Carnets de Syntone n°VRAI-FAUX décembre 2015

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les carnets de série FICTION numéro VRAI-FAUX




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éphéméride Bienvenue dans VRAI-FAUX, le nouveau Carnet de Syntone, quatrième et dernier numéro de la série FICTION. Cette série de quatre numéros, inaugurale du supplément « papier » à Syntone.fr (premier numéro en mars 2015), a accompagné un grand chantier éditorial sur la fiction sonore qui, lui, ne se clôturera pas avec elle, mais continuera d’être entretenu d’une façon un peu moins intense qu’il ne le fut tout au long de cette année. Nous avons rencontré des auteurs, des autrices, des réalisateurs, des réalisatrices, nous les avons fait parler et nous les avons même fait créer. Nous avons musardé du côté des histoires pour enfants, remonté le temps du patrimoine radiophonique et exploré la « Sagasphère ». Nous avons navigué aux confins de la fiction, du côté du storytelling, de la musique narrative, de la poésie et, aujourd’hui, du « documenteur ». Preuve en est que rien n’est achevé, ce numéro voit

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démarrer un feuilleton : une petite histoire des « faux-semblants radiophoniques » qui se poursuivra au moins dans les deux prochains numéros. Dans le même temps, les Carnets de Syntone prendront une nouvelle allure en 2016. Nous avons aimé concevoir cet objet particulier, d’une mouture différente du site, plus créatif peut-être. Les liaisons entre web et papier, avec leur temporalité décalée, nous ont beaucoup appris sur la manière dont concevoir une publication thématique. Nous travaillons à conserver le caractère semi-artisanal des Carnets tout en tentant d’en rendre la lecture plus accessible. Ce nouveau numéro est déjà une transition, un passage. Bienvenue dans l’interstice entre le vrai et le faux, entre la croyance et l’imposture, entre le réel et ses simulacres. Bonne lecture et rendez-vous en mars 2016.

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Quand la radio trompe l’oreille Petite histoire des faux-semblants radiophoniques En mettant en scène en 1938, en direct sur les ondes états - uniennes, une invasion martienne, Orson Welles inventait le canular radiophonique et suscitait une panique générale. Cette phrase vous est familière. Vous l’avez entendue cent fois. Elle est fausse, et quadruplement : Orson Welles en était à peine l’auteur, ce n’était pas un canular, ce n’était pas une « première » et la panique fut très relative. L’épisode, avec ses approximations et même grâce à elles, pose néanmoins le mythe fondateur de la radio comme média de masse et, tout autant, comme outil de création. Quand la fiction fait l’évènement en passant pour le réel : retour, sous forme de feuilleton, sur près d’un siècle de faux-semblants radiophoniques, en nous en tenant aux pièces qui ont une visée artistique et qui questionnent les formes médiatiques, pour écarter – quoique les frontières soient parfois poreuses – ce qui relève de la propagande ou de la blague.

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Premier épisode : les années 1920. La légende autour de Welles a ceci de vrai : que le faux-semblant a signé l’acte de naissance de la création radiophonique – mais quatorze ans plus tôt, dans la vieille Europe, et sans intervention des Martiens. Deux ans à peine après la fondation de la première station privée française (Radiola, qui devient à cette époque Radio Paris), son directeur Maurice Vinot (qui écrit sous le pseudonyme de Gabriel Germinet) crée un petit scandale. Le 21 octobre 1924, lui et Pierre Cusy veulent répéter en direct sur une fréquence inutilisée la première dramatique de l’histoire de la radio, écrite par euxmêmes à l’occasion d’un concours de littérature radiophonique organisé par le journal L’Impartial français : le récit d'un naufrage à travers le dialogue entre les opérateurs radio de bord, qui lancent en vain des appels au secours sur la TSF, alors que la tempête fait rage et que la coque craque. Mais cette avant-première de Maremoto est captée par des radioamateurs, qui s’inquiètent, écrivent et téléphonent aux pouvoirs publics, tant et si bien que le ministère de la Marine interdit à Radio Paris de diffuser la pièce comme prévu. Les auteurs, pour leur défense, évoquent les indices qu’ils y ont semé pour éviter la méprise : les transmissions navales de l’époque se faisaient en morse et non par TSF, les coordonnées annoncées par le bateau le placent en plein Sahara, un vocabulaire distinct de celui de la marine est employé

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Cécile Méadel, « Les images sonores. Naissance du théâtre radiophonique », Techniques et culture, Maison des sciences de l’Homme (et de la Femme), 1990, 16 (juillet-décembre), pp. 135-160. (1)


(« chaloupe » au lieu de « canot » par exemple) (1)… Mais l’effet de réalisme, savamment instauré, l’emporte largement. Le manuscrit de Maremoto donne diverses consignes en ce sens : « La pièce n'est pas annoncée au programme de l'émission » – ou encore : « La conversation des deux hommes et le texte lu par le Speaker [dont l'intervention est coupée par le début de la fiction] demeureront inintelligibles durant une minute, afin de déterminer chez l'auditeur le désir de mieux percevoir » (2). La première retransmission autorisée de Maremoto aura lieu… sur la BBC, où elle sera traduite et diffusée le 25 février 1925 – il faudra attendre 1937 pour que la station parisienne puisse le faire. Récompensée par L’Impartial du premier prix pour ses « qualités radiogéniques », Maremoto pose la première pierre du théâtre radiophonique : le scénario est « spécialement écrit pour la radio, il se fon[d] dans une grille, il utilis[e] les possibilités sonores de la radio, les jeux de bruit, de voix, de réel », précise la sociologue Cécile Méadel – et la radio est placée « au centre du dispositif au lieu d'être simplement utilisée comme le haut-parleur d'un évènement » (3). Maremoto joue en cela des usages malléables dont l’outil radio faisait encore l’objet à l’époque : média de masse débutant, mais aussi moyen de communication en poste à poste, une pratique largement supplantée par le téléphone aujourd’hui. « La mise en onde intégrait en outre dans sa construction la manière dont les auditeurs écoutaient alors : au casque, attentifs à garder leur longueur d’ondes, surveillant sans cesse les piles... » (4).

(2) Cécile Méadel, « Mare-Moto, une pièce radiophonique de Pierre Cusy et Gabriel Germinet (1924) », incluant le manuscrit de la pièce, Réseaux, 1992, volume 10, n°52, pp. 75-94. (3)

Ibid.

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Ibid.

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La même année, Gabriel Germinet utilise de nouveau le procédé du fauxsemblant dans Great Guignol, aussi connu sous le nom moins révélateur de L’inauguration du théâtre des Tuileries. Dans ce qui se présente comme un reportage sur la première d’une salle en fait imaginaire, un acteur se suicide en pleine représentation, sous les yeux du journaliste qui commente ce qui se passe. La pièce vaudra plus tard à Germinet un courrier d’auditeur : « Vous mériteriez que je vous envoie mes témoins » (5). Interrogé, lors d’une émission de 1957, sur ses motivations à mettre en scène des fictions criantes de réalisme, Gabriel Germinet répond : « J'estimais que le radio-drame devait d'abord utiliser des sujets simples, pour passer de proche en proche aux complexes. Songez que nous faisions nos premiers pas à la radio, et que tous les auditeurs eux aussi étaient des débutants. » (6) Le canular radiophonique – pour qualifier ainsi une pièce masquant délibérément son caractère fictionnel – posait en somme les bases de l’éducation aux médias et, ce qui va de pair, de leur critique. La création radiophonique était affaire de production, mais tout autant d’écoute : il fallait forger non seulement les outils qui la fabriquaient, mais les oreilles qui l’entendaient. En 1926, Pierre Cusy et Gabriel Germinet font paraître chez l’éditeur Chiron leur ouvrage Théâtre radiophonique. Nouveau mode d’expression artistique, premier titre de référence dans le domaine.

Simone Douek (productrice), Anna Szmuc (réalisatrice), « Gabriel Germinet, les Carnets radio », Surpris par la nuit, 26 janvier 2006, France Culture. (5)

(6) Paul Dermée (producteur), Paul Castan (réalisateur), « Dramaturgie des voix : Danger, Great Guignol », 20 mai 1957, Radiodiffusion française, fonds INA.

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Cette même année 1926, et plus précisément le samedi 16 janvier à 19h40, débutent sur la BBC, alors la seule station en Grande Bretagne, douze minutes (7) d’un faux reportage sur une émeute imaginaire à Londres. La rubrique, préalablement négociée auprès de la direction par le responsable du studio d’Édimbourg, depuis lequel elle est émise, est dûment annoncée dans le programme radio du Times : c'est l'heure de l'émission du révérend Ronald Knox, et elle s'intitule ce jour-là Broadcasting the Barricades (« En direct des barricades »). La révolte est non seulement ponctuelle, mais prévenante : la diffusion « était introduite par un avertissement explicite indiquant qu'il s'agissait d'une œuvre d'humour et d'imagination, rendue plus vivante au moyen d' ''effets sonores’’». (8) Ronald Knox, prêtre catholique et esprit mordant, auteur de sermons mais aussi de parodies et de romans policiers, intervient sur l’antenne depuis 1923. « L'idée de cette satire m'est venue un soir alors que j'étais assis en train d'écouter le résultat des dernières élections. J’ai tenté de me représenter la sensation de souffle coupé qu’aurait le pays pendant une révolution, et j’ai voulu imaginer les bulletins d’information au cours d’un tel épisode de ferveur populaire. J’ai couché mes idées sur le papier et je me suis efforcé de les rendre burlesques. » (9) Quelques années après la révolution bolchévique de 1917 et alors que le contexte social difficile rend crédible un soulèvement des pauvres, il met en scène l’irruption, en plein bulletin d’information, d’une révolte des sansemploi qui finit (entre autres) par l’invasion de la BBC, la destruction de Big Ben et la pendaison en place publique du ministre de la Circulation. Que cette fonction n’existe pas, que le meneur de la fronde soit présenté comme Secrétaire du Mouvement National pour l’Abolition des Files d’Attente au Théâtre ou que la prise de la BBC soit calmée par la lecture

(7) Onze, douze, dixsept minutes ? Aucun enregistrement n’étant disponible, les récits varient. L’on s’en tiendra à la durée annoncée par la BBC elle-même lors d’une reconstitution de la pièce en 2005, « The Riot That Never Was ». (8) Evelyn Waugh, The Life of the Right Reverend Ronald Knox, Little Brown, 1959. Cette citation et la suivante, traduites par l’autrice, sont extraites de l’article de Paul Slade référencé à la note 11. (9)

Evening Standard, 19 janvier 1926.

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collective d’un magazine radiophonique dans la salle d’attente donne à certain·e·s l’occasion de rire franchement, mais n’empêche pas que le reportage soit pris tout à fait au sérieux par d’autres, qui avaient raté l’avertissement initial. Des appels affolés arrivent à la radio, mais aussi aux journaux ou à l’hôtel de luxe le Savoy, censément détruit. Une femme s’évanouit, et le maire de Newcastle se voit demander par son shérif ce qu'il compte faire pour protéger sa ville. À 21h, la BBC est contrainte de faire une annonce spéciale pour s'excuser auprès de celles et ceux qui sont encore à l'écoute : « Londres n'est pas en danger. Big Ben sonne toujours. Tout va bien. » Mais la neige empêchant la parution des journaux le lendemain matin, l’inquiétude ne retombe pas avant le lundi.

Broadcasting the Barricades, quoique présentée comme fiction, joue sur les formats radiophoniques alors en vigueur pour installer l’anticipation politique : cette dernière est précédée de l’annonce des scores du dernier match de cricket et d’une nouvelle anodine, puis les révélations successives sont entrecoupées par la retransmission d’un orchestre du Savoy, qui permet de construire le suspense. La réalisation est agrémentée de bruitages en

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direct : explosions, cris de foule – quant à la destruction du grand hôtel, elle est rendue par celle d’une cagette à oranges et par un sac de verres jeté au sol, comme le rapportera le technicien responsable des effets sonores, JCS MacGregor, que l’antenne charge de répondre aux appels angoissés pendant que le prêtre, ignorant tout du scandale, dîne paisiblement. Car la pièce joue aussi à caricaturer le style de la jeune BBC et la parodie est si évidente pour Ronald Knox qu’il n’imagine pas qu’elle puisse tromper qui que ce soit – mais nombre d’oreilles découvrent alors le genre pour la toute première fois, ce qui ne facilite pas la distance critique. Pour moquer certaines pesanteurs censément didactiques de la radio, le prêtre donne ainsi, à six reprises, la même information deux fois de suite, la première à la forme active, la seconde au passif : « La foule à Trafalgar Square est en train de prendre des proportions menaçantes. Des proportions menaçantes sont en train d’être prises par la foule qui s’est rassemblée à Trafalgar Square. » Ou bien il insère des digressions pédagogiques au cœur de l’action, indiquant par exemple à propos du palais de Westminster : « Le bâtiment a été construit avec de la pierre calcaire et magnésienne du Yorkshire, un matériau malheureusement susceptible d'érosion rapide. Quoiqu'il en soit, il est à l'heure actuelle en train d'être détruit au lancegrenades. » À l'exception de la presse écossaise qui en profite pour se moquer des Anglais (« Les Écossais ont semble-t-il compris la blague sans qu'une intervention chirurgicale soit nécessaire (…) et les nombreuses demandes de renseignement émanant d'Irlande ont peut-être manifesté plus d'intérêt que d'inquiétude ») (10), les journaux restent opportunément insensibles à l’humour et saisissent l’occasion, en cette époque où la radio faisait figure de concurrente

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Weekly Scotsman, 23 janvier 1926.


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émergente auprès des annonceurs, pour insister sur l’irresponsabilité de la BBC et son peu de fiabilité. Le directeur de cette dernière, John Reith, fait quant à lui ses calculs : 2307 réactions positives reçues contre 249 négatives, il a tout lieu d’être ravi du scandale, qui donne à la radio la publicité dont elle avait besoin. L’antenne décide cinq jours plus tard de mettre sur pied pour la première fois une émission canular le 1er avril. Quant à Ronald Knox, il continue à assurer quelques émissions ponctuelles, « notamment une parodie de conférence scientifique affirmant que des chercheurs avaient découvert le son que font les légumes quand ils souffrent » (11). À suivre dans le prochain numéro des Carnets de Syntone (mars 2016) : les années 1930-1940.

Paul Slade, « Holy terror: The first great radio hoax », non daté. Les citations du scénario de Ronald Knox et de la presse sont issues de cet article, et traduites par l’autrice. Les autres éléments viennent aussi de John Gosling, « Broadcasting the Barricades by Ronald Knox (BBC, 1926) », non daté, et de David Wilkes, « ‘Bolsheviks are attacking the Palace and Big Ben has been destroyed’: The fake BBC radio bulletin that terrified listeners in 1926 », Daily Mail, 12 octobre 2011. (11)

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Le « documenteur » comme poil à gratter Wederik De Backer, Lucas Derycke et Thomas Morlion se sont rencontrés au RITCS, l’école néerlandophone d’audiovisuel à Bruxelles, où ils ont appris à faire de la radio. Chacun d’eux mène ses propres projets, mais pour la chaîne généraliste belge RadiO 1, ils produisent depuis septembre 2014 ce qu’ils appellent des « mockumentaries », dissimulés en plein magazine d’actualités. Rencontrés au dernier Prix Europa où ils présentaient Gewone Mensen (1), Ils parlent ici presque d’une seule voix.

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À l’origine, leur série ne portait pas de titre. Mais pour les besoins de sa nomination dans les fictions du Prix Europa, les auteurs ont choisi Gewone Mensen ou Ordinary People en anglais, c’est-à-dire « Gens ordinaires » en français.

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Ces exceptionnels « gens ordinaires »

De la fausse facilité du documenteur

Tous trois ont commencé à sévir de concert lors d’une première saison de septembre 2014 à juin 2015. Ils poursuivent cette année leurs agissements malicieux au gré de ce qu’on nomme « l’actualité », en imaginant l’« effet papillon » des petits et grands événements du monde sur la vie des gens « ordinaires ». Dans le magazine De Bende van Annemie (La Bande d’Annemie), une quotidienne de Radio 1 diffusée de 10 heures à midi, ils concoctent, une fois par mois, 5 minutes de faux reportage présenté comme vrai. Le lancement, rédigé par le trio, est confié à la journaliste qui elle seule est tenue au secret.

Le trio est unanime pour dire leurs créations « sans prétention » et qu’ils le pratiquent « un peu comme un hobby ». Pourtant, pour trouver un bon sujet, choisir ce qui touchera au mieux les auditeurs, Wederik confie : « On fait des brainstormings, on parle beaucoup, on se dispute aussi beaucoup. » L’ultra-banal est recherché, Thomas Morlion explique : « La banalité, c'est le plus intéressant pour moi. Et ce qui est ordinaire a un effet comique. » Pour que le documenteur fonctionne, il faut, comme toute bonne fiction, qu’il soit très bien écrit : l’équipe utilise avec précision les codes du reportage, tout en offrant à l’oreille des scènes originales et pleines de vie.

« Ce lancement est un gain de temps car le reportage a un timing serré et, bien sûr, c’est la caution qui met l’auditeur en confiance. » Ainsi, la Toussaint a été l’occasion de proposer un faux reportage sur la mort

« Avec ce format, on utilise des codes que tout le monde connaît, ce qui rend nos productions faciles à écouter ».

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autour du personnage fictif d’un défunt attentionné. Sa veuve, des amis, le croquemort et l’assureur témoignent de sa prévoyance : apprenant l’imminence de sa mort, il s’est inquiété des dettes laissées à son épouse. Il s’est engagé alors de son vivant à faire apposer des inscriptions publicitaires sur son linceul, à diffuser des annonces de sponsors durant son oraison funèbre... La diversité des intervenants, la gravité de l’ambiance générale et la véracité sonore des situations rend le son à la fois « incroyable » au sens figuré et très crédible au sens propre.

Car il est délicat de sentir le degré de naïveté qui permettra le succès de leur reportage truqué. L’une des conditions réside dans la qualité du jeu des acteurs. Durant les débats du Prix Europa, lorsque quelqu’un leur fait remarquer l’excellence et la justesse des comédiens, Thomas Morlion répond pour le groupe : « En fait, c'est nous-même qui jouons. Et la dame, là, par exemple, c’était ma mère, pour rendre service. » Une nécessité d’économie qui se solde par une grande justesse au niveau de la production.

« On a peu de retour du public, mais le plus souvent, c’est des journalistes qui nous appellent. Ils sont super intéressés par l’info qu’ils viennent d’entendre et ils veulent des contacts pour creuser ! »

Le documenteur, un genre en soi qui peut durer et se répéter ? Oui, répond l’équipe des Gens ordinaires(2), en tapant du point sur la table et en rigolant. « Ces fictions sans prétention, ce petit truc vite fait

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Pour écouter le podcast : www. soundcloud. com/ordinarypeople-771057345 (2)


qui nous permet de rire de nous - mêmes a de l’avenir »… tant qu’on aura besoin d’humour et de poil à gratter ! Prochainement, Thomas Morlion souhaite réaliser une « expérience anthropologique ». En singeant les documentaires animaliers, il abordera les rapports des hommes avec les femmes et des hommes entre eux. Un projet qui pourrait s’appeler « Mannetjesdieren » (« Animaux mâles »). Une autre forme de pirouette pour faire entendre la « vie des gens » de façon subversive et joyeuse.

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Dans la chambre d’Écho L'autoportrait sonore

Écho fut punie de vouloir toujours avoir le dernier mot. Forcée de ne plus rien pouvoir dire que répéter les dernières paroles d’autrui, la nymphe dépérit et maigrit tellement que son corps finit par disparaître, ne laissant que sa voix comme une traîne dans le paysage. Elle était tombée amoureuse du beau Narcisse, qui l’avait ignorée. Ce mépris valut au jeune homme d’être à son tour condamné à n’avoir d’yeux que pour son propre reflet. Si Narcisse contemplant son image est à l’origine mythique de l’autoportrait, on peut dire qu’il n’en serait rien sans Écho... ou sans échos. Réflexif et mimétique, notre écho est une image de nous-mêmes, qui a été modifiée et renvoyée par notre environnement. D’Écho à ego, mettons-nous à l’écoute de l’autoportrait sonore.

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Ma voix, c’est moi ! Dans une série de performances radiophoniques intitulées Skin-voice ou Voix-peau en français, l'artiste Anna Raimondo [également collaboratrice occasionnelle de Syntone] invite les auditrices et les auditeurs à téléphoner à la radio pour lui poser des questions en direct et tenter de faire son portrait physique et moral par le biais de sa voix et de ses réponses. En situation de non-vision, la voix de quelqu'un évoque instantanément son sexe, son âge, son physique, et dessine l'enveloppe de sa personnalité – même si on peut se tromper. La voix est le premier instrument sonore de l'être humain, le moyen primordial d'expression de soi. Du premier cri au dernier souffle, la voix transmet l'émotion, produit toute sorte de bruits parfois mélodieux, est le vecteur du langage, porte le discours, et charrie avec elle beaucoup plus que cela encore de l'intimité de la personne humaine. C'est peu dire que notre voix est unique à soi, car nous l'entendons de la plus singulière façon, à la fois de l'extérieur et de l'intérieur. Cette double perception a pour effet de nous surprendre – et souvent de nous contrarier – la première fois que nous écoutons notre voix enregistrée ! Cette voix de l'intérieur est encore différente de la « voix intérieure » qui n'a pas de réalité acoustique et qui est synonyme de pensées que l'on s'adresse à soi-même. Dans un entretien à Syntone en février 2015, l'auteur-réalisateur d'autofictions Daniel Martin-Borret explique sa recherche : « Je veux tout à la

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fois donner à entendre de la matière sonore et de la pensée en train de se dire. » Extérioriser son monologue intérieur est une façon de dire « j'existe ». « Quand j’ai pris la parole avec Léandre [sa première pièce en 2009, NDLR], j’ai surmonté l’interdit familial en déchirant le silence. Parler dans le microphone m’ouvrait la voie de la confidence, et de la confiance ». Entre la voix intérieure et la voix portée, le poète Charles Pennequin écoule le flux de ses pensées sur dictaphone. Il l'actionne dans des performances où sa litanie semi-improvisée fait des allers-retours entre soliloque et apostrophe du public. L'enregistreur de poche est un carnet de notes ou un journal intime sonore/vocal pour d'autres artistes comme la performeuse Emy Chauveau qui l'utilise aussi sur scène pour ses lectures activées, entre poésie sonore et « cut-up ».

Le monde comme miroir sonore ? Miroir, mon beau miroir... Forgé par Didier Anzieu dans les années 1970, le « miroir sonore » est un terme du lexique psychanalytique qui désigne les sons produits par la mère, les bruits de son corps, sa voix qui parle ou qui chante. Tout cela forme une « enveloppe sonore » que perçoit le bébé in utero – un « feedback » auditif qui précède le miroir visuel que seront le regard et le sourire maternels (de même qu'Écho précède Narcisse) – à l'intérieur de laquelle il construit son image de soi, la base de sa future communication. Au-delà de la voix et des bruits du corps, les sons du monde extérieur nous renvoient-ils une image de soi ?

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En 1969, le compositeur Alvin Lucier, qui souffre de bégaiement (de pré-écho pourrait-on dire), crée I am sitting in a room, son œuvre fameuse qui donne à entendre l'effet produit par l'architecture sur le son. Mais elle représente aussi un effort pour dépasser son handicap. Son interprétation consiste à enregistrer quelques paroles, puis à les diffuser et à les réenregistrer par le même dispositif un grand nombre de fois. Passage après passage, les résonances architecturales de la salle vont amplifier certaines fréquences du discours originel, produisant un lissage harmonique de la parole et, par là-même, des défauts d'élocution de Lucier.

Je est un autre Chez les documentaristes, l'aspect autobiographique, même s'il n'est pas facile à déceler, est parfois présent comme une nécessité d'aller vers l'autre afin de répondre à un questionnement personnel. Yann Paranthoën, par exemple, s'est intéressé à des thèmes récurrents (la Bretagne, le monde rural, la taille de la pierre...) et s'est construit une grammaire sonore bien à lui. En cela, peut-on considérer son œuvre singulier comme mû par la recherche d'un langage propre qui pallierait sa coupure d'avec la culture bretonne ? L'une de ses dernières émissions, Jeux de mains en 2000, pourrait aussi être un autoportrait en creux à travers des personnes rencontrées qui, comme lui, utilisent le geste et le toucher pour créer.

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Tandis que l'intime est très présent dans l'art et les médias ces quinze dernières années, le documentaire familial se rencontre partout et est même enseigné comme exercice au CREADOC d'Angoulême. Dans un article de Syntone de septembre 2012, Christophe Deleu montre également comment le « je » radiophonique a été particulièrement développé par Arte Radio à travers la forme du journal intime. Travaillant depuis plusieurs années sur des formes autobiographiques très crues, Richard Kalisz a livré en 2012 avec Une dernière mise en ondes : la mort probablement une œuvre qui ne laisse pas indifférente. Se sachant atteint d'un cancer, il signe un testament radiophonique de plus de cinq heures (en dix épisodes tous en écoute sur sonosphere.org) qui le voit notamment organiser son enterrement et traverser une réflexion identitaire sur sa judéité.

Quand la première personne se conjugue au pluriel Dans un cadre d'expression tel que la radio, le médium artistique n'est pas seulement constitué d'un micro et d'un haut-parleur, mais de tout un système de production et de diffusion qu'une personne seule maîtrise rarement voire jamais. Celle-ci a absolument besoin des autres pour s'y exprimer. De 2005 à 2007, l'Atelier de Création Radiophonique (ACR) de France Culture a sollicité des artistes telles que les cinéastes Chantal Akerman, Jonas Mekas, les photographes Anne-Marie Filaire, Laurence Leblanc,

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la musicienne Laurie Anderson ou encore l'écrivaine Chloé Delaume, à explorer le récit de soi dans le cadre d'une série d'émissions intitulée Le « Je » radiophonique. Pour certaines de ces personnalités, l'autobiographie ou l'autofiction n'est pas étrangère à leur travail, mais le faire par la radio seule est à coup sûr inhabituel. « On demandait aux artistes invités de se raconter par le son » se souvient Philippe Langlois, coordinateur avec Frank Smith de l'ACR de l'époque. « Cela put parfois être une gageure, par exemple, dans le cas d'un photographe qui travaille avec l'image et le temps (l'infra temps), de se raconter par le son dans une durée bien plus longue que le temps de la photographie. » Mais le plus important défi ne réside-t-il pas dans le fait qu'à la radio – à Radio France, en tout cas – on travaille toujours en équipe ? Comment la première personne arrive-t-elle à se dire dès lors que ce n'est pas forcément elle qui tient l'outil ? Dans des cadres de production tels que celui de l'ACR, la réalisation s'adapte à chaque projet, peut aller parfois jusqu'à s'effacer ou au contraire proposer un traitement décisif. « L'exemple d'Anne-Marie Filaire est intéressant », poursuit Langlois, « car elle avait décidé de s'enregistrer en s'adressant à son fils, seule au volant de sa voiture. Il s'est trouvé que l'enregistreur, posé sur le siège passager, a donné un son de très mauvaise qualité technique, inexploitable directement. Malgré tout, son contenu était complètement incarné, profond. C’est alors confrontés à ce problème que nous avons décidé, avec Anne-Marie et Laurent Rousseaux, le réalisateur de l’émission, de transposer sa parole dans la voix d’une comédienne. Ceci est un exemple, mais il dénote bien de la manière dont nous fonctionnions à l’époque, en nous frottant tout d’abord au désir des auteur·e·s de

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réaliser leurs portraits. » Il est étonnant de constater ainsi que l'instance médiatique s'incarne littéralement dans une ou plusieurs personnes, qui possèdent l'autorité et le savoir-faire techniques et artistiques, et qui deviennent les intermédiaires permettant à un individu de dire « je » radiophoniquement. Parfois même, via la voix de quelqu'un d'autre !

Écho 2.0 Depuis septembre 2014, Radio Campus Paris diffuse, deux fois par mois, cinq nouvelles minutes de collage sonore sans autre introduction que le mot « Selfie », en référence à la pratique devenue banale du cliché égocentré. Derrière les collages signés « #Martin », « #Camille », « #Felinda »... il y a surtout une personne : Christophe Da Cunha. Pour construire un épisode, celui-ci demande à quelqu'un d'enregistrer sa vie pendant une période d'un mois maximum, sans autre consigne. La personne s'enregistre généralement avec son téléphone. « C'est le moyen le plus simple que j'ai trouvé pour récupérer des moments “sur le vif ”, parce qu'on ne pense pas ou on n'ose pas emmener un enregistreur en soirée ou dans le métro », nous confie Christophe Da Cunha. « J'aime bien le téléphone aussi symboliquement, vu que c’est avec lui qu’on fait des selfies la plupart du temps. » Ensuite la personne lui donne ses rushes (une heure, deux heures parfois) et il monte tout ça seul : « Je fais le montage moi-même parce que, si toutes les personnes que je rencontrais devaient savoir monter, ça limiterait beaucoup ! Et ça me permet de faire ressortir les choses qui me semblent

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les plus essentielles, mettre un peu de moi-même et créer une esthétique entre les différents Selfies, dans cette démarche de réaliser une sorte de galerie de portraits de génération. » L'ego a parfois besoin d'autrui pour accoucher. Avant l'invention des procédés de reproduction électromécanique du son, l'écho naturel était la seule façon pour quelqu'un d'entendre sa voix de l'extérieur de soi. Dans la fable, Écho est la triste radoteuse que personne n'écoute. Dans la vie, c'est le témoin précieux et ravissant qui atteste de notre présence au monde. Le geste sonore autobiographique navigue-t-il alors dans cet entre-deux paradoxal ? L'artiste solitaire, qui se met à nu et se jette à l'onde, espère sans doute au moins un écho en retour.

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« On joue leur corps » Après une formation aux métiers du son à Noisy-le-Grand et en réalisation audiovisuelle au CREADOC à Angoulême il y a quelques années, Élodie Fiat rencontre l’art du bruitage en la personne de Sophie Bissantz lors d’un stage à Arte Radio sur Comme un pied, une fiction de Mariannick Bellot. Elle a l’opportunité d’entrer en 2013 à Radio France où elle est formée par Sophie Bissantz, Patrick Martinache et Bertrand Amiel. Elle travaille aussi « à l’image » (c’est-à-dire pour le cinéma) en binôme avec le bruiteur Aurélien Bianco.

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Être bruiteuse, c'est surtout être technicienne ou créatrice ? Il faut même être un peu actrice ? Le travail de bruiteuse ou de bruiteur se marie aux souhaits du réalisateur et aux compétences de l'ingénieur de son. À la radio, comme au cinéma, c'est un travail d'équipe. En radio, nous réfléchissons ensemble à l'installation d'une scène : où placer les micros, quels déplacements pour les comédiens, à quel endroit effectuer le bruitage ? Telles peuvent - être les questions qui se posent. Tout cela afin de créer une image sonore homogène et embarquer l'auditeur dans l'histoire. Le bruiteur accompagne le comédien face au micro. Suivant les scènes, il est amené à « jouer » le corps du comédien, c'est-à-dire à bruiter certains de ses mouvements à sa place, afin que les sons soient bien équilibrés par rapport à la voix. Équilibrer les sons, c'est l'une des attentions de ce métier. Au quotidien, nos oreilles filtrent certains bruits. Ainsi, lors d'un repas, nous ne nous préoccupons pas des sons de

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couverts ou de vaisselle. Mais lorsqu'on enregistre une scène de déjeuner, ces bruits court-circuitent la voix, ils deviennent omniprésents, quasi insupportables. Au bruiteur donc de maîtriser ces objets pour les faire sonner de manière réaliste et équilibrée en étant guidé par le jeu du comédien. Lors de ces scènes assez cocasses, le comédien est alors accompagné d'une sorte d'ombre qui joue ses gestes… comme si le personnage était divisé en deux ! On ne doit pas entendre notre présence. Bruiter c'est aussi être très silencieux et discret. On triche, on ruse pour ne faire ressortir que ce qui nous intéresse. Par exemple, pour une scène de bagarre dans une salle de bain, nous ne pouvions pas mettre les deux comédiennes véritablement en situation. L'une devait essayer de noyer l'autre dans une baignoire… sans qu'on n'ait de baignoire en studio ! Nous avons installé un dispositif pour jouer la scène toutes les trois, en vis-à-vis. L'une des comédiennes pouvait mettre la tête dans une bassine pour crier dans l'eau, et avec une autre bassine, plus grande, je « faisais » leurs corps. J'ai besoin du soutien des comédiens sinon le bruitage sonne étrangement, comme s'il était à part du personnage. Pour eux, ce n'est pas évident d'avoir quelqu'un qui joue

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les gestes de leurs personnages. Il faut alors expliquer et se positionner au mieux pour être en accord avec eux. Dans d'autres cas, le bruiteur est seul au micro, lorsqu'on a besoin de matière sonore à part pour enrichir la fiction ou le documentaire. On peut alors préciser des sons simples, tels que des lames d'épée, un vol d'oiseau, une clochette, mais aussi expérimenter des choses plus compliquées. Comment recréer le son d'une éolienne, d'un raz-de marée, d'une chute d'arbre, d'un bateau en bois ? Ce sont des secrets bien gardés, des recettes de bruiteurs qui se transmettent. Des hasards, parfois aussi. Mais c'est surtout de l'expérimentation, une recherche de matière, de geste et de rythme. Le métier de bruiteur évolue donc entre ces différents champs de la technique, du jeu et de la création.

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Le bruitage est indissociable de l’histoire de la radio (il est d’ailleurs encore plus ancien) et, pour le grand public, il a gardé un côté pittoresque un peu suranné. Est-ce une pratique qui a évolué et qui évolue encore ? C'est un artisanat du son. Nous travaillons avec des objets, nous conservons, nous recyclons. On a pu croire que le métier allait disparaître lors de l'arrivée du numérique et notamment avec toutes ces banques de sons qui répertorient un nombre incroyable de bruits. Elles sont d'ailleurs très utilisées, car certains sons restent compliqués à reproduire ou permettent de soutenir un bruitage fait à la main. L'arrivée du numérique a fait évoluer tout le fonctionnement de la production radiophonique, et le bruitage n'est pas une exception. Les effets proposés par l'ingénieur du son sont désormais des outils indispensables. Mais le bruitage ne disparaît pas car il permet de gagner beaucoup de temps en fabriquant des sons précisément adaptés à une scène, à bonne distance, en suivant l'intention du personnage, au rythme choisi par le réalisateur.

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Est-il vrai qu’un bon bruitage ne doit pas être remarqué ? Quand j'écoute un comédien, j'ai envie d'être emportée dans ce qu'il me raconte. Pour le bruitage c'est pareil. Je veux croire à l'histoire qui se joue et la technique doit alors s'effacer. Les bruits nous accompagnent dans la scène, nous emmènent vers des images mentales. Ils ne doivent pas nous ramener au studio ou aux conditions dans lesquelles ils ont été enregistrés.

Un bruitage doit-il être vraisemblable ? Pas forcément. Comme je l'ai dit précédemment, il est là pour nous embarquer. Il est dans la sensation. Selon l'histoire, la scène, il nous faut trouver comment on souhaiterait que les choses fassent du bruit : une forêt pourrait sonner comme des petits cliquetis de verre, la mer comme une plaque de Plexiglas que l'on secoue, un bateau comme une imprimante... La poésie n'est pas seulement dans le verbe, les sons aussi nous amènent dans les recoins cachés de nos têtes.

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Désannonce C’était VRAI-FAUX, quatrième numéro de la série FICTION des Carnets de Syntone, décembre 2015. Page 7 : l’édito signé Étienne Noiseau. Premier épisode de Quand la radio trompe l’oreille : petite histoire des faux-semblants radiophoniques – années 1920, un feuilleton de Juliette Volcler en page 12. Le documenteur comme poil à gratter, page 24 : une rencontre avec Wederik De Backer, Lucas Derycke et Thomas Morlion, par Ariane Demonget. Dans la chambre d’Écho, une exploration de l’autoportrait sonore par Étienne Noiseau, page 32. Enfin, en page 46, « On joue leur corps », un entretien avec Élodie Fiat, par Étienne Noiseau avec avec des photographies du carnet d’Élodie Fiat par Clitous Bramble.. Comme chaque numéro des Carnets de Syntone, la réalisation visuelle est confiée à un·e artiste invité·e. Pour ce numéro : dessins de Lénon (toujoursca.wordpress.com).

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Équipe de réalisation : Étienne Noiseau, Anaïs Morin et Rosalie Peeters. Maquette : Anaïs Morin (anaismorin.com). Imprimé en 190 exemplaires à l’imprimerie Autre Page à Prades, Pyrénées-Orientales. Couverture sérigraphiée avec Antoine Fischer à l’Atelier Sérigrafisch à Riuferrer, Pyrénées-Orientales. La publication « Les Carnets de Syntone » est un supplément trimestriel à Syntone.fr ~ actualité et critique de l’art radiophonique, envoyé sur abonnement de soutien. Il est édité par l’association Beau bruit, Prades, Pyrénées-Orientales. Beau bruit reçoit le soutien des lectrices et lecteurs de Syntone, de la Scam, de la DRAC Languedoc-Roussillon et de la SACD. Au quotidien, lisez syntone.fr !

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