ENSA NORMANDIE 2019-2020
mémoire de master
Thomas LASSERRE
LA RECONVERSION DES ÉDIFICES URBAINS DE GRANDE ÉCHELLE DESSINS ET DESSEINS DE NOUVELLES CENTRALITÉS MÉTROPOLITAINES
séminaire : processus de métropolisation et territoires du quotidien
Fig. 1 (Couverture) : Cour du Midi du Grand Hôtel-Dieu de Lyon, Sergio GRAZIA pour AIA Life Designers, 2018. (https://www.aialifedesigners.fr/projet/grand-hotel-dieu/)
Fig. 2: Chantier de reconversion de l’entrepôt Macdonald, Sergio GRAZIA pour SEMAVIP, 2014. (http://www.sergiograzia.fr/fr/entrepots-mac-donalds/)
« Architecturer les grandes dimensions ce n’est pas inventer ex nihilo. Architecturer c’est transformer, organiser les mutations de ce qui est déjà là. Architecturer c’est favoriser la sédimentation des lieux qui ont tendance à s’inventer eux-mêmes, c’est révéler, orienter, c’est prolonger l’histoire vécue et ses traces de vies précédentes, c’est être attentif à la respiration d’un lieu vivant, à ses pulsations, c’est interpréter ses rythmes pour inventer. L’architecture doit être considérée comme un continuum physique, atomique, biologique.» Jean NOUVEL, Le manifeste de Louisiana, Copenhague, Louisiana Museum of Modern Art, 2008
SOMMAIRE INTRODUCTION
5-10
Quelles formes architecturales et urbaines pour ces nouvelles centralités métropolitaines?
p. 5
L’ÉDIFICE FAIT VILLE
12-21
1. De trois opérations singulières à la possibilité d’un modèle
p. 12
2. L’ouverture morphologique d’ensembles fermés sur l’espace public
p. 14
3. La transformation de grands bâtiments monofonctionnels en centralités complexes
p. 19
CENTRALITÉ ET DIVERSITÉ À L’ÉPREUVE DE LA RECONSTRUCTION DE LA VILLE SUR ELLE-MÊME
22-34
1. Vers une intensification de la ville
p. 22
2. Des sites stratégiques à l’origine de jeux d’acteurs complexes
p. 28
CONCLUSION
35-36
BIBLIOGRAPHIE
37-39
LISTE DES FIGURES
40-41
3
INTRODUCTION
Depuis la seconde moitié du XXème siècle, un phénomène d’obsolescence des grands équipements et infrastructures des villes françaises se manifeste à travers l’accélération de leurs cycles de vie (entrepôts, usines, hôtel-Dieu…). Cette situation s’explique par deux facteurs principaux : en premier lieu la désindustrialisation, marque les territoires par la disparition progressive des activités industrielles sous les coups de la délocalisation de la production et de l’externalisation de certaines fonctions, qui passent alors dans le secteur tertiaire¹, et en second lieu, la métropolisation qui engendre un mouvement de concentration de populations, d’activités, de valeurs dans des ensembles urbains de grande taille2, entraînant une augmentation du niveau et des formes de partage de la rente foncière.
: «Désindustrialisation», Géoconfluences, (http://geoconfluences. ens-lyon.fr/glossaire/ desindustrialisation), consulté le 07/08/2019 1
: «Métropolisation», Géoconfluences, (http://geoconfluences. ens-lyon.fr/glossaire/ metropolisation), consulté le 07/08/2019 2
Les enjeux liés au développement durable, à la densification urbaine et à la conservation du patrimoine, très présents depuis le début des années 2000, amplifient davantage ce phénomène. Les collectivités qui détiennent sur leur territoire de grandes emprises foncières non affectées sont amenées à chercher des solutions programmatiques, techniques et juridiques pour réinvestir ces sites et les intégrer aux dynamiques urbaines actuelles. Quelles sont les caractéristiques et les propriétés de ces sites ? Quels devenirs pour les grands édifices qui les occupent, désormais en gestation ? Répondre à ces interrogations implique de questionner leur empreinte sociale et spatiale dans la transformation des tissus urbains ? Objets de reconversion, ces « fragments » suscitent de plus en plus l’intérêt des investisseurs extraterritoriaux et participent au renouvellement du projet architectural et urbain. En effet, de par leur valeur (prix du foncier, qualité patrimoniale, signification sociale, capacité d’usage, emplacement stratégique…), ces sites présentent, au-delà du défi technique et programmatique, une formidable opportunité de développement et de rayonnement économique et culturel pour les villes et permettent, à travers leurs mutations, d’entrevoir de manière probante les mécanismes à l’œuvre dans la fabrication contemporaine de l’urbain. Quant à leur emprise territoriale, conséquente, qui convoque à la fois l’échelle du quartier et de l’édifice, il est force de constater son effet sur la démarche de projet. Cette dernière paraît renouvelée en termes d’ampleur territoriale et de complexité d’acteurs, mais surtout innovante pour ce qui est de la définition des principes d’organisation spatiale. En quoi la reconversion des édifices «de grande échelle » témoigne d’une nouvelle manière de structurer l’espace intra-urbain au regard des stratégies métropolitaines ? Il s’agit de comprendre les nouveaux modes d’articulation entre les échelles territoriale et architecturale qui, selon nous, se jouent désormais au niveau même de ces édifices. De quelle manière leur forme s’en voit impactée ? En quoi leur relation au tissu environnant s’en voit modifiée ? L’hypothèse que l’on pose consiste dès lors dans l’émergence d’un modèle d’organisation spatial ou d’un mode de reconversion spécifique qui tout en 5
: Philippe BOUDON, « «Échelle» en architecture et au-delà. Mesurer l’espace ; dépasser le modèle géométrique », Les Annales de la recherche urbaine, N°82, 1999, Les échelles de la ville, pp. 5-13 3
: Ibid.
4
: Mathieu MERCURIALI, Concevoir à grande échelle, Paris, Éditions B42, 2018, p. 20 5
: Philippe BOUDON, De l’architecture à l’épistémologie, la question de l’échelle, Paris, Presses Universitaires de France, 1991, p. 187 6
annihilant les différentes trajectoires de transformation de ces édifices, permet de réaffirmer leur rôle inter-territorial. Pour répondre à ces questions, nous nous intéresserons aux projets de reconversion d’édifices urbains «de grande échelle » en France depuis les années 1970, période profondément marquée par la désindustrialisation et l’apparition des phénomènes de métropolisation. Notre attention se portera plus particulièrement sur la supposée permutation d’échelle de conception du projet tant dans son dessin, entendu comme l’apparence et la disposition de ses aspects morphologiques (formes, programmes...) que dans son dessein, c’est-à-dire les intentions qui animent le projet et sa réalisation (modes opératoires, postures politiques et aménagistes...). Aborder la question de la « grande échelle » nécessite de s’intéresser d’abord à la notion d’échelle. Celle-ci, en particulier dans le domaine de l’architecture, fait l’objet de plusieurs débats sur sa définition. En 1999 dans le cadre d’une étude sur les échelles de la ville, Philippe Boudon publie un article intitulé « Échelle » en architecture et au-delà. Mesurer l’espace : dépasser le modèle géométrique dans lequel il distingue deux acceptions de la notion3. La première géométrique, définit l’échelle comme la règle d’augmentation ou de réduction d’un modèle caractérisé dans son unicité. Elle se rapporte donc à sa capacité à changer de dimensions tout en conservant ses proportions, suivant les principes du théorème de Thalès. Mais cette définition, purement mathématique, répond mal à la réalité architecturale dont le changement de dimensions modifie aussi la perception. La seconde « architecturologique », considère l’échelle comme la pertinence de la mesure choisie selon le niveau de perception. Elle implique une multiplicité de points de vue portés sur l’espace, définis comme « autant de pertinences de la mesure »4. La compréhension de l’objet architectural passe alors par la décomposition et l’analyse de ces multiple échelles, qui se croisent et se superposent. Entendue comme l’outil de mesure d’un objet par comparaison entre ses différents niveaux de connaissance, selon cette deuxième acception, l’échelle architecturologique introduit un rapport, une relation entre plusieurs éléments liés les uns aux autres. Rapportée au domaine de l’architecture, cette définition rappelle que la notion d’échelle d’un édifice est toujours contextualisée, comme le soulève Mathieu Mercuriali dans son ouvrage Concevoir à grande échelle : « Le facteur d’échelle ne définit pas uniquement une dimension de bâtiment, mais aussi une variation de complexité liée aux relations et contraintes que le projet produit sur son contexte »5. La notion d’échelle engendre aussi un autre genre de complexité, interne à l’édifice cette fois-ci : les relations entre le tout et la partie. Elles sont décrites par Philippe Boudon comme « toutes sortes de liaisons de l’ordre de la dépendance entre les dimensions et des valeurs qui y sont attachées par le concepteur […] constituant l’objet architectural finalement conçu en système »6. Si dans la plupart des cas, il est aisé d’appréhender un projet réalisé par ses composantes, au-delà d’une certaine taille sa décomposition spatiale et programmatique à but analytique perdent de leur intérêt car il s’apparente à une interface complexe, produite en plusieurs étapes : à la fois une infrastructure et une superstructure. Le projet est
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donc conçu pour résoudre des problématiques urbaines particulières et pour devenir le support de nouveaux cadres de vie. On parlera à partir de ce moment, et dans ce cas de figure, d’édifice de grande échelle.7 La littérature scientifique sur le sujet est importante et de nombreux modèles typomorphologiques ont été théorisés avec comme premier critère d’appréciation la complexité pour les Mégastructures8 (Banham, 1976), la multifonctionnalité pour les Hybrides9 (Holl, Fenton, 1985) ou la taille pour la Bigness10 (Koolhaas, 2008). Cependant la transformation de ces édifices depuis leur réalisation, face aux problèmes de leur durée de vie, de leur adaptabilité, ainsi que les modes de leur réintégration dans les dynamiques territoriales font jusque-là l’objet de peu de recherches. En France la considération du public pour la reconversion de bâtiments est un phénomène récent. Elle se développe avec la fermeture d’usines et la recrudescence des friches industrielles. Une prise de conscience quant à l’importance de ces héritages émerge dans les années 1980, lorsque l’État inscrit la question de la désindustrialisation et de ses répercussions économiques, sociales et spatiales au cœur de la politique d’aménagement du territoire.11 Les usines Le Blan à Lille et Blin & Blin à Elbeuf sont les premières à faire l’objet d’une reconversion dans le pays. Les deux opérations sont réalisées par l’agence d’architecture Reichen et Robert et pilotées par un office public HLM, respectivement en 1977 et 1979 ; ils engagent l’élaboration de programmes mixtes associant logements, équipements publics et commerces. La qualité de ces projets pionniers fait figure d’exemple en illustrant le potentiel qu’elles offrent pour les collectivités. Emmanuelle Real en procédant de l’analyse de cette architecture industrielle réinventée définit la reconversion par dissemblance avec la réutilisation au regard de son intentionnalité et de la mise en œuvre qu’elle implique. La reconversion renvoie à « la volonté consciente et raisonnée de conserver un édifice dont la valeur patrimoniale est reconnue tout en lui redonnant une valeur d’usage qu’il a perdue. Contrairement à la réutilisation, le changement d’usage qui s’opère lors d’une reconversion nécessite l’adaptation du bâti à ce nouvel usage, mais ces transformations s’effectuent dans le respect de l’esprit du lieu et en conservant la mémoire de la fonction originelle. En cela, la reconversion constitue une véritable démarche de préservation du patrimoine et l’évolution naturelle de tout édifice. »12 L’histoire de la pratique de reconversion en France qu’elle propose démontre l’importance de la typologie des bâtiments par rapport à la démarche engagée. Souvent singulière, cette pratique met le focus sur les potentiels atouts et contraintes de projet ainsi que sur les différentes attitudes architecturales face à l’existant. L’inventaire factuel des conditions de reconversion qui en résulte, selon un regard principalement patrimonial, pose les bases d’une analyse sur le devenir de l’architecture industrielle délaissée.
: Mathieu MERCURIALI, Concevoir à grande échelle, op. cit., p 22 7
: Reyner BANHAM, Megastructure: Urban Futures of the Recent Past, New York, Harper & Row, 1976 8
: Joseph FENTON, Steven HOLL, Pamphlet Architecture 11: Hybrid Buildings, New York, Princeton Architectural Press, 1985 9
: Rem KOOLHAAS, «Bigness, ou le problème de la grande taille», Criticat, n°1, janvier 2008, p 54-63 (traduit de l’anglais par Françoise Fromonot) 10
: Emmanuelle REAL, «Reconversions. L’architecture industrielle réinventée», In Situ [en ligne], n°26, 2015, (http://journals. openedition.org/ insitu/11745), consulté le 03/04/2020 11
: Id., p 13
12
: Émilie PASCAL, Julien KOSTRZEWA, « Patrimoine de la santé : vers une méthode de reconversion pour des sites historiques d’envergure urbaine », In Situ [En ligne], n°31, 2017, (http://journals. openedition.org/ insitu/14469), consulté le 03/04/2020 13
Émilie Pascal et Julien Kostrzewa continuent ce travail en s’intéressant spécifiquement à la reconversion du patrimoine de la santé en et cherchant à établir une méthode de reconversion pour ces sites historiques d’envergure urbaine13. Leur analyse de différentes opérations françaises permet de dégager certains principes hiérarchiques 7
: Antoine GRUMBACH, La ville sur la ville, Projet Urbain, Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, 1998 14
: Oswald Mathias UNGERS, Rem KOOLHAAS, La ville dans la ville, Basel, Lars Müller Publishers, 2013 (première publication en 1977) 15
: Antoine GRUMBACH, La ville sur la ville, op. cit., p 6 16
: « Shrinking city », Géoconfluences, (http://geoconfluences. ens-lyon.fr/glossaire/ shrinking-city), consulté le 05/04/2020 17
: Pierre CHABARD, « Florian Hertweck et Sébastien Marot (dir.), La ville dans la ville/ Berlin : un archipel vert. Un manifeste (1977) d’Oswald Mathias Ungers et Rem Koolhaas avec Peter Riemann, Hans Kollhoff et Arthur Ovaska », Les Cahiers de la recherche architecturale et urbaine [En ligne], n°29, 2014, (http://journals. openedition.org/ crau/456), consulté le 05/04/2020 18
(morphologiques, programmatiques, etc.) et de distinguer en les appliquant, trois cas de figure : 1) les reconversions d’hôpitaux en quartiers de vie dont la programmation concentre tous les usages de la ville du quotidien ; 2) les projets emblématiques de territoire pour lesquels l’implantation d’usages d’exception leur permet de s’affirmer comme des lieux porteurs d’image et de rayonnement pour leur territoire, et 3) les reconversions à vocation culturelle et patrimoniale qui s’appuient sur des dispositifs culturels et artistiques pour perpétuer la mémoire du lieu grâce à un projet contemporain. Riches d’exemples et de sources historiques, ces travaux sur la reconversion d’édifices de grande échelle permettent de situer historiquement et typologiquement les projets abordés. La reconversion y est étudiée comme méthode de transformation d’un patrimoine dont les caractéristiques physiques et programmatiques, au même titre que la démarche ou les configurations sont saisies dans leur exemplarité : la logique descriptive privilégiée se pose en obstacle à la mise en parallèle ou en comparaison. Il apparaît pourtant pertinent de questionner les effets de ces opérations sur l’organisation spatiale et fonctionnelle des édifices et sur tissu urbain, tout comme le discours des différents acteurs des projets en ce qu’il permet de comprendre des intentions qui animent la pensée urbaine contemporaine. L’intérêt d’une démarche comparative est d’autant plus important que la reconversion de ces édifices renvoi à un contexte d’évolution de la ville spécifique, marqué par le croisement des théories de « la ville sur la ville »14 développé par Antoine Grumbach en 1978, et de celle de « la ville dans la ville »15 développé par Oswald Mathias Ungers et Rem Koolhaas en 1977. La première considère la ville comme structure sédimentaire, née de la superposition de strates historiques. Construire « la ville sur la ville » revient à perpétuer le processus existant de renouvellement urbain, en s’appuyant sur la permanence de l’espace public et la mutabilité du foncier. Les édifices de « grande échelle » comme définit précédemment sont dans ce cas de figure des « pièces urbaines » dépassées : « En excluant de la question foncière la possibilité de substitution on a figé une forme urbaine obsolète. […] Par essence l’espace public est archaïque et trouve dans ses dispositifs le moyen d’inscrire la permanence de l’idéal démocratique. Un espace sur dalle, un objet technique complexe, ne peuvent pas remplir ce rôle. Parce que l’objet technique est par essence obsolète : au bout d’un certain temps, il ne fonctionne plus. »16 La seconde, soutenue par Ungers et Koolhaas en revanche, imagine à l’exemple de leur projet manifeste pour Berlin la ville comme un archipel, constituée d’une multitude d’îlots qui contiendraient chacun la densité et la diversité d’une ville. La ville est alors vue plutôt comme un réseau de centralités dont les limites sont infiniment extensibles. Les deux architectes considèrent la ville comme structure polycentrique dont le développement est relatif aux phénomènes d’accroissement ou de rétrécissement urbain (shrinking cities). Les villes industrielles américaines et allemandes en sont les premières à être touchées17. Dans ce manifeste critique envers la doctrine urbanistique dominante à l’époque de « reconstruction de la ville européenne » qui prône une homogénéité continue du tissu urbain dense, des auteurs proposent de planifier non pas le développement de la ville, mais sa décroissance en utilisant la figure de l’archipel comme principe d’unité spatiale dans la diversité morphologique.18
8
La reconversion des édifices « de grande échelle » en nouvelles centralités, entendues ici comme la capacité d’action d’un élément central sur sa périphérie en termes de desserte, de services, d’attractivité, et d’une manière générale, de polarisation19, est donc à l’origine de grandes mutations morphologiques, fonctionnelles et symboliques des tissus urbains en métropolitains. Dans ce sens, il nous paraît nécessaire de dépasser le clivage réducteur entre analyse morphologique et rhétorique de ces projets, très présent dans l’état de la recherche en architecture. L’adéquation entre le dessin et le sens de la forme est inhérente aux intentions de ses concepteurs ; elle ne peut être étudiée qu’en les considérant d’un même trait. Prenant appui sur ces critiques, nous souhaitons démontrer que la reconversion d’édifices urbains «de grande échelle » recompose fonctionnellement un tissu donné, faisant « entrer » la ville dans l’édifice afin de le transformer en une nouvelle centralité de dimension métropolitaine. La situation urbaine avantageuse de ces opérations – le plus souvent sur le territoire de la ville-centre - leur confère un rôle majeur dans la restructuration du tissu dense, en intégrant la question de la distance (spatiale, temporelle et sociale) dans la conception de la forme. On retrouve donc, sans surprise, l’initiative publique dans leur reconversion, : les collectivités territoriales tendent à octroyer à ces édifices existants une place particulière, voire spécifique, dans les schémas d’aménagement, s’en servant comme « rotule » contre les pathologies urbaines (désignant l’ensemble des faiblesses du tissu existant). Il s’agirait d’une nouvelle articulation située entre ce qui peut être désigné comme « proche » et comme « lointain ». La distance métrique, en tant que composante essentielle de l’échelle, intègre un degré de connectivité au grand territoire par le biais des réseaux de transports et de communication. Elle se voit négociée au sein même des programmes à vocation métropolitaine (équipements majeurs, grands magasins, etc.), ce que nous chercherons à démontrer.
: « Centralité », Géoconfluences, (http://geoconfluences. ens-lyon.fr/glossaire/ cenralite), consulté le 14/05/2019 19
: Emmanuelle REAL, «Reconversions. L’architecture industrielle réinventée», op. cit., p11, consulté le 03/04/2020 20
: Grand Hôtel-Dieu, « La plus grande opération privée de reconversion d’un monument historique en France », 2017, (https://www.journeesihf.com/Media/ telechargement/dpgrand-hotel-dieu.pdf), consulté le 16/02/2020 21
: Semavip, « Macdonald, Dossier de presse », mai 2016, (http://www.semavip.fr/ sites/default/files/aha_ macdonald_dossierde-presse_2016.pdf), consulté le 23/01/2020 22
Nous pouvons distinguer trois pistes de recherche : 1) la compacité formelle due à l’augmentation de la surface dans un objectif de rentabilisation du site sans modification de la taille de la parcelle ; 2) la mixité programmatique due à la concentration des diverses activités et flux dans un objectif de renforcement de la centralité urbaine ; 3) la connectivité topologique due à l’ouverture de l’édifice sur la ville en ménageant de nouveaux accès et espaces publics dans un objectif d’articulation physique entre composantes. La présente analyse porte sur l’étude de trois opérations considérées comme emblématiques, d’une part en raison de leur situation géographique et des termes de leur reconversion, et d’autre part, en raison de leur médiatisation, à la fois relative à la communication de projet et au grand nombre de publications dans la presse dont elles ont fait l’objet. Il s’agit de la Filature Le Blan, première reconversion industrielle en France20, de l’Hôtel-Dieu de Lyon, plus grande opération privée de reconversion d’un monument historique en France21, et de l’entrepôt Macdonald, le plus long bâtiment de Paris reconverti par 15 architectes en 23 opérations22. Choisies pour leur particularité (affectation originelle, dessin formel, contexte) l’analyse s’attachera à examiner l’évolution de leurs morphologies au regard des stratégies urbaines initiales
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afin d’interroger l’émergence d’un modèle et son influence sur l’évolution de la forme urbaine. L’intérêt est porté sur les relations public/privé, tant dans l’organisation fonctionnelle et morphologique des tissus que dans la conception et le montage juridique de l’opération. L’objectif est de dresser des parallèles critiques entre différents principes de reconversion et de les raisonner au regard de l’évolution du tissu urbain face aux enjeux métropolitains. La présente recherche est déductive. Elle privilégie une approche typo-morphologique qui repose sur l’analyse des transformations morphologiques et fonctionnelles caractéristiques de chaque reconversion et dans l’étude de leur impact sur l’organisation interne des édifices comme sur le tissu urbain. Elle s’appuie majoritairement sur des données textuelles (extraits d’entretiens, extraits de la presse écrite professionnelle et grand public), filmiques (vidéos des maîtrises d’œuvre ou des maîtrises d’ouvrage) et iconographiques (plans, coupes, photographies, etc.) recueillies principalement à partir des sites spécialisés, des publications scientifiques ou des bases de données géographiques et cartographiques (Géoportail , Remonter le temps ou Archirès). En parallèle est réalisée une analyse des modes opératoires relatifs à chaque reconversion pour comprendre les processus de renouvellement des pratiques de projet. Afin d’appréhender ces opérations à la fois architecturales et urbaines dans leur globalité, nous nous pencherons d’abord sur leurs spécificités morphologiques et fonctionnelles au niveau architectural afin de comprendre de quelle manière ces édifices participent à la fabrication d’une pensée locale de « la grande échelle » et pour quelles raisons peut-on dire que ces édifices font ville. Puis nous nous intéresserons aux évolutions morphologiques et fonctionnelles du tissu urbain avant et après les reconversions, ainsi qu’aux modes opératoires qui leur ont donné jour pour étudier la dualité conceptuelle et métrique entre le projet architectural et le projet urbain.
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Fig 3: La filature Le Blan dans les années 1960.
Fig 4: La filature Le Blan en 1979.
Fig 5: L’Hôtel-Dieu de Lyon en 2009.
Fig 6: L’Hôtel-Dieu de Lyon en 2019.
Fig 7: Entrepôt Macdonald dans les années 1970.
Fig 8: Entrepôt Macdonald en 2014.
(http://www.larchitecturedaujourdhui.fr/aa-retro-filatures-le-blan/)
(https://nouveaulyon.fr/2018/04/19/hotel-dieu-j-8-louverture/)
(http://lba-paris.com/projet/entrepots-mac-donald/)
(https://www.an-patrimoine.org/IMG/pdf/2015.01.29_e_ real_introduction_reconversion_patrimoine_industriel.pdf)
(https://www.aialifedesigners.fr/projet/grand-hotel-dieu/)
(http://www.sergiograzia.fr/fr/entrepots-mac-donalds/)
I. L’ÉDIFICE FAIT VILLE
1. DE TROIS OPÉRATIONS SINGULIÈRES À LA POSSIBILITÉ D’UN MODÈLE Qu’il s’agisse de la filature Le Blan à Lille, du Grand Hôtel-Dieu à Lyon ou de l’entrepôt Macdonald à Paris, les trois études de cas sélectionnées semblent au demeurant parfaitement singulières. Pourtant leur choix n’est pas anodin, et repose sur l’observation a priori des termes de leur reconversion, au travers desquels se présentent plusieurs caractéristiques communes. Chacune d’entre-elles fait l’objet d’une reprogrammation basée sur une importante mixité fonctionnelle sans modification de l’emprise parcellaire, et toutes partagent des ambitions d’ouverture morphologique sur la ville manifestées par leurs concepteurs23, 24, 25. Il apparaît alors légitime de se questionner sur la similarité de ces opérations, notamment en raison des importantes dissemblances de leurs volumétries et de leurs fonctions originelles, ainsi que de leurs contextes géographiques et temporels. En effet, la reconversion de l’usine Le Blan, considérée comme la première reconversion industrielle de France, date de 1980 alors que les deux autres nous sont totalement contemporaines. De plus, l’opération Le Blan, tout comme Macdonald, est née de l’initiative des pouvoirs publics qui considéraient ses grandes dimensions comme un atout sur le plan urbanistique et un levier important dans la mutation d’anciens territoires industriels et logistiques. A l’inverse, la reconversion de l’Hôtel-Dieu de Lyon tire son origine d’une maîtrise d’ouvrage privée, qui percevait au travers de ses dimensions exceptionnelles et de sa situation en centre-ville historique un formidable potentiel économique.
: FR 3 Nord-Pas-deCalais, « Rénovation de la filature Le Blan à Lille », 10 avril 1980, (https://www.ina.fr/ video/RCC99008161), consulté le 08/11/2019 23
: AIA Life Designers, Grand Hôtel-Dieu, Lyon », décembre 2018, (https://www. aialifedesigners. fr/wp-content/ uploads/2018/12/ LYON_Grand-HotelDieu.pdf), p. 5, consulté le 21/10/2019 24
: Semavip, « Macdonald, Dossier de presse », mai 2016, (http://www.semavip.fr/ sites/default/files/aha_ macdonald_dossier-depresse_2016.pdf), p. 36, consulté le 23/01/2020 25
Cependant une dimension semble perdurer, et même s’amplifier au fil du temps dans la pratique de reconversion en France : celle de la complexité. La transformation de l’usine le Blan a réuni quatre acteurs différents, dans la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre, durant cinq ans pour reconvertir 20 000m² tandis que la reconversion de l’Hôtel-Dieu a rassemblé neuf acteurs pendant neuf an pour un projet de 50 000m², et celle de l’entrepôt Macdonald, 28 acteurs pendant dix ans pour 167 000m². On peut supposer que cette augmentation de la complexité est fortement corrélée à l’augmentation des surfaces reconverties, mais les similarités morphologiques et programmatiques que partagent ces opérations malgré leurs différences originelles et la persistance de ces principes dans le temps interrogent sur les conditions de ces reconversions et l’émergence d’un possible modèle. Il apparait alors pertinent de s’intéresser à l’organisation interne des édifices pour appréhender morphologiquement et fonctionnellement la réalisation de ces opérations. 13
Fig 9: Transformations morphologiques de la filature Le Blan lors de sa reconversion.
Fig 12: Axonométries éclatée de la filature en 1980. Source : Thomas LASSERRE, 2020
Source : Thomas LASSERRE, 2020
Volumes détruits lors de la reconversion Volumes construits lors de la reconversion
Fig 10: Flux de circulation entre le RDC et les étages courants. Source : Thomas LASSERRE, 2020
Habitat Équipements
VOLUMÉTRIE FONCTIONNELLE ÉCLATÉE
Commerces Industrie Parking Accès Flux de circulation verticaux
Fig 11: Axonométries de la filature Le Blan en 1975. Source : Thomas LASSERRE, 2020
Industrie
VOLUMÉTRIE FONCTIONNELLE GLOBALE
RAPPORT PLEIN/VIDE
Habitat
Commerces
Équipements (culturels)
Industrie Parking
2. L’OUVERTURE MORPHOLOGIQUE D’ENSEMBLES FERMÉS SUR L’ESPACE PUBLIC Au cours de leur reconversion, chacun des trois édifices a fait l’objet de transformations architecturales majeures afin de pouvoir s’adapter à des enjeux urbanistiques similaires. Bien que les conséquences formelles de ces reconversions soient différentes selon les cas, on peut remarquer un certain nombre de similitudes au travers des « partis pris » de ces projets. Pourrait-il s’agir de l’émergence de nouveaux principes d’organisation et d’aménagement des espaces « de grande facture », et si oui, dans quelle mesure ? En quoi consisteraient-ils ?
Fig 13: Façade Nord de la filature Le Blan
(http://www.caue-observatoire.fr/ouvrage/la-filature-lille-59/)
La reconversion de la filature Le Blan se fait selon un principe d’extrusions dans l’enveloppe de l’existant puis d’insertion des nouveaux volumes fonctionnels à l’intérieur (Fig. 9). Elle s’accompagne par un percement transversal du bâtiment, totalement évidé en son milieu pour créer un hall traversant sur toute la hauteur, qui reconnecte le cœur de la parcelle à l’espace public (Fig. 13). Ce nouveau principe d’organisation entraine la suppression du mur d’enceinte et la recomposition de certains volumes, ce qui a pour effet d’ouvrir le bâtiment sur la ville à l’ouest du site.
Cette ouverture morphologique prend la forme d’un parvis dans l’angle sud-ouest, monumentalisant de la sorte l’angle du bâtiment et sa cheminée, témoignage de son passé industriel, qui devient la figure urbaine principale. L’ouverture de la filature sur la ville se fait par un découpage dans le volume global et la création d’un nouvel espace d’usage public, transformant de fait le rapport de l’édifice à la ville au moyen de la mise en valeur de ses entrées et de ses composantes architecturales symboliques. L’édifice qui se caractérisait jusque-là par une façade linéaire et fermée s’appréhende dorénavant par un parvis et un grand hall traversant, qui assurent une nouvelle perméabilité au tissu. L’ouverture morphologique d’un édifice sur son tissu environnant se manifeste aussi dans la reconversion de l’Hôtel-Dieu de Lyon mais selon un principe différent. En effet, ce n’est pas par un découpage du volume du bâtiment mais par le prolongement de trames existantes et l’adjonction de nouveaux volumes que l’Hôtel-Dieu organise son rapport au sol et à la ville (Fig. 14). Cette extension a lieu sur sa propre parcelle par le biais de la construction de quatre nouveaux bâtiments. Ces derniers reprennent le gabarit de l’existant et se présentent comme des extensions parallèles conservant ainsi formellement l’unicité de l’édifice. A la jonction avec les ailes existantes, de nouvelles places et cours apparaissent. Elles s’intègrent au système existant permettant la traversée de l’édifice et s’accompagnent 15
Fig 14: Transformations morphologiques de l’Hôtel-Dieu lors de sa reconversion.
Fig 17: Axonométries éclatée de l’Hôtel-Dieu en 2019. Source : Thomas LASSERRE, 2020
Source : Thomas LASSERRE, 2020
Volumes détruits lors de la reconversion Volumes construits lors de la reconversion
Fig 15: Flux de circulation entre le RDC et les étages courants. Source : Thomas LASSERRE, 2020
Habitat Bureaux Équipements
VOLUMÉTRIE FONCTIONNELLE ÉCLATÉE
Commerces Centre de convention Hôtel Accès Flux de circulation verticaux
Fig 16: Axonométries de l’Hôtel-Dieu en 2010. Source : Thomas LASSERRE, 2020 Hospitalier Contexte
VOLUMÉTRIE FONCTIONNELLE GLOBALE
RAPPORT PLEIN/VIDE
Habitat
Commerces
Bureaux
Centre de convention
Équipement (culturel)
Hôtel
La place Amédée Bonnet AIA Life Designers / p.27
Fig 18: Ancienne cour centrale de l’Hôtel-Dieu
(https://www.aialifedesigners.fr/wp-content/uploads/2018/12/ LYON_Grand-Hotel-Dieu.pdf)
d’une démultiplication du nombre d’entrées (Fig. 15). Pourtant aucune d’entre-elles ne paraît être principale, ce qui selon nous rapproche l’organisation de la circulation dans l’édifice à celle d’un réseau de passages et de places, à la manière des traboules lyonnaises. L’uniformisation de la taille et de la forme de ces cours intérieures ainsi que la multitude d’accès depuis l’espace public a pour effet de faire de chacune d’entre-elles une centralité locale interne à l’édifice.
L’ouverture morphologique des édifices urbains de grande échelle sur la ville peut aussi prendre une troisième forme, c’est notamment le cas de celle de l’entrepôt Macdonald. Les transformations appliquées lors de la reconversion suivent une logique de superposition de volumes à partir d’un socle commun qui n’est autre que le bâtiment existant lui-même (Fig. 20). Le volume unitaire de l’entrepôt d’origine est percé dans sa largeur afin de créer une traversée centrale majeure et une autre plus fine qui permettent de reconnecter deux quartiers isolés et d’y faire passer le tramway (Fig. 19). Il est aussi extrudé en son milieu dans le but d’y faire pénétrer la lumière nécessaire aux volumes qui le surmontent. Ainsi, la compacité du bâtiment ne se traduit plus par une relative homogénéité structurale correspondant à un volume Fig 19: L’entrepôt Macdonald vue depuis l’angle de la unitaire mais par une complexité organisée par l’assemblage d’une percée centrale (https://www.espaciel.com/blog/en/macdonalds-warehouse-the- variété morphologique et fonctionnelle birth-of-a-new-business-quarter-in-paris/) de volumes. Malgré les différences formelles originelles de ces projets, on retrouve dans leur reconversion des principes morphologiques similaires. En effet bien que la nature des transformations volumétriques varie dans les trois opérations, leur ouverture sur la ville est manifeste par la création de nouveaux passages et espaces accessibles à tous les publics. Mais cette application à faire entrer la ville dans l’édifice semble arriver en contradiction avec la volonté des architectes de préserver leur unicité : les limites des emprises originelles perdurent par-delà les découpages morphologiques internes. Pour en comprendre les raisons, il faut s’intéresser à l’aspect fonctionnel de ces opérations.
17
Fig 20: Axonométrie des transformations morphologiques de l’entrepôt Macdonald lors de sa reconversion.
Fig 23: Axonométrie éclatée de l’entrepôt Macdonald en 2016.
Source : Thomas LASSERRE, 2020
Source : Thomas LASSERRE, 2020
Volumes détruits lors de la reconversion Volumes construits lors de la reconversion
Fig 21: Flux de circulation entre le RDC et les étages courants. Source : Thomas LASSERRE, 2020
Habitat Bureaux Équipements Commerces
VOLUMÉTRIE FONCTIONNELLE ÉCLATÉE
Parking Accès Flux de circulation verticaux
Fig 22: Axonométrie éclatée de l’entrepôt Macdonald en 2010. Source : Thomas LASSERRE, 2020 Fourrière Entrepôt de tri postal
VOLUMÉTRIE FONCTIONNELLE GLOBALE
RAPPORT PLEIN/VIDE
Habitat
Bureaux
Équipements (culturel et éducatif)
Commerces Parking
3. LA TRANSFORMATION DE GRANDS BÂTIMENTS MONOFONCTIONNELS EN CENTRALITÉS COMPLEXES La reconversion de ces trois édifices s’est accompagnée d’un changement programmatique important. L’évolution de leur structure de monofonctionnelle à polyfonctionnelle est à l’origine d’une complexité nouvelle dont l’organisation répond à des logiques d’assemblages spatiaux différentes, mais qui au final se rapprochent davantage par certains de leurs aspects. La complexité programmatique relative à la reconversion de l’ancienne usine Le Blan - moins prononcée dans son ensemble que les deux autres opération étudiées – se joue sur la stratification et la polarisation fonctionnelles. Les fonctions nécessitant de la visibilité, réservées à l’accueil d’un public large, comme les commerces et les services, se voient rassemblées autour du parvis, tandis que les fonctions productive ou technique telles que la petite industrie, les parkings, ou dans une moindre mesure, l’artisanat, sont reléguées à l’opposé, sur la face est. Les niveaux supérieurs de l’édifice sont occupés intégralement par des logements (Fig. 12). Le hall traversant se situe entre ces deux registres fonctionnels, et sépare ainsi l’édifice selon deux types distributifs (Fig. 10). Le premier, « tous publics », se rapporte au parvis qui joue un rôle polarisant majeur à l’échelle de l’édifice, mais aussi à l’échelle du quartier en attirant et en concentrant ces flux depuis la ville. Le second type distributif organise les accès réservés aux petites industries sur la façade nord, et aux habitants des logements au niveau du hall, de la façade sud donnant sur leur parking et de la face est sur la rue. Ainsi l’organisation spatiale et fonctionnelle suite à la reconversion répond une logique de séparation claire entre les fonctions nécessitant l’accueil de flux « tous publics » et celles qui n’admettent que des flux privés, dans ce cas spécifiquement séparés entre ceux des travailleurs des industries et ceux des habitants des logements. On retrouve cette répartition spécialisée dans le cas de l’Hôtel-Dieu de Lyon, où certaines fonctions ne sont accessibles que par des cours intérieures comme le musée ou certains bureaux et commerces. Plusieurs principes d’organisations programmatiques sont communs, notamment concernant la stratification et la polarisation fonctionnelle : on retrouve au rez-de-chaussée majoritairement des commerces et des services, alors que les niveaux supérieurs sont principalement dévolus aux bureaux, à l’hôtel, au musée et aux logements (Fig. 17). L’aile Soufflot donnant sur le Rhône est occupée par l’hôtel, alors que les commerces surmontés de bureaux occupent la moitié sud du site, la plus proche de la place Bellecour. Le musée et le centre de convention sont situés en milieu de parcelle nord, tandis que les logements se voient relégués à son extrémité nord-ouest. Cette répartition donne une place prépondérante aux commerces, aux bureaux et à l’hôtel qui représentent à eux trois 85% de la surface du projet, et la quasi-totalité du linéaire de façade. A l’inverse le musée et le centre de convention sont invisibles depuis l’espace public. Ainsi on distingue un premier principe distributif alliant les accès aux commerces et aux bureaux au sud de l’édifice (Fig. 15). Il se développe le long des rues tout comme à l’intérieur des différentes cours. Un second principe distributif cristallise au Nord de 19
Fig 24: Alternance des halls d’accès aux logements et aux commerces au rez-de-chaussée de l’entrepôt Macdonald. Source : Thomas LASSERRE, 2020
: ParisNordEST, «Entrepôt Macdonald», juillet 2014, (https:// paris-nord-est. imaginons.paris/ sites/default/files/ bookmacdo_1007. pdf), p. 22, consulté le 23/01/2020 26
l’édifice : il consiste à rassembler en fond de cours des flux tous publics attirés par le musée et le centre de convention enchâssés de part et d’autre par des commerces. Enfin le dernier principe distributif, de type classique, occupe la quasi-totalité de la façade ouest de l’édifice. Il est relatif à l’hôtel et aux commerces de bouche qui y sont rattachés. Comme pour la filature Le Blan, la répartition des fonctions se fait selon la nature des flux qu’elles attirent, les flux « tous publics » en rez-de-chaussée en favorisant la continuité des commerces le long de l’espace public, et les flux d’ordre privés dans les niveaux supérieurs. Cette organisation fonctionnelle se vérifie encore une fois dans la reconversion de l’entrepôt Macdonald : les commerces et les services occupent principalement le rez-de-chaussée et sur une faible partie du premier niveau, tandis que les logements et les bureaux s’organisent en deux parties quasiment égales en termes de surfaces sur les niveaux supérieurs, et n’occupent qu’une portion infime du rez-de-chaussée réservée à leurs halls d’accès (Fig. 23). Les commerces s’installent de part et d’autre de la percée centrale, lui conférant un rôle de passage commercial à ciel ouvert dont les caractéristiques morphologiques oscillent entre celles d’une rue et d’une place26, tandis que les fonctions culturelles et de services s’apparentent à des équipements distincts occupant les extrémités de l’édifice. Cette position en proue leur confère une grande visibilité depuis le boulevard Macdonald, et ce qu’importe le sens d’arrivée. Cette programmation a comme conséquence de traiter de quatre types d’accès qui se déclinent en trois grands principes distributifs régulant la circulation des flux consommateurs, travailleurs et habitants au rez-de-chaussée de l’édifice (Fig. 21). Le premier principe concerne les extrémités du bâtiment : elles sont réservées aux services qui disposent d’un accès aisément identifiable dans l’espace public. Sur le plan architectural, ce principe leur confère une relative autonomie spatiale dans l’assemblage général. Le second principe se fonde sur l’alternance entre les accès privés des bureaux et les accès tous publics des commerces sur une partie du linéaire, tout comme le troisième qui se caractérise par l’alternance entre les accès privés aux halls
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desservant les fonctions résidentielles et les accès tous publics des commerces sur le reste du bâtiment. Ainsi toutes les fonctions ont un accès direct visible depuis l’espace public, sachant que les accès réservés aux espaces de travail et d’habitat sont traités de manière quasi-identiques, s’effaçant au profit des accès commerçants appuyés par une signalétique lumineuse. Deux grands principes d’organisation fonctionnelle ressortent de l’analyse de ces études de cas : la stratification et la polarisation. La première hiérarchise les programmes par distanciation verticale en fonction de leur rapport à la ville, en affectant au rez-dechaussée les fonctions nécessitant de la visibilité et justifiant l’accueil d’un large public tels les commerces ou les services, et allouant aux niveaux supérieurs les fonctions accueillant des publics spécifiques et exigeant des accès privatifs comme c’est le cas pour les programmes de bureaux ou résidentiels. La polarisation quant à elle, établit spatialement les rapports des fonctions entre-elles à l’intérieur l’édifice en s’appuyant sur la situation urbaine et les transformations morphologiques de celui-ci. Par le rassemblement de fonctions diverses autour de nouveaux espaces d’usage public, elle engendre un phénomène de concentration des flux de consommateurs, de travailleurs et d’habitants. De « blocs » monofonctionnels en assemblages multifonctionnels composites, ces édifices sont devenus suite à leur reconversion des centralités complexes qui interagissent avec le tissu environnant.
21
Fig 25: Parcellaire du contexte de la filature Le Blan en 1965.
Fig 29: Parcellaire du contexte de la filature Le Blan en 2019.
Fig 26: Bâtiments du contexte de la filature Le Blan en 1965.
Fig 30: Bâtiments du contexte de la filature Le Blan en 2019.
Source : Thomas LASSERRE, 2020
Source : Thomas LASSERRE, 2020
Fig 27: Fonctions du contexte de la filature Le Blan en 1965. Source : Thomas LASSERRE, 2020 Habitat
Commerce
Industrie
Équipement
Bureaux
Fig 28: Rapports public-privés du contexte de la filature Le Blan en 1965. Source : Thomas LASSERRE, 2020 Statut et usage privé
Statut privé, usage public
Statut et usage public
Source : Thomas LASSERRE, 2020
Source : Thomas LASSERRE, 2020 Ouverture physique
Ouverture visuelle
Fig 31: Fonctions du contexte de la filature Le Blan en 2019. Source : Thomas LASSERRE, 2020 Habitat
Commerce
Bureaux
Industrie
Équipement
Santé
Fig 32: Rapports public-privés du contexte de la filature Le Blan en 2019. Source : Thomas LASSERRE, 2020 Statut et usage privé
Statut privé, usage public
Statut et usage public
II. CENTRALITÉS ET DIVERSITÉS À L’ÉPREUVE DE LA RECONSTRUCTION DE LA VILLE SUR ELLE-MÊME
1. VERS UNE INTENSIFICATION DE LA VILLE Les trois études de cas prennent place dans des situations géographiques singulières, pourtant un phénomène contemporain d’homogénéisation de ces tissus se dessine et les reconversions des édifices de grande échelle étudiés tendent à y détenir une place particulière. La présente analyse s’intéresse donc à l’évolution des tissus urbains et périurbains proches de ces opérations depuis la décennie précédant les reconversions des études de cas jusqu’à aujourd’hui afin d’interroger les caractéristiques de ce processus et le poids qu’y occupe les transformations des édifices de grande échelle.
: IAU, « Comment encourager l’intensification urbaine ? », les Carnets pratiques, 2009. (https://www.iau-idf.fr/ fileadmin/NewEtudes/ Etude_599/cp1_ web_01.pdf ), consulté le 14/06/2020 27
Le territoire où se situe la filature Le Blan fait partie d’un tissu périurbain particulièrement dépendant des grands axes du réseau routier que sont le boulevard d’Alsace, le boulevard des Défenseurs de Lille et l’échangeur autoroutier de l’A1 (Fig. 25). La disposition de ces trois artères délimite trois secteurs particuliers. Le nord du boulevard d’Alsace est occupé par un tissu industriel rassemblant sur de larges emprises parcellaires des usines, de l’habitat et des commerces liés aux activités productives (Fig. 27). Pris en étau entre le boulevard d’Alsace et le boulevard des Défenseurs, un second secteur récemment construit de type « grand ensemble » constitué d’habitat collectif et d’équipements publics se développe en longueur vers le nord-est. Enfin au sud du boulevard des Défenseurs s’installe une bande d’activités récréatives et sportives sur de très larges emprises, sédimentant par une troisième épaisseur la limite entre la ville et sa périphérie. L’analyse de l’évolution de ces tissus jusqu’à aujourd’hui révèle de profondes mutations liées à la disparition progressive des activités industrielles, remplacées par un tissu urbain multifonctionnel composé d’habitat, d’équipements et de commerces. Les grandes parcelles ont été subdivisées, seules quelques-unes ont gardées leurs dimensions lorsque l’activité originelle persiste ou qu’un grand programme singulier tel un hôpital ou une grande école en a pris la place (Fig. 31). La diversification des fonctions s’est accompagnée d’une augmentation des circulations et des interactions grâce à l’arrivée de nouveaux types de flux comme les étudiants ou les cadres et à la création d’une ligne de métro dans l’emprise du boulevard d’Alsace. On assiste ainsi à un phénomène d’intensification de la ville, définit par l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Île-de-France comme « la recherche d’un modèle de ville plus dense et plus compacte et l’optimisation de l’utilisation des espaces urbains déjà bien équipés et desservis »27. La concentration d’activités et l’amélioration de la connectivité au territoire métropolitain par la mise en place de réseaux de transport urbain ont favorisé l’implantation de nouvelles centralités et l’apparition de nœuds à l’origine d’une diversification et d’une convergence des flux de personnes. A travers 23
Fig 33: Parcellaire du contexte de l’Hôtel-Dieu en 2000.
Fig 37: Parcellaire du contexte de l’Hôtel-Dieu en 2019.
Fig 34: Bâtiments du contexte de l’Hôtel-Dieu en 2000.
Fig 38: Bâtiments du contexte de l’Hôtel-Dieu en 2019.
Source : Thomas LASSERRE, 2020
Source : Thomas LASSERRE, 2020
Fig 35: Fonctions du contexte de l’Hôtel-Dieu en 2000. Source : Thomas LASSERRE, 2020 Habitat
Commerce
Hôtel
Équipement
Ouverture visuelle
Fig 39: Fonctions du contexte de l’Hôtel-Dieu en 2019. Source : Thomas LASSERRE, 2020 Habitat
Commerce
Santé
Hôtel
Équipement
Source : Thomas LASSERRE, 2020
Statut privé, usage public
Source : Thomas LASSERRE, 2020 Ouverture physique
Bureaux
Fig 36: Rapports public-privés du contexte de l’Hôtel-Dieu en 2000. Statut et usage privé
Source : Thomas LASSERRE, 2020
Statut et usage public
Bureaux
Fig 40: Rapports public-privés du contexte de l’Hôtel-Dieu en 2019. Source : Thomas LASSERRE, 2020 Statut et usage privé
Statut privé, usage public
Statut et usage public
ces mutations se dessine la progression d’un tissu urbain multifonctionnel dense et perméable à des flux multiples sur les anciens tissus monofonctionnels. Mais ce phénomène ne se cantonne pas aux tissus périurbains, il se développe aussi dans les tissus urbains. C’est notamment le cas de l’Hôtel-Dieu de Lyon, implanté dans un tissu de centre historique caractérisé par ses îlots à cour redécoupés en plusieurs parcelles qui délimitent un réseau de rues fines et de places bordées de part et d’autre par le Rhône et la Saône (Fig. 34). Seules la place Bellecour et la parcelle de l’HôtelDieu ressortent de cette organisation par leurs dimensions exceptionnelles au regard du tissu. Les quais sont délaissés, dévolus à la circulation rapide des véhicules et la ville se déploie sur l’intérieur de la presqu’île.
: David MANGIN, La ville franchisée. Formes et structures de la vile contemporaine, Éditions de la Villette, 2004. 28
Dans un tissu très homogène aussi bien dans ses morphologies que dans ses fonctions, constitués majoritairement d’îlots mixtes d’habitat et de commerces le long des rues, l’Hôtel-Dieu entièrement occupé par un hôpital fait office d’exception (Fig. 35). D’ailleurs l’analyse de l’évolution de ce tissu illustre que ce secteur n’a fait l’objet que de transformations mineures, à l’exception de la reconversion de l’Hôtel-Dieu, révélateur de la prévalence d’un tissu multifonctionnel dense et perméable aux flux sur un tissu monofonctionnel clos. L’opportunité d’une importante emprise disponible dans ce quartier urbain dense a rapidement été saisie pour remplacer les anciennes activités hospitalières du site (Fig. 39). Au travers de cette reconversion, on constate une extension du tissu environnant dans l’Hôtel-Dieu qui est transformé morphologiquement en recréant un nouvel alignement sur la rue comme les îlots à cours adjacents, mais aussi une recomposition fonctionnelle qui comprend les mêmes fonctions que celles du tissu proche mais dans des proportions différentes : le logement n’y est pas majoritaire mais minoritaire au profit des commerces, des bureaux, de l’hôtel et des équipements. Les passages et cours intérieurs s’ouvrent au public, et s’associent au réseau viaire de la ville existante pour assurer la continuité du tissu environnant ainsi que la connexion avec un territoire plus vaste, se poursuivant bien au-delà de la presqu’île (Fig. 40). Cet ancien îlot isolé spatialement et fonctionnellement dans le quartier devient un lieu de convergence des flux, caractérisé par la diversité des fonctions qu’il accueille et leur diversité. Ville dans la ville, il articule en son sein ces différents flux de personnes, en dehors du temps et de l’espace, devenant ainsi un objet majeur de congestion dans le paysage urbain. L’articulation des congestions à l’intérieur de l’édifice reconverti pour en faire une nouvelle centralité est d’autant plus manifeste lorsque celui-ci participe au désenclavement de ces tissus comme c’est le cas de l’entrepôt Macdonald. Le territoire où se situe l’entrepôt Macdonald est fortement marqué par les réseaux routiers et ferrés, dont le périphérique et le boulevard des maréchaux au nord et les faisceaux ferrés des gares du Nord et de l’Est au sud (Fig. 41). L’entrecroisement de ces axes structurants majeurs engendre une certaine fragmentation morphologique favorisant les logiques de sectorisation. La « désorganisation spatiale »28 qui en résulte, telle que l’expose David Mangin, donne lieu à trois types de tissus (Fig. 43).
25
Fig 41: Parcellaire du contexte de l’entrepôt Macdonald en 2000.
Fig 45: Parcellaire du contexte de l’entrepôt Macdonald en 2019.
Fig 42: Bâtiments du contexte de l’entrepôt Macdonald en 2000.
Fig 46: Bâtiments du contexte de l’entrepôt Macdonald en 2019.
Source : Thomas LASSERRE, 2020
Source : Thomas LASSERRE, 2020
Source : Thomas LASSERRE, 2020
Source : Thomas LASSERRE, 2020
Ouverture visuelle
Ouverture physique
Fig 43: Fonctions du contexte de l’entrepôt Macdonald en 2000. Source : Thomas LASSERRE, 2020 Habitat
Commerce
Industrie
Équipement
Bureaux
Fig 44: Rapports public-privés du contexte de l’entrepôt Macdonald en 2000. Source : Thomas LASSERRE, 2020 Statut et usage privé
Statut privé, usage public
Statut et usage public
Fig 47: Fonctions du contexte de l’entrepôt Macdonald en 2019. Source : Thomas LASSERRE, 2020 Habitat
Commerce
Industrie
Équipement
Bureaux
Fig 48: Rapports public-privés du contexte de l’entrepôt Macdonald en 2019. Source : Thomas LASSERRE, 2020 Statut et usage privé
Statut privé, usage public
Statut et usage public
Le premier, entre le périphérique et le boulevard des Maréchaux, s’organise en deux bandes : l’une constituée majoritairement d’activités sportives et de loisirs, ou de terrains en friche ; l’autre composée de logements et de commerces. Le second type, au sud des faisceaux ferrés, est multifonctionnel : il mêle des activités résidentielles, des commerces, des équipements publics et d’anciens entrepôts récemment reconvertis en bureaux. Le troisième type de tissu enchâssé entre le boulevard des Maréchaux et les faisceaux ferrés, se caractérise par un parcellaire de grande taille, occupé par des entrepôts longilignes de grandes dimensions destinées à des activités de logistique.
: Geneviève DUBOIS-TAINE, La ville émergente, PUCA/Ministère de l’Equipement, 2002, p 20 29
Si l’hétérogénéité des tissus de ce territoire peut-être considérée comme force inhérente à son développement, la cohérence des dynamiques économiques qui s’y déploie pose la question de sa structuration et de son franchissement. Jusqu’en 2019, les mutations qui y ont eu lieu illustrent une ambition de désenclavement (Fig. 46). Au nord dans le premier secteur, la transformation des espaces de friche en îlots mixtes de logements, bureaux, commerces et équipements, la création d’un parc de bureaux audelà du périphérique ainsi que la réalisation d’une passerelle pour le traverser permet de transformer ce secteur en un tissu multifonctionnel et de rompre son isolement (Fig. 47). La reconversion de l’entrepôt Macdonald participe pleinement de ce désenclavement par la connexion nord-sud que permet sa percée centrale et qui se poursuit sous le faisceau ferré (Fig. 48). L’arrivée d’une nouvelle gare relie ce quartier au territoire métropolitain et renforce par sa qualité de nodalité, vers laquelle converge les flux métropolitains de travailleurs, de consommateurs et d’habitants, la disposition du quartier à devenir une centralité. Malgré les disparités des tissus originaux de chaque étude de cas, qu’ils soient périurbains et fortement liés à une activité dominante ou urbain en centre historique, l’analyse de leur évolution donne à voir une forme d’homogénéisation de leur composition formelle et programmatique. Les transformations morphologiques et fonctionnelles dont ils ont fait l’objet jusqu’à aujourd’hui illustrent l’extension et la primauté d’un tissu urbain multifonctionnel dense et perméable à des flux multiples sur les anciens tissus monofonctionnels. Les édifices de grande échelle y occupent une place importante par la densité et la diversité de leur programme, et donc de leur capacité d’attraction et de concentration des flux de personnes, d’informations, de biens et de richesses. En modifiant les structurations spatiales et fonctionnelles de la ville existante, ils deviennent de nouvelles centralités dont la situation près des nœuds de transports et des grandes infrastructures favorise d’autant plus un rayonnement de dimension urbaine, voire métropolitaine. Dans certain cas comme celui de Macdonald, l’édifice reconverti s’emploie à reconnecter plusieurs tissus jusque-là dissociés et acquiert alors un rôle fédérateur et organisateur qui accroit sa position centrale. Pour s’affirmer comme des centralités multifonctionnelles, les édifices de grande échelle s’appuient aussi sur leur dimensions symbolique et culturelle, sociale, paysagère et architecturale regroupées par Geneviève Dubois-Taine dans la notion d’intensité du lieu29. Fréderic Gaschet et Claude Lacour s’appuient d’ailleurs sur cette notion dans leur 27
Fig 49: Organigramme opérationnel de la reconversion de la filature Le Blan. Source : Thomas LASSERRE, 2020
Propriétaire bailleur
Ville de Lille
Financement
Foncier
Projets immobiliers Maître d’ouvrage
Office public HLM de la communauté urbaine de Lille
Financement Programmation Validation Conception architecturale
Architectes
Reichen & Robert Architectes (mandataires)
Bernard Dubor(architecte associé)
Fig 50: Chronologie de la reconversion de la filature Le Blan. Source : Thomas LASSERRE, 2020 Évolution opérationnelle
Évolution foncière
Septembre 1980 1973
1967
Cessation d’activité de l’usine Le Blan de Moulins
1972
La ville de Lille acquiert d’autres bâtiments industriels voisins de la filature Le Blan avec comme objectif d’y construire 350 nouveaux logements pour restructurer le quartier
La ville de Lille se porte acquéreur de l’usine désaffectée
1976
Début de la construction par l’OPHLM d’une opération de logements sociaux face à la filature Le Blan
Début 1975
L’usine Le Blan est mise à disposition de l’Office Public HLM de la communauté urbaine de Lille par un bail à construire de 60 ans 1975
L’OPHLM organise un concours restreint pour la reconversion de la filature. Il sera remporté par le cabinet Reichen & Robert architectes
Fin 1979
Livraison de la totalité de l’opération. Location par l’OPHLM des programmes de logements sociaux, de commerces et de petites industries. Les équipements publics sont rétrocédés à la ville de Lille
Livraison par l’OPHLM des logements sociaux et d’espaces publics face à l’usine Le Blan
analyse des nouvelles centralités : « Les centres cherchent aussi à recréer l’attractivité fondamentale de la ville sur les caractères classiques de Vitruve : firmitas, utilitas et venustas : efficacité en matière d’activités et d’emplois, de transports collectifs, beauté et esthétique par l’attention qui se porte sur les espaces naturels et publics et la dimension culturelle et environnementale : le patrimoine comme ressource pour la ville »30. La reconversion des édifices de grande échelle en nouvelles centralités n’est donc pas un processus isolé mais un phénomène de mutations morphologiques et fonctionnelles des tissus. Il s’agit d’une intensification de la ville à différentes échelles, du quartier à l’édifice. Afin d’appréhender ce phénomène dans sa complexité et après s’être intéressé aux formes prises par ces reconversions à aux échelles de l’édifice et du tissu, il apparaît pertinent de l’approcher selon les modes opératoires et les pratiques urbaines qui lui ont donné forme. 2. DES SITES STRATÉGIQUES D’ACTEURS COMPLEXES
À
L’ORIGINE
DE
: Fréderic GASCHET, Claude LACOUR, « Métropolisation, centre et centralité », Revue d’Economie Régionale et Urbaine, n°1, février 2002, p 4972 (https://www.cairn. info/revue-d-economieregionale-et-urbaine2002-1-page-49.html#), consulté le 27/05/2020 30
JEUX
Les analyses précédentes rapportent d’importantes similarités entre les références étudiées quant à leurs organisations spatiales et fonctionnelles, ainsi que dans leur participation au développement d’un tissu urbain semblable. Il semble alors pertinent de questionner ces ressemblances au regard des modes opératoires qui en sont à l’origine, afin d’interroger les potentielles corrélations entre les formes architecturale et urbaine et l’organisation des relations entre ses concepteurs. La place majeure qu’occupent ces reconversions dans la restructuration des tissus urbains denses semble manifeste de l’implication de la puissance publique, mais leur complexité morphologique et fonctionnelle indique aussi une autre complexité relative à la diversité d’acteurs et d’intérêts impliqués dans ces opérations. L’importance de la puissance publique est clairement manifeste dans la reconversion de la filature Le Blan (Fig. 49), qui entend l’utiliser comme un véritable levier de transformation urbaine. En effet, après la désaffection de l’usine en 1967, la ville de Lille engage une réflexion sur le devenir du quartier industriel de Moulins. Cinq ans plus tard, elle acquiert la filature Le Blan, ainsi que plusieurs autres bâtiments industriels voisins avec comme objectif de les détruire ou de les reconvertir afin de transformer fondamentalement le tissu originel en un quartier urbain par la création de plusieurs centaines de nouveaux logements, des commerces et des équipements publics. La mairie confie la réalisation de l’opération de reconversion de la filature Le Blan à l’Office public HLM de la communauté urbaine de Lille par le biais d’un bail à long terme de 60 ans. L’OPHLM assure dans le même temps la réalisation d’une importante opération de logements sociaux en face de la filature sur l’un des terrains acquis par la municipalité. Cette maîtrise foncière lui permet de garantir la viabilité économique de la reconversion par la quantité et la diversité des offres de logements constructibles, et lui permet dans le même temps d’assumer la réalisation de programmes tiers comme des équipements, des commerces et de petites industries imposés dans le projet par la ville. Les équipements publics furent d’ailleurs rétrocédés à la collectivité qui en assure la gestion. 29
Fig 51: Organigramme opérationnel de la reconversion du Grand Hôtel-Dieu. Source : Thomas LASSERRE, 2020
Propriétaire bailleur
Hospices Civils de Lyon
Valorisation foncière
Foncier
Maîtrise d’ouvrage
Eiffage Construction
Foncier
Financement
Maîtrise d’ouvrage déléguée
Financement Programmation Validation
Eiffage Immobilier Generim
Conception architecturale
Projets immobiliers
Architectes
AIA Architectes (mandataires) RL&A (architecte en chef des monuments historiques)
Jean-Philippe Nuel (décorateur)
Financement Opérateurs
Crédit Agricole Assurances Métropole de Lyon
Fig 52: Chronologie de la reconversion du Grand Hôtel-Dieu. Source : Thomas LASSERRE, 2020 Évolution opérationnelle
Évolution foncière
Novembre 2010
Eiffage remporte le concours organisé par les Hospices Civils de Lyon
Décembre 2014
2012-2013
Fouilles archéologiques
Février 2011
Signature de la promesse de bail à construction entre Eiffage Constrction et les Hospices Civils de Lyon Novembre 2011
Classement Monument Historique de l’ensemble du site
Juin 2013
Signature du bail à construction entre les Hospices Civils de Lyon et Eiffage Construction
Obtention des autorisations de travaux sur Monuments historiques
Fin 2017
Livraison de la première tranche (commerces, restaurants, bureaux)
Début 2015
Eiffage Construction confie la réalisation des travaux, pour son compte, à Eiffage Immobilier associé à Générim. 3 avril 2015
Lancement officiel des travaux 12 juin 2015
Rachat du Grand Hôtel-Dieu par Crédit Agricole Assurances en partenariat avec Crédit Agricole Centre-Est, à l’exception de la Cité Internationale de la Gastronomie confiée à la Métropole de Lyon
Fin 2018
Fin 2019
Ouverture de la Cité Internationale de la Gastronomie
Livraison de la totalité du programme
Cette organisation opérationnelle simple permet à la ville de conserver une grande liberté dans l’aménagement urbain par une maîtrise du foncier et le recours à un établissement public spécialisé dans la construction et la gestion de biens immobilier d’intérêt général. La puissance publique en garde la propriété après sa reconversion et en confie l’usage à d’autres acteurs. La situation du Grand Hôtel-Dieu est différente car elle ne réside pas dans une stratégie urbaine de la collectivité publique mais dans la volonté de son propriétaire d’origine de rentabiliser foncièrement et financièrement le site récemment inoccupé. Pourtant on retrouve certaines particularités dans l’organisation opérationnelle, notamment la présence d’un acteur de la construction et de la promotion immobilière dont la fonction est la valorisation du patrimoine pour le compte d’un tiers (Fig. 51). En 2010, les Hospices Civils de Lyon décident de fermer le site hospitalier de l’HôtelDieu et d’organiser un appel à projet pour sa reconversion. Le groupement dirigé par Eiffage Construction est désigné lauréat de la consultation, et une promesse de bail à construction d’une durée de 99 ans est signée entre le groupe Eiffage et les HCL, qui en retour percevront un loyer durant toute cette période. Au terme du bail, le propriétaire originel récupèrera l’usage du bâtiment. Eiffage Construction a confié à sa filiale Eiffage Immobilier et au promoteur Générim la maîtrise d’ouvrage déléguée pour assurer la réalisation du projet. Par la suite, Crédit Agricole Assurances se portera acquéreur de l’intégralité des constructions dont il assurera la gestion à l’exception de la Cité Internationale de la Gastronomie qui fut cédée à la Métropole de Lyon. A travers ce montage juridique transparait l’ambition de chacun des acteurs de valoriser financièrement un patrimoine immobilier par sa reconversion. Les Hospices conservent la propriété du foncier et s’assurent d’une rente financière importante sans avoir à assurer la conception, la réalisation et l’entretien d’un projet immobilier d’ampleur. De la même manière, Eiffage réalise un profit avantageux et minimise les risques liés au temps long en revendant à Crédit Agricole Assurances juste après les opérations de conception et de construction. Enfin sans avoir participé aux opérations de transformation, le Crédit Agricole se garantie des revenus réguliers par la location des surfaces de bureaux, de commerces et d’hôtellerie du site (Fig. 52). A la différence de la reconversion de la filature Le Blan, la mutation du Grand HôtelDieu de Lyon n’est pas marquée par la place prépondérante de la collectivité publique mais par celle d’un acteur privé. Cela se confirme par la nature des ambitions du propriétaire d’origine de conserver et rentabiliser le site, et le montage opérationnel qui en découle. Plutôt qu’une association d’acteurs dans un but commun, apparaît plutôt une autonomisation des rôles, chacun cherchant à maximiser et à individualiser ses profits selon ses compétences de propriétaire bailleur, de constructeur et promoteur ou de gestionnaire immobilier. Mais l’implication d’acteurs privés peut aussi servir des avantages publics, comme c’est le cas pour la reconversion de l’entrepôt Macdonald qui s’inscrit dans une longue 31
Fig 53: Organigramme opérationnel de la reconversion de l’entrepôt Macdonald. Source : Thomas LASSERRE, 2020
Maîtrise d’ouvrage
SAS ParisNordEST
(Caisse des dépôts et consignations, Icade, Semavip)
Financement Programmation
Architectes coordinateur
Conception urbaine
OMA (2007-2008) FAA+XDGA (2008-2015)
Etudes architecturales
Coordination Projets immobiliers
Financement Programmation Validation
Financement
2Portzamparc ANMA Brenac & Gonzalez Gigon / Guyer Stéphane Maupin Julien De Smedt Habiter Autrement FAA-XDGA Hondelatte & Laporte l’AUC Leclercq & Associés Marc Mimram Studio Odile Decq Kengo Kuma Thierry Beaulieu
Opérateurs
Ville de Paris Icade Paris Habitat RIVP SNI I3F BNP Paribas Immobilier SCI Macdonald Commerces (Caisse des
Architectes
Conception architecturale
dépôts et Altaréa)
Fig 54: Chronologie de la reconversion de l’entrepôt Macdonald. Source : Thomas LASSERRE, 2020 Évolution opérationnelle
Évolution foncière 31 octobre 2007
2004
Lancement de marchés d’études de définition autour du GPRU Paris Nord-Est. Ils sont remportés par l’agence Dusapin Leclecq
Lancement par la SAS ParisNordEST d’une consultation internationale d’architectes urbanistes pour le développement d’une stratégie urbaine. Quatre équipes sont invitées, dont l’agence néerlandaise OMA qui remporte l’appel d’offre
13 juillet 2006
Mise en vente par la Sovafim (Société de valorisation des actifs ferroviaires immobiliers) de l’entrepôt Macdonald 24 novembre 2006
Création de la socité par actions simplifiées ParisNordEST 1er décembre 2006
La SAS ParisNordEST se rend propriétaire de l’entrepôt Macdonald mis en vente par la Sovafim
Septembre 2014
2010
Début des permis de construire par les opérateurs. Démarrage des chantiers d’infrastructure par la SAS ParisNordEST
Début 2008
Études de faisabilité et mise au point du masterplan. Fin 2008
Choix des 15 maîtres d’œuvre par la SAS et désignation des opérateurs immobiliers La SAS met en place les workshops pour coordonner la mise au point des permis de construire
Livraison des bureaux et des équipements publics. Fin 2014
Rétrocession des équipements à la ville de Paris
Avril 2016
Ouverture des commerces Achèvement des espaces extérieurs
2012
Août 2015
Vente en VEFA des programmes de bureaux, de logements et de commerces de la SAS à 15 équipes d’opérateurs immobiliers.
13 décembre 2015
Démarrage du chantier de superstructure par les opérateurs. Livraison du volume de l’immeublepont par la SAS ParisNordEST 15 décembre 2012
Inauguration du tramway T3
Livraison des logements et du parking Inauguration de la gare Rosa Parks
histoire de reconquête des territoires les plus complexes et les plus excentrés de la capitale. En effet, la Ville de Paris lance en 2001 son Grand projet de renouvellement urbain (GPRU) qui porte l’ambition de transformer les quartiers d’habitat populaire et amorcer la mutation de grands secteurs marqués par l’industrie et les infrastructures routières et ferroviaires. La reconversion de l’entrepôt Macdonald devient alors un site à fort enjeu dans la stratégie de la ville pour la mutation du nord de la capitale.31 En 2006, l’entrepôt qui appartient à la Sovafim, la société de valorisation immobilière de la SNCF, est mis en vente par appel d’offre. De par l’importance stratégique du bâtiment pour la réalisation des projets de renouvellement urbain de la ville et pour en maîtriser la mutation, celle-ci décide de mandater la Semavip, une de ses sociétés d’économie mixte, pour monter une offre. La solution d’un montage en partenariat public-privé associant la Semavip, la Caisse des Dépôts et consignations et Icade sera choisie, dans les positions respectives d’aménageur, de financeur et de promoteur. 32 L’assemblage public-privé, à dominante publique, adopte une forme juridique strictement privée : la Société par Actions Simplifiées (SAS ParisNordEST). N’’étant pas soumise au code des marchés publics, cette organisation lui permet une plus grande réactivité et souplesse dans sa prise de décisions tout en s’assurant du respect des objectifs urbains de la Ville de Paris. De plus, la présence de promoteurs dans le groupement assure de la viabilité économique de son programme. Ainsi pour les trois partenaires, le groupement répond à leurs différents intérêts : la production de logements locatifs sociaux ou aidés dans un objectif de développement durable pour la Caisse des Dépôts et consignations, la présence garantie dans une opération d’aménagement sur un foncier stratégique pour Icade et l’intervention sur une opération d’aménagement majeure de la Ville de Paris pour la Semavip33.
: Semavip, « Macdonald, Dossier de presse », mai 2016, (http://www.semavip.fr/ sites/default/files/aha_ macdonald_dossierde-presse_2016.pdf), consulté le 23/01/2020 31
: PUCA, «Des projets négociés, entre stratégie publique et intérêts privés, site de Macdonald», Urbanisme de projets en chantier, 13 février 2015 (http://www. urbanisme-puca.gouv.fr/ IMG/pdf/monographiemacdonald-projetsnegocies.pdf), consulté le 04/06/2020 32
: Ibid. p 13
33
: Ibid. p 24
34
Ce montage permet à la SAS ParisNordEST de conduire l’ensemble des opérations de la conception à la promotion immobilière (Fig. 53). L’ensemble du bâtiment est réalisé comme une seule opération subdivisée par programme, aucune division foncière n’est opérée et les autorisations de constructions sont gérées sous la forme de plusieurs permis de construire assimilés sous le même permis chapeau introductif. La conception des différents programmes qui composent le projet est confiée à quinze équipes d’architectes et à leurs futurs opérateurs qui les s’en sont rendus propriétaires en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement). La réalisation de la quasi-totalité des programmes est assurée par Icade qui prend le rôle de « super-promoteur »34 de l’ensemble de l’opération. L’analyse du l’organisation opérationnelle de la reconversion de l’entrepôt Macdonald met en lumière l’apparition d’un nouvel acteur, illustré ici par la SAS ParisNordEST. Résultat de l’association de plusieurs acteurs de l’aménagement et de la promotion immobilière, il en cumule les compétences et a pour but la valorisation d’un patrimoine par la conception, la réalisation et la promotion d’un projet immobilier complexe. Devenu propriétaire des lieux pour le compte de la collectivité, il ne le reste que le temps de la conduite de l’opération et revend par la suite sa propriété sous la forme de divers programmes immobiliers à des opérateurs qui, pour certains, avaient pourtant les compétences pour les réaliser eux-mêmes (bailleurs sociaux, promoteurs immobiliers…) 33
L’analyse de ces trois études de cas permet d’identifier un phénomène de démultiplication et d’association des acteurs publics comme privés de l’aménagement, la construction et la promotion immobilière au sein d’un même projet. Les édifices urbains de grande échelle deviennent ainsi, par leur reconversion, des objets de spéculation pour des acteurs qui cherchent à tirer un avantage de ces grandes emprises foncières inoccupées et inaptes à être utilisées en l’état. Attirés par leur intérêts propres, l’association de ces acteurs de milieux différents naît de leur incapacité à conduire l’intégralité du projet seuls. Les pouvoir publics s’intéressent à ces édifices en raison de leur aptitude à pouvoir devenir des centralités et ainsi donner une cohérence à des projets de restructuration des tissus urbains. Mais bien souvent les moyens financiers, techniques et humains pour mener à bien des opérations d’une telle ampleur leur manque et le recours à des acteurs privés est nécessaire. Ceux-ci sont attirés par le potentiel de valorisation économique de l’opération, dont les qualités spatiales et la valeur symbolique assurent une grande médiatisation et donc de nombreux investisseurs. Articuler ces multiples intérêts dans une direction commune engendre alors une complexité opérationnelle nouvelle. La coordination de l’ensemble de ces acteurs prend la forme d’un groupement au sein duquel chacun d’entre-eux mutualisent ainsi ses compétences respectives et assurent conjointement l’organisation temporelle et financière du projet, de même que l’exécution de l’opération. Cet organisation permet, par le partage des risques, des coûts et des responsabilités dans la gestion de l’opération, de maintenir un équilibre dans la complexité du projet.
34
CONCLUSION
Par sa capacité à articuler une complexité spatiale, fonctionnelle et opérationnelle, la pratique de reconversion des édifices « de grande échelle » témoigne d’une nouvelle manière de structurer l’espace intra-urbain au regard des stratégies métropolitaines. Elle convoque à la fois l’échelle du quartier et de l’édifice à travers la transformation de « blocs » monofonctionnels fermés en assemblages multifonctionnels ouverts. Comprendre l’articulation des échelles territoriales et architecturale qui se joue au sein de ces édifices vise à connaître les principes d’organisation de la complexité dans la démarche de reconversion. Elle se manifeste à l’intérieur des bâtiments reconvertis par l’agencement compact et diversifié de fonctions ainsi que par une ouverture morphologique sur le tissu proche, amenant ces édifices à devenir de nouvelles centralités. Ces transformations participent à un phénomène d’intensification de la ville illustré par la mutation des tissus urbains et périurbains monofonctionnels en tissus urbains multifonctionnels denses et perméables à des flux multiples. Ces caractéristiques inspirent un important potentiel de valorisation qui attire de nombreux acteurs. Leur démultiplication dans la conduite du projet et la diversité de leurs intérêts engendrent une complexité opérationnelle qui se traduit par une imbrication de leurs rôles et de leurs compétences. Ces caractéristiques soulignent un changement de paradigme dans la structuration des échelles des édifices « de grande taille » et de la ville elle-même, passant d’un principe d’emboîtement par lequel une échelle en contient une autre, mais où chacune conserve son autonomie (à la manière de poupées russes), à un principe d’imbrication dans lequel les échelles s’engagent les unes dans les autres, tel le jeu de casse-tête du nœud de bois chinois consistant à séparer, puis à agréger de nouveau, des pièces de bois assemblées ensemble. Le projet architectural et urbain devient ainsi de plus en plus territorial. En planifiant la restructuration des tissus à l’échelle du territoire et en identifiant les opérations emblématiques vouées à devenir de nouvelles centralités, les enjeux métropolitains façonnent les formes urbaines contemporaines. Ils s’y traduisent jusqu’à l’intérieur même de ces centralités par la concentration d’une diversité de fonctions, ainsi que par la proximité et l’abondance des connexions au grand territoire. Les stratégies d’aménagement métropolitaines s’appuient donc de plus en plus sur les particularités locales, favorisant le rapprochement et le renforcement des interactions entre la planification et la phase opérationnelle. Mais ces principes communs d’organisation de la complexité, identifiés dans l’analyse des mutations des ensembles urbains de grande échelle, leurs sont-ils spécifiques ? Pourraient-ils être partagés par d’autres types d’opérations, témoignant alors d’un possible renouvellement de la pratique du projet, ou bien de la continuité de démarches existantes ?
35
Rien qu’en France, la volonté de faire émerger des centres urbains pluri-fonctionnels, bien desservis par les transports, n’est pas nouvelle. Les politiques des villes nouvelles des années 60 et 70 sont nées de ces principes, motivées par la nécessité de faire face à la croissance démographique et économique importante des grandes villes françaises. Dans un contexte plus contemporain, les politiques d’aménagement par ZAC et les pratiques « d’urbanisme négocié » donnent lieu elles aussi à des formes architecturales, urbaines et opérationnelles favorisant la mixité, tant sur le plan des assemblages morphologiques et fonctionnels que sur celui des associations d’acteurs à l’origine de «macro-lot». Ce travail de mémoire ouvre donc plusieurs pistes de recherche qui pourraient faire l’objet d’études à part entière, que ce soit dans le domaine de la théorie de l’architecture par l’analyse des « hybrides » contemporains par exemple, ou dans l’histoire de la ville à travers l’analyse des politiques urbaines à l’origine de la création des nouvelles centralités. Il pourraient aussi servir de fondement théorique au développement d’un PFE mention recherche, portant l’ambition d’explorer, par exemple, les différentes formes architecturales et urbaines que peuvent prendre ces assemblages complexes.
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LISTE DES FIGURES
Fig. 1 (Couverture): Cour du Midi du Grand Hôtel-Dieu de Lyon, Sergio GRAZIA pour AIA Life Designers, 2018. (https://www.aialifedesigners.fr/projet/ grand-hotel-dieu/) Fig. 2: Chantier de reconversion de l’entrepôt Macdonald, Sergio GRAZIA pour SEMAVIP, 2014. (http://www.sergiograzia.fr/fr/entrepotsmac-donalds/) Fig. 3: La filature Le Blan dans les années 1960. (http://www.larchitecturedaujourdhui.fr/aaretro-filatures-le-blan/) Fig. 4: La filature Le Blan en 1979. (https://www.an-patrimoine.org/IMG/ pdf/2015.01.29_e_real_introduction_ reconversion_patrimoine_industriel.pdf) Fig 5: L’Hôtel-Dieu de Lyon en 2009. (https://nouveaulyon.fr/2018/04/19/hoteldieu-j-8-louverture/) Fig 6: L’Hôtel-Dieu de Lyon en 2019. (https://www.aialifedesigners.fr/projet/ grand-hotel-dieu/) Fig 7: Entrepôt Macdonald dans les années 1970. (http://lba-paris.com/projet/entrepots-macdonald/) Fig 8: Entrepôt Macdonald en 2014. (http://www.sergiograzia.fr/fr/entrepotsmac-donalds/) Fig 9: Transformations morphologiques de la filature Le Blan lors de sa reconversion. Thomas LASSERRE, 2020 Fig 10: Flux de circulation entre le RDC et les étages courants. Thomas LASSERRE, 2020 Fig 11: Axonométries de la filature Le Blan en 1975. Thomas LASSERRE, 2020
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Fig 12: Axonométries éclatée de la filature en 1980. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 13: Façade Nord de la filature Le Blan. (http://www.caue-observatoire.fr/ouvrage/ la-filature-lille-59/) Fig 14: Transformations morphologiques de l’Hôtel-Dieu lors de sa reconversion. Thomas LASSERRE, 2020 Fig 15: Flux de circulation entre le RDC et les étages courants. Thomas LASSERRE, 2020 Fig 16: Axonométries de l’Hôtel-Dieu en 2010. Thomas LASSERRE, 2020 Fig 17: Axonométries éclatée de l’Hôtel-Dieu en 2019. Thomas LASSERRE, 2020 Fig 18: Ancienne cour centrale de l’HôtelDieu. (https://www.aialifedesigners.fr/wp-content/ uploads/2018/12/LYON_Grand-Hotel-Dieu. pdf) Fig 19: L’entrepôt Macdonald vue depuis l’angle de la percée centrale. ( htt p s : / / w w w. e s p a c i e l . co m / b l o g /e n / macdonalds-warehouse-the-birth-of-a-newbusiness-quarter-in-paris/) Fig 20: Axonométrie des transformations morphologiques de l’entrepôt Macdonald lors de sa reconversion. Thomas LASSERRE, 2020 Fig 21: Flux de circulation entre le RDC et les étages courants. Thomas LASSERRE, 2020 Fig 22: Axonométrie éclatée de l’entrepôt Macdonald en 2010. Thomas LASSERRE, 2020 Fig 23: Axonométrie éclatée de l’entrepôt Macdonald en 2016. Thomas LASSERRE, 2020 Fig 24: Alternance des halls d’accès aux logements et aux commerces au rez-dechaussée de l’entrepôt Macdonald. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 25: Parcellaire du contexte de la filature Le Blan en 1965. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 40: Rapports public-privés du contexte de l’Hôtel-Dieu en 2019. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 26: Bâtiments du contexte de la filature Le Blan en 1965. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 41: Parcellaire du contexte de l’entrepôt Macdonald en 2000. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 27: Fonctions du contexte de la filature Le Blan en 1965. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 42: Bâtiments du contexte de l’entrepôt Macdonald en 2000. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 28: Rapports public-privés du contexte de la filature Le Blan en 1965. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 43: Fonctions du contexte de l’entrepôt Macdonald en 2000. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 29: Parcellaire du contexte de la filature Le Blan en 2019. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 44: Rapports public-privés du contexte de l’entrepôt Macdonald en 2000. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 30: Bâtiments du contexte de la filature Le Blan en 2019. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 45: Parcellaire du contexte de l’entrepôt Macdonald en 2019. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 31: Fonctions du contexte de la filature Le Blan en 2019. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 46: Bâtiments du contexte de l’entrepôt Macdonald en 2019. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 32: Rapports public-privés du contexte de la filature Le Blan en 2019. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 47: Fonctions du contexte de l’entrepôt Macdonald en 2019. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 33: Parcellaire du contexte de l’HôtelDieu en 2000. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 48: Rapports public-privés du contexte de l’entrepôt Macdonald en 2019. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 34: Bâtiments du contexte de l’Hôtel-Dieu en 2000. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 49: Organigramme opérationnel de la reconversion de la filature Le Blan. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 35: Fonctions du contexte de l’Hôtel-Dieu en 2000. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 50: Chronologie de la reconversion de la filature Le Blan. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 36: Rapports public-privés du contexte de l’Hôtel-Dieu en 2000. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 51: Organigramme opérationnel de la reconversion du Grand Hôtel-Dieu. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 37: Parcellaire du contexte de l’HôtelDieu en 2019. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 52: Chronologie de la reconversion du Grand Hôtel-Dieu. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 38: Bâtiments du contexte de l’Hôtel-Dieu en 2019. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 53: Organigramme opérationnel de la reconversion de l’entrepôt Macdonald. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 39: Fonctions du contexte de l’Hôtel-Dieu en 2019. Thomas LASSERRE, 2020
Fig 54: Chronologie de la reconversion de l’entrepôt Macdonald. Thomas LASSERRE, 2020
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