sont venus avec les gros moyens de la détermination. À grand renfort de cordes, de leviers solides et de bœufs, ils tirent le rocher pour le faire bouger. Les hommes sont en rage et tirent de toute leur force. En vain. Rien ne bouge. Inébranlable le machin. On court chercher du renfort, tout le monde se prend au jeu, les attelages sont doublés. L’assaut recommence furieux. La pierre quitte alors de quelques centimètres son pivot, condamnée éternellement à l’immobilité. La pierre n’a plus jamais bougé. C’est comme ça qu’une bande d’abrutis ont mis fin à l’oeuvre du temps puisqu’au final : « y’est la pierre que croule pu ! ».

La griffe du diable, avant / après. Ils en ont planté de l’arbre dans le Morvan !


la griffe du diable. L’autre curiosité de ses dispositifs mégalithiques, c’est « la griffe du diable ». C’est aussi une grosse caillasse de granit de 3 mètres de haut pour 12 mètres de diamètre posée sur un socle de caméléons apocalyptiques pétrifiés. Un énorme caillou qui porte sur son flanc une large empreinte qui ressemble à un coup de griffe colossale façon Freddy Krueger. Comment une pareille mise en scène n’inspirerait-elle pas la légende ? Encore une histoire issue de la tradition d’Uchon. Une légende d’autrefois. L’action se perd dans la nuit des temps, mais on sait qu’elle se passait à l’époque lointaine où les habitants de Toulon-sur-Arroux avaient décidé de construire un solide pont de pierre sur l’Arroux. On procédait à l’époque à peu près comme aujourd‘hui avec un système d’appel d’offres pour stimuler la concurrence. Les différents prétendants voulaient obtenir les travaux. Ils étaient prêts à se mettre en danger et à accepter de drôles de contrats pour obtenir le chantier. Voire de dealer avec le Diable.

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C’est ce qui s’est passé au MoyenÂge, avec un gonze un peu plus téméraire que les autres qui accepta des délais de constructions intenables. L’audace lui donna des ailes et contrairement à ses collègues, le constructeur zélé s’engagea à livrer le pont sur l’Arroux dans les temps. Il se mit à l’oeuvre, engagea des ouvriers et poussa les travaux à un rythme effréné. Mais à la veille de l’échéance la clé de voûte du pont manquait à l’inventaire. Il faudrait une énorme pierre pour combler le vide et finir l’ouvrage. Où la trouver ? Uchon seule pouvait la fournir. Mais comment l’acheminer, la tailler et la disposer avant le lendemain matin. Le mec s’arrache les cheveux, tourne en bourrique et décide d’invoquer le Diable. Bon, il se trouve que ce jour-là le maître des Enfers avait pas grand-chose à foutre et décida de répondre aux appels désespérés. Satan ruminait un projet. Il avait repéré la fille de l’entrepreneur et proposa un marché : « Je vois d’ici parmi les roches d’Uchon, la pierre qui sans équarrissage, sera ta clé de voûte. Si je te ramène la pierre avant que le coq ai chanté l’aurore, tu me donnes ta fille ». Le type, d’abord pas très chaud, finit par céder à la proposition. Or la fille était amoureuse d’un jeune prétendant avec qui elle attendait la fin des travaux pour obtenir le consentement paternel et se marier. Les jeunes tourtereaux surprirent la discussion du père ambitieux avec le Malin. L’inspiration galopante, le jeune homme amoureux eut une idée. Voler un coq bien gorgé, l’enfourner dans un sac et courir jusque sur les hauteurs d’Uchon. Arrivé à la nuit tombée, le courageux

La fameuse pierre que croule.

fiancé cherche une cachette contre un rocher. La nuit est belle quand soudain un gigantesque oiseau de nuit vient planer sur la montagne. C’est Satan. Il tourne, descend et s’abat sur une roche comme un vautour sur sa proie. Il saisit le bloc entre ses griffes et s’élève dans les airs. De sa cachette, le jeune fiancé voit tout. Ni une ni deux, il sort le coq du sac et le dresse face à la lune. Le poulet réveillé subitement croit aux aurores et pousse son cri triomphant matinal. Satan croit son marché rompu et lâche la pierre. Elle retombe lourdement sur son socle actuel sans se briser. Destination finale. Le caillou arbore depuis la marque des enfers mais au moins une histoire d’amour a été sauvée. Uchon est un lieu où se rencontrent différentes forces, une certaine mystique se dégage de cet endroit, c’est indéniable. Le show géologique est tellement surprenant qu’on imagine bien à quel point il est irrésistible de se raconter des histoires en de tels lieux. L’ambiance est propice aux rêveries, à la contemplation et à l’humilité profonde que l’on ressent souvent devant les spectacles fantastiques qu’offre la nature. Il y a une âme là-haut, probablement portée par les pierres autochtones qui semblent avoir capté tout l’esprit des nombreux millénaires mouvementés qu’elles ont traversés. Les rochers nous chuchotent leur histoire. On peut les entendre, il suffit juste d’écouter. Profitez, il y a une vue du tonnerre sur le Morvan. // C.d.M.


Des paupiettes.

Quand un mari jaloux doutait de la fidélité de sa bien-aimée, il l’a conduisait de gré ou de force à la pierre.

Burger de pierres.


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Un Romand du Jura Le 28 juin dernier, Jean-Claude Romand, le faux médecin condamné en 1996 à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre de son épouse, ses deux enfants et ses parents sortait de prison. Retour sur les traces d’un homme mystérieux qui a grandi à Clairvaux-les-Lacs dans le Jura, un village bordé par des forêts et des étendues d’eaux turquoises, une commune paisible marquée à tout jamais par ce drame.

Par Pierre-Olivier Bobo, à Clairvaux-les-Lacs (39) Illustrations : Michael Sallit

Clairvaux-les-Lacs, un vendredi de novembre. À deux pas de la maternelle et de l’école primaire du village, juste après le terrain du Jura Lac Football, la rue des Écoles monte légèrement, quand on vient de la mairie. Une dizaine de maisons y sont posées, dont celle qui a très longtemps intéressé les enquêteurs, les journalistes et les voyeurs. Deux véhicules sont garés dans la cour, tout semble normal. C’est dans cette bâtisse à l’allure banale, dont les murs sont aujourd’hui recouverts de bois, qu’ont été tués froidement en janvier 1993 Anne-Marie et Aimé Romand. L’auteur du crime est Jean-Claude, leur fils. Le chien a aussi été abattu à la carabine. Juste avant cela, à 90 km d’ici, à Prévessin-Moëns (Ain), JeanClaude a éliminé dans la maison familiale son épouse Florence (37 ans) et ses deux enfants, Caroline (7 ans) et Antoine (5 ans). L’affaire Jean-Claude Romand, comme on l’appelle, c’est ce drame ultra médiatisé en raison

notamment de son personnage principal, mythomane, médecin qui n’en n’était pas un et qui aura berné son entourage familial tout au long de sa vie. Un fait divers glaçant qui sera raconté au travers de l’émission Faites entrer l’accusé en 2006, et qui inspirera aussi le récit d’Emmanuel Carrere (L’Adversaire en 2000) puis le film du même nom sorti en 2002 et réalisé par Nicole Garcia avec Daniel Auteuil. 26 ans après les faits, les plaies sont encore bien ouvertes à Clairvaux quand on évoque le sujet. « Les Clairvaliens de l’époque en ont assez parlé, et les membres de la famille Romand, quelques-uns résident encore dans la région, en ont beaucoup souffert. Les gens veulent maintenant être tranquilles », expliquait le maire de Clairvaux Alain Panseri en avril dernier, alors que la Cour d’appel de Bourges acceptait la mise en liberté conditionnelle de JeanClaude Romand. Sylvie Romand, la cousine de Jean-Claude, ne souhaite pas non plus en parler

car cela « ne fait que raviver notre peine ». Une voisine de la maison des parents de Romand, elle, « aurait préféré qu’il reste en prison ». « Je ne comprends pas bien qu’il soit libéré après ce qu’il a fait ». La maison d’Aimé et Anne-Marie Romand avait été rachetée aux enchères en 2002, puis revendue en 2015 à des particuliers. Après le drame, la municipalité avait envisagé un temps de racheter la bâtisse pour la raser. Clairvaux-les-Lacs, à peine 1.500 habitants, aura donc vu naître et grandir Jean-Claude Romand. Son père, Aimé, est un gars du coin et travaillait comme garde forestier. Anne-Marie, la maman, est à la maison. On la décrit comme quelqu’un de plutôt chétive et fragile. La famille Romand vit chichement, des gens simples, qui élèveront leur fils unique JeanClaude, un élève brillant, timide, du genre premier de la classe à porter la cravate très tôt. « Il aimait faire de la photo dans les bois autour de Clairvaux lorsqu’il a rencontré

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« Certains journalistes de presse à scandale viennent ici chercher la petite anecdote, sortir la petite phrase du maire qui aurait dit que… Bon, faut bien vendre du papier. Donc maintenant, je coupe court aux sollicitations » Alain Panseri, maire de Clairvaux Florence », se rappelle Emmanuel Crolet, le frère de Florence et donc beau-frère de Romand. Florence et Jean-Claude se connaissent depuis l’adolescence puisqu’ils sont cousins par alliance. Janine Crolet, la mère de Florence, est la sœur de Colette, cette dernière ayant épousé Claude Romand, l’oncle de Jean-Claude. Dans les environs de Clairvaux, les familles Romand et Crolet possèdent quelques parcelles de terrains boisés, qui se transmettent de père en fils. Jean-Claude Romand connait bien ces forêts et fera des coupes de bois entre 1988 et 1992 afin de récupérer un peu d’argent et couvrir ses mensonges. « Il savait que personne ne s’en rendrait compte », explique Emmanuel Crolet, qui ne peut pas chiffrer le montant du butin provenant de ces coupes forestières parmi les 340.000 euros du préjudice total pour sa famille, notamment grâce à des placements financiers imaginaires en Suisse par Romand. Discret et mystérieux à l’âge adulte, Jean-Claude Romand est un gamin « peu expressif et cérébral » se souvient Emmanuel Crolet, plus jeune de 8 ans. C’était « le cousin le plus grand, l’élève modèle ». Mais c’est surtout Jean-Noël Crolet qui l’a connu, le grand frère d’Emmanuel et de Florence, avec qui il a fumé en cachette ses premières cigarettes et s’amusait à tirer à la carabine offerte par Aimé, son père. « Il était gâté, avait toujours le dernier gadget dernier cri, la caméra, l’appareil photo… », se souvient Jean-Noël Crolet. « Jean-Claude Romand aimait bien suivre son père Aimé qui l’emmenait souvent en forêt pour faire du marquage, quand il y avait des coupes de bois prévues. » À l’écouter,

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on sent que Jean-Noël appréciait Aimé Romand, un homme « grand et anguleux, avec des yeux perçants », peut-on lire dans L’Adversaire. JeanNoël se souvient : « lorsque je venais voir ma grand-mère à Crillat, à côté de Clairvaux, j’aimais bien m’arrêter chez eux. J’avais un bon contact avec Aimé, quelqu’un avec qui on avait des discussions simples, donc je passais les voir, puis on faisait un tour du jardin… » Parmi l’entourage proche de Romand à cette époque, on compte aussi Daniel Coulon, « un cousin avec qui il passait tous ses étés, mais il ne veut pas parler de cette histoire », regrette Emmanuel Crolet. « Daniel Coulon fréquentait Romand surtout parce qu’ils étaient cousins, plus que par affinité. Aujourd’hui, il dit qu’il a tourné la page mais je crois qu’il n’a pas vraiment digéré », ajoute JeanNoël Crolet. Rien, à cette époque, ne laisse évidemment présager quoi que ce soit. À son procès en 1996, Romand évoquera des « secrets de (son) enfance, des secrets lourds à porter », mais sans en dire plus, si ce n’est qu’il ne confiait jamais le fond de ses émotions, sauf à son chien. « J’étais toujours souriant, et je crois que mes parents n’ont jamais soupçonné ma tristesse » racontait Romand. Solitude ? Surprotection des parents ? « Jean-Claude Romand a été élevé comme un enfant précieux, il est survalorisé par ses parents », décrivait à France Info le psychiatre Daniel Settelen, qui avait été sollicité durant l’affaire et qui, en février 2019, a estimé que Romand ne représentait plus aucun danger pour la société. « On ne dit pas toute la vérité au fils unique et chéri, quand sa mère, à la santé fragile, est hospitalisée

à la suite d’un grave problème de santé. On lui dit que c’est pour l’appendicite. Il vit dans un contexte familial où tout ce qui pourrait le faire souffrir est dissimulé », indique le psychiatre. C’est aussi ce que confirme le bouquin d’Emmanuel Carrere, racontant que « deux fois (…), Anne-Marie a été hospitalisée pour des grossesses extra-utérines qui ont fait craindre pour sa vie. Son père a essayé de cacher ce qui se passait au petit garçon, pour ne pas l’inquiéter et parce que ce qui se passait avait atrait au monde malpropre et menaçant du sexe ». Sur un plateau télé, récemment, un autre spécialiste évoquera l’idée que dès le plus jeune âge, Jean-Claude Romand suscitait l’admiration de tous, en raison son intelligence. Et que ce besoin d’être admiré, ce besoin de ne pas décevoir aurait pu amener à cette vie de mensonges qui s’est terminée en carnage familial. « Sa psychologie reste un mystère », déplore Emmanuel Crolet, l’une des rares personnes de l’entourage qui accepte de parler. Aimé et Anne-Marie Romand, avec leur fils unique Jean-Claude, ont ce truc que peuvent avoir nombre de familles : des peurs qui entraînent des non-dits. « D’un côté, on lui avait appris à ne pas mentir, c’était un dogme absolu : un Romand n’avait qu’une parole, un Romand était franc comme l’or. De l’autre, il ne fallait pas dire certaines choses, même si elles étaient vraies. Il ne fallait pas causer de chagrin, pas non plus se vanter de son succès ou de sa vertu », écrivait Emmanuel Carrere. À Clairvaux, aujourd’hui, on veut passer à autre chose. « Les plus anciens se souviennent, mais beaucoup de nos concitoyens ne connaissent pas vraiment cette affaire. En tous les cas, ils en ont très peu entendu parler, et ne peuvent pas de ce fait, témoigner », assure le maire Alain Panseri. Mais l’image est dégradée et seules les années qui passent pourront effacer petit à petit les dégâts. L’Yonne a son Emile Louis, les Ardennes ont Michel Fourniret, Clairvaux a son Romand.


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Dans le village, les avis divergent. Entre agacement, indifférence et curiosité mal placée. « Oh, c’est vieux ça », annonce l’antiquaire situé à l’entrée de la commune, qui paraît surpris qu’on lui parle de ça. « Certains journalistes de presse à scandale viennent ici chercher la petite anecdote, sortir la petite phrase du maire qui aurait dit que… Bon, faut bien vendre du papier. Donc maintenant, je coupe court aux sollicitations », déplore Alain Panseri, qui reçoit dans son bureau de la mairie. « Et puis vous savez ici, chacun a son point de vue sur l’affaire, certains pensent savoir des choses… Les gens aiment bien raconter ce qu’il se passe chez le voisin ». D’après le maire, les propriétaires actuels de la fameuse maison sont encore parfois dérangés. Pas la même tambouille à Lonsle-Saunier qui semble épargné des tracas médiatiques, ce qui reste logique puisqu’aucun crime n’a été commis là-bas. Lors de la découverte des décès d’Aimé et Anne-Marie Romand, c’est le parquet de Lons-le-Saunier qui a mené les investigations, avant de se dessaisir de ces faits au profit de Bourg-enBresse, lors de l’instruction. C’est ici, à Lons, chef-lieu du département du Jura, que Romand a également passé un bout de sa jeunesse : il a fréquenté le lycée Jean Michel, à l’internat, obtenu son bac avec un an d’avance. Emmanuel Carrere le dépeignait ainsi : « il a été un adolescent solitaire, mauvais en sport, effarouché, pas tant par les filles qui habitaient une autre planète que par les garçons plus dégourdis qui prétendaient en fréquenter ». Puis l’écrivain, qui a conversé pendant plusieurs mois avec Romand, ajoutait : « il dit s’être réfugié dans la compagnie d’une petite amie imaginaire appelée Claude, dont les psychiatres se demandent s’il ne l’a pas inventée après coup pour leur complaire ». De sa période à Lons-le-Saunier, on

« Tu sais, la médecine, je crois que ce n’est pas trop son truc à Jean-Claude, il préférait vraiment le contact avec la nature » Aimé Romand, quelques jours avant le drame

ne sait pas grand-chose, si ce n’est qu’il a « décroché un 16 au bac de philo et que, sur les trois sujets proposés dans son académie à la session de juin 1971, il a choisi : ‘La vérité existe-t-elle ?’ ». Cette affaire, réveillée en 2019, « n’a pas eu d’incidence » sur le lycée, indique Christian Grisard, le proviseur actuel. « Les rares personnes, ex-élèves de l’établissement qui y travaillent actuellement et qui sont de toute manière moins âgées, n’ont pas d’idées plus précises sur le personnage que ce qu’on a pu lire dans les médias. » Même son de cloche pour le maire de Lonsle-Saunier, Jacques Pélissard, déjà en poste dans les années 90, qui « n’a pas été sollicité à l’époque, ni par les médias, ni par les autorités ». Pour Louise, qui vit et travaille à Lons depuis 12 ans, « le sujet n’est jamais arrivé sur la table ». Ce qui en dit long aussi. Retour à Clairvaux, où le petit bourg s’anime à l’heure du déjeuner. Au restaurant La Poêlée, les tables sont presque toutes remplies ce midi. « Pour un village de notre taille, on a 3 distributeurs de billet. Ça veut dire qu’il y a de la demande, suffisamment l’été pour que les commerces tiennent toute l’année », s’enorgueillit le maire. Clairvaux, c’est le cœur du pays des lacs et ses cascades, entre le lac de Chalain et le lac de Vouglans, donc une économie tournant en grande partie grâce au tourisme. Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco en 2011, le grand lac de Clairvaux est un regroupement de plus de 18 sites palafittiques préhistoriques datant du Néolithique. En gros, des villages préhistoriques, des occupations s’échelonnant de 4.000 à 800 avant J.-C (l’exposition

Il y a 6.000 ans, des lacs, des hommes retrace actuellement ces découvertes à l’espace archéologique de Clairvaux). Une fois passée la description de carte postale, Clairvaux, c’est aussi de la « petite industrie de qualité, beaucoup de savoir-faire sur des pièces mécaniques de précision », appuie le maire Alain Panseri, qui ne souhaite pas renouveler son mandat en 2020. Fort de ses 47 associations, ses écoles maternelles et primaires, son collège, ses 4 campings, sa caserne des pompiers réhabilitée, le village affiche un dynamisme rare pour sa petite taille. La libération récente de Romand a donc fait remonter tout un tas de mauvais souvenirs dans cette commune tranquille. Certains « ne comprennent pas pourquoi il est dehors » et espèrent qu’il ne « reviendra pas dans le coin » : peu de risque, il est interdit de séjour dans 3 régions de France, dont la Bourgogne-Franche-Comté. D’autres, plus jeunes, ne savent pas qui est ce monsieur Romand. Qui il est ? « Froid, mythomane et complètement insensible à tout ce qu’il a fait », c’est ainsi que JeanYves Coquillat, premier substitut du procureur de Bourg-en-Bresse entre 1990 et 1995, décrit Romand pendant les premières auditions, dans Faites entrer l’accusé. En fin de compte, dans cette affaire, une des rares traces de vérité provient peutêtre de la bouche d’Aimé Romand, qui s’était confié à Jean-Noël Crolet lors du dernier repas de famille, au Noël 1992, quelques jours avant le quintuple meurtre : « tu sais, la médecine, je crois que ce n’est pas trop son truc à Jean-Claude, il préférait vraiment le contact avec la nature ». La nature du Jura, évidemment. // P.-O.B.

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Une histoire de

boules

René Pierre, ces deux mots ont le même effet chez le joueur de baby-foot que Marc Dorcel chez l’amateur de boulards : émoustillement et plaisir simple annoncés. Le cœur de René Pierre se trouvant dans la périphérie de Chalon-sur-Saône, on n’a pas résisté à la tentation, on est allés découvrir l’usine de production, une visite entre jeux de balles et queues

Par Martial Ratel, à Crissey (71) Photos : Cédric de Montceau

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Pas de bras, pas de chocolat.

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D

’abord l’histoire. L’invention du baby-foot remonte à la fin du XIXème siècle, en Europe, quelque-part entre la France et l’Allemagne. Pour notre René Pierre (le fondateur), l’aventure débute en 1952 du côté du Jura, à Ranchot. Là, à proximité des forêts jurassiennes, le bois ne manque pas. L’entreprise de menuiserie fabrique alors des juke-box, des billards et des baby-foot. La boîte se développera en ouvrant plus tard une extension à Crissey, dans la banlieue chalonnaise, cette usine devenant le principal puis l’unique lieu de production. Cette success story autour du baby n’est pas la seule en France. Quelques années auparavant, en 1927, Bonzini fabriquait ses baby en région parisienne. Aujourd’hui encore, c’est le principal concurrent de la marque chalonnaise, « nous n’avons aucun rapport avec eux », nous confie Sébastien, dents serrées et visage fermé. Responsable des grands comptes, 11 ans de boîte au compteur, c’est lui qui sera notre guide dans l’usine. Plus au nord, à Lille, la marque Toulet revendique un héritage du XIXème. Bref, au XXème siècle, le baby se déclinait un peu partout en France sous différentes formes et dans tous les rades. Environ, 200.000 licences IV égayaient les quartiers des villes et les hameaux des campagnes françaises dans les années 1960, contre 35.000 maintenant. Un juteux marché que se répartissaient ces fabricants et... placeurs. Le boulot consistait au final à mettre en dépôt son baby et/ou son billard

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dans le café. Le patron du rade s’assurait des animations gratis, une fréquentation liée à ces distractions et les fabricants, eux, une belle part de la recette. « La répartition était variable mais ça pouvait aller à 60 % pour le cafetier, nous concède Sébastien. Toutes les semaines, un gars passait récupérer la caisse dans la machine. On était les seuls à y avoir accès ». C’était avant l’arrivée de la télé dans tous les domiciles, l’Internet, les jeux vidéo… et d’autres manières de vivre des sociabilités et des loisirs en dehors des bistrots. Pour l’histoire enfin, il est bon de savoir que le baby est très loin d’être une spécialité française. [Attention, la suite risque d’être douloureuse pour ceux qui placent orgueil national à cet endroit] D’après les palmarès qu’on a pu trouver, La Belgique, l’Autriche et les États-Unis sont des pourvoyeurs de champions bien supérieurs aux bistrots français. On entend déjà certains marmonner que les vrais cracs de leurs années collèges sont certainement supérieurs à ces faux vainqueurs, que si « les championnats s’étaient déroulés au Balto à Tonnerre en 1994, la Renaiss’ à Montbard ou au Saxo à Semur en 1989, c’est évidemment pas les Américains ou l’Belge qu’auraient gagné. » Oui, on a tous croisé nos champions : les types qui te passaient aux demi en deuxdeux, qui te claquaient un chicago sans que t’aies le temps de dire ouf, ou même des demi-dieux qui te lobaient depuis le


gardien, mais les faits sont là. La pétanque et l’alcoolisme sont bien des spécialités françaises. Le baby-foot, non. Le cani français n’est donc pas la Mecque du baby même s’il est exact que lorsqu’il s’agissait de sécher des cours pour taper un bab’, les dévots étaient nombreux. On demande à Sébastien si René Pierre est sponsor de compèt’. On le sent un peu gêné. Il a bien tenté encore récemment de prendre langue avec la fédé mais voilà, le truc est un peu verrouillé. Le grand concurrent parisien a des pions très bien placés qui empêchent les Chalonnais de faire une offre. Aujourd’hui, le baby-foot se pense à l’international et se joue ailleurs que dans les cafés. Où ça ? « Suivezmoi dans l’usine ». Et de nos jours ? On est mi-novembre et l’usine de Crissey turbine. Notre guide nous dit que c’est une période super importante, 40 % du chiffre se fait vers décembre, au moment des fêtes. Le chiffre d’affaires assez sympatoche, en augmentation depuis plusieurs années, se situe aux alentours des 9 millions d’euros, résultat rondelet pour un loisir supposé déclinant. Entre 7.000 et 9.000 baby-foot sont produits sur place chaque année (pour 2.500 billards). Mais où trouvent-t-ils refuge ces jeux en bois et ces joueurs en métal ? Chez vous, chez votre voisin... Partout, dorénavant on joue au baby-

Le banc des remplaçants.

Aujourd’hui le babyfoot se pense à l’international et se joue ailleurs que dans les cafés 43


Y’a breille !

Des boules.

foot à la maison. Il y a une vingtaine d’années, l’entreprise chalonnaise a senti le vent tourner. Et effectivement, le gaming se fait à domicile : on invite les potes, on transmet le virus aux enfants, on reconstitue un mini-foyer de fun dans le cocon perso. C’est madame ou monsieur tout-le-monde, toutes catégories d’âges confondues qui s’offre ce petit plaisir. En plus de la PS4 dans le salon, on se paye un baby dans le garage ou sur la terrasse. Les entrées de gamme, promo, sur le site Internet sont à un peu plus 800 euros, modèle en kit à monter à domicile. Ce qui rend ce rêve de gosse accessible à pas mal de bourses. Alors, les commandes arrivent à Crissey et c’est une cinquantaine d’ouvriers qui s’affairent. L’usine est grande, 7.000 m², les ateliers sont hyper propres, étonnant pour une entreprise qui débite du bois, on devrait bouffer du copeau. « On a investi dans des machines de

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Au premier plan : une queue.

découpe qui sont équipées d’énormes aspirateurs qui récupèrent les morceaux et les poussières de bois. Avec ces rebuts, on chauffe l’usine », nous annonce fierot Sébastien. Un bois qui vient « essentiellement » de France. Trois chaînes de fabrication envoient du baby et du billard fait main. En bout de production, on trouve Michael et Johnny, 1 an et 2 ans de boîte, plutôt jeunes, la trentaine. Ils assemblent la quinzaine de gros panneaux de bois qui composent un baby-foot. Ça bosse par deux pour visser les pièces. Quand on leur demande si les conditions de taf ne sont pas trop dures, on n’est pas étonnés de s’entendre répondre que « ça va » : un cadre de la boîte nous faisant visiter, ça serait mal vu de dauber sur la main qui vous nourrit. À eux deux, ils assemblent entre 50 et 60 baby par jour. On est surtout étonné quand ils nous disent à l’unisson que « non », ils ne sont pas « des tueurs au babyfoot. Tout simplement parce qu’ils n’y jouent pas. » Idem pour Sébastien notre guide. Damned ! Serait-elle vraie cette histoire de cordonniers mal-chaussés ? Autant vous dire que si c’était moi, et bien… Petit aparté. Non, aucun baby, aucun joueur n’a été maltraité durant ce reportage. Votre serviteur et son photographe n’auront claqué aucune gamelle, tout bêtement parce que le-dit photographe avait une sciatique. Le show-room de l’usine avait pourtant de quoi faire baver n’importe qui, on


Quelques grandes entreprises de luxe français ont passé des commandes exceptionnelles. Imaginez un objet en cuir, en peau de croco, avec du bois. était à deux doigts de Wonderland : une dizaine de bab’ de toutes les couleurs, de toutes les tailles, autant de billards, des boules et des queues de billards aux motifs dingos, des bornes d’arcade, des jeux de fléchettes, des flippers… Restés, tous, vainement, tristement sages, inanimés sous nos yeux. Retour dans l’usine. On s’approche d’un poste où une personne s’affaire sur des bandes de lino. Correction faite, on est sur du Gerflex. LA matière qui fait office de gazon, LE sol où la balle accroche-bien-comme-il-faut ou au contraire, dans sa version usée, glisse comme une savonnette et rend la partie injouable. C’est Monsieur Gautheron, 35 ans d’usine, qui vérifie les bandes de plastique. Depuis, tout ce temps, il a vu évoluer le boulot. « Avant, j’étais aux arcades. Dans les années 1980, cette activité employait pas mal de monde. On assemblait les panneaux de bois des bornes et on intégrait les fiches électroniques. Il y avait 90 ou 100 personnes qui travaillaient ici en comptant les intérimaires. Des femmes s’occupaient même des câbles électriques, elles dénudaient les bouts pour faire les branchements… » On le sent rêveur de ce passé lié à l’expansion et au développement de l’entreprise. Mais ça c’était avant. On ose à peine lui demander s’il touche niveau jeux vidéo, du coup : « oui, y en a qui sont forts ». Façon de dire pas lui ? Encore un coup des cordonniers… Plus loin, d’autres ouvriers assemblent à la main les joueurs sur des tringles. Pas la partie la plus intéressante niveau boulot, assez répétitif… Une très grande quantité de cartons les entourent, Sébastien nous confirme qu’il s’agit du volume qui sera passé pour la production de décembre. Ça semble être la partie non-chalonnaise de la construction d’un baby : ils sont tous siglés « China ». Les balles, elles aussi sont fabriquées ailleurs. Dans ce tour du propriétaire, on a omis de vous parler des billards. Belles pièces de bois assemblés et façonnés aussi à Crissey. Certains modèles proposent des designs aux lignes épurées, crossover entre deux entreprises locales, René Pierre et

Jolie camisole.

Tolix, le mobilier métal. Les billards peuvent être fabriqués sur mesure : essences, pièces de bois sur demande. La douloureuse monte à plus de 4.000 euros, mais ça ne semble pas freiner la production. En parlant de prix, Sébastien Menneveaux, en tant que responsable des grands comptes, est un peu dans le saint des saints. Il nous fait jurer-cracher qu’on ne donnera pas de noms mais, oui, quelques grandes entreprises de luxe français ont passé des commandes exceptionnelles. Imaginez un objet en cuir, en peau de croco, avec du bois spécifique et vous obtenez un billard à 100.000 euros et un baby-foot de très grand luxe à 64.000 euros pièce. On a oublié de lui demander mais la balle devait sûrement être en diamant ou en kryptonite, en tout cas dans une matière rare et chère. On termine le tour du proprio là où on l’a commencé, dans le showroom du pays des merveilles. Sébastien se pose à son bureau. Coup de fil d’un client qui tente de gratter quelques euros sur une commande de billards et de baby-foot. Il revient à nous pour évoquer l’avenir. Lui le voit simple et limpide : encore plus de commandes de particuliers. Il répond encore à quelques questions mais nous, on a d’yeux que pour la mini borne d’arcade derrière lui. Elle est belle. Elle n’est pas grosse. Elle ne doit pas être chère. Elle tient dans le coffre de la voiture, c’est clair. Je peux la porter tout seul. 250 jeux dans sa mémoire. Interview. Je note ses réponses sur mon cahier. Un silence. Une ouverture : Et sinon, la borne là, derrière, c’est combien ? « 2000 euros ». Retour à la réalité. Bye Wonderland. Fin de partie. Boule noire. Game over. Fanny sous le bab’. // M.R.

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L’INSTIT’ ÉLISE BUSSAGLIA, DU FOOT À L’ÉCOLE.

4 championnats de France, 5 Coupes de France, le championnat allemand, la Coupe d’Espagne, 188 sélections en équipe de France, une demi-finale de Coupe du monde, 2 finales de Ligue des Champions, un but en quart de finale de Coupe du monde entré dans la légende, Barcelone, Lyon, le PSG... Élise Bussaglia est un mythe du foot et elle a choisi de finir sa carrière à... Dijon. Dingue. Rencontre avec une fille qui s’apprête à retourner à sa vie d’institutrice après avoir contribué à construire l’histoire du foot féminin. Par Chablis Winston, à Dijon (21) Illustrations : Loïc Brunot

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Comment t’as vécu le fait d’être une fille dans un « sport de mecs » dans les années 90 ? Je l’ai bien vécu. J’étais la seule fille jusqu’à mes 15 ans. J’étais un peu protégée et comme je jouais mieux que la plupart des garçons... En général les gens étaient surpris : « Oh, y’a une fille. On va gagner ». Quand ils me voyaient jouer, le discours changeait. En plus, j’ai toujours donné des coups. Mon père m’a appris à ne pas me laisser faire sur le terrain. Donc, ça m’a jamais perturbée d’en recevoir non plus. Ça fait partie du jeu. Surtout au milieu du terrain (son poste, ndlr). À 15 ans, t’es repérée pour aller à l’INF Clairefontaine, (institut national du football - centre de formation national), alors que tu n’as encore pas joué dans une équipe féminine. Je ne jouais qu’avec des garçons en club, mais en sélection du département ou de la région. Il y avait quelques équipes de filles, c’est là que j’ai été repérée. D’ailleurs c’était difficile pour moi les sélections féminines, le niveau... Certaines filles ne savaient pas jouer. À cette époque-là (fin des années 90, ndlr), y’a pas beaucoup de clubs féminins et pas beaucoup de bonnes joueuses. Chez moi dans les Ardennes, y’en a que 2 ou 3 qui savent jouer. C’est une autre époque. Par contre, quand je suis arrivée à Clairefontaine, j’ai vu qu’il y avait un gros niveau, avec des joueuses bien plus fortes que moi. Ça m’a motivée. Donc à 15 ans, t’es à Clairefontaine près de Paris la semaine, et le week-end, tu reviens jouer au foot chez tes parents ? Heureusement que mes parents étaient là pour tous les trajets. Quand on jouait à l’extérieur, je rentrais chez mes parents juste pour repartir illico avec l’équipe ailleurs en France, comme on était en première division quand même. J’ai ce rythme-là depuis que j’ai 15 ans. Là, j’arrive sur la fin, donc je vais pouvoir prendre du temps. On a l’impression que ta carrière a évolué en parallèle du foot féminin français. Dans les années 90, y’a très peu d’équipes, puis dans les années 2000, le foot n’est encore pas pro. Finalement, en 2019, on sort d’une Coupe du monde en France, le sport est médiatisé, certaines footballeuses sont des stars. T’es consciente d’avoir participé à ça ? Oui, j’ai un peu tout connu. Quand je jouais au foot, petite, je savais même pas qu’il y avait une équipe de France féminine. J’avais pas de référence. Marinette Pichon (la joueuse la plus connue des années 90 – jamais passée pro, à l’époque ça n’existait pas, ndlr), je l’ai découverte quand j’ai eu 15 ans, en jouant avec elle, à St-Memmie. Quand je débarque, ce qui m’intéresse, c’est le niveau de jeu, pas de devenir professionnelle. J’imaginais même pas ça puisse

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« y’a pas gr and monde qui me reconnaît si je suis pas dans un contex te spor tif. J’ai pas l’impression d’ê tre une legende du foot... » exister. Marinette Pichon, c’etait la meilleure et, pourtant, à côté, elle bossait pour la mairie de la ville. Donc, pour moi, c’etait logique de continuer les études. J’allais pas en faire un métier. C’est bien plus tard (au milieu des années 2000, ndlr) que le Président Nicollin a commencé à investir à Montpellier et à faire quelques contrats. Le Président Aulas a suivi à Lyon. Moi j’ai pris le train en marche. Au début, je faisais des petits boulots en plus pour payer mon loyer, comme tous les étudiants. Tu as un diplôme d’instit’ ? Oui, après mon diplôme, j’ai fait une année scolaire, pendant que je jouais au PSG. Ensuite, je me suis mis en dispo quand on m’a proposé d’être pro à Lyon, en 2012. Comment on s’organise quand on est instit’ en plus d’être une joueuse de haut niveau ? C’est intense. Y’a pas de temps mort. Le matin, je vais à l’école avec les enfants, ça passe à une vitesse folle. En fin d’après-midi, je prépare mes cours, le soir, je vais au foot, je rentre, je me couche. Y’a rien d’autre. Et le week-end, y’a match. Mais ce qui est bien, c’est que tu te nourris de l’énergie des enfants. Je pense que j’aurais pas pu continuer comme ça plusieurs années. C’est pas compatible avec le sport de haut niveau.


La fin de ta carrière, c’est dans quelques mois, à la fin de la saison. Tu vas refaire instit’ ? Bien sûr. C’est la suite logique. C’est un métier qui demande aussi beaucoup d’efforts. Ça va être intense. Elise Bussaglia à Dijon, c’est un peu comme si Paul Pogba signait à Dijon pour faire le parallèle. T’es un peu une légende du foot français. Tu passes par Lyon, Paris, Barcelone, Wolfsburg, Montpellier et tu te retrouves à Dijon. C’est pour avoir du temps de jeu ? Oui, tout simplement. Je voulais faire la Coupe du monde et je jouais pas beaucoup à Barcelone. J’avais des propositions en Angleterre et en Suède. Pour être honnête, continuer l’aventure à l’étranger, ça me tentait plus, mais la coach de l’équipe de France (Corine Diacre, ndlr) m’a dit qu’à 6 mois de la Coupe de monde, ce serait mieux que je signe en France si je voulais être sélectionnée. Donc moi, ce que je veux, c’est du temps de jeu. Je voulais finir ma carrière sur le terrain, et pas sur un banc. Et tant qu’à faire, autant ne pas être loin de mes parents qui vivent à Sedan.

Ce but en quart de finale en 2011, c’est le plus beau moment de ta carrière ? Oui, c’est un de mes meilleurs souvenirs. Même si j’aurais bien gagné une Coupe du monde ou une Ligue des champions. Y’a toute une génération avec toi qui arrive en fin de carrière, qui a mené l’équipe de France jusqu’au dernier carré de la Coupe du monde en partant de rien : Camille Abilly, Gaetane Thiney, Louisa Necib. T’es confiante pour la suite ? Oui, plus il y’aura un football de masse chez les filles, plus y’aura de bonnes joueuses. À l’époque, c’était facile de faire ta liste des 23 parce qu’il n’y avait pas tant de joueuses que ça qui avaient le niveau. Maintenant, c’est plus compliqué. c’est très bien pour le foot féminin. Même ma mère, elle sait qui est Elise Bussaglia, alors qu’il y a 10 ans, le nom des footballeuses, personne ne les connaissait. T’es consciente d’avoir participé à ça ? Non, pas vraiment. On me dérange pas dans la rue, y’a pas grand monde qui me reconnaît si je suis pas dans un contexte sportif. J’ai pas l’impression d’être une légende du foot...

Wolfsburg, comme ça, ça fait pas rêver… Même quand on y est, ça fait pas rêver. (rires) La ville de Volkswagen, Autostadt... La ville fait pas rêver mais dans le foot féminin, ça fait rêver. C’est un des plus gros clubs du monde.

Quel regard tu as sur le DFCO, toi qui est arrivée depuis 1 an ? C’est un club jeune, surtout la section féminine. Mais le club peut viser beaucoup plus haut. Y’a des personnes vraiment investies, impliquées. Et par rapport aux filles, bien sûr, il faut mettre des moyens. Financiers et aussi matériels. Les conditions d’entraînement... Aujourd’hui, on s’entraine sur un terrain synthétique, on n’a pas de vestiaires dédicacés (sic) seulement à l’équipe féminine... C’est des petites choses. Et on a encore des joueuses qui bossent à côté, ça nous empêche de nous entrainer la journée… Il reste des choses bancales, mais ça évolue dans le bon sens.

Le top de ta carrière, tu considères que c’est quand ? Je dirais 2011-2012. Y’a le trophée de meilleure joueuse du championnat de France, le but en Coupe du monde.

L’égalité salariale dans le foot ? (rires) Ahah ! On en est loin ! Mais ça évolue dans le bon sens, quand même. // C.W.

Tu as pas mal bourlingué pour une joueuse de ta génération : Espagne, Allemagne... Ouais. Je voulais voir d’autres cultures, au-delà du foot. Je l’ai fait grâce au foot, c’était plus simple. J’aurais pu finir ma carrière à l’étranger.

« Wolfsburg, la ville,

quand t’y es, ça fait pas rêver » 49


Jojo Noir, c’est noir, mais il y a toujours de l’espoir pour les fans. Car on a tous en nous quelque chose de Johnny Hallyday, et on est allés vérifier ça, 2 ans après le drame, au Zénith de Dijon, un soir de Gala. Par Clément Guillet, à Dijon (21) Photos : Edouard Roussel

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Let it be.

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U

ne réincarnation sonore. Un sosie vocal. La voix de Johnny. C’est comme ça qu’était annoncé JeanBaptiste Guégan, de passage au Zénith de Dijon le 17 novembre. Deux ans après sa mort, c’était l’occasion ou jamais de prendre des nouvelles des fans de Johnny. En l’An II après J.H., comment vivent-ils leur deuil ? Ont-ils pardonné à Laetitia ? Est-ce que ça a toujours un sens de porter un t-shirt à tête de loup en 2019 ? N’ayant pas de t-shirt de la tournée de 1992 à Bercy, ni l’envie de me décolorer les cheveux, je me contente de mettre un cuir pour un reportage en immersion auprès des fans. Précaution superflue puisque le public semble très familial de prime abord. Comme Jocelyne et son mari Daniel qui a plutôt le look Jean Ferrat que rocker. « On n’a jamais vu Johnny, alors on vient voir le sosie » explique-t-elle. « Notre but, fermer les yeux et écouter, croire que c’est lui qui chante. » Très vite, elle croit comprendre que je cherche du cliché et s’excuse presque de ne pas être une fan hardcore. « Par contre, j’ai un ami qui va arriver » se rattrape-t-elle. « Lui, c’est un vrai avec le t-shirt, la chaîne, la barbichette et tout. » Dans le public, surtout des seniors. Parfois, on vient en famille, comme Théo venu avec sa grand-mère et son père. « On l’avait vu ici il y a quelques années, alors on revient pour ce 2ème concert. » Est-ce qu’ils sont fans dans la famille ? « Plus ou moins, ça dépend : par contre à 2 grammes d’alcool dans le sang, on chante tous du Johnny ! » Déjà plus looké, Thierry, 55 ans, coupe en brosse et cuir sur le dos, est un inconditionnel de la star décédée. « C’est mon frère qui m’a initié, lui, c’est un sosie ». Ah, ben voilà qui va faire des photos sympas pour Sparse. « Mais là, il est en concert en Haute-Saône, il a sa carrière de son côté, il a pas le temps de venir voir Guégan ». Dommage. Fétichisme et t-shirt à tête de loup

Pour rencontrer des adeptes de la religion Johnny, rien de mieux que d’aller voir les marchands du temple qui entretiennent le business. Au stand de merchandising, Jean-Pierre, 53 ans, m’exhibe ses reliques. T-shirt de la tournée de 2013, sweat avec un Johnny à moto, Christ avec une guitare autour du cou, il a la panoplie complète. « Mon nom, c’est Jean-Pierre, mais tout le monde m’appelle Johnny, parce que je lui ressemble un peu. » Rapidement, la discussion dérive sur l’affaire Laeticia. « Tu veux savoir de ce que je pense d’elle, c’est simple : c’est une pute ! » lâche-t-il sans prendre de gant. « Je suis comme Johnny, j’ouvre ma grande gueule, ça se fait pas de déshériter des enfants. Je le redis : une pute ! » Edgar Morin dans son livre Les stars (1957) écrit : « comme tout culte spontané et naïf, mais entretenu par ceux qui en profitent, le culte des stars s’épanouit en fétichisme. […] Le fidèle veut consommer son dieu

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[…] dans une sorte d’assimilation totémique. » Derrière le stand, Beverley, 22 ans refourgue de l’assimilation totémique et quelques t-shirts à Jean-Pierre. Elle me confirme que « Laetitia, il y en a beaucoup qui l’aiment pas ». La vendeuse m’éclaire aussi un peu sur la sociologie du public de Jean-Baptiste Guégan. « Au début, quand il jouait dans les casinos, c’était surtout des fans de Johnny purs et durs. Mais suite à son passage à Un incroyable talent, il remplit des Zéniths, et de plus en plus de jeunes s’intéressent à lui. Il y a de tout maintenant au niveau âge. Après, ça dépend des dates : à Nancy, c’était très jeune, à Mâcon, que des vieux. » Et elle, elle est fan ? « Non, c’est juste boulot comme un autre. » Mais pour d’autres, c’est tout une vie qui se rejoue au Zénith, ce jour-là. « J’ai perdu mon 2ème père » « C’est beaucoup d’émotion, j’ai suivi Johnny pendant 35 ans, j’ai été un peu son garde du corps, on se connaissait un peu. » Antoine, la cinquantaine, est le plus looké de fans que je rencontre. Cuir de biker, bouc et cheveux en brosse, on dirait Johnny version 80. Ancien technicien du chanteur, il vient du Chatillonnais pour voir l’hommage que va rendre Guégan à celui qui a été un temps son employeur, et qui reste une figure paternelle. Il a des larmes dans la voix quand il évoque la mort du chanteur. « J’ai pleuré pendant 15 jours, comme pour un proche. On l’a tous appris le 6 décembre à 2h58. Je m’en souviens, car je pensais à mon papa, c’était le jour anniversaire de sa mort. Le 6, je perdais mon 2ème père. » C’est toute sa vie qui a été marquée par la star. « Depuis tout petit, moi c’est le rock’n roll : c’était Elvis et Johnny. Mes parents n’écoutaient pas, j’étais obligé de cacher mes disques. Sa voix me transcendait et me transcende encore : je peux pas rester assis en l’écoutant. Je suis obligé de chanter devant des potes qui me connaissent, passionnés de vieilles motos comme moi. » Un vrai deuil. « À la mort de Johnny, j’ai reçu une cinquantaine de coups de téléphone. Des vieux, des jeunes, des enfants de collègues avec qui j’avais bossés il y a des années m’ont appelé : je pensais pas que j’avais touché autant de monde en parlant de ma passion. » Est-ce que le culte survivra longtemps à la mort de l’idole ? Pour Antoine, ça ne fait aucun doute. « Comme Elvis en Amérique, Johnny, ça perdurera, les fans ne vont jamais l’oublier, ça se transmettra de génération en génération. » Aux Etats-Unis, un véritable culte s’est développé autour d’Elvis Presley. Tous les ans, en août, l’Elvis Week réunit à Memphis des milliers de fans qui viennent célébrer l’anniversaire de la mort du King avec descente au flambeau, concerts et pléthore de sosies. Verra-t-on bientôt une Johnny’s Week s’organiser avec un pèlerinage à Saint Barth autour de la tombe du chanteur ? « J’irais si je pouvais », me confie Jean-Pierre qui se ruine déjà en


Antoine, ancien roadie de Johnny.

«À 2 grammes d’alcool dans le sang, on chante tous du Johnny ! » Théo, venu avec sa grand-mère et son père

Jesus is a rocker.

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French manucure.

« Comme Elvis en Amérique, Johnny, ça perdurera, les fans ne vont jamais l’oublier, ça se transmettra de génération en génération » Antoine, gros fan

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Johnny, c’était presque un ami, quelqu’un qui t’écoute et qui ne répète pas. Comme on ne pouvait pas l’atteindre, on écoute ses chansons et on lui parlait intérieurement. Quand on avait des ennuis, il était là. Moi j’avais un père alcoolique, lui avait son absence de père. Ça crée des liens, on se sentait proche, un véritable ami. » « Les identifications imaginaires sont elles-mêmes ferments d’identifications pratiques ou mimétismes », écrit Edgar Morin. « Des stars guident nos manières, gestes, poses, attitudes, soupirs d’extase… » D’où le look, une vie placée sous le signe de Johnny et un deuil au décès de la star. « C’est pratiquement la seule personne pour laquelle j’ai pleuré, alors que je n’ai pas pleuré autant pour certaines personnes de ma famille. Et dire que je me suis moqué des filles qui pleuraient le jour où Claude François est mort. J’étais pareil, il y a deux ans » se souvient-il. « Moi aussi, le jour de son enterrement, tout est enregistré , si j’ai des moments de cafards, je me le repasse, je fonds en larmes, l’émotion est toujours la même », renchérit Ferdinand. Johnny forever

produits dérivés. Mais pour l’instant, les fans ont JeanBaptiste Guégan pour entretenir le culte. « C’est comme si Johnny était revenu » « C’est fantastique, on ferme les yeux, c’est comme si Johnny était revenu. Dès que j’entends Guégan chanter, j’ai des frissons, j’ai ma petite larme, je sais que ça va me rappeler notre Johnny. » Quelques minutes avant le concert, je discute avec Ferdinand accoudé au bar. Venu de Laroche-Migennes, dans l’Yonne, il est intarissable et frétille à mesure que le concert approche. « Je l’ai suivi depuis 1972, j’ai été le voir 38 fois. Ma vie a été calquée sur la musique de Johnny. Enormément de ses chansons sont associées à des souvenirs de vie. » Le souvenir de l’idole s’entretient en groupe. « Deux ans après, la passion est toujours vivante et ne faiblit pas. On est un petit groupe dans l’Yonne, à chaque fois qu’on se voit, on cause de Johnny, Johnny, et encore Johnny », m’explique-t-il avec enthousiasme. Accoudé avec lui, son pote Jean-Paul partage la même passion. Lui s’identifiait particulièrement à la star. « Pour moi,

Et leurs proches, comment vivent-ils leur passion dévorante ? « Ma femme, elle supporte, voire elle aime bien certaines chansons, comme L’Envie par exemple », explique Ferdinand. « Mais elle ne me lâche la bride que petit à petit, sinon il y aurait du Johnny partout ». Jean-Paul détaille : « j’ai une pièce en haut que j’ai privatisée. Comme ça, j’y fais ce que je veux, je peux accumuler. Ma femme était plutôt Patrick Bruel, Hélène Ségara. Mais elle s’y est mise, sans que je la force. La première fois que je l’ai emmenée à un concert, je lui ai dit : je peux pas m’occuper de toi, un concert je le vis avec le chanteur. » Enfin le concert commence. Dans la salle, l’émotion est palpable. Dès les premières notes de musique, le public se lève. Une silhouette en cuir s’approche, lumière dans le dos et commence à chanter « On a tous en nous quelque chose de Tennessee ». Même voix, mêmes attitudes : Johnny est ressuscité. Pour Guégan, pas besoin d’en faire des tonnes pour « allumer le feu ». Il souffle sur les braises d’une passion encore ardente. Dans le Zénith plein à craquer de Dijon, fans de la première heure ou simples admirateurs sont venus écouter toute la musique qu’ils aiment. Rapidement, la voix de Johnny enchaîne les chansons : Ma gueule, Le Pénitencier, Marie, Gabrielle… Et moi-même, je me surprends à chanter en cœur « Que je t’aime, que je t’aime… ». Johnny, c’est contagieux. // C.G.

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J’ai toujours aimé « les films avec des représentants de commerce

»

Belfort s’agite dans son grand cinéma, moquette rose. C’est Entrevues, le festival des premiers films audacieux et des rétrospectives des grands maîtres. Normal d’y retrouver Gustave Kervern, aka Gustave De Kervern, un vrai audacieux. Depuis 10 films, avec son comparse Benoît Delépine, il fabrique un cinéma social qui dit les maux de la société. Entretien avec un vrai cinéaste des gens.

Par Arthur Guillaumot, à Belfort (90) Photos : Vincent Courtois, Entrevues, festival international du film

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Si je ne me trompe pas, après une école de commerce, tu voulais travailler dans une maison de disques. Tout à fait. J’ai fait des études commerciales parce que je ne savais pas ce que je voulais faire exactement. Je voulais pas travailler tout de suite. Le commerce pour les mecs pas très bons, c’est à peu près le seul truc que tu peux faire. J’ai quitté Nice. Je me suis dit je monte à la capitale, je vais essayer de travailler dans les maisons de disques. Sauf que quand tu arrives comme ça, la fleur au fusil et que tu crois que les portes vont s’ouvrir, forcément, rien ne s’est ouvert. Donc j’ai jamais travaillé dans les maisons de disques. Ça a dégénéré, parce que là on n’est pas aux Eurocks, on est à Entrevues, finalement c’est le cinéma. Oui, oui, finalement, c’est le cinéma. Mais quand dans la musique les portes se sont fermées, ça a été plutôt la télé. Je voulais un domaine où je m’amuse un peu. Je suis né à l’Île Maurice, une mauricienne qui bossait chez Sabatier m’a fait rentrer sur Avis de recherche. C’est comme ça que je suis rentré à la télé. Ça n’a pas été terrible non plus. Je me suis fait lourder au bout d’un an. Après j’ai eu de la chance, je suis tombé sur les émissions les plus cools. C’était une autre époque, tu rentrais plus facilement... Il y avait quand même Canal + qui était en pleine bourre. Il y avait de la création, de l’audace. Maintenant ça n’existe plus. Groland, ça pourrait se lancer aujourd’hui ? Non. Bien sur que non. C’est impossible. Déjà, chaque année on a peur que ça s’arrête. On se dit que c’est un miracle que ça continue dans les circonstance actuelles. Groland, c’est l’équivalent de Charlie Hebdo, de cette école-là. Maintenant les gens ne veulent plus de ça. Moi, ce qui me fait peur, c’est qu’on est la seule émission d’humour hebdomadaire. Tu te rends compte ? Sur 500 chaînes. On a fait 26 ans. On dit qu’on a eu la peau de Thalassa qui était notre concurrent. Des chiffres et des lettres, on finira par les avoir. Le jour du seigneur, non. On est dans les 3 émissions les plus vieilles du PAF. C’est hallucinant. Quand je suis rentré là-dedans, je me suis dit ça va durer un an, deux ans… Totale liberté ? Oui, oui. On écrit vraiment ce qu’on veut.

Droopy.

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Ça a été quoi le déclencheur vers le cinéma ? C’est un peu par hasard. À un moment donné, avec Benoît Delépine, on écrivait des sketchs en commun. On a fait toute une série qui s’appelle Toc Toc Toc. Un truc complètement absurde. Un cadre, un lit, une armoire, une porte. Moi, j’étais au lit. Benoît rentrait en disant des trucs en vieux français : « Je suis fourbu, je vais mettre mon manteau dans la penderie ». À chaque fois, il y avait mon amant, Maurice Pialat, Joey Starr… On a fait 10 épisodes comme ça. On a vu qu’on écrivait bien ensemble, qu’on se marrait. On avait un copain qui était le copain de Poelvoorde, qui avait fait C’est arrivé près de chez vous. Il nous a dit de lui en parler si on avait une idée. On a pensé à cette histoire de road movie en chaise roulante. On est allés le voir. Il a dit : « Ah oui ça c’est pas mal, bonne idée, vous écrivez le scénario, on se retrouve dans un mois, moi je trouve l’argent ». Il a trouvé l’argent d’un notaire flamand qui voulait investir dans le cinéma. On est partis, personne n’était payé. Le but, c’était d’aller boire un coup avec le réalisateur finlandais Aki Kaurismäki. On a écrit 40 pages. On est partis à 8 ou 9 en camionnette. On a fait le film comme ça, en noir et blanc. Il s’appelait Aaltra. Ça a bien marché. On s’est dit qu’on allait en faire un deuxième. Puis un troisième. Et là on en est au dixième. Parallèlement à Groland. Pendant les vacances. C’est nos films de vacances. Juillet, août.

C’est une hygiène de travail en fait. Oui, et puis c’est pas la même chose qu’un sketch. Pas besoin que ça soit drôle, pas besoin de chute. On peut se permettre de mettre des trucs plus profonds, de l’émotion. Des trucs qui nous correspondent plus.

On a eu la peau de Thalassa» «


Les sketchs, ça permet peut-être de plus coller à l’actualité. C’est vrai. Mais nous, on est toujours un peu en retard. Avec internet, quand tu es en hebdomadaire, il y a 50 mecs qui ont fait des vannes sur le même sujet. Mais, comme on suit l’actu à un haut point, on a parfois eu la pré-science. Même dans les films. Tu vois, par exemple, Le Grand Soir, ça se passait sur les ronds-points. À force d’imagination et de lire l’actualité, parfois tu tombes pile dans la réalité. Le prochain film, c’était les gilets jaunes. On avait écrit le film et puis il se trouve que les gilets jaunes sont arrivés alors on a réécrit le film. Ça reste trois ex-gilets jaunes. Mais, à la base, c’était ça, un mec qui avait un problème avec son diesel, qui habitait en zone périurbaine. Votre cinéma avec Benoît Delépine, c’est un cinéma social, mais c’est quoi un cinéma social ? Un cinéma de sociologie. Prendre un pas de côté pour raconter des histoires. Je ne sais pas pourquoi Benoît et moi on est vachement branchés là-dessus. L’économie, les injustices. On est proches de la classe moyenne. Groland s’est toujours adressé à des gens simples. Des gens de la campagne, de la province, beaucoup de mecs de la sncf, des fonctionnaires. ça fédère beaucoup de gens. Des gens laissés pour compte. Qui se retrouvent un peu dans nos films. Tu fais du cinéma pour qui toi ? Justement, pour les gens qui ne vont pas au cinéma (rires). Je pense que c’est du cinéma pour essayer de comprendre le monde. Que les autres se reconnaissent. Et comme dans les sketchs, mettre le doigt sur les trucs qui vont pas. Refléter les absurdités. J’ai l’impression qu’il y a une détresse dans tous vos films. Je pense à Near Death Experience, avec Michel Houellebecq, Gérard Depardieu dans Mammuth, à celle de Dupontel dans Le Grand soir, à celle de Poelvoorde dans Saint Amour, à celle de Dujardin dans I Feel Good. On se rend pas vraiment compte que les films sont durs. Les gens nous le disent après. C’est vrai. Tu peux mettre de l’humour, mais le fond est souvent triste et glauque. Mais moi, j’adore ça. Justement quand une scène peut être vue sous l’aspect tragique et l’aspect comique. Le tragicomique, c’est la plus belle chose qui soit. La réalité est dure. De vos films, je retiens certaines scènes qui marquent. Je pense à une scène de Mammuth. Gérard Depardieu mange dans un boui-boui. Il n’y a que des hommes seuls aux tables. Et l’un appelle sa gamine, et il se met à pleurer. C’est le genre de scène où tu peux rire et pleurer. C’est ridicule et magnifique. Comment est-ce qu’on capte un tel niveau d’intimité ? J’ai toujours aimé les films avec des représentants de commerce. Souvent, c’était des films avec Jean-Pierre Marielle. C’est vrai qu’on s’est retrouvés parfois, avec Benoît, dans des petits restaurants de province en faisant les repérages. On se retrouvait avec que des mecs, seuls ou à deux-trois à table. Une espèce de looserie avec les lumières un peu tamisées, la serveuse qui arrive fatiguée. Tu te nourris de tout ça. Une scène qui fait rire et pleurer, c’est cette scènelà qui est vraiment la représentation excellente de ça.

C’est du cinéma de la vraie vie. C’est le cinéma qu’on aime bien. Je viens de voir un film qui s’appelle La Salamandre d’Alain Tanner. Il m’a beaucoup plu dans son naturel. On adore Joël Séria. Joël Séria c’est Les Galettes de Pont-Aven, c’est Jean-Pierre Marielle quoi, c’est la province. Jacques Rozier, Claude Sautet, c’est des films dans les bars, c’est la vie. Notre cinéma on dit qu’on fait tâble d’hôtes. On boit des coups avec les patrons de bars, les serveurs. D’où ça vient le fait que toi, tu joues parfois ? Je dois faire 3 films par an, oui. J’y ai pris plaisir depuis Dans la cour avec Pierre Salvadori. Je te cache pas que je l’ai fait aussi parce que j’ai toujours peur que Groland s’arrête. Mais j’aime bien les ambiances de tournage. Je suis tout seul chez moi à écrire, donc, quand il y a un tournage, c’est toujours très intense, c’est une équipe, une solidarité. J’adore ces ambiances. J’ai l’impression que jouer, ça a cassé ton image bourrue, t’es beaucoup sur des rôles où on voit ta délicatesse. Le problème c’est que c’est toujours un peu les mêmes rôles. Ça commence un peu à me faire chier. J’ai pas envie de refaire à chaque fois la même chose. J’attends un scénario un peu plus péchu. Je suis pas un bisounours. Ce côté un peu nounours là ça me fait chier. Je vais y mettre un frein. Qu’est ce que tu trouves encore transgressif ? Eh ben il y a plus grand chose de transgressif justement. C’est même catastrophique. À la limite, quand tu vas voir une expo de peinture de mec d’il y a 300 ans, c’est parfois plus transgressif que maintenant. Le Caravage, c’est plus transgressif que n’importe quelle œuvre de maintenant. Le Joker, avec Benoît on était sur le cul. Qu’un film américain dise « Tuez les riches ». Comment les américains peuvent envoyer une bombe pareille et pas nous. Ça veut dire qu’on est au fond du trou. Tous les mecs un peu hards se font éclipser. L’époque ne veut pas ça et ne l’a jamais trop voulue, d’ailleurs. Toi, dans ton magazine, tu peux écrire ce que tu veux. Vous avez une liberté qui est bien. // A.G.

« Le tragicomique, c’est la plus belle chose qui soit. La réalité est dure »

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TERRE PROMISE Textes et photos : Roxanne Gauthier

Depuis un peu plus d’un an, je suis les migrants à Dijon, de squat en squat, la justice ne leur laissant aucun répit, si ce n’est lors de la trêve hivernale... D’abord dans le bâtiment XXL, puis à l’espace autogéré des Tanneries, ensuite au 41, avenue de Stalingrad, retour à l’espace autogéré des Tanneries, nouvelle occupation à l’ancienne CPAM de Chenôve, campement de fortune au chemin des Cailloux et actuellement au 11, rue Becquerel. Tant d’expulsions en si peu de temps... 80 migrants environ devant faire face à des conditions de vie des plus difficiles. Nous pouvons les aider par notre présence, notre soutien, notre implication, nos dons, nous pouvons les héberger (contactez le collectif Asile 21), mais qu’en sera-t-il demain ?

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destinées d’entrepreneur Stéphane Ragoin, consulting boss

en partenariat avec la Expert Media Consulting School of Business

De plateaux en plateaux, de lives en lives, de BFM à C dans l’air, Stéphane Ragoin est devenu un personnage connu de notre petit écran. Sympathique, bienveillant, toujours impeccable, il gratifie le paysage audiovisuel français de ses plus fines analyses. Mais d’où vient Stephane Ragoin, prince des experts des plateaux télés ? Stéphane vient d’une famille modeste de Haute-Saône. Après une enfance chaotique, il monte à Paris « pour réussir ». À l’âge de 19 ans, «là, où tout a foiré». De petits boulots en petits boulots, le Stéph, comme on l’appelle, galère et squatte chez des amis de la capitale : «J’ai été instit’ remplaçant quand j’étais plus jeune. Du coup, dans le quartier, les gens m’appelait souvent ‘le prof’». Ce quartier, c’est justement celui du siège de RMC/BFM TV, dans le 15ème arrondissement. Et ce surnom de ‘prof’ va l’amener, sans le savoir, là où il est actuellement, sur le toit des médias. C’est un jour de 2016 que tout bascule pour lui. Pour réagir à l’actualité en Syrie à l’époque, une équipe de BFM cherchait un spécialiste du Moyen-Orient. Comme d’habitude, les délais sont serrés. L’info en continu, c’est un rythme à tenir. «Ils avaient 10 minutes pour trouver un type. Je buvais un coup au bar d’en bas où les gens m’appelaient ‘le prof’. Je prenais le café avec mon pote Abdel. Banco, les journalistes m’ont dit de monter avec

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eux ». Sur le plateau, bien que novice, Stéphane se débrouille extrêmement bien : «Je répondais avec des phrases toute faites que j’avais déjà entendues, comme l’influence de Daesh dans le nord de la Syrie est considérable ». La prestation de Stéphane en entraîne d’autres, car il est vite remarqué par CNEWS, LCI, ou autre Dorcel TV : «J’étais plutôt à l’aise, ils m’appellent tous les jours maintenant». En effet, toutes ces chaînes ont un point commun, il leur faut des experts, vite. Et sur tous les sujets. «Il ne leur faut pas le meilleur expert, mais celui qui peut se rendre le plus vite en studio : Allo, c’est LCI ! Vous pouvez être là en 10 minutes ? — Bien sûr. — C’est pour parler du conflit interethnique du moment au Togo. — Pas de problème. Je suis le plus proche, donc celui qui sera invité. C’est la théorie de l’expertkilomètre. » Ou le Uber du consulting ! Tu mets

expert en dessous de ton nom et Professeur devant, avec une chemise propre, ça passe. Stéphane vient de

Le bon expert ? C’est celui qui habite à côté des studios de la chaîne TV. créer une école d’experts, à Paris et au cœur de l’actu. Ces jeunes vont apprendre à connaître un maximum de vocabulaire sur le plus de sujets possibles en un temps record. Une pédagogie de combat. Avec la nouvelle Expert Media Consulting School of Business, tout le monde peut devenir expert. Une chemise, un rasage frais, une paire de lunettes, un peu d’aisance à l’oral et surtout, une proximité géographique certaine avec les locaux des chaînes d’infos en continu. Le tour est joué. « Tu veux faire quoi, petit, quand tu seras grand ? — Expert !» // CW


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Par Nicdasse Croasky Illustrations : Hélène Virey

S A P S I A R E TU S ) P U O C U A E B UN PEU ( Toi qui lis Sparse régulièrement, tu penses que ça te vaccine d’être réac’. Ton crédo, c’est être citoyen culturel du monde ; comme toutes les façades des mairies de France, tu arbores fièrement tes valeurs préférées sur ton front : générosité, solidarité, universalité. CEPENDANT : depuis quelques temps, tu répètes un peu trop souvent à ton goût que c’était mieux avant. Warning ! C’est le premier signe évident que tu deviens réac’. Mesure vite quel stade tu as atteint et cours te cacher dans une grotte !

1. Parlons peu, parlons bien : la peine de mort… A. B. C. D.

… Marre que mes impôts servent à payer des vacances en prison et à perpète à ces ordures ! … Franchement, dans le fond, y’en a qui la méritent bien. … Y’en a beaucoup aussi qui sont pour, mais qu’osent pas le dire, et ça fout le bordel… … Œil pour œil, dent pour dent. Si un jour j’ai besoin de me venger, j’ferai moi-même le boulot.

2. Question politique internationale : Donald Trump… A. B. C. D.

… Son mur avec le Mexique, c‘est radical, mais on peut pas accueillir toute la misère du monde. … Ben, y dit pas que des conneries, non ? … Y fait le boulot que les Démocrates ont pas les couilles de faire, tout simplement. … Si on prend pas modèle sur lui, j’en connais des gauchiasses droits de l’hommiste qui vont chialer leur race le jour où le grand remplacement, ce sera maintenant !

3. Dans ton autoradio, volume à fond, ta chanson plaisir réac’, c’est : A. Je suis pour (la peine de mort) – Michel Sardou B. Femmes des années 80 – Michel Sardou C. Les Bals populaires – Michel Sardou D. Le Temps des colonies – Michel Sardou 4. Ta sœur chope une méga promotion, mais ça va avoir un impact sur sa vie de famille. Que lui conseilles-tu ? A. De lire la Bible, le manuel de condition féminine le plus clair qui soit. B. De continuer à s’habiller comme une pute pour viser un poste encore plus haut ! C. De pas chialer le jour où son supérieur va (forcément) regretter cette promotion. D. D’aller se faire foutre : au fond elle croit y avoir droit et te pose juste la question pour déculpabiliser.

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5. En te promenant dans un quartier sensible, tu croises un SDF chômeur, arabe et noir qui fait la manche pour s’acheter à boire de l’alcool.

RÉAC’ ?

A. Tu as toujours sur toi un saucisson à l’ail à leur jeter. Quand on a faim, on mange ! Dans les banlieues, impossible de trouver un paquet de jambon, vain dieu ! B. À bien y regarder, c’est quand même toujours les mêmes qui font le bordel. J’dis ça, je dis rien, non ? C. Quand on est chômeur et à la rue, on réclame pas d’argent qu’on sera jamais capable de rembourser ! D. Franchement, on culpabilise les femmes qui veulent avorter parce qu’elles attendent un enfant handicapé, mais es-ce que celles qui attendent un enfant noir, arabe et donc probablement futur chômeur poids mort pour la société, elles s’la posent la question ?

Attention : Sparse décline toute responsabilité si tu te reconnais dans un de ces portraits et te souhaite bonne chance dans la vie. > Maximum de A

Tu es réac’ colère, très très colère. Tu es un rétro prophète. Ta mission divine n’est pas d’annoncer ce qui va arriver, mais ce qui devrait revenir : car bien sûr c’était mieux avant. Bien que tu n’aies jamais vécu ce passé idéal, tu pries pour son come back, sur un remix eurodance de Maréchal, nous voilà ! Mais des forces hostiles font tout pour l’empêcher… Ça te met dans une colère si extrême que tu vomis tes certitudes réac’ de manière décomplexée dans tous les dîners de famille... Ton rêve secret : intégrer le Hall of Fame de RMC. > Maximum de B

Tu es réac’, pour fuir l’ennui. Dans ta courte vie, tu as testé les courants idéologiques les plus improbables : anarchiste de droite à 10 ans, syndicaliste néolibéral à 13, marxiste libéral à 15, féministe patriarcal à 17, socialiste de gauche à 19… Chouette parcours ! Mais faut pas mourir con sans avoir tout essayé et tu deviens un gros réac’ à 21 ans. Ton kif ultime ? Faire hurler et clasher les gauchiasses, les bien-pensants et les écolos sur les Internets à toute heure du jour et de la nuit à coup de déclarations savoureuses : la peine de mort, c’est la vie ; les femmes, c’est à la baraque, etc. Ta réac’teur : Nadine Morano. > Maximum de C

Tu le réac’ alpha ! Brimé, humilié et laissé pour mort dans toutes les cours de

récré que tu as traversé, tu en gardes une trouille et une haine de l’autre chevillée au corps, surtout si l’autre est originaire des pays du Maghreb. Et tu en as assez des bien-pensants qui mettent tout le monde à égalité : entre les sous races qui se croient supérieures, les femmes qui rêvent d’être des hommes, les gays qui veulent des enfants sans procréer, etc. bin c’est le bordel ! Alors ce retour à l’ordre juste, c’est ta bataille, quitte à oublier et faire oublier tes origines étrangères, tes séjours et ton ryad à Marrakech... Faites ce que je dis, mais surtout pas ce que je fais ! Tes meilleures copines réac’ : Eugénie Bastié, Elisabeth Lévy et Eric Zemmour.

> Maximum de D

Tu es le réac’ Sartrien : l’enfer, c’est les autres. Isolé dans ta chambre d’ado, tu as lu tout Houellebecq, Cioran, Céline et tout ça en même temps et tu ne t’es même pas suicidé… BRAVO !! Aujourd’hui, Dieudonné, Sardou et Alain Soral ambiancent tes soirées plateaux Youtube. Un peu comme les poly trauma, tu es réac, raciste, misanthrope, intégriste… Conscient que ces qualités ne sont pas données au tout venant, tu emmerdes (tous) tes congénères, ces gros nuls ! Mieux vaut pas que ces pauvres merdes sonnent à ta porte pour te vendre un calendrier pour la bonne cause, sinon c’est direct un coup de pioche dans la gueule. Tout va bien. Ton réac’ secret : Adolf, ton pitbull croisé dogue argentin. 75


horoscope Par Ladislas René Illustrations : Mr. Choubi

Pendant longtemps, on n’a pas cru à l’horoscope. On sait : ce rationalisme chevillé au corps, c’est notre côté Bélier. Et puis, comme toutes les personnes épatantes qu’on a croisées au coin d’un bar ou d’un oreiller étaient Gémeaux, on a creusé la question. On a fini par passer un PhD « Astrologie et combustion spontanée » au MIT (avec féloches du jury). Ce savoir bac+8, on vous l’offre.

Vous cherchez un plan de financement pour votre super nouveau projet qui changera la face du monde ? Soyez réaliste tout le monde s’en branle, sauf peut-être votre mamie et votre tata… Là, si vous avez une impression de déjà-vu, c’est normal. On a copié/collé votre horoscope dans le numéro précédent, comme l’aurait fait ce Bélier de Gad Elmaleh. Amour : couchez avec un.e Gémeaux.

« Mai pluvieux marie le laboureur et sa fille. » C’est dégueulasse. Si votre papa est laboureur, cassez-vous. S’il est rich & famous comme les darons des Taureaux Sofia Coppola et Nicolas Bedos, votre vie devrait se passer crème. Sinon, il vous reste le tiercé ou la vente d’un rein. Amour : couchez avec un.e Gémeaux, surtout si vous êtes Cate Blanchett. Si vous êtes Patrick Bruel, consultez votre avocat.

Comme Judy Garland ou B-Real de Cypress Hill, vous passez la moitié de votre vie sous produits ? Attention. Pendant ce temps, l’autre Gémeau qui sommeille en vous envoie des SMS approximatifs à votre ex. Réagissez. Amour : évitez de coucher avec votre double maléfique, ça finirait en revenge porn sur les tubes. Si vous êtes Denis Baupin, voyez avec Patriiiick pour un tarif de groupe.

Comme Erin Brockovich ou Leibniz, vous avez à cœur de rendre ce monde meilleur ? Allez sur le site curie.fr. Cliquez sur « Faire un don ». Cochez 500 €. Dans la fiche de renseignements, mettez « Fondation Sparse », rapport qu’on doit optimiser sa race, niveau déduction fiscale. Amour : vous voulez rendre ce monde meilleur, à moindres frais ? Couchez avec un.e Gémeaux.

On va pas se mentir, comme tout.e Lion, vous avez parfois du mal à canaliser votre tempérament impétueux. C’est pas la maman de Jacqueline Cuchet, aka Jakie Quartz, ou le chameau tabassé par Schwarzy dans Conan le Barbare qui diront le contraire. Respirez. Faites le vide. Couchez avec un.e Gémeaux et Allez Sochaux ! (woh putain, ça serait pas un alexandrin ?).

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Si votre gamin.e se prend pour Jésus, consultez un psy avant ses 33 ans. Amour : couchez avec un.e Gémeaux et n’hésitez pas à hurler « Ho mon dieu, j’ai pas été baisé.e comme ça, depuis mars de l’an zéro ».


Voyons les choses en face : vous êtes né.e, parce que vos parents ont eu la main lourde sur le crémant, un soir de réveillon. Ou parce qu’ils étaient à court de cash pour sortir en janvier. Bref, s’ils avaient eu un minimum de standing, vous ne liriez pas cet horoscope. C’est moche. Fermez ce Sparse, buvez une coupette pour oublier. Amour : après deux bouteilles, couchez avec un.e Gémeaux.

Les autres signes vous détestent, parce que vous êtes différent.e. Dit autrement, vous êtes un.e putain de relou. Mais rien n’est de votre faute : comme Klaus Barbie, la chanteuse de Superbus ou le scorpion de la fable avec la grenouille – celle où tout le monde se noie à la fin –, c’est votre nature profonde de faire chier les gens. Relativisez. Tout le monde crèvera avec l’apocalypse nucléaire, sauf les Scorpions. Amour : votre cœur n’affole que les compteurs Geiger.

A l’image de vos semblables – Jane Austen ou Karim Benzema –, vos talents ne seront reconnus à leur juste valeur qu’après votre mort. En attendant la postérité, soyez indulgent.e avec vos contemporains. Même celles et ceux qui vous ont left-swipé.e sur Tinder. Amour : couchez avec un.e Gémeaux (sauf toi, maman).

Comme Greta Thunberg, Gilbert Montagné ou Michael Schumacher vous foncez dans la vie, quitte à vous en prendre plein la gueule. Votre côté indomptable – pour tout dire, votre côté Afida Turner – séduit autant qu’il divise. Laissez faire, haters gonna hate. Amour : couchez avec un.e Gémeaux. Si vous êtes Afida Turner, allez donc coucher avec un.e Scorpion.

Comme Alicia Keys ou Guy Lagache, vous affolez la BFC, toutes sexualités confondues. C’est pas une raison pour négliger votre hygiène corporelle. Bon, méfiez-vous quand même des baignoires (RIP Claude François, 2ème décan parti trop tôt). Amour : couchez avec un.e Gémeaux. Si vous êtes Brandy, emmenez Monica et votre boy à vous.

Le verbe de Didier Barbelivien, la générosité de Laeticia Hallyday, le charme d’Herbert Léonard… Comme tout.e Poisson, vous incarnez la classe française. C’est simple, on se demande comment Chris de Coldplay a pu naître outre-Manche. Continuez à éblouir sans effort. Amour : couchez avec un.e Gémeaux. Si vous êtes la réincarnation de Micheline Dax, c’est possible de faire du sexe oral, en sifflant Ramenez la coupe à la maison ?

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courrier des lecteurs

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Denis |

Nevers (58) Salut baron de la mode, des jeunes en jogging se moquaient de moi l’autre jour dans la rue à cause ma queue de rat dans le cou. Mais bordel, où est le respect ?

réponse de la rédaction

Déjà, une question qui se termine par « où est le respect ? », c’est respect. J’en sais rien mon pote. D’aucuns répondraient « dans ton cul », ce qui constitue, encore en 2019, une blague redoutable. Le respect ce serait déjà que ces jeunes arrêtent immédiatement de porter des survet’ slims ! Respect de nos yeux, respect de la vie, respect des autres ! Ensuite, ça ne t’empêche pas Denis, si tu en as encore la force physique, de leur mettre une bonne tarte dans la gueule. Si tu ne peux pas le faire, embauche quelqu’un pour le faire. Mais ne t’inquiète pas Denis, la coupe mulet revient, le catogan revient. À mon avis, la queue de rat va revenir aussi à la mode, pour peu que ça l’ait été un jour. Courage mec.

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Pierre

| Belfort (90) Salut les footix ! Ah, ils vous ont pas raté les ultras de Sochaux, ils vous ont taillé sur les réseaux sociaux. J’ai même vu des Gifs représentant des gens tabassant Sparse. réponse de la rédaction

Les ultras de Sochaux ont eu beaucoup de mal à comprendre qu’on soit fans de Sochaux, et aussi du DFCO. Et encore, on ne leur a pas dit qu’on était aussi fans d’Auxerre, avec une petite affection pour Louhans-Cuiseaux qui a formé de beaux joueurs aussi. On n’est pas des purs et durs, on est des fans de foot et des clubs de chez nous. Ils ont aussi beaucoup de mal quand on dit que Sochaux est en Ligue 2 alors que Dijon est en Ligue 1. C’est dommage car c’est juste un constat, c’est pas pour ça qu’on aime moins Sochaux. On attend avec impatience qu’ils remontent, comme ça y’aura des derbys à Gaston Gérard où ils pourront venir chanter des chansons qui se moquent de nous. Je rêve d’une chanson de stade sur Sparse, même si c’est pour nous souiller.

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Martine

| Maiche (25) Salut grand rempart de la laïcité. Toutes ces polémiques sur le port du voile dans l’espace public, c’est important. Vous en pensez quoi chez Sparse ? réponse de la rédaction

Hein ? Excuse-moi, je n’écoutais pas du tout ta question. Actuellement, j’ai mon collègue qui utilise un énorme kit main libre pour téléphoner au bureau juste à côté de moi et ça me fascine. Il parle dans le vent comme ça, avec un truc sur l’oreille comme le gars de Staff Pizza ou un mec d’un centre d’appel. C’est fou... Donc ta question, je m’en tamponne.Je suis désolé, hein ? Je suis honnête avec toi.

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Framboise

| Chagny (71) Pourquoi diable Alain Finkielkraut a-t-il crié : « Violez les femmes ! Il faut violer les femmes ! Violez les femmes ! » en direct sur LCI ? réponse de la rédaction

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Alain nous dit que c’est du second degré. Bien sûr, et je le crois. Qui peut croire qu’Alain conseille à tout le monde de violer quelqu’un ? Mais... C’est nul comme second degré. Ça ne sert à rien, ça n’a fait rire personne. Ça n’est pas drôle du tout. Ça met aussi mal à l’aise que le dernier spectacle de Jamel Debbouze, voire plus. Le second degré, il faut savoir quand le placer. C’est ça la finesse. Et quand on s’y connait un peu en second degré, on sait que ça ne se pratique pas n’importe où, n’importe quand. Par exemple, un bon vieux « Salut les PD ! », ça ne se balance pas en public, c’est très sale de dire ça en public, même si c’est du second degré. Dans une émission en direct à la télé, faut-il le répéter, des gens te regardent ! La plupart ne te connaissent pas personnellement. Moi même, j’ai plein de vannes nazies en stock, toutes de très belle facture, mais que je ne sors pas à n’importe quel moment. Excusetoi maintenant Alain, c’est la moindre des choses. D’ailleurs, pourquoi les gens invitent encore Alain Finkielkraut ? Pourquoi ? Ce monsieur est fragile, laissez-le tranquille.


THÉÂTRE LEDOUX DU 28 AU 31 JANVIER

CONCOURS EUROPÉEN DE LA CHANSON PHILOSOPHIQUE Massimo Furlan & Claire de Ribaupierre — Numero23Prod. Au sein d’une cérémonie ludique et chaloupée, onze chansons écrites par des philosophes de dix pays européens, interprétées sur scène devant un jury différent chaque soir, participent au partage des idées et remettent la pensée au centre du  débat public. Une soirée enfiévrée où paillettes, rythmes cadencés et voix suaves invitent à débattre de politique, de questions de société et du vivreensemble.

« Un spectacle enthousiaste, populaire, international et polyglotte dans le pur esprit pop et bon enfant de l’Eurovision » – Libération « Un extraordinaire show brillant et engagé. » – Le Temps

LE THÉÂTRE LEDOUX 49 rue Mégevand L’ESPACE place de l’Europe

03 81 87 85 85 / www.les2scenes.fr Licences d’entrepreneur de spectacles 1-1061735 1-1061736 2-1061737 3-1061738 Design graphique & typographie : Thomas Huot-Marchand / Concours européen de la chanson philosophique ©Ceillier & Nydegger Ce spectacle s’inscrit dans le cadre du projet LaB E23, conçu comme un projet pilote, qui est soutenu par le programme européen de coopération transfrontalière Interreg France-Suisse 2014-2020 et a bénéficié à ce titre d’un soutien financier du Fonds européen de développement régional (FEDER) de 566 324,20 €.


conseil justice

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Bonjour Maître Fougnard,

étant natif de Vesoul, je suis naturellement très sensible à la cause animale et particulièrement à celle des poneys. Je souhaiterais connaître les limites légales de mon attirance pour les Shetlands, mâles et femelles ? Y a-t-il des questions de limite d’âge ? De consentement ? Vu ce qui se passe avec le mouvement Metoo, L.214 et tout ça, je préfère être prudent. Poney M.

Bonjour Poney M.

Merci de votre question, qui en rejoint beaucoup d’autres sur ce thème, venant de lecteurs de Haute-Saône, ce qui éclaire d’un jour nouveau le déclin démographique de ce département. Malheureusement, les possibilités légales de marquer ton attachement à ton poney sont plus restreintes que celles dont tu disposes auprès des membres du club des majorettes Les Iris de Vesoul, sous réserve qu’ils soient devenus majeurs bien entendu. La cour d’appel de Dijon a ainsi condamné en 2006 un agent de l’administration pénitentiaire pour sévices sexuels infligés à son poney. En effet, « le prévenu avait pratiqué des actes de sodomie sur le poney Junior dont il était propriétaire, et avait reconnu qu’il s’agissait d’un jeu ». La cour d’appel a considéré que « ces actes, subis par l’animal qui ne pouvait exercer quelque volonté que ce fût, ni se soustraire à ce qui lui était imposé et était ainsi transformé en objet sexuel, étaient constitutifs de sévices au sens de l’article 521-1 du code pénal ; que, les faits étant constants, l’excuse du jeu n’était pas recevable ». La cour de cassation a confirmé l’arrêt en considérant que « des actes de pénétration sexuelle commis par une personne sur un animal constituent des sévices de nature sexuelle au sens dudit texte ». Si la cour d’appel de Dijon semblait entrouvrir la voie à un élargissement des possibilités de complicité interespèce, sous réserve de rapporter la preuve que l’animal pouvait exprimer sa volonté par des hennissements caractéristiques, avait la possibilité de se soustraire à la pénétration en trottant librement et n’était pas ainsi transformé en objet sexuel mais était un acteur libre de son corps, la cour de cassation semble bien avoir fermé la porte à cette avancée sociétale audacieuse en posant que toute pénétration sexuelle d’un animal était un sévice au sens de l’article 521-1 du code pénal. Il ne te reste plus qu’à espérer une harmonisation de la législation européenne sur ce point. La France est en effet le seul pays à avoir pris depuis 2004, des mesures législatives pour réprimer la zoophilie. Le Code pénal de 1791 avait dépénalisé les comportements homosexuels et zoophiles en vertu de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme, selon lequel « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». La loi du 9 mars 2004 et l’article

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521-1 du code pénal répriment désormais « le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves ou de nature sexuelle ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité », faits punis de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende. C’est toujours moins que la peine capitale infligée en 1601 à Claudine de Culam, née à Rozay-en-Brie, âgée de 16 ans, domestique chez M. le Prieur de Reverecourt depuis quatre ans, « bien et dûment atteinte et convaincue d’avoir eu habitation charnelle avec un chien blanc tacheté de roux ». A la réflexion, je ne peux donc que vous recommander vivement de vous adonner plutôt à la pratique du kart. Maître Fougnard.

Si vous ne savez pas comment emmerder le monde, n’hésitez pas, nous pouvons vous aider : posez votre question, nous y répondrons (ou pas).


ABSINTHE ANIS GENTIANE SAPIN

49 rue des Lavaux 25300 Pontarlier

www.pontarlier-anis.com

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION


from helle Dans chaque numéro, carte blanche au photographe Raphaël Helle

Pour amortir la catastrophe climatique qui arrive, il faut réduire par 4 nos émissions de gaz à effet de serre. Pas demain mais dès aujourd’hui. Autant croire au Père Noël. Comme si sur sa pancarte il avait écrit : « S’il vous plaît, pour vos enfants, consommez 4 fois moins ». BESANÇON, GRANDE-RUE // R.H.

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Les friperies du Secours Pop’ VÊTEMENTS DE SECONDE MAIN DE QUALITÉ

Des boutiques ouvertes à tous. Les recettes sont intégralement dédiées à l’aide apportées aux familles. 8 boutiques en Côte-d’Or Dijon – 3 rue Poncelet Quetigny – 6bis rue des Marronniers Beaune – 40 route de Savigny Chevigny-Saint-Sauveur – 26 route de Bressey Genlis – impasse Louis Pergaud Chenôve – 1 allée du Mail Is-sur-Tille – 1 rue général Charbonnel Venarey-les-Laumes – 2 route de Semur et ailleurs en BFC...

Des bonnes affaires, une bonne action ! Le Secours Populaire Français ne baisse jamais les bras et se mobilise encore et toujours pour déployer une solidarité universelle et inconditionnelle. « Je ne me fringue qu’aux friperies du Secours Pop’ » Kanye West



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