Alex Pires
Valeri Rosomako
Valeri est allemand et la première chose qui marque lorsqu’on passe quelques heures à ses côtés, c'est son calme. Et même lorsqu'un type surgit de l'église après une demi-heure d'essais, s’assoit sur le spot et nous tient des propos incohérents du genre « Si c'était une mosquée ou une synagogue vous ne skateriez pas ici…», il garde son calme et accepte de revenir plus tard. Il pourrait presque passer pour un Suisse… Cette interruption lui a plutôt réussi d’ailleurs, il ne lui faudra que cinq minutes le lendemain pour rentrer son 50-50 to 50-50, sans même avoir le temps de perturber le bon déroulement de la messe.
À peine arrivé de Paris, le team est déjà au gardeà-vous, debout depuis 24 heures, à jeun et avec la route dans les pattes. Nous chargeons tout le matos dans le van et nous voilà en route pour découvrir les spots du coin. Avant toute chose, Mike nous emmène dans une boulangerie réputée délicieuse… Mais le délice a un prix dont il faudra s’acquitter… Petit-déjeuner pour certains, repas pour d'autres, nous sommes au chaud et au calme.
JJP, Varial heelflip
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Une fois rassasiés, direction le premier spot, des curbs, plutôt pas mal pour se mettre en jambe. Tout le monde connaît l'excitation du premier jour, celle qui, parfois, nous pousse à faire des choses qui nous emmènent à l'hosto… Forts de cette expérience, nous y allons donc tranquillement… Nous voilà sur une place, au milieu d'une tripotée de personnes qui y trouvent refuge sur un coin de banc pour prendre leur repas du midi. Les curbs sont donc impraticables pour l'instant, mais, tout à coup, TJ aperçoit une ouverture, deux personnes se lèvent et un curb se libère. Sentant que cela risque de ne pas durer, il enchaîne les tricks à grande vitesse dont un switch bigspin tailslide first try, agrémenté par la suite de quelques variantes dont il a le secret. On décide de partir en quête d'un autre spot et, après quelques arrêts furtifs, j'en aperçois un depuis le minibus, une sorte de quai de déchar-
gement à gaper… Malheureusement, une voiture est parquée sur la replaque. À peine le temps de se garer et de revenir voir le spot de plus près et la voiture n’est déjà plus là ! Le spot est donc pris d’assaut et les tricks pleuvent… Rien de tel qu’une bonne démo pour bien finir la journée… Le rendez-vous est fixé au skatepark de Berne où tout se déroule dans la joie et la bonne humeur avec, en bonus, des hamburgers maison et des ailes de poulet épicées qui raviront les papilles de notre cher ami Kevin.
Sam Beckett, backside smithgrind
Switch backside flip
Pierre Dutilleux
Mais du coup tu es resté ?
Oui, j’ai lutté pour devenir plus fort et puis l’envie de construire est venue ! J’ai aussi compris que l’on pouvait obtenir une valorisation en travaillant. Le skate, qui est ma drogue depuis que je suis gamin, est devenu une activité cloisonnée, d’après le travail ou seulement le week-end, alors qu’avant c’était du quotidien… Bref, une sale période, mais où la réalité m’a fait avancer et m’a donné envie d’aller de l’avant. Putain, j’en ai fait des jobs de merde : livreur, vendeur de crevettes au supermarché pour Noël, avec des bottes en caoutchouc trop petites… C’est à cette période que j’ai repris du plaisir sur 62
mon skate que j’avais dénigré au profit de la fête. Le fait de travailler et d’avoir ce temps réduit pour la planche à roulettes m’a vraiment fait grandir et m’a redonné le goût à tout, et puis le fait d’avoir mon petit garçon, alors là, « cerise sur le gâteau » ! C’était quand ?
Le petit Paolo est arrivé en janvier 2009. Et depuis un nouveau « bébé » : Blaze Supply ! Tu peux nous raconter « ton Blaze » à toi ?
C’est une rencontre avec Sandro, un étudiant brésilien qui venait en France pour une licence de socio. On skatait de temps à autre ensemble et, pour ses études, il s’est retrouvé à m’interviewer sur mon expérience dans le skate européen. Il voulait mon
Blindside flip to fakie
avis, ma perception, mes motivations, le tout toujours axé sur le skate en général. Et en lui déballant mes petites péripéties, il en est vite arrivé à la conclusion qu’avec tous mes contacts européens on pourrait créer quelque chose, comme une marque de skate ! J’ai toujours gardé des contacts en Espagne et ailleurs et, même si ce n’est que via Facebook, c’est super important pour communiquer ! Donc, on s’est penché plus sérieusement sur la question en regardant comment les autres marques fonctionnaient… On s’est interdit de faire du « vite fait bien fait ». On a fait fabriquer des planches aux Etats-Unis, là où, pour moi, est l’essence du skate, chez Generator, en Californie. À mes yeux, Real et toutes ces planches Deluxe, ce sont des choses authentiques qui tiennent la route depuis des années,
et tout cela représente quelque chose de sérieux, à l’image de ce que l’on veut faire avec Blaze. Sandro parle huit langues, ça simplifie pas mal de choses pour la production et l’export ! Et donc le « work-team » Blaze en 2013, c’est qui ?
C’est clair qu’il faut une sorte d’équipe de travail, il faut sortir de l’image du skateur qui arrive dans un shop avec ses boards sous le bras. Nous avons toujours eu la motivation de faire un vrai truc sérieux, le tout grâce à Sandro et à son attachement à son pays, le Brésil. Blaze est donc une marque francobrésilienne avec un team européen, mais aussi brésilien. Marley s’occupe de l’identité graphique et de toute la création visuelle, un sacré boulot. Je m’occupe du team, je suis dans le team pro et je suis
aussi consultant pour m’assurer que tout se passe comme il se doit, surtout que, vu que Sandro fait la navette entre Sao Paulo et Lyon, il est souvent absent ! Je suis donc une sorte de coordinateur de pas mal de choses chez Blaze. JP Villa, qui est aussi pro pour la marque, s’occupe des ventes en France, mais aussi à l’étranger via ses contacts européens. En ce qui concerne le team skate en France, il y a Flo Marfaing, JP, Victor Pellegrin, Nabil Slimani, Sandro et moi, pour le team brésilien, c’est Diego Garcez et Jhony Melhado, Vinicus Dos Santos… Après, on aide beaucoup de flow-riders à droite et à gauche, ce qui représente une bonne partie de mon taf… Pourvu que ça dure !
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Five-O
« Moi, tu me mets sur un spot, peu importe lequel, je suis content ! » Ton frère est, lui aussi, accro aux voyages ?
Oui, il fait plus ou moins le tour du monde, il s’arrête et se pose de temps en temps quelque part, puis il repart vers une nouvelle destination. Du coup, je l’appelle « Allo, t’es où ? … J’arrive ! » Il a passé deux ans à Hong-Kong, là il vient de rentrer en
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France et il est en train de réfléchir à son prochain voyage… Son truc, c’est le breakdance, donc il voyage pour danser, il fait des spectacles de rue, il gagne sa vie comme ça. Comme moi, il a fait des études de commerce, mais, au final, ça nous a plus dégoûté de ce milieu qu’autre chose. Il faut avoir une mentalité assez particulière, que l’on n’a pas forcément… être prêt à vendre, coûte que coûte, tout monétiser, pour au final se faire de l’argent sur le dos des autres… Ça ne fait pas vraiment rêver… À par si c’est ton propre business, ou si c’est pour vendre quelque chose en quoi tu crois vraiment, là c’est différent, mais sinon…
Hurricane
Il y a des endroits que tu aimerais découvrir plus que d’autres ?
J’ai juste envie de voyager… partout ! Peut-être aller quelque temps en Espagne, partir de Barcelone et longer la côte en direction du sud. Pourquoi pas faire un tour au Maroc… Sinon, j’aimerais bien retourner à New-York, aussi… Tu as préféré la côte Est à la côte Ouest des Etats-Unis ?
Pas forcément… Moi, tu me mets sur un spot, peu importe lequel, je suis content ! [rires] En fait, j’aime vraiment découvrir un nouveau truc, que ça soit un spot, une ville, une langue… et m’y habituer pour
apprendre à l’apprécier. Je ne suis pas trop difficile en terme de destination… Qu’est-ce que tu as découvert aux Etats-Unis que tu ne connaissais pas forcément avant ?
Qu’est-ce que tu as de prévu pour les mois qui arrivent ?
Sûrement un petit voyage pour aller passer une partie de l’hiver au chaud. Mon baluchon est toujours prêt donc pas besoin de trop prévoir… Tous les prétextes sont bons pour aller voir du pays !
Les pools ! C’est en Californie que j’ai commencé à vraiment apprécier skater des courbes et des banks. Les pools, c’est plus ou moins comme on l’imagine : des courbes très raides avec pas mal de verticale au-dessus… C’est vraiment quelque chose d’unique, qui fait partie de l’histoire du skate, typiquement américain…
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« Il y a trop d’offre, du coup, il y a plein de trucs vraiment cools qui finissent noyés dans la masse. » [L’hôtesse nous interrompt quelques instants et nous sert un petit rafraîchissement des plus appréciables…]
Parle-nous un peu de Barcelone. Tu fais partie des premiers Français à être partis t’installer en catalogne, pourquoi ce choix à l’origine ?
Je partage complètement ton point de vue mais ce n’est peut-être pas le cas des plus jeunes qui ont grandi avec internet…
C’était un peu comme un rêve de gamin. J’ai voyagé à Barça pour la première fois en 2000, deux ans plus tard, à mes 18 ans, je me suis dit que c’était là que je voulais vivre et essayer de faire une carrière dans le skate. Du coup, j’ai quitté Toulouse et je suis allé m’installer là-bas. C’était vraiment l’époque la plus folle de Barça, 10 ans après les Jeux Olympiques, la ville était encore toute neuve, c’était juste incroyable. Après, Barça reste Barça et encore aujourd’hui je ne pense pas qu’il y ait aucune autre ville en Europe qui offre le même potentiel. Si tu regardes l’invasion qu’il y a eue au niveau du skate durant toutes ces années à Barcelone, le fait qu’on ne se fasse presque pas virer des spots encore aujourd’hui c’est assez fou, les Espagnols sont vraiment très cools pour ça. Il n’y a pas non plus d’anti-skate et on a beaucoup de chance à ce niveau-là, surtout quand je vois ce qui se passe dans beaucoup de villes aux États-Unis, ou même en France où tu vois certaines villes refaites à neuf, complètement anti-skatées alors que tu ne croises pas un seul skateur en ville, ça me fait sourire…
Je ne sais pas, moi, quand j’étais kid, j’avais des posters plein ma chambre, aujourd’hui je ne sais pas comment ils font… [rires]. J’étais trop content d’aller au shop chercher ma 411, aujourd’hui t’as même plus besoin de sortir de chez toi, tu payes 10 € sur i-Tunes et tu regardes la vidéo de ton choix. D’ailleurs, tu ne la regarderas finalement qu’une seule fois tellement il y en a… Sans parler de tous les sites internet spécialisés, ça devient la folie… Il y a trop d’offre, du coup, il y a plein de trucs vraiment cools qui finissent noyés dans la masse.
Toi qui vis là-bas, tu dirais qu’il y a moins de skateurs qu’avant à Barça ?
Je dirais que c’est plus par vague, mais oui, globalement, il y a quand même moins de skateurs qui vivent à Barça en ce moment qu’il y a quelques années.
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Switch backside nosegrind revert
Gerard Riera
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Tony Ferguson
Mark Gonzales / Spike Jonze / Rick Howard
Rick Howard, backside flip
Mike Mo Capaldi
Rick McCrank, 50-50
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