La revue de l'Écoute n°10 | été 2017

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édito Bienvenue dans ce numéro 10 de la revue de l’Écoute. Nous l’ouvrons avec Pascale Pascariello, qui nous fait toucher de l’oreille des milieux interdits. Nous la refermons avec Richard Kalisz, qui teste nos capacités de résilience par la parole. Leurs microphones ostensibles perturbent les systèmes établis, bêchent les couches les plus épaisses de nos inconscients, individuels ou collectif. Rafraîchissons la page par une promenade discrète dans la nature. La mode est au casque, mais de quoi cherchons-nous à nous protéger ? Osons sortir oreilles nues. Le son nous ravit, la création sonore nous embarque. Elle devient tendance, paraît-il. Un spectacle comme un autre ? Gageons que ces divertissements soient aussi des moyens d’interroger le monde et de ressouder les liens. Quant à cette « revue de l’écoute » que nous expérimentons patiemment de numéro en numéro, de quoi sera-t-elle faite à l’avenir ? Comment pourrait-elle évoluer, s’enrichir, se diversifier ? À vous de nous le dire ? Écrivez-nous ! bienvenue@syntone.fr

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rencontre « Provoquer la parole qu’on n’entend pas » Du quotidien de dealers marseillais pour l’émission Les Pieds sur Terre aux récits de braqueurs dans sa dernière série pour Arte Radio, la journaliste indépendante et reporter Pascale Pascariello travaille depuis de nombreuses années à faire entendre des discours tus et des témoignages peu entendus. Rencontre avec une adepte de l’enquête et du travail au long cours. Des petits trafiquants au grand banditisme, en passant par l’évasion fiscale, d’où vient votre intérêt pour la délinquance ? Je ne dirais pas que j’ai un intérêt particulier pour la délinquance. Ce qui m’importe, c’est de parvenir à provoquer la parole qu’on n’entend pas, celle de ceux qu’on a oubliés ou celle de ceux qui souhaitent se faire oublier. Donner la parole, par exemple, à des jeunes qui dealent permet de sortir des clichés. J’ai souhaité montrer leur quotidien et une réalité souvent déformée. Vous avez effectué de nombreux reportages à Marseille. Il y a quelque chose qui vous intéresse particulièrement dans cette ville ?

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J’y suis née et j’y ai grandi. J’ai donc tout naturellement une certaine tendresse pour cette ville, certes outrancière par certains côtés, mais bien trop souvent caricaturée. C’est l’une des villes les plus inégalitaires de France avec des quartiers complètement abandonnés par les pouvoirs publics. Votre indépendance – plutôt rare dans la profession – vous permet-elle de vous consacrer plus librement aux sujets ? Être freelance ne garantit pas l’indépendance. Freelance, c’est le statut que j’ai choisi depuis que j’ai quitté l’émission Là-bas si j’y suis en 2012, pour travailler à la fois en radio et en presse écrite. À l’époque, il présentait certains avantages… ce qui n’est plus vraiment le cas maintenant. Il est aujourd’hui plus confortable d’entreprendre une enquête avec le soutien d’une rédaction, comme par exemple celle de Mediapart avec laquelle je collabore. L’indépendance est un choix et afin de l’être, j’ai choisi de travailler pour des médias indépendants ou des émissions qui n’exercent aucune censure comme Les Pieds sur terre sur France Culture ou Interception sur France Inter. Je peux choisir mes sujets, parfois on m’en propose et cela se fait en toute liberté, en discutant avec les producteurs ou rédacteurs en chef, ce qui nourrit la réflexion sur le sujet. Ces sujets, on peut l’imaginer, sont traités de manière différente selon les médias en question… Oui, bien sûr. C’est d’ailleurs un plaisir de penser à comment faire entendre un sujet déjà traité en presse écrite. Un exemple : j’ai enquêté sur le chantier de l’EPR à Flamanville, le futur réacteur nucléaire, pour Le Canard enchaîné, puis pour Mediapart. Par la suite, France Inter m’a sollicitée pour réaliser un reportage sur le même sujet. La transposition radiophonique entraîne de nouvelles recherches pour trouver les personnes qui accepteraient de témoigner. Il faut également penser à des situations pour expliquer le sujet, en évitant de longs interviews statiques et vite ennuyants.

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rencontre

Vous avez fait vos premières armes de reporter radio au sein de l’émission La-bàs si j’y suis de Daniel Mermet sur France Inter. Que retenez-vous de cette « école » ? J’ai beaucoup appris : savoir justement prendre des ambiances qui sont loin d’être accessoires mais qui, au contraire, permettent de dessiner radiophoniquement l’univers de la personne qu’on interviewe. Et être libre de poser toutes les questions que l’on doit poser pour approfondir un sujet quel que soit le statut de notre interlocuteur, qu’il soit ministre ou chef d’une très grande entreprise. Dans votre série Les Braqueurs, sur Arte Radio, François, Miki et Tito racontent leurs parcours au sein du grand banditisme. Ils en disent beaucoup sur eux et parlent de leurs actions comme d’un véritable métier. Comment s’est fait la sélection

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des « profils » de ces hommes et qu’est ce qui vous a intéressé dans leurs paroles ? On fait souvent l’apologie du grand banditisme, et des braqueurs en particulier. J’ai voulu aller voir l’envers du décor. Je me suis fixée deux impératifs : interviewer des personnes qui n’ont pas tué, et dont les actes n’appartiennent pas à une époque révolue. Mes recherches se sont donc concentrées sur des équipes contemporaines. Parmi elles, des braqueurs de fourgons blindés et des membres des Pink Panthers, groupe originaire d’exYougoslavie, spécialisé dans les bijouteries de luxe. Après plusieurs prises de contact, trois ont accepté de participer à cette série. Parmi les raisons qui les poussaient à le faire : rectifier l’image du braqueur, bien trop idéalisée selon eux. Le montage, qui n’est pas à charge et qui ne fait pas pour autant l’apologie du vol à main armé, est plutôt bienveillant à l’égard de ces hommes et de leurs parcours, tout en laissant l’auditeur/trice libre de son jugement… Ce n’est pas une question de montage. Le montage n’est pas là pour changer ce qui a été dit, il doit respecter la parole de la personne interviewée, c’est de la déontologie. J’ai souhaité partir de trois temps : l’enfance, les braquages et l’après-braquage, c’est-à-dire la prison et les raisons de la poursuite de leur activité. J’ai donc organisé chaque interview selon ces trois temps. Mais le montage a été un acteur important de cette série. Il a permis de fluidifier le récit. C’est un travail d’orfèvre qu’a mené Sara Monimart, la réalisatrice. François, le premier homme que nous avons enregistré, décrivait son métier de façon très cinématographique, ce qui a conduit Sara à penser la trame du montage à la façon d’un scénario, afin que chaque épisode fonctionne indépendamment des autres. Elle a ainsi décidé de travailler de manière à ce qu’une amorce contextualise à chaque fois le propos, que la fin sonne comme un cliffhanger, d’alterner des moments d’action et des passages plus réflexifs, qui permettent progressivement de brosser les portraits intimes de ces anciens braqueurs. Suite à ce travail de montage, Samuel Hirsch et Arnaud Forest ont créé de magnifiques musiques. Ils ont choisi les ambiances et ont su donner, avec élégance, une tonalité particulière qui nous plonge dans un univers unique pour chaque

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rencontre

portrait. Cette série est un travail collectif et c’est ce qui en fait toute sa richesse et son aboutissement. Comment avez-vous persuadé ces hommes de raconter leur histoire au micro et, pour certains, de venir dans les studios d’Arte Radio pour l’enregistrement ? Je n’étais là ni pour les juger, ni pour les encenser. Je voulais seulement les écouter et essayer de comprendre. Mon approche a été claire et sincère, ils l’ont comprise et m’ont donné leur confiance. L’un d’entre eux a souhaité garder l’anonymat. Je l’ai rencontré à plusieurs reprises. Nous avons commencé les interviews en extérieur. Puis, nous avons convenu ensemble d’un dispositif afin qu’il accepte de venir en studio, en posant comme condition qu’il ne croise personne d’autre que moi et Sara Monimart qui s’occupait de la prise de son. Est-ce que le fait d’être une femme influence votre travail d’enquête et d’infiltration dans des milieux plutôt masculins comme le trafic de drogue ou le grand banditisme ? Non, je ne pense pas. Dans certaines de vos réalisations, comme Mamie Offshore pour Arte Radio, vous vous amusez à vous faire passer pour Madame Courtanbé (« Bettencourt » à l’envers, du nom de la milliardaire Liliane Bettencourt) en appelant une société de conseil en évasion fiscale. Une habile mise en scène qui permet de manière humoristique de faire entendre un discours bien réel. Vous fixez-vous une limite à ne pas franchir pour obtenir certaines paroles ? Oui, ne pas enregistrer sous une autre identité ou à l’insu de mon interlocuteur. Il y a trois cas où j’ai dérogé à cette règle : celui, donc, de cette société de conseil, France Offshore, qui a été condamnée depuis pour ses activités. Et les deux autres cas concernaient des lieux interdits aux journalistes. En premier le dépôt de Paris, les geôles qui se situent sous le palais de justice de Paris : toutes les demandes de reportage auprès des autorités étaient systématiquement refusées, tandis que les

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conditions de détention y ont été condamnées à plusieurs reprises par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. J’ai aussi tourné dans un centre de rétention administrative où sont détenues les personnes en situation irrégulière, en attente d’être expulsées du territoire. Dans ces centres, des « visites-vitrines » étaient octroyées aux journalistes. Pourtant, plusieurs de mes contacts à l’intérieur, qu’ils soient issus du monde associatif ou de la police, me confiaient que c’était le jour et la nuit entre ce qu’il s’y passait et ce que les journalistes voyaient lors de ces visites. Voilà pourquoi j’y suis entrée sans me présenter en tant que journaliste. Dans ces trois cas, le devoir d’informer, prioritaire, l’exigeait. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes reporters radio tenté·es par le travail d’enquête et l’immersion ? L’enquête, c’est l’école de la patience. C’est un travail au long cours, qui demande parfois de faire d’autres sujets à côté.

couter àé

• Trois reportages consacrés au trafic de drogue dans les quartiers nord de Marseille.

https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-surterre/sur-le-chemin-du-parloir-13 • Deux reportages autour de la situation du collège Versailles à Marseille, un établissement scolaire oublié à la violence par les pouvoirs publics

https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-surterre/le-college-versailles-dans-limpasse https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-surterre/le-college-narrete-plus-les-balles • Mamie Offshore sur Arte Radio en 2010

https://www.arteradio.com/son/615867/mamie_offshore • Les Braqueurs, une série en 11 épisodes réalisée par Sarah Monimart

https://www.arteradio.com/serie/les_braqueurs

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échos

de vos

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Bastien Voidey, discothécaire, Bourg-lès-Valence

Damien Tillard, activateur de Radio Balises et Peristome, Lorient

« Tout d’abord, j’ai eu l’impression que mon système d’écoute s’était connecté à une radio paranormale, puis je me suis rendu compte que je découvrais un label aux productions hantées et raffinées. Folklore Tapes rassemble de nombreux musiciens des îles britanniques qui procèdent à des collages sonores mêlant histoires oubliées des campagnes et bruitages animistes. C’est comme si j’avais découvert une boîte entière de vieilles bandes magnétiques enterrée au pied d’un arbre. »

« Sur les épaules de Darwin s’écoute définitivement la Nuit, quand le feu crépite. L’émission s’impose comme une habitude : une histoire avant d’aller dormir. Sur les épaules... nous rappelle le pouvoir magique de la radio quand elle devient conte. Conduit par le seul calme de cette voix dont on devine l’éclat des yeux, je redeviens cet indécrottable béotien et dévore des chapelets de fantasmes et de rêves : les Sciences deviennent un tas d’aventures déclinées en multiples accès à la beauté du monde. Hourra ! »

Marie-Noëlle Battaglia, réalisatrice de documentaires son et vidéo, Marseille « Comme un polar qu’on dévore, une saga qu’on lit en une nuit, Mes années Boum : une enquête algérienne tient nos oreilles en haleine. Embarquée au côté d’Adila Bennedjaï-Zou, le productrice, nous sillonnons l’Algérie pour enquêter sur la mort de son père, assassiné quarante-et-un ans plus tôt. Une investigation sonore qui nous accroche, brouille la frontière entre fiction et réel, parle d’histoires de famille, d’intime et de politique, entre l’Algérie de Boumédiène des années 70 et celle d’aujourd’hui. »

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petites oreilles

Pour les petites exploratrices et les musiciens en herbe Il est des œuvres qui, à peine sorties, s’imposent comme des classiques. Ainsi de ce qui constitue pour l’instant une trilogie de Pierre Créac’h aux éditions Sarbacane : Le Silence de l’opéra (2007), Le Château des pianos (2014) et Le Fantôme de Carmen (2016). Les trois seuls albums avec CD de la maison d’édition, une collection à eux seuls. Classiques, ces contes musicaux le sont d’abord par défaut, de par leurs choix de narration et de représentation : une voix connue (Jean Rochefort, Pierre Arditi, Yolande Moreau) pour raconter l’histoire forcément édifiante d’un jeune héros (masculin comme souvent dans la fiction jeunesse...), à la découverte de la musique, classique elle aussi. Sur le plan sonore : beaucoup d’extraits musicaux et quelques effets essentiellement illustratifs. Mais ces albums sont également classiques au sens où ils mettent en scène un univers propre, aussi profus que cohérent, qui s’exprime autant à travers la musique que l’écriture et le dessin. Pierre Créac’h assure les deux dernier·es avec talent. L’intention didactique sait se faire oublier pour que chaque histoire puisse se déployer : l’exploration d’un opéra où se cachent des fantômes de grands airs qui y ont été joués ; celle d’un château où il s’agit de redonner vie à des claviers de toutes époques et sonorités ; et la quête par Carmen des personnages de son opéra, qu’elle doit réunir pour une grande représentation. Trois jeux de pistes pour aiguiser l’attention à l’écoute et, partant, pour ouvrir à un imaginaire où seules les oreilles peuvent nous conduire.

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petite histoire Quand la radio trompe l’oreille : petite histoire des faux-semblants radiophoniques Épisode 7 : nouvelle vague de créations (années 2000–2010) Quand la fiction fait l’évènement en passant pour le réel : retour, sous forme de feuilleton, sur près d’un siècle de faux-semblants radiophoniques, ces fictions qui se font passer pour le réel. Dans ce septième épisode, nous assistons à l’émergence d’une production indépendante ou sur le web, introduisant de nouvelles pratiques et de nouvelles manières de jouer des catégories de fiction et de documentaire.

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Au début du 21 e siècle, les antennes publiques n’ont pas le monopole de la satire radiophonique, loin s’en faut. Au milieu des années 2000, un Chaos de Noël a ainsi été produit de façon anonyme et mis en ligne, quelques années plus tard, sur un serveur diffusant un choix de ressources autour de la « guerre des classes ». La création portait pour toute indication « fiction radiophonique ». Elle débute par le son parasite d’un balayage de stations radio sur un tuner analogique, un effet qui revient régulièrement pour structurer la narration. haos de oël L’oreille s’arrête bientôt sur la fin du journal de « Fréquence prenait le Paris Info », annonçant un complet « grave incident » à la station contrepied des République, au cours de créations ne laquelle une fillette serait morte. Entre deux présentant les informations sur le puçage des foules que SDF ou les astuces pour comme des trouver des cadeaux de Noël à masses la dernière minute, l’antenne irraisonnées et annonce que des fraudeurs tentant d’échapper aux entendait leur contrôleurs sont à l’origine de rendre justice bousculade qui a projeté médiatiquement la Naïma sur les rails. Mais il s’avère rapidement, enregistrement vidéo à l’appui, que le responsable de la mort de Naïma n’est autre qu’un contrôleur. La situation évolue de flash en flash : manifestations, libération des animaux du Jardin des plantes, émeutes, morts, panique générale, état de siège. De nombreux formats journalistiques sont employés pour construire cette gradation de façon réaliste : jingles sensationnels à souhait, déclarations politiques, reportages sur les lieux de pillage, plateaux radio avec intervention d’auditrices et auditeurs par téléphone, retransmission

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petite histoire

d’homélie, revue de presse internationale sur cette révolution à Paris, vraie archive de la voix de Jacques Chirac, entretiens avec Bernard-Henri Glucksielkraut (synthèse des « Nouveaux philosophes » Bernard-Henri Lévy, André Glucksmann et Alain Finkielkraut) qui délivre ses sophismes avec théâtralité. La construction se rapproche des premiers faux-semblants, La Guerre des mondes ou Plateforme 70, avec une évolution dramatique rapide et spectaculaire1, mais l’intention diffère. La création étant auto-produite et diffusée sur des radios libres, il ne s’agissait pas pour elle de bousculer les formats et les habitudes d’écoute d’une grosse antenne, et encore moins de proposer un divertissement éclairé. Elle visait à porter une critique radicale des médias et des élites, faisant appel à de jeunes journalistes fraîchement sorti·es de leur école pour jouer (bénévolement) le rôle des faux2. Surtout elle proposait une fiction mettant en scène non seulement la force de l’émeute, mais sa légitimité. En cela, elle prenait le complet contrepied des créations ne présentant les foules que comme des masses irraisonnées, et entendait leur rendre justice médiatiquement. Longtemps simples objets d’un récit dominant, les révolutionnaires surgissent in fine physiquement dans la narration, répondant par leurs seuls gestes à ce flux de paroles qui les écrase. Les studios de Fréquence Paris Info sont pris d’assaut sous les cris de protestation du présentateur, et l’antenne est coupée. Bien moins secrète mais toute aussi engagée, Megacombi, une émission de la radio associative lyonnaise Radio Canut s’est fait une spécialité de la critique des médias par la satire. Depuis sa fondation en 2008, ce « radiozine » hebdomadaire la manie de multiples façons, dans un 1. Voir les épisodes 2 et 3 de ce feuilleton, paru dans Les carnets de Syntone n°5 et 6, et en ligne sur http://syntone.fr/dossiers/faux-semblants/. 2. Entretien le 6 mai 2017 avec Thomas Baumgartner, ancien producteur à France Culture et actuel rédacteur en chef de Radio Nova, qui a pris part à la création comme acteur.

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objectif de critique sociale : parodie de journalistes des antennes publiques (Isabelle Giordano, Éric Lange…) et d’émissions connues (rebaptisées en Le téléphone vibre ou Le jeu des mille boules) ; journal grotesque mimant le ton et la vacuité des vrais ; reportages fictifs (visite guidée du musée d’art contemporain de Lyon avec un professeur délivrant des analyses abracadabrantes des œuvres) ; fausses publicités ; vrais micro-trottoirs détournés en modifiant l’amorce lors de la diffusion (les personnes qui avaient donné leur avis sur l’immigration semblant par exemple répondre à une question sur une invasion extraterrestre3) ; relais de la campagne présidentielle d’un candidat imaginaire, Michel GalloBourrain4… 3. « Les extraterrestres », Megacombi, Radio Canut, 27 octobre 2016, http:// audioblog.arteradio.com/post/3073718/avec_les_extra-terrestres/ (vu le 08/02/2017). er 4. « Sale temps », Megacombi, Radio Canut, 1 février 2017, http://audioblog. arteradio.com/post/3076067/sale_temps/ (vu le 08/02/2017).

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petite histoire

En septembre 2015, l’équipe consacre une émission spéciale à la mort de Jacques Chirac, en présentant la fausse nouvelle comme un scoop de Radio Canut et en faisant participer e mélange de divers intervenant·es, certain·es productions conscient·es du caractère parodiques et non satirique de l’émission, d’autres non. Une heure parodiques durant, se succèdent plateau en entraîne parfois ébullition avec une certaine « droitologue » et un « chiraquien confusion même de la première heure », jingles spécialement réalisés pour chez les l’évènement, micro-trottoirs auditrices et pour cueillir les premières auditeurs réactions dans les rues de Lyon aguerri·es de ou de Paris, appel au Parti egacombi Communiste du Rhône pour avoir la primeur de son communiqué de presse, entretien avec un fan (complice) de l’ancien président, ou encore chanson en direct d’un (faux) Renaud faisant son grand retour sur la scène musicale à l’occasion de ce décès. Le mélange, au sein de la plupart des éditions de Megacombi, de productions parodiques et non parodiques (créations poétiques, court-métrages sonores, fictions, journal de voyage…) entraîne parfois certaine confusion, même chez les auditrices et auditeurs aguerri·es de l’émission. Un reportage on ne peut plus authentique, lors de la Cop 21, dans une galerie de grandes entreprises soucieuses de leur image écologique5, a ainsi parfois été perçu comme un sketch6. Tout en prenant garde à ne pas cultiver l’entre-soi, l’émission s’appuie sur une écoute

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5. « Cop 21 is bastard », Megacombi, Radio Canut, 10 décembre 2015, http:// audioblog.arteradio.com/post/3067921/cop_21_is_bastard/ (vu le 08/02/2017). 6. Entretien avec Olivier Minot, l’un des producteurs de l’émission, le 8 février 2017.

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exigeante et critique de la part du public, qu’elle contribue à construire : « Je pense qu’un des gros problèmes de la radio aujourd’hui c’est de prendre les auditeurs pour des cons, alors que l’auditeur est très capable de déceler un second degré, une moquerie, de faire la part des choses et ne pas gober tout ce qu’on lui balance7. » Pari similaire du côté d’Arte Radio. La plateforme numérique n’est pas contrainte par une grille établie d’avance ni par des formats attendus, et le public passe nécessairement par la page descriptive de la création avant de pouvoir l’écouter – autant d’éléments qui pourraient brider ertaines scènes l’émergence de fauxsemblants. Si les genres de onheur sur restent le plus souvent la ville sont identifiables, relevant de facilement la fiction ou du repérables comme documentaire, de des sketchs un l’entretien ou de la chronique mise en taxi très courtois ondes, Arte Radio une promeneuse compose néanmoins ses ravie du ciel gris descriptifs sur un ton ironique, allusif ou décalé, de façon à ne pas orienter immédiatement l’écoute. Elle parvient ainsi en diverses occasions à tromper les oreilles de son public. En 2008, dans Police Secours, Mariannick Bellot donne ainsi à entendre une intervention policière lors d’une virulente dispute conjugale, dont on saisit seulement à la toute fin, lors du bilan policier, qu’il s’agissait d’un exercice.

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Dans la série Super écolo produite en 2015 par Charles Trahan, cinq reportages sur des initiatives écologiques citoyennes donnent quant à eux toutes les apparences de l’authenticité, 7. Propos d’Olivier Minot in Juliette Volcler, « “On est tous en chantier de quelque chose” – Conversation avec MégaCombi », Syntone, 22 novembre 2013, http:// syntone.fr/on-est-tous-en-chantier-de-quelque-chose-entretien-avec-megacombi/

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quoiqu’ils soient joués par des actrices et des acteurs et classés par Arte Radio comme « fiction ». Un an plus tôt, Charles Trahan avait mené le même exercice dans une pièce unitaire affichée dans la catégorie « documentaire » mais qualifiée de « documenteur » dans sa présentation, Bonheur sur la ville. Il s’agissait pour lui de répondre sous forme d’enquête sarcastique à l’une des thèses complotistes en vogue, à savoir l’utilisation des avions pour administrer des anti-dépresseurs par voie aérienne aux Parisien·nes. Si certaines scènes sont facilement repérables comme des sketchs (notamment celles prenant le contrepied de clichés : un taxi très courtois, une promeneuse ravie du ciel gris…), les entretiens qui parsèment la pièce ont un statut moins évident (véritables conspirationnistes ou comédien·nes ?). Tout aussi ambivalent dans le rapport entre imaginaire et réel, mais de façon très différente : Crackopolis, où Jeanne Robet propose un récit en quinze épisodes porté par la seule voix d’un certain « Charles », ancien usager de crack, qui évoque les coulisses de sa consommation à Paris. L’usage du pseudonyme, la qualité littéraire de la narration, ce qu’elle dévoile de l’usage d’une drogue dure, la musique de David Neeman qui répond à la voix de « Charles », tout cela place l’écoute en suspension et laisse le public dans un état d’indécision quant au caractère fictionnel ou avéré du récit. Une fois n’est pas coutume, le script est mis à disposition des auditrices et auditeurs en pdf, une pratique rare pour une série classée comme « documentaire ». L’ambiguité ne sera véritablement levée qu’à l’occasion de séances publiques ou d’articles sur la série, « Charles » intervenant parfois lui-même pour répondre aux questions soulevées par son témoignage. Le parti pris littéraire vient ici extraire son monologue du champ de la sociologie ou de la santé publique pour restituer

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toute la charge symbolique et romanesque véhiculée par l’usage des drogues. Authenticité des faits s’entremêle de façon indissociable avec authenticité de l’imaginaire. Pour finir, le studio d’arts sonores Tarabust a savamment tissé fiction, field recording, performance et documentaire, pour donner corps sonore à un univers imaginaire. Depuis 2015, le projet Phonophore s’articule autour d’un livre en cours d’écriture de l’écrivain Alain Damasio. Ce dernier et les e matériau artisan·es du son Floriane présenté aux Pochon, Tony Regnauld, Cédric Chéty et Clément Baudet ont auditrices et ainsi donné vie à un Centre de auditeurs de Recherches Furtives (qui n’est honophore pas sans rappeler les institutions fictives de Gregory Whitehead8), est tout au sein duquel sont étudiés des entier pétri de êtres « faits de chair et de sons », les réel mais il « furtifs »9. Une vingtaine de remixe ce réel fragments sonores de longueurs dans un sens à et de formes variées documentent pour l’instant leurs proprement biotopes, leurs langages ou leur parler inouï physiologie, à travers des interventions d’expert, des prises de son commentées sur le terrain ou des études de cas. Le cadre fictionnel n’est jamais explicite, seul l’objet des recherches le dévoile. Autrement, tout dans l’écriture comme dans la réalisation revendique une approche scientifique : tonalité des prises de parole, développement d’une terminologie spécifique, choix de narration par les détails et, last but not least, méticuleux travail de design sonore. Le

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8. Voir l’épisode 5 de ce feuilleton, paru dans Les carnets de Syntone n°8 et en ligne sur http://syntone.fr/dossiers/faux-semblants. 9. Dossier de présentation de Phonophore http://tarabust.com/media/phonophore. pdf (vu le 09/05/2017).

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matériau présenté aux auditrices et auditeurs est tout entier pétri de réel, mais il remixe ce réel dans un sens à proprement parler inouï, à l’instar de l’étude acoustique d’un furtif, « qui se loge dans l’épaisseur des vitres et des objets en verre et parie sur l’immobilité », dont la « captation a pu être ralentie un peu plus de 145 fois pour que la métamorphose puisse être perceptible à l’oreille humaine »10. Phonophore fait ainsi passer le public au cœur de la fabrique des sons et constitue de facto un riche corpus de sonorités nouvelles et d’analyses de ces sonorités. La démarche de prospective se trouve parfois revendiquée de façon explicite, comme dans le fragment « Duplicity : Ville Pervasive », où Tarabust imagine l’urbanisme sonore du futur proche, avec publicités audio personnalisées et signalétique sonore omniprésente. Au-delà de la dystopie, le projet examine par de nouveaux moyens des expériences intimes, d’ordre psychologique, spirituel ou affectif. Le public se doute que cet univers et les entités qui l’habitent relèvent de l’imaginaire, mais cet imaginaire fait écho à des émotions ou impressions vécues, demeurées jusque là inconscientes ou informulées : après une diffusion, raconte Floriane Pochon, « une femme était venue nous voir pour nous remercier d’avoir mis un nom sur ce qu’elle sentait / percevait depuis très longtemps »11. Le faux-semblant devient un outil pour approcher, restituer, penser et prolonger la complexité du réel – et pour ouvrir vers un nouvel imaginaire du son. À suivre…

10. Descriptif du furtif Rever http://www.phonophore.fr/work/rever/ (vu le 09/05/2017). 11. E-mail de Floriane Pochon à l’autrice le 9 mai 2017.

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Le « petit lexique récréatif de la création sonore et radiophonique » est un dictionnaire mi-sérieux mi-loufoque, mi-technique miartistique, mi-poétique mi-scientifique, de la création mi-sonore mi-radiophonique... Retrouvez les autres définitions sur notre site. Conducteur : garde-fou radiophonique. Grille peaufinée à la seconde près ou griffonnage hâtif de grandes parties, cette feuille de papier liste le déroulé prévu d’une émission en direct ou dans les conditions du direct. Comme tous les plans, il se voit régulièrement réaménagé par de multiples imprévus. Synonyme : chemin de fer. Antonyme : improvisation (sauf soigneusement minutée). Habillage : parure radiophonique. Lors d’une émission parlée, ce sont tous les éléments, généralement enregistrés et souvent brefs, qui la rythment et lui donnent son style spécifique. Jingles, virgules, musiques, tapis, archives, sous forme de création sonore dans les cas les plus inventifs et d’autopromotion dans les plus insipides. Synonyme : enluminure ou packaging, c’est selon. Antonyme : parlotte.

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Tapis : décor pour voix. Musique basculée en arrière-plan ou ambiance choisie pour chatouiller l’oreille, le tapis apparaît et disparaît en toute discrétion, le temps d’accompagner une prise de parole. Sur certaines stations commerciales, il reste néanmoins difficile de déterminer qui, de la voix ou de la musique, est le tapis de l’autre. Synonyme : fond. Antonyme : premier plan.

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ans les oreilles de Fañch Langoët

Faut-il encore présenter Radio Fañch ? Auditeur exalté, vigie des ondes publiques, gardien du phare des « grandes heures de la radio », l’auteur de ce blog incontournable, Fañch Langoët, est aussi souvent que possible à prendre le pouls de la Maison ronde (comme lors de la grande grève de 2015) ou simplement à l’écoute – à l’écoute critique des programmes radiophoniques, à l’écoute bienveillante des gens du métier. Mais on sait moins que Fañch est également un artiste de la lettre et du mot. C’est en sa qualité d’écriveur-graphiste que nous l’avons invité à se saisir de notre rubrique Dans les oreilles de …, terrain de jeu graphique autour du son et de l’écoute. Tournez votre revue dans le sens paysage pour une petite tournée dans le paysage radio

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Fañch Langoët.

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Étudier la radio expérimentale au Bauhaus de Weimar Située dans la région de la Thuringe au centre de l’Allemagne, Weimar participe depuis plus de cent cinquante ans au rayonnement institutionnel des disciplines artistiques grâce à son école des Beaux-Arts. C’est la fusion de celle-ci et d’une école de l’artisanat qui permit en 1919 la fondation de l’Université Bauhaus Weimar, alors même que le mouvement artistique du Bauhaus prenait forme. Malgré les instabilités et dictatures politiques du siècle passé, l’université n’a rien perdu de sa réputation et n’a eu de cesse de se renouveler, jusqu’à créer à la fin des années 1990, une chaire de radio expérimentale. Reportage.

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Il n’existe aucune différence essentielle entre l’artiste et l’artisan.1 Fidèle aux préceptes du Bauhaus, l’université éponyme regroupe les disciplines chères à Walter Gropius, fondateur de ce courant artistique de l’entre-deux-guerres2. Ce sont ainsi une quarantaine de cursus universitaires, répartis entre architecture et urbanisme, ingénierie, médias, arts et design. C’est à cette dernière catégorie, concernant un millier d’étudiant·es inscrit·es, qu’est rattachée l’unique chaire de radio expérimentale d’Allemagne (et peut-être du monde), dirigée par Nathalie Singer : « Il est vrai qu’à l’origine du Bauhaus, la radio et l’art sonore ne font pas partie du mouvement. Mais avec l’avancée de la technique et le développement des médias, l’idée d’ouvrir une chaire s’y consacrant prenait tout son sens. » Après des études à Berlin et Paris en musicologie, communication et psychologie, Nathalie Singer peaufine son parcours au GRM (Groupe de Recherches Musicales) en composition et musique électroacoustique ; elle réalise depuis 1995 des fictions radiophoniques avant de reprendre en 2007 la chaire de radio expérimentale, créée en 1997. « J’ai ouvert cette chaire au Hörspiel3, permettant ainsi de couvrir tous les genres rattachés à la radio. J’ai fait construire un studio professionnel en 2008 puis j’ai participé à la création de plateformes d’archives d’art sonore4. » Dans le prolongement de la tradition interdisciplinaire du Bauhaus et conséquence de sa formation au GRM, Nathalie Singer 1. « Es gibt keinen Wesensunterschied zwischen dem Künstler und dem Handwerker » : citation issue du Manifeste du Bauhaus de Walter Gropius. Consultable aux archives du Bauhaus à Berlin et en ligne à : www.dnk.de/_uploads/ media/186_1919_Bauhaus.pdf 2. Particulièrement connue pour ses réalisations en architecture et en design, mais aussi par ses influences sur la danse, la performance et la photographie, l’école sera fermée en 1933 par le régime nazi. 3. Dans Syntone, lire l’article Du Hörspiel, Philippe Baudouin, mai 2011, http:// syntone.fr/du-horspiel/ 4. Le site Sonosphère, monté avec Phonurgia Nova et la Deutschlandradio Kultur est le résultat d’un de ces projets d’archivage : http://sonosphere.org

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« propose aux étudiants des ponts avec la musique acousmatique grâce à une collaboration avec Robin Minard », artiste et compositeur canadien, titulaire de la chaire de composition électroacoustique à l’université de Bauhaus Weimar. Former sans formater (?) La chaire de radio expérimentale est avant tout un cursus ayant pour objectif de mettre en avant la pratique « comme c’est le cas dans toutes les Fachhochschulen d’Allemagne5 » précise Nathalie Singer : « Mais dans nos cours, nous évoquons aussi les débuts de la radio, les grands théoriciens et acteurs majeurs tels Walter Benjamin, Rudolf Arnheim6 ». Johann est inscrit en première année et suit le cours d’initiation à l’histoire de la radio : « On ne nous livre pas le savoir et la théorie, il faut aller les chercher. L’enseignant nous propose une série de sujets tels que “les différences entre reportage et documentaire” ou “qu’est-ce que l’art radiophonique ?” puis il nous propose d’effectuer des recherches. Je m’intéresse beaucoup à Bertold Brecht, j’ai donc réalisé un exposé sur son influence aux tous débuts de la radio7. »

5. Le terme Fachhochschule renvoie à une école supérieure de sciences appliquées. À titre de comparaison, ce cursus se déroulerait en France dans un Institut Universitaire de Technologie (IUT) ou bien en section de Brevet de Technicien·ne Supérieur·e (BTS). Il est possible d’y mener à terme un Bachelor (BAC+3) ou un Master (BAC+5). 6. Contemporains de la République dite « de Weimar » et de la naissance du Bauhaus, Walter Benjamin, Rudolf Arnheim ou encore Bertold Brecht ont été des pionniers de la pensée critique de la radio. 7. Cf. note précédente.

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« De toute façon nous sommes un cursus interdisciplinaire » insiste Nathalie Singer, « certains étudiants ne s’inscrivent à nos cours que pour quelques semestres8. Ce dont ils ont besoin, c’est de pratique. » La pratique s’acquiert donc le temps d’un Bachelor, suivi ou non d’un Master. Pour ce faire, des modules de mise en pratique sont proposés chaque semestre, afin de s’exercer en organisant des projets concrets. Un de ces projets consiste à la mise en ondes de manuscrits de fiction sonore. Monté dans le cadre d’un partenariat avec le Hörspielsommer de Leipzig 9, situé à environ cent trente kilomètres de Weimar, il a pour fonction de repérer de jeunes autrices/teurs et réalisateurs/trices à travers un concours organisé sur deux ans. Dans un premier temps, les auteurs/trices non-professionnel·les adressent leur manuscrit au festival. Soelve Zinke, qui entrait tout juste en fonction à la commission des concours du Hörspielsommer à l’automne 2014, se souvient : « Nous avons reçus quatre-vingt-dix8. En Allemagne, les études se déroulent en semestres et non pas en années. 9. Dans Syntone, lire le reportage d’Alexandra Baraille, août 2015, sur le festival Hörspielsommer : http://syntone.fr/lete-du-horspiel/

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neuf manuscrits, pour n’en retenir que dix. Pour une première, c’était un succès ». Ensuite, sous l’intitulé Reality check : production de fictions radiophoniques, les étudiant·es et leur enseignant Fabian Kühlein s’attèlent à la réalisation dans le studio de l’université : « Nous essayons de réaliser deux versions du même manuscrit afin d’effectuer une analyse des œuvres produites, comme nous le faisons par ailleurs avec des œuvres classiques et des adaptations connues » précise Nathalie Singer. Enfin, lors de l’édition suivante du festival, deux catégories seront récompensées par le jury : le meilleur texte ainsi que la meilleure réalisation. « Le Hörspielsommer est une plateforme existante dans la région, et qui a l’avantage d’organiser des concours ». À Leipzig, le ton est plus nuancé : « Travailler avec l’université Bauhaus Weimar est doublement intéressant » assure tout d’abord Soelve Zinke, « la chaire de radio expérimentale, en plus d’avoir bonne réputation, fabrique les réalisateurs et artistes de demain ; cette expérience nous permet en outre de nous former indirectement au genre et d’être plus attentif à l’écriture dans nos autres concours. Mais l’équipe de Weimar nous semble parfois inaccessible : beaucoup de démarches nous incombent au final. Quant à l’avenir… Nous venons juste de signer une coopération, précisant noir sur blanc les tâches des uns et des autres ; il y a cependant d’autres écoles d’art en Allemagne avec lesquelles nous pourrions nous associer. » Il n’y a pas d’art professionnel 10 « “Assiste chaque jour à un concert !” : je n’oublierai jamais cette phrase de mon professeur Helga de la Motte-Haber » reprend Nathalie Singer. « J’allais autant que possible à des concerts lors 10. « Denn es gibt keine Kunst von Beruf » : citation issue du Manifeste du Bauhaus de Walter Gropius.

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de mes études à Berlin. Il m’a semblé essentiel que mes étudiants aient cette opportunité, mais Weimar n’est pas vraiment Berlin11.» C’est la raison pour laquelle elle a créé les Radiogespräche, des conversations avec des professionnel·les de la radio. Au fil des années, les étudiant·es ont par exemple pu rencontrer les artistes Colin Black et Alessandro Bosetti, la journaliste Julia Tieke et le producteur Götz Naleppa. « C’est l’occasion pour les étudiants d’être confrontés à la personnalité de l’invité, de tout lui demander, de découvrir de nouveaux horizons professionnels. Et la soirée peut se poursuivre dans un bar ». Pour Konrad Behr, étudiant quarantenaire, tout n’est pas si simple : « Les profs nous incitent à sortir, à prendre le temps 11. Weimar comptait environ soixante-quatre mille habitant·es au recensement de décembre 2015.

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de tester et d’expérimenter, mais de leur temps, les études ne se déroulaient pas de la même façon ! » Depuis l’application définitive de la réforme de Bologne en 2003, les étudiant·es allemand·es sont contraint·es à la pression : « Si on prend trop de temps pour valider nos semestres, on perd nos bourses d’études. Après les cours, on travaille pour gagner notre vie. Tu n’as pas encore obtenu ton Bachelor, que tu penses déjà à ton sujet de Master ». Malgré les difficultés, Konrad met l’accent sur le soutien des « enseignants et professeurs, qui nous encouragent toujours, en nous prêtant du matériel pour des projets artistiques personnels par exemple, et ça nous aide à créer ».

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En plus d’un quotidien déjà chargé, Konrad et quelques étudiants·e œuvrent sur la base du volontariat à la radio universitaire bauhaus.fm. « Nous n’obtenons aucun crédit12 pour faire de la radio » précise-t-il. Située dans les locaux de la chaire de radio expérimentale mais fondée sur une initiative étudiante et financée par celleux-ci, la radio est ouverte à tou·tes les étudiant·es souhaitant s’essayer au medium. Réuni·es dans les combles aménagés du bâtiment universitaire, les huit membres de la rédaction de bauhaus.fm présents ce jour-là préparent leur prochaine émission, tout en définissant les contours de leur radio expérimentale : « C’est tout simplement la liberté. La liberté de créer ce qu’on veut, d’expérimenter ce qu’on n’entend pas ailleurs ». Lara, en première année, se cherche : « Je ne sais pas encore ce que je veux faire après mes études, alors la radio expérimentale me permet de chercher ma voie professionnelle, à travers mes centres d’intérêts ». Grâce à la radio, Corinna espère réintroduire « de l’exigence dans le traitement de l’information qui malheureusement tend à disparaître, même des radios publiques ». Comment produire un objet sonore nouveau quand la théorie n’est pas forcément acquise et qu’on vient d’un milieu formaté ? « C’est là toute la question ! » rétorque Konrad, « il faut du temps pour écouter ce qui se fait ailleurs et prendre du recul par rapport à sa pratique. En tout cas, que tu viennes d’ancienne RDA ou d’Allemagne de l’Ouest, tu n’auras pas la même démarche : à l’Ouest, la radio libre a presque vingt ans d’avance sur nous ». Janine Müller, elle, termine son Bachelor et rappelle qu’en Allemagne, les radios associatives sont exigeantes : « Tu dois remplir un tas de paperasses et suivre des formations avant de démarrer ton projet ; la radio expérimentale, ici, c’est l’autonomie. 12. Les crédits ECTS sont des points permettant aux étudiant·es une reconnaissance de la quantité de travail effectuée dans le cadre de leur cursus.

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On a aboli le poste de rédacteur en chef en 2015 : désormais il n’y a plus de thématique ni de format imposés, tout le monde touche à tout, chacun a ses forces et ses faiblesses, on essaie et on s’entraide ». Voulons, concevons et créons ensemble le nouvel édifice du futur 13 Dans cet esprit touche-à-tout qui est aussi celui du Bauhaus, Janine Müller et Konrad Behr travaillent ensemble après les cours, en-dehors du studio de radio et expérimentent de nouveaux moyens de création et de diffusion. Ces réalisations communes leur donnent l’occasion de s’interroger sur les finalités de leurs actions, ultime nécessité pour avancer dans leurs parcours : l’une de leurs créations, Hello World / 51º 18′ 50“ N, 12º 19′ 20“ O est un happening de huit heures réalisé en carriole aménagée, dans un quartier tombé en désuétude de Leipzig et diffusé en direct sur les ondes de Radio Corax, la radio libre de Halle. Dans cette même ville, un mois plus tard, Konrad Behr participait également au festival Radio Revolten14, réalisant pour la conférence Radio space is the place, un « soundbed », une composition sonore en temps réelle. « Actuellement nous travaillons sur Radiophonic Cultures15, un projet d’exposition dans le cadre d’une coopération interdisciplinaire avec l’université de Bâle, un projet de “big data” 13. « Wollen, erdenken, erschaffen wir gemeinsam den neuen Bau der Zukunft » : citation issue du Manifeste du Bauhaus de Walter Gropius. 14. Lire l’article d’Alexandra Baraille sur le festival Radio Revolten, dans les carnets de Syntone n°8 (décembre 2016) ou en ligne sur http://syntone.fr/ radio-revolten-ou-lart-demettre-en-relation/ 15. Radiophonic Cultures – sonic environnements and archives in hybrid media system : lire un descriptif du projet en anglais : https://forschdb2.unibas.ch/inf2/rm_ projects/object_view.php?r=2645005

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[mégadonnées] dont le but est de créer une “mindmap” [carte mentale} de l’art radiophonique dans un environnement interactif » : Nathalie Singer, désignée en avril 2017 viceprésidente du comité de direction de l’université, ne semble pas être ralentie dans ses projets. Elle et son équipe seront également actives à Berlin du 17 juin au 8 juillet dans le cadre de la Documenta 14. La messe de l’art contemporain s’externalise cette année à Berlin, notamment à travers l’événement SAVVY Funk / Every Time A Ear di Soun : une radio temporaire artistique16. « Pourquoi serons-nous à Berlin alors que la Documenta 14 se déroule à Cassel ou à Athènes, j’aimerais bien le savoir… » : la réunion de rédaction se termine dans les locaux de bauhaus. fm. « On pourrait pas faire un sujet sur les conditions de travail et de précarité des artistes et étudiants qui bossent sur ce gros évènement ? » Les échanges demeurent vifs et, s’il ne fallait pas courir pour assister au prochain cours, ils se poursuivraient. Konrad reste pensif quelques secondes : « Ce qui me motive depuis mes débuts, c’est l’expérimentation. Je demeure persuadé qu’il y aura un jour un espace de diffusion pour l’expérimentation sur les grandes stations ». Le pionnier de la radio allemande, Hans Flesch, n’écrivait-il pas en 1930 : « Au commencement était l’expérience »17 ? À l’aube du Hörspiel augmenté d’images, de « big data » et d’algorithmes, dans l’esprit du Bauhaus tout reste à faire.

16. Sur SAVVY Funk / Every Time A Ear di Soun, lire en anglais : http:// savvy-contemporary.com/index.php/savvyfunk/ 17. Lire cette biographie d’Hans Flesch en allemand http://www.hans-fleschgesellschaft.de/wp-content/uploads/2012/07/SpotsOnFlesch.pdf .Sur Hans Flesch, on peut lire dans Syntone : « J’ai ensorcelé la radio » : aux origines du Hörspiel, Alexandra Baraille, septembre 2016, http://syntone.fr/jai-ensorcele-la-radioaux-origines-du-horspiel/

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couter àé

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son de saison Le son de l’enfance dans l’herbe Dans mon esprit d’audio-naturaliste, l’été est irrésistiblement associé au tissu sonore des insectes : cigales et orthoptères (criquets, sauterelles et grillons) en premier lieu. Les unes cymbalisent (les cigales, qui font vibrer une sorte de membrane appelée « cymbale ») ; les autres stridulent (en frottant deux parties de leurs corps l’une contre l’autre) ou jouent des percussions… Il est bien difficile de s’arrêter sur une espèce en particulier, tant ces musiciens sont nombreux. Je reviendrai d’autres fois sur les cigales, les grillons et les sauterelles. Parlons criquet (caelifère pour les intimes). Il y en a un dont je raffole particulièrement : Arcyptera fusca, l’Arcyptère bariolé. Et ce, pour deux raisons. Tout d’abord, pour le spectre sonore de son chant. Si bon nombre d’insectes émettent des signaux à peine perceptibles pour l’oreille humaine, ce n’est pas le cas de ce magnifique criquet de montagne. Sa stridulation puissante (plus ou moins rapide en fonction de la température ambiante) s’entend de loin et s’adresse même aux oreilles un peu fatiguées ! Ensuite, pour la structure de son chant. Reconnaissable aisément à son aspect « mécanique », elle m’évoque un bruit d’enfance : celui d’une de mes petites voitures à ressort que je devais remonter en produisant plusieurs mouvements vers l’arrière, et qui se propulsait vigoureusement une fois libérée de mon emprise… L’arcyptère bariolé : le son de mes vacances en montagne. Et de l’enfance dans l’herbe. couter àé

https://soundcloud.com/son-de-saison

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œuvre ouverte « J’enregistre » la barbarie À travers le récit du crime homophobe d’Ihsane Jarfi,

Richard Kalisz impose une

expérience d’écoute qui peut déranger jusqu’au rejet.

Un soir d’avril 2012, Ihsane Jarfi, 32 ans, sort de l’Open Bar de Liège et monte à l’arrière d’une voiture. Son corps sera retrouvé deux semaines plus tard dans une prairie boueuse. L’autopsie révélera un écrasement de la cage thoracique avec dix-sept côtes brisées, un écrasement cervical et des traces de coups portés avec acharnement à la tête, au thorax et à l’abdomen. L’agonie du jeune homme a duré entre quarte et six heures. Quatre hommes seront jugés coupables d’assassinat avec des circonstances aggravantes d’homophobie. Richard Kalisz assiste au procès qui va durer un mois. L’auteur de radio est stupéfait par la théâtralisation du tribunal et combien l’acharnement porté au corps d’Ihsane y est mis en scène. Les experts lisent à haute voix, les uns après les autres, de très longs rapports d’autopsie. Les meurtrissures du corps du jeune homme sont scandées la revue de l’écoute ~ n°10

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méthodiquement, froidement, scientifiquement aux juré·es qui doivent statuer sur la gravité des faits. « Le tribunal dessinait peu à peu un tableau de Francis Bacon ou de Rembrandt », raconte Richard Kalisz1. L’idée d’une nouvelle pièce radiophonique germe alors dans l’esprit de l’auteur de radio ; mais non pour dresser un portrait doloriste du jeune homme. Richard Kalisz cherche à raconter combien le corps est le lieu même d’un échange entre l’individu et la société et, ici, le corps meurtri d’un homosexuel par un groupe d’hommes homophobes. Une société où l’acte homophobe et barbare est une permanence dramatique. À l’issue du procès, les experts s’interdisent de parler à Richard Kalisz, comme si la parole intramurée dans l’enceinte du tribunal s’interdisait d’en sortir. Dans un premier temps, le procureur général de Liège lui refuse aussi l’accès aux rapports d’autopsie. « C’est trop tôt », lui oppose-til. Mais trop tôt pour quoi ? Les années passent, d’autres faits divers replacent dans l’actualité l’affaire d’Ihsane. Richard Kalisz n’accèdera aux rapports d’autopsie qu’en 2016. Il rassemble autour de lui des personnes « qui ont une certaine importance dans la cité [Liège, NDLR], comme le cinéaste Luc Dardenne ou l’écrivain Eugène Savitzkaya ». Elles composeront un « chœur de la cité » à la manière grecque. Le père d’Ihsane, Hassan Jarfi, lui accordera une longue interview.

1. Propos recueillis par l’autrice durant le festival Longueur d’ondes, Brest, février 2017.

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Par une phrase sobre, « j’enregistre », le geste de Richard Kalisz est posé dès le début de la pièce quand la voix d’Hassan Jarfi surgit. Comme à son habitude, le micro tendu de Richard Kalisz interpelle : un son rugueux comme marque de fabrique, qui est le contraire d’un effacement et atteste sa présence. Dans les propos d’Hassan, tranquillement posés, c’est bien la possibilité laissée à la société d’engendrer en son sein des crimes homophobes qui est questionnée. Au père, lui, de porter jusqu’au bout le corps de son fils. Un homme musulman, qui raconte son rapport à la religion, qui relate aussi sa compréhension nouvelle de la Shoah. Jusqu’au moment où, la peine étant trop grande, il demande à Richard Kalisz d’arrêter l’interview. Le dispositif d’enregistrement est laissé apparent de bout en bout. Face au récit vertical du père, Richard Kalisz nous emporte parallèlement dans une écoute circulaire des détails les plus infimes des rapports d’autopsie. D’abord difficilement compréhensibles tant le vocabulaire utilisé est abscons et le statut des récitants complexe. Puis petit à petit, elle nous englobe dans une macabre ritournelle scientifique, médicale, factuelle. Nous devenons, peu à peu, le corps roué de coups du jeune homme. Y compris Hassan Jarfi, le père, qui scande lui aussi les rapports d’autopsie au sein du Chœur de la cité. Les régimes de l’écoute radiophonique s’entrechoquent. Pendant un court instant, ce pourrait être un disque rayé, une musique répétitive à laquelle s’abandonner pour souffler un peu ; mais non, un nouveau

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œuvre ouverte

détail sordide vient frapper l’oreille et nous partageons à nouveau les coups, la vision du corps, la mémoire d’Ihsane Jarfi. Richard Kalisz n’épargne rien à l’écoutant·e et l’expérience dérange. Deux moments sont musiqués pour en souligner encore plus la portée dramatique, sans doute un peu trop au regard du récit exposé, dont la lourdeur frise toujours la limite du supportable. Le choix de la musique grandiloquente de Philippe Sarde semble un peu par défaut2. À la posture moraliste d’un devoir de mémoire, Richard Kalisz dit préférer l’expérience « d’un partage de mémoire, d’individu à individu ». Comme le dit Hassan Jarfi dans la pièce radiophonique : « il ne s’agit plus d’une histoire d’Arabes et de Belges », mais bien de la longue histoire de la barbarie. Celle, politique, qui conduit des individus à commettre collectivement des actes abjects ; celle, mythologique, qui conte la permanence de l’horreur dans la société. « Par exemple, quand Médée tue ses enfants, il s’agit aussi d’un fait divers », insiste Richard Kalisz. « Alors, je me suis demandé comment rendre au corps d’Ihsane, sa dimension sacrée et mythique ». La chute du Corps d’Ihsane est sans appel, dévoilant le fil tendu par le chœur grec. Une lecture sobre, par l’auteur, de l’un des plus émouvants passages de l’Iliade d’Homère apporte un épilogue magistral au documentaire : en pleine guerre de Troie, Achille tue Hector et traîne son 2. Il s’agit de la musique du film Le Train de Pierre Granier-Deferre, sorti en 1972. L’intrigue se situe dans les Ardennes en 1940 et raconte la rencontre entre une femme juive et un Français dans un train bombardé.

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corps à l’arrière de son char ; Priam, roi de Troie et père d’Hector, se rend alors au milieu du camp grec pour réclamer le corps de son fils ; il baise les mains de l’assassin qui cède aux supplications de son ennemi ; le corps du fils est rendu au père. « Homère achève ainsi l’Iliade mais pas la guerre de Troie » conclut Richard Kalisz, provisoirement, car la longue histoire de la barbarie n’a pas de fin.

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désannonce C’était la revue de l’Écoute (les carnets de Syntone) n°10, été 2017. Édito, par Étienne Noiseau.

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« Provoquer la parole qu’on n’entend pas » : des propos de Pascale Pascariello recueillis en mai 2017 par Clément Baudet et des dessins originaux signés Émilie Seto. Nos abonné·es recommandent ! Ce sont « les échos de vos écoutes » par Damien Tillard, Bastien Voidey et Marie-Noëlle Battaglia. Pour les petites exploratrices et les musiciens en herbe, c’est le conseil d’écoute aux « petites oreilles » de Juliette Volcler. Juliette Volcler poursuit sa « petite histoire des faux-semblants radiophoiques » : Quand la radio trompe l’oreille. Épisode 7 : nouvelle vague de créations (années 2000-2010). Avec des illustrations issues de la revue Sciences du Monde n°79, août 1970, « Les océans ». De numéro en numéro, on retrouve le petit lexique récréatif de la création sonore et radiophonique, ici signé Juliette Volcler. « Dans les oreilles de Fañch Langoët » : dessinsécritures originales de l’auteur-auditeur-blogueur. Étudier la radio expérimentale au Bauhaus de Weimar, un reportage – texte et photos – d’Alexandra Baraille, réalisé à Weimar en avril-mai 2017.

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Pour ce numéro, le « son de saison » de Marc Namblard, c’est le son de l’enfance dans l’herbe. Réalisé par Richard Kalisz, Le corps d’Ihsane est l’œuvre ouverte par Aline Pénitot sous le titre « J’enregistre » la barbarie. En illustration : Three Studies for Figures at the Base of a Crucifixion (1944), Francis Bacon, Tate Britain, London. Fabriquer et adapter ses câbles audio : une fiche volante à collectionner, conçue et réalisée par pali meursault. Et, au fil du numéro : des dessins de Rosalie Peeters. Coordination générale / Direction de la publication : Étienne Noiseau et Juliette Volcler. Équipe de réalisation : Étienne Noiseau et Rosalie Peeters. Maquette : Anaïs Morin (anaismorin.com). Imprimé en 350 exemplaires à l’imprimerie Autre Page à Prades. Couverture : création de Rosalie Peeters, imprimée en sérigraphie par Antoine Fischer à l’Atelier Sérigrafisch à Riuferrer. La revue de l’Écoute (les carnets de Syntone) est le supplément imprimé trimestriel à Syntone.fr ~ actualité et critique de l’art radiophonique. Elle est éditée par l’association Beau bruit à Prades, Pyrénées-Orientales. Contact : bienvenue@syntone.fr ISSN 2493-4623 Prix au numéro : 8 € Syntone reçoit le soutien de ses lectrices et de ses lecteurs, ainsi que de la Scam. Au quotidien, lisez Syntone.fr !

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Votre abonnement fait qu’on existe ! Je m’abonne à la revue de l’Écoute, les Carnets de Syntone, pour 4 numéros.  France : 30 €  UE / Suisse : 32 €  Monde : 34 €  Institutions, structures pro. (radios, bibliothèques, musées...) : 50 € Je paie par :  chèque à l’ordre de l’association Beau bruit, 30 rue de l’Hospice, 66500 PRADES  virement sur le compte bancaire : association Beau bruit / La Banque Postale IBAN : FR7020041010091187431G03037. BIC : PSSTFRPPMON 

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La Revue des Podcasts, c’est le podcast de Syntone. Une fois par mois environ, nous vous parlons d’un podcast que nous avons repéré sur le web. Pour écouter, rendez-vous sur : syntone.fr ou soundcloud.com/ larevuedespodcasts


pratique ! fiche n°2 : fabriquer et adapter ses câbles audio Niveau : débutant Prix : variable mais moins cher qu’au magasin On ne peut guère imaginer un sujet moins fun et glamour que de souder des câbles, c’est un fait. En revanche, il est indiscutable que les fabriquer soi-même permet des économies substantielles. Lorsque l’on travaille avec une certaine diversité d’outils sonores, on est rapidement amené·e à accumuler autant de câbles spécifiques qu’il y a de besoins particuliers. Il est donc utile de : pouvoir fabriquer ses câbles par économie ; savoir les adapter pour optimiser un dispositif ; ou être capable de les réparer pour mettre moins de résidus pétroliers dans la poubelle verte. Pour cette fiche pratique, nous commencerons par essayer de comprendre un des grands mystères de l’audio analogique : la différence entre les câbles symétriques et asymétriques (en anglais : balanced et unbalanced). Ce préalable permet de reconnaître les liaisons et de les utiliser de manière optimale. Même si l’on comprend empiriquement dans quels cas l’un est préférable à l’autre, il n’est jamais inutile de savoir ce qu’il se passe exactement dans les fils de cuivre. Après la théorie, les travaux pratiques : deux montages simples en guise d’exercices, à réaliser chez soi sans être un·e virtuose du fer à souder. • Un adaptateur universel, bien pratique dans le studio ou sur le terrain, qui permet de brancher n’importe quel connecteur (XLR et Jack) à n’importe quel autre. • Une technique imparable pour réduire la taille des connecteurs XLR. Bien utile pour organiser son « audio bag », elle permet également de rendre les connecteurs pratiquement indestructibles. (voir fiche volante)

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+

-

+

-

Masse

+

=

(ou: 1+-1=0)

Ceci est la figuration d’une de la phase désymétrisation (inversion sur un seul côté...)

Puisque:

Lorsque le signal est dé-symétrisé, les deux modulations s’ajoutent, tandis que les interférences, désormais en oppositions de phases, s’annulent...

En revanche, les micros transmettent généralement des signaux symétriques et peuvent être utilisés sans problème avec de très longs câbles...

En principe les câbles mono asymétriques (Jack mono) sont une absurdité au-delà de 5 mètres, mais il s’en vend pourtant. Pour les grandes distances, on préfèrera quand même les DI box (ou “boitiers de direct”) qui permettent de symétriser les signaux d’instruments, par exemple.

À RETENIR: Les liaisons symétriques servent à faire voyager le son plus loin. On peut brancher des câbles de 100 mètres en symétrique alors que la perte ou l’altération sera audible en asymétrique au bout de quelques mètres.

(les incollables de Syntone)

Ceci est un bruit parasite!

Et voici qu’un parasite électrostatique traverse les câbles et altère le signal. Il est identique et en phase des 2 côtés.

Dans une liaison symétrique, le signal voyage deux fois: une fois en phase et une fois en opposition de phase.

-) Seulement 2 connecteurs (+ & pour un signal mono, comme à .. l’arrière des hauts-parleurs. Ou: 1 connecteur et 1 masse.

Mais comment marchent mes câbles? Voici une liaison asymétrique

Celle-ci est symétrique!

ur des La masse fait blindage auto qu’il faut connecteurs, c’est elle un câble. démêler avant de souder

2 connecteurs + 1 masse, soit 3 fils pour un signal mono.

NOTA: On peut donc utiliser n’importe quel câble symétrique pour transmettre deux signaux asymétriques en stéréo, car la masse peut être commune. Pour cette raison, les Jack mono sont appelés “TS” pour les 2 connecteurs “Tip” (la pointe) et “Sleeve” (la manche); les Jack stéréo sont “TRS”, avec un 3e connecteur “Ring” (l’anneau) entre les deux premiers...


Pensez à tester le signal avant de verser la colle!

Éviter ceux qui ont un pas de vis partie qui ressort de la cas métallique. Dans ce de il est nécessaire e scier ce qui dépass . avant de commencer

Certains modèles de connecteurs sont plus pratiques que d’autres pour réaliser des XLR courts.

Attention: utiliser un câble suffisament fin (mais solide) pour que ça passe (il sera peut-être nécessaire de forcer un peu).

Faire passer le câble, souder puis glisser la e. partie interne en plac

(Utiliser un étau pour bloquer la pièce.)

On commence par percer un trou au bord de la pièce en métal, à l’opposé de la mécanique de verrouillage.

“low-profile XLR”

ATTENTION: Il ne sera plus possible de démonter le connecteur, mais il sera extrêmement solide. Et parfait pour les branchements où les connecteurs risquent d’être écrasés au fond du sac.

Après avoir replacé le câble, isoler les connecte urs et la partie mécanique avec de la patafix®, puis remplir le vide au pistolet à colle ou à l’epoxy à séchage rapide...

XLR raccourci

Adaptateur universel “tout vers tout”

2 3

1

R(”ring”)

S(”sleeve”) T(”tip”)

NOTA: Les connecteurs XLR sont numérotés 1, 2, 3. La masse va toujours en “1”, pour le reste il n’est pas nécessaire de se souvenir où sont le “point chaud” (+) et le “point froid” (-), tant que la même couleur de fil va dans le même numéro.

(Il faut donc choisir un câble assez fin.)

Dans ce montage, chaque connexion est doublée: 2 masses et 2 paires de fil tressés et soudés sur chaque connecteur.

Pour des raisons pratiques, disposer en étoile chaque connecteur en face de son double...

MÉMO La correspondance avec les Jacks “TRS” (stéréo) est la suivante:

Erreur classique: oublier de passer le capuchon avant de souder!

On peut même y ajouter 2 Jack TRS femelle pour un montage encore plus complet...

Cet adaptateur permet de connecter XLR M > XLR F; XLR M > XLR M; XLR F > XLR F; jack TRS > XLR F; jack > XLR M; Jack > jack.




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