La revue de l'Écoute n°15 | automne 2018

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LA REVUE DE L' DE SYNTONE.FR

INCURSION À L’EHPAD ORA NICHOLS RADIO SANS NOM, PAROLES PAS PAREILLES

№ 15 • AUTOMNE 2018



renfort de services « désintox » ou « décodage », pour se positionner comme plus fiables que le concurrent et plus objectifs que jamais. À rebours de cette tendance, il existe à la radio des écritures qui mélangent fiction et documentaire, bien qu’il soit périlleux et parfois interdit de mêler ces genres : un documentaire se doit, en effet, de relater un sujet de la manière la plus authentique possible et une fiction de garder ses distances avec les faits réels. Mais à travers des créations comme La Guerre des mondes du Mercury Theatre on the Air ou L’Attentat en direct de Claude Ollier entre autres exemples, la petite histoire des « faux-semblants radiophoniques » nous apprend que, loin de vouloir se jouer de la crédulité du public, ceux-ci mettent au jour la fabrique de la radio en tant que média de masse. Les interférences provoquées entre faits authentiques et mises en scène nous incitent à réfléchir à deux fois à ce qui nous est donné à entendre et elles participent à l’éducation de notre écoute critique. Les faux-semblants nous rappellent que la radio en tant que média est une construction politique. En jouant avec les codes de la radio, ils élèvent celle-ci au rang de médium de création à part entière.

Le contre-discours comme interférence

Les radios pirates des années soixante-dix ont paru dans un contexte politique verrouillé par le monopole de la radio d’État. Au discours dominant, des individus et des collectifs ont voulu opposer une contre-culture : d’autres langages, d’autres manières d’entrer

en relation avec les auditrices et les auditeurs, par d’autres moyens techniques. C’était une nouvelle façon d’envisager le média radio. Mais un média quel qu’il soit, au risque de se rendre aussi lourd qu’ennuyeux, peut difficilement perdurer en exposant et en questionnant sans cesse ses rouages. Une exception célèbre fut peut-être l’expérience éphémère de Radio Alice en Italie. En France encore aujourd’hui, quelques radios libres remettent régulièrement leur fonctionnement sur le tapis et consacrent de l’énergie aux débats internes et aux essais. Au sein de ces radios, où la participation à l’antenne est ouverte à une diversité de points de vue et de modes de fabrication, il y a quasiment autant de positionnements ou de non-positionnements par rapport au média que d’émissions. Mais il existe aussi dans l’ensemble des radios associatives une tendance à l’institutionnalisation. Comme sur le service public même dans sa version la plus déontologique, on officie par habitude, sans se remettre en question. Il arrive — rarement mais heureusement — que la critique puisse s’exercer à l’intérieur même des médias, par des individus ou des collectifs qui connaissent le potentiel créatif du langage et de l’écriture des sons.

La matière sonore comme interférence

Considérer la radio en tant qu’art et savoir l’interroger, cela sous-entend d’avoir conscience de l’intégralité du dispositif de transmission, qui met en relation une proposition artistique avec un public. La radio peut ainsi être utilisée en connaissance

de cause, mais aussi détournée, ou encore reproduite à des échelles autres et selon des modes de participation différents. L’appropriation des technologies par des « pirates » constitue un acte de résistance face à l’industrie et ses produits manufacturés, qui sont verrouillés pour un usage conditionné. La technique de transmission est alors envisagée comme un instrument au service du projet artistique et des relations qu’il désire engendrer des deux côtés de l’émetteur-récepteur. De même, le bricolage, la bidouille et la débrouille, le hacking et le do-it-yourself — appelez cela comme vous voulez — nous font reconsidérer la qualification de « normal » ou d’« anormal » dans ce que l’on entend. La matière sonore employée volontairement comme interférence représente l’irruption d’une sauvagerie qui interagit avec les discours trop policés. Le son, au lieu d’être un simple support du discours, devient le discours, ou le conteste. Mais à l’époque du contrôle tout-numérique où chacun·e est bien cadré·e, ciblé·e, surveillé·e, comment peut-on encore créer des interférences ? Pendant les trois journées et soirées de Pour cause d’interférences à la Fondation du doute et sur Studio Zef, nous ferons la part belle à l’écoute critique à travers une programmation de pièces sonores, de conférences, de tables rondes et d’ateliers, en compagnie, entre autres, de DinahBird, Maya Boquet, le Bruitagène, Christophe Deleu, Tetsuo Kogawa, Olivier Minot, Nicolas Montgermont, Radio Mulot / France Museau, ∏-node.

Pour cause d’interférences est le huitième rendez-vous des « 10 ans de Syntone ». Cet automne, venez aussi nous rencontrer à Paris, le 6 novembre à la Scam, pour une grande soirée où nous réunirons toute l’équipe et de nombreux·ses complices autour du désir de radio. Stay tuned & save the dates !

Vous êtes ici dans la Revue de l’Écoute — une revue entièrement dédiée au son sous ses aspects sociaux et créatifs. Tous les trois mois, retrouvez des points de vue, des reportages, des entretiens et des histoires autour de la création sonore et radiophonique.

BONNE LECTURE Pour écouter tous les sons auxquels nous faisons référence dans ce numéro, une seule destination :



Le 28 juin dernier, France Culture devait diffuser L’Inaudible : « un grand récit (sortir du silence), à plusieurs voix, d’un monde sonore qui nous est inaccessible, et le plus souvent inconnu, — une Terra Incognita que les chercheurs s’efforcent de nommer ». Absorbée par son titre comme dans un miroir, cette pièce d’Eric La Casa dut rester inaudible un peu plus longtemps que prévu : une grève, ô combien nécessaire pour tenter de faire en sorte que les chaînes nationales demeurent ou redeviennent des services publics, lieux d’exploration et de réflexion, une grève, donc, remplaça l’écoute de l’inouï par une playlist de musiques mille fois entendues. Derrière cette inaudibilité provisoire et combative s’engouffra néanmoins un tout autre silence, pesant, mesquin, oublieux : ce soir-là, en effet, c’était aussi la Création on air finale de la saison, qui fut annoncée au dernier moment et en interne seulement comme l’ultime émission tout court présentée par Irène Omélianenko. Autrice et productrice radiophonique depuis près de quarante ans, cofondatrice de l’Addor (pour le développement du documentaire radio), elle avait fait de ce créneau l’un des derniers espaces d’invention sur les antennes publiques. Ouvert à des œuvres polymorphes et exigeantes, questionnant les formats comme les sujets, il constituait, à son échelle et avec ses moyens, le « laboratoire d’essai » qu’elle estime primordial pour une radio ambitieuse. Merci à toi, Irène, pour ce foisonnant parcours, pour toutes ces voies ouvertes, pour les échanges qui se poursuivront. Et, n’en déplaise aux tristes comptables de l’écoute, que mille expérimentations éclosent !

ÉDITO

Juliette Volcler

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La Revue des Podcasts, c’est le podcast de Syntone. Une fois par mois environ, nous vous parlons d’un podcast que nous avons repéré sur le web. Pour écouter, rendez-vous sur http :// syntone.fr

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Léna Burger

« LA RADIO EST UNE CONSÉQUENCE DE LA PRISE DE PAROLE »

1. Les directs de Radio Sans Nom s'écoutent sur http://www.alsolnet. com/stream/lacolifataenlace/ et sur celui de la plateforme radio *DUUU qui est en résidence au T2G-Théâtre de Gennevilliers depuis la rentrée 2017. Vous retrouverez l'émission qui fait l'objet de ce reportage sur notre page d'écoute.

Radio Sans Nom est la petite sœur française de La Colifata, première station née dans un hôpital psychiatrique, à Buenos Aires. Radio Sans Nom est une radio nomade et ouverte. Chaque mardi après-midi, elle rassemble ses participant·e·s pour son émission diffusée en direct1. Nous sommes le 29 mai 2018. C’est à l’étage du T2G-Théâtre de Gennevilliers, que se retrouve aujourd’hui le groupe de Radio Sans Nom.


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h 15, le début de l’émission approche. Autour de la technique, des chaises en arc de cercle accueillent les participant·e·s. Aujourd’hui ils et elles sont un peu plus de vingt. Il y a trois micros pour faire circuler la parole et deux grandes enceintes au fond de la salle. Absent en ce moment, un projecteur relié à l’ordinateur complète d’habitude ce dispositif, pour rendre l’interactivité avec les auditeurs et auditrices accessible au groupe, via les réseaux sociaux ou le téléphone. Sur la page Facebook de l’émission, Julienne poste une photo du groupe sur laquelle tout le monde lève la main, et légende : « Bonjour cher auditeur nous sommes en direct de la radio sans nom ! Nous sommes contents de vous avoir avec nous, nous sommes joignables au 0669239243 ».

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2. Structures légères, intermédiaires entre l'hôpital de jour (HDJ) et le centre médico-psychologique (CMP), les Centres d’Accueil Thérapeutiques à Temps Partiel (CATTP) sont des lieux de soin, d'expression et de rencontre, mis à disposition des usager·e·s. Différentes activités y sont proposées, comme le dessin, la peinture, la musique, le théâtre, la vidéo, ou du jardinage, de la lecture, des jeux de société, des cours, des visites, des sorties, qui visent « à maintenir ou à favoriser une existence autonome par des actions de soutien et de thérapeutique de groupe » (selon l'arrêté du 14 mars 1986 qui les définit). Ce sont des lieux sectorisés, non médicalisés, des points d'accueil libres et ouverts, d'échange et d'écoute avec un travail d'accompagnement. Les équipes y sont pluridisciplinaires et composées d’infirmier·e·s, psychologues, éducateurs/trices, psychomotricien·ne·s, ergothérapeutes, assistant·e·s sociaux·les. Un·e médecin y propose des entretiens individuels, mais n’a aucun rôle prescripteur, il/elle est seulement référent·e médical·e. Des réunions d'équipe ont lieu chaque semaine.

La radio rassemble des patient·e·s du Centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) d’Asnières-sur-Seine et des soignant·e·s2. Elle est aussi ouverte à qui souhaite venir, et chacun·e prend place dans le demi-cercle. Il n’y a pas d’emplacement pour un public, pas plus qu’il n’y a de plateau, tout le monde participe à la conversation. « Une scénographie en arc de cercle pour casser la distance », indique Alfredo, psychologue au CATTP, qui fait partie des initiateurs et initiatrices du projet. – Nous avons plusieurs invités aujourd’hui apparemment.

Le poète suisse Gilles Furtwängler travaille cette semaine avec la radio *DUUU à faire des poèmes sur Gennevilliers qui seront collés dans la rue. Plusieurs personnes du groupe radiophonique ont participé avec lui le matin à un atelier d’écriture. « Vous êtes nouvelle ? » me demande Adama, assise à ma droite, avant le lancement, « … je pourrai faire une interview de vous dans l’émission ? » Elle l’annonce au groupe. « Qui veut commencer aujourd’hui ? » demande Sarah. David se propose. Il ouvre l’émission et passe le micro à Mehdi, puis Sarah, Marc, Abdel, Alexandre, Dimitri, Josèphe, Gilles, Simon, Laurène, Julienne, Alfredo, Éric, Julien, Benjamin, David, Ouida, Véronique, Marie-Laure, Adama et moi. Chacun·e salue en se présentant, en rappelant les horaires de la radio, en souhaitant une bonne émission. Il n’y a pas de conducteur, de chroniques, de rubriques programmées, ni de découpage temporel à respecter. C’est ce qui s’invente et se propose au fil de l’échange qui compose l’émission dont la durée varie autour d’une heure à une heure trente. « On se réunit pour se rencontrer, 3


c’est l’unique règle. La radio, le format, c’est une conséquence de la prise de parole », explique Alfredo. Un échange sur la poésie s’ouvre et s’étoffe à mesure que les mains se lèvent. David demande à Gilles si la Suisse c’est grand, si c’est plus grand que Moscou par exemple ; Adama, quel est le thème de prédilection de ses poèmes, si c’est plus humaniste qu’idéologique. Gilles parle de la banalité du quotidien, qui fait qu’on est tous les mêmes, ce qui évoque à David la chanson de Stromae, on cherche le titre en technique, trouvé ! David chante sur le refrain « tous les mêmes, tous les mêmes, tous les mêmes et y en a marre ». Gilles a apporté des poèmes. Il en lit un, intitulé Ras le cul. Applaudissements. Le deuxième, Petite lune, est proposé pour une lecture à plusieurs voix. On se passe le texte, les tons varient, un instrumental de hip-hop en tapis. Chacun·e au sein du groupe porte attention aux signes, aux mouvements qui indiqueraient une envie de prendre le micro. « Il faut avoir le micro courtois », indique Marc dans l’émission, lorsqu’est évoqué ce que cela a changé pour le groupe de pouvoir se réécouter. Les principes de ce moment : l’accueil et l’écoute, ce qui passe par le fait de « respecter la signature de chacun », indique Alfredo, « présupposer qu’il y en a une et la respecter ». Car ici, chaque personne vient avec sa singularité, son style, qui ne se résume pas à son statut. Le rôle de soignant·e·s, qu’occupent au sein du CATTP Alfredo, psychologue, Chloé, infirmière, Josèphe, stagiaire psychologue, et Sarah, psychiatre, s’estompe ici. Il et elles n’interviennent pas à ce titre, mais manifestent toutefois cette capacité d’écoute, cette attention à la parole qu’elles et il ont forgé dans leur pratique clinique. – Donc vous pouvez joindre notre radio au numéro suivant 0141112840 tous les mardis de 14 heures à 15 heures avec bien sûr extrêmement de plaisir. – Plaisir garanti sur radyonisiaque, la radio qui a la niaque, adresse mail grouperadiophoniqueasnieres@gmail.com

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Adama fait régulièrement les interviews, parce qu’elle en a souvent l’envie et le propose. Marc partage son savoir d’amateur d’art et de musique, Éric — « notre photographe international » comme l’appelle Sarah — son intérêt pour le fait de prendre des photos et de filmer, Benjamin et Julien sont à la technique. Alfredo se déplace beaucoup, il s’approche de l’un·e ou de l’autre, pose une question, fait signe de mettre une musique ou un jingle. « Tenir le temps, le tempo, c’est un travail de musicien », confie-t-il. Il s’agit que se fabrique une trame, une ambiance, en travaillant avec le jeu, et en jouant avec le son. La musique, par exemple, est très présente dans l’émission, presque en continu, en tapis sous les voix, plusieurs morceaux s’alternent et font varier sa tonalité. La musique, les jingles, les effets de voix, sont des outils de ponctuation qui modulent le discours, assurent que le rythme de l’émission ne se casse pas et laisse toujours possible l’improvisation qui la constitue. « Le but n’est pas l’impro pour l’impro », précise Alfredo, « c’est trouver une façon de rendre possible l’improvisation, chercher à créer les conditions favorables à l’émergence de quelque chose. On pourrait parler d’une clinique de l’événement ». Pour Alfredo, son travail de soin et d’accompagnement s’est adossé, au fur et à mesure de ses années de pratique, à l’invention de dispositifs qui permettent de faire advenir de l’imprévu. Simon, qui a animé avec Gilles l’atelier d’écriture le matin propose de faire un tour de mots à partir de Gennevilliers, « une sorte de poésie en direct ». Le micro passe de main en main : Révolte Liberté Solidaire et ça manque d’arbres Mardi prochain Pourtant ils ont Rosa Parks trois fleurs fleuries Gennevilliers is burning Je sais rien sur leurs panneaux Poésie La jeunesse Théâtre Ensemble Le grand inconnu Ensemble Brioche La Radio sans nom 92i Amour Moi Gennevilliers au revoir à mardi prochain Atypique solitaire, solidaire Moi j’ai rien à dire donc je dirais ferme ta gueule Désordonné La révolution Jeunesse C’est avec une liste Collectif Respect Bruyant de course qu’on changera le monde Près d’Asnières-sur-Seine J’ai entendu un ministre ce matin dire qu’il y avait trop d’aides sociales en France, je dirais donc acquis sociaux La Radio sans nom

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La Radio Sans Nom a commencé en juillet 2015. Elle est née comme un groupe d’été du CATTP, à l’occasion du forum des associations de quartier, raconte Alfredo, « un outil d’intervention dans l’espace du quartier ». Une radio ponctuelle pour donner la parole aux gens de la ville. Le dispositif de travail est un groupe ouvert à tou·te·s, avec une circulation libre de la parole. À rebours des volontés, à l’occasion bien intentionnées, de donner la parole à celles et ceux qui ne l’ont pas, il s’agit ici de prendre la parole et de la distribuer. Voici donc les patient·e·s de secteur dans le rôle de tendre le micro, poser des questions aux un·e·s et aux autres, être celles et ceux auprès desquel·le·s des voix désireuses de se faire entendre se pressent. Après cette expérience estivale, la radio se poursuit et s’élabore sur le modèle de la Colifata, la radio des internes et ex-internes de l’hôpital Borda de Buenos Aires, première radio au monde à émettre depuis un hôpital psychiatrique, créée il y a vingt-cinq ans par Alfredo3. De la radio en direct, participative, itinérante et joignable, ouverte sur l’extérieur grâce au téléphone et aux réseaux sociaux, c’est le dispositif initial de Radio Sans Nom, hérité de la Colifata. En se poursuivant au-delà de l’été, Radio Sans Nom est aussi devenue une association, dont sont membres patient·e·s et soignant·e·s. Le cadre associatif a institué la création de la radio, son avenir, son évolution comme collectif. « L’objet produit est en permanence une question commune », indique Sarah. Le jour de ma venue, est mise à la discussion, pendant l’émission, la façon de construire cette nouveauté pour la radio qu’est la diffusion vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Depuis plusieurs semaines, certaines personnes du groupe se retrouvent le jeudi pour s’atteler à sa mise en place. – La nuit c’est l’idéal pour passer à peu près tout ce dont on a envie en musique. La nuit en principe on rêve, donc est-ce qu’il ne faut pas essayer de passer des choses qui ne peuvent qu’améliorer le confort de la nuit de la personne qui est connectée à la radio. Ça passe par des mots mais ça peut aussi passer par les notes, les sons, essayer de rendre les choses les plus oniriques possible.

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Marc propose de mettre Brian Eno.

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3. À propos de la Colifata : lire par exemple Marc Fernandez, « La Colifata, une radio de fous » in L'Humanité du 17 juillet 1999.

– De mettre ce genre de musique électronique douce, on fait quelque chose qui va être écouté par beaucoup de monde alors que si on fait une playlist atypique qui passe de trucs violents à des trucs doux, on va fatiguer tout le monde. 6


Medhi propose de mettre Lacrim pour faire danser les gens. Des essais de jingles pour annoncer les sections des un·e·s et des autres s’improvisent, avec tapis et effets de voix. – Au fur et à mesure peut-être que j’arriverai avec la musique à poser ma voix dessus, il faut du travail, de l’expérience.

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Véronique apportera son ordinateur et une clé USB la prochaine fois. – Ça peut aussi être un travail collectif, moi j’avais pensé à faire une espèce de mix de chanteuses un peu jazzy soul, quelque chose de calme qui mène à une sérénité pour que la nuit soit belle.

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Adama hésite encore sur le titre de sa section : « intimité partagée » ou « interview » ? Alfredo insiste sur l’importance de la dimension politique, déjà présente dans la première mouture estivale de la radio. Politique à entendre d’abord dans son sens pratique : réfléchir à ce qui se fabrique, organiser la parole et l’écoute, « où et comment créer des espaces qui permettent aux participants de prendre des décisions quant au destin de la radio ». Du côté de la parole, il ne s’agit pas tant de se faire le relais d’un discours militant, que « de déconstruire, de mettre en question, et non de dire la vérité de la folie ». L’intention est aussi d’interpeller les auditeurs et auditrices, que puissent être « ébranlées certaines significations sociales imaginaires, et questionnées des certitudes quant à la construction de l’étranger et la réduction violente que celle-ci opère sur celui qui parle ». En cela, la radio peut devenir « une machine productrice de devenir autre, de construction et de production de subjectivité » ; une machine à renverser les places, à créer des liens, et des porosités inédites, avec la circulation de la parole et la fabrication d’espaces d’écoute. À ce titre, une des particularités restée célèbre de la Colifata à ses débuts a été de solliciter toutes les grandes antennes d’Argentine pour sa diffusion. La plupart ont accepté mais à condition que les programmes soient courts, très courts : une minute, une minute trente. Par ce biais, la Colifata s’est fait connaître d’un plus grand public, surpris de cette découverte entrée dans le poste de radio comme par effraction. 7


Aujourd’hui, Radio Sans Nom n’a pas encore l’ampleur de sa grande sœur de vingt-cinq ans son aînée quant à l’inscription dans les différents espaces du champ social, mais elle s’en inspire. Grâce à l’association La Colifata France4 et via les réseaux sociaux, les deux radios ont des contacts réguliers. Elles se citent mutuellement, partagent certaines de leurs annonces ou mènent des projets semblables, comme celui pour Radio Sans Nom, prochainement, de commenter des matches de foot en direct des stades de Gennevilliers. Le lien avec les auditeurs et auditrices est bien sûr une visée de ces radios, mais c’est avant tout comme lieu de rencontre qu’il s’agit d’y parvenir.

« 4. https://www.facebook.com/ colifatafrance/

– Cette émission se termine j’espère qu’elle vous aura plu. Moi j’étais ravie d’être là et voilà, à la semaine prochaine sur la radio sans nom. Ben écoutez-moi, j’aimerais vous remercier tous parce que le temps d’un instant, j’oublie mes emmerdes, grâce à vous…

La machine Radio Sans Nom suit son tempo, au rythme à la fois exigeant et modeste de son dispositif, tenant à distance la menace de la dépossession, comme celle de devenir par exemple un simple objet de curiosité. Sur l’un des carrés de poèmes affichés sur un poteau de Gennevilliers, on peut lire, transcrite, une question posée à la fin de l’émission aux invité·e·s venu·e·s ce jour-là, comme moi pour ce reportage, ou comme Dimitri avec le projet d’un film : « Vous pensez qu’on est documentarisable ? »

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STRIDULATIONS D’UN INGÉNIEUX DU SON Marc Namblard

F

in septembre. Les premiers parfums de l'automne me montent au nez et à la bouche ; un concentré d'humus, de champignon et de balsamine de l'Himalaya. L'air est doux et humide ; la lumière simple et belle honore les courbes boisées de la montagne vosgienne. Depuis ma terrasse, je devine au loin le raire d'un cerf satellite. Je l'imagine mouillé, fumant, sillonnant sous les majestueux pins sylvestres qui dominent la vallée. Puis mes oreilles reviennent au jardin, tout d'abord interpellées par les cris nasillards d'un Casse-noix moucheté, avant de se laisser caresser par la douce stridulation des Grillons des bois (Nemobius sylvestris). Leur musique m'est bien familière ; elle s'invite même parfois à la maison, jusque dans les recoins du placard de ma chambre. Tout le monde ou presque connaît le Grillon des champs (Gryllus campestris), ce gros insecte à tête globuleuse qui chante dans les prairies au printemps, et qui se réfugie dans un petit terrier à la moindre alerte… mais rares sont les personnes à connaître l'existence du Grillon des bois (ou Grillon sylvestre). Il est pourtant abondant partout en France, dans nos orées forestières,

clairières, parcs boisés… tous milieux ensoleillés ponctués d'arbustes. Le chant du mâle, doux, hésitant, bien difficile à localiser et de faible intensité (comparativement à ceux de son cousin des champs), peut être saisi de juin à fin octobre, parfois même au début de l’hiver. Ingénieux, l'animal a souvent l'idée d'utiliser des réflecteurs et des amplificateurs (comme des feuilles mortes, des petites cavités naturelles… ou plus exceptionnellement des coins de placard) pour augmenter la portée de son appel et attirer plus efficacement la femelle. L'été se meurt ; je vous invite à nouveau à la dérive. Qu'ils soient animaux de légendes, casse-noix ou simples grillons des bois… en cette période de l'année, de nombreux solistes nous offrent encore de belles surprises pour les oreilles, jusque dans nos jardins. Pour peu qu'on prenne réellement le temps de les écouter.

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ACOUFITNESS OU COMMENT J'AI RÉÉDUQUÉ MON OREILLE Laure Egoroff

Épisode 3 : Do you want a cup of “t” ?

À

l’entrée, on m’indique ma place du jour : « fauteuil numéro 6 ». Le temps de mettre le casque avec le fil à droite et la séance d’écoute commence : Alice’s adventures in Wonderland. Le fauteuil et son plaid invitent à la sieste, mais il est rare que j’y parvienne — Chapter one, à ma droite une femme tricote, Down the rabbit hole, à ma gauche un jeune homme fait un puzzle surdimensionné : un paysage bucolique de prairie avec des dizaines de marguerites. Alice was beginning to get very tired of sitting by her sister on the bank, and of having nothing to do. Le voisin d’en face a les yeux fermés et la bouche ouverte. L’occupante du fauteuil numéro 11 passe en revue ses messages juste sous le panneau prohibant l’usage du téléphone. Des crayons de couleur sont posés sur la table basse devant nous, des feutres, des pastels, des carnets de coloriage avec des fleurs compliquées et des oiseaux tropicaux. Once or twice she had peeped into the book her sister was reading… Les stagiaires y abandonnent leurs œuvres… but it had no pictures or conversations in it. La pluie martèle la verrière au-dessus de nous. Je remonte la couverture… for the hot day made her feel very sleepy and stupid. Un lapin blanc aux yeux roses passe, Oh dear ! Oh dear ! I shall be late ! et doucement, je me sens tomber dans un puits Down, down, down / Is this New Zealand or Australia ? / DRINK ME / Oh my ears and whiskers ! / EAT ME / Which way ? which way ? / What a curious feeling… Comme du fond d’un tunnel me parvient une symphonie de Mozart, – Oh non, pas Mozart, pas encore ! La Reine de cœur me rabroue,

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le tour de table se poursuit : un danseur, une maquilleuse, un commercial et moi. Quelques minutes plus tard, nos différences s’annulent dans un bel unisson [hɒt], [hɒt], [hɒt]… Nous avons expiré, puis baillé, cherché la voyelle avant de la couper d’un coup de glotte : du [t] nous n’avons fait qu’une bouchée ! Et c’est enfin le mot « hot » qui se dessine. Le « t » est avalé et ça, ça ne se lit pas sur le papier, ça s’entend ! On nous en donne la preuve avec ce tube de Kool And The Gang : It’s too hot. Les séances de phonétique sont dispensées par Thibault, un professeur franco-américain qui est également musicien. Passant d’une langue à l’autre, d’un accent à l’autre, incarnant tantôt Michel le Français, tantôt Steven l’Américain (nous avons baptisé les deux personnages), il met en évidence ce qui empêche l’un de prononcer les sons comme l’autre. Steven dit « the », mais Michel s’obstine à entendre et à prononcer « ze » ! C’est une sorte de raccourci : le son étranger est rapproché du son familier le plus facilement identifiable. La production des sons est une mécanique, un tâtonnement de la langue et du palais, donc on s’entraîne, on cherche la note juste, comme lors d’un exercice de chant. Thibault nous encourage à appréhender l’anglais comme une matière musicale. Lors des séances suivantes, il est question de rythme, de tempo. Là encore, les accents toniques sont prétextes à quelques joyeuses chorales lors desquelles il s’agit de marquer les temps forts et les temps faibles, non seulement des mots mais de la phrase dans son ensemble, une alternance qui rend la musicalité de l’anglais mais qui conditionne aussi une communication sans entrave.

– Ces symphonies balayées par des filtres sont idéales pour faire travailler votre oreille droite qui est paresseuse ! paresseuse ! paresseuse ! Elle me met des coups avec le bec d’un flamant rose qu’elle tient par les pattes comme un maillet de croquet. Je me défends, – C’est faux ! Mes aigus sont en hausse ! Mes aigus sont en hausse ! Mais ma voix semble en mode lowpass… Je me réveille en sursaut…

… dans le centre de formation en langues Tomatis où je viens plusieurs fois par semaine depuis quelque temps. « Cabine numéro 8 ! ». J’entre, ferme la porte, m’assieds devant le micro, mets le casque, fil à droite. Des cabines voisines parviennent des bribes de voix : « less/lace/less/lace », « think/sink/ think/sink ». Je suis les instructions qu’on me donne dans le casque : épaules basses, pieds à plat, lèvres tirées vers l’avant. « ReMAIN POsitive / reMAIN POsitive » me dit la voix. Je répète après elle. Je répète tout ce qu’elle me dit. Deux fois. Ma propre voix me revient, filtrée, on m’a coupé des graves. « Qu’attendez-vous de cette formation ? ». Cette fois je ne suis plus toute seule. Nous sommes six dans une salle – nous parlons en anglais bien sûr. « De ne plus paniquer durant les conf’ calls », répond la femme de quarante ans, employée d’entreprise. Son petit rire nerveux laisse deviner le stress qui la gagne au moment de ces fameuses réunions téléphoniques. « Je voudrais ouvrir un pressing au Texas », dit ma voisine. Elle est vietnamienne et veut désormais rejoindre sa sœur et son beau-frère. Et

« Pourquoi avoir entamé cette formation ? ». Cette fois, l’entretien est individuel, et toujours en anglais. Sur la table, un micro est posé et je porte encore le fameux casque qui me restitue ma propre voix. J’explique que je voudrais améliorer mon anglais bien sûr, mais que ce qui m’intéresse surtout, c’est la nature de la méthode : le son, la voix, l’accent etc., je dis 12


que je travaille à la radio avec des comédiens. « – Hein hein », yeux au ciel, soupir, l’homme en face de moi affiche une moue désabusée. J’ai la désagréable impression de l’ennuyer à mourir. Je poursuis néanmoins. Vexée. Puis, je comprends : l’air exaspéré, le rictus sardonique, tout cela fait partie du rôle : Mike est un digne ambassadeur de l’humour pincesans-rire. Il est anglais, il vient de Londres. En Angleterre, votre accent ne signe pas seulement votre région ou ville de naissance mais votre origine sociale. Mike prétend qu’il suffit qu’une personne ouvre la bouche pour que son milieu socioculturel, voir son cursus universitaire, saute littéralement aux oreilles de son interlocuteur. Son propre accent est un exemple de « received pronunciation », une élocution claire et précise instaurée comme norme de communication par les locuteurs de la BBC avant la Seconde Guerre mondiale et transmise aux élèves des prestigieuses « public schools ». Voici ce que le site de la BBC en dit aujourd’hui : « On associe la RP au discours formel, cultivé. Y est également associée la notion de prestige et d’autorité, mais aussi de privilège et d’arrogance. » C’est cette prononciation qu’on trouve reproduite en phonétique dans le dictionnaire, comme une sorte d’accent standard, relativement neutre, si tant est qu’un accent puisse l’être. Cette manière de parler signe votre appartenance à une forme d’élite, mais elle est aussi souvent singée pour son caractère snobinard. Quelques caractéristiques saillantes sont des « -er » prononcés comme des « a », une tendance marquée à la diphtongue, des « t » qui claquent sur les dents. Au vu du nombre de tutoriels consacrés à cette prononciation standard sur internet, on mesure qu’il y a là un enjeu d’importance : faire partie du club !

de Londres. Celui-ci est notamment caractérisé par un son difficile à reproduire, le « glottal stop » : une interruption du son au sein d’un mot, un coup de glotte qui arrête le souffle. Il remplace souvent un « t ». Butter devient ainsi « bu’er », water « wa’er ». Quelle est son origine ? Clifford, un spécialiste du coaching de comédiens venu dispenser un atelier, m’explique qu’il est contemporain de l’industrialisation. En ralliant les villes, lesquelles devinrent rapidement surpeuplées et polluées par les fumées des usines, les travailleurs venus des campagnes développèrent des maladies pulmonaires qui, ajoutées aux influences phonétiques danoises et hollandaises dans cette partie de l’Angleterre, générèrent cette coupure du souffle au sein des mots. L’insuffisance respiratoire de la classe ouvrière à ce moment de l’Histoire devait donc laisser sur les mots cette empreinte indélébile : l’altération du « t ». Consonne intéressante d’ailleurs ! Il semble que pas mal de choses se jouent autour du « t » en anglais : il distingue l’anglais britannique de l’américain (qui souvent le prononce « d »), le parler des classes aisées de celui des classes populaires… Clairement articulé ou escamoté, il est une sorte d’indicateur. Je cherche quel pourrait être l’équivalent en français, tout en répétant ce tire-langue de retour dans ma cabine : « Mr. Tongue Twister tried to train his tongue to twist and turn, and twit and twat to learn the letter T. »

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À suivre…

Parmi les dizaines d’accents qui existent ne serait-ce qu’en Angleterre, il y en a un autre qu’on retrouve tout à fait à l’autre bout de l’échelle sociale : l’accent cockney, traditionnellement associé à la classe ouvrière de l’est 13


ORA NICHOLS Juliette Volcler

I

maginez : une unité spécialisée dans les effets sonores, au sein d’un département d’art radiophonique sur un grand réseau commercial, et qui serait dirigée par une femme. Ce qui demeure triplement utopique en 2018 fut une réalité en 1938. Une ingénieure du son étatsunienne, née Aurore Dolores Daigle en 1893, morte Ora Dorough en 1951 (elle avait choisi son prénom et portait alors le patronyme de son second mari), devint célèbre dans les années 1930 sous le nom d’Ora Nichols comme « la seule femme experte des effets sonores à la radio »1. En fait, aurait pu titrer plus franchement le magazine Variety de ce mois de janvier 1938 : la seule experte tout court dans le domaine, et l’inventrice du métier.

de plus de mille bruitages. Elle fut nommée cheffe de l’équipe de réalisation, assurant la mise en ondes de l’émission phare de l’antenne, The March of Time, qui proposait des actualités mises en scène, mais aussi de la fiction d’anticipation Buck Rogers in the 25th Century, ou encore d’un programme d’abord méconnu comme le Mercury Theatre On The Air. Ce dernier, piloté notamment par Orson Welles, se trouva bientôt propulsé à la gloire grâce au scandale suscité par son adaptation réaliste de La Guerre des mondes2. Nichols créa le son de l’ouverture d’un vaisseau spatial martien en dévissant le couvercle d’un bocal en verre ; le cliquetis d’un télescope scientifique en plaçant un réveille-matin dans une boîte de conserve ; le décollage d’une fusée au moyen d’un ventilateur. Elle mit au point « une machine à sons unique en son genre, sous la forme d’un cube géant contenant des pompes à air comprimé, des sifflets et des moteurs. Elle pouvait en tirer des centaines de sons, allant de la rafale de mitraillette au gazouillis d’oiseaux »3.

D’abord actrice au sein d’une troupe de vaudeville, elle se maria en 1920 avec un violoniste qui accompagnait les films muets, Arthur Nichols. Le couple assura bruitages et musicalisations dans le cinéma jusqu’à l’émergence du « parlant », une dizaine d’années plus tard. Suite à quoi tou·tes deux poursuivirent leurs effets, en freelance, sur les deux grandes radios de l’époque, NBC et CBS. La seconde finit par les embaucher. Arthur mourut, Ora poursuivit seule. À la fin des années trente, elle avait accumulé une collection personnelle

Elle dut souvent tenir tête à Welles, aussi littéral que pompeux dans son rapport au son. Lors d’une scène où les personnages évoluaient dans le désert, le futur grand homme qualifia le petit bac de sable que Nichols avait préparé de « litière pour chats » et elle-même de « fêlée ». Il fit venir du sable de Coney Island et ordonna que tout le sol du studio en fût recouvert. Les micros donnèrent raison à Nichols, qui n’accepta de revenir avec son bac qu’après des excuses non seulement publiques, mais à voix aussi forte que l’admonestation initiale. Dans son art comme dans son existence, elle connaissait la nuance entre une rafale, donc, et un gazouillis.

1. Robert Reinhart, « Ora Nichols Only Woman Expert On Sound Effects In Broadcasting », Variety n° 129, janvier 1938, p. 233. 2. À propos de La Guerre des mondes, lire notre article Quand la radio trompe l’oreille. Petite histoire des faux-semblants radiophoniques, épisode 2 : “La Guerre des Mondes” (1938) sur notre site ou dans le numéro 5 des Carnets de Syntone. 3. Lila Newman, « About Ora Nichols », non daté, http://www. lilanewman.com/about-ora-nichols/

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IMAGES-MOUVEMENTS SONORES Alexandre David Étienne Noiseau

L’image-mouvement

Dans la photographie au sténopé (une boîte percée d’un trou minuscule dans laquelle est placé un papier photosensible), la question de la temporalité est intéressante dans le sens où une prise de vue se fait sur un temps plus ou moins long — de quelques secondes à plusieurs heures — et est donc

à même de restituer cette durée sur une seule image. Ceci à la différence de la photographie traditionnelle, où la technique/ technologie a permis de créer des images captant suffisamment de lumière sur des temps extrêmement courts, permettant de fixer l’instant de manière nette, y compris dans le mouvement. Il y a donc une différence significative dans ces deux manières d’exercer la photographie. L’une permet de

Fillols, le Jour du Défilé, 22 juillet 2018 15


Molitg, finale de la Coupe du monde de football, 15 juillet 2018


Molitg, finale de la Coupe du monde de football, 15 juillet 2018



Sahorre, fête du Livre et du Jeu, 12 juillet 2018


Molitg, finale de la Coupe du monde de football, 15 juillet 2018


abstraite qui n’existe pas en soi, mais qui est une conséquence de ce mouvement.

figer le temps, comme une dichotomie (une coupe du mouvement), et l’autre d’inscrire la temporalité (une coupe de la durée).

Images-mouvement sonores

Techniquement, la photographie traditionnelle (argentique ou numérique) utilise la technologie pour augmenter d’une part la vitesse d’obturation et d’autre part la sensibilité, dans le but d’obtenir des images nettes dans des conditions toujours plus difficiles de luminosité et de mouvement. Pour le sténopé, la technologie n’est pas nécessaire, elle permet seulement d’être plus pointu·e pour le calcul des temps d’expositions. L’intérêt réside plutôt dans l’apprivoisement de la temporalité : nous avons des conditions de luminosité données sur un temps donné, et la réalisation d’une image se fera en fonction. Quelques moyens permettent de s’adapter à ces conditions, afin de réduire ou d’allonger les temps d’exposition, mais ce procédé est resté d’une certaine manière « archaïque ».

Dans le projet de « sténopé sonore », nous cherchons à mettre en place une autre forme de captation et de retransmission de la réalité, à partir de deux formes classiques : le sténopé et l’enregistrement sonore. Le principe est de capter l’ambiance sonore durant le temps strict de l’exposition du sténopé. Ici, les deux formes (plastique et sonore) ne forment pas une unité comme pour un film, où le son et l’image défilent ensemble, mais créent une nouvelle forme de percevoir : d’un côté, l’ambiance sonore qui n’est pas seulement un complément, mais bien un objet sonore indépendant, et de l’autre une image-mouvement, captée sur le même lieu pendant la même durée. Par rapport à l’image vue, l’enregistrement sonore joue un double rôle. Il permet de se faire une idée plutôt juste du temps qui a été nécessaire à la prise de vue et il donne une certaine impression des événements qui ont pu se dérouler dans l’intervalle. Mais il introduit également une autre perspective de la même scène selon le rapport de proximité des microphones avec elle. À l’inverse, si à présent on considère l’image par rapport au son écouté, la segmentation de l’espace opérée par le cadrage et l’impression temporelle couchée sur le papier nous apparaissent encore mieux comme toutes relatives.

Le cinéma, depuis son invention, a lui aussi voulu capter et rendre la réalité du mouvement en utilisant une suite de photographies prises à intervalles réguliers (coupes de moments quelconques) et projetés à la même cadence que leur capture. L’image réalisée au sténopé serait, elle, comme un film concentré sur une seule image, une forme particulière d’image-mouvement dans le temps, comme si nous avions concentré un laps de temps sur un instantané. Au niveau du rendu, le sténopé a donc une particularité qui nous éloigne du concept de « reproduction de la réalité », dans le sens où le résultat peut être éloigné de ce que capte le regard, et peut paraître antinomique au concept de photographie moderne. La réalité que capte le sténopé n’est pas forcément celle que nous sommes capables de voir, mais ce n’en est pas moins la représentation d’une réalité. Il en reste la trace fantôme d’un mouvement passé, devenu illisible, forme

À l’avenir, ce projet en cours pourrait donner lieu à une installation. Rendez-vous sur le lien ci-dessous pour écouter les sons liés aux images.

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EAR HUSTLE : LES DÉTENUS VOUS PARLENT Clément Baudet

C’est l’histoire du coiffeur Big Zo qui fait une coupe que tous les taulards s’arrachent ou celle des savons fabriqués par Bucci dans sa cellule à partir de zestes d’orange et de flocons d’avoine. Deux récits — parmi des centaines d’autres — racontés par des détenus de la prison d’État de San Quentin en Californie. Téléchargées par plus de dix millions de personnes à travers le monde, les deux premières saisons (en dix-neuf épisodes) d’Ear Hustle sont déjà disponibles. La troisième débute en ce mois de septembre.

S

1. Artiste visuelle, Nigel Poor donnait des cours de photo dans la prison et c'est dans ce cadre qu'elle a rencontré Woods et Williams. Elle est rémunérée pour sa contribution au podcast, contrairement aux détenus, qui ne peuvent légalement pas être payés pour cela. Woods perçoit néanmoins un salaire au titre de son travail au sein du service télévisé de San Quentin, où est notamment produit Ear Hustle. Sélectionné parmi plus de mille cinq cents projets de podcasts dans le cadre d'un concours lancé par la plateforme Radiotopia, Ear Hustle est produit et distribué par le réseau non-commercial PRX (Public radio exchange).

Ear Hustle, expression qui signifie « écouter aux portes » en argot étatsunien, assouvit une certaine fascination, répandue dans l’Hexagone, pour l’Amérique et ses prisons — les voix et les accents dans Ear Hustle correspondant à l’univers dépeint dans les films et les séries et captant immédiatement l’attention. Chaque épisode, de durée variable, aborde un aspect de la vie quotidienne : la cohabitation entre codétenus, le couple à l’épreuve de la détention, la parentalité, l’isolement dans le quartier disciplinaire, etc. Un épisode est aussi consacré aux chansons interprétées derrière les barreaux et à la manière dont la musique aide certains à tenir. Les échanges entre Earlonne Woods et Nigel Poor sont ponctués de témoignages de détenus préenregistrés, ainsi que de situations et d’ambiances captées dans la prison, nous plongeant à l’intérieur du pénitencier d’une manière intime et surprenante. Le ton fluide, la discussion, la complicité entre les deux hosts feraient presque oublier que tout est entièrement produit, y compris l’habillage sonore, dans le studio du Medialab de la prison. 23

DOSSIER RADIO ET PRISON

itué au Nord de San Francisco, cet établissement pénitentiaire, l’un des plus importants aux États-Unis, comptait fin 2016 près de quatre mille détenus, uniquement des hommes. Une véritable ville, avec ses personnages, ses codes et ses histoires. En 2017, deux détenus, Earlonne Woods et Antwan William, accompagnés par Nigel Poor, une artiste en résidence dans la prison1, ont lancé Ear Hustle, un podcast qui décrit l’univers carcéral de l’intérieur avec humour et férocité.


Les remarques directes et parfois naïves de l’artiste Nigel Poor, incarnant un point de vue externe et/ou celui des auditrices et auditeurs, permettent à Earlonne Woods d’éclairer et commenter les récits des détenus, faisant ainsi dialoguer l’intérieur et l’extérieur. Dans la veine du story­ telling radiophonique étatsunien, les sujets et les angles abordés dépassent souvent l’univers de la détention pour faire écho à des questions plus universelles : comment gérer l’attente ? Comment supporter l’éloignement de sa famille ? Comment garder sa dignité et son estime de soi ? Au fil des épisodes, on rencontre des personnages troublants et attachants comme Lady Jae, détenue transgenre, ou Rauch, qui adore les animaux et en soigne et nourrit dans sa cellule. À l’écoute de leurs trajectoires, de leurs aspirations et de leurs peurs, Ear Hustle bouscule la manière dont peuvent être perçus les détenus, sans jamais les juger ni, non plus, condamner le système carcéral étatsunien. Chaque épisode doit en effet être validé par un responsable de l’administration, dont on entend brièvement la voix à la fin de chaque épisode, condition indispensable pour faire sortir ces témoignages de l’institution.

2. En Californie comme dans d’autres états des États-Unis, la three strikes law (loi des trois coups), actuellement en vigueur, donne la possibilité voire l’obligation aux juges de prononcer une peine plancher ou une peine de prison à perpétuité lorsqu’une personne est condamnée pour la troisième fois en raison d’un crime voire d’un simple délit. Cela a pour effet de multiplier les détentions de très longue durée. Par exemple, Earlonne Woods, coanimateur de Ear Hustle, a 46 ans et purge une peine de 31 ans pour braquage à main armée.

Toute la force de ce podcast réside peut-être dans ce pas de côté où l’univers carcéral apparaît comme un miroir grossissant de la société. N’abordant jamais frontalement la dureté de la politique carcérale en vigueur2, Poor et Woods disposent visiblement de davantage de latitude pour parler d’autres sujets que l’on suppose sensibles : l’homophobie et la condition LGBT en détention, les dérapages violents, les règles non écrites liées à la couleur de peau et les divisions communautaires. Ces récits et témoignages d’expériences — toujours très factuels — constituent des archives orales de la vie dans l’établissement, à l’intérêt ethnographique certain. Au fil de l’écoute, ce n’est pas tant l’aberration du système pénitentiaire étatsunien qui saute aux oreilles que la porosité et les similitudes qui existent entre les détenus et le reste du monde. Une tentative salutaire de réhabilitation de ceux que les États-Unis souhaiterait ne pas entendre et un questionnement tout aussi pertinent de ses politiques sociales.

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Cet article fait suite au dossier « Radio et prison » ouvert dans le n° 14 de La Revue de l’Écoute. À retrouver aussi en ligne sur notre site.

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uite à une blague au moment de concevoir la grille d’antenne 2017-2018 de Jet FM, un créneau “pause goûter” est apparu le mercredi à 16 heures sans que personne ne sache quel en serait le contenu ! », raconte Damien Fourcot. Responsable technique de la station associative nantaise et surtout grand amateur de livres pour enfants, celui-ci ne peut s’empêcher de laisser la case vide. Une fois par mois, il choisit de présenter un album jeunesse puis de diffuser sa mise en ondes faite maison. Alors prennent vie tous ces personnages que vous connaissez peut-être : Simon le lapin blanc de Stéphanie Blake, les Trois Fantômes de Grégoire Solotareff, la famille Quichon d’Anaïs Vaugelade et tant d’autres. En seconde partie, l’émission se poursuit avec une sélection musicale aux petits oignons sur le thème de l’album — « grave / pas grave », « chaussettes », « aïe ! aïe ! aïe ! » — concoctée par le programmateur de Jet, Henri Landré.

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Démarrée avec un peu d’improvisation et d’hésitation — les premières émissions paraissaient ne pas trop savoir si elles s’adressaient aux enfants ou aux parents — Pause Goûter a trouvé son ton et son énergie au fil de la saison, et la réalisation s’est affinée. Et le meilleur de l’histoire, vous le connaissez ? C’est qu’en cette rentrée radiophonique, Pause Goûter fait son retour à l’antenne avec une équipe étoffée, toujours sur le 91.2 mégahertz dans l’agglomération nantaise et partout ailleurs via le site de la radio. Gardez donc un petit creux !

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LE CHANT DE L’ALOUETTE RYTHMÉ PAR LE CRI D’UN FAISAN


DE LA PRISE DE SON NATURALISTE Juliette Volcler

Épisode 2 : identifier les espèces animales par le son (années 1930-1950)

1. Amanda Petrusich, « A Bird Song for the Moon », The New Yorker, 25 juillet 2016. 2. Robin Parmar, « A Brief History of Field Recording », ISSTA, septembre 2016. 3. Cheryl Tipp, « The Birth of Wildlife Sound Recording », sonicfield.org, septembre 2012. British Pathé a mis en ligne un court film d’un de ces concerts en 1932, à voir sur notre page d'écoute. 4. Voir la première partie de cette histoire de la prise de sons naturaliste, parue dans la revue de l’Écoute n° 14 (été 2018).

Les captations animalières de la fin du XIXe et du début du XXe siècles mettaient en scène une nature domestiquée et appréciée pour ses seules qualités musicales. Non seulement la majorité des enregistrements commercialisés à l’époque comprenaient exclusivement des chants d’oiseaux en cage, mais l’imitation de leurs sifflements et pépiements par des humain·es constituait un sous-genre discographique en soi1. De façon tout aussi symptomatique, le chant d’un rossignol captif gravé par Karl Reich deviendrait en 1924 le premier son naturaliste à être inclus dans une composition musicale, le poème symphonique Pins de Rome d’Ottorino Respighi2. Au tournant des années 1930, néanmoins, émergea une approche documentaire et scientifique des sons du vivant, ouvrant le champ et les pratiques de l’audionaturalisme.

A

u début des années 1930, les mises en scène animalières qui avaient fait les premiers succès des disques naturalistes se poursuivirent. D’une part, la veine des concerts d’oiseaux, avec notamment les onze disques produits en 1932 et 1933 par Musical Dawson avec son « fameux chœur de canaris », dont les trilles se développaient sur un fond de Beau Danube bleu joué par un orchestre préenregistré3. D’autre part, dans la lignée de l’éleveur et collectionneur Karl Reich qui apprenait à ses canaris à chanter comme des rossignols dès 19134, la mode 27


des perroquets parleurs se développa entre 1930 et 1960. Les vinyles mettaient en scène des individus précis, dressés à des fins de divertissement : Billy Peach dans les années 1940, Joey dans les années 1950, ou, last but not least, Sparkie Williams, que la BBC intronisa en 1958 championne du monde des perruches savantes. Son propriétaire, Mattie Williams, l’avait entraînée « de façon quasiment militaire »5 à utiliser plus de cinq cents mots de vocabulaire et à réciter des comptines – lui transmettant par la même occasion son bel accent du nord de l’Angleterre6. Dès 1932, cependant, la parution en Australie du disque The Song of the Lyrebird avait ouvert une tout autre perspective. D’abord, le réalisateur de films Ray Littlejohns y proposait pour la première fois dans le pays l’enregistrement d’un oiseau à l’état sauvage et dans son environnement naturel. Ensuite, il le présenta sous la forme d’une étude commentée des compétences de l’oiseau-lyre, non seulement capable de reproduire les chants d’une vingtaine d’autres espèces ailées, mais aussi toutes sortes de sons d’origine naturelle, humaine ou mécanique7. L’intérêt pour l’imitation offrait ainsi une transition entre l’écoute esthétique des débuts de la captation naturaliste et l’écoute méthodique qui commençait à s’affirmer.

5. Tipp, op. cit. 6. On peut entendre son entretien avec un interviewer, Philip Mardsen, sur notre page d'écoute. 7. Il suffit pour s’en convaincre de chercher sur notre page d’écoute ce reportage de David Attenborough, présentateur vedette de l’émission naturaliste de la BBC, sur un oiseau-lyre mimant plusieurs autres oiseaux, mais aussi le bruit du déclencheur d’un appareil photo ou celui de la tronçonneuse. Si vous en voulez encore, vous y trouverez aussi un concert de sons de chan­ tiers publié par le New Scientist. 8. Edward Max Nicholson et Ludwig Koch, Songs of Wild Birds, Londres, HF & G Witherby, 1936, p. xxi. 9. Voir la première partie de cette histoire. 10. Sean Street et Julian May, Ludwig Koch and the Music of Nature, BBC Radio 4, 2009, à lire sur http:// audioproduction.blogs.lincoln.ac.uk/

« Même les paysans et les bûcherons, à qui le printemps donne l’occasion d’entendre la grive musicienne et le merle pour ainsi dire à chaque instant, restent souvent incapables de nommer l’oiseau chanteur8 », se désolait au milieu des années 1930 Ludwig Koch, pionnier des enregistrements aviaires (en omettant de préciser s’il pouvait quant à lui identifier les différents végétaux qui formaient le cadre permanent de ses captations audionaturalistes). L’époque était en effet, depuis peu, à l’identification des espèces. Koch avait pour sa part toujours montré le souci « d’isoler le chanteur »9 et prenait parfois soin, lorsqu’il partait en tournage en forêt, d’embaucher des assistants chargés de préparer au préalable le décor acoustique en faisant fuir les oiseaux moins intéressants à ses oreilles10. Si ce choix d’ignorer l’habitat naturel des espèces se trouvait de fait guidé par une approche délibérément musicale et anthropocentrée de l’audionaturalisme, il serait cependant faux d’y réduire la démarche de Koch. Celui-ci fut en effet également le premier, en collaboration avec Lutz Heck, le directeur du zoo de Berlin, à publier un disque comprenant un enregistrement de mammifère : sur la face A de Der Wald Erschallt, paru en 1934, on trouvait ainsi les cris d’un cerf — et sur la face B, pour compenser cette audace commerciale, une valeur sûre : 28


des chants d’oiseaux. Plus tard, il « interviewa » notamment une otarie, pour reprendre ses termes. À la fin de sa période allemande, on lui attribue par ailleurs l’invention du livredisque puisqu’il fit paraître en 1935 Gefiederte Meistersänger, vingt-cinq chants d’oiseaux sauvages répartis en trois vinyles accompagnés d’un livret illustré d’une centaine de pages11.

11. Alexandre Galand, Field Recording. L’usage sonore du monde en 100 albums, Le mot et le reste, 2012, p. 20. 12. Nicholson et Koch, op. cit., p. 26. 13. Tipp, op. cit. 14. Lire à ce propos l'analyse d'un ornithologue québécois, Laval Roy : https://desoiseauxsurmaroute. blogspot.com/2011/04/on-repasseou-on-repasse-pas.html 15. Gregory Radick, « Primate Language and the Playback Experiment, in 1890 and 1980 », Journal of the History of Biology n° 38, 2005, pp. 461 – 493.

En 1936, Koch s’exila de l’Allemagne nazie pour s’installer en Grande-Bretagne, où il poursuivit sur sa lancée. Il travailla d’abord avec l’ornithologue Max Nicholson et l’éditeur Harry Witherby à un guide sonore des oiseaux du pays, Songs of Wild Birds (1936), tout emprunt des jugements esthétiques et moraux de Nicholson, pour qui les volatiles chanteurs britanniques se montraient par exemple « incomparablement supérieurs en puissance, variété et qualité d’exécution »12 à n’importe quel spécimen d’Amérique du Sud. L’éditeur Parlophone avait fourni pour le projet un imposant studio mobile : un petit camion renforcé de façon à pouvoir porter sept tonnes de matériel, notamment tout l’équipement pour graver des disques de cire à la volée et un kilomètre et demi de câbles audio pour mener les enregistrements sans effaroucher la faune. Koch s’associa ensuite au biologiste évolutionniste Julian Huxley pour produire, à partir de captations dans des zoos de Londres et de Whipsnade, Animal Language. Paru en 1938, le nouveau livre-disque se trouve ainsi défini par Cheryl Tipp, conservatrice du fonds audionaturaliste de la British Library : « Cette alliance de texte, d’image et de son représenta la première analyse détaillée du comportement animal à disposition du grand public, et se focalisait plus particulièrement sur la communication acoustique13 ». La façon dont Koch et Huxley abordaient cette dernière n’était pas sans rappeler une expérience scientifique menée en 1890. Un chercheur étatsunien, Richard Garner, avait à l’époque enregistré sur des cylindres les vocalisations d’un primate du zoo de Washington non à des fins de divertissement ou d’édification, mais pour les rediffuser à d’autres primates. Il souhaitait ainsi déterminer s’il existait un langage simiesque, cherchant à saisir, d’après la réaction des auditeurs et auditrices velues, des phrases possiblement traduisibles. Cette technique dite de la « repasse » (autrement dit, de la rediffusion)14 fut néanmoins oubliée rapidement. Elle resurgirait à la fin des années 1940, où elle se verrait employée avec des oiseaux, mais aussi, dans une moindre mesure, des poissons, des insectes ou des amphibiens15. Koch et Huxley prirent les devants de ce retour en grâce de la méthode, puisqu’ils rediffusèrent eux aussi aux pensionnaires des zoos les enregistrements de leurs propres 29


16. Julian Huxley et Ludwig Koch, Animal Language, Country Life / Parlophone, 1938, p. 5. 17. Huxley et Koch, op. cit. 18. Ludwig Koch, Memoirs of a Birdman, Londres, Phoenix House, 1955, pp. 77-78. 19. Palmar, op. cit. 20. Albert Brand, « Why Bird Song Can Not Be Described Adequately », The Wilson Bulletin 49-1, 1937, p. 12.

voix, manifestement sans parvenir à des conclusions très claires : « Certains animaux se montrèrent très excités, tandis que d’autres ne manifestèrent aucune réaction16 », indiqua Huxley dans le livret. Plusieurs « interviewé·es » parurent décidément accueillir les captations plutôt fraîchement puisque le biologiste précisa également que « la meute de loups du zoo de Whipsnade se comporta de façon particulièrement peu aimable. Le soigneur en chef nous avait expliqué que les loups se lançaient habituellement dans un concert de hurlements lorsqu’une sirène précise se déclenchait chaque après-midi à 17 heures. Quand le microphone fut installé, la sirène ne suscita aucune réaction de leur part. Les loups regardèrent M. Koch, qui se tenait à proximité de l’équipement, d’un air méfiant et sournois, mais demeurèrent muets. »17 Entre limitations techniques et résistances animales, Koch rapporterait dans ses mémoires que pour capter « dix à quinze secondes » de son de qualité, il lui fallait à l’époque compter une centaine d’heures de préparation et cent trente minutes d’enregistrement en tant que tel18. De l’autre côté de l’Atlantique, on s’intéressait également à l’identification sonore des espèces animales tout comme à l’amélioration technique de la captation. Le laboratoire d’ornithologie de l’université de Cornell à Ithaca (New York), fondé en 1915 par Arthur « Doc » Allen, joua un rôle central dans le développement de la pratique. En 1929, Doc Allen et son collègue Peter Paul Kellogg conduisirent ainsi les enregistrements inauguraux d’oiseaux sauvages aux États-Unis. En 1931, deux autres membres du laboratoire, Albert Brand et Peter Keane, publièrent un premier guide d’identification, Bird Songs Recorded from Nature. Ils y adoptaient, de façon nouvelle et à mille lieues de la démarche de Koch, une approche bioacoustique, fondée sur des résultats mesurables et des analyses scientifiques19. Brand se montrait particulièrement conscient des biais inhérents à tout enregistrement : « Nous écoutons ce que nous cherchons à écouter, et ce que nous nous attendons à entendre. Quoique nous fassions, nous ne pouvons pas écouter objectivement, car il n’est pas possible de dissocier le processus d’écoute du processus de réflexion, l’oreille du cerveau20. » Quant à Keane, il contribua la même année avec True McLean (professeur d’ingénierie électrique à Cornell) à la 30


construction de la première parabole d’enregistrement, permettant d’intensifier le signal acoustique capté par un micro pointé sur une cible distante. Ils s’inspirèrent pour ce faire de tout autres paraboles, celles qui avaient servi à la détection antiaérienne pendant la première Guerre Mondiale, l’université se trouvant disposer dans son grenier de moules de ces dernières21. Le laboratoire de Cornell innova enfin en lançant dans les années 1930 deux grandes expéditions, afin de fixer le son et le comportement d’espèces d’oiseaux en voie d’extinction sur le territoire du pays, comme le Pic à bec ivoire, le Cygne trompette ou le Condor de Californie22. Le laboratoire demeure aujourd’hui une structure de référence et a mis à disposition sur le site de la Macaulay Library des dizaines de milliers de captations, venant enrichir ainsi l’une des plus grandes collections au monde de sons, vidéos et photos d’histoire naturelle23.

21. The Cornelle Lab of Ornithology, « Early Milestones (1920 – 1950) », Macaulay Library, non daté, https:// www.macaulaylibrary.org/about/ history/early-milestones/ 22. Des films d’époque ou plus récents concernant ces trois espèces sont visibles via notre page d'écoute. 23. Consultable sur https://www. macaulaylibrary.org 24. Palmar, op. cit. 25. Sture Palmér, « Wildlife Recording by Swedish Broadcasting Corporation », Recorded Sound, 1969. 26. Tipp, op. cit.

La production discographique des années 1930 à 1950 se caractérisa donc par la publication de compilations d’oiseaux habitant un territoire précis, souvent en collaboration avec l’antenne publique du pays concerné. Ainsi, Ludwig Koch commença-t-il en 1940 à travailler pour la BBC, inspirant la création de son Unité d’histoire naturelle comme de sa première émission naturaliste en 194624, et en devenant l’une de ses grandes voix. La radio britannique avait néanmoins été précédée, dans son intérêt pour la vie sauvage, par la suédoise Radiojanst (plus tard renommée Sveriges Radio), qui avait commencé des enregistrements naturalistes dès 1925, dans l’objectif d’élaborer une collection sonore didactique d’oiseaux du pays. Les enregistrements se trouvaient à l’époque transmis par téléphone jusqu’au siège de la radio, où les disques étaient gravés – un processus laborieux qui présentait l’inconvénient de transformer, selon l’ingénieur du son Sture Palmér, « le chant d’un Engoulevent en perceuse à air comprimé »25. Cinq disques furent néanmoins gravés douze ans plus tard, en 1937, et diffusés dans les écoles. La mise au point d’un studio mobile en 1938 permit à Gunnar Lekander et Sture Palmér de mener un programme de captation plus ambitieux, lequel se poursuivit jusqu’en 1956, aboutissant à « pas moins de soixante-cinq vinyles donnant à entendre les voix de cent quatre-vingt-trois espèces »26. Au Danemark, l’ornithologue autodidacte Carl Weismann emprunta quant à lui des micros à la toute nouvelle radio publique danoise pour capter soixante-six espèces danoises et les donner à entendre à partir de 1934 aux enfants dans les écoles. Il s’intéressa ensuite aux mammifères et aux amphibiens, puis deviendrait célèbre en 1955 pour son orchestre de chiens chantants. Tsuruhiko Kabaya et Kasuke Hoshino firent 31


de leur côté paraître en 1954 leurs Chants d’oiseaux du Japon. Enfin, les ornithologues Myles North et Eric Simms, ce dernier également directeur des programmes d’enregistrements naturalistes à la BBC, compilèrent en 1958 pour l’éditeur Witherby une collection de référence : le Sound Guide to British Birds.

27. Claude Gendre, « Les chasseurs de sons », non daté, http://claude. gendre.free.fr/passion.html. Sur notre page d'écoute, on peut visionner une archive de l’ORTF en 1968 où Thévenot présentait les chasseurs de son. 28. Jean Thévenot (producteur), On grave à domicile 2, Chaîne nationale de la Radiodiffusion française, 12 mars 1948, fonds Ina. 29. Jean Thévenot (producteur), 20 ans d'enregistrement d'amateur, Aux quatre vents, ORTF, 2 mars 1968, fonds Ina. 30. Descriptif de l’Ina sur l’archive Jean Thévenot (producteur), Journée internationale des Chasseurs de son, Inter Actualités, France Inter, 18 décembre 1971, fonds Ina. 31. Entretien avec Jean Roché le 9 mai 2018. 32. On trouvera un extrait de ce disque sur notre page d'écoute.

La France ne fut pas en reste, où en 1948 le passionné d’histoire sonore Jean Thévenot, producteur à la Radiodiffusion française puis à France Inter et France Culture, lança aux amateurs et amatrices gravant leurs propres 78 tours un appel à participer à une « Journée du disque » sur l’antenne nationale. Il reçut tant d’envois que fut lancée une émission spécialement consacrée aux enregistrements autoproduits et incluant des entretiens avec leurs auteurs, Place aux particuliers. Elle deviendrait, au sein du Club d’essai de la Radiotélévision française, On grave à domicile, puis Aux quatre vents sur le Programme parisien27. Au terme d’« amateur », Thévenot, décidément en avance sur son temps, préférait d’ailleurs l’expression de « professionnel travaillant avec des moyens personnels »28. L’arrivée des magnétophones au début des années 1950 permit à ces derniers et dernières de réaliser des captations plus longues et de faire du montage. Thévenot fut aussi à l’initiative en 1956 de la fondation de la Fédération française des chasseurs de son. L’on trouve néanmoins, dans le fonds préservé par l’Ina, force mariages, pièces de théâtre, parodies ou chansons, et même la naissance d’un « joli petit bonhomme »29, mais très peu d’animaux. La Journée internationale des chasseurs de son du 18 décembre 1971 fut cependant, fait remarquable, l’occasion de diffuser un « bruit d’oiseau », un « cri de renard », un « bruit de sauterelle, de bousier, d’araignée »30. Il n’en existait pas moins, dès les années 1950 au moins, des audionaturalistes autodidactes, à l’instar de Georges Albouze, ouvrier aux usines Renault de Meudon, qui partait capter les oiseaux « avec son vélo et sa remorque »31 le matin avant d’aller à l’usine. Il fit paraître, aux éditions Le Chant du monde, plusieurs disques, comme La Forêt chante32 ou Un maître à chanter : le Canari malinois (qui volait la vedette au Rossignol philomèle de la face B). Sous-titré Comment apprendre à chanter à votre Canari malinois, le vinyle se présentait comme un outil à destination des éleveurs et éleveuses d’oiseaux. Albouze, pionnier français des captations naturalistes, interrompit ses enregistrements à la fin de la décennie, mais il avait transmis sa passion à celui qui deviendrait l’un des grands noms dans le domaine : Jean Roché (nommé Jean-Claude Roché sur ses premiers vinyles). Les deux hommes se rencontrèrent et 32


« quand je suis sorti de chez lui », se souvient le second, « je savais que je passerais ma vie à ça ». Jean Roché, qui avait réalisé quelques années auparavant un court-métrage sur les insectes (que François Truffaut produirait et diffuserait bientôt en accompagnement de son film Jules et Jim), partit en Camargue en 1958, y enregistra des oiseaux, essuya les refus de divers éditeurs mais fut chaleureusement accueilli par Pacific. Celui-ci sortit ses Oiseaux en Camargue, qui connut un succès immédiat. Au tournant des années 1960, cependant, Pacific déposa le bilan et c’est à compte d’auteur que Roché devint, entre 1964 et 1966, le producteur du premier Guide sonore des oiseaux de France en vingt-sept disques. L’école française de la prise de son naturaliste était lancée.

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À suivre…

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À LA MAISON DE RETRAITE, LA VIE INSENSÉE Étienne Noiseau

Dans le documentaire Enfermée à l'EHPAD réalisé par Lionel Quantin sur France Culture, Amandine Casadamont donne à entendre les longues heures suspendues de la vie de sa grandmère Suzanne, résidente dans une maison de retraite surveillée.

A

mandine Casadamont est entrée à la radiophonie à la fois par la porte du journalisme (à Radio France Internationale) et celle de la fiction, en créant le personnage étrange et burlesque de la chatte transsexuelle Chantal Champagne sur France Inter d'abord, puis France Culture. Créatrice sonore prolifique, elle cultive en parallèle une activité de DJ/performeuse dans des lieux d'art. Pour ses documentaires radiophoniques, elle fait souvent le choix de terrains périlleux à haute charge politique : une zone de narcotrafic en plein désert mexicain (Zone de Silence), la région de Fukushima dans l'après-tsunami (Césium 137), l'ubuesque capitale birmane dans le contexte de la crise des Rohingya (Welcome To Nay Pyi Taw)1. Ces créations quasiment sans paroles ni commentaire, à la narration non explicite, tantôt montées sous forme de collage très serré, tantôt filées dans un mixage de longues séquences sans relief, ont du mal à « parler » sans explication supplémentaire, fournie par ailleurs sur le site web de la radio — un peu à la manière de ces œuvres d'art contemporain qui ne « fonctionnent » pas sans leur cartel. La forte dimension sociale, environnementale et/ou politique du contexte de ces créations reste la plupart du temps en sourdine et le point de vue de l'autrice est paradoxalement peu audible. De manière surprenante, c'est sur le terrain beaucoup moins exotique d'une maison de retraite française qu'Amandine Casadamont empoigne ce qu'elle ne faisait jusqu'à présent qu'effleurer : l'exposition sans fioritures d'une violence sociale et sa dénonciation sans ménagement.

1. Rendez-vous sur notre page d'écoute pour les références des créations citées. 2. En France, les EHPAD — établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes — sont les types de maison de retraite les plus répandus.

Enfermée à l'EHPAD s'ouvre par une séquence magistrale qui expose à la fois l'environnement caractéristique du lieu et les interactions entre les personnes qui y résident. Dans ce qu'on imagine être la salle commune de l'établissement2, le son de la télévision (un célèbre jeu de questions-réponses), le va-et-vient des savates qui traînent sur le sol, quelqu'un tapotant un rythme sur une table ou encore le bip standardisé de l'ascenseur 34


constituent la toile de fond du documentaire. Entre ces différents éléments, un fil sonore particulier s'éloigne puis ressurgit de manière entêtante, irritante — il l'est autant pour nous que pour les protagonistes du premier plan (« Elles sont embêtantes de gémir comme ça ! ») : c'est une voix féminine, ânonnant une sorte de mélodie hachée, fantôme de chanson, radotage et plainte tout à la fois. « Ah ! Eh-ah-eh-ah-eh-ah !.. », la complainte rythme la séquence, se révèle comme leitmotiv musical qui colle au documentaire à la manière d'une mouche exaspérante. De par la répétition poussive de ces micro-événements, les heures s'étirent et nous aspirent dans leur spirale hors du cours normal du temps. Nous voilà plongé·es, et piégé·es, dans un espace fermé qui tient de la maison d'aliéné·es. Au terme des conversations fragmentées entre un vieux séducteur facétieux et deux résidentes rigolardes (« On est quand même dans un régime très ouvert. On peut choisir son quartier de liberté ! »), le « papi » annonce son départ, réapparaît plusieurs fois car il ne trouve plus son chemin, puis quitte finalement la scène. Les dames restées seules moquent la geignarde, l'imitent, lui donnent la réplique et participent finalement à cette petite poésie sonore ou musique d'ambiance improvisée. Elles s'accorderont à la fin sur l'air de la Marseillaise. Avec ceux du Petit vin blanc et de la Madelon que l'on entendra plus tard, c'est un peu tout ce qu'il survit d'une génération, d'une certaine éducation française estampillée, quand la sénescence et l'isolement ont passé sur les mémoires leur rouleau compresseur.

3. Au sujet de la fabrique du documentaire, on pourra lire l'interview d'Amandine Casadamont par Élise Racque dans Télérama, publiée en ligne le 7 mai 2018 : https://www. telerama.fr/radio/ehpad-sur-franceculture,-une-immersion-sonoredans-lenfermement-des-personnesagees,n5632873.php

Durant l'ouverture nous est apparu le personnage de Suzanne, plutôt goguenard, voix éraillée, souffle court, élocution chancelante. On la devine immobile dans son fauteuil, constamment présente même dans ses silences, avec à ses côtés sa petitefille Amandine qui enregistre en continu. Les interventions d'Amandine sont courtes et discrètes, souvent en réponse à sa « Mamita ». On devine une relation affectueuse et emprise de retenue (peut-être seulement du fait du contexte d'enregistrement) et le souhait, chez l'autrice, de s'en tenir au factuel3. Vers la fin de la première séquence, à ­brûle-pourpoint, une question de Suzanne fait frémir : « Tu te plais là, alors, ça va ? ». On bascule. C'est le monde à l'envers : cela fait trois ans que Suzanne a définitivement emménagé dans « l’unité de vie protégée » de cet EHPAD, mais elle semble penser que c'est sa petite-fille qui y habite. Par la suite, sa désorientation est de plus en plus manifeste, sa volonté de quitter le lieu se mâtine d'angoisse. À une aide-soignante qui revient de congé, elle affirme gaiement : « Il y a longtemps que je 35


suis pas venue ! » ; à Amandine toujours : « Là, je suis chez moi ? Ça m'étonne ! » ; et encore : « Parce que je serai encore là demain ? » ; « Faut que j'aille voir à la maison… » ; « Qu'est-ce que ça veut dire tout ça ? » Jusqu'à ce que les nerfs lâchent : « Je suis déjà perdue comme ça, je sais pas comment je vais m'en sortir […] Je pourrai jamais m'en sortir ». En dehors de la perte de mémoire réelle de Suzanne, son apparente apathie ou désintérêt pour ce qui l'entoure, son égarement qui devient effarement ne peuvent que nous interroger sur l'inanité d'un système institutionnel qui tourne en rond et n'existe que pour combler le temps jusqu'à la mort. L'EHPAD est ce monde à part, un monde inversé et insensé. Mais les questions ingénues de Suzanne le sont-elles vraiment ? Tout ce qui lui arrive n'est-il pas qu'une mauvaise blague dont par ironie elle retarde elle-même la fin ? Nous aimerions le croire. Dans cette situation, l'humour est probablement l'ultime ressource. Dans la dernière séquence, passée dans l'intimité de la chambre de Suzanne, celle-ci passe peu à peu de la parole au souffle. Elle bâille, on entend sa respiration plus fort, comme une préfiguration — feinte — du dernier sommeil : « Non, j'dors pas, je ferme les yeux, c'est tout. Dormir, c'est autre chose ». En superposition, reviennent alors les bruits de la salle commune — télé, bavardages et fredonnements — comme une reprise du début du documentaire, un rappel de la terrible spirale temporelle, mais aussi une porte de sortie pour nous salvatrice. Pour le moment nous pouvons nous extraire de l'EHPAD, jusqu'au jour où ce sera notre tour. Ceci est un avertissement ou une injonction à agir.

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36



C’était la Revue de l’Écoute nº 15, automne 2018.

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L’édito, par Juliette Volcler.1

Pour les « petites oreilles », Étienne Noiseau a écouté Pause Goûter, l’émission pour enfants de Jet FM.

« La radio est une conséquence de la prise de parole » : sous ce propos d’Alfredo Oliveira 2 s’ouvre le reportage de Léna Burger sur Radio Sans Nom réalisé en mai 2018. Texte et dessins de l’autrice.

La « petite histoire de la 26 prise de son naturaliste » de Juliette Volcler se poursuit, avec en deuxième épisode : identifier les espèces animales par le son (années 1930-1950). Dessins d’Antoine Blanquart.

Cet automne, Marc Namblard nous invite à écouter les stridulations d’un ingénieux 9 du son : le Grillon des bois. Dessin de Rosalie Peeters.

Le documentaire Enfermée à l’EHPAD d’Amandine 34 Casadamont est l’« œuvre ouverte » de ce numéro, choisie et chroniquée par Étienne Noiseau.

Le troisième épisode du10 feuilleton de Laure Egoroff, Acoufitness ou comment j’ai rééduqué mon oreille s’intitule Do you want a cup of “t” ? Illustrations issues du Larousse médical illustré de 1924.

On clôture avec Tout peut recommencer, un poème de Laurent Choquel, dans la série originale « Poésie à vau-l’onde ». Texte et dessin de l’auteur. R4

La bruiteuse Ora Nichols fait l’objet du premier portrait 14 de femmes dans la création sonore par Juliette Volcler.

La fiche pratique fera son retour sur ses deux jambes dans le prochain numéro. Remets-toi bien, pali !

Coordination générale / Direction de la publication : Étienne Noiseau et Juliette Volcler. Création en couverture : Julie Jardel. Design graphique : Catherine Staebler. Impression : trois cents cinquante exemplaires par Stipa à Montreuil. La revue de l’Écoute est la déclinaison trimestrielle de Syntone.fr — actualité et critique de l’art radiophonique. Elle est éditée par l’association Beau bruit à Prades, Pyrénées-Orientales. Contact et abonnements : bienvenue@syntone.fr ISSN 2610-329X Prix au numéro : 8 € Avec le soutien de nos lectrices et nos lecteurs, ainsi que la Scam et le FRADEL (Région Occitanie Pyrénées-Méditerranée et Centre National du Livre).

Au centre de ce numéro : Images-mouvements sonores, 15 un projet photographique et sonore d’Alexandre David et Étienne Noiseau. Clément Baudet chronique 22 le podcast Ear hustle : les détenus vous parlent. Avec une illustration d’Émilie Seto.

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NN Syntone.fr ! A S isez DÉ otidien, l u

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Ora Nichols, March of Time, CBS radio, 1935 et 1931



8 € • ENTRE DEUX BRUITS, LISEZ SYNTONE.FR


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