L' ATELIER DES ARTISTES, DE LA PRÉHISTOIRE À NOS JOURS
Texte : Pedro Lima Photographies : Philippe Psaïla Préface et conseil scientifique : Jean Clottes
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Les métamorphoses de Les métamorphoses deLascaux Lascaux
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Les métamorphoses de Lascaux
PLAN DE LA GROTTE DE LASCAUX
LA SALLE DES TAUREAUX 2
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LE DIVERTICULE AXIAL 1
LE PASSAGE 4
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LA NEF
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LE PUITS L’ABSIDE 7
Ligne de paroi
Zones reproduites à Lascaux II
Ligne de sol
Zones reproduites à l’Exposition internationale Lascaux Zones non reproduites
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0
10 m
L’atelier des artistes, de la préhistoire à nos jours
SOMMAIRE
PRÉAMBULE PRÉFACE
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INTRODUCTION
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1 - LA NOUVELLE VIE DE LASCAUX
4 - UN LASCAUX OUBLIÉ SORT DE L’OMBRE
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2 - LA GRANDE AVENTURE DE LASCAUX II
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ǩ /DVFDX[b,, GH OD FRSLH ¢ OǢąXYUH GǢDUW 30 ǩ 6ǢLPSU«JQHU GH /DVFDX[ SRXU SHLQGUH /DVFDX[b,, 36 ǩ 6RXV OH VLJQH GX WDXUHDX 38 ǩ /H P\VWªUH GH OD OLFRUQH 48 ǩ 8QH FKDSHOOH 6L[WLQH GH OǢ¤JH JODFLDLUH 52 ǩ /DVFDX[b,, UHVWDXU«H FRPPH XQH ąXYUH GǢDUW 3RUWIROLR 61
5 - LES FUTURS DE LASCAUX ǩ /ǢXOWLPH P«WDPRUSKRVH GH /DVFDX[ 136 ǩ 'DQV OH VLOORQ GH &UR 0DJQRQ 140 ǩ 7UDQVPHWWUH /DVFDX[ SRXU OHV J«Q«UDWLRQV IXWXUHV 146
3 - L’ÉMOTION DE LASCAUX DANS TOUTE SA PERFECTION
ANNEXES
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Les mĂŠtamorphoses de Lascaux
UNE DÉCOUVERTE POUR L’ÉTERNITÉ
L
e 12 septembre 1940, quelques mois après la dÊbâcle, quatre adolescents partis du petit village de Montignac, en Dordogne, rÊalisent l’une des plus importantes dÊcouvertes archÊologiques de l’histoire. Le plus âgÊ du groupe, Marcel Ravidat, habite à Montignac, tout comme Jacques Marsal. Georges Agniel, originaire de Nogent-sur-Seine, est en vacances chez sa grand-mère. Simon Coencas a fui Montreuil, près de Paris, pour se rÊfugier avec sa famille en zone libre. Ce jeudi matin, sur la colline qui surplombe la VÊzère au sud de Montignac, les quatre camarades veulent explorer un trou, repÊrÊ quatre jours plus tôt par Marcel et son chien Robot, à quelques centaines de mètres du manoir dit de Lascaux. À vrai dire, les explorateurs sont plutôt à la recherche d’un hypothÊtique trÊsor que de vestiges archÊologiques ! Après avoir Êlargi le trou, ils y jettent quelques pierres, l’Êcho d’une chute leur indiquant la prÊsence d’une cavitÊ. Marcel Ravidat y pÊnètre le premier en rampant, suivi par ses compagnons. Après quelques mètres, le boyau s’Êlargit et se transforme en galerie menant enfin à une grotte. Parvenus dans une vaste cavitÊ circulaire, baptisÊe plus tard Salle des Taureaux, les jeunes gens QH YRLHQW SDV DX GHVVXV GH OHXU WWH OHV PDMHVWXHX[ aurochs peints qui les observent d’un œil impassible. En effet, leurs yeux ne sont pas encore accoutumÊs à l’obscuritÊ, à peine attÊnuÊe par deux lampes à pÊtrole artisanales. Ce n’est que dans un couloir plus Êtroit, le Diverticule axial, que le groupe dÊcouvre, stupÊfait, un spectacle extraordinaire : des vaches, des cerfs et des chevaux polychromes par dizaines, qui semblent bondir sur le plafond et les parois couleur de lait. Au terme d’une heure d’exploration dans la pÊnombre, les quatre jeunes gens parcourent la quasi-totalitÊ du rÊseau souterrain, de taille modeste, et dÊcouvrent de très nombreuses peintures. Le lendemain, dans le plus grand secret, le groupe revient sur les lieux et descend, à l’aide d’une corde, au fond d’un puits qui s’ouvre dans un recoin de la cavitÊ. C’est une nouvelle rÊvÊlation : sur la paroi RFUH FODLU XQ IDQWDVWLTXH KRPPH ¢ WWH GǢRLVHDX VHPEOH
1 - Trois des jeunes dÊcouvreurs de Lascaux (Jacques Marsal, Marcel Ravidat et Georges Agniel) en compagnie de l’instituteur LÊon Laval.
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tomber à la renverse face à un bison menaçant dont les entrailles pendent sous l’abdomen. Peinte il y a plus de 20 000 ans, la fameuse Scène du Puits est aujourd’hui considÊrÊe comme un sommet de l’art prÊhistorique. Ce n’est que le 18 septembre, après l’Êlargissement du boyau d’accès, que l’ancien instituteur du village, LÊon Laval, prÊvenu par les adolescents, pÊnètre à son tour dans le sanctuaire. Cet Êrudit saisit immÊdiatement la portÊe immense de la dÊcouverte, et fait prÊvenir l’abbÊ Henri Breuil, maÎtre incontestÊ de la prÊhistoire à l’Êpoque. RÊfugiÊ près de Brive, l’abbÊ-prÊhistorien visite Lascaux dès le 21 septembre 1940.  C’est presque trop beau ! , dÊclare-t-il à sa sortie, avant de rÊdiger le premier rapport officiel sur la grotte et ses peintures, publiÊ à la fin de l’annÊe 1940 dans le Bulletin de la sociÊtÊ historique et archÊologique du PÊrigord. Et la grotte sera classÊe monument historique le 27 dÊcembre 1940. C’est le dÊbut de la nouvelle vie de Lascaux. OrnÊe il y a des millÊnaires par des artistes de gÊnie, condamnÊe, donc protÊgÊe, par l’effondrement de son porche d’origine, elle fut tirÊe de son long sommeil, un jour de 1940, par quatre
La nouvelle vie de Lascaux
PAROLE DE... Jacques Marsal, codÊcouvreur de Lascaux  On est arrivÊs à Lascaux avec l’idÊe de trouver un trÊsor. Alors on est descendus, courageux mais pas tÊmÊraires, avec une petite lampe qui Êtait une sorte de pompe à graisse avec du pÊtrole. On n’y voyait pratiquement rien. On a traversÊ la Salle des Taureaux sans voir les peintures. C’est au niveau du Diverticule axial, oÚ la paroi se resserre, que, nos yeux s’Êtant accoutumÊs, on a vu que le plafond Êtait couvert de peintures. (‌) Avec les Parisiens, on est alors allÊs voir M. Laval. Il Êtait au dÊpart très sceptique, car il pensait que ses anciens Êlèves voulaient le faire marcher. (‌) On a fini par le dÊcider à grimper sur la colline. Quand le brave père Laval est arrivÊ devant le trou, il n’a pas voulu descendre. On est allÊ chercher des pelles et des pioches et nous avons fait une sorte de tranchÊe avant-trou, qui accÊdait au sommet du premier Êboulis. Là nous avons taillÊ des marches grossières pour faire descendre notre instituteur. Et quand il est arrivÊ dans la Salle des Taureaux, il a dit :  Oh ! Merde‌ 
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DGROHVFHQWV WPUDLUHV 8QH QRXYHOOH YLH DJLWH TXL YHUUD dÊfiler devant ses parois les plus Êminents chercheurs, mais aussi des millions de visiteurs, attirÊs par les articles GH SUHVVH TXL GM¢ VH PXOWLSOLHQWǪ (W FDXVDQW DX SDVVDJH d’importants dÊgâts.
Extraits de la confÊrence de Jacques Marsal au musÊe de l’Homme, Paris, le 14 octobre 1986, reprise dans le  Dictionnaire de Lascaux , 2008.
4XDQW DX[ MHXQHV GFRXYUHXUV OǢKLVWRLUH YD OHV VSDUHU pour de nombreuses annÊes. Coencas et Agniel repartent dans leur rÊgion d’origine, le premier Êchappant de peu à la dÊportation en raison de son jeune âge. Jusqu’en 1942, Marcel Ravidat et Jacques Marsal, restÊs au pays, montent la garde devant la grotte jour et nuit. Ils la protègent ainsi GH SUREDEOHV GJUDGDWLRQV DX YX GH OǢLQWUW TXǢHOOH suscite dÊjà dans la rÊgion et au-delà . Avant que Ravidat ne rejoigne la RÊsistance, et que Marsal ne soit requis par le Service du travail obligatoire en Allemagne. Les deux garçons deviendront ensuite les guides de la cavitÊ, lors de son ouverture au public en 1948. Ce n’est qu’en 1986, 46 ans après la fabuleuse dÊcouverte, que le groupe se WURXYH GH QRXYHDX UXQL ¢ /DVFDX[ 4XDWUH SLRQQLHUV ¢ qui nous devons la redÊcouverte de l’un des plus beaux trÊsors de l’humanitÊ. 3
2 - EntrÊe de Lascaux en 1940. De gauche à droite : LÊon Laval, Marcel Ravidat, Jacques Marsal, et l’abbÊ Henri Breuil.
3 - Grotte de Lascaux, dans la Salle des Taureaux, en octobre 1940. Au centre, le comte Henri BÊgouÍn et l’abbÊ Henri Breuil. Assis au premier plan, deux des jeunes dÊcouvreurs : Jacques Marsal (de profil) et Marcel Ravidat (de face).
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Les mĂŠtamorphoses de Lascaux
SOUS LE SIGNE DU TAUREAU
La Salle des Taureaux
C’
est en pÊnÊtrant sous terre, par un escalier qui s’enfonce dans la colline, que l’on rentre dans Lascaux II. Une fois la rÊtine adaptÊe à la pÊnombre, dans une obscure antichambre, s’ouvre une lourde porte mÊtallique. Quelques pas dans une salle arrondie, des lumières qui s’allument, et c’est le choc. Sur une paroi circulaire, situÊe sous la voÝte de la cavitÊ, une farandole animale polychrome se dÊroule comme par magie. Le spectacle est saisissant. Cerfs jaunes et ocres, chevaux bruns, bisons et vaches rouges paraissent comme animÊs d’un mouvement vital, bondissant et galopant au milieu de signes gÊomÊtriques mystÊrieux. Mais surtout, quatre grands taureaux noirs surgis de la nuit des temps se dÊtachent sur un fond de calcite immaculÊe. Nous sommes dans la grande Salle des Taureaux, chef-d’œuvre DEVROX GH OǢDUW SDOROLWKLTXH 4XǢHVW FH TXL IUDSSH OH SOXV GDQV OHV SUHPLHUV LQVWDQWVb" 3HXW WUH OH UHJDUG LQWHQVH rendu profond par le bioxyde de manganèse, des quatre immenses aurochs. Depuis leur situation privilÊgiÊe, sur la paroi surplombant une banquette rocheuse, ils semblent vous obser ver du coin de l’œil, comme impassibles face à l’irruption des intrus. Nul doute que les peintres solutrÊo-magdalÊniens souhaitaient cet effet de mise en scène, ce sentiment de respect qu’inspirent, au premier regard, les quatre puissants mammifères : de par leur stature, leur taille, mais aussi leur position dominante. Ainsi, dès les premiers pas dans
23 - DÊtail du premier grand aurochs de la Salle des Taureaux à Lascaux II, et signe symbolique, exÊcutÊs au bioxyde de manganèse noir et à l’ocre rouge.
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le sanctuaire, le visiteur ressent une forme d’admiration POH GH FUDLQWH 6HQWLPHQW TXL KDELWDLW SHXW WUH LO \ D 20 000 ans dÊjà , les profanes pÊnÊtrant dans le site pour assister à de mystÊrieuses cÊrÊmonies. Car il ne fait aucun doute, face aux majestueux aurochs, que Lascaux, comme toutes les grottes ornÊes durant le PalÊolithique VXSULHXU FRQVWLWXDLW XQ VDQFWXDLUH UHOLJLHX[ 0PH VL on ignore tout, ou presque, des mythes exprimÊs sur les parois, et des rites qui se dÊroulaient à leur pied. À y regarder de plus près, ce sont en rÊalitÊ six taureaux qui ornent la rotonde. Mais le premier d’entre eux, situÊ peu après l’entrÊe de la salle, sur la paroi gauche, n’est que partiellement visible, du fait de la chute d’une Êcaille rocheuse qui a entraÎnÊ les pigments. Accident fidèlement restituÊ à Lascaux II, dans un souci d’objectivitÊ. Seul reste visible le mufle quadrangulaire de l’animal.
CHAPITRE
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24 - Vue des quatre grands aurochs de la Salle des Taureaux, peints sous la voûte de la cavité. La salle comprend au total 36 animaux dont 17 chevaux, 6 taureaux, 6 cerfs et un bison.
25 - (pages suivantes) Vue panoramique de la Salle des Taureaux. Au total, 130 figures ont été peintes sur la paroi en encorbellement couverte de calcite, dont une majorité de signes.
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