Sparse 11 (juin 2015)

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sparse www.sparse.fr • gratuit • à lire dans tes chiottes

sparse | numéro 11 | trimestriel | juin. juil. aou. 2015

guide moderne de la vie | gratuit

interview patrick sébastien : « 4 millions de gens qui me regardent, donc 60 millions qui s’en branlent » immersion en segway avec mon gang enquête cinémas à dijon : c’est le bordel ? typologie qui achète chez noz ? histoire toison d’or, terre maudite question qui tue c’est quoi un journaliste ? clash mâcon vs la bresse + santenay, le vegas du 21 bass elevator dijon diggers céline maglica auxerre is alive crash test rap genius les restos végétariens



édito. Salut c’est Sparse, Bientôt l’été. Tu attends impatiemment tes conseils beauté pour être sexy en maillot, bien épilé(e), gélifié ou maquillé(e) comme une bagnole volée pour aller au Calypso, le club qui pèse à Royan ? Il te faut le cahier vacances avec les p’tits mots fléchés, sudoku et autre horoscope sexo ? Je te comprends. Mais cette année, tu ne pars pas en vacances au soleil. Alors abandonne cette idée. Qui part encore en vacances au bord de la mer ? Sérieux ? On est pauvres. Tu vas lire Sparse parce que c’est gratuit. Et partir à Nevers, Mâcon, Chalon, Auxerre et même... Besançon... Parce que tu sais que désormais, Sparse y est dispo. Grande région coeur coeur. Et tu vas apprendre, au lieu de te pavaner inutilement sur une plage qui a reçu un peu trop facilement son « pavillon bleu » si je m’en fie à l’état de ta peau à ton retour l’an dernier. Pour ce numéro canicule, on s’est demandé ce que pouvait bien dire « journaliste », si on en était, si c’était la classe ou la honte, ou l’apanage de quelques-uns... On a fait un état des lieux des cinoches à Dijon, et c’est pas glorieux avec cette cité de la gastronomie qui peut tout faire péter. On te parle de cet insoumis de Pat’ Sébastien qui est presque devenu notre meilleur pote, mais aussi d’histoire, de musique un peu plus que d’habitude, de toi, et de ce petit quelque-chose en train de se créer entre nous. Rrrr... Coquin va.

Chablis Winston

« Je ne parle pas aux journalistes, mais vous, c’est pas pareil » Patrick Sébastien


sommaire

ours Ce magazine est édité par Sparse Média. Siret : 750 725 806 00012 - APE : 9499Z www.sparse.fr - contact@sparse.fr Directeur de publication Pierre-Olivier Bobo rédacteur en chef Chablis Winston (Antoine Gauthier) Contributeurs Aurore Schaferlee, Arthur Gérard, Baptiste Binet, Chablis Winston, Chloé Cloche, Coline Roos, Franck Le Tank, Géraldine Baby, Jérémie Barral, Jeff Buckler, Julian-Pietro Giorgeri, Léa Singe, Lilian Elbé, Louise Vayssié, Ludo Machin, Germain Arfeux, Martial Ratel, Martin Caye, Mr. Choubi, Nicdasse Croasky, Nicolas Boeuf, Niko Vayssié, Simon Galley, Sophie Brignoli, Tonton Stéph, Valentin Euvrard, James Granville forever Direction artistique internetinternet

PhotographIes Vincent Arbelet, Alexandre Claass, Louise Vayssié Illustrations David Fangaia, Hélène ‘Microbe’ Virey, Mr. Choubi, Pierre Roussel, Estelle Vonfeldt, Charlie Suchaut

amuse-bouche 3. édito 6. guestlist 8. CONTRIBUTEURS 10. COURRIER DES LECTEURs 12. the pulitzer sessions 13. SHOPPING 14. RETOUR SUR les dernières semaines interview 16. patrick sébastien donne tout immersion 20. en segway avec mon gang question qui tue c’est quoi le journalisme ?

28.

quoi de neuf à l’étranger ? auxerre is alive 36. mâcon vs la bresse 34.

enquête 40. cinémas dijonnais : le bordel ? portrait 44. ma collection de disques est plus grosse que la tienne saga la folle histoire de rap genius

48.

la page mode 50. le zoo typologie le client de noz

52.

diaporama le vélodrome de dijon

DÉVELOPPEMENT COMMERCIAL Romain Calange, Christophe Tassan

54.

STAGIAIRE Coline Roos

58.

COMITÉ DE RELECTURE Aurore Schaferlee, Chantal Masson, Léa Signe, Marion Godey, Coline Roos, Valentin Euvrard, Louise Vayssié

roman-photo 62. nicdasse et nasser Al-Khelaïfi

Couverture En segway, place de la Libération, Dijon Photo : Alexandre Claass - merci à Mathias Reynoird Imprimeur Chevillon Sens Dépôt légal : à la sortie du magazine ISSN : 2260-7617 La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, cellesci n’engagent que leurs auteurs. Tous droits réservés © Sparse 2014-2015 Merci à nos partenaires et annonceurs, ainsi qu’à toutes celles et ceux qui ont permis la réalisation de ce numéro.

la cuisine de sparse so fish : barbecue girly 60. foodage de gueule : restos veggie

immersion 66. santenay : le vegas du 21 welcome to my hood 70. toison d’or : terre maudite médias bourgogne franche-comté 2.0

74.

tribune 76. demain ne meurt jamais Dessert 80. LA SÉLECTION MUSICALE D’ARTHUR 81. CRASH-TEST 82. CARTOGRAPHIE


en côte-d’or

on a plein

d’amis !

#lacotedorjadore Rejoignez Côte-d’Or Tourisme sur les réseaux sociaux et partagez nos envies www.cotedor-tourisme.com Le blog : www.une-annee-en-cotedor.com

Conseil Général www.cotedor.fr

Côte-d’Or Tourisme

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guestlist PAR la rédaction photos : DR, simon nicolas

Bass elevator

LP 8 titres (vinyle), dispo chez Twam Production www.basselevator.com

manou comby

Directeur de la Rodia scène de musiques actuelles à Besançon

Allez, on te file quelques bâtons de TNT, tu dynamites quel bâtiment de ta ville chérie ? Ils sont où les bureaux de Sparse ?

19h. Apéro. Kir ou demi ? Un Kir, of course, mais avec un bon vin mousseux de la maison Pignier.

Ton festoche préféré dans le coin ? Le Tribu Festival.

Ton festoche préféré dans le coin ? Azimut, à La Pesse dans le Haut-Jura : deux jours de musique et ça finit sur un grand marché pour se refaire une santé.

Si tu devais rester en Bourgogne cet été pour les vacances, tu trainerais où ? Au lac des Settons dans le Morvan. En plus c’est là qu’on a fait notre premier live (Sun festival en 2010). Cite-nous deux restaurants que t’aurais envie de défendre ? Le Dents de Loup à Dijon car il y a le meilleur cuisto de la ville, qui cuisine avec amour et avec des produits locaux ! Et puis l’Arp Café, car c’est le seul vrai resto italien tenu par un vrai Italien, qui parle italien et qui te sert le café... oui t’as compris, à l’italienne. Va bene così ! Le cinéma Eldorado est dans une belle merde financière apparemment. Une idée pour les aider ? Diffuser le nouveau Mad Max ? En VO bien sûr... La Vapeur fête ses 20 ans : ton meilleur souvenir là-bas ? Jannick Top et son STS en 1998 ; les soirées Tabazdru à la fin des années 90 ; HOAX le fameux jeudi 29 février 1996 ! Sinon, en tant que musicien, c’est quand on a gagné le tremplin des Eurocks avec Free’s B en 2006, c’était ouf !

T’as besoin de sortir décompresser avec des potes : tu vas où ? Au circuit de DijonPrenois boire des bières en regardant des bécanes tourner en échappement libre. Si tu devais bouger en Bourgogne cet été pour les vacances, tu trainerais où ? À Vézelay pour me calmer les oreilles après la virée à Dijon-Prenois. Pourquoi les habitants de Besançon sont-ils si jaloux des Dijonnais selon toi ? Bêtise et crétinerie. Pourquoi les Dijonnais se croient-ils plus balaises que les Bisontins selon toi ? Crétinerie et bêtise. À ton avis, est-ce que les Franc-Comtois auront l’autorisation d’avoir un passeport bourguignon ? Oh ben non, on est en train de monter une imprimerie clandestine entre potes.

Bon, et c’est comment les nouvelles Tanneries ? Super clean !

Avec son aéroport, est-ce que c’est pas Dôle la vraie capitale de la Bourgogne Franche Comté ? Bon Dieu, mais c’est bien sûr !

Invente un nom de rue qui n’existe pas encore à Dijon. Rue de la Légalisation.

Ton musée ou galerie d’art préféré ? C’est pas ici, mais en Suisse.

Au fait, tu lis quoi comme presse locale toi ? Les trucs de bobo genre Sparse...

Un bon plan resto ? Le Cornemuse à Arleuf (58) et La Terrasse à Avanne (25). 6

céline maglica

Conseillère départementale de Côte-d’Or

T’es plutôt bal des pompiers ou concert de rentrée ? Les deux ! L’un sent l’été, l’autre la rentrée. Mais ce sont deux événements populaires que j’apprécie. C’est qui le meilleur DJ ou groupe en ce moment dans le coin ? Euh... J’ai deux enfants en bas âge alors le meilleur groupe du moment… Je peux en revanche vous conseiller d’excellents épisodes de Barbapapa ou de Tom Sawyer ! On se pose plein de questions ultra importantes : pourquoi le tram dijonnais est de couleur cassis ? Pourquoi celui de Besac’ est bleu ? Autre question : la droite voulait remettre des voitures au centre-ville et transformer le Zénith en foire à bestiaux. Aurait-elle repeint le tram en bleu si elle avait gagné ? La dernière fois qu’une personnalité politique t’a rendue fière et heureuse ? Christiane Taubira me rend fière d’être une femme et fière d’être socialiste à chaque fois que je l’entends parler. Mais elle m’a particulièrement marquée lors d’un de ces discours à l’Assemblée Nationale le jour du vote sur la loi pour le mariage pour tous. T’as besoin de sortir décompresser avec des potes : tu vas où ? À l’Industrie bien sûr ! Simplicité, chaleur humaine et équipe très accueillante. Puis Marco Polo pour une bonne pizza. Et Chez Nous pour un dernier verre… Et pour refaire le monde ! Tu crois que les mecs qui ont braqué les Géant Casino de Dole, Montceau et Fontaine avaient le film de Scorsese en tête ? En tout cas, pas son génie.



contributeurs PAR chablis winston photos : DR

Louise Vayssié Louise te ferait passer Sim pour Georges Clooney, un nerd de 13 ans pour Steve Mc Queen, et M. Pokora pour un mec viril. Comme elle a une grosse influence sur la rédac’ de Sparse, elle nous a obligé à embaucher son frère, le Mâconnais. Sinon, elle menaçait de balancer toutes les photos de nous qu’elle a en stock. Et elle en a un paquet. Même de la soirée chez la Gigi au Noël 2006...

Niko Vayssié Nicolas vit à Mâcon. C’est notre correspondant là-bas. Il est donc le seul Mâconnais à ne pas rêver de vivre à Lyon, à ne pas se prendre pour un Lyonnais et à se rendre compte qu’il y a quelque chose au nord. Et de l’autre côté de la Saône. Il s’applique à faire comprendre à tous qu’aimer le ska ne veut pas dire être un ouachon, et que la monodread ne se porte pas pour ce style de musique, ou loin de lui. Message to you rudy.

Géraldine Baby Cannes, Berlin, Sundance, Venise, Dauville, Dijon. Les cahiers du cinéma, Première, Hot Vidéo, Sparse. Pierre Tchernia, Christophe Carrière, Robert Ebert, Daniel Toscan du Plantier, Géraldine Baby. Géraldine vient de la Bresse, c’est donc tout naturellement qu’elle emmerde Niko Vayssié.

Ludo Machin Certains correspondants prennent plus de risques que d’autres. Certains vont à Cannes, d’autres en Ukraine. Ludo est là pour nous prouver que l’Yonne n’a pas été créée uniquement pour apporter du faits divers à la presse nationale et n’est pas que le déversoir à dégénérés de la région parisienne. Certains y vivent et ont un casier judiciaire vierge. Certes, en général ce n’est pas un choix, ils ont été placés là par leurs employeurs car punis. Et quand ils s’en iront, ils seront blindés à vie. Jeff Buckler Jeff est anthropologue depuis plus de quelques semaines. Pierre Bourdieux se réclamait de l’école bucklerienne, et ça se ressent. Regard affûté et d’une tendresse extrême sur les errements de sa génération, Jeff a le devoir de vous informer sur qui est qui. Et pas un autre. Parce qu’il y en a qui se planquent... Et Jeff les reconnait. R.A.B.

Martin Caye Martin est journaliste. Il fait de très bons papiers. Vraiment excellents. Si, si, j’insiste, parce qu’après il va nous demander pourquoi on insinue que ça pourrait ne pas être le cas. Merci Martin. En plus, il les rend à temps. Ficelés comme on aime. Mais vraiment dans les temps, quand il faut. J’insiste. Merci Martin. Et le mieux, c’est qu’il écrit TOUS les articles qu’il a prévu d’écrire. Tous, j’insiste. Merci Martin.

Pierre-Olivier Bobo L’homme au patronyme/pseudo revient fraîchement de New York où il a fait du business. Et ne redescend pas. Gluten free, post hip-hop et saloperies de chemises à carreaux. Il a confondu car il sait grâce à Sparse que Dijon non plus ne dort jamais... Non Pierre-Olivier, ce n’est pas Martin Scorsese devant toi, mais Alain Millot, le Maire de la ville. « I want to be a part of it, Dijon, Dijon ! »

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SERVICE CIVIQUE

ICI l onde ´ ICI l onde ´ ICI l onde ´ ICI L ONDE musIque ´ musIque musIque MUSIQUE Art Au Centre d ´ Art Au Centre d ´ Art Au Centre d ART AU CENTRE D ´ ´ le ConsortIum leLE ConsortIum ConsortIum le CONSORTIUM — dIjon — dIjon — dIjon — DIJON AVrIl—juIn. 2015 AVrIl—juIn. 2015 SEPT.—DÉC. 2015 AVrIl—juIn. 2015


courrier des lecteurs

Merci pour toutes vos lettres d’amour ou d’insultes. ÉCRIVEZ-NOUS : CONTACT@SPARSE.FR

Réponse de la rédaction Reste toi même... Non, je déconne. G.H.B.

« Salut les trop cools, La meuf que j’essaye de serrer vous cite comme modèle de virilité. Vous avez un petit conseil à me donner pour marquer quelques points ? » DAVID, MONTBARD (21)

« Bonjour Messieurs Dames, J’ai remarqué que les excellentes collaboratrices de Sparse, rédactrices, illustratrices, étaient souvent reléguées au second plan laissant à l’ego et aux blagues machistes du personnel masculin les lumières de la célébrité. Pourquoi ? » Mireille, Quetigny (21)

« Bonjour les bourgeois, Dijon capitale, ça me fait bien rire ! Capitale de l’arrogance, ouais. Maintenant, on va être obligé de faire 80 bornes de plus pour déverser du purin sur le conseil régional. » André, Bouclans (25)

« Wesh, J’ai bien regardé, mais il n’y a aucun membre de Sparse en photo dans le Mag de la nuit du mois de juin. Est-ce à dire que vous n’avez aucune influence dans cette ville ? Guy, Longvic (21)

Réponse de la rédaction Mais on n’a rien demandé nous. Juste Dijon c’est plus grand, c’est plus central et y’a plus de pognon. Faut accepter. Nous on avait proposé Dôle capitale. Juste pour le fun. Y’a déjà l’aéroport.

Réponse de la rédaction Regarde mieux Guy, je crois qu’il y a Tonton Stéph et Valentin Euvrard au Shooters vers la fin du mag’.

« Salut les superbosseurs ! Quel plaisir de retrouver tous les trimestres des nouvelles de mon petit chez-moi ! Je me régale, parce que c’est pas tous les jours qu’on déconne ici. Tout le monde se moque de moi. Je pense que je vais bientôt revenir. » François, Paris (75)

« Hi guys, Comment pensez-vous qu’il faille faire comprendre au maire de Chalon-sur-Saône, Gilles Platret, que sa petite vanne sur la supression des plats sans porc dans les cantines a été modérément appréciée, et qu’il est temps de s’excuser platement ? Alain, SAINT-Christophe-en-Bresse (71)

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Réponse de la rédaction

C’est à elles qu’il faut le demander. Je ne vois pas ce que vous voulez dire Madame.

Réponse de la rédaction Tu l’as cherché François. Ne compte pas sur nous pour te défendre sur ce coup-là. Si tu reviens, tu es sage. Et tu n’embêtes pas ceux qui travaillent déjà...

Réponse de la rédaction Ah ouais mais nous aussi on a cru que c’était une vanne tellement c’est gros ! Non, il a vraiment fait ça ? Retirer les menus sans porc au nom du « principe de laîcité » ? Sans déc’ ? Sale. Le Robert Ménard Bourguignon.



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Renault Fuégo GTS bon état général, pneu neuf à l’avant, 167.000km (2.000€ à débattre) Idéal pour se garer place du Marché le samedi soir, entre les Porsche Cayenne et autres Nissan Qashqai du Dijon qui compte. → Merci de contacter la rédaction.

Noeud papillon en soie (70€) Ce noeud papillon en soie, décliné en deux coloris, est un accessoire incontournable pour assurer une allure dandy chic. Ou pour signifier à qui de droit que tu n’es qu’une insignifiante petite baltringue. → The Kooples, rue du Bourg. 70 euros sur ton Smic. Brrraahhh !

shopping PAR TONTON STÉPH Ton mag’ te rencarde sur les meilleures affaires dénichées dans l’agglomération

Plaque funéraire (179,90€) Plaque Altu transparente sur socle avec un bronze en granit avec strass « Swarovski » permettant la pose de quatre messages en bronze (noncompris). Dimensions : 30 X 20 cm, épaisseur 12 mm. Offre-lui du Swarovski, il n’est jamais trop tard. → Roc’eclerc, 17 rue des Chalands, 21800 Quetigny

Lunettes de myope (2,40€) Lâche tes Wayfarer et suis la recommandation de l’enseigne sur son site : « À coup sûr vous aurez un regard de braise ou look de premier de la classe ! » Heinrich Himmler likes this. → La boîte à Malice, 88 rue d’Auxonne.

Bière Baltika 1 litre (2€) Qui a la plus grosse ? Tu vas enfin le savoir avec cette maxi bière Baltika 1 litre. Seulement 4,8° de fraicheur. À boire bien tiède. Laisser reposer après ouverture. Une bonne journée. → Miks Market, épicerie russe, 25 rue Daubenton, Dijon *L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

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ce qu’il ne fallait surtout pas rater ces dernières semaines

par TONTON STÉPH, CHABLIS WINSTON & julian-pietro giorgeri

Jeudi 19 mars On commence très fort avec cet homme et son fils, du côté de Nantes, qui volent 400 litres de jus d’orange à la société Bric-Fruit. Motif invoqué : « pour boire ». Même quand tu vas chopper trop de Paquito à l’Inter, t’as un peu honte mais c’est toujours pour ta Zubrowska hein.

Lundi 13 avril Rien ne va plus du côté des autorités chinoises, amenées à créer une liste noire de leurs propres touristes, accusés de comportements anti-sociaux à l’étranger. En vrac, certains auraient fait sécher leur linge au beau milieu d’un aéroport, déféqué en public ou donné des coups de pieds dans une cloche, dans un temple. Méfiance donc, du côté de la rue des Perrières à Dijon.

Samedi 21 mars Florissimo bat son plein. La Guyane en plein dans ta ville ! Forêts équatoriales luxuriantes recréées exprès pour que les Dijonnais désargentés aient tout de même un soupçon de tropique dans leur vie de brouillard – c’est d’ailleurs un jour de pic de pollution. Passe à la caisse ducon : 20 euros l’entrée, 17 euros pour les chômeurs.

Mercredi 15 avril Gros coup de pression sur la délicieuse page Facebook Spotted Dijon Centre Ville, une demoiselle domiciliée vers Wilson n’y allant pas par quatre chemins : « Tu préfères regarder le PSG-Barça plutôt que de venir me voir ? Sache que si tu viens pas ce soir quelqu’un se chargera de rentrer dans ma surface ! »

Mercredi 25 mars On apprend que le Chat Noir a organisé une séance de job dating pour 150 candidats aux métiers de l’hôtellerierestauration. C’est bien, comme ça, la boucle est bouclée : Kévin choppe son boulot dans sa boîte favorite, et pourra aller claquer son SMIC hotellier à la fin du mois au même endroit. Fais péter le Moët !

Vendredi 17 avril Qu’est-ce qu’il va bien pouvoir faire de tout cet oseil ? Suggestion : l’ancienne tablette tactile du pape, mise en vente à 30.500 dollars. Autre suggestion : aider la municipalité de Seurre (21) à se procurer, comme elle le souhaite, des caméras de vidéo-surveillance pour filmer le rien. Ouais, il se passe à peu près que dalle, là-bas.

Dimanche 29 mars La droite et l’extrême-droite célèbrent leur triomphe sur les départements. Ils n’ont toutefois pas eu la Nièvre, dont on ne se moquera pas ce jour-là pour une fois. Sans lien apparent, quoique, un côlon géant est installé Place de la Rép, mais à Paris, dans le cadre de la lutte contre le cancer. Même qu’on peut le visiter.

Dimanche 19 avril Pharmacies de garde. Jusqu’à 23 heures : Pharmacie Barbier, 28 rue Monge ; Pharmacie Sari, 1 place Galilée ; Pharmacie Notre Dame, 9 place Notre Dame.

Vendredi 11 avril Kaaris était au Carré. Après avoir copieusement insulté leur génitrice sans aucune raison apparente, le streum n’a pas rechigné à faire des selfies avec une floppée de babtous fragiles, ravis d’atteindre si tôt dans leur vie leur instant wahrolien. Ils pouvaient rentrer des étoiles plein les yeux dans leur piaule résidence Mansart, où se jouait une espèce de Top Chef organisé par la Smereb. Une journée pleine.

Jeudi 23 avril C’est vraiment une gageure que de se demander où se situe l’extrême-droite la plus débile du monde tant c’est une incroyable compet’ qui s’est engagée depuis les années vingt. Aujourd’hui, c’est un Néerlandais qui se démarque, en demandant aux immigrés marocains de « rentrer chez eux, à Istanbul ». Et s’il rentrait chez lui, à Nuremberg ? Quelques jours plus tard, des milliers de migrants, dont des enfants, périssent noyés au large de l’Italie. 14


Lundi 18 mai Si à l’aise dans cette Ligue 2 douillette, le DFCO apprend qu’il pourra y rester tranquillement, car l’année suivante, seules deux équipes pourront monter dans l’élite. Pendant ce temps, en Iran, une émeute intervient alors qu’un club fête un titre qu’il n’a pas gagné.

Vendredi 24 avril Ah mais on a les mêmes dégénérés vers chez nous... Ça se passe à Nuits-Saint-Georges : des autocollants de faf collés sur un kébab de la petite ville de la côte. Si les identitarés pouvaient rentrer chez eux, en 1940 à Vichy, qu’ils n’hésitent pas.

Jeudi 21 mai

Dimanche 26 avril

Grosse ambiance dans le bassin d’Arcachon, le casting de Camping 3 dégénère : plus de 3.000 personnes se sont présentées à La Testede-Buch (Gironde). Insultes et gifles ont été échangés dans la foule. Tout ça pour partager l’affiche avec Patrick Chirac de Dijon. Camping toujours, deux familles toulousaines sont interpellées partant faire le djihad en camping-car.

Une belle journée que celle où le brillant maire UMP de Nice, Christian Estrosi, t’apprend que « la troisième guerre mondiale est déclarée », celle de « l’islamo-fascisme », lequel constitue en France une vériable « cinquième colonne ». Le même jour, une mosquée est incendiée à Mâcon.

Mardi 5 mai

Lundi 25 mai

Tribunal correctionnel de Dijon. Condamné à 6 mois avec sursis pour avoir tenté de toucher des jeunes, un moniteur se défend : il est atteint de sexomnie. Pendant son sommeil, il fait des choses sexuelles sans s’en rappeler. Somnambule du sexe. Visiblement, ça n’a pas dupé les juges.

L’instant Captain Obvious du jour sur Twitter : David Lanaud du Gray @ddldg : Ah #Cannes #PalmeDor #GrandPrixDeMonaco #RolandGarros... C’est quand même différent des #FêtesdeLaVigne de #Dijon ! :)

Jeudi 28 mai

On apprend qu’à Plombières-lès-Dijon, le dispositif “Participation citoyenne” est mis en place « afin d’apporter une action complémentaire et de proximité dans la lutte contre les phénomènes de délinquance » Ah oui, la milice.

Jeudi 7 mai Thierry Braillard était à Dijon. Ouais mon pote ! Thierry Braillard himself. Tu sais pas qui c’est ? On s’est renseignés parce que nous non plus. C’est le secrétaire d’État aux Sports. Prends ça, David Douillet ! Thierry est en plein plan com’ Il va aller loin.

Vendredi 29 mai

« Je vais quand même pas me taper Julie Pietri ». Pour justifier sa préférence pour les jeunes filles, Jean-Luc Lahaye n’est pas très classe avec sa collègue de la tournée des has been... Julie porte plainte. Jean-Luc s’excuse, mais Julie veut quand même le pognon. Tu commences à connaître le chemin du tribunal Jean-Luc, non ?

Mardi 12 mai Tribunal correctionnel d’Auxerre : ... Non, trop trash, on ne peut pas le dire...

Lundi 2 juin

Vague bleue marine : l’Association Dijon Centre publie une vidéo montrant la saleté et l’insécurité légendaire de la ville au travers d’image de punks à chien et de zikos des rues. Puis la retire des Internets. Dijon, ce coupe-gorge... Allez-y les gars, créez une milice, comme à Plombières. Permis de port d’arme pour tout le monde ! Pendant ce temps là, Jackson Richardson est nommé entraineur du DBHB : la Jam’, c’est place de la Rép’, gros !

Vendredi 15 mai États-Unis : elle accouche de soeurs jumelles, de pères différents. Sinon, ce soir, le club libertin de Chenôve La Dérobade propose une soirée Tout est permis, soit un honteux plagiat de la plupart des soirées médecine et ESC de l’agglomération ? 15


« Attends, on voit bien mon pendentif guitare, là ? Non ? »


interview par chablis winston et baptiste binet photos : louise vayssié

Héros populaire pour les uns, beauf de la République pour les autres. On regarde ses émissions et on écoute sa musique que lorsqu’on y est obligé, mais on ne pouvait pas refuser la proposition de rendez-vous avec un des personnages les plus clivants et bankable du PAF. Surtout qu’il ne « parle pas aux journalistes, mais avec vous c’est pas pareil ». Bordel, Patrick Sébastien... J’allais mater les émissions de ce mec en douce chez les voisins parce que mes parents refusaient « Sébastien, c’est fou ! » à la maison. Le pote de Jacques Chirac et de Paul Préboist. Le petit bonhomme en mousse. Les clubs échangistes. La coupe d’Europe de rugby, le tout saupoudré par la récente polémique de la fameuse « petite pipe » qui lui vaut un clash avec une ministre.

« Je peux monter une secte dès demain si je veux » C

omme prévu, Patrick Boutot AKA Patrick Sébastien est beaucoup moins « tonton beauf » que son spectacle (une succession de chansons de mariages et de vannes de cul bien grasses). Son image médiatique ne peut le laisser penser. Et il assume tout : la futilité, la télé, la politique, les bouquins, le sexe et les haters en tout genre. Il nous parle d’humanité pendant une heure et semble y croire. Patrick aime les autres et ils le lui rendent bien. Patrick s’aime et il se le rend encore mieux, sans même donner l’impression d’avoir trop le melon. Force est de constater que Patrick Sébastien est en paix avec luimême. Rencontre fleuve avec un monstre du

show business qui s’en tamponne de la critique parce qu’il peut se le permettre, mais qui prend soin d’y répondre, parce que ça l’agace un peu quand même.

Ce qui nous intéresse et ce qui nous étonne, c’est le personnage Patrick Sébastien. Comment ça peut durer depuis 40 ans malgré le fait que tu te fasses dégommer par les critiques… Pas malgré ! Grâce ! J’ai eu 14 ans en 68, je suis plus rock & roll que certains soitdisant rockeurs. J’ai une formation littéraire, je voulais être prof de philo, je me suis toujours attaché à ma liberté et à me battre contre les idées reçues. Mais j’ai choisi exprès la futilité, et c’est une question de plaisir. « Il est vulgaire, 17

grossier ». Si ça les amuse, ça me dérange pas. Mais toi, être le beauf de la République, finalement, tu joues le jeu... Ça dépend de ce que tu mets dans beauf. Moi je suis un mec qui ne se lève pas au saucisson, je ne bois pas, je me drogue pas, j’ai pas besoin de tranquillisant parce que j’ai cet équilibre, et que je fais ce que j’aime : le cul. Je suis pas un obsédé, j’écris un bouquin dessus, je suis juste quelqu’un qui s’y intéresse, je suis un humaniste. Ceux qui gueulent le plus, c’est ceux qui ont le plus gros problème à ce sujet, j’ai pas d’inhibition, rien. J’arrive à 62 piges avec la santé. Malgré mes 2 paquets par jour, j’ai une bonne situation sociale, j’ai la santé, que veux-tu de plus ? →


« Personne ne m’impressionne, personne ne me fait peur. Les mecs qui me tombent dessus, je les prends tous, bille à bille, on prend un sujet et on parle »

Toi, tu es libre parce que tu es super populaire, tout marche pour toi, les audiences… Moi j’ai le record d’audience avec le Grand Bluff à l’époque (one shot diffusé sur TF1 où Patrick se déguisait pour piéger de la star, ndlr). Mais quand je fais 4 ou 5 millions avec Le Plus Grand Cabaret du Monde le samedi soir, ça fait 60 millions de mecs qui s’en branlent. Même The Voice, c’est un carton, ils font 6 millions, ça fait 60 millions qui s’en branlent. Je cherche pas à acquérir du public, je cherche à ne pas décevoir le mien ! Je suis pas là pour donner et montrer « regardez comme je suis talentueux », je viens là pour partager, et je fais pas ça pour attirer le plus de monde possible, je fais ces galas un peu partout en province pour être capable de faire des petites scènes vers chez moi de 100 places. Ça gagne pas de thunes mais ça permet l’équilibre. Je fais tout ce qui passe, ça marche ou ça marche pas, c’est pas grave je peux me le permettre. Si tu prends Jamait, Canteloup, Dupontel, je les ai découverts. Boon, aujourd’hui, il en prend plein la gueule parce qu’il a des sous. Il a gagné ces trucs, il le mérite. Albert, il est à part. Il est hyper talentueux. Le festival de Cannes, ça me fait rire ! J’ai pas fait

ce métier pour monter des marches mais pour descendre celles qui vont de la scène au public ! C’est pas la même chose. Toute cette parade, ces récompenses officielles… pour moi, c’est pas ça notre métier, c’est pas d’aller chercher une médaille, c’est d’aller apporter du bonheur aux gens et d’en recevoir en retour. Ton actu c’est aussi l’histoire de la « petite pipe avant d’aller dormir ». Dans la « petite pipe », il n’y a pas un seul gros mot ! Pas un ! Il n’y a pas de calculs derrière ça, à part mettre le doigt dans l’engrenage et voir où ça amène : sur l’hypocrisie. Je me compare pas à Gainsbourg, mais Les sucettes à l’anis, y’a pas un gros mot, double sens, c’est le cerveau de l’homme qui fait le lien. On me dit pour les enfants, c’est choquant. Deux visions : soit l’enfant sait ce que c’est et je lui apprends rien, soit il demande à son père et son père lui répond que c’est pour fumer du tabac. Les adultes prennent les enfants en otage de leur indignation. Ce qui s’est passé derrière, c’est que la secrétaire d’État s’est faite baiser. Elle était sur RTL pour une interview sur l’inceste et la pédophilie. Et Aphatie lui demande tel

quel : « À ce sujet, que pensez-vous de la nouvelle chanson de Patrick Sébastien, Une p’tite pipe ? » Elle répond : « Vous me l’apprenez ». Donc déjà, elle parle sans connaître. Elle s’emballe et dit que c’est limite incestueux. J’étais à deux doigts de lui faire un procès. La pédophilie, c’est un crime. L’inceste, c’est un crime. Y’a pas un mot qui parle des enfants ! Je regarde la Une de France Dimanche : PATRICK SEBASTIEN ACCUSÉ D’INCESTE PAR LA MINISTRE. C’est même plus la chanson, c’est moi. C’est vicelard. La gauloiserie, je veux bien… J’ai écrit une chanson pour lui répondre, je vais la chanter ce soir, je trouve que c’est plus sympa. Je trouve que c’est détourner les gens des vrais problèmes. Et puis tu regardes la télévision le soir, tu as des meurtres, des assassinats, tu as que ça ! Et quand c’est pas de la fiction, pendant un an, tu as eu l’affaire DSK au Sofitel au JT ! À une heure de grande écoute ! Et là, c’est moi. C’est de la suffisance. Je suis un humaniste. Je considère que chaque être humain est à égalité avec moi. Si je tombe en panne sur l’autoroute, je peux chanter ma chanson, ma voiture va pas redémarrer, et je vais avoir besoin d’un garagiste, tout homme que je suis, pour m’aider. J’ai 62 piges, j’imaginais pas faire le millième de ce que j’allais faire en débutant ma vie. Pour moi, le seul art dans la vie, c’est l’art de vivre. Philosophique le futile, tout ce qui se passe dans le monde, c’est génial pour l’équilibre. Moi, je prends rien. J’ai pas besoin de psy. J’ai pas besoin de cachets. Les mecs qui me tombent dessus, je les connais, ils en prennent des cachets, avec leurs doutes et leurs souffrances. →

« Oui, je sais, c’est assez impressionnant comme taille au premier abord »

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T’as pas envie de faire des trucs sérieux ? Si je fais des trucs sérieux, je les fais pas pour moi. J’ai écrit un téléfilm, j’écris un bouquin en ce moment, des pièces de théâtre. Je prends jamais de vacances, ce que je fais, c’est des vacances. Je fais des choses variées, je découvre des gens. Je fais pour donner quelque chose aux gens. Parfois, ce sera sérieux, des fois non. J’ai pas plus d’estime pour Intouchables que pour Rabbi Jacob. J’ai eu des émotions devant les deux, des différentes, mais il faudrait qu’il n’y ait que le grave dans le qualitatif ? C’est pas mon idée des choses. Tout ce que je prends, ça me fait une carapace, ça m’aide à bien vivre. Mais j’ai plein de chansons sérieuses. C’est tentant ! J’écris souvent la nuit. Il y a des gens accros à ma façon d’écrire. J’ai un style à moi, j’écris pas ‘papa’ avec 3 P ! J’ai mon analyse à moi, je suis pas Céline, mais je fais ce que je peux.

« Je suis resté à 16 ans dans ma tronche »

Justement, Lubsky* ? C’était l’étalonnage ! Tant qu’ils ont su que c’était pas moi, tu peux pas savoir les compliments que j’ai eu. Et après, silence radio. Ça change rien, je m’en bats les couilles. Je voulais expérimenter la schizophrénie. Voir jusqu’où je pouvais aller. On a arrêté le jour où je m’attendais dans mon propre bureau. Mais l’expérience est fabuleuse. Je suis un humaniste, l’humain passe avant tout, la sauvegarde de l’humanité est là, on va la détruire l’humanité avec le flicage. Je passe beaucoup de temps seul. L’image beauf : le beauf qui passe du temps seul à écrire, avec de l’eau à la campagne, y’en a pas beaucoup des comme ça. Ça m’amuse tellement que personne ne m’impressionne, personne ne me fait peur. Les seuls qui m’impressionnent sont ceux qui ont une générosité. Frédéric Dard, Mitterrand, Chirac, pour moi, c’étaient des grands hommes. Maintenant, on se fout à 4 pattes parce qu’ils ont de la thune ou parce qu’ils ont fait ci ou ça. Dard, il avait le même problème que moi : pour tout le monde, c’était la littérature de chiottes, de gare, de cul, et puis un jour, ils se sont aperçus que… Ce qui

m’intéresse, c’est que dans mon public, j’ai beaucoup d’handicapés par exemple, et je leur fais du bien. J’embrasse des gens à qui les gens, en haut là, ils ne serreraient même pas la main, parce que je sais ce que je leur apporte. Mes chansons à la con par exemple, elles apaisent les malades mentaux. Pourquoi ? On ne sait pas. Ils ont essayé avec du Céline Dion, tout, mais avec moi, ça fonctionne. La chanson populaire légère, on est le seul pays qui la traite de cette manière. En Espagne, en Amérique du Sud, ça fait partie du paysage. Le fossé, il est pas social, c’est qu’il y a une élite qui a décidé que les autres n’existaient pas. Tout le monde appelle à lutter contre le Front National. Mais pourquoi ils votent Front National, pourquoi ils rejoignent ? Parce qu’ils sont en marge et qu’ils se reconnaissent pas dans les autres partis. Moi, je pourrais pas adhérer en raison de mes valeurs humanistes, mais je les méprise pas. Ça m’intéresse pas, c’est pas mes opinions. Mais je ne critique pas. Ce sont les autres qui incitent à la haine, je comprends que les gens aillent vers ça quand ils ont rien d’autre. C’est dans une chanson de Jamait. « Je veux bien le dire mais je manque d’exemple ». C’est pour ça que j’adore ce mec, c’est pour ça que j’ai craqué sur un type comme lui, il m’a apporté ses chansons, j’ai racheté son album. Je te rassure j’ai pas gagné d’argent dessus, mais j’ai aidé un bon artiste à continuer et pour moi, c’est important. L’important, c’est les émotions. C’est pour ça que tu continues la scène ? T’es accro comme à la clope ? Je suis surtout addict à la vie. C’est-à-dire passer du tout au tout. Je peux pas vivre dans le contemplatif, je me tirerais une balle dans la tête sinon. Là je vais aller sur scène pendant 2h, je suis sous antibio, mais après les 2h, je vais être 10 fois plus en forme qu’avant le concert. Pour moi Paris, c’est un enfer, c’est les bureaux, les polémiques, j’y vais que pour le blé. Y’a aussi des jeunes dans la salle à tes spectacles ? Oui ! Même les jeunes ! Putain, si tu vis pas à 17-18 ans, tu vis quand ? Et les mômes se disent : y’a un mec qui vit comme nous. Je suis resté à 16 ans dans ma tronche. Mon premier gamin (Sébastien, disparu dans un accident de la route. Patrick avait pris le nom de Sébastien parce que son fils s’appelait comme ça, ndlr) devrait avoir 40, j’en ai un qui a 30 ans, une qui a la vingtaine et une dernière

« Liberté d’expression, ok. Mais pour qui ? Faut qu’on m’explique »

qui en a 7, ça a pas beaucoup bougé depuis mon époque. Quand tu as 17-18 ans, tu as envie de vivre. J’entends « Oh, les gamins, ils se shootent, ils boivent », bah, file leur autre chose comme perspectives ! Et lâche leur la grappe ! Ça se faisait déjà à l’époque. Oui, alors les conditions n’étaient pas les mêmes entre les booms et les skin party d’aujourd’hui. Mais ça, le portable là, c’est une connerie. Le téléphone ? Non, les réseaux sociaux là. J’ai un mec qui s’en occupe. Moi, je m’en sers que quand on m’attaque ou qu’on dit quelque chose de faux. Je diffuse le mensonge. Je suis parrain d’une association qui se bat pour l’enfance depuis des années. On a l’impression que t’es le pote de tous les présidents. J’étais pas le pote de Sarko. Non. Pour plusieurs raisons. L’amitié avec Chirac, je l’ai toujours eu, c’est une amitié corrézienne. Mon amitié pour Hollande, c’est exactement la même. Je dois être un des seuls qui a dû dire à ma femme : « Lui, dans 10 ans, il sera président de la République », et elle m’a regardé en disant « mais oui mais oui tu as raison ». On reste ami, on s’envoie des messages, Hollande, tout le monde l’a lâché. Mais un ami, ça reste un ami et quand il déconne, car pour moi il a déconné, il faut être là. Si tu renies ton ami la première fois où il est plus dans la lumière, t’es plus un ami. Je suis plus de la droite humaniste. Par contre, je me reconnais pas dans l’extrême gauche là, dans le partage, où les écolos, qui ont choisi un truc parce qu’il fallait dire quelque chose pour avoir le poste. L’écologie, ça devrait pas être un parti, ça devrait être dans tous les partis. Résistance, social, mépris pour personne, mais aussi le mec qui a du mérite, on doit pas lui rentrer dans la gueule. Le mec qui a des couilles de monter dans une F1, c’est normal qu’il ait plus d’avantage que nous, je suis pas jaloux, ni aigri. Y’a une branche socialiste qui est sur le dogme... La preuve avec la secrétaire d’État. →

*En 2007, Patrick Sébastien écrit La cellule de Zarkan sous le pseudonyme de Joseph Lubsky, soit disant ancien taulard. Il se rendra grimé en Lubsky sur le plateau de Laurent Ruquier.

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« Je voulais expérimenter la schizophrénie. Voir jusqu’où je pouvais aller. On a arrêté le jour où je m’attendais dans mon propre bureau »

T’as fait un peu de politique quand même. le Dard... Le Dard, c’était pas un parti, c’était un mouvement. Droit Au Respect et à la Dignité. Et depuis, j’ai entendu ça partout dans les campagnes. Et puis surtout, comme j’ai vu que je pouvais pas faire ça officiellement, parce que je me suis fait défoncer, j’ai tout fait pour que ça passe d’une autre manière… Mais moi, je fais juste des émissions. Maintenant, des discours, on les réduit à une phrase. Il faut que les politiques aient des couilles. Tout régime qui partira vers plus d’humanisme, je soutiens. Je trouve que Hollande se rapproche le plus de Chirac sur le plan de l’humanisme. En 1995, tu chantais Casser du noir sur du Bruel en imitant Jean-Marie Le Pen. Tu serais capable de le refaire ? Bien sûr ! Mais c’est la même histoire que pour la pipe. Mais j’ai été condamné en justice. Alors que j’ai fait ni plus ni moins que ce que font les Guignols tous les soirs sur Canal. Sur la condamnation ? « Patrick Sébastien n’est pas raciste, il n’a pas voulu l’être, mais les Français ne comprennent pas le second degré ». Ce qui est un jugement extraordinaire. Ils me prennent tellement pour un con qu’ils s’imaginent que je comprends pas. Mais je les connais ces gens-là. Même pas intelligents. Je les prends tous, bille à bille, on prend un sujet et on parle. On pourrait le faire. Je vais pas faire comme Michel Drucker, poser mon cul dans un fauteuil et faire attention à froisser personne. J’ai du respect pour Michel, hein ! Je prends des risques ! J’ai envie de me regarder dans la glace

« J’écris un livre sur le sexe. Là, j’en suis à la sodomie »

le matin. C’est pas une critique contre Michel. Mais juste un constat que j’ai tenu 40 piges en prenant ces risques-là. Parce que je les ai pris depuis le début. Et on faisait bien pire. Du Mitterrand en porte-jarretelles et tout. Je regrette. Tu sais que tu peux faire des trucs qui vont être coupés. Avant ils coupaient pas. Maintenant, tu es obligé de donner ta cassette avant et les patrons de chaînes, ils t’enlèvent le bout qui va pas. Ça revient aux mecs qui viennent te dire, comme chez Hanouna l’autre jour, qu’il fallait interdire ma chanson. Les mêmes qui ont manifesté le 11 janvier pour la liberté d’expression. Le problème, c’est qu’ils sont pour leur liberté d’expression. J’ai été plus que touché par ce truc abominable. Wolinski, c’était mon ami. Mais quand j’ai fait Casser du noir, c’est Charlie Hebdo qui m’est le plus rentré dans la gueule. Alors liberté d’expression, ok. Mais pour qui ? Faut qu’on m’explique. Pour certains, oui, et pas pour d’autres. J’ai pas une place énorme, mais juste une émission régulière. Je m’applique à ne pas faire de concours, je fais du cabaret. L’émission, c’est pas moi, c’est les numéros sur scène. Quand ils crachent sur l’émission, quand ils crachent sur moi, pourquoi pas, mais sur l’émission, c’est sur les meilleurs artistes du monde qu’ils crachent et sur le public qui regarde chaque émission. Quand je lance Les années bonheurs, je me suis écouté, personne en voulait et depuis, c’est une mode et ils font des tournées. T’as été joueur à bon niveau, président de Brive, t’es toujours dans le rugby ? Je continue de regarder. On a eu une aventure humaine forte, on va en finale européenne avec 8 millions

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de francs de budget avec Brive. Aujourd’hui, les budgets, c’est 30 millions d’euros. Je vais plus au stade depuis que j’ai vu un gamin balancer un « Vas-y, tue-le ! », je me suis dit que j’étais plus chez moi à Brive. C’est pas mes valeurs. J’ai appris à perdre. Quand on va en finale, c’est le capitaine de Toulouse qui vient me consoler. Après, c’est devenu un show, un spectacle. Pour moi, le Barça, ils le méritent. C’est un spectacle sublime. Le rugby, y’a des matches où tu te fais chier. Mais je vais continuer de suivre quand même. C’est les plus riches qui gagnent. C’était pas comme ça avant. →


Love on the beat.

Tu fais toujours ce que tu veux en fait ? La pire des choses qui pourrait m’arriver, c’est de me trahir. J’étais bâtard, ils me crachaient à la gueule, ça donne une fierté immense, c’est le côté gitan. Serrer la main, c’est une valeur. La parole, ça ne se trahit jamais. Mes amis, c’est des mecs déjantés. Des vieux voyous. Ils me remettent les idées en place. Ils me disent : « Petit, reste dans l’axe, qu’est-ce que tu t’emmerdes à les écouter ». Je peux monter une secte dès demain matin. Des gens me suivraient. J’ai des gens qui ont assez compris les valeurs, mon personnage, pour faire ça. Je suis là pour faire du bien. Et

c’est égoïste ! En leur faisant du bien, je m’en fais énormément. Quand tu as compris que 4 millions qui regardent, c’est 60 millions qui s’en foutent, t’es sur le bon chemin. Là, je fais mon bouquin sur ce que je sais du sexe, et qui s’appelle Sexa : tout ce que j’ai appris du sexe en 50 ans, en passant d’un bas milieu à un haut milieu, une sorte d’étude sociologique, parce que le sexe, c’est ça qui te permet de mieux connaître les gens. C’est un bouquin léger, mais en même temps sociologique et qui analyse les comportements, pas avec des médecins hein, avec des gens « sur le terrain ». Il sortira dans 21

un an. Je vais l’écrire, je vais faire des pages blanches à côté et le faire lire à une vingtaine de personne, histoire d’avoir des annotations en disant : « Ça c’est intéressant, ça j’ai compris, là j’aimerais savoir ça ». Là, j’en suis à la sodomie ! L’argent s’échange à distance. Les balles de fusil aussi. Les paroles également. C’est le seul truc où on est au plus près des gens. J’ai eu la chance de connaître des choses. Je préfère aller à la rencontre de quelqu’un que je connais pas, que d’aller voir un film, rester assis dans un débat. Parce que je vais vraiment apprendre quelque chose. // C.W. et B.B


Mi-bermuda, mi-pantacourt : le fameux ÂŤ bermucourt Âť. 20


immersion

segway to hell PaR franck le tank photos : alexandre claass ILLUSTRATION : Charlie Suchaut

« L’avenir du transport passera par le Segway ou ne passera pas ». C’est le genre de prosélytisme pompeux que d’illustres urbanistes pourraient nous déblatérer à l’occasion d’un colloque sur l’utilisation des jardins japonais en territoire urbain (crois-tu qu’ils l’ont fait Rémi ?) Et ils n’ont peut-être pas tort ; l’engouement pour le Segway ne cesse de croître malgré une sale réputation qui lui colle à la peau. Outre un problème récurrent de style, saviez-vous que le PDG de la marque, Jimi Heselden, a perdu la vie lors d’une « rando’seg’ » au bord d’une falaise ? On pourrait légitimement penser à une légende urbaine faisant les choux gras d’un concurrent motorisé, mais il ne s’agit que de la triste vérité de la nouvelle coqueluche des déplacements urbains. Comme on a l’amour du risque et comme le ridicule ne tue pas, j’ai essayé le moyen de locomotion le moins swag du monde, avec un casque en prime.

L

e Segway est un engin motorisé basé sur une technique de gyropode, l’inclinaison du corps en avant ou en arrière, permet de se déplacer avec la machine tandis que l’inclinaison d’un volant à gauche ou à droite permet de tourner. Il faut noter que cette technologie s’est fortement améliorée depuis la première génération de Segway, développée au début du 21ème siècle, qui embarquait avec elle une manette pour tourner à droite ou à gauche. Il en résulte une utilisation simplifiée à l’extrême de ce moyen de déplacement du « turfu » ; une extension, en somme, de nos membres atrophiés capable d’atteindre la coquette vitesse de pointe de 30 km/h. Hé ouais mon p’tit pote, tu lis bien, tu auras toi aussi la chance de tracer façon Ato Boldon, l’entraînement et la came en moins. I Sing it Segway. Dimanche 10 mai, le grand jour, après avoir réservé ma gâche la veille au soir, je me rends comme un seul homme à l’office du tourisme pour

ma rando Segway. Je vous rassure, comme pour chaque expérience de ce genre, je me répète une quinzaine de fois en arrivant sur place, mon sempiternel « qu’est-ce que je fous là ? » Entouré par des touristes helvètes et espagnols, j’écoute sagement les explications de Gueguet’, notre moniteur d’une courtoisie exemplaire. Après une brève introduction, nous allumons nos bolides, enfilons nos casques - safety first - et commençons l’initiation sur le tarmac de la gare. Malgré une utilisation simplissime - il suffit de monter comme une marche d’escalier sur l’engin - les touristes suisses arrivent à se rentrer dedans tandis que la grosse Espagnole manque de s’en prendre une superbe contre l’arrêt de tram. Pedrolito à ma gauche est un pilote émérite, il a à son actif plus de 26 heures de Segway et autant vous dire que le mec maîtrise le 360 degrés comme personne. Impressionnant. Quant à moi, mon équilibre légendaire et mon style racé sautent aux yeux ; je suis pétri de talent, le moniteur le remarque immédiatement et me prend comme référent 23

direct, je suis désormais le responsable de la queue leu-leu de Segwaytistes (un mot valise entre Segway et autiste). Je retournerai voir Pedrolito un peu plus tard pour en savoir plus sur son expérience en Segway, il est clairement le hardcore fan que je recherche et m’avoue qu’il a fait ses classes entre Strasbourg et Montpellier, deux villes qui proposent un service de Segway privé à des prix exorbitants (entre 30 et 40€ la session). Pour un coût de 12€ avec un « city pass » (permettant l’accès à 6 autres activités de la cité des Ducs), il est vrai que Dijon est bien placé sur l’échelle tarifaire. Après quelques minutes, même les moins douées (comme la grosse Espagnole) arrivent à se rassembler devant la gare. Deux randonnées sont alors proposées, nous avons le choix entre le parcours « street », c’est-àdire la visite culturelle du centre-ville ou bien la balade champêtre et plus casse-cou de la coulée verte (le Mad Max du Segway en somme). Le ter-ter fait l’unanimité, et rien de mieux que de s’afficher en Segway place Darc’ ma gueule. →


Abbey road.



Sons of Anarchy. Le cortège, il faut bien le dire, est assez ridicule, le moniteur nous met en garde : « Je n’accepterai pas deux Segway côte à côte », afin d’éviter toute collision entre nous, mais surtout avec le reste de la population ; ces saloperies de piétons que l’on peut désormais toiser grâce à nos 30 cm de hauteur de plus et un moteur qui bombarde. On sent bien que le rapport piéton/Segway va déjà poser problème. Effectivement plus on s’enfonce dans le centre ville de Dijon, plus on sent les regards pesants de la populace. Tandis qu’un vieux nous hèle, « ah tiens voilà les fainéants », la plupart des gens ont des regards moqueurs voire carrément des moues dégoûtées. La population n’est peut-être pas prête pour cette pratique avant-gardiste. Je décide d’en parler à mon nouveau srab Pedrolito. Pour lui, je suis dans le vrai. Les gens ont

développé un véritable antagonisme à l’égard de ce moyen de locomotion. « On est vulnérable sur ces engins, et j’ai peur des mauvaises gens (sic), qui veulent nous faire du mal » me confiet-il. Touche pas à mon Segway ! En tendant un peu l’oreille, je remarque également que cette histoire de PDG de Segway décédé est un sujet récurrent quand les passants voient notre cortège débouler. Je pense que tout cela n’apporte pas plus de capitale sympathie, mais plus un sujet de dérision supplémentaire à un accessoire urbain à la limite du risible. En fait, on a vite tendance à oublier cet aspect ridicule lorsque l’on est perché sur son Segway, on se prend vite au jeu même si les sensations ne sont pas du tout au rendezvous. Contrairement à la vitesse de pointe à 30 km/h que je vous annonçais plus tôt, le Gueguet’ a bridé nos bolides : 8.5km/h max pour éviter

« Le moyen de locomotion le moins swag du monde »

que l’on perde le contrôle en plein centre-ville. Du coup, on se traînasse sur les trottoirs et dès que l’on veut passer la seconde le guidon nous revient dessus pour nous indiquer la vitesse maximale ; sensation des plus désagréables pour un cruising digne de miss Daisy. D’ailleurs, la rando ne peut pas dépasser les 40 bornes ou 3 heures d’utilisation, sinon c’est la panne sèche. Heureusement que les batteries de voitures téléguidées se sont améliorées avec le temps… T’es complètement choco, ça marche pas sur l’eau, c’est pas fait pour le surf. En plus de nous brider, Gueguet’ me confie que l’utilisation du Segway par temps pluvieux est fortement déconseillée. Les touristes n’étant pas toujours très confiants, il serait dommage que la municipalité doive raquer pour un Hollandais mécontent à cause d’une glissade en Segway.Après la visite de la Chouette et le « p’tit parc » (mention d’ailleurs inutilisée par la mairie qui préfère l’appeler le Square des Ducs), on obtient le droit de faire du free ride, ou pratique libre pour le profane, pendant 5 minutes, histoire de prendre le plein de sensation sur la place de la Libération. Cela tombe à point nommé car la visite commençait sérieusement à me pomper l’air. Je pars donc tout schuss (toujours à 8.5 km/h, je précise…) sur la place. Je prends conscience que le regard narquois des gens change, j’ai l’impression de renaître tel le phénix et d’imposer ma grâce divine sur la place… Jusqu’au moment où je manque de me croûter après un slalom improvisé. Le moniteur me reprend directement, il est mécontent. Je prétexte un slalom imaginaire façon plateau du permis moto, mais je vois bien qu’à l’avenir il faudra filer droit… Après une superbe photo finish devant la mairie, il est grand temps de rentrer au bercail, notre heure « d’enjaillement segwayen » étant terminée. Un retour placé sous le signe de la morosité : nous devons rendre nos bolides à contrecœur. Bien sûr, nous pourrons toujours revenir faire le parcours « cross » sur la coulée verte ou nous acheter notre propre modèle pour la coquette somme de 6.000 €. Mais cela ne sera plus jamais pareil, on se souviendra toujours de la première fois, certes un peu gauche parfois, mais avec des sensations fortes et cette vision d’enfant… Le dernier 360 degrés sur le parking de la gare nous donne un goût de reviens-y, je vois même mes collègues helvètes sécher une petite larme en rendant leur bijou. →

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Mad Max : fury road.

« Santiags aux pieds, perfecto enfilé, poste crachant du ACDC : I’m on the Segway to hell »

Peur sur la ville. Je décide de rester avec Pedrolito pour approfondir la discussion autour du Segway et de son évolution. Une question me taraude, pourquoi ne possède-t-il pas son propre bolide ? C’est vrai, le mec chill à mort en Segway mais toujours en groupe et sur le même parcours, bonjour l’angoisse ! Il nous confirme qu’il ne se sent pas à l’aise seul sur le gyropode. Il ne fait pas confiance aux gens, comme ces jeunes qui pourraient l’agresser, ou les taquins qui l’embêteraient. Il a peur également pour les piétons et les poussettes qui pourraient souffrir d’une mauvaise manœuvre de sa part. Peur enfin des automobilistes qui peuvent surgir de n’importe où. « Il n’y a pas de frein sur un Segway, si le véhicule déboule à toute vitesse, on est en danger immédiat » Prends-ça enculé de fixie ! On voit une fois de plus que la place du Segway n’est pas encore bien définie dans le paysage urbain. Et même s’il est plébiscité

par les collectivités, on conçoit mal une utilisation personnelle de l’engin : « En plus du prix élevé, on ne peut pas cadenasser notre Segway, ça rend le vol plus facile ». C’est vrai qu’à partir de là ce n’est pas évident pour aller acheter son pain à la boulange. « En plus, il faut faire attention aux contrefaçons sur Internet, ils vendent tout et n’importe quoi ». Encore un coup des Chinois… Pour Pedrolito, l’évolution du bolide n’en est qu’à ses balbutiements. « J’ai eu l’occasion de me rendre à Strasbourg et en Allemagne, où la police les utilise déjà ». Selon lui, c’est un aspect positif qui permet la vulgarisation du Segway. « On l’utilise dans le cadre du marketing et le service de sécurité de la Toison d’or en ont aussi […] Ce n’est que le début ». Il n’a pas forcément tort, en marge d’une utilisation « oisive » (i.e. street marketing, tourisme de centre-ville), le Segway est également utilisé comme une alternative aux fauteuils roulants dans le cadre 27

d’invalidité (la pression sociale en moins du fauteuil roulant). Quid des compétitions aux X-Games dans quelques années ? Ou de l’émission Pimp my seg’ afin de personnaliser son bolide ? Le champ des possibilités parait infini… Plus sérieusement, autant au niveau de l’image et de cet antagonisme anti-Segway développé par une frange de la population, autant au niveau technique (essayez de descendre ou monter un escalier avec ce bolide), le Segway reste encore un gadget futuriste qui a du mal à trouver sa place pour une utilisation personnelle quotidienne. Et même si l’argument principal est louable, celui de développer un véhicule eco-friendly (puisqu’électrique et très peu énergivore) permettant de réduire le nombre inutile de trajets en voiture, est-il vraiment nécessaire de sacrifier 6.000 balles pour avoir l’air d’un con sur un Segway ? // F.L.T.


question qui tue

qu’est-ce que le journalisme ? PaR martial ratel, martin caye et pierre-olivier bobo illustration : david fangaia

Fleuron de la démocratie, avec le marché libre, la presse bien ordonnée a produit depuis le milieu du XIXème une catégorie professionnelle enviée, jalousée, critiquée, fortement fantasmée à l’intérieur comme à l’extérieur de la profession : le journaliste. État des lieux et enquête sur le quatrième pouvoir.

R

eporter en terrain de guerre ou rubriqueur des faits-divers, agencier à l’Élysée, petite main coupeur-colleur de dépêches, notable ou simple soutier de l’industrie, en 2014 ils étaient 36.317 en France à arborer le sésame : la carte d’identité des journalistes professionnels. La carte apparaît comme un gage de sérieux et de qualité, « d’objectivité ». Mais les autres ? Néorédacteurs du web 2.0, correspondants de presse à l’ancienne, auteurs pseudo gonzo ou vrais stylistes du « nouveau journalisme »... Tous ceux qui grattent du feuillet (1.500 signes) et qui sont recalés par la commission d’attribution, en quoi sont-ils moins journalistes que les autres ? Est-on bon avec une carte et un gros nul, un imposteur sans ? Est-ce une profession unifiée ? Qui es-tu journaliste ? Que fais-tu ? M’entends-tu ?

Assez souvent chez Sparse, une enquête démarre par notre nombril. En une grosse dizaine de numéros papiers et des centaines d’articles web, nous avons eu le temps de nous poser la question du journalisme. Souvent aussi, nous avons préféré ne pas nous la poser. Après tout, l’équipe fait le magazine par plaisir, dans un souci de partage avec les lecteurs, sûrement aussi par vantardise. Mais voilà, il nous faut prendre position. Sparse, ça ne serait pas du journalisme. Oui, admettons... Mais par ce refus, on tente tout bêtement de réduire l’intérêt, la portée de nos papiers. Dans l’équipe, certains refusent totalement l’étiquette de journaliste, d’autres ont (ou ont eu) leur carte. D’autres enfin aimeraient bien quand même

qu’on les prenne au sérieux, « comme des vrais ». Comme Jean-Luc Narcy, comme PPDA, comme Audrey Pulvar ?

« La carte, un étendard pour le métier »

Un tour dans la rédac de FRANCE 3 BOURGOGNE. Déjà, on vous affranchit sur la manière dont on obtient la carte d’identité des journalistes professionnels. « L’attribution de la carte dépend vraiment des données financières », explique François Latour, journaliste à France 3 Bourgogne, élu pour le Syndicat National des Journalistes et suppléant à la Commission de la carte de presse pour la Bourgogne - Franche Comté. « 36.000 cartes de presse sont délivrées chaque année en France. La plupart sont des renouvellements ». Alors, comment ça se passe ? Les dossiers sont vraiment examinés au cas par cas, puis envoyés à la Commission supérieure qui décide ou non de l’attribution du précieux sésame ? Procédé assez similaire à la carte de police, soit dit en passant. « On refuse d’office tous les dossiers qui se livrent plus à une activité commerciale qu’à du journalisme. C’est le cas de pas mal de magazines qui se spécialisent dans le 28

publi-reportage. On refuse également les personnes dont la rémunération est liée à l’édition ou aux droits d’auteur », poursuit François Latour. Petit tacle : «Bon, par exemple, pour Pascale Clark, outre le fait qu’elle ait découpé la carte de l’année dernière, il était normal qu’elle ne se fasse pas renouveler : la majorité de ses revenus sont liés à son activité de productrice. Encore une fois, c’est purement une logique de revenus ». D’emblée, François Latour précise les choses : « Aujourd’hui, la carte, c’est plus un symbole, un étendard, une sorte d’incarnation du droit et du devoir d’informer qu’ont les journalistes ». Niveau avantages, outre le droit de couper la file d’attente dans certains musées, la carte de presse donne apparemment droit à un abattement fiscal de 7.650€ par an. Toujours bon à savoir. Mais au niveau du métier, c’est surtout un bon moyen d’avoir accès à pas mal de lieux en tant que journaliste : stades, meetings politiques, etc. « Sur le terrain, on se fiche de qui a la carte et qui ne l’a pas », explique le journaliste. « On reconnaît tout de suite le chargé de communication ou l’attachée de presse qui tente de prendre trois pauvres photos avec son iPhone… » Il poursuit : « On ne la sort pas à tout va. Pas comme ces quelques étudiants de l’ESJ Paris qui ont tout fiers de bien afficher leur carte au cœur d’une manifestation pour ne pas prendre de coups pendant les échauffourées avec les CRS. Malheureusement pour eux, c’étaient des vignerons, qui se moquent un peu de la carte de presse. En même temps, c’était sacrément prétentieux de leur part… » On imagine sans peine l’anecdote. →


rédaction nationale. Bref, argument d’autorité (ressort journalistique ?), c’est quelqu’un qui sait de quoi il parle. Une fois passée la description officielle et administrative, Jérôme nous répond de manière quasi bourdieusienne sur ce qui fait le journalisme, c’est le modèle dominant de la caste-famille-corporation journalistique. C’està-dire ? En dehors de l’attribution sur critères précis, chiffrables et quantifiables de la carte, ce qui offre la qualité de journaliste, c’est la reconnaissance par les pairs. Une reconnaissance qui s’appuie sur une série de codes, de réflexes et de pratiques. Donc une série de fantasmes et/ou de représentations. Mais attention, nous précise-t-il, « pour moi, en tant que sociologue, il n’y a pas de vrai ou de faux journalisme. Il y a le journalisme tel qu’il est. Je n’ai pas de définition à imposer. Je peux juste constater ». Mince, nous on voulait une morale bien nette, histoire de ne pas ergoter...

« Il y a le journalisme tel qu’il est. Je n’ai pas de définition à imposer »

Droit de retrait. Aujourd’hui, la commission de la carte de presse est en plein questionnement : « À partir de quand fait-on du journalisme ? Est-ce qu’un webmaster ou un community manager, qui produit des contenus éditoriaux, mérite le statut de journaliste ? ». François Latour pose également la question de la situation à certains journalistes, notamment en PQR : « En théorie, un journaliste peut exercer son droit de retrait s’il estime que le sujet qu’on lui propose relève plus du publi-reportage que d’autre chose. Malheureusement, certains ne peuvent financièrement pas refuser ce genre de plans. Ce sont des choses que la commission de la carte prend en compte ». Alors, quid de la carte en 2015 ? « Aujourd’hui, la carte de presse est plus symbolique qu’autre chose. On peut tout à fait faire du journalisme sans l’avoir. De toute façon,

le journalisme n’est pas une science exacte. On l’apprend plus sur le terrain que dans les salles de classe des écoles ». Le sociologue a quelque chose à nous dire. Bon, maintenant qu’on sait comment avoir un abattement d’impôts, ça serait pas mal qu’on sache un peu mieux quelles pratiques se cachent derrière ce mot un peu fourre-tout de journalisme. Comment ils travaillent ? Avec quelles contraintes ? Pour quels enjeux ? On est allé voir Jérôme Berthaut, sociologue, prof à l’université de Bourgogne. Jérôme a étudié le journalisme sous toutes ses coutures : comme élève d’une école de journalisme à Strasbourg dans les années 2000 et comme objet dans son livre La Banlieue du « 20 heures », une étude en immersion dans une 29

Malgré tout, les représentations produites par les journalistes eux-mêmes « permettent de dénier le titre à toute une série de productions, de supports tout à fait honnêtes en terme d’information. Par exemple, les journalistes d’une petite radio associative qui ont la carte de presse ne doivent pas être perçus comme réellement journalistes par les rédactions d’information généraliste locales. Est-ce que Sparse est considéré comme un vrai journal du point de vue du Bien Public ? » La réponse, mes petits cocos, c’est pour plus tard. « En fait, il y a, nous résume Jérôme, dans toutes les rédactions une définition du journalisme. Et ce sont des luttes et des rapports de force pour imposer une définition du ‘bon journalisme’. Du coup, au Bien Public, il y a du ‘bon journalisme’, il y a des critères d’excellence formulés par les rédacteurs en chef, les responsables du journal. Et à Sparse aussi, vous avez vos critères ». De la Domination. Donc, on a tous nos représentations plus au moins dominantes (et c’est bien là le problème). Mais justement, qu’est-ce qui fait qu’on entre dans les schémas dominants ? « D’abord, il y a l’écriture. Moi, en tant que prof, je sais que je transmets à mes élèves de fac la manière d’écrire qui m’a été transmise dans mon école de journalisme, le solfège, pour une maîtrise des formats. Les grandes écoles de journalisme sont tombées d’accord sur des critères, c’est clair. Sparse, vous écrivez autrement, en dehors de ces codes-là ». →


Ce qui rend la production par ailleurs crédible aux yeux des confrères et du grand public, c’est le fait d’être repris par les autres. Une info est dans l’actualité ou non. Je vous passe la question de la temporalité de l’actu : est-elle chaude ou froide ? Est-ce qu’on traite dans un magazine après coup ou dans un journal en temps réel ? Non, là, on parle de ce qui fait l’actualité, cette série de sujets qui représente l’air du temps et qui s’impose partout dans tous les médias, dans tous les journaux, en même temps. Problème : « L’actualité, ça n’existe pas. À moins de dire que c’est un ensemble de thématiques que l’on doit respecter, qui sont traitées simultanément par des supports de presse ». Donc, pour éclaircir le truc, l’actu est faite par les médias qui, c’est un geste, un réflexe des grandes rédactions, se reprennent, se surveillent, se repiquent (en se citant ou non), traitent toutes ensembles les même sujets. Actu égale répétition du même. En dehors de l’actualité, des « bons sujets à traiter », point de journalisme. Et pire, il faut faire le même sujet que le voisin. Ça, Bourdieu, dans son bréviaire Sur la Télévision, l’appelait « la circulation circulaire de l’information ». On en reparlera plus loin avec Monsieur X, journaliste radio anonymisé, qui travaille au sein d’une rédaction dans une très grosse radio nationale.

« Ma cible attend à peu près ça de mon média, donc je dois faire ça »

On n’écrit pas comme des journalistes, on ne traite pas les bons sujets, nos papiers ne sont pas repris, recopiés ? Admettons. Mais quid de la sacro-sainte... objectivité ? Là, comme pour Tintin (reporter), dans l’esprit du grand public de 7 à 77 ans, ce qui fonderait le style journalistique, ce serait l’objectivité : un ton (tiédasse) ménageant la chèvre et le choux. Une écriture sans parti pris, ni pour ni contre bien au contraire, une écriture qui tenterait de gommer son point de vue. « On peut situer de manière précise l’émergence de ce style d’écriture. « L’objectivité arrive massivement des États-Unis dans les années 1950-1960. Avant, au XIXème siècle, la presse est une presse d’opinion. Les frontières étaient assez poreuses entre le monde des écrivains, des politiques. Souvent, les journaux servaient la carrière d’un élu local. Après les années 1920-1930, après différents scandales de presse, des luttes assez fortes apparaîssent pour protéger et moraliser la profession. D’où l’apparition à ce moment de l’idée de la carte de presse. Après guerre, avec les chiffres de vente des journaux qui sont en baisse, on importe de plus en plus les

logiques d’écriture américaine qui répondaient elles-mêmes à une logique économique. En gros, plus on fait un traitement fédérateur, en présentant le pour et le contre, plus on peut séduire à la fois les gens qui sont pour et ceux qui sont contre. En fait, les règles de l’objectivité sont sous-tendues par des logiques économiques ». C’est pour cela que chez Sparse, pour vous confier les secrets de fabrication, on parle de papier « honnête » ou pas, de grosse « feignasse » qui a fait ou pas un effort pour rédiger comme il faut son article, plutôt que d’objectivité. Ce que Jérôme Berthaut nous explique, c’est que la contrainte économique est toujours là quand on fait un média : le lectorat, mot qu’on peut convertir en « clientèle », annonceurs, propriétaires, copains... L’économie impulse la forme et le contenu du journal : le sujet n’est pas « vendeur », « concernant » (ça c’est le mot des rédacteurs en chef, partout en France, pour dire qu’a priori le sujet ne va pas vous intéresser, vous, lecteurs-auditeurs-spectateurs) donc le sujet a une grande place, une toute petite place ou pas de place du tout dans le canard. L’économie, dans la pratique journalistique, n’est pas une simple contrainte, évidente, banale. « Dans l’audiovisuel, de plus en plus les images faites à l’étranger sont tournées par des agences. Les journalistes vont plus rarement sur le terrain et dans les télé d’info continue, le boulot du journaliste consiste à assembler, coller, mettre en forme ces différentes images ». Correspondant vs secrétaire de rédac’. Pour terminer ce tour d’horizon sociologique et symbolique, il faut quand même évoquer le grand paradoxe des secrétaires de rédaction et des correspondants locaux. Les premiers ont droit à leur carte. Les seconds, non. Pourtant, dans nos représentations collectives, ce sont bien les seconds qui mériteraient le titre de journaliste. Les correspondants locaux représentent aujourd’hui une quantité non négligeable dans la fabrication de tous les journaux de presse régionale. C’est votre tonton, votre cousin habitant dans un village paumé qui collecte les résultats du club de foot du dimanche, va voir madame Michu quand elle a perdu son chat ou fait des photos de la classe de neige le soir du départ. Ce brave individu est payé non pas en salaire, mais est en quelque sorte défrayé, c’est « du bénéfice non commercial » pour les impôts. C’est une économie énorme pour un journal comparé aux salaires des journalistes. La somme n’est pas bien élevée : les tarifs peuvent varier entre 10 ou 35 euros le papier, selon le journal. Les gens font du terrain, pas toujours sur des sujets passionnants, mais vous admettrez que l’image d’Épinal du journaliste les pieds dans la boue à côté du panneau de foot leur correspond bien. Le secrétaire de rédaction, quant à lui, reçoit le papier du correspondant, corrige les 30

fautes, met en forme l’article. Tout cela au siège du journal. Et obtient in fine sa carte de presse, sans jamais avoir vu la lumière du jour... Un tour dans la rédac’ d’une radio nationale : Monsieur X. Fort de cette description, de ces outils sociologiques, on décide d’aller voir du côté des rédactions histoire de comparer la théorie et la pratique. Rencontre d’abord avec Monsieur X. Jeune et plutôt brillant, Monsieur X a travaillé dans des radios associatives ou locales privées avant de piger pour le service public et des rédactions nationales. En poste aujourd’hui dans une très grosse nationale, il a préféré garder l’anonymat pour... se la jouer undercover, genre trop de trucs à nous dire. Premier point lors de la prise de contact, Monsieur X évoque spontanément « la circulation circulaire de l’info » qu’il nomme Le Parisien/Aujourd’hui en France. « Le Parisien, parce qu’ils ont plein de correspondants, a souvent des témoignages bien touchants, donc il faut faire pareil. Là, on s’en est donné à cœur joie sur les mecs qui rentraient de Syrie. Ils ont le témoignage d’un gars qui vient de se réinstaller à Alberville, hé bien, il nous le fallait à tout prix ! Parce que d’une part c’était intéressant, mais aussi parce que... →


Le Parisien l’avait eue. L’exception, le mec que personne n’avait eu. Ça c’est vachement contraignant, c’est hyper nombriliste. Même si sur d’autres sujets comme l’éco ou la politique, ils peuvent sortir des trucs intéressants ». Toujours sur cette idée d’actualité, comme tambour creux frappé par tous les médias en même temps : « Au moment de Saint-Ouen, la drogue et Cazeneuve, tous les médias hard news avaient le même angle : est-ce que taxer les consommateurs, ça va servir ? Donc on a tous anglé sur le trafic de drogue, la délinquance, la répression, etc. C’est l’actualité, mais derrière tu avais toutes les associations genre mères de famille qui disaient ‘nous on veut élever le débat, ce n’est pas qu’une question de répression’. Elles avaient d’autres choses à proposer (plan d’action contre la drogue, lutte contre la précarité), elles se sont bougées le cul pour faire changer leur quartier et elles n’avaient pas de place pour le dire ». Pour rappel, un sujet dans un journal radio dure au mieux 1 minute et 30 secondes.

Un tour du coté du publireportage. On enchaîne et on passe à un truc assez original : le publi-reportage, le publirédactionnel, le publi-communiqué. C’est un article qui a la forme d’un article, la couleur d’un article, c’est rédigé par un journaliste, c’est publié par un média mais... c’est de la publicité. On est sur le terrain du modèle économique dans la presse papier. Comment on fait rentrer du pognon dans les caisses pour payer les pigistes, les journalistes, les photographes ou l’imprimeur ? Plusieurs modèles existent. On peut bien sûr vendre son support, mais sauf exception (on pense au succès de So Press), la plupart des ventes des journaux papier ont tendance à diminuer petit à petit. Et si le mag est gratuit ? Comme Sparse, Magma, Bing Bang, Dijon-Beaune Mag, Novo ? Dans ce cas, on finance avec la publicité. Et parfois, le publi-reportage. Vous n’aviez jamais fait gaffe ? Ben maintenant vous savez.

Et la contrainte économique ? Le papier qui doit séduire le lecteur/client ? Cette contrainte est-elle exprimée comme ça par les rédac’ chefs ? « Pas vraiment, la seule contrainte, c’est être au plus près de ce qu’attendent les gens. On te dit pourquoi on traite ce sujet là ? Parce qu’il est concernant, voilà. C’est la règle de base du journalisme : fidéliser tes auditeurs ». La contrainte économique n’est pas là, mais pas loin. « Tu dois te dire : ma cible attend à peu près ça de mon média, donc je dois faire ça. Ça comporte des dérives bien sûr. Pour les médias nationaux, on se ressemble tous, on a tous les mêmes critères : le témoignage bien révoltant ou la petite phrase politique. On est pieds et poings liés à ça. Donc plus que l’économie, avec ça on se fixe une contrainte ». Revenons au format : 1’30 c’est court, c’est une grosse contrainte ! « Oui, et ça nous oblige à être tout le temps sur de la réaction et pas sur de l’analyse. On a moins de recul par rapport à l’information, et le lendemain, l’actualité allant tellement vite, on est déjà passé à autre chose ».

« La presse, c’est du marketing » Aujourd’hui gérant de Studio Mag, société qui édite Bourgogne Magazine et Dijon-Beaune Mag, Domnique Bruillot est un entrepreneur assumé. « La presse, c’est du marketing, faut jamais oublier ça. Chez Sparse, vous faites du marketing car vous visez un lectorat ! » Le ton est donné. On est loin des beaux discours sur l’éthique et la neutralité du journaliste. « Si tu as en face de toi le rédac’ chef du Figaro et celui de l’Humanité qui te demandent de faire un papier sur Karl Marx, tu ne vas jamais pouvoir faire le même article ». Pas faux. « Alors on va arrêter les conneries de déontologie ! Quand on travaille pour un éditeur de presse, on travaille pour une ligne éditoriale, pour un public. T’as deux patrons : celui qui te paie et celui qui te lit. C’est souvent celui qui te lit qui est le premier patron d’ailleurs ». Du haut de ses 54 piges, Dom’ 31

Bruillot en a monté des titres, et ce depuis un paquet d’années. Le bonhomme reçoit au café de la Préf ’ de bonne heure, à la cool, chemise entrouverte laissant se dévoiler une petite chaîne. « Mon parcours ? Je suis autodidacte à 100%, je ne suis pas issu du sérail et y’a pas de pognon dans la famille », rigole celui qui dévorait Pig Gadget et le Miroir du Cyclisme quand il était gamin dans le petit bureau de tabac tenu par sa mère à SaintMartin-en-Bresse. « Une époque où on savait écrire ». Quand on parle modèle économique et business, le journalisme ne serait donc qu’une grosse arnaque ? Ou tout du moins, un terme galvaudé pour jeunes gens naïfs, bien pensants (et de gauche). Dom’ surenchérit : « D’autres se sont essayés à monter des canards avec une vision un peu… neuneu. Ça ne marche pas au final ! Dès qu’ils ont eu le diplôme de journaliste, ils se sont dit : ça y est, je suis Dieu le père ! Mais non, t’es au service de… T’es pas Dieu le père ». L’affaire est complexe. D’un côté, il faut faire bouffer l’entreprise de presse, de l’autre, personne n’a envie de vendre son âme au diable. Entendre par là : perdre le fil de sa ligne éditoriale. Chez DijonBeaune Mag, le gratuit de Studio Mag diffusé à 15.000 exemplaires, la question se pose. « Il faut préserver des cases où notre ligne éditoriale n’est pas entachée. Mais pour tout ce qui touche à la politique et à la société, on garde notre liberté totale. Après, il y a des cases plus consuméristes où effectivement on deale, mais c’est annoncé ». En clair, lorsqu’un article est acheté par un annonceur, le mag’ indique sur la page qu’il s’agit d’un « communiqué » ou d’un « publi ». Pour ne pas tromper le lecteur. Sauf qu’une pastille avec « communiqué » ou « publi-reportage » voire « en partenariat avec », écrit en petit sur le haut de la page, c’est vague, et ça ne veut strictement rien dire pour 90% des lecteurs. Et puis, d’après Dominique Bruillot, son lectorat s’en tamponne de savoir que l’article qu’il lit actuellement est un arrangement commercial entre le magazine et un annonceur. « Ça n’emmerde personne ça. C’est uniquement dans


le cerveau tordu des journalistes ! » En fin de compte, le publi est un outil de communication très puissant pour les annonceurs puisqu’il permet de s’intégrer tranquillement au milieu des pages du mag’. Pourquoi préférer cela à la page de publicité classique, d’ailleurs ? « Il y a des gens qui ont besoin de raconter leur histoire. Une entreprise, c’est une personne morale. Il y a une identité, des gênes, des produits qui s’expliquent et se racontent. Dans ce cas, l’annonceur préfère le publi et passer par les techniques journalistiques, même si l’article est validé derrière par lui ». Vous la sentez, la ligne trouble entre journalisme et communication ? Quoiqu’il en soit, Studio Mag tient son modèle économique. « On est encore vivant, et assez libre au bout du compte. On ne dépend pas de l’argent des autres », se réjouit le patron. Même si le discours, pour le coup, nous semble à moitié validé. Peut-on être vraiment indépendant en vendant de la pub ainsi que certains des articles qui constituent le magazine ? « Tu as quand même la liberté de privilégier une certaine typologie d’annonceurs, pour ne pas entrer en contradiction avec ta ligne éditoriale. Mc Do et les pachydermes de la GMS n’ont jamais annoncé chez moi ». Comme les gens n’achètent plus beaucoup de presse papier, il a bien fallu trouver des moyens pour survivre. Et tant pis si les choses se passent sans ces « tordus de journalistes ». Last But not Least : un tour du coté du Bépé. Hé bien, oui ! Impossible de ne pas demander au journal quotidien local, Le Bien Public, fort de ses 147 ans, le pourquoi et le comment du journalisme dans la presse locale.

Si on se réfère à ce que Jérome Berthaut nous dit plus haut, le BP est une autorité symbolique locale. Alors, rendez-vous avec les darons de la presse papier. Après pas mal d’hésitation («Vous allez encore nous descendre »), Francis Ziegelmeyer, secrétaire général de la rédaction, nous ouvre en grand les arcanes de la fabrication made in Bépé.

Au Bien Public : un panel de lecteurs pour sentir la tendance de la structure de son lectorat On démarre dans l’ordre avec les critères d’excellence (vous avez compris que ça dépend de chaque médias, hein). Qu’est-ce qui fait qu’un article est bon ? « Il faut que l’info soit fraîche, le sujet ‘concernant’ et l’écriture doit être plaisante pour le lecteur ». ‘Concernant’, là, signifie quotidien : dans un village, la sécurité routière, l’actu municipale ou le tram à Dijon. Francis nous précise que sur le tram, après un paquet d’articles, ils en avaient marre de ce sujet mais malheur, le lectorat en voulait encore. Oui, le BP a un panel de lecteurs pour sentir la tendance de la structure de son lectorat. Alors, ils ont resservi des sujets sur le tram. Écouler 40.000 exemplaires par jour, ça ne se fait pas avec le doigt mouillé. Tiens, la vente, l’argent. L’actionnaire et le chiffre de vente influent-ils sur 32

la ligne éditoriale ? (Le proprio du bépé, c’est le Crédit Mutuel) « Avec l’actionnaire, je n’ai jamais eu de problème de liberté. Un journal doit être lu et vendu. C’est sûr qu’on va être moins exigeant avec un journal financé par des institutions, des impôts. Nous devons être réactifs quand on fait nos articles ». Le bépé fonctionne grâce à 47 journalistes et 200 correspondants de presse qui quadrillent le terrain et font remonter toutes ces infos « concernantes » à la rédaction. Francis, il est en prise directe avec les correspondants de presse, c’est une grande partie de son boulot. Quand on lui dit quand même qu’on trouve ça un peu bizarre qu’un secrétaire de rédac’ ait une carte de presse alors qu’il ne bouge pas de son bureau, et pas le correspondant de presse, là Francis n’est pas du tout d’accord : « Vous savez, ce n’est pas moi qui fait les critères pour la carte de presse... Secrétaire de rédaction, c’est un des postes les plus importants dans un journal. Charge à eux d’organiser le journal. Il est le premier lecteur, le premier correcteur. Il a un pouvoir de vie et de mort sur un papier. C’est sûr que dans un magazine, ce n’est pas pareil, c’est peut être moins important car le journaliste participe aussi à la mise en page... » Oh, est-ce un petit coup de pied de l’âne ? Est-ce pour cela que nous brimons nos secrétaires de rédac’ chez Sparse ? L’image du bépé pour beaucoup, beaucoup, beaucoup de personnes, c’est quand même la fameuse page de faits-divers. « Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Il y a presque plus de rubgy ou de foot dans le journal que de fait-divers. On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. Ceci dit, les journalistes qui traitent ces sujets doivent être expérimentés et ce sont des sujets très difficiles à traiter ». Bon, on n’est pas obligé d’être d’accord avec Francis. Parlons style et allons-y franco : est-ce que pour le bépé, incarné par M. Ziegelmeyer, Sparse fait du journalisme ? Roulement de tambours... « Vous vous inscrivez dans une mouvance inspirée de Vice, c’est une autre tradition que la nôtre, avec une approche subjective, c’est une autre manière d’écrire. Oui, mais c’est du journalisme ou pas ? Je vous le dirais à la lecture de votre texte ! Le mot important pour moi, c’est l’honnêteté : il faut du contradictoire dans un papier. Si le papier défend une thèse, c’est une tribune et il faut qu’il soit identifié comme tel ». Du contradictoire donc du style qui tend vers « l’objectivité », cette espèce d’asymptote, cette martingale commerciale ? Allez pas seulement, donnons gage à Francis qu’il croit vraiment au contradictoire systématique comme surgissement de la vérité. Mais alors dans ce cas-là, bingo, associer Sparse et le Bien Public dans un même papier, faire communiquer les deux rédac’, c’est associer du contradictoire ! donc ce papier, c’est du journalisme (en barre). CQFD. nb : quelques heures après la rédaction de cet article, nous apprenions la suppression de 96 emplois au Bien Public et au Journal de Saône-et-Loire.


Le Silex à Auxerre.

Quoi de neuf à l’étranger ? Dans chaque numéro, Sparse va te faire voyager. On a déniché des correspondants dans tous les points chauds de Bourgogne. Parce qu’il n’y a pas que Paris, Berlin ou Barcelone dans ta vie de paillettes. Chalon, Auxerre, Nevers, Mâcon... Bourlingue un peu dans la région en lisant ton mag préféré.

page 34 - Auxerre is alive page 36 - Mâcon vs la Bresse : le clash

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Le Silex, au calme, caché dans le bois...

auxerre

JEAN-PIERRE, GUY, ÉMILE ET LES AUTRES

Auxerre, tu connais ? Oui, comme tout le monde ! Au mieux tu as entendu parler de Guy Roux et de l’AJA, au pire d’Emile Louis et de l’affaire Treber... Cette ville n’a pas seulement la culture du foot et du tueur en série ! Et pour toi, curieux en mal d’aventure et de dépaysement, Sparse t’offre un petit Panorama de ce ce qu’il se passe du côté du chef-lieu de l’Yonne. C’est oÙ ? Pour te situer, toi, nul en géo, Auxerre est la préfecture de l’Yonne. Basé à 150 km et à moins de 1h30 de Paris en train, ou par l’A6 via Michelin. Ce qui veut dire deux choses : c’est the place to be dans l’Yonne, mais un no man’s land face à Paris. Question de point de vue. Bref, y’a des choses à faire, à voir et à écouter, mais si tu veux vraiment avoir le choix, « tu montes à la Capitale ». La ville bénéficie des infrastructures uniques dans le département comme le Théâtre, scène conventionnée qui a une programmation plutôt intéressante et variée toute l’année, le conservatoire à rayonnement départemental, cinq musées, une cinquantaine d’asso culturelles. Pour une ville de 35.000 habitants, c’est plutôt

pas mal. En 2010, on a sabré le champagne. L’ouverture du Silex a considérablement changé le paysage culturel auxerrois. Le bâtiment est résolument moderne, bien équipé et question acoustique, c’est tout simplement excellent. Rien à voir (et à entendre) avec La Vapeur avant travaux ! La programmation répond au cahier des charges d’une SMAC (Salle de musiques actuelles). Elle est variée, accessible au niveau tarifs et dans l’ensemble plutôt pas mal, allant du très populaire au plus pointu sans vergogne. Il y a vraiment eu un avant et un après. De l’avis général, c’est un formidable outil d’ouverture à la scène actuelle. D’ailleurs, une des missions de « Service Compris », l’association qui dirige la salle, est de 34

PaR ludo MACHIN photos : Raynald Henry, Titouan Rimbault

réaliser des actions culturelles à destination des jeunes et des scolaires afin de faire montrer que non, la culture, c’est pas juste un truc de vieux, et pas forcément chiant. ça bouge ? La municipalité et l’office du tourisme organisent durant la période estivale l’opération Garçon la Note. Un concert dans un café, six jours par semaine. Remarque au passage, astucieux lecteur de Sparse, le double sens du mot « Note ». On fait dans le jeu de mot à Auxerre. Le concept a été inventé à Auxerre puis importé à Dijon. Toujours en juillet-août, il y a aussi l’opération « Tréteaux dans la soirée » Quand je vous dis qu’on sait se marrer... →


Coachella ? Catalpa ?

Cette fois, ce sont des spectacles de rue, des contes, de la danse, du cirque, des projections de films proposés gratuitement dans divers quartiers pour égailler la tiédeur des soirées estivales. Très bien, me direz-vous, l’été sera chaud dans les t-shirts dans les maillots, pour citer Eric Charden, mais que se passe-t-il le reste de l’année ? Selon Juliette Didierjean, directrice du pôle animation et développement, l’effort est dirigé vers la jeunesse et les scolaires. Elle a d’ailleurs réalisé avec ses équipes une frise chronologique où chaque événement est représenté par un postit. Le but étant de mieux cerner leur répartition dans le temps (calme en hiver, blindé en été), et dans l’espace (beaucoup dans le centre ville, trop peu dans les quartiers). À suivre. Il y a des infrastructures, il y a des événements, il y a des associations, mais tout ça manque de public. Pourquoi ? L’une des réponses tient au fait qu’Auxerre n’est pas une ville étudiante. Il y a bien un l’IUT, quelques classes de BTS, une école d’infirmière, et un IUFM et c’est à peu près tout ! Les étudiants, ils sont à Dijon ! N’as-tu jamais rencontré d’étudiants iconnais sur le campus ? A Auxerre, en terminale, si tu veux quitter le nid familial, faire une fac quelconque, tu vas à Dijon. Tu peux faire une école à Paris, mais faut réussir le concours et c’est plus cher. Alors tu vas à Dijon. Il manque la vivacité, l’énergie, la folie qu’apporte le jeune étudiant qui a soif de vivre, soif de rencontre, soif de culture, soif tout court… Pour sortir ? D’ailleurs, il y a bien quelques bars sympas pour faire tomber de la chope de bière et du tapas dans une ambiance détendue. Je peux donner les adresses mais je suis pas sûr d’être récompensé par une tournée gratuite, alors… Il y a bien une ou deux boites de nuit dont les architectures ont le charme des hangars de zone industrielle, pour se trémousser en slim, sur de la daube envoyée par des DJ sans talent, dans un

décor inexistant et sous une lumière dégueu. Là aussi je peux donner les adresses mais je risque d’avoir des problèmes. Un peu d’histoire. Depuis les années 70, le député maire Jean-Pierre Soisson n’avait pour lui que la culture du tire-bouchon… Ils ne sont pas nombreux les Auxerrois à ne l’avoir jamais vu bourré. Son dernier fait d’arme avant la retraite, c’est de s’être fait filmer par les caméras du Petit Journal de Canal+ lors d’une dégustation de jambon et de vin rouge à l’Assemblée Nationale. La honte est sur Youtube. Durant les années 90 et 2000, plusieurs asso (Ziha, Lezeterrible…) qui se bougeaient le cul pour organiser des concerts et des festivals, réclamaient une vraie salle de concert. Auxerre était alors la seule préfecture de Bourgogne à ne pas en disposer. Pour voir un concert, fallait regarder Taratata. En 2001, Guy Férez (PS) a été élu maire. S’en est suivi une politique culturelle plus volontaire. De l’avis général, la ville a commencé à bouger. Il a été créé un service culture à la Mairie, et les initiatives ont commencé a émerger. Un festival, des festivaux. Dans les 00’s, sont apparus deux événements. Fin juin, il y avait Les Nuits Métisses, un festival dédié aux musiques du monde (Voyage voyage, plus loin que la vie et le jour), gratuit et en pleine air. Début juillet, il y avait le festival Aux Zarbs (et cetera). Un festival de musiques actuelles, en plein air aussi mais payant et bien cadenassé. Lorsqu’en 2010 ce festival s’est arrêté, la municipalité a demandé à l’équipe du Silex (délégation de service publique) d’organiser un nouvel événement gratuit, le festival Catalpa, pour remplacer les deux événements, mêlant musiques du monde, et musiques actuelles. Catalp’Quoi ? Pour ta gouverne, 35

Banana slip.

pauvre inculte en matière de botanique, le Catalpa qui a donné son nom à cet événement, est une variété d’arbres qu’on retrouve dans le parc de l’arbre sec. Et pour ta re-gouverne, l’arbre sec est une sorte de sculpture totem en bois qui a donné son nom au parc. Mais ça tu peux pas le savoir si t’es pas du coin. Comme disait ma grand mère : gratuit, c’est pas cher. Cela dit, il y a débat à propos de la gratuité. Isabelle Poifol Ferreira, adjointe au Maire à la culture, souhaite au moins jusqu’en 2017 conserver ce principe pour permettre à tous d’y participer parce que « la démocratisation de la culture, c’est une victoire sur l’ignorance ». L’élu d’opposition à la Mairie Guillaume Larrivé (UMP), et par ailleurs, député de la circonscription, s’est l’an dernier prononcé contre la gratuité du festival. Je n’ai pour l’instant pas réussi à le joindre. De toute façon, le budget flicage et billetterie s’étant avéré dans les prévisions tellement élevé, que sur la facture finale ça coûtait moins cher de proposer l’entrée gratuite. Le Catalpa, ce ne sont pas seulement des concerts dans le parc, c’est aussi des concerts et des animations disséminées un peu partout dans la ville, pour essayer de toucher tout le monde. Le festival fait aussi la part belle aux associations avec un village associatif et un village numérique. Selon Sylvain Briand, le directeur de festival et du Silex, « il s’agit de faire émerger une sorte de vitrine de l’Yonne dynamique et créative et de créer une émulation collective du tissu associatif local ». Voilà qui est drôlement bien parlé ! Et c’est à cet événement que toi, jeune mélomane en mal d’exotisme, tu es convié. Maintenant, tu en sais un peu plus sur là où tu vas mettre les pieds les 26, 27 et 28 juin prochains. Où tu pourras écouter en vrac : Deluxe, Zoufri Marakas, Danakil, Yanis Odua, ou les Dijonnais de Pixmix. Accessible à tous on te dit. Si tu aimes les arbres, la musique, et les gobelets en plastique, le Catalpa est fait pour toi. // L.M.


mâcon

Mâcon et la Bresse, l’impossible réconciliation ? Pas la même région, pas le même département, des vannes de part et d’autre et des moqueries séculaires. Pourquoi les Mâconnais et les Bressans, séparés par une rivière de 100 mètres, se clashent depuis tout ce temps ? Réforme, massacres et pastis bien frais. PaR niko vayssié photos : mélanie dumont, Christophe Finot (CC) Rio Grande.

LA GENÈSE. Au matin du 2 juin 1564, le vieux Monon, pasteur de Bosc (aujourd’hui Boz–01) fut averti par trois jeunes pêcheurs qu’un grand convoi doré descendait bruyamment la rive ouest de la Saône. Après avoir tenu conseil sous le marché, il renvoya à leurs bourbiers les villageois ahuris et, muni de la bauche* du pays, s’en fut constater le phénomène. Le temps était radieux sur la Saône, princesse des rivières et frontière des princes. Il crapahuta vers l’aval et, planqué dans les iris, attendit le passage de la caravanne. Levant une poussière ocre qui dérivait sur l’eau, une horde de cavaliers menait l’avant garde, pique en pointe. Puis venait l’infanterie en livrée, joyeuse et bruissante, suivie d’un coche d’or monumental tiré par douze boeufs rutilants. Autour du coche circulait une petite foule de gens de cour. Telle une ruche luxueuse ambulante, l’ensemble bourdonnait de papotages, minutieusement protégé par des gens d’arme patibulaires. Puis venait l’intendance, hameau rampant de chariotes convoyant provisions, campement et valetaille. Depuis la rive opposée, le Monon prit son temps pour détailler la compagnie. Il déchiffra bannières, emblèmes et blasons ornant les carapaçons des chevaux. Un éclat radieux finit par s’installer dans ses yeux bridés de Séquanes*. Portant la bauche à ses lèvres, il gonfla ses poumons, visa le royaume et souffla un salut bressan propre à décorner les boeufs. Le son, pachydermique, vint chambouler le cortège de plein fouet, affolant chevaux et coterie, stoppant net la progression. Puis, après les entrechocs et les cris, dans le

silence de la stupéfaction, le cortège écouta la litanie que chantait le vieux Monon depuis la berge opposée : « Longue vie aux Valois ! Longue vie au jeune Roi ! Les parpaillots* du Duché de Savoie vous saluent bien bas ! » La seconde stupeur passée, deux jeunes garçons débraillés s’extirpèrent du coche flamboyant.

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Apaisant d’un geste la nervosité des soldats, le plus grand s’avança vers la rive et s’adressa au bressan d’une voix de séraphin : « Monsieur le parpaillot d’Empire, voici de belles paroles ! Le Roi de France vous les renvoie et vous convie à le rejoindre en la bonne ville de Mâcon où nous ferons bombance au lendemain ! » →


Le soir-même, le vieux Monon organisa une sainte virée vers la ville, où feraient étape le jeune Charles IX et son non moins jeune compagnon Henri de Bourbon (futur Henri IV), mandatés à travers le royaume par la Reine-Mère dans le but d’en apaiser les tensions religieuses. Ils y seraient accueillis par Jeanne d’Albret, Reine de Navarre et des protestants (et maman d’Henri, qu’elle n’avait pas revu depuis deux ans). Pour Charles et Henri, 14 et 11 ans, ce voyage était une aubaine, moins par son caractère politique que par le libertinage auquel ils pouvaient enfin s’adonner, loin de la gouverne austère de Catherine de Médicis qui ne vouait pas au relâchement des moeurs la bonté d’âme qu’elle accordait à la liberté de culte. Découvrant de concert le sexe ado et les vins rustiques, ils apportaient dans les villes une bonne humeur ostensiblement relayée par leur coterie, et jetaient sur les grandplaces les bases d’une conciliation salutaire entre catholiques et protestants, lesquels en oubliaient, dans des bringues d’envergure,

leurs velléités naissantes de massacres mutuels. À Mâcon, la minorité protestante était tolérée par la bourgeoisie commerçante et bondieusarde du faubourg Saint-Antoine. La ville prospérait, grâce au marché du vin et aux garnisons du plateau de la Baille qui

surveillaient méchamment le pont de Saint Laurent, unique passage de l’Empire au Royaume. Depuis les tours de la cathédrale Saint-Vincent, on scrutait la Bresse, car on redoutait les « ventres jaunes », sauvages en terre sauvage et prompts à se lier aux mercenaires allemands. Aussi, au matin du 3 juin 1564, les guetteurs furent-ils alarmés par l’arrivée d’une troupe agitée et endimanchée. À leur tête, le vieux Monon revendiquait haut et fort l’invitation du roi reçue la veille par dessus la Sâone et quémandait que le Baillis de Mâcon, Sieur Philibert De La Guiche, vinsse les accueillir et les mener en place Saint Etienne pour y saluer la Cour de France en transit. Car le vieux Monon, sous ses airs rustauds, n’en était pas moins l’un des premiers pasteurs de Bresse, son village ayant auparavant hébergé le fameux Alexandre Canu, de retour de Neuchâtel et investi des enseignements du grand Calvin. À proprement parler, les « bressans de la Saône » n’étaient pas exactement des réformés, occupant un territoire farouche voué à la diablerie, terriblement boisé et marécageux, où les évangélistes avaient négligé d’implanter le catholicisme. Exception faite des cultes paganistes hérités des temps séquanes, le protestantisme était leur première spiritualité. Fort de cette particularité, le vieux Monon obtint qu’on lui ouvre le pont de Saint Laurent, et put conduire plus de 500 bressans huguenots*, « formés » donc, jusqu’aux festivités réconciliatrices parrainées par Charles IX, Henri de BourbonNavarre, Jeanne d’Albret de Navarre, le Duc d’Anjou, et nombre de cardinaux prestigieux. La fête oecuménique fut gigantesque et dévastatrice. La gueule de bois du lendemain fit régner un calme absolu que le vieux Monon mit à profit pour bavarder avec le jeune et bon Charles IX, avant de rassembler ses villageois éreintés et s’en retourner en Bresse, sous l’oeil bienveillant de Philibert de la Guiche, homme à l’esprit large. Hélas, résidait à Mâcon Charles de Busseul, riche seigneur catholique qui tenait les huguenots pour des suppôts de Satan et les « ventres jaunes » pour des cannibales sodomites sans âme. Écarté des agapes royales pour ses intransigeances, il en conçut une jalousie mauvaise qui, lorsque huit ans plus tard Philibert De La Guiche épargna mille protestants des massacres de la Saint Barthélémy, se mua en haine assassine. Nommé ensuite (par Henri III) gouverneur de Mâcon, il réunit, soudoya et galvanisa clergé et soldatesque en une armée fanatique,

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laquelle fondit sur les villages bressans. Les parpaillots de Pont-de-Veyle, Bagé, Manziat, et surtout du Bosc, où le vieux Monon promouvait encore la « foi nouvelle », furent ramenés à coups de piques à Mâcon dans un grand brouhaha de lamentations, rassemblés sur l’actuel quai des Marans, lestés de lourdes chaines, et reconduits en file indienne vers le pont de Saint-Laurent d’où ils furent un par un précipités en Saône depuis l’arche la plus élevée, chacun ayant le loisir d’assister en piétinant au sort qui l’attendait.

« Aux plus faibles étiages de la rivière, les paysans de chaque bord construisaient, des pontons qui se rejoignaient au milieu afin de s’y bastonner à coups de rames » Selon Tony Duval, chef plongeur sauveteur à la caserne des sapeurs-pompiers de Mâcon, le tapis de squelettes recouvrant le lit de la Saône en aval du pont est à la mesure de la cruauté dont firent preuve les Mâconnais - en ce jour noir de la fin du XVIème siècle, réplique capricieuse de la Saint-Barthélemy - et de la haine viscérale que leur vouèrent les « ventres jaunes » ultérieurement. Ainsi les anecdotes guerrières émaillèrent-elles, au cours des siècles suivants, l’histoire des relations entre deux rives d’une Sâone pourtant somptueuse dont les vastes crues, accroissant la distance entre les impétrants, apaisaient les conflits une ou deux fois par an. Dans ses annales mâconnaises, Alphonse de Lamartine raconte qu’aux plus faibles étiages de la rivière, les paysans de chaque bord construisaient, en liant leurs barques, des pontons qui se rejoignaient au milieu afin de s’y bastonner à coups de rames. Que l’île Saint-Jean, bande alluvionnaire en amont de Mâcon, fut le théâtre de guérillas sanguinaires déclenchées par de simples échanges d’insultes par dessus la Saône étale. Que des familles « ventres jaunes » la traversèrent pour aller remplacer, dans les exploitations viticoles des coteaux du mâconnais, les populations décimées par les dernières famines et saccages guerriers du XVIIIème, achevant les survivants pour les manger ou cherchant leur nourriture dans les cimetières en attendant des jours meilleurs. Beurk ! →


La cathédrale Saint-Vincent (Mâcon) protège le Chardonnay.

ET MAINTENANT ? Certes, il n’est pas vain de voir en la multiplicité des faits historiques de solides raisons pour lesquelles Bressans et Mâconnais se détestèrent longtemps et se méprisent (gentiment) encore aujourd’hui. Il faut y rajouter l’incontournable rivalité économique entre deux territoires séparés par une voie de communication aux enjeux commerciaux importants, consciencieusement monopolisés par le Mâconnais, dont la richesse (due à l’intense développement vinicole du Moyen Âge) permit l’aménagement précoce de flottilles, de quais, de ports et de comptoirs prospères, au détriment de la Bresse marécageuse tardivement défrichée et assainie. S’affirmant dans la détention régionale de leur capital économique florissant, les Mâconnais s’enorgueillirent au fil du temps du capital culturel inhérent à la croissance de leur cité, et alourdirent le contraste civilisationnel qui les distinguait de la paysannerie bressane, quant à elle longtemps vouée à la survie en milieu hostile.

« Les Mâconnais, ces peigne-culs qui pètent plus haut que leur derrière »

Au delà des narrations consignées avec plus ou moins de véracité au fond d’archives inexpugnables, c’est dans les bistrots campagnards que se dénichent les plus croustillantes allusions au mépris mutuel affiché de part et d’autre de la Saône. « Chez Christian », à Fleurville, au nord de Mâcon, certains habitués du soir ne se font pas prier pour évoquer la légende de Bernotin. Mitron chez le boulanger de Cormatin, pêcheur émérite et connu pour avoir été généreusement doté par la nature en matière de virilité, Bernotin s’embarqua un matin brumeux de 1880 depuis l’embouchure de la Mouge pour traverser la Saône vers les frayères à brochets de la rive bressane. Planqué au milieu des ajoncs, il piqua malencontreusement son vif à une racine tenace et n’eut d’autre solution que de se dévêtir pour aller décrocher l’hameçon dans l’eau peu profonde. Mais il dérapa en enjambant le plat-bord et chuta en Saône, envoyant balader sa barque qui,

entrainée par le courant, disparut dans le brouillard, le laissant nu comme un ver en territoire ennemi. Hélas ! Bernotin ne savait pas nager. Pestant, paniqué, il se mit en quête d’un tronc échoué en guise de radeau, mais fut pris en chasse par un « ventre jaune » en maraude vite rejoint par d’autres « ventres jaunes » enthousiastes à l’idée de faire sa fête à un Mâconnais, qui plus est un Mâconnais à poil. Les jambes à son cou, Bernotin fila à travers champs et forêts, son impressionnante virilité ballotant douloureusement de droite à gauche, et parvint à semer ses poursuivants hilares. Haletant, griffé par les ronces et les orties, il déboucha sur le lavoir du Port Celet, où une vingtaine de paysannes du village de Boz trempaient leur linge en cadence. La légende raconte qu’en échange de sa sauvegarde, Bernotin, jaugé avec admiration par les lavandières, fut mis en demeure de satisfaire chacune d’entre elles avant d’être 38

raccompagné en douce vers la Saône où les filles lui procurèrent barque et avirons afin qu’il regagne sa berge à lui. Les habitants de Fleurville assistèrent donc au retour d’un Bernotin nu, épuisé, sanguinolent, mais affublé du premier sourire de l’humanité. Il fut dit à l’occasion que le village de Boz connaîtrait un essor démographique inattendu, et serait surnommé le pays des vingt cocus. Bernotin devint un héros local et n’eût plus jamais à payer son ballon de blanc limé. Quant aux filles de Boz, il est à parier que l’une d’entre elles, descendante du vieux Monon, enfanta un batard dépositaire des prémices d’une réconciliation souhaitable. En ville, les piliers de comptoir sont également prolixes en racontars relatifs aux bressans, à commencer par les commentaires variés au sujet des « ventres jaunes ». De passage à Mâcon, entrez dans un bar et interrogez la cantonade quant à l’origine de l’expression. Les uns diront que les bressans sont de grands cultivateurs (et donc consommateurs) de maïs. D’autres, mieux informés, argueront qu’au début du XIXème siècle, en plein essor du marché de la volaille de Bresse aujourd’hui réputée, les éleveurs enfournaient le produit de leurs ventes dans une épaisse ceinture ventrale en tissu, devenant ainsi des ventres d’or.


Mais si par chance vous tombez sur un type encore plus affûté, il racontera qu’au XVème siècle, Charles le Téméraire (Dijonnais émérite), de passage en Bresse pour aller guerroyer la Suisse, remarqua la qualité des peaux bovines tannées par les paysans, qui élevaient alors ce qui deviendra plus tard le boeuf du Charolais (encore une spoliation des mâconnais), et ordonna qu’on en fabriquât des tambours. Opportuniste talentueux, Charles le Téméraire en profita pour enrôler un contingent de batteurs parmi la population bressane, qu’il emmena à sa suite afin d’impressionner l’ennemi. Les tambours, d’aspect jaunâtre, ceinturés au ventre des batteurs, conférèrent au contingent l’appellation de «ventres jaunes», et devinrent pour quelques temps une spécialité régionale. À bien y regarder, cette version semble la plus probable. L’expression « ventre jaune », dont l’utilisation est attestée dès le XVème siècle dans la région des Dombes, ne saurait être justifiée par l’histoire du maïs, introduit en Bresse autour de 1612, ni par celle des marchands de volaille du XIXème, sachant qu’à cette époque républicaine la monnaie jaune n’existait pas, et qu’en outre la pratique de la ceinture « porte-monnaie » était répandue dans bon nombre de territoires. Il est également probable que vous croisiez, dans un rade fréquenté par des esthètes avertis, quelqu’un qui vous dira : « Les Bressans ont crevé de faim pendant des siècles, survivant à une dysenterie endémique, dont le symptôme le plus éloquent

est un boursouflement jaunâtre de l’estomac ». In vino veritas ? Cette humble monographie ne serait pas complète sans la parole des piliers de comptoir bressans. Cela dit, engager la conversation avec les habitués du « P’tit Creux » à Feillens (01) n’est pas chose facile. Repéré comme mâconnais, on ne donne pas cher d’une peau vers laquelle convergent les regards chargés d’animosité. Il a fallu user de diplomatie généreuse en pastis pour que Régis, cultivateur de patates, veuille bien donner son avis sur l’aversion mutuelle régnant de part et d’autre de la Saône : « Les Mâconnais, ces peigne-culs qui pètent plus haut que leur derrière. Ils se croient supérieurs à cause de leur pognon, de leur théâtre et de leurs cinémas, ils font de la politique comme les Américains, tiens ! Prends leur CAMVAL (Communauté d’Agglomération du Mâconnais-Val de Saône), prétexte électoral à fabriquer du protectionnisme régional ! Le type qui vient en famille de Dompierre-lesOrmes (1er mandat politique de l’actuel maire de Mâcon et promoteur assidu de la CAMVAL) pour passer la journée à la piscine de Mâcon paye six fois moins cher que si moi j’y vais tout seul, et pourtant je suis plus près. Pareil pour le théâtre, où la direction nous tient pour des beuzenots* attardés ». Le pastis aidant, Régis s’est adouci. « C’est vrai que nous autres on est un peu bagarreurs. Même entre nous, dans les bals, parce que la musique et l’alcool portent

Alain Berno et François Lemonon, patron et programmateur du bar Saint-Antoine, le boivent. 39

La bauche : longue trompe de bois, très sonore, servant à indiquer aux ouvriers situés aux confins des domaines l’heure de la reprise (embauche) ou de la fin (débauche) du travail agricole. Calvin : Jean Calvin. Pasteur emblématique, graĉe à qui s’est rependu le protestantisme en Europe au 16ème siècle (pour vous la faire vite fait.) Séquanes : peuple celte d’origine indoeuropéenne, dominant la majeure partie de l’actuelle Franche-Comté, opposé aux Eduens de l’ouest au cours de nombreuses guerres. Parpaillots : terme de raillerie (de papillon (?), symbole d’infidélité) évoquant les protestants, ou ceux qui n’avaient pas de religion. Huguenots : de l’allemand eidgenossen signifiant « camarades liés par un serment ». Français protestants pendant les guerres de religions au cours desquelles ils ont été – sous ce nom – en conflit avec les Catholiques. Beuzenot : bouseux, paysan (péjoratif).

à nos nerfs fatigués de la semaine. On est des beuzenots, ça c’est sûr, mais on n’a pas besoin que les Mâconnais nous le rappellent. On est des bagarreurs parce que de tous temps on s’est bagarré pour survivre, parce qu’on est des trimeurs acharnés, et ça, c’est parce qu’en face on nous a jamais tendu la main. Quelque part, c’est de la domination, mais nous, on est des punks, on fait pas de chichis, et on conduit pas plus mal que n’importe qui ! » De retour à Mâcon, force est de constater que le Mâconnais moyen ne déroge pas aux doléances de Régis. Qu’une automobile immatriculée 01 s’arrête à l’orange, et dans la voiture 71 qui pile derrière, ça ronchonne systématiquement : « Putain de Bressan ! » Pour en finir, rendons-nous au Bar SaintAntoine, où les propos injurieux, quels que soient leurs destinataires, n’ont pas droit de cité. Tenu par Alain Berno (incontournable patron issu de la culture mâconnaise rurale, mais néanmoins cultivée), ce lieu interlope accueille une faune éclectique de festoyeurs, de mélomanes et de musiciens, comme à la grande époque du bar de l’Univers à Dijon. Bressans et Mâconnais s’y retrouvent avec chaleur, notamment chaque dimanche soir de 19h à la fermeture, pour des concerts gratuits toujours pertinents, programmés avec talent par François Lemonon (incontournable animateur de la scène rock régionale, leader de 12 groupes indie-garage, héritier de l’esprit punk bressan). Vous y rencontrerez des caractères bien trempés qui affirmeront sans une ombre de mauvaise foi : « Les Mâconnais et les Bressans ? Pfff, on s’est toujours bien entendus ! » // N.V.


enquête

cinecitta

PaR géraldine baby photos : louise vayssié

Dijon a longtemps été l’une des villes de France ayant le plus grand nombre d’écrans de cinéma par habitant. Malgré la fermeture de la Grande Taverne, du Grangier et récemment de l’ABC, elle concourt toujours pour le titre. Sauf que... Sauf que la prochaine Cité de la gastronomie annoncée pour 2018 compte mettre dans ses murs un nouveau multiplexe et mettre à mal les salles du centre. Sauf que L’Eldorado, seule salle indépendante de la ville, est en grande difficulté financière et risque la fermeture. Scénario catastrophe. Peur sur la ville.

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« Un Eldorado n’a pas forcément la vigueur pour monter au créneau toutes les semaines »

Deux multiplexes, un centreville : plein de possibilités. En 1999, ouvre à Dijon le premier multiplexe de la ville, le Ciné Cap Vert dans la zone commerciale de Quetigny. Apparemment, l’ouverture d’un multiplexe en périphérie n’a rien à voir avec les salles de centre-ville. Ces aspirateurs à public obligent forcément les salles autour à changer leur programmation et chaque évolution d’une salle remet en cause l’équilibre et le positionnement des autres. L’ouverture du Ciné Cap Vert pousse donc ainsi doucement une autre salle de son groupe, le Devosge, et le Gaumont vers la chute d’entrées du fait du voisinage de programmation. En 2004, un nouveau directeur arrive au Devosge, Cyril Jacquens. Lors du lancement de Cinevoce à La Nef, le directeur m’explique l’évolution de la salle. S’il a continué les films grand public, il propose des films un peu plus «indés» que d’habitude et va petit à petit profiler le cinéma vers l’Art & Essai : « Il fallait que le cinéma soit classé et que le public s’identifie ». En 2007, c’est le Gaumont qui doit lui aussi se refaire une beauté face à Quetigny qui fonctionne à plein régime. L’Olympia ouvre ses portes de multiplexe de centre-ville en 2007. Le Devosge a bien fait d’entamer sa reconversion

pour résister face au concurrent direct. Il est classé Art & Essai la même année et cohabite dorénavant avec L’Eldorado en monopole sur ce créneau depuis la création du Label, fin des années 50. La situation est aujourd’hui à peu près stable. Les salles généralistes (Olympia et Darcy qui appartiennent tous les deux à Sylvie Du Parc) se maintiennent doucement face au Ciné Cap Vert qui réalise plus d’entrées que prévu. L’Eldorado et Le Devosge doivent aujourd’hui se partager les films sur le créneau fragile qu’est l’Art & Essai. L’Art... et essaiS. Depuis 2007, deux salles Art & Essai sont donc implantées en centre-ville. L’offre est vaste (15 à 20 films par semaine pour une dizaine d’écrans). Les deux cinémas proposent un travail complémentaire. Plutôt des rétrospectives et des reprises autour de la sortie d’un film pour le Devosge ; venues de réalisateurs et de critiques à L’Eldorado. Mais l’un comme l’autre ont besoin pour exister des films Art & Essai dits « porteurs » comme Allen, Eastwood, Almodovar…. Ces films sont nécessaires aux salles qui ne font pas autant d’entrées qu’un multiplexe avec des blockbusters. Or à Dijon, les deux salles

sont obligées de se les répartir et donc de perdre des entrées nécessaires à leur survie. Les spectateurs se divisent et se dispersent. Parfois, ils sont même trois à se positionner sur ces films puisque Le Darcy, spécialisé dans le cinéma français et d’auteurs grand public, peut également obtenir des copies. Mise en pratique : Caprice d’Emmanuel Mouret est sorti à Dijon au Darcy, programmé par le grand groupe PathéGaumont, et à l’Eldorado. Il est bien évident qu’un distributeur ne refuse pas une copie au cinéma si la salle dépend d’un réseau de salles très vaste comme c’est le cas pour Gaumont ; mais pas non plus à L’Eldorado qui suit le réalisateur depuis ses débuts et qui donnera une chance supplémentaire au film d’exister. Pour Cyril Jacquens, le positionnement du Darcy sur l’Art & Essai porteur peut parfois changer la donne : « Le Darcy est un problème parce que les tentatives de positionnement sur l’Art & Essai existent et au bout d’un moment cela affaiblit forcément les autres. Un Eldorado n’a pas forcément la vigueur pour monter au créneau toutes les semaines ». Une partie d’échecs constante à l’échelle de la ville en somme. C’est dans ce contexte fragile que L’Eldorado peine aujourd’hui à trouver la ressource pour exister. →

Chéri, ouvre les volets. 41


Salle remplie pour l’Eldo, qui accueille le festival Fenêtre sur Courts.

« Si le multiplexe ouvre, mécaniquement les entrées de tous les cinémas du centre chuteront »

L’Eldo : l’équilibre fragile d’une salle indé. Une petite centaine de personnes. Sur le panneau de bois installé dans le hall, les premiers textes de réalisateurs invités à L’Eldorado, qui disent leur soutien à l’indépendance de la salle et invitent à la résistance. Matthias Chouquer, directeur du cinéma, est un peu tendu avant de prendre la parole avec Théodora Olivi, co-directrice. Ils vont pour la seconde fois animer une réunion publique afin de présenter aux spectateurs la situation de leur cinéma. Quelques semaines plus tard, c’est avec Michel Pernot, membre du comité de soutien créé en mars (l’association Projectile), que Matthias Chouquer me rencontre pour discuter du cinéma. Michel est un cinéphile tardif mais depuis quelques années fidèle spectateur de L’Eldo. Il est à l’image du cinéma : un peu atypique, bavard, passionné. Il maîtrise encore mal tous les tenants et aboutissants de l’exploitation. Il sait pourtant une chose : « J’aurais de la peine à voir sombrer L’Eldorado. » Alors avec quelques autres, ils essayent de trouver des solutions. La première urgence, c’est d’éponger la dette de presque 100.000 euros. Ils ne peuvent plus payer les distributeurs. Les plus gros sont les plus pressants (entre petits, l’entraide existe encore). Si la situation continue et que la dette se creuse, c’est la fermeture. L’Eldorado a fait ce qu’il fait de mieux, il a parlé à sa famille de spectateurs. Deux réunions publiques et un grand rassemblement festif ont eu lieu. Et concrètement, un appel à souscription est lancé (voir directement à l’Eldo ou sur le site du cinéma, ndlr).. D’autres solutions sont envisagées pour sauver la salle : « Des mesures d’économie drastiques à L’Eldorado en essayant de ne pas licencier et on développe

un programme d’espaces publicitaires sur nos écrans, chose qu’on ne voulait pas faire pendant des années mais de la publicité pour la culture ». L’équipe s’est en effet tournée vers les collectivités : vers le maire Alain Millot et Christine Martin, adjointe en charge de la Culture, partenaire de longue date de la salle. Le soutien est clair : « Nous sommes extrêmement attachés au seul cinéma indépendant d’art et essai de notre ville. Que les choses soient très claires, il n’est pas question pour nous de le voir disparaître. […] Nous sommes loin de l’indifférence, nous sommes dans la recherche de solutions concrètes et rapides. Nous avons peutêtre le tort de ne pas faire de déclarations opportunistes et bruyantes. Nous agissons simplement » déclare l’élue. Matthias Chouquer souhaite par ailleurs qu’on puisse pour la première fois « redistribuer les cartes » : « François Desseille, adjoint au maire en charge du dossier de la Cité de la gastro, a parlé de restructuration du parc de salles du centre-ville dans la presse. On ferait bien partie du centre-ville pour une fois, pour pouvoir faire partie des négociations ». L’Eldorado aurait deux solutions pour récupérer les 2% d’entrées sur la ville qu’ils ont perdus et qui leur permettraient de sortir la tête hors de l‘eau. Soit « des engagements de programmation, hyper stricts ». Soit, obtenir des écrans supplémentaires. À la Cité de la gastronomie par exemple : « Nous on candidate pour aller là-bas. Sauf que nous n’amènerons pas 500.000 spectateurs ». Oui, un multiplexe, avec des écrans en plus en centre-ville. Et 500.000 spectateurs annoncés. Si ce multiplexe venait à ouvrir au sein de la Cité de la gastronomie, ce serait la fermeture assurée d’une ou plusieurs salles de

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centre-ville. La Grande bouffe, dans tous les sens du terme. Coucou la Cité de la Gastronomie. Le 19 juin 2013 Dijon remporte avec Lyon, Tour et Rungis l’une des cités internationales de la gastronomie avec une spécificité sur la valorisation et la promotion de la vigne et du vin. C’est une énorme carte touristique que cette Cité via l’estampillage Unesco. Cependant Dijon s’imaginait peut-être seule sur le coup, comme l’explique François-Xavier Dugourd, 1er Vice-président du Conseil Départemental de Côte d’Or : « Le projet perd de sa force nationale et internationale. On voit bien que l’équipe municipale et le Grand Dijon patinent en terme de contenus. D’où l’appel à investisseurs extérieurs. On investit mais on veut une rentabilité globale du site et donc on met un multiplexe ». De fait, ne pouvant financièrement pas être autonome pour un projet d’une telle envergure, la municipalité lance un appel à projet avec un cahier des charges précis. Eiffage, « leader dans les domaines des travaux public, du bâtiment et de l’aménagement urbain » (Dijon Mag, janvier 2015), est retenu et propose donc « sa » vision de la Cité de la gastronomie. Il faut bien sûr faire venir les gens. Eiffage pense donc, pour l’aspect culturel du projet, à la création d’un multiplexe de 10 salles. François Desseille annonce même « 500.000 spectateurs ». Pour Matthias Chouquer, l’enjeu est très fort pour Dijon : « La Cité de la gastronomie va se faire, l‘enjeu est crucial pour la municipalité ». Or pour lui, il y a aussi « u n e a b s e n c e d e p o l i t i q u e à c e m o m e n t- l à s a n s s o u c i d e p ré s e r va t i o n d e s i n d é p e n d a n t s ». Ni des autres salles. →


Dernier tango à Dijon. 500.000 spectateurs ? Il n’y a pas quelque part 500.000 spectateurs qui attendent le multiplexe, planqués dans les égouts de la ville. Jouons au jeu des vases communicants : 300.000 spectateurs à L’Olympia, 150.000 au Darcy et un peu au Devosge, 20.000 : le compte est bon ! On laisse leur chance aux cinéphiles-zombies planqués depuis des années dans les soussols de l’ancien hôpital. Il semble difficile de passer outre la fermeture d’au moins un cinéma en centre-ville. Voilà pourquoi il y a eu bataille rangée entre Sylvie Du Parc et François Desseille par presse interposée. Même s’il n’a pas cité l’Olympia, il est évident qu’une délocalisation était envisagée : « La création de ce multiplexe devra être envisagée naturellement dans le cadre d’une réflexion sur la restructuration de l’offre cinématographique de centre-ville. Il ne s’agirait pas de mettre les salles existantes en difficulté, mais bien de proposer aux opérateurs locaux – dont Eiffage nous assure qu’ils ont tous été rencontrés en amont du dépôt de sa candidature – une opportunité de développer et de renforcer l’offre de centreville » (Dijon Mag n°25, janvier 2015). Sauf que créer un nouveau cinéma ne va pas les « renforcer », bien au contraire. La réponse municipale à la défense du centre-ville est donc bien étrange puisqu’elle fait entrer le loup dans la bergerie. They were expandable.

Comment défendre le centre-ville dont elle a bien conscience que la survie sera difficile, en proposant l’ouverture d’un multiplexe supplémentaire quand la ville flirte avec le suréquipement cinématographique ? Difficile en outre de dire à un propriétaire privé de prendre ses affaires et de s’installer ailleurs. L’exploitante a rencontré le Maire à ce sujet : « J’ai rencontré Monsieur Millot. La ville trouve que c’est une bonne idée de rééquilibrer l’offre cinématographique et que j’aille là-bas et que je ferme L’Olympia ». Surinterprétation de la presse ? Hum, peut-être a-t-elle juste tiré les conclusions évidentes. Elémentaire mon cher Desseille. À moins, autre hypothèse, que la Mairie sache que le multiplexe ne fera jamais autant d’entrées, à peine la moitié peut-être. Peu probable. S’il fonctionne et réalise vraiment les 500.000 entrées, la fermeture d’autres salles est inéluctable. Cyril Jacquens résume parfaitement la situation : « Si le multiplexe ouvre, mécaniquement les entrées de tous les cinémas du centre chuteront. Si les deux autres ferment, la progression du Devosge ne sera pas évidente puisque ce ne sera plus un quartier de cinéma. Le multiplexe n’est pas excentré comme c’est le cas de Quetigny, cela reste une nouvelle offre en centre-ville. Cela pourrait éventuellement modifier la programmation du Darcy et c’est là où le problème peut se poser avec L’Eldorado et le Devosge en se positionnant sur l’Art & Essai. Double concurrence entre

Le cinéma Darcy est situé place Darcy : pas con.

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multiplexe et le quartier de cinéma, et une seconde concurrence qui se mettrait en place entre Devosge / Eldorado / Darcy ». Au revoir Le Darcy, bonjour la nouvelle banque. Au revoir L’Olympia et l’avenue Foch. François-Xavier Dugourd a sorti, lors de la campagne des départementales, un tract sur ce sujet. Voilà pour le chef de file de l’opposition locale un très bon sujet sur lequel tacler la municipalité en place. Pour lui, au-delà de l’aspect culturel, c’est tout un pan économique de la ville qui sera mis à mal : « C’est un point fort d’attractivité et de dynamisme. Les personnes qui viennent au ciné, vont boire un coup, au restaurant, en famille, se promènent et achètent dans les magasins. Ce sont des gens du centreville bien sûr mais aussi des villes alentours, Genlis, Chenôve… Ces cinémas font partie du patrimoine dijonnais. Si on enlève ces trois points forts de ce secteur, c’est un coup fatal. C’est un problème de cinémas mais aussi un problème économique ». La question est donc de savoir si la Mairie est capable de faire plier Eiffage sur ce point. François-Xavier Dugourd est clair : « Un maire peut tout faire, quasiment. Il peut dire à Eiffage ‘Non trouvez un autre élément d’attractivité’. C’est un groupe qui intervient dans la ville à différents niveaux. S’il y a une vraie volonté politique, ils peuvent dire non à Eiffage sur le multiplexe. C’est trop important pour Dijon ». L’élu UMP a par ailleurs adressé un courrier au Maire en mars, à ce jour sans réponse. Un rassemblement contre la fermeture des cinémas de centre-ville a eu lieu le weekend du 6 juin. Juste après le rassemblement de l’Eldorado le 31 mai. Dijon a toujours su animer ses week-ends d’été. La Mairie a bien sûr été contactée et sollicitée pour une rencontre avec François Desseille. Le directeur du service communication, Jérémie Penquer, nous a informés que cela ne serait pas possible. L’élu ne souhaite pas en dire plus que ce qui a déjà été dit. La Mairie est en pleine négociation avec Eiffage et ne peut donc pas pour le moment prendre la parole de manière publique. Espérons que la négociation aille dans le bon sens. Beaucoup de choses se jouent en ce moment même sur cette question et chacun prévoit sa riposte, exploitants comme élus. Cet article sera peut-être caduc au moment de sa publication. Qu’importe. Que le débat ait lieu au moins, que chacun puisse dire son attachement aux cinémas, comme à tout autre lieu de culture à Dijon. Espérons tout de même que, pour une poignée de dollars, les cinémas du centre-ville ne disparaitront pas. // G.B.


portrait

bac proS par Mr. Choubi PHOTOS : louise vayssié

Au milieu de compil’ de vieux funk brésilien, de réédition de raretés africaines, de mix easy listening italiens ou de beatmakers parisiens plus ou moins talentueux, y’a des mots comme ça qu’on découvre et qui n’existaient pas y’a encore une trentaine d’années. Rencontre avec deux « diggers » dijonnais.

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Le mec a quand mĂŞme un poster de chien.

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C

rate diggers. Littéralement fouineurs de caisse. En gros, du fan de vinyles. Car une fois que les types du hip-hop en ont eu assez de sampler du funk et de la soul, y’a bien fallu passer à autre chose. Et écumer les disquaires. Et les caves des disquaires. Partout. Et dans tous les styles. Des passionnés. Des mecs qui claquent beaucoup de leur blé au lieu d’aller se cramer la bedaine au Grau Du Roi. On se doute bien que la plupart traîne à Paname, Berlin, New York, Londres, là où y’a du choix. Mais à Dijon, comment ça se passe ? Y’en a des diggers ? Des mecs qui fouillent, qui cherchent et qui dégotent la perle rare ? On en a rencontré deux, aux parcours différents mais avec un paquet de points communs. Le premier se fait appeler Régis de Saint Amour, 45 ans, disquaire rue du Bourg, allure de gentil nounours même si on sent qu’il a taquiné le ballon dans sa jeunesse. Le deuxième, Hisham, 41 ans, casquette vissée sur la tête, plus renfrogné d’allure mais extrêmement bavard quand on le lance sur le sujet même s’il pèse ses mots. Le premier affiche 25.000 vinyles chez lui, 45 tours compris et le deuxième 10.000. Ça pose le truc. Premier paradoxe, aucun n’est issu d’une famille de mélomanes ou de musiciens. « Mon père achetait du Elvis à ma mère et pas mal de musique arabe. Par contre y’avait un bon système son » raconte Hisham. Première galette achetée, Le Monde De Demain de NTM, mais le déclic se fera plus tard. Comme Régis : « Chez nous y’avait du Johnny, du Cloclo et c’est tout. Le premier 45t c’était Yazzo, début 80’s. Mais la passion musicale se fera en fac ». Au début des années 90 en somme. Version indé et House pour Régis, avec le NME, les Inrocks ou encore Bernard Lenoir sur France Inter, et plutôt culture hip hop et acid-jazz pour Hisham notamment par l’intermédiaire de potes. Petit à petit les mecs se spécialisent. Décortiquent des revues, écoutent la radio, rencontrent d’autres férus et très vite ouvrent leur champ musical. Et commencent à tomber amoureux du vinyle. À une époque où le CD devient roi. Car l’objet est noble. Beau et lourd. Les deux tombent d’accord. Hisham : « Y’a pas mieux, la pochette, c’est grand, y’a un vrai rapport physique par rapport au CD qui est une vraie escroquerie ». Un rapport pratiquement sexuel. Sans parler du son même s’ils ne sont pas dupes de la com’ carrément mensongère de certains labels. « On nous vend des disques en 180 gr comme le truc ultime alors que certains moins lourds datant des 70’s sonnent carrément mieux » lâche Régis. Les mecs ont donc commencé à consommer lourdement durant les 90’s, avant le net, à la préhistoire en quelque sorte. Ils s’en sortaient pas mal. Car Dijon était dotée de quelques magasins pas dégueu

comme Chouette Disques, Gibert et même la Fnac, quand le rayon vinyles était encore conséquent. « Y’avait l’Anfer, aussi. Quand je réussissais à rentrer, j’y ai découvert des trucs incroyables. Et ça donnait une vraie dynamique à la ville » raconte Hisham. Plus les brocantes et les bourses aux disques. Et le minitel. Régis : « J’ai pas mal écrit à la secrétaire de Lenoir pour connaitre certaines références ». 3615 Shazam. Bref, quand le net est apparu, les mecs ont frôlé la rupture d’anévrisme. Fatalement ils adaptent leur boulot à leur passion. Régis est disquaire à la Fnac. Pour se tenir au courant des nouveautés ou autres curiosités, le mec est aux premières loges. Même s’il a souvent un coup d’avance. Pour Hisham, ça se passe autrement. Après avoir fait un tri dans ses vinyles, il décide de revendre doublons et indésirables sur Ebay. C’est le déclic. « Je me suis aperçu que je pouvais me faire un peu de blé. Je venais de quitter mon taf. J’ai réalisé qu’il y avait peut-être une opportunité d’activité ». Ça le deviendra. Le mec aime les disques, il en achète, il en revend, et voyage pas mal pour en trouver. « Allemagne, Pays-Bas, les mecs ont une vraie culture de la zique par rapport à ici. Je suis tombé une fois dans un hangar en Hollande. Que des palettes de vinyles. L’hallu. » C’est finalement ça la vraie différence entre les deux. Régis garde ce qu’il achète. Et se fournit essentiellement sur le web. « J’ai pas mal écumé les brocantes à une époque mais maintenant y’a plus rien. Le net, pour moi qui ne bouge pas beaucoup, c’est le top ». Et les deux de citer Discogs, eBay, Juno ou encore Popsyke. Une passion chronophage sans aucun doute. Pas de femmes, pas de gosses. Cause ou conséquence ? Un peu des deux certainement. Les mecs se sentent comment ? Obsessionnel, malade? « Je crois, explique Régis, car je ne peux pas m’arrêter » . « Non, passionné. C’est le contenu qui prime » avoue Hisham. Mais surtout pas collectionneur, Régis refuse le terme. Hisham nuance : « La réalité fait que je ne peux pas l’être ». Car les types ont les pieds sur terre. Ils ne s’enflamment jamais au niveau prix. « Le maxi que j’ai dû mettre c’est 60 euros » raconte Régis. Pour Hisham, aux environs de 100. « Au-delà, j’arrête ». Faut payer le loyer quand même. Le loyer d’un appart qui commence à se faire petit. Chez Régis, y’en a partout, couloir, salon, même dans la chambre. « C’est le bordel, je classe plus, mais bon si tu me demandes un disque en particulier, je suis sûr de le retrouver », même s’il a déjà racheté un disque pensant l’avoir perdu. « Pour moi, par genre, c’est le mieux sans trop se prendre la tête » explique Hisham. Ils fouinent, ils trouvent, ils achètent, ils stockent. Mais c’est quoi le projet ? Qu’est-ce qu’ils cherchent au final ? Là encore les deux tombent d’accord. Hisham : « Le groove. Sans aucune hésitation. Qu’il soit afro-américain, 46

africain, celte, dans certains morceaux de Led Zep, c’est ça la quintessence ». Régis abonde. Même lui, le fan d’indé y est venu petit à petit. Le déclic a été une compil, The Definitive Story of 1970’S Funky Lagos, sortie en 2001. « La musique indé, tu peux vite en faire le tour.

« Allemagne, Pays-Bas... les mecs ont une vraie culture de la zique par rapport à ici. Je suis tombé une fois dans un hangar en Hollande. Que des palettes de vinyles. L’hallu ! » Hisham, collectionneur

Pas la musique noire. Depuis, c’est ça que je cherche, dans du rock-garage iranien comme dans du funk thaïlandais ». Pour au final étendre leur champ musical : hip-hop, soul, électro, rock, pop, musique de films, world etc. De toutes les périodes et de tous les pays. Leur groove n’a pas de limite. Puisant dans les catalogues de labels comme Soundway, Finder Keepers, Curtom, Funky Nassau etc. Les types refusent le côté tribu, communauté, réducteur. « J’ai quand même réussi à vendre du rare groove à des bikers, raconte Hisham. Ça fait du bien à l’âme, tout simplement. Moi, la zique m’a beaucoup aidé, spirituellement, comme un exutoire » dit-il. Entretenir un certain état d’esprit en quelque sorte. « Chercher sans cesse fait qu’on reste encore des gamins. On cultive ce côté émerveillement » explique Régis. Inconsciemment, les types


Pas une seule réédition de Sardou...

ont les chakras ouverts et veulent partager leur savoir. Comme une évidence. Ainsi, les deux animent chacun une émission sur Radio Dijon Campus. « J’adore tout ce qu’il y a autour d’un disque ou d’un artiste. Les crédits, les histoires, les anecdotes… » explique Régis. Comme une sorte de Pierre Bellemare musical. La radio donc. Et les mix. La plupart des DJs deviennent diggers pour trouver de la matière à sampler. Eux sont des diggers devenus DJs par la force des choses. C’est leur façon de partager, de ne pas garder leurs trésors de guerre pour eux seuls. D’éduquer les gens avec du bon son en somme. « Même si j’ai un pote, spécialisé en funk-r’n’b, avec une quantité astronomique de disques, qui les écoute pour son seul plaisir » raconte Hisham. Tout l’inverse d’eux. Les mecs sont généreux. « Le must c’est quand un type vient te demander ce que tu viens de passer. Ou quand il te dit merci ». La volonté de perpétuer est évidente. Comme des historiens. Comme un

héritage à sauvegarder et à faire fructifier. C’est beau. Et la musique ? À composer. En tant que musicien. Ce qui pourrait être une suite logique. « J’ai des idées parfois, mais les machines c’est trop compliqué » explique Hisham. Pareil pour Régis : « C’est un autre métier. Quand je trouve qu’un sample est mal utilisé, je me dis qu’un autre artiste va le faire correctement ». Chacun à sa place. Ils laissent ça aux figures tutélaires comme DJ Shadow, Cut Chemist ou J Dilla. Pas des faiseurs, des mélomanes tout simplement. Amoureux de leur came. Au point qu’ils sont incapables de citer leur disque ultime. Y’en a trop pour Hisham. Mais peuvent parfaitement balancer un inavouable. « Sugar Baby Love, des Rubbettes, je peux l’écouter un bon paquet de fois » lâche Régis. Les mecs se sentent plutôt à l’aise dans leur passion. Heureux presque. Mais aussi discrets et finalement assez humbles. Comme si tout ça se faisait naturellement. La musique 47

fait partie de leur vie donc ils achètent des vinyles. Tout simplement. Même si socialement, ça les isole forcément. Ça prend du temps, de l’argent et ça peut faire aussi quelques envieux. « Les diggers, c’est quand même un drôle de milieu » résume Hisham. Et de nous raconter un extrait de Scratch, l’excellent docu de Doug Pray de 2001, dans lequel DJ Shadow explique qu’à une époque, lorsqu’il arrivait dans une ville, il partait arracher toutes les pages des disquaires dans les annuaires téléphoniques. On ne dévoile pas ses sources. Régis et Hisham non plus, mais les types partagent leurs pépites et ça, ça nous suffit. // Mr.C.

Sur Radio Dijon Campus :
Whizzz & Love – tous les vendredis à 19h30 (avec Régis de Saint Amour et Mister B) ; Funky People Party – tous les samedis à 12h00 (avec Hisham, Nico et Omar) En mix :
Pimpinella Festival – le 27 juin (Régis de Saint Amour et Chablis Winston)


saga

In Genius we trust PaR sophie brignoli photo : DR

Si vous avez déjà cherché des lyrics de hip-hop sur Internet, vous êtes forcément tombés sur le site Rap Genius. Avec son interface noire et texte en blanc, le site qui fonctionne grâce au crowdsourcing, permet à ses utilisateurs d’analyser et de décortiquer les textes des rappeurs américains. Mais depuis plusieurs années, Rap Genius – rebaptisé sobrement Genius – s’attaque aussi à déchiffrer et commenter le patrimoine mondial. Littérature, sport, news, textes de lois... Le site propose désormais d’annoter Shakespeare, les poèmes de TS Eliot, le script de Taxi Driver, le dernier discours d’Obama ou même la Bible ! Plus fort encore, le site vient de sortir en avril un nouvel outil : Beta/Genius qui permet d’annoter n’importe quelle page du web. L’intégralité d’Internet. Là, toutes les connaissances et conneries de la toile prêtes à être décryptées, moquées et réinterprétées par les beta users. Dix ans après le lancement de Facebook, Genius pourrait bien révolutionner notre utilisation du web. Ou simplement réduire à nouveau notre productivité horaire. Enquête.

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enius est une success story comme seuls les ÉtatsUnis sont capables d’en produire. Tout débute lors d’une soirée ou trois amis diplômés de Yale, Ilan Zechory, Mahbod Moghadam et Tom Lehman se disputent à propos des textes d’un morceau de Cam’ron. Ils ont alors l’idée de monter un site participatif qui non seulement reprendrait les paroles des morceaux, mais qui permettrait aussi à ses utilisateurs d’en expliquer le sens, les références cachées...

À mi-chemin entre Wikipedia et Urban Dictionary, le site connaît un énorme succès dès son lancement en 2009 et se trouve bientôt décliné à l’international dans plusieurs pays, notamment en France. Il faut dire que les fondateurs sont également de grands communicants : ils participent à des conférences, commencent à traîner les plateaux de télé et font le buzz en débarquant avec leurs lunettes de soleil et en se vantant de prendre de l’Adderall (un stimulant composé d’amphétamine) pour taffer. → 48


auparavant avoir « dompté la bête Google » sur un article humblement titré : « Comment Rap Genius a gagné le jeu du référencement ». Deuxième couac en mai dernier lorsque Mahbod Moghadam annote cette fois le manifeste laissé par le jeune Eliott Rodger, responsable de la dernière tuerie en date aux USA. « C’est très bien écrit », « sa sœur doit être canon » peut-on lire parmi ses remarques. L’opinion s’émeut, à nouveau les fondateurs sont obligés de présenter leurs excuses et forcent par la même occasion le responsable vers la sortie dès le lendemain. Car avec seulement 41 salariés, tout le système Genius repose sur la collaboration et l’investissement des contributeurs, c’est là la vraie force de la plateforme. Et pour arriver à fédérer une importante base d’utilisateurs, il faut proposer des contenus qui ne soient offensifs pour personne. Mais alors reste-t-il de la place pour le débat ? Sur le site on peut lire : « Genius défend la liberté d’expression, et sa mission est de promouvoir la compréhension humaine et le partage des connaissances en annotant le monde. Dans la réalisation de ce projet, la plateforme autorise la rédaction d’annotations controversées offsite (non visibles), mais s’attend aussi à trouver des contenus renseignés et réfléchis. C’est spécialement vrai pour les membres de l’équipe, les éditeurs et modérateurs qui doivent donner l’exemple sur le site et que nous encourageons à envoyer un message privé chaque fois qu’ils voient quelqu’un utiliser des propos qui pourraient être jugés offensifs par une communauté ou par un individu ». On reste donc bien ancré dans un consensus social, américain de surcroît.

À tel point qu’en 2012, ils attirent l’attention de Marc Andreesen et Ben Horrowitz, les deux fondateurs de Netscape, le premier navigateur web dans les années 90. Ceux-ci utilisent leur fond d’investissement et placent 15 millions de dollars dans le projet Genius. Horowitz, fan de rap de la première heure est un fervent défenseur du projet. Quant à Andreesen, il avait essayé au lancement du navigateur d’ajouter une fonction d’annotation, permettant de commenter chaque page du web. Faute de moyen technique, le projet avait été avorté et jamais ressuscité, jusqu’à l’arrivée de Genius. Les artistes aussi commencent à s’intéresser au site sur lequel leurs fans s’amusent à décoder chacun de leurs textes. Nas est le premier à créer son compte, il va même jusqu’à expliquer intégralement son chef d’oeuvre Illmatic, magnifique coup de pub pour annoncer la sortie du dernier album. Nouvelle interface directe entre les artistes et leurs fans, de nombreux rappeurs lui emboîtent le pas : Kanye West, Asap Rocky, Eminem… Désormais soutenu par de solides financeurs et adoubé par la moitié du monde hip-hop, le site qui attire déjà plusieurs millions de visiteurs par mois, passe la deuxième. Genius se propose d’abord d’étendre le principe à d’autres styles de musique : pop, rock, country, r’n’b et bientôt d’autres domaines. La littérature, l’histoire, le droit, les news, le sport ont leur section dédiée. En tout, pas moins de 14 rubriques différentes sont créées successivement. polémiques ET CONSENSUS. Pour ce qui est du site en lui-même, le fonctionnement est très simple. En s’inscrivant gratuitement, tout le monde peut proposer son explication de texte sachant que chaque commentaire peut être édité à l’infini, faire l’objet d’une réponse de la part d’un autre membre et est évidemment modéré avant d’être publié. Genius revendique à la fois le côté pédagogique mais aussi ludique. Ainsi, chaque contributeur a un « QI Genius » qui grimpe lorsque d’autres utilisateurs aiment son commentaire. Et plus le QI grimpe, plus vous êtes susceptible de prendre du galon. Exemple : un éditeur peut modifier ou supprimer l’annotation de quelqu’un d’autre et accepter ou rejeter une suggestion. Les modérateurs, eux, ont les mêmes prérogatives que les premiers sauf qu’ils peuvent en plus nommer de nouveaux éditeurs et accéder avant tout le monde aux nouveaux outils du site. Les régulateurs, qui sont en haut de cette pyramide, sont responsables de la bonne santé générale et surtout de la bonne conduite des utilisateurs. Avec ce système bien verrouillé, normalement aucun dérapage ne peut se produire. À moins qu’il ne provienne directement d’un des régulateurs… Par deux fois l’année dernière, Genius a ainsi défrayé la chronique. D’abord en décembre 2013, lorsque Google les « efface » des résultats de recherche pendant dix jours suite au non-respect du code de bonne conduite du géant d’Internet. Plusieurs sources révèlent que le responsable du développement du site demandait à des sites de relayer l’adresse de Genius en échange d’une visibilité de leur part sur les réseaux. Google punit les fraudeurs et fait chuter la fréquentation du site qui passe de 1 million de visites/jour à 100.000. Les fondateurs s’empressent de faire leur mea culpa en public, alors qu’ils clamaient peu de temps

L’INTERNET DU FUTUR ? Ce qui ne signifie pas non plus qu’on ne peut rien apprendre, au contraire. Les commentaires sont parfois bien plus intéressants que le texte annoté, listant et expliquant les nombreuses références cachées. On peut commencer par aller voir les lyrics d’un morceau de Run DMC, et atterrir sur un second morceau, qui lui-même renvoie à la Déclaration d’Indépendance pour terminer sur le script de Breaking Bad. Toutes sortes de connaissances se partagent et réunissent souvent des sujets en apparence déconnectés. Sans compter les innombrables photos, mots d’esprit et autres gif. Beta/Genius est encore en phase d’essai mais est d’ores et déjà testable, il va falloir attendre au moins dix ans avant que le projet remplisse son objectif. Vous pourrez ensuite vous fendre d’un commentaire érudit sur le blog mode de la petite Cindy, ou tenter d’annoter les courbes de mortalité des abeilles sur le site de Monsanto. // S.B.

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la page mode Photos : Vincent Arbelet Modèle : Bambi vs Skeletor Accessoires : morts Série réalisée à la faculté de Dijon, bâtiment Gabriel, avec les collections du patrimoine scientifique de l’uB Merci à Marie-Laure Baudement

À gauche Robe : pixelisée, peut donner envie de vomir Collant : saillant Escarpins : mi-mule, mi-stringué Cheveux : parce que je le vaux bien

Ci-dessus Short : blue jeans « Le Travailleur Réuni » T-shirt : camionneur Chaussures : bateau ivre Peau : laiteuse Cheveux : ultra doux

À droite Robe : labyrinthe, peut aussi donner envie de... Collant : toujours saillant Escarpins : toujours mi-mule mi-stringué Pose : Joe Bar Team



typolOgie

La

ÉE PaR martin caye illustrations : hélène virey

Chez Noz, on peut acheter de tout. À tous les prix. Ces magasins de destockage rachètent les restes de faillites, d’inventaires, les excédents, les invendus. Dans les bacs des magasins Noz, on trouve de la bouffe, des fringues, de l’électronique, des semis, des meubles, de la bijouterie, de la papeterie, des produits de beauté, des bouquins, des disques, des jouets et bien d’autres choses. Les stocks sont différents d’un jour à l’autre, en fonction de l’approvisionnement. Noz, c’est environ 250 magasins répartis sur tout le territoire (sauf en PACA, va savoir pourquoi), 4.000 employés, 70.000 fournisseurs dans le monde entier et une une croissance à deux chiffres. Bon jusque-là, ok. Mais qui fréquente ces fameux « magasins de la crise » ?

L’œnophile

Client furtif, car à la recherche du bon plan. Du plan ultime, même. Il connaît un secret peu partagé : parfois, des cargaisons d’excellents vins sont rachetés pour rien par Noz et revendus pour une bouchée de pain. Mais, prix oblige, aucune info sur les conditions de stockage des bouteilles. Un Graves 2007 à l’étiquette prometteuse se révèle parfois s’être transformé en vinaigre. Alors l’œnophile n’a pas 50 solutions : il achète une quille et il goûte. Souvent accompagné par 3 ou 4 semblables, il sort les verresballons sur le parking et tente de déterminer si la robe est belle, le palais fleuri ou s’il a de la cuisse. Si c’est du bon. Il achète tout le stock. son article

Saint-Emilion. Bouteille de 75 cl. Année 1989. 7,49 € la bouteille.

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le prof

12 ans qu’il enseigne l’histoiregéographie à des lycéens hébétés qui se foutent de savoir que la libéralisation des marchés détruit l’économie française à petit feu. Il a même confectionné une série de graphiques qui ont été super bien reçus sur planeteenseignant.com. Depuis toujours, le capitalisme, c’est son ennemi. C’est pour ça qu’il a voté NON à la Constitution Européenne en 2005. Mais bon, c’est vrai qu’elles sont bonnes ces bières espagnoles rachetées à un entrepôt slovène en faillite. En plus, elles coûtent que dalle. Ça serait quand même con de se priver.

le chineur

Pour lui, Noz a des allures de paradis. Des bacs immenses remplis de merdes inutiles à tous les prix. La plupart du temps, il y va « comme ça ». Mais des affaires chez Noz, il y en a tout le temps. Son vice le travaille en permanence… Et merde, l’occasion fait le larron, et il n’a pas hésité longtemps à acheter ce jeu de quilles de Molkky pour 1/3 du prix en magasin spécialisé. Oui, il ne sait pas y jouer, et alors ? son article

Johnny, énorme livre de photos de Johnny Hallyday. 12,00 €. Prix d’origine : 45 €. Non, il n’est pas spécialement fan.

son article

Bidon de lessive. Origine Pologne. Lave moins blanc mais lave moins cher. 1,20 € le litre.

l’étudiant

Pour lui, Noz, c’est le CROUS de la grande surface. Tout y est à son prix. De quoi se faire des courses de malade pour le prix d’un Kébab-frites. Mais non, il continue à claquer un tas de fric dans des pizzas surgelées, des burgers surgelés et des surgelés surgelés à la supérette du coin. Par contre, chez Noz, ils ont des tas de produits bizarres que l’on ne trouve que là-bas. Les fameux macaronicheese micro-ondables célèbres aux US. C’est chez Noz. Le pop-corn à faire soi-même. C’est chez Noz. Même la Franziskaner est chez Noz, maintenant qu’elle n’est plus au Cappuccino. RIP.

Le vrai pauvre

Et puis il y a celui qui va chez Noz parce qu’il n’a pas tellement le choix. 3 gamins braillards sur le dos, le Lumpenproletariat de Marx se retrouve aussi dans « les magasins de la crise ». Produits de base, entretien, meubles, jouets pour les enfants… Tout est moins cher et bien souvent, moins bien. Il faut dire que, chez Noz, tout vous rappelle que vous êtes ici parce que vous manquez de thune, des entrepôts immenses aux éclairages blafards aux caisses enregistreuses années 80 avec leur tickets mal imprimés.

son article

Bouteille de Dr. Pepper 50 cl. Import US. Palette de 30 bouteilles. 1,59 kg de sucre en tout. Total 19,50 € (soit 1,30 €/litre).

son article

Grenouillère pour enfant. 100 % polyester. Taille 6 mois. 1,99 €.

Tous les prix des articles sont authentiques. La plupart ont été trouvés dans le magasin Noz de Marsannay-la-Côte.

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diaporama par MARTIAL RATEL PHOTOS : ALEXANDRE CLAASS

Vélodrome de Dijon : le grand cycle Depuis 1934, Dijon a son vélodrome. Une vraie arène de cyclisme, pas le stade de foot à la marseillaise. Le vélodrome

dijonnais est d’ailleurs à l’ombre de la marmite Gaston Gérard, planqué, snobé par la tribune nord qui lui tourne ostensiblement le dos. Les soirs de match du DFCO, les 250 mètres de l’anneau de béton se transforment en parking pour VIP. Aujourd’hui, tout le monde ignore cette installation. Enfin presque tout le monde. Le SCO (Sprinter Club Olympique) y a ses installations, l’école de cyclisme fait tourner les enfants le mercredi après-midi et une fois le beau temps revenu, une poignée de passionnés s’active sur et autour de la piste à ciel ouvert. Un panneau compile les records de la piste version Hall Of Fame et rappelle au visiteur le temps béni des vélodromes. Le record de l’heure sur l’anneau battu dans les années 1990 datait de... 1946 ! Jeannie Longo détient le record des 3 km depuis 1985, feu Philippe Gaumont tient toujours le record cadet des 2 km depuis 1989... Tout ça ressemble à une échappée dans les Hautes-Alpes version Indurain, Bugno et Virenque. Le lieu transpire l’histoire mais ça fait un bail que personne n’a pensé à lustrer la balustrade, histoire de retrouver le clinquant de ce qui fût, dans l’entre-deuxguerres, une des principales attractions populaires. 17.000 personnes pouvaient s’entasser dans celui de Paris. Ça tournait des jours et des soirs entiers. Au milieu, les Arletty, Yvette Horner, Maurice Chevalier et Piaf venaient se faire acclamer entre deux passages de relais.

l’arène

250 mètres de béton à rafraîchir.

À Dijon, fin mai 2015 à midi pour les qualif ’ et finales d’une compétition Grand Est, un enfant de 7 ans pouvait compter sans problème 8 spectateurs dans les tribunes. Pourtant, pour avoir assisté à une autre course, plus fréquentée, on sent que derrière le sport et les performances, le grand cirque ne demande qu’à se réveiller. Le speaker est forcément là, à jacqueter tout le temps. La sono crache son électro disco de boîte, les courses succèdent aux « scratchs », aux « défis », aux courses avec motos. Un vrai balai homme-machine d’une époque lointaine associant déjà sport et divertissement. Le tout dans la gangue, l’arène elle-même, structure impressionnante et vénérable. Un ensemble de béton, espèce de style international avant l’heure, destiné au confort des corps et au plaisir des yeux, association ou enchevêtrement de colonnades, de ronds et de cubes autour de l’anneau central. Oui, ça donne envie de voir des concerts au milieu, même pendant une course. Oui, évidemment, on le sait, d’autres ont déjà pensé à ça avant mais hélas, pour d’obscures raisons, cela n’a jamais été possible. Pourtant... Pourtant... Pourtant... Ce jour de fin mai, une grosse centaine de cyclistes s’affairait, des teams venues de Besançon, Bar-le-Duc ou d’Alsace. Et, surprise, un très grand nombre de filles pratique la course de vitesse sur piste (à vue de nez, la moitié). Pour info, les records du matin étaient de 14,722 secondes pour boucler les 250 mètres soit un petit 60 bornes à l’heure. 54


le vélodrome

le tunnel

Vu comme ça, ça doit vous sembler banal, mais : 1. C’est l’accès des vedettes. L’étrange mouvement descendant suivi d’une remontée au milieu de l’arène. On file ma métaphore de la descente aux enfers et la remontée vers la lumière ? Non, pas la peine. 2. Bien entendu, pour tout cycliste, c’est l’arrivée en juillet sur les Champs-Élysées, ce passage. L’équivalent du Tunnel de l’Étoile, bien sûr.

technique

« Les virages sont extrêmement raides. Une allure minimum est conseillée », nous informe le speaker. Virages à 45°.

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Shimano-renault-look

Mais que fait cette voiture ici ? C’est quand même pas la safety car ?

Au milieu des cyclistes

Ça s’échauffe sous les ordres du speaker qui convoque les numéros pour l’entrée en piste. On a bien dit qu’on ne moquerait pas les justaucorps, les shorts moulants et les couleurs fluo ? Oui. Alors on ne le fait pas.

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le vélodrome

Les virages

Mais comment fait-on pour monter dessus et rouler sans tomber ? Magie du cyclisme.

Kids on (free) Wheels

Épreuve de cadets prêts au départ. La concentration se lit sous les casques. Derrière, les roues pleines poussent à la prise de risque extrême. Le chauffard est proscrit du cortège. Le sportif sera-t-il happé par la vitesse, maîtrisera-t-il la machine ? Les soubresauts de la bête puissante et la chute, le déshonneur à Rimini ou la volte dans l’aspiration et la victoire au parc Gaston Gérard. Bonjour à Philippe Brunel de L’Équipe.

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par so fish illustrations : mr. choubi

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so fish

La fishstory Vanessaouioui vous a envoyé un message. « Hey les filles, ça vous tente un petit barbecue à la maison dimanche ? » C’est mercredi après-midi au bureau, ton petit ventilateur est sur 3 et tu remplis difficilement tes tableaux Excel quand Facebook et ta pote Vanessa illuminent ta journée. Lundi soir déjà, tu avais apprécié qu’Evelyne Delhia, étincelante dans son nouveau tailleur bleu ciel, présente aux Français son resplendissant premier soleil total. De leur côté, en janvier dernier, alors qu’ils venaient d’acheter une jolie petite maison du côté de Belleneuve*, Vaness’ et son mec Thibault fêtaient leur pendaison de crémaillère. Outre le fait que le couple s’en soit sorti avec une dignité quelque peu remise en question, Vanessa avait balancé avant que vous ne partiez : « Hey les amis, dès qu’il fait beau c’est pétanque et barbecue dans le jardin ! On en a trouvé un pas cher et tout en pierre chez Noz ! » #pasdesoucis #printemps #bisous. Quelques mois plus tard, Vaness’, que tu adores pour vos différences (doit-on le préciser dès maintenant), possède deux défauts majeurs : son mec et une très très forte capacité à bouffer de la daube. Donc quand on commence à parler barbecue du dimanche, tu sais au fond de toi qu’il ne faudra compter que sur

toi-même et les quelques potes de bon goût invités pour l’occasion. Tu fais un peu la snob mais bouffer de mauvaises chippos en buvant de la kro et en écoutant le dernier - mais vraiment le dernier hein album de Tryo, c’est pas ce que tu appelles un bon dimanche… Toi, il te faut un jardin, de l’eau à proximité, un transat, de l’alcool pour chiller et un minimum de qualité gustative. Sans oublier que pour l’occasion, elle t’aura encore ramené un ou deux potes pépites célib’ de son mec, bien que tu lui aies déjà rappelé 1.000 fois que le combo polo-espadrilles-faux panama… c’est franchement pas ton style ! Comme tout bon couple bien organisé, un peu boring et vivant « à la campagne », l’annonce de la petite sauterie s’est faite dès le début de semaine, ça te laisse autant de temps de zapper le rendezvous que de préparer deux-trois trucs qui contenteront à la fois les carnivores, les « assiettes complètes » et les végé-bouffeurs de colza de cette joyeuse assemblée. Un barbecue, c’est un peu une étude sociologique. Tout le monde arrive à se retrouver autour de cet objet populaire tout en y attendant des résultats très différents les uns des autres. Du coup, pour y obtenir un accueil tout aussi populaire, et montrer aux mecs en polo que tu as du goût, toi, tu prépareras des brochettes, une salade roborative et des petits légumes so cute.

*Nous avons choisi la région des grand lacs pour un bon rapport fraicheur/prix. Pour les plus huppés d’entre vous, l’intrigue de cette histoire peut se dérouler dans la vallée de l’Ouche, sur la Côte de Nuits ou dans un jardin privé de la rue Buffon. 58


La shortfish A priori, tu es large pour faire tes emplettes. Pas trop tôt quand même, la viande ne se garde pas éternellement au réfrigérateur*. Comme d’habitude, on t’emmène au marché ou simili (grande surface), c’est selon. Il faut savoir que vous serez une petite douzaine pour ce premier barbec’ de l’année. Du coup, il te faudra au minimum 1,5 kg d’échine de porc pour faire les brochettes (environ 120g/personne). Tu iras chercher de la patate : 2 kg. Des herbes en veux-tu en voilà (ciboulette, cerfeuil, persil plat). La fraîcheur pour la salade. Pour les légumes en papillote, en fonction de la saison et des goûts, tu nous prends des poivrons, des aubergines, des courgettes, des petits

radis rouge (à cuire, c’est délicieux). Un citron vert et un ananas, pour une ambiance plus exotique, un peu d’ail frais et d’oignons nouveaux… Normalement, tu as maintenant de la pâte de curry dans ton fridge (cf. recettes dans les numéros précédents), un peu de lait de coco, du gingembre et du piment. Au passage, choppe aussi des grands pics à brochette, du papier d’alu et tu seras enfin parée !

*Un frigo.

Le fishmeal • Prépare une petite garniture avec tes herbes hachées (persil, cerfeuil et autres), des cornichons aigre-doux si tu as et quelques pommes bien croquantes coupées en dés. • Fais ensuite une vinaigrette bien corsée, et pour ça, une petite astuce : tu fais réduire ton vinaigre (ici balsamique blanc ou Xérès) à feux moyen pendant 5 min. Ça pue, ça pique les yeux, mais le goût bordel ! • Une fois qu’il a refroidi, tu le mélanges à une bonne cuillère de moutarde à l’ancienne et tu montes ta vinaigrette avec de l’huile (pépins de raisin ou autre). • Dans l’idéal, tu peux aussi allonger ta vinaigrette avec un bouillon de légumes (OK, tu peux faire fondre un cube dans ½ litre d’eau), ça sera encore meilleur. • Tes pommes de terre sont refroidies, tu peux les couper en gros cubes, y ajouter les pommes et les cornichons, et mélanger avec ta vinaigrette et tes herbes !

On sait bien que tu te seras pas couchée hyper tôt mais prends-toi quand même 1h30 pour faire tout ça et boire beaucoup de café… quitte à arriver à 14h… après tout, tu dois honorer ton étiquette de célib’ instable ! • Mets une grande casserole d’eau à bouillir avec du gros sel et un beau bouquet garni (oui, maintenant que tu sais ce que c’est…), et brosse la peau de tes pommes de terre à l’eau froide avant des les plonger dans la casserole. En principe ça devrait cuire 20 min, mais pique pour vérifier, il faut qu’elles soient encore fermes. • Pour les brochettes, coupe la viande en morceaux pour les faire mariner tranquilou avec du vieux rhum brun, un peu de sucre roux, le jus d’un citron vert, du piment, du gingembre et de l’ail coupés très fin, tu mets tout ça au frais dans un tupp. Si tu suis bien, tu noteras qu’on ne te parle ni de sel ni de poivre, faudra penser à le faire au dernier moment, juste avant de les mettre sur la braise. • En même temps, pèle ton ananas et coupe-le en dés (l’ananas, on sait jamais comment s’y prendre. À défaut d’avoir l’air con, matte un tuto sur Youtube, tu gagneras du temps). • Assemble les brochettes, en alternant morceaux de viande et d’ananas… et garde les dans le tupp pour le transport, pour que ça prenne bien tous les goûts avant la cuisson. • Pour le temps de cuisson, tout dépend du barbecue et de celui qui l’orchestre…

Pour les papillotes, rien de plus simple : • Coupe en morceaux les légumes que tu auras trouvés, ajoute un peu d’ail nouveau bien émincé, un peu de pâte de curry diluée dans un peu d’huile et du lait de coco. Sale, poivre. • Superpose 2 feuilles d’alu assez grandes pour se fermer et dépose les légumes avec un peu de ta prépa au lait de coco. • Astuce pour pas que ça dégueule partout… mets tes feuilles d’alu dans une assiette creuse et ferme bien une fois que c’est rempli. • Sur la grille du barbec’ environ 15 min, ce sera délicieux !

À ce stade, tes pommes de terre sont cuites, égoutte-les et laisse-les refroidir. Pendant ce temps…

La happyfish Tu as été à l’arrache toute la semaine et ton samedi s’est résumé par terrasse et verres de vin entre copines au soleil, premiers rayons obligent ! Du coup, tu n’as rien préparé avant d’être saoule, et t’as même rien tenté après... Mais joie dans ton cœur, le Super U

d’Arc-sur-Tille est ouvert le dimanche et propose déjà ses magnifiques paniers, spécial barbecue. 8 kg de viande trop grasse à un prix dérisoire. Tu prends une cagette qui ravira les hommes et un pack d’Heineken, la qualité en plus... // A.S. et S.G.

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foodage de gueule

Bordel, j’ai fini par manger végétarien Les tests sanguins sont sous tes yeux, édifiants : tu exploses tous les taux. T’es genre un cadavre en sursis, artères quasi bouchées. Il faut dire que t’étais du genre à faire des combos Mont d’or/viande des grisons en plein mois d’août. Il ne te reste plus qu’à manger des putains de graines et de la mâche, le tout arrosé de Contrex, en faisant de la méditation devant ta tenture Bob Marley. Ton magazine est heureusement là pour t’éviter de sombrer dans la dépression, et va te suggérer quelques plans végétariens absolument pas dégueulasses. Comme quoi : tout arrive.

par tonton stéph photos : alexandre claass

La Causerie des Mondes (27 rue Amiral Roussin) Cet établissement réputé a une clientèle fidèle qui vient prendre le soleil sur sa terrasse, parmi les plus agréables du centre-ville. Pour une fois, avec fort peu de 4x4 se garant à côté, seule la proximité du bureau parlementaire d’Alain Houpert pourra vous couper l’appétit. À peine arrivé un midi, je me rends compte que tous mes voisins de table évoquent leur réservation : attention donc à ne pas vous faire avoir. Pour 14 euros tout de même, j’ai opté pour la formule du midi. Et dis-toi bien quand même que pour faire cette chronique à la noix, j’ai dû faire l’impasse sur les lasagnes de poulet ou la cocotte de porc aux épices et pruneaux, sa mère ! Il a fallu que je me fende de cette phrase zinzin : « Je prendrais bien l’assiette végétarienne ! » Quelques citations, notamment du Dalaï Lama, sont lisibles dans le joli local du restaurant. Il se trouve que c’était très bon, frais, et parfumé. J’ai eu droit à un risotto de millet au mascarpone (le végan-hardcore s’éclaffe déjà), taboulé super frais avec du bon raisin, salade de lentilles et betteraves, brocolis, champignons et terrine de carottes. Tu t’en doutes, j’ai d’emblée envisagé de réclamer un second plat du jour végétarien, en l’occurrence un curry de légumes indien et son boulgour, mais il n’en a pas été besoin. Le dessert conseillé, un muffin noisette-orange, est venu terminer l’affaire. Dommage qu’il n’était pas complètement cuit à l’intérieur. 14 euros ? Il faut bien ça pour de la graille maison et bio, mais il se trouve surtout que ce qui m’a été servi était bien suffisant. Sachant que la patronne fait bien l’effort de varier les mets servis, je crois que le lieu est largement recommandable. Aussi pour goûter un des nombreux thés et cafés servis ici par ailleurs. Par contre, si vous détestez les profs et autre racaille bobo, n’y allez surtout pas. Dire que

j’ai failli faire une chronique sur les restos « routiers ». Ici, des routiers, vous n’en croiserez probablement pas, d’autant que le lieu semble fréquenté au trois-quarts par la gent féminine. → 60


Le Shanti (69 rue Berbisey) J’ai failli ne pas en parler, cela aurait fait un bon troll. C’est en effet ze végétarien de la ville : celui à propos duquel les réactions laudatives sont censées rassurer ; le genre d’institution dijonnaise où tu ne t’arrêtais jamais, trop de mépris. Tu t’en battais autant que des jardins des Lentillères : c’est dire... L’appellation « Bar à jus - Restaurant végétarien » t’en touchais une sans bouger l’autre. Tu traçais. Mais te voilà. Grosses salades, veggie burger, falafel, soupes... Le tout lorgnant un peu du côté de l’Inde. Sans les mouches. En vérité, j’y avais cru : la grosse assiette indienne pour « végétariens affamés » m’avait interpellé. Mais las : elle n’est pas si grosse que cela, et c’était bien un « végétarien » qui était censé être affamé. Et je suis bien resté sur ma faim. Quelques légumes marinés au curry et cumin, une espèce de falafel de légume, une sauce au yaourt, du riz et un pain indien, c’est pas Byzance. Quand au « cannibale burger » végétarien, rempli de graines germées et de « légumes de saisons grillés » (en fait il n’y avait que du chou), il ne m’a pas plus convaincu. Surtout parce que les deux steaks végétariens ne sentent pas très bon et ont également un goût qui n’est pas très plaisant. Je suis bien désolé : j’étais honnêtement le premier à penser que je dépasserais mes à priori sur la bouffe vegos, d’autant que j’en avais tout de même déjà mangé, mais là je ne suis pas du tout convaincu. Les goûts, les couleurs, tout ça. Pour éviter une crise diplomatique au sein de l’équipe de notre magazine, je vais tout de même relever pourquoi tu peux aller au Shanti. À mon sens, pas trop pour la bouffe. Mais vas-y te faire ta propre idée. Si tu te déchausses, tu pourras accéder

à la seconde salle, très sympa, où tu pourras te délasser en dégustant divers thés, ainsi que des lassis, qui ne sont à ma grande déception pas de grands clébards élégants, mais une boisson sucrée ou salée à base de lait fermenté. Je n’ai pas osé tenter ; il y a divers juices du plus bel effet pour les gens comme moi à la place. Autre bon plan, si tu y tiens vraiment, les plats sont apparemment servis à toute heure : tu pourras donc manger en attendant tranquillement ton dealer, nickel. Sinon, ils proposent aussi divers stages de méditation qui font surtout songer à un certain sketch des Inconnus. Mais vu que tes petits nerfs ne tiennent plus dès qu’on s’avise de déconner à propos du Tibet, libre à toi d’aller y augmenter ton « taux vibratoire » (lu sur le site, me demande pas ce que c’est et dans quelle partie du corps ça se faufile), et faire divers exercices de yoga et de méditation.

le phenicien (49 rue Jeannin) Avoir pour but dans la vie de manger absolument végétarien n’implique pas le moins du monde de claquer ses précieuses ressources dans des plats à plus de 10 euros, comme cela a été le cas jusque là. Mais disons que tu ne vas pas être amené à sortir souvent de chez toi,

car les établissements proposant cette option ne sont pas non plus légion, si on excepte bien sûr les inévitables salades que certains restos opportunistes – et Dieu sait qu’à Dijon il y en a – vont faire claquer d’ici cet été. On t’a tout de même dégoté un plan de derrière les fagots pour les derniers jours du mois (ou à partir du 5, c’est selon). Tu sais, quand t’es absolument fauché à force de claquer ta bourse du Crous au Chat, et que ton conseiller bancaire ne te parle toujours pas, laissant les agios automatiques régler ton compte. Allez, pour seulement 4 euros 50, tu seras tout simplement refait. Au lieu d’aller te remplir le bide avec la viandasse de veaux terrorisés aux kébabs qui jouxtent le Vieux Léon, autant aller te péter un petit Falafel qui sera tout aussi nourrissant et grassouille. Pour rappel, ce sont des espèces de croquettes de pois chiche frites, qui ont une consistance pas si éloignée de la viandasse qui te fait tant rêver passée une heure du mat’. Rajoutes-y des oignons, du chou rouge fluo et la fameuse sauce à l’ail et tu obtiens le meilleur plan végo de ta ville. Prends ça, le Charollais. Prenez ça, les volailles de ta Bresse natale. Pour ne rien gâcher, les serveurs sont adorables, discrets et plutôt rapides. C’est bien simple, tu te sentiras comme le Hamas ici : à la maison.

et aussi Bol et Tasse (54 rue des Godrans) Il y eu bien ce jour de printemps, il y a un an ou deux, où j’avais tenté de me poser à la terrasse ici, mais le patron bavard, qui venait d’ouvrir, avait déclaré une guerre totale à ma tranquillité, me dissuadant d’y remettre les pieds. Donnons-lui une deuxième chance de fermer sa gueule. Soupes, salades à composer soi-même, tartes salées : tous les classiques du rabat-joie-qui-aime-pas-le-magret sont là. Y’a même des crêpes et des milkshakes pas dégueu pour le dessert. La Petite Marche (27 rue Musette) C’est là où tu peux surtout ravitailler ta yourte de produits bio. Mais il est aussi possible de consommer des plats sains préparés pour les végétariens : fondant aux champignons, crumble provençal, clafoutis aux tomates-cerises, et autres fondants de poireaux au

tofu fumé (ouais, ce dernier intitulé fait flipper). So Fresh (47 rue Jean-Jacques Rousseau) Le lieu ne donne pas franchement dans le vegan mais multiplie les petites salades sympas à grignoter le midi. Tu peux aussi juste y passer pour goûter un de leurs grands jus de fruits mixés pour pécho deux ou trois vitamines. Best Bagels et son veggie orgy (84 rue Berbisey) Tout est dans le titre. Les Pieds Bleus RIP (13 place Emile Zola) Pas eu le temps d’essayer. Treize Lucioles a pris le relai et propose quelques plats végétariens. Les Tanneries (35-37, rue des Ateliers). Renseignez vous sur les dates, mais nos p’tits potes organisent régulièrement des festins vegans. Avis aux amateurs de poireaux. // T.S.

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immersion

insérez une pièce C’est pas encore la fin du mois que t’es déjà en dèche de thune. Alors tu réfléchis à comment te faire un petit complément pour finir les 20 prochains jours dans une relative tranquillité financière. Tu as vite compris que ce boulot de vendeur payé à la commission, ça n’était pas fait pour toi. Et que distribuer des tracts et faire signer des pétitions pour défendre les droits des animaux rue de la Lib’ ne t’enchante guère. Te vient alors cette idée soudaine et délirante : « Putain, et si ce soir je me faisais des couilles en or au casino ? » Tu te rencardes pour savoir où tu vas claquer tout le pécule qu’il te reste et la réponse apparaît sur ton Google. Direction Santenay-les-Bains.

par valentin euvrard et nicolas boeuf illustrations : david fangaia

JOA. Trois lettres qui brillent au milieu des vignes. Le casino le plus proche de Dijon est au 9 rue des Sources, Santenay, 21590, Côte-d’Or. Rue des sources ? Hé ouais, tu l’ignorais sans doute, mais on ne peut pas construire des casinos où l’on veut. Il y a des réglementations très strictes, notamment cette loi du 15 juin 1907 qui stipule que toutes les maisons de jeux doivent être installées dans les stations balnéaires, climatiques ou thermales. Figure-toi que la commune de Santenay, en plus du vin, a bâti sa réputation sur son ancienne station thermale. Fermé depuis 1993, le groupe Valvital a depuis repris l’exploitation du centre pour une réouverture cette année. Contactée par nos soins, la mairie de Santenay nous informe que le projet prend plus de temps que prévu « et [qu’] il faut déjà construire les installations avant de les ouvrir ». En gros, c’est pas pour maintenant. Tant pis, on se passera du hammam post-casino cette fois-ci. Le casino, lui, est là depuis 1892. Belle bâtisse bourgeoise, c’est le groupe JOA qui s’est emparé du lieu. Chemise cintrée, petite veste et boucle de ceinture apparente, nous sommes prêts à pénétrer dans le temple du jeu. Sur le perron, un quidam en jogging nous interrompt. « Gros, je peux pas rentrer habillé comme ça, je te passe un jeton et tu me prends un paquet de clopes ? » Oui, faisons ça. Une fois passée la commission, nous allons au stand de change. Je tends à la guichetière ma fine liasse de billets de 10. « Je vous fais des seaux de 10, 20, 50 centimes, des jetons ? » Hein, quoi, que me voulez-vous ? Face à mon incompréhension, la dame comprend que je suis novice en la matière. Elle appelle Alexandre qui me fait une visite guidée du lieu. Au rezde-chaussée, ce sont les machines à sous, accaparées exclusivement par des petits vieux (voir lexique, ndlr). L’endroit ressemble assez à une salle d’arcade d’un ferry, avec sa moquette à perte de vue et ses écrans lumineux surpuissants. À l’étage, on retrouve les tables de jeux. Deux types disponibles : le blackjack et le poker. Après les instructions de mon guide, je me lance dans le grand bain.

Tire mon manche. Un gros paquet de jetons dans la main, je m’installe derrière un bandit manchot. Au-dessus de la borne, une grille explicative des combinaisons possibles. Elle paraît simple, mais en réalité ça l’est un peu moins. Des pièces tombent sans pour autant avoir une combinaison de 3 signes similaires. Mais là n’est pas l’essentiel. Bien plus que les gains – minimes – ce sont les rouleaux qui m’hypnotisent. Machinalement, j’insère pièce après pièce pour les voir rouler et espérer sortir trois 7 alignés. Un peu comme les jeux à gratter, une addiction s’installe. Mettre une pièce, c’est pouvoir activer le manche avec sa résistance et son craquement particulier. Sans m’en rendre compte, j’épuise considérablement mes deniers pour une rentabilité quasi nulle. On est bien loin des jackpots à 5 chiffres fièrement affichés à l’entrée du casino. La seule fois où je m’en rapproche le plus, une dizaine de pièces tombe. Cri de victoire. Une grand-mère vient observer mon écran. Elle s’attendait à un gain nettement plus gros. « Ha, c’est bien, ça va vous permettre de continuer de jouer ». Ding, crack, dang ! Dang ! Dang ! Quand les planètes sont alignées, jouer au bandit manchot ressemble assez à l’introduction de Money des Pink Floyd. →

« Gros, je peux pas rentrer habillé comme ça, je te passe un jeton et tu me prends un paquet de clopes ? »

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« Le piège, c’est de retirer de nouveau de la thune une fois que t’as perdu tes 50 euros en espérant te refaire. Ça n’arrivera pas »

Je prends une pause. Je déambule dans le salon et je regarde les autres joueurs s’affairer sur leur écran. Le bandit manchot se décline en plusieurs versions, notamment sur écran tactile. Les rouleaux mécaniques sont remplacés par une tablette sur laquelle défile un million d’informations. Golden Tower, Red Phoenix, Shadow Diamond, Empress of Time… D’une machine à l’autre, on passe d’un thème médiéval à un autre égyptien, en passant par de la fantasy colorée. Je ne comprends absolument rien à ce qu’il se passe sur les écrans, je pense que les grands-parents non plus. Tout ce qu’ils font, c’est appuyer sur une touche qui relance sans cesse le jeu. Un écran indique les gains et les pertes en temps réel. Une mamie atteinte de la maladie de Parkinson n’a même pas besoin de faire d’effort pour redémarrer ses parties. Jacques noir. Comme des insectes attirés par la lumière, tout le monde est scotché sur son écran, appuie frénétiquement sur les boutons, sans dire un mot. Surtout, on n’a jamais l’impression de pouvoir véritablement gagner quoi que ce soit. Plutôt que de perdre mon temps, et donc mon argent, je me dirige à l’étage et ses jeux de table. Au moins pour avoir l’impression de mettre les chances de mon côté et de repartir avec le pactole. L’ambiance est bien plus calme. Les joueurs, bien plus jeunes, font claquer nerveusement leurs jetons tout en se demandant s’il vaut mieux jouer rouge impair ou noir pair avant le prochain tirage de la roulette. « Les jeux sont faits », balance le croupier. Trop tard pour les indécis, il fallait jouer 7, rouge, impair. Ma malheureuse aventure sur les machines ne me donne pas envie de jouer de nouveau sur le hasard, alors je m’installe à la table de

blackjack. Mise de départ : 5€. Comme mes fonds sont désormais très limités, je sais que je n’ai pas le droit à l’erreur. Premier tirage, blackjack d’entrée de jeu, je récupère une fois et demie ma mise. La chance du débutant. Plus les cartes s’abattent, plus j’ai la fièvre du jeu. Je sais que c’est possible de battre la banque, il suffit de réfléchir un peu. Pourtant, pression à la table oblige, je craque de temps en temps, je demande une carte de trop ou j’anticipe mal le tirage et je perds ma mise. Le croupier épuise son jeu de cartes, et le temps qu’il prépare une nouvelle table, j’en profite pour m’en griller une avec d’autres jeunes venus tenter leur chance. Ils m’expliquent qu’ils ont retenu certains cas de jeu qui assurent souvent la victoire. Par exemple, lorsque le croupier sort un 4, un 5 ou un 6, il a de grandes probabilités de « sauter » (comprendre : dépasser le 21). Ils parlent aussi de « bûches », synonyme des têtes, qui valent 10 points chacune. Retour à la table, ça marche un peu mieux pour moi avec ces nouveaux éléments stratégiques. Je me refais et je récupère ma mise de départ. Statu quo, je quitte la table sans avoir perdu d’argent. Poker face. De retour au rez-dechaussée, mon instinct m’incite à reprendre un gobelet de pièces. Me voilà de nouveau le nez collé à une machine. La chance n’y est toujours pas. J’alterne, en me disant que le bandit manchot précédent était détraqué, mais rien n’y fait. Suis-je un petit vieux, à ne pas pouvoir décrocher de mon écran ? C’est alors que j’aperçois, au fond de la salle, une borne de poker numérique. La qualité d’affichage est digne d’un Commodore 64. C’est sacrément dégueulasse et les trois bornes contrastent avec tous les autres jeux à côté. →

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5 règles à suivre pour ne pas se faire plumer au casino 1. Pars du principe que tu vas perdre. Avant d’attaquer ta soirée et d’enfiler ton polo col relevé, décide du montant que tu es prêt à jouer. Et dis-toi que tu vas perdre. Le piège, c’est de retirer de nouveau de la thune une fois que t’as perdu tes 50 euros en espérant te refaire. Ça n’arrivera pas, alors arrête les frais. 2. Ne sois pas saoul. Enfin pas trop. Sinon, tu risques de ne plus être capable de suivre la règle numéro 1 du tout. Et t’auras l’air malin quand il faudra expliquer à ton banquier qu’il va falloir casser ton PEL pour finir le mois. Surtout quand t’as pas de PEL. Ne sois pas totalement sobre non plus. Personne n’a envie de te voir réfléchir deux heures pour une mise de 5 euros. Un peu de spontanéité, bordel. 3. Ne joue jamais avec des Chinois. Jamais. Ces gars-là ont le démon du jeu dans leur culture et n’ont pas peur de perdre 5.000 euros sur un lancer de roulette foireux. Se lancer dans une partie avec un Chinois n’est que promesse de misère et d’agios. 4. Tiens-toi bien, bordel. C’est pas parce que tu as fait un blackjack avec ta mise d’étudiant qu’il faut hurler et se jeter sur la table pour ramasser tes jetons. Reste cool. Tu peux te permettre de hausser légèrement un sourcil à la limite. Perdre tes 20 derniers euros sur un quitte ou double téméraire, ça fait mal, mais sache rester digne. 5. Laisse tomber les machines à sous. À moins que tu ne sois un petit vieux (ou une petite vieille), mieux vaut tout de suite jeter 10 euros par la fenêtre et rentrer chez toi. D’abord, tu ne gagneras jamais. Ensuite, faudrait qu’on m’explique l’intérêt d’appuyer sur un bouton sans aucun contrôle sur le jeu.


Le vocabulaire qu’il faut maîtriser pour jouer au casino Croupier. Dieu vivant qui décide du destin de ta bourse et de ta soirée. Parle peu, mais attention à son regard noir si tu ramasses tes jetons un peu trop vite. Blackjack. Combinaison d’un as et une d’une bûche (roi, dame, valet) au jeu du même nom qui assure une victoire. Sensation de bien-être. Coat-Tail. Miser de la même manière qu’un joueur qui gagne. En gros, compter sur la chance du gars d’à-côté qui empoche mise sur mise. À ne jamais faire avec un Chinois. Even, Odd, Passe, Manque. À la roulette, désignent respectivement un nombre pair, impair, compris entre 1 et 18, compris entre 19 et 36. Je ne pense pas qu’il faille expliquer rouge et noir. Jackpot. État de grâce, nirvana du joueur débutant ou chevronné. Donne souvent suite à un état de grosse cuite pour fêter ça.

Les 5 types de joueurs de casino

Il n’y a absolument aucune explication des règles, les touches lumineuses ne fonctionnent pas toutes et le jeu est en anglais. Au fil des parties je comprends que c’est un poker classique, avec 5 cartes en main. La seule interaction possible est d’échanger les cartes de son choix, en espérant pouvoir faire une combinaison avec le nouveau tirage. Et bien sûr, les gains ne commencent à tomber qu’à partir de la double paire. Autant le dire tout de suite, je ne suis pas allé plus loin que le brelan et ses 5 jetons de récompense. « Mais Val, ressaisis-toi ! Tu es en train de craquer tout ton foutu blé de chômeur ! », me criait ma voix intérieure. Bordel, c’était vrai. Mon cœur battait vite, j’avais les tempes qui pulsaient, je ne réfléchissais même plus à ce que j’avais à faire. Je jouais, c’est tout. Claque mentale. J’arrête cette infâme machine de poker. Je me lève et je me dégourdis. Surtout, je fais retomber l’adrénaline dans mon corps. L’appât du gain. J’étais tombé dedans comme un gros débutant. Il n’y avait qu’au blackjack où j’avais

une chance de gagner. Et pourtant, une force avait pris le dessus et je m’obstinais pour tirer le jackpot au bandit manchot. Elle a un nom : espoir. L’espoir des trois 7, l’espoir de la quinte flush royale, l’espoir du 34 rouge à la roulette. L’espoir de palper à mon tour les billets que brassait la guichetière. L’espoir de me dire que cette fois-ci, la fin du mois, tu la passes dans le vert. Après tout, pourquoi la chance ne tomberait pas sur moi ? Mais mon gars, la chance, elle s’en fout complètement de toi. Regarde un peu les gens, tu crois vraiment qu’ils y croient quand ils insèrent leurs pièces ? C’est juste un foutu passe-temps malsain où tu tires le temps avec de l’argent. Désormais lucide et le démon du jeu sorti de mon corps, je constate que j’ai limité la casse. Je repars du casino allégé de 20€, entièrement engloutis dans les machines. Alors un petit conseil, si vous comptez aller au casino ce week-end, apprenez les techniques de base du blackjack et du poker. Et fuyez pour moi les bandits manchots. // V.E. et N.B.

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Le débutant. Se reconnaît à ses tremblements à chaque mise. Redemande une carte à 17 au blackjack et essaye de faire du calcul mental pour augmenter ses chances de gagner à la roulette, ce qui n’a aucun intérêt. L’habitué. Sert la main du croupier, a déjà des jetons sur lui. À son poignet, il a une marque de bronzage là où il portait la Rolex qu’il a pu s’acheter il y a deux semaines mais qu’il a dû revendre le week-end dernier. Le James Bond. Costume impeccable, il joue avec une nonchalance impressionnante. Attire les regards des femmes de la salle. Quand il remporte 1.400 euros sur un blackjack, ne tressaillit pas mais lève le petit doigt pour réclamer un nouveau Martini-olive. Le Chinois. Joue des sommes faramineuses, rit très fort et perd beaucoup d’argent sans que cela ait l’air de le déranger. S’applique aussi aux joueurs non-asiatiques ayant le même comportement. Le petit vieux. Collé à sa machine à sous comme une moule à son rocher. Son regard est fixé sur des rouleaux qui défilent devant lui sans qu’il ne donne l’impression de comprendre ce qu’il se passe.


welcome to my hood

Toison d’Or, du bidonville à Hilldale

PaR lilian elbé photos : lilian elbé et jonas jacquel, sauf mention

Dans chaque numéro, on te raconte la naissance et l’évolution d’une de ces parties de la ville dont on ne parle jamais. Origines, histoire, mutations, il faut voir la ville en quatre dimensions, comme disait ce cher Emmett Brown. Tu sais que t’habites dans une ville passionnante ? Il paraît que t’as apprécié le premier épisode de cette chronique, sur l’histoire des Grésilles. C’est bien. Cette fois, cher ami, je te propose de m’accompagner faire un tour au nord, nous enquérir de la fabuleuse histoire du quartier Toison d’Or. Eh oui... on peut même faire de l’histoire là-bas. Direction le rêve français des années 90 : shopping, parking privé et Type 5 de standing.

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Page de gauche : une vue du chantier de construction de la Toison d’Or (crédit Toison d’Or) Page de droite : le fameux « bidonville » (crédit Archives municipales de Dijon)

BANLIEUE NORD. Si on raconte que Rome ne s’est pas construite en un jour, la Toison d’Or restera quant à elle bâtie sur un tas d’ordures. Hé oui mon cher, dites-vous bien qu’avant d’être une destination star, caddies du samedi et soirées 30-40 au Carré, la zone qui représente tout le nord de Dijon communément appelée Toison d’Or en référence au centre commercial éponyme, était véritablement pestiférée. Et ce depuis le Moyen-Âge jusqu’aux années 1980. Le nord de Dijon n’était alors dans l’esprit du Dijonnais que décharge, bidonville, ou tout au plus casernes militaires. Resituons-nous plutôt dans la géographie de la ville dans la première moitié du 20ème siècle : au-delà de la place de la République, plus grand-chose. C’est même là le terminus de l’ancien tramway, au début de l’avenue du Drapeau – aujourd’hui, la ligne équivalente possède sept arrêts de plus. Le long de cette voie sur la droite, trois casernes, Vaillant, Heudelet, Junot et jusqu’à 5.000 soldats. En face, l’avenue du Drapeau est tout autant ambiance militaire : bordels et cafés répondent aux besoins naturels des bidasses. Puis, à l’ouest de l’avenue, c’est l’avenue Général Fauconnet. Du moins, une rue aux dizaines de petits pontons traversant le Suzon, qui s’écoule tout le long, à l’air libre. La ville de Dijon n’a en effet fait recouvrir la rivière qu’en 1964. Et c’est tout. Plus au nord, les champs, les jardins ouvriers, la campagne et un petit bidonville de « marginaux ». Enfin, la sortie de ce qui n’est déjà plus une ville : la grande décharge municipale. Notez la nuance olfactive et écologique importante dans le terme « décharge », préféré ici à celui de « déchetterie ». Figurez-vous donc enfin l’aspect général peu engageant de l’entrée nord de notre belle cité, largement délaissée par les générations successives. Mais tout ceci paraissait bien normal pour nos aînés concitoyens. Le lieu où l’on déversait en collines les ordures était là depuis des siècles. La « terre maudite de Dijon », qu’est ce Nord. Là où on a toujours évité d’aller, en raison des effluves nauséabondes que véhiculaient le vent et la Maladrerie, un mouroir médiéval pour lépreux et pestiférés contagieux. Un quasi no man’s land jusque dans les années 1970, alors occupé par des baraquements et communautés plutôt mal vus à l’époque... Car oui, c’est bien connu, les zones où personne ne veut habiter sont toujours peuplées de ceux que tous rejettent. Encore

plus s’ils sont justement concentrés à un endroit qui suscite dégoût et fantasmes : le bidonville de Dijon. Votre vieux père doit sûrement aussi vous le ressasser chaque dimanche : il se « souvient très bien de l’époque où à la place de la Toison d’Or on ne trouvait qu’un bidonville au milieu des champs, si si ». La preuve, un document de 1971 rédigé par le commissaire dijonnais Mordini à la demande de la préfecture afin de dresser un état de la sécurité publique à Dijon. Le gentil commissaire se livre à une description toute nuancée de la zone. Attention toutefois, une recherche généalogique bâclée nous permet d’émettre l’hypothèse hasardeuse que ce Monsieur Mordini serait de la famille proche d’un certain E. Cavin : « Entre le chemin de la Charmette et la route nationale 74, a toujours existé un lieu de stationnement de nomades, forains ou tout autres marginaux. Ils sont peu courageux, ils manquent souvent de sobriété et leurs enfants sont difficilement scolarisés. Comme la municipalité a réservé ce terrain à tous ceux qui sont un peu des ‘marginaux’, il s’est bâti peu à peu une sorte de bidonville avec des vieilles voitures, des camionnettes hors d’usage et des taudis de planches. Actuellement, les ordures s’amoncellent au milieu des habitations et ne paraissent pas étrangères au milieu ambiant où elles s’intègrent bien. [...] Peu à peu, les nomades ont été chassés et sont arrivés des NordAfricains. Ils habitent dans de telles tanières qu’il ne paraît pas possible de les tolérer. Ce qui devait être un terrain de stationnement pour les gens du voyage est devenu un village arabe, il n’y manque que le minaret car il y figure le café. Avec des dimensions diverses, ce ‘village’ est composé de 95 abris comprenant 6 autocars, 16 camions ou camionnettes, 26 caravanes et 47 baraques en bois, fer et nylon. Au centre règne le café qui polarise les individus le soir et les jours de congé. L’unique Française est âgée de 72 ans et ‘économiquement faible’. Elle tire les cartes et vit de peu mais sans crainte de son entourage. 146 hommes travaillent régulièrement, tous dans des entreprises de travaux publics de Dijon. [...] Ça et là, au milieu du bidonville comme en bordure, pourrissent des monceaux d’ordures immondes allant des vieux pneus et carcasses de voitures à des animaux crevés ». Et le rapport de conclure : « Les premières habitations normales du quartier sont assez éloignées et paraissent se tenir à distance respectueuse : aux alentours directs, le terrain ne se bâtit pas ». Pas étonnant, vue la mentalité de l’époque... →

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1991 : coupe au bol pour tout le monde.

« L’idée de Poujade est simple : créer tout au loin, au beau milieu des champs, un immense centre commercial et récréatif »

À la quête de la « Toison d’Or ». Nous sommes à la fin des années 80, la ville de Dijon et Robert Poujade se rendent toutefois à l’évidence : la ville doit s’agrandir à tout prix et construire des milliers de logements résidentiels. Coûte que coûte, il faut radicalement changer l’image de l’entrée nord de la ville. Mais comment opérer pour faire un sort en moins de dix ans à cette mauvaise réputation séculaire ? Vous l’avez sans doute saisi, le plan à un nom de code : Toison d’Or. Ou comment rendre hors de prix 250 hectares de terrain jusque-là invendables. L’idée de Poujade est simple : créer tout au loin, au beau milieu des champs, un immense centre commercial et récréatif. Cette Etoile du Nord fera office d’aimant pour les Dijonnais. L’appel à projet est lancé, et la Toison d’Or sort de terre en 1990. Le jour où elle ouvre, 250 fameux hectares de terrains vierges, viabilisés et en attente de promoteurs la séparent toujours de l’entrée de Dijon : les Quartiers de Pouilly, aux rues géométriques et aux places avec fontaines. Et... ça marche. Au lieu d’en être repoussés par les odeurs, les Dijonnais sont désormais attirés

par cet aimant commercial au nord. Il faut dire qu’à l’époque, la Toison d’Or a tous les arguments du rêve américain : un mall immense pour se la jouer Notre Belle Famille, 150 boutiques, un parking deux fois plus grand que l’hypermarché, et surtout, surtout : un parc d’attractions. Du shopping, des manèges et autant de tourniquets pour un samedi en famille réussi. Le Parc Récréatif de la Toison d’Or ne te rappelle rien ? Normal, il n’est resté ouvert que 3 ans et une première faillite dès six mois.. OVNI complet dans l’histoire des loisirs à Dijon. Un vrai parc d’attractions à 100 millions de francs avant même l’ouverture de Disneyland Paris, la grande classe. Le Grand Huit, le bateau pirates, les jeux d’arcade, le manège Montgolfière et les rivières de bûches... « Entrez dans la légende ! », nous invitait Théodor, la grosse mascotte à l’entrée, un bélier ailé à la toison dorée. Un billet pour la journée, c’était l’amusement familial garanti, accès au centre aquatique Les Cyclades compris (devenu Oxygène à la fermeture du parc). Et si jamais on s’ennuie, on pourra toujours faire un tour au Carrefour, y’a des promos. → 72


Quartier de luxe, 4 ÉTOILES. Très vite après la faillite, le parc de la Toison d’Or est redevenu un simple parc municipal, aujourd’hui voisin du Zénith. En s’y promenant, on peut aisément retrouver les vestiges en béton des anciennes infrastructures du parc, comme les marches du théâtre romain. Les manèges ont bien entendu été démontés, et vendus à un parc régional voisin en manque d’attractions, un certain Nigloland. Quant au centre commercial Toison d’Or, il a attiré des millions de visiteurs, s’est depuis modernisé, agrandi, pour devenir, d’après lui, « la destination shopping quatre étoiles en Bourgogne ». Reste que le coup de l’aimant était très bien joué. Dans les années qui ont suivi l’ouverture du centre commercial Toison d’Or, les hectares de terrains des quartiers de Pouilly se sont construits, donnant place aux fameuses résidences de standing avec « espaces verts, piscines privées et balcons». Au milieu des petits immeubles, quelques pavillons sur catalogue. Le symbole de la réussite économique pour les premiers habitants, et toujours un rêve pour bon nombre de Dijonnais. L’idéal de vie hygiénique des années 1990, encore très apprécié aujourd’hui. 40 ans après les caravanes, vivre à la Toison est souvent encore vécu comme un signe d’accomplissement, même si les éco-quartiers semi-collectifs représentent le nouvel idéal de vie. Sur les 250 hectares des quartiers de Pouilly, tu ne trouveras pas de café, ni d’adultes discutant sur des bancs. Pour le côté social, à part les squares pour enfants, on repassera. On croise des écoliers, mais surtout pas de « jeunes ». Et tant mieux, visiblement. L’important est que les communs soient propres, les ascenseurs classes et le bip de la grille du parking souterrain en bon état de marche. Banlieue dortoir ? Non, puisque nous sommes dans la ville. Mais mouvance posthygiéniste, complètement. À la Toison, on aime le carrelage, le pratique et le sécurisé. De cet idéal des années 90, beaucoup ne sont toujours pas revenus.

Mais les années ont passé et les façades de toutes ces résidences de trois étages commencent toutefois à se décrépir. Ah oui, à la Toison, surtout aux abords du lycée, il y a toujours trois étages. Pas plus, pas moins. Pendant ce temps, un peu plus au sud, l’avenue du Drapeau s’est fait l’axe d’appel principal de l’aimant. Les casernes ont petit à petit été désaffectées, puis rasées – sauf le bâtiment principal de la caserne Heudelet, devenu siège du Grand Dijon – et on y a beaucoup construit dans les années 2000, notamment des logements collectifs et des écoquartiers, un peu plus abordables et plébiscités dès la construction. Aujourd’hui, la population du seul secteur Drapeau représente celle d’une ville comme Quetigny. Enfin, après des siècles de rejet, le nord de Dijon a trouvé sa population. Avec le parc Valmy, les frontières de la ville s’étendent même au-delà de ce qui est devenu un quartier à part entière de la ville. Moralité de cette belle histoire : désormais, à la Toison, ça ne sent plus la décharge, mais le béton frais et les haies de thuyas. // L.E.

Las Vegas.

« Toison d’Or, la destination shopping quatre étoiles en Bourgogne »

Hollywood boulevard.

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médias

bourgogne franche-comté c’est qui le capitaine de soirée ? PaR marie tello illustration : pierre roussel

Tout avait pourtant si bien commencé. À l’annonce de la fusion des régions Bourgogne et Franche-Comté, tout allait pour le mieux. Nous le vin, vous le fromage, on était parti pour le plus long des apéros de l’histoire, comme si on réunissait deux bons copains de longue date. Mais voilà, quand se pose la question du capitaine de soirée, ça dégénère toujours.

*L’Écho de la Boucle est un délicieux site d’infos satiriques à Besançon. www.lechodelaboucle.fr

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L

e 8 avril 2014, Manuel Valls annonce son projet de fusion des régions. Ni une ni deux, comme les meilleures amies qui cherchent à se mettre ensemble pour le projet de sciences, la Bourgogne et la Franche-Comté ont levé la main pour proposer leur alliance le 14 avril. Les bons élèves sont toujours en avance, et il planait comme un sentiment de quiétude au-dessus de nos têtes en regardant les autres se déchirer un bout d’identité aux infos. Et pourtant, le jour même, dans l’ombre de l’oiseau bleu, la guerre était déjà déclarée.

attardons pas, deux prétendantes sont déjà bien assez. Alors que faire pour limiter les dégâts ? Certains ont bien essayé de faire la paix, avec un succès, disons-le, plus que mitigé.

C’était bien tenté. Pendant ce temps, les élus marchent sur des œufs. Hors de question de chercher des noises au voisin… Et pourtant. Des petites phrases lâchées l’air de rien. François Patriat, pour GazetteInfo.fr, estime que « La préfecture régionale sera très certainement Dijon », et Jean-Louis Fousseret confie à L’Est Républicain qu’il « serait en guerre si Dijon venait à concentrer tous les pouvoirs ». La beuverie de la veille se transforme doucement en gueule de bois pleine de regrets. Mais alors que tous les journalistes de France n’en peuvent plus de faire des montages avec les magnets des départements du Père Dodu, la proposition faite au Conseil des Ministres est publiée un an après la promesse d’alliance : la moutarde l’emporte sur le Macvin. Bien sûr, c’est provisoire, bien sûr, la décision ne nous appartient pas, bien sûr… Allez, avouons-le, on n’imaginait pas que ça se passerait autrement. Et on est déjà sûr de l’issue.

Wouch. Ça fait mal à l’apéro. Ce tweet, le premier, marque le point de départ de la guerre du chauvinisme qui ébranlera la future région BFC pendant plus d’un an. Les Dijonnais refusent de céder leur rayonnement, les Bisontins n’ont pas l’intention de devenir l’ombre des Ducs. La satisfaction des uns faisant forcément la détresse des autres, les vannes se font mauvaises, cinglantes, parfois vexantes.

Vas-y, mets de l’huile sur le feu. Et pourtant, si l’on en croit LeMonde.fr, c’est bien Dijon qui doit s’imposer. En effet, le site du journal propose, pour tous les citoyens, de voter pour sa capitale préférée en fonction des priorités pour la région, telles que la centralité dans la région, le taux de chômage ou le rayonnement sportif national. Si l’on coche toutes les caractéristiques, c’est la Burgonde qui monte sur le podium. En fait, en cherchant bien, Besançon ne sort première que par la jeunesse de sa population. Même en taux de chômage, c’est Lons-le-Saunier qui raflerait la place de capitale. Mais ne nous

Sur les réseaux sociaux, comme partout sur le Web, le nom de notre ville ne se balade plus seul : toujours accolé d’un « capitale de quelque chose », il semblerait bien que les Dijonnais aient un message à faire passer. Capitale de la gastronomie, capitale de la moutarde, capitale des climatologues, capitale du crime… Tout est bon pour rappeler qu’on a la gagne. Mais enfin, cette guerre infinie ne connaît-elle pas de trêve ? Car comme disaient les Shadoks : « Pour qu’il y ait le moins de mécontents possible, il faut toujours taper sur les mêmes ». Et s’il y a bien une chose sur laquelle on peut taper en chœur, c’est la météo. // M.T.

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tribune PaR le screc photos : dr

Demain ne meurt jamais Des activistes dijonnais ont moyennement goûté un des articles du derniers numeéro de Sparse et nous l’ont exprimé. Disons que le parti pris cynique dudit papier (comme beaucoup de papier de Sparse en général) n’a pas emporté leur adhésion. Nous, le cynisme, on l’utilise comme un outil pour ne pas être que dans la colère, ou qu’au premier degré. Parce qu’on se ferait bien chier sinon. Et que ça peut être utile aussi pour dénoncer l’absurdité de ce qui nous entoure, mais bon, on ne va pas changer le monde non plus... L’humour, c’est ce qu’il nous reste pour ne pas devenir juste aigri. Ils ne sont pas d’accord. Alors comme on n’est pas insensibles à ce qu’ils font, on leur a demandé pourquoi. Après plusieurs rencontres, ils nous livrent cette tribune.

Fête de rue en juin 2012, rue Berbisey à Dijon.

Le 26 octobre 2014, Rémi Fraisse mourait tué par les gendarmes sur la ZAD de Sivens, dans le Tarn. Le 1er novembre au soir à Dijon fleurissait à la place des chrysanthèmes, tags, bris de verre et attaque du commissariat municipal. Les critiques unanimes submergeant l’acte de révolte s’efforçaient d’enterrer les premiers éclats d’une colère... Et Sparse d’en rajouter une couche quelques mois plus tard, dans son article « Riot Akt » sur la Commune du Creusot, en opposant cette révolte de vrais prolétaires à celle des « petits bourgeois » de l’automne. Un cynisme jovial qui enrobe une bonne vieille idée marxiste : seule la misère la plus crue légitime la révolte. Le SCREC, Sous-Comité Révolutionnaire chargé de l’Éradication du Cynisme1, répond. 1

Cynisme : Un maximum de prise de conscience, un minimum de prise de parti.

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Barricades habitées sur la D281 sur la ZAD de Notre-Dame des Landes

Marxism’s not dead ? Des enragés de Continental en 2009 aux mineurs asturiens armés de fusées en 2012, en passant par les dockers-émeutiers d’Anvers cette année, les exemples ne manquent pas où les ouvriers, même en Europe, se révoltent en faisant fi des formes de contestation autorisées par le gouvernement. Éclats récurrents, témoins d’une vigueur persistante. Depuis Marx, nul ne peut sérieusement affirmer que la misère subie par les plus pauvres est un phénomène naturel. Depuis Marx, la misère est un phénomène d’emblée politique, le résultat d’une violence et d’une violation. Revers de la médaille, depuis Marx, la misère a contaminé l’imaginaire de la révolte au point de devenir la source hégémonique de la légitimité révolutionnaire. Le mythe d’une révolution déclenchée par les seules causes économiques et matérielles pèse encore sur notre époque, son imaginaire, ses ambitions, y compris dans les rangs de ceux qui voudraient voir advenir un bouleversement majeur. Ce qui fut donc un geste subversif en son temps nous rend aujourd’hui héritiers malheureux, sommés d’exhiber les malheurs du « peuple » pour légitimer le moindre mouvement de révolte. Et dans une époque qui se pense à la pointe du progrès social, lorsque l’on convoque la misère c’est pour montrer qu’elle était bien plus criante avant – Thank you mister capitalism ! – et moquer, pour mieux les éteindre, les ardeurs rebelles du présent. Faire de la misère la seule bonne raison de se révolter revient à empêcher préventivement toute idée de soulèvement. Misère, travail, progrès, autant de figures et de valeurs qui fonctionnent aujourd’hui comme des verrous. Il est temps d’en finir avec ce fonds de commerce poussiéreux. Quel est le visage du champ de bataille actuel ? Ce qui nous est hostile aujourd’hui, ce n’est plus simplement la bourgeoisie mais la société en tant que telle, en tant que pouvoir. Parce que toute la société est devenue une architecture de flux, de processus productifs. Comme on l’entend souvent, c’est la vie toute entière qui a été mise au travail – check ta mise à jour quotidienne de Facebook, gros ! Le monde est devenu d’autant plus abominable à mesure que l’emprise du capitalisme se rendait plus chaleureuse, universelle, incontestable. Les raisons de se battre ne sont pas moins nombreuses ou évidentes qu’avant. Ce qui

rend la tâche plus difficile à notre génération par contre, c’est que nous sommes les successeurs d’une défaite historique, celle de la classe ouvrière, et que nous partons de ce fait d’une situation d’éclatement relatif. Il n’y a pas un sujet révolutionnaire, une manière de faire la révolution et un système à construire. Aujourd’hui, la lutte des classes ne peut plus être l’hypothèse révolutionnaire centrale. Les révoltes parsèment pourtant la planète, affirmant une multiplicité de raisons d’entrer en lutte, de trouver et de tester d’autres hypothèses. C’est sans doute la mise en résonance de ces points de résistance qui rend possible la submersion. Zad partout. À la Zad de NotreDame-des-Landes, dans la lutte No Tav du Val de Suse en Italie, se découvre la force de tordre le réel, de croire en la possibilité d’infléchir le cours des choses. Là-bas, juste à côté de nous, on vit une certaine autonomie dans l’exercice de penser le fonctionnement d’un territoire, son articulation avec ce qui le compose et la projection de ce qui en surgit au long cours. Là-bas, tout près de nous, on habite un espace et l’on se défait de l’idée de tout traverser sans jamais se mouiller : le centre-ville pour son enterrement de vie de garçon / la fac pour passer de l’école au travail / ses aventures sexuelles d’un soir pour briller en société. Les nouvelles formes de révoltes cherchent une nouvelle densité,

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une certaine pesanteur pour se tenir face au monde et imaginer s’y mouvoir autrement. Et encore plus proche de nous, au quartier libre des Lentillères à Dijon, faire la fête ou occuper des terres maraîchères se pense depuis la nécessité de prendre parti contre la forme autoritaire et libérale du management du territoire jusque dans la réalisation concrète du réseau d’arrosage du Potager Collectif ou dans la manière dont tous se déhanchent sur la piste de danse à la Grange Rose. Au Brésil, la coupe du monde de football c’est la militarisation des favelas, la destruction touristique et l’industrialisation d’un certain travail du sexe, c’est la mise au pas d’une population entière pour sauver la face d’une partie de l’économie mondiale et redorer le blason de la supercherie festive et sportive. Contre ça, les émeutes éclatent, des gens se saisissent du cours des choses et y impriment d’autres « orientations stratégiques ». En Turquie, le management de la place Taksim. En Grèce, la restructuration de l’économie toute entière. En Irlande, la privatisation de l’eau. Au Québec, la libéralisation de l’université. En Amérique, les meurtres policiers. À chaque fois, on s’en émeut – et on s’organise. Prendre parti contre une certaine forme du libéralisme qui transperce nos vies de toute part (sexe, fête, sport, études, urbanisme...), tenter de faire barre au flot de merde qui nous envahit s’éprouve aux quatre coins du monde. →


Résistances pendant la tentative d’expulsion en automne 2013 sur la ZAD de Notre-Dame des Landes.

ACAB forever. Toutes ces révoltes ne cessent d’inscrire dans leur passage un sigle de ralliement explicite – ACAB – quand ce ne sont pas les faits qui dépassent les mots pour le dire. Pourquoi cette haine de la police ? Alors même qu’elle nous prémunit d’avoir nous-mêmes à faire acte de violence pour nous protéger, exprimer nos idées, affirmer nos manières d’être. La police n’a pas toujours existé, ni en tous lieux, ni en tous temps. En France, elle apparaît au MoyenÂge avec la surveillance des foires, des marchés et des chemins royaux. C’est avec la monarchie absolue au XVIIème siècle que la police fait véritablement son apparition. C’est une structure nouvelle, pensée et construite contre les troubles religieux et les épidémies. Sa tâche était de mettre en place une administration centralisée, d’organiser la censure, d’assurer l’hygiène des rues, de garantir ordre et stabilité, surtout à Paris. Aux États-Unis, elle fait son apparition au XIXème siècle, pour faire taire sur la Côte Est le chahut provoqué par les migrants en particulier irlandais. Au Royaume-Uni, c’est à la même époque qu’elle émerge pour réprimer les grèves et le mouvement luddite, et à nouveau, surveiller ces irlandais rétifs à l’autorité de la Couronne. Nul besoin d’ajouter que les peuples indigènes du Nouveau Continent n’ont jamais connu de police. L’existence de la police n’a donc rien d’intrinsèque à l’homme, elle est immédiatement politique, en ce qu’elle s’adosse à un ordre. Un ordre qui est né avec l’État moderne, et qui périt actuellement avec lui. Elle n’est qu’une possibilité, une hypothèse parmi d’autres, 2 3

Bien Public, édition du 19 mai 2013, in liberté piétonne : la rue en fête. Bien Public, édition du 9 octobre 2014.

qui l’a emporté avec les Richelieu ou De La Mare. Mais dans notre époque, qui ne peut questionner son obsolescence ? La police elle-même l’a compris, elle qui emploie toujours plus d’informaticiens, encourage le développement de la vidéo-surveillance, côtoie des services de sécurité privés, contemple benoîtement la géolocalisation par tous et pour tous, accepte le partage de fichiers avec des établissements scolaires, des employeurs ou des clubs de foot. Le contrôle se passe désormais de la police et sa brutalité n’en est que plus flagrante. Elle survit pourtant, car elle reste nécessaire là où la diffusion du contrôle dans le corps social n’a pas été suffisante. Et si dans les lieux et les temps où l’intelligence collective est capable de régler les litiges, où la vie se déploie dans toutes ses potentialités, où l’étranger est la figure désirable d’un point d’interrogation, où la peur de l’agression s’efface devant l’intimité aux êtres et aux choses, la police se doit de reprendre la main ; alors elle apparaîtra pour ce qu’elle est : une insulte à nos qualités, à notre capacité à vivre sans être chaperonné, à notre confiance dans l’étoffement du petit carré de grandeur en chacun. Fête tes morts. En septembre, Micka, qui vivait dans la rue à Dijon, se fait embarquer par les flics municipaux rue de la Lib’. Ils lui disent qu’ils vont faire piquer son chien. À sa sortie de garde-à-vue, il se tranche les veines. Les personnes présentes lors de son arrestation disent que les flics se sont sacrément acharnés : à douze contre un type,

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sa bière et son chien. Certains ont appris à cette occasion qu’on n’avait plus le droit de boire une bière dans la rue à Dijon. La rue de la Lib’ est maintenant « le plus grand centre commercial de Bourgogne »2. Rebsamen l’annonce, tout le monde se met en branle. Une rue comme un rayon de supermarché, une caméra à chaque bout, un vigile qui traîne, de la bouffe et de la picole, mais pas moyen de boire l’apéro. Personne n’a envie de vivre dans un Super U. Désormais, c’est pourtant Shop in Dijon, l’asso des commerçants du centre-ville, qui donne le ton à la mairie. Il ne s’agit plus d’y vivre, il s’agit d’y vendre. Et Michel Julien, délégué à la « tranquillité publique », explique que les « marginaux » font baisser le commerce du centre-ville, que les dijonnais sont trop généreux avec eux. Ça le fait chier, l’ancien du PCF, qu’il y ait encore des gens qui préfèrent les guitaristes de la rue, plutôt que le fond musical des galeries Lafayette. Heureusement, il a un plan : il veut « occuper le territoire »3 avec des animations pour les chasser du centre. Les voici donc les formes de la gestion municipale : elles vont des événements culturels à l’acharnement policier. Alors quand il y a des gens qui défendent des territoires qui ne ressemblent pas encore à des centres commerciaux et qu’ils se font butter quand ils décident que vraiment, là, ils ne bougeront plus, bien sûr que ça résonne partout. Partout où on se bat pour que ça vive. Le 1er novembre, à Dijon, la police municipale, Michel Julien, et Shop in Dijon ont pris un bon coup dans la gueule. Ils n’ont pas joué les étonnés, ils sont au courant du lien tissé entre eux et les assassins de Rémi Fraisse. Que le Bien Public s’offusque, personne ne s’en est formalisé. Il ne sait plus où donner de la manchette, entre faire la promo des commerçants et demander des tasers pour les flics. Mais que ton journal préféré réduise cette colère à une recherche de « sensation forte », ça en dit long sur les pentes glissantes que peuvent prendre le cynisme, dernière consolation de ceux qui détestent le monde qui les entoure sans croire en la possibilité de le changer. Heureusement, le SCREC a décidé d’en finir. Voici le premier volet de sa grande campagne. // LE SCREC.


Oh mon Dieu c’est énorme !

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la sélection musicale d’arthur par arthur gérard

Lauer - Borndom. Natif de Poitiers comme Michel Foucault et Brian Joubert, le début du mois de juin marquait pour moi et mes potes pré-internet l’arrivée de la fête foraine. Aucune chance d’y entendre les tendres boucles acides de l’album baléarique de Lauer, non. D’acide, il n’y avait guère que les remontées gastriques qui suivaient un manège un peu trop bourrin ainsi que les granités chelous et saloperies sucrées qu’on ingérait plus que de raison dans ce Las Vegas pour gosses. Ajoutons à cela des lumières aveuglantes et de l’eurodance crade, et on avait déjà en 1997, un aperçu funeste de ce que sont les teufs étudiantes en 2015.

Actress - DJ Kicks. Quel est le point commun entre Woodkid et Actress ? Aucun, et c’est très bien comme ça. À ceci près que l’un comme l’autre annonce, de façon répétée et à qui veut les croire, qu’ils arrêtent la musique, tout en continuant à produire des trucs. Les stratégies promotionnelles chez les musiciens sont pétées à tout jamais et il ne restera probablement aucun survivant de tous ces épanchements d’égos malades. Bref, alors que Woodkid fait des pubs léchées pour des parfums au patchouli, Actress penche plus pour le chanvre indien et l’audace sonore qui en découle. Belle sélection pour ce mix tout en breaks allergènes.

Sheer Mag - II. C’est pas nouveau, mais la musique à guitares me fout souvent les glandes, pour la capacité que le « rock », dans tout ce qu’il englobe, a tendance à un peu trop se regarder faire. La faute à la suprématie de ce genre chiant, laid et rétrograde qui permet encore à des groupes comme Black Keys ou Tame Impala d’exister sur cette Terre. Heureusement, Sheer Mag a décidé de s’en battre les couilles, et de pondre l’EP le plus marrant de ton été, avec à sa tête, une sorte de Josiane Balasko décolorée dans le rôle d’une Maman en colère, qui aurait enfin décidé enfin te foutre dehors et de coucher avec ton meilleur pote <3.

Kero Kero Bonito - Picture This. Pour ceux qui n’auraient pas suivi et étaient trop occupés à écouter de la bass music, le futur (ou la fin) de la pop est à scruter du côté de chez PC Music, label londonien créant des personnages à l’existence ténue et à l’esthétique synthtumblr. Ces gens n’ont pas pour finalité de vendre des vinyls, mais des boissons énergisantes, en témoigne le clip de QT, étrange objet musical publicitaire. De ce label voué à disparaître quand leurs dingueries auront excédé tout le monde, il restera Kero Kero Bonito, dont la weirderie japonaise rigolote nous est bien plus familière depuis le Club Dorothée et les hentais.

Sinsémilia - Un autre monde est possible. Recevoir une notification Facebook de son banquier avec qui on joue au tennis. Vider son historique web. Faire ses affaires. Partir plus tôt du bureau, sous le regard bienveillant de ses collègues aimants. Ne pas prendre sa voiture. Marcher sous le soleil. Se rendre à pied à Quetigny d’un pas tranquille. Se diriger vers Carrefour pour flâner entre les rayons. Acheter du pain, du lait et l’album de Sinsé. Ressortir. Attendre le bus, déballer le CD, briser le disque et le manger tout doucement en concassant avec précaution chaque fragment sous les molaires avant de déglutir. Attendre le bus. Rentrer chez soi. Dormir.

Battles - ???. Puisqu’on en est réduit à lire des critiques de films pas encore sortis et de livres que personne n’a lus, pas même leur auteur, je me suis dit que moi aussi, du haut de mon statut de chroniqueur de merde, je pouvais me prêter à ce jeu purement masturbatoire qui est la review du futur album de Battles, dont l’existence est purement hypothétique. Groupe que, ça tombe bien, j’apprécie beaucoup. Pour étayer mon propos, je fonde mes prédictions sur un live assourdissant, live que j’ai aimé et qui laisse présager de l’introduction d’un saxophone, mon péché mignon. Eh ben devinez quoi ? J’aime vachement. Grammy direct.

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crash test par jeff buckler illustration : estelle vonfeldt

Tu t’es vu quand tu pratiques... Descriptif faussement sociologique et non exhaustif de différents sports pratiqués par les amateurs de dépenses physiques et de montées d’adrénalines. Activité de masse ou activité ghetto. Plaisir collectif ou plaisir individuel. Sparse te donne le pourquoi du comment tu en es venu à choisir un sport plus qu’un autre. Raisonnées ou inconscientes ? Sociales ou économiques ? Voici venu le temps de certaines vérités. Prends ça, Pierre Bourdieu.

le rugby

Parce que c’est un sport de voyous pratiqué par des gentlemen, pas toujours. Parce que c’est pas un sport de... blaireaux. Parce que d’ailleurs ça te va super bien le petit polo avec un nœud rose, Eden Park aime ça. Parce qu’on peut pas dire que t’étais à l’aise avec tes pieds. Parce que finalement t’aimes bien être blessé après un match sur deux. Parce que tu te souviens pas souvent de la 3ème mi-temps, tes collègues non plus. Parce que si t’as choisi d’être un avant, t’as fait le choix d’avoir des oreilles comme des choux fleurs, abnégation. Parce que tu détestes vraiment les Anglais, respect. Tu es : une luxation. Ou l’arbitrage vidéo.

le football Parce que qu’on peut pratiquer un autre sport ? Parce que c’est le seul sport que tu pouvais faire dans ton village, dans ton quartier, dans ton école, dans ta rue, dans ton jardin, dans ton couloir, dans ta chambre... Partout. Parce qu’après France 98, tu peux mourir en paix. Parce c’est comme pour le ban bourguignon, tu ne te souviens plus de ta première fois. Parce que ça te permet d’avoir un sujet de conversation avec pas mal de monde, quand même. Parce qu’une bonne Coupe du monde, c’est une fierté nationale, naïf. Parce que tu crois que le foot, c’est le sport où tu trouves le plus de licenciés en France : erreur, c’est la pêche. Tu es : Olive. Ou Tom.

la natation

Parce que c’est un sport complet pour ton développement, c’est ton kiné qui te l’a dit. Parce que c’est un peu un sentiment de vacances toute l’année, Pacific force anis. Parce que les entraînements sont mixtes. Parce que t’as pas été traumatisé par Les Dents de la mer plus jeune. Parce que la douche est obligatoire. Parce qu’une « bombe » c’est la joie des petits et des grands. Parce que t’as jamais osé sauter du plongeoir de 5 mètres. Parce que tu as assumé ton corps pendant ton adolescence en slip de bain et en bonnet, fortiche. Parce que quand t’es Dijonnais, la mer c’est loin. Tu es : 1er niveau Triton. Ou enrhumé.

le tennis

Parce que t’as invité ton pote à jouer chez toi, t’habites Fontaines-lès-Dijon . Parce que tu peux toujours caresser l’espoir d’être le prochain vainqueur français de Roland Garros depuis Yannick Noah, Saga Africa. Parce que bien évidement la raquette de ton adversaire était bien plus performante que la tienne, il avait la Prince d’Agassi. Parce que t’en as détruit un nombre incalculable de colère, pas la Prince. Parce que t’as eu le choix entre le tennis et le golf, dur. Parce que les classements au tennis, c’est un peu comme le tirage du Keno : 30/3, 15/2, -2/6. Tu es : « aahhiiii ». Ou « ééhaaan ».

le basket

le handball

Parce que t’avais la chance d’avoir Canal+ et de voir les finales NBA à 2h du mat’ quand t’étais au lycée. Parce que tu faisais 1m76 à 12 ans. Parce que tu faisais 1m97 à 16 ans. Parce que ton collège était jumelé avec un collège à Chicago, veinard. Parce que si t’aimes les gros shows à l’américaine tu peux pas être insensible au spectacle. Parce que dans tous les sports y’a des stars, et y’a Michael Jordan. Parce ce que tu peux jouer à 5vs5, 3vs3, 1vs1 et... tout seul. Parce que c’est le seul sport où tu peux porter tes fringues dans la rue au quotidien, relax. Parce que faut le dire, t’étais pas une légende au foot. Tu es : I love this game. Ou toujours assis au fond de ta classe.

Parce que t’as fait allemand renforcé, dès la 6ème. Parce que t’aimes te la raconter avec le palmarès conséquent des différentes équipes nationales depuis les 90’s, normal y’a 15 équipes dans le monde. Parce que c’est un sport ou y’a des bonnes fautes et des mauvaises fautes, dixit les pratiquants. Parce que pour être gardien au handball, faut être à moitié masochiste. Parce que pour être joueur au handball, faut être à moitié sadique. Parce que même à Saint Apollinaire il y a un club de handball. Parce que les règles au handball, c’est comme une notice de chez IKEA : incompréhensible. Tu es : professeur de sport. Ou en STAPS.

la pétanque

le cyclisme

Parce que tu plombes ou tu tires, un point c’est tout. Parce que tu comprends pas le concept de sport sans dopant, le 51. Parce que c’est un sport ou y’a autant de règles que de campings en France, comme le babyfoot. Parce que doublette ou triplette, peu t’importe, Fanny paye sa tournée quoi qu’il arrive. Parce que faut pas croire c’est un vrai sport. Parce qu’avec un peu de chance t’arrivais quand même à battre ton oncle du sud. Parce que le bob Ricard, sinon rien. Parce que ta saison de pétanque elle dure pas toute l’année, pépère avec le soleil. Parce que t’as jamais rencontré quelqu’un qui prêtait pas ses boules. Tu es : vide. Ou plein.

Parce que c’est pas un sport, c’est un moyen de transport. Parce qu’un été sur France Télévisions sans Tour de France, t’oses pas imaginer. Parce que ton école était dans le village d’à côté. Parce que dans ton village y’avait aucun terrain de sport, aucun. Parce que t’as pas d’égo au niveau du bronzage. Parce que tu aimes être dans le dur, forçat. Parce que « chute à l’arrière du peloton », magique. Parce que t’as aussi une passion pour la belle mécanique. Parce que ça t’effraie pas de te faire doubler avec tes potes le week-end par des excités de la bagnole sur une nationale. Parce que, Pédale ! Tu es : en chasse patates. Ou dans la voiture balai.

PS : Notre honneur ou bien peut-être la peur nous ont imposé de ne pas vous parler des sports de combat.

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cartographie

golden coast camping

Parce qu’un été sans camping, c’est comme des pieds dans des ballerines : ça pue.

Louvemont

Le Buisson * Dans la foret du Der. Option bien-être : jacuzzi. Châtillon-sur-Seine

Marcenay

Camping Municipal Louis Rigoly ** Situé à 3km dans la forêt, ombrage total.

Les Grebes du Lac de Marcenay *** « Le terrain est très boueux, on s’y embourbe facilement »

Scey-sur-Saône-et-Saint-Albin

La Saône Jolie * Canotage, voile, yatching et toboggan aquatique.

Montbard

Camping municipal Les Treilles *** Accès au court de tennis : gratuit. Montigny-sur-Vingeanne

Pont-et-Massene

Camping du Trou d’Argot * « Sans luxe excessif ».

Camping le Lac du Pont *** « En bord de mer (avec accès direct à la plage) »

La Motte-Ternant

Le Village « Idéal pour les campeurs qui recherchent le calme champêtre »

Chamboeuf

Perrigny-sur-l’Ognon

Camping Le Relais des Hautes Côtes *** « Vous aurez l’impression de dormir à l’orée du bois »

La Valboisière Juste pour le nom.

Dijon

Camping du Lac Kir ** Propose des soirées dansantes, 1 fois/semaine.

Pouilly-en-Auxois

Camping Vert Auxois *** « Petit troquet pour se restaurer au petit déjeuner »

Premeaux-Prissey

Bligny-sur-Ouche

Camping Municipal Les Isles ** Adultes 2,70€/jour, Douche 0,50€/jour,Electricité 3€/jour

Arnay-le-Duc

Camping de L’étang de Fouché **** Quatre sanitaires avec eau chaude accessibles gratuitement.

Le Moulin de Prissey ** “Côté sport, le camping propose diverses activités sur place : du ping-pong”.

Auxonne

Les Paquiers Prestation : Machine à laver. Loisirs : salle de télévision.

Savigny-lès-Beaune

Les Premiers Prés ** À 3 minutes de la sortie 24 Beaune St Nicolas de l’autoroute A6

Meursault

Corberon

Les Paquiers 25 emplacements, barbecues autorisés

La Grappe d’Or *** « Meursault : un nom évocateur qui caresse le palais des connaisseurs »

* Toutes les citations ont été trouvées sur Internet.

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